N° 3995

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE  ([1]) CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.),

M. Jean-RenÉ Cazeneuve,

Rapporteur général,

 

et

 

M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore BERGÉ,
M. Lionel Causse, Mme CÉlia de Lavergne, Mme Cendra Motin,
M. Mickaël Nogal et M. Jean-Marc Zulesi,

Rapporteurs thématiques

——

 

 

TOME II
Commentaires des articles

 

 Voir le numéro : 3875 rect.


La commission spéciale est composée de :

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente ;

M. Antoine Herth, M. Bruno Millienne, M. Jean-Marie Sermier, Mme Huguette Tiegna, viceprésidents ;

M. Julien Aubert, Mme Valérie Petit, M. Dominique Potier, M. Hubert Wulfranc, secrétaires ;

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général ;

M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal, M. Jean-Marc Zulesi, rapporteurs thématiques ;

M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Delphine Batho, M. Thibault Bazin, Mme Valérie Beauvais, M. Thierry Benoit, M. Jean-Yves Bony, Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, M. Guy Bricout, Mme Anne-France Brunet, Mme Émilie Chalas, Mme Sylvie Charrière, M. André Chassaigne, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Bernard Deflesselles, Mme Marguerite Deprez‑Audebert, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, Mme Chantal Jourdan, M. Guillaume Kasbarian, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Yannick Kerlogot, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre, Mme Marie Lebec, Mme Sandrine Le Feur, Mme Nicole Le Peih, M. Gérard Leseul, Mme Aude Luquet, M. Mounir Mahjoubi, Mme Sandra Marsaud, M. Thierry Michels, Mme Mathilde Panot, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Claire Pitollat, M. Loïc Prud’homme, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, M. Raphaël Schellenberger, M. Denis Sommer, M. Vincent Thiébaut, M. Stéphane Travert, Mme Frédérique Tuffnell, M. Nicolas Turquois, M. Pierre Vatin, M. Pierre Venteau, M. Michel Vialay.

 

 


— 1 —

 

  SOMMAIRE

___

Pages

COMMENTAIRES DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

TITRE IER CONSOMMER

Chapitre Ier Informer, former et sensibiliser

Article 1er (article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) Affichage informant le consommateur sur les caractéristiques environnementales, ou environnementales et sociales, de biens ou de services

Article 2 (articles L. 121-8 [nouveau] et L. 312-9 du code de l’éducation) Éducation à l’environnement et au développement durable

Article 3 (article L. 421-8 du code de l’éducation) Comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement

Chapitre II Encadrer et réguler la publicité

Article 4 (articles L. 581-25-1 et L. 581-35-1 [nouveaux] et article L. 581-40 du code de l’environnement) Interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles

Article 4 bis (nouveau) (article L. 328-2 [nouveau] du code de la route) Sanctions en cas de non-respect de l’obligation de faire figurer un message sur les publicités en faveur des véhicules terrestres à moteur

Article 5 (articles 14 et 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) Codes de bonne conduite des annonceurs et médias audiovisuels

Article 5 bis (nouveau) Rapport sur l’impact environnemental des différents modes de réception de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande

Article 6 (articles L. 581-3-1 [nouveau], L. 581-6, L. 581-9, L. 581-14-2 [abrogé], L. 58118, L. 581-21, L. 581-26, L. 581-27, L. 581-28, L. 581-29, L. 581-30, L. 58131, L. 581-32, L. 581-33, L. 581-34, L. 581-35 et L. 581-40 du code de l’environnement ; article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales) Pouvoir de police de la publicité confié au maire

Article 7 (articles L. 581-14-4 [nouveau] et L. 581-27 du code de l’environnement) Possibilité pour le règlement local de publicité d’encadrer les publicités à l’intérieur des vitrines

Article 8 (articles L. 581-15 et L. 581-26 du code de l’environnement) Interdiction des avions publicitaires

Article 9 (article L. 541-15-15 du code de l’environnement) Expérimentation d’un dispositif « Oui pub »

Article 10 (article L. 541-15-10 du code de l’environnement) Interdiction de la distribution d’échantillons aux consommateurs sans demande expresse de leur part

Chapitre III Accélérer le développement de la vente en vrac et de la consigne du verre

Article 11 Surface consacrée à la vente en vrac dans les commerces

Article 12 (article L. 541-10-11 du code de l’environnement) Généralisation de la consigne des emballages en verre

TITRE II Produire et travailler

Chapitre Ier Verdir l’économie

Article 13 (articles L. 11141 [nouveau], L. 1115, L. 13121 [nouveau], L. 22467, L. 224112 [nouveau], L. 24247, L. 24249 [nouveau] et L. 5116 du code de la consommation) Mise à disposition de pièces détachées pour certaines catégories de produits

Article 14 (article L.111-6 du code de la recherche)  Cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale bas carbone et avec la stratégie nationale pour la biodiversité

Article 15 (articles L. 21112, L. 21113, L. 21122, L. 2152-7, L. 2312-1, L. 2312-1-1 [nouveau], L. 2352-1 et L. 2352-2 [nouveau] du code de la commande publique) Renforcer les clauses et les critères environnementaux  dans les marchés publics

Chapitre II Adapter l’emploi à la transition écologique

Article 16 (articles L. 2241-12, L. 2242-20, L. 2312-8, L. 2312-17, L. 2312-22, L. 231594, L. 23161, L. 23162 du code du travail, article L. 1429 du code monétaire et financier et article L. 534321 du code des transports) Prise en compte des enjeux de la transition écologique dans la GPEC et lors de l’informationconsultation du CSE

Article 16 bis (nouveau) (articles L. 231218, L. 231221, L. 231223, L. 231236, L. 231563, L. 2315871 [nouveau], L. 231589, L. 2315911 [nouveau] et L. 33416 du code du travail) Renforcement de l’information et de la formation des membres du CSE ainsi que du rôle de l’expertcomptable en matière environnementale

Article 17 (article L. 6123-3 du code du travail) Modification de la gouvernance des CREFOP afin de mieux prendre en compte les enjeux liés à la transition écologique

Article 18 (article L. 6332-1 du code du travail) Rôle des OPCO dans l’accompagnement des entreprises sur les enjeux relatifs à la transition écologique

Article 18 bis (nouveau) (article L. 62114 du code du travail) Rôle des chambres de commerce et d’industrie dans la formation des salariés et des entreprises aux conséquences environnementales du numérique

Chapitre III Protéger les écosystèmes et la diversité biologique

Article 19 (article L. 210-1 du code de l’environnement) Garantir et préserver l’ensemble des hydrosystèmes

Article 19 bis (nouveau) Renforcer la protection des ressources en eau souterraine stratégiques

Article 20 (articles L. 161-1, L. 163-6, L. 163-9, L. 171-3 [nouveau] et L. 661-3 du code minier) Renforcer l’encadrement des travaux miniers et de leur arrêt

Article 20 bis (nouveau) (articles L. 113-1 et L. 113-2 [nouveaux] du code minier) Créer un Conseil national des mines

Article 20 ter (nouveau) (article L. 511-1 du code minier) Habiliter les agents de l’OFB et de l’ONF à constater les infractions au code minier sur tout le territoire de la Guyane

Article 20 quater (nouveau) (articles L. 512-1, L. 512-2 et L. 621-8-3 du code minier) Renforcer les sanctions prévues par le code minier

Article 20 quinquies (nouveau) (article L. 621-8 du code minier) Étendre le report du début de la garde à vue, autorisé en Guyane, à l’ensemble des infractions au code minier

Article 21 Habilitation du Gouvernement à réformer par ordonnance le code minier

Chapitre IV Favoriser des énergies renouvelables

Article 22 (articles L. 141-3 et L. 141-5-1 [nouveau] du code de l’énergie, articles L. 4251-1 et L. 4251-2 du code général des collectivités territoriales et article L. 222-1 du code de l’environnement) Décliner les objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables au niveau régional

Article 22 bis (nouveau) Ratification d’ordonnances dans le domaine de l’énergie

Article 23 (article L. 141-2 du code de l’énergie) Développement des énergies renouvelables citoyennes

Article 24 (article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme) Abaisser le seuil de l’obligation d’installer du photovoltaïque ou des toits végétalisés sur les bâtiments professionnels et entrepôts

TITRE III SE DÉPLACER

Chapitre Ier Promouvoir les alternatives à la voiture individuelle et la transition vers un parc de véhicules plus respectueux de l’environnement

Section 1 Dispositions de programmation

Article 25 (article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités) Objectif de commercialisation de voitures neuves fortement émettrices de CO2 à l’horizon 2030

Section 2 Autres dispositions

Article 26 (article L. 1214-2 du code des transports et article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales) Incitations au développement de parkings relais ainsi qu’à la mise en place de stationnements sécurisés pour vélos et engins de déplacement personnel

Article 27 (articles L. 2213-4-1 et L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales) Création et mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité

Article 27 bis (nouveau) Rapport sur la circulation des véhicules de collection dans les zones à faibles émissions mobilité

Article 28 Obligation d’expérimenter la création de voies réservées à proximité des zones à faibles émissions mobilité

Article 29 (articles L. 1241-2 et L. 2121-3 du code des transports) Mesures de tarification attractive des trains régionaux

Chapitre II Améliorer le transport routier de marchandises et réduire ses émissions

Section 1 Dispositions de programmation

Article 30 Objectif de suppression de l’avantage fiscal dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur le carburant à l’horizon 2030

Section 2 Autres dispositions

Article 31 (article L. 3314-1 du code des transports et article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement) Formation à l’éco-conduite des conducteurs routiers professionnels

Article 32 Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour mettre en place une contribution régionale sur le transport routier de marchandises

Article 33 (article L. 225-102-1 du code de commerce et article L. 229-25-1 [nouveau] du code de l’environnement) Prise en compte des émissions liées au transport dans la déclaration annuelle de performance extra-financière

Chapitre III Mieux associer les habitants aux actions des autorités organisatrices de la mobilité

Article 34 (article L. 1231-5 du code des transports) Composition et consultation du comité des partenaires des autorités organisatrices de la mobilité

Chapitre IV Limiter les émissions du transport aérien et favoriser l’intermodalité entre le train et l’avion

Section 1 Dispositions de programmation

Article 35 Objectif de fixation d’un prix du carbone suffisant pour le transport aérien à l’horizon 2025

Section 2 Autres dispositions

Article 36 A (nouveau) Demande de rapport au Gouvernement sur la tarification des billets d’avion

Article 36 (article L. 6412-3 du code des transports) Interdiction des vols réguliers en cas d’alternative en train d’une durée de moins de deux heures trente

Article 37 (article L. 122-2-1 [nouveau] du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) Impossibilité de déclaration d’utilité publique en cas de construction ou d’extension d’aérodrome

Article 38 (section 7 [nouvelle] du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement) Mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien à l’intérieur du territoire national

TITRE IV SE LOGER

Chapitre Ier Rénover les bâtiments

Article 39 (article L. 173-1-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) Assise législative donnée aux étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE)

Article 39 bis (nouveau) (articles L. 126-26 et L. 126-33 du code de la construction et de l’habitation) Coordinations juridiques tirant les conséquences de la réforme du DPE

Article 39 ter (nouveau) (article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation)  Définition de la rénovation performante

Article 39 quater (nouveau) (article L. 300-3 du code de la construction et de l’habitation) Ajout de données sur les rénovations énergétiques dans le rapport biannuel sur la situation du logement

Article 39 quinquies (nouveau) (article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation) Informations relatives aux conditions d’aération ou de ventilation dans le DPE

Article 40 (articles L. 126-28, L.126-8-1 [nouveau], L. 126-29, L. 126-31, L. 271-4, L. 731-1 du code de la construction et de l’habitation , article 24-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, articles 17, 20 et 22 de la loi  20191147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat) Généralisation du DPE collectif et simplification des obligations d’audits énergétiques

Article 41 (articles 17, 17-1, 17-2, 18, 25-3, 25-9 et 25-12 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi  861290 du 23 décembre 1986, article L. 321-11-1 du code de la construction et de l’habitation, article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) Interdiction de la hausse des loyers des passoires énergétiques

Article 42 (articles 6 et 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Renforcement de la lutte contre les passoires énergétiques en intégrant à compter de 2028 les passoires énergétiques dans le dispositif « logement indécent »

Article 42 bis (nouveau) (article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) Possibilité pour le locataire d’effectuer des travaux de rénovation énergétique

Article 43 (articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de l’énergie, article L. 222-2 du code de l’environnement, article 27 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) Extension des missions attribuées au service public de la performance énergétique de l’habitat et déploiement d’un réseau harmonisé de guichets

Article 44 (articles 10, 14-1, 14-2, 14-2-1 [nouveau], 18, 18-1 A, 19-2, 24-4, 29-1 A, 4115 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, articles L. 253-1-1, L. 44314-2, L. 721-2, L. 731-1, L. 731-2, L. 7313 [abrogé] du code de la construction et de l’habitation, article 31 du code général des impôts, article 2374 du code civil, article 3 de la loi  709 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce) Obligation de réalisation d’un projet de plan pluriannuel de travaux et modifications apportées au fonds de travaux

Article 44 bis (nouveau) (article 685-2 [nouveau] du code civil) Instauration d’un droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur

Article 45 Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l’harmonisation des références de classes de DPE ainsi que les mesures nécessaires pour créer une police administrative du contrôle des règles de la construction

Article 45 bis (nouveau) (article L. 173-2 du code de la construction et de l’habitation, articles 18 et 23-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi  861290 du 23 décembre 1986, article 5 de la loi n° 2015992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 25 de la loi n° 20191147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat) Inscription « en dur » des dispositions de coordinations juridiques liées à la nouvelle assise législative du DPE

Article 45 ter (nouveau) Ratification de l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation

Article 45 quater (nouveau) (article L. 1741 du code de la construction et de l’habitation) Élargissement du champ des bâtiments soumis aux obligations « tertiaires »

Chapitre II Diminuer la consommation d’énergie

Article 46 (article L. 2222-1-1 A [nouveau] du code général de la propriété des personnes publiques) Diminuer la consommation d’énergie superflue

Chapitre III Lutter contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles d’urbanisme

Section 1  Dispositions de programmation

Article 47 Programmation nationale de l’effort de réduction de l’artificialisation

Section 2  Autres dispositions

Article 48 (article L. 101-2 du code de l’urbanisme) Intégration parmi les principes généraux du droit de l’urbanisme d’un  objectif de réduction de l’artificialisation des sols

Article 49 (articles L. 4251-1, L. 4424-9 et L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales ; articles L. 123-1, L. 141-3, L. 141-8, L. 151-5, L. 151-9 et L. 161-3 du code de l’urbanisme) Insertion dans les documents d’urbanisme régionaux et territoriaux d’un objectif de réduction de moitié de l’artificialisation des sols et conditionnement de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs

Article 49 bis (nouveau) (article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation ; articles L. 132-6, L. 312-1 et L.324-1 du code de l’urbanisme ; article L.5219-1 du code général des collectivités territoriales ; article 16 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) Création obligatoire d’observatoires de l’habitat et du foncier dans les intercommunalités dotées d’un programme local de l’habitat

Article 49 ter (nouveau) (article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation) Obligation de se doter d’un programme local de l’habitat (PLH) pour les intercommunalités répondant à certaines caractéristiques

Article 49 quater (nouveau) (article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales) Participation du président du SCoT à la conférence territoriale de  l’action publique (CTAP)

Article 49 quinquies (nouveau) Création du contrat de sobriété foncière

Article 50 (article L. 2231-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) Présentation d’un rapport local annuel sur l’artificialisation des sols

Article 50 bis (nouveau) Création d’un rapport décennal d’évaluation de la stratégie de lutte  contre l’artificialisation

Article 51 (article L. 312-4 du code de l’urbanisme) Insertion d’une densité minimale de constructions dans les grandes opérations d’urbanisme

Article 51 bis (nouveau) (article L. 300-1 du code de l’urbanisme) Création d’une étude préalable de densification pour les opérations d’aménagement faisant l’objet d’une évaluation environnementale

Article 52 (article L. 752-6 du code de commerce) Encadrement des modalités d’octroi de l’autorisation d’exploitation commerciale des projets engendrant une artificialisation des sols

Article 52 bis (nouveau) (article L. 141-6 du code de l’urbanisme) Planification obligatoire, dans le document d’aménagement artisanal et commercial du SCoT, de l’implantation d’entrepôts logistiques

Article 53 (articles L. 318-8-1 [nouveau], L. 318-8-2 [nouveau], L. 300-1 et L. 300-8 [nouveau] du code de l’urbanisme ; article 6 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de copropriétaires) Enrichissement des moyens de connaissance des zones d’activité économique et d’intervention dans les zones d’activité en obsolescence urbaine

Article 53 bis (nouveau) (article L. 111-26 [nouveau] du code de l’urbanisme) Définition de la friche

Article 54 (articles L. 122-1-1 [nouveau] et L. 126-35-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) Institution de deux études du potentiel de changement de destination et d’évolution futurs du bâtiment

Article 54 bis (nouveau) (article L. 126-34, L. 126-35 et L. 181-1 du code de la construction et de l’habitation) Dispositions de coordination avec les dispositions de la loi AGEC

Article 55 Habilitation à prendre une ordonnance pour adapter les outils d’urbanisme dans le sens de la rationalisation de l’utilisation des sols

Chapitre IV Lutter contre l’artificialisation des sols pour la protection des écosystèmes

Article 56 (article L. 110-4 [nouveau] du code de l’environnement) Intégration dans le code de l’environnement de la stratégie nationale décennale des aires protégées

Article 56 bis (nouveau) (article L. 363-1 [nouveau] du code de l’environnement) Limitation de l’accès aux espaces protégés par un arrêté motivé

Article 56 ter (nouveau) Prorogation de certains décrets de classement de parcs naturels régionaux

Article 57 (article L. 215-4-1 [nouveau] du code de l’environnement) Rétablissement de la possibilité pour le département d’exercer le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles sur les périmètres sensibles et validation des actes réglementaires intervenus dans ce sens depuis 2016

Article 57 bis (nouveau) (article L. 215-14 du code de l’urbanisme) Octroi d’un droit de visite du bien pour le titulaire du droit de préemption des espaces naturels sensibles

Article 57 ter (nouveau) (articles L. 161-10 et L. 161101 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime, article L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques) Interdiction de la décision administrative de désaffectation d’un  chemin rural utilisé par le public et précision des conditions de l’échange des parcelles sur lesquelles sont sis les chemins ruraux

Chapitre V Adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique

Article 58 A (nouveau) (article L. 125-5 du code de l’environnement ; articles L. 271-4 et 271-5 du code de la construction et de l’habitation ; article 3-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) Adaptation du dispositif d’information acquéreur locataire pour les biens exposés au déplacement du trait de côte

Article 58 B (nouveau) (article L. 321-15 [nouveau] du code de l’environnement) Identification par décret des communes exposées à l’érosion littorale

Article 58 C (nouveau) (article L. 562‑4‑1 du code de l’environnement) Articulation des documents d’urbanisme avec les dispositions des  plans de prévention des risques littoraux (PPRL)

Article 58 D (nouveau) (article L. 4433-7-2 du code général des collectivités territoriales) Dispositions de coordination pour les communes exposées au recul du trait de côte dans les régions d’outre-mer

Article 58 E (nouveau) (articles L. 121-19, L. 121-21, L. 121-22-1 à L. 121-22-12 [nouveaux] et L. 121-45 du code de l’urbanisme) Adaptation des documents d’urbanisme et des règles d’utilisation des sols des communes les plus exposées à l’érosion littorale et dispositions relatives à la réalisation et au financement de travaux d’office

Article 58 F (nouveau) (articles L. 133-1, L. 133-2, L. 133-4, L. 141-13,  L. 151-5, L. 151-7, L. 151-27 et L. 151-41 du code de l’urbanisme) Adaptations des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme des communes exposées à l’érosion littorale

Article 58 G (nouveau) (articles L.  210-1 et L. 219-1 à L. 219-13 [nouveaux] du code de l’urbanisme) Création d’un droit de préemption spécifique et prioritaire pour les  biens exposés à l’érosion littorale

Article 58 H (nouveau) (articles L. 321-1 et L. 324-1 du code de l’urbanisme) Intégration aux compétences des établissements publics fonciers de la contribution à la politique de protection contre le recul du trait de côte

Article 58 I (nouveau) (articles L. 421-5-1 et L. 421-5-2 [nouveaux], L. 421-8, L. 421-9, L. 425-15-1 [nouveau], L. 462-1, L. 462-2 et L. 480-4 du code de l’urbanisme) Régime dérogatoire applicable aux constructions et démolitions dans les zones exposées au recul du trait de côte

Article 58 Habilitation à prendre une ordonnance pour adapter les territoires littoraux aux effets du déplacement du trait de côte

TITRE V SE NOURRIR

Chapitre Ier Soutenir une alimentation saine et durable pour tous peu émettrice de gaz à effet de serre

Article 59 (articles L. 230-5-6 et L. 230-5-6-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Expérimentation d’un choix végétarien quotidien dans la restauration collective publique

Article 59 bis (nouveau) (article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime) Exclusion, en restauration publique, des denrées alimentaires issues de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d’animaux

Article 59 ter (nouveau) (article L. 534-1 [nouveau] du code de l’éducation) Modulation des tarifs de restauration scolaire

Article 59 quater (nouveau) Expérimentation, en restauration collective publique, d’une solution de réservation des repas

Article 60 (articles L. 230-5-1, L. 230-5-2, L. 230-5-3 et L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime) Extension à la restauration collective privée de l’obligation d’améliorer la qualité des repas servis

Article 60 bis (nouveau) Rapports du Gouvernement sur l’instauration d’un « chèque alimentation durable »

Article 61 (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime et article L. 3231-1 du code de la santé publique) Codification d’une stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat

Chapitre II Développer l’agroécologie

Section 1 Dispositions de programmation

Article 62 Présentation d’un rapport relatif à l’instauration d’une redevance sur les engrais azotés minéraux conditionnée à la trajectoire de réduction des émissions de protoxyde d’azote (N2O) et d’ammoniac (NH3)

Section 2 Autres dispositions

Article 63 Définition par décret d’une trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac du secteur agricole

Article 63 bis (nouveau) (article L. 110-5 [nouveau] du code de l’environnement) Codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée

Article 64 (article 59 quindecies [nouveau] du code des douanes) Instauration d’un partage des données sur la politique nationale de lutte contre la déforestation importée

Article 64 bis (nouveau) Exemplarité des approvisionnements de l’État en matière de lutte contre la déforestation importée

Article 64 ter (nouveau) Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée

Article 65 (article L. 4 du code rural et de la pêche maritime) Compatibilité du plan stratégique national avec les stratégies nationales en matière d’environnement

Article 66 (article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises)  Réforme du fonctionnement du label « équitable »

Article 66 bis (nouveau) (article L. 640-2-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Définition des labels privés pour les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer

TITRE VI RENFORCER LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L’ENVIRONNEMENT

Article 67 (articles L.17331 [nouveau] et L. 54146 du code de l’environnement et article L. 12525 du code des transports) Création d’un délit de mise en danger de l’environnement

Article 68  (articles L. 1721, L. 173‑3 et L. 1738 et titre III [nouveau] du livre II du code de l’environnement) Renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution et création du délit d’écocide

Article 69 (articles L. 231‑4 et L. 2315 [nouveaux] du code de l’environnement) Possibilité d’imposer la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction

Article 70 (nouveau) (articles L. 21811, L. 21834, L. 21848, L. 21864, L. 21873, L. 33126, L. 33225, L. 34119, L. 41531, L. 4367, L. 43616, L. 43722 et L. 7135 du code de l’environnement) Relèvement du montant des amendes pour certaines infractions en matière environnementale

Article 71 (nouveau) (articles L. 5011 et L. 5012 [nouveaux] du code de l’environnement) Création du bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels

Article 72 (nouveau) (article L. 541441 du code de l’environnement) Renforcement de la lutte contre les dépôts sauvages

Article 73 (nouveau) Rapport sur l’application des dispositions des articles 67 et 68 de la loi et sur celles introduites par les articles 15 à 20 de la loi  du 24 décembre 2020

Article 74 (nouveau) Rapport sur l’action du Gouvernement en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales

Article 75 (nouveau) Rapport sur la recodification à droit constant des infractions relatives à l’environnement

 


—  1  —

   COMMENTAIRES DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

TITRE IER
CONSOMMER

Chapitre Ier
Informer, former et sensibiliser

Article 1er
(article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage
et à l’économie circulaire)
Affichage informant le consommateur sur les caractéristiques environnementales, ou environnementales et sociales, de biens ou de services

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 1er du projet de loi vise à rendre obligatoire, à l’issue d’expérimentations, un affichage environnemental, ou social et environnemental, pour certaines catégories de biens ou de services, dont la liste sera fixée par décret.

I.   Le droit en vigueur

Le « Grenelle de l’environnement » (2007) et les deux lois qui en ont découlé ont introduit un droit à l’information environnementale pour les consommateurs. La loi « Grenelle I » du 3 août 2009 ([2]) dispose que les consommateurs doivent disposer d’une information environnementale « sincère, objective et complète », la mention des impacts environnementaux devant être développée progressivement. La loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010 ([3]) a prévu une phase d’expérimentation de l’affichage environnemental, ce dispositif consistant à « informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage, ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l’impact sur les milieux naturels qui sont imputables [aux produits] au cours de leur cycle de vie ».

La loi prévoyait qu’à l’issue de cette expérimentation, une généralisation de l’affichage environnemental pourrait intervenir. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a donc lancé une expérimentation en 2011-2012, puis a piloté l’élaboration d’un cadre technique pour l’affichage environnemental, mais cette expérimentation n’a pas été suivie d’une généralisation du dispositif, qui est donc demeuré facultatif. Cinq secteurs pilotes se sont engagés volontairement à mettre en œuvre cet affichage sur leurs produits ou services : les produits électroniques, l’hôtellerie, les produits alimentaires, l’habillement et l’ameublement.

Selon les informations communiquées par l’ADEME à la rapporteure, cet affichage volontaire concerne aujourd’hui une trentaine de catégories de produits, parmi lesquels les téléphones portables et les meubles. Une base de données de l’ADEME est mise gratuitement à la disposition des entreprises qui souhaitent procéder à l’affichage environnemental de leurs produits, ainsi que des consommateurs depuis 2014. L’affichage ainsi pratiqué consiste en un « score » inscrit sur un logo et exprimé par une lettre (A, B, C, D ou E) caractérisant l’impact environnemental du produit, lettre parfois accompagnée d’indicateurs complémentaires sous forme de pictogrammes ou de mentions.

L’affichage environnemental n’est pas un label : un label est destiné à distinguer les meilleurs produits au sein d’une catégorie, tandis qu’un affichage environnemental conduit à attribuer une note à tous les produits d’une catégorie, les « bons » comme les « mauvais », afin de rendre possible une comparaison de l’ensemble de ces produits.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a visé à renforcer cette démarche en imposant aux producteurs qui réalisent volontairement une communication ou une allégation environnementale concernant leurs produits d’informer les consommateurs sur les principales caractéristiques environnementales de ces produits, en vue d’objectiver ces allégations. L’objectif poursuivi était de lutter contre les pratiques abusives de « verdissement » des conditions de production de certains produits (« greenwashing »). Aucune mesure d’application n’a cependant été prise sur le fondement de cette disposition de la LTECV.

La « Feuille de route pour l’économie circulaire » présentée par le Gouvernement en avril 2018 comportait l’engagement d’étendre à de nouveaux secteurs le dispositif d’affichage environnemental volontaire, afin d’inciter les fabricants à l’écoconception de leurs produits.

L’article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi dite « AGEC ») a, à son tour, prévu un dispositif volontaire, mais encadré, d’affichage environnemental ou d’affichage social et environnemental, ayant pour objet d’informer les consommateurs sur les caractéristiques d’un bien, d’un service ou d’une catégorie de biens ou de services, cette information devant être « basée principalement sur une analyse du cycle de vie » (ACV). La mise en place de cet affichage facultatif est prévue par étapes puisque l’article 15 dispose :

– qu’une expérimentation sera menée pendant dix-huit mois à compter de la publication de la loi AGEC « afin d’évaluer différentes méthodologies et modalités d’affichage environnemental ou environnemental et social » ;

– qu’à l’issue de cette expérimentation un bilan de celle-ci sera transmis au Parlement et que ce bilan comprendra une étude de faisabilité et une évaluation socio-économique de ces dispositifs ;

– que, sur la base de ce bilan, plusieurs décrets définiront la méthodologie et les modalités d’affichage environnemental ou environnemental et social s’appliquant aux catégories de biens et services concernés ;

– qu’ensuite seulement, les « personnes privées ou publiques qui souhaitent mettre en place cet affichage environnemental » ou environnemental et social le feront en se conformant à ces décrets, « par voie de marquage, d’étiquetage, ou par tout autre procédé approprié, notamment par une dématérialisation fiable, mise à jour et juste des données ».

La loi AGEC ayant été publiée le 11 février 2020, l’expérimentation, qui est en cours sous l’égide de l’Agence de la transition écologique (ADEME), devrait s’achever en août 2021. Selon les informations communiquées à la rapporteure par l’ADEME et les services du ministère de la transition écologique, l’ADEME pilote, d’une part, une expérimentation sur les produits alimentaires (depuis septembre 2020) conjointement avec les services du ministère de la transition écologique et les services du ministère de l’agriculture et de l’alimentation et, d’autre part, des expérimentations sur des produits non alimentaires et des services (textile, ameublement, hôtellerie, produits électroniques). Selon le rapport d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale sur la mise en application de la loi AGEC présenté en septembre 2020 ([4]), le bilan de l’expérimentation prévue par la loi devrait être transmis au Parlement en décembre 2021.

L’article 15 de la loi AGEC dispose enfin que le dispositif facultatif d’affichage environnemental devra devenir obligatoire si le droit communautaire évolue en ce sens, « prioritairement pour le secteur du textile d’habillement » et « dans des conditions relatives à la nature des produits et à la taille de l’entreprise définies par décret ». Selon le rapport d’information précité, ce décret devrait être publié le 1er janvier 2023. Dans le cadre de l’expérimentation en cours, l’étude d’impact du projet de loi indique que « le secteur du textile est le secteur particulièrement encouragé à s’engager dans cette démarche ».

Des réflexions sont en cours au niveau européen, sur la base d’orientations proposées le 11 mars 2020 par la Commission européenne dans son deuxième plan d’action pour une économie circulaire afin, notamment d’améliorer l’information environnementale sur les produits. La Commission européenne prévoit de proposer au législateur européen de réviser les textes européens en vigueur, notamment pour élargir le champ de la directive 2009/125/CE du Parlement et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie ([5]).

Les travaux européens basés sur le « PEF » (Product Environmental Footprint)

Deux réglementations européennes sont applicables en matière d’information environnementale au sens large : l’« étiquette énergie » (règlement du 4 juillet 2017 ([6])) et l’écolabel européen (règlement du 25 novembre 2009 ([7])). La première, obligatoire pour tous les produits des catégories visées, indique la performance énergétique des appareils électroménagers dans leur phase d’utilisation. Le deuxième, d’utilisation volontaire, distingue, grâce à l’apposition d’un logo officiel accordé après certification, les meilleurs produits pour l’environnement au sein d’une catégorie.

En revanche, il n’existe pas de réglementation européenne concernant l’affichage environnemental au sens de la loi AGEC (information environnementale quantifiée, basée sur une approche ACV, sur tous les produits d’une catégorie visée). La Commission européenne (inspirée, en partie, par l’approche française) a lancé, en 2013, des travaux pour mettre en place des méthodologies de calcul des impacts environnementaux des produits (méthodologies dites « PEF », pour « Product environmental footprint »). Dans le cadre d’une première phase expérimentale (2013-2018), à laquelle ont participé des acteurs français publics et privés, une vingtaine de référentiels a été établie (relatifs aux détergents, aux batteries, aux panneaux photovoltaïques, aux pâtes, au vin etc.). Les travaux continuent, notamment dans le secteur textile. Les méthodologies « PEF » sont multicritères (consommation d’eau, impact sur la qualité de l’eau, consommation d’autres ressources naturelles…) et les critères utilisés diffèrent selon les catégories de produits.

Par ailleurs, la Commission européenne devrait proposer, cette année, un projet de législation visant à mettre en place un encadrement officiel des allégations environnementales basé sur les méthodes PEF ; l’information environnementale ne serait pas obligatoire mais, pour les acteurs qui décideraient de l’afficher, elle devrait se conformer au cadre réglementaire européen. Le ministère de la transition écologique a indiqué à la rapporteure que le Gouvernement soutient cette démarche.

La Commission européenne envisage également de proposer une révision de la législation générale relative aux droits des consommateurs afin notamment de renforcer la lutte contre « l’éco-blanchiment » (« greenwashing ») et la disponibilité d’informations de qualité sur certaines caractéristiques « circulaires » des produits telles que la durée de vie, la réparation etc.

S’agissant de l’affichage social, prévu par la loi AGEC mais non défini précisément à ce stade, le ministère de la transition écologique a indiqué à la rapporteure qu’une mission a été confiée par le Gouvernement à France Stratégie pour organiser une expérimentation spécifique, dont le bilan sera remis à la fin de l’année 2021.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 1er du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l’article 15 de la loi AGEC, visant à rendre obligatoire le dispositif d’affichage pour certaines catégories de biens et de services, dont la liste sera fixée par décret. Ce faisant, le projet de loi va plus loin que ce qu’avait préconisé la Convention citoyenne pour le climat (cf. infra).

Le dispositif demeure basé sur une période d’expérimentation préalable, mais dont la durée maximale est portée à cinq ans à partir de la publication de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. « Au vu des résultats observés au terme [de cette] phase d’expérimentation », la méthodologie à utiliser et les modalités d’affichage seront définies par décret pour chaque catégorie de biens et services concernés. L’affichage demeurera facultatif pour les autres biens et services.

Auditionné par la rapporteure, le président de l’ADEME a souligné la grande complexité de l’élaboration d’une méthodologie et les délais indispensables pour aboutir à ce que cette méthodologie soit scientifiquement « robuste », justifiant la durée de cinq ans prévue par le projet de loi. Le ministère de la transition écologique a précisé que ce délai allongé permettra à différents secteurs de lancer des expérimentations lorsqu’ils seront prêts et selon des temporalités différentes.

Une modification importante par rapport à la rédaction issue de la loi AGEC est l’obligation, pour cet affichage, de faire « notamment ressortir, de façon facilement compréhensible pour les consommateurs, l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre des biens et services sur l’ensemble de leur cycle de vie ». Les émissions de gaz à effet de serre constitueront donc une caractéristique obligatoirement présentée, mais pas la seule. Quelle que soit la catégorie de biens ou de services concernée, l’affichage environnemental sera multicritères, en cohérence avec les réflexions en cours au niveau européen. Selon les informations communiquées par le ministère de la transition écologique, il pourra, par exemple, si cela est pertinent pour un produit ou une catégorie de produits, être tenu compte de la problématique de la déforestation importée.

Il restera possible d’opter soit pour un marquage, soit pour un étiquetage, soit pour « tout autre procédé approprié, y compris par voie électronique », mais le projet de loi dispose que pour les produits et services pour lesquels l’affichage aura été rendu obligatoire, un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, définira « les critères permettant de déterminer les biens ou les services présentant l’impact le plus important de leur catégorie en termes d’émissions de gaz à effet de serre » et précisera « les modalités retenues pour en informer les consommateurs ». L’accent est donc mis, conformément à la proposition de la Convention citoyenne, sur l’impact sur le dérèglement climatique lié aux émissions de GES.

Une autre modification importante introduite par l’article 1er est la suppression de la condition liée à l’adoption de règles européennes nouvelles : le caractère obligatoire de l’affichage environnemental pour certaines catégories de biens et de services qui sera conféré par décret à l’issue de l’expérimentation n’est plus subordonné à une évolution de la législation européenne.

L’étude d’impact du projet de loi indique que l’article 1er « n’induit pas d’impact environnemental directement quantifiable, mais contribuera à l’atteinte des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre en permettant aux citoyens d’être mieux informés sur les impacts environnementaux et à faire des choix plus vertueux ». Comme l’article 15 de la loi AGEC, cette disposition a pour double objectif d’apporter une information plus complète aux consommateurs et de permettre aux entreprises de mettre en valeur leurs démarches de réduction de l’impact de leurs produits sur l’environnement, ce qui, selon l’étude d’impact, « peut devenir un argument de vente important », même si certaines entreprises pourraient « subir des dépréciations selon les scores obtenus » du fait de la prise de conscience, par les consommateurs, des externalités négatives de certains produits. À ce stade, il n’est pas prévu de sanctions spécifiques pour non‑respect de l’obligation d’affichage environnemental.

Le président de l’ADEME a souligné lors de son audition, à l’instar des fédérations professionnelles directement concernées et des organisations non gouvernementales (ONG) environnementales, que si les méthodes d’évaluation basées sur l’ACV sont désormais éprouvées, l’ACV ne suffit pas à mesurer complètement l’impact environnemental d’un produit ou d’un service, pas plus qu’un critère unique basé sur les émissions de GES. En particulier, l’ACV, bien qu’étant désormais scientifiquement établie et étayée au niveau international, n’est pas adaptée à l’évaluation de l’impact environnemental des produits agricoles car certains impacts ne sont pas pris en compte dans les modèles et bases de données existantes (impact d’une production sur la biodiversité, prise en compte de l’utilisation de pesticides…).

La nécessité d’une approche multicritères a été soulignée par tous les acteurs auditionnés, et la rapporteure souhaite donc qu’une pluralité des critères soit plus explicitement prévue dans le texte et qu’une disposition spécifique prévoit la prise en compte de toutes les externalités environnementales évaluées scientifiquement pour les produits agricoles, sylvicoles et alimentaires. La rapporteure propose également que l’évaluation de chaque expérimentation soit rendue publique.

La Convention citoyenne pour le climat (CCC), considérant que l’affichage de l’impact environnemental d’un produit est un levier important d’information et de sensibilisation du consommateur, a proposé de « développer puis mettre en place un score carbone sur tous les produits de consommation et les services » (proposition C1.1) en rendant obligatoire l’affichage des émissions de gaz à effet de serre (GES). La transcription légistique proposée consistait à compléter l’article 15 de la loi AGEC par la phrase « Cet affichage environnemental devra faire ressortir de façon claire et facilement compréhensible pour les consommateurs l’impact carbone des produits sur l’ensemble de leur cycle de vie ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS2182 de M. Gérard Leseul (Soc) visant à ce que l’information fournie par l’affichage prévu à l’article 1er porte sur l’impact environnemental et non sur les caractéristiques environnementales des biens et services.

Elle a également adopté l’amendement CS3633 rectifié de la rapporteure visant à indiquer plus clairement que cet impact environnemental est loin de se résumer à ses émissions de gaz à effet de serre et doit inclure aussi, en particulier, les atteintes à la biodiversité et la consommation de ressources naturelles.

Les amendements identiques CS 2351 de Mme Nathalie Sarles (LaREM) et CS4607 de M. Jean-Charles Colas-Roy (LaREM) ont introduit l’exigence que l’affichage environnemental soit visible ou accessible par le consommateur au moment de l’acte d’achat. La commission spéciale a également adopté l’amendement CS503 de M. Jacques Marilossian (LaREM) visant à exiger que l’affichage soit fiable.

À l’initiative de la rapporteure, la commission spéciale a distingué le cas des produits agricoles, sylvicoles et alimentaires, dont l’affichage devra prendre en compte l’ensemble des externalités environnementales, qu’elles soient positives ou négatives (amendement CS4704 rectifié). L’usage public de cet affichage ne sera possible que lorsqu’il aura été validé scientifiquement à la suite de la phase d’expérimentation.

La rapporteure a proposé de rendre publique l’évaluation de chaque expérimentation, en complément de sa transmission au Parlement, et la commission spéciale a adopté cet amendement CS3813, ainsi qu’un amendement rédactionnel CS3808.

Enfin, s’agissant du décret en Conseil d’État qui viendra, pour les biens et services dont l’affichage environnemental aura été rendu obligatoire, définir les critères permettant de savoir quels produits présentent l’impact le plus important, la commission spéciale a adopté l’amendement CS1328 de M. Thierry Michels (LaREM) visant à ce que cet impact ne soit pas apprécié seulement en termes d’émissions de gaz à effet de serre mais en tant qu’impact global sur l’environnement, selon les indicateurs précédemment déterminés.

Article 2
(articles L. 121-8 [nouveau] et L. 312-9 du code de l’éducation)
Éducation à l’environnement et au développement durable

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 2 du projet de loi vise à inscrire l’éducation à l’environnement et au développement durable dans les objectifs fondamentaux et les missions du service public de l’enseignement.

I.   Le droit en vigueur

Les articles L. 121-1 à L. 121-7 du code de l’éducation établissent la liste des objectifs généraux et des missions du service public de l’enseignement. En particulier, l’article L. 121-1 dispose que « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur sont chargés de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail. (…) Ils concourent à l’éducation à la responsabilité civique (…) ». Parmi les autres objectifs figurent notamment la lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme, la maîtrise de la langue française et la connaissance d’autres langues, « les connaissances de base et les éléments d’une culture générale incluant les données scientifiques et techniques » et la préparation des élèves « à vivre en société et à devenir des citoyens responsables et libres », ou encore l’éducation à la santé.

L’environnement et le développement durable ne figurent pas, à ce jour, parmi les objectifs fondamentaux ainsi assignés au service public de l’enseignement. Toutefois, l’article L. 312-19 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de la loi précitée du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dispose que « l’éducation à l’environnement et au développement durable débute dès l’école primaire. Elle a pour objectif de sensibiliser les enfants aux enjeux environnementaux et à la transition écologique. Elle permet la transmission et l’acquisition des connaissances et des savoirs relatifs à la nature, à la nécessité de préserver la biodiversité, à la compréhension et à l’évaluation de l’impact des activités humaines sur les ressources naturelles et à la lutte contre le réchauffement climatique. Elle comporte également une sensibilisation à la réduction des déchets, au réemploi et au recyclage des produits et matériaux, ainsi qu’au geste de tri (…) ».

Plusieurs autres dispositions du code de l’éducation font explicitement référence à cette « éducation à l’environnement et au développement durable », notamment l’article L. 123-2 relatif au service public de l’enseignement supérieur et l’article L. 671-1 relatif à l’enseignement supérieur agricole. L’article L. 721-2 du même code indique que le respect et la protection de l’environnement et la transition écologique font obligatoirement l’objet de formations de sensibilisation pour les futurs enseignants au sein des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation.

Dans la partie réglementaire du code de l’éducation, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui couvre la période de scolarité obligatoire (jusqu’à l’âge de seize ans), défini par l’article D. 122-1 et son annexe, inclut, dans le cadre de l’apprentissage relatif aux responsabilités individuelles et collectives, la connaissance de « l’importance d’un comportement responsable vis-à-vis de l’environnement et de la santé », « de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, de ses conséquences sanitaires et de la nécessité de préserver les ressources naturelles et la diversité des espèces » et « de la nécessité d’un développement plus juste et plus attentif à ce qui est laissé aux générations futures ». Le socle commun comporte aussi une identification des « problématiques mondiales concernant l’environnement, les ressources, les échanges, l’énergie, la démographie et le climat ».

L’éducation au développement durable (EDD) est intégrée dans les programmes scolaires, sous la forme d’une première sensibilisation dans les cycles 1 et 2 et d’un approfondissement dans les cycles 3 et 4 dans le cadre de plusieurs matières (sciences de la vie et de la Terre, physique-chimie, géographie, enseignement moral et civique…), qui se poursuit dans les programmes du lycée. Plusieurs circulaires ministérielles relatives à l’EDD ont été prises depuis 2004, notamment la circulaire 2007-077 du 29 mars 2007 qui indique que « l’éducation au développement durable ne constitue pas une nouvelle discipline mais un champ par lequel toutes les disciplines sont concernées ». La circulaire la plus récente, celle du 24 septembre 2020, précise que l’EDD « repose sur la complémentarité entre des savoirs disciplinaires et la mise en œuvre de projets concrets à l’échelle des écoles et établissements ».

II.   Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi crée dans le code de l’éducation un article L. 121-8 qui inscrit l’éducation à l’environnement et au développement durable dans le chapitre énumérant les objectifs fondamentaux du service public de l’enseignement. Cet article L. 121-8 inscrit dans la loi le caractère transversal de cette démarche éducative (« à laquelle concourent l’ensemble des disciplines ») et dispose qu’elle doit être dispensée « tout au long de la formation scolaire, d’une façon adaptée à chaque niveau et à chaque spécialisation ». Elle nécessite de développer les connaissances scientifiques et les compétences des élèves et comporte trois objectifs : permettre aux élèves de « comprendre les enjeux environnementaux, sociaux et économiques du développement durable », leur permettre de « maîtriser ces enjeux », notamment ceux portant sur le changement climatique et la préservation de la biodiversité, et les préparer à l’exercice de leurs responsabilités de citoyen.

Bien que l’article 2 ne prévoie pas de texte réglementaire d’application, le Conseil d’État a souligné, dans son avis sur le projet de loi, qu’il implique des aménagements des programmes par le pouvoir réglementaire. Interrogé par la rapporteure, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a confirmé que l’inscription de cette « éducation à » dans les principes fondamentaux de l’enseignement induit des dispositifs de déploiement nouveaux. Les services du ministère pourront s’appuyer sur le nouvel article L. 121-8 pour asseoir la démarche, déjà engagée, de généralisation de l’EDD dans le modèle scolaire français : toutes les filières (générale, technologique, professionnelle), toutes les disciplines et tous les programmes sont concernés.

La Convention citoyenne pour le climat a préconisé l’ajout, dans les dispositions du code de l’éducation définissant les objectifs du service public de l’enseignement, d’un article relatif à l’éducation à l’environnement et au développement durable.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SpÉciale

Outre un amendement rédactionnel de la rapporteure (CS4225), la commission spéciale a adopté :

– l’amendement CS4710 de Mme Sylvie Charrière (LaREM) visant à ce que les élèves maîtrisent à la fois les enjeux du développement durable et les savoir-faire ;

– s’agissant de la prise en compte des enjeux relatifs à la biodiversité, deux amendements identiques CS1250 de Mme Maïna Sage (Agir ensemble) et CS3529 de M. Jimmy Pahun (Dem) précisant qu’il s’agit de la biodiversité terrestre et marine, et un amendement de Mme Justine Benin (Dem) visant à mentionner explicitement la biodiversité dans les territoires d’outre-mer ;

– l’amendement CS5212 de la rapporteure confiant au ministère chargé de l’éducation nationale la responsabilité de garantir les contenus, les modalités et la cohérence du déploiement de l’éducation à l’environnement et au développement durable dans le cadre scolaire ;

– l’amendement CS2817 de M. Pierre-Alain Raphan (LaREM), inspiré par la proposition de loi adoptée par le Parlement des enfants en 2019 ([8]), tendant à compléter l’article L. 312-9 du code de l’éducation relatif à la formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques pour indiquer que cette formation doit comporter une sensibilisation à l’impact environnemental du numérique ainsi qu’un volet relatif à la sobriété numérique.

Article 3
(article L. 421-8 du code de l’éducation)
Comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 3 du projet de loi vise à étendre à l’éducation à l’environnement les compétences du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté prévu par l’article L. 421-8 du code de l’éducation.

I.   le droit en vigueur

L’article L. 421-8 du code de l’éducation, codifiant le dispositif créé par l’article 21 bis de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, prévoit la création d’un comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté au sein de chaque établissement public local d’enseignement. Les établissements publics locaux d’enseignement sont définis à l’article L. 421-1 du même code ; il s’agit des collèges, des lycées et des établissements d’éducation spéciale. Des comités analogues existent aux échelles académiques et départementales et peuvent être mis en place au niveau des bassins, en interdegrés ou interétablissements.

Le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté est présidé par le chef d’établissement. Il a pour mission d’apporter un appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion. Cette mission se traduit par le renforcement sur le terrain des liens entre l’établissement d’enseignement, les parents les plus en difficulté et les autres acteurs de la lutte contre l’exclusion. Ces acteurs relèvent majoritairement du monde associatif et de services publics, dont l’intervention est autorisée par le chef d’établissement.

Le comité est composé, sous la présidence du chef d’établissement, selon l’article R. 421-46 du code de l’éducation, des personnels d’éducation, sociaux et de santé de l’établissement ainsi que de représentants des personnels enseignants, des parents et des élèves – désignés par le chef d’établissement sur proposition des membres du conseil d’administration appartenant à leurs catégories respectives, mais aussi de représentants de la commune et de la collectivité territoriale de rattachement au sein de ce conseil. Il peut par ailleurs associer à ses travaux, selon les sujets traités, toute personne dont il estime l’avis utile.

L’article L. 421-8 du code de l’éducation dispose également qu’en liaison avec les axes du projet d’établissement approuvés par son conseil d’administration, le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté doit contribuer à des initiatives dans des domaines définis que sont la lutte contre l’échec scolaire ; l’amélioration des relations avec les familles, en particulier les plus démunies ; la médiation sociale et culturelle et la prévention des conduites à risque et de la violence. L’article R. 421-47 du code de l’éducation prévoit que le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté contribue à l’éducation à la citoyenneté, prépare le plan de prévention de la violence, propose des actions pour aider les parents en difficulté et lutter contre l’exclusion et définit un programme d’éducation à la santé et à la sexualité et de prévention des comportements à risques.

Le comité se réunit à l’initiative du chef d’établissement ou à la demande du conseil d’administration, en vertu de l’article R. 421-46 du code de l’éducation.

Selon les informations communiquées à la rapporteure, il résulte d’une enquête menée par le ministère de l’Éducation nationale que les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté sont effectivement mis en place dans les établissements et mobilisés. L’ensemble des 5 551 établissements ayant répondu à l’enquête avaient mis en place l’instance, avec une fréquence de réunions annuelles comprise entre une et trois (pour 90 % d’entre eux). La présence de parents d’élèves et d’élèves lors des réunions est très majoritairement répandue (respectivement 80 % et 78 %). Les projets concernent principalement la promotion des valeurs républicaines et de l’égalité ainsi que la santé (environ 90 % des actions). L’éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage est aussi développée (pour 61 % des établissements répondants).

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 3 du projet de loi vise à étendre à l’éducation à l’environnement les compétences du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, en complétant l’article L. 421-8 du code de l’éducation. Cette évolution fait écho à l’article 2 du projet de loi, qui prévoit d’introduire l’éducation à l’environnement et au développement durable parmi les objectifs du service public de l’enseignement.

La mission d’appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion est conservée à l’identique, mais l’article 3 du projet de loi élargit les missions du comité, par l’ajout d’un alinéa au sein de l’article L. 421-8 prévoyant que « ce comité a également pour mission de favoriser les démarches collectives dans le domaine de l’éducation à l’environnement et au développement durable en associant élèves, familles et partenaires extérieurs. Ces démarches font parties intégrantes du projet d’établissement ». Les « démarches collectives », plus larges que les « initiatives » prévues par l’article L. 421-8, visent une démarche d’approche pédagogique transversale, selon les informations communiquées à la rapporteure. Après modification du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement, une circulaire précisera le rôle et les missions élargies du comité.

L’étude d’impact rappelle que l’article 8 de la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle, dispose que « l’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte ». L’étude d’impact précise également que l’adjonction de compétences au comité existant plutôt que la création d’une nouvelle entité spécifique permet un processus global et cohérent d’éducation. En termes environnementaux, l’éducation au développement durable s’inscrit dans les orientations de la stratégie nationale bas-carbone visant le développement d’une culture du « bas-carbone » et l’accompagnement des citoyens dans leur propre transition (CIT 1 et CIT 2).

La Convention citoyenne pour le climat, pour « la mise en place d’un environnement scolaire favorable à l’environnement et au développement durable », a proposé la création d’un comité d’éducation à l’environnement et au développement durable dans chaque établissement (mesure C5.1.2). Présidé par le chef d’établissement, il aurait pour mission « d’apporter un appui aux acteurs de l’éducation à l’environnement et au développement durable ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

À l’initiative de la rapporteure (amendement CS5211 rectifié), la commission spéciale a procédé à une réécriture d’ensemble de l’article 3 pour préciser les différentes missions du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement.

Telle que sous-amendée à l’initiative de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe (sous-amendement CS5328), sa mission globale est d’inscrire l’éducation à la santé, à la citoyenneté et au développement durable dans chaque projet d’établissement approuvé par le conseil d’administration.

La mission préexistante d’appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion, inclut désormais l’éducation artistique et culturelle.

L’éducation à la sexualité et à l’alimentation ainsi que la prévention des conduites addictives, déjà largement mises en place par les comités d’éducation, sont intégrées dans la loi au titre de sa mission de promotion de la santé.

Le rôle des comités dans l’éducation à la citoyenneté est complété par la transmission des valeurs républicaines et la promotion du principe de laïcité ainsi que par la prévention et la lutte contre toutes les formes de discriminations.

Reprenant la rédaction initiale du projet de loi, l’activité des comités en matière d’éducation à l’environnement et au développement durable s’inscrit dans une approche partenariale pour laquelle les démarches collectives sont favorisées.

 

Chapitre II
Encadrer et réguler la publicité

Article 4
(articles L. 581-25-1 et L. 581-35-1 [nouveaux] et article L. 581-40 du code de l’environnement)
Interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 4 interdit la publicité en faveur des énergies fossiles, dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi.

I.   Le droit en vigueur

Hormis l’encadrement de la publicité extérieure et lumineuse (voir infra les commentaires des articles 6 et 7 du présent projet de loi), la réglementation de la publicité en lien avec les questions environnementales vise essentiellement à améliorer l’information du consommateur.

Il existe bien un cadre légal d’interdiction de la publicité sur certains produits (en particulier le tabac et l’alcool, depuis la loi du 10 janvier 1991 dite « loi Évin »), mais il ne s’étend pas, en l’état du droit, aux produits et services ayant un impact négatif sur le climat.

A.   Les dispositions visant À amÉliorer l’information du consommateur sur l’impact environnemental des produits

Plusieurs dispositifs visent à accroître l’information du consommateur en matière d’impact environnemental des produits et services.

● Les mentions légales, qui permettent d’informer les consommateurs et de les inciter à mieux décrypter un message publicitaire, concernent aujourd’hui de nombreux produits (alimentation, alcool, jeux de hasard…). En matière environnementale, un décret du 28 novembre 2006 ([9]) prévoit que toute publicité effectuée pour une entreprise du secteur énergétique comporte un message faisant la promotion de l’utilisation rationnelle de l’énergie et incitant aux économies d’énergie (ce message, « l’énergie est notre avenir, économisons-la ! », figure dans l’arrêté du 28 novembre 2006 relatif à la publicité dans le domaine de l’énergie ([10])).

Par ailleurs, l’article 75 de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ([11]) impose un message promotionnel en faveur des mobilités actives pour toute publicité concernant des véhicules terrestres à moteur. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de cette obligation et un arrêté précise les messages diffusés. D’après les informations communiquées à la rapporteure, ces deux textes sont en cours de signature et devraient être publiés très prochainement, au cours du premier trimestre 2021.

● L’information du consommateur concernant les caractéristiques environnementales des produits a été améliorée par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ([12]), afin de mettre fin aux pratiques commerciales encourageant la surconsommation et le gaspillage. Cette loi prévoit ainsi :

– une information obligatoire du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits, notamment l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité et la présence de substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares, à compter du 1er janvier 2022 (article L. 541-9-1 du code de l’environnement) ;

– l’interdiction, pour une publicité, de donner l’impression que le consommateur bénéficie d’une réduction de prix comparable à celle des soldes, par des opérations de promotion coordonnées à l’échelle nationale (article L. 121‑4 du code de la consommation) ;

– la mise en place d’un dispositif d’affichage environnemental des produits et des services (article 15 de la loi du 10 février 2020, modifié par l’article 1er du présent projet de loi). Ce dispositif, qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation, doit être renforcé par l’article 1er du présent projet de loi.

● Enfin, les pratiques commerciales déloyales sont interdites, en application de l’article L. 121-1 du code de la consommation. Il s’agit de toute pratique « contraire aux exigences de la diligence professionnelle et [qui] altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service ». Cet article permet notamment de lutter contre le « greenwashing » (verdissement), qui consiste à utiliser abusivement des arguments environnementaux faux ou non prouvés pour vendre un produit.

En septembre 2016, le tribunal de grande instance (TGI) de Versailles a ainsi condamné la société FMC Automobiles (enseigne Ford) pour pratique commerciale trompeuse, à la suite de la diffusion sur son site internet de photographies de voitures circulant dans des espaces naturels assorties d’encouragements à la « liberté » et à la « performance » ([13]). Plus récemment, la société Suzuki France a été condamnée le 5 février 2019 par jugement du tribunal d’instance de Toulouse, qui précisait notamment que « plusieurs modèles de véhicules [...] ont été présentés dans des visuels à vocation publicitaire dans des champs, des rochers, des prairies, des sous-bois ou une plage en dehors de tout chemin carrossable et donc a fortiori de voies ouvertes à la circulation » ([14]).

Hormis ces dispositifs, les règles régissant la publicité en lien avec les questions environnementales reposent sur l’autorégulation du secteur de la publicité (voir le commentaire de l’article 5 infra).

B.   L’interdiction de la publicitÉ sur certains produits

La loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « loi Évin » ([15]), interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et encadre fortement celle en faveur des boissons alcoolisées. Ces dispositions sont codifiées dans le code de la santé publique (articles L. 3511-3 et L. 3511-4 pour le tabac, articles L. 3323-1 à L. 3323-6 pour les boissons alcoolisées).

Si peu d’études ont été réalisées à ce sujet, il semble néanmoins que les interdictions des publicités ont un effet sur la consommation. Ainsi, la consommation d’alcool aurait baissé de plus de 20 % en France entre 1990 et 2010 ([16]). De même, une étude de 2008 a démontré un impact de l’interdiction de la publicité pour le tabac sur la baisse de la consommation, même s’il est admis que c’est bien l’effet prix qui a eu l’impact le plus significatif auprès des consommateurs ([17]).

Par ailleurs, la publicité auprès du public pour les médicaments soumis à prescription médicale et remboursables par les régimes obligatoires d’assurance maladie, à l’exception des produits présentés comme réduisant l’accoutumance au tabac et de certains vaccins, est interdite, en application de l’article L. 5122-6 du code de la santé publique.

Sans être totalement interdite, la publicité en faveur des armes à feu fait l’objet d’un encadrement strict, conformément à la loi du 12 juillet 1985 relative à la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions ([18]).

Pour ne prendre que l’exemple du secteur automobile, souvent cité dans les propositions d’élargissement du champ d’interdiction publicitaire, les tendances des marchés publicitaires, télévisés, radiophoniques ou de la presse écrite démontrent une réorientation nette des investissements publicitaires en faveur des véhicules dits propres (hybrides ou électriques). Alors qu’ils ne représentent que 20 % des ventes, les constructeurs automobiles vont consacrer dès cette année 50 % de leurs investissements publicitaires aux seuls véhicules électriques et hybrides, d’après les représentants de la filière auditionnés par la rapporteure.

II.   Les dispositions du projet de loi

Alors que l’encadrement de la publicité en faveur des produits ayant un impact négatif en matière environnementale repose largement sur l’autorégulation et sur l’amélioration de l’information du consommateur, et que des engagements significatifs ont été pris par les annonceurs, les médias et les filières concernées, l’article 4 du projet de loi opère un véritable changement de paradigme en interdisant la publicité en faveur des énergies fossiles.

Le crée ainsi, au sein du chapitre premier du titre VIII du livre V du code de l’environnement, consacré à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, une nouvelle section 6 intitulée « Publicité sur les produits et services ayant un impact sur le climat excessif », composée d’un unique article L. 581-25-1 nouveau.

Le I de cet article pose le principe de l’interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. La liste des énergies fossiles concernées, ainsi que les modalités s’appliquant aux énergies renouvelables incorporées dans des énergies fossiles, doit être précisée par décret en Conseil d’État.

Si le nouvel article L. 581-25-1 énonce un principe général d’interdiction, l’étude d’impact fait référence à certains produits et services, en particulier « l’essence, le gaz, les stations-service, les produits pétroliers, etc. ». Interrogé par la rapporteure sur le champ d’application précis de l’interdiction, le ministère de la transition écologique a indiqué que celle-ci s’étendait à toutes les publicités faisant la promotion de sources d’énergies fossiles, mais que « les publicités pour les énergies mélangeant des énergies fossiles et une majorité d’autres types d’énergies (par exemple un mélange de carburant fossile et de biocarburant) ne seraient a priori pas visées ».

Le II de l’article L. 581-25-1 nouveau précise que le décret d’application doit notamment tenir compte « des exigences d’un bon accès du public, en particulier les personnes ayant un revenu modeste, à l’information relative au prix des énergies concernées, ainsi que des obligations légales ou règlementaires qui s’imposent aux fournisseurs et distributeurs de ces énergies ».

Le complète la sous-section 2 de la dernière section du chapitre premier du titre VIII du livre V du code de l’environnement, relative aux sanctions pénales, par un nouvel article L. 581-35-1 précisant les sanctions prévues en cas de non‑respect de l’interdiction de la publicité portant sur les produits et services ayant un impact sur le climat excessif, prévue au .

Le non-respect de cette interdiction serait ainsi puni d’une amende de 30 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale. En cas de récidive, il est prévu que le montant de ces amendes soit doublé.

Enfin, le complète l’article L. 581-40 du code de l’environnement afin d’étendre la compétence des officiers de police judiciaire, ainsi que des autres personnes habilitées à procéder à toutes constatations relatives à l’application des dispositions encadrant la publicité, au respect de l’interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles.

En limitant l’interdiction de la publicité aux énergies fossiles, l’article 4 constitue une position équilibrée entre une interdiction large de la publicité d’une part et la préservation des principaux revenus des annonceurs, des publicitaires et des médias, particulièrement affectés par la crise économique que nous traversons, d’autre part. Comme le rappelle l’étude d’impact, « la publicité constitue la principale source de financement des médias écrits et audiovisuels gratuits. Elle est donc indispensable au maintien du pluralisme et au financement de la production de contenus de qualité, notamment en matière d’information et de création culturelle. Une baisse des recettes publicitaires des médias traditionnels, consécutive à des interdictions, pourrait mettre en péril l’équilibre économique de ces entreprises, déjà fragilisées par la crise sanitaire ». À cet égard, l’étude d’impact évalue la perte potentielle de recettes publicitaires pour les médias télévisés entre 15 et 20 millions d’euros par an pour ce seul champ d’interdiction.

Ce souci d’équilibre s’appuie également sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui exerce un contrôle de proportionnalité entre la limitation apportée à la liberté d’entreprendre que constituent l’interdiction de la publicité et les conséquences de cette interdiction au regard d’autres objectifs poursuivis. Ainsi, le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 8 janvier 1991 relative à la loi « Évin », que « la liberté d’entreprendre n’est ni générale ni absolue ; […] il est loisible au législateur d’y apporter des limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquence d’en dénaturer la portée » ([19]). Dans une récente décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a consacré la protection de l’environnement comme objectif de valeur constitutionnelle, au même titre que la protection de la santé. Désormais, le raisonnement soutenu en matière de protection de la santé s’applique aussi à la protection de l’environnement, ce qui pourrait donc justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre induite par les interdictions de publicité sur certains produits nocifs pour l’environnement ([20]).

La rapporteure entend préciser le champ de l’interdiction prévue à l’article 4, applicable à la vente d’énergies fossiles.

L’article 4 reprend en partie la proposition C2.1 de la Convention citoyenne pour le climat consistant à « interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, sur tous les supports publicitaires ». Il écarte toutefois la proposition d’interdiction de publicité en faveur des véhicules les plus polluants, dont l’application pourrait porter atteinte au financement des médias, durement touchés par la crise.

Par ailleurs, le comité légistique de la Convention citoyenne estime que « les interdictions doivent se baser sur des critères objectifs et rationnels. À défaut, elles portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression mais aussi elles encourraient d’être censurées sur le fondement du principe d’égalité et de la liberté d’entreprendre ». C’est pourquoi le Gouvernement s’est engagé à poursuivre l’étude de la faisabilité juridique d’une interdiction de publicité sur la base de critères permettant de déterminer les biens et services présentant l’impact le plus important de leur catégorie en termes d’émissions de gaz à effet de serre, dont la définition est prévue par l’article 1er du projet de loi.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS3894 de la rapporteure précisant que l’interdiction de publicité prévue par l’article 4 concerne la publicité en faveur de la vente d’énergies fossiles.

Elle a également adopté, à l’initiative de M. Buon Tan (LaREM), l’amendement CS4893 permettant de porter le montant de la sanction en cas de non-respect de l’interdiction de publicité, initialement fixé à 30 000 euros pour une personne physique et à 75 000 euros pour une personne morale, à la moitié des dépenses consacrées à l’opération illégale. Comme cela était déjà prévu par l’article 4, le montant de l’amende pourra être porté au double en cas de récidive.

La commission spéciale a également adopté cinq amendements rédactionnels (CS411 de Mme Valérie Beauvais (LR), CS5018, CS5019, CS5020 et CS5021 de la rapporteure).

Article 4 bis (nouveau)
(article L. 328-2 [nouveau] du code de la route)
Sanctions en cas de non-respect de l’obligation de faire figurer un message sur les publicités en faveur des véhicules terrestres à moteur

Créé par la commission spéciale

 

L’article 4 bis prévoit un dispositif de sanctions en cas de non-respect de l’obligation de faire figurer un message sur les publicités en faveur des véhicules terrestres à moteur

Créé par l’article 75 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, l’article L. 328-1 du code de la route dispose que toute publicité en faveur de véhicules terrestres à moteur est obligatoirement accompagnée d’un message promotionnel encourageant l’usage des mobilités actives ou partagées, ou des transports en commun. Le message diffusé, ainsi que ses modalités de diffusion, doivent être précisés par décret.

Introduit à l’initiative de M. Jean-Luc Fugit (LaREM), l’article additionnel 4 bis met en place un dispositif de sanctions en cas de non-respect de l’obligation de faire figurer un message sur les publicités en faveur des véhicules terrestres à moteur, prévu par l’article L. 328-1 précité.

Un nouvel article L. 328-2 du code de la route prévoit ainsi que, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, l’autorité administrative peut sanctionner le manquement à cette obligation par une amende n’excédant pas 50 000 euros par diffusion. En cas de récidive, le montant de l’amende ne peut excéder 100 000 euros.

Article 5
(articles 14 et 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Codes de bonne conduite des annonceurs et médias audiovisuels

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 5 vise à réduire la publicité audiovisuelle en faveur des produits et services ayant un impact négatif sur l’environnement grâce à la mise en œuvre d’un dispositif de co-régulation reposant sur des codes de bonne conduite. Ces codes doivent transcrire les engagements figurant dans un « contrat climat » conclu entre les annonceurs et les médias, d’une part, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’autre part.

I.   Le droit en vigueur

A.   Le rÔle de l’AutoritÉ de rÉgulation professionnelle de la publicitÉ

L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), créée il y a quatre-vingt-cinq ans est chargée de « préserver l’image de la publicité auprès des consommateurs et aider la profession à se prémunir contre un renforcement de l’encadrement législatif, par de bonnes pratiques déontologiques ». Organisme de régulation professionnelle de la publicité en France, l’ARPP regroupe près de 800 entreprises, essentiellement des annonceurs. Elle publie notamment des recommandations sectorielles ou thématiques que ses adhérents s’engagent à respecter. La dernière recommandation de l’Autorité en matière de développement durable, en vigueur depuis le 1er août 2020, précise notamment que « la publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable » ([21]).

Instance associée à l’ARPP, le Jury de déontologie publicitaire (JDP) constitué de magistrats reçoit 500 à 1 000 plaintes relatives aux publicités par an, dont environ les trois-quarts sont jugées fondées. Il n’intervient pas sur des règles de droit mais sur la base des recommandations de l’Autorité. Les publicités environnementales constituent le deuxième motif de plainte, derrière celles portant sur l’image de la personne humaine.

L’ARPP et l’Agence de la transition écologique (ADEME) publient régulièrement un bilan du respect des règles déontologiques contenues dans la recommandation « développement durable » de l’ARPP. Le dernier bilan, portant sur les publicités diffusées en 2019, a été publié en septembre 2020. Il fait état d’un taux de non-conformité des publicités environnementales aux règles déontologiques de 11,6 %, soit le ratio le plus élevé depuis 2011 et quasiment le double de celui constaté lors du bilan précédent (6,4 %) ([22]). Les principales dérives constatées portent sur l’utilisation excessive d’éléments naturels (la moitié des manquements concerne la présentation de véhicules motorisés dans des espaces naturels), la disproportion entre le message publicitaire et les actions menées par l’annonceur, un vocabulaire parfois excessif et l’incitation à des comportements non écoresponsables.

Évolution intéressante, le périmètre d’analyse de ce dernier bilan réalisé par l’ADEME et l’ARPP a été élargi aux films publicitaires diffusés sur la plateforme YouTube. Avec l’ajout des posts Facebook en 2017, il s’approche davantage de l’exposition réelle des citoyens aux publicités environnementales.

De nombreuses agences de communication et entreprises se sont également saisies de la question de la régulation de la publicité. Auditionnés par la rapporteure, les publicitaires (représentés par l’UDECAM, BETC, Publicis, Havas, Sidièse et l’association des agences conseils en communication) ont indiqué que la filière communication a mis en place sept engagements volontaires pour mieux répondre aux enjeux de la transition écologique (voir l’encadré ci-dessous).

Les engagements volontaires de la filière communication

1. Chaque métier de la filière communication intègre les objectifs de l’accord de Paris 2015 dans sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en reconnaît le caractère essentiel.

2. L’ensemble des acteurs économiques de la filière reconnaît les objectifs liés à la transition écologique et les intègre au fonctionnement de leurs structures. Les outils de pilotage de l’empreinte carbone et de réduction d’impact des acteurs de la filière (Scopes 1 et 2) utilisés par les plus avancés d’entre eux sont partagés, adaptés, et mis en commun dans un ou des référentiel(s), pour aider toutes les structures, quelle que soit leur taille, dans leur trajectoire de réduction carbone. L’Union des Marques s’engage à encourager cette démarche de mise en conformité et labellisation et à en tenir compte dans la sélection de ses partenaires.

3. Les acteurs de la filière s’engagent avec l’Union des Marques à l’évaluation de l’impact carbone des productions publicitaires (Scopes 1, 2 et 3) pour faire évoluer les pratiques, proposer des alternatives de production plus écologiques et examiner les possibilités de relocalisation en France et en Europe.

4. Les acteurs de la filière, et notamment l’AACC et l’UDECAM, contribuent avec l’Union des marques à élaborer une feuille de route commune d’évaluation de la diffusion des campagnes de communication (Scopes 2 et 3), en collaboration avec les régies des médias, en faveur d’une mesure harmonisée et d’une trajectoire de réduction de leur impact carbone, sur un ou des référentiel(s) partagé(s) et des engagements concrets mesurables, avec les experts et parties prenantes qualifiés.

5. Les acteurs de la filière renforcent leur contribution pro bono en direction des associations les plus actives en matière de transition climatique et d’inclusion sociale.

6. Les acteurs de la filière entreprennent une démarche de formation systématique aux enjeux et aux solutions de transition écologique, en formant en interne leurs personnels, en faisant a posteriori des bilans sur les actions entreprises concernant les démarches de progrès engagées - bilans partagés avec les marques - et en contribuant à la formation des étudiants en marketing et communication.

7. La filière s’engage, aux côtés de l’ARPP et de l’Union des Marques, à poursuivre le renforcement des mécanismes de régulation professionnelle de la publicité en élargissant les prérogatives de contrôle de l’ARPP et en proposant une plus grande intégration des parties prenantes dans sa gouvernance.

Également auditionnée par la rapporteure, l’association française des entreprises pour l’environnement (EPE), regroupant une quarantaine de grandes entreprises françaises et internationales issues de tous les secteurs, a publié en mai 2019 une étude intitulée « ZEN 2050 » identifiant un certain nombre de mesures permettant d’atteindre l’objectif de neutralité carbone de la France en 2050. Cette étude propose ainsi de « réorienter la publicité pour faire évoluer les habitudes de consommation vers des modes de vie durables » et rappelle la nécessité de « réglementer les publicités pour des produits et services émetteurs de CO2 » ([23]).

Une régulation limitée aux niveaux international et européen

Au niveau international, le code de référence des bonnes pratiques en matière publicitaire de la Chambre de commerce internationale (CCI) comporte un chapitre spécifique sur les sujets environnementaux. Ce code a été complété, en 2019, par un guide sectoriel portant sur le marketing environnemental responsable, qui insiste sur la nécessité pour le consommateur de disposer d’une information exacte et non trompeuse.

Au niveau européen, il n’existe pas d’organe de régulation en matière de publicité, ni de texte consacré spécifiquement à la publicité. En matière de communication audiovisuelle, l’article 9 de la directive du 14 novembre 2018 modifiant la directive « Services de médias audiovisuels » du 10 mars 2010 ([24]) dispose que « les États membres veillent à ce que les communications commerciales audiovisuelles fournies par les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence […] n’encouragent pas des comportements gravement préjudiciables à la protection de l’environnement ».

Enfin, onze pays européens sont dotés de codes de bonne conduite sur l’environnement dans la publicité, d’après l’Alliance européenne pour l’éthique en publicité. Il s’agit dans la plupart des cas de règles volontaires résultant de l’autorégulation professionnelle, à l’image de la recommandation « développement durable » de l’ARPP en France, portant principalement sur l’éthique environnementale du contenu des messages publicitaires.

B.   La rÉgulation des mÉdias audiovisuels par le Conseil supÉrieur de l’audiovisuel

1.   Le rôle de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a pour mission de réguler le secteur audiovisuel, c’est-à-dire la radio, la télévision et les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Il est ainsi chargé, aux termes de l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ([25]), d’exercer « un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle ».

Pour remplir cette mission, le CSA « peut prendre en compte les recommandations des autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité », c’est-à-dire l’ARPP. Dès 1990, il a d’ailleurs délégué à l’ARPP le visionnage préalable de toute publicité diffusée à la télévision et sur le SMAD.

Le CSA est également chargé, toujours en application de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, de transmettre chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque. Ce rapport formule des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité.

La création de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM)

Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique entérine la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) au sein d’une instance unique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Cette nouvelle structure aura en charge les communications audiovisuelles et numériques.

La mission de contrôle du CSA en matière de respect, par les médias audiovisuels, de l’impératif de protection de l’environnement figure explicitement à l’article 31 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, qui prévoit que le CSA « veille à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle s’accompagne d’un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population ».

Comme le soulignent MM. Géraud Guibert et Thierry Libaert dans leur rapport intitulé « Publicité et transition écologique » rendu public le 5 juin 2020, « l’exclusion prévue par les textes de toute incitation dans la publicité audiovisuelle à des comportements préjudiciables à la protection de l’environnement n’a bizarrement jamais fait l’objet d’un recours et aucune plainte n’a été déposée avant le 13 février 2020, à propos d’une publicité automobile » ([26]). Les auteurs du rapport estiment que « sans doute la formulation de ce principe est trop vague pour être jugé vraiment opérationnel ». Par ailleurs, le CSA spécifie dans son courrier d’enregistrement de la plainte que l’absence de réponse dans un délai de deux mois vaut rejet, ce qui signifie que ses décisions ne sont pas motivées.

2.   La mise en place de codes de bonne conduite en matière de publicités alimentaires en 2020

L’article 28 ter de la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 « Services de médias audiovisuels », ajouté par la directive 2018/1808 du 14 novembre 2018 ([27]), prévoit notamment que « les États membres encouragent l’utilisation de la corégulation et la promotion de l’autorégulation au moyen de codes de conduite visant à réduire efficacement l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires et des boissons contenant des nutriments ou des substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, notamment les matières grasses, les acides gras trans, le sel ou sodium et les sucres, dont la présence en quantités excessives dans le régime alimentaire global n’est pas recommandée ». Cet article précise également que ces codes visent à faire en sorte que ces communications ne mettent pas en évidence le côté positif des aspects nutritionnels de ces denrées alimentaires et boissons.

Transposant cette directive, l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 ([28]) a complété l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 précitée en confiant au CSA la mission de promouvoir la conclusion de tels codes de bonne conduite, en reprenant fidèlement les termes de l’article 28 ter de la directive du 14 novembre 2018 mentionnés ci-dessus. Elle a également complété l’article 18 de la même loi, pour prévoir que le CSA rend compte dans son rapport annuel des codes de bonne conduite adoptés.

Avant même la transposition de la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels », les acteurs de l’audiovisuel et de la publicité, sous l’égide du CSA, ont signé en février 2020 une charte alimentaire « visant à promouvoir une alimentation et des comportements favorables à la santé dans les programmes audiovisuels et les publicités », applicable à compter du 1er février 2020 pour une période de cinq ans. Une évaluation doit être présentée chaque année au Conseil national de l’alimentation, puis transmise au Parlement, et rendue publique après chaque exercice. Le CSA pourra formuler des recommandations sur l’évolution des engagements pris.

II.   les dispositions du projet de loi

MM. Géraud Guibert et Thierry Libaert recommandent dans leur rapport de juin 2020 précité de faire élaborer par les parties prenantes une charte climatique pour la publicité audiovisuelle, soit sur l’initiative de la profession, soit en l’incluant dans la loi sur le même modèle que la publicité alimentaire dans l’audiovisuel (proposition n° 5 du rapport). Ils notent en effet que « pour la publicité audiovisuelle alimentaire et son impact sur la santé, le principe de règles a été fixé par la loi, avec des modalités fixées en concertation avec l’ensemble des parties prenantes ». Estimant que « ce dispositif, selon l’avis des professionnels, a abouti à un résultat plutôt satisfaisant », ils concluent qu’« il serait bien sûr très utile que ce type de démarche intervienne sur le climat, afin de bénéficier d’un dispositif précis, ayant l’accord de tous et appliqué par tous ».

L’article 5 du projet de loi transpose cette recommandation dans la loi. Il consacre ainsi, sur le modèle des dispositions relatives à l’adoption de codes de bonne conduite en matière alimentaire, le principe d’une corégulation en matière environnementale, sous l’égide du CSA.

Le I complète l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 précitée pour doter le CSA d’une nouvelle mission. Celui-ci serait ainsi chargé de promouvoir « en matière environnementale, des codes de bonne conduite ayant notamment pour objet de réduire de manière significative les communications commerciales audiovisuelles relatives à des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement ». Cet impact serait mesuré notamment au regard de l’empreinte carbone, des émissions de gaz à effet de serre générées par ces biens et services et de leur participation à la déforestation. Il est également précisé que ces codes visent à prévenir des communications commerciales audiovisuelles présentant favorablement l’impact environnemental de ces biens ou services, c’est-à-dire les pratiques de greenwashing.

Alors que la recommandation « développement durable » de l’ARPP porte principalement sur l’éthique environnementale du contenu des messages publicitaires, l’ambition des codes de bonne conduite prévus par le présent article est bien plus grande puisqu’il s’agit également d’engager une réduction progressive de la publicité pour certains produits ou services polluants.

À cette fin, l’étude d’impact précise qu’un « contrat climat » détaillerait les engagements des professionnels (médias, annonceurs, producteurs, régies et agences). Dans ce cadre, les télévisions et radios pourraient s’engager, en concertation avec les annonceurs, à diminuer le nombre de publicités pour des produits polluants et à favoriser la promotion de produits et services écoresponsables. L’étude d’impact suggère également que les régies de ces médias pourraient prévoir des conditions tarifaires plus favorables pour favoriser des campagnes institutionnelles ou gouvernementales en faveur de pratiques responsables ou de l’utilisation de produits moins polluants, ce qui semble toutefois difficilement applicable pour les médias privés gratuits au regard du risque déflationniste que cela représenterait et donc du risque d’une baisse de leurs chiffres d’affaires. Les annonceurs pourraient quant à eux s’engager à favoriser la présence de messages respectueux de l’environnement. Les professionnels pourraient bien sûr prendre par eux-mêmes des engagements supplémentaires, comme ils l’ont fait dans le cadre de la charte alimentaire (qui comprend notamment des engagements en matière de diffusion de programmes d’information, de sensibilisation et de développement d’actions relatives à la responsabilité sociale et sociétale des entreprises).

Le respect de ces engagements serait garanti par un contrôle annuel du CSA. Le II complète ainsi l’alinéa 18 de la loi du 30 septembre 1986 précitée pour prévoir que le CSA présente dans son rapport annuel d’activité un bilan des codes de bonne conduite adoptés en matière environnementale. Comme indiqué dans l’étude d’impact, ces codes feront référence au « contrat climat », ce qui permettra de rendre les engagements qu’il comporte contraignants.

Le CSA, dans son avis du 25 janvier 2021 relatif au présent projet de loi ([29]), revient sur certaines des conditions de réussite de la démarche mise en place par l’article 5.

Il estime en premier lieu que les engagements pris doivent être clairs, concrets, mesurables et auditables, qu’ils doivent pouvoir s’appuyer sur un référentiel partagé relatif aux produits visés par l’article 5 et que leur réalisation doit faire l’objet d’une évaluation régulière, dont les résultats seraient rendus publics. En outre, les codes de bonne conduite doivent établir des mécanismes garantissant l’accès du régulateur à une information fiable, comparable, actualisée et disponible.

Le CSA suggère également, à juste titre, que « cette charte pourrait être ouverte, au-delà du strict secteur audiovisuel, à des acteurs volontaires, en particulier les régies des plateformes numériques, afin d’en améliorer la portée et de tenir compte des évolutions des modes de consommation ». À cet égard, le Conseil souligne la nécessité de soumettre à un encadrement homogène l’ensemble des formes de publicité sur les médias audiovisuels et numériques. Or, comme le notent les auteurs du rapport intitulé « Publicité en ligne : pour un marché à armes égales », paru en novembre 2020, « les contraintes réglementaires aujourd’hui en vigueur sont très asymétriques entre la télévision et les services de médias audiovisuels à la demande (Smad) d’une part, et les plateformes numériques vendant des espaces publicitaires display d’autre part, alors que les uns comme les autres montrent des publicités sous forme de vidéos » ([30]). Dans ce contexte, l’ensemble des représentants des médias traditionnels (télévision et radio) auditionnés par la rapporteure ont souligné que des mesures sectorielles asymétriques sont susceptibles de renforcer la prédominance des supports numériques au détriment des médias traditionnels, du pluralisme de l’information et de l’investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique.

Si l’article 5 vise les « communications commerciales audiovisuelles », il ne définit pas pour autant le périmètre des signataires des codes de bonne conduite. Pour la rapporteure, il doit permettre d’amener un maximum de professionnels à prendre des engagements, qu’il s’agisse des médias audiovisuels au sens strict mais également de l’ensemble des acteurs de publicité. C’est d’ailleurs là le principal intérêt de la démarche de corégulation retenue par cet article, dans la mesure où les codes de bonne conduite permettent d’appréhender des acteurs, particulièrement ceux du numérique, qui n’auraient pas pu être atteints par la loi française. En effet, les règles de territorialité limitent les pouvoirs du CSA aux plateformes établies en France alors même que le duopole formé par Google et Facebook, tous deux établis à l’étranger, capte 75 % du marché français de la publicité numérique et 90 % de la croissance du secteur.

La rapporteure entend renforcer les outils de mesure et de contrôle à disposition du Parlement avec la présentation annuelle d’un rapport établi par l’ARPP. Il s’agit en outre d’améliorer l’effectivité des dispositions prises à l’article 1er en y faisant une référence explicite à l’article 5, afin de renforcer le champ d’intervention du CSA.

En complément des dispositions visant à interdire la publicité sur certains produits très émetteurs de gaz à effet de serre, prévues à l’article 4 du présent projet de loi, la mise en place de codes de bonne conduite par l’article 5 traduit la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à « réguler la publicité pour limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies à la consommation » (proposition C2.2).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Outre deux amendements rédactionnels CS5022 et CS5023 de la rapporteure, la commission spéciale a adopté les trois amendements suivants, à l’initiative de la rapporteure :

– l’amendement CS4113 prévoyant que les autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité adressent chaque année au Parlement un rapport faisant état des dispositifs d’autorégulation existants et présentant le bilan de leur action. Cette obligation concerne l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ;

– l’amendement CS5093 précisant que l’impact environnemental des biens et services est mesuré en particulier en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation des ressources naturelles sur l’ensemble de leur cycle de vie. Cet amendement permet de mettre en cohérence la définition de l’impact environnemental prévue à l’article 5 avec celle retenue à l’article 1er du présent projet de loi pour la mise en place de l’affichage environnemental, modifiée par l’amendement CS3633 rectifié de la rapporteure à cet article ;

– l’amendement CS4119 précisant que l’impact négatif sur l’environnement est mesuré au moyen de l’affichage environnemental prévu à l’article 1er du présent projet de loi, pour les biens et services pour lesquels cette information est disponible.

Article 5 bis (nouveau)
Rapport sur l’impact environnemental des différents modes de réception de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande

Créé par la commission spéciale

 

L’article 5 bis prévoit la publication d’un rapport annuel sur l’impact environnemental des différents modes de réception de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.

Cet article additionnel, résultant de l’amendement CS4709 de Mme Béatrice Piron (LaREM), prévoit la publication, par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), en lien avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’un rapport annuel mesurant l’impact environnemental des différents modes de réception de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.

Ce rapport a vocation à renforcer l’information des consommateurs sur la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre liées à chacun des modes de réception ou terminaux (hertzien, par câble, satellite, fibre, ADSL, réseaux de téléphonie mobile). Il permettra par ailleurs de mieux évaluer les évolutions des usages audiovisuels et d’aider les citoyens à faire des choix éclairés, notamment en faveur de la TNT, dont l’usage est gratuit et facile d’accès.

Article 6
(articles L. 581-3-1 [nouveau], L. 581-6, L. 581-9, L. 581-14-2 [abrogé], L. 58118, L. 581-21, L. 581-26, L. 581-27, L. 581-28, L. 581-29, L. 581-30, L. 58131, L. 581-32, L. 581-33, L. 581-34, L. 581-35 et L. 581-40 du code de l’environnement ; article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales)
Pouvoir de police de la publicité confié au maire

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 6 décentralise le pouvoir de police de la publicité en le confiant au maire, que la commune dispose ou non d’un règlement local de publicité.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les rÈgles relatives À la publicitÉ extÉrieure

Les règles relatives à la publicité extérieure définies dans le code de l’environnement sont, le cas échéant, complétées par celles prévues dans un règlement local d’urbanisme.

1.   Le code de l’environnement encadre la publicité extérieure

Le chapitre premier du titre VIII du livre V du code de l’environnement fixe les règles applicables à la publicité extérieure, au nom de la protection du cadre de vie.

La publicité est ainsi interdite :

– sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, sur les monuments naturels et dans les sites classés, dans les cœurs des parcs nationaux, les réserves naturelles et sur les arbres, en application de l’article L. 581‑4 du code de l’environnement. Par ailleurs, le maire ou, à défaut, le préfet, peut interdire toute publicité sur des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque ;

– en dehors des lieux qualifiés d’agglomération, conformément à l’article L. 581-7 du même code. La publicité reste cependant autorisée à l’intérieur de l’emprise des aéroports, des gares ferroviaires et routières et des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places. Elle peut également être autorisée par le règlement local de publicité à proximité des centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération ;

– à l’intérieur des agglomérations, lorsqu’elle se situe aux abords des monuments historiques et dans les sites patrimoniaux protégés, sauf dérogation prévue par le règlement local de publicité (article L. 581-8 du même code).

En dehors des cas mentionnés ci-dessus, la publicité est admise partout ailleurs dans les agglomérations, où elle doit néanmoins satisfaire à des prescriptions, notamment en matière d’emplacement, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien et, pour la publicité lumineuse, d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses, conformément à l’article L. 581-9 du code de l’environnement.

Les prescriptions relatives à l’installation et à l’entretien des enseignes figurent quant à elle dans la partie règlementaire du code de l’environnement (articles R. 581‑55 à R. 581-61), à l’exception des enseignes à faisceau de rayonnement laser, soumises à l’autorisation de l’autorité compétente en matière de police en vertu de l’article L. 581-18 du même code.

2.   Le règlement local de publicité permet de mettre en place une règlementation plus restrictive

L’article L. 581-14 du code de l’environnement dispose que l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d’urbanisme, la métropole de Lyon ou, à défaut, la commune peut élaborer, sur l’ensemble du territoire de l’établissement public ou de la commune, un règlement local de publicité (RLP).

Ce règlement définit une ou plusieurs zones au sein de l’EPCI ou de la commune où s’applique une règlementation plus restrictive que la règlementation nationale en matière de publicité. Il peut en outre « définir des zones dans lesquelles tout occupant d’un local commercial visible depuis la rue ou, à défaut d’occupant, tout propriétaire doit veiller à ce que l’aspect extérieur de ce local ne porte pas atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants ».

Si les règles fixées par le RLP doivent nécessairement être plus restrictives que les dispositions applicables au niveau national, l’article L. 581-14 précise néanmoins que le règlement ne peut interdire la publicité supportée par des palissades de chantier, sauf aux abords des monuments historiques et dans les sites patrimoniaux remarquables.

D’après les informations communiquées à la rapporteure par la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), une enquête lancée en février 2021 auprès de ses services déconcentrés pour estimer le nombre de RLP communaux et intercommunaux révèle, pour les 89 départements qui y ont répondu, qu’il y aurait actuellement 1 020 RLP communaux en vigueur ([31]) et 183 RLP communaux en cours d’élaboration ainsi que 52 RLP intercommunaux en vigueur et 112 RLP intercommunaux en cours d’élaboration ([32]).

Depuis la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II », le RLP est élaboré, révisé ou modifié conformément aux procédures d’élaboration, de révision ou de modification des plans locaux d’urbanisme, en application de l’article L. 581-14-1 du code de l’environnement. Par la suite, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », a posé le principe du transfert de la compétence en matière de PLU aux EPCI à fiscalité propre, devenant donc en même temps compétents en matière de RLP. Ces textes ont ainsi eu pour conséquences de généraliser la compétence des EPCI en matière de RLP et d’inciter les collectivités à se doter d’un tel outil. Le nombre de RLP intercommunaux en vigueur ou en cours d’élaboration aurait ainsi augmenté de 35 % entre 2016 et 2018, et aurait presque doublé entre 2018 et février 2021.

B.   Des compÉtences partagÉes en matiÈre de police de la publicitÉ

L’article L. 581-14-2 du code de l’environnement dispose que « les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet. Toutefois, s’il existe un règlement local de publicité, ces compétences sont exercées par le maire au nom de la commune ». Les compétences en matière de police de la publicité, qui incluent les compétences associées liées à la réception et à l’instruction des déclarations préalables et des demandes d’autorisation préalable, sont donc partagées entre le préfet de département et le maire, selon que la commune est ou non couverte par un RLP.

En l’état du droit, le maire dispose à lui seul de certaines prérogatives relativement limitées. Un arrêté municipal peut ainsi autoriser, au cas par cas, les emplacements de bâches comportant de la publicité et, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, l’installation de dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires, conformément à l’article L. 581-9 du code de l’environnement. Par ailleurs, le maire ou, à défaut, le préfet, sur demande ou après avis du conseil municipal et après avis de la commission départementale compétente en matière de sites, peut interdire par arrêté toute publicité sur des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque, en application de l’article L. 581-4 du même code.

Hormis ces exceptions, le pouvoir de police n’est décentralisé que dans la mesure où la commune ou l’intercommunalité disposent d’un RLP.

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 6 du projet de loi renforce les pouvoirs du maire en matière de publicité extérieure et donc de protection du cadre de vie. Proche du terrain et des citoyens, le maire est en effet le plus à même de concevoir et de faire respecter des règlementations adaptées à son territoire et à ses réalités.

A.   L’accroissement des pouvoirs du maire en matiÈre de police de la publicitÉ

1.   La compétence en matière de police de la publicité est confiée au maire ou au président de l’EPCI

L’article 6 décentralise le pouvoir de police de la publicité, qui sera désormais exercé par le maire, que la commune dispose ou non d’un règlement local de publicité.

Le du I complète la section 1 du chapitre premier du titre VIII du livre V du code de l’environnement, consacrée aux dispositions générales en matière de police de la publicité extérieure, par un nouvel article L. 581-3-1 qui dispose que « les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le maire au nom de la commune ».

Afin de mutualiser ces compétences sur le territoire intercommunal, l’article L. 581-3-1 nouveau prévoit que les compétences du maire en matière de police de la publicité peuvent être transférées au président de l’EPCI, dans les conditions et selon les modalités prévues par le code général des collectivités territoriales.

L’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, relatif aux transferts de compétences entre maires et présidents d’EPCI, est en conséquence modifié par le II du présent article 6 pour prévoir que « par dérogation à l’article L. 581-3-1 du code de l’environnement, lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de plan local d’urbanisme ou de règlement local de publicité, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement leurs prérogatives en matière de police de la publicité ».

Les compétences en matière de police de la publicité seront donc systématiquement exercées par le maire ou le président de l’EPCI, qui, en cas de publicité irrégulière sur le territoire des communes concernées, ne dépendront plus d’une action de l’État pour faire cesser l’infraction.

En conséquence, le du I abroge l’article L. 581-14-2 du code de l’environnement qui confie la compétence en matière de police de la publicité au préfet, sauf s’il existe un RLP.

Ces dispositions, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, permettent une meilleure adaptation des politiques publiques aux spécificités locales. L’implantation de publicités, lorsqu’elle ne respecte pas les règles applicables en matière de publicité extérieure, est susceptible de créer des nuisances et de dégrader le cadre de vie des habitants et des visiteurs des communes sur le territoire concerné. Elle relève donc d’un enjeu principalement local. L’adoption de l’article 6 devrait donc inciter les maires ou les présidents d’EPCI (lorsqu’un transfert de compétence est opéré) à élaborer un RLP afin d’adapter la réglementation nationale en matière de publicité extérieure aux enjeux locaux et à la réalité de leur territoire.

2.   La suppression du pouvoir de substitution du préfet en cas de carence du maire

Le du I supprime la possibilité conférée au préfet par l’article L. 581‑14‑2 du code de l’environnement de se substituer au maire en cas d’inaction de ce dernier.

La suppression du pouvoir de substitution du préfet en cas de carence du maire permet, selon l’étude d’impact, de clarifier la compétence dévolue à l’autorité locale et de responsabiliser pleinement les maires dans l’exercice de leurs pouvoirs de police de la publicité extérieure.

Pour autant, le préfet ne serait pas dépourvu de tout moyen d’action en cas d’inaction du maire. Il disposerait toujours de la possibilité de demander au maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police de la publicité pour faire cesser les infractions et, en cas de silence et d’inexécution de celui-ci, de saisir la juridiction administrative d’une demande d’annulation de la décision implicite née de ce silence, assortie d’une demande d’injonction tendant à ce que le maire prenne un arrêté de mise en demeure à l’encontre du dispositif illégal ([33]).

B.   Dispositions de coordination

Des dispositions de coordination tirent les conséquences de l’attribution au maire des compétences en matière de police de la publicité :

– à l’article L. 581-6 du code de l’environnement, relatif à l’installation, au remplacement ou à la modification des dispositifs ou matériels qui supportent de la publicité ( du I) ;

– au troisième alinéa de l’article L. 581-9 du même code, relatif à l’installation des dispositifs de publicité lumineuse ( du I) ;

– au dernier alinéa de l’article L. 581-18 du même code, relatif aux enseignes à faisceau de rayonnement laser ( du I) ;

– à l’article L. 581-21 du même code, relatif à la délivrance d’autorisations de publicité ( du I) ;

– aux articles L. 581-26, L. 581-27, L. 581-28, L. 581-29, L. 581-30, L. 581‑31, L. 581‑32, L. 581-33, L. 581-35 et L. 581-40 du même code, relatifs aux sanctions prévues en cas de non-respect des dispositions relatives à la publicité figurant au chapitre premier du titre VIII du livre V du code de l’environnement (, , , 10°, 11°, 12°, 13°, 14°, 16° et 17° du I).

Par ailleurs, le 15° du I abroge le III de l’article L. 581-34 du même code, qui prévoit que l’amende de 7 500 euros sanctionnant le fait d’apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une préenseigne est appliquée autant de fois qu’il y a de publicités, d’enseignes ou de préenseignes en infraction. L’abrogation de cette disposition vise à mettre en conformité la peine d’amende prévue par cet article avec le droit commun des amendes délictuelles, pour lesquelles le cumul de sanctions de même nature est exclu.

C.   EntrÉe en vigueur

Conformément au III, le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024 « sous réserve de l’adoption en loi de finances de dispositions compensant les charges résultant, pour les collectivités concernées, des compétences transférées par le présent article ».

Cette précision est rendue nécessaire par le fait que l’article 6 procède, à l’égard des communes ou des EPCI non dotés d’un règlement local de publicité, à un transfert de compétences au sens de l’article 72-2 de la Constitution, qui doit être compensé par un transfert de ressources équivalentes. La détermination de ces ressources est donc renvoyée à la loi de finances.

La Convention citoyenne pour le climat a souhaité « interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs, hors information locale et culturelle » (propositions C2.2.1 et C2.2.8). Toutefois, le comité légistique de la Convention a estimé qu’une telle interdiction générale et absolue apporterait une contrainte disproportionnée à la liberté d’expression, à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Outre l’amendement rédactionnel CS5024 de la rapporteure, la commission spéciale a adopté l’amendement CS5239 du rapporteur général, co-signé par la rapporteure.

Cet amendement complète l’article L. 581-3-1 nouveau du code de l’environnement pour prévoir qu’une conférence des maires des communes appartenant au même EPCI, visant à assurer la cohérence de l’exercice du pouvoir de police de publicité, peut être convoquée par le président de l’EPCI.

En effet, le transfert systématique du pouvoir de police de publicité des préfets vers les maires ou présidents d’EPCI est de nature à engendrer des disparités dans l’exercice de ce pouvoir de police. Cet amendement vise donc à donner de la souplesse aux collectivités territoriales en permettant au président de l’EPCI de réunir les maires de son territoire afin d’assurer une coordination de ces derniers et d’éviter de trop fortes disparités entre communes voisines.

Article 7
(articles L. 581-14-4 [nouveau] et L. 581-27 du code de l’environnement)
Possibilité pour le règlement local de publicité d’encadrer les publicités
à l’intérieur des vitrines

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 7 permet aux maires et aux présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de prévoir, dans leur règlement local de publicité, des dispositions encadrant les publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines et des baies d’un local à usage commercial, lorsqu’elles sont destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation publique.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les vitrines sont exclues de la rÉglementation relative À la publicitÉ extÉrieure

Le chapitre premier du titre VIII du livre V du code de l’environnement définit des règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes.

L’article L. 581-2 du code de l’environnement détermine le champ d’application géographique de cette règlementation : les publicités, les enseignes et les préenseignes doivent respecter les dispositions législatives et réglementaires du code de l’environnement et, le cas échéant, celles prévues par le règlement local de publicité (RLP), dès lors qu’elles sont visibles d’une voie ouverte à la circulation publique.

Les voies ouvertes à la circulation publique correspondent aux voies publiques ou privées qui peuvent être librement empruntées, à titre gratuit ou non, par toute personne circulant à pied ou par un moyen de transport individuel ou collectif, conformément à l’article R. 581-1 du code de l’environnement.

L’article L. 581-2 précité indique en revanche que ces règles « ne s’appliquent pas à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes situées à l’intérieur d’un local, sauf si l’utilisation de celui-ci est principalement celle d’un support de publicité ».

Ces dispositions peuvent donner lieu à des différences de règlementation qui peuvent paraître surprenantes. Dans une affaire portant sur des photographies installées derrière une vitrine commerciale, le Conseil d’État a rappelé que tout dispositif installé dans un local non principalement utilisé comme support de publicité, alors même qu’il est visible d’une voie ouverte à la circulation publique, n’est pas soumis à la réglementation ([34]). En revanche, les mêmes photographies collées à l’extérieur d’une vitrine auraient été soumises aux dispositions prévues par le chapitre premier du titre VIII du livre V code de l’environnement.

B.   La publicitÉ lumineuse fait l’objet de rÈgles particuliÈres

Outre les règles relatives à la prévention des nuisances lumineuses, définies aux articles L. 583-1 à L. 583-5 du code de l’environnement, la publicité lumineuse fait l’objet de dispositions particulières, prévues aux articles R. 581-34 à R. 581-41 du même code.

Elle est ainsi interdite à l’intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants (article R. 581-34), ce qui mériterait sans doute d’être adapté afin que le maire puisse, ou non, en décider. Ailleurs, ainsi qu’à l’intérieur de l’emprise des aéroports et des gares ferroviaires et routières situés hors agglomération, elle doit respecter des normes de surface, d’intensité et d’efficacité lumineuse des sources utilisées.

Dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants, les publicités lumineuses doivent être éteintes entre une heure et six heures du matin, à l’exception de celles installées sur l’emprise des aéroports et sur le mobilier urbain à condition que leurs images soient fixes (article R. 581-35).

L’emplacement de la publicité lumineuse est également encadré (articles R. 581-36 à R. 581-40). Enfin, la publicité numérique fait l’objet de règles spécifiques, notamment en termes de surface maximale (article R. 581‑41).

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 7 du projet de loi permet aux maires ou aux présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de réglementer les publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines.

À cette fin, le complète la sous-section 4 de la section 2 du chapitre premier du titre VIII du livre V du code de l’environnement, consacrée aux règlements locaux de publicité, par un nouvel article L. 581-14-4.

Cet article dispose tout d’abord que, par dérogation à l’article L. 581-2 du code de l’environnement, le RLP peut prévoir des dispositions encadrant les publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local à usage commercial qui n’est pas principalement utilisé comme un support de publicité, lorsque ces publicités et enseignes sont destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation publique. Le maire ou le président de l’EPCI pourra ainsi prévoir dans le RLP des prescriptions en matière d’emplacement, de surface, de hauteur, ainsi que, pour les publicités et enseignes lumineuses, en matière d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses.

Ces dispositions permettraient donc par exemple au maire ou au président de l’EPCI de limiter la surface ou la hauteur des publicités ou encore, pour les publicités et enseignes lumineuses, d’exiger des règles d’extinction spécifiques adaptées aux horaires de fermeture et d’ouverture des magasins. Elles permettraient par ailleurs de mettre fin à la différence actuelle de régime entre les publicités selon que celles-ci sont apposées à l’extérieur ou à l’intérieur d’une vitrine, alors même que leur visibilité depuis la voie ouverte à la circulation publique et leur impact sur le cadre de vie peuvent parfois être identiques.

Le deuxième alinéa de l’article L. 581-14-4 nouveau comporte par ailleurs une disposition plus spécifique aux publicités et enseignes lumineuses, puisqu’il prévoit que le RLP pourra également « soumettre l’installation de dispositifs de publicité lumineuse, autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence, ainsi que d’enseignes lumineuses à l’autorisation du maire ».

Les communes et les intercommunalités pourront ainsi prévoir dans leur RLP de soumettre à autorisation préalable les publicités et enseignes lumineuses situées à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local à usage commercial qui n’est pas principalement utilisé comme un support de publicité, et destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation. Cette possibilité concerne donc uniquement les publicités et enseignes qui ont l’impact le plus fort tant sur le cadre de vie qu’en termes de consommation énergétique. Les publicités et enseignes non lumineuses et les publicités lumineuses éclairées par projection ou par transparence ne seront pas concernées par cette possibilité. Elles ne pourront pas non plus faire l’objet d’une déclaration préalable, afin d’éviter une charge administrative trop lourde pour les commerçants.

Les modalités d’application de l’article L. 581-14-4 nouveau doivent faire l’objet d’un décret en Conseil d’État, qui devra notamment veiller à l’articulation entre ces dispositions et celles, prévues aux articles L. 583-1 et suivants du code de l’environnement, relatives à la prévention des nuisances lumineuses.

Enfin, le opère une modification de coordination juridique à l’article L. 581-27 du code de l’environnement, relatif aux sanctions administratives en cas de non-respect des dispositions relatives à la publicité, aux enseignes et aux pré-enseignes, pour tirer les conséquences des dispositions prévues par le nouvel article L. 581‑14-4 créé par le .

Dans sa rédaction actuelle, l’article 7 soulève plusieurs difficultés. En effet, en étendant pour la première fois le champ de la police de la publicité extérieure aux publicités et enseignes situées à l’intérieur d’un local commercial, il porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Ce risque d’inconstitutionnalité est d’ailleurs mentionné par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. L’article 7 pourrait en outre avoir pour conséquence de priver de nombreux commerçants d’une source de revenus complémentaires, alors qu’ils sont déjà particulièrement affectés la crise sanitaire et économique que nous traversons, en particulier dans les centres-villes. La rapporteure considère que cet article ne saurait viser des objectifs autres que ceux de la lutte contre le dérèglement climatique. Dans sa rédaction actuelle, cet impact n’est pas mesuré. La rapporteure entend donc préciser le champ de cet article afin que seules les publicités et enseignes lumineuses soient visées, permettant dès lors aux maires de prévoir des horaires d’extinction.

La Convention citoyenne pour le climat a proposé d’« interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs hors information locale et culturelle » (proposition C.2.2.8). Elle souhaite interdire plus particulièrement les écrans vidéos publicitaires « dans l’espace public, les transports en commun et dans les points de vente ». Le comité légistique a toutefois souligné le risque de censure de cette interdiction générale et absolue.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Outre trois amendements rédactionnels de la rapporteure (CS5025, CS5026, CS5027), la commission spéciale a adopté les deux amendements suivants :

– l’amendement CS4128 de la rapporteure, qui limite le dispositif d’encadrement des publicités et des enseignes aux seules publicités et enseignes lumineuses, c’est-à-dire à celles qui ont l’impact le plus fort à la fois en termes de pollution et de nuisance visuelles, de dégradation du cadre de vie et de consommation énergétique ;

– les amendements identiques CS4133 de la rapporteure et CS5038 de M. Jean-Marie Sermier (LR) supprimant la possibilité, pour le règlement local de publicité, de soumettre les publicités et enseignes lumineuses à autorisation préalable du maire. En exemptant de formalités préalables la réglementation relative aux vitrines, ces deux amendements visent à éviter de créer une charge administrative supplémentaire pour les commerçants comme pour les collectivités concernés.

Article 8
(articles L. 581-15 et L. 581-26 du code de l’environnement)
Interdiction des avions publicitaires

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 8 permet l’application d’une amende d’un montant de 1 500 euros en cas de non-respect des interdictions relatives à la publicité sur les véhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les rÈgles relatives À la publicitÉ sur les vÉhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs

En matière de publicité, l’installation, le remplacement ou la modification des dispositifs ou matériels qui supportent de la publicité sont soumis à déclaration préalable auprès du maire et du préfet, conformément à l’article L. 581-6 du code de l’environnement.

L’article L. 581-15 du même code prévoit que la publicité sur les véhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs peut être réglementée, subordonnée à autorisation ou interdite dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Toutefois, cet encadrement n’est pas applicable à la publicité relative à l’activité exercée par le propriétaire ou l’usager d’un véhicule précité, à condition que ce véhicule ne soit pas utilisé ou équipé à des fins essentiellement publicitaires.

La réglementation de la publicité sur les véhicules terrestres figure à l’article R. 581-48 du code de l’environnement. Sont ainsi interdits, pour ces véhicules, le fait de séjourner ou de stationner en des lieux les rendant visibles depuis des voies ouvertes à la circulation publique, de circuler à plusieurs véhicules ou à vitesse anormalement réduite, de circuler dans certains lieux. En outre, la surface publicitaire totale des publicités apposées sur chaque véhicule ne peut excéder douze mètres carrés. Des dérogations peuvent toutefois être octroyées, à titre exceptionnel, par l’autorité de police à l’occasion de manifestations particulières. Enfin, la publicité lumineuse est interdite sur les véhicules terrestres.

En matière d’eaux intérieures (cours d’eau, estuaires et canaux, lacs et plans d’eau), les articles R. 581‑49 à R. 581-52 du code de l’environnement prévoient que la publicité sur les eaux intérieures est admise uniquement sur certains bâtiments motorisés. Elle doit figurer sur des panneaux plats, aux dimensions limitées, ne pouvant excéder huit mètres carrés au total et ne devant être ni lumineux ni réfléchissants. En outre, les bâtiments supportant de la publicité ne peuvent stationner ou séjourner à proximité de certains lieux.

En revanche, bien que l’article L. 581-15 du code de l’environnement prévoit également la possibilité d’encadrer la publicité dans les airs, une telle réglementation n’a pour l’heure pas été adoptée.

B.   Le rÉgime de sanctions

En cas de non-respect des dispositions encadrant la publicité, diverses sanctions sont possibles.

S’agissant des sanctions pénales, l’article L. 581-34 du code de l’environnement punit d’une amende de 7 500 euros le fait d’apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité, une enseigne ou une préenseigne notamment dans des lieux, sur des emplacements ou selon des procédés interdits en application des articles L. 581-4 et suivants du code de l’environnement. Est puni de la même peine le fait de laisser subsister une publicité, une enseigne ou une préenseigne au-delà d’un délai de mise en conformité de cinq jours.

S’agissant des sanctions administratives, une amende est également applicable, sans préjudice des sanctions pénales précédemment mentionnées. Prévue à l’article L. 581-26 du code de l’environnement, cette amende prononcée par le préfet punit la personne ayant apposé ou fait apposer un dispositif ou matériel supportant de la publicité visé à l’article L. 581-6 précité, sans déclaration préalable ou de manière non conforme à cette déclaration. Son montant, initialement fixé à 750 euros, a été porté à 1 500 euros par l’article 43 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ([35]). L’amende est recouvrée au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle le manquement a été constaté.

L’article L. 581-26 précise également les garanties procédurales bénéficiant à la personne concernée, à savoir la possibilité d’avoir accès au dossier et celle de présenter des observations écrites sur le projet de sanction de l’administration dans un délai d’un mois. La nature du recours portant sur la décision du préfet, qui doit être motivée, est celle d’un recours de pleine juridiction.

Le champ d’application de la sanction prévue à l’article L. 581-26 est précisé par son second alinéa et s’étend en cas d’infraction aux dispositions des articles :

– L. 581-4 du code de l’environnement, prévoyant l’interdiction de toute publicité sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, sur les monuments naturels et dans les sites classés, dans les cœurs des parcs nationaux et les réserves naturelles et sur les arbres ; ainsi que la possibilité d’interdire toute publicité sur des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque ;

– L. 581-5 du même code, prévoyant l’obligation d’identification, sur toute publicité, de la personne physique ou morale l’ayant apposée ou fait apposer ;

– et L. 581-24 du même code, prévoyant l’interdiction d’apposer une publicité ou d’installer une préenseigne sur un immeuble sans l’autorisation écrite du propriétaire.

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 8 du projet de loi vise à étendre le champ d’application de l’amende administrative de 1 500 euros, prévue par l’article L. 581-26 du code de l’environnement, au non-respect des interdictions relatives à la publicité sur les véhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs.

Il complète ainsi cet article pour prévoir que cette amende est également applicable « en cas de publicité réalisée dans des lieux, sur des emplacements ou selon des procédés interdits en application de l’article L. 581-15 » du code de l’environnement.

La rédaction retenue limite le champ d’application de l’amende administrative aux seuls cas de non-respect des interdictions prises sur le fondement de l’article L. 581-15 afin de tenir compte d’une recommandation formulée par le Conseil d’État dans son avis relatif au présent projet de loi.

Ce dernier a en effet rappelé que le non-respect de l’article L. 581-15 du code de l’environnement est déjà passible de l’amende pénale prévue à l’article L. 581‑34 du même code. Or, si la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au principe « non bis in idem » n’empêche pas le législateur de prévoir qu’une infraction puisse être sanctionnée à la fois par une sanction pénale et par une amende administrative – à condition que le montant global des sanctions ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions –, le Conseil d’État a préconisé un resserrement du champ d’application aux seules infractions aux éventuelles interdictions adoptées sur le fondement de l’article L. 581-15 du code de l’environnement, de manière à ce que « la sanction envisagée ne présente pas un caractère disproportionné par rapport aux manquements qu’elle a pour objet de sanctionner ».

L’article 8 du projet de loi vise ainsi à renforcer l’effectivité du dispositif d’interdiction des avions publicitaires, entendus, selon les informations communiquées à la rapporteure, comme les aéronefs tractant des banderoles.

Un décret en Conseil d’État devra définir les modalités de cette interdiction dont la possibilité est prévue à l’article L. 581-15 du code de l’environnement. Le Gouvernement a ainsi indiqué à la rapporteure qu’il « saisira le Conseil d’État d’un projet de décret dans un calendrier permettant une publication rapprochée de la loi et du décret ».

La rapporteure considère qu’il convient d’accélérer le déploiement de cette mesure en interdisant les avions publicitaires dès la promulgation de la loi.

La Convention citoyenne pour le climat a proposé l’interdiction des avions publicitaires via l’introduction de dispositions en ce sens dans le code de la consommation (proposition C.2.2.4).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Outre l’amendement rédactionnel CS5029 de la rapporteure, la commission spéciale a adopté, malgré un avis défavorable du Gouvernement, les amendements identiques CS4150 de la rapporteure, CS1807 de M. Dominique Potier (Soc), CS2641 de Mme Émilie Cariou (NI) et CS4616 de M. Jean-Charles Colas-Roy (LaREM) visant à inscrire directement à l’article L. 581‑15 du code de l’environnement l’interdiction de la publicité dans les airs.

Article 9
(article L. 541-15-15 du code de l’environnement)
Expérimentation d’un dispositif « Oui pub »

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 9 interdit, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la distribution d’imprimés à visée commerciale non adressés, lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres.

I.   Le droit en vigueur

A.   Le cadre applicable au dispositif « Stop pub »

Le dispositif « Stop pub » visant à apposer une mention de refus de réception d’imprimés publicitaires non adressés à proximité ou sur la boîte aux lettres est né d’initiatives éparses menées par certaines collectivités. Il a pris une ampleur nationale avec le Plan national de prévention des déchets de 2004 dont l’une des actions visait à « mettre au point un dispositif respecté de refus des imprimés publicitaires ».

● La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi « AGEC », a renforcé la réglementation relative aux imprimés publicitaires :

– depuis le 1er janvier 2021, le non-respect du dispositif « Stop pub » est passible de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, à savoir 1 500 euros pour les personnes physiques et 7 500 euros pour les personnes morales, en application de l’article L. 541-15-15 du code de l’environnement ;

– le dépôt d’imprimés publicitaires à visée commerciale sur les véhicules ainsi que la distribution de cadeaux non sollicités dans les boîtes aux lettres sont interdits depuis le 1er janvier 2021, conformément à l’article L. 541‑15‑16 du même code. Le non-respect de ces interdictions est puni par l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe ;

– à compter du 1er janvier 2022, les publications de presse et la publicité, adressée ou non, devront être expédiées sans emballage plastique, en application de l’article L. 541-49-1 du même code ;

– enfin, les prospectus publicitaires et les catalogues devront, à compter du 1er janvier 2023, être imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement, sous peine de l’amende applicable pour les contraventions de cinquième classe, en application de l’article L. 541‑15-17 du même code.

Il conviendrait de réaliser un bilan des nouvelles sanctions entrées en vigueur afin d’en mesurer les impacts quant au respect de la volonté des particuliers de ne pas recevoir des publicités non adressées.

● En 2020, l’Agence de la transition écologique (ADEME) a réalisé une enquête en ligne concernant les imprimés publicitaires sans adresse et le dispositif « Stop pub ». Les principales parties prenantes – collectivités, annonceurs, papetiers, imprimeurs, acteurs de la distribution en boîte aux lettres, acteurs du recyclage, organisations non-gouvernementales et associations environnementales – ont été associées à cette enquête au sein d’un groupe de travail.

Il est apparu que les imprimés publicitaires sans adresse présentent un intérêt pour une majorité de répondants et que le dispositif « Stop pub » constitue un outil globalement efficace, répondant aux attentes des particuliers. Toutefois, l’enquête a également mis en avant que ces imprimés contribuent à susciter, chez la moitié des personnes interrogées, des envies d’achat ne pouvant être concrétisées pour des raisons financières. Environ 40 % des personnes interrogées considèrent recevoir une quantité trop importante de publicités, indiquent les jeter sans y avoir prêté attention au moins une fois par semaine et considèrent qu’ils constituent une source de gaspillage inutile. Par ailleurs, trois répondants sur cinq ayant apposé un dispositif « Stop pub » continuent à en recevoir. S’agissant d’un système reposant sur la publicité acceptée (type « Oui pub »), 70 % des répondants étaient favorables à ce qu’un tel dispositif soit testé et appliqué dans leur commune.

À la suite à cette enquête, l’ADEME et ses partenaires ont construit un plan d’actions volontaires dont les objectifs visent notamment à renforcer la notoriété du dispositif « Stop pub » et l’information sur son fonctionnement ainsi qu’à sensibiliser à la consommation responsable et à l’impact du gaspillage de papier lié aux imprimés publicitaires non lus.

B.   Les propositions d’expÉrimentation d’un dispositif « Oui pub »

En 2018, l’ADEME a réalisé une enquête exploratoire sur la publicité acceptée ou le « Oui pub » visant à déterminer les leviers et les freins à l’expérimentation territoriale d’un tel dispositif ([36]). Ce dernier a été perçu comme intéressant pour cibler de manière plus efficace les consommateurs souhaitant réellement recevoir des imprimés publicitaires, mais aussi pour diminuer les surcoûts liés à la production d’imprimés non lus. Toutefois, les parties prenantes ont fait état d’obstacles à sa mise en œuvre tant de nature économique, qu’environnementale ou opérationnelle.

Dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à la loi du 10 février 2020 précitée, la création d’un dispositif conduisant à opter pour la publicité (« Oui pub ») plutôt que d’opter contre celle-ci (« Stop pub ») a déjà été proposée par amendement sans toutefois être retenue ([37]).

L’expérimentation d’un dispositif « Oui pub » a également été proposée par MM. Géraud Guibert et Thierry Libaert dans leur rapport intitulé « Publicité et transition écologique » rendu public en juin 2020 ([38]). Partant du constat d’une réception moyenne annuelle de trente kilos par foyer d’imprimés publicitaires, souvent jetés sans même être lus, les auteurs du rapport préconisent la mise en place d’une expérimentation réalisée par l’ADEME sur deux zones territoriales, une grande agglomération et une zone rurale (proposition n° 13 du rapport).

Enfin, un tel dispositif d’interdiction de la publicité en l’absence de consentement a été introduit par l’article 10 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique pour la prospection par voie numérique (article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques).

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 9 du projet de loi instaure une expérimentation, d’une durée de trois ans, visant à interdire la distribution d’imprimés à visée commerciale non adressés, lorsque l’autorisation de les recevoir ne fait pas l’objet d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres.

Cette expérimentation peut être mise en place dans les collectivités territoriales ou les groupements de collectivités ayant défini un programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés en application de l’article L. 541‑15-1 du code de l’environnement. La liste de ces collectivités sera précisée par décret.

Six mois avant le terme de l’expérimentation, il est prévu que le Gouvernement adresse un rapport d’évaluation au Parlement. La rédaction de l’article 9 ne prévoit toutefois pas expressément de généralisation du dispositif en cas de résultats jugés positifs.

Enfin, les modalités d’application de l’expérimentation doivent être déterminées par décret en Conseil d’État.

Cet article doit permettre de tester, grâce à la mise en place d’une expérimentation, le dispositif « Oui pub » afin d’observer les impacts de son déploiement en termes environnementaux, économiques et opérationnels.

À cet égard, l’étude d’impact fait mention de plusieurs freins à la mise en place de ce dispositif, recensés par l’ADEME dans le cadre de son étude de 2018 précitée. S’agissant des difficultés d’ordre juridique, figurent l’identification du responsable en cas de non-respect du choix et le régime de la preuve pour en démontrer le non-respect. Concernant les difficultés d’ordre économique, l’étude d’impact mentionne un potentiel impact négatif sur l’écosystème des entreprises de distribution d’imprimés publicitaires, des imprimeurs, ainsi que sur le pouvoir d’achat de certains consommateurs guidés par les promotions dans leurs choix de consommation. La Confédération française démocratique du travail (CFDT) a par ailleurs indiqué, lors de son audition par la commission spéciale, que la filière de distribution d’imprimés publicitaires comptait 40 000 emplois, souvent précaires. En outre, sur le plan opérationnel, la délimitation du périmètre d’expérimentation pourrait poser des difficultés aux annonceurs et aux distributeurs s’agissant de l’articulation avec leurs zones de chalandise. Enfin, pour les collectivités territoriales, deux dynamiques financières opposées peuvent être engendrées, dont la prévalence n’est pas actée entre, d’une part, une diminution du coût de gestion des déchets liée à celle du nombre d’imprimés publicitaires et, d’autre part, une baisse des montants reversés par l’éco-organisme mettant en œuvre la responsabilité élargie du producteur du fait de cette même diminution du nombre d’imprimés. Il est à noter que le coût de l’expérimentation serait supporté par les collectivités territoriales volontaires pour sa mise en place, sachant que la distribution d’autocollants « Stop pub » est déjà financée par ces dernières, comme indiqué à la rapporteure.

Enfin, il est envisagé, selon l’étude d’impact, de confier le suivi de l’expérimentation ainsi que la réalisation d’une évaluation ex post à l’ADEME. Toutefois, le suivi et l’évaluation des expérimentations locales ne sont pas clairement attribués à ce stade, selon les informations communiquées à la rapporteure.

Il convient d’encadrer plus précisément le champ d’application de cette expérimentation en prévoyant des exemptions, notamment pour le secteur culturel.

La Convention citoyenne pour le climat a proposé l’interdiction du dépôt de toute publicité dans les boîtes aux lettres, à partir de janvier 2021 (Proposition C.2.2.3).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Outre quatre amendements rédactionnels de la rapporteure (CS5030, CS5031, CS5032 et CS5033), la commission spéciale a adopté les amendements suivants :

– l’amendement CS1569 de M. Pierre Vatin (LR) visant à inclure les imprimés en plastique dans le champ de l’expérimentation ;

– l’amendement CS4996 de M. Jean-Marie Sermier (LR) visant à élargir le bilan de l’expérimentation à l’impact sur les secteurs d’activité concernés ;

– l’amendement CS5126 de la rapporteure visant à permettre aux collectivités territoriales et groupements de collectivités mettant en œuvre l’expérimentation de définir des secteurs exclus du champ d’expérimentation, en particulier le secteur culturel et la presse ;

– l’amendement CS4303 de la rapporteure qui prévoit la remise d’un rapport d’évaluation portant sur la mise en œuvre de la sanction prévue en cas de non-respect du dispositif « Stop pub », entrée en vigueur le 1er janvier 2021, ainsi que sur l’impact de cette sanction sur la distribution d’imprimés publicitaires non adressés.

Article 10
(article L. 541-15-10 du code de l’environnement)
Interdiction de la distribution d’échantillons aux consommateurs sans demande expresse de leur part

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 10 interdit la distribution gratuite d’échantillons en l’absence de demande expresse du consommateur, au plus tard le 1er juillet 2022. Dans le cas d’une remise d’échantillon sur demande expresse, il est proposé au consommateur de fournir lui-même le contenant nécessaire au recueil de l’échantillon, si cela est matériellement possible et dans le respect de la réglementation applicable aux produits concernés.

I.   Le droit en vigueur

La France s’est progressivement dotée d’une politique de gestion des déchets ambitieuse. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte a fixé un objectif de réduction de 10 % de la quantité de déchets ménagers et assimilés produits par habitant en 2020 par rapport à 2010. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a actualisé et remplacé cet objectif par un objectif stratégique de réduction des déchets ménagers de 15 % en 2030 par rapport à 2020.

Plusieurs dispositions législatives contribuent à l’atteinte de cet objectif ambitieux.

Tout d’abord, la loi du 17 août 2015 précitée a interdit la mise à disposition de plusieurs objets en plastique à usage unique. Sont ainsi d’ores et déjà interdites, depuis le 1er janvier 2016, la mise à disposition à titre gratuit et la vente de sacs en plastique à usage unique destinés à l’emballage de marchandises au point de vente ([39]). Il en va de même pour les produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides, dont la mise sur le marché est interdite depuis 2018.

Est par ailleurs interdite, sur le fondement de la loi 17 août 2015 précitée et de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, depuis le 1er janvier 2020, la mise à disposition de gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique, ainsi que des cotons-tiges en plastique, à l’exception de ceux qui constituent des dispositifs médicaux.

Cette liste d’interdictions a été étendue par l’article 28 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi « EGALIM ») à plusieurs produits en plastique à usage unique, parmi lesquels les pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables ou encore bâtonnets mélangeurs pour boissons. La mise sur le marché de ces produits est interdite par la directive (UE) 2019/904 du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement, dont la loi EGALIM a transposé les dispositions.

L’entrée en vigueur de ces interdictions, initialement prévue le 1er janvier 2020, a été décalée au 1er janvier 2021 par l’article 77 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

Les différentes dispositions mentionnées ci-dessus, relatives à l’interdiction de la mise à disposition ou de la mise sur le marché de certains produits en plastique à usage unique, sont désormais regroupées au sein de l’article L. 541-15-10 du code de l’environnement, crée par la loi du 10 février 2020 précitée.

Par ailleurs, l’article 49 de la même loi a complété cet article L. 541-15‑10 pour interdire, au plus tard le 1er janvier 2023, sauf demande contraire du client, l’impression et la distribution systématiques de tickets de caisse dans les surfaces de vente et dans les établissements recevant du public, de tickets de carte bancaire, de tickets par des automates et de bons d’achat et de tickets visant à la promotion ou à la réduction des prix d’articles de vente dans les surfaces de vente.

L’article 81 de la même loi interdit, au plus tard le 1er janvier 2022, la mise à disposition, à titre gratuit, de jouets en plastique dans les menus pour enfants.

Enfin, plusieurs dispositions de la loi du 10 février 2020 renforcent la réglementation relative à la distribution d’imprimés publicitaires (voir le commentaire de l’article 9 du présent projet de loi).

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 10 du présent projet de loi complète l’article L. 541-15-10 du code de l’environnement afin d’interdire, au plus tard le 1er juillet 2022, de fournir à un consommateur, sans demande expresse de sa part, un échantillon de produit dans le but de lui vendre ce produit.

Cet article n’interdit donc pas la distribution d’échantillons : le consommateur pourra toujours bénéficier d’une remise d’échantillon, mais seulement s’il le demande expressément. Dans ce cas, il lui sera proposé de fournir lui-même le contenant nécessaire au recueil de l’échantillon, dans le respect de la réglementation applicable aux produits concernés.

À partir de la consultation de plusieurs sites internet spécialisés dans la remise d’échantillons gratuits, l’étude d’impact indique que la distribution d’échantillons concernerait principalement les produits alimentaires, les produits cosmétiques, les produits d’hygiène (notamment ceux destinés aux bébés), les produits ménagers (en particulier les lessives) et plus marginalement d’autres produits (publications, ampoules électriques…). Elle semble exclure la presse magazine, cependant la rapporteure estime qu’il conviendrait de le préciser explicitement.

L’article 10 permet ainsi de limiter le gaspillage lié à la distribution d’échantillons qui ne sont pas systématiquement souhaités par le consommateur, ainsi que les déchets liés à ces échantillons et à leur emballage.

L’article 10 reprend tout en la clarifiant la proposition C.2.2.6 de la Convention citoyenne pour le climat consistant à « interdire la distribution automatique d’échantillons pour la remplacer par une distribution sur demande et en donnant la possibilité aux consommateurs d’utiliser leurs propres contenants ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

À l’initiative de la rapporteure, la commission spéciale a adopté l’amendement CS5210 rectifié visant à :

– préciser que l’interdiction de fournir un échantillon à un consommateur s’applique uniquement lorsque celui-ci n’en fait pas la demande. Il supprime donc le terme de « demande expresse », qui pose des difficultés en termes de traçabilité et de recueil des données ;

– exclure du dispositif les échantillons contenus dans la presse ;

– préciser que les publications de presse ne constituent pas un échantillon ;

– renvoyer les modalités d’application de l’article à un décret.

Chapitre III
Accélérer le développement de la vente en vrac et de la consigne du verre

Article 11
Surface consacrée à la vente en vrac dans les commerces

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 11 du projet de loi fixe un objectif, à horizon 2030, d’affectation à la vente en vrac de 20 % de la surface de vente des commerces dont la surface est supérieure à 400 mètres carré.

I.   Le droit en vigueur

A.   la surface de vente

L’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, tel que modifié par la loi de finances pour 1997 (loi n° 96-1181 du 29 décembre 1996), définit la surface de vente des magasins de commerce de détail comme l’ensemble des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l’exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. Une circulaire du 16 janvier 1997 a notamment précisé que les espaces qui, à l’intérieur d’un magasin, ne sont pas ouverts au public ne sont pas inclus dans le calcul de la surface de vente.

L’article 3 de la loi précitée du 13 juillet 1972 fixe à 400 mètres carré de surface de vente le seuil au-delà duquel l’entreprise exploitante est redevable de la taxe sur les surfaces commerciales.

B.   la vente en vrac ou vente sans emballage

L’article L. 120-1 du code de la consommation, introduit par la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC), définit la vente en vrac comme la vente au consommateur de produits présentés sans emballage, en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants réutilisables. La vente en vrac est proposée en libre-service ou en service assisté dans les points de vente ambulants. Elle peut être conclue dans le cadre d’un contrat de vente à distance. Tout produit de consommation courante peut être vendu en vrac, sauf exceptions définies par décret (article L. 120-1 du code de la consommation) pour des raisons de santé publique. Un projet de décret préparé par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été notifié à la Commission européenne le 14 janvier 2021, et ne pourra donc pas faire l’objet d’une publication avant la mi-avril. Le ministère de la transition écologique a signalé que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été saisie pour consultation. Au moment de l’examen en commission du présent projet de loi, le décret n’était pas encore publié.

Les produits dont la vente en vrac est déjà interdite par
le droit européen ou national en vigueur

Dans l’attente du décret d’application de la loi AGEC, il convient de noter que le droit national ou européen en vigueur interdit déjà la vente en vrac pour les produits suivants :

– les produits laitiers liquides traités thermiquement ;

– les préparations pour nourrissons et les préparations de suite, les préparations à base de céréales et les denrées alimentaires pour bébés, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids ;

– les matières premières pour aliments des animaux et les aliments composés pour animaux ;

– les additifs et prémélanges destinés à l’alimentation des animaux ;

– les compléments alimentaires ;

– les produits surgelés ;

– les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants ;

– les produits rodenticides ;

– les produits biocides, lorsque la vente en vrac n’est pas prévue dans l’autorisation de mise sur le marché.

Dans les commerces de vente au détail, le contenant réutilisable peut être apporté par le consommateur ou fourni par le détaillant. Tout consommateur final peut demander à être servi dans un contenant apporté par ses soins ; il est alors responsable de l’hygiène et de l’aptitude du contenant (article L. 120-2 du code de la consommation).

Lors de la vente de produits sans emballage, dans les commerces disposant d’une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés, des contenants réemployables ou réutilisables propres se substituant aux emballages à usage unique doivent être mis à disposition du consommateur final, gratuitement ou non (article L. 112-9 du code de la consommation).

Dans le cadre de l’interdiction des sacs en plastique à usage unique dont l’entrée en vigueur progressive a été prévue par la « loi AGEC » précitée, l’article L. 541-15-10 du code de l’environnement dispose qu’à compter du 1er janvier 2022, tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, mais que cette obligation n’est pas applicable aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret. La publication de ce décret est prévue pour l’été 2021.

À l’heure actuelle, la vente en vrac ne représente qu’une très faible part du chiffre d’affaires des marchandises vendues au détail, même si le nombre de commerces spécialisés dans ce modèle de distribution, qui est encore marginal, augmente régulièrement selon les informations communiquées par l’association Réseau Vrac, avec des disparités régionales importantes.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 11 du projet de loi introduit pour les commerces dont la surface totale est supérieure à 400 m2 un objectif, à atteindre au 1er janvier 2030, de 20 % de la surface de vente consacrés à la vente en vrac.

Selon les informations communiquées par le ministère de la transition écologique, à ce jour aucun supermarché « généraliste » ne consacre 20 % de sa surface à la vente en vrac ; seuls des commerces spécialisés dans la vente en vrac dépassent ce seuil. Le Gouvernement justifie le choix du seuil de 400 m2 par deux considérations :

– un souci de cohérence avec le seuil de 400 m2 fixé pour l’obligation de mettre des contenants à la disposition des clients qui achètent des produits sans emballage ;

– le constat que les établissements dont la surface de vente est supérieure ou égale à 400 m² représentent 64 % des parts de marché du commerce de détail des produits alimentaires et que les surfaces de vente inférieures à 400 m² sont généralement de petites surfaces de vente, pour lesquelles les transformations nécessaires à l’atteinte de l’objectif pourraient s’avérer difficiles à opérer sur les plans financier et logistique (modification des lieux de stockage, espace disponible dans l’espace de vente…).

Il convient de noter que la rédaction très générale du projet de loi couvre le commerce alimentaire comme le commerce non alimentaire.

L’article dispose que « l’action des pouvoirs publics » doit tendre à ce que cet objectif soit atteint. Cette précision a été introduite par le Gouvernement sur l’avis du Conseil d’État qui, soulignant l’absence de portée normative de l’article dans l’avant-projet qui lui était soumis, a rappelé qu’en application de l’article 34 de la Constitution, les dispositions à caractère programmatique ne peuvent s’appliquer qu’aux actions de l’État et pas à celles des autres acteurs, notamment les acteurs privés. Le Gouvernement prévoit de définir les modalités de l’action des pouvoirs publics en concertation avec les acteurs, notamment les régions qui détiennent la compétence d’élaboration des plans de prévention des déchets.

La rapporteure souhaite apporter plusieurs éléments de clarification et de précision à ce dispositif, notamment pour limiter le champ de la démarche aux produits de grande consommation et aux commerces de détail et pour l’élargir, en revanche, à l’ensemble des ventes sans emballage primaire et pas seulement au vrac.

La Convention citoyenne pour le climat a préconisé, pour atteindre l’objectif qu’elle a défini en matière de limitation du suremballage et de l’utilisation de plastique à usage unique (objectif C3), de développer la vente en vrac. Rappelant que « le meilleur emballage est celui qui ne se jette pas ou qui n’existe pas », la Convention citoyenne a proposé la mise en place progressive, à partir de 2023, d’une « obligation de l’implantation du vrac dans tous les magasins » et « l’imposition d’un pourcentage aux centrales d’achat ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

À l’initiative de la rapporteure (amendement CS5122 rectifié), la commission spéciale a procédé à une réécriture de l’article 11, qui lui confère un caractère normatif en rendant obligatoire, pour tous les commerces de détail dont la surface est supérieure ou égale à 400 mètres-carré, l’atteinte au 1er janvier 2030 d’un objectif de développement de la vente de produits présentés sans emballage primaire (y compris la vente en vrac).

L’objectif à atteindre pourra être, au choix des commerçants :

– au moins 20 % de leur surface de vente de produits de grande consommation ;

– un dispositif d’effet équivalent exprimé en nombre de références ;

– ou un dispositif équivalent en proportion du chiffre d’affaires.

Un décret devra préciser les objectifs à atteindre, en fonction des catégories de produits, des exigences sanitaires et de sécurité et des adaptations requises dans les pratiques des producteurs, des distributeurs et des consommateurs.

Article 12
(article L. 541-10-11 du code de l’environnement)
Généralisation de la consigne des emballages en verre

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 12 du projet de loi prévoit que l’obligation, pour les producteurs, de mettre en place une consigne pour réemploi des emballages en verre pourra être généralisée, au plus tôt le 1er janvier 2025, si ce dispositif est nécessaire à l’atteinte des objectifs nationaux ou européens de prévention ou de gestion des déchets, et sous réserve que le bilan environnemental global de ce dispositif soit positif.

I.   le droit en vigueur

A.   dÉfinition et objectifs de la consignation

Un emballage consigné est un emballage pour lequel le consommateur verse une somme d’argent au moment de l’achat d’un produit, la consigne, qui lui est ensuite rendue lorsqu’il retourne l’emballage vide et intègre à un point de collecte dédié (article 7 de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs ainsi qu’à diverses pratiques commerciales). Cette somme d’argent consignée au titre de l’emballage, c’est-à-dire payée par le consommateur, vient donc s’ajouter au prix de vente du produit. Au sens de la loi du 23 juin 1989, la consignation peut avoir pour objectif le réemploi ou le recyclage.

Le réemploi d’un produit est défini par l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement comme la réutilisation du produit pour un usage identique à celui pour lequel il avait été conçu. Le recyclage est défini par le droit européen ([40]) comme toute opération de valorisation par laquelle des déchets sont retraités en produits, matières ou substances aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins.

Dans le cas d’une consigne pour réemploi, les produits consignés ne sont pas considérés comme des déchets. En revanche, les emballages collectés dans le cadre d’une consigne pour recyclage prennent le statut de déchets, destinés à être recyclés ou valorisés.

reprÉsentation schÉmatique du dispositif de consigne pour rÉemploi
ou pour recyclage

Source : ADEME

B.   les objectifs europÉens concernant les emballages usagés et les dÉchets d’emballages

La gestion des déchets fait l’objet d’une politique globale européenne depuis l’adoption de la directive-cadre du 15 juillet 1975, refondue en 2008. Cette politique porte sur la prévention et le recyclage des déchets, leur réutilisation ainsi que l’amélioration des conditions de leur élimination finale. Elle s’est progressivement enrichie de dispositions sectorielles (emballages et déchets d’emballage en 1994, véhicules hors d’usage en 2000, équipements électriques et électroniques en 2002 notamment). Des directives adoptées en 2018 et 2019 ([41]) ont fixé des objectifs chiffrés contraignants de recyclage, généraux, sectoriels et par type de matières, que les États membres doivent impérativement atteindre dans les délais qu’elles définissent. Elles ont harmonisé et encadré les processus qui permettront d’atteindre ces objectifs et ont renforcé la responsabilité élargie des producteurs (REP).

Les États membres se sont ainsi engagés à atteindre un objectif général : 65 % de tous les déchets d’emballage devront être recyclés au plus tard le 31 décembre 2025, et 70 % au plus tard le 31 décembre 2030. Cet objectif est accompagné d’objectifs de recyclage pour des matières spécifiques, notamment pour le plastique (50 % d’ici 2025 et 55 % d’ici 2030) et pour les emballages en verre (70 % d’ici 2025 et 75 % d’ici 2030).

Les États membres ont également l’obligation de mettre en place des systèmes de reprise, de collecte et de valorisation des emballages usagés et des déchets d’emballage ; ils doivent en outre assurer le réemploi et la valorisation de ces déchets ([42]). Afin d’assurer le respect des obligations de traitement des déchets, les États membres sont en outre tenus de prévoir un régime de sanction.

En France, le législateur a inscrit dans la loi AGEC précitée du 10 février 2020 plusieurs objectifs découlant des textes européens, soit directement dans la loi (par exemple le taux de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique pour boisson), soit en renvoyant à des dispositions réglementaires. Pour faciliter le recyclage de plusieurs matières (dont le verre et le papier), une obligation de tri à la source et de collecte séparée a été instaurée. D’autre part, l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement prévoit que « la France se dote d’une trajectoire nationale visant à augmenter la part des emballages réemployés mis en marché par rapport aux emballages à usage unique, de manière à atteindre une proportion de 5 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2023, exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente, et de 10 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2027, exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente. Les emballages réemployés doivent être recyclables ».

La loi AGEC précitée du 10 février 2020 a prévu, dans son article 9, la création d’un « observatoire du réemploi et de la réutilisation (…) avant le 1er janvier 2021. Cet observatoire est chargé d’évaluer la pertinence des solutions de réemploi et de réutilisation d’un point de vue environnemental et économique, de définir la trajectoire nationale visant à augmenter la part des emballages réutilisés et réemployés mis en marché par rapport aux emballages à usage unique et d’accompagner, en lien avec les éco-organismes, les expérimentations et le déploiement des moyens nécessaires à l’atteinte des objectifs définis dans les cahiers des charges de ces derniers. » Cet observatoire n’a pas encore été créé, sa gouvernance et son rôle exact restant à définir.

C.   la possibilitÉ de mettre en place une consigne pour les bouteilles en plastique

L’article L. 541-10-11 du code de l’environnement, créé par la loi AGEC précitée du 10 février 2020, fixe, dans son paragraphe I, des objectifs de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique pour boisson (77 % en 2025 et 90 % en 2029) et un objectif de réduction du nombre de bouteilles en plastique à usage unique mises sur le marché (réduction de 50 % d’ici 2030). L’extension des consignes de tri à l’ensemble des emballages en plastique (prévue par l’article L. 541-1 du code de l’environnement) et l’organisation de la responsabilité élargie des producteurs (REP) mettant des emballages sur le marché doivent contribuer à l’atteinte de ces objectifs. Le I de l’article L. 541-10-11 charge l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), devenue Agence de la transition écologique, de comparer « les impacts technico-économiques, budgétaires et environnementaux d’un dispositif de consigne [des bouteilles en plastique] pour réemploi et recyclage » aux impacts d’autres modes de collecte. Selon les informations communiquées par la ministre de la transition écologique lors de son audition par la commission spéciale, l’étude de l’ADEME est en cours de finalisation.

Sur la base des évaluations menées annuellement par l’ADEME et d’un bilan qui sera établi en 2023, l’article L. 541-10-11 du code de l’environnement prévoit que le Gouvernement, si « les performances cibles ne sont pas atteintes », devra définir « les modalités de mise en œuvre d’un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi » des bouteilles en plastique, après une concertation avec les parties prenantes, notamment avec les collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets.

Le paragraphe II du même article L. 541-10-11 donne la possibilité d’obliger les producteurs ou l’éco-organisme dont ils relèvent dans le cadre d’une filière REP à mettre en œuvre « d’autres dispositifs de consigne » lorsque ces dispositifs sont nécessaires à l’atteinte des objectifs nationaux ou européens de prévention ou de gestion des déchets, sous réserve que le bilan environnemental global de ces dispositifs soit positif.

Le paragraphe IV de l’article L. 541-10-11 prévoit enfin que d’autres dispositifs de consigne pourront être mis en œuvre à l’échelle régionale, dès lors qu’au moins 90 % des collectivités chargées de la collecte et du traitement des déchets, représentant plus des deux tiers de la population régionale, en font la demande et que la collectivité en charge de la planification régionale de la prévention et de la gestion des déchets émet un avis favorable.

Le décret d’application de l’article L. 541-10-11 ne sera pas publié avant que l’ADEME ait établi le bilan demandé par le législateur. Le Gouvernement prévoit donc de le publier à la fin de l’année 2023.

D.   la consignation du verre pour rÉemploi est peu pratiquÉe

Longtemps pratiquée en France pour les emballages de boissons en verre, la pratique du réemploi (avec versement d’une consigne) des emballages ménagers a décliné dans les années 1980. Cette diminution fait suite aux évolutions de la plasturgie qui a permis le développement des bouteilles en plastique soufflé à de hautes cadences de production et au développement des briques alimentaires. Ces évolutions techniques ont entraîné des modifications de pratiques de conditionnement et de distribution. Les modes de consommation ont également évolué vers le développement de l’usage unique.

Le recyclage des emballages a augmenté progressivement après 1992 suite à la mise en œuvre de la filière REP (responsabilité élargie des producteurs) des emballages ménagers. La collecte des emballages séparée des ordures ménagères mise en place en France permet de recycler plus de 68 % du gisement des emballages tous matériaux confondus et plus précisément en 2016, 86 % pour le verre.

Aujourd’hui, la collecte pour réemploi du verre subsiste dans les cafés, hôtels et restaurants dans le circuit « Business to Business » (BtoB), c’est-à-dire pour la vente entre professionnels, et, sur plusieurs territoires, pour la vente de professionnels aux particuliers (circuit « Business to Consumer » ou BtoC).

L’analyse par l’ADEME de dix dispositifs de réemploi-réutilisation d’emballages ménagers en verre (2018)

En novembre 2018, l’ADEME a publié une évaluation environnementale, économique et sociale de dix dispositifs de réemploi d’emballages en verre pour boisson, étudiés pendant un an. Il s’agissait de dispositifs locaux ou régionaux (production locale de boissons et consommation locale) portés par des entreprises de production ou de distribution de boissons, des collectivités locales ou des associations. L’ensemble de la chaîne de valeur a été observée (de la fabrication de l’emballage au réemploi-réutilisation de l’emballage) et plusieurs catégories d’impacts ont été analysées (émissions polluantes, consommation d’eau, eutrophisation aquatique…). Des freins techniques ont été identifiés, notamment la multiplicité des modèles de bouteille, des matériaux peu résistants aux chocs et l’usage d’étiquettes ne partant pas au lavage.

L’étude conclut que « les dispositifs de réemploi-réutilisation des emballages ménagers en verre présentent, sous certaines conditions, un bénéfice écologique et économique comparés à des dispositifs avec emballages en verre à usage unique » et a formulé plusieurs recommandations relatives à ces conditions à remplir. En particulier, un dispositif performant exige une internalisation ou une mutualisation des outils de lavage par les conditionneurs, l’utilisation de laveuses économes en eau et en énergie, une implication des distributeurs (y compris, si possible, la grande distribution), une organisation efficace de la collecte permettant de réduire l’impact des transports, ou encore l’utilisation d’un nombre réduit de modèles de bouteilles et de formats par type de produit (pour faciliter le tri et le lavage).

Les distances de transport entre le lieu de conditionnement et le lieu de distribution, les modes de transport retenus, la quantité d’eau utilisée pour le lavage et le nombre d’utilisations des emballages font partie des paramètres susceptibles d’influencer les bénéfices environnementaux des dispositifs. Il convient de noter que « dans l’approche analyse de cycle de vie des dispositifs étudiés, les distances de transport entre le site de distribution et le site de lavage et entre le site de lavage et le site de conditionnement, au-delà de 200 km cumulés » risquent de rendre le système avec réemploi « plus impactant sur le changement climatique que le système sans réemploi quel que soit le nombre de réutilisations des bouteilles ». Plus précisément, en ce qui concerne la distance entre le site de conditionnement et le site de distribution, « à partir de 1 000 km, le système avec consigne est moins performant que le système sans consigne en dessous de 20 utilisations [de chaque emballage] sur le changement climatique. (…) Pour une distance de 200 km, il faut 12 à 14 utilisations pour que le système avec consigne soit plus performant que le système sans consigne sur 6 indicateurs. Pour une distance supérieure à 1 800 km, même avec 20 utilisations, le système avec consigne n’est pas plus performant que le système sans consigne ».

II.   les dispositions du projet de loi

Conformément aux propositions de la Convention citoyenne, l’article 12 du projet de loi vise à compléter le II de l’article L. 541-10-11 du code de l’environnement pour ouvrir la possibilité de généraliser, au plus tôt le 1er janvier 2025, l’obligation de mise en place d’une consigne pour les emballages en verre, de manière à ce qu’ils soient lavables et réutilisables. Cette disposition est justifiée, selon l’étude d’impact du projet de loi, par le constat que le déploiement d’une consigne « participe à une amélioration de la performance de collecte des produits concernés qui réduit d’autant les risques d’abandon et de dépôts sauvages ».

Les conditions prévues au II de l’article L. 541-10-11 dans sa rédaction actuelle s’appliqueront à cette démarche : l’obligation s’imposera « aux producteurs ou à l’éco-organisme dont ils relèvent » et pourra être créée à deux conditions : si ce dispositif est nécessaire pour atteindre les objectifs nationaux ou européens relatifs aux déchets et si le bilan environnemental global du dispositif est positif.

L’ensemble des secteurs concernés auditionnés par la rapporteure a souligné la nécessité de pas opposer les objectifs de recyclage et le potentiel de développement de la consigne pour réemploi.

La rapporteure souhaite améliorer la rédaction de l’article 12, notamment en indiquant que le bilan environnemental global, pour être positif, devra porter sur la distance appropriée pour que ce bilan puisse être positif. Elle entend également préciser que l’export sera exclu d’un éventuel déploiement de la consigne pour réemploi.

La proposition C3.2 de la Convention citoyenne pour le climat appelle à la mise en place progressive d’un système de consigne de verre (lavable et réutilisable) jusqu’à une mise en place généralisée en 2025. L’objectif est double : « retourner à l’usage de la consigne pour tous les emballages en verre » et supprimer l’utilisation des contenants plastiques réutilisables.

III.   les travaux de la commission spÉciale

À l’initiative de la rapporteure (amendement CS5277 rectifié), la commission spéciale a procédé à une réécriture de l’article 12, afin de supprimer la perspective d’une généralisation d’une consigne pour réemploi des emballages en verre et pour introduire plusieurs éléments de clarification.

La possibilité, créée par la loi AGEC dans le II de l’article L. 541-10-11 du code de l’environnement, d’obliger les producteurs d’une filière REP à mettre en place de nouveaux dispositifs de consigne n’est applicable qu’aux produits mis sur le marché sur le territoire français, pour en exclure les produits exportés.

Il sera désormais possible de mettre en place des dispositifs de consigne pour réemploi portant spécifiquement sur les emballages en verre, dans les conditions déjà prévues par le II de l’article L. 541-10-11 (pour atteindre les objectifs et à condition qu’au préalable, un bilan environnemental global soit établi et qu’il soit positif). Le bilan environnemental devra, pour ces dispositifs, tenir compte de la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés. L’adoption du sous-amendement CS5530 rectifié de Mme Stéphanie Kerbarh (LaREM) a introduit l’exigence d’une évaluation préalable réalisée par l’observatoire du réemploi et de la réutilisation dont la création a été prévue par l’article 9 de la loi AGEC.

 

 


—  1  —

TITRE II
Produire et travailler

Chapitre Ier
Verdir l’économie

Article 13
(articles L. 11141 [nouveau], L. 1115, L. 13121 [nouveau], L. 22467, L. 224112 [nouveau], L. 24247, L. 24249 [nouveau] et L. 5116 du code de la consommation)
Mise à disposition de pièces détachées pour certaines catégories de produits

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 13 crée un nouvel article L. 111‑4‑1 du code de la consommation, qui étend l’obligation de mise à disposition durant une durée minimale des pièces détachées par les producteurs :

– d’outils de bricolage et de jardinage motorisés ;

– de bicyclettes, y compris à assistance électrique ;

– d’engins de déplacement personnel motorisés.

Un décret en Conseil d’État précise la liste des outils, bicyclettes et engins concernés et définit la durée minimale de mise à disposition des pièces détachées, qui tient compte de la durée de vie moyenne utile de ces produits.

I.   Le droit en vigueur

A.   L’obligation d’information sur la disponibilitÉ des piÈces dÉtachÉes

L’article 6 de la loi n° 2014‑344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a amélioré l’information des vendeurs et des consommateurs sur la disponibilité des pièces détachées pour les biens meubles. Les dispositions suivantes ont été créées à cette fin dans le code de la consommation ([43]) :

– le fabricant ou l’importateur de biens meubles informe le vendeur de la durée de la disponibilité sur le marché des pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens ;

– le vendeur transmet les informations relatives à la disponibilité des pièces détachées au consommateur de manière suffisamment claire ;

– dès lors que le fabricant ou l’importateur a indiqué une durée de mise à disposition des pièces détachées, il doit obligatoirement fournir ces dernières dans un délai de deux mois aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs, agréés ou non, qui les demandent.

B.   Le renforcement des obligations relatives À la disponibilitÉ des piÈces dÉtachÉes dans la loi « AGEC »

1.   De nouvelles obligations relatives à la mise à disposition des pièces détachées

L’article 19 de la loi n° 2020 105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC », renforce les obligations d’information concernant la mise à disposition des pièces détachées. Ces nouvelles dispositions seront applicables à compter du 1er janvier 2022.

La nouvelle rédaction de l’article L. 111‑4 du code de la consommation telle qu’elle résulte de la loi AGEC précise que le fabricant ou l’importateur de biens meubles doit informer le vendeur de la disponibilité mais également de la nondisponibilité des pièces détachées, afin de pallier une lacune des précédentes dispositions en vigueur.

Si une durée de mise à disposition des pièces détachées a été donnée par le fabricant ou l’importateur, le délai dans lequel celui‑ci doit obligatoirement fournir les pièces détachées indispensables à l’utilisation du bien aux vendeurs professionnels et aux réparateurs, agréés ou non, à leur demande, est abaissé de deux mois à quinze jours ouvrables. Ce délai est conforme au droit européen ([44]).

De nouvelles dispositions applicables à certaines catégories de biens meubles ont été créées :

– pour les équipements électriques et électroniques (EEE) et les éléments d’ameublement, les pièces détachées indispensables à l’utilisation du bien sont réputées non disponibles lorsque cette information n’est pas fournie au vendeur par le fabricant ou l’importateur ;

– pour les producteurs d’équipements électroménagers, de petits équipements informatiques et de télécommunications, d’écrans et de moniteurs, les pièces détachées « doivent être disponibles pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État et qui ne peut être inférieure à cinq ans à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné ». La liste précise des équipements concernés doit être définie par voie réglementaire. Cela est conforme aux règlements d’exécution de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 sur l’écoconception, qui prévoient des durées de disponibilité des pièces détachées supérieures à cinq ans pour certaines catégories de produits ([45]) ;

– l’article L. 224‑110 du code de la consommation prévoit que, pour les producteurs et les distributeurs de matériel médical, les pièces détachées doivent être disponibles pendant un délai minimal fixé par décret et qui ne peut être inférieur à cinq ans. Ce décret doit donner le détail des équipements concernés.

Pour certaines catégories de biens qui doivent être définies par décret, lorsqu’une pièce détachée indispensable à l’utilisation d’un tel bien n’est plus disponible sur le marché, le fabricant ou l’importateur doit fournir aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs qui le demandent les plans de fabrication par un moyen d’impression en trois dimensions, lorsqu’une telle impression est possible et sous réserve des dispositions applicables en matière de droit de la propriété intellectuelle ([46]).

Enfin, la possibilité d’opter pour l’utilisation de pièces détachées issues de l’économie circulaire à la place de pièces neuves a été étendue aux véhicules à deux ou trois roues ([47]), aux EEE ([48]) et au matériel médical ([49]). Ces dispositions doivent être précisées par voie réglementaire.

2.   L’indice de réparabilité

L’article 13 de la loi AGEC a créé un article L. 541‑9‑1 du code de la consommation relatif à l’indice de réparabilité d’un produit, qui entre en vigueur le 1er janvier 2022. Cet indice permet d’informer le consommateur sur la réparabilité de son produit. Le décret n° 2020‑1757 du 29 décembre 2020 relatif à l’indice de réparabilité des équipements électriques et électroniques précise notamment les critères à partir desquels est calculé cet indice. L’article R. 451‑214 du code de la consommation prévoit que parmi ces critères figurent :

– « une note sur vingt relative aux durées de disponibilité sur le marché des pièces détachées et aux délais de livraison, auprès des producteurs, des distributeurs en pièces détachées, des réparateurs et des consommateurs » ;

– deux autres notes en lien avec les pièces détachées : l’un sur le caractère démontable de l’équipement et l’autre sur le rapport entre le prix de vente de la pièce détachée et le prix de vente de l’équipement.

Ces dispositions réglementaires sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

Cet indice de réparabilité sera complété par un indice de durabilité, lequel est encore en cours de définition et inclura de nouveaux critères tels que la fiabilité et la robustesse du produit.

3.   La responsabilité élargie du producteur

La loi AGEC a créé de nouvelles filières qui sont soumises à la responsabilité élargie du producteur (REP). L’article 62 de cette loi étend la REP notamment aux articles de sport et de loisir ainsi qu’aux articles de bricolage et de jardin, avec une date d’entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2022. Sont aussi concernés les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur.

La REP, définie à l’article L. 541‑10 du code de l’environnement, oblige les producteurs de certaines filières à adopter une démarche d’écoconception de leurs produits. Cela se traduit en particulier par la contribution à la gestion des déchets issus de ces produits ou par l’allongement de leur durée de vie en assurant leur maintenance. Ils pourvoient à ces obligations en mettant en place, dans la plupart des cas, des éco‑organismes agréés auxquels ils versent une contribution financière.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 13 du projet de loi crée un nouvel article L. 111‑4‑1 du code de la consommation qui étend à de nouvelles catégories de biens meubles l’obligation de mise à disposition de pièces détachées durant une durée minimale.

1.   Les catégories de biens concernés

Les catégories de biens pour lesquelles les pièces détachées devront être mises à disposition durant une durée minimale sont les suivantes :

– les outils de bricolage et de jardinage motorisés ;

– les bicyclettes, y compris à assistance électrique ;

– les engins de déplacement personnel motorisés (EDPM) ([50]).

Un décret en Conseil d’État devra établir la liste précise des outils, des bicyclettes, des engins et des pièces concernés. Selon l’étude d’impact, ces catégories de produits ont été choisies pour les raisons suivantes :

– ces catégories regroupent des produits de nature relativement homogène, ce qui permettra plus aisément de définir une liste de pièces détachées à mettre à disposition pour chacune d’entre elles ;

– leur réparation au moyen de pièces détachées peut être intéressante pour le consommateur, considérant le prix « potentiellement élevé » de tels biens et le lien qui peut être fait entre leur obsolescence et la défectuosité d’une pièce détachée. Il est à noter néanmoins que le rapport entre le prix d’achat et le prix de la réparation est un élément essentiel dans la décision des consommateurs. L’achat d’un produit neuf sera le plus souvent privilégié si le montant des réparations dépasse le tiers du prix du produit ;

– parmi les outils de bricolage et de jardinage motorisés, la tondeuse à gazon a été identifiée parmi les biens pour lesquels un indice de réparabilité serait très pertinent, lors des travaux menés sur cet indice.

D’après le rapport « Les Français et la réparation » édité en mars 2020 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ([51]), voici les données relatives au taux de réparation de ces catégories de biens ainsi que leurs modalités de réparation :

(en pourcentages)

 

Taux de réparation sur les articles ayant subi une casse ou une panne

Sur les articles ayant subi une réparation

Taux de réparation chez un professionnel

Taux d’autoréparation

Articles de bricolage et de jardin (outillage mécanique)

40

29

71

Articles de bricolage et de jardin (outillage électrique)

35

31

69

Vélos classiques

63

28

72

Vélos à assistance électrique

29

42

58

Trottinettes électriques, hoverboards, monoroues, gyropodes, etc.

31

35

65

Source : ADEME

Les données issues de cette même étude montrent que pour les articles de bricolage par exemple, hors tondeuse à gazon thermique, « la réparation va de soi, mais dans la pratique le recours à la réparation est plus faible que l’intention exprimée ».

Quant à la réparation des vélos, le succès du « Coup de pouce vélo », lancé en début d’année 2020, montre avec force grâce à son 1,5 million de vélos réparés, l’adéquation entre l’intention estimée et le passage à l’acte de réparation d’une grande partie des Français. De plus leur réparabilité est réputée quasi infinie, même si les produits les plus innovants et l’apparition des vélos à assistance électrique ont eu tendance à « déstandardiser » un certain nombre de pièces d’usure, rendant l’interopérabilité des pièces détachées moins évidentes que sur les modèles plus anciens.

2.   La durée de mise à disposition des pièces détachées

La durée minimale de mise à disposition pour les biens considérés doit être fixée par décret en Conseil d’État. Le projet d’article L. 111‑4‑1 du code de la consommation dispose que cette durée :

– court à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné ;

– ne peut être inférieure à la « durée de vie moyenne utile estimée » pour chaque catégorie de produits. Cette notion n’est pas définie précisément aujourd’hui. Parmi les durées de référence s’approchant de cette notion, l’ADEME a introduit la notion de durée d’usage, définie comme le « laps de temps pendant lequel le produit est utilisé, c’estàdire en état de marche et prêt à l’emploi, par un utilisateur donné ». Par ailleurs, la durabilité est définie comme la « capacité à fonctionner selon les besoins, dans des conditions définies d’utilisation, d’entretien et de réparation, jusqu’à ce qu’un état limitant soit atteint ».

L’étude « Évaluation économique de l’allongement de la durée d’usage de produits de consommation et biens d’équipement » éditée par l’ADEME en décembre 2019 ([52]) établit, par exemple, que la durée totale d’usage d’une tondeuse ou d’une scie sauteuse est par hypothèse dix ans. Le réseau « L’Heureux cyclage », qui regroupe des ateliers de réparation de vélos, a par ailleurs indiqué à votre rapporteure que la durée moyenne de vie d’un vélo en France est de sept ans, contre 12 en moyenne en Europe. En tout état de cause, la durée de vie moyenne de ces produits dépend également de l’intensité de leur utilisation.

Le contexte mondial tout à fait exceptionnel que nous traversons depuis un an, du fait de la crise sanitaire a provoqué une tension très forte sur la disponibilité des pièces détachées de bicyclettes, mettant également en lumière la complexité du modèle de structuration de la filière. Ces difficultés, conjoncturelles et structurelles, conjuguées à un principe de réalité quant au travail de préparation nécessaire à la mise en place de cette obligation, amène votre rapporteure à s’interroger sur la date de mise en œuvre de celle-ci.

3.   L’entrée en vigueur du dispositif et les dispositions applicables en cas de litige

L’article L. 111‑4‑1 du code de la consommation tel que créé par le projet de loi doit entrer en vigueur le 1er janvier 2022, soit au même moment que les nouvelles dispositions relatives à la mise à disposition de pièces détachées introduites par la loi AGEC.

Il est par ailleurs précisé qu’en cas de litige relatif à l’application du même article L. 111‑4‑1, il appartient au professionnel de prouver qu’il a exécuté ses obligations.

L’article 13 transcrit la proposition PT1.3.1 de la Convention citoyenne pour le climat : « Rendre obligatoire la possibilité de réparation des produits manufacturés qui sont vendus en France ».

Elle propose de fixer une durée minimale de mise à disposition des pièces détachées de 15 ans pour tous les produits commercialisés en France. Le comité légistique de la Convention a indiqué qu’une telle proposition ne serait pas pertinente, notamment car des obligations de durée minimale de disponibilité existent déjà pour certaines catégories de biens et qu’une durée de 15 ans appliquée de manière uniforme « pourrait être excessive et inappropriée pour certains types de biens ». Le comité légistique a donc proposé d’étendre les obligations préexistantes en matière de mise à disposition de pièces détachées à de nouvelles catégories de produits, avec une durée « qui devra être la plus longue possible en fonction de chacun des secteurs pour lequel la norme sera édictée, après concertation avec les filières concernées ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Six amendements modifiant l’article 13 ont été adoptés par la commission.

Un amendement CS5215 de la rapporteure introduit une nouvelle rédaction du troisième alinéa de cet article et permet de clarifier le délai de mise à disposition des pièces détachées. Cellesci doivent être disponibles à la fois durant la période de commercialisation du modèle concerné et durant une période complémentaire une fois que ce modèle n’est plus commercialisé. La durée minimale de cette période complémentaire n’est plus définie en référence à la « durée de vie moyenne utile estimée » de chaque catégorie de produits car cette notion est juridiquement trop imprécise. Il est prévu que cette durée complémentaire de mise à disposition soit d’au moins cinq ans à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné. Cela permet d’harmoniser les dispositions du nouvel article L. 111‑4‑1 du code de la consommation avec celles issues de la loi AGEC concernant la mise à disposition des pièces détachées d’EEE et de matériel médical. Le détail de ces délais sera précisé par voie réglementaire.

Dans une même volonté d’harmoniser les dispositions de l’article 13 avec celles issues de la loi AGEC, un amendement CS5216 de la rapporteure introduit l’obligation, pour les professionnels de l’entretien et de la réparation des catégories de produits mentionnées audit article 13, de proposer des pièces de rechange issues de l’économie circulaire à la place de pièces neuves, pour certaines catégories de pièces et dans des conditions prévues par décret. Des sanctions administratives en cas de non-respect de ces dispositions sont également prévues.

Un autre amendement CS5217 de la rapporteure prévoit que le manquement à l’obligation de mise à disposition des pièces détachées pour les catégories de biens mentionnées à l’article 13 est sanctionné par une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. Ces plafonds sont ainsi significativement supérieurs à ceux sanctionnant le défaut d’information du consommateur relative à la disponibilité ou à la non‑disponibilité des pièces détachées ([53]). Ces nouvelles sanctions ont également été introduites pour le défaut de mise à disposition des pièces détachées d’EEE et de matériel médical ([54]).

Enfin, l’adoption des amendements identiques CS1445 de M. Bazin (LR), CS4699 de Mme Bouchet Bellecourt (LR) et CS5084 de M. Sermier (LR), cosignés par plusieurs de leurs collègues du groupe LR, décale l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 13 du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2023. L’échéance du 1er janvier 2022 n’est en effet compatible ni avec la durée prévisible des travaux parlementaires et des travaux d’élaboration du décret d’application du nouvel article L. 111‑4-1 du code de la consommation, ni avec la notification obligatoire du décret à la Commission européenne ([55]), qui implique un statu quo de trois mois. Le report d’un an de l’entrée en vigueur permettra par ailleurs aux professionnels concernés de mieux se préparer aux nouvelles obligations qui leur incombent.

Article 14
(article L.111-6 du code de la recherche)
Cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale bas carbone et avec la stratégie nationale pour la biodiversité

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le ministre chargé de la recherche doit veiller à la cohérence de la stratégie nationale de recherche (SNR), définie à l’article L. 111‑6 du code de la recherche, avec la stratégie de recherche élaborée au niveau de l’Union européenne ainsi qu’avec la stratégie nationale de santé.

L’article 14 prévoit que la stratégie nationale de recherche doit également être cohérente avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC).

I.   le droit en vigueur

A.   la stratÉgie nationale de recherche

1.   Définition de la stratégie nationale de recherche (SNR)

L’article 15 de la loi n° 2013‑660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a introduit la stratégie nationale de recherche (SNR) dans le code de la recherche, en réponse à une volonté de clarifier la politique de recherche française et ses grandes orientations. La SNR est définie à l’article L. 111‑6 du code de la recherche.

Élaborée et révisée tous les cinq ans, la SNR est établie sous la coordination du ministre chargé de la recherche et en concertation avec la société civile. Les objectifs de cette stratégie comprennent déjà une visée environnementale. En effet, la SNR vise selon le même article L 111‑6 « à répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux en maintenant une recherche fondamentale du haut niveau ». La définition des priorités de cette stratégie fait l’objet d’une concertation avec les différentes parties prenantes en la matière.

C’est le Conseil stratégique de la recherche, composé notamment d’élus et des personnalités qualifiées dans les domaines de la recherche, de l’économie et de l’innovation ([56]), qui propose les grandes orientations de la SNR. Celle‑ci est ensuite mise en œuvre au moyen de contrats pluriannuels conclus par l’État, de financements publics, en particulier via l’Agence nationale de la recherche (ANR) ainsi que d’appels d’offres européens ([57]). Par ailleurs, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) est obligatoirement consulté sur la stratégie nationale de recherche ([58]).

La SNR en cours s’intitule « France Europe 2020 » et couvre la période 2015‑2020 ([59]).

2.   Articulation de la SNR avec d’autres stratégies nationales et européennes

L’article L. 111‑6 du code de la recherche dispose que le ministre chargé de la recherche doit veiller à la cohérence de la SNR avec d’autres stratégies :

– elle doit être cohérente avec la stratégie de recherche élaborée au niveau de l’Union européenne. Le programme‑cadre actuel pour la recherche au niveau européen s’intitule « Horizon Europe » ([60]) et couvre la période 2021‑2027 ;

– l’article 55 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé impose une cohérence de la SNR avec la stratégie nationale de santé ([61]), notamment en matière de risques pour la santé liés à l’environnement.

3.   La stratégie nationale de la recherche énergétique (SNRE)

Créée par l’article 10 de la loi n° 2005‑781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, la stratégie nationale de la recherche énergétique (SNRE) définit les thèmes prioritaires de la recherche dans le domaine énergétique. Par ailleurs, l’article L. 144‑1 du code de l’énergie relatif à cette stratégie, précise, depuis la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite « loi TECV »), que cette SNRE constitue le « volet énergie » de la SNR. Ce même article L. 144‑1 précise que la SNRE doit notamment prendre en compte les orientations de la politique énergétique et climatique définies par la stratégie nationale bascarbone.

B.   La stratÉgie nationale bas carbone (SNBC)

L’article L. 222‑1 B du code de l’environnement, créé par la loi TECV de 2015, définit la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, ou « stratégie bas carbone ». Cette stratégie prend la forme d’un décret qui établit notamment un budget carbone par grands secteurs, par secteur d’activité et par catégorie de gaz à effet de serre. Elle donne également des orientations transversales nécessaires au respect des budgets carbone. Ces derniers sont répartis en tranches indicatives d’émissions annuelles. La dernière SNBC a été adoptée par le décret n° 2020‑457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbones nationaux et à la stratégie nationale bas carbone.

La SNBC devra être compatible avec la loi quinquennale déterminant les objectifs et fixant « les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique », créée par la loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ([62]).

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 14 du projet de loi introduit une nouvelle disposition à l’article L. 111‑6 du code de la recherche : le ministre chargé de la recherche doit veiller à la cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale bas carbone. Cette obligation de cohérence vient en complément de celles déjà prévues par ce même article entre la SNR et la stratégie nationale de santé, d’une part, et entre la SNR et la stratégie de recherche élaborée dans le cadre de l’Union européenne, d’autre part.

Une telle mesure permettra de valoriser les projets de recherche visant à maîtriser les émissions carbone. Selon l’étude d’impact du projet de loi, cela peut également bénéficier aux entreprises « qui peuvent valoriser leurs résultats de recherche » en la matière. Les acteurs du monde de la recherche sont déjà très investis sur ces sujets.

L’ANR a indiqué à votre rapporteure que dans le cadre de ses appels à projets, il est demandé aux porteurs de projets « si et comment leur projet se rattache à des objectifs de développement durable » (ODD). Par ailleurs, cette agence finance déjà de nombreux projets ayant une dimension environnementale, par exemple relatifs à l’efficacité énergétique dans les secteurs des transports ou du bâtiment, aux technologies de l’hydrogène ou encore au stockage de l’énergie. L’ANR apporte également son soutien au développement des filières de captage, de stockage et de valorisation du CO2. De plus, les appels à projets de l’ANR relatifs à l’énergie sont déjà « très en phase » avec la SNRE, cette dernière devant prendre en compte les objectifs de la SNBC.

La direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) a pour sa part insisté sur le rôle fondamental que joue la recherche dans la décarbonation de l’industrie et des entreprises à travers des Plans d’investissements d’avenir (PIA) 3 et 4, qui participent entre autres au déploiement des stratégies hydrogène et batteries. Par ailleurs, les interactions entre les acteurs publics de la recherche et de l’innovation, la Banque publique d’investissement (BPI) et l’ADEME se renforcent et permettent à des PME et à des ETI de financer des projets collaboratifs innovants.

D’autre part, au-delà des projets de recherche eux‑mêmes, certaines initiatives témoignent de la volonté d’une décarbonation de la recherche dans son mode de fonctionnement. Par exemple, le collectif « Labos 1point5 » a été créé dans l’objectif de réduire l’empreinte environnementale de la recherche française ([63]).

L’article 14 transcrit la partie « Réorientation des dépenses de recherche » de la proposition PT2.1 de la Convention citoyenne pour le climat : « D’ici 2025, tout soutien à l’innovation doit s’inscrire dans une logique de sortie d’un modèle basé sur le carbone ».

Il est proposé d’inclure deux phrases à l’article L. 111 6 du code de la recherche : l’une relative à la cohérence entre SNR et SNBC et l’autre précisant que la SNR « détermine les conditions dans lesquelles la recherche apporte son concours à la préservation et la mise en valeur de l’environnement ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté un amendement rédactionnel CS3246 de la rapporteure et des amendements identiques CS975 de M. Pancher et plusieurs de ses collègues (LT), CS3688 de Mme Colboc et plusieurs de ses collègues (LaREM) et CS3984 de Mme Tiegna et plusieurs de ses collègues (LaREM) qui disposent que le ministre chargé de la recherche doit également veiller à la cohérence de la stratégie nationale de la recherche avec la stratégie nationale pour la biodiversité.

Définie à l’article L. 110‑3 du code de l’environnement pris en application de l’article 6 de la convention sur la diversité biologique adoptée à Nairobi le 22 mai 1992, la stratégie nationale pour la biodiversité comporte un volet national et un volet régional. Aux termes de ce même article L. 110‑3, elle contribue « à l’intégration des objectifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité dans les politiques publiques ainsi qu’à la cohérence de ces dernières en ces matières ».

Article 15
(articles L. 21112, L. 21113, L. 21122, L. 2152-7, L. 2312-1, L. 2312-1-1 [nouveau], L. 2352-1 et L. 2352-2 [nouveau] du code de la commande publique)
Renforcer les clauses et les critères environnementaux
dans les marchés publics

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 15 renforce la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics en introduisant deux nouvelles obligations, qui étaient auparavant de simples possibilités :

– l’obligation de prise en compte de considérations relatives à l’environnement dans les conditions d’exécution de l’offre ;

– l’obligation d’insertion, parmi les critères d’attribution du marché, d’un critère prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre.

Les marchés de défense et de sécurité sont explicitement exclus du champ d’application de ces nouvelles obligations.

I.   le droit en vigueur

A.   La dÉfinition du besoin

L’article L. 2111‑1 du code de la commande publique dispose que, au stade de l’expression des besoins, la nature et l’étendue de ceux‑ci doivent être définies avec précision et prendre en compte « des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale » ([64]). La définition des travaux, fournitures ou services à réaliser étant faite par référence à des spécifications techniques, celles‑ci doivent prendre en compte ces objectifs de développement durable.

L’article L. 2111‑3 du même code prévoit que les collectivités territoriales et les acheteurs soumis audit code et dont le statut est fixé par la loi doivent adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), lorsque le montant total annuel de leurs achats est supérieur à 100 millions d’euros hors taxes ([65]). Il est précisé que ce schéma détermine les objectifs de politique d’achat comportant à la fois des éléments à caractère social et des éléments à caractère écologique, ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi de ces objectifs. Enfin, il est précisé que « ce schéma contribue également à la promotion d’une économie circulaire ». Selon les estimations fournies par la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie, des finances et de la relance, cette obligation concerne 160 collectivités territoriales. Le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) ([66]) indique que 20 % de ces 160 collectivités ont adopté un SPASER au 31 décembre 2019, contre 3 % à 7 % en 2016 selon la DAJ.

B.   Le contenu du marchÉ

L’article L. 2112‑2 du code de la commande publique prévoit que, lors de la rédaction des clauses du marché public, les conditions d’exécution des prestations peuvent prendre en compte des considérations relatives « à l’économie, l’innovation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations ». Au niveau européen, l’article 70 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 ([67]) précise que les conditions d’exécution du marché peuvent prévoir des considérations relatives à l’environnement.

Par ailleurs, deux autres articles du code de la commande publique peuvent fonder la prise en compte d’enjeux environnementaux dans les conditions d’exécution :

– l’article L. 2112-3 dispose que les conditions d’exécution qui se rapportent aux travaux, fournitures ou services objets du marché à n’importe quel stade de leur cycle de vie sont réputées liées à l’objet du marché. Le cycle de vie est défini comme « l’ensemble des étapes successives ou interdépendantes, y compris la recherche et le développement à réaliser, la production, la commercialisation et ses conditions, le transport, l’utilisation et la maintenance, tout au long de la vie du produit, de l’ouvrage ou du service, depuis l’acquisition des matières premières ou la production des ressources jusqu’à l’élimination, la remise en état et la fin de l’utilisation du produit, de l’ouvrage ou la fin du service ». L’article R. 2152‑9 du code de la commande publique précise que les coûts du cycle de vie couvrent les coûts supportés par l’acheteur, par exemple les coûts liés à la consommation d’énergie, les coûts de collecte ou de recyclage ainsi que les coûts imputés aux externalités environnementales, lorsque la valeur monétaire de celles‑ci peut être établie ;

– l’article L. 2112‑4 dispose que l’acheteur peut imposer des critères géographiques relatifs aux moyens d’exécution de tout ou partie d’un marché, pour maintenir ou moderniser les produits acquis. Il peut imposer que ces moyens soient localisés au sein de l’Union européenne, notamment afin de prendre en compte des considérations environnementales.

Dans un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) intitulé « Commande publique responsable : un levier insuffisamment exploité » ([68]), publié en mars 2018, il est indiqué que les conditions d’exécution les plus fréquentes ayant trait à l’environnement sont celles de gestion et de valorisation des déchets ainsi que celles de prise en compte du niveau de consommation énergétique.

Les clauses environnementales dans les marchÉs publics
d’un montant supÉrieur à 90 000 € HT

2015

2018

Nombre

Montant

Nombre

Montant

11,8 %

14 %

13,6 %

18,6 %

Source : Observatoire économique de la commande publique, 2e assemblée plénière, 2019

C.   les critÈres d’attribution du marchÉ

L’article L. 2152‑7 du code de la commande publique dispose que le marché est attribué au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse « sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ». Il a été vu que les conditions d’exécution peuvent prendre en compte des considérations environnementales. Concernant les critères d’attribution, l’article R. 2152‑7 du code de la commande publique précise sur quels critères doit se fonder l’acheteur :

– soit il se fonde sur un critère unique qui peut être soit le prix, sous certaines conditions, soit le coût, « déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie » ;

– soit il se fonde sur une pluralité de critères non discriminatoires, parmi lesquels figurent le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Les performances en matière de protection de l’environnement figurent dans la liste non exhaustive d’exemples de critères donnés par cet article R. 2152‑7.

En droit de l’Union européenne, l’article 67 de la directive 2014/24/UE précitée et définissant la notion d’offre économiquement la plus avantageuse prévoit également que la notion de cycle de vie peut être utilisée dans une approche fondée sur le coût. Une telle approche peut tenir compte du coût du cycle de vie et du meilleur rapport qualité/prix, « qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné » ([69]). Par ailleurs, la jurisprudence Concordia Bus Finland de la Cour de justice de l’Union européenne (2002) ([70]) a confirmé que la notion d’offre économiquement la plus avantageuse permet de prendre en considération des critères écologiques, sous les réserves suivantes : ces critères doivent être liés à l’objet du marché, ne pas conférer au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, être expressément mentionnés et respecter les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non‑discrimination.

D.   autres dispositions permettant la prise en compte de considÉrations environnementales

1.   Les apports de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

L’article 144 de la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) a créé l’article L. 228‑4 du code de l’environnement. Celui‑ci dispose, dans sa rédaction issue de la loi AGEC, que « La commande publique tient compte notamment de la performance environnementale des produits, en particulier de leur caractère biosourcé. Dans le domaine de la construction ou de la rénovation des bâtiments, elle prend en compte les exigences de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de stockage de carbone et veille au recours à des matériaux de réemploi ou issus de ressources renouvelables ».

Plusieurs autres dispositions de la loi TECV imposent la prise en compte de considérations environnementales dans les marchés publics dans des secteurs d’activité spécifiques. À titre d’exemple, l’article 36 dispose que pour les marchés publics comprenant des opérations de transport de marchandises, la préférence peut se faire au profit d’offres favorisant des modes de transport non polluants, à égalité de prix ou à équivalence d’offres.

2.   Les dispositions réglementaires

Les articles R. 2111‑12 à R. 2111‑17 du code de la commande publique réglementent l’utilisation des labels en matière de marchés publics. Ils peuvent être utilisés dans les spécifications techniques, les conditions d’exécution et les critères d’attribution du marché. Sous certaines conditions, des labels écologiques peuvent ainsi être exigés par les acheteurs.

Concernant la problématique spécifique de la performance énergétique, le décret n° 2016‑412 du 7 avril 2016 relatif à la prise en compte de la performance énergétique dans certains contrats et marchés publics a créé de nouvelles obligations en la matière lors de la passation de certains marchés ([71]).

E.   les apports de la loi agec

La loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a renforcé certaines dispositions en matière de commande publique responsable :

– l’article 55 prévoit que l’État et les collectivités territoriales doivent réduire la consommation de plastiques à usage unique, la production de déchets et privilégier les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées dans leurs achats publics, lorsque cela est possible. De la même manière, les achats publics de logiciels doivent permettre de limiter la consommation énergétique associée à l’utilisation de ces derniers ;

– l’article 56 dispose que « lorsqu’ils achètent des constructions temporaires, les acheteurs ne peuvent exclure les constructions temporaires ayant fait l’objet d’un reconditionnement pour réemploi, sous réserve que leurs niveaux de qualité et de sécurité soient égaux à ceux des constructions neuves de même type. Ils tiennent compte des incidences énergétiques et environnementales de la construction sur toute sa durée de vie » ([72]) ;

– l’article 58 prévoit que les biens acquis annuellement par l’État et les collectivités territoriales sont issus du réemploi ou de la réutilisation « ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit », hormis contraintes particulières. Un décret fixe la liste des produits concernés, ainsi que le taux applicable à chacun d’entre eux ;

– l’article 60 crée un nouvel article L. 2172‑6 du code de la commande publique, qui dispose que les achats de pneus effectués par l’État et les collectivités territoriales doivent porter sur des pneus rechapés, sauf si une première consultation s’est révélée infructueuse et sous réserve de certains véhicules spécifiques.

F.   Les autres apports

L’article 24 de la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire a introduit l’obligation de proposer dans la restauration collective au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques, au plus tard le 1er janvier 2022.

D’autre part, l’article 141 de la loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique modifie l’article L. 2113‑14 du code de la commande publique afin d’assouplir le dispositif de réservation des marchés publics. Désormais un même marché peut prévoir un tel dispositif à la fois pour les acteurs de l’insertion et pour ceux du handicap.

G.   dispositifs non normatifs incitant À la prise en compte des enjeux environnementaux

Le plan national d’actions pour les achats publics durables (PNAAPD) existe depuis 2007. Il constitue une feuille de route fixant des objectifs en matière d’achats publics durables aux pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices. Le dernier PNAAPD couvre la période 2015‑2020 ([73]) et comporte de nombreux sujets environnementaux parmi les objectifs fixés pour l’année 2020, par exemple :

– 30 % des marchés passés comprennent au moins une disposition environnementale ;

– 60 % des organisations publiques sont signataires de la charte pour l’achat public durable ;

– 80% des organisations réalisant des achats de papier, d’appareils d’impression, de fournitures, de mobilier, de vêtements, de matériel de bureautique prennent en compte la fin de vie de ces produits.

La pratique du « sourcing » ([74]), qui permet à un acheteur public de consulter le marché afin de préparer la passation d’un appel d’offres, peut également permettre de s’assurer que les exigences environnementales du marché public puissent être remplies par les acheteurs.

La plateforme RAPIDD (Réseau des administrations publiques intégrant le développement durable), mise en ligne par le ministère de l’écologie, permet aux acheteurs publics de partager leurs ressources concernant les achats publics durables. Il existe également des plateformes d’aide au calcul du coût global, d’analyse du cycle de vie ou encore une plateforme d’aide à l’identification des entreprises d’insertion mise en ligne par le ministère du travail ([75]).

Les réseaux régionaux d’achats durables jouent un rôle d’accompagnement, de formation et d’aide à l’ingénierie sur les territoires et permettent aux acheteurs ainsi qu’aux entreprises de mieux travailler ensemble. Ils sont au cœur du PNAAPD et en sont l’une des chevilles ouvrières.

Enfin, de nombreux guides relatifs à l’achat public responsable sont publiés par différentes instances, en particulier par la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie, des finances et de la relance ([76]). Ils sont à destination des acheteurs adjudicateurs publics, mais aussi à destination des entreprises. De ce point de vue, beaucoup reste à faire pour accompagner les TPE et les PME, afin de les inciter et de les aider à répondre, seules ou sous la forme de groupements momentanés d’entreprises (GME) conjoint ou solidaire, à des appels d’offres.

II.   les dispositions du projet de loi

La commande publique a un poids économique considérable puisqu’elle représente 8 % du PIB et environ 200 milliards d’euros par an ([77]) : elle a donc un rôle important à jouer en matière de transition énergétique.

L’article 15 du projet de loi introduit l’obligation de prendre en compte des considérations environnementales dans les conditions d’exécution ainsi que dans les critères d’attribution d’un marché public. La terminologie employée – « considérations relatives à l’environnement » pour les conditions d’exécution et « caractéristiques environnementales de l’offre » pour les critères d’attribution – est suffisamment large pour permettre de prendre en compte une grande diversité de clauses ou de critères en la matière. Selon une enquête de l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) réalisée en 2020 ([78]), deux tiers des acheteurs déclarent avoir déjà intégré des clauses environnementales et sociales dans un marché.

A.   Les conditions d’exÉcution du marchÉ

L’article 15 modifie l’article L. 2112‑2 du code de la commande publique et prévoit que les conditions d’exécution doivent obligatoirement prendre en compte des considérations relatives à l’environnement. Il ne s’agit actuellement que d’une possibilité. La prise en compte de considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations demeure facultative.

L’obligation de prendre en compte des considérations environnementales dans les conditions d’exécution des marchés publics est explicitement exclue pour les marchés de défense et de sécurité par l’article 15. Les dispositions antérieures continueront à s’appliquer, c’est-à-dire qu’il est possible, mais non obligatoire, de prendre en compte telles considérations, au même titre que celles relatives au social, à l’emploi et à la lutte contre les discriminations.

Par ailleurs, cette nouvelle obligation ne fait pas l’objet d’une extension aux concessions.

Dans son avis, le Conseil d’État a bien précisé que cette obligation « ne crée pas de hiérarchie entre ces différentes considérations ni n’instaure une prééminence de celles tirées de la protection de l’environnement sur les autres ». Concernant l’absence d’extension aux concessions, le Conseil d’État, s’il indique que certains secteurs, comme ceux du transport ou de l’assainissement, sont des secteurs dans lesquels les enjeux environnementaux sont importants, mentionne l’existence de « réglementations particulières » applicable à ces secteurs pour les concessions et précise que « la réforme pourra être étendue aux concessions, après qu’en auront été mesurés les effets sur les marchés publics ».

B.   Les critÈres d’attribution du marchÉ

L’article 15 modifie l’article L. 2151‑7 du code de la commande publique afin de rendre obligatoire au moins un critère prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre, alors qu’il ne s’agit actuellement que d’une possibilité. L’attribution du marché reste soumise au principe de l’offre économiquement la plus avantageuse, « sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ».

De la même manière que pour les conditions d’exécution, cette nouvelle obligation ne s’applique ni aux marchés de défense et de sécurité, ni aux concessions.

Concernant l’obligation d’un critère environnemental dans l’attribution du marché, le Conseil d’État rappelle que cette nouvelle obligation ne saurait avoir pour effet « de déroger à l’exigence du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni à la condition que les critères d’attribution soient objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ». Concernant l’absence d’extension aux concessions, les remarques mentionnées ci‑dessus concernant les conditions d’exécution sont également applicables pour les critères d’attribution du marché.

En définitive, pour les conditions d’exécution comme pour les critères d’attribution, l’obligation d’intégrer des considérations environnementales ne trouve à s’appliquer que dans le respect des principes fondamentaux de la commande publique. Si l’obligation d’introduire des considérations environnementales présente un caractère discriminatoire car celles‑ci ne sont pas liées à l’objet du marché, alors une telle obligation ne trouverait pas à s’appliquer ([79]).

C.   l’entrÉe en vigueur et la modification des textes rÉglementaires d’application

La date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 15 sera fixée par voie réglementaire mais il est précisé que l’entrée en vigueur doit se faire au plus tard « à l’issue d’un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi ». Cela est en cohérence avec la prochaine échéance du PNAAPD, qui couvrira la période 2021‑2025, et laisse également du temps aux acheteurs et aux entreprises de se former et de s’approprier ces critères.

Par ailleurs l’adoption de l’article 15 nécessiterait une adaptation de l’article R. 2152‑7 du code de la commande publique, afin d’abroger la disposition permettant l’usage du critère unique du prix.

L’article 15 transcrit la proposition PT7.1 de la Convention citoyenne pour le climat : « Renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics ». Les modifications d’ordre législatif proposées sont les suivantes :

– à l’article L. 2112-2 du code de la commande publique, ajouter la phrase suivante : « Elles doivent prendre en compte les considérations relatives à la performance environnementale sur l’ensemble du cycle de vie des travaux, fournitures ou services objets du marché » ;

– à l’article L. 2124-2 du même code et relatif à la seule procédure d’appel d’offres, préciser que l’acheteur doit choisir l’option « économiquement et écologiquement la plus avantageuse » ;

– reprendre la notion de « performance environnementale » existant à l’article L. 228‑4 du code de l’environnement dans le code de la commande publique. Il est cependant précisé que cela nécessite un travail visant à définir les éléments à prendre en compte pour évaluer la performance environnementale d’un produit.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté sept amendements, dont trois amendements rédactionnels ([80]).

Trois amendements adoptés visent à renforcer le rôle des SPASER dans la promotion de la commande publique responsable :

– un amendement CS5219 de la rapporteure vise à renforcer les modalités de publicité des SPASER, en imposant la mise en ligne de ce schéma sur le site internet du pouvoir adjudicateur concerné. Cela permettra de valoriser les acheteurs responsables et d’inciter les autres acheteurs à se mettre en conformité avec le droit ;

– un amendement CS4024 de M. Waserman et plusieurs de ses collègues (Dem) précise que les SPASER doivent inclure des indicateurs sur la part des achats socialement et écologiquement responsables réalisés par les collectivités ainsi que des objectifs à atteindre en la matière ;

– un amendement CS5279 de la rapporteure prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement dans un délai de 3 ans à compter de la promulgation de la loi sur la prise en compte des considérations environnementales et sociales dans les marchés publics des collectivités qui ont adopté un SPASER. Ce rapport permettra de faire un bilan de la mise en œuvre de ces schémas et d’alimenter la réflexion sur la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 15, qui doit intervenir au plus tard 5 ans après la promulgation de la loi.

Par ailleurs, l’obligation de prise en compte des objectifs de développement durable (ODD) dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale au stade de la définition des spécifications techniques du marché a été clarifiée par un amendement CS5278 de la rapporteure ([81]). De cette manière, l’obligation de prise en compte de considérations relatives à l’environnement sera explicitement indiquée dans les dispositions applicables aux marchés publics et ce à toutes les étapes de la passation du marché : définition et formalisation du besoin, contenu du marché et examen des offres.

Chapitre II
Adapter l’emploi à la transition écologique

Article 16
(articles L. 2241-12, L. 2242-20, L. 2312-8, L. 2312-17, L. 2312-22, L. 231594, L. 23161, L. 23162 du code du travail, article L. 1429 du code monétaire et financier et article L. 534321 du code des transports)
Prise en compte des enjeux de la transition écologique dans la GPEC
et lors de l’informationconsultation du CSE

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 16 prévoit :

– que les négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) doivent notamment permettre de répondre aux enjeux de la transition écologique ;

– que le comité social et économique (CSE) des entreprises de plus de 50 salariés est informé sur les conséquences environnementales des différentes mesures qui font l’objet d’une information‑consultation auprès du CSE.

I.   le droit en vigueur

Depuis la loi n° 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, il existe une nouvelle architecture du code du travail, en particulier concernant la négociation collective et la représentation du personnel. Les dispositions législatives relatives à ces sujets sont organisées en trois parties :

– les dispositions d’ordre public, auxquelles nul accord collectif ne peut déroger ;

– les dispositions relevant du champ de la négociation collective ;

– les dispositions supplétives, qui s’appliquent à défaut d’accord collectif.

A.   la gestion prÉvisionnelle des emplois et des compÉtences (gpec)

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et ses modalités de mise en œuvre sont définies à l’article 9 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du travail. Il s’agit d’un dispositif préventif et prospectif visant à adapter les emplois et les compétences aux mutations économiques, démographiques ou encore technologiques en lien avec l’activité de l’entreprise. La GPEC fait partie des éléments soumis à négociation collective au niveau de la branche et de l’entreprise. C’est l’article 72 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale qui a créé une obligation de négocier la mise en place d’un dispositif de GPEC pour les entreprises au-delà d’un certain nombre de salariés.

1.   Négociation de branche

Les dispositions d’ordre public imposent que les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, se réunissent au moins une fois tous les quatre ans pour négocier sur la GPEC ([82]). Un accord collectif peut donc fixer une périodicité différente, dans la limite de ces quatre ans.

À défaut d’accord collectif en la matière, les dispositions supplétives s’appliquent et prévoient que la négociation sur la GPEC doit avoir lieu au moins une fois tous les trois ans ([83]). Ces mêmes dispositions supplétives disposent que la négociation de la GPEC « peut se décliner à l’échelle du territoire et s’appuie sur les travaux de l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications », en précisant que ce dernier porte « une attention particulière aux mutations professionnelles liées aux filières et aux métiers de la transition écologique et énergétique ».

L’article L. 5121‑1 du code du travail dispose que l’État peut apporter un soutien technique et financier à des organisations professionnelles de branche ou interprofessionnelles qui souhaitent anticiper l’évolution des emplois et des qualifications des actifs, au moyen de conventions appelées « engagements de développement de l’emploi et des compétences ».

2.   Négociation d’entreprise

Au niveau de l’entreprise, les dispositions d’ordre public imposent que les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins trois cents salariés, ainsi que les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins cent cinquante salariés en France, engagent au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ([84]). Un accord collectif peut donc fixer une périodicité différente, dans la limite de ces quatre ans.

À défaut d’accord de méthode, les dispositions supplétives s’appliquent et prévoient que la négociation sur la GEPP, portant notamment sur la GPEC, doit avoir lieu au moins une fois tous les trois ans ([85]).

Les entreprises de moins de trois cents salariés ne sont pas incluses dans le champ de négociation obligatoire mais sont également incitées à mettre en place un dispositif de GPEC. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) proposent aux entreprises de moins de deux cent cinquante salariés une prestation de conseil en ressources humaines, qui ouvre droit à un financement et peut servir à la mise en place d’un plan de GPEC. De plus, l’article L. 5121‑3 du code du travail prévoit un dispositif d’appui à la conception à la GPEC des entreprises, ouvrant droit à une prise en charge financière par l’État.

3.   La prise en compte des considérations environnementales dans la GPEC

Certaines dispositions permettent de faciliter la mise en place de GPEC dans les plus petites entreprises.

Au niveau des branches professionnelles, la quatrième vague de l’appel à projets « Soutien aux démarches prospectives compétences » permet d’accompagner les démarches de GPEC. Dans les objectifs fixés par cet appel à projets, clos en fin d’année 2020, il est indiqué qu’« une attention particulière sera apportée à l’impact de la transition écologique sur les emplois et les compétences » ([86]).

Par ailleurs, le dispositif « Transitions collectives » ([87]), mis en place dans le cadre de France Relance et ouvert à toutes les entreprises, pourra également accompagner des salariés sur une évolution de leurs métiers liée à la transition écologique.

L’enjeu de la transition écologique sur l’emploi et les compétences est devenu prégnant dans de nombreuses branches professionnelles, tout comme le numérique depuis quelques années déjà. Il est donc capital pour les branches et les filières de se saisir de cette opportunité et d’anticiper autant que possible la transformation et la création de nouveaux métiers, et d’envisager les synergies qui peuvent se dessiner entre les entreprises d’un même bassin d’emploi en territorialisant leur GPEC.

B.   le comitÉ social et Économique (CSE)

L’ordonnance n° 2017‑1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales a fusionné les institutions représentatives du personnel existantes ([88]) en une nouvelle entité : le comité social et économique (CSE). Après une période transitoire, cette instance devait être mise en place dans toute entreprise employant au moins onze salariés au 1er janvier 2020.

La composition et les attributions du CSE sont définies par les articles L. 2311‑1 à L. 2317‑2 du code du travail et varient selon les effectifs de l’entreprise, comme indiqué dans le tableau ci‑après.

 

 

11-49 salariés

50 salariés et plus

Composition

– employeur

– délégation du personnel (1 à 2 titulaires selon l’effectif et autant de suppléants)

– employeur

– délégation du personnel (1 à 35 titulaires selon l’effectif et autant de suppléants)

– représentation syndicale par le délégué syndical ou par un représentant syndical désigné par chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise, selon les effectifs (moins de 300 salariés ou 300 salariés et plus)

Principales attributions

– présentation à l’employeur des réclamations individuelles ou collectives concernant l’application de certaines dispositions du droit du travail, dont les salaires

– contribution à la promotion de la santé et de la sécurité au travail

 

– assurer une expression collective des salariés prenant en compte leurs intérêts dans diverses décisions relatives à l’entreprise

– informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise

Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le CSE doit être informé et consulté soit de manière récurrente soit de manière ponctuelle selon l’importance des sujets abordés.

1.   Les consultations et informations récurrentes (articles L. 2312‑17 à L. 2312‑36 du code du travail)

Les dispositions d’ordre public imposent que le CSE soit consulté et informé de manière récurrente sur trois grandes catégories de mesures, selon les dispositions prévues à l’article L. 2312‑17 du code du travail :

– les orientations stratégiques de l’entreprise ;

– la situation économique et financière de l’entreprise ;

– la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Une base de données économiques et sociales (BDES) constituant le support de cette information‑consultation doit être mise à la disposition du CSE par l’employeur ([89]).

Un accord d’entreprise peut fixer, en particulier, « le contenu, la périodicité et les modalités de consultations récurrentes » du CSE, ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations. Cependant, la périodicité des consultations ainsi fixée ne peut être supérieure à trois ans ([90]). Cet accord d’entreprise peut également fixer l’organisation, l’architecture et le contenu de la BDES ([91]).

En l’absence d’accord, les dispositions supplétives prévoient que le CSE est consulté chaque année sur les trois grandes catégories de mesures précédemment mentionnées. Les dispositions supplétives détaillent le contenu de ces dispositions ainsi que les informations que doit contenir la BDES en l’absence d’accord ([92]).

La transversalité du sujet de l’environnement sur les activités des entreprises est aujourd’hui un fait tant dans leur stratégie globale, pour laquelle l’environnement est devenu un critère de performance et d’attractivité, que pour leur politique sociale, à travers la formation et la transformation des métiers. Aussi, toutes les consultations obligatoires imposées par les dispositions d’ordre public devront faire état de cette nouvelle composante dans la motivation de leurs avis.

2.   Les consultations et informations ponctuelles (articles L. 2312‑37 à L. 2312‑58 du code du travail)

Les dispositions d’ordre public imposent que le CSE soit consulté et informé de manière ponctuelle sur des catégories de mesures précises, selon les dispositions de l’article L. 2312‑37 du code du travail, par exemple en cas d’offre publique d’acquisition ou de restructuration et compression des effectifs.

Un accord d’entreprise peut notamment définir le contenu de ces consultations ponctuelles, sous réserve des dispositions d’ordre public, ainsi que les modalités de ces consultations.

De la même manière que pour les consultations et informations récurrentes, des dispositions supplétives sont détaillées et sont appliquées à défaut d’accord.

3.   La prise en compte des enjeux environnementaux par les CSE

Certaines dispositions législatives permettent déjà la prise en compte des enjeux environnementaux par les CSE des entreprises de cinquante salariés et plus :

– l’article L. 2315‑45 du code du travail dispose qu’un accord d’entreprise peut prévoir la mise en place de commissions pour l’examen de problèmes particuliers au sein du CSE, en plus de certaines commissions obligatoirement mises en place au-delà d’un certain effectif. Les CSE peuvent dès lors créer des commissions affectées aux questions environnementales ;

– selon les dispositions supplétives applicables, les sociétés soumises à la déclaration de performance extra‑financière doivent intégrer dans leur BDES les informations en matière environnementale présentées dans cette même déclaration ainsi que transmettre le rapport de gestion contenant ladite déclaration dans le cadre de l’information‑consultation relative à la situation économique et financière de l’entreprise ([93]).

Les CSE des entreprises de onze à quarante-neuf salariés disposent également de la possibilité de prendre en compte les enjeux relatifs à la transition écologique au travers du droit d’alerte dont ils disposent en matière de santé publique et d’environnement ([94]), ainsi que dans le cadre des réclamations individuelles formulées par la délégation du personnel auprès de l’employeur.

II.   les dispositions du projet de loi

A.   La gestion prÉvisionnelle des emplois et des compÉtences

L’article 16 modifie les dispositions supplétives applicables en matière de négociation relative à la GPEC afin que celle‑ci puisse prendre en compte les enjeux de la transition écologique. Il convient de préciser que très peu d’accords collectifs relatifs à la GPEC sont conclus sur le fondement des dispositions d’ordre public et ce sont les dispositions supplétives qui trouvent généralement à s’appliquer.

Au niveau de la branche, le 1° de l’article 16 modifie l’article L. 2241‑12 du code du travail, qui précise les dispositions supplétives applicables à la négociation triennale sur la GPEC en l’absence d’accord de branche. Le projet de loi prévoit que ces négociations sur la GPEC doivent « notamment permettre de répondre aux enjeux de la transition écologique » ;

Au niveau de l’entreprise, le 2° de l’article 16 modifie le 1° de l’article L. 2242‑20 du code du travail, qui précise les dispositions supplétives applicables à la négociation triennale sur la GEPP en l’absence d’accord d’entreprise. Le projet de loi prévoit, pour les entreprises concernées par l’obligation d’une telle négociation ([95]), que celle‑ci doit « notamment permettre de répondre aux enjeux de la transition écologique ».

B.   Le ComitÉ social et Économique

Les dispositions de l’article 16 portent uniquement sur les CSE des entreprises d’au moins cinquante salariés. Les conséquences environnementales des décisions de l’entreprise font désormais l’objet d’une information et d’une consultation du CSE à deux niveaux.

Concernant les attributions générales du CSE, le 3° de l’article 16 prévoit que celui‑ci est « informé et consulté sur les conséquences environnementales » de l’ensemble des mesures faisant l’objet d’une information‑consultation en application de l’article L. 2312‑8 du code du travail.

Concernant les dispositions d’ordre public applicables aux informationsconsultations récurrentes, le 4° du même article 16 prévoit que pour l’ensemble de celles‑ci le CSE « est informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise » ([96]). Le 5° de l’article 16 procède à la même insertion dans les dispositions supplétives s’appliquant à défaut d’accord collectif ([97]).

L’article 16 transcrit la proposition PT4.2.1 de la Convention citoyenne pour le climat : « Rôle du Comité social et économique des entreprises ». Les propositions formulées sont les suivantes :

– les négociations relatives à la GPEC doivent permettre de répondre notamment aux enjeux de la transition écologique, cette disposition étant insérée dans les dispositions d’ordre public relatives à la négociation de branche, d’une part, et dans les dispositions supplétives relatives à la négociation obligatoire en entreprise, d’autre part ;

– parmi les attributions générales du CSE, la seule information‑consultation relative aux conditions d’emploi, de travail et à la formation professionnelle doit notamment permettre de répondre aux enjeux de la transition écologique.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de conséquence CS3274 de la rapporteure sur cet article.

Article 16 bis (nouveau)
(articles L. 231218, L. 231221, L. 231223, L. 231236, L. 231563, L. 2315871 [nouveau], L. 231589, L. 2315911 [nouveau] et L. 33416 du code du travail)
Renforcement de l’information et de la formation des membres du CSE
ainsi que du rôle de l’expertcomptable en matière environnementale

Créé par la commission spéciale

 

L’article 16 bis renforce l’information des membres du comité social et économique sur les conséquences environnementales des activités de leur entreprise.

Cet article additionnel résulte de l’adoption de trois amendements CS5220, CS5222 et CS5221 de la rapporteure.

Premièrement, la base de données économiques et sociales est renommée en « base de données économiques, sociales et environnementales » ([98]). Ce changement d’appellation permet de consacrer le rôle de cette base de données en matière d’information sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Les dispositions législatives précisant les principales informations que doit contenir de cette base ont également été complétées afin d’y inclure des informations relatives aux conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ([99]).

Deuxièmement, l’article 16 bis dispose que le stage de formation économique dont bénéficient les membres titulaires du CSE élus pour la première fois peut notamment porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises ([100]).

Troisièmement, il est précisé que le CSE peut recourir à un expertcomptable pour analyser les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise dans le cadre des trois consultations récurrentes prévues par l’article L. 2312‑17 du code du travail ([101]). Ainsi les membres du CSE sont assurés de disposer des ressources d’expertise nécessaires pour analyser les informations qui leur sont transmises dans cette perspective.

Article 17
(article L. 6123-3 du code du travail)
Modification de la gouvernance des CREFOP afin de mieux
prendre en compte les enjeux liés à la transition écologique

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

 

L’article 17 ajoute des personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique à la composition des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP).

I.   le droit en vigueur

L’article 24 de la loi n° 2014‑288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a créé les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP). Chaque comité a pour mission, selon les termes de l’article L. 6123‑3 du code du travail, « d’assurer la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi et la cohérence des programmes de formation dans la région ».

A.   COmposition du CREFOP

Le CREFOP est composé du président du conseil régional, de représentants de la région, de représentants de l’État dans la région, de représentants des organisations syndicales de salariés et d’organisations professionnelles d’employeurs représentatives, de représentants de chambres consulaires et, avec voix consultative, de représentants des principaux opérateurs de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelles. Les nominations effectuées doivent respecter la parité entre les femmes et les hommes. Le nombre et les modalités de désignation des membres du CREFOP sont précisés par voie réglementaire ([102]).

Le CREFOP est présidé conjointement par le président du conseil régional et le représentant de l’État dans la région. La vice‑présidence est assurée conjointement par un représentant des organisations syndicales des salariés et par un représentant des organisations professionnelles d’employeurs.

B.   Missions du Crefop

Depuis la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a rationalisé l’organisation des différents acteurs de la formation professionnelle, les CREFOP assurent des missions auparavant confiées aux comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l’emploi et la formation professionnelle (COPAREF). Les missions actuellement dévolues aux CREFOP peuvent notamment être accomplies par le biais de la convention régionale pluriannuelle de coordination de l’emploi, de l’orientation et de la formation. Cette dernière comprend un plan de coordination des outils concourant au service public de l’emploi ([103]). L’article L. 6123‑3 du code du travail précise que le CREFOP est doté d’une commission chargée de la concertation relative aux politiques de l’emploi sur le territoire. Le CREFOP élabore également le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles, qui recense les besoins en matière d’emplois, de compétences et de qualifications et permet de programmer des actions de formation professionnelle ([104]).

Le bureau du CREFOP est chargé de rendre un avis sur les organismes chargés d’assurer la mission de conseil en évolution professionnelle au niveau régional définie à l’article L. 6111‑6 du code du travail.

Au niveau national, les missions du CREFOP s’articulent avec celles dévolues à France compétences, établissement public administratif créé par la même loi n° 2018‑771 et qui s’est substitué à diverses autres instances. Ses missions sont définies à l’article L. 6123‑5 du code du travail.

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 17 du projet de loi ajoute à la composition du CREFOP des personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique. De cette manière, la composition de cette entité reflétera sa prise en considération des problématiques environnementales. Selon l’étude d’impact, il s’agit également de favoriser « une mise en relation plus facile des différents acteurs autour des projets de transition écologique ».

Ces personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique disposeront d’une voix consultative, au même titre que les représentants des principaux opérateurs de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelles.

Le nombre de représentants appelés à siéger ainsi que leurs modalités de désignation seront déterminés par voie réglementaire, comme c’est le cas pour les autres membres du CREFOP.

L’article 17 transcrit la proposition PT4.2.2 de la Convention citoyenne pour le climat : « Inclure les acteurs de la transition écologique dans la gouvernance des formations au sein du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) ».

Cette proposition consiste en la modification de l’article L. 6123 4 du code du travail pour ajouter des représentants des acteurs de la transition écologique au sein du CREFOP.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté deux amendements de la rapporteure : un amendement CS3648 rédactionnel et un autre amendement CS5223 visant à s’assurer que les nominations de personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique seront effectuées dans le respect du principe de parité entre les femmes et les hommes.

Article 18
(article L. 6332-1 du code du travail)
Rôle des OPCO dans l’accompagnement des entreprises
sur les enjeux relatifs à la transition écologique

Adopté par la commission spéciale sans modification

 

L’article 18 ajoute une nouvelle mission aux opérateurs de compétences (OPCO) : informer les entreprises sur les enjeux environnementaux et les accompagner dans leurs projets d’adaptation à la transition écologique.

I.   le droit en vigueur

A.   La crÉation des opÉrateurs de compÉtences par la loi pour la libertÉ de choisir son avenir professionnel

Les opérateurs de compétences (OPCO) ont été créés par l’article 39 de la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et participent de la volonté de rationalisation des dispositifs de soutien à la formation professionnelle. Ils ont succédé aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Le but était de renforcer les OPCO sur leurs missions de conseil et d’accompagnement des entreprises, particulièrement les plus petites d’entre elles. Contrairement aux OPCA, les OPCO n’assurent plus le rôle de collecte des fonds affectés à la formation professionnelle et versés par les entreprises.

Il existe aujourd’hui 11 OPCO agréés par le ministre chargé de la formation professionnelle, contre 20 OPCA avant la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Les différentes branches d’activité professionnelle sont réparties entre ces 11 OPCO. Le conseil d’administration de l’OPCO est composé à parts égales de représentants de salariés et d’employeurs désignés parmi les organisations signataires et tient compte de la diversité des branches professionnelles adhérentes ([105]). Un commissaire du Gouvernement assiste par ailleurs au conseil d’administration, avec voix consultative ([106]). Le financement des OPCO se fait au travers d’une convention d’objectifs et de moyens (COM) conclue entre chaque OPCO et l’État ([107]).

B.   les Missions des OpÉrateurs de compÉtences

L’article L. 6332‑1 du code du travail tel qu’il résulte de la loi n° 2018‑771 précitée définit les cinq grandes catégories de missions dévolues aux OPCO :

– assurer le financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation ;

– apporter un appui technique aux branches pour certaines de leurs missions, notamment pour établir la GPEC, les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et de professionnalisation ;

– apporter un appui technique aux branches professionnelles pour leur mission de certification ;

– assurer un service de proximité pour les très petites, petites et moyennes entreprises ([108]). Ce service comprend l’amélioration de l’information et de l’accès des salariés à la formation professionnelle et l’accompagnement des entreprises dans la définition de leurs besoins en la matière, notamment au regard des mutations économiques et techniques de leur secteur d’activité ;

– assurer la promotion des différentes actions de formation professionnelle auprès des entreprises.

Pour assurer au mieux leurs missions en relation avec les établissements scolaires dont sont issues les personnes en alternance, soit en apprentissage, soit en contrat de professionnalisation, une convention cadre de partenariat leur est proposée afin de définir les axes de travail en commun et de mettre en place des plans d’action. À ce jour, six des onze OPCO ont déjà signé une telle convention.

Enfin, l’audition des OPCO menée par votre rapporteure a clairement fait apparaître d’une part l’engagement déjà très avancé de l’ensemble des OPCO sur les sujets des transitions et des transformations des métiers liés à l’environnement et d’autre part la très grande hétérogénéité des besoins des filières sur ces sujets. Les observatoires de branche, qui tendent à mener des études qui dépassent leur « silo » pour donner plus de visibilité aux métiers de demain, jouent un rôle prépondérant dans les orientations des différentes actions des OPCO.

Elle est donc en parfait accord avec la rédaction large du texte telle que proposée par le Gouvernement, qui permet à chaque OPCO de répondre, dans un cadre établi, aux besoins des entreprises de leurs branches.

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 18 du projet de loi ajoute une nouvelle mission aux OPCO à L. 6332-1 du code du travail. Cette nouvelle mission s’articule autour de deux axes :

– l’information des entreprises sur les enjeux liés à l’environnement et au développement durable ;

– l’accompagnement des entreprises dans leurs projets d’adaptation à la transition écologique, notamment pour l’analyse et la définition de leurs besoins en compétences.

Ces nouvelles missions d’information et d’accompagnement sont destinées à l’ensemble des entreprises quel que soit leur effectif. L’OPCO est un acteur disposant d’une vision d’ensemble sur les enjeux environnementaux concernant les branches professionnelles adhérentes. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE), dans son avis sur le présent projet de loi, a d’ailleurs souligné la pertinence d’une telle mesure.

Les OPCO ont d’ailleurs déjà engagé de nombreuses actions en matière de sensibilisation aux enjeux de la transition écologique auprès des entreprises. À titre d’exemple, l’accord constitutif de l’OPCO Mobilités, qui œuvre auprès des métiers de la mobilité, indique qu’il contribue « à structurer l’emploi et les compétences des métiers de la mobilité des personnes et des marchandises, s’inscrivant pleinement dans les enjeux de transitions numériques, énergétiques et écologiques ». L’OCAPIAT, qui œuvre auprès des métiers de l’agriculture, de la pêche et de l’agroalimentaire, a prévu de réaliser en 2021 un « diagnostic sur la maturité liée à la transition écologique et énergétique des entreprises », dans le cadre d’un partenariat avec le Haut‑Commissariat aux compétences.

L’article 18 transcrit la proposition PT4.2.3 de la Convention citoyenne pour le climat : « Renforcer l’implication des opérateurs compétences (OPCO) sur les sujets liés à la transition écologique ». Deux modifications sont proposées à l’article L. 6332‑1 du code du travail :

– étendre le service de proximité assuré par les OPCO au bénéfice des très petites, petites et moyennes entreprises à toutes les entreprises de moins de 300 salariés ;

– ajouter au sein de ce seul service de proximité une disposition relative à l’accompagnement des entreprises sur les enjeux liés à la transition écologique en raison des mutations économiques et techniques de leur secteur d’activité.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 18 bis (nouveau)
(article L. 62114 du code du travail)
Rôle des chambres de commerce et d’industrie
dans la formation des salariés et des entreprises
aux conséquences environnementales du numérique

Créé par la commission spéciale

 

L’article 18 bis confie aux CCI le soin d’encourager, dans le cadre de leur mission en faveur de la formation professionnelle – initiale ou continue – la formation aux enjeux environnementaux du numérique.

Les chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont chargées, en application du 4° de l’article L. 710‑1 du code de commerce, d’une mission « en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d’enseignement » qu’elles créent ou financent.

La commission a adopté les amendements identiques CS413 de Mme Beauvais et plusieurs de ses collègues (LR) et CS3985 de Mme Tiegna (LaREM) visant à ce que les CCI, dans le cadre d’une telle mission, encouragent la formation des salariés et des entreprises aux enjeux environnementaux du numérique, aux éco‑gestes numériques et aux enjeux de la sobriété numérique ([109]). Cela peut par exemple se traduire par des actions de sensibilisation sur les conséquences environnementales des courriers électroniques ou du stockage de données.

Chapitre III
Protéger les écosystèmes et la diversité biologique

Article 19
(article L. 210-1 du code de l’environnement)
Garantir et préserver l’ensemble des hydrosystèmes

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article vise à réaffirmer le caractère fondamental du bon fonctionnement des hydrosystèmes, et l’importance de l’appréhender dans sa globalité, afin de rééquilibrer la gestion de l’eau et de ses divers usages.

I.   le droit en vigueur

En préambule du titre Ier « Eau et milieux physiques aquatiques et marins » du livre II du code de l’environnement, l’article L. 210-1 pose les principes fondamentaux de la gestion et de la protection de la ressource en eau dans notre pays. Son premier alinéa affirme ainsi, depuis la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ».

Il souligne déjà l’importance du respect des processus liés au cycle naturel de l’eau et des écosystèmes qui en découlent. Mais l’imprécision de la notion de « respect des équilibres naturels » entretient un certain flou sur les phénomènes qu’elle recouvre et sur la portée juridique de cette exigence, notamment lorsqu’il s’agit de mettre concrètement en œuvre la « gestion équilibrée et durable de la ressource en eau », définie à l’article L. 211-1 du même code, qui constitue le cadre général du partage de l’eau en France.

Le I de l’article L. 211-1 rappelle certes que la gestion équilibrée et durable de l’eau doit assurer la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides, la protection des eaux et la lutte contre toute pollution, la restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération et le développement et la protection de la ressource en eau. Mais son I évoque aussi la valorisation de l’eau comme ressource économique, la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau, etc. De fait, l’article L. 211-1 n’établit pas de hiérarchie claire entre les besoins prioritaires, en dehors de la primauté absolue reconnue aux exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population. Pour le reste, son II met sur un même plan les exigences de la vie biologique du milieu récepteur, de la conservation et du libre écoulement des eaux avec celles des diverses activités humaines qui s’exercent sur et avec l’eau (irrigation, pêche, industrie, navigation…), toutes exigences que la gestion équilibrée et durable de l’eau doit « permettre de satisfaire ou concilier ».

Faute de priorisation affirmée du bon fonctionnement des hydrosystèmes, l’étude d’impact du présent article observe que la loi sur l’eau est encore souvent comprise comme une loi gérant une simple « ressource », une quantité que doivent se partager les milieux naturels et les nombreux usages anthropiques.

Tant que cette eau est abondante, le partage peut se faire sans tension et le respect des équilibres naturels tient surtout à la prévention des pollutions. Mais la pression des usages n’a cessé de croître au point de menacer la pérennité de l’eau et de ses écosystèmes, imposant toujours plus d’interventions pour continuer à répondre aux besoins et activités humaines. C’est ce constat qui a inspiré la directive cadre sur l’eau (directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dite « directive DCE ») qui fixe un objectif de bon état des eaux souterraines et de surface en rappelant que ce bon état dépend notamment du bon fonctionnement des hydrosystèmes.

Des activités polluantes mal maîtrisées, des prélèvements trop importants par rapport aux capacités de renouvellement du gisement ou des aménagements inadaptés dégradent en effet la ressource en eau mais nuisent aussi au fonctionnement des écosystèmes aquatiques ; à un certain stade, cela finit par perturber gravement leurs fonctions de régulation, filtration, épuration et circulation de l’eau, le support qu’ils offrent à la biodiversité aquatique et l’alimentation qu’ils apportent à la biodiversité terrestre. Le renouvellement en qualité et en quantité de l’eau peut être alors remis en question ; les inondations et les sécheresses sont également plus difficilement gérées par les écosystèmes. Autant de dysfonctionnements qui menacent, directement ou indirectement tous les usages anthropiques.

Or, le dérèglement climatique, avec la hausse des températures qui accélère les processus d’évapotranspiration, et une pluviométrie de plus en plus erratique, aggrave fortement ces phénomènes.

Il apparaît donc plus que jamais évident que la protection de l’eau, et de tous ses usages, ne passe pas seulement par la lutte contre les pollutions, mais également par une meilleure régulation quantitative de la ressource – un décret sur la gestion quantitative de l’eau est précisément en cours d’élaboration – ainsi que par une action pour préserver un bon fonctionnement des hydrosystèmes. Il s’agit d’éviter des dégradations irréversibles, de pouvoir y remédier quand c’est possible, mais aussi de consolider l’aide que ces écosystèmes aquatiques représentent par ailleurs pour lutter contre la montée des risques induits par le changement climatique.

On se référera utilement aux travaux de nos collègues Frédérique Tuffnell et Loïc Prud’homme sur la gestion des conflits d’usage de l’eau ([110]) qui rappellent les services rendus par les écosystèmes naturels en matière de résilience face au changement climatique : atténuation par stockage du carbone dans les zones humides et adaptation par absorption des effets extrêmes du dérèglement en matière de sécheresse, d’inondation ou encore de canicule.

Ils confirment aussi les difficultés à faire prévaloir la nécessité de préserver les équilibres naturels quand les usages deviennent concurrents et montrent comment cette absence de primauté complique la gestion des crises de l’eau et affaiblit les stratégies de prévention.

II.   les dispositions du projet de loi

L’étude d’impact du projet de loi relève que cet objectif rejoint l’engagement 9 (a) pris à l’issue des assises de l’eau en juillet 2019 d’inscrire le grand cycle de l’eau dans la loi.

En réponse, l’article 19 vient éclairer la notion de respect des équilibres naturels inscrite à l’article L. 210-1 du code de l’environnement et préciser les obligations qu’elle implique pour garantir le respect des « fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques et de leurs interactions ».

Sa première version définissait ces écosystèmes comme « les cours d’eau, les lacs naturels, les eaux souterraines, en particulier les nappes d’accompagnement, et les zones humides », et rappelait que « dans un état suffisamment préservé ou restauré, les écosystèmes aquatiques remplissent notamment des fonctions hydrologiques, biogéochimiques ou de support de biodiversité ». Dans son avis du 4 février 2021, le Conseil d’État a considéré que ces explications n’avaient pas leur place dans la loi et que la première énumération risquait de ne pas être exhaustive. La présente version de l’article est donc plus synthétique mais elle ne réduit pas son interprétation.

La précision relative aux « interactions » de ces écosystèmes rappelle que des interconnections existent entre les différents systèmes aquatiques et que la qualité de leurs échanges joue un rôle important dans l’état des systèmes et le cycle de l’eau ([111]). La loi française n’ignore pas ces liens et phénomènes : la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime de la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution a défini le principe d’une gestion de l’eau par grands bassins versants – les bassins hydrographiques rattachés aux principaux fleuves français ([112]) – et créé les agences de l’eau, chargées de collecter les redevances sur les usages de l’eau et de financer des projets favorisant la préservation et la reconquête du bon état de la ressource. La loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 ([113]) a imposé de délimiter ces bassins – ainsi que les masses d’eau souterraines et les eaux maritimes qui leur sont rattachées – et de doter chacun d’entre eux de schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) qui doivent fixer des objectifs ambitieux de préservation et de restauration de l’eau et des milieux aquatiques. La loi dite « Grenelle 2 » ([114]) de 2010 a instauré la notion de continuité écologique des territoires en créant la « trame verte » et la « trame bleue », c’est-à-dire le réseau écologique constitué par les cours d’eau. Elle permet de préserver et de remettre en bon état les continuités écologiques des milieux nécessaires pour conserver ou restaurer le bon état écologique ou le bon potentiel des masses d’eau superficielles. Enfin, en créant le nouveau dispositif de « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI), les lois de décentralisation dites « MAPTAM ([115]) » et « NOTRe ([116]) » promeuvent aussi une approche globale par « cycle de l’eau ».

Il reste néanmoins, comme le souligne l’étude d’impact, que les différents milieux naturels sont gérés de manière encore très compartimentée dans le droit français, qu’il s’agisse des cours d’eau, des milieux humides ou de la gestion quantitative de l’eau ; et que l’efficacité des approches globales, comme la protection des écosystèmes et de leurs interactions sont aujourd’hui affaiblies par l’absence de vraie hiérarchie entre les divers besoins quand ils entrent dangereusement en concurrence.

C’est pourquoi l’article 19 choisit d’expliciter la notion de respect des équilibres naturels à l’article L. 210-1 plutôt que l’insérer parmi la liste des priorités d’usage de l’article L. 211-1, comme une priorité parmi d’autres. Il réaffirme ainsi le caractère fondamental du bon fonctionnement des hydrosystèmes ainsi que l’importance de l’appréhender dans sa globalité. Deux approches essentielles pour la survie des écosystèmes et pour une gestion véritablement durable de l’eau, de ses milieux et de ses usages.

Par le renforcement de cette priorité, l’article vise aussi la reconquête de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique ainsi que l’atténuation de ses effets et une contribution à la lutte contre les pollutions, reconnaissant les services essentiels apportés par les écosystèmes aquatiques et leurs interactions.

L’étude d’impact dit en attendre concrètement un renforcement de la qualité des évaluations d’impacts des projets d’aménagements, d’utilisation et de prélèvements et une meilleure appréciation par les collectivités territoriales des enjeux liés au cycle de l’eau dans les différents niveaux de décision, de planification ou de travaux relevant de leur responsabilité. Il s’agit notamment d’éviter d’avoir à intervenir ultérieurement pour corriger des impacts trop substantiels, voire à remédier par des travaux coûteux la perte des services rendus gratuitement par les écosystèmes.

L’article 19 précise donc que le respect des équilibres naturels « implique la préservation et, le cas échéant, la restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques et de leurs interactions ». Contrairement aux craintes de certains usagers de l’eau auditionnés par la rapporteure, il ne s’agit pas de quasiment interdire à l’avenir de nouveaux aménagements, prélèvements et usages, ni de détruire ou de remettre en cause ceux qui existent, mais de rééquilibrer la gestion de l’eau en exigeant de prendre en considération la globalité des enjeux hydrologiques, biogéochimiques et écologiques, pas seulement au niveau local mais à une échelle plus large qui tienne compte des répercussions sur le sous-bassin concerné, parce que l’eau mal gérée en amont peut venir à manquer en aval, et dans une temporalité qui ne se contente pas d’administrer la pénurie quand une crise se produit mais qui considère les processus et les évolutions à l’œuvre.

La réforme proposée par l’article 19 ne remet pas en cause l’importance des autres besoins en eau, dont ceux des divers usagers économiques, et notamment de l’agriculture qui nourrit la population française. Elle ne revient pas davantage sur la reconnaissance de l’intérêt d’une politique de stockage partagé de l’eau (souligné au 5° bis du I de l’article L. 211-1). Mais elle permettra de faire primer les besoins indispensables au bon fonctionnement des hydrosystèmes en cas de menaces sérieuses, ponctuelles ou plus structurelles. Elle facilitera aussi le développement des solutions fondées sur la nature dans le cadre d’une stratégie d’adaptation au changement climatique. Cela peut évidemment passer par la remise en cause d’autorisations ou d’aménagements, comme cela se fait déjà mais sur des bases juridiques plus discutées. De telles remises en cause ne seront toutefois envisagées que « le cas échéant », si elles s’avèrent indispensables ou qu’elles servent l’intérêt général.

Pour consolider la force de cette nouvelle hiérarchie des priorités, l’article 19 ajoute qu’au regard de leurs rôles, les écosystèmes aquatiques constituent des éléments essentiels du « patrimoine naturel et paysager de la nation ».

Sur ce point, la rapporteure observe que le droit français traite des paysages au titre V du livre III du code de l’environnement, mais ne donne aucune définition du patrimoine paysager, que ce soit dans ce même code, le code du patrimoine ou tout autre texte. La notion est trop floue et aléatoire pour s’interpréter par elle-même, notamment s’agissant de l’état du patrimoine auquel elle se réfère (présent ? antérieur ? etc.). La rapporteure a donc proposé de rester sur le concept de patrimoine naturel, déjà très englobant, qui, lui, est clairement défini au livre V du code de l’environnement (articles L. 411-1 A et suivants).

Au sein de l’objectif PT8.1 « Protection des écosystèmes et de la biodiversité », la Convention citoyenne vise notamment la préservation des espaces aquatiques et la modification de leur exploitation. Cela suppose, selon elle, de faire évoluer la gestion des hydrosystèmes, afin de « garantir et préserver l’ensemble des hydrosystèmes incluant les cours d’eau, les zones humides, les eaux souterraines, les lacs naturels et artificiels, les nappes phréatiques ainsi que la neige et les glaciers ».

Toutefois, son rapport ne propose pas de transcription législative particulière.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS5287 de la rapporteure supprimant la référence à un patrimoine paysager de la Nation.

Elle a également adopté les amendements identiques de la rapporteure (CS5286) et du groupe de La République en Marche (CS4719), sous-amendés par M. Jimmy Pahun (CS5372), précisant les écosystèmes aquatiques dont il importe de préserver, voire de restaurer, le bon fonctionnement : il s’agit des écosystèmes de surface comme des souterrains, d’eau douce aussi bien que marins ; cela concerne également des zones humides. Les articles suivant l’article L. 210-1 faisant la distinction, il était en effet nécessaire de lever les éventuelles ambiguïtés sur le périmètre visé.

Article 19 bis (nouveau)
Renforcer la protection des ressources en eau souterraine stratégiques

Créé par la commission spéciale

 

Le présent article organise la protection obligatoire de l’ensemble des ressources en eau souterraines reconnues comme stratégiques pour la consommation humaine, même lorsqu’elles ne sont pas encore exploitées. Pour ce faire, il exige des SDAGE, ou à défaut des SAGE, la délimitation de zones de sauvegarde, et des SAGE, ou à défaut des documents d’urbanisme, la définition des mesures de protection à mettre en œuvre.

En France, près de 34 000 ouvrages de prélèvement produisent environ 18 millions de mètres cube d’eau par jour pour la consommation humaine, dont 96 % exploitent les eaux souterraines.

Premières réserves naturelles d’eau douce, les ressources en eau souterraine (ou nappes phréatiques) font l’objet d’une protection particulière : il s’agit à la fois de les protéger contre les pollutions et de s’assurer que les volumes prélevés dans la nappe ne dépassent pas la capacité de renouvellement de la ressource, ce qui suppose de préserver également l’alimentation en eau des écosystèmes de surface.

C’est ainsi qu’un programme de surveillance a été établi pour chaque bassin ou groupement de bassins. Les prélèvements en eau sont par ailleurs soumis à autorisation ou déclaration en fonction des volumes prélevés, selon des seuils définis à l’article R 214-1 du code de l’environnement.

Enfin, depuis la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, des périmètres de protection sont mis en place autour des captages d’eau destinés à la consommation humaine, sur la base d’un avis délivré par un hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique, pour assurer la sécurité sanitaire de l’eau, notamment vis-à-vis des pollutions ponctuelles et accidentelles (articles L. 1321-2 et R. 1321-13 du code de la santé publique).

À partir de 2000, la directive-cadre sur l’eau a donné de nouveaux objectifs de reconquête de la qualité des eaux : réduire les traitements appliqués à l’eau prélevée et lutter contre la détérioration de la qualité de la ressource. La loi n° 2006‑1772 sur l’eau et les milieux aquatiques (codifiée à l’article L. 211-3 du code de l’environnement) et le décret n° 2007-882 du 14 mai 2007 ont alors renforcé les outils réglementaires, en instituant notamment des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE). Ce dispositif complète les périmètres de protection : pour lutter contre les pollutions diffuses, il permet d’intervenir à l’échelle de l’aire d’alimentation des captages présentant un enjeu particulier pour l’approvisionnement actuel ou futur en eau potable. Depuis, 1 000 captages parmi les plus menacés par les pollutions diffuses (captages prioritaires) ont été identifiés, eux-mêmes s’inscrivant parmi environ 2 700 captages classés comme sensibles par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

Des protections existent donc ; mais leurs étendues apparaissent aujourd’hui insuffisantes pour s’assurer que la ressource soit préservée face aux pressions croissantes et puisse répondre à l’augmentation des besoins présents et futurs. Car en dehors des ZSCE, les autres aires d’alimentation ne sont pas protégées. Et les ressources non exploitées – même si elles peuvent l’être un jour – ne le sont pas davantage, les périmètres de protection ne couvrant pas la ressource en eau au-delà de l’emprise sollicitée par un ouvrage.

La commission spéciale a donc adopté l’amendement CS428, proposé par M. Martial Saddier et plusieurs collègues du groupe LR, qui instaure une obligation de préserver sur le long terme les ressources qualifiées de « stratégiques pour l’alimentation en eau potable » des populations actuelles et futures.

Les masses d’eau ainsi juridiquement qualifiées seront caractérisées par leur potentiel qualitatif et quantitatif et devront être identifiées par les SDAGE d’ici le 31 décembre 2027. Les schémas directeurs devront également identifier leur « zone de sauvegarde », ou, à défaut, les masses d’eau souterraines et les aquifères au sein desquelles elles se situent.

Ces zones de sauvegarde correspondent aux bassins d’alimentation ou aux portions d’aquifère en relation avec la ressource à préserver, et délimitent un périmètre où des mesures de protection peuvent être mises en œuvre afin de garantir la disponibilité et la qualité des ressources stratégiques sur le long terme « pour satisfaire en priorité les besoins pour la consommation humaine, sans traitement ou avec un traitement limité ».

Si les SDAGE ne l’ont pas fait, il reviendra aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) d’identifier les zones de sauvegarde, et de définir les mesures de protection à prendre.

Enfin, en l’absence de SAGE, les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou les plans locaux d’urbanisme (PLU), les documents en tenant lieu et les cartes communales devront :

– identifier les besoins en eau pour la consommation humaine future et actuelle, et les zones de sauvegarde concernées ;

– intégrer dans leur projet d’aménagement et de développement durable l’objectif de préserver en qualité et quantité ces ressources stratégiques ;

– et identifier les risques de dégradation et les modalités de leur préservation.

Article 20
(articles L. 161-1, L. 163-6, L. 163-9, L. 171-3 [nouveau] et L. 661-3 du code minier)
Renforcer l’encadrement des travaux miniers et de leur arrêt

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article propose d’étendre les intérêts protégés par le code minier, notamment en matière de santé et d’environement, et de consolider l’encadrement juridique de la fin des travaux miniers et de leurs suites en s’inspirant des obligations prévues pour la cessation d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

I.   le droit en vigueur

1.   Des intérêts expressément protégés par le code minier

L’article L. 161-1 du code minier liste un certain nombre d’intérêts dont la protection impose aux travaux de recherche ou d’exploitation minière (dits « travaux miniers ») de respecter toutes contraintes ou obligations nécessaires à leur préservation.

Les travaux susceptibles de représenter des dangers ou des inconvénients graves pour ces intérêts protégés sont ainsi soumis à un régime d’autorisation d’ouverture des travaux (AOT), les autres étant seulement déclarés auprès de l’autorité administrative compétente. Et pour éviter les interprétations subjectives, la définition des travaux entrant dans l’une ou l’autre de ces catégories est établie par décret en Conseil d’État.

L’instruction de la demande d’autorisation d’ouverture de travaux évalue la façon dont les impacts sur ces intérêts sont pris en compte dans les travaux envisagés, et définit les prescriptions particulières dans lesquelles ces travaux devront ensuite être réalisés pour garantir leur respect (article L. 161-5). Le code minier ne le dit pas explicitement mais l’incompatibilité des travaux avec la préservation raisonnable desdits intérêts – le code minier admettant des atteintes plus ou moins sérieuses – peut aussi justifier le refus de délivrance d’une AOT.

Une fois les travaux engagés, c’est l’autorité administrative en charge de la police des mines qui prend le relais pour faire respecter les contraintes et obligations prédéfinies (article L. 171-1). Quand les intérêts protégés sont menacés par ces travaux, elle peut prescrire à l’explorateur ou à l’exploitant de mines toute mesure supplémentaire nécessaire à leur protection, et faire procéder à son exécution d’office, aux frais de l’explorateur ou de l’exploitant, en cas de manquement à cette obligation (article L. 173-2).

Les intérêts protégés par l’article L. 161-1 sont, notamment, la sécurité et la salubrité publiques, la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles, les intérêts de l’archéologie ou encore les intérêts agricoles.

Cependant, contrairement à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et aux intérêts qu’elle protège via l’article L. 511-1 du code de l’environnement ([117]), la santé publique n’y figure pas. Ce manque est regrettable dans l’absolu ; il l’est d’autant plus que les installations extérieures d’une mine relèvent quant à elles du régime des ICPE, de même que les exploitations de carrière qui font pourtant l’objet d’un livre dans le code minier.

2.   Un accompagnement de l’après-travaux vite limité

Le code minier organise également l’arrêt des travaux miniers et le partage des rôles et des responsabilités postérieurement (on parle d’après-mine). Le chapitre du III de son livre Ier (articles L. 163-1 et suivants) définit ainsi la procédure applicable lorsque les mines, haldes et terrils cessent d’être utilisés, lors de la fin de chaque tranche de travaux ou, au plus tard, lors de la fin de l’exploitation et de l’arrêt des travaux :

– l’explorateur ou l’exploitant doit faire une déclaration d’arrêt définitif de travaux à l’autorité administrative (le préfet) où il précise les mesures qu’il envisage pour préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1, faire cesser ou prévenir les désordres et nuisances causés par ses activités – ou mettre en place une surveillance – et pour ménager, le cas échéant, les possibilités de reprise de l’exploitation. Il a en principe six mois pour monter son dossier ;

– sur la base de cette déclaration, après consultation des services de l’État et des collectivités concernées, et auditions des opérateurs, le préfet prescrit les mesures complémentaires qui pourraient être nécessaires et le délai dans lequel l’explorateur ou l’exploitant doit les exécuter. La phase d’instruction par les services déconcentrés peut prendre de plusieurs mois à plusieurs années ; elle se conclut par un arrêté préfectoral de premier acte dit « AP1 ».

Le code minier ne prévoit pas de participation du public au cours de cette procédure. Toutefois, en se fondant sur le code de l’environnement, la note technique du 6 juillet 2018 relative aux modalités d’application de la procédure d’arrêt définitif des travaux miniers, du transfert des installations hydrauliques et hydrauliques de sécurité, et de la prévention et de la surveillance des risques miniers résiduels recommande d’organiser une consultation publique conformément à l’article L. 123-19-2 du code de l’environnement lorsque l’arrêt des travaux peut avoir un effet direct et significatif sur l’environnement. Cette recommandation est mise en pratique, selon les services ministériels ;

– une fois que les mesures promises et prescrites ont été mises en œuvre, l’explorateur ou l’exploitant monte un dossier de récolement ; des visites de contrôle sont organisées, jusqu’à ce que le préfet donne acte de la bonne réalisation des mesures par un arrêté préfectoral de second acte dit « AP2 ».

Cet acte ne formalise que la clôture officielle des travaux miniers concernés ; l’explorateur ou l’exploitant peut continuer à disposer d’un titre minier (permis exclusif d’exploitation ou concession notamment) encore en vigueur car il s’agit d’un droit foncier distinct des travaux miniers – avec les devoirs qui en découlent –, voire poursuivre d’autres travaux à côté.

En revanche, cela met fin à l’exercice de la police des mines (ou des travaux miniers) par le préfet, qui conserve toutefois une responsabilité de police dite « résiduelle » lui permettant d’intervenir, jusqu’à l’expiration du titre minier, « lorsque des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes apparaissent après » (article L. 163-9), et de prescrire, le cas échéant, au titulaire du titre de nouvelles mesures destinées à assurer la protection des intérêts visés à l’article L. 161-1 ou de les faire exécuter d’office à ses frais (article L. 173‑2).

Après l’expiration du titre, il revient encore à l’État de poursuivre la surveillance et la prévention des risques importants d’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes (article L. 174-1). Mais il ne peut plus prescrire de mesures de protection aux anciens opérateurs – sauf si aucune déclaration d’arrêt des travaux n’a été faite auquel cas la police des mines continue de s’appliquer (article L. 163-2) ; mais le code minier n’explicite pas la procédure applicable. L’État ne peut plus prescrire de mesures de protection quand le titre est arrivé à expiration avant la procédure d’arrêt des travaux.

L’article L. 155-3 du code minier prévoit également que, dans tous les cas, l’explorateur ou l’exploitant reste responsable à titre civil, vis-à-vis de leurs victimes, des dommages causés par son activité minière et ce, sans limite de durée.

L’étude d’impact observe que cette procédure d’arrêt de travaux n’a pas évolué depuis 1999, alors que les obligations relatives aux cessations d’activité des ICPE ont été renforcées dans le code de l’environnement, en particulier par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

La législation ICPE prévoit ainsi une prescription des responsabilités des opérateurs miniers 30 ans après la remise en état d’un site. Elle autorise aussi à rechercher la responsabilité des sociétés-mères, « grand-mères » ou « arrière-grand-mères » d’un opérateur (article L. 512-7 du code de l’environnement), quand le code minier ne permet de chercher que la responsabilité de l’explorateur, de l’exploitant ou du titulaire du titre minier s’il est différent.

II.   les propositions du projet de loi

La réforme proposée par l’article 20 est inspirée par plusieurs travaux, dont notamment deux cités par son étude d’impact.

D’abord, l’inventaire réalisé par l’État en 2012, dans le cadre de la directive 2006/21/CE sur la gestion des déchets de l’industrie extractive, a identifié près d’une trentaine d’anciens sites miniers, certains fermés depuis plusieurs dizaines d’années, qui peuvent présenter des risques pour l’environnement et la santé humaine. L’État a depuis engagé des évaluations plus détaillées des impacts environnementaux et des risques sanitaires, qui n’étaient pas pris en compte, à l’époque de la fermeture des sites, de la même façon qu’aujourd’hui. Mais, alors que les exploitants existent toujours pour plusieurs de ces sites, le préfet n’a pas pu rechercher leurs responsabilités et leur prescrire les mesures de protection nécessaires.

Ultérieurement, dans un rapport publié en septembre 2020, la commission d’enquête du Sénat sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols a recommandé de mettre un terme aux asymétries entre le code minier et le code de l’environnement en matière de responsabilités des exploitants et de prévention des risques sanitaires et environnementaux (proposition n° 9).

1.   L’extension des intérêts protégés

Le 1° du présent article propose d’ajouter plusieurs nouveaux intérêts protégés à la liste de l’article L. 161-1 :

– la santé publique. Cette mention permettra de mieux prendre en compte la santé des populations riveraines des sites, qu’ils soient fermés ou encore en activité ;

– mais aussi le milieu environnant littoral, les intérêts halieutiques et le milieu marin en visant l’article L. 219-7 du code de l’environnement, qui rappelle que la protection de ce dernier, la conservation de sa biodiversité et son utilisation durable par les activités maritimes et littorales dans le respect des habitats et des écosystèmes marins sont d’intérêt général ;

– ainsi que l’intégrité des câbles, réseaux ou canalisations enfouis et posés.

Il réécrit enfin la mention relative aux immeubles classés au titre des monuments historiques et à leurs abords, en y ajoutant les immeubles « inscrits » également au titre des monuments historiques (qui sont mentionnés à l’article L. 161-25 du code du patrimoine).

L’article 20 renforce par ailleurs la protection accordée en instaurant une nouvelle prescription trentenaire garantissant la préservation de ces intérêts au-delà de la fin des travaux miniers, comme cela sera détaillé plus loin.

2.   Une nouvelle participation du public aux décisions relatives à l’arrêt des travaux et à leurs suites

Le 2° de l’article 20 complète l’article L. 163-6 pour soumettre la déclaration d’arrêt de travaux à la procédure de participation du public prévue par l’article L. 123-19-2 du code de l’environnement, en parallèle de la consultation des communes concernées. Il s’agit de la procédure déjà applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement, qui s’organise par voie électronique.

Elle n’est pas réservée aux populations directement concernées. Mais rien n’interdit que le préfet ou les autorités locales organisent en parallèle une réunion publique à leur intention, quand la situation le justifie, afin notamment de répondre à leurs interrogations. De même, les services de l’État savent consulter d’autres instances locales que les communes (comme les conseils départementaux de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, CODERST) quand les attentes des parties prenantes sont fortes. Enfin, si une commission de suivi d’un projet minier est créée comme l’article 21 (d du 2°) du projet de loi en ouvre la possibilité, on peut imaginer que son avis pourra être également sollicité. Mais la définition de ces modalités complémentaires relève plutôt du domaine réglementaire.

Les observations et propositions formulées par écrit par le public seront ensuite prises en considération par le préfet pour définir les prescriptions supplémentaires éventuellement nécessaires.

La réforme formalise ainsi, et systématise, une étape déjà mise en œuvre quand l’arrêt des travaux peut avoir un impact sur l’environnement. Cette étape permet au public d’éclairer le préfet sur les enjeux locaux et favorise une meilleure acceptation du processus d’arrêt de l’activité minière.

Le 2° ajoute enfin un alinéa qui organise la marche à suivre quand aucune déclaration d’arrêt des travaux n’est faite : si le préfet entend prescrire des mesures de protection, les mesures envisagées seront préalablement soumises aux mêmes procédures de participation du public et de consultation des communes.

Le préfet en a le pouvoir avant l’expiration du titre minier, mais aussi après, en vertu de l’article L. 163-2, et ce, sans prescription puisque la formalité de la clôture officielle des travaux n’a pas été accomplie et que seule la disparition ou la défaillance d’un concessionnaire transfère l’ensemble de ses droits et obligations à l’État, dont celles liées à l’après-mine (3° de l’article L. 132-13).

Toutefois, pour clarifier la situation, la loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite ASAP) vient de donner au préfet la faculté de déclencher la procédure officielle d’arrêt des travaux au bout de trois ans sans activité sur le site.

3.   L’harmonisation du régime de l’après-mine avec le droit applicable aux ICPE

Les 3° et 4° de l’article 20 visent à intégrer au droit minier certaines garanties fortes du régime des ICPE.

a.   L’extension pour 30 ans de la police résiduelle des mines

La décision de l’assemblée du contentieux du Conseil d’État du 8 juillet 2005, Société Alusuisse-Lonza-France, a posé un principe général de prescription trentenaire en matière d’extinction de l’obligation de remise en état pesant sur les exploitants d’ICPE, que le code de l’environnement fixe à l’article R. 512-39-4).

Le 3° du présent article propose de créer une « prescription » similaire à l’article L. 163-9 : pendant les 30 ans suivant la formalité par laquelle le préfet a donné acte de l’exécution des mesures de protection envisagées ou prescrites, l’explorateur ou l’exploitant, son ayant droit ou la personne qui s’y est substituée (comme Orano s’est substitué au Commissariat à l’énergie atomique sur une centaine d’anciennes mines) restera tenu par les obligations de prévention, surveillance et remédiation (si des faits nouveaux apparaissent) nécessaires à la protection des intérêts visés à l’article L. 161-1 et relatives aux travaux miniers qui ont fait l’objet de la procédure d’arrêt.

En l’espèce, il s’agit surtout de prolonger la responsabilité des anciens opérateurs au-delà de la clôture de la procédure d’arrêt des travaux – leurs devoirs à l’égard des intérêts protégés restant maintenus sans limite de temps en l’absence de cette procédure. Cela les incitera à se montrer plus responsables en amont, pendant les travaux et dans l’exécution des mesures d’accompagnement de leur mise à l’arrêt.

Le nouveau dispositif précise que cela permettra à l’autorité administrative (le préfet) d’exercer ses pouvoirs de police résiduelle même après l’éventuelle expiration du titre minier de l’opérateur et ce jusqu’à l’échéance des 30 ans.

Cette nouvelle garantie assurera ainsi plus que la surveillance et la prévention des risques importants d’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux aujourd’hui prévues quand le titre minier a expiré, en prolongeant le pouvoir du préfet de prévenir ou faire cesser « sur un bien ou dans un site qui a été le siège d’activités [minières] » les dangers ou les risques graves menaçant des intérêts protégés par le code minier, par la prescription ou l’exécution d’office des mesures nécessaires aux frais des opérateurs.

La prolongation de la police résiduelle permettra aussi à l’État de rechercher la responsabilité des exploitants, ou de leurs ayants droit, en cas d’apparition de nouveaux désordres et dommages après l’expiration du titre minier.

Cet exercice étendu de la police résiduelle sera toutefois encadré par un décret en Conseil d’État et devra « tenir compte de la situation telle qu’elle ressort des analyses conduites lors de l’arrêt des travaux », afin d’éviter de faire peser sur l’opérateur des problématiques dont il ne serait pas à l’origine.

Enfin, le dispositif envisage différents cas libérant de manière anticipée les opérateurs (ou leurs ayants droit et les personnes qui s’y sont substituées) d’une partie de leurs nouvelles obligations :

– quand l’opérateur a remis, réellement, aux collectivités intéressées ou à leurs établissements les installations hydrauliques nécessaires à l’assainissement, à la distribution de l’eau ou à la maîtrise des eaux pluviales, de ruissellement et souterraines, avec l’approbation du préfet et en contrepartie du versement par l’opérateur d’une soulte correspondant au coût estimé des dix premières années de leur fonctionnement, les droits et obligations afférents à ces installations sont transférés avec elles (comme l’exige l’actuel article L. 163-11) ;

– quand, à la fin d’un titre minier, l’opérateur transfère, effectivement, à l’État les équipements et données nécessaires à la surveillance et de la prévention des risques d’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux (comme le prévoit l’actuel article L. 174-2).

Dans ces deux premiers cas, la libération des obligations des opérateurs ne porte que sur les installations et équipements concernés, et non sur le reste du site ou tout autre élément détachable de ces installations et équipements ;

– enfin, quand, en fin de concession, l’ensemble des droits et obligations du concessionnaire est transféré à l’État après la constatation de la disparition ou de la défaillance de l’exploitant (conformément à l’article L. 132-13).

Cette dernière disposition est à combiner avec la garantie de réparation de l’État, en cas de défaillance ou de disparation de l’exploitant, prévue par l’article L. 155-3 ([118]), qui reste inchangée. De même, l’étude d’impact précise que le dispositif de « pré-indemnisation » prévu dans certains cas de dommage minier n’est pas davantage remis en cause par la présente réforme.

Tous les acteurs défendant les intérêts protégés applaudissent à l’introduction de cette « prescription trentenaire ». Quant aux opérateurs miniers, ils reconnaissent que ce délai correspond aux usages internationaux et qu’il est donc acceptable pour les sites en activité. Mais il reste le cas des sites arrêtés depuis plusieurs années.

Le cas d’Orano est très représentatif des différentes problématiques des opérateurs. Orano suit en effet 235 sites uranifères, dont 45 % n’ont jamais été exploités par l’entreprise, qui les a pris en charge à la demande de l’État, en se substituant aux précédents opérateurs. Elle assure ainsi une mission de service public en évitant de laisser des sites orphelins sur notre territoire. Ils sont tous fermés, le dernier depuis 2001.

Pour autant, 115 de ces 235 sites relèvent encore de la police des mines, notamment parce qu’il n’existe pas de délai obligatoire de réponse pour les services instruisant les demandes d’arrêt des travaux. Plusieurs dossiers sont ainsi en attente de leur traitement.

Quant aux autres, ils ont obtenu leur AP2, basculant sous le régime de la police résiduelle des mines. Orano continue néanmoins à en assurer un suivi et un certain gardiennage, bien que cela relève désormais des propriétaires du sol. En revanche, l’entreprise trouverait disproportionnée une nouvelle responsabilité trentenaire sur des sites fermés depuis longtemps et sur lesquels elle a réalisé les mesures de protection et de remise en état qui lui ont été demandées.

Certains acteurs miniers auditionnés par votre rapporteur souhaiteraient que la prescription soit décomptée à partir du moment où l’administration compétente a connaissance de l’arrêt effectif des travaux. Mais cette date serait difficile à objectiver, ou même à identifier, si aucune déclaration d’arrêt n’a été déposée et que l’autorité administrative n’a pas pris de mesure de protection spécifique. D’autres suggèrent de se référer au moins à l’AP1. Mais en faire une règle générale retirerait tout caractère incitatif à l’étape de l’AP2, les opérateurs n’étant plus vraiment contraints de mettre en œuvre les mesures de protection attendues dans un délai raisonnable. Les services ministériels ont donc confirmé à votre rapporteur que ce décompte débutera bien à la date de l’AP2, qui correspond au principe défini par l’arrêt précité Société Alusuisse-Lonza-France.

De fait, les mines qui ont obtenu leur AP2 depuis plus de 30 ans ne devraient pas être concernées, dans la mesure où aucun évènement nouveau engageant la responsabilité des opérateurs ne s’est produit. Mais le nouveau régime s’appliquera aux autres mines fermées, en prenant l’AP2 déjà reçu comme point de départ de la prescription.

b.   La recherche de la responsabilité des sociétés mères

Le 4° de l’article 20 crée un article L. 171-3 pour importer dans le code minier, sans modification, les dispositions de l’article L. 512-17 du code de l’environnement applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Il donne ainsi au préfet (ou au ministère public et au liquidateur) la possibilité d’ouvrir une action en responsabilité à l’encontre de la société mère dont un opérateur minier serait la filiale lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l’encontre de ce dernier et que son actif s’avère insuffisant. Cette action vise à établir l’existence d’une faute caractérisée commise par la société mère qui aurait contribué à l’insuffisance d’actif de la filiale et, lorsqu’une telle faute est établie, à mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures d’arrêt des travaux ou de la réparation des dommages causés par son activité prévue à l’article L. 155-3.

Il permet également de remonter à la responsabilité de la société « grand‑mère », voire à celle de l’« arrière-grand-mère » en cas d’insuffisance d’actif de la société mère de l’opérateur.

Cette recherche de responsabilité pourra intervenir à différents moments, y compris au cours de la procédure d’arrêt des travaux. En tout état de cause, elle devrait être réalisée avant que ne soit opéré le transfert à l’État des droits et obligations du concessionnaire défaillant.

Le présent article 20 s’appliquera dès la publication de loi sur l’ensemble du territoire national, sauf dispositions particulières prévues pour les outre-mer.

On relèvera par ailleurs que l’article 21, qui propose de réformer le code minier par ordonnance, complétera le nouveau dispositif encadrant l’arrêt des travaux miniers et leurs suites par :

– l’extension des garanties financières aux opérations qui suivront la fermeture définitive d’un site, à sa surveillance et aux éventuelles interventions en cas d’accident (h du 2°) ;

– et des mesures supplémentaires pour permettre une prise en charge réelle de la gestion de l’après-mine par les sociétés responsables (k du 2°) – au cas où le nouvel article L. 171-3 ne couvrirait pas toutes les situations spécifiques à l’activité minière.

Ces évolutions sont commentées dans l’article suivant.

Les auditions du rapporteur ont confirmé l’importance des enjeux de l’après-mine, qu’il soit question de pollutions ou de santé et de sécurité des personnes et des biens, etc.

Les associations d’élus locaux comme les associations de défense environnementales ont tous salué les progrès apportés par le présent article sur un sujet encore trop souvent négligé aujourd’hui par les anciens opérateurs – quand ils n’ont tout simplement pas disparu tels les Charbonnages de France.

D’aucuns ont également souligné qu’un meilleur traitement de l’après-mine et leur association aux décisions administratives contribueront à rassurer les populations sur les suites qu’elles auront à subir, et à les réconcilier avec l’activité minière.

La Convention citoyenne pour le climat n’a pas traité spécifiquement la question des mines, ne recommandant qu’un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane dans le cadre de sa proposition PT8.1 « Protection des écosystèmes et de la biodiversité ».

On soulignera toutefois que le renforcement de la protection des « intérêts protégés » par le code minier, dont plusieurs sont de nature environnementale, que porte le présent article, contribuera à la réalisation de l’objectif PT8.1.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

La commission spéciale a adopté quatorze amendements rédactionnels (CS2962 à CS2966, CS2968 à CS2974, CS2976 et CS2979) ou de précision juridique (CS2962) du rapporteur, ainsi qu’un amendement identique de Mme Emmanuelle Anthoine (CS192).

Elle a également adopté trois amendements de fond de son rapporteur :

– le premier (CS5304) supprime un alinéa (le dix-huitième) prévoyant que le titulaire d’un titre minier, dont les obligations ont été transférées à l’État en fin de concession, en vertu de l’article L. 132-13, parce qu’il a disparu ou est défaillant, serait libéré de ses nouvelles obligations de l’après-mine. De fait, cette mention est inutile puisque le transfert des obligations du concessionnaire opéré par l’article L. 132-13 revient déjà à l’en libérer ; en revanche, elle aurait pu gêner la recherche des responsabilités de sa maison mère ;

– le deuxième (CS2985) opère une coordination juridique entre l’article L. 661-3 du code minier et la nouvelle rédaction de l’article L. 163-6 proposée par l’article 20 ;

– le troisième (CS5314) adapte le dispositif concernant le décompte de la prescription trentenaire de l’arrêté préfectoral donnant acte de la bonne exécution des mesures prises après la fermeture d’un site pour préserver les intérêts protégés et clôturant la procédure d’arrêt des travaux (dit AP2).

Il maintient d’abord l’actuel régime de l’après-mine pour les travaux dont la fin de la procédure d’arrêt de travaux a été actée depuis plus de trente ans. Les sites fermés pour lesquels un titre est encore en vigueur continuent ainsi de relever de la police résiduelle, qui permet de faire intervenir les opérateurs en cas de menace importante, ce qui ne serait plus le cas dans le nouveau dispositif, trente ans s’étant écoulés depuis leur fermeture.

L’amendement prévoit par ailleurs un régime dérogatoire pour les cas où les mesures prévues ont bien été exécutées sans que l’administration n’ait pu en donner acte rapidement, ou qui attendent encore qu’acte leur soit donné. Est alors retenue comme point de départ de la prescription la fin du délai imparti par le premier arrêté préfectoral de la procédure d’arrêt des travaux – l’AP1, qui fixe les mesures à exécuter – pour réaliser ces mesures à condition que l’AP2 ultérieur confirme leur bonne exécution dans les délais impartis.

Cet aménagement pourra s’appliquer aussi aux futurs arrêts des travaux miniers ; cela encouragera les exploitants à ne pas traîner pour mettre en œuvre les mesures attendues, contrairement à ce qui se passe parfois aujourd’hui.

Article 20 bis (nouveau)
(articles L. 113-1 et L. 113-2 [nouveaux] du code minier)
Créer un Conseil national des mines

Créé par la commission spéciale

 

Le présent article propose de créer un Conseil national des mines, qui sera consulté sur l’élaboration de la politique nationale des ressources et des usages du sous-sol.

La commission spéciale a adopté, contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement, l’amendement CS3966 de Mme Kerbarh et de membres du groupe La République en Marche visant à créer un Conseil national des mines.

Ce conseil devra être consulté sur l’élaboration de la politique nationale des ressources et des usages du sous-sol, prévue par l’article 21 d’habilitation, ainsi que sur l’ensemble des actes de nature réglementaire intéressant le secteur minier, sur les mesures de prévention liées aux risques miniers et sur le recyclage des métaux.

Logiquement il sera également consulté sur le texte des futures ordonnances réformant le code minier prévues par l’article 21.

Ce conseil sera composé de trois députés, deux sénateurs et dix-huit membres nommés par décret pour cinq ans, qui représenteront les différentes parties prenantes aux activités régies par le code minier.

Article 20 ter (nouveau)
(article L. 511-1 du code minier)
Habiliter les agents de l’OFB et de l’ONF à constater les infractions au code minier sur tout le territoire de la Guyane

Créé par la commission spéciale

 

Le présent article propose d’habiliter les inspecteurs de l’environnement, mais aussi les agents de l’ONF et des réserves naturelles à constater les infractions au droit minier sur tout le territoire guyanais afin de renforcer les forces de lutte contre l’orpaillage illégal et ses dégradations.

L’article L. 511-1 du code minier prévoit que la constatation des infractions au droit minier est de la compétence, sur l’ensemble du territoire national, outre des officiers et agents de police judiciaire, des chefs des services régionaux déconcentrés chargés des mines et des ingénieurs ou des techniciens placés sous leur autorité qu’ils habilitent à cet effet.

S’agissant de la Guyane cependant, l’article L. 511-1 prévoit que les inspecteurs de l’environnement, agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), peuvent, également, être expressément habilités par le procureur de la République de Cayenne pour constater ces infractions. Toutefois, en l’état actuel du droit, cette compétence reste limitée au seul territoire du Parc amazonien de Guyane.

La commission spéciale a donc adopté l’amendement CS3640 de M. Lenaïck Adam et de membres des groupes La République en Marche et MODEM qui vise à étendre la compétence des inspecteurs de l’environnement à l’ensemble du territoire de la Guyane.

Le nouvel article 20 ter autorise par ailleurs l’habilitation expresse, sur le même périmètre, des agents commissionnés et assermentés de l’Office national des forêts (ONF) et des agents commissionnés et assermentés des réserves naturelles nationales. Il supprime ce faisant la possibilité, prévue à l’article L. 511-1, d’exercer les attributions d’un inspecteur du travail, qui n’est jamais utilisée.

Cette extension des personnels et des périmètres de compétence participera au renforcement de la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, car si ces activités clandestines s’opèrent en grande partie dans le parc naturel, elles génèrent des trafics (et des dégradations) sur l’ensemble du territoire guyanais.

Article 20 quater (nouveau)
(articles L. 512-1, L. 512-2 et L. 621-8-3 du code minier)
Renforcer les sanctions prévues par le code minier

Créé par la commission spéciale

 

Le présent article propose d’accentuer fortement les sanctions pénales pouvant être requises contre les infractions au droit minier, en particulier à l’encontre des infractions portant atteinte à la santé humaine et à l’environnement. Il crée enfin une sanction aggravée lorsque ces dernières infractions sont commises dans le périmètre d’un parc ou d’une réserve protégés par la loi.

Le code minier définit deux niveaux de sanctions pénales pour les infractions contre ses règles.

L’article L. 512-1 prévoit ainsi jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 30 000 euros pour des activités minières exercées sans titre minier ou autorisation d’ouverture des travaux, sans se conformer aux mesures prescrites pour protéger les intérêts visés à l’article L. 161-1 ou sans avoir constitué les garanties financières requises avant l’engagement des travaux.

L’absence de déclaration d’arrêt des travaux relève également de ce niveau de sanction. De même que la détention ou le transport de mercure, de tout ou partie d’un concasseur ou d’un corps de pompe sans les autorisations nécessaires (une infraction qui ne se limite pas au seul territoire guyanais).

L’article L. 512-2 prévoit quant à lui jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (respectivement dix ans et 150 000 euros lorsque l’infraction est commise en bande organisée) pour les infractions les plus graves, celles qui portent atteinte à la santé publique et à l’environnement : la pollution, volontaire ou par négligence, des eaux et de l’atmosphère, la coupe de toute nature des bois et forêts et la production ou la détention de déchets dans des conditions de nature à polluer le sol, l’air ou les eaux et à causer un dommage à la santé humaine et à l’environnement.

Enfin, l’article L. 621-8-3 punit de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende les infractions spécifiques de charge, décharge ou transbordement de bateau, engin ou matériel flottant réalisés sur les eaux intérieures de Guyane en lien avec des activités illégales d’orpaillage.

La commission spéciale a adopté l’amendement CS4720 de M. Lenaïck Adam et du groupe de La République en Marche qui complète et alourdit très fortement ces sanctions pénales, spécialement à l’encontre des infractions ayant un impact direct sur la santé et l’environnement.

Pour la première série d’infractions (article L. 512-1), l’amende est portée jusqu’à un plafond de 100 000 euros, soit plus de trois fois son montant actuel.

L’article 20 quater supprime en outre le délai d’un mois qui caractérise aujourd’hui les infractions de détention et de transport non autorisés de mercure.

Il corrige également une erreur de référence : l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique est caractérisée à l’article L. 111-13 plutôt qu’à l’article L. 111‑11, actuellement visé par l’article L. 512-1.

Pour la deuxième série d’infractions (article L. 512-2), l’amende plafond est quintuplée, à 375 000 euros, et même multipliée par 30, à 4,5 millions d’euros, si elle est commise en bande organisée.

Et l’article 20 quater crée une sanction aggravée (prévoyant jusqu’à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende) lorsque les infractions de cette deuxième série sont commises en tout ou partie dans le périmètre d’un parc national, d’un parc naturel régional, d’une réserve naturelle ou d’une réserve de biosphère, ainsi que dans une réserve biologique créée au titre du code forestier.

L’amende prévue à l’article L. 621-8-3 est enfin portée à 100 000 euros.

L’accentuation de ces sanctions s’inscrit pleinement dans l’esprit de la réforme du code minier proposée par le projet de loi, qui s’attache à renforcer les garanties pour la santé humaine et l’environnement.

Elle répond aussi aux prescriptions de la directive n° 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal, qui impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les infractions en matière environnementale soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.

Article 20 quinquies (nouveau)
(article L. 621-8 du code minier)
Étendre le report du début de la garde à vue, autorisé en Guyane, à l’ensemble des infractions au code minier

Créé par la commission spéciale

 

Le présent article propose d’étendre le report du début de la garde à vue, exceptionnellement autorisé en Guyane, à l’ensemble des infractions au code minier commises en Guyane, ainsi qu’à la retenue douanière pour les infractions douanières relatives à l’or guyanais.

L’article L. 621-8 du code minier prévoit que, pour la Guyane, lorsqu’une une activité minière sans titre ou sans autorisation d’ouverture des travaux (conformes aux règles spécifiques aux outre-mer) s’accompagne de la commission des infractions dommageables pour la santé humaine ou l’environnement visées à l’article L. 512‑2, et si le transfert des personnes interpellées dans le délai légal de la garde à vue soulève des difficultés matérielles insurmontables, le point de départ de la garde à vue peut exceptionnellement être reporté à l’arrivée dans les locaux du siège où cette garde à vue doit se dérouler, sans excéder vingt heures. Il doit être autorisé par le procureur de la République ou la juridiction d’instruction.

Le plus souvent en effet, la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane se déroule à plusieurs heures de marche des principales bases.

Mais cette possibilité de report est aujourd’hui limitée aux infractions les plus graves. La commission spéciale a donc adopté l’amendement CS3644 de M. Lenaïck Adam et de membres des groupes La République en Marche et MODEM, qui vise à l’étendre à la conjonction d’activités minières sans titre ou autorisation avec les infractions caractérisées non seulement à l’article L. 512-2 mais également aux articles L. 512-1 et L. 621-8 du code minier (cf. le commentaire de l’article 20 quater).

Et pour consolider encore le dispositif de lutte contre les activités clandestines en forêt guyanaise, l’article 20 quater étend également, dans les mêmes conditions, cette possibilité de report à la retenue douanière pour les infractions définies à l’article L. 414-1 du code des douanes, à savoir :

– Le fait d’exporter de Guyane de l’or natif soit sans déclaration en détail ou sous couvert d’une déclaration en détail non applicable aux marchandises présentées, soit en soustrayant la marchandise à la visite du service des douanes par dissimulation ;

– La détention ou le transport d’or natif dans le rayon des douanes de Guyane sans présentation soit d’un document de transport, soit d’un document émanant d’une personne régulièrement établie sur le territoire douanier, soit d’un document attestant que l’or natif est destiné à être régulièrement exporté.

Article 21
Habilitation du Gouvernement à réformer par ordonnance le code minier

Adopté par la commission spéciale avec modification

 

Le présent article propose d’autoriser le Gouvernement à réformer par ordonnance le code minier. Très attendue, cette réforme vise en particulier à mieux prendre en compte la nécessaire protection des intérêts des populations et de l’environnement, à renforcer la participation du public et la consultation des communes dans toutes les décisions concernant les activités minières, et à accentuer la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane.

I.   le droit en vigueur

1.   Un droit ancien dont il faut renforcer les garanties

Le code minier régit l’ensemble des usages du sous-sol – hors aménagements comme les parkings souterrains –, à savoir les mines (en son livre Ier, avec des régimes adaptés pour les activités géothermiques et celles opérées en mer), mais aussi les stockages souterrains (livre II), les carrières (livre III), etc.

Qu’il soit souterrain ou superficiaire, l’assujettissement d’un gîte (un gisement) au régime des mines ou à celui des carrières est, en règle générale, déterminé par la seule nature des substances qu’il contient ; une liste définissant limitativement la substance de mine (article L. 111‑1), toute autre matière extraite est alors considérée comme substance de carrière, sauf si le gîte est situé sur les fonds marins. Cette désignation cible les substances qui présentent un intérêt général pour notre pays en raison de leur rareté et de leur valeur économique ou stratégique.

Le code minier a été créé en août 1956, prenant la suite de la loi impériale du 21 avril 1810 qui avait posé les bases du droit minier en France. Il a été réformé à quelques reprises et, pour certaines des activités qu’il encadre, il est aussi largement complété par d’autres législations : les carrières relèvent avant tout de la section 1 du chapitre V du titre Ier du livre V du code de l’environnement relative aux installations classées pour l’environnement (ICPE), et les activités minières en mer de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française et des textes pris pour son application. Les infrastructures extérieures sont directement soumises à la réglementation des ICPE.

Malgré tout, son inadaptation est dénoncée depuis une dizaine d’années : le code minier est considéré comme complexe, avec une multiplicité de titres et de nombreuses étapes procédurales déclinant des droits et devoirs variables, mais surtout ne répondant plus aux attentes sociales et environnementales. Ses carences ont été notamment mises en lumière par la problématique des pétroles et gaz de schiste – des permis exclusifs de recherche ayant été accordés en 2011 par arrêtés, après une procédure régulière mais sans que les populations, et encore moins les élus des territoires concernés, n’aient été informés, ce qui a déclenché de fortes polémiques – ou encore par les interrogations relatives à l’activité minière en Guyane.

Des corrections législatives ont été apportées par les gouvernements successifs, dont la dernière, avec la loi n° 2017‑1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, est une étape importante tout à l’honneur de l’actuelle majorité.

Mais, tous les acteurs ont conscience du caractère lacunaire de ces évolutions et de la nécessité d’aller plus loin. Il y a bientôt dix ans, à la demande des gouvernements de l’époque, l’avocat Arnaud Gossement remettait un rapport sur la réforme du code minier ; suivi en décembre 2013 par une proposition de réforme rédigée par un groupe de travail sous la direction du conseiller d’État Thierry Tuot. L’Assemblée nationale a de son côté mené une mission d’information sur le sujet pour qu’enfin, une proposition de loi portée par M. Jean-Paul Chanteguet, alors président de la commission du développement durable, soit adoptée par l’Assemblée nationale en janvier 2017 ; mais la fin de la législature ne lui a pas permis d’aboutir.

Ces divers travaux ont toutefois largement nourri la réforme dessinée par le présent article, comme celle que propose l’article 20.

2.   Un droit structuré autour de la distinction entre titre minier et autorisation des travaux

Le code minier distingue deux grandes étapes procédurales avant qu’une entreprise ne puisse explorer ou exploiter un périmètre : il lui faut d’abord (en général) obtenir un titre minier, avant de solliciter une autorisation des travaux si ceux-ci présentent des dangers ou des inconvénients graves pour les intérêts protégés par l’article L. 161-1 du code minier (cf. le commentaire de l’article 20). Les travaux ne présentant pas de tels impacts doivent simplement être déclarés auprès de l’autorité administrative compétente.

La fin de ces travaux ouvre une autre étape, celle de la déclaration d’arrêt des travaux que l’opérateur est censé faire avant l’expiration de son titre, qui marque l’entrée dans un régime de responsabilité spécifique que l’on appelle l’après-mine – deux volets du droit minier qui font l’objet de l’article 20 du présent projet de loi.

Mais l’arrêt des travaux ne met pas fin au titre minier que détient l’opérateur ; celui-ci peut poursuivre ou reprendre d’autres travaux, sur le même site ou à côté, dans le périmètre du titre qui lui a été délivré. Les titres miniers sont accordés, en règle générale, pour des durées limitées, parce qu’ils donnent un droit immobilier sur des sols dont la surface appartient à d’autres (particuliers, communes, etc.) et le sous-sol est traité comme un patrimoine national, dont la gestion est confiée à l’État ([119]) ; ils peuvent toutefois être prolongés et sont alors soumis à une nouvelle instruction, selon des modalités spécifiques.

Quant à l’administration compétente, outre l’instruction des demandes de titres miniers (délivrés et gérés au niveau ministériel), des demandes d’autorisation d’ouverture des travaux et des déclarations d’arrêt des travaux (au niveau préfectoral), elle exerce aussi une surveillance administrative – la police des mines – pendant les travaux miniers, qui « a pour objet de prévenir et faire cesser les dommages et les nuisances » qui leur sont imputables, spécialement à l’égard des intérêts protégés, et la police résiduelle des mines après leur clôture officielle.

Le code minier distingue aussi deux étapes opérationnelles : l’exploration et l’exploitation, chacune nécessitant un titre spécifique, puis l’obtention d’une autorisation administrative pour l’ouverture des travaux (en cas d’impacts graves). De fait, chacune peut durer plusieurs années : un titre d’exploration peut être délivré pour une durée initiale de cinq ans et être prolongé deux fois de cinq ans au plus ; et un titre d’exploitation peut être accordé pour une durée initiale de cinquante ans et être prolongé par périodes de vingt-cinq ans au plus – ou quinze ans pour les gîtes géothermiques.

Ces étapes recouvrent toutefois différents cas de figure, donnant lieu à des procédures, des droits et des titres différents.

 


—  1  —

Les divers droits et procédures applicables aux recherches minières

– Le propriétaire de la surface peut procéder à des travaux de recherche minière sur simple déclaration à l’autorité administrative compétente. De même pour la personne ou l’organisme auquel il a donné son consentement.

– À défaut du consentement du propriétaire de la surface, tout opérateur peut, aussi, être simplement autorisé par l’administration à prospecter. Le propriétaire est seulement invité à présenter ses observations. Ce mode est toutefois rarement utilisé car l’explorateur ne peut disposer librement des produits extraits et n’a aucun droit à obtenir ensuite un titre d’exploitation.

– Le mode de droit commun est l’obtention d’un titre minier. Il s’agit principalement du « permis exclusif de recherches » (PER).

– Le régime du PER s’applique aux gîtes géothermiques à haute température. Mais une « autorisation de recherche » est délivrée par l’administration, après enquête publique, s’agissant des gîtes à basse température et des stockages d’énergie calorifique.

– Quant aux explorations en mer, outre des permis exclusifs de recherche, des « autorisations de prospection préalable » peuvent être accordées pour la recherche sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive de toute substance minérale ou fossile, quelle que soit sa nature de mine ou de carrière, et ce, sans mise en concurrence, ni enquête publique.

En revanche, la demande de permis exclusif de recherche pour des substances minérales de carrière (les granulats marins) dans ces périmètres impose des dispositions spécifiques renforcées d’enquête et de concertation locale. De même s’agissant de leur prospection dans les fonds marins du domaine public – à moins qu’elle ne fasse l’objet d’une autorisation de prospection préalable. En tout état de cause, lorsque la demande de titre est présentée en même temps que la demande d’autorisation d’ouverture des travaux, les deux donnent lieu à une enquête publique unique.

– Enfin, dans la plupart des territoires d’outre-mer (mais à l’exclusion des fonds marins), on accorde une « autorisation d’exploitation » (AEX) qui donne l’exclusivité du droit de faire tous travaux de recherches et d’exploitation des substances visées par le titre.

Le permis exclusif de recherche (PER) assure à son titulaire le monopole des travaux de prospection dans le périmètre défini par le titre, et le droit de disposer librement des produits extraits. En vertu de l’actuel article L. 132-6, il lui offre aussi ce que l’on appelle « un droit de suite » ou « privilège de l’inventeur » qui lui garantit l’exclusivité, pendant la durée de validité du permis, pour demander une concession portant, à l’intérieur du périmètre du titre d’exploration, sur des substances mentionnées par lui, mais aussi le droit à obtenir cette concession s’il en fait la demande avant l’expiration de son titre (automaticité) s’il possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener les travaux correspondants – ou à bénéficier d’une indemnisation en cas d’octroi de la concession à un autre opérateur.

La concession est également le titre de droit commun pour exploiter un gîte de mine, même s’il existe aussi, à cette étape, quelques régimes spécifiques.

Les autres procédures applicables à l’exploitation des mines

– Le régime de la concession s’applique aux gîtes géothermiques à haute température. Mais les gîtes géothermiques à basse température et les stockages d’énergie calorifique relèvent pour leur part, respectivement, d’un « permis d’exploitation » ou d’un « titre de stockage souterrain » généralement accordé après enquête publique.

– À l’exception des exploitations en zones de protection écologique créées par les autorités françaises ou de certaines activités, limitées, menées sur les fonds marins du domaine public, l’exploitation en mer des substances de mine ou de carrière (dans la mesure où elles relèvent du code minier) est également soumise au régime légal de droit commun, mais ses modalités pratiques sont définies par un décret spécifique, n° 2006‑798 du 6 juillet 2006. Le code prévoit que, dans tous les cas, l’instruction des demandes de titre comporte une enquête publique.

– Dans la plupart des territoires d’outre-mer, les exploitations minières se fondent soit sur des « autorisations d’exploitation » (AEX), qui incluent la phase exploratoire, soit des « permis d’exploitation » (PEX) qui ne confèrent qu’un droit exclusif d’exploitation.

– Enfin, l’exploitant d’une carrière peut être autorité à tirer librement parti des substances de mines qu’il extrait lorsqu’elles sont connexes ou voisines d’un gîte de mines exploité, et dans certaines limites de volume.

Comme cela a été dit précédemment, la détention d’un titre confère un droit de recherches ou d’exploitation (dans un périmètre, pour des substances et sur une durée circonscrits par ce titre), mais ne donne pas le droit de réaliser les travaux afférents – c’est-à-dire les travaux eux-mêmes ainsi que la création des installations, ouvrages et ménagements qui leur sont nécessaires – ; et ces travaux relèvent de deux régimes différents selon la gravité des impacts qu’ils peuvent représenter pour les intérêts protégés par le code minier.

3.   Un droit qui prend insuffisamment en compte les enjeux de protection de l’environnement et de participation du public

Le code minier pose avant tout les principes de base du droit minier, dont le contenu est largement défini par voie réglementaire. Nombre de garanties ont ainsi été introduites par les textes réglementaires, comme la consultation de multiples acteurs. Cette architecture a l’avantage d’offrir une grande souplesse d’adaptation. Mais la défiance qui s’est développée dans la population depuis dix ans montre qu’il est aujourd’hui nécessaire d’inscrire plus explicitement dans la loi certaines de ces garanties. En outre, les textes réglementaires ne peuvent pas pallier toutes les carences de la partie législative du code minier. Quand il s’agit de mieux prendre en compte les intérêts environnementaux, notamment, la seule référence à la Charte de l’environnement ne suffit pas toujours, même si elle a valeur constitutionnelle, face à d’autres droits expressément reconnus par la loi.

Les garanties prévues par le code minier visent à conjuguer optimisation économique des activités minières et préservation des intérêts protégés. Ainsi :

– nul ne peut obtenir un titre minier s’il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux miniers et assumer les obligations en découlant, pendant ces travaux ou après leur arrêt (cf. l’article 20), à l’égard des intérêts protégés ;

– et les demandes de titres miniers sont mises en concurrence.

Toutefois, la demande de prolongation d’un PER, ou de son extension (à de nouvelles surfaces ou de nouvelles substances non connexes ([120])), n’est pas soumise à cette procédure. Et en vertu du « privilège de l’inventeur » ou « droit de suite », la demande du titulaire d’un PER d’obtenir une concession dans le périmètre de son titre et pour des substances déjà mentionnées par celui-ci exclut tout autre demandeur. Enfin, la demande de prolongation d’une concession est mise en concurrence, mais une demande d’extension en est dispensée.

Des consultations obligatoires sont par ailleurs inscrites dans la loi :

– la procédure d’instruction d’une demande de concession comprend la réalisation d’une enquête publique, conformément aux dispositions prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement. Cela s’applique aussi aux demandes des titulaires de PER dans le cadre de leur droit de suite, ainsi qu’aux demandes d’extension du titre, mais non aux demandes de prolongation des concessions ;

– le code minier ne prévoit rien, par contre, s’agissant des demandes de PER. L’absence de consultation du public (et des collectivités concernées) était précisément un des plus forts reproches adressés aux permis de recherche du gaz de schiste accordés en 2011.

Toutefois, la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement ([121]) est venue remédier à ce manque en introduisant un article L. 123-19-7 au code de l’environnement disposant que la procédure de participation du public prévue à la section 3 du chapitre III du titre II du livre Ier du même code (soit par consultation électronique) s’applique à l’instruction de cette demande ;

– les demandes d’autorisation de travaux miniers (AOT) sont, en revanche, très encadrées. Elles doivent ainsi faire l’objet à la fois d’une consultation des communes intéressées et d’une enquête publique (selon les mêmes dispositions du code de l’environnement que pour la concession).

Les travaux miniers concernés par le régime de l’AOT sont visés par l’article L. 162-3 et définis par l’article 3 du décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains.

De fait, la logique du droit minier fait de cette étape le nœud du contrôle par l’administration compétente des impacts qu’ils représenteront pour un territoire, et en particulier pour les intérêts à protéger au titre de l’article L.161-1 du code minier ([122]). Les dispositions réglementaires, directement inspirées du régime des ICPE, prévoient ainsi qu’en sus des consultations obligatoires et de la participation du public à l’instruction, cette demande doit présenter :

– une étude d’impact réalisée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre Ier du même code ;

– ainsi que, le cas échéant, l’étude de dangers prévue à l’article L. 512‑1 du code de l’environnement.

Ajoutons que les « modifications relatives aux travaux, aux installations ou aux méthodes de nature à entraîner un changement substantiel des données initiales de l’autorisation », selon l’appréciation du préfet qui instruit et suit ces autorisations de travaux, doivent donner lieu à une nouvelle demande d’autorisation, également soumise à une enquête publique.

À travers cette procédure d’AOT, est notamment vérifiée la prise en compte de la sensibilité de l’environnement (en particulier des milieux et intérêts visés par l’article L. 161-1) aux travaux projetés. Des prescriptions adaptées à sa préservation peuvent ensuite être définies. Et l’AOT peut être refusée en cas d’atteinte trop grave.

Si rien n’est prévu dans la loi minière, ces préoccupations environnementales ne sont pas absentes de l’instruction des demandes de titres : les dispositions réglementaires précisent que le dossier de demande présente, outre un mémoire technique et le programme des travaux envisagés pour l’exploration ou le descriptif des travaux d’exploitation, une « notice d’impact environnemental indiquant les incidences éventuelles des travaux projetés sur l’environnement et les conditions dans lesquelles l’opération projetée prend en compte les préoccupations d’environnement » (articles 17 et 24 du décret n° 2006 648). Ces documents sont soumis aux services publics intéressés et au public consulté par voie électronique et constituent la base du dossier de l’enquête publique menée dans le cadre de l’instruction des demandes de concession. Mais les attentes sur cette notice d’impact environnemental restent floues. Et aucune évaluation est exigée au stade d’une demande de prolongation de titre, alors que plusieurs années ont pu s’écouler.

Au demeurant, en dehors de cas bien identifiés par quelques lois (l’interdiction des techniques de fracturation hydraulique, le refus des nouveaux titres d’exploration ou d’exploitation des hydrocarbures et du charbon, ou la préservation légalement organisée de certaines zones), la menace qu’un projet de recherches ou d’exploitation pourrait représenter pour l’environnement (comme pour les autres intérêts protégés) ne saurait constituer un motif légitime pour refuser une demande de titre minier, quelle que soit sa gravité.

Car le seul critère retenu par la législation actuelle pour accorder ou rejeter une telle demande est la possession ou non des capacités techniques et financières visées aux articles L. 122-2 et 132-1. Au mieux la loi prévoit-elle la possibilité, avant d’accorder une concession minière, de compléter les prescriptions générales prévues par le code minier (ou un décret en Conseil d’État) par un cahier des charges définissant certaines conditions spécifiques au projet.

Cette faiblesse du droit minier est au cœur du contentieux autour de la Compagnie montagne d’or (CMO) en Guyane.

Le projet aurifère vise à exploiter le gisement d’or primaire de la Montagne d’or, l’un des plus importants en termes de potentiel aurifère. Le projet appartient à un secteur qui peut faire l’objet d’une activité d’orpaillage au regard du SDOM, mais qui se situe entre deux réserves biologiques forestières intégrales, classées pour leur forte biodiversité. Il s’agit au surplus d’un projet d’exploitation primaire – quand la plupart des autres concessions guyanaises font de l’exploitation alluvionnaire ou du retraitement de résidus miniers –, de dimension industrielle, qui supposerait de nouveaux aménagements routiers substantiels.

Pour ce projet, CMO avait déposé en 2016 deux dossiers de demande de renouvellement des concessions historiques. Un débat public s’est tenu entre mars et juillet 2018 et a fait l’objet d’un compte rendu de la CNDP le 7 septembre 2018. Le 23 mai 2019, le Président de la République a annoncé à l’occasion du premier conseil de défense écologique que ce projet n’était pas compatible avec les ambitions environnementales qu’il avait fixées. À la suite de cette décision, aucune suite n’a été donnée aux demandes de renouvellement de concessions.

Mais saisi par CMO d’un recours contre ces décisions implicites de rejet, le 3 décembre dernier, le tribunal administratif de Cayenne a considéré que les éléments présentés par CMO justifiaient de ses capacités techniques et financières pour exploiter les concessions, puis, le 24 décembre, a enjoint à l’État de prolonger sous six mois les concessions de CMO en Guyane.

Le Gouvernement a fait appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Bordeaux le 25 janvier 2021.

Le code minier n’est pas dénué de garde-fou ; mais il se situe au stade de l’AOT. Ce dispositif offre un outil assez efficace pour encadrer les activités minières. Cependant, il est aujourd’hui difficile de comprendre que cette évaluation des impacts, notamment environnementaux, ne soit pas faite dès l’instruction de la demande de titre minier. Et il est encore moins toléré que l’administration ne puisse refuser un titre minier qui serait clairement nuisible pour les intérêts protégés.

4.   L’activité minière en Guyane

L’activité aurifère connaît une place particulière en Guyane.

Elle y est largement considérée comme une activité traditionnelle et est pratiquée surtout par des artisans et de petites et moyennes entreprises d’exploitation locales. Elle représente néanmoins le deuxième secteur industriel du département, avec une production moyenne de 1,5 tonne d’or par an, générant 40 millions d’euros de chiffres d’affaires (et 850 000 euros de taxes minières).

Cette activité est encadrée par un schéma départemental d’orientation minière (SDOM) qui définit les conditions générales applicables à la prospection minière, ainsi que les modalités de l’implantation et de l’exploitation des sites miniers terrestres (la Guyane offre également de potentiels gisements d’hydrocarbures en offshore, dont les travaux sur la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 ont acté la non‑exploitation).

Le SDOM définit notamment, par un zonage, la compatibilité des différents espaces du territoire de la Guyane avec les activités minières, « en prenant en compte la nécessité de protéger les milieux naturels sensibles, les paysages, les sites et les populations et de gérer de manière équilibrée l’espace et les ressources naturelles », ainsi que « l’intérêt économique de la Guyane et la valorisation durable de ses ressources minières ». Il est élaboré par le représentant l’État (le préfet) dans le département, est soumis à une évaluation environnementale et à la consultation du public.

Dans le cadre défini, qui relève en large partie du domaine privé de l’État, le préfet peut lancer, après consultation des collectivités territoriales, des appels à candidature pour la recherche et l’exploitation aurifères sur la base d’un cahier des charges définissant, notamment, les contraintes en matière d’exploitation et d’environnement propres à chaque zone.

Mais cette activité légale est plus que débordée par une importante activité clandestine. L’orpaillage illégal est, par nature, difficile à quantifier. Selon la Fédération des opérateurs miniers de Guyane, 90 % de la production d’or en Guyane serait le fait d’une activité clandestine en forêt. Elle correspondrait à une production comprise entre 10 et 15 tonnes d’or par an, pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 600 millions d’euros, et serait le fait de 10 000 à 15 000 travailleurs clandestins. On aurait dénombré en 2017 environ 170 sites d’orpaillage illégal, y compris dans le Parc amazonien de Guyane.

Outre ce qui s’apparente à un « pillage » du territoire en l’absence de retombées économiques pour la Guyane, cet orpaillage sauvage est à l’origine d’une grave pollution au mercure, désastreuse pour l’environnement et la santé publique, et d’une déforestation rampante.

Aussi le code minier rattache-t-il ces activités illégales menées sur le territoire guyanais aux infractions pénales qu’il sanctionne le plus durement par cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (articles L. 615-1 et L. 512-2). Il aménage également les règles de garde à vue, de confiscation et de destruction des biens et installations ayant servi à l’orpaillage illégal. Des peines sont également prévues pour les transports et les débarquements clandestins. Et la détention de mercure, concasseur et corps de pompe est encadrée de près.

Enfin sur le terrain, l’opération Harpie, menée conjointement par les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane, déploie depuis 2008 près d’un millier de militaires pour contenir l’orpaillage illégal. Mais celui-ci reste très difficile à juguler, en raison de la porosité des frontières avec le Brésil et le Suriname et faute de moyens suffisants pour un territoire aussi étendu et difficile d’accès.

Dans ce contexte complexe, la nécessité de renforcer la lutte contre l’orpaillage illégal est un enjeu crucial. Un autre point fait assez largement consensus : mieux vaut une activité minière légale encadrée, et donc contrôlée, qu’un orpaillage illégal, même si d’aucuns s’alarment des carences du SDOM en matière de protection de l’eau et de l’environnement.

II.   LES DISPOSITIONS DU projet de loi

Le projet de loi traduit la volonté du Gouvernement de trouver un nouvel équilibre entre des nécessités économiques bien comprises et les intérêts écologiques et territoriaux. Il s’agit de faire en sorte que le code minier redevienne un outil de gestion du patrimoine commun de la Nation qui serve la politique industrielle nationale, tout en prenant mieux en compte les attentes des populations et responsables locaux et l’enjeu vital de la préservation de l’environnement et des milieux naturels.

Un pré-projet proposant la réforme de grandes parties du code minier a été soumis fin 2018 aux parties prenantes, opérateurs, collectivités territoriales, associations de défense de l’environnement, etc. Il constituera la base des futures ordonnances pour lesquelles le présent article 21 donne habilitation au Gouvernement. Mais faisant toujours l’objet d’ajustements et d’évolutions, il n’est pas encore prêt à être inséré « en dur » directement dans la loi, en dehors de la réforme de la procédure d’arrêt des travaux miniers et de l’après‑mine qui fait l’objet de l’article 20.

Le rapporteur a auditionné des représentants des différentes parties prenantes, qui ont dit leur satisfaction que le droit minier soit enfin précisé, complété et adapté et leur approbation globale de la réforme. Ses orientations font l’objet d’un large consensus ; et si, dans le détail des dispositifs, les uns et les autres souhaiteraient qu’elle aille plus loin, ou moins loin, selon les points de vue, ils reconnaissent ses grandes avancées, en matière environnementale notamment.

Leurs craintes aujourd’hui porteraient plutôt sur l’interprétation pratique que l’administration en fera une fois les ordonnances prises, et sur l’éventualité d’une remise en cause des équilibres auxquels le pré-projet était parvenu. Mais les services ministériels ont assuré à votre rapporteur que les ordonnances devraient suivre l’esprit, si ce n’est la lettre, du pré-projet.

1.   Concevoir une politique minière nationale

Le premier axe de la réforme serait de : « transformer les fondements juridiques et les objectifs du modèle minier français ».

Il s’agit d’abord d’énoncer explicitement les principes sur lequel est construit le modèle minier français, notamment le fait que les substances de mine n’appartiennent pas au propriétaire du sol et sont gérées par l’État (ou les collectivités d’outre-mer compétentes).

– « (a) Définissant une politique nationale de valorisation durable des ressources et usages du sous-sol axée, notamment, sur les besoins de la transition énergétique et de l’industrie numérique ainsi que sur le recyclage des matières premières secondaires »

Le texte soulignerait également l’intérêt général que représenterait la valorisation des ressources et usages du sous-sol national.

De nos jours, l’activité minière est assez limitée en France : en dehors de l’or en Guyane et du nickel en Nouvelle-Calédonie, et hors hydrocarbures, on n’exploite plus que le sel, les calcaires bitumeux et la bauxite en métropole. L’exploitation des granulats marins est également modeste avec 5 millions de tonnes récoltées par an. La géothermie profonde se développe toutefois.

Mais le développement des technologies numériques et des énergies renouvelables génère des besoins de plus en plus massifs en ressources minérales, parfois rares et essentiellement produites par des pays non européens. Pour réussir sa transition énergétique tout en renforçant ses filières industrielles, notre pays est donc confronté à un double enjeu crucial : assurer l’approvisionnement de ses producteurs et regagner une certaine indépendance stratégique sur ces ressources.

Pour y répondre, l’optimisation des technologies consommatrices de ces minéraux et le recyclage des matières sont évidemment prioritaires. Malgré tout, le recours à des ressources primaires restera encore longtemps une nécessité. Or, des études et observations montrent que la France dispose de potentiels minéraux à fort potentiel : comme le tungstène, l’antimoine, l’hélium, le lithium et le coltan, outre l’or.

Relancer, de manière raisonnée et responsable, la valorisation des ressources de nos sous-sols apparaît donc souhaitable non seulement au regard de notre compétitivité économique mais aussi des enjeux de la transition climatique.

Il serait donc prévu de définir dans la loi ce que pourrait être une politique minière nationale, s’articulant avec la stratégie d’économie circulaire et le plan de programmation des ressources instaurés par l’article 69 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Révisable tous les cinq, elle définirait les orientations nationales de gestion et de valorisation des ressources et des usages du sous-sol, en se fondant sur un recensement des substances présentes dans les sols français.

À ce sujet, les services ministériels ont indiqué que l’inventaire des ressources nationales datait déjà de plusieurs années, mais que le Bureau de recherche géologique minière (BRGM), si compétent soit-il, n’a pas les moyens aujourd’hui de l’actualiser. Au vu des enjeux, le rapporteur recommande que l’État étudie les solutions qui permettraient de relancer le recensement du potentiel minier de notre pays.

– « (b) Instaurant un registre national minier, numérique et cartographique, ouvert au public, aux entreprises et à l’administration »

Pour renforcer la transparence de la gestion nationale des mines, la future ordonnance devrait par ailleurs institutionnaliser le cadastre minier numérique existant (https://camino.beta.gouv.fr/titres) qui permet à chacun, citoyen ou acteur économique, d’accéder en temps réel à un état des demandes et des décisions prises.

2.   Mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et associer plus activement collectivités et populations

Le deuxième axe affiché par la demande d’habilitation est d’« améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux liés aux activités minières à tous les stades et de rénover la participation du public et des collectivités territoriales ».

Il s’agit de répondre aux principales critiques qui se sont élevées depuis dix ans contre le code minier, en introduisant de nouvelles garanties dans le droit actuel.

● La plus importante de ces innovations serait la prise en compte de tous les enjeux et tous les intérêts à protéger au bon moment, c’est-à-dire à chacun des stades de la vie juridique d’une mine, et ce, dès le premier titre minier sollicité. La nouvelle procédure pourrait se dérouler ainsi :

– L’octroi, l’extension ainsi que la prolongation d’un titre de recherches ou d’un titre d’exploitation seraient systématiquement précédés d’une « analyse environnementale, économique et sociale ». (« (c) Imposant la réalisation d’une analyse environnementale, économique et sociale préalablement aux décisions individuelles »).

Cette « analyse » serait un processus associant l’élaboration par le demandeur d’un mémoire (au stade d’un projet d’exploration) ou d’une étude de faisabilité (à celui de l’exploitation), les avis du Conseil général de l’environnement du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’économie (CGE), auxquels le demandeur doit répondre par écrit, les résultats des consultations des collectivités et du public (voir ci-après), un ensemble que l’autorité compétente examinerait avant de prendre une décision, en tenant compte des résultats desdites consultations ;

– Les collectivités territoriales seraient informées dès la réception d’une demande de titre ou, au plus tard, à la publication de l’avis de mise en concurrence. (« (b) Renforçant les modalités d’information et de participation des collectivités territoriales lors de l’instruction des demandes en matière minière »).

Elles seraient ensuite invitées à donner leur avis sur le dossier de demande comprenant le mémoire ou l’étude de faisabilité, les avis et les réponses des conseils.

– Le demandeur mettrait par ailleurs à la disposition du public, par voie électronique, son dossier de candidature ainsi que ses réponses écrites aux avis des conseils, avant l’ouverture des procédures de participation prévues.

L’avant-projet imaginait de créer une phase de concertation active avec le public, sous l’égide d’un garant, désigné par la Commission nationale du débat public, pendant la phase d’instruction d’un titre exclusif d’exploration (ancien PER).

L’article 21 évoque au moins la possibilité de créer une commission de suivi d’un projet minier (« e) Instaurant la possibilité de créer une commission de suivi d’un projet minier s’inspirant des commissions prévues à l’article L. 125-2-1 du code de l’environnement »). La disposition citée permet en effet au préfet de créer une commission de suivi de site autour d’un ICPE lorsque les nuisances, dangers et inconvénients présentés par cette installation le justifient au regard des intérêts protégés.

Dans le cas d’un projet minier, la commission, présidée par le préfet et réunie sur sa demande, pourrait intervenir à tous les stades de vie du titre minier, du projet jusqu’à l’échéance du titre minier. Sa composition et ses modalités d’intervention seraient définies par voie réglementaire. Mais en principe, elle réunirait les riverains, l’opérateur, les associations intéressées et les représentants de l’administration. Les débats pourraient également porter sur la procédure d’ouverture des travaux miniers.

Les services ministériels précisent en outre qu’en Guyane, l’Office national des forêts (ONF) sera toujours systématiquement consulté sur les demandes de titres, mais sans que ce soit un avis conforme.

Même en l’absence de commission de suivi, l’organisation d’une enquête publique continuera de s’imposer à l’instruction des demandes de titre exclusif d’exploitation (ancienne concession) ; et l’article L. 123-19-7 du code de l’environnement (consultation du public par voie électronique) s’appliquera toujours à l’instruction d’une demande de titre exclusif de recherche tant qu’un dispositif spécifique ne sera pas créé.

En informant mieux les populations concernées sur les enjeux, les effets de l’attribution d’un titre et les perspectives de développement territorial qu’il ouvre, ces étapes sont déterminantes pour l’acceptabilité sociale d’un projet minier.

Enfin, un projet minier mieux concerté est aussi une mine mieux encadrée.

● Une autre innovation forte serait de permettre à l’autorité compétente de tirer toutes les conséquences de ces évaluations préalables. (« a) Révisant les conditions d’octroi, de prolongation ou de refus des demandes de titres miniers, de recherches ou d’exploitation, afin, notamment, de pouvoir refuser une demande de titre en cas de doute sérieux sur la possibilité de conduire l’exploration ou l’exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts protégés au titre de la réglementation minière »).

Elle pourrait ainsi :

– assortir le titre d’un cahier des charges précisant des conditions spécifiques à respecter par le demandeur. Avec la nouvelle garantie que celui-ci pourrait contenir des mesures économiques et sociales, mais aussi interdire le recours à certaines techniques « si la protection de l’environnement ou d’autres usages existants ou planifiés du sol ou du sous-sol le justifient ». (« d) Prévoyant la possibilité d’assortir les décisions sur les demandes de titres miniers de prescriptions environnementales, économiques et sociales »).

Le code minier actuel interdit en effet le recours aux techniques par fracturation (article L. 111-14) mais ne permet pas explicitement d’en écarter d’autres en cas de risque d’impact trop fort ;

– voire refuser la demande si l’autorité administrative compétente a « un doute sérieux » concernant la possibilité de procéder aux recherches ou à l’exploitation du type de gisement visé sans « porter une atteinte grave » aux intérêts protégés.

Présenter les capacités techniques et financières pour faire ne suffirait donc plus ; en revanche, une raison environnementale pourrait justifier le refus de délivrer un titre minier. Cela représente une véritable révolution culturelle pour le secteur minier. Les professionnels auditionnés préféreraient la référence à « un risque avéré », plus facile à cerner – et plus improbable. Mais la notion de doute sérieux existe en droit et elle imposera en tout état de cause à l’autorité administrative de motiver sa décision e de la fonder sur des raisons sérieuses.

● Comme aujourd’hui, l’instruction de la demande d’autorisation des travaux miniers (AOT) devra prendre en compte leurs impacts sur les intérêts protégés.

Mais la réforme propose d’harmoniser la procédure avec celle qui s’applique aux ICPE. Actuellement, une demande d’AOT peut s’accompagner d’autres autorisations : des autorisations ICPE (pour les installations de stockage de résidus miniers, ou des installations de traitement de minerai par exemple) ou d’autres autorisations, notamment toutes celles embarquées dans l’autorisation environnementale (défrichement, dérogation espèces protégées).

L’intégration de l’AOT dans l’autorisation environnementale (définie aux articles L. 181-1 à L. 181-32 du code de l’environnement) permettra au pétitionnaire de ne déposer qu’un seul dossier (et à l’administration d’en instruire qu’un seul) couvrant tous les aspects du projet, valant autorisation à la fois au titre des travaux miniers, de la loi sur l’eau et des ICPE. (« f) Faisant relever, avec les adaptations nécessaires, l’autorisation d’ouverture de travaux miniers du régime de l’autorisation environnementale prévue par le code de l’environnement ») Cela permettra également d’appliquer aux travaux miniers une procédure mise en place en 2017 et qui fait désormais référence, soulignent les services ministériels.

Ceux-ci signalent que cela supposera de modifier corrélativement le code de l’environnement (titre VII du livre Ier).

Cette harmonisation contribuera par ailleurs à l’objectif d’allègement des procédures qui constitue aussi un fil rouge de la réforme proposée. Il s’agit de concilier l’introduction de nouvelles garanties avec une rationalisation des procédures, pour ne pas en aggraver la complexité et la durée.

Ainsi, le traitement des titres miniers incombera désormais au seul échelon ministériel afin d’éviter une double instruction. Le préfet et ses services, appelés à donner un avis consultatif, seront quant à eux confortés dans leur rôle de relais du territoire et avertiront le ministre chargé des mines des circonstances locales. Enfin, en cas de concurrence, seule la demande du candidat retenu sera instruite. L’étude d’impact évoque par ailleurs un principe de proportionnalité, le poids des démarches attendues et les enjeux que représentent la décision à prendre.

Quoi qu’il en soit, au-delà de l’harmonisation des procédures d’instruction, l’intégration des AOT dans l’autorisation environnementale permettra enfin d’appliquer aux travaux miniers les modalités de contrôle, de sanction et d’exercice de la police du code de l’environnement, avec pour objectif principal de rapprocher le niveau d’exigence en termes de protection de l’environnement du code minier de celui du code de l’environnement. (« g) Révisant l’objet, les modalités et les sanctions de la police des mines afin, notamment, de rendre applicable aux travaux miniers soumis à autorisation environnementale les sanctions administratives prévues par le code de l’environnement et en précisant les obligations incombant aux exploitants »).

Le 2° de l’article 21 prévoit enfin quelques points complémentaires concernant les fins de travaux miniers ou de mine.

– « h) Étendant les opérations couvertes par les garanties financières prévues pour les travaux d’exploitation miniers à l’arrêt des travaux après la fermeture du site, à sa surveillance à long terme et aux interventions en cas d’accident, en subordonnant la délivrance de l’autorisation d’ouverture des travaux d’exploitation miniers à la constitution de garanties financières et en permettant à l’autorité administrative de définir les modalités de constitution de ces garanties ».

Le dispositif existant se contente de transposer strictement la directive n° 2006/21/CE du 15 mars 2006 concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive en limitant la constitution de garanties financières à la seule gestion des déchets.

L’idée serait de rapprocher ce dispositif des obligations incombant aux installations classées (ICPE). Elles devraient donc recouvrir les arrêts des travaux, la surveillance en dehors de ces procédures, ainsi que les éventuelles interventions nécessaires avant ou après la fermeture d’un site, s’assurant ainsi que l’exploitant prendra bien à sa charge les obligations lui incombant en fin d’exploitation.

La réforme envisagée ne créerait pas d’obligations rétroactives en prévoyant la constitution de ces garanties à la seule étape des prochaines demandes d’autorisation d’ouverture des travaux d’exploitation.

– « i) Permettant le transfert à un nouvel explorateur ou exploitant d’obligations revenant à l’État au titre d’une exploitation ancienne ».

Le code minier prévoit aujourd’hui qu’à l’expiration du titre minier, sous réserve que la procédure d’arrêt de travaux ait été menée à terme, les installations de prévention et de surveillance des risques importants d’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux sont transférées à l’État (article L. 174-2).

Dans le cas d’une nouvelle exploitation, ces installations (des puits ou des sondages de compression par exemple) peuvent être utiles au nouvel exploitant, afin notamment d’éviter la création de nouvelles installations. Les services ministériels ont constaté qu’un tel transfert doit s’accompagner d’une clarification des responsabilités entre l’État et le nouvel exploitant, en matière de surveillance et de prévention des risques. Il s’agirait donc de préciser que lorsqu’un nouvel explorateur ou exploitant souhaite utiliser ces équipements, il l’indique dans sa demande d’ouverture de travaux. Le transfert ne serait toutefois autorisé que si les équipements concernés permettent la surveillance et la prévention de l’ensemble des risques sur une zone géologiquement cohérente.

Cela reviendrait à transférer au nouvel opérateur l’intégralité des responsabilités dévolues à l’État sur l’ensemble de la zone considérée.

– « j) Modifiant et en simplifiant les procédures de retrait d’un titre minier afin, notamment, de prévenir l’apparition de sites miniers dont le responsable est inconnu, a disparu ou est défaillant ».

Il n’existe actuellement aucune procédure spécifique aux « mines orphelines », celles dont le titulaire du titre a disparu. L’administration peut certes attendre la fin de la concession qui enclenche le transfert à l’État de l’ensemble des droits et obligations du concessionnaire lorsqu’il est défaillant ou disparu. Mais quand un nouvel explorateur ou exploitant témoigne de son intérêt pour un territoire couvert par un titre minier « orphelin », il peut être préférable de retirer le titre avant son échéance pour le réattribuer le cas échéant. L’administration doit alors recourir, par défaut, à une procédure de sanction administrative : le retrait de titre pour inexploitation ou inactivité persistante (article L. 173-5).

Il est donc proposé de créer une procédure spécifique aux titres miniers encore valides dont le responsable est inconnu, a disparu ou est défaillant de ce seul fait.

– « k) Prenant toute mesure supplémentaire de nature à permettre, en toute hypothèse, la prise en charge effective des mesures d’arrêt des travaux à la fin de l’activité ou de réparation des dommages par les sociétés auxquelles elles incombent ou par toute autre société y étant tenue ».

La constitution des garanties financières sera un levier important. Mais le Conseil d’État a conseillé d’ajouter cet alinéa afin de laisser au Gouvernement la possibilité de compléter, si nécessaire, le nouvel article L. 171-3 du code minier, introduit par l’article 20 du projet de loi, qui permettra de rechercher la responsabilité de la société mère d’un opérateur minier.

3.   Faire évoluer le droit minier en outre-mer et renforcer la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane

L’étude d’impact du projet de loi précise que l’habilitation permettra notamment d’intégrer le droit européen aux dispositions juridiques applicables aux départements d’outre-mer.

Elle a surtout deux axes principaux de réforme : simplifier les procédures pour les petits projets miniers ultramarins et accentuer encore la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane.

● «  e) Révisant les régimes juridiques applicables aux autorisations et aux permis d’exploitation dans les collectivités d’outre-mer, notamment en ce qui concerne les projets miniers de petite taille et en révisant l’encadrement juridique des projets miniers comportant l’utilisation du domaine public ou privé de l’État ».

Lorsque le code minier a été étendu aux départements d’outre-mer (Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion et plus tard Mayotte), la loi avait distingué deux régimes : celui des autorisations d’exploitation (AEX) et des permis d’exploitation (PEX), destinés aux artisans et aux PMI, et le droit commun des procédures nationales (PER et concessions) applicables aux autres opérateurs.

En Guyane au surplus, les PER de moins de 50 km² et à plus de trois kilomètres d’un titre minier détenu par le demandeur sont dispensés de mise en concurrence.

Il est proposé de renforcer ce dispositif.

– S’agissant des autorisations d’exploitation (AEX), qui vaudront aussi autorisations d’occuper le domaine public et privé de l’État : la dispense de concurrence est maintenue ; leur surface serait réduite à 25 hectares au lieu d’1 km² pour qu’elles relèvent de la procédure d’évaluation environnementale au cas par cas, et non pas de façon systématique. Elles seront de forme libre et pourront porter sur l’extraction d’or primaire ;

– S’agissant des permis d’exploitation (PEX) : ils seront désormais délivrés par le préfet et non plus par le ministre chargé des mines. La démonstration de l’existence d’un gisement et une évaluation de sa durée seront requises, sur la base d’une étude technique de faisabilité technico-économique ; mais la procédure traitera en même temps titre et autorisation d’ouverture des travaux. D’une durée maximale de 10 ans, non renouvelable, le PEX pourra être transformé en titre exclusif d’exploitation ou sa prolongation être exceptionnellement autorisée jusqu’à l’épuisement du gisement.

Toutefois, ces évolutions seront définitivement arrêtées quand seront connus les résultats de la mission d’inspection lancée par le Gouvernement sur les retours d’expériences des autorisations d’exploitation ainsi que sur les autorisations de recherche expérimentées pour les petits projets miniers.

Auditionnée par le rapporteur, l’Association des communes et collectivités d’outre-Mer (ACCD’OM) observe que les PME auraient également besoin d’une aide pour réaliser des études de qualité.

 « 4° Adopter des mesures destinées à mieux encadrer l’activité minière en matière d’or »

– « a) Révisant les dispositions relatives au schéma départemental d’orientation minière de Guyane, et en renforçant l’association des communautés d’habitants aux décisions sur les demandes de titres ou d’autorisations miniers en Guyane »

Il s’agit d’affirmer la préoccupation d’une activité minière durable, tout en concevant le SDOM comme un levier pour le développement territorial.

Pour ce faire, la délimitation des zones de compatibilité avec les activités minières serait désormais précédée d’une évaluation environnementale, soumise à l’autorité compétente en matière d’environnement, puis d’une procédure de participation du public. À la suite de quoi des cahiers des charges spécifiques pourront définir les contraintes pour de futures explorations et exploitations.

Il est en outre prévu une « compatibilité réciproque » entre le SDOM et le schéma départemental d’aménagement et de gestion de l’eau (SDAGE). Ainsi, le SDAGE ne pourra pas interdire l’activité minière dans certaines zones ouvertes par le SDOM ; mais le SDOM devra prendre en compte les prescriptions appropriées du SDAGE dans le périmètre du titre minier ou de l’autorisation minière. Et l’opérateur devra préciser dans son dossier comment interagissent les deux réglementations.

Par ailleurs, alors que le SDOM n’est défini aujourd’hui que par le préfet de Guyane, il serait à l’avenir élaboré conjointement par le préfet et le président de la collectivité territoriale de Guyane.

Enfin, il serait écrit dans la loi que tout octroi d’un titre exclusif d’exploitation ou d’un PEX dans un zonage déterminé par décret en Conseil d’État, qui corresponde à leurs territoires, soit soumis à l’avis préalable du Grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges.

L’ACCD’OM demande que l’avis des EPCI soit également recueilli au titre de leur compétence en matière de développement économique.

L’État espère notamment que l’identification de zones d’exploitation coordonnée permette d’organiser davantage l’activité minière sur le territoire, éventuellement par le biais d’appels à manifestation d’intérêt pour reprendre les mines orphelines, éviter le mitage des parcelles, occuper le terrain, etc.

Le ministère des outre-mer a parallèlement lancé une mission interministérielle sur la promotion d’une filière aurifère durable, qui s’attache en particulier à identifier les bonnes pratiques existantes.

– « b) Rendant obligatoire, pour les titulaires des titres et autorisations, la tenue d’un registre des productions et des expéditions et, de manière générale, en révisant les obligations auxquelles sont tenus les opérateurs en matière de traçabilité de l’or »

Le dispositif renforcera le contrôle des activités aurifères.

Il reposera sans doute, outre la tenue d’un registre des productions légales, sur la conjugaison de tests de traçage et d’une forme de certification des produits. Mais ses modalités techniques sont encore à l’étude.

– « c) Renforçant et en adaptant le dispositif pénal de répression de l’orpaillage illégal en Guyane »

Les services ministériels indiquent que de nouveaux moyens seraient donnés aux forces de sécurité intérieure et que le dispositif de contrôle et de sanctions serait renforcé. Les principales innovations seraient :

. l’habilitation des agents assermentés de l’OFB pour constater les exploitations illégales ;

. le renforcement de la procédure de saisie et de destruction des installations et des matériels ayant servi ou étant destiné à exploiter illégalement l’or guyanais ;

. l’aggravation des peines, en introduisant de nouveaux critères de gravité (ampleur des pollutions, sensibilité du milieu) ;

. l’introduction de l’ensemble des infractions en lien avec l’orpaillage illégal en Guyane dans le champ des contrôles d’identité, visites de véhicule et embarcation ainsi que des fouilles de bagages, prévus par le code de procédure pénale ;

. l’aménagement de la garde à vue ;

. et le renforcement des capacités d’entrave de forces de sécurité intérieure luttant contre les filières d’approvisionnement logistique de l’orpaillage clandestin. Les contrôles sur les voies fluviales, les pistes forestières et les itinéraires logistiques clandestins pourront alors être multipliés.

– « d) Prenant toutes dispositions de nature à faciliter la réhabilitation des sites ayant été le siège d’activités d’orpaillage illégales »

Il s’agit de favoriser ces réhabilitations mais non d’inscrire dans la loi des mesures visant directement à réhabiliter les sites dégradés par des activités d’orpaillage illégales. Toutefois, les services ministériels pensent que la réforme de l’après-mine, portée par l’article 20 du projet de loi, offrira de nouveaux leviers pour progresser en ce sens.

4.   Moderniser le code minier

 « 3° Moderniser le droit minier »

– « a) Révisant la terminologie des titres et autorisations miniers ainsi que les modalités d’instruction des demandes »

Pour une lecture plus claire du code minier, le PER devient « titre exclusif de recherche » et la concession « titre exclusif d’exploitation ».

Et, comme on l’a vu précédemment, l’instruction des demandes de titres et d’autorisation sera réorganisée pour alléger les procédures tout en les consolidant.

– « b) Clarifiant les cas et les modalités de mise en concurrence des demandeurs » et « (5° b) Précisant les effets attachés au droit d’inventeur »

Le titre de recherche M (pour les minéraux) serait toujours accordé après mise en concurrence mais pour une durée maximale de 10 ans, au lieu de 5 ans actuellement (le régime du titre H, pour hydrocarbures, n’est pas modifié).

Le titulaire de ce titre resterait seul à pouvoir présenter, sans mise en concurrence, une demande de titre exclusif d’exploitation (portant, à l’intérieur du périmètre du titre exclusif de recherches, sur des substances mentionnées par celui‑ci) pendant la durée de validité de son titre exclusif de recherches. Mais contrairement au droit actuel, il ne l’obtiendrait plus automatiquement sous la seule condition de présenter les capacités techniques et financières. C’est une évolution importante du droit de suite.

Toutefois, pour compenser la perte de cet avantage, et de ses perspectives de valoriser ses investissements initiaux, le dépôt d’une demande de titre exclusif d’exploitation, avant l’expiration de son titre de recherches, lui vaut d’être reconnu comme l’inventeur du gisement concerné. Il peut alors être indemnisé s’il n’obtient pas le titre d’exploitation. La décision accordant ce titre à un autre opérateur doit en effet fixer l’indemnité qui lui est due, après que l’inventeur ait été invité à présenter ses observations.

De fait, cette compensation est nécessaire pour ne pas décourager les prospections.

En dehors du privilège de l’inventeur, la mise en concurrence s’applique par principe à toute demande de titre d’exploitation.

Les exploitants de stockages souterrains ayant exprimé quelques inquiétudes sur l’annonce de la nouvelle procédure, votre rapporteur a eu confirmation que le régime de mise en concurrence s’appliquant à leur activité ne changera pas.

À noter enfin que seul le candidat retenu à l’issue d’une procédure de mise en concurrence (le règlement de concurrence) sera ensuite soumis à la suite de l’instruction, notamment à la consultation du public.

– « c) Adaptant le régime juridique applicable à la géothermie, notamment en ce qui concerne son articulation avec le stockage d’énergie »

Le cadre juridique de l’exploration et de l’exploitation des gîtes géothermiques a profondément été réécrit par l’ordonnance n° 2019-784 du 24 juillet 2019 modifiant les dispositions législatives du code minier relatives à l’octroi et à la prolongation des titres d’exploration et d’exploitation des gîtes géothermiques et son décret d’application n° 2019-1518 du 30 décembre 2019 relatif aux titres d’exploration et d’exploitation des gîtes géothermiques.

Les représentants de la filière ont dit à votre rapporteur que ces réformes font consensus dans leur secteur.

Les services ministériels indiquent que certaines adaptations législatives restent toutefois à réaliser : notamment s’agissant des conditions de réalisation de l’enquête publique s’appliquant aux autorisations de recherches de gîtes géothermiques. L’article L. 124-8 du code minier prévoit en effet que toutes les demandes d’autorisation de recherches y compris les concurrentes fassent l’objet d’une enquête publique.

Il serait en effet pertinent de s’inspirer du principe qui limitera cette étape au seul candidat retenu après la mise en concurrence pour les demandes de titres classiques (voir supra).

Quant à l’« articulation avec le stockage d’énergie », il s’agit de simplifier les démarches des industriels dont les projets portent sur une installation géothermique duale qui, suivant les moments ou les étapes de son développement, extrait de la chaleur du sous-sol ou au contraire stocke de la chaleur dans ce même sous-sol. Actuellement, les industriels doivent demander deux titres miniers distincts : géothermie d’une part et stockage d’autre part, alors que le fond du dossier et les procédures sont exactement identiques, parce que les stockages souterrains calorifiques relèvent du régime légal des mines (livre Ier) mais avec un renvoi systématique aux dispositions relatives à la géothermie. L’objectif de l’habilitation est donc de fusionner les stockages calorifiques avec les gîtes géothermiques.

L’article 45 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique a déjà modifié le code minier en supprimant les dispositions spécifiques relatives à la recherche et à l’exploitation des stockages d’énergie calorifique désormais intégrées dans le régime des gîtes géothermiques. Mais l’habilitation est maintenue dans l’hypothèse où il est nécessaire de procéder à des précisions ou à des coordinations.

– « d) Précisant les régimes légaux des stockages souterrains et des mines, afin, notamment, de définir les modalités de leur extension à d’autres substances, comme l’hydrogène »

L’habilitation vise d’une part, à faire apparaître explicitement l’hydrogène comme une substance de mines, offrant ainsi un cadre juridique protecteur pour cette activité ; d’autre part, à permettre l’extension des titres d’exploitation de stockage souterrain existants à d’autres substances– dont l’hydrogène (même si l’article 6 de l’ordonnance n° 2021-167 du 17 février 2021 relative à l’hydrogène le permet déjà, et qu’il ne sera pas remis en cause) –, sans qu’une nouvelle procédure d’instruction complémentaire de titre minier soit engagée et sans que la durée du titre minier soit modifiée.

– « f) Soumettant les litiges relatifs aux décisions administratives prises en application du code minier à un contentieux de pleine juridiction »

Le recours de plein contentieux permet en effet de demander au juge administratif non seulement de valider ou d’annuler un acte administratif, mais également de réformer l’acte, de lui en substituer un nouveau ou encore de condamner au paiement d’une somme d’argent. Le juge administratif dispose donc de pouvoirs étendus que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir.

À ce jour, trois procédures sont en cours en métropole ; et une soixantaine de dossiers contentieux portant sur les titres miniers d’hydrocarbures, de gîtes géothermiques et de stockages souterrains sont suivis par le ministère de la transition écologique, essentiellement des recours en annulation déposés en 2018 à la suite de la promulgation de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures.

– « g) Modifiant les modalités de passage des substances de carrières dans la catégorie des substances de mines »

Il est proposé de substituer à l’enquête publique locale prévue par l’actuel article L. 312-1 par une participation du public nationale et dématérialisée, le classement de la substance concernée comme mine couvrant alors tout le territoire national.

Il est également envisagé d’élargir le classement en mine aux substances qui ne sont pas formellement des « carrières », comme l’hydrogène.

Hormis ces évolutions, le régime légal des carrières ne sera pas modifié.

– « h) Abrogeant la redevance tréfoncière »

La redevance tréfoncière est due par le concessionnaire aux propriétaires de la surface (l’article L. 132-15). Dans les faits, elle représente un dédommagement plus symbolique que réel, généralement fixée à la somme de 15 euros/ha pour toute la durée de la concession, ce qui fait que son versement aux propriétaires du sol a finalement été abandonné.

Le rapporteur relève toutefois que cette réforme devrait être l’occasion d’interroger les actuels dispositifs de taxes et redevances (redevances départementale et communale, taxe spéciale sur l’or en Guyane au Conseil régional) qui sont censés apporter une forme de compensation ou de participation financière aux communes riveraines. Leur insuffisance et leur répartition déséquilibrée ont été dénoncées par toutes les collectivités auditionnées par votre rapporteur.

 « 5° Clarifier certaines dispositions du code minier »

– « a) Révisant et harmonisant les modalités de prorogation des droits miniers »

Les réformes précédemment décrites s’appliqueront à la prolongation, la mutation, la fusion et extension des titres miniers. On a vu que la prorogation (ou « droit de suite ») ne sera plus automatique, même si le titulaire du titre exclusif de recherches conservera l’exclusivité pour solliciter un titre d’exploitation. Par ailleurs, si les titres exclusifs d’exploitation pourront encore être prolongés, dans la limite maximale de 25 ans, les titres exclusifs de recherches ne pourront plus être renouvelés.

– « c) Permettant la fusion des titres miniers d’exploitation de mines »

À l’heure actuelle, le code minier prévoit la fusion entre permis exclusifs de recherches contigus. Cette possibilité sera étendue aux titres exclusifs d’exploitation et anciennes concessions encore valides.

– « d) Modifiant l’autorité compétente pour l’octroi et la prolongation des titres d’exploitation ou pour leur rejet explicite »

L’autorité compétente restera désignée par voie réglementaire (décret en Conseil d’État ou décret simple) ; il s’agira selon les cas du ministre chargé des mines, du préfet ou du président de la collectivité territoriale de Guyane.

– « e) Complétant la définition des substances connexes »

Les substances connexes sont aujourd’hui désignées par l’article L. 121-5. Mais cette définition n’envisage que des substances liquides, alors qu’il peut en exister des liquides (lithium) ou gazeuses (hydrogène). Il s’agit donc de prendre en compte ces nouveaux cas.

Enfin, il est envisagé de faire apparaître les substances connexes connues dans la demande du pétitionnaire et dans l’acte l’autorisant à explorer ou à exploiter.

– « f) Précisant le cadre juridique s’appliquant à la recherche et à l’exploitation des substances de mines dans les fonds du domaine public en mer »

Ne sont envisagées que des évolutions marginales, sans vraiment modifier le droit minier en mer.

– « g) Restreignant aux seuls exploitants d’une concession d’hydrocarbures l’obligation prévue à l’article L. 132-12-1 »

L’article L. 132-12-1 du code minier a été introduit par l’article 4 de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

Il ressort des intentions du législateur que cet article ne concerne que les exploitants d’une concession d’hydrocarbures, seul cas de figure dans lequel il est susceptible de s’appliquer. Aussi son insertion dans une section du code miner applicable à l’ensemble des concessions n’est-elle pas adaptée.

L’objectif est donc de déplacer cet article dans la partie du code relative à l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures.

– « h) Abrogeant l’article L. 144-4 du code minier relatif aux concessions anciennement à durée illimitée »

La disposition parle d’elle-même.

● Enfin, les derniers alinéas du présent projet d’habilitation proposent de :

– prendre les mesures nécessaires à l’adaptation de la réforme aux outre‑mer et à leurs spécificités juridiques ;

– permettre l’application des dispositions issues des futures ordonnances aux « demandes, initiales et concurrentes, présentées avant leur publication ».

Les titres et autorisations en cours de validité resteront régis par les dispositions de l’ancien code. De même les demandes présentées avant le dépôt des ordonnances devant le Parlement, sauf volonté expresse du pétitionnaire de bénéficier du nouveau régime.

Mais le ministère propose aussi d’anticiper les futures règles pour les demandes initiales en cours, qui seraient présentées avant la publication des ordonnances ;

– il est dit enfin qu’un projet de loi de ratification devra être déposé dans l’année qui suivra la publication de chacune des ordonnances qui seront prises.

Sans traiter spécifiquement la question des mines, la Convention citoyenne pour le climat avait recommandé un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane dans le cadre de sa proposition PT8.1 Protection des écosystèmes et de la biodiversité.

Il reste, au demeurant, que le renforcement de la prise en compte des enjeux environnementaux, que porte le présent article, contribuera à la réalisation de l’objectif PT8.1.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Outre six amendements rédactionnels (CS2986, CS2989, CS5092, CS3024 à CS3026), la commission spéciale a adopté sept amendements de fonds du rapporteur :

– au a du 1°, le CS5315 prévoit que la définition de la future politique de valorisation durable des ressources et usages du sous-sol se fondera sur un recensement actualisé des substances qui peuvent être utiles, aux filières numériques et de la transition énergétique notamment, et sont susceptibles d’être présentes dans le sous-sol. Les derniers recensements datent en effet de plusieurs années et ont été réalisés avec des techniques moins fines qu’aujourd’hui. Il importe donc que notre pays se donne les moyens de ses ambitions en prévoyant au moins leur mise à jour ;

– au b du 2°, le CS5105 ainsi que les amendements identiques de Mmes Delphine Batho (CS563), Stéphanie Kerbarh (CS3970) et Annie Chapelier (CS4163) indiquent que la réforme du code minier s’attachera bien à rénover les modalités d’information et de participation du public, comme le 2° l’annonce mais en ne l’explicitant que pour les collectivités territoriales ;

– au c du 2°, le CS5316 précise que l’analyse environnementale, économique et sociale devra être réalisée avant la prise des décisions relatives aux demandes de titres miniers (les demandes d’autorisation d’ouverture des travaux miniers relevant, pour leur part, de la procédure globale de l’autorisation environnementale définie par le code de l’environnement) ;

– au h du 2°, le CS5317 confirme explicitement que l’extension des garanties financières (pour couvrir les mesures à exécuter après l’arrêt des travaux, la surveillance à long terme des sites et les interventions en cas d’accident) ne sera pas rétroactive pour les travaux d’exploitation minière déjà autorisés ;

– au k du 2°, le CS3023 supprime une mention superflue (« en toute hypothèse ») qui aurait pu laisser croire que l’administration ne fera pas tout ce qui est en son pouvoir pour obliger les opérateurs miniers (ou leurs sociétés mères, le cas échéant) à assumer les responsabilités leur incombant après ou pour les travaux miniers qu’ils ont engagés ;

– au b du 3°, le CS5318 précise que le découvreur, dit l’inventeur, d’un gisement reste seul à pouvoir solliciter un titre exclusif d’exploitation, pendant la durée de validité de son titre d’exploration, et se trouve donc dispensé de mise en concurrence, et ce, même si la réforme prévue par l’article 21 soumettra désormais cette demande de titre d’exploitation aux nouvelles règles d’évaluation (avec la possibilité de refuser sa délivrance au regard de la gravité des impacts du projet sur les intérêts protégés par le droit minier) ;

– au c du 3°, le CS5319 prévoit que l’ordonnance qui adaptera le régime applicable à la géothermie définira aussi le niveau d’exigence attendu des porteurs de projets en matière d’études exploratoires. Le rapporteur a en effet été alerté par le député Vincent Thiébaut sur le constat que ces études ne sont pas toujours aussi poussées qu’il conviendrait, notamment sur la capacité des sous-sols complexes à supporter de tels travaux, alors qu’elles sont une des conditions du développement réussi de la géothermie ;

La commission spéciale a également adopté :

– l’amendement CS3353 de M. Thibault Bazin confirmant, au b du 3°, que la procédure de mise en concurrence des demandeurs, que l’article 21 envisage de réformer, ne concerne que les activités relevant du régime légal des mines, à savoir les activités relatives aux substances de mines ou à la géothermie, et non les activités de carrière ou de stockage souterrain ;

– l’amendement CS5101 du Gouvernement précisant, au e du 3°, que la révision du régime juridique des autorisations et permis d’exploiter en outre-mer concernera également les modalités d’arrêt des travaux qui leur seront applicables ;

– au même alinéa, l’amendement CS3659 de M. Lenaïck Adam qui explique que la réforme envisagée a pour objectif de « réduire les délais d’instruction sans réduire le niveau de protection de l’environnement » ;

– en fin de 3°, l’amendement CS5100 du Gouvernement ajoutant au projet d’habilitation l’objectif d’actualiser le dispositif légal des infractions et sanctions pénales relatives aux manquements aux dispositions du code minier, étant précisé que l’article 20 quater, adopté par la commission spéciale, a déjà largement répondu à cette visée (cf. le commentaire correspondant) ;

– l’amendement CS3656 de M. Lenaïck Adam et d’autres membres des groupes La République en Marche et MODEM étendant, au b du 4°, les obligations des opérateurs en matière de traçabilité de leurs productions et expéditions à l’étain, au tungstène et au tantale, en sus de l’or ;

– enfin, au f du 5°, l’amendement CS3545 de M. Jimmy Pahun et d’autres membres du groupe MODEM qui donne à la réforme du cadre juridique s’appliquant à la recherche et à l’exploitation des substances de mines dans les fonds marins du domaine public l’objectif, entre autres, de « garantir un haut niveau de protection des écosystèmes marins et [d’en] assurer une meilleure connaissance scientifique ».

Chapitre IV
Favoriser des énergies renouvelables

Article 22
(articles L. 141-3 et L. 141-5-1 [nouveau] du code de l’énergie, articles L. 4251-1 et L. 4251-2 du code général des collectivités territoriales et article L. 222-1 du code de l’environnement)
Décliner les objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables au niveau régional

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article propose que les objectifs nationaux de développement des différentes filières d’énergie renouvelable de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) soient déclinés, par décret, en objectifs régionaux et que les objectifs fixés parallèlement en la matière par les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie d’Île‑de‑France soient rendus compatibles avec ceux-ci.

I.   le droit en vigueur

Aujourd’hui, les grands objectifs de politique énergétique de la France sont définis, à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Cet article fixe notamment l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en France à horizon 2050, précise les objectifs d’augmentation de la part des énergies renouvelables, globalement (pour les porter à 33 % de la consommation finale d’énergie brute en 2030) et par secteur, et invite à favoriser la production d’électricité issue de l’éolien en mer.

Depuis l’introduction de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, ces objectifs et priorités d’action seront désormais réinterrogés par le Parlement tous les cinq ans, la première loi devant être adoptée avant le 1er juillet 2023. En cohérence avec cette nouvelle architecture, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), mentionnée à l’article L. 141‑1 du même code, devra être ensuite révisée pour être rendue compatible avec les objectifs de la nouvelle loi, même si la dernière PPE n’est adoptée que depuis le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.

D’un point de vue opérationnel toutefois, si la loi quinquennale fixera les grands objectifs, la PPE est et restera le document stratégique de pilotage de la transition énergétique de notre pays en détaillant la trajectoire à cinq ans puis à dix ans de son mix énergétique, les scenarii des besoins énergétiques et des réponses souhaitées et les mesures (les modalités d’action des pouvoirs publics et l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques mobilisées par l’État et ses établissements publics) qui doivent permettre d’atteindre les grands objectifs nationaux.

Un de ses volets est consacré au développement de l’exploitation des énergies renouvelables (EnR) et de récupération (3° de l’article L. 141-2 du code de l’énergie). L’article L. 141‑3 dispose que les objectifs quantitatifs de ce volet sont exprimés par filière industrielle et peuvent l’être par zone géographique, auquel cas ils tiennent compte des ressources (les potentiels de développements énergétiques) identifiées dans les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie ou les schémas en tenant lieu.

Ces objectifs par filière déterminent en particulier la répartition des appels d’offres gérés par la Commission de régulation de l’énergie (dits appels d’offres CRE).

À noter que la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon et les îles Wallis et Futuna (zones non interconnectées au territoire métropolitain) font chacun l’objet d’une PPE distincte ; et qu’à l’exception de la Corse, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des îles Wallis et Futuna, cette PPE constitue le volet énergie du schéma d’aménagement régional valant schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie, avec des objectifs définis conjointement par l’État et l’exécutif territorial.

Pour le territoire métropolitain en revanche, la loi actuelle ne prévoit pas de lien juridique entre les objectifs nationaux précisés par la PPE nationale et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), qui ont remplacé les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie – sauf en Île-de-France – pour définir la planification régionale de la transition énergétique et bas carbone.

Et si ces SRADDET doivent prendre en compte la stratégie nationale bas carbone (SNBC), conformément à l’article L. 4251-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), l’article L. 4251-1 n’impose pas explicitement d’objectifs en matière de production d’énergies renouvelables, ne visant que des objectifs de lutte contre le changement climatique. Seul l’article R. 4251-5 du CGCT établit que les objectifs du SRADDET relatifs au climat, à l’air et à l’énergie portent notamment sur « le développement des énergies renouvelables et des énergies de récupération, notamment celui de l’énergie éolienne et de l’énergie biomasse, le cas échéant par zones géographiques ».

Les objectifs nationaux et régionaux sont ainsi fixés de manière indépendante, sans que rien ne garantisse la cohérence des seconds avec les premiers.

De fait, une étude citée par l’étude d’impact, « Analyse et concaténation du volet énergie des SRADDET », menée par l’association négaWatt et publiée en novembre 2020, montre que la somme des objectifs des SRADDET permet certes d’atteindre l’objectif global de production d’électricité renouvelable de la PPE à horizon 2028, mais qu’en revanche, elle ne garantit pas l’atteinte des objectifs de développement dans chaque filière, alors qu’un mix électrique diversifié offre une plus grande capacité de résilience face aux aléas climatiques, et moins encore la réalisation des objectifs fixés à horizon 2050.

II.   les dispositions du projet de loi

A.   Des objectifs rÉgionaux pour les Énergies renouvelables et de rÉcupÉration

Pour accélérer le développement des énergies renouvelables, la Convention citoyenne pour le climat recommandait d’améliorer la gouvernance régionale de la politique énergétique.

Une de ses propositions était de régionaliser une partie des appels d’offres nationaux. Mais, en dépit de l’intérêt qu’il y aurait à moduler les dispositifs d’aide aux EnR en fonction des spécificités locales, le photovoltaïque étant moins rentable au nord du pays par exemple, les services ministériels ont indiqué à votre rapporteure que la Commission européenne n’admet pas une telle différenciation des appels d’offres de l’État, considérant que cela ne favoriserait pas assez le jeu de la concurrence, au détriment des consommateurs.

Le projet de loi ne traite pas non plus la proposition de la Convention citoyenne de mieux organiser le pilotage régional de la transition énergétique et la concertation entre les divers échelons infrarégionaux.

Le présent article 22 suit en revanche la deuxième proposition de la Convention citoyenne qui vise à donner des objectifs régionaux, pour le territoire métropolitain continental :

– en prévoyant, désormais expressément, que les SRADDET doivent fixer les objectifs régionaux en matière de développement des énergies renouvelables et de récupération (article L. 4251-1 du CGCT) – ce qui est déjà prévu pour le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie d’Île-de-France (comme par le schéma de Corse) ;

– et en s’attachant à mieux en articuler les échelons nationaux et régionaux. Toutefois il ne retient pas la solution proposée par la Convention citoyenne qui ferait coexister les objectifs développés, d’un côté, par les SRADDET avec ceux attribués par l’État, de l’autre, sans garantir davantage leur convergence.

L’article 22 propose plutôt de créer un lien de compatibilité entre les objectifs et les règles générales définis par les SRADDET (ou le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie d’Île‑de‑France) et des objectifs attribués par l’État aux régions pour décliner la PPE.

La construction visée est la suivante :

– la PPE décline toujours les objectifs nationaux par filière industrielle (photovoltaïque, éolien, méthanisation, production de chaleur ou de froid renouvelable, etc.), mais plus par zone géographique – hormis pour l’éolien en mer dont les objectifs de développement pourront désormais être déclinés par façade maritime (article L. 141-3 du code de l’énergie).

Les services ministériels expliquent que la déclinaison des objectifs par façade maritime se fondera sur les résultats des consultations publiques organisées autour des façades pour identifier les zones préférentielles d’implantation. Selon Régions de France, les régions littorales accueillent favorablement cette fixation par façade ;

– la déclinaison, au niveau régional, des objectifs nationaux de développement des EnR est renvoyée à un décret, pris après concertation avec les régions concernées (nouvel article L. 141-5-1 du code de l’énergie). Le Conseil d’État a fait rajouter la condition que ces objectifs régionaux prennent en compte les « ressources régionales mobilisables ». Ces « ressources » sont les potentiels de développement de chaque type d’énergie (et non les moyens financiers des collectivités). Les références actuelles se fondent sur les évaluations réalisées pour les schémas régionaux. Le nouvel énoncé ne précise plus comment les potentiels énergétiques disponibles seront estimés, mais ces références seront nécessairement objectivées.

Parmi elles, il y aurait les gisements déjà identifiés dans les actuels schémas régionaux et ceux qui ont été repérés par les études de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) présentées lors de l’élaboration de la précédente PPE. Les services ministériels ont par ailleurs lancé, avec les acteurs locaux concernés, un travail de cartographie des diverses contraintes limitant les zones d’implantation accessibles à des éoliennes, qui pourrait aussi servir à délimiter les ressources territoriales.

On relèvera qu’il n’est pas prévu de déclinaison régionale des objectifs de développement des énergies de récupération, les potentiels étant plus aléatoires et difficilement objectivables ;

– les objectifs, et les règles qui en découlent, des SRADDET devront être compatibles avec les objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables et de récupération de la PPE et les objectifs attribués par décret à la région (article L. 4251-2 du CGCT).

Les objectifs (objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération, etc.) du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie d’Île-de-France, ainsi que son schéma régional éolien devront aussi être compatibles avec ces mêmes références (article L. 222-1 du code de l’environnement).

Le rapport de compatibilité implique qu’un schéma peut fixer des objectifs de développement supérieurs aux objectifs régionaux fixés par décret, mais ne peut fixer un objectif inférieur à l’objectif régional que pour des motifs sérieux et cohérents avec les objectifs généraux de la PPE.

Cela répond pleinement à l’objectif de la présente réforme qui est de faire en sorte que la somme des objectifs des différents schémas permette d’atteindre au moins l’objectif fixé au niveau national pour une filière.

Les documents de planification des échelons territoriaux inférieurs, en particulier les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), schémas de cohérence territoriale (ScoT) et plans locaux d’urbanisme (PLU), devant être compatibles avec les règles définies dans les SRADDET, cette nouvelle chaîne d’obligations imposera une cohérence entre chaque échelon territorial et, au global, avec les objectifs nationaux, et conduira, de fait, à travailler sur la planification infrarégionale du développement des énergies renouvelables et de récupération.

B.   des inquiÉtudes exprimÉes par les collectivitÉs territoriales

Les collectivités territoriales auditionnées par la rapporteure et par la commission spéciale ont dénoncé la mise en place d’une procédure « verticale » et « directive ».

Dans son avis du 4 février 2021, le Conseil d’État a, en tout état de cause, considéré que ces dispositions sont justifiées par l’objectif constitutionnel de préservation de l’environnement (énoncé dans la Charte de l’environnement) et ne méconnaissent pas le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, dès lors que sont prises en compte les ressources régionales mobilisables.

Les services ministériels répondent que les régions conserveront la pleine faculté de fixer des objectifs supérieurs aux objectifs régionalisés et la liberté de définir les mesures qu’elles estiment possibles et nécessaires pour favoriser leur atteinte, comme une planification territoriale de leur mise en œuvre notamment. Au demeurant, le pilotage de la région en la matière est cohérent avec ses compétences en matière de développement économique et d’aménagement du territoire.

Chaque échelon territorial exprime, en particulier, son inquiétude quant à la façon dont sera menée la concertation entre l’État et les régions, puis entre les régions et les autres collectivités de leurs territoires. Élus comme acteurs craignent qu’en imposant des résultats, la nouvelle organisation de la planification du développement des EnR ne démobilise les initiatives qui se multiplient sur le terrain. Or, tous soulignent que « la transition énergétique se fera avant tout sur les territoires », par et avec les collectivités et leurs populations.

L’article 22 ne dit rien des potentielles planifications infrarégionales, ni même du processus qui aboutira à la définition par décret de la déclinaison régionale des objectifs. L’étude d’impact précise tout au plus que la PPE et les schémas faisant déjà l’objet d’une évaluation environnementale, il ne sera pas nécessaire que cette déclinaison régionale fasse également l’objet d’une évaluation environnementale.

La détermination de ce processus n’est pas de l’ordre de la loi. Mais de fait, les services ministériels reconnaissent ne pas savoir encore comment il sera organisé. Ils rappellent cependant que les régions sont déjà associées à l’élaboration de la PPE à travers les différentes instances de consultation, et assurent qu’à l’étape suivante, elles auront toute la concertation qu’elles souhaiteront (dans un délai cohérent avec la mise en œuvre de la PPE).

L’article 22 prévoit enfin que la modification ou la révision des schémas régionaux concernés devra être engagée dans les six mois de la publication du décret fixant la déclinaison régionale de la PPE. La procédure de mise à jour des SRADDET est décrite aux articles L. 4251-9 et L. 4251-10 du CGCT.

Bien qu’il soit urgent de mener une action forte pour développer les EnR, la rapporteure considère toutefois que ce délai est inopportun. Il ne s’agit, bien entendu, que de lancer les procédures de révision, non de les faire aboutir six mois après la publication du décret. Mais cela reviendra probablement à les engager dans une période électorale intense pour aboutir à de nouveaux objectifs qui ne seront valables que peu de temps puisqu’une nouvelle PPE devra être définie à la suite de la première loi de politique énergétique, laquelle doit être adoptée avant juillet 2023. Non seulement ces travaux seront perturbés par d’autres enjeux que la transition énergétique, mais le processus pourrait s’avérer contre-productif car en réinterrogeant les objectifs définis par des schémas régionaux qui viennent à peine d’être adoptés, leur révision créera une incertitude sur les moyens à engager et donc sur les actions à mener et les projets à lancer, y compris aux niveaux communal et intercommunal puisque leurs propres documents de planification devront être révisés à leur tour afin de restaurer le lien de compatibilité avec les schémas régionaux. La mise en œuvre des actuels schémas régionaux risque d’en être ralentie.

Dans la mesure où l’étude précitée montre que la somme des schémas régionaux permet déjà d’atteindre les objectifs nationaux de court terme, un tel calendrier mérite d’être réinterrogé.

Dans sa proposition PT11.1 « Amélioration de la gouvernance territoriale/régionale », la Convention citoyenne pour le climat porte quatre propositions :

– PT11.1.1 : Mettre en place d’une instance régionale de coordination d’utilité publique : un comité régional dédié aux débats entre les différents niveaux de collectivités sur les questions de l’énergie et du climat et consulté pour l’élaboration des SRADDET, qui s’inspirerait des comités régionaux de la biodiversité ;

– PT11.1.2 : Donner des objectifs de programmation pluriannuelle de l’énergie au niveau régional et mettre en place des plans d’actions par région : la rédaction proposée consiste à compléter l’article L. 100-4 du code de l’énergie en prévoyant que des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables soient établis par l’État, après concertation avec les régions, pour contribuer à l’objectif national de la part des énergies renouvelable dans la consommation finale. Il s’agirait d’objectifs minimaux pouvant être dépassés au niveau régional ;

– PT11.1.3 : Répartir le budget de la PPE sur l’ensemble des régions ;

– PT11.1.4 : Régionaliser une partie des appels d’offres nationaux.

Les deux derniers points ne relèvent pas de la loi.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

En sus de trois amendements rédactionnels (CS3207, CS3208 et CS5282), la commission spéciale a adopté l’amendement CS5288 de la rapporteure qui précise la nature des « ressources régionales » qui seront prises en compte lors de la déclinaison régionale des objectifs de la PPE : à savoir les potentiels énergétiques des régions, qu’ils soient d’origine renouvelable ou issus des filières du recyclage.

La commission spéciale a par ailleurs adopté l’amendement CS3331 de Mme Bénédicte Peyrol prévoyant que soient définis, selon des modalités fixées par décret, une méthode et des indicateurs communs de suivi qui aideront au pilotage des actions déployées dans les régions pour la mise en œuvre des objectifs issus de la PPE, et qui, ce faisant, faciliteront la déclinaison ultérieure de ces objectifs au sein de la région. Ces indicateurs doivent en particulier permettre de suivre, de façon harmonisée et partagée, la réalisation des objectifs régionaux. Dans son rapport annuel de juillet 2020, le Haut Conseil pour le climat avait en effet souligné la nécessité que l’État aide les régions à élaborer des méthodes (de diagnostic notamment) et des normes communes pour piloter leurs politiques climatiques.

Enfin, la rapporteure a indiqué travailler sur l’instauration de conférences régionales de l’énergie qui offriraient un cadre de concertation aux différentes parties prenantes des politiques énergétiques dans la région – décideurs publics et acteurs de la vie économique et civile – pour aider le conseil régional à fixer les objectifs de développement des énergies renouvelables et de récupération figurant dans son SRADDET (ou schéma régional du climat et de l’énergie) ainsi que leur répartition sur le territoire régional, puis pour en suivre et en évaluer la mise en œuvre.

La rapporteure travaille également sur un autre calendrier de révision des schémas régionaux qui soit coordonné avec l’adaptation de ces mêmes schémas aux nouveaux objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols (cf. le commentaire de l’article 49).

Article 22 bis (nouveau)
Ratification d’ordonnances dans le domaine de l’énergie

Créé par la commission spéciale

 

Le présent article propose de ratifier trois ordonnances, publiées le 3 mars 2021, qui retranscrivent en droit français deux directives et un règlement européen relatifs à l’énergie : la première ordonnance définit les nouvelles exigences en termes de durabilité des bioénergies ; la deuxième crée les communautés d’énergie citoyennes et précise le régime des garanties d’origine de l’électricité ; la troisième transpose la dernière directive sur le marché intérieur de l’électricité.

L’article 39 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (dite loi Énergie-climat) avait autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnances, sous un délai de douze mois (prolongé jusqu’au 8 mars 2021 par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19), pour transposer ou prendre les mesures d’adaptation pour ce qui concerne :

– la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte) ;

– la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (refonte) ;

– ainsi que le règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité.

Le Gouvernement a finalement publié le 3 mars dernier trois ordonnances :

– l’ordonnance n° 2021-235 transposant le volet durabilité des bioénergies de la directive (UE) 2018/2001. Elle vise à garantir le niveau d’exigence environnementale de la production d’énergie renouvelable à partir de biomasse dans l’Union Européenne et entrera en application le 1er juillet 2021.

Elle définit ainsi les exigences en matière de durabilité des matières premières, de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’efficacité énergétique pour les différentes filières de production énergétique à partir de biomasse (biocarburants et bioliquides, production d’électricité, de chaleur, de froid, production de combustibles ou carburants solides et production de biogaz), étendant les exigences déjà inscrites dans la loi aux produits solides et gazeux.

Les exigences de durabilité sont définies d’après les technologies utilisées pour la production électrique (pour les installations mises en service ou converties à l’utilisation de combustibles ou de carburants issus de la biomasse à compter du 25 décembre 2021), mais surtout d’après l’origine des matières utilisées.

Ainsi, les biocarburants, bioliquides, combustibles ou carburants issus de la biomasse agricole ne peuvent être produits à partir de matières provenant de terres de grande valeur en termes de biodiversité, présentant un important stock de carbone ou ayant le caractère de tourbières, sauf si l’atteinte portée à ces terres est limitée (cette dérogation étant encadrée par un décret en conseil d’État). Les différents maillons de la chaîne économique doivent, au surplus, pouvoir présenter « un plan de gestion et de suivi afin de faire face aux incidences sur la qualité des sols et la teneur en carbone du sol ».

Et l’utilisation de la biomasse forestière n’est autorisée que si elle provient d’un pays ou d’une zone d’approvisionnement qui met en œuvre une législation ou un système de gestion assurant que les récoltes sont légales, la régénération de la forêt est effectivement garantie, les zones protégées par le droit national et international ne sont pas touchées et la qualité des sols et de la biodiversité est préservée. Le pays ou la zone d’approvisionnement doit aussi s’être engagé au niveau national et/ou international à préserver voire à renforcer les stocks et puits de carbone – ou équilibrer leur diminution à une réduction à due concurrence de ses émissions GES.

Les potentiels de réduction des émissions GES attendus sont également renforcés : il passe de 60 à 65 % pour les biocarburants produits dans des installations mises en service à partir du 1er janvier 2021 ; il est fixé à 70 % pour l’électricité, la chaleur ou le froid produits dans des installations mises en service à compter du 1er janvier 2021, puis à 80 % pour la production des installations lancées à partir du 1er janvier 2026.

Un dispositif de traçabilité est mis en place, en sus de celui qui existe déjà pour les biocarburants. Il est fondé sur des déclarations de durabilité et différents niveaux de contrôle du respect de ces exigences et de la véracité des déclarations.

L’accès à une aide publique et la comptabilisation de ces productions au titre des objectifs en matière d’énergie renouvelable sont conditionnés à ces exigences. Leur non-respect peut entraîner des sanctions pécuniaires, voire le remboursement des aides d’État perçues.

L’ordonnance prévoit, comme le droit européen, la possibilité de déroger à ces exigences pour tenir compte des situations particulières des territoires ultra‑marins. Toutefois, ces dérogations ne concernent pas les bioliquides et les biocarburants et sont très encadrées : un décret précisera les conditions dans lesquelles elles pourront être définies ; elles devront être notifiées à l’Union européenne et ne seront autorisées que pour une durée limitée ; et les combustibles solides et gazeux utilisés pour la production d’électricité, de chaleur ou de froid en outre-mer resteront soumis à des critères de durabilité et de réduction des émissions des GES dont la différence par rapport aux critères de droit commun devra être justifiée de manière objective comme « ayant pour but d’assurer l’introduction des critères auxquels ils se substituent et d’encourager le passage des combustibles ou carburants fossiles aux combustibles ou carburants durables issus de la biomasse ». Leur objectif principal est d’accompagner la structuration de filières durables dans ces territoires.

– l’ordonnance n° 2021-236 transposant diverses dispositions des directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944. Elle achève la transposition de la première directive et transpose la seconde par des dispositions relatives aux garanties d’origine de l’électricité et quelques mesures visant à favoriser l’autoconsommation d’électricité.

Elle rappelle notamment qu’en France, seules les garanties d’origine ont valeur de certification de l’origine de l’électricité produite par n’importe quelle source d’énergie primaire ou par cogénération. Elle rappelle aussi que l’émission d’une garantie d’origine écarte le bénéfice d’une obligation d’achat ou d’un complément de rémunération pour la production d’électricité concernée. L’organisme qui délivre, transfère ou annule les garanties d’origine tient à jour un registre électronique de ces garanties d’origine.

L’ordonnance n° 2021-236 définit par ailleurs les communautés énergétiques citoyennes (CEC), en complément des communautés d’énergie renouvelables (CER) créées par la loi Énergie‑climat (cf. le commentaire de l’article 23).

Elle précise notamment que ces communautés (CER et CEC) ne peuvent détenir ou exploiter un réseau de distribution d’électricité ou de gaz naturel. Cette règle garantit qu’elles participent bien à la solidarité entre voisins et entre territoires s’agissant de l’approvisionnement en énergie comme du partage des coûts de fonctionnement des réseaux publics de transport et de distribution.

L’ordonnance n° 2021-236 rappelle enfin que l’activité d’autoconsommation ne peut constituer, pour un autoconsommateur (ou le consommateur ou le producteur dans une opération d’autoconsommation collective) qui n’est pas un ménage, son activité professionnelle ou commerciale principale. Ce principe vise à préserver la nature fondamentale de l’autoconsommation, en évitant que des fournisseurs d’énergie professionnels n’utilisent ce cadre juridique pour des relations avec leurs clients ;

– et l’ordonnance n° 2021-237 transposant la directive (UE) 2019/944 et prenant des mesures d’adaptation au règlement (UE) 2019/943.

Elle introduit d’abord plusieurs dispositions intéressantes pour les consommateurs, relatives à l’information sur les tarifs, aux conditions de changement de fournisseur, à la création d’offres de tarification dynamique, qui refléteront les variations de prix sur les marchés, mais resteront encadrées (surveillance de la Commission de régulation de l’énergie, information préalable sur les coûts et les risques liés à ces offres, dispositif d’alerte en cas de variation significative des prix).

Elle crée par ailleurs, pour les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité, l’obligation d’établir un plan biennal de développement du réseau, sur le modèle du schéma décennal de RTE, la société gestionnaire du réseau français de transport d’électricité. Ce plan traitera des investissements nécessaires pour raccorder les nouvelles capacités de production ainsi que les nouvelles structures de prélèvement, comme les bornes de recharge des véhicules électriques, pour offrir des services de flexibilité à moyen et long terme et permettre le développement des installations de stockage, etc. Il devra aussi tenir compte des enjeux de l’efficacité énergétique. Ce plan devra être élaboré en concertation avec les différentes parties prenantes et tenir compte des programmes prévisionnels des investissements envisagés sur le réseau de distribution au niveau départemental. Il devrait permettre une adaptation des réseaux au plus près de l’évolution des besoins.

L’ordonnance facilitera également le développement du stockage – mais en évitant que les gestionnaires des réseaux, notamment des réseaux fermés, ne profitent de leur position privilégiée : il leur est ainsi interdit de disposer eux-mêmes d’installations de stockage ou de bornes de recharge électrique, sauf en l’absence d’acteur de marché et pour une durée limitée à cinq ans.

Elle étend enfin aux réseaux fermés de distribution toutes les obligations des réseaux publics.

Sur proposition de la rapporteure, la commission spéciale a adopté l’amendement du Gouvernement permettant de ratifier ces trois ordonnances.

Article 23
(article L. 141-2 du code de l’énergie)
Développement des énergies renouvelables citoyennes

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article propose d’inscrire le développement des communautés d’énergie renouvelable et des nouvelles communautés énergétiques citoyennes dans les cibles de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

I.   le droit en vigueur

Une des quatre directives du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « directive RED II », a institué, en son article 22, les « communautés d’énergies renouvelables » (CER).

Cette nouvelle entité juridique a par la suite été créée en droit français par l’article 40 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Il s’agit d’une personne morale, répondant à des critères cumulatifs précis, détaillés dans l’encadré suivant.

L’actuel article L. 211-3-2 du code de l’énergie
(Futur article L. 291-1 du code de l’énergie selon l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021)

« Peut être considérée comme une communauté d’énergie renouvelable une entité juridique autonome qui :

« 1° Repose sur une participation ouverte et volontaire ;

« 2° Est effectivement contrôlée par des actionnaires ou des membres se trouvant à proximité des projets d’énergie renouvelable auxquels elle a souscrit et qu’elle a élaborés. Ses actionnaires ou ses membres sont des personnes physiques, des petites et moyennes entreprises, des collectivités territoriales ou leurs groupements ;

« 3° A pour objectif premier de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses actionnaires ou à ses membres ou aux territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de rechercher le profit.

« Une communauté d’énergie renouvelable est autorisée à :

« a) Produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie renouvelable, y compris par des contrats d’achat d’électricité renouvelable ;

« b) Partager, au sein de la communauté, l’énergie renouvelable produite par les unités de production détenues par ladite communauté ;

« c) Accéder à tous les marchés de l’énergie pertinents, directement ou par l’intermédiaire d’un agrégateur. »

Cette communauté peut travailler sur tous les types d’énergies renouvelables. Les services ministériels indiquent que la condition de proximité correspond à une distance de 2 km, avec des dérogations individuelles possibles limitées à 20 km en fonction de la situation locale, notamment pour atteindre une maille suffisante en zones rurales.

Pour préserver son caractère non industriel, la participation d’une entreprise privée à une communauté d’énergie renouvelable ne peut constituer son activité commerciale ou professionnelle principale.

Un décret en Conseil d’État est attendu pour préciser les modalités d’application de l’article L. 211-3-2. Il devrait être pris, selon les services ministériels d’ici la fin du premier semestre 2021.

Une autre directive du paquet, la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (DME), a parallèlement institué, par son article 16, les « communautés énergétiques citoyennes » (CEC), une entité transposée en droit français par l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021 portant transposition de diverses dispositions de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (cf. le commentaire de l’article 22 bis).

Sa définition en droit européen est très proche de celle de la communauté d’énergie renouvelable, mais sans reprendre le critère de proximité. Et la CEC n’intervient que dans le secteur de l’électricité, mais peut prendre en compte les services associés comme le pilotage de la demande.

La création en droit de ces entités est très récente ; elle traduit toutefois un développement plus ancien de projets « citoyens » de production d’énergie renouvelable (EnR), projets portés par les collectivités locales (en gouvernance partagée), les sociétés d’économie mixte, des PME ou des collectifs citoyens (via des financements participatifs). Une étude, réalisée par le réseau Énergie partagée avec l’association AMORCE, recensait déjà 98 projets en France en juin 2019 sur les seules productions électriques d’origine éolienne ou photovoltaïque, totalisant 128,5 MW. Elle montre également qu’un projet citoyen rapporte deux fois plus au territoire d’implantation qu’un projet mis en œuvre dans le cadre usuel, en comptant les retombées en termes d’emplois, de prestations locales et de revenus de l’investissement local.

Les observateurs constatent que les CER ont d’ores et déjà fait nettement progresser l’acceptation locale des installations de production d’EnR et l’appropriation des projets par les collectivités territoriales. Elles permettent aussi de mobiliser plus de financements privés au service de leur développement. Au regard des avantages que présentent les projets participatifs d’EnR, les deux directives européennes demandent aux États membres d’établir un cadre réglementaire propice au développement des communautés énergétiques.

Selon le dernier décompte d’Énergie partagée, près de 210 projets locaux seraient désormais à l’étude, une progression qui traduit une réelle envie d’agir et de s’engager des acteurs locaux. Il reste que selon le CLER-réseau pour la transition énergétique, ces projets pâtissent du manque d’ingénierie et d’accompagnement au montage, du manque de connaissances techniques des acteurs locaux et du manque de moyens financiers et d’investissement.

Il apparaît donc nécessaire que ces initiatives à gouvernance locale et bientôt à portage citoyen bénéficient d’un soutien adapté, au-delà de l’encadrement réglementaire mis en place par la loi.

II.   les dispositions du projet de loi

Le présent article 23 propose ainsi d’inscrire le développement de communautés d’énergie renouvelable et de communautés énergétiques citoyennes dans les visées de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le document programmatique de la politique énergétique de la France sur 10 ans défini aux articles L. 141-1 et suivants du code de l’énergie.

Pour ce faire, il ajoute cette nouvelle cible au quatrième volet de la PPE sur le développement équilibré des réseaux, du stockage et de la transformation des énergies et du pilotage de la demande d’énergie, à côté, notamment, de l’objectif de favoriser la production locale d’énergie.

L’étude d’impact indique que la PPE actuellement en vigueur fixe déjà l’objectif qualitatif de soutenir le développement de l’investissement participatif dans les projets par les citoyens et les collectivités locales.

Pour aller vers des mesures plus opérationnelles, les services ministériels ont signalé à la rapporteure avoir mis en place, début février 2021, un groupe de travail pour réfléchir à un plan d’action pour le développement des projets EnR à gouvernance locale, et, notamment, identifier et lever les freins au développement de ces projets. Ils ont par ailleurs lancé une consultation sur le recentrage du guichet tarifaire consacré à l’électricité éolienne sur les projets citoyens, qui supportent les plus fortes contraintes, les autres projets basculant sur le dispositif des appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

En tout état de cause, l’inscription explicite du développement des CER et des CEC dans la PPE permettra de passer à une étape supérieure : la définition d’une vraie feuille de route dans la prochaine PPE.

Elle permettra aussi de s’assurer de la bonne articulation de ces mesures avec celles qui sont prévues sur les autres objectifs, afin que les projets locaux et citoyens bénéficient de soutiens réellement incitatifs par rapport aux autres approches.

Cette réforme s’appliquera immédiatement à la France métropolitaine mais non aux territoires d’outre-mer et à la Corse, qui ont leurs propres PPE.

Dans son objectif global 11 « Production, stockage et redistribution d’énergie pour et par tous », la Convention citoyenne pour le climat développe une proposition PT11.2 « Participation des citoyens, entreprises locales, associations locales et collectivités locales aux projets énergies renouvelables (EnR) » qui fixe, notamment, l’objectif de « développer les “communautés d’énergies renouvelables” d’ici 2025 dans les petites et grandes villes (prévoir des regroupements de municipalités) ».

L’idée est qu’une telle communauté puisse partager les surplus produits et ainsi assurer la gestion des pics de consommation (par exemple une entreprise fermée le week-end partage son énergie solaire consommée par les particuliers dont le foyer consomme davantage le week-end qu’en semaine).

Mais la Convention citoyenne n’a pas proposé de transcription législative.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté une correction rédactionnelle proposée par la rapporteure (CS5281).

Article 24
(article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme)
Abaisser le seuil de l’obligation d’installer du photovoltaïque
ou des toits végétalisés sur les bâtiments professionnels et entrepôts

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article propose d’étendre l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques, ou des toits végétalisés, sur les bâtiments professionnels et les entrepôts en abaissant de 1 000 à 500 m2 d’emprise au sol le seuil à partir duquel elle s’impose aux nouvelles constructions et en l’appliquant aux extensions de bâtiments et structures existants dès lors qu’elles atteignent ou dépassent ce seuil.

I.   le droit en vigueur

Depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les nouveaux bâtiments commerciaux ont l’obligation d’installer sur leurs toitures soit des dispositifs de production d’énergie renouvelable, soit des systèmes de végétalisation, soit « tout autre dispositif aboutissant au même résultat ».

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (dite « Énergie-climat ») est venue étendre et préciser cette exigence, à l’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme, afin que les nouveaux bâtiments commerciaux, mais aussi industriels et artisanaux, ainsi que les nouveaux entrepôts et parkings couverts comportent désormais, au moment de leur construction, au moins 30 % de leur surface en toiture ou ombrière végétalisée ou recouverte de panneaux solaires dès lors que leur emprise au sol dépasse les 1 000 m2.

L’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme prévoit des cas d’exemption, en particulier si l’installation des panneaux ou du toit végétalisé présente une difficulté technique insurmontable ou ne pouvant être levée dans des conditions économiquement acceptables. L’autorité en charge de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme a alors la possibilité d’écarter tout ou partie de l’obligation. Enfin, un arrêté du 5 février 2020 définit des exceptions systématiques pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), où tout ou partie de l’obligation ne peut s’appliquer ou est soumise à des conditions de mise en œuvre spécifiques, eu égard aux contraintes de sécurité propres à ces structures. Selon l’estimation des services ministériels, 10 à 15 % des entrepôts de plus de 1 000 m2 seraient ainsi exemptés de l’obligation d’équiper leur toiture.

II.   les dispositions du projet de loi

La Convention citoyenne pour le climat a proposé de s’appuyer sur les dispositions issues de la loi Énergie-climat pour obliger tous les nouveaux entrepôts à mettre du photovoltaïque (ou des toitures végétalisées) soit en supprimant le seuil, soit en l’abaissant à 300 m², soit en le ramenant à 500 m². Le présent article 24 met en œuvre cette dernière option, les autres se heurtant à des impossibilités techniques ou à un coût économique trop élevé pour des surfaces moyennes et a fortiori pour les plus petites.

L’article 24 vise ainsi à étendre l’obligation existante à la fois :

– par un abaissement du seuil de 1 000 à 500 m² ;

– par son application non plus seulement aux nouveaux bâtiments, mais aux extensions de bâtiments et structures existants dès lors qu’elles atteignent ou dépassent une emprise au sol de 500 m².

Elle ne s’appliquera pas, cependant, aux bâtiments dont l’emprise globale au sol atteindrait le seuil des 500 m² par une nouvelle extension car cela supposerait des travaux conséquents sur l’ensemble de leur infrastructure.

De manière générale, l’article ne revient pas sur l’exemption des bâtiments existants, actant du fait qu’ils n’ont pas été conçus pour accueillir de tels aménagements, lourds et complexes ;

– et par l’inclusion des constructions destinées au commerce de gros.

L’abaissement du seuil ne permet plus de se référer à l’article L. 752‑1 du code du commerce relatif aux projets d’aménagement soumis à une autorisation d’exploitation commerciale. L’article évoque désormais les « constructions à usage commercial » : si la notion n’exclut pas les ensembles commerciaux, tels que définis à l’article L. 752-3 du même code, ni les points permanents de retrait d’achats par la clientèle, actuellement expressément visés, elle lève en revanche la limitation au commerce de détail du régime de l’autorisation d’exploitation commerciale.

Enfin, si l’emprise au sol est aujourd’hui vérifiée lors de l’instruction de la demande d’autorisation d’exploitation commerciale, elle pourra toujours l’être lors de la délivrance de l’autorisation du droit des sols, dans le cadre de la délivrance du permis de construire.

Pour le reste, l’exigence renforcée par le présent article 24 s’appliquera à tous les types de bâtiments déjà ciblés : bâtiments industriels, artisanaux, entrepôts et parkings couverts.

Les services ministériels précisent que cette obligation s’applique aussi aux bâtiments qui comportent des bureaux à titre accessoire.

Les dispositifs à intégrer sur les bâtiments supposent une structure adaptée et l’installation d’équipements qui représentent évidemment des coûts supplémentaires dans un projet. S’agissant de photovoltaïque, l’étude d’impact indique que, lorsqu’elle est intégrée dès l’origine dans la conception même du bâtiment ou de l’entrepôt, créer une toiture pouvant supporter un panneau solaire ne conduirait qu’à des surcoûts de l’ordre de 4 à 10 €/m², sur un budget moyen pour ce type de projets s’établissant entre 500 et 800 €/m². Et le coût des panneaux solaires correspondrait à une vingtaine d’euros par m². Des acteurs auditionnés par la rapporteure évaluent quant à eux les surcoûts de la structure à 15 €/m² et indiquent que les panneaux entrant dans le champ des appels d’offres gérés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sont plus chers. Pour les entrepôts logistiques, cela allongerait le retour sur investissement à 15 ou 20 ans en cas d’autoconsommation collective – avec, tout de même, un intérêt avéré pour les entrepôts produisant du froid, qui sont très énergivores.

Il reste que l’électricité photovoltaïque produite bénéficie d’un soutien public tarifaire, bonifié dans le cas d’une production sur toiture, qui, s’il n’assure pas toujours immédiatement la rentabilité de l’installation, en amortit nettement les surcoûts.

Le renforcement prochain du guichet tarifaire pour le photovoltaïque

Aujourd’hui, un guichet tarifaire est ouvert pour les installations dont la production totale est inférieure à 100 kilowatts crête (kWc). Au-dessus, elles relèvent d’un appel d’offres CRE, différencié selon qu’il s’agit de photovoltaïque au sol ou en toiture.

L’État français projette d’étendre le guichet tarifaire jusqu’à 500 kWc.

Les services ministériels indiquent qu’en moyenne, 1 000 m2 de toiture produisent 0,1 MW. Ce relèvement permettrait de bonifier l’achat de la production solaire jusqu’à 5 000 m2 de toiture.

S’agissant, toutefois, d’une modification substantielle du dispositif, le projet est en cours de notification auprès de la Commission européenne.

L’étude d’impact compte également sur une plus large ouverture du marché solaire, avec la généralisation de l’obligation prévue à l’article L. 111-18-1, qui devrait inciter les prix d’installation à baisser.

En tout état de cause, les projections de l’étude d’impact permettraient d’espérer l’équipement photovoltaïque de 450 000 à 540 000 m2 de toitures supplémentaires par an, sur la base d’un rythme annuel de 1,5 à 1,8 million de m2 de toitures concernées par l’obligation, selon les statistiques d’autorisation de construction. Cela accélérerait la réalisation des objectifs de production d’énergie solaire de la programmation pluriannuelle de l’énergie, sans utiliser davantage de sols.

L’article 24 propose enfin d’appliquer cette réforme aux demandes d’autorisation (en droit de l’urbanisme) déposées à compter de janvier 2024 – sans faire de distinction entre la métropole et les outre-mer.

Dans le cadre de sa proposition PT11.3 « Développement de l’autoconsommation », la Convention citoyenne pour le climat recommande de favoriser les petites unités de production d’énergie renouvelable et de concevoir les nouveaux bâtiments et les rénovations en pensant systématiquement à produire et/ou récupérer de la chaleur et de l’énergie, à consommer moins d’énergie et à s’inscrire dans une logique de préservation de la biodiversité.

Pour ce faire, elle préconise d’utiliser systématiquement le potentiel des toitures pour y installer du photovoltaïque, reconnaissant par ailleurs que dans certains cas, la végétalisation des toitures peut être plus pertinente pour l’isolation thermique et la biodiversité.

Elle propose donc de s’appuyer sur les dispositions issues de la loi Énergie-climat pour obliger tous les nouveaux entrepôts à mettre du photovoltaïque (ou des toitures végétalisées) soit en supprimant le seuil, soit en l’abaissant à 300 m2, soit en le ramenant à 500 m2.

III.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a d’abord adopté l’amendement CS3723 de Mme Frédérique Tuffnell et d’autres membres du groupe MODEM limitant les systèmes de végétalisation autorisés à ceux qui n’ont pas recours à l’eau potable. Quels que soient ses bénéfices du point de vue de l’efficacité thermique ou de la biodiversité, cette solution doit en effet rester compatible avec l’enjeu de la préservation de la ressource en eau potable.

La commission spéciale a ensuite adopté l’amendement CS5284 de la rapporteure étendant l’obligation d’équiper en photovoltaïque, ou de végétaliser, les toitures des bâtiments professionnels lors des rénovations lourdes, lorsque les bâtiments concernés ont une emprise au sol de plus de 500 mètres carrés, ainsi qu’aux reconstructions de ces bâtiments lorsqu’elles créent plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol.

Il a enfin été rappelé que s’il ne leur est pas interdit de s’équiper en panneaux solaires, les bâtiments à usage seulement agricole ne sont pas soumis à l’obligation définie par l’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme. Les bâtiments qui ont aussi une utilisation commerciale, comme les points de vente d’une coopérative agricole, relèvent en revanche de ce régime.

 

 


1

TITRE III
SE DÉPLACER

Chapitre Ier
Promouvoir les alternatives à la voiture individuelle et la transition
vers un parc de véhicules plus respectueux de l’environnement

Section 1
Dispositions de programmation

Article 25
(article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités)
Objectif de commercialisation de voitures neuves
fortement émettrices de CO2 à l’horizon 2030

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 25 est une disposition à caractère programmatique qui prévoit que d’ici le 1er janvier 2030, les voitures particulières émettant moins de 95 grammes de CO2 par kilomètre selon la norme NEDC ou moins de 123 grammes de CO2 par kilomètre selon la norme WLTP représentent au minimum 95 % des ventes de voitures particulières neuves.

I.   Le droit en vigueur

A.   La rÉglementation europÉenne fixe des objectifs d’Émissions dÉclinÉs pour chaque constructeur

Le règlement européen du 17 avril 2019 ([123]) fixe des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers (VUL). À partir du 1er janvier 2020, le règlement fixe un objectif à l’échelle du parc de l’Union européenne d’émissions moyennes de 95 grammes de CO2 par kilomètre pour les voitures particulières neuves immatriculées dans l’Union et un objectif, à la même échelle, de 147 grammes de CO2 par kilomètre pour les émissions moyennes des VUL neufs immatriculés dans l’Union.

À partir du 1er janvier 2025, les objectifs au sein de l’Union européenne correspondront à une réduction des émissions de CO2 de 15 % par rapport aux objectifs d’émissions en 2021 – les objectifs étant révisés annuellement –, pour les voitures particulières comme pour les VUL. À partir du 1er janvier 2030, cette réduction sera, par rapport aux objectifs de 2021 :

– de 37,5 % pour les voitures particulières ;

– de 31 % pour les véhicules utilitaires légers.

Le règlement européen fixe également des objectifs d’émissions spécifiques que chaque constructeur – ou groupement de constructeurs – doit veiller à respecter, ces objectifs étant calculés sur la base d’objectifs d’émissions spécifiques par véhicule, qui dépendent de la masse de ces derniers. Jusqu’en 2023, les voitures particulières émettant moins de 50 grammes de CO2 par kilomètre bénéficient d’un bonus dans le calcul de la moyenne de chaque constructeur ([124]), afin d’inciter à la production et à la vente de véhicules à faibles ou très faibles émissions.

En cas de dépassement, par un constructeur ou un groupement, de ses objectifs d’émissions spécifiques, le règlement européen impose le paiement d’une prime sur les émissions excédentaires, correspondante à 95 euros par gramme de CO2 par kilomètre par véhicule nouvellement immatriculé. Ces primes abondent ensuite le budget général de l’Union européenne.

B.   La lOM a fixÉ un objectif de fin de vente des vÉhicules utilisant des Énergies fossiles en 2040

Le I de l’article 73 de la loi d’orientation des mobilités (LOM) a fixé un objectif, à l’horizon 2050, de décarbonation complète du secteur des transports terrestres, qui doit être entendue sur le cycle carbone de l’énergie utilisée. Cet objectif a été fixé en cohérence avec la loi dite « énergie-climat ([125]) » qui prévoit de parvenir à la neutralité carbone à cette date.

Pour parvenir à cet objectif, le II de l’article 73 de la LOM fixe deux objectifs intermédiaires :

– une hausse de la part des véhicules à faibles et très faibles émissions parmi les ventes de voitures particulières et de véhicules utilitaires légers neufs, permettant, en 2030, de remplir les objectifs fixés par la réglementation européenne ([126]), soit une baisse des émissions de CO2, par rapport à 2021 de 37,5 % pour le parc de voitures neuves et de 31 % pour le parc de VUL ;

– la fin de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles, d’ici 2040.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 25 du projet de loi introduit un nouveau III à l’article 73 de la LOM, inscrivant un nouvel objectif, à l’horizon 2030, de ventes de voitures particulières neuves. Il précise ainsi que « l’action des pouvoirs publics tend à ce que, d’ici le 1er janvier 2030, les voitures particulières émettant moins de 95 grammes de CO2 par kilomètre selon la norme NEDC ou moins de 123 grammes de CO2 par kilomètre selon la norme WLTP représentent au minimum 95 % des ventes de voitures particulières neuves ».

Les normes NEDC et WLTP

La mise sur le marché des véhicules à moteur est encadrée par le droit européen : elle dépend d’une autorisation administrative préalable de mise sur le marché, la « réception ».

Le processus de réception implique, notamment, le passage d’essais permettant de déterminer les émissions de CO2 du véhicule, afin de contrôler le respect, par les constructeurs, des obligations qui pèsent sur eux en la matière.

De 1973 à 2018, la méthode de détermination des émissions de CO2 a reposé sur le « nouveau cycle européen de conduite » – New European Driving Cycle, NEDC.

Définitivement discrédité par le scandale dit du « Dieselgate », le NEDC a été remplacé, depuis le 1er septembre 2018, par une nouvelle procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers, la norme « WLTP » (« Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure »). Le nouveau protocole WLTP, basé sur des cycles de roulage plus réalistes, aboutit à une réévaluation des mesures d’émission calculées.

La mise en œuvre de ce nouveau protocole implique une période transitoire entre le 1er septembre 2018 et le 31 décembre 2020, au cours de laquelle la méthode « NEDC corrélé » est utilisée. Ce protocole conduit à revoir les émissions de CO2 à la hausse par rapport à l’ancien cycle d’homologation (dit « protocole NEDC »). Ainsi, des émissions de 123 grammes de CO2 par kilomètre selon la norme WLTP correspondent à des émissions de 95 grammes de CO2 par kilomètre selon l’ancienne norme WLTP.

Source : Rapport de M. Joël Giraud sur le projet de loi de finances pour 2020.

Si la norme NEDC ne sera plus en vigueur en 2030, le Gouvernement a néanmoins fait le choix de l’inclure à l’article 25 du projet de loi, dans la mesure où la proposition de la Convention citoyenne pour le climat est exprimée selon la norme NEDC et que celle-ci est encore couramment utilisée aujourd’hui.

Cette disposition traduit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à fixer un calendrier d’interdiction progressive de la vente des véhicules les plus polluants, dans la perspective de la fin de la vente des véhicules thermiques à énergie fossile à l’horizon 2040.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

La commission spéciale a adopté un amendement CS3062 du rapporteur opérant une rédaction globale de l’article 25. Cet amendement formule de façon plus directe l’objectif d’interdiction des ventes de voitures particulières émettant plus de 123 grammes de CO2 par kilomètre selon le cycle WLTP, c’est-à-dire plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre selon le cycle NEDC, à l’horizon du 1er janvier 2030.

Une telle rédaction est ainsi cohérente avec celle de l’article 73 de la loi d’orientation des mobilités, qui formule un objectif de décarbonation complète du secteur des transports terrestres d’ici 2050, accompagné d’objectifs intermédiaires, dont la fin de la vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles d’ici à 2040.

Section 2
Autres dispositions

Article 26
(article L. 1214-2 du code des transports et article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales)
Incitations au développement de parkings relais ainsi qu’à la mise en place de stationnements sécurisés pour vélos et engins de déplacement personnel

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 26 étend les objectifs des plans de mobilité en matière d’organisation du stationnement en précisant que le plan de mobilité définit le nombre de places de stationnement dans les parcs de rabattement à proximité des gares ou aux entrées des villes, en cohérence avec les conditions de desserte en transports publics réguliers de personnes du territoire couvert par le plan de mobilité. Il prévoit également que le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de police de la circulation et du stationnement peut réserver sur la voie publique des emplacements de stationnement aux usagers des transports publics de personnes.

I.   Le DÉveloppement des parcs de rabattement À proximitÉ des gares ou aux entrÉEs de ville

A.   Le droit en vigueur

La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) a remplacé, pour la planification locale en matière de transports, les plans de déplacements urbains (PDU) par les plans de mobilité, dont la définition est codifiée à l’article L. 1214-1 du code des transports. Cet article, complété par l’article L. 1214-3 du même code, impose à chaque autorité organisatrice de la mobilité (AOM) dont le ressort territorial est inclus dans une agglomération de plus de 100 000 habitants d’élaborer un plan de mobilité pour déterminer « les principes régissant l’organisation de la mobilité des personnes et du transport des marchandises » dans son ressort territorial. L’AOM doit tenir compte des besoins de la population ainsi que de la « diversité des composantes du territoire » et doit élaborer son plan de mobilité « en lien avec les collectivités territoriales limitrophes ». En application de la LOM, la compétence d’organisation des mobilités appartient désormais en principe aux intercommunalités, et à défaut, aux régions.

L’obligation d’élaborer un plan de mobilité est entrée en vigueur au 1er janvier 2021. L’étude d’impact du projet de loi indique que 82 AOM doivent ainsi élaborer un plan de mobilité ; lorsque les communes n’ont pas transféré à leur communauté de communes la compétence d’organisation de la mobilité et que l’AOM est la région, celle-ci n’a pas, en application de l’article L. 1214-3 du code des transports, l’obligation d’en élaborer un. L’article L. 151-44 du code de l’urbanisme dispose également qu’un plan local d’urbanisme (PLU) élaboré par un établissement public de coopération intercommunale qui a la compétence d’AOM « peut tenir lieu de plan de mobilité ».

L’article L. 1214-2 du code des transports, également modifié par la LOM, précise les onze objectifs que doit s’efforcer d’atteindre chaque AOM à travers son plan de mobilité. Chaque plan de mobilité doit ainsi, par exemple, viser à assurer « la diminution du trafic automobile et le développement des usages partagés des véhicules terrestres à moteur », « le développement des transports collectifs », ou encore « l’organisation du stationnement sur la voirie et dans les parcs publics de stationnement, notamment en définissant […] la localisation des parcs de rabattement à proximité des gares ou aux entrées de villes ». La localisation de ces parcs de rabattement, dits « parkings-relais », était déjà obligatoirement incluse dans les PDU avant leur remplacement par les plans de mobilité. Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, l’aménagement de parkings-relais favorise le report modal vers les transports collectifs, le vélo et les modes partagés (auto‑partage et covoiturage).

B.   Les dispositions du projet de loi

L’article 26 du projet de loi apporte deux compléments à la liste des modalités d’organisation du stationnement prévu dans chaque plan de mobilité :

– la localisation des parcs de rabattement devra être complétée par la définition du nombre de places de stationnement de ces parcs ;

– cette localisation et ce nombre de places devront être définis « en cohérence avec les conditions de desserte en transports publics réguliers de personnes du territoire couvert par le plan de mobilité ».

Le droit en vigueur permettait déjà d’inclure ces éléments dans le plan de mobilité, mais cela deviendra désormais obligatoire pour les AOM.

L’article 26 du projet de loi précise que ces nouvelles obligations sont applicables aux plans de mobilité et aux PLU tenant lieu de plan de mobilité dont l’élaboration ou la révision est commencée à compter de la promulgation de la loi, le début de l’élaboration ou de la révision correspondant à la décision de l’organe délibérant de l’AOM.

Cette disposition traduit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat relative aux parkings-relais, leur création relevant ensuite des collectivités territoriales.

II.   La CrÉAtion de places de stationnement rÉservÉes À certaines catÉgories d’usagers ou de vÉhicules

A.   Le droit en vigueur

En application de l’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, le maire détient la compétence de police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l’ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation à l’intérieur des agglomérations (sous réserve des pouvoirs dévolus au préfet). À l’extérieur des agglomérations, c’est également le maire qui exerce la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et intercommunal.

Le pouvoir de police du maire en matière de circulation et de stationnement lui permet, en application de l’article L. 2213‑2 du même code, de réserver des places de stationnement :

 aux véhicules des personnes handicapées (pour les titulaires de la carte « mobilité inclusion ») ;

 aux véhicules utilisés en auto-partage (à condition que ces véhicules soient labellisés).

Depuis la LOM, le même article L. 2213-2 permet de réserver des places de stationnement aux véhicules utilisés pour le covoiturage (à condition que ces véhicules soient dotés d’un « signe distinctif de covoiturage ») et aux véhicules à très faibles émissions polluantes, afin d’encourager le recours à ces véhicules et de favoriser l’essor du covoiturage.

L’article L. 2213-3 du même code donne au maire la possibilité de réserver des places de stationnement à d’autres catégories de véhicules (autobus, transports de fonds, taxis, véhicules de livraison, etc.).

Enfin, il convient de noter que sauf opposition du maire, le pouvoir de police de la circulation et du stationnement qu’il détient a été transféré, le cas échéant, au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont sa commune relève, en application de l’article L. 5211-9-2 du même code.

B.   Les dispositions du projet de loi

L’article 26 du projet de loi complète l’article L. 2213-2 du code des transports pour donner au maire la possibilité de réserver des places de stationnement « aux véhicules des usagers des transports publics de personnes ». Si l’article 26 du projet de loi ne précise pas par quel moyen ces usagers des transports publics doivent rendre visible, sur leur véhicule, leur appartenance à cette catégorie, le Conseil d’État note, dans son avis, qu’il reviendra à l’autorité locale compétente en matière de police de la circulation et du stationnement de le décider.

Cette disposition, applicable sur l’ensemble du territoire et non seulement sur celui couvert par un plan de mobilité, traduit également dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat relative à la création de parkings-relais.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre une série d’amendements rédactionnels, la commission spéciale a adopté un amendement CS3065 du rapporteur qui vise à favoriser l’intermodalité entre les mobilités actives et les transports en commun en précisant que les plans de mobilité doivent prévoir, outre la localisation et le nombre de places de stationnement des parkings relais, la mise en place de stationnements sécurisés pour les vélos et les engins de déplacement personnel à proximité des gares ou aux entrées de villes.

Article 27
(articles L. 2213-4-1 et L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales)
Création et mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 27 étend, à compter du 31 décembre 2024, l’obligation de création d’une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) aux agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants. Il précise également les restrictions de circulation à mettre en œuvre lorsque les seuils de qualité de l’air sont dépassés (interdiction des véhicules Crit’Air 5 ou non classés en 2023, des véhicules Crit’Air 4, 5 ou non classés en 2024, des véhicules Crit’Air 3, 4, 5 ou non classés en 2025). L’article 27 prévoit un transfert automatique du maire vers le président d’EPCI de ses compétences et prérogatives en matière de ZFE-m, sans modalité d’opposition par le maire. Enfin, il permet de préciser par décret les conditions de dérogation à l’obligation d’instaurer une ZFE-m prévue en cas de dépassement régulier des normes de qualité de l’air, en raison de la faible proportion de population exposée aux dépassements des normes ou des actions alternatives mises en place afin de les respecter dans les meilleurs délais.

I.   Le droit en vigueur

L’article 86 de la loi d’orientation des mobilités a modifié l’article L. 2213‑4-1 du code général des collectivités territoriales afin de transformer les zones à circulation restreintes en zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m).

Les ZFE-m, qui visent à lutter contre la pollution atmosphérique, sont délimitées par arrêté du maire ou du président d’un EPCI à fiscalité propre lorsque celui-ci dispose du pouvoir de police de la circulation, sur tout ou partie du territoire de la commune ou de l’EPCI. Cet arrêté, qui précise la durée de création de la ZFE‑m, fixe les mesures de restriction de circulation applicables sur le territoire de la ZFE-m et détermine les catégories de véhicules concernées. Peuvent également être incluses dans la ZFE-m des routes nationales ou départementales, sous réserve de l’accord, respectivement, du préfet de département et du président du conseil départemental sur les mesures de restriction qu’il est prévu d’y appliquer.

Les ZFE-m peuvent être créées dans les agglomérations et dans les zones pour lesquelles un plan de protection de l’atmosphère est arrêté par le préfet, en cours d’élaboration ou en cours de révision. Il convient de noter qu’un tel plan est obligatoire, en application de l’article L. 222-4 du code de l’environnement, pour toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants et lorsque les normes de qualité de l’air définies par décret en Conseil d’État sont dépassées.

De plus, l’article 86 de la LOM a rendu obligatoire l’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité :

– avant le 31 décembre 2020 lorsque les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées, au regard de critères ([127]) d’émissions de dioxyde d’azote (NO2), de particules « PM10 » ou de particules « PM2,5 », de manière régulière (au moins trois années sur les cinq dernières) sur le territoire de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre compétent ;

– à compter du 1er janvier 2021, dans un délai de deux ans, lorsque les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées, au regard des mêmes critères d’émissions et de durée, sur le territoire de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre compétent et que les transports terrestres sont à l’origine d’une part prépondérante des dépassements ([128]).

Le décret d’application de la loi ([129]) prévoit deux situations dans lesquelles l’obligation de création d’une ZFE-m ne trouve pas à s’appliquer, malgré un dépassement, de façon régulière, des normes de qualité de l’air. Ces dérogations s’appliquent aux communes ou aux EPCI à fiscalité propre qui démontrent :

– par de la modélisation ou par des mesures tenant notamment compte de l’importance des populations concernées et des niveaux de concentration des polluants, que les valeurs limites des normes de qualité de l’air sont respectées pour au moins 95 % de la population de chaque commune concernée ;

– que les actions mises en place, notamment celles prévues dans le cadre d’un plan de protection de l’atmosphère, permettent d’atteindre les valeurs limites des normes de qualité de l’air pour l’ensemble de la population de chaque commune concernée, dans des délais plus courts que ceux qui découleraient de la mise en place d’une ZFE-m.

Ces dérogations à l’obligation de ZFE-m ne s’appliquent toutefois pas aux métropoles, à la métropole d’Aix-Marseille-Provence, à la métropole du Grand Paris, à la métropole de Lyon ainsi qu’aux communes situées sur leur territoire.

Le projet d’arrêté mettant en place la ZFE-m est mis à la disposition du public par voie électronique et, sur demande, au siège de l’autorité de laquelle émane le projet d’arrêté ([130]). Il est accompagné d’une étude présentant l’objet des mesures de restriction, justifiant leur nécessité et exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus de leur mise en œuvre, notamment en termes d’amélioration de la qualité de l’air et de diminution de l’exposition de la population à la pollution atmosphérique. Il est soumis pour avis, supposé favorable au-delà d’un délai de deux mois ([131]), aux AOM dont le territoire se situe dans ou aux abords de la ZFE-m, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie ainsi qu’aux chambres consulaires concernées.

Ces dispositions relatives au projet d’arrêté ne sont toutefois pas applicables lorsque l’institution de la ZFE-m constitue l’une des mesures du plan d’action pour la réduction des émissions de polluants atmosphériques du plan climat-air-énergie territorial et que les restrictions envisagées ont, pour l’essentiel, fait l’objet de l’étude prévue dans le cadre de ce plan.

La création d’une ZFE-m s’accompagne d’une campagne d’information locale, d’une durée minimale de trois mois. Cette campagne doit obligatoirement porter sur le périmètre contrôlé ainsi que sur les restrictions de circulation mises en œuvre dans ce périmètre.

Enfin, l’autorité mettant en place la ZFE-m doit en évaluer au moins tous les trois ans l’efficacité au regard des bénéfices attendus et peut ensuite le modifier en conséquence, suivant la même procédure que celle applicable à la création de la zone.

II.   Les dispositions du projet de loi

Le 3° du I de l’article 27 du projet de loi rend obligatoire la prise de mesures de restriction de la circulation dans les ZFE-m créées en cas de dépassement des normes de qualité de l’air pour les véhicules de transport de personnes de moins de 3,5 tonnes disposant d’au moins quatre roues. Il précise également les mesures de restriction de la circulation qui doivent obligatoirement être mises en place dans ces ZFEm lorsque les normes de qualité de l’air sont dépassées. Ainsi, lorsque ces dernières ne sont pas respectées de façon régulière, est interdite la circulation des véhicules suivants, d’au moins quatre roues dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est inférieur ou égal à 3,5 tonnes :

– au plus tard le 1er janvier 2023, les véhicules disposant de la vignette « Crit’Air 5 » ou qui ne sont pas classés, c’est-à-dire les véhicules diesel ([132]) dont la première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2000 ainsi que les véhicules essence ([133]) dont la première immatriculation est antérieure au 31 décembre 1996 ;

– au plus tard le 1er janvier 2024, les véhicules disposant de la vignette « Crit’Air 4 », « Crit’Air 5 » ou qui ne sont pas classés, c’est-à-dire les véhicules diesel dont la première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2005 ;

– au plus tard le 1er janvier 2025, les véhicules disposant de la vignette « Crit’Air 3 », « Crit’Air 4 », « Crit’Air 5 » ou qui ne sont pas classés, c’est-à-dire les véhicules diesel dont la première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2010 ainsi que les véhicules essence dont la première immatriculation est antérieure au 31 décembre 2005.

Le 2° du I de l’article 27 du projet de loi instaure une nouvelle obligation de création d’une ZFE-m – qui n’est pas soumise aux restrictions de circulation obligatoires prévues au 3° du même I – dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées sur le territoire métropolitain avant le 31 décembre 2024, la liste de ces agglomérations étant fixée par arrêté et actualisée au moins tous les cinq ans.

Par ailleurs, le 1° du I de l’article 27 apporte une base légale aux dérogations à l’obligation de ZFE-m prévues par le décret d’application du 16 septembre 2020 (respect des normes de qualité de l’air pour 95 % de la population de chaque commune concernée ou actions alternatives permettant d’atteindre les valeurs limites dans des délais plus courts).

Ainsi, l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales dispose désormais que le décret d’application précise les modalités selon lesquelles il est possible de déroger à l’obligation de ZFE-m prévue en cas de dépassement des normes de qualité de l’air – et non pour la nouvelle obligation de ZFE-m prévue par le projet de loi pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants. De telles dérogations ne seront possibles que compte tenu :

– de la faible proportion de population exposée aux dépassements des normes de qualité de l’air ;

– ou des actions alternatives mises en place afin de respecter ces normes dans les meilleurs délais.

Enfin, le II de l’article 27 du projet de loi simplifie les procédures applicables aux ZFE-m, en prévoyant un transfert automatique du maire vers le président d’EPCI de ses compétences et prérogatives de police en matière de ZFE-m qu’il détient en application de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, sans que les maires concernés ne puissent s’y opposer.

Cette disposition traduit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à interdire les centres-villes pour les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre, en s’appuyant dans un premier temps sur la réglementation ZFE-m existante, ce qui permet également de lutter contre la pollution atmosphérique.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre une série d’amendements rédactionnels, la commission spéciale a adopté un amendement CS2710 du rapporteur restreignant le champ des dérogations prévues par le projet de loi à l’obligation de création d’une ZFE-m. Alors que le projet de loi initial prévoit qu’il est possible d’y déroger en cas d’actions alternatives mises en place pour respecter ces normes dans les meilleurs délais, l’amendement restreint cette dérogation aux actions permettant de les respecter dans des délais plus courts que ceux procédant de la mise en place d’une ZFE-m.

Le dispositif qui en résulte reprend ainsi la formulation, plus restrictive que celle du projet de loi initial, qui est aujourd’hui inscrite dans le décret n° 2020‑1138 du 16 septembre 2020 relatif au non-respect de manière régulière des normes de la qualité de l’air donnant lieu à une obligation d’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité.

La commission spéciale a également adopté deux amendements de M. Jean‑Luc Fugit (LaREM) :

– l’amendement CS4999, sous-amendé par le rapporteur, qui étend aux véhicules de transport de marchandises de moins de 3,5 tonnes l’obligation, prévue par le 3° du I de l’article 27 du projet de loi, de mise en place de mesures de restriction de la circulation dans les ZFE-m en cas de dépassement des normes de qualité de l’air. Le sous-amendement CS5376 du rapporteur précise que ne sont pas applicables à ces véhicules les mesures prévues par le projet de loi (interdiction des véhicules Crit’Air 5 ou non classés en 2023, des véhicules Crit’Air 4, 5 ou non classés en 2024, des véhicules Crit’Air 3, 4, 5 ou non classés en 2025), ces mesures n’étant pertinentes que pour les voitures particulières. Les mesures de restriction obligatoires pour les véhicules de transport de marchandises de moins de 3,5 tonnes devront donc être déterminées localement par l’autorité de police instaurant la ZFE‑m ;

– l’amendement CS4296, sous-amendé par le rapporteur, qui précise que les mesures de restriction de la circulation rendues obligatoires en application de l’article 27 du projet de loi ne s’appliquent pas aux véhicules dont l’autonomie équivalente en mode tout électrique en ville est supérieure à 50 kilomètres. Outre un sous-amendement rédactionnel, le sous-amendement CS5379 du rapporteur supprime la mention des deux règlements européens mentionnés comme référence pour la détermination de l’autonomie des véhicules. La mention alternative des deux règlements est en effet de nature à induire en erreur quant aux modalités de calcul applicables, cette précision ne relevant pas, en tout état de cause, du domaine de la loi. Il convient par ailleurs de noter qu’à ce jour, l’ensemble des véhicules hybrides rechargeables disposent d’une vignette Crit’air 1, ce qui les exclut de fait des mesures de restriction rendues obligatoires en application de l’article 27.

Article 27 bis (nouveau)
Rapport sur la circulation des véhicules de collection
dans les zones à faibles émissions mobilité

Créé par la commission spéciale

 

L’article 27 bis prévoit la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement sur les modalités de circulation des véhicules de collection dans les ZFE-m.

I.   Le droit existant

L’article R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales précise les modalités d’application de l’article L. 2213-4-1 du même code relatif à la mise en place de zones à faibles émissions mobilité. Ce dernier article prévoit que doivent être définies par décret en Conseil d’État les catégories de véhicules dont la circulation ne peut être interdite ainsi que les modalités selon lesquelles des dérogations individuelles aux mesures de restriction peuvent être accordées.

Est ainsi déterminée, par voie réglementaire, la liste des véhicules dont la circulation ne peut être interdite dans les ZFE-m. Il s’agit :

– des véhicules d’intérêt général prioritaire ([134]) ou bénéficiant de facilités de passage ([135]) ;

– des véhicules du ministère de la défense ;

– des véhicules disposant d’une carte comportant la mention « stationnement pour les personnes handicapées » ;

– des véhicules de transport en commun de personnes à faibles émissions, c’est-à-dire des véhicules fonctionnant exclusivement ou partiellement à l’électricité, à l’hydrogène, au gaz naturel, au gaz de pétrole liquéfié ou à l’énergie mécanique provenant d’un stockage ou d’une source embarquée ainsi que des véhicules utilisant exclusivement un biocarburant ;

– de certains véhicules de transport en commun assurant un service de transport public régulier qui devraient normalement être interdits, pour une durée temporaire de trois à cinq ans suivant l’entrée en vigueur de leur interdiction.

Par ailleurs, l’article R. 2213-1-0-1 précité prévoit que des dérogations individuelles peuvent être accordées, sur demande motivée, par le maire ou par le président de l’EPCI compétent, qui délivre un justificatif précisant les conditions de validité de la dérogation, le périmètre sur lequel elle s’applique et sa durée de validité, qui ne peut excéder trois ans.

L’arrêté instaurant la ZFE-m doit préciser, d’une part, la procédure ainsi que les motifs de délivrance et de retrait des dérogations et, d’autre part, les conditions dans lesquelles le justificatif de la dérogation est rendu visible ou tenu à la disposition des agents chargés des contrôles.

Interrogé par le rapporteur en ce sens, le Gouvernement a indiqué qu’à ce jour, toutes les ZFE-m existantes prévoyaient des dérogations individuelles pour les véhicules de collection, c’est-à-dire ceux disposant d’une telle mention sur le certificat d’immatriculation du véhicule.

II.   Les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté deux amendements identiques CS1422 de M. Olivier Damaisin (LaREM) et CS4086 de M. Philippe Vigier (Dem) demandant au Gouvernement la remise d’un rapport, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, concernant les modalités de circulation des véhicules de collection dans les ZFE-m. Ce rapport dressera notamment un bilan du parc automobile français de ces véhicules et de leur impact sur la qualité de l’air, en vue, le cas échéant, de modifications du statut de ces véhicules.

Article 28
Obligation d’expérimenter la création de voies réservées à proximité
des zones à faibles émissions mobilité

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 28 rend obligatoire, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la mise en place de voies réservées aux véhicules de transport en commun, aux taxis, aux véhicules transportant un nombre minimal d’occupants notamment dans le cadre du covoiturage ou aux véhicules à très faibles émissions sur une portion des autoroutes ou routes express du réseau routier national ou départemental hors agglomération desservant une ZFE-m. Chaque création de voie devra faire l’objet d’une évaluation dont les résultats seront rendus publics.

I.   Le droit en vigueur

La création de voies de circulation réservées à certaines catégories de véhicules relève de l’autorité compétente, sur la voie concernée, en matière de police de la circulation.

A.   La compÉtence du maire ou du prÉsident d’EPCI

À l’intérieur de l’agglomération, sur les routes nationales, départementales et sur les voies de communication, sous réserve des pouvoirs dévolus au préfet sur les routes à grande circulation, le pouvoir de police de la circulation est détenu par le maire, en application de l’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales. Il est transféré au président de l’EPCI compétent en cas de transfert de la compétence « voirie » à l’intercommunalité ([136]), lorsque les maires des communes membres ne s’y sont pas opposés dans un délai de six mois suivant la date de l’élection du président de l’EPCI ([137]).

Ainsi, le 2° de l’article L. 2213-3 du code général des collectivités territoriales permet au maire de mettre en place des « couloirs-bus » en agglomération, c’est-à-dire de réserver des emplacements sur les voies publiques de l’agglomération afin de faciliter la circulation et le stationnement :

– des transports publics de voyageurs ;

– des taxis ;

– des véhicules de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, dans le cadre de leurs missions.

L’article 35 de la loi d’orientation des mobilités a prévu de nouvelles possibilités pour le maire de mettre en place, sur la voie publique, des voies réservées, de façon permanente ou à certaines heures, pour faciliter la circulation :

– des véhicules de transport en commun ;

– des taxis ;

– des véhicules utilisés en covoiturage, c’est-à-dire ceux avec un nombre minimal d’occupants ;

– des véhicules à très faibles émissions.

B.   La compÉtence du prÉfet ou du prÉsident du conseil dÉpartemental

Hors agglomération, la police de la circulation et donc la création de voies réservées relève :

– de la compétence du préfet sur les routes nationales et sur les autoroutes concédées ou non ([138]) ;

– de la compétence du président du conseil départemental sur les routes départementales ([139]).

L’article 35 de la loi d’orientation des mobilités a également introduit, dans le code de la route, un article L. 411-8 qui permet au préfet ou au président du conseil départemental, eu égard aux nécessités de la circulation ou de la protection de l’environnement, de réglementer, de façon temporaire ou permanente, la circulation respectivement sur la voie publique du réseau routier national ou du réseau routier départemental hors agglomération.

Ainsi, le préfet ou le président du conseil départemental pourra notamment réserver une partie de la voie publique pour en faire une voie de circulation destinée à faciliter la circulation :

– des véhicules de transport en commun ;

– des taxis ;

– des véhicules transportant un nombre minimal d’occupants, notamment dans le cadre du covoiturage ;

– des véhicules à très faibles émissions.

Pour des raisons liées aux conditions de circulation et à la sécurité routière, l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation peut ne pas autoriser la circulation sur ces emplacements réservés des véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes, même s’ils répondent aux conditions d’accès à ces voies.

Interrogé par le rapporteur sur la mise en œuvre de ces dispositions, le Gouvernement a indiqué que depuis la promulgation de la LOM :

– une voie réservée aux véhicules de transport en commun, aux taxis, aux véhicules transportant au moins deux occupants et aux véhicules à très faibles émissions (voie dite « VR2+ ») a été mise en service sur l’A48 à Grenoble et sur la M6-M7 à Lyon ;

– des travaux d’aménagement de la VR2+ sur l’A15 dans le Val d’Oise ont été engagés fin septembre 2020 ;

– une voie réservée à certaines lignes régulières de services de transport public collectif (voie dite « VRTC ») sur la RN118 dans le sens Paris – Vélizy a été mise en service en janvier 2021 ;

– des travaux de VRTC sur l’A501 et l’A502 près d’Aubagne ont été engagés.

Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a également prévu une enveloppe de 25 millions d’euros pour financer des travaux engagés, en 2021 et en 2022, sur le réseau routier national non concédé ; il s’agit de 5 VRTC, de 2 VR2+ et de 2 VRTC qu’il est prévu de faire évoluer en VR2+.

II.   Les dispositions du projet de loi

Alors que le droit en vigueur ne prévoit qu’une faculté de mise en place de voies réservées aux véhicules de transports en commun, aux taxis, aux véhicules en covoiturage ou aux véhicules à très faibles émissions, l’article 28 du projet de loi rend obligatoire, de façon expérimentale et pour une durée de trois ans, la mise en place de voies réservées à ces véhicules sur une partie des voies des autoroutes ou routes express du réseau routier national ou du réseau routier départemental hors agglomération lorsque ces voies desservent une zone à faibles émissions mobilité.

Les portions de voies qui seront ainsi réservées seront décidées par arrêté de l’autorité de police de la circulation compétente au regard des conditions de circulation et de sécurité routière ainsi que des caractéristiques de la voirie. Cet arrêté sera pris après avis de l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) responsable de l’élaboration du plan de mobilité – et, en Île-de-France, d’Île‑de‑France Mobilités.

Cet arrêté devra préciser si, compte tenu des conditions de circulation et de sécurité routière ainsi que des caractéristiques de la voirie, les véhicules de plus de 3,5 tonnes peuvent être autorisés. Il devra également préciser si les voies sont réservées de façon permanente ou temporaire, et dans ce second cas, fixer les tranches horaires concernées.

Cette disposition traduit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à généraliser les aménagements de voies réservées aux véhicules partagés et aux transports collectifs sur les autoroutes et voies rapides.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

La commission spéciale a adopté une série d’amendements du rapporteur visant à harmoniser la rédaction de l’article 28 du projet de loi avec celle de l’article L. 411-8 du code de la route, qui fixe les conditions de droit commun de mise en place d’une voie réservée. Cette harmonisation permettra ainsi d’éviter de potentiels contentieux portant sur des différences d’ordre rédactionnel entre ces deux articles.

En outre, la commission spéciale a adopté l’amendement CS5382 du rapporteur, qui précise que la durée, fixée à trois ans, de l’expérimentation prévue à l’article 28 du projet de loi est calculée à compter de la promulgation de la loi.

Elle a également adopté un amendement CS4159 de M. Pacôme Rupin (LaREM), clarifiant qu’en Île-de-France, l’arrêté créant la voie réservée est pris après avis d’Île-de-France Mobilités.

Enfin, la commission a adopté deux amendements du rapporteur :

– l’amendement CS2777 rectifié, qui précise que l’évaluation réalisée pour chaque création de voie réservée doit porter sur les modalités de son extension ou de sa pérennisation ;

– l’amendement CS5366, qui dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport de synthèse des évaluations de chacune des voies réservées dans un délai de six mois suivant la fin de l’expérimentation.

Article 29
(articles L. 1241-2 et L. 2121-3 du code des transports)
Mesures de tarification attractive des trains régionaux

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 29 prévoit que les régions, pour les trains express régionaux, et, en Île-de-France, Île-de-France Mobilités, proposent des barèmes tarifaires incitant les usagers à privilégier le recours aux transports collectifs par rapport aux transports.

I.   Le droit en vigueur

Les régions sont, en application de l’article L. 2121-3 du code des transports, compétentes pour l’organisation des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional. Cette compétence recouvre à la fois l’organisation des services ferroviaires exécutés sur leur territoire ou desservant celui-ci (correspondant aux trains express régionaux, dits « TER ») et l’organisation des services routiers effectués en substitution de ces services ferroviaires.

Les régions définissent ainsi, dans leur ressort territorial, le service public de transport régional de personnes mis en place, ce qui comprend notamment la détermination des dessertes, la tarification, la qualité du service et l’information de l’usager.

Au sein de la région Île-de-France, c’est l’établissement public Île‑de‑France Mobilités, autorité organisatrice unique, qui est compétent, en application de l’article L. 1241-1 du même code, pour organiser des services réguliers de transport public de personnes, urbains comme non urbains, ce qui inclut les services de transport ferroviaire de voyageurs (Transilien).

Comme les régions pour l’organisation des services de transport ferroviaire régionaux, Île-de-France Mobilités est compétent, en application de l’article L. 1242-2, pour fixer les relations à desservir, désigner les exploitants, définir les modalités techniques d’exécution ainsi que les conditions générales d’exploitation et de financement des services et arrêter la politique tarifaire.

Les articles L. 2121-3 et L. 1242-2 du code des transports encadrent respectivement les politiques tarifaires des régions et d’Île-de-France Mobilités, en précisant qu’elle doit être fixée « en vue d’obtenir la meilleure utilisation sur le plan économique et social du système de transport ».

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 29 du projet de loi modifie les articles L. 2121-3 et L. 1242-2 du code des transports afin d’inclure l’environnement dans les objectifs de la politique tarifaire des régions en matière de transport ferroviaire et d’Île-de-France Mobilités. La tarification devra ainsi être fixée en vue d’obtenir la meilleure utilisation sur le plan environnemental, économique et social.

De plus, afin de favoriser l’instauration par les régions de politiques tarifaires attractives – comme le pratiquent déjà, selon l’étude d’impact du présent projet de loi, Île-de-France Mobilités et certaines régions – l’article 29 du projet de loi prévoit qu’Île-de-France Mobilités et les régions doivent proposer des barèmes tarifaires incitant les usagers à privilégier le recours aux transports collectifs par rapport aux transports individuels. Cela pourra par exemple se traduire par un élargissement des bénéficiaires de tarifs solidaires ou par une limitation des écarts de prix pour un même trajet réalisé.

Interrogé à ce sujet par le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que cet article peut répondre à un besoin de sécurisation juridique des tarifs fixés par les régions, même s’il ne relève aucun contentieux, passé ou en cours, sur le sujet.

Le caractère incitatif de la tarification des services ferroviaires nécessite toutefois de comparer leur tarif avec celui du transport individuel, en particulier de la voiture. L’étude d’impact du projet de loi note ainsi que le coût complet d’une voiture, en tenant notamment compte de la dépréciation du véhicule et des frais d’assurance, d’entretien et de réparation, s’élève en moyenne à 36 centimes par kilomètre parcouru. Si en comparaison, le prix payé par l’usager pour les services Transilien et TER s’élève en moyenne à 7,14 centimes par kilomètre parcouru, il est difficile de comparer directement ces deux chiffres.

En effet, le coût perçu par l’usager d’un simple trajet avec une voiture individuelle ne correspond pas au coût complet du véhicule : l’usager ne va pas prendre en compte la dépréciation du véhicule ni les frais annexes, mais seulement le carburant et, le cas échéant, le stationnement et les péages. Dès lors, le prix perçu par l’usager d’un déplacement peut être estimé à 12 centimes d’euros par kilomètre parcouru, ce qui s’approche du prix des services ferroviaires régionaux (7,14 centimes), qui n’est qu’une moyenne pouvant masquer des disparités entre les régions. L’article 29 du projet de loi permettra alors de généraliser l’instauration, par les régions, de politiques tarifaires incitatives, sans pour autant ôter leur compétence de libre fixation des tarifs.

Cette disposition inscrit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à généraliser les mesures tarifaires attractives déjà pratiquées par certaines régions en matière de transport ferroviaire.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur, la commission spéciale a adopté l’amendement CS4043 de Mme Aude Luquet (Dem), qui précise que les barèmes tarifaires mis en place par les régions pour les TER et par Île-de-France Mobilités doivent favoriser l’intermodalité.

Chapitre II
Améliorer le transport routier de marchandises et réduire ses émissions

Section 1
Dispositions de programmation

Article 30
Objectif de suppression de l’avantage fiscal dont bénéficient
les transporteurs routiers de marchandises sur le carburant à l’horizon 2030

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 30 est une disposition à caractère programmatique qui prévoit une suppression, d’ici le 1er janvier 2030, de l’avantage fiscal dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur le gazole, accompagnée d’un soutien à la transition énergétique du secteur. Une trajectoire devra être présentée au Parlement par le Gouvernement après la présidence française de l’Union européenne en 2022.

I.   Le droit en vigueur

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est un droit d’accise qui porte sur la quantité de produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburants ou combustibles. Il peut par exemple s’agir de produits pétroliers ou de carburants d’origine non fossile (biocarburants), à l’exception du gaz naturel, des houilles, lignites et cokes ou encore des huiles végétales pures, qui sont soumis à un régime de taxation spécifique.

Son régime, encadré par le droit européen ([140]), est défini aux articles 265 et suivants du code des douanes. Elle est majoritairement affectée à l’État (13,4 milliards d’euros en 2019), mais également aux collectivités territoriales (12 milliards d’euros en 2019) et à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) (1,2 milliard d’euros en 2019).

Les tarifs de la TICPE sont fixés, pour chaque produit, à l’article 265 du code des douanes. Ces tarifs incluent une composante fixe et une composante carbone dite « contribution climat-énergie », plus connue sous le nom de « taxe carbone ». Cette dernière vise à favoriser la réduction des émissions de CO2 par le biais d’une taxe comportementale, dite taxe « pigouvienne ». Cette contribution ne prend toutefois pas la forme d’une taxe séparée et n’apparaît donc pas de façon distincte dans le tarif applicable à chaque produit. Elle est fonction du contenu en carbone émis lors de l’utilisation de chaque produit énergétique et de la valeur de la tonne de carbone.

Alors que la loi de finances pour 2018 prévoyait une hausse progressive de 10,40 euros par hectolitre par an de la composante carbone entre 2018 et 2022, passant ainsi de 44,60 euros en 2018 à 86,20 euros en 2022, la loi de finances pour 2019 a gelé cette trajectoire au niveau de 2018. L’évolution des tarifs de TICPE applicables aux principaux produits pétroliers utilisés comme carburants depuis 2014 est retracée dans le tableau ci-après.

Tarif de TICPE par type de carburant

(en euros par hectolitre)

 

2014

2015

2016

2017

Depuis 2018

Gazole

42,84

46,82

49,81

53,07

59,40

SP95-E10

60,69

62,41

62,12

63,07

66,29

SP95-E5

60,69

62,41

64,12

65,07

68,29

Source : article 265 du code des douanes.

Ne sont notamment pas assujettis à la TICPE, en application de l’article 265 bis du code des douanes, les produits énergétiques visés à l’article 265 du même code lorsqu’ils sont utilisés :

– dans les avions commerciaux, et plus généralement dans les aéronefs pour le transport de personnes ou de marchandises ainsi que pour la réalisation de prestations de services à titre onéreux ;

– dans les navires de pêche et ceux utilisés pour le transport de personnes ou de marchandises ainsi que pour la réalisation de prestations de services à titre onéreux ;

– pour le transport de marchandises sur les voies navigables intérieures.

Certains acteurs du secteur des transports, dont les véhicules sont immatriculés dans un État membre de l’Union européenne, bénéficient, conformément aux possibilités ouvertes par la directive du 27 octobre 2003 ([141]) dite « Énergie », d’un remboursement partiel de TICPE sur certains carburants. Il convient de noter que la Belgique, la Croatie, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie disposent également de dispositifs de réduction des tarifs applicables au gazole professionnel dans le secteur des transports. Il s’agit en France :

– des exploitants de taxis qui, en application de l’article 265 sexies du code des douanes, bénéficient du remboursement d’une fraction de TICPE correspondant à la différence entre le tarif général de TICPE applicable et un tarif sectoriel de 30,20 euros par hectolitre pour le gazole ou 35,90 euros par hectolitre pour les supercarburants ;

– des exploitants de transport public routier en commun de voyageurs qui, en application de l’article 265 octies du code des douanes, bénéficient du remboursement d’une fraction de TICPE correspondant :

● soit à la différence entre le tarif général de TICPE applicable et un tarif sectoriel de 39,19 euros par hectolitre de gazole ;

● soit à un taux moyen de remboursement calculé par pondération des différents taux votés par les régions. Cette solution permet un remboursement simplifié pour les transporteurs ayant acquis leur carburant dans au moins trois régions différentes du territoire, un taux forfaitaire unique s’appliquant alors, qui correspond à la moyenne pondérée des remboursements régionalisés au titre de l’année de consommation ;

– des transporteurs routiers de marchandises ayant un poids total en charge autorisé au moins égal à 7,5 tonnes qui, en application de l’article 265 septies du code des douanes, bénéficient du remboursement d’une fraction de TICPE correspondant :

● soit à la différence entre le tarif général de TICPE applicable et un tarif sectoriel de 45,19 euros par hectolitre de gazole ;

● soit à un taux moyen de remboursement calculé, comme pour le transport public routier en commun de voyageurs, par pondération des différents taux votés par les régions.

Jusqu’au 31 décembre 2014, le tarif du gazole professionnel était de 39,19 euros par hectolitre pour le transport de voyageurs et de marchandises ; ce tarif a augmenté pour le seul transport de marchandises de 4 euros par hectolitre en 2015 – passant à 43,19 euros par hectolitre – dans l’objectif de compenser l’abandon de l’écotaxe poids lourds. Le tarif a augmenté à nouveau dans la loi de finances pour 2020 de 2 euros par hectolitre – passant à 45,19 euros – dans l’objectif d’augmenter le plafond de la fraction de TICPE affectée à l’AFITF.

Le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2021 estime à 1,274 milliard d’euros par an la dépense fiscale, classé comme « défavorable à l’environnement », correspondant à l’ensemble des remboursements de TICPE dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises. S’agissant du remboursement dont bénéficient les taxis, celui-ci s’élève à 54 millions d’euros par an et est également classé comme défavorable. Enfin, l’avantage fiscal dont bénéficient les transporteurs routiers de voyageurs est estimé à 225 millions d’euros par an, mais est quant à lui classé comme favorable à l’environnement, dans la mesure où il favorise un report modal de la voiture individuelle vers le transport collectif.

II.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 30 du projet de loi fixe un objectif d’alignement, au 1er janvier 2030, de la tarification du gazole routier utilisé pour le transport de marchandises sur le tarif normal de TICPE applicable au gazole. Il précise :

– d’une part, qu’il sera procédé à une évolution de la fiscalité sur les carburants d’ici le 1er janvier 2030 pour atteindre cet objectif ;

– d’autre part, qu’un soutien à la transition énergétique du secteur du transport routier devra accompagner cette évolution de la fiscalité.

Le II de l’article 30 prévoit quant à lui la remise au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport :

– proposant une trajectoire permettant d’atteindre l’objectif d’harmonisation de la fiscalité au 1er janvier 2030 ;

– portant sur le développement de l’offre de véhicules lourds à motorisation alternative au gazole ainsi que sur les réseaux permettant leur avitaillement.

La trajectoire d’harmonisation fiscale s’appuiera notamment sur une « accélération de la convergence de la fiscalité énergétique au niveau européen » ; c’est pourquoi l’article 30 prévoit que le rapport du Gouvernement devra être remis au Parlement à l’issue de la présidence française de l’Union européenne, qui se déroulera au premier semestre 2022.

En effet, compte tenu des écarts de fiscalité sur les carburants entre les pays de l’UE, les entreprises établies dans des États membres à règles sociales et fiscales plus avantageuses seraient, sans harmonisation à l’échelle européenne, favorisées pour investir massivement le marché national en opérant avec des véhicules diesel faisant le plein dans les pays voisins. C’est pourquoi le Gouvernement a indiqué qu’il porterait, dans le cadre de la présidence française de l’UE, une demande de révision de la directive « Énergie » dans l’objectif de faire converger la fiscalité applicable sur le carburant professionnel au sein des États membres.

S’agissant du développement de l’offre de véhicules lourds à motorisation alternative au gazole, il ressort des auditions conduites par le rapporteur que la motorisation au gaz naturel est actuellement la seule véritable alternative au gazole, disponible dans une gamme relativement large, opérationnelle et compétitive. À l’exception des autobus, les technologies électrique et hydrogène pour des véhicules lourds sont en revanche peu développées aujourd’hui.

Cette disposition inscrit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à sortir progressivement des avantages fiscaux dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur le gazole d’ici 2030, en augmentant les aides à l’acquisition de véhicules moins émetteurs.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

La commission spéciale a adopté deux amendements du rapporteur :

– l’amendement CS2790, qui précise que la trajectoire permettant d’atteindre l’harmonisation fiscale prévue à l’article 30 du projet de loi devra s’inscrire dans le cadre d’une harmonisation et d’un renforcement de la réglementation sociale européenne du transport routier de marchandises ;

– l’amendement CS5367, qui dispose que le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement à l’issue de la présidence française de l’Union européenne en 2022 devra étudier les modalités du soutien à la transition énergétique du secteur du transport routier de marchandises, notamment par le renouvellement des parcs de véhicules ou par leur transformation (dite « retrofit »). Cet amendement a été sous-amendé par M. Dominique Potier (Soc), pour préciser qu’il devra s’agir d’un soutien « renforcé » au secteur (sous-amendement CS5380).

Section 2
Autres dispositions

Article 31
(article L. 3314-1 du code des transports et article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement)
Formation à l’éco-conduite des conducteurs routiers professionnels

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 31 étend les objectifs de la formation professionnelle des conducteurs routiers au perfectionnement de leur capacité à conduire dans le respect de l’environnement. Les modalités de mise en œuvre de cet enseignement à l’éco-conduite devront être précisées par voie réglementaire.

I.   Le droit en vigueur

A.   L’Éco-conduite fait partie des obligations de formation professionnelle des conducteurs routiers prÉvue par le droit europÉen

Le régime général de la formation initiale et continue des conducteurs routiers est fixé par la réglementation européenne. Une directive du 15 juillet 2003 ([142]) modifiée par une directive du 18 avril 2018 ([143])exige en particulier que le droit national instaure une obligation de formation à l’éco-conduite, tant dans le cadre du transport de voyageurs que de marchandises.

La réglementation européenne précise que « les exigences minimales à respecter dans le cadre de la qualification initiale et de la formation continue concernent les règles de sécurité à respecter pendant la conduite et lorsque le véhicule est à l’arrêt. Le développement de la conduite préventive (anticipation des dangers, prise en compte des autres usagers de la route), qui va de pair avec la rationalisation de la consommation de carburant, aura des effets positifs aussi bien pour la société que pour le secteur des transports routiers lui-même ». Réaffirmant les objectifs européens en matière d’émissions de gaz à effet de serre, la directive rappelle qu’une approche globale est nécessaire dans le secteur des transports pour encourager la réduction des émissions et l’utilisation efficace des ressources énergétiques. Les conducteurs doivent donc être formés adéquatement « à la conduite la plus efficace possible ».

S’agissant de la formation continue, l’article 7 de la directive du 15 juillet 2003 impose que le conducteur suive une formation continue tous les cinq ans, les cours de la formation devant accorder une importance particulière à « la rationalisation de la consommation de carburant ». Le caractère environnemental de cet objectif de formation continue a été explicitement réaffirmé par la directive du 18 avril 2018 qui a modifié celle de 2003. Désormais, la formation continue doit mettre l’accent « sur la réduction de l’incidence de la conduite sur l’environnement ».

Enfin, l’annexe I à la directive du 15 juillet 2003 fixe la liste des matières à prendre en considération dans le cadre de la formation initiale et continue des chauffeurs. Parmi celles-ci figure l’optimisation de la consommation de carburant. Si la directive de 2003 précisait que cette matière correspondait simplement à l’application du savoir-faire tiré de l’optimisation des caractéristiques de la chaîne cinématique et de la connaissance des organes de sécurité du véhicule, la directive du 18 avril 2018 y ajoute les savoir-faire suivants :

– l’anticipation des flux de trafic ;

– le maintien d’une distance appropriée par rapport aux autres véhicules et l’utilisation de l’élan du véhicule ;

– le maintien d’une vitesse constante ;

– l’adoption d’une conduite fluide ;

– le maintien d’une pression appropriée des pneumatiques ;

– la connaissance des systèmes de transport intelligents qui améliorent l’efficacité de la conduite et aident à planifier les itinéraires.

B.   Les dispositions lÉgislatives du code des transports relativeS À la formation des conducteurs ne mentionnent pas l’Éco-conduite

Les obligations prévues par les directives européennes ont été transposées en France dans le code des transports. L’article L. 3314-2 du code des transports impose une obligation de formation professionnelle des conducteurs de véhicules de transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge excède 3,5 tonnes et de véhicules de transport de personnes comportant huit places assises en plus de celle du conducteur. Les objectifs de cette formation professionnelle, initiale et continue, des conducteurs sont précisés à l’article L. 3314-1 du même code : la formation doit permettre aux conducteurs de « maîtriser les règles de sécurité routière et de sécurité à l’arrêt, ainsi que la réglementation relative à la durée du travail et aux temps de conduite et de repos ».

Les dispositions réglementaires correspondantes du code des transports ([144]) précisent notamment que la formation initiale doit donner lieu à un examen final et doit durer au moins 280 heures, mais qu’il est possible de suivre une formation initiale accélérée de 140 heures sur quatre semaines consécutives. L’article R. 3314‑10 dispose qu’un stage de formation continue doit avoir lieu tous les cinq ans et sur une durée de 35 heures.

L’article R. 3314-16 renvoie à un arrêté ministériel ([145]) la définition du programme et des modalités de mise en œuvre de la formation initiale et continue, celle-ci devant être assurée par des établissements agréés. L’optimisation de la consommation de carburant fait partie des enseignements de formation initiale et continue des conducteurs du transport routier de marchandises et de voyageurs permettant d’atteindre « le perfectionnement à une conduite sûre et économique », sans qu’il ne soit pour autant fait mention des gains environnementaux.

L’ensemble de ces mesures s’inscrit dans le cadre de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dont le VI de l’article 11 définit l’éco-conduite comme « la conduite respectueuse de l’environnement » et dispose que « des mesures [sont] mises en place afin d’améliorer les performances environnementales des poids lourds, notamment en termes de consommation de carburant ».

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 31 du projet de loi complète l’article L. 3314-1 du code des transports afin d’étendre les objectifs de la formation professionnelle, celle-ci devant également permettre aux conducteurs routiers « de perfectionner leur capacité à conduire dans le respect de l’environnement ». Ainsi serait ajoutée aux préoccupations de sécurité et de santé, déjà inscrites dans la loi, la préoccupation environnementale.

À partir de cet objectif législatif et conformément aux évolutions prévues par la directive du 18 avril 2018 précitée, un enseignement à l’éco-conduite serait mis en place dans la formation initiale et continue des conducteurs routiers. Cette formation régulière permettra, selon l’étude d’impact du projet de loi, de réduire la consommation de carburant et donc les émissions de gaz à effet de serre. Il ressort toutefois des auditions conduites par le rapporteur que de telles formations existent déjà, dans la mesure où l’éco-conduite permet de réaliser des économies de carburant, ce qui permet aux transporteurs de réduire leurs charges.

Interrogés en ce sens par le rapporteur, les services du ministère des transports ont indiqué qu’une modification de l’arrêté du 3 janvier 2008 relatif à la formation professionnelle initiale et continue des conducteurs du transport routier ou la publication d’un nouvel arrêté est prévue pour mettre en œuvre le nouvel objectif environnemental de la formation professionnelle des conducteurs prévu par la loi.

Cette disposition inscrit ainsi dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat relative au suivi régulier de la formation des conducteurs à l’éco-conduite, alors que la proposition initiale de la Convention ne visait qu’à modifier les textes réglementaires relatifs à la formation des conducteurs.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

La commission spéciale a adopté deux amendements du rapporteur :

– l’amendement CS2820, qui reprend, à l’article 31 du projet de loi, la formulation issue des directives européennes de 2003 et de 2018 sur la formation initiale et continue des conducteurs routiers. Il est en effet préférable que loi mentionne la « réduction de l’incidence » de la conduite sur l’environnement plutôt que la conduite « dans le respect » de l’environnement. En effet, bien qu’issue de l’article 11 de la loi n° 2009‑967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, cette dernière formulation laisse penser que l’éco-conduite permet, à elle seule, de respecter l’environnement, alors qu’il en résulte pourtant des émissions de dioxyde de carbone et de polluants atmosphériques ;

– l’amendement CS2821, qui modifie la définition de l’éco-conduite inscrite à l’article 11 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, afin de supprimer la notion de conduite dans le respect de l’environnement et d’harmoniser sa rédaction avec celle de l’article 31 du projet de loi.

Article 32
Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance
pour mettre en place une contribution régionale
sur le transport routier de marchandises

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 32 est une habilitation à légiférer par ordonnance permettant au Gouvernement, dans un délai de 24 mois, de mettre en place une expérimentation, par les régions, de contributions spécifiques assises sur les véhicules de transport routier de marchandises circulant sur les voies du domaine public routier national mises à leur disposition, afin de mieux prendre en compte les coûts liés à l’utilisation des infrastructures routières. Cette contribution pourrait être étendue, le cas échéant, par les départements sur leur domaine public routier susceptible de subir un report significatif de trafic du fait de la mise en place des contributions régionales.

I.   Le droit en vigueur

La directive du 17 juin 1999 ([146]) dite « Eurovignette » encadre les modalités de taxation, par les États membres de l’Union européenne, des poids lourds et leur octroie la possibilité d’instaurer un dispositif de prélèvement sur les poids lourds empruntant les axes routiers.

A.   La taxation des poids lourds

S’agissant de la taxation des poids lourds, la directive fixe des taux minimaux en dessous desquels les États membres décidant de mettre en place une telle taxation – au demeurant facultative – ne peuvent descendre. La directive encadre également les taux réduits et exonérations qui peuvent être mis en place, par exemple pour les véhicules de la défense nationale ou des services de lutte contre les incendies.

La France a décidé de mettre en place une telle taxation, la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), dite « taxe à l’essieu ». Celle-ci est actuellement régie par l’article 284 bis du code des douanes – et le sera par les articles 1010 à 1010 nonies du code général des impôts à compter du 1er janvier 2022, dans le cadre de la refonte de la taxe sur les véhicules de société (TVS) et de la taxe à l’essieu opérée par la loi de finances pour 2021.

B.   La contribution des poids lourds empruntant le rÉseau routier

S’agissant de la fixation de contributions des poids lourds empruntant des axes routiers, deux types de prélèvements peuvent être mis en place sur le réseau routier transeuropéen (RTE-T) et sur l’ensemble des autoroutes :

– un droit d’usage (« vignette »), prélèvement qui varie selon la durée d’utilisation de l’infrastructure routière (une journée, une semaine, un mois ou un an) indépendamment de la distance parcourue ;

– un péage, qui dépend, pour chaque type de véhicule, de la distance qu’il parcourt.

Par principe et à l’exception du franchissement de ponts, de tunnels ou de cols, un péage et un droit d’usage ne peuvent s’appliquer cumulativement à une même catégorie de véhicules sur un même tronçon de route.

Qu’il s’agisse des droits d’usage ou des péages, l’article 7 de la directive « Eurovignette » impose aux États membres de les appliquer sans discrimination en raison de la nationalité ou de l’État membre d’établissement ou d’immatriculation du transporteur, ou de la destination ou de la provenance du transport.

S’agissant de l’utilisation des ressources tirées de ces prélèvements, si la directive recommande de les affecter au secteur des transports, elle n’oblige nullement les États membres à le faire – à l’exception des infrastructures dans les zones de montagne.

La directive « Eurovignette », qui a été révisée à plusieurs reprises depuis 1999, est actuellement en cours de révision. Dans le cadre des négociations, la Commission européenne avait initialement la volonté de généraliser la tarification à la distance (péage) dans la mesure où elle correspond davantage au principe « pollueur-payeur » que le droit d’usage, qui au contraire peut inciter les usagers à « rentabiliser » le droit d’usage temporaire dont ils bénéficient. Cependant, de nombreux États membres souhaitent pouvoir conserver la faculté de mettre en place des redevances basées sur la durée, leur mise en œuvre étant plus simple et directe.

L’étude d’impact du présent projet de loi relève que plusieurs pays européens ont fait le choix d’instaurer des contributions pour l’utilisation du réseau routier national, le plus souvent sous la forme de péages, comme c’est le cas en Allemagne. Il est également à noter que le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et le Luxembourg ont mis en place, par un accord international, un dispositif commun de vignette.

En France, une contribution des poids lourds à l’usage du réseau n’a été mise en place que sur le réseau autoroutier qui a été concédé aux sociétés concessionnaires d’autoroute (SCA), sous la forme d’un péage. Il s’agit de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), instaurée en 1995 et régie par l’article 302 bis ZB du code général des impôts. Par l’affectation de son produit à l’AFITF dans la limite d’un plafond de 566 667 euros ([147]), elle bénéficie ainsi au financement des infrastructures de transport.

Par ailleurs, la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace a transféré à cette collectivité l’ensemble du réseau routier national (routes et autoroutes) non concédé. Dans ce cadre, l’article 13 de la loi du 2 août 2019 permet au Gouvernement d’instaurer, par voie d’ordonnance, des contributions spécifiques versées par les usagers concernés afin de maîtriser le trafic routier de marchandises sur les axes relevant de la Collectivité européenne d’Alsace.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 32 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans un délai de 24 mois, pour permettre aux régions de mettre en place des contributions spécifiques sur la circulation des véhicules de transport routier de marchandises sur tout ou partie du réseau routier national non concédé, qui serait mis à leur disposition de façon expérimentale – le réseau concédé ne pouvant pas être mis à leur disposition, celui-ci étant géré par les SCA jusqu’à la fin des contrats de concession. Cet article permettrait ainsi à toutes les régions de mettre en place, de façon expérimentale, une contribution des poids lourds sur le réseau routier national, comme le prévoit aujourd’hui la loi du 2 août 2019 pour la Collectivité européenne d’Alsace.

L’habilitation n’encadre pas la forme que prendrait cette contribution et n’indique pas si elle serait régie ou non par le droit européen (une partie du réseau routier national n’étant pas encadré par la directive « Eurovignette ») et, si oui, si elle prendrait la forme d’un péage variant selon la distance parcourue ou d’un droit d’usage.

Les départements auront par ailleurs la faculté d’étendre ces contributions aux transporteurs routiers de marchandises empruntant leur domaine public routier (les routes départementales) susceptible de subir un report significatif de trafic du fait de la mise en place des contributions régionales. À cet égard, l’étude d’impact du projet de loi indique, conformément à l’avis rendu par le Conseil d’État sur le projet de loi, qu’il reviendra aux départements d’étendre ou non cette contribution, mais qu’ils ne pourront pas modifier les éléments constitutifs de la taxe (notamment son taux et son assiette) afin de ne pas en altérer la lisibilité pour les usagers.

Le projet de loi ratifiant l’ordonnance publiée en application de l’article 32 du projet de loi devra ensuite être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois suivant la publication de l’ordonnance.

Cette disposition traduit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à inciter, par des obligations réglementaires et fiscales telle la mise en place d’une « vignette », au report partiel vers d’autres moyens de transport de marchandises moins émetteurs que le transport routier de marchandises. Il n’est en revanche pas possible de mettre en œuvre la recommandation de la Convention visant en parallèle à réduire, en compensation, le taux de la taxe à l’essieu, ce taux correspondant au minimum autorisé par la directive « Eurovignette » pour les États membres optant pour sa mise en place ([148]).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur et un amendement rédactionnel de Mme Josette Manin (Soc), la commission spéciale a adopté l’amendement CS5063 du rapporteur qui précise que les contributions régionales qui seront mises en place visent non seulement à permettre une meilleure prise en compte des coûts liés à l’utilisation des infrastructures routières mais également à prendre en compte les externalités négatives que le transport routier de marchandises génère, par exemple en termes de pollution atmosphérique ou sonore.

Article 33
(article L. 225-102-1 du code de commerce et article L. 229-25-1 [nouveau] du code de l’environnement)
Prise en compte des émissions liées au transport
dans la déclaration annuelle de performance extra-financière

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 33 prévoit, dans le cadre des déclarations de performance extra-financière devant être produites annuellement par certaines grandes entreprises et grands groupes, une obligation de publication des informations concernant les postes d’émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes liées aux activités de transport en amont et en aval de l’activité de la société. Ces déclarations devront également faire état d’un plan d’actions visant à réduire ces émissions liées au transport. Un bilan national des plans d’actions relatifs à l’empreinte environnementale du transport de marchandise sera publié chaque année par le Gouvernement afin de déterminer leur efficacité au regard des objectifs de la stratégie national bas-carbone.

I.   Le droit en vigueur

A.   Le droit européen encadre le rapportage d’informations environnementales non financières

La directive européenne du 22 octobre 2014 ([149]) fixe le cadre européen de publication d’informations environnementales non financières par les grandes entreprises. Elle prévoit que « certaines grandes entreprises devraient établir une déclaration non financière comprenant des informations relatives au moins aux questions d’environnement » et « qui [devraient] contenir une description des politiques, des résultats et des risques liés à ces questions et être incluses dans le rapport de gestion de l’entreprise concernée ».

La directive précise que « lorsque les entreprises sont tenues d’établir une déclaration non financière, cette déclaration devrait comporter, s’agissant des questions environnementales, des renseignements sur les incidences actuelles et prévisibles des activités de l’entreprise sur l’environnement et, le cas échéant, sur la santé et la sécurité, sur l’utilisation d’énergie renouvelable et/ou non renouvelable, sur les émissions de gaz à effet de serre, sur l’utilisation de l’eau et sur la pollution de l’air ». Les entreprises doivent alors fournir les informations pertinentes « en ce qui concerne les questions qui apparaissent comme les plus susceptibles de conduire à la concrétisation des principaux risques d’incidences graves ». La directive précise également que l’entreprise évalue l’importance des incidences au regard « de leur ampleur et de leur gravité », les risques d’incidences négatives pouvant découler des activités propres de l’entreprise ou être liés à ses activités ou, le cas échéant, « à ses produits, à ses services et à ses relations d’affaires, y compris ses chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance ».

La transposition de la directive du 22 octobre 2014 en droit interne a été réalisée par l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 ([150]) et par le décret d’application n° 2017-1265 du 9 août 2017 ([151]).

Par ailleurs, la Commission européenne a publié en juin 2017 des lignes directrices sur l’information non financière qui apportent des précisions concernant la publication des informations relatives aux changements climatiques, dans l’objectif d’aider les entreprises à communiquer des informations non financières « de manière pertinente, utile, cohérente et plus comparable ».

Enfin, il est à noter que dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, suite à une consultation publique initiée en février 2020, la nouvelle Commission européenne a intégré aux travaux législatifs, pour le premier trimestre 2021, la révision de la directive du 22 octobre 2014.

B.   Le droit national impose une obligation d’information en matière d’impact sur le changement climatique dans les déclarations de Performance extra-financière

L’article L. 225-102-1 du code de commerce dispose que certaines grandes entreprises ou certains groupes d’entreprises sont soumis à une obligation de publication annuelle d’une déclaration de performance extra-financière (DPEF) jointe au rapport de gestion de l’entreprise. Cette obligation s’impose, d’une part, aux sociétés non cotées ayant plus de 500 salariés avec un total de bilan ou de chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 millions d’euros et, d’autre part, aux sociétés cotées ayant plus de 500 salariés et soit avec un total de bilan annuel dépassant 20 millions d’euros, soit un chiffre d’affaires annuel supérieur à 40 millions d’euros, en application respective des articles R. 225-104 et R. 22-10-29 du code du commerce.

La DPEF « présente des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ». Le III de l’article L. 225-102-1 précité dispose que « la déclaration comprend notamment des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l’activité de la société et de l’usage des biens et services qu’elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l’économie circulaire, de la lutte contre le gaspillage alimentaire, de la lutte contre la précarité alimentaire, du respect du bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable ». Les informations environnementales devant être contenues dans la DPEF en matière de changement climatique, précisées par l’article R. 225‑105, sont les suivantes :

– les postes significatifs d’émissions de gaz à effet de serre générés du fait de l’activité de la société, notamment par l’usage des biens et services qu’elle produit ;

– les mesures prises pour l’adaptation aux conséquences du changement climatique ;

– les objectifs de réduction fixés volontairement à moyen et long terme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et les moyens mis en œuvre à cet effet.

Les informations contenues dans les DPEF font l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant qui formule un avis transmis aux actionnaires avec le rapport de gestion.

La loi prévoit donc que certaines entreprises ou certains groupes d’entreprises doivent prendre en compte les postes significatifs d’émissions de gaz à effet de serre générées du fait de l’activité de la société – il s’agit donc d’émissions directes – et fixer des objectifs de réduction de ces émissions. Cette obligation d’information n’est pas spécifique aux entreprises « chargeurs » de marchandises, même si elle peut s’appliquer à elles dans les cas où le transport de leurs marchandises constitue un poste « significatif » d’émissions de gaz à effet de serre.

Aujourd’hui, certaines de ces entreprises se sont d’ores et déjà engagées dans un programme volontaire de réduction des émissions. Au sein du dispositif Fret 21 du programme « Engagements volontaires pour l’environnement » (EVE), porté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), sont montés des plans d’actions d’une durée de trois ans pour les entreprises « chargeurs » dans le but de réduire les émissions générées par les solutions de transport qu’elles choisissent et limiter les polluants atmosphériques. Ces plans d’actions sont fondés sur quatre axes que sont le taux de chargement, la distance parcourue, le moyen de transport et les achats responsables.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 33 du projet de loi complète tout d’abord l’article L. 225-102-1 du code de commerce en précisant que les informations relatives aux conséquences sur le changement climatique prévues dans la DPEF comprennent les postes d’émissions directes et indirectes liées aux activités de transports amont et aval de l’activité. Dans le cadre de la présentation de ces informations, la DPEF doit également contenir un plan d’action visant à réduire ces émissions. Ces dispositions seront applicables aux DPEF afférentes aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022.

Par ailleurs, l’article 33 du projet de loi insère un nouvel article L. 229-25‑1 dans le code de l’environnement pour prévoir qu’un bilan national des plans d’action visant à réduire l’empreinte environnementale du transport de marchandises présentés dans les DPEF est publié chaque année par Gouvernement. Le bilan porte sur l’efficacité globale à attendre de ces plans d’actions, au regard notamment des objectifs de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

L’article 33 du projet de loi vise ainsi à généraliser l’obligation de prise en compte des postes d’émissions générées du fait de l’activité des entreprises « chargeurs », commanditaires de prestations de transport de marchandises, dans l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La nouvelle disposition inscrit donc dans la loi le caractère « significatif » des postes d’émissions des entreprises « chargeurs » liés à leur transport en amont et en aval, qui dès lors doivent systématiquement être inscrits dans la DPEF. Elle permettra de généraliser les actions que certains chargeurs ont déjà mises en œuvre pour réduire leurs émissions liées au transport dans le cadre du programme Fret 21. Ainsi l’obligation d’information pèsera sur les entreprises responsables indirectement du transport de marchandises et non uniquement sur les transporteurs. Ces dispositions modifieront sensiblement, selon le Gouvernement que le rapporteur a interrogé sur ce point, la prise en compte du bilan des émissions du transport amont et aval pour toutes les entreprises qui ont recours à des prestations de transport pour leur activité, dans la mesure où elles permettront de prendre en compte les émissions indirectes – et non plus seulement directes – liées au transport, c’est-à-dire celles liées au transport pour compte d’autrui – et non plus seulement pour compte propre.

Cette disposition traduit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à obliger les chargeurs à prendre en compte les émissions de leur transport de marchandises en mettant en place des plans d’action dont le bilan est rendu public.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre une série d’amendements rédactionnels du rapporteur, la commission spéciale a adopté deux amendements identiques CS2851 du rapporteur et CS4246 de Mme Carole Bureau-Bonnard (LaREM) précisant que les plans d’action visant à réduire les émissions liées aux activités de transport des entreprises portent notamment sur le recours aux modes ferroviaire et fluvial, afin d’inciter au report modal vers des transports moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Chapitre III
Mieux associer les habitants aux actions
des autorités organisatrices de la mobilité

Article 34
(article L. 1231-5 du code des transports)
Composition et consultation du comité des partenaires
des autorités organisatrices de la mobilité

Adopté par la commission spéciale sans modification

 

L’article 34 modifie les comités des partenaires créés par les autorités organisatrices de la mobilité afin d’y intégrer des citoyens tirés au sort. Il prévoit également que les comités sont consultés sur tout projet de mobilité, et non plus annuellement, et qu’ils évaluent, au moins une fois par an, les politiques de mobilité mises en place sur le territoire relevant de l’AOM.

I.   Le droit en vigueur

A.   Les comités des partenaires associés à l’organisation des mobilités locales

Les autorités organisatrices de mobilité peuvent aujourd’hui être des établissements publics de coopération intercommunale à l’instar des communautés d’agglomération, des communautés urbaines, des métropoles et de la métropole de Lyon ainsi que des communes ou des syndicats mixtes ([152]), qui sont chargés d’organiser la mobilité dans leur ressort territorial. La région constitue, quant à elle, l’AOM à l’échelon régional. Les AOM détiennent différentes compétences qui sont précisées à l’article L. 1231-1-1 du code des transports. Elles organisent les services des transports, notamment en matière de mobilités actives et partagées dans leur ressort territorial et, en outre, « assurent la planification, le suivi et l’évaluation de leur politique de mobilité, et associent à l’organisation des mobilités l’ensemble des acteurs concernés ».

L’article L. 1231-5 du code des transports, modifié par la loi d’orientation des mobilités, dispose que les autorités organisatrices de mobilité (AOM) « créent un comité des partenaires dont elles fixent la composition et les modalités de fonctionnement ».

Ces comités sont composés des représentants des employeurs et des associations d’usagers ou d’habitants. Lorsque la région est AOM locale sur le territoire d’une communauté de communes ([153]), elle institue un comité des partenaires associant les représentants des communes ou leurs groupements à l’échelle pertinente, qui est au maximum celle d’un bassin de mobilité.

Consultés par les AOM au moins une fois par an pour que leur soit fait état de la mise en œuvre du contrat opérationnel de mobilité, les comités doivent être consultés également « avant toute évolution substantielle de l’offre de mobilité, de la politique tarifaire ainsi que sur la qualité des services et l’information des usagers mise en place ». La consultation est également obligatoire « avant toute instauration ou évolution du taux de versement destiné au financement des services de mobilité et avant l’adoption du document de planification [que l’AOM] élabore ». Les comités des partenaires contribuent à la mise en place d’un dialogue permanent entre les AOM, les usagers ou habitants et les employeurs qui sont à la fois financeurs à travers les recettes et impôts locaux et bénéficiaires des services de mobilité institués. Les employeurs et les usagers ou habitants sont donc associés à la gouvernance des mobilités au niveau local et régional.

Interrogé par le rapporteur en ce sens, le Gouvernement lui a indiqué qu’à ce jour, une trentaine de comités des partenaires a été mise en place.

B.   L’utilisation du tirage au sort au sein d’instances participatives à l’échelon local

Du fait de la proximité entre les citoyens et les décideurs, le niveau local constitue l’échelon privilégié de la participation citoyenne. À cet égard, ont été institués plusieurs organes consultatifs locaux dont les membres peuvent être tirés au sort.

Les conseils citoyens, créés par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 ([154]), sont les seules instances participatives locales créées par le législateur dont une partie des membres sont « des habitants tirés au sort dans le respect de la parité entre les femmes et les hommes ». Chaque quartier dit prioritaire doit se doter d’un conseil citoyen qui pourra, sur décision du maire, se substituer au conseil de quartier existant. Les conseils citoyens sont associés à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des contrats de ville ainsi qu’au renouvellement urbain dans une démarche de coconstruction de l’action publique.

D’autres instances de participation locale peuvent inclure en leur sein des membres tirés au sort. Ainsi, les membres des conseils de quartier, créés par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ([155]) et qui sont obligatoires pour les communes de plus de 80 000 habitants, peuvent être désignés par tirage au sort, le conseil municipal fixant librement les compétences, la composition et les modalités de fonctionnement de ceux-ci. Plusieurs communes ont ainsi eu recours au tirage au sort pour désigner les membres des conseils de quartier. De la même façon, les conseils de jeunes, créés par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ([156]), sont des instances consultatives pouvant émettre un avis sur les décisions relevant notamment de la politique de la jeunesse et dont les membres peuvent être tirés au sort, dans la mesure où leur composition est fixée librement par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 34 du projet de loi modifie l’article L. 1231-5 du code des transports afin d’intégrer au sein des comités des partenaires des habitants tirés au sort. Ainsi, ces comités seront désormais composés, aux côtés de représentants d’employeurs et d’associations d’usagers ou d’habitants, d’habitants désignés par la voie du tirage au sort. Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, les habitants tirés au sort pourront être volontaires ou refuser de participer. Si les AOM seront obligées d’inclure au sein des comités des partenaires des citoyens tirés au sort, elles seront libres d’en définir les modalités.

Par ailleurs, les comités des partenaires ne seront plus seulement consultés a minima une fois par an, mais « sur tout projet de mobilité ». Interrogés sur le champ de cette consultation par le rapporteur, les services du ministère des transports ont indiqué que la formule « tout projet de mobilité » se veut plus large que la formule figurant actuellement à l’article L. 1231-5 du code des transports et permettrait de le solliciter, au stade de la réflexion de l’AOM, sur l’opportunité de mettre en place une nouvelle solution de mobilité (telle une plateforme de covoiturage) ou encore de créer des itinéraires cyclables, en lien avec les gestionnaires de voirie.

En outre, le projet de loi confère également aux comités des partenaires un nouveau rôle d’évaluation des politiques de mobilité : au moins une fois par an, le comité devra évaluer « les politiques de mobilité mises en place sur le territoire relevant de l’autorité organisatrice de mobilité ».

L’ensemble des dispositions de l’article 34 entrera en vigueur au 1er janvier 2022. Ainsi, les citoyens tirés au sort pourront participer à l’élaboration des stratégies de mobilité de façon à les améliorer par une meilleure prise en compte de leur point de vue, qui viendra compléter le travail fourni par les associations de représentants des usagers, que le rapporteur a d’ailleurs entendu au cours de ses auditions.

Cet article du projet de loi reprend la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à intégrer les citoyens aux AOM, telle qu’elle a été transcrite par le comité légistique de la convention.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

La commission spéciale a adopté l’article 34 du projet de loi sans modification.

Chapitre IV
Limiter les émissions du transport aérien
et favoriser l’intermodalité entre le train et l’avion

Section 1
Dispositions de programmation

Article 35
Objectif de fixation d’un prix du carbone suffisant
pour le transport aérien à l’horizon 2025

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 35 est une disposition à caractère programmatique qui fixe un objectif de prix du carbone « suffisant » acquitté par le transport aérien à partir de 2025. Il prévoit en outre la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement dans un délai d’un an sur la mise en place du prix du carbone du transport aérien. Dans le cas où un dispositif européen ne pourrait être mis en place, ce rapport étudie l’opportunité d’augmenter le tarif de la taxe de solidarité sur les billets d’avion à partir du moment où le trafic aérien de, vers et à l’intérieur du territoire français atteindrait, en nombre de passagers, le trafic de l’année 2019.

I.   Le droit en vigueur

A.   La fixation d’UN « SIGNAL PRIX » pour les Émissions du transport aÉrien SUR LES MARCHÉS EUROPÉENS ET INTERNATIONAUX

1.   L’existence d’un prix du carbone au niveau de l’Union européenne

Le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre (GES), établi en 2005 en application de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 ([157]), est un instrument directeur de la politique de l’Union européenne en matière d’atténuation des changements climatiques.

Le secteur de l’aviation a été intégré dans le SEQE à compter de 2012 par la directive du 19 novembre 2008 ([158]), dont l’objectif est « de réduire la contribution de l’aviation au changement climatique en intégrant les émissions liées aux activités aériennes dans le système communautaire ». L’annexe I de la directive prévoit que celle-ci s’applique « aux vols au départ ou à l’arrivée d’un aérodrome situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ». L’application du SEQE aux vols au départ et à destination d’aérodrome situés dans des pays en dehors de l’Espace économique européen (EEE) a néanmoins été suspendue du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016 ([159]). Le règlement 2017/2392/UE du 13 décembre 2017 ([160]) a prolongé la dérogation pour les vols extérieurs à l’EEE jusqu’au 31 décembre 2023.

En partant des objectifs de réduction établis au niveau européen, les États se voient attribuer une quote-part qui représente leur objectif à respecter en termes d’émissions. Ils redistribuent ensuite ce plafond entre les opérateurs soumis à la directive sur leur territoire national. Les quotas d’émission ([161]) peuvent ainsi être échangés entre les opérateurs dans l’ensemble des pays de l’UE dont les émissions excèdent la quantité de quotas qui leur a été allouée et ceux qui n’ont pas dépassé la quantité qui leur a été allouée ([162]).

Alors qu’initialement, tous les quotas alloués au secteur de l’aviation ont été attribués gratuitement, à compter de la période 2013-2020 (troisième phase), les quotas sont devenus progressivement payants avec mise aux enchères conformément à la directive européenne du 23 avril 2009 précitée. Les exploitants d’aéronefs ont continué à recevoir gratuitement une partie de leurs quotas d’émission durant la troisième phase du système d’échange, conformément aux règlements 421/2014 et 2017/2392 ([163]) précités. En 2019, 30,2 millions de quotas, soit 44 % d’entre eux, ont été alloués gratuitement à l’aviation. Avec le prix actuel des quotas, qui est d’environ 25 euros par tonne de CO2, bien que la crise sanitaire l’ait fait chuter temporairement à 16 euros par tonne, et compte tenu des quotas gratuits reçus, le SEQE correspond à un prix du carbone de 12,5 euros par tonne de CO2, soit 3 centimes d’euros par litre de kérosène. En 2019, la mise aux enchères de quotas pour l’aviation a rapporté à l’UE 117,37 millions d’euros, les quotas SEQE des autres secteurs ayant quant à eux rapporté 14 milliards d’euros ([164]). Au premier semestre 2020, la mise aux enchères de quotas pour l’aviation a rapporté 55,11 millions d’euros. Il est à noter qu’en application de l’article 3 quinquies de la directive 2003/87/CE, la totalité des recettes provenant des quotas délivrés pour l’aviation doivent être utilisés par les États membres dans des actions liées au climat et à l’énergie. Le programme du Pacte vert pour l’Europe de la Commission européenne prévoit de supprimer les quotas gratuits à terme, cette proposition étant soutenue par la France.

2.   Le signal prix sur les émissions du transport aérien fixé par le mécanisme CORSIA

Le programme CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) a été établi par l’Organisation de l’aviation civile internationale ([165]) (OACI), afin d’engager le transport aérien, à partir de 2021, vers une croissance « neutre » en carbone en maintenant les émissions de GES du transport aérien à leur niveau de 2020. A ainsi été institué un dispositif de compensation et de réduction des émissions de CO2 pour les vols internationaux.

Les compagnies aériennes doivent acheter des unités d’émissions ([166]) produites par des mécanismes de compensation carbone admissibles aux fins du CORSIA, afin de compenser les émissions au-dessus du niveau de 2019. Contrairement au SEQE qui ne prévoit qu’un seul marché de crédits carbone, le CORSIA s’appuie sur des programmes éligibles qui reçoivent des unités carbone de l’OACI que les compagnies aériennes vendent ensuite sur le marché ([167]).

B.   L’écocontribution du secteur aérien en droit interne

Ont été progressivement mises en place différentes taxes spécifiques au secteur aérien :

– la taxe de l’aviation civile (TAC), entrée en vigueur le 1er janvier 1999 ([168]), qui finance la régulation du secteur par son affectation au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Elle est due par toute entreprise de transport aérien public et est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués en France ;

– la taxe d’aéroport, instituée le 1er juillet 1999 ([169]), qui est perçue au profit des personnes (publiques ou privées) qui exploitent des aérodromes et dont le trafic s’élève, en moyenne, sur les trois dernières années civiles connues, à plus de 5 000 unités de trafic ([170]) et qui permet de financer les missions de sûreté et de sécurité rendues sur les aérodromes, ainsi que les mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux. Cette taxe est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués sur chaque aérodrome. Elle est due par toute entreprise de transport aérien public et s’ajoute au prix acquitté par le client. Son tarif, fixé par arrêté, peut varier entre 2,6 et 14 euros par passager s’agissant du transport de voyageurs, auquel s’ajoute une majoration de 0,9 euro fixée par un arrêté du 25 mars 2019 ([171]). Pour le fret et le courrier, le tarif de la taxe est égal à 1 euro par tonne de fret ou de courrier ;

– la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), instaurée par la loi de finances rectificatives pour 2003 ([172]) qui a été mise en place à compter du 1er janvier 2005. Elle est perçue par certains aérodromes au-delà d’un seuil d’activité, dans un plafond de 55 millions d’euros, qui doivent l’affecter aux aides, prévues à l’article L. 571-14 du code de l’environnement, destinées à atténuer les nuisances subies par les riverains. Elle est due par tout exploitant d’aéronefs dont la masse maximale au décollage est supérieure ou égale à 2 tonnes.

Par ailleurs, l’article 22 de la loi de finances rectificative pour 2005 ([173]) a instauré, à compter du 1er juillet 2006, une contribution additionnelle à la taxe de l’aviation civile, la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), dite « taxe Chirac », acquittée par les entreprises du transport aérien et destinée à financer le Fonds de solidarité pour le développement géré par l’Agence française pour le développement (AFD) en vue de contribuer au financement des pays en voie de développement, notamment dans le domaine de la santé.

Depuis le 1er janvier 2020, la TSBA est ensuite affectée, dans un second temps et dans la limite d’un plafond de 230 millions d’euros, à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). La loi de finances pour 2020 a prévu une majoration, fixée par arrêté, des tarifs de base de la TSBA, afin de permettre l’abondement du budget de l’AFITF. Du fait de l’impact de l’épidémie de covid-19 sur les recettes de la TSBA, l’affectation de cette dernière à l’AFITF a été nulle en 2020.

Le tarif de la TSBA et sa majoration sont encadrés par le VI de l’article 302 bis K du code général des impôts, qui fixe une fourchette de tarifs entre le tarif normal et le tarif majoré par la loi de finances pour 2020, un arrêté devant ensuite fixer le tarif exact. Cette majoration, dénommée « éco-contribution », s’élève au minimum à 1,50 euro par billet sur un vol intérieur ou intra-UE en classe économique et au maximum à 18 euros pour un vol hors UE en première classe ou en classe affaires.

Ainsi, un arrêté du 29 décembre 2020 ([174]) fixe le tarif de la taxe au tarif maximal prévu par l’article 302 bis K du code général des impôts :

– 2,63 euros, le tarif de base sans majoration étant fixé à 1,13 euro, pour chaque passager sur les vols à destination de la France, de l’Union européenne, de la Suisse ou d’un autre État membre de l’Espace économique européen ou 20,27 euros, le tarif de base étant fixé à 11,27 euros, lorsque le passager voyage en première classe ou en classe affaires ;

– 7,51 euros, le tarif de base étant fixé à 4,51 euros, pour chaque passager sur les vols à destination d’un autre État, ou 63,07 euros, le tarif de base étant fixé à 45,07 euros, pour les vols en première classe ou en classe affaires.

Néanmoins, la taxe n’est pas perçue lorsque le passager est en correspondance ainsi qu’au départ des collectivités d’outre-mer, de Saint‑Barthélemy et de Saint-Martin.

De plus, la majoration prévue par la loi de finances pour 2020 ne s’applique pas à certains vols commerciaux, notamment ceux effectués entre la Corse et la France continentale, ceux effectués entre les départements ou les collectivités d’outre-mer et la France métropolitaine ainsi qu’entre ces mêmes départements ou collectivités d’outre-mer et enfin aux vols soumis à une obligation du service public au sens du règlement européen du 24 septembre 2008 ([175]).

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 35 du projet de loi est une disposition à caractère programmatique par laquelle l’État fixe l’objectif de son action en matière de fixation d’un prix carbone pour le transport aérien. À partir de 2025, l’objectif est que le transport aérien « s’acquitte d’un prix du carbone suffisant » qui doit être « au moins équivalent au prix moyen constaté sur le marché du carbone pertinent ». Doit alors être privilégiée « la mise en place d’un dispositif européen ». L’étude d’impact souligne à cet égard que ces mesures européennes pourraient consister en une augmentation, harmonisée au sein de l’UE, de la fiscalité sur le kérosène ou encore en la suppression des quotas gratuits dont bénéficient les compagnies aériennes dans le cadre du SEQE.

Interrogé sur le choix de l’échelon européen par le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que celui-ci permettrait d’éviter les concurrences fiscales entre États, notamment pour attirer certains flux de trafic présentant des enjeux importants pour les territoires, en particulier en matière de tourisme. Il a, en outre, précisé que le dispositif européen pourrait consister en une révision de la directive instituant le SEQE afin de mettre fin à l’allocation à titre gratuit des quotas d’émission pour le secteur aérien. Il pourra également s’agir d’une révision de la directive sur la taxation de l’énergie ([176]) afin de permettre une évolution de la fiscalité sur le kérosène pour les vols intra-UE. Il souligne enfin l’intérêt qu’ont montré certains États pour la mise en place d’une taxe européenne sur les billets d’avion.

L’article 35 dispose également que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, un rapport sur la mise en place de ce prix du carbone pour les opérateurs du transport aérien. L’institution de ce prix est subordonnée à des conditions tenant « à la compétitivité du secteur aérien et au respect des principes et objectifs motivant la politique de continuité territoriale entre les collectivités d’outre-mer et le territoire métropolitain ».

L’article 35 du projet de loi prévoit enfin qu’en cas d’insuffisance de l’action européenne, des mesures nationales devront être étudiées dans le cadre de ce rapport. À cet égard, une augmentation du tarif de la « taxe Chirac » devra alors y être examinée. Celle-ci serait susceptible d’être mise en place à partir du moment où le trafic aérien de, vers et à l’intérieur du territoire français atteindrait, en nombre de passagers, le trafic de l’année 2019, fortement impactée par l’épidémie de covid-19. Dans le meilleur des cas, la reprise du trafic au niveau de l’année 2019 pourrait intervenir en 2023 (selon l’Association internationale du transport aérien, IATA) ou en 2024 (selon l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, Eurocontrol) ; les scénarios les plus pessimistes envisagent quant à eux un retour à ce niveau de trafic en 2028 (selon IATA) ou en 2029 (selon Eurocontrol).

L’article 35 du projet de loi reprend la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à promouvoir l’idée d’une éco-contribution européenne pour le transport aérien.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

La commission spéciale a adopté deux amendements CS4050 et CS3861 de M. Jean-Luc Lagleize (Dem) qui enrichissent le contenu du rapport demandé au Gouvernement sur la mise en place d’un prix du carbone. Ces deux amendements demandent à ce que le rapport évalue les conséquences de la tarification de la tonne de carbone – et donc du prix acquitté par les compagnies aériennes :

– sur les emplois dans l’industrie aéronautique et le transport aérien ainsi que sur la capacité de ce secteur à investir dans la transition écologique ;

– sur le désenclavement des territoires.

Un autre amendement, CS4723 de Mme Souad Zitouni (LaREM), complète l’article 35 par une seconde demande de rapport au champ plus large que celui prévu au II de cet article. La demande formulée par cet amendement permettra à la représentation nationale d’être informée sur la politique de l’État en matière d’accompagnement et de soutien au secteur du transport aérien dans sa politique de transition écologique et donc de décarbonation et d’utilisation des bio-carburants.

Section 2
Autres dispositions

Article 36 A (nouveau)
Demande de rapport au Gouvernement sur la tarification des billets d’avion

Créé par la commission spéciale

 

L’article 36 A prévoit la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement relatif aux moyens de lutter contre la vente à perte de billets d’avion, en étudiant notamment les possibilités d’une évolution de la réglementation européenne qui permettrait d’instaurer un prix minimal de vente des billets.

I.   Le droit EN VIGUEUR

Le prix d’un billet d’avion peut être décomposé en plusieurs éléments qui entrent en compte dans la détermination du tarif final : une part de ces éléments est constituée de taxes dues par les compagnies aériennes qui les répercutent plus ou moins dans le prix du billet acquitté par le passager, et dont le montant est fixé en France par la loi. Les compagnies aériennes s’acquittent également de redevances en fonction des aérodromes de décollage et d’atterrissage et des services dont ils disposent. Les tarifs proposés aux passagers dépendent aussi de l’application de méthodes destinées à maximiser le remplissage des avions (méthodes dites de « yield management » qui conduisent à l’application de tarifs très variés pour un même vol).

La part dite fixe dans le prix des billets d’avion, qui est donc déterminée par chaque compagnie aérienne (la part dite variable représentant les diverses taxes dont les compagnies ne définissent pas le montant), est fixée librement par celle-ci conformément à l’article 22 du règlement (CE) 1008/2008 pour les vols intracommunautaires. Cette liberté tarifaire conduit certaines compagnies aériennes à proposer des tarifs très bas qui ne couvrent pas entièrement le coût des vols. Cela a longtemps été réalisé par des compagnies aériennes qui contournaient la législation sociale de leur pays d’implantation ou de ceux où résidait leur personnel.

Si des progrès importants ont été réalisés en la matière, notamment sous l’impulsion de l’Union européenne, qui a imposé des mesures pour lutter contre le « dumping social », le problème de billets très peu chers, qui ne reflètent pas les externalités négatives engendrées par le trafic aérien, demeure.

En juin 2020, l’Autriche a évoqué la possibilité de fixer un prix plancher des billets d’avion vendus sur son territoire. Cette proposition fait actuellement l’objet de discussion entre la Commission européenne et l’Autriche mais risque néanmoins de se heurter au principe de la liberté tarifaire.

II.   Les travaux de la Commission spéciale

Dans ce contexte, l’amendement CS5065 du rapporteur adopté par la commission spéciale vise à demander un rapport au Gouvernement, que celui-ci devra remettre au Parlement suite à la présidence du Conseil de l’Union européenne par la France au premier semestre de l’année 2022. Ce rapport devra faire état de l’action de la France lorsqu’elle présidera le Conseil pour sensibiliser encore davantage les autres États membres à cette question et pour étudier si des évolutions de la réglementation européenne sont envisageables pour instaurer un prix minimal de vente des billets.

Article 36
(article L. 6412-3 du code des transports)
Interdiction des vols réguliers en cas d’alternative en train
d’une durée de moins de deux heures trente

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 36 interdit les services réguliers de transport aérien sur les liaisons aériennes à l’intérieur du territoire français, lorsqu’une alternative ferroviaire sans correspondance de moins de 2 heures 30 minutes existe et si celle-ci fait l’objet de plusieurs liaisons quotidiennes, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État. Ce décret permettra de déroger à cette interdiction lorsque les services aériens assurent majoritairement le transport de passagers en correspondance ou peuvent être regardés comme assurant un transport aérien majoritairement décarboné.

I.   Le droit en vigueur

A.   État du trafic aérien avant l’épidémie de COVID-19

Le trafic aérien français interne – c’est-à-dire le nombre de vols quotidiens entre deux points du territoire métropolitain ou entre la métropole et les outre-mer –est en constante augmentation depuis le début des années 2000. En 2019, 179,6 millions de passagers ont pris un vol au départ de la France, soit une augmentation de 4,2 % par rapport à 2018. Le tableau ci-après présente le nombre de passagers au départ de la France pour l’année 2019 et son évolution, en pourcentage, par rapport à 2018.

Évolution du nombre de passagers au départ de la France entre 2018 et 2019

Source : Bulletin statistique du trafic aérien commercial pour l’année 2019 de la direction générale de l’aviation civile.

Le développement de l’épidémie de la covid-19 et les restrictions de déplacement qu’elle a entraînées ont considérablement affecté le trafic aérien en 2020. Le nombre de passagers transportés a fortement baissé à la fois sur les vols domestiques et sur les vols vers l’étranger. C’est pourquoi les chiffres présentés ci-après et les comparaisons avec d’autres moyens de transport seront relatifs à l’année 2019. Par ailleurs, il convient de rappeler qu’en 2017, l’avion comme mode de déplacement en métropole ne représente que 1,6 % de la distance parcourue tous modes de transport confondus ([177]).

Le trafic aérien est néanmoins le mode de transport le plus fortement émetteur de gaz à effet de serre, notamment de CO2. Les émissions de CO2 générées par les vols moyens et longs courriers, c’est-à-dire desservant des destinations hors du territoire français, sont plus importantes que les émissions générées par les vols domestiques. Pour l’année 2019, le trafic aérien au départ de la France a généré l’émission de 24,3 millions de tonnes de CO2, dont 5,4 millions de tonnes de CO2 pour des vols domestiques. En 2018, les émissions de CO2 du trafic domestique (5,29 millions de tonnes) représentaient 4,0 % des émissions du secteur des transports (qui génère 131,8 millions de tonnes de CO2 par an et 1,6 % des émissions totales attribuées à la France (sur un total annuel de 338,3 millions de tonnes de CO2). Si l’on ajoute aux vols domestiques les vols internationaux, le trafic aérien imputé à la France représente 4,4 % du total des émissions françaises de GES.

Entre 2000 et 2019, les émissions de CO2 ont progressé de 24,5 % pour un nombre de passagers équivalents-kilomètres-transportés ([178]) (PKTeq) qui a pour sa part augmenté de 66,4 %. Entre 2000 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre par passager se sont nettement réduites, ce qui démontre la capacité du secteur aérien à améliorer l’efficacité énergétique des aéronefs et donc à réduire les émissions de GES générées par le trafic aérien.

Cependant, l’avion reste le mode de transport le plus émetteur de CO2, même en tenant compte des distances – les distances moyennes parcourues sont en effet beaucoup plus importantes qu’avec d’autres modes de transport. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), un kilomètre parcouru en avion est 45 fois plus émetteur de GES qu’un kilomètre parcouru par un train à grande vitesse, sans toutefois prendre en compte les externalités, directes et indirectes, liées aux infrastructures (réseau ferré, aéroports, etc.).

B.   Les Règles Régissant la liberté d’exploitation des services aériens

La liberté d’exploitation des liaisons aériennes (appelées services aériens dans les textes européens) sur le territoire d’un État membre est un principe issu du droit de l’Union européenne. Un État membre de l’Union ne peut pas refuser à une compagnie aérienne le droit d’effectuer des transports de passagers entre deux aéroports dès lors que la compagnie dispose d’une licence d’exploitation octroyée par l’autorité compétente de l’État membre où elle a son siège ou dans lequel elle en a fait la demande. L’ensemble du droit aérien concernant le transport de passagers et le fret au sein de l’UE, y compris les liaisons domestiques au sein de chaque État membre, est soumis aux prescriptions du règlement (CE) 1008/2008 du 24 septembre 2008 ([179]). Ce règlement a remplacé un premier ensemble de règlements adoptés en 1992 ((CEE) n °2407/92 ([180]), (CEE) 2408/92 ([181]) et (CEE) 2409/92 ([182])).

En vertu du règlement 2408/92, toute compagnie aérienne détentrice d’une licence d’exploitation délivrée par l’un des États membres de l’Union européenne peut prétendre à exploiter des services aériens intracommunautaires, y compris sur des liaisons domestiques de chaque État membre. Cette règle a été reprise à l’article 15 du règlement (CE) 1008/2008, qui dispose que :

– « les transporteurs aériens communautaires sont autorisés à exploiter des services aériens intracommunautaires ;

– « les États membres ne soumettent l’exploitation de services aériens intracommunautaires par un transporteur aérien communautaire à aucun permis ou autorisation. Les États membres ne demandent pas aux transporteurs aériens communautaires de produire des documents ou des informations qu’ils ont déjà fournis à l’autorité compétente pour l’octroi des licences, à condition que les informations utiles puissent être obtenues en temps voulu auprès de celle-ci […] ».

Une seule exception, décrite à l’article 20 du règlement, est prévue à ce principe. Une interdiction d’exploiter des services aériens peut être décidée par un État membre si celui-ci estime que cette mesure est nécessaire pour faire face à « des problèmes graves en matière d’environnement ». Cette interdiction doit être proportionnée et ne peut créer de distorsion de concurrence.

Si un État membre prend une telle décision, il doit en informer, trois mois avant la prise d’effet de la décision, les autres États membres et la Commission européenne. Cette information s’accompagne de documents permettant de justifier les raisons d’une telle mesure. L’interdiction prend effet passé le délai de trois mois à moins qu’après la réception de ces documents, la Commission estime que les informations fournies pour justifier des mesures ne sont pas suffisantes et qu’elle demande un examen approfondi, ou bien à moins qu’un autre État membre fasse savoir qu’il s’oppose à la mesure.

Article 20 du règlement (CE) 1008/2008

« 1. Lorsqu’il existe des problèmes graves en matière d’environnement, l’État membre responsable peut limiter ou refuser l’exercice des droits de trafic, notamment lorsque d’autres modes de transport fournissent un service satisfaisant. Ces mesures sont non discriminatoires, elles ne provoquent pas de distorsion de la concurrence entre les transporteurs aériens, elles ne sont pas plus restrictives que nécessaire pour résoudre les problèmes et elles ont une durée de validité limitée, ne dépassant pas trois ans, à l’issue de laquelle elles sont réexaminées.

« 2. Lorsqu’un État membre estime que les mesures visées au paragraphe 1 sont nécessaires, il en informe, au moins trois mois avant leur entrée en vigueur, les autres États membres et la Commission en fournissant une justification adéquate pour ces mesures. Celles-ci peuvent être appliquées, à moins que, dans un délai d’un mois à partir de la réception de l’information, un État membre concerné ne les conteste ou que la Commission, conformément au paragraphe 3, ne décide de leur consacrer un examen plus approfondi.

« 3. À la demande d’un autre État membre ou de sa propre initiative, la Commission peut, conformément à la procédure visée à l’article 25, paragraphe 2, suspendre l’application de ces mesures si elles ne satisfont pas aux exigences du paragraphe 1 ou si elles sont en toute autre façon contraires au droit communautaire. »

Le droit interne s’insère dans ce cadre communautaire, puisque l’article L. 6412-3 du code des transports mentionne le règlement (CE) 1008/2008.

Article L. 6412-3 du code des transports

« L’exploitation de services réguliers ou non réguliers de transport aérien public au départ, à destination ou à l’intérieur du territoire français est soumise à autorisation préalable de l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et, pour ceux de ces services relevant du règlement (CE) n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, dans le respect des dispositions de ce règlement. À cet effet, les programmes d’exploitation des transporteurs aériens sont soumis à dépôt préalable ou à l’approbation de l’autorité administrative. »

La procédure que les compagnies aériennes doivent suivre pour recevoir un certificat de transport aérien (CTA) et ensuite une licence d’exploitation délivrée par la France s’inscrit dans le droit communautaire : la direction générale de l’aviation civile (DGAC) délivre un CTA si le transporteur respecte un ensemble de prescriptions techniques et relatives à la sécurité. Selon le type d’avion et le nombre de passagers transportés, le ministre chargé de l’aviation civile ou bien le préfet de région délivre ensuite une licence d’exploitation. Une compagnie aérienne peut demander en France une licence d’exploitation si son établissement principal se situe en France, si l’activité principale consiste en l’exploitation de services aériens et si elle est détenue à plus de 50 % et effectivement contrôlée par des États membres ou des ressortissants d’États membres, soit directement, soit indirectement par le biais d’une ou de plusieurs entreprises intermédiaires.

Chaque État membre peut ainsi délivrer des licences d’exploitation aux transporteurs dont le siège principal se situe sur son territoire. La licence d’exploitation confère à la compagnie aérienne la qualité de transporteur aérien au sens du règlement européen. Le principe est donc qu’un transporteur aérien est autorisé à exercer ses droits de trafic sur toutes les liaisons intra-communautaires sans devoir obtenir d’autorisation supplémentaire.

Pour les compagnies aériennes qui n’entreraient pas dans le champ du règlement n° 1008/2008 ou bien qui effectueraient des vols hors de l’Union européenne, une licence d’exploitation ne confère pas, à elle seule, le droit d’effectuer du transport aérien public. Une autorisation d’exploitation de services aériens est également requise. Elle est délivrée par la même autorité compétente que celle ayant octroyé la licence d’exploitation.

C.   L’impact de l’épidémie De LA COVID-19

L’année 2020 a été marquée par une rupture très importante pour le trafic aérien tant en France que dans l’ensemble du monde. Au niveau mondial, la baisse du nombre de passagers en 2020 par rapport à l’année 2019 est estimée à 66 %. Les pertes du secteur aérien au niveau mondial pourraient s’élever à 118 milliards de dollars selon l’Association internationale du transport aérien (IATA). En France, la seule compagnie Air France a déclaré une perte nette de 7,7 milliards d’euros pour l’année 2020.

Dans ce contexte difficile, l’État a décidé, en avril 2020, d’aider Air France à hauteur de 7 milliards d’euros sous forme de prêts garantis. Cette aide s’est accompagnée de contreparties, notamment l’engagement de la compagnie à réduire de 50 % les émissions de CO2 générées par ses vols domestiques d’ici 2030. Pour ce faire, Air France a fait part de sa volonté de fermer trois liaisons aériennes : les lignes reliant Orly à Bordeaux, Orly à Lyon et Orly à Nantes.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 36 du projet de loi vise à interdire, sur le fondement de l’article 20 du règlement n° 1008/200 précité, l’exploitation de lignes aériennes sur des trajets qu’il est possible de réaliser en maximum 2 heures 30 minutes de train au sein du territoire métropolitain. L’article 36 insère un II à l’article L. 6412-3 du code des transports qui décrit le principe de l’interdiction. Sont ainsi interdites les liaisons aériennes à l’intérieur du territoire français dont le trajet peut être assuré grâce au réseau ferré national par plusieurs liaisons quotidiennes de moins de 2 heures 30 sans correspondance.

Un décret en Conseil d’État devra préciser les caractéristiques des liaisons ferroviaires concernées se substituant à l’avion (niveau de l’offre et fréquence des trajets notamment), et les raisons pour lesquelles il pourrait être dérogé à cette interdiction. Deux motifs de dérogation sont précisés :

– les liaisons aériennes qui assurent des vols comportant une majorité de passagers en correspondance vers d’autres vols pour la France (dont les outre-mer) ou pour l’étranger ;

– les liaisons aériennes dont les vols peuvent être considérés comme assurant un transport « majoritairement décarboné ».

Enfin, une évaluation de cette mesure générale devra être effectuée tous les ans. Cette disposition est cohérente avec l’article 20 du règlement n° 1008/2008 qui prévoit que l’interdiction d’exercice des droits de trafic ne peut durer plus de trois ans et que, au-delà, la mesure doit être réexaminée. L’article 36 du projet de loi doit entrer en vigueur le dernier dimanche de mars suivant l’année au cours de laquelle la loi sera promulguée. Ce délai permettra notamment de notifier aux autres États membres de l’UE et à la Commission européenne la décision prise par la France à l’issue de la promulgation de la loi.

S’agissant des trajets en train d’une durée maximum 2 heures 30, critère fixé pour l’interdiction des liaisons aériennes, huit liaisons aériennes aujourd’hui opérées par Air France seraient concernées par la mesure. Les vols effectués sur ces liaisons ont émis, en 2019, 164 000 tonnes de CO2. Il est à noter que l’article 36 interdit l’exploitation de ces liaisons non seulement par Air France mais par toutes les compagnies aériennes françaises ou étrangères à l’avenir.

liaisons aériennes concernées par l’article 36 du projet de loi

Liaisons assurées par Air France concernées par l’interdiction

Le cas échéant, fermeture décidée suite à l’épidémie de covid-19

Taux de correspondance (plus ou moins de 50 %)

Paris-Orly – Nantes

Fermeture annoncée par Air France avant le projet de loi

Plus de 50 % des passagers sont en correspondance (73,4 %)

Paris-Orly – Bordeaux

Fermeture annoncée par Air France avant le projet de loi

Moins de 50 % des passagers sont en correspondance (28,2 %)

Paris-Orly – Lyon

Fermeture annoncée par Air France avant le projet de loi

Plus de 50 % des passagers sont en correspondance (70,5 %)

Lyon – Marseille

/

Plus de 50 % des passagers sont en correspondance (87,5 %)

Paris-CDG – Bordeaux

/

Plus de 50 % des passagers sont en correspondance (64 %)

Paris-CDG – Lyon

/

Plus de 50 % des passagers sont en correspondance (77,8 %)

Paris CDG – Rennes

/

Plus de 50 % des passagers sont en correspondance (83,1 %)

Paris-CDG – Nantes

/

Plus de 50 % des passagers sont en correspondance (78,6 %)

Source : Étude d’impact du projet de loi.

Comme rappelé précédemment, la fermeture des trois liaisons au départ ou à l’arrivée d’Orly était déjà prévue par Air France suite à l’épidémie de covid-19. L’article 36 étendrait aux autres compagnies la mesure décidée par Air France. Les cinq autres liaisons mentionnées dans le tableau ne pourraient plus être exploitées sur le fondement de cet article.

Néanmoins, il convient de préciser que les liaisons qui seront effectivement interdites dépendront du contenu du décret qui sera pris après avis du Conseil d’État et des modalités retenues pour maintenir des liaisons selon le nombre de passagers en correspondance. Ainsi, si un taux de correspondance supérieur à 50 % est retenu pour les dérogations, seule la liaison Orly-Bordeaux serait effectivement interdite (pour Air France comme pour d’autres compagnies). De plus, l’article 36 laisse la possibilité de déroger, à terme, à l’interdiction, ou de voir celle-ci prendre fin si le transport aérien devient, dans des conditions à définir par voie réglementaire, « majoritairement décarboné ».

Par ailleurs, comme l’a souligné l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, aucun État membre n’a encore fait usage de l’article 20 du règlement européen pour interdire l’exploitation de services aériens. Des interrogations se posent quant à l’appréciation de l’existence de problèmes en matière d’environnement par la Commission qui justifierait l’application de l’article 20, la France ne présentant pas une situation différente de celle de ses voisins. Néanmoins, on peut estimer qu’au vu des ambitions de l’Union européenne en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 80 % entre 1990 et 2050, la Commission pourrait juger la mesure prise par la France comme un élément à l’appui de cette stratégie de réduction des émissions.

Interrogé par le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que si la proposition de fixer, comme critère d’interdiction, l’existence d’une alternative en train d’une durée de trajet maximale de 4 heures avait été retenue, trente liaisons aériennes auraient potentiellement été concernées. Si la durée avait été fixée à 3 heures, onze liaisons auraient été retenues (les liaisons Paris-Agen, Lyon-Mulhouse et Lille-Strasbourg se seraient ajoutées aux huit liaisons concernées par le projet de loi).

Enfin, la fermeture des lignes et la substitution par le train soulèvent plusieurs enjeux relatifs à la prise en compte des passagers en correspondance et aux liaisons intermodales. L’article 36 du projet de loi va certainement entraîner un report des passagers vers le train, sur des lignes déjà existantes. Ce report modal soulève des questions liées à la connexion entre les différents moyens de transport (pour les passagers en correspondance ou encore pour les voyageurs pour motif professionnel, pour lesquels l’arrivée en train – généralement en centre-ville – pourrait les éloigner des zones d’activité commerciale et industrielle) et à la localisation des activités.

Les passagers en correspondance devant prendre le train dans un premier temps devront ensuite se rendre à l’aéroport pour prendre leur vol. En région parisienne, cette transition n’est pas encore optimale, quelle que soit la gare parisienne d’arrivée (si ce n’est les gares de l’Est et du Nord pour l’aéroport Roissy-CDG). Elle est notamment toujours relativement longue pour les passagers voulant rejoindre Orly. Par ailleurs, pour les personnes qui se déplacent pour des motifs professionnels et souhaitent se rendre dans des zones industrielles situées à proximité des aéroports, l’arrivée dans une gare n’est pas aussi intéressante, et obligerait à des déplacements en voiture ou transports en commun plus longs. Ce sont deux éléments qui plaident pour une politique de développement et de renforcement des transports en commun reliant les gares et les aéroports, dans une logique multimodale.

Enfin, un des principaux risques soulevés au cours des auditions concerne le potentiel report, pour les passagers en correspondance, vers des aéroports situés à l’étranger pour effectuer leur correspondance, en particulier ceux limitrophes du territoire national, ce qui pourrait conduire, dans certains cas, à ce que les passagers se dirigent vers des aéroports plus lointains – émettant ainsi plus de GES – qui assureront des liaisons avec la France pour ensuite prendre un vol en correspondance.

L’article 36 du projet de loi reprend la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à organiser progressivement la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs d’ici 2025, uniquement sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre un amendement rédactionnel, l’article 36 a connu deux modifications suite à son examen par la commission spéciale :

– la commission spéciale a adopté l’amendement CS3147 du rapporteur qui supprime le mot « majoritairement » à l’alinéa 5, qui prévoyait qu’il était possible de déroger à l’interdiction de l’article 36 si le transport aérien se révélait être majoritairement décarboné. La commission spéciale a estimé que l’expression « majoritairement » était imprécise et ne pouvait pas s’appliquer à la notion de décarbonation. La suppression de ce terme permet d’insister sur la perspective de décarbonation du transport aérien. L’amendement a également précisé que le décret en Conseil d’État pris pour l’application de l’article 36 devra définir le niveau d’émissions de CO2 par passager transporté au kilomètre à atteindre (en prenant comme référence les niveaux actuels) pour que le transport soit considéré comme décarboné ;

– la commission spéciale a également adopté les amendements identiques CS4316 de M. Jean-Luc Fugit (LaREM) et CS4712 de M. François Pupponi (Dem) sous-amendés par le rapporteur (sous-amendements CS5384, rédactionnel, et CS5383) qui demandent un rapport au Gouvernement sur la possibilité d’étendre l’interdiction de l’exploitation des liaisons aériennes transportant des passagers s’il existe une alternative en train en moins de deux heures trente au fret actuellement réalisé par avion. Ce rapport ne se concentrerait que sur le fret aérien actuellement opéré au départ ou à l’arrivée de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Le sous-amendement CS5383 supprime la mention du projet Euro-Carex dans l’amendement afin d’élargir le champ du rapport : s’il s’agit d’un des projets importants de développement du fret ferroviaire au niveau européen, il existe d’autres projets en la matière, qu’il n’y a pas lieu d’exclure.

Article 37
(article L. 122-2-1 [nouveau] du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique)
Impossibilité de déclaration d’utilité publique
en cas de construction ou d’extension d’aérodrome

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 37 encadre le développement des capacités aéroportuaires, en prévoyant que les projets conduisant à créer ou augmenter les capacités d’accueil des aéronefs, des passagers ou du fret d’un aérodrome ne peuvent être déclarés d’utilité publique en vue d’une expropriation s’ils ont pour effet d’entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité aéroportuaire par rapport à l’année 2019. Sont exclus de cet encadrement l’aérodrome de Nantes‑Atlantique jusqu’au 31 décembre 2036, l’aérodrome de Bâle-Mulhouse, les aérodromes situés outre-mer et les hélistations. Il en va de même des projets rendus nécessaires pour des raisons de sécurité, de défense nationale ou de mise aux normes réglementaire.

I.   Le droit en vigueur

Les terrains dans le périmètre des aérodromes constituent le domaine public aéronautique tel qu’il est défini à l’article L. 211-16 du code de la propriété des personnes publiques ([183]). Les personnes publiques, État ou collectivités, qui possèdent ces aérodromes peuvent en confier l’exploitation à un tiers dans le cadre d’une régie ou d’une concession, mais, dans tous les cas, les terrains, sièges des activités et services aéroportuaires, appartiennent au domaine public aéronautique des personnes publiques ([184]). C’est pourquoi les personnes qui possèdent les aérodromes bénéficient du droit d’expropriation pour cause d’utilité publique. Si les aérodromes ont besoin d’espace supplémentaire et doivent pour cela étendre leur propriété sur des terrains appartenant à des personnes privées, ils doivent faire usage du droit d’expropriation.

Seuls les aérodromes de la région parisienne sont dans une situation différente par rapport à ces règles de gestion puisqu’ils sont possédés par la société ADP, ancien établissement public devenu société anonyme en application de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports.

Cette situation n’a toutefois pas de conséquence sur l’application du droit de l’expropriation pour cause d’utilité publique en cas d’extension de ces aéroports. Néanmoins, les biens constituant les aérodromes de Roissy – Charles de Gaulle, d’Orly et du Bourget ont été déclassés pour sortir du domaine public et appartiennent depuis l’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2005 à la société ADP ([185]). Cependant, sont toujours considérés comme publics les biens nécessaires à l’exercice par l’État ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l’activité aéroportuaire. L’État conserve donc dans son domaine public un certain nombre d’éléments de ces aéroports (pistes et tours de contrôle notamment).

Une autre exception doit être signalée : l’aéroport de Bâle-Mulhouse, qui est un établissement public binational franco-suisse régi par une convention bilatérale signée le 4 juillet 1949 ([186]).

Ainsi, si pour réaliser des opérations d’aménagement sur des terrains privés, un aérodrome doit étendre son emprise foncière, il doit procéder à une opération d’expropriation pour cause d’utilité publique qui privera les propriétaires privés de leurs droits. Cette opération repose dans un premier temps sur le prononcé d’une déclaration d’utilité publique (DUP). Lorsque des DUP sont établies au profit d’aérodromes, la procédure applicable est celle du droit commun de l’expropriation pour cause d’utilité publique. La DUP n’est prononcée par le préfet qu’après une enquête publique menée par un commissaire enquêteur ou une commission d’enquête ([187]).

Aujourd’hui, une dizaine d’aérodromes, principalement parmi les plus fréquentés de France, a des projets d’agrandissement et d’aménagement, dont certains ont été retardés en raison de l’épidémie de la covid-19 et de ses conséquences sur le trafic aérien. L’État a par ailleurs demandé à ADP de mettre un terme au projet de construction d’un nouveau terminal à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 37 du projet de loi insère un nouvel article L. 122‑2‑1 dans le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui vise à interdire « les projets de travaux et d’ouvrages ayant pour objet la création ou l’augmentation des capacités d’accueil des aéronefs, des passagers ou du fret » dans l’enceinte des aérodromes dès lors que ces projets :

– nécessitent une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, c’est-à-dire si l’extension prévue nécessite l’acquisition de terrains privés ;

– ont pour effet d’entraîner une augmentation nette, après compensation des émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité aéroportuaire par rapport à l’année 2019.

Cette seconde condition posée par le I de l’article L. 122-2-1 nécessite d’évaluer le supplément net d’émissions de gaz à effet de serre qui pourrait être généré suite à la réalisation des travaux (tels, par exemple, l’aménagement de nouveaux terminaux pour accueillir plus d’aéronefs simultanément), après comptabilisation des éventuelles opérations de compensation de ces émissions.

Il convient de noter que cette disposition n’empêche pas les projets d’extension qui ne nécessitent pas d’expropriation foncière, et donc pas de DUP.

Le II de l’article L. 122-2-1 prévoit plusieurs exceptions à l’interdiction posée au I. D’une part, deux aérodromes sont exclus des dispositions du I : l’aérodrome de Nantes-Atlantique jusqu’au 31 décembre 2036 et l’aéroport de Bâle-Mulhouse :

– pour le premier, suite à l’abandon de la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, des travaux d’agrandissement nécessitant une expropriation foncière ont débuté. Le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause ces opérations d’aménagement dont l’aéroport a besoin, ce qui justifie la dérogation prévue par le projet de loi ;

– pour le second, l’article 2 de la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 portant construction et exploitation de l’aérodrome de Bâle-Mulhouse dispose que le Gouvernement français s’engage à acquérir les terrains nécessaires au développement de l’aérodrome et à les mettre à disposition de l’établissement public. Cet engagement international de la France s’oppose donc à ce que l’interdiction d’extension d’aérodromes s’applique à l’aérodrome de Bâle‑Mulhouse. De plus, du fait de son caractère binational et d’un trafic de passagers à 80 % suisse, une concertation avec l’Office fédéral de l’aviation civile s’imposerait préalablement à l’instauration d’une telle mesure.

Les hélistations sont également exclues de l’interdiction, principalement parce que ces espaces aéroportuaires sont aménagés pour des raisons de sécurité (par exemple, pour permettre des opérations de sauvetage) ou pour faciliter l’accès à des zones enclavées. Le projet de loi n’empêche pas leur aménagement, quelles que soient les opérations juridiques nécessaires. Les aérodromes situés dans les départements et régions d’outre-mer relevant de l’article 72-3 de la Constitution sont également exclus de l’interdiction, de même que ceux situés sur le territoire métropolitain si les travaux sont rendus nécessaires « par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de mises aux normes réglementaires ».

Le III de l’article L. 122-2-1 explicite le contenu du décret qui devra être pris en Conseil d’État pour préciser les modalités de l’interdiction. Il devra ainsi préciser les modalités d’appréciation de ce que constituent des travaux et ouvrages susceptibles d’entraîner une augmentation des capacités d’accueil des aérodromes et les modalités d’appréciation de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre après compensation. Ce second point devra tenir compte, à moyen terme, de l’évolution prévisionnelle du trafic aérien par rapport à la date prévue d’achèvement de l’opération et des émissions des aéronefs ainsi que de leur compensation ([188]).

L’évaluation du supplément potentiel d’émissions de GES à raison des travaux d’aménagement ou d’agrandissement, qui devra être faite pour établir le dossier de demande d’expropriation pour cause d’utilité publique, devrait ainsi tenir compte de l’évolution estimée du trafic et du nombre de passagers mais aussi de l’amélioration à moyen terme de la consommation énergétique des aéronefs (et in fine de leur capacité à émettre moins de gaz à effet de serre).

L’article L. 122-2-1 entrera en vigueur au 1er janvier 2022, ce qui devrait permettre aux aéroports concernés d’ajuster leurs projets d’extension.

L’article 37 du projet de loi reprend la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension d’aéroports existants.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre des amendements rédactionnels, la commission spéciale a adopté un amendement CS5310 de Mme Zivka Park (LaREM) afin d’étendre les motifs de dérogation à l’impossibilité de déclarer d’utilité publique des travaux ou ouvrages aéroportuaires augmentant les émissions de gaz à effet de serre. S’ajoute ainsi aux motifs liés à la sécurité, à la défense nationale ou à des mises aux normes réglementaires, un motif sanitaire. L’épidémie de la covid-19, qui a des conséquences très fortes sur le trafic aérien, démontre que les aérodromes peuvent être contraints de s’adapter pour se conformer à de nouvelles normes sanitaires, ce que permet l’amendement CS5310.

Article 38
(section 7 [nouvelle] du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement)
Mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre
du secteur aérien à l’intérieur du territoire national

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 38 créé un mécanisme de compensation des émissions de carbone des vols à l’intérieur du territoire national. Le dispositif s’appuie sur des programmes de compensation à haute valeur environnementale qui privilégient notamment des projets de séquestration du carbone dans des puits de carbone situés sur le territoire d’un État membre de l’Union. Ce régime sera progressivement mis en place entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2024. L’article prévoit enfin des sanctions administratives dans le cas où l’exploitant n’aurait pas justifié le respect de ses obligations de compensation.

I.   Le droit en vigueur

A.   Le système européen d’échange de quotas d’émission carbone

1.   L’intégration de l’aviation au système européen d’échange de quotas d’émission

Le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre (GES) est un instrument directeur de la politique de l’Union européenne en matière d’atténuation des changements climatiques. Établi en 2005 en application de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 ([189]), il s’inscrit dans le mécanisme international d’échange de droits d’émission mis en place par le protocole de Kyoto de 1998. Le SEQE a pour objectif de contribuer « à réaliser les engagements de [l’Union européenne] et de ses États membres de manière plus efficace » tout « en nuisant le moins possible au développement économique et à l’emploi » afin « de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes ». La directive du 13 octobre 2003 a été modifiée de façon substantielle par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 ([190]) afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de GES. De même, la directive 2018/410/UE du 14 mars 2018 ([191]) a modifié la directive de 2003 afin de faire évoluer les règles relatives à la mise en œuvre de la quatrième phase du dispositif (2021-2030) « à la lumière des évolutions au niveau international et des efforts entrepris pour atteindre les objectifs à long terme de l’accord de Paris ».

Le champ d’application du SEQE s’est progressivement élargi. Initialement, il s’appliquait aux principales activités industrielles ainsi qu’aux émissions d’oxyde nitreux de certains procédés. Le secteur de l’aviation a été intégré dans le SEQE à compter de 2012 ([192]) par la directive du 19 novembre 2008, dont l’objectif est « de réduire la contribution de l’aviation au changement climatique en intégrant les émissions liées aux activités aériennes dans le système communautaire ». L’annexe I à la directive prévoit que celle-ci s’applique « aux vols au départ ou à l’arrivée d’un aérodrome situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ». Néanmoins, l’application du SEQE aux vols au départ et à destination d’aérodromes situés dans des pays en dehors de l’Espace économique européen (EEE) a été suspendue du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016 ([193]) afin de renforcer la dynamique apparue au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) pour mettre en place un mécanisme de marché mondial en vue de réduire les émissions de GES dans le secteur de l’aviation. Le règlement 2017/2392/UE du 13 décembre 2017 ([194]) prolonge la dérogation pour les vols extérieurs à l’EEE jusqu’au 31 décembre 2023.

Ainsi, la directive de 2003 ne s’applique, jusqu’au 31 décembre 2023, qu’aux seuls vols intra-UE et aux vols entre l’UE et certaines zones et territoires de l’Espace économique européen. La directive prévoit également une série d’exonérations pour des vols intra-UE. À cet égard, les vols effectués dans le cadre d’obligations de service public imposées aux liaisons au sein des régions ultrapériphériques et ainsi les vols effectués entre l’UE et les territoires d’outre-mer ne sont pas soumis aux obligations de la directive afin de préserver la continuité territoriale avec ces territoires ([195]).

Le SEQE repose sur un plafonnement et des échanges de droits d’émission de GES. Le plafond d’émission est fixé afin de limiter le niveau total de certains GES émis par des installations consommatrices d’énergie et par les exploitants d’aéronefs. En partant des objectifs de réduction établis au niveau européen, les États se voient attribuer une quote-part qui représente leur objectif à respecter en termes d’émission. Ils redistribuent ensuite ce plafond entre les opérateurs soumis à la directive sur leur territoire national. Les quotas d’émission ([196]) peuvent ainsi être échangés entre les opérateurs dans l’ensemble des pays de l’UE dont les émissions excèdent la quantité de quotas qui leur a été allouée et ceux qui n’ont pas dépassé la quantité qui leur a été allouée.

Alors qu’initialement, tous les quotas ont été attribués gratuitement, à compter de la période 2013-2020 (troisième phase), les quotas sont devenus progressivement payants avec mise aux enchères conformément à la directive européenne du 23 avril 2009 précitée. Les exploitants d’aéronefs ont continué à recevoir gratuitement une partie de leurs quotas d’émission durant la troisième phase du système d’échange conformément au règlement 2017/2392/UE précité ([197]). En 2019, 30,2 millions de quotas, soit 44 % d’entre eux, ont été alloués gratuitement à l’aviation.

2.   La transposition en droit interne du SEQE pour l’aviation

La transposition de la directive du 13 octobre 2003 a été réalisée par l’ordonnance du 15 avril 2004 ([198]) modifiée par l’ordonnance du 21 octobre 2010 ([199]), qui soumet au système de quotas les exploitants d’aéronefs. Enfin, l’ordonnance du 9 octobre 2019 ([200]) a transposé la directive du 14 mars 2018 précitée.

Le SEQE est codifié dans le code de l’environnement. Son article L. 229-5 précise à cet égard que les dispositions relatives aux quotas d’émission de gaz à effet de serre s’appliquent « aux exploitants d’aéronef dont la France est l’État membre responsable au titre des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère au cours de tout vol à l’arrivée ou au départ d’un aérodrome situé sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, à l’exception des vols dont la liste est fixée par décret ».

B.   Les dispositifs internationaux de compensation carbone

1.   Le protocole de Kyoto reconnaît la possibilité de compenser les émissions de GES par des activités de séquestration de carbone

a.   Les mécanismes de compensation carbone du protocole de Kyoto

Le protocole de Kyoto de 1998 fixe un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et prévoit un ensemble de moyens pour favoriser son respect par les États parties. Plusieurs moyens peuvent être utilisés par les États pour s’acquitter de leurs obligations en matière de stabilisation et de réduction des émissions de GES.

À cet égard, la prise en compte des puits de carbone participe de la mise en œuvre des obligations résultant du protocole de Kyoto. Ce dernier offre la possibilité aux États de dépasser la quantité d’émissions de GES qui leur est attribuée dès lors que leur excédent d’émissions est compensé par l’acquisition d’unités carbone correspondant à des réductions d’émissions réalisées sur le territoire d’autres États parties au protocole.

Dès lors, il est possible de financer des projets de réduction des GES de façon à bénéficier de crédit carbone à hauteur des émissions évitées. Les deux mécanismes institués par le protocole, la mise en œuvre conjointe (MOC) et le mécanisme pour un développement propre (MDP), génèrent ainsi des crédits internationaux ([201]) utilisés par les États pour compenser leurs émissions. Les activités pouvant être réalisées sont variées mais doivent conduire à des avantages réels, mesurables et durables en termes d’atténuation des changements climatiques et contribuer aux objectifs de développement durable ([202]).

b.   L’articulation entre le SEQE et le protocole de Kyoto

La modification de la directive du 13 octobre 2003 instaurant le SEQE par la directive du 27 octobre 2004 ([203]) approfondit le lien entre le système d’échange de quotas d’émission de l’UE et le protocole de Kyoto en ce qu’elle rend compatible le système européen avec les mécanismes du protocole de Kyoto (MOC et MDP). De cette manière, les exploitants ont pu utiliser ces deux mécanismes dans le cadre du SEQE pour s’acquitter de leurs obligations lors de la phase 3 (2013‑2020). Les unités d’émissions générées par les mécanismes doivent alors être échangées contre des quotas.

c.   Les nouveaux mécanismes issus de l’accord de Paris

L’article 6 de l’accord de Paris établit un mécanisme centralisé intitulé « Mécanisme pour le développement durable » (MDD) placé sous autorité de la Conférence des parties (COP) pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La disposition permet aux États parties de bénéficier « d’activités d’atténuation donnant lieu à des réductions d’émissions qui peuvent aussi être utilisées par une autre Partie pour remplir sa contribution déterminée au niveau national » et conduit à l’émergence d’un mécanisme de compensation. Ce nouveau mécanisme vise à remplacer les mécanismes existants (tels que le MDP et la MOC) et à certifier les réductions d’émissions pour les utiliser en faveur d’engagements déterminés à l’échelon national. Les dispositions de l’article 6 devront être mises en œuvre au moyen de décisions d’exécution au cours des prochaines années.

2.   Le programme CORSIA, système de compensation carbone pour les vols internationaux

Le programme CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) a été établi par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), afin d’engager le transport aérien, à partir de 2021, vers une croissance « neutre » en carbone en maintenant ses émissions de GES à leur niveau de 2020. A ainsi été institué un dispositif de compensation et de réduction des émissions de CO2 pour les vols internationaux.

En 2016, dans sa résolution A39-3 ([204]), la 39e Assemblée de l’OACI a institué un régime dit « GMBM » (Global Market-based Measure) de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation civile au sein d’un « panier de mesures comprenant aussi des technologies, des améliorations de l’exploitation et des carburants d’aviations durables pour atteindre les objectifs ambitieux mondiaux de l’OACI ». Selon la résolution A40-19 ([205]) de la 40e Assemblée de l’OACI, le dispositif CORSIA est un « programme mondial unique de compensation de carbone » qui constitue une « mesure efficace par rapport à ses coûts, qui compléterait un ensemble plus large de mesures, en particulier de mesures concernant la technologie, l’exploitation et l’infrastructure ». Il constitue « la seule mesure mondiale basée sur le marché qui s’applique aux émissions de CO2 de l’aviation internationale afin d’éviter un ensemble disparate éventuel de [mesures de marché] nationales et régionales qui feraient double emploi, et pour faire en sorte que les émissions de CO2 de l’aviation internationale ne soient prises en compte qu’une seule fois ».

Selon l’article 10 de la résolution A40-19, sont visés par les exigences de compensation du dispositif « tous les vols internationaux effectués sur des routes reliant des États qui sont tous deux inclus dans le CORSIA ». À l’inverse, ne sont pas concernés les vols internationaux effectués sur les routes reliant un État qui est inclus dans le dispositif à un autre qui ne l’est pas, ainsi que les vols internationaux effectués sur des routes reliant des États qui ne participent pas au programme. Sont par ailleurs exclus du dispositif les vols militaires, gouvernementaux ou sanitaires ainsi que ceux effectués par de petits opérateurs dont les émissions annuelles sont inférieures à 10 000 tonnes de CO2, ou par de petits aéronefs (dont la masse maximale au décollage est inférieure à 5,7 tonnes).

Le mécanisme est basé sur un marché qui vise à compenser la part des émissions de CO2 des vols internationaux excédant leur niveau moyen observé en 2019. Initialement, les valeurs d’émission à utiliser pour calculer les exigences de compensation étaient fixées à la moyenne des émissions de l’aviation internationale relevant du CORSIA au cours des années 2019 et 2020. Néanmoins, en raison de la diminution des émissions de CO2 du transport aérien international en 2020, seule l’année 2019 a été retenue comme année de référence.

La phase pilote du dispositif s’applique entre 2021 à 2023 pour les États volontaires pour participer au régime de compensation. La première phase entrera en vigueur entre 2024 et 2026 pour les États ayant participé à la phase pilote ainsi que pour tous les autres États volontaires. Le dispositif deviendra obligatoire dans une deuxième phase à partir de 2027 jusqu’en 2035. Il s’appliquera alors « à tous les États dont la part individuelle des activités de l’aviation internationale en tonnes kilomètres payantes (TKP) pour l’année 2018 est supérieure à 0,5 % du total des TKP ou dont la part cumulative dans la liste en ordre décroissant des États représente 90 % du total mondial des TKP ([206]) ».

Les compagnies aériennes doivent acheter des unités d’émissions ([207]) produites par des mécanismes de compensation carbone admissibles aux fins du CORSIA, notamment les mécanismes établis dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’accord de Paris ([208]) afin de compenser les émissions au-dessus du niveau de 2019. Dans une décision du 13 mars 2020, le Conseil de l’OACI a approuvé les unités d’émissions admissibles au CORSIA et a instauré un ensemble d’unités d’émissions admissibles conformes aux exigences de compensation pour la phase pilote ([209]).

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 38 du projet de loi créé, au sein du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement, une section 7 intitulée « Compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols effectués à l’intérieur du territoire nationale ».

Elle comprend un article L. 229-55 qui institue un mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols à l’intérieur du territoire national. Sont soumis à ce mécanisme les exploitants d’aéronefs « dont les émissions de gaz à effet de serre sont soumises aux obligations du système européen d’échange de quotas d’émission ». Dès lors, ne sont pas soumis au dispositif de manière obligatoire les vols entre la métropole et l’outre-mer.

Un nouvel article L. 229-56 du code de l’environnement impose en outre aux exploitants d’aéronefs de compenser, à l’issue de chaque année civile, les émissions de GES des vols à l’intérieur du territoire national telles qu’elles ont été déclarées, vérifiées et validées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le régime de compensation sera progressivement mis en place : l’entrée en vigueur des obligations instituées par l’article 38 du projet de loi est fixée au 1er janvier 2022, les exploitants devant alors compenser 50 % de leurs émissions. À compter du 1er janvier 2023, la compensation devra s’élever à 70 % des émissions puis à 100 % des émissions à compter du 1er janvier 2024.

Les dispositions du projet de loi instituent également un nouvel article L. 229-57 dans le code de l’environnement qui dispose que « pour s’acquitter de leur obligation, les exploitants d’aéronefs utilisent des crédits carbone issus de programmes de compensation à haute valeur environnementale ». Il précise également que les crédits carbone ne pourront être utilisés à la fois au sein du mécanisme de compensation institué pour les vols nationaux par le projet de loi et au sein d’un autre dispositif de compensation obligatoire. Il prévoit également que les projets d’absorption du carbone situés sur le territoire français et sur celui des autres États membres de l’UE doivent être privilégiés. Interrogés sur les projets de compensation éligibles au mécanisme de compensation institué par l’article 38 du projet de loi, les services du ministère des transports ont précisé que pourraient être éligibles :

– les projets de compensation faisant l’objet d’une labellisation par le ministère de la transition écologique au titre du label bas-carbone ;

– les projets de compensation éligibles au titre du dispositif CORSIA ;

– les labels de compensation nationaux d’autres États européens et équivalents au label bas-carbone français.

Le détail des conditions d’éligibilité aux programmes et d’utilisation des crédits carbone, les éléments d’information devant être fournis par les exploitants et leurs délais de transmission, ainsi que les modalités de vérification par l’autorité administrative du respect des obligations de compensation seront précisés par décret en Conseil d’État.

L’article 38 prévoit également, par la création d’un nouvel article L. 229-58 dans le code de l’environnement, un dispositif de sanctions administratives dans le cas où l’exploitant n’aurait pas justifié le respect de ses obligations de compensation. Ainsi, chaque année, si à une date fixée par décret en Conseil d’État l’exploitant d’aéronef n’a pas justifié du respect de ses obligations de compensation, l’autorité administrative le met en demeure d’y satisfaire dans un délai de deux mois, ce délai pouvant être prolongé d’un mois. La mise en demeure mentionne, le cas échéant, la sanction encourue et invite l’exploitant à présenter ses observations écrites.

Une fois le délai de mise en demeure écoulé, l’autorité administrative peut notifier à l’exploitant qu’il a rempli son obligation de compensation. Si ce n’est pas le cas, elle peut constater qu’il ne s’est pas conformé à son obligation et prononce, dans ce cas, une amende relative aux émissions non compensées. Le montant de l’amende est de 100 euros pour chaque tonne de GES émise pour laquelle l’exploitant d’aéronef n’a pas satisfait à son obligation de compensation, le recouvrement de l’amende étant effectué au profit du Trésor public. Néanmoins le paiement de l’amende ne dispense pas l’exploitant de l’obligation de compenser ses émissions, ce qui doit être effectué au plus tard l’année suivante. La sanction, si elle est définitive, peut être rendue publique par l’autorité administrative.

Enfin, l’article 38 du projet de loi prévoit, dans un nouvel article L. 229-59 du code de l’environnement, que les exploitants d’aéronefs qui ne sont pas soumis au mécanisme de compensation institué par le projet de loi mais opérant des vols à l’intérieur du territoire national pourront volontairement s’y conformer.

Dès lors, le nouveau mécanisme de compensation pour les vols sur le territoire national constitue un complément au dispositif SEQE et au mécanisme CORSIA pour assurer un meilleur respect des engagements internationaux de la France en matière de lutte contre le changement climatique afin de réduire l’impact climatique du transport aérien, au côté d’autres mesures de décarbonation du secteur. Le SEQE s’appliquant aux vols intérieurs français, les émissions d’un même vol seront concernées tant par le système européen que par l’obligation nationale de compensation.

Cette disposition traduit dans la loi la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à garantir que toutes les émissions qui ne peuvent être éliminées soient intégralement compensées par des puits de carbone, proposition pour laquelle la Convention n’avait prévu qu’une transcription d’ordre réglementaire.

III.   les travaux de la commission spéciale

Outre une série d’amendements rédactionnels, la commission spéciale a adopté un amendement du rapporteur CS3167 qui demande au Gouvernement la publication d’un bilan annuel du résultat des programmes de compensation auxquels font appel les compagnies aériennes pour compenser les émissions de gaz à effet de serre générées par les vols domestiques.

 

 


—  1  —

TITRE IV
SE LOGER

Chapitre Ier
Rénover les bâtiments

Article 39
(article L. 173-1-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)
Assise législative donnée aux étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE)

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 39 du présent projet de loi vise à donner une assise législative aux étiquettes A à G du diagnostic de performance énergétique (DPE), ces dernières ayant pour objet de mesurer la performance énergétique et climatique des bâtiments ou parties de bâtiments existant à usage d’habitation.

I.   le droit en vigueur

A.   Le caDRE JURIDIQUE

1.   L’obligation d’établir un DPE

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est le document de référence qui évalue la consommation énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment et son taux d’émission de gaz à effet de serre. Il permet ainsi d’informer le candidat acquéreur ou locataire sur le bien qu’il projette d’acheter ou de louer.

Le DPE a été introduit en droit français par l’article 41 de la loi n° 20041343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, assurant la transposition de la directive n° 2002/91/CE sur la performance énergétique des bâtiments, votée dans le prolongement du protocole de Kyoto par l’Union européenne. Initialement codifiées aux articles L. 134-1 à L. 134-7 du code de la construction et de l’habitation, les dispositions concernant le DPE figurent désormais aux articles L. 126-6 à L. 126-33 du même code, depuis l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

Ainsi, l’article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation (CCH) dispose que le DPE est « un document qui comporte la quantité d’énergie effectivement consommée ou estimée, exprimée en énergie primaire et finale, pour une utilisation standardisée du bâtiment ou d’une partie de bâtiment et une classification en fonction de valeurs de référence permettant de comparer et évaluer sa performance énergétique. Il est accompagné de recommandations destinées à améliorer cette performance et du montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic. (...) ». On peut noter que la mention de l’énergie primaire et finale résulte d’un ajout voté lors de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi « énergie et climat », de même que la référence au montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic. Cette dernière modification entrera en vigueur au 1er janvier 2022. Pour ce qui concerne la mention de l’énergie primaire et finale, il s’agit d’une simple précision, puisque le DPE actuel fourni déjà ces deux types d’informations, bien que l’étiquette énergie soit mesurée uniquement en énergie primaire (voir infra).

Le DPE s’est progressivement généralisé, il est devenu obligatoire depuis le 1er novembre 2006 en cas de vente et depuis le 1er juillet 2007 en cas de location (sauf pour les baux ruraux et les contrats saisonniers) ainsi qu’en cas de construction ou d’extension d’un bâtiment.

L’article L. 126-27 prévoit une obligation de faire établir un DPE à la charge du maître d’ouvrage en cas de construction ou d’extension d’un bâtiment, le DPE devant être remis au propriétaire au plus tard à la réception de l’immeuble.

L’article L. 126-28 prévoit une obligation de faire établir un DPE en cas de vente et de location. Lorsque l’immeuble est offert à la vente ou à la location, le propriétaire tient le DPE à la disposition de tout candidat acquéreur ou locataire. Le DPE est joint au contrat de location lors de sa conclusion sauf pour les baux ruraux et les contrats de location saisonnière (article L. 126-29 du CCH). Le DPE doit être communiqué à l’acquéreur dans le cadre du dossier de diagnostic technique, qui doit obligatoirement être communiqué en cas de vente ou de location et dont le contenu est précisé à l’article L. 271-4 du CCH.

Depuis 2017 et en application de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle 2 », un DPE doit également être réalisé dans les bâtiments équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement (voir pour plus de détails le commentaire de l’article 40).

Pour certaines catégories de bâtiment, le gestionnaire affiche le DPE à l’intention du public (Article L. 126-30 du CCH).

On peut en outre noter que le droit prévoit une obligation de transmission – par les diagnostiqueurs – des DPE à l’Agence de la transition énergétique (ADEME). Ces documents sont aussi mis à la disposition des collectivités territoriales et de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Les modalités de transmission étant précisées dans un décret en Conseil d’État (article L. 126-32 du CCH).

Enfin et depuis 2011, il est obligatoire de faire figurer le classement du bien au regard de sa performance énergétique dans les annonces relatives à la vente ou à la location. Cette obligation a été complétée par la loi énergie et climat, qui a introduit une sanction administrative en cas de non-respect de cette disposition (3 000 euros d’amende pour une personne physique et 15 000 euros d’amende pour une personne morale). Pour les biens immobiliers à usage d’habitation, il est également obligatoire de faire figurer, à titre d’information, un montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le DPE. Ces nouvelles dispositions ont été précisées par décret et entreront en vigueur au 1er janvier 2022 (article L. 126-33 du CCH).

2.   Le rôle du diagnostiqueur et le régime de sanctions applicables

Comme en dispose l’article L. 126-6 du CCH, le DPE doit être élaboré par une personne présentant des garanties de compétence et disposant d’une organisation et de moyens appropriés, dans des conditions qui sont précisées à l’article L. 271-6 du CCH. Cette personne est tenue de souscrire une assurance permettant de couvrir les conséquences d’un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions. Elle ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance, ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à elle, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements pour lesquels il lui est demandé d’établir l’un des documents mentionnés au premier alinéa. Des organismes de certification de personnes accrédités par le COFRAC vérifient les compétences des candidats. Aujourd’hui plus de 8 000 professionnels sont certifiés pour la réalisation du DPE ([210]).

Concernant le volet des sanctions, des sanctions administratives ont été introduites par la loi énergie et climat en cas de non-respect de l’obligation d’affichage (comme indiqué supra). Ces sanctions s’appliquent uniquement aux professionnels qui ne respecteraient pas cette obligation.

En outre, les règles de droit commun du droit des contrats telles que prévues dans le code civil peuvent s’appliquer. La responsabilité du vendeur, du bailleur ou du notaire peut être engagée devant le juge au titre du code civil, s’ils ne transmettent pas volontairement le DPE ou s’ils mentionnent de fausses informations dans l’annonce de vente pour induire le futur acquéreur ou locataire en erreur. L’acquéreur peut se retourner contre le diagnostiqueur en invoquant sa responsabilité délictuelle (article 1240 du code civil) dès lors que le diagnostiqueur a commis une faute contractuelle qui lui a causé un dommage. Si la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur est avérée, elle ne peut conduire à la nullité du contrat de vente puisqu’il n’est qu’un tiers au contrat. Le diagnostiqueur pourrait cependant être condamné à verser des dommages et intérêts à l’acquéreur en réparation du préjudice qu’il a subi. L’article L. 271-4 du CCH, dans sa version applicable jusqu’au 1er juillet 2021, prévoit que « l’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans le DPE qui n’a qu’une valeur informative ». Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à l’application des règles de droit commun qui régissent les contrats. Si le vendeur a usé de manœuvres frauduleuses en annonçant sciemment une classe différente que celle qui apparaît réellement dans le DPE par exemple, cela peut constituer un vice de consentement (dol), l’acquéreur pouvant alors entamer une action en nullité du contrat de vente.

3.   La mise en place de l’opposabilité du DPE

Le régime de responsabilité applicable en matière de DPE est en passe d’être consolidé avec la mise en place de la réforme de l’opposabilité du DPE. Celle-ci a été votée à l’article 179 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN ». La loi ELAN prévoyait initialement une entrée en vigueur de l’opposabilité du DPE au 1er janvier 2021 mais cette échéance a été décalée au 1er juillet 2021 par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, un délai supplémentaire ayant été rendu nécessaire en raison de la crise sanitaire. Le DPE aura alors la même portée juridique que les autres diagnostics immobiliers (plomb, électricité, amiante), à l’exception des recommandations de travaux que le DPE contient, qui conserveront une valeur seulement indicative.

Corollaire de la mise en place de l’opposabilité du DPE, le DPE fait actuellement l’objet d’une réforme de fiabilisation au niveau réglementaire, qui doit entrer en vigueur d’ici le 1er juillet 2021 (voir infra).

B.   Les mÉthodes d’Élaboration du DPE et les Échelles de rÉfÉrence utilisÉes

1.   Le contenu actuel du DPE

Le contenu précis du DPE est fixé par la voie réglementaire, aux articles R. 134-1 à R. 134-5-7 du CCH ainsi que par plusieurs arrêtés pris en 2006 et 2007 ([211]). L’article R. 134-2 liste les différents éléments que le DPE doit comprendre. Parmi ces éléments figurent notamment une échelle de référence établie en fonction de la quantité annuelle d’énergie consommée ou estimée ainsi qu’une échelle de référence en fonction de la quantité d’émission de gaz à effet de serre. Ces échelles de référence correspondent aux deux étiquettes qui figurent aujourd’hui sur le DPE. Les conditions d’élaboration de ces échelles sont fixées en annexe à l’arrêté du 15 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments existants proposés à la vente en France métropolitaine. Les DPE doivent ainsi comporter :

– une étiquette énergie, qui indique la consommation énergétique primaire annuelle du logement sur une échelle allant de A (consommation faible, inférieure à 51 kilowattheures [kWh] par mètre carré [m2] et par an) à G (consommation importante, supérieure à 450 kilowattheures par m2 et par an). Le détail des seuils, fixé dans l’arrêté du 15 septembre 2006 précité, figure dans la reproduction des étiquettes ci-dessous. Pour les logements fonctionnant à l’électricité, un taux de conversion de 2,58 s’applique, afin de rendre compte de la quantité d’énergie primaire utilisée pour produire l’énergie finale. Ce classement informe sur la quantité totale d’énergie primaire pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire et le refroidissement des locaux de la maison ;

 l’étiquette énergie est complétée par une étiquette climat, qui indique l’impact annuel de cette consommation énergétique sur les émissions de gaz à effet de serre sur une échelle allant d’A (émission faible, inférieure à 6 kilos d’équivalent carbone par mètre carré) à G (émission importante, supérieure à 80 kilos d’équivalent carbone par mètre carré).

Comment améliorer sa note DPE ? | DOM-EXPERT

Ces échelles de référence n’ont donc actuellement pas d’assise législative. Toutefois, les seuils arrêtés par ces étiquettes ont été utilisés à plusieurs reprises par le législateur pour fixer des obligations. En particulier, le seuil de 331 kWh par m2 et par an est identifié à plusieurs reprises dans le droit comme le seuil permettant de qualifier les passoires énergétiques et d’introduire des obligations en la matière. Ainsi, la loi énergie et climat a notamment utilisé ce seuil pour prévoir une interdiction des passoires énergétiques à l’horizon 2028.

Il faut également relever qu’en plus de ces deux étiquettes, le DPE comporte un ensemble d’autres informations, dont notamment la mesure de la consommation d’énergie en termes d’énergie finale nécessaire au chauffage, à la production d’eau chaude sanitaire et au refroidissement, comme le prévoient expressément les arrêtés précités ([212]).

2.   La réforme en cours du DPE

De nombreux rapports, dont le récent rapport parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments ([213]), ont documenté l’insuffisante fiabilité du DPE actuel. Pour un même bâtiment, des résultats très différents peuvent être obtenus en fonction de la méthode employée par le diagnostiqueur. La méthode du DPE « sur facture » est également largement critiquée. Cette méthode conduit notamment à parfois transmettre des DPE « vierge » (lorsqu’aucune facture n’a été transmise), qui représentent aujourd’hui 20 % des DPE ([214]).

Face à ce constat et dans le cadre de l’entrée en vigueur de l’opposabilité du DPE au 1er juillet 2021, le Gouvernement procède actuellement par voie réglementaire à une importante réforme du DPE, guidée par la volonté d’en renforcer la fiabilité, la lisibilité et la cohérence, notamment au regard des objectifs que la France s’est fixée en matière de réduction de l’impact carbone.

Cette réforme se traduit juridiquement par deux décrets du 17 décembre 2020 ([215]), ainsi que par trois projets d’arrêtés, mis à la consultation du public du 20 février au 15 mars 2021.

Les deux décrets en date du 17 décembre 2020 ont posé les premiers jalons de cette réforme. Parmi les principales modifications apportées, le décret n° 2020-1609 complète l’échelle de référence permettant de classer les bâtiments en fonction de leur quantité d’énergie estimée ou consommée, qui devra désormais prendre en compte l’éclairage ainsi que les auxiliaires de chauffage, de refroidissement d’eau chaude sanitaire et de ventilation. Les notions de zone climatique et d’altitude devront également être prises en compte dans les échelles de référence énergétique et carbone. Un indicateur relatif au confort estival est créé et les règles applicables aux bâtiments collectifs sont adaptées. L’entrée en vigueur de ces dispositions est prévue au 1er juillet 2021.

Le décret n° 2020-1610 concerne les durées de validité du DPE. La durée de validité de droit commun des DPE reste fixée à 10 ans mais des durées de validité différentes sont fixées pour les DPE réalisés avant le 1er juillet 2021 :

– les DPE réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 sont valides jusqu’au 31 décembre 2022 ;

– ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 sont valides jusqu’au 31 décembre 2024.

Cette réforme doit encore être précisée par trois arrêtés, actuellement rendus publics dans le cadre d’une consultation et qui doivent être publiés d’ici fin mars. La réforme doit notamment conduire à supprimer la méthode du DPE sur facture. Le DPE fournira également des recommandations, qu’il s’agisse de travaux de rénovation ou de bons usages du logement. Il donnera une estimation du coût des travaux à entreprendre suivant deux niveaux d’ambition (travaux prioritaires et travaux permettant d’aller vers un logement performant).

Les deux étiquettes actuelles ont vocation à être remplacées par une seule étiquette, fonctionnant selon un principe de double seuil, en énergie primaire et en émission de gaz à effet de serre. Le logement sera classé selon sa plus mauvaise performance, comme l’illustre le schéma ci-dessous.

Contrairement à ce qui avait pu un temps être envisagé, notamment dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 15 de la loi énergie et climat, l’énergie finale n’est pas retenue comme l’un des critères de référence de l’élaboration de l’échelle de classement des biens. En effet, il convient de rappeler que l’article 15 de la loi précitée a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour définir et harmoniser la notion de bâtiment ou partie de bâtiment à consommation énergétique excessive exprimée en énergie primaire et en énergie finale et prenant en compte la zone climatique et l’altitude. Au vu des modifications proposées dans le présent projet de loi et au vu de la réforme à venir du DPE, le Gouvernement a ainsi décidé de ne pas faire usage de l’habilitation prévue à l’article 15 de la loi énergie et climat. Comme le Gouvernement l’a précisé à votre rapporteur : quel que soit l’indicateur utilisé pour la classification énergétique, la notion d’énergie finale reste un élément pertinent et constitutif de la méthode : les calculs du DPE permettent bien d’identifier la consommation d’énergie finale conventionnelle du logement, qui est représentative de la qualité de l’isolation et de l’efficacité des systèmes énergétiques. La conversion de ce résultat en énergie primaire offre quant à lui une meilleure corrélation avec le coût connu des énergies (notamment le rapport entre le gaz et l’électricité). Les deux informations ont donc du sens et méritent d’être conservées au sein du DPE, tout en privilégiant l’énergie primaire pour la classification des biens.

En revanche, il est prévu de baisser le coefficient de conversion en énergie finale, en le faisant passer de 2,58 à 2,3, en conformité avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et le projet de réglementation environnementale 2020 (RE2020).

Les changements de classe énergétique à venir liés à la réforme du DPE

Selon les informations communiquées par le Gouvernement, la classe énergétique de la majorité des logements restera inchangée avec cette nouvelle échelle de classe. 60 % des logements gardent la même étiquette. Les 40 % restants gagnent ou perdent au plus une seule classe énergétique.

Le nombre de passoires énergétiques (cumul du nombre de logements présentant une étiquette F ou G) reste inchangé à hauteur de 4,8 millions de logements.

Néanmoins, l’introduction du critère d’émissions de gaz à effet de serre dans l’évaluation de l’étiquette du nouveau DPE induit des évolutions pour ces logements identifiés en tant que passoires énergétiques :

– environ 200 000 logements chauffés au bois et 600 000 logements chauffés à l’électricité sortent du statut de passoires pour être classés E ;

– dans le même temps, environ 200 000 logements chauffés au gaz et 600 000 logements chauffés au fioul voient leur performance dégradée aux étiquettes F et G (passoires énergétiques).

Le tableau ci-dessus montre l’évolution de la répartition des logements entre le DPE actuel et le nouveau DPE selon le vecteur énergétique de chauffage utilisé.

On note notamment, au niveau des logements chauffés à l’électricité, une diminution de leur nombre dans la classe G et en parallèle une augmentation dans les classes A, B et C. La cause principale de cette évolution est la révision du coefficient de conversion de l’énergie finale à l’énergie primaire pour l’électricité qui passe de 2,58 dans le DPE actuel à 2,3 dans le nouveau DPE.

On note également une augmentation du nombre de logements chauffés au gaz dans les classes les plus énergivores mais aussi dans la classe D. Ceci s’explique du fait de l’introduction du critère d’émissions de gaz à effet de serre dans le nouveau DPE entraînant un déclassement des logements chauffés au gaz classé C dans le DPE actuel et donc classé D dans le nouveau DPE.

Enfin la catégorie « autres » (qui comprend les logements chauffés au fioul, au bois ou par d’autres vecteurs que l’électricité ou le gaz) cache différentes évolutions. Par exemple, dans les classes les plus énergivores (F et G), le nombre de logements chauffés au fioul augmente de 43 % quand le nombre de logements chauffés au bois diminue de 13 % du fait du critère d’émissions de gaz à effet de serre.

 


—  1  —

II.   Les dispositions DU PROJET DE LOI

Le présent article introduit dans la partie législative du code de la construction et de l’habitation les définitions des niveaux de performance énergétique et climatique utilisés dans le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui vont de A à G.

Un nouvel article L. 173-1-1 est inséré en ce sens dans le code de la construction et de l’habitation, au sein du chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code, chapitre intitulé « Objectifs généraux de performance énergétique et environnementale ».

L’article dispose que les bâtiments ou parties de bâtiments existants à usage d’habitation sont classés, par niveau de performance croissante, en fonction de leur niveau de performance énergétique et climatique.

Les seuils de définition du niveau de performance sont renvoyés à un arrêté des ministres chargés de la construction et de l’énergie (alinéa 2).

L’article précise les 7 seuils retenus (alinéas 3 à 9) :

« – extrêmement consommateurs d’énergie (« classe G ») ;

« – très consommateurs d’énergie (« classe F ») ;

« – très peu performants (« classe E ») ;

« – peu performants (« classe D ») ;

« – moyennement performants (« classe C ») ;

« – performants (« classe B ») ;

« – très performants « classe A ») ;

Enfin, l’article donne également une définition des bâtiments ou parties de bâtiments à consommation d’énergie excessive, qui correspondent aux classes F et G.

L’option retenue vise donc à définir dans la loi les niveaux de performance sur lesquelles pourront s’appuyer les différentes dispositions relatives à la rénovation.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté cet article modifié par quatre amendements, dont trois du rapporteur.

La commission a adopté l’amendement CS5166 du rapporteur, qui remplace l’expression « performance climatique » par l’expression « performance en matière d’émission de gaz à effet de serre ». Il s’agit d’une précision utile, qui correspond mieux à ce qui est envisagé au niveau réglementaire dans le cadre de la réforme du DPE.

La commission a adopté l’amendement CS3394 de Mme Chantal Jourdan (groupe Socialistes et apparentés), qui précise les unités de calcul retenues dans le cadre du DPE : la performance énergétique est mesurée en énergie primaire par mètre carré et par an et la performance en matière d’émission de gaz à effet de serre est mesurée en kilogramme de dioxyde de carbone par mètre carré et par an.

Deux autres amendements du rapporteur ont également été adoptés. L’amendement CS5167 du rapporteur clarifie l’intitulé des différentes classes du DPE. Ainsi, alors que les intitulés originels des classes G et F faisaient uniquement référence à la notion de consommation d’énergie, la nouvelle rédaction des intitulés proposée par votre rapporteur assure la pleine cohérence avec la réforme du DPE et son fonctionnement par double seuil.

Enfin, l’amendement CS5363 du rapporteur apporte une modification de coordination juridique, en supprimant l’alinéa 10 de l’article 39. Le rapporteur a en effet apporté plusieurs amendements rédactionnels dans le texte visant à faire directement référence aux classes du DPE, et notamment aux classes F et G. La précision apportée par l’alinéa 10 concernant les bâtiments à consommation d’énergie excessive n’est dès lors pas utile.

Article 39 bis (nouveau)
(articles L. 126-26 et L. 126-33 du code de la construction et de l’habitation)
Coordinations juridiques tirant les conséquences de la réforme du DPE

Créé par la commission spéciale

 

Cet article assure des coordinations juridiques nécessaires liées à la réforme du DPE. Il s’agit de préciser que le DPE mesure la performance énergétique des bâtiments ainsi que la performance en matière d’émission de gaz à effet de serre.

Cet article résulte de l’adoption de l’amendement CS5170 du rapporteur. Cet article tire les conséquences de la réforme du DPE. La nouvelle échelle de référence du DPE fonctionnera par double seuil et permettra de mesurer la performance énergétique ainsi que la performance en matière d’émission de gaz à effet de serre du bâtiment. Dès lors, cet article procède aux coordinations nécessaires à l’article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation (alinéas 2 à 4), qui porte sur la définition du DPE, ainsi qu’à l’article L. 126-33, qui porte sur les conditions de transmission du DPE en cas de vente ou de location d’un bien immobilier (alinéa 5). Il s’agit à chaque fois d’apporter une précision faisant mention de la performance en matière d’émission de gaz à effet de serre.

Article 39 ter (nouveau)
(article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation)
Définition de la rénovation performante

Créé par la commission spéciale

 

Cet article introduit la définition d’une rénovation performante dans le code de la construction et de l’habitation.

Cet article résulte de l’adoption de l’amendement CS5360 rect. du rapporteur. Cet article ajoute une définition de la rénovation performante dans un 17° bis à l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation. Cette définition s’appuie sur les classes de performance énergétique et en matière d’émission de gaz à effet de serre prévues à l’article 39 du projet de loi.

Cet article fixe deux conditions cumulatives à respecter pour pouvoir qualifier une rénovation de « rénovation performante » :

– un gain minimal d’au moins deux classes du DPE (alinéa 3) ;

– un niveau minimal de performance énergétique et de performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre correspondant à la classe C du DPE (alinéa 4).

Une exception est prévue pour les bâtiments qui en raison de leurs contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien, ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre un niveau de performance au moins à égal à celui de la classe C. Dans ce cas-là, l’exigence d’atteinte de la classe C est abaissée à la classe D. Un décret en Conseil d’État doit venir préciser les critères permettant de bénéficier de cette exception (alinéas 5 et 6).

Cette définition pourra utilement servir de référence pour permettre aux pouvoirs publics de déterminer les évolutions nécessaires des dispositifs d’aides financières à la rénovation énergétique des logements, dans un objectif de respect des trajectoires de réduction des consommations d’énergies et des émissions des gaz à effet de serre prévues par la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone.

Article 39 quater (nouveau)
(article L. 300-3 du code de la construction et de l’habitation)
Ajout de données sur les rénovations énergétiques dans le rapport biannuel sur la situation du logement

Créé par la commission spéciale

 

Cet article complète le rapport biannuel sur la situation du logement en France afin d’y faire figurer des données sur la rénovation énergétique.

Cet article résulte de l’adoption des amendements identiques CS4795 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert (LaREM) et CS185 de M. Vincent Descoeur (LR), sous amendés par le rapporteur (CS5415).

Cet article modifie l’article L. 300-3 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit que tous les deux ans, un rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement sur la situation du logement en France. Ce rapport comprend notamment :

1° Une évaluation territorialisée de l’offre et des besoins en matière de logements ;

2° Des données sur l’évolution des loyers ;

3° Des données sur les révisions annuelles ou les modifications du barème visé à l’article L. 823-1, ainsi que sur leurs conséquences sur les bénéficiaires de l’aide personnelle au logement ;

4° Un bilan d’application du supplément de loyer de solidarité ;

5° Des informations sur l’occupation des logements d’habitations à loyer modéré ;

6° Des données sur le traitement des demandes de mutation et sur les parcours résidentiels des locataires des logements sociaux.

L’article 39 quater prévoit que le rapport biannuel sur la situation du logement en France devra également présenter des données sur le nombre de rénovations énergétiques, et notamment le nombre de rénovations performantes au sens de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation (cf. nouvel article 39 ter).

Cet article répond ainsi à l’une des problématiques soulevées par la mission d’information sur la rénovation thermique précitée, qui a mis en exergue le manque de données relatives aux rénovations effectuées.

Article 39 quinquies (nouveau)
(article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation)
Informations relatives aux conditions d’aération ou de ventilation dans le DPE

Créé par la commission spéciale

 

Cet article précise que le DPE comporte des informations relatives aux conditions de ventilation ou d’aération.

Cet article résulte de l’amendement CS1548 de Mme Claire Pitollat (LaREM), adopté dans une version sous amendée par le rapporteur (CS5416).

Dans l’objectif d’améliorer la mesure de la qualité de l’air dans les bâtiments, cet article précise que le DPE comporte des informations relatives aux conditions d’aération ou de ventilation (alinéa 1). L’entrée en vigueur de cette disposition est prévue au 1er janvier 2022 (alinéa 2).

Article 40
(articles L. 126-28, L.126-8-1 [nouveau], L. 126-29, L. 126-31, L. 271-4, L. 731-1 du code de la construction et de l’habitation , article 24-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, articles 17, 20 et 22 de la loi  20191147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat)
Généralisation du DPE collectif et simplification
des obligations d’audits énergétiques

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 40 du présent projet prévoit :

–  la généralisation du DPE collectif dans les copropriétés dans l’objectif de renforcer la rénovation thermique dans les copropriétés. Ces dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots, le 31 décembre 2024 pour les copropriétés entre 51 et 200 lots et le 31 décembre 2025 pour les copropriétés de moins de 50 lots ;

– des ajustements concernant les obligations d’audit énergétique. Ainsi, le texte restreint à la vente en monopropriété l’obligation d’établir un audit énergétique en complément du DPE lorsque le logement est classé F ou G ;

– des dates d’entrée en vigueur adaptées pour plusieurs dispositions en matière de DPE pour les territoires ultramarins.

I.   le droit en vigueur

A.   Les obligations d’Évaluation de la performance ÉNERGÉtique en copropriÉTÉ (dpe collectif et audit ÉnergÉtique)

L’article 1er de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite, loi « Grenelle 2 », a introduit plusieurs dispositions rendant obligatoires, dans certaines conditions, la mise en place d’outils d’évaluation de la performance énergétique des bâtiments en copropriété. Ces obligations restent toutefois partielles et sont en particulier limitées aux copropriétés disposant d’un équipement de chauffage ou de refroidissement collectif (31 % du parc des copropriétés ([216])).

Ces obligations figurent aujourd’hui à l’article L. 126-31 du code de la construction et de l’habitation. Celui-ci prévoit les règles suivantes :

– les bâtiments équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement sont globalement soumis à l’obligation d’établir un DPE ;

– pour les bâtiments d’habitation collective en copropriété de cinquante lots ou plus, dont la date de dépôt de demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001, l’obligation de DPE est remplacée par une obligation, plus contraignante, d’établir un audit énergétique. Initialement, le projet de loi de la loi Grenelle 2 prévoyait simplement une obligation globale de réaliser un DPE dans l’ensemble des bâtiments équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement. Dans l’objectif de renforcer la qualité des informations obtenues en matière de performance énergétique dans les grandes copropriétés, un amendement de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a apporté une distinction entre les obligations de DPE et les obligations de d’audit énergétique. À l’époque, cette modification avait été motivée du fait de la fiabilité insuffisante du DPE.

Depuis 2017, l’ensemble des copropriétés concernées sont donc censées être à jour de ces obligations ([217]).

L’article 24-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit que pour tout immeuble équipé d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement, le syndic inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires qui suit l’établissement d’un DPE ou d’un audit énergétique la question d’un plan de travaux d’économie d’énergie ou d’un contrat de performance énergétique. Cette obligation est réputée satisfaite dans le cas où un plan pluriannuel de travaux comportant des travaux de rénovation énergétique a été inscrit à l’ordre du jour. La partie réglementaire du CCH précise les modalités de mise en place ainsi que le contenu des DPE collectifs (article R. 134-4-3) et audits collectifs (R. 134-14 à R. 134-18).

En outre, il convient également de mentionner l’existence du diagnostic technique global, dont l’élaboration reste purement facultative (article L. 731-1 du CCH) ([218]).

En l’état actuel du droit, l’obligation d’établir un DPE collectif ou un audit énergétique est donc limitée aux immeubles collectifs avec un système de chauffage ou de refroidissement collectif.

B.   les obligations complÉmentaires rÉcentes d’audit ÉNERGÉtique en cas de vente ou de location

Dans le cadre de la loi énergie et climat, et dans l’objectif de compléter l’information des acquéreurs et des locataires, des obligations complémentaires d’audits énergétiques ont été introduites. Ainsi, l’article L. 126-28 du CCH exige que pour les logements consommant plus de 331 kWh par m2 et par an, le DPE transmis en cas de vente soit complété par un audit énergétique. Les mêmes exigences figurent à l’article L. 126-29 en cas de location. Les deux articles apportent des précisions concernant les objectifs et le contenu de l’audit énergétique. Ainsi, « l’audit énergétique présente notamment des propositions de travaux dont l’une au moins permet d’atteindre un très haut niveau de performance énergétique du bâtiment et une autre au moins permet d’atteindre un niveau de consommation en énergie primaire inférieur à 331 kilowattheures par mètre carré et par an. Il mentionne à titre indicatif l’impact théorique des travaux proposés sur la facture d’énergie. Il fournit des ordres de grandeur des coûts associés à ces travaux et mentionne l’existence d’aides publiques destinées aux travaux d’amélioration de la performance énergétique ».

Le contenu de l’audit est renvoyé à un arrêté du ministre chargé de la construction. Ces obligations nouvelles doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2022.

II.   Les dispositions du projet de loi

A.   La gÉNÉralisation du DPE collectif

Le présent article 40 prévoit une refonte ainsi qu’une généralisation du système de DPE collectif.

L’alinéa 8 propose une nouvelle rédaction de l’article L. 126-31 (DPE ou audit énergétique pour les bâtiments équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement). La rédaction proposée soumet de façon globale l’ensemble des bâtiments d’habitation collective dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 à l’obligation d’établir un DPE. Elle supprime en revanche l’obligation d’audit énergétique qui pèse aujourd’hui sur les copropriétés équipées de chauffage collectif de plus de 50 lots. Ces copropriétés seront désormais soumises à l’obligation de DPE, alors qu’elles en sont aujourd’hui exemptées.

Le principal effet est donc de faire entrer les copropriétés sans chauffage collectif dans l’obligation d’établir un DPE. Comme indiqué à l’alinéa 10, ce DPE devra être renouvelé et mis à jour tous les dix ans, sauf dans le cas où un diagnostic réalisé après le 1er juillet 2021 évalue le bâtiment comme très performant ou moyennement performant.

Les alinéas 11 à 14 précisent les dates d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions.

Pour les copropriétés de plus de 200 lots, la date d’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2024.

Les petites copropriétés (entre 51 et 200 lots) disposeront d’un an supplémentaire pour appréhender cette nouvelle obligation, avec une entrée en vigueur prévue au 31 décembre 2024.

Les très petites copropriétés (moins de 50 lots) disposeront de deux années supplémentaires, avec une entrée en vigueur au 31 décembre 2025.

Cette refonte du DPE collectif nécessite plusieurs modifications de coordination, prévues aux alinéas 15 à 17 du présent article 40 :

– les alinéas 15 et 16 modifient l’article L. 271-4 du CCH. Il s’agit ainsi d’ajouter à la liste des documents que comprend le diagnostic global technique le DPE et le cas échéant l’audit énergétique ;

– l’alinéa 17 prévoit des modifications de coordination à l’article 24-4 de la loi de 1965, qui porte sur les suites données à l’élaboration d’un DPE ou d’un audit collectif.

Comme le rappelle l’étude d’impact, le parc immobilier français comporte 450 000 immeubles à usage total ou partiel d’habitation soumis au statut de la copropriété. Parmi ces 450 000 immeubles, 444 000 ont été construits avant 2013 et sont donc couverts par l’obligation prévue à cet article. 32 % de ces 444 000 immeubles disposent d’une installation collective de chauffage et sont donc déjà soumis à l’obligation d’établir un DPE ou un audit énergétique.

Selon l’étude d’impact du Gouvernement, un DPE pour un immeuble coûte en moyenne 1 500 euros. Au total, l’impact de la mesure est évalué pour les bâtiments en copropriété à 644 millions d’euros, ce qui représente en moyenne 70 euros par lot pour 10 ans.

Votre rapporteur se félicite de la généralisation du DPE collectif, qui a pour objectif de mieux informer les propriétaires sur les travaux à réaliser et d’inciter donc à la mise en place de travaux permettant de réduire la consommation énergétique des bâtiments.

B.   l’adaptation pour les territoires rÉgis par l’article 73 de la constitution

Les alinéas 18 à 24 prévoient des entrées en vigueur différées pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte d’un certain nombre de dispositions législatives récentes.

Ainsi, l’alinéa 18 modifie la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles relatives à l’appréciation de la décence d’un logement (voir commentaire de l’article 42), prévue à l’article 17 de la loi énergie et climat afin de les adapter aux spécificités des territoires ultramarins. Il est ainsi prévu que pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte, l’entrée en vigueur de ces dispositions soit décalée au 1er janvier 2025.

De même, l’alinéa 21 diffère l’entrée en vigueur des dispositions du II de l’article 20 de la loi énergie et climat au 1er janvier 2024 pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte. Il s’agit du complément apporté à la définition du DPE afin de faire mention des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic.

Les alinéas 23 et 24 décalent quant à eux l’entrée en vigueur de certaines des dispositions de l’article 22 de la loi énergie et climat. Il s’agit là de repousser à 2024 l’obligation de mentionner dans les annonces immobilières l’interdiction de location de passoires thermiques (3° du I de l’article 22 de la loi énergie et climat)  ainsi que les dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic (4° du I de l’article 22 de la loi énergie et climat) ; la possibilité de sanctions administratives en cas de non-respect de ces règles (II de l’article 22 précité) ainsi que l’indication dans le contrat de location des dépenses théoriques prémentionnées (III de l’article 22 précité).

L’alinéa 26 décale l’entrée en vigueur de l’opposabilité du DPE, au 1er juillet 2023 pour les territoires ultramarins précités.

Enfin, l’alinéa 27 prévoit que les dispositions relatives à l’audit énergétique obligatoire pour les logements en monopropriété considérées comme des passoires énergétiques (alinéas 3 à 6 du présent article) entreront en vigueur au 1er juillet 2023 pour les territoires ultramarins précités.

C.   l’audit ÉNERGÉtique obligatoire en cas de vente en monopropriÉtÉ d’un logement classÉ F ou G

Dans un souci de simplification, le projet de loi revient sur les modifications apportées par la loi énergie et climat en restreignant le champ de l’obligation de réaliser un audit énergétique aux cas de vente en monopropriété. Ainsi, les obligations de réaliser des audits énergétiques en cas de location ou de vente d’un logement en copropriété consommant plus de 331 kWh par m2 et par an, introduites par la loi énergie et climat sont supprimées (alinéas 2 et 7). Il convient de rappeler que ces dispositions ne sont pas encore entrées en application.

Les alinéas 3 à 6 procèdent à l’insertion d’un nouvel article L. 126-28-1 dans le CCH, qui prévoit une obligation d’audit énergétique en cas de vente d’un logement en monopropriété. Cet audit doit être réalisé et communiqué dans le cadre du dossier de diagnostic technique, qui doit obligatoirement être communiqué en cas de vente ou de location et dont le contenu est précisé à l’article L. 271-4 du CCH. Il s’agit là essentiellement de mesures de coordination, liées à la suppression des dispositions de l’article 126-28 du CCH à l’alinéa 2. En effet, en l’état actuel, la vente en monopropriété d’un logement considéré comme une passoire thermique est déjà soumise à l’obligation d’audit énergétique, bien que cette obligation ne soit pas encore entrée en vigueur (article L. 126-28 du CCH). La rédaction proposée par le projet de loi fait référence aux logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie, en cohérence avec les dispositions de l’article 39 du présent projet de loi.

L’alinéa 5 apporte des précisions sur l’audit énergétique. Il est ainsi indiqué que « l’audit énergétique présente notamment des propositions de travaux. Ces propositions comportent au moins une solution de travaux permettant d’atteindre le niveau performant au sens de l’article L. 17311 et une solution permettant d’atteindre au moins le niveau très peu performant au sens de l’article L. 17311. Il mentionne, à titre indicatif, l’impact théorique des travaux proposés sur la facture d’énergie. Il fournit des ordres de grandeur des coûts associés à ces travaux et mentionne des aides publiques existantes destinées aux travaux d’amélioration de la performance énergétique ». À l’exception de la référence aux nouvelles étiquettes prévues à l’article 39 du projet de loi, cette rédaction est identique à celle qui figure aujourd’hui au troisième alinéa de l’article 126-28 du CCH.

Enfin, l’alinéa 6 renvoie à un décret le soin de préciser le contenu de l’audit.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté cet article, modifié par huit amendements du rapporteur.

L’amendement CS5381 modifie l’alinéa 5 de l’article 40 afin d’apporter des précisions sur l’audit énergétique, en cohérence avec la définition de la rénovation performante introduite à l’article 39 ter du présent projet de loi ainsi qu’avec les classes inscrites à l’article 39. Il est ainsi prévu que l’audit énergétique formule des propositions de travaux. Ces propositions présentent un parcours de travaux cohérent par étape pour atteindre une rénovation performante. La première étape de ce parcours permet a minima d’atteindre la classe E. Ce parcours de travaux présente également les travaux nécessaires pour atteindre la classe B, lorsque les contraintes techniques, architecturales, patrimoniales ou le coût des travaux ne font pas obstacle à l’atteinte de ce niveau de performance.

Les amendements CS5171, CS5172, CS5175, CS5176, CS5177 et CS5178 sont des amendements rédactionnels. L’amendement CS5179 est un amendement de coordination juridique.

Article 41
(articles 17, 17-1, 17-2, 18, 25-3, 25-9 et 25-12 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi  861290 du 23 décembre 1986, article L. 321-11-1 du code de la construction et de l’habitation, article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique)
Interdiction de la hausse des loyers des passoires énergétiques

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 41 du présent projet de loi introduit de nouvelles règles dans l’objectif d’interdire, toutes zones confondues, la revalorisation des loyers des logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie. Cette règle a vocation à s’appliquer en cours de bail, en cas de renouvellement du bail ainsi qu’en cas de nouveau contrat de location. Les dispositions du présent article s’appliqueront aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits un an après la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte, la date d’entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2023.

I.   le droit en vigueur

A.   la libre fixation du loyer : un principe gÉNÉral et des attÉnuations

Depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », qui a modifié les dispositions prévues par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », en matière d’encadrement des loyers, le II de l’article 17 de la loi de 1989 sur les rapports locatifs ([219]) pose un principe général selon lequel la fixation du loyer des logements mis en location est libre.

Ce principe connaît un certain nombre d’atténuations, prévues notamment pour éviter l’inflation des loyers en zones tendues. Ces atténuations sont décrites aux articles 17-1, 17-2 et 18 de la loi de 1989 précitée ainsi qu’à l’article 140 de la loi ELAN. Depuis la loi énergie et climat, certains enjeux relatifs à la rénovation énergétique ont été partiellement intégrés à ce cadre juridique.

B.   les rÈgles applicables en cas de changement de locataire

1.   En dehors des zones tendues, le loyer est fixé librement

En dehors des zones tendues, lors de la signature d’un nouveau contrat de location, les parties s’accordent librement sur le montant du loyer défini au contrat.

2.   Dans les zones tendues, les hausses de loyer en cas de changement de locataire sont encadrées

a.   Les règles prévues à l’article 18 de la loi de 1989

En application de l’article 18 de la loi de 1989 précitée, des règles particulières s’appliquent en zones tendues, définies au I de l’article 17 de la loi de 1989 comme les « zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ».

L’article 18 de la loi de 1989 prévoit ainsi qu’un décret en Conseil d’État fixe annuellement le montant maximum d’évolution des loyers des logements vacants et des contrats renouvelés. Il est également prévu que des adaptations particulières puissent être introduites par ledit décret, afin de prendre en compte le cas de la réalisation de travaux ou le cas de loyers manifestement sous-évalués. Depuis la loi énergie et climat, il est spécifié que ces adaptations particulières ne s’appliquent pas lorsque les logements ont une consommation énergétique supérieure à 331 kWh par m² et par an.

En outre, dans les zones tendues, lorsqu’une expérimentation du dispositif d’encadrement du niveau des loyers est mise en place dans le cadre de l’article 140 de la loi ELAN, le loyer fixé dans le contrat de location ne peut pas excéder le loyer de référence majoré fixé par arrêté du préfet pour chaque catégorie de logement et par secteur géographique.

b.   Un principe de non-augmentation du loyer avec plusieurs atténuations précisées par décret

Le décret en Conseil d’État du 27 juillet 2017 précise les règles applicables en la matière dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail ([220]).

Le principe est que le loyer applicable à un logement vacant ([221]) doit se limiter au loyer appliqué au précédent locataire (article 3 du décret). Cependant, si ce dernier loyer n’a pas fait l’objet d’une révision annuelle depuis moins d’un an, le bailleur peut revaloriser le loyer en fonction de la variation de l’indice de référence des loyers trimestriel de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Des dérogations sont aussi prévues en cas de travaux ou de loyer manifestement sous-évalué.

Premièrement, en cas de travaux, le bailleur peut appliquer au nouveau locataire un loyer supérieur à celui exigé pour le précédent locataire. Cette variation est encadrée (15 % du coût réel des travaux toutes taxes comprises). Les travaux doivent en outre répondre à plusieurs conditions précisées dans le décret (notamment : travaux d’amélioration ou de mise en conformité, coût des travaux au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer) ;

Deuxièmement, en cas de loyer manifestement sous-évalué, le loyer peut être rehaussé mais la hausse applicable ne peut excéder la moitié de la différence entre le montant d’un loyer déterminé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables et le dernier loyer appliqué par le précédent locataire, éventuellement révisé.

Cette deuxième dérogation n’est pas applicable aux logements dont la consommation en énergie primaire du logement à l’issue des travaux est supérieure à 331 kWh par mètre carré et par an. Ces dispositions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 et sont précisées à l’article 6 du décret du 27 juillet 2017 précité. Le législateur a ainsi souhaité encourager les travaux de rénovation énergétique des logements à l’occasion des périodes de vacance frictionnelle entre deux locataires. Ces obligations sont toutefois partielles : une augmentation du loyer en fonction de la variation de l’indice de référence des loyers trimestriel de l’INSEE reste possible.

Troisièmement, en cas de travaux d’amélioration d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer, le loyer peut être librement réévalué.

C.   les rÈgles applicables en cas de renouvellement du contrat

1.   La règle générale

L’article 17-2 de la loi de 1989 précitée, modifié par la loi ELAN, prévoit les règles applicables en cas de renouvellement du contrat de bail pour un même locataire.

Le principe posé à l’article 17-2 de la loi de 1989 est le suivant : le loyer ne peut donner lieu à réévaluation que dans le cas où il est manifestement sousévalué. Le bailleur peut proposer au locataire, au moins six mois avant le terme du contrat, un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage et pour des logements comparables. En cas de désaccord ou à défaut de réponse du locataire dans les quatre mois avant le terme du contrat, l’une ou l’autre des parties peut saisir la commission départementale de conciliation. À défaut d’accord constaté par la commission, le juge est saisi avant le terme du contrat. La hausse convenue entre les parties ou fixée judiciairement s’applique par tiers ou par sixième selon la durée du contrat. Toutefois, cette hausse s’applique par sixième annuel au contrat renouvelé, puis lors du renouvellement ultérieur, dès lors qu’elle est supérieure à 10 % si le premier renouvellement avait une durée inférieure à six ans.

2.   Les règles applicables en zone tendue

En application du décret en Conseil d’État prévu à l’article 18 de la loi de 1989, des règles plus contraignantes s’appliquent dans les zones tendues. L’article 5 du décret précité du 27 juillet 2017 précise ces règles ([222]). Ainsi, en zone tendue, lors du renouvellement d’un contrat de location, si le loyer est manifestement sous-évalué, la hausse de loyer convenue entre les parties ou fixée judiciairement ne peut excéder la plus élevée des deux limites suivantes :

– la moitié de la différence entre le montant d’un loyer déterminé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables et le loyer appliqué avant le renouvellement du contrat de location. Depuis la loi énergie et climat, cette atténuation ne vaut pas pour les logements dont la consommation en énergie primaire du logement est supérieure à 331 kWh par mètre carré et par an ;

– une majoration du loyer annuel égale à 15 % du coût réel des travaux toutes taxes comprises, si le bailleur a réalisé, depuis la conclusion du contrat de location initial – ou, lorsque le bail a été renouvelé, depuis son dernier renouvellement – des travaux d’amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence portant sur les parties privatives ou sur les parties communes pour un montant au moins égal à la dernière année de loyer.

En outre, on peut noter que dans les territoires tendus où le dispositif expérimental du niveau des loyers est mis en œuvre, l’article 140 de la loi ELAN prévoit des procédures de diminution ou de réévaluation de loyer spécifiques lors du renouvellement du bail.

D.   Les rÈgles applicables en cas de rÉvision du loyer en cours de bail

L’article 17-1 de la loi de 1989 précitée, introduit par la loi ALUR, dispose que lorsque le contrat prévoit la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties, ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat. Autrement dit, le loyer peut en principe faire l’objet d’une révision annuelle, sous réserve que le bail contienne une clause d’indexation.

La variation du loyer est toutefois encadrée par la loi. Ainsi, la hausse du loyer ne peut excéder la variation de l’indice de référence des loyers (IRL) trimestriel de l’INSEE, qui correspond à la moyenne sur les douze derniers mois de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers (deuxième alinéa de l’article 17-1). Cela permet de prendre en compte l’évolution des prix à la consommation, et donc les phénomènes de hausse conjoncturelle du coût de la vie.

À défaut de manifester sa volonté d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’un an suivant sa date de prise d’effet, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l’année écoulée. Si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d’un an, cette révision de loyer prend effet à compter de sa demande (alinéas 3 et 4 de l’article 17-1).

Les parties peuvent, par ailleurs, convenir, par une clause expresse au contrat de location, d’une majoration du montant du loyer, consécutive à la réalisation de travaux d’amélioration que le bailleur fera exécuter (dernier alinéa de l’article 17-1). La clause expresse peut être rédigée lors de la signature du contrat initiale, lors d’un renouvellement mais aussi à tout instant de la vie du contrat par la conclusion d’un avenant.

E.   BILAN SUR LES AVANCÉES DE LA LOI Énergie et climat

En résumé, la loi énergie et climat a permis des avancées concernant la prise en compte des enjeux de rénovation énergétique dans les dispositifs d’encadrement des loyers. Ces avancées sont toutefois partielles et le droit aujourd’hui applicable est particulièrement complexe. Pour résumer, les règles applicables sont les suivantes :

 en cas de nouveau contrat de location en zone tendue, les logements considérés comme des passoires énergétiques ne peuvent bénéficier des dérogations permettant une adaptation à la hausse en cas de travaux ou de loyer manifestement sous-évalué. En revanche, la loi énergie et climat n’implique pas l’interdiction de toute hausse de loyer dans les passoires énergétiques. La rédaction retenue ne fait en effet pas obstacle à la hausse du loyer à la relocation dès lors qu’il s’agit d’une hausse égale à la variation annuelle de l’indice pour les logements dont la consommation énergétique est supérieure à 331 kWh par m2 et par an ;

 en cas de renouvellement du bail d’un logement situé en zone tendue, le loyer d’une passoire thermique ne peut augmenter, car les dérogations prévues en cas de loyer manifestement sous-évalué (1° de l’article 5 du décret du 27 juillet 2017) ne s’appliquent pas.

Conformément à l’article 2 du décret n° 2020-1818 du 30 décembre 2020, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

Autrement dit, il est en l’état actuel du droit encore possible d’augmenter le loyer d’une passoire thermique située en zone détendue. Pour les zones tendues, le loyer d’une passoire peut augmenter en cas de nouveau contrat dans les limites de la variation annuelle de l’IRL. Le loyer d’une passoire peut en outre également augmenter dans le cadre d’une clause de révision prévue au contrat en vertu de l’article 17-1 puisqu’aucune disposition n’a été introduite en ce sens.

 

Possibilité d’augmenter le loyer d’un logement considéré comme une passoire thermique

En zone tendue

En zone détendue

En cas de nouvelle location

Possible dans la limite de la variation de l’indice de référence des loyers trimestriel de l’INSEE.

Possible

En cas de renouvellement du bail

Impossible sauf en cas de travaux d’amélioration ou de mise en conformité

Possible

En cours de bail

Possible selon les règles de droit commun prévues à l’article 17-1 de la loi de 1989.

Possible

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 41 du présent projet de loi introduit de nouvelles règles dans l’objectif d’interdire, toutes zones confondues, la revalorisation des loyers des logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie.

L’alinéa 2 complète l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989. Il s’agit d’introduire une exception au principe de libre fixation des loyers, en indiquant que le loyer d’un logement extrêmement consommateur d’énergie ou très consommateur d’énergie ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire en cas de nouveau contrat de location.

Les alinéas 3 et 4 complètent l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 qui concerne les règles de révision et de majoration de loyer en cours de bail. Il est ainsi ajouté un nouveau paragraphe III à l’article 17-1, qui dispose que les révisions et majorations de loyer ne peuvent pas être appliquées dans les logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie.

Les alinéas 5 à 8 apportent des modifications à l’article 17-2, afin de prévoir que le loyer ne peut être réévalué au renouvellement du contrat dans les logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateur d’énergie.

Par coordination, l’alinéa 9 supprime les dispositions prévues à l’article 18 de la loi de 1989 qui avaient été ajoutées par la loi énergie et climat pour encadrer partiellement les hausses de loyers des logements consommant plus de 331 kWh par m2 et par an. Ces dispositions perdent en effet de leur sens en raison du dispositif global d’encadrement proposé aux alinéas 2 à 8.

L’alinéa 10 rend applicable le principe de non-augmentation du loyer en cas de renouvellement du contrat de bail de logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie aux logements meublés.

Les alinéas 11 et 12 rendent applicables aux logements meublés l’interdiction d’augmenter le loyer en cours de bail pour les logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie.

L’alinéa 13 rend applicable le principe de non-augmentation du loyer en cas de renouvellement au bail mobilité, prévu à l’article 25-12 de la loi de 1989 précitée.

L’alinéa 14 rend applicable les dispositions du présent article au cadre expérimental de l’article 140 de la loi ELAN.

L’alinéa 15 prévoit que les dispositions du présent article s’appliquent aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits un an après la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte, la date d’entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2023.

Les dispositions du présent article ont ainsi le mérite de renforcer le dispositif introduit par la loi énergie et climat, en le généralisant et en le simplifiant.

Le Gouvernement estime que 586 469 logements seraient concernés par les mesures, soit environ 21 % du parc locatif privé. En zone tendue la proportion est légèrement moindre (20 %) qu’en zone non tendue (22 %).

Il s’agit là d’une incitation supplémentaire à la rénovation thermique des logements.

Le présent article constitue un nouveau levier pour inciter à la rénovation thermique des logements. Il assure également la pleine traduction de l’une des propositions de la Convention citoyenne, qui préconise l’interdiction de l’augmentation des loyers en cas de changement de locataire, de renouvellement du bail ou pendant le bail.

Cet article met en œuvre l’une des sous-propositions de la proposition SL1.1 de la Convention citoyenne pour le climat, qui préconise de bloquer, dès 2021 l’augmentation des loyers, lors des changements de locataire ou du renouvellement du bail, tant que le logement n’est pas rénové.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté cet article, modifié par neuf amendements du rapporteur, dont six sont d’ordre rédactionnel (CS5188, CS5182, CS5183, CS5185, CS5187 et CS5181) et trois de coordination juridique (CS5184, CS5186 et CS5180).

Article 42
(articles 6 et 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Renforcement de la lutte contre les passoires énergétiques en intégrant à compter de 2028 les passoires énergétiques dans le dispositif « logement indécent »

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 42 du présent projet de loi consiste à faire entrer, à partir de 2028, les logements classés F et G parmi les logements considérés comme indécents.

I.   le DROIT en vigueur

A.   La notion de logement décent

1.   Les critères de logement décent et l’intégration progressive de préoccupations liées à la performance énergétique

a.   L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989

Les deux premiers alinéas de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, introduits par la loi nᵒ 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU », prévoient les règles relatives à la décence du logement.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite loi « LTECV » a introduit le critère de performance énergétique parmi les caractéristiques d’un logement décent.

L’article 17 de la loi énergie et climat renforce la prise en compte de la performance énergétique dans la définition de la décence d’un logement en introduisant un seuil maximal de consommation d’énergie, défini en énergie finale, à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 précité. Le législateur a alors prévu une entrée en vigueur au plus tard au 1er janvier 2023 pour ces nouvelles dispositions.

Ainsi, le premier alinéa de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, dans la version qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023 pour ce qui concerne la référence au seuil défini en énergie finale, prévoit que « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’État définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée ».

b.   Le décret « décence » du 30 janvier 2002

Les caractéristiques du logement décent sont précisées par le décret en Conseil d’État n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. Le décret précise notamment la surface minimale d’un logement mis à la location, la fonction clos et couvert du logement, les équipements nécessaires. Concernant les préoccupations tenant à la performance énergétique, le décret « décence » prévoit notamment que les « portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres » (article 2 du décret).

Le décret décence a été récemment revu afin de tirer les conséquences des modifications apportées par le législateur dans le cadre de la loi énergie et climat. Ainsi, le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine fixe le seuil maximal de consommation d’énergie d’un logement décent à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable par an. Ce nouveau seuil entrera en vigueur au 1er janvier 2023 et sera applicable uniquement aux contrats de location conclus à compter de cette date. Dès lors, les logements dont la consommation d’énergie dépasse ce seuil ne pourront plus être mis en location. Selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), cela concerne environ 100 000 logements du parc locatif.

2.   Les recours possibles en cas de logement indécent

En cas le logement indécent, le locataire dispose de recours, dans des conditions prévues à l’article 20-1 de la loi de 1989 précitée. Le locataire peut d’abord demander au propriétaire la mise en conformité du logement. À défaut d’accord amiable ou à défaut de réponse du propriétaire dans les deux mois, les parties peuvent saisir la commission départementale de conciliation. Cette saisine ne constitue pas un préalable obligatoire à la saisine du juge.

En cas de recours devant le juge, si ce dernier constate que le logement ne satisfait pas aux normes de décence, il peut :

– contraindre le propriétaire à faire les travaux nécessaires ;

– imposer la réduction de loyer à accorder au locataire ;

– imposer des dommages et intérêts à payer au locataire.

Le juge transmet au préfet l’ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux critères de décence.

L’article 20-1 a été complété dans le cadre de la loi énergie et climat, afin de tirer les conséquences des nouvelles obligations prévues concernant l’indécence des passoires énergétiques. Ainsi, le dernier alinéa de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 (qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023) prévoit que « le juge ne peut ordonner de mesure visant à permettre le respect du seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an (…) lorsque le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et que le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal ».

Le code de la construction et de l’habitation prévoit en outre une procédure spécifique de conservation et de versement des allocations de logement en cas de non-décence constatée des logements (articles L. 843-1 à L. 843-7 du code de la construction et de l’habitation).

L’article L. 843-1 du CCH prévoit que lorsque l’organisme payeur ou un organisme dûment habilité par ce dernier a constaté que le logement ne satisfaisait pas aux caractéristiques de décence, l’allocation de logement est conservée par l’organisme payeur pendant un délai maximal fixé par voie réglementaire (deux ans). L’organisme payeur notifie au propriétaire le constat établissant que le logement ne remplit pas les conditions requises pour être qualifié de logement décent et l’informe qu’il doit le mettre en conformité dans le délai maximal mentionné au premier alinéa pour que l’allocation de logement conservée lui soit versée. Durant ce délai, le locataire s’acquitte du montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des allocations de logement, dont il a été informé par l’organisme payeur, sans que cette diminution puisse fonder une action du propriétaire à son encontre pour obtenir la résiliation du bail.

En vertu de l’article L. 843-2 du même code, si à l’issue de ce délai de 18 mois, le logement ne répond toujours pas aux caractéristiques de décence, le montant de l’allocation de logement, conservé jusqu’à cette date par l’organisme payeur n’est pas récupéré par le propriétaire. Ce dernier ne peut demander au locataire le paiement de la part de loyer non perçue correspondant au montant de l’allocation conservé.

L’article L. 843-3 du CCH prévoit que « le juge, peut, à titre exceptionnel, dans des cas fixés par voie réglementaire, en vue de permettre l’achèvement d’une mise en conformité engagée, de prendre en compte l’action du locataire pour rendre son logement décent par la voie judiciaire ou de prévenir des difficultés de paiement du loyer ou de relogement du locataire, être maintenue par décision de l’organisme payeur et conservée par ce dernier pour une durée fixée par voie réglementaire, renouvelable une fois » (6 mois renouvelables une fois). Durant ce délai, « le locataire s’acquitte du montant du loyer et des charges récupérables, diminué du montant des allocations de logement, dont il a été informé par l’organisme payeur, sans que cette diminution puisse fonder une action du propriétaire à son encontre pour obtenir la résiliation du bail (…) Dès que le constat de mise en conformité du logement est établi, le montant de l’allocation de logement conservé par l’organisme payeur est versé au propriétaire. Si, à l’issue de ce délai, le logement ne répond pas aux caractéristiques de décence, le montant de l’allocation de logement conservé par l’organisme payeur au titre de la période durant laquelle il a été fait application du présent article n’est pas versé. Le propriétaire ne peut demander au locataire le paiement de la part de loyer non perçue correspondant au montant de l’allocation conservé ».

B.   Les dispositions relatives aux passoires énergétiques votées dans la loi énergie et climat

L’article 22 de la loi énergie et climat, aujourd’hui codifié à l’article L. 173‑2 du code de la construction et de l’habitation, prévoit qu’à compter du 1er janvier 2028, la consommation énergétique, déterminée selon la méthode du diagnostic de performance énergétique, des bâtiments à usage d’habitation n’excède pas le seuil de 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an. Ces dispositions avaient été introduites par le Gouvernement lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. À l’époque, il s’agissait de proposer une alternative au mécanisme de mise sous séquestre, qui avait été voté en commission (finalement non retenu dans le projet de loi final).

Le législateur a prévu un certain nombre d’exceptions. Cette obligation ne s’applique pas :

– aux bâtiments qui, en raison de leurs contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales, ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre une consommation inférieure au seuil précité ;

– aux bâtiments pour lesquels le coût des travaux permettant de satisfaire cette obligation est manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien.

Les critères relatifs à ces exonérations doivent être précisés par un décret en Conseil d’État, qui n’a pas encore été pris. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que les travaux réglementaires d’application de l’article 22 de la loi énergie et climat seront pris une fois le présent projet de loi définitivement voté.

Pour certaines copropriétés en difficulté, la date d’entrée en vigueur de cette obligation est décalée au 1er janvier 2033. C’est le cas des copropriétés faisant l’objet d’un plan de sauvegarde, des copropriétés situées dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat et inscrites dans le volet de cette opération consacré au redressement d’une ou plusieurs copropriétés rencontrant des difficultés sur le plan technique, financier, social ou juridique ; ainsi que des copropriétés situées dans le périmètre d’une opération de requalification de copropriétés dégradées les copropriétés où a été désigné un administrateur provisoire et enfin les copropriétés déclarées en état de carence.

Enfin, des obligations d’information ont également été introduites :

– à compter du 1er janvier 2022, en cas de vente ou de location d’un bien immobilier dont la consommation énergétique excède le seuil de 330 kWh, l’obligation prévue au premier alinéa de l’article L. 173-2 est mentionnée dans les publicités relatives à la vente ou à la location ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant ce bien ;

– à compter du 1er janvier 2028, en cas de vente ou de location d’un bien immobilier à usage d’habitation dont la consommation énergétique excède le seuil de 330 kWh, le non-respect de l’obligation est mentionné dans les publicités relatives à la vente ou à la location ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant ce bien.

Le décret n° 2020‑1609 du 17 décembre 2020 relatif au diagnostic de performance énergétique et à l’affichage des informations relatives à la consommation d’énergie des logements dans les annonces et les baux immobiliers a apporté des précisions en ce sens ([223]).

II.   les dispositions du projet de loi

L’alinéa 5 complète l’article 6 de la loi de 1989 afin de faire figurer dans la loi la règle selon laquelle « à compter du 1er janvier 2028, le niveau de performance d’un logement décent ne peut être inférieur au niveau très peu performant au sens de l’article L. 173-1-1 du CCH ». À compter du 1er janvier 2028, l’ensemble des logements extrêmement consommateurs d’énergie et très consommateurs d’énergie (classes F et G) ne pourront plus être loués, sous peine d’être considérés comme des logements indécents, qualification qui entraîne des possibilités de recours pour le locataire afin de faire respecter ses droits et sous peine de sanctions pour le propriétaire.

Les alinéas 1 à 3 reviennent, pour des raisons de coordination, sur les modifications apportées dans la loi énergie et climat, précisant que la performance énergétique d’un logement décent doit être définie par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an. L’alinéa 4 prévoit de remplacer la référence à un « critère énergétique de performance énergétique minimale » par une référence au niveau de performance minimal prévu à l’article 39 du présent projet de loi. Enfin, l’alinéa 6 procède à des coordinations du même ordre à l’article 20-1 de la loi de 1989 qui prévoit la procédure de recours applicable en cas de logements indécents. Le critère de la consommation d’énergie finale doit être mis en cohérence avec les niveaux de performance énergétique définis à l’article 39 du présent projet de loi. Ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2025, dans l’objectif notamment d’assurer la sécurité juridique de l’actuel décret « décence », qui prévoit une première interdiction pour 2023 exprimée en énergie finale.

Le présent article traduit l’une des propositions de la convention citoyenne pour le climat, qui propose dans sa mesure SL.1.1, pour les passoires énergétiques non rénovées, une interdiction de mise en location à partir de l’année 2028. Le présent article s’inscrit également pleinement dans le cadre du plan de rénovation énergétique des bâtiments engagé en 2018, qui prévoit la rénovation de 500 000 logements par an dont 150 000 passoires thermiques. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, 1,2 million de logements seront potentiellement concernés en 2028 par cette mesure.

Cet article met en œuvre l’une des sous-propositions de la proposition SL1.1 de la Convention citoyenne pour le climat, qui préconise d’interdire, à partir de 2028, la mise en location des passoires thermiques, en classant ces logements comme « logements indécents » à partir de cette échéance.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté cet article, modifié par trois amendements rédactionnels du rapporteur (CS5189, CS5190 et CS5191).

Article 42 bis (nouveau)
(article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)
Possibilité pour le locataire d’effectuer des travaux de rénovation énergétique

Créé par la commission spéciale

 

L’article 42 bis permet aux locataires de réaliser des travaux de rénovation énergétique dans les mêmes conditions que celles applicables aux travaux d’adaptation du logement pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie. Ainsi, par exception aux règles de droit commun qui prévoient que l’ensemble des travaux de transformation doivent faire l’objet d’un accord écrit du propriétaire, les travaux de rénovation énergétique pourront être effectués par le locataire, y compris en absence de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande.

Cet article résulte de l’adoption de deux amendements identiques CS189 et CS4826, respectivement déposés par M. Vincent Descoeur (LR) et Mme Marjolaine Meynier-Millefert (LaREM). Ces amendements sont issus des travaux de la mission d’information relative à la rénovation thermique précitée.

L’article 42 bis modifie le f) de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs afin de faciliter la possibilité pour les locataires de réaliser des travaux de rénovation énergétique. En effet, le f) de l’article 7 de la loi de 1989 prévoit que le locataire à l’obligation de ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l’accord écrit du propriétaire. Une exception existe puisque comme le prévoit ce même f), « des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux font l’objet d’une demande écrite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception auprès du bailleur. L’absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d’acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l’état. ». Il s’agit donc avec le présent article 42 bis d’élargir le champ de cette exception aux travaux de rénovation énergétique.

Article 43
(articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de l’énergie, article L. 222-2 du code de l’environnement, article 27 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations)
Extension des missions attribuées au service public de la performance énergétique de l’habitat et déploiement d’un réseau harmonisé de guichets

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 43 du projet de loi modifie les règles relatives au service public de la performance énergétique dans l’objectif de favoriser le développement de guichets sur l’ensemble du territoire.

I.   le droit en vigueur

A.   Les objectifs et principes du SPEEH

Le code de l’énergie comporte un chapitre intitulé « Service public de la performance énergétique de l’habitat ». Ce chapitre est composé de deux articles L. 232-1 et L. 232-2.

L’article 12 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite « loi Brottes », a donné une assise juridique au service public de la performance énergétique de l’habitat, codifiée à l’article L. 232-1 du code de l’énergie. Cet article prévoit la mise en place du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPEEH) et précise son rôle. Ainsi, l’article indique que le SPEEH « assure l’accompagnement des consommateurs souhaitant diminuer leur consommation énergétique ». Le SPEEH « assiste les propriétaires et les locataires dans la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement et leur fournit des informations et des conseils personnalisés ».

L’article L. 232-2, créé par l’article 22 de la loi  2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, et modifié par l’article 80 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, précise les modalités de mise en œuvre du SPEEH.

L’article L. 232-2 du code de l’énergie prévoit ainsi que le SPEEH s’appuie sur un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique (PTRE).

Concernant l’échelon de mise en œuvre de ces plateformes, l’article précise qu’elles « sont prioritairement mises en œuvre à l’échelle d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ». Il est également indiqué que « ce service public est assuré sur l’ensemble du territoire ».

L’article détaille également le rôle de ces plateformes, qui « ont une mission d’accueil, d’information et de conseil du consommateur. Elles fournissent à ce dernier les informations techniques, financières, fiscales et réglementaires nécessaires à l’élaboration de son projet de rénovation. Elles peuvent également assurer leur mission d’information de manière itinérante, notamment en menant des actions d’information à domicile, sur des périmètres ciblés et concertés avec la collectivité de rattachement et la commune concernée ».

Concernant les acteurs chargés de la gestion des plateformes, l’article indique « qu’elles peuvent être notamment gérées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services territoriaux de l’État, les agences départementales d’information sur le logement, les agences locales de l’énergie et du climat, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les espaces info énergie ou les associations locales ».

Les conseils fournis sont personnalisés, gratuits et indépendants.

Enfin, il est également précisé que ces plateformes « peuvent favoriser la mobilisation des professionnels et du secteur bancaire, animer un réseau de professionnels et d’acteurs locaux et mettre en place des actions facilitant la montée en compétences des professionnels. Elles orientent les consommateurs, en fonction de leurs besoins, vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation ».

Depuis la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, il est également précisé que lesdites plateformes « recommandent à tout maître d’ouvrage, public ou privé, de recourir au conseil architectural délivré par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, lorsque les conseils mentionnés au troisième alinéa du présent article n’ont pas été délivrés par l’un de ces organismes ».

En outre, on peut également noter qu’en vertu de l’article L. 222-2 du code de l’environnement, les régions sont chargées d’établir un programme régional pour l’efficacité énergétique qui doit, entre autres, définir un plan de déploiement des PTRE et promouvoir leur mise en réseau. Dans le prolongement de ces dispositions, le I de l’article 188 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte – qui n’est pas codifié – indique que la région constitue l’échelon pertinent pour coordonner les études, diffuser l’information et promouvoir les actions en matière d’efficacité énergétique. Elle favorise, à l’échelon des établissements publics de coopération intercommunale, l’implantation de PTRE et le développement d’actions visant à lutter contre la précarité énergétique en matière de logement.

B.   le réseau faire et le LANCEMENT programme sare

Aujourd’hui, les PTRE s’articulent dans le cadre du réseau FAIRE (Faciliter, Accompagner et Informer pour la Rénovation Énergétique), lancé en 2018 avec pour double objectif de rendre lisible un service public d’information et de conseil sur la rénovation énergétique de l’habitat pour les citoyens et d’entraîner l’ensemble des acteurs publics et privés dans la rénovation.

Le développement du réseau FAIRE et l’ensemble du SPEEH est aujourd’hui soutenu par le programme de service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (SARE), dont les contours ont été précisés par un arrêté du 5 septembre 2019 portant validation dudit programme et dont le déploiement est effectif depuis le 1er janvier 2020. Financé par les certificats d’économies d’énergie, le SARE apporte un soutien financier important au SPEEH, en complément de l’aide financière apportée par les collectivités. Le programme SARE est doté de 200 millions d’euros mobilisables sur la période 2019-2024. Il est porté par l’ADEME avec les territoires chefs de file volontaires et bénéficie également de l’appui de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Le SARE apporte un co‑financement pour chaque acte mis en œuvre par les espaces FAIRE, qui poursuivent trois missions prioritaires :

– soutenir le déploiement d’un service d’accompagnement des particuliers ;

– créer une dynamique territoriale autour de la rénovation ;

– soutenir le déploiement d’un service de conseil aux petits locaux tertiaires privés.

Selon les informations que comporte l’étude d’impact : « à ce jour, 16 conventions territoriales ont été votées ou seront soumises au vote d’ici fin 2020. Elles couvrent toutes les régions métropolitaines à l’exception de la Corse et de la région Île-de-France, où les territoires qui ont intégrés le programme sont : la métropole du Grand Paris et les départements de Seine-et-Marne et de l’Essonne. En outre-mer, les régions Réunion et Guadeloupe seront aussi intégrées dès le 1er janvier 2021 au dispositif. Au total, ces conventions prévoient de mobiliser 143 millions d’euros de certificats d’économies d’énergie (CEE) en complément de 152 millions d’euros des collectivités territoriales pour les trois prochaines années. Très concrètement, il s’agit d’informer et de conseillers plus de 1,7 million de ménages, d’accompagner 90 000 particuliers ou copropriétés dans leurs projets de travaux ou encore de mener plus de 70 000 audits énergétiques ».

L’objectif est désormais d’aboutir à une couverture par une convention de 100 % du territoire métropolitain d’ici la fin de l’année 2020, l’étude d’impact faisant mention de l’engagement à venir des départements du Val-d’Oise et des Yvelines et d’un déploiement en outre-mer qui devrait être finalisé pour le premier semestre 2021. Auditionnée par la commission spéciale constituée sur le présent projet de loi, la ministre Emmanuelle Wargon a indiqué que toutes les régions de métropole sont signataires à ce stade d’une convention à l’exception de la Corse. 97 % du territoire est couvert. Pour les territoires ultramarins, la signature des conventions est à mi-parcours. On dénombre aujourd’hui 1 000 conseillers FAIRE contre 750 l’année passée, cette montée en charge étant amenée à se poursuivre.

II.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article 43 a pour objet de favoriser le déploiement d’un réseau harmonisé de guichets d’information et d’accompagnement pour la rénovation énergétique.

L’alinéa 2 de l’article 43 inscrit à l’article L. 232-1 du code de l’énergie l’objectif principal du SPEEH, qui doit être d’accroître le nombre de projets de rénovation énergétique et de faciliter leur planification.

Les alinéas 4 à 9 proposent une réécriture de l’article L. 232-2 du code de l’énergie. Cette réécriture se fait en partie à droit constant. Par rapport à la rédaction actuelle de l’article L. 232-2 du code de l’énergie, les changements sont les suivants :

– les plateformes territoriales de rénovation énergétique sont remplacées par des guichets, sur lesquels s’appuient le SPEEH (alinéas 4, 5 et 6) ;

– l’alinéa 5 prévoit que le guichet doit être prioritairement mis en œuvre à l’échelle de chaque EPCI, alors que la rédaction actuelle prévoit une mise en œuvre prioritaire des PTRE à l’échelle d’un ou de plusieurs EPCI ;

–  les alinéas 6 et 7 apportent des précisions concernant le type de missions exercées par ces guichets. Il est ainsi indiqué que : « les guichets proposent un service indépendant d’information, de conseil et d’accompagnement des maîtres d’ouvrage privés, qu’ils soient propriétaires ou locataires, et leurs représentants. Les informations et les conseils délivrés sont gratuits et personnalisés. Ils visent à aider les ménages à élaborer un projet de rénovation énergétique, à mobiliser les aides financières publiques ou privées ainsi qu’à les orienter vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation et, en fonction de leurs besoins, à leur recommander de recourir au conseil architectural délivré par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement ». Outre des précisions de nature rédactionnelle et des coordinations par rapport à la rédaction actuelle de l’article L. 232-2, il convient de relever la mention explicite de la mission d’accompagnement, qui ne figure pas aujourd’hui à l’article L. 232-2 précité. Cette mission est précisée à l’alinéa 8, elle « comprend un appui à la réalisation d’un plan de financement, à la réalisation et à la prise en main des études énergétiques réalisées, ainsi qu’une assistance à la prospection et à la sélection des professionnels compétents ». Comme l’indique l’étude d’impact, cette mission est aujourd’hui beaucoup moins répandue que les actes d’information et de conseil. Cette mission est réalisée par 150 structures qui couvrent 57 % du territoire, soit près de 38 millions de personnes ;

– enfin, l’alinéa 9 indique que le SPEEH favorise la mobilisation des professionnels et du secteur bancaire, l’animation d’un réseau de professionnels et d’acteurs locaux et la mise en place d’actions facilitant la montée en compétences des professionnels, dispositions qui sont déjà au dernier alinéa de l’article L. 232-2 dans sa rédaction actuelle.

Cet article s’inscrit dans le cadre de la proposition SL1.3 de la Convention citoyenne, qui préconise le déploiement d’un réseau harmonisé de guichets uniques sur l’ensemble du territoire, avec pour mission d’informer, de communiquer et d’accompagner les ménages, du diagnostic initial au contrôle final des travaux de rénovation effectués, en passant par la constitution du dossier de financement et du choix des artisans et professionnels agréés.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté cet article, modifié par dix amendements.

La commission a adopté l’amendement CS2714 déposé par Mme Patricia Lemoine (Agir ensemble), qui précise que le service public de la performance énergétique doit encourager les rénovations performantes.

La commission a également adopté l’amendement CS3945 de M. Alexandre Holroyd (LaREM). Cet amendement indique que les guichets prévus à l’article 43 doivent disposer de compétences équivalentes, le terme « équivalentes » paraissant plus approprié que le terme « identiques », initialement retenu dans le projet de loi initial.

La commission a également adopté l’amendement CS4725 déposé par Mme Fannette Charvier et cosigné par l’ensemble du groupe La République en Marche, dans une version sous amendée par le rapporteur (CS5417). Cet ajout consiste à préciser que les guichets du SPEEH doivent exercer leurs missions en lien avec les maisons France services. Les maisons France services doivent constituer un relai à l’action des guichets : elles peuvent très utilement garantir un premier niveau d’information et renvoyer ensuite vers les acteurs spécialisés. Il est également précisé que l’offre desdites maisons peut intégrer des services permettant de répondre aux enjeux de la transition écologique, notamment en matière de transport, d’énergie, de chauffage ou de recyclage.

L’amendement CS2711 de Mme Patricia Lemoine (Agir ensemble) garantit la bonne articulation du SPEEH avec les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et avec les programmes locaux de l’habitat (PLH).

L’amendement CS2155 de Mme Émilie Chalas (LaREM) précise que les guichets devront présenter les aides nationales et locales à la rénovation.

La commission spéciale a également adopté cinq amendements du rapporteur :

– l’amendement 5195 indique que les missions des guichets chargés de la mise en œuvre de ce service public peuvent s’exercer de façon itinérante, notamment en menant des actions au domicile. Le service public de la performance énergétique doit s’engager dans une démarche « d’aller vers » les citoyens, pour informer et accompagner les citoyens dans leur démarche de rénovation énergétique. Il convient de noter que cet amendement reprend une disposition qui figure aujourd’hui à l’article L. 232‑2 du code de l’énergie, mais qui n’a pas été reprise par le Gouvernement dans le cadre de la nouvelle rédaction proposée dudit article au présent article 43 ;

– l’amendement CS5361 garantit l’accès des copropriétaires aux services proposés par les guichets du SPEEH ;

– les amendements CS5196 et CS5197, qui sont de nature rédactionnelle, ainsi que l’amendement CS5192, de coordination juridique.

Article 44
(articles 10, 14-1, 14-2, 14-2-1 [nouveau], 18, 18-1 A, 19-2, 24-4, 29-1 A, 4115 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, articles L. 253-1-1, L. 44314-2, L. 721-2, L. 731-1, L. 731-2, L. 7313 [abrogé] du code de la construction et de l’habitation, article 31 du code général des impôts, article 2374 du code civil, article 3 de la loi  709 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce)
Obligation de réalisation d’un projet de plan pluriannuel de travaux et modifications apportées au fonds de travaux

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 44 prévoit une obligation de faire réaliser un projet de plan pluriannuel de travaux dans l’ensemble des copropriétés. Ainsi, à l’issue d’un délai de quinze ans à compter de la date de réception de tout immeuble relevant du statut de la copropriété, il sera obligatoire de faire élaborer et de soumettre à l’assemblée générale des copropriétaires un projet de plan pluriannuel de travaux et de le faire réviser tous les dix ans. Cette obligation ne s’appliquera pas dans le cas où le diagnostic technique global a été réalisé et a montré qu’il n’y avait pas besoin de travaux. L’adoption du plan reste facultative.

Dans le cas où le plan est adopté, une cotisation obligatoire au fonds de travaux au moins égale à 2,5 % du montant estimé des travaux s’appliquera. Dans tous les cas, la cotisation obligatoire au fonds de travaux devra représenter un montant au moins égal à 5 % du budget prévisionnel. L’obligation de constituer un fonds de travaux sera valable à compter de 10 ans après la réception des travaux de l’immeuble, contre 5 ans aujourd’hui.

Ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2023, pour les copropriétés de plus de 200 lots, au 1er janvier 2024 pour les copropriétés qui comprennent entre 51 et 200 lots et au 1er janvier 2025 pour les copropriétés de moins de 50 lots.

I.   le droit en vigueur

En l’état actuel du droit, des outils existent déjà dans l’objectif d’inciter à la rénovation en copropriété. Outre les exigences de diagnostic de performance énergétique (DPE) et d’audit collectifs, détaillées dans le commentaire de l’article 41 du présent projet de loi, d’autres outils ont été mis en place par la loi ALUR.

Le dispositif actuel, issu de l’article 58 de la loi ALUR, repose sur trois piliers : le diagnostic global technique facultatif, le plan pluriannuel de travaux, également facultatif, et enfin le fonds de travaux, obligatoire.

A.   Le diagnostic technique global et le plan pluriannuel de travaux

Ainsi, la loi ALUR a introduit la possibilité de réaliser un diagnostic technique global (DTG) facultatif en copropriété (articles L. 731-1 à L. 731-5 du CCH).

L’article 731-1 du CCH prévoit ainsi qu’« afin d’assurer l’information des copropriétaires sur la situation générale de l’immeuble et, le cas échéant, aux fins d’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux, l’assemblée générale des copropriétaires se prononce sur la question de faire réaliser par un tiers, disposant de compétences précisées par décret, un diagnostic technique global pour tout immeuble à destination partielle ou totale d’habitation relevant du statut de la copropriété ». La décision de réaliser un DTG et les modalités de son élaboration font l’objet d’un vote à la majorité simple. Le DTG comporte quatre volets :

– une analyse de l’état apparent des parties communes et des équipements communs de l’immeuble ;

– un état de la situation du syndicat des copropriétaires au regard des obligations légales et réglementaires au titre de la construction et de l’habitation ;

– une analyse des améliorations possibles de la gestion technique et patrimoniale de l’immeuble ;

– un diagnostic de performance énergétique de l’immeuble ou le cas échéant un audit énergétique.

Le DTG présente une évaluation sommaire du coût et une liste des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble en précisant ceux qui doivent être réalisés dans les dix années à venir.

L’article 731-2 du CCH prévoit que le contenu du DTG est présenté à la première assemblée générale des copropriétaires qui suit sa réalisation ou sa révision. Le syndic inscrit à l’ordre du jour de cette assemblée générale la question de l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux ainsi que les modalités générales de son éventuelle mise en œuvre.

Les travaux dont la réalisation apparaît nécessaire notamment aux termes du DTG, doivent être intégrés au carnet d’entretien prévu à l’article 18 de la loi de 1965 (article L. 731-3 du CCH).

En cas de mise en copropriété d’un bien, un DTG doit obligatoirement être élaboré (article L. 731-4 du CCH).

Enfin, l’article L. 731-5 prévoit que dans le cadre des procédures de péril et d’insalubrité, l’autorité administrative compétente peut à tout moment, pour vérifier l’état de bon usage et de sécurité des parties communes d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation, soumis au statut de la copropriété et présentant des désordres potentiels, demander au syndic de lui produire un diagnostic technique global. À défaut de production de ce diagnostic dans un délai d’un mois après notification de la demande, l’autorité administrative peut faire réaliser d’office le diagnostic en lieu et place du syndicat des copropriétaires et à ses frais.

Ces dispositions relatives aux DTG et au plan pluriannuel de travaux sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

B.   le fonds de travaux

L’article 14-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit que pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d’administration des parties communes et équipements communs de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires vote chaque année un budget prévisionnel. En vertu du I de l’article 14-2, ne sont pas comprises dans le budget prévisionnel les dépenses pour travaux, dont la liste est fixée par un décret en Conseil d’État. Les sommes afférentes à ces dépenses sont exigibles selon les modalités votées par l’assemblée générale.

La loi ALUR a introduit un II à l’article 14-2 de la loi 1965 précitée afin d’instituer un fonds de travaux obligatoire. Celui-ci doit être constitué et abondé à l’issue d’une période de cinq ans suivant la date de la réception de l’immeuble concerné.

Ce fonds doit permettre de faire face aux dépenses résultant :

– des travaux prescrits par les lois et règlements ;

– des travaux décidés par l’assemblée générale des copropriétaires

L’assemblée générale peut affecter tout ou partie des sommes déposées sur le fond au financement des travaux précités, en tenant compte de l’existence de parties communes spéciales ou de clefs de répartition des charges. En cas de mise en péril, les sommes du fonds peuvent être affectées aux travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble.

Le fonds est alimenté par une cotisation annuelle obligatoire des copropriétaires. Le montant de la cotisation est déterminé par l’assemblée générale dans les conditions de vote prévues aux articles 25 et 25-1 de la loi de 1965 précitée (majorité absolue et passerelle de majorité ([224])). Le montant de la cotisation doit représenter au minimum 5 % du montant du budget prévisionnel.

Des cas de dispense de constitution du fonds de travaux existent. C’est le cas lorsque le DTG a été réalisé et qu’il ne fait apparaître aucun besoin de travaux pour les dix prochaines années. Dans ce cas-là, l’exemption vaut durant toute la validité du diagnostic. C’est également le cas lorsque l’immeuble comporte moins de 10 lots et que l’assemblée générale se prononce de façon unanime en ce sens.

Les sommes versées au titre du fonds de travaux sont attachées au lot et définitivement acquises au syndicat de copropriétaires. Elles ne donnent pas lieu à un remboursement par le syndicat en cas de cession d’un lot (dernier alinéa du II de l’article 14-2 précité).

Enfin, si le montant du fonds atteint un montant supérieur au budget prévisionnel, le syndic inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale la question de l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux ainsi que la question de la suspension des cotisations au fonds de travaux (IV de l’article 14-2 précité).

En outre, en vertu du II de l’article 18 de la loi de 1965, les cotisations au fonds de travaux doivent être déposées par le syndic sur un compte séparé.

C.   un bilan insatisfaisant face à la nécessité de rénover le parc des copropriétés

Si la loi ALUR a permis de franchir un premier pas vers le renforcement des moyens à même de permettre la rénovation du parc des copropriétés, force est de constater que les résultats actuels sont insatisfaisants.

Le caractère facultatif du diagnostic technique global (DTG) et du plan pluriannuel de travaux, s’ils permettent de ménager le respect du droit de propriété ([225]), se heurte, comme l’analyse l’étude d’impact, à la gouvernance propre aux copropriétés, où les décisions peuvent être difficiles à adopter.

Perçu comme lourd et coûteux, le DTG est très peu – voire pas du tout pour les plus petites copropriétés –  utilisé, comme l’illustrent les tableaux ci-dessous.

Une image contenant table

Description générée automatiquement

Source : étude d’impact annexée au présent projet de loi

Une image contenant table

Description générée automatiquement

Source : étude d’impact annexée au présent projet de loi

Concernant le fonds de travaux, son caractère obligatoire a favorisé son déploiement (73 % des syndicats déclarent la constitution d’un fonds de travaux) mais le montant de la cotisation, corrélé au budget prévisionnel, est déconnecté du besoin de travaux sur le bâti.

II.   les dispositions du projet de loi

L’article 44 du présent projet de loi procède à plusieurs modifications pour instaurer une obligation d’élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux et pour moderniser les règles de calcul du fonds de travaux.

A.   L’obligation d’élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux

Les alinéas 6 à 20 substituent à la rédaction actuelle de l’article 14-2 de la loi de 1965 relative au fonds de travaux une nouvelle rédaction. La nouvelle version proposée de l’article 14-2 prévoit la mise en place d’un projet de PPT dont l’élaboration – et non l’adoption – devient obligatoire, sous certaines conditions.

Il est ainsi prévu que, dans un délai de quinze ans à compter de la date de réception des travaux de construction de l’immeuble, un projet de PPT est élaboré dans les immeubles à destination partielle ou totale d’habitation (alinéa 7). Ce projet de PPT comprend, à partir de l’analyse du bâti et des équipements de l’immeuble ainsi qu’à partir du DPE collectif prévu à l’article 40 du présent projet de loi, 3 types d’information (alinéas 7 à 11) :

– la liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants et à la réalisation d’économies d’énergie ;

– une estimation sommaire du coût de ces travaux et leur hiérarchisation ;

– une proposition d’échéancier pour les travaux dont la réalisation apparaît nécessaire pour les dix prochaines années.

L’alinéa 12 prévoit que le projet de PPT est établi par une personne disposant des compétences et des garanties requises pour l’établissement du diagnostic technique global. Le projet de PPT devra être actualisé tous les dix ans.

Des possibilités d’exemption sont prévues, dans le cas où l’immeuble a fait l’objet d’un DTG en cours de validité et que ce dernier n’a fait apparaître aucun besoin de travaux dans les dix années à venir. Dans ce cas, le syndicat est dispensé de l’obligation d’élaborer un projet de PPT durant la période de validité du diagnostic. En outre, le projet de PPT peut se fonder sur les conclusions d’un DTG en cours de validité (alinéa 13).

Comme le prévoit l’alinéa 14, le syndic inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale les modalités d’élaboration du projet de PPT, qui sont votées à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance (majorité simple).

En vertu de l’alinéa 15, les travaux mentionnés dans le projet de PPT, l’échéancier proposé et le cas échéant les conclusions du DTG sont intégrés au carnet d’entretien de l’immeuble, prévu à l’article 18 de la loi de 1965 précitée.

Les alinéas 7 à 15 ainsi décrits constituent le I du nouvel article 14-2.

Les alinéas 16 et 17 forment le II de ce même article 14-2. Ils portent sur les suites données au projet de plan pluriannuel de travaux. Celui-ci est présenté à la première assemblée générale des copropriétaires qui suit son élaboration ou sa révision. Si le projet de PPT fait apparaître la nécessité de travaux dans les dix années à venir, le syndic inscrit à l’ordre du jour de cette même assemblée la question de l’adoption de tout ou partie du projet de PPT. Cette question est soumise au vote à la majorité des voix de tous les copropriétaires (majorité absolue) (alinéa 16). Si le projet de PPT n’est pas adopté, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale appelée à approuver les comptes la question de l’adoption de tout ou partie du projet. Dans le cas où un projet de PPT a été adopté, le syndic inscrit à l’ordre du jour la question de la mise en œuvre de l’échéancier dudit plan (alinéa 17).

Les alinéas 18 à 20 prévoient les règles applicables dans le cadre de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, qui figurent dans un nouveau III de l’article 14-2 de la loi de 1965. L’autorité administrative compétente peut demander au syndic la transmission du PPT afin de vérifier que les travaux programmés permettent de garantir la sauvegarde de l’immeuble et la sécurité de ses occupants. Si le PPT n’est pas transmis dans un délai d’un mois à compter de la notification de la demande ou si le plan transmis ne prescrit manifestement pas des travaux adaptés, l’autorité peut élaborer ou actualiser d’office le PPT en lieu et place du syndicat et aux frais de ce dernier. Dès réception du PPT notifié par l’autorité administrative, le syndic convoque l’assemblée générale qui se prononce sur la question de l’adoption de tout ou partie de ce projet de plan. Il s’agit là d’appliquer au projet de PPT le même régime juridique que celui aujourd’hui existant dans le cadre du DTG, dans les conditions précisées à l’article L. 731-5 du CCH. En effet, les procédures de lutte contre l’habitat indigne requièrent souvent une intervention rapide. Dans cette hypothèse et s’agissant des copropriétés, il est important que l’autorité administrative compétente (maire, préfet, président d’établissement public de coopération intercommunale) ait rapidement connaissance de la capacité du syndicat des copropriétaires à remédier aux désordres constatés. La procédure vise ainsi à organiser un cadre d’interpellation de la copropriété sur le besoin de programmer les interventions nécessaires adaptées et proportionnées à la situation de dégradation technique des parties communes d’un immeuble ayant abouti à une procédure de police. L’objectif est donc d’accélérer les procédures de lutte contre l’habitat indigne en copropriété.

En outre, les alinéas 2 à 5 modifient l’article 14-1 de la loi de 1965. Il s’agit là d’une simple mesure de coordination. Les modifications apportées consistent à déplacer les dispositions figurant aujourd’hui au I de l’article 14-2 (dispositions relatives aux dépenses pour travaux) dans un II de l’article 14-1.

B.   les modifications apportées au fonds de travaux

Les alinéas 21 à 40 introduisent un nouvel article 14-2-1 dans la loi de 1965. Ce nouvel article concerne le fonds de travaux. L’article reprend en partie les dispositions actuelles de l’article 14-2, en les adaptant aux nouveautés introduites concernant le plan pluriannuel de travaux.

L’alinéa 22 prévoit ainsi que dans les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation, le syndicat des copropriétaires constitue un fonds de travaux à l’issue d’une période de dix ans suivant la date de réception des travaux de l’immeuble. Il faut ici relever une distinction importante avec l’état actuel du droit puisqu’aujourd’hui, le fonds de travaux doit être constitué dans les cinq années suivant la date de réception des travaux de l’immeuble.

Les alinéas 23 à 26 prévoient les dépenses auxquelles ce fonds peut concourir. Il s’agit des dépenses pour :

– l’élaboration du projet de PPT et le cas échéant du diagnostic technique global ;

– la réalisation des travaux prévus dans le PPT lorsque celui-ci est adopté par l’assemblée générale des copropriétaires ;

– les travaux décidés en cas d’urgence par le syndic en vertu des dispositions prévues au troisième alinéa de l’article 18 de la loi de 1965 ;

– les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants et à la réalisation d’économie d’énergie non prévus dans le PPT.

Il convient de relever que cette liste est davantage précise et resserrée que la version actuelle prévue à l’article 14-2, selon laquelle le fonds de travaux permet de financer toute dépense liée aux obligations légales ou réglementaires ainsi que toutes dépenses pour travaux décidées par l’assemblée générale des copropriétaires. L’objectif est de corréler plus directement le fonds de travaux à l’éventuel plan pluriannuel de travaux adopté en recentrant ses dépenses sur les travaux relatifs à la sécurité, à la salubrité et à la réduction de la consommation d’énergie.

Le fonds de travaux est alimenté par une cotisation annuelle obligatoire. Les copropriétaires contribuent à cette cotisation selon les mêmes modalités que celles décidées par l’assemblée générale pour le versement des provisions du budget prévisionnel (alinéa 27). L’assemblée générale peut par un vote à la même majorité que celle applicable aux dépenses concernées, affecter tout ou partie des sommes du fonds pour financer les dépenses précitées (alinéa 28).

Si cette cotisation existe déjà en vertu de l’article 14-2 actuel, le présent projet de loi modifie quelque peu les modalités de calcul du montant minimal de cette cotisation. Ainsi, en cas d’adoption du PPT, le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le plan adopté et à 5 % du budget prévisionnel. Le droit actuel prévoit uniquement une cotisation devant être a minima égal à 5 % du budget prévisionnel. La nouveauté consiste donc à prévoir une cotisation de 2,5 % en lien direct avec le montant des travaux établis dans le cadre du PPT. Dans le cas où le PPT n’est pas adopté, la cotisation annuelle ne peut être inférieure à 5 % du budget prévisionnel, ce qui ne change pas par rapport au droit existant (alinéa 29). Un montant supérieur peut être décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires (alinéa 30).

L’assemblée générale se prononce sur la question de la suspension des cotisations lorsque le montant du fonds excède le montant du budget prévisionnel. Dans le cas où un PPT a été voté, la cotisation peut être suspendue lorsque le fonds de travaux excède 50 % du montant des travaux prévus dans le plan adopté (alinéa 31).

L’alinéa 32, qui clôt la rédaction du nouvel article L. 14-2-1 précise que les sommes versées au titre du fonds de travaux sont attachées aux lots et entrent définitivement dès leur versement dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires. Elles ne donnent pas lieu à un remboursement par le syndicat des copropriétaires à l’occasion de la cession du lot. Il s’agit là d’une coordination qui ne change rien par rapport au droit existant, l’article 14-2 prévoyant déjà cette règle.

L’alinéa 33 procède à des coordinations liées au changement de référence de l’article de la loi de 1965 relatif au fonds de travaux, dont les règles ne figureront donc non plus à l’article 14-2 mais à l’article 14-2-1. Ainsi, des modifications de référence sont nécessaires :

– à l’article 10 de la loi de 1965, qui prévoit notamment les conditions dans lesquelles les copropriétaires sont tenus de verser une contribution au fonds de travaux ;

– à l’avant dernier alinéa de l’article 18 de la loi précitée qui prévoit que les cotisations au fonds de travaux doivent être versées sur un compte séparé ;

– au troisième alinéa de l’article 19-2 de la loi précitée qui prévoit les conditions dans lesquels le président du tribunal judiciaire peut condamner un copropriétaire au paiement des provisions ou sommes exigibles ;

– au premier alinéa de l’article 29-1 A de la loi précitée, qui prévoit les règles applicables en cas d’impayés supérieurs à 25 % des sommes exigibles en vertu du budget prévisionnel et du fonds de travaux ;

– et enfin à l’article 41-15 de la loi précitée qui prévoit qu’en cas de conflits d’intérêt du syndic non professionnel, le copropriétaire qui n’est pas syndic peut exercer une action contre l’autre copropriétaire en paiement des provisions sur charges dues au titre du budget prévisionnel et du fonds de travaux.

L’alinéa 34 procède également à une modification de coordination liée aux changements de références prévus par le présent article. Ainsi, le premier alinéa du III de l’article L. 18-1-A, prévoit actuellement que les travaux mentionnés à l’article 14-2 peuvent faire l’objet d’honoraires spécifiques au profit du syndic. La référence à l’article 14-2 est remplacée par une référence au II de l’article 14-1, qui, tel que modifié par le présent article mentionne spécifiquement les dépenses pour travaux.

L’alinéa 35 concerne également une coordination juridique liée aux changements de références. Ainsi, il est nécessaire de supprimer la référence au I de l’article 14-2 qui figure aujourd’hui à l’article 19-2 de la loi de 1965 (règles d’exigibilité des provisions dues dans le cadre du budget prévisionnel ou des dépenses pour travaux) puisque le I de l’article 14-2 devient désormais le II de l’article 14-1.

L’alinéa 36 procède également à une coordination : il s’agit de remplacer à l’article 24-4 de la loi de 1965 la référence 731-2 du CCH par une référence à l’article 14-2 précité, qui constitue désormais le bon article pour faire référence au plan pluriannuel de travaux.

Les alinéas 37 à 51 prévoient plusieurs modifications au code de la construction et de l’habitation.

L’article L. 721-2 du CCH, qui énumère l’ensemble des documents devant être transmis à l’acquéreur au plus tard à la date de la signature de la promesse de vente en cas de vente d’un lot ou d’une fraction de lot en copropriété, est modifié. À la liste des pièces devant être obligatoirement fournies figurent désormais le plan pluriannuel de travaux (nouveau 6° de l’article L. 721-2 – alinéa 42) ou à défaut le projet de plan pluriannuel (nouveau 7° de l’article L. 721-2 – alinéa 43).

Les alinéas 44 à 46 tirent les conséquences de ces ajouts. Il s’agit ainsi de préciser qu’à l’image d’un ensemble d’autres documents, le plan pluriannuel de travaux ou le cas échéant le projet de plan n’est pas exigé lorsque l’acquéreur est déjà propriétaire d’au moins un lot dans la même copropriété (alinéa 44) ni en cas de vente ou de cession de droit réel immobilier relatif à un lot ou une fraction de lot annexe (alinéa 45). Enfin, lorsque l’acte authentique n’est pas précédé d’une promesse de vente, le plan pluriannuel de travaux ou le cas échéant, le projet de plan devra être joint au projet d’acte authentique de vente notifié ou remis à l’acquéreur (alinéa 46).

Les alinéas 47 et 48 modifient l’article L. 731-1 du CCH qui porte sur le diagnostic technique global. Son champ est élargi puisque la rédaction proposée prévoit que ce diagnostic doit comprendre une liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants et à la réalisation d’économie d’énergie.

Les alinéas 49 et 50 remplacent la rédaction actuelle de l’article L. 731-2 du CCH. En effet, dans sa version actuelle, l’article prévoit que lors de la présentation en assemblée générale du diagnostic technique global (premier alinéa de l’article L. 731-2) doit être étudiée la question de l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux ainsi que les modalités générales de son éventuelle mise en œuvre (deuxième alinéa de l’article L. 731-2). L’article 44 du présent projet de loi met en place un dispositif nouveau de projet de plan pluriannuel de travaux. Par conséquent et dans un souci de cohérence, les alinéas 49 et 50 suppriment les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 731-2. La nouvelle rédaction proposée de l’article L. 731-2 prévoit ainsi simplement que le diagnostic technique global est présenté à la première assemblée générale qui suit sa réalisation ou sa révision (ce qui correspond à l’actuelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 731-2).

L’alinéa 51 abroge l’article L. 731-3 du CCH. Cet article prévoit l’intégration au carnet d’entretien des travaux dont la réalisation apparaît nécessaire notamment aux termes du diagnostic technique global le cas échéant complété par des études complémentaires.

L’alinéa 52 apporte une modification de coordination à l’article 31 du code général des impôts. Celui-ci prévoit les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net. Parmi ces dernières figurent « Les provisions pour dépenses, comprises ou non dans le budget prévisionnel de la copropriété, prévues à l’article 14-1 et au I de l’article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, supportées par le propriétaire, diminuées du montant des provisions déduites l’année précédente qui correspond à des charges non déductibles ». L’alinéa 52 supprime la référence au I de l’article 14-2 qui n’a plus lieu d’être en raison des modifications apportées par l’article. Le I de l’article 14-2 étant désormais intégré à l’article 14-1, il s’agit là d’une simple coordination qui ne change rien par rapport au droit existant.

L’alinéa 53 apporte également une modification de coordination juridique. Il s’agit de remplacer la référence à l’article 14-2 de la loi de 1965 par la référence au nouvel article 14-2-1 dans deux articles : d’une part à l’article 2374 du code civil qui porte sur les créanciers privilégiés sur les immeubles et d’autre part à l’article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, qui prévoit les garanties nécessaires pour disposer d’une carte professionnelle.

En vertu des alinéas 54 à 61, l’article 44 entre en vigueur au :

– 1er janvier 2023, pour les syndicats de copropriétaires comprenant plus de 200 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces ;

– 1er janvier 2024, pour les syndicats de copropriétaires comprenant un nombre de lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces compris entre 51 et 200 ;

– 1er janvier 2025, pour les syndicats de copropriétaires comprenant au plus 50 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces.

Enfin, les alinéas 58 à 61 décalent d’un an ces dates pour ce qui concerne l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l’article L. 721-2 du CCH (transmission du plan pluriannuel de travaux ou à défaut du projet de plan pluriannuel de travaux à l’acquéreur en cas de vente).

La mise en place d’un projet de plan pluriannuel de travaux et les adaptations portées au fonds de travaux font du présent article 44 un levier considérable pour encourager la rénovation énergétique du parc des copropriétés.

En outre, ces dispositions assurent un équilibre constitutionnel satisfaisant entre le respect du droit de la propriété et l’objectif d’intérêt général qui consiste à favoriser la rénovation énergétique dans les copropriétés.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉcialE

La commission a adopté cet article, modifié par douze amendements dont un ayant fait l’objet d’un sous-amendement.

Huit de ces amendements sont des amendements rédactionnels ou de coordination juridique (CS5198, CS5199, CS5200, CS5202, CS5203, CS5204, CS5205 et CS5206). Deux amendements rédactionnels, identiques à ceux du rapporteur, déposés par Mme Emmanuelle Anthoine (LR), ont également été adoptés (CS257 et CS258).

Deux amendements identiques, déposés par Mme Claire Pitollat (LaREM), et M. Vincent Descoeur (LR) (respectivement CS256 et CS631) ont également été adoptés, dans une version sous amendée par le rapporteur (CS5418). Il s’agit avec ces amendements dans leur version sous-amendée de prévoir explicitement que le projet de plan pluriannuel de travaux donne une estimation du niveau de performance énergétique de l’immeuble que les travaux prévus dans cedit projet doivent permettre d’atteindre ([226]).

Article 44 bis (nouveau)
(article 685-2 [nouveau] du code civil)
Instauration d’un droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur

Créé par la commission spéciale

 

L’article 44 bis introduit un droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur pour faciliter la rénovation énergétique.

Cet article résulte de l’adoption de l’amendement CS5331 du rapporteur. Cet article a pour objet de faciliter l’isolation thermique des immeubles par l’extérieur.

L’objectif de rénovation des logements nécessite de favoriser l’isolation des bâtiments par l’extérieur. Or cette dernière est rendue très difficile pour les bâtiments construits en limite de propriété car dépendante d’un accord entre les propriétaires des deux fonds, permettant l’empiétement ou le surplomb sur la propriété voisine.

C’est la raison pour laquelle le présent article instaure un droit de surplomb, qui rend possible l’isolation thermique par l’extérieur d’un bâtiment en limite de propriété. Un nouvel article 685-2 est introduit dans le code civil en ce sens. Il détaille les modalités de mise en œuvre de ce droit de surplomb et prévoit notamment que l’ouvrage d’isolation ne peut être établi qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur ou du sol et sur une épaisseur de 50 centimètres au plus. Il prévoit une obligation de démontage de l’ouvrage en cas de construction nouvelle afin de préserver les droits du propriétaire du fonds voisin.

Article 45
Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l’harmonisation des références de classes de DPE ainsi que les mesures nécessaires pour créer une police administrative du contrôle des règles de la construction

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances :

– dans un délai d’un an, les mesures nécessaires pour harmoniser les références aux classes de DPE ;

– dans un délai de 18 mois, les mesures nécessaires pour créer une police administrative du contrôle des règles de la construction.

I.   le droit en vigueur

A.   les seuils chiffrés du DPE

En l’absence d’assise législative donnée aux étiquettes du DPE (voir le commentaire de l’article 39), le droit comporte aujourd’hui un certain nombre de références chiffrées, indiquant des seuils au-delà desquels un certain nombre d’obligations ou de règles particulières prévalent.

On peut notamment citer l’utilisation récurrente du seuil de 331 kWh par m2 et par an, qui permet de viser les passoires énergétiques. En particulier, la loi énergie et climat a retenu ce seuil pour fixer plusieurs obligations, qui sont aujourd’hui codifiées dans le code de la construction et de l’habitation (voir les commentaires d’articles 39, 40, 41 et 42, notamment) : obligation de rénovation (article L. 173-2 du CCH), règles du logement indécent (décret pris en application de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989), obligation d’information (article L. 173-2 du CCH), obligations d’audits énergétiques (articles L. 126-27 et L. 126-28), etc.

En raison des modifications découlant de l’article 39 du présent projet de loi, il est nécessaire d’harmoniser l’ensemble de ces références en les remplaçant par une mention des étiquettes prévues au nouvel article L. 173-1-1 du CCH, et ce d’autant plus que dans le cadre de la réforme du DPE, un système de double seuil en consommation d’énergie primaire et en émission de gaz à effet de serre s’appliquera (avec la retenue du plus mauvais des deux seuils ([227])).

B.   LE respect des règles de construction

1.   Le contrôle du respect des règles de la construction

Le titre VIII (articles L. 181-1 à L. 181-8) du livre Ier du code de la construction prévoit les règles relatives au contrôle et sanctions applicables afin de s’assurer de l’application des règles du code et le cas échéant de punir leur non‑respect.

Les articles L. 181-1 à L. 186-8 forment ainsi le cadre juridique applicable en matière du contrôle du respect des règles de construction (CRC). Les contrôleurs sont des agents de l’État ou des collectivités territoriales, assermentés et commissionnés à cet effet. Le CRC peut s’exercer jusqu’à 6 ans après l’achèvement des travaux. L’organisation des contrôles est réalisée à l’échelon départemental, en fonction notamment de la politique régionale de la qualité de la construction. Concrètement, le CRC fonctionne par échantillonnage de constructions neuves, en fonction d’une part d’un tirage statistique, et d’autre part de la politique de contrôle locale.

Source : guide du CEREMA

Le contrôle du respect des règles de construction (CRC) est aujourd’hui assis sur un régime de police judiciaire. Les agents commissionnés et assermentés précités constatent les infractions aux règles établies par ce même code sous l’autorité du procureur de la République. Comme l’explique l’étude d’impact : « en pratique, les services déconcentrés engagent la plupart du temps, avec l’accord du procureur, une procédure de médiation avec le maître d’ouvrage afin que ce dernier remette en conformité son opération ». Plus de 80 % des opérations contrôlées présentent au moins une non-conformité et font l’objet à ce titre d’un procès-verbal ([228]). Le procureur peut théoriquement engager des poursuites à l’encontre du maître d’ouvrage mais comme l’indique l’étude d’impact, moins de 1 % des dossiers font l’objet d’un jugement correctionnel.

Environ 600 contrôles sont recensés chaque année (en augmentation ces dernières années) ce qui représente chaque année environ 5,5 à 10 % des opérations de deux logements ou plus.

En outre, on peut noter que depuis l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction, prise en application de l’habilitation accordée par l’article 49 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi « ESSOC », les services actuellement chargés du contrôle du respect des règles de construction se sont vus confier un pouvoir de police administrative afin de contrôler et sanctionner le respect de la procédure de mise en œuvre des solutions d’effet équivalent ([229]).

De façon complémentaire au CRC, le droit prévoit également les règles applicables au contrôle technique de la construction (CTC), qui fait référence à un contrôle exercé par des prestataires privés pour le compte des maîtres d’ouvrage. Le contrôleur technique émet un avis à la demande du maître d’ouvrage sur les aspects liés à la construction en matière de solidité et de sécurité des personnes, mais plus globalement de respect de la réglementation (art. L.111-23 du CCH). L’activité de contrôle technique est soumise à agrément de la part de l’État et est incompatible avec toute activité de conception, d’exécution et d’expertise d’un ouvrage (art. L.111-26 du CCH).

2.   Les attestations assurant le respect des règles de la construction

Lors du dépôt d’une demande de permis de construire et au dépôt de la déclaration attestant l’achèvement des travaux (DAACT), le maître d’ouvrage doit communiquer, parmi les pièces constitutives du dossier, un certain nombre d’attestations de prise en compte des règles de construction (articles L.122-3 et L.122-7 à L.122-11 du CCH).

En particulier, l’article L. 122-8 du CCH prévoit qu’après achèvement des travaux de construction des bâtiments soumis à permis de construire et des travaux de rénovation de bâtiments existants soumis à autorisation de construire, le maître d’ouvrage fournit à l’autorité qui a délivré l’autorisation un document attestant que les règles de construction en matière de performance énergétique et environnementale ont été prises en compte par le maître d’œuvre ou, en son absence, par lui-même. Cette attestation est établie, selon les catégories de bâtiments par :

– un contrôleur technique ;

– une personne répondant aux conditions prévues par l’article L. 271-6 (diagnostiqueur) ;

– un organisme ayant certifié la performance énergétique du bâtiment et ayant signé une convention avec le ministre chargé de la construction ;

– un architecte.

Des attestations sont également prévues en matière d’accessibilité, de réglementation acoustique et de prévention des risques sismiques et cycloniques.

II.   les dispositions du projet de loi

A.   harmonisation des références aux classes du dpe

Le I de l’article 45 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, les mesures nécessaires pour remplacer les dispositions relatives à la consommation énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment et comportant des références chiffrées par une référence à un niveau de performance pour unifier et harmoniser ces dispositions avec la rédaction proposée de l’article L. 173-1-1 du CCH. Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans les trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

B.   ordonnance visant à renforcer l’effectivité des règles de construction

Le II de l’article 45 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi et dans l’objectif de renforcer l’effectivité des règles de construction posées au livre Ier du CCH, les mesures pour :

1° créer dans le CCH un régime de police administrative portant sur le contrôle des règles de construction comportant notamment des sanctions administratives ;

2° procéder à la mise en cohérence de ce régime de police administrative avec le régime de contrôle et de sanctions pénales prévu au titre VIII du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, relatif au respect des règles de construction, le cas échéant par la suppression ou la modification de certaines infractions ;

modifier le champ d’application et les conditions de délivrance des attestations relatives au respect des règles de construction prévues au titre II du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, notamment s’agissant des personnes physiques ou morales susceptibles de les délivrer ainsi que des qualités et garanties qu’elles doivent présenter à cet effet, et de préciser les conditions d’utilisation de ces attestations dans le cadre des contrôles mentionnés aux 1° et 2° ;

4° mettre en cohérence les dispositions du code de l’urbanisme avec les modifications du code de la construction et de l’habitation résultant des 1° et 3°.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Cette ordonnance doit donc permettre de définir, en complément du régime de police judiciaire actuel, un régime de police administrative du CRC associée à une procédure de mise en demeure ainsi que les sanctions administratives afférentes.

Comme l’explique l’étude d’impact, un régime de police administrative serait plus à même de contrôler le respect de la réglementation sur la base des attestations fournies par le maître d’ouvrage et de vérifier leur complétude ainsi que leur conformité. Cette police administrative pourrait aussi fixer des sanctions proportionnées à la gravité de la non-conformité. Par ailleurs, le CRC n’est pas un contrôle exhaustif : il est effectué sur la base d’un échantillonnage et toutes les rubriques de la réglementation ne sont pas systématiquement contrôlées. Afin de parvenir à une plus grande exhaustivité des mécanismes de contrôle, il est proposé de simplifier et d’étendre le régime des attestations, actuellement limité à quelques rubriques de la réglementation de la construction. Le contenu des attestations devant être renseigné par le maître d’ouvrage sera enrichi et sa délivrance pourra reposer sur l’intervention sur place d’un tiers pour vérifier le respect de la réglementation.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission a adopté cet article, modifié par deux amendements du rapporteur.

L’amendement CS5208 supprime l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre les dispositions de coordination induites par la création d’une assise législative pour les classes du diagnostic de performance énergétique (DPE). En effet, ces dispositions feront l’objet d’une inscription directe de ces dispositions dans le présent projet de loi (nouvel article 45 bis).

L’amendement CS5362 réduit le délai de l’habilitation dont dispose le Gouvernement pour prendre l’ordonnance prévue au II du présent article de 18 à 12 mois.

Article 45 bis (nouveau)
(article L. 173-2 du code de la construction et de l’habitation, articles 18 et 23-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi  861290 du 23 décembre 1986, article 5 de la loi n° 2015992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 25 de la loi n° 20191147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat)
Inscription « en dur » des dispositions de coordinations juridiques liées à la nouvelle assise législative du DPE

Créé par la commission spéciale

 

Cet article assure les coordinations juridiques nécessaires du fait de la création d’une assise législative de l’échelle de référence du DPE.

Cet article, adopté à l’initiative d’un amendement du rapporteur (CS5209) permet d’inscrire « en dur » l’ordonnance initialement prévue au I de l’article 45 du présent projet de loi.

Il s’agit d’assurer les coordinations juridiques nécessaires du fait de la création d’une assise législative de l’échelle de référence du DPE. Il s’agit ainsi de faire référence aux classes de DPE telles que prévues à l’article 39 du projet de loi, en remplacement des seuils précis que l’on trouve à plusieurs endroits dans la loi, qui ne sont plus à jour de la réforme en double seuil du DPE. Les coordinations nécessaires sont donc assurées :

–  à l’article L. 173-2 du CCH (voir le commentaire de l’article 42) ;

– aux articles 18 et 23-1 de la loi du 6 juillet 1989 (voir le commentaire de l’article 41) ;

– à l’article 5 de la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (objectif programmatique relatif à l’éradication des passoires thermiques) ;

– à l’article 25 de la loi énergie et climat, qui prévoit la remise d’un rapport annuel sur l’atteinte des objectifs de rénovation énergétique.

Article 45 ter (nouveau)
Ratification de l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation

Créé par la commission spéciale

 

L’article 45 ter procède à la ratification de n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

La commission spéciale a adopté l’amendement CS3913 du Gouvernement, qui entérine la ratification de l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

Cette ordonnance a été prise en application de l’habilitation prévue au II de l’article 49 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC).

Outre l’importante recodification à laquelle elle procède, l’ordonnance a également permis de généraliser en l’intégrant au droit commun la démarche d’innovation, qui n’était qu’expérimentale dans le cadre de l’ordonnance n° 2018‑937 du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation ([230]).

Article 45 quater (nouveau)
(article L. 1741 du code de la construction et de l’habitation)
Élargissement du champ des bâtiments soumis aux obligations « tertiaires »

 

Créé par la commission spéciale

 

L’article 45 quater apporte des modifications à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation qui porte sur les obligations de réduction de la consommation énergétique applicables aux bâtiments tertiaires. L’article élargit aux bâtiments construits depuis la loi ELAN ces obligations et apporte des précisions  pour éviter que des actions d’économie d’énergie, engagées par les assujettis pour satisfaire les exigences prévues à l’article L. 174-1, conduisent à une réduction du recours aux énergies renouvelables. Enfin, l’article précise également que la remontée des informations afférentes à ces obligations doit être annuelle.

I.   le droit en vigueur

L’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit les règles applicables en matière de rénovation énergétique des bâtiments tertiaires. Il reprend les dispositions qui figuraient auparavant à l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation, abrogé dans le cadre de l’ordonnance de recodification précitée.

Introduit par la loi Grenelle 2, puis modifié par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le dispositif actuel résulte de la loi ELAN, qui est venu préciser et détailler les obligations applicables aux bâtiments tertiaires. En application des modifications apportées par la loi ELAN, un nouveau décret « tertiaire » est paru en juillet 2019 (décret en Conseil d’État n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire).

L’article L. 174-1 prévoit ainsi que des actions de réduction de la consommation d’énergie finale sont mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire existants à la date de publication de la loi ELAN. Ces actions doivent permettre la réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments concerné d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.

L’article précise que : « tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l’obligation doit atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, les objectifs suivants :

« 1° Soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 ;

« 2° Soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie ».

Ces objectifs peuvent être modulés en fonction de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ; d’un changement de l’activité exercée ou de coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale.

L’article indique que « la chaleur fatale autoconsommée par les bâtiments soumis à obligation peut être déduite de la consommation. La consommation d’énergie liée à la recharge de tout véhicule électrique et hybride rechargeable est déduite de la consommation énergétique du bâtiment et n’entre pas dans la consommation de référence ».

L’article prévoit également les modalités de l’information relative au respect de cette obligation en cas de vente ou de location et renvoie au décret en Conseil d’État le soin de préciser les sanctions administratives applicables.

Des dispositions figurent également afin d’organiser le recueil et la mise à disposition des informations relatives aux données de consommation et au suivi de la réduction de la consommation d’énergie, le détail de ces dispositions étant précisé dans le décret en Conseil d’État précité.

II.   les travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS4724 déposé par M. Vincent Thiébaut (LaREM) qui apporte plusieurs modifications à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation.

Il s’agit principalement d’élargir le champ d’application de ces obligations aux bâtiments créés depuis la loi ELAN (alinéa 3). Comme le précise l’exposé sommaire de l’amendement, l’objectif est triple :

« – supprimer l’inégalité de traitement entre les bâtiments existants à la date de publication de la loi ELAN qui sont assujettis et ceux qui sont mis en service après cette date ;

«  inclure dans l’obligation les bâtiments les plus récents pour lesquels des efforts peuvent être à produire sur les " process " et qui ne sont pas encadrés par la réglementation existante.

«  inclure l’atteinte de l’objectif à l’échelle de tout ou partie d’un patrimoine en incluant des bâtiments performants, ce qui correspond à une volonté forte de l’ensemble des acteurs qu’il s’agisse du secteur privé ou public ».

Les modifications apportées visent également à éviter que des actions d’économie d’énergie, engagées par les assujettis pour satisfaire les exigences du L. 174-1, conduisent à une réduction du recours aux énergies renouvelables, par exemple en remplaçant des systèmes de chauffage vertueux comme des réseaux de chaleur urbains par des équipements ayant une part d’énergie renouvelable plus faible. C’est en ce sens que le quatrième alinéa de l’article précise que les actions de réduction de consommation d’énergie finale ne « peuvent conduire ni à une augmentation du recours aux énergies non renouvelables, ni à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre ». 

Enfin, l’article vient préciser que la remontée des informations des consommations énergétiques par les assujettis doit avoir lieu annuellement (alinéas 5 et 6).

Chapitre II
Diminuer la consommation d’énergie

Article 46
(article L. 2222-1-1 A [nouveau] du code général de la propriété des personnes publiques)
Diminuer la consommation d’énergie superflue

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article 46 conditionne l’octroi des autorisations d’occupation temporaire du domaine public à certains critères, notamment environnementaux, qui doivent être précisés par un décret en Conseil d’État.

I.   le droit en vigueur

A.   L’ARTICLE L. 2122-1 du code général de la propriÉtÉ des personnes publiques

Introduit par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques encadre le droit d’occupation temporaire du domaine public d’une personne publique, défini à l’article L. 2111-1 de ce même code ([231]), par des personnes privées. Il vient proposer une réécriture, aux implications juridiques proches, de l’article L. 23 du code du domaine de l’État, abrogé par l’ordonnance précitée. Si le domaine public de l’État et des collectivités territoriales est « inaliénable et imprescriptible », l’octroi ([232]) d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public par la personne morale propriétaire ou gestionnaire du domaine en question permet d’en définir les modalités d’utilisation et de gestion dans le cadre d’un usage privatif dépassant le simple « droit d’usage appartenant à tous ». L’usage privatif du domaine public est donc subordonné à la délivrance, pour une durée déterminée, d’un titre d’occupation, incessible et révocable, par le gestionnaire du domaine public, qu’il s’agisse de l’État, d’une collectivité territoriale ou de son groupement, ou encore d’un établissement public. L’usage qui en est fait doit demeurer parfaitement conforme à l’affectation initiale qui aura été déterminée lors de la signature de l’AOT. Enfin, des droits réels peuvent être conférés par cette autorisation de sorte à faciliter les investissements assumés par l’occupant privé temporaire du domaine public.

On peut noter que l’article L.2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques a fait l’objet d’une révision par suite de l’adoption de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, qui vient compléter l’article initial par deux alinéas supplémentaires. Ces derniers viennent préciser les conditions dans lesquelles une AOT peut être accordée par anticipation à une personne privée, dans le cas où une dépendance du domaine privé d’une personne publique doit être incorporée, dans un délai n’excédant pas six mois, au domaine public de cette même personne publique.

B.   La prise en compte de critères environnementaux en matiÈre d’autorisations d’occupation temporaire du domaine public

Il n’existe actuellement aucune disposition générale de nature législative ou réglementaire, que ce soit dans le code général des collectivités territoriales ou dans le code de la propriété des personnes publiques, qui subordonne obligatoirement l’octroi d’autorisations d’occupation temporaire du domaine public au respect de certaines considérations d’ordre environnemental.

Des dispositions existent pour certains cas particuliers. Ainsi, les autorisations ayant une « incidence environnementale prononcée » sont encadrées à l’article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques ([233]), qui conditionne les décisions d’utilisation du domaine public maritime à la réalisation préalable d’une étude d’impact environnemental, ainsi qu’à l’article L. 311-5 du code de l’énergie, qui dispose que l’autorité administrative autorisant l’exploitation d’une production d’électricité tienne compte de « l’impact de l’installation sur les objectifs de lutte contre l’aggravation de l’effet de serre ».

Les personnes publiques peuvent toutefois prendre en compte des critères environnementaux dans le cadre des autorisations d’occupation du domaine publique sur un fondement jurisprudentiel. Comme le rappelle l’étude d’impact, « le juge rattache ces prescriptions à un motif d’intérêt général et accepte leur légalité lorsqu’elles sont aptes à réaliser l’objectif poursuivi et proportionnées dans leurs contraintes (CAA Paris, 1er juin 2015, n° 13PA01166). Cette jurisprudence ne vise pas un article codifié, mais elle est implicitement rattachée à la disposition générale de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) selon laquelle " nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique " ». En vertu de cette disposition, l’autorité gestionnaire du domaine dispose d’une grande liberté pour délivrer ou refuser une autorisation d’occupation du domaine public.

Sur ce fondement jurisprudentiel, plusieurs communes ont fait le choix via un arrêté municipal portant règlementation de l’occupation temporaire du domaine public, de prendre en compte certains critères environnementaux pour accorder leurs AOT. C’est notamment le cas de Rennes et de Thonon-les-Bains. À Paris, la réglementation applicable en la matière prévoit déjà l’interdiction du chauffage pour les contre-terrasses, qui reste toutefois autorisé pour les terrasses fermées, ouvertes, et semi ouvertes.

II.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article vient compléter le premier alinéa de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques par une disposition permettant de subordonner obligatoirement la délivrance des autorisations temporaires d’occupation (AOT) d’une dépendance du domaine public à la prise en compte, entre autres, de considérations environnementales. Jusqu’à présent, aucune disposition générale ne conditionnait l’octroi d’autorisations d’occupation temporaire du domaine public au respect de quelconques prescriptions environnementales. Il convient de noter que le domaine de la mesure est particulièrement large, puisque toutes les autorisations d’occupation temporaire du domaine public sont concernées, quelle que soit l’activité envisagée sur le domaine en question et quelle que soit la nature administrative ([234]) de l’autorisation.

Cette modification de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques a pour objectif de créer une assise législative à l’interdiction, sur l’ensemble du territoire national, des terrasses chauffées en hiver, proposée par la Convention citoyenne pour le climat et réaffirmée lors du Conseil de défense écologique en juillet 2020, les chauffages et climatiseurs en extérieur ayant été jugés trop énergivores eu égard à leur utilité réelle.

Le présent article ne constitue qu’une base législative que viendront compléter diverses dispositions de nature réglementaire. En effet, les critères retenus, qu’ils soient environnementaux ou autres, à la lumière desquels sera apprécié par le gestionnaire du domaine public le bon respect des conditions d’octroi d’une AOT, doivent faire l’objet d’un décret en Conseil d’État. L’impact précis de la mesure sur la diminution de la consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre dépendra donc des dispositions d’applications retenues par voie réglementaire. Par ailleurs, aucune date d’entrée en vigueur de la mesure n’est arrêtée à ce stade.

Cet article s’inscrit dans le cadre de la proposition SL2.1 de la Convention citoyenne pour le climat qui préconise de contraindre par des mesures fortes les espaces publics et les bâtiments tertiaires à réduire leur consommation d’énergie.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS5352 du rapporteur. Cet amendement réécrit l’article 46 en poursuivant deux objectifs :

– clarifier la rédaction de l’article 46 du projet de loi, qui en l’état, est très large et peu précise ;

–  prévoir une entrée en vigueur différée de ces dispositions pour le 31 mars 2022, afin de laisser un temps d’adaptation nécessaire aux acteurs en raison de la crise économique et sanitaire actuelle.

Ainsi, la rédaction retenue introduit un nouvel article L. 221-1-1-A dans le code général de la propriété des personnes publiques, qui interdit l’utilisation sur le domaine public de système de chauffages fonctionnant en extérieur. Il est précisé que les titres d’occupation du domaine public ne peuvent être délivrés lorsque cette interdiction n’est pas respectée. Un décret doit venir préciser les conditions d’application de ces dispositions. Enfin, l’article prévoit une entrée en vigueur différée pour le 31 mars 2022.

 

Chapitre III
Lutter contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles d’urbanisme

Section 1
Dispositions de programmation

Article 47
Programmation nationale de l’effort de réduction de l’artificialisation

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article de programmation dispose que le rythme national de l’artificialisation des sols doit être tel que, sur la décennie à venir, la consommation totale d’espace observée soit inférieure à la moitié de la consommation totale observée sur la décennie écoulée. Cette première tranche décennale s’insère dans la stratégie d’atteinte de l’objectif de l’absence de toute artificialisation nette en 2050.

I.   le droit en vigueur

A.   L’impact de l’artificialisation sur la biodiversitÉ

Selon un rapport publié en 2018 par la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), l’artificialisation joue un rôle prépondérant dans l’érosion de la biodiversité via la destruction d’habitats naturels et de continuités écologiques.

Les surfaces des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) ont des sols perméables et constituent des réservoirs de biodiversité. L’artificialisation engendre des problématiques de long terme dans les modifications qu’elle fait subir aux sols, qui peuvent être difficilement réversibles. Dans tous les cas, les sols artificialisés, lorsqu’ils viennent le cas échéant à être renaturés, nécessitent du temps pour retrouver leurs caractéristiques. L’artificialisation entraîne en effet des pertes de deux sortes. D’une part, l’érosion et l’excavation engendrent des pertes de matière. D’autre part, les pollutions et les contaminations diverses engendrent des pertes des propriétés des sols, en termes notamment de baisse de fertilité.

Afin de parer à ces problématiques, la Commission européenne a annoncé, dès le lancement de son septième programme d’action environnementale en 2014, un effort pour mettre en place, à l’horizon 2020, des politiques visant à parvenir à un objectif d’absence d’artificialisation nette des terres ([235]) d’ici 2050.

En France, le Gouvernement a fait de l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols un axe majeur de sa politique d’aménagement de l’espace et de préservation de la biodiversité en annonçant, dans le cadre du Plan Biodiversité publié par le Gouvernement le 4 juillet 2018, un objectif de « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) avec un terme à 2050.

B.   la notion d’artificialisation des sols

1.   Les difficultés de trouver une définition communément partagée

L’artificialisation des sols ([236]) a été définie en 2015 par la commission générale de terminologie et de néologie comme la « transformation d’un sol à caractère naturel ou agricole par des actions d’aménagement, pouvant entraîner son imperméabilisation totale ou partielle » ([237]). Plus généralement, dans la littérature scientifique, il existe deux approches de l’artificialisation :

– l’approche quantitative, qui considère le phénomène en termes de surfaces d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) transformées en sols artificialisés ;

– l’approche qualitative, qui prend en compte la nature de la transformation des sols, des impacts de cette transformation, ainsi que la localisation des zones affectées ([238]).

L’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF) définit l’artificialisation comme le « changement d’état effectif d’une surface agricole, forestière ou naturelle vers des surfaces artificialisées, c’est-à-dire les tissus urbains, les zones industrielles et commerciales, les infrastructures de transport et leurs dépendances, les mines et carrières à ciel ouvert, les décharges et chantiers, les espaces verts urbains (espaces végétalisés inclus dans le tissu urbain), et les équipements sportifs et de loisirs » ([239]).

De façon générale, il est admis que l’artificialisation comme notion recouvre des processus hétérogènes, qui vont de la transformation d’un champ agricole en espace vert à la transformation du même champ en parc de stationnement. Cette extension de la notion peut amener à comptabiliser pareillement ces deux processus très distincts dans leur nature comme dans leurs impacts ([240]).

2.   Une notion qui permet d’agir pour des dynamiques d’aménagement
favorables

Au cours des années 2019 et 2020, les ministères chargés de l’environnement, de l’agriculture, de l’urbanisme et des collectivités ont réuni au sein d’un groupe de travail sur l’artificialisation des experts et professionnels intéressés, ainsi que des élus. Ceux-ci se sont prononcés en faveur d’une définition qui permette la conciliation de deux objectifs majeurs :

– appréhender d’une part le degré d’atteinte à la fonctionnalité des sols, notamment pour la régulation hydraulique, la préservation de la biodiversité, et la fertilité agronomique ;

– valoriser les espaces de nature en ville et les surfaces non imperméabilisées, qui concourent au rafraîchissement urbain, à la restauration de la biodiversité en ville, et à l’amélioration de la qualité du cadre de vie. La lutte contre l’artificialisation des sols peut en effet favoriser le recyclage des fonciers déjà artificialisés et la densification des tissus déjà urbanisés. Les membres du groupe de travail ont souhaité souligner que ces évolutions ne doivent pas se faire au détriment des espaces végétalisés.

C.   La mesure de l’artificialisation des sols

1.   Les outils statistiques

La fixation d’objectifs généraux de limitation de l’artificialisation implique que les décideurs publics puissent disposer d’outils performants de mesure de ce processus. En France, en règle générale, ce sont les données de l’outil Teruti‑LUCAS qui sont privilégiées, car elles permettent des comparaisons sur une période relativement longue. Dans ce domaine, la diversité des méthodologies peut néanmoins engendrer une forte variation entre les résultats recensés (cf. encadré).

Les bases de recensement de l’artificialisation des sols

Il existe trois outils principaux pour le recensement des sols, dont chacun comporte des avantages et des limites importants.

L’outil Utilisation des terres – Land Use/Cover Area frame statistical Survey, dit Teruti-LUCAS. La base Teruti, créée en 1946 par le ministère chargé de l’agriculture, vise à connaître, à un rythme annuel, les différentes catégories d’occupation et d’usage de tout le territoire (naturel, agricole, urbanisé). On associe des photos aériennes à des relevés de terrain effectués par échantillonnage sur tout le territoire. L’échantillonnage de points se base depuis 2005 sur l’enquête européenne LUCAS. Du fait de l’utilisation de la méthode d’échantillonnage, la visée de cet outil est statistique plus qu’inventoriale.

L’outil européen Coordination of Information on the Environment Land Cover, dit CORINE Land Cover (CLC), lancé en 1985 par l’Agence européenne de l’environnement (EEA), est une enquête sexennale qui s’appuie sur des données satellitaires pour évaluer l’occupation biophysique des sols. La méthode implique l’interprétation d’images de télédétection dont l’analyse est croisée avec des cartographies IGN et des photographies existantes. L’image satellitaire est décomposée en unités de superficie minimale de 25 hectares et de largeur minimale de 100 mètres. Les parcelles sont ensuite divisées selon une nomenclature en 44 types de sols différents. Comme pour Teruti, l’extrapolation de l’enquête à partir de résultats locaux empêche son utilisation comme base d’inventaire.

Les fichiers fonciers constituent le fondement d’un travail du CEREMA, qui retraite ces données pour calculer la consommation d’ENAF à partir des changements d’usage des sols. Les données brutes sont recueillies et compilées annuellement à partir des données fiscales, notamment de taxe foncière, par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Sont considérés comme des ENAF les terres, prés, vergers, vignes, bois, landes et eaux cadastrées. Sont considérés comme des espaces artificialisés cadastrés les parcelles de foncier bâti et divers types de foncier non bâti (carrières, jardins, terrains à bâtir, terrains d’agrément, chemins de fer). Dans le cadre de cette base, les données sont déclaratives et ne font pas l’objet d’une mise à jour systématique. Cet outil ne comprend pas non plus les terres non cadastrées (routes, espaces publics, etc.), qui représentent 4 % du territoire.

Ainsi, les données Teruti-LUCAS fournissent un ordre de grandeur de 60 000 hectares artificialisés par an sur la période 1981-2021, sans tendance particulière. Au total, nous serions passés de 3 à 5,1 millions d’hectares artificialisés, ce qui donnerait une croissance sur la période de 70 %, contre une croissance de la population de 20 %.

A contrario, l’exploitation des données des fichiers fonciers fournit l’estimation, sur une période plus courte, de 25 000 hectares par an d’artificialisation (cf. graphique), avec une croissance des sols artificialisés sur la période 2006-2016 de 7 %, contre une croissance de la population de 5,5 % (cf. graphique ci-dessous).

CONSOMMATION ANNUELLE d’ENAF entre 2009 et 2019

Graphe conso 2009-2019
Source : Fichiers fonciers / Observatoire national de l’artificialisation (CEREMA)

2.   L’Observatoire national de l’artificialisation des sols

L’Observatoire national de l’artificialisation des sols, ouvert depuis le 4 juillet 2019, est un portail électronique qui diffuse des états annuels de l’artificialisation des sols réalisés par le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe).

Les données utilisées dans ce cadre reposent principalement sur les données issues des retraitements par le CEREMA des fichiers fonciers de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ces fichiers ont vocation à être complétés par les données du référentiel d’occupation des sols à grande échelle (OCS GE), qui sont en cours de production depuis 2013.

Le référentiel OCS GE

Le référentiel OCS GE est une base de données vectorielle pour la description de l’occupation du sol de l’ensemble du territoire métropolitain et des départements et régions d’outre-mer. Il s’appuie sur un modèle ouvert séparant la couverture de l’usage du sol.

Une expérimentation est déjà en cours avec le développement d’un prototype de base de données d’occupation et usage des sols à Arcachon, qui fournira des résultats en juillet 2021. Ce prototypage vise à automatiser le mieux possible les procédés afin de produire une base nationale. Pour ce faire, il est fait appel à des procédés d’apprentissage profond pour interpréter, dans différentes classes d’images aériennes ou satellitaires, les types d’occupation du sol. Le prototype est également essayé auprès des collectivités territoriales et services déconcentrés de l’État, afin de valider, d’une part, la fiabilité des résultats et, d’autre part, sa capacité à mesurer l’artificialisation.

À l’issue de cette période, un déploiement national et la production industrielle du référentiel sont prévus, de façon à atteindre une couverture progressive du territoire national entre 2021 et fin 2023. L’ensemble de ces données seront diffusées en données ouvertes.

L’État prévoit actuellement de renforcer l’information des communes par le déploiement, d’ici à 2022, de l’outil UrbanSimul, déployé par le CEREMA. Il s’agit d’un instrument permettant l’automatisation de la collecte et du croisement des informations foncières, qui doit en faciliter la consultation et l’analyse dans le cadre des démarches de planification et d’aménagement.

II.   LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

La présente disposition de programmation détermine les objectifs de l’État en matière de réduction du rythme de l’artificialisation des sols. La première partie de la phrase pose, en principe général, l’objectif, à terme, de l’absence de toute artificialisation nette des sols. Cet objectif traduit en droit l’action pour aboutir au « zéro artificialisation nette », dont le terme se situe plutôt sur trente ans.

Afin de respecter ce principe, le reste de la phrase définit un rythme maximal d’artificialisation des sols pour la décennie 2021-2031, qui plafonne la quantité totale de surfaces artificialisées sur cette période à la moitié de la quantité totale d’espace consommée sur la période décennale précédente. Cette disposition concerne l’entièreté du territoire national métropolitain et ultramarin.

Les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont mis la définition d’une enveloppe restrictive d’hectares pouvant être artificialisés en tête du chapitre qu’ils ont consacré à la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain (SL3.1).

La Convention a préconisé, dans cette proposition, une réduction de l’artificialisation, sur les dix prochaines années, de 25 % par rapport à la consommation des sols constatée dans les vingt dernières années.

La période de référence de vingt ans pose un problème de données, les données du début de la période étant de moindre qualité. C’est pourquoi l’objectif de 25 % par rapport aux vingt dernières années a été transformé en un objectif de 50 % par rapport aux dix dernières années. Il est à noter que ceci implique un effort supplémentaire par rapport à la proposition de la Convention, dans le sens où la consommation des sols enregistrée dans les dix dernières années est déjà nettement inférieure à celle des dix années qui les ont précédées.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement de précision de M. Jean‑Luc Lagleize (MoDem) (CS3881), qui substitue aux mots « afin de tendre vers l’objectif » de l’absence de toute artificialisation nette des sols, les mots « afin d’atteindre l’objectif ». Le rapporteur a sous-amendé (CS5411) pour préciser que l’objectif sera atteint en 2050.

La commission a également adopté l’amendement CS5152 du rapporteur, qui clarifie la relation entre le rythme de l’artificialisation des sols et le volume total de sols consommés sur une période de dix ans.

Section 2
Autres dispositions

Article 48
(article L. 101-2 du code de l’urbanisme)
Intégration parmi les principes généraux du droit de l’urbanisme d’un
objectif de réduction de l’artificialisation des sols

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article intègre dans les principes généraux du droit de l’urbanisme, qui guident l’action de toutes les collectivités publiques, un objectif général de réduction de l’artificialisation des sols. Il caractérise l’équilibre qui doit être recherché avec les autres objectifs de l’action de planification urbaine, notamment la lutte contre l’étalement urbain. L’article précise aussi ce qui doit être entendu par sol artificialisé.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

A.   les principes gÉnÉraux du droit de l’urbanisme

L’article L. 101-2 ([241]) du code de l’urbanisme énonce, sous forme d’objectifs de l’action des collectivités publiques en la matière ([242]), une série de principes généraux du droit de l’urbanisme (cf. encadré). Ces dispositions d’ordre général s’imposent aux documents de planification et d’urbanisme élaborés par les collectivités territoriales, notamment le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et le plan local d’urbanisme (PLU) ([243]). Ces documents doivent être conformes à la loi et donc à tous les principes énumérés dans le code de l’urbanisme.

Les principes généraux constituent donc les orientations que doivent impérativement suivre les collectivités compétentes en matière d’élaboration du règlement d’urbanisme. Si les documents d’urbanisme entretiennent les uns avec les autres des rapports de compatibilité et de prise en compte, ils doivent en revanche être strictement conformes aux principes généraux de l’urbanisme énumérés dans cet article.

En revanche, ces dispositions ne sont pas directement opposables aux collectivités dans leurs décisions à caractère individuel. La cour administrative d’appel de Nantes a récemment estimé que cet article L. 101‑2 qui énumère des objectifs généraux sans suffisamment de précision pour pouvoir être invoqué à l’appui d’un recours à l’encontre d’une décision individuelle ne s’impose donc pas aux autorisations d’urbanisme. La cour a exigé également des autorités locales compétentes qu’elles fassent figurer dans ces documents « des mesures tendant à la réalisation des objectifs que ces dispositions énoncent » ([244]).

B.   la place de l’artificialisation des sols

Si l’artificialisation des sols n’est pas définie dans les textes européens et nationaux ([245]), le code de l’urbanisme fixe en revanche un principe de maîtrise de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). C’est cette consommation qui correspond concrètement à l’extension des espaces urbanisés en continuité ou en discontinuité avec le bâti existant. De même, le code de l’environnement, le code forestier et le code rural et de la pêche maritime définissent des principes qui concourent à la protection des ENAF, sans se référer de manière explicite à la notion d’artificialisation.

Parmi les principes généraux, se trouvent également plusieurs objectifs qui visent à renforcer l’attention accordée par les collectivités territoriales aux enjeux de la consommation foncière. Ainsi, la lutte contre l’étalement urbain constitue un objectif de l’urbanisme. De la même façon, les collectivités doivent veiller à une utilisation économe des espaces naturels, à la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et à la protection des sites, des milieux et paysages naturels.

L’urbanisme doit aussi constituer l’occasion de concilier les impératifs du développement urbain avec les enjeux de la préservation et de la protection de la biodiversité et de la nature. Il est en effet spécifié parmi les principes généraux de l’urbanisme que les autorités publiques doivent jouer un rôle dans la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques.

Les principes généraux du droit de l’urbanisme

Selon l’article L. 102-2 du code de l’urbanisme, l’action des collectivités territoriales vise, dans le respect des objectifs du développement durable, à atteindre les objectifs suivants :

 L’équilibre entre :

a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ;

b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l’étalement urbain ;

c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;

d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ;

e) Les besoins en matière de mobilité ;

 La qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville ;

 La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l’habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l’ensemble des modes d’habitat, d’activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d’intérêt général ainsi que d’équipements publics et d’équipements commerciaux, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d’amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile ;

 La sécurité et la salubrité publiques ;

 La prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ;

6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ;

7° La lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’économie des ressources fossiles, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables ;

8° La promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis‑à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales.

 

II.   Les dispositions du projet de loi

Le présent article insère un II à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, dont les conditions d’application seront déterminées par décret en Conseil d’État.

Ces nouvelles dispositions ajoutent aux principes généraux qui encadrent le droit de l’urbanisme le nouvel objectif de limitation de l’artificialisation des sols. Ce faisant, elles précisent l’équilibre qu’implique la recherche de l’absence de toute artificialisation nette avec plusieurs autres principes généraux de l’urbanisme mentionnés au même article. Elles précisent aussi la notion de sol artificialisé.

En premier lieu, il est établi aux alinéas 4 à 8 que :

– la recherche de la limitation de l’artificialisation nette et, à terme, de l’absence de toute artificialisation nette, doit guider l’action de toutes les collectivités publiques ;

– cette recherche doit concilier plusieurs autres principes majeurs de l’urbanisme, à savoir : la maîtrise de l’étalement urbain ; le renouvellement urbain et l’optimisation de la densité des espaces urbanisés ; la qualité urbaine et la préservation et la reconquête de la biodiversité et de la nature en ville ; et la protection des sols naturels, agricoles et forestiers.

Cet article traduit l’articulation entre des objectifs complémentaires pour atteindre l’objectif de limitation de l’artificialisation des sols. La recherche de la réduction de l’artificialisation résulte donc d’un équilibre entre plusieurs objectifs complémentaires mais non synonymes.

En second lieu, l’alinéa 9 définit le sol artificialisé comme celui dont l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions.

Les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont mis la définition d’une enveloppe restrictive d’hectares pouvant être artificialisés en tête du chapitre qu’ils ont consacré à la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain (SL3.1).

Le comité légistique, qui a estimé que les membres ont cherché, en le mettant à cette place, à souligner la forte portée de ce souhait, a préconisé l’intégration de cette visée parmi les principes et objectifs généraux du droit de l’urbanisme, ce en quoi le présent article le suit.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (CS5154, CS5156).

Article 49
(articles L. 4251-1, L. 4424-9 et L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales ;
articles L. 123-1, L. 141-3, L. 141-8, L. 151-5, L. 151-9 et L. 161-3 du code de l’urbanisme)
Insertion dans les documents d’urbanisme régionaux et territoriaux d’un objectif de réduction de moitié de l’artificialisation des sols et
conditionnement de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 49 intègre l’objectif général et national de limitation de l’artificialisation des sols définis aux articles 47 et 48 dans les documents d’aménagement régionaux, qui devront intégrer pour la décennie à venir l’obligation de réduire le volume de terres artificialisées de moitié par rapport à la décennie passée. Cet objectif est ensuite décliné par lien de compatibilité dans les documents de planification et d’urbanisme aux niveaux du bassin de vie, de l’intercommunalité et de la commune. L’article prévoit aussi la temporalité d’adaptation à ces nouvelles dispositions, des documents actuellement en vigueur. L’article porte enfin une évolution vers un conditionnement obligatoire de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs dans les schémas de cohérence territoriale et dans les plans locaux d’urbanisme.

I.   le droit en vigueur

Si l’article 48 de ce texte intègre la réduction de l’artificialisation parmi les principes généraux de l’urbanisme qui « guident l’action des collectivités » en matière d’urbanisme ([246]), il ne régit pas directement leurs actes à portée individuelle (cf. commentaire de l’article précédent). Les modalités de délivrance de ces actes sont encadrées par les documents d’aménagement régionaux et les documents de planification des échelons territoriaux traitant du bassin de vie (schéma de cohérence territoriale), de l’intercommunalité (plan local d’urbanisme intercommunal [PLUi]) ou de la commune (PLU ou carte communale).

Ces documents de planification territoriale et urbaine contiennent d’ores et déjà des dispositions en matière d’étalement urbain, de sobriété foncière et de gestion économe de l’espace ([247]), qui restreignent l’artificialisation.

A.   Les objectifs de sobriÉtÉ fonciÈre et de lutte contre l’artificialisation dans les documents d’amÉnagement régionaux

La loi confie à la région la qualité de « chef de file » en matière d’organisation des modalités d’action commune des collectivités en vue de l’aménagement et du développement durable du territoire ([248]). Dès lors, les actions de la région affectent la définition à l’échelle locale des mesures prises en matière de limitation de l’artificialisation des sols.

1.   Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Pour les régions métropolitaines à l’exception de l’Île-de-France, cette action passe par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ([249]), qui est élaboré par le conseil régional ([250]) suivant les dispositions des articles L. 4251-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Il s’agit d’un document de planification qui précise les objectifs de moyen et long termes à atteindre dans une série de domaines énumérés ([251]).

Les objectifs de moyen et long termes du sraddet

Source : CEREMA

Ces objectifs comprennent l’équilibre et l’égalité des territoires, l’implantation d’équipements et d’infrastructures d’intérêt régional, et le désenclavement des territoires ruraux. Les objectifs environnementaux y tiennent déjà une grande place : maîtrise et valorisation de l’énergie, lutte contre le changement climatique, protection de l’air, protection et restauration de la biodiversité, gestion et prévention des déchets. En particulier, le SRADDET fixe les objectifs de moyen et de long termes de « gestion économe de l’espace », impératif intégré à l’instrument dès sa création en 2015.

Les différentes parties du schéma portent cette ambition. Dans le rapport, qui constitue la partie du schéma qui permet d’exprimer les enjeux du territoire, la stratégie régionale et les objectifs qui en découlent, les objectifs en matière de gestion économe de l’espace sont précisés en tant que composante de la stratégie régionale. Le schéma indique aussi des règles générales, dont la portée juridique varie, qui doivent contribuer à l’atteinte de ces objectifs. Ces règles ne doivent pas méconnaître les compétences de l’État et des autres collectivités. Le fascicule précise les règles générales en la matière et propose des mesures d’accompagnement adaptées aux enjeux identifiés lors de l’état des lieux préalable à l’élaboration du schéma. Ces différents volets portent aussi une action générale en matière de protection et de restauration de la biodiversité.

Le SRADDET, à l’interface entre la norme nationale
et les documents d’urbanisme

Le droit de l’urbanisme distingue entre deux types de planification : d’une part, la planification territoriale stratégique et, d’autre part, la planification réglementaire.

La planification stratégique implique des procédures de planification spatiale qui s’inscrivent dans le long terme, en se projetant sur une période de vingt ou trente ans, pour penser la cohésion entre les évolutions de la société et l’aménagement des territoires qu’elles concernent, dans une logique prospective qui n’a pas vocation à être directement opposable aux demandes d’autorisations d’urbanisme ([252]).

A contrario, les documents de planification réglementaire définissent, à l’échelle locale, les règles d’urbanisme opposables. Cette distinction, qui date de la loi n° 67‑1253 du 30 décembre 1967 d’orientation foncière, qui instaure une séparation entre schémas directeurs d’un côté et plans d’occupation des sols (POS) de l’autre, perdure en dépit du remplacement des schémas directeurs par les SCoT et des POS par les PLU.

Les objectifs et les règles générales du SRADDET doivent respecter les principes généraux de l’urbanisme définis à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ([253]), les règles générales d’aménagement et d’urbanisme à caractère obligatoire prévues au livre Ier du code, ainsi que les servitudes d’utilité publique. Si le SRADDET ne constitue pas un document de planification réglementaire, il encadre en dépit de cette ambiguïté les possibilités pour les documents d’urbanisme.

À son tour, le SRADDET se situe en effet au sommet d’une hiérarchie de normes qui doivent être cohérentes avec les normes qui leur sont supérieures, sans obligatoirement y être conformes. Les documents locaux, notamment les schémas de cohérence territoriale (SCoT), et à défaut les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les cartes communales ([254]) doivent prendre en compte des orientations fondamentales du schéma, c’est-à-dire ne pas s’éloigner des objectifs qu’il énumère, et être compatibles avec les règles générales de son fascicule, pour celles de leurs dispositions auxquelles ces règles sont opposables ([255]).

La notion de conformité exige que les dispositions d’un document respectent et mettent en œuvre les dispositions du document de rang supérieur. La notion de compatibilité exige que les dispositions d’un document ne fassent pas obstacle à l’application du document de rang supérieur. Par contraste, la notion de prise en compte implique qu’il est possible d’inscrire dans un document une disposition qui serait contraire aux dispositions d’un document supérieur, mais que cette contrariété doit être dûment motivée.

 

2.   Les autres documents régionaux d’aménagement

La collectivité territoriale de Corse est dotée, au regard de la particularité de son statut, d’un document spécifique, le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), dont l’organisation est prévue aux articles L. 4424‑9 et suivants du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions font une place particulière à la détermination des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) ainsi que des sites et paysages à protéger et préserver. Le plan vaut schéma régional de cohérence écologique et accorde à ce titre une grande importance à la préservation des espaces et de la biodiversité.

Les cinq régions d’outre-mer (ROM) sont dotées d’un schéma d’aménagement régional (SAR), dont les dispositions sont fixées à l’article L. 4433‑7 du code général des collectivités territoriales. Il fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement. Le SAR compte d’ores et déjà, au nombre des objectifs qu’il définit, la maîtrise de l’étalement urbain et la lutte contre l’artificialisation des sols, insérée récemment lors de la réforme de document en 2019 ([256]). Il présente les continuités écologiques retenues pour constituer la trame verte et bleue du territoire en identifiant ses composants, définit les orientations pour les remettre en état et en contient une cartographie.

Enfin, l’Île-de-France est quant à elle dotée d’un schéma directeur de la région d’Île-de-France (SDRIF), dont les modalités sont déterminées aux articles L. 123-1 et suivants du code de l’urbanisme. Le schéma comprend dans son principe même l’objectif de « maîtriser la croissance urbaine » par la planification de la localisation préférentielle des extensions urbaines et des activités économiques.

les rapports entre les documents de planification

Source : bureau de la législation de l’urbanisme (DGALN/DHUP)

B.   Les objectifs de sobriété foncière et de lutte contre l’artificialisation dans les documents de planification territoriaux

1.   Le schéma de cohérence territoriale

Le schéma de cohérence territoriale (SCoT), document d’armature de la planification territoriale élaboré par un établissement public de coopération intercommunale ou par un syndicat mixte, souvent un pôle d’équilibre territorial et rural (PETR), veille, à l’échelle d’un bassin de vie, à l’équilibre des polarités du territoire et de la répartition de l’espace. À cette fin, il doit mettre en cohérence les politiques des communes et des intercommunalités, en matière d’urbanisme, d’habitat et de transport, mais aussi de développement économique et de protection de l’environnement. Pour assurer l’équilibre territorial, il détermine les secteurs à protéger et les équipements publics structurants.

L’action du SCoT dans la gestion économe de l’espace, qui a vocation à limiter l’artificialisation des sols ([257]), a été récemment confortée dans le cadre d’une réforme visant à la simplifier et à la rendre plus adéquate aux enjeux de l’urbanisme aujourd’hui. Cette réforme a vocation à entrer en vigueur au 1er avril 2021 ([258]). Le principe de gestion économe du sol est le principe agissant du document d’orientation et d’objectifs (DOO), qui met en œuvre les principes décidés dans le projet d’aménagement stratégique (PAS), et doit ainsi être toujours présent dans les décisions sur le développement économique, la préservation de l’activité agricole et la localisation préférentielle des espaces commerciaux ([259]).

Dans le DOO, l’autorité d’élaboration du SCoT a des responsabilités qui concourent directement à une politique de maîtrise de l’artificialisation des sols, puisqu’elle doit identifier des capacités de densification ([260]) et de mutation et analyser la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) au cours des dix années qui précèdent son élaboration. Enfin, le document d’orientation et d’objectifs (DOO) contient « les objectifs chiffrés de densification en cohérence avec l’armature territoriale et la desserte par les transports collectifs » ([261]). Le DOO comprend également un document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) qui détermine les conditions d’implantation des équipements commerciaux dans le respect d’une consommation économe de l’espace, de la compacité des formes bâties, et de l’utilisation prioritaire de surfaces existantes ([262]).

Cette composante du DOO a été renforcée, puisqu’il définit désormais des objectifs chiffrés de consommation économe de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain, en distinguant par secteur géographique en fonction des besoins et des situations particulières. La préservation des ENAF fait également l’objet d’orientations précises, ainsi que les modalités de protection des espaces « nécessaires au maintien de la biodiversité et à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques » ([263]), ce qui concourt également à l’objectif.

Le rapport de compatibilité du PLU avec le SCoT

En l’absence de SCoT, le PLU doit prendre en compte directement les objectifs du SRADDET et être compatible avec les règles générales de son fascicule ([264]). En présence d’un SCoT, ce sont ses objectifs avec lesquels le PLU doit être compatible ([265]), sachant que le SCoT doit lui-même être compatible avec les règles générales du fascicule du SRADDET. Le SCoT agit donc, quand il existe, comme un « écran » entre le document d’urbanisme et le schéma régional.

Le Conseil d’État a eu l’occasion par le passé de préciser la portée de l’obligation de compatibilité du PLU avec le SCoT ainsi que les modalités et l’étendue du contrôle porté par le juge administratif. Il est acquis depuis longtemps « qu’un document est compatible avec un document de portée supérieure lorsqu’il n’est pas contraire aux orientations ou principes fondamentaux de ce document et qu’il contribue, même partiellement, à sa réalisation » ([266]).

Le Conseil d’État précise la méthode d’analyse utilisée : « pour apprécier la compatibilité d’un PLU avec un SCoT, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu’impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier » ([267]).

Selon les chiffres fournis par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, au 1er janvier 2021, 76 % du territoire national était couvert par un SCoT approuvé ou en cours d’approbation. Lorsque c’est le cas, les dispositions du SCoT sont donc directement invocables à l’appui d’un recours contre un zonage effectué dans le règlement d’urbanisme du document d’urbanisme.

2.   Le plan local d’urbanisme

Le plan local d’urbanisme, qu’il soit communal (PLU) ou, comme il arrive de plus en plus souvent, intercommunal (PLUi), ce qui correspond à l’échelon territorial concret de la planification urbaine, comprend également une prise en compte des enjeux liés à l’artificialisation.

Le rapport du PLU comporte une analyse de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) au cours des dix années précédant l’arrêt du projet de plan. Il analyse aussi la capacité de densification et mutation de l’espace bâti, et comprend des dispositions qui favorisent la limitation de la consommation des ENAF ([268]). Le PLU comprend en outre un projet d’aménagement et de développement durables (PADD), qui fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain ([269]).

Le PLU constitue l’échelon immédiatement applicable de la planification urbaine, par le biais du règlement d’urbanisme qu’il comprend, et de la cartographie des zones urbaines qui est annexée à ce règlement. Le règlement délimite les zones urbaines (U) ou à urbaniser (AU) et les zones ENAF à protéger. Il définit ainsi les zones dans lesquelles il est possible d’obtenir un permis de construire (cf. encadré). En l’absence de PLU, les communes peuvent élaborer une carte communale, document simplifié qui comprend une présentation et des documents graphiques pour délimiter les espaces constructibles et non constructibles ([270]), dans le respect des dispositions du règlement national d’urbanisme (RNU).

Les normes opposables au permis de construire

En général, les normes opposables aux permis de construire sont les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ([271]). Pour ce qui concerne le PLU, les normes opposables au permis de construire sont les parties écrites du règlement et de ses documents graphiques, dans un rapport de conformité, et les orientations d’aménagement et de programmation (OAP), dans un rapport de compatibilité ([272]).

Les objectifs généraux définis par le PLU doivent donc être « traduits » concrètement dans le règlement et ses documents graphiques afin qu’ils puissent être opposables, indirectement, aux permis de construire. Si un projet de construction est conforme au règlement du PLU ou compatible avec les OAP, il ne peut être attaqué au motif d’un manquement vis-à-vis des objectifs généraux.

Pour ce qui concerne la carte communale, ce sont les documents graphiques qui sont seuls opposables aux permis de construire, dans la mesure où ils délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où elles ne le sont pas, sous réserve de certaines exceptions ([273]). Les documents graphiques de la carte communale doivent donc traduire concrètement les objectifs présents dans les documents supérieurs, en pratique par le choix d’un zonage constructible ou non constructible, pour que ces objectifs puissent être opposables, indirectement, aux permis de construire.

C.   L’urbanisation conditionnelle de nouveaux secteurs

Outre les objectifs généraux de lutte contre l’artificialisation, de lutte contre l’étalement ou de sobriété foncière qui peuvent trouver leur place dans ces documents, il peut arriver que certains textes de portée législative prévoient des dispositifs plus contraignants de façon à permettre aux collectivités d’encadrer plus fortement ces dynamiques dans l’intérêt de la favorisation d’une utilisation économe de l’espace.

Ces règles d’urbanisation conditionnelle, introduites à l’occasion de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ([274]), trouvent particulièrement leur place dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT). Le document d’orientation et d’objectifs (DOO) peut, de manière facultative, subordonner l’ouverture à l’urbanisation d’un secteur nouveau ou des secteurs à urbaniser de moyen terme (secteurs 1AU) et de long terme (secteurs 2AU) à deux conditions non cumulatives :

1° L’utilisation prioritaire, pour les constructions en projet, des friches urbaines, de terrains situés en zone urbanisée et desservis par les réseaux de distribution d’eau et d’électricité et les équipements d’assainissement, et des zones déjà ouvertes à l’urbanisation ;

2° La réalisation d’une étude de densification des zones déjà urbanisées, permettant d’apprécier la capacité de densification des territoires.

II.   les dispositions du projet de loi

Le présent article 49 intègre d’une part un objectif chiffré de réduction de l’artificialisation des sols sur la prochaine décennie aux documents d’aménagement régionaux et aux documents de planification territoriaux. Il renforce d’autre part les outils de l’urbanisme conditionnel.

Son objectif est de parvenir à un équilibre qui vise l’effectivité de la mesure de limitation de l’artificialisation en l’étalant sur une période de dix ans et en en territorialisant l’application. La région, chef de file en matière d’aménagement du territoire, et de climat, associe les différents niveaux de collectivités à l’élaboration des SRADDET. Les pôles d’équilibre, les intercommunalités et les communes auront ensuite vocation à mettre en œuvre ces dispositions à l’échelle locale.

A.   Les modifications apportÉes aux documents d’aménagement régionaux

Le a du 1° du I insère la « lutte contre l’artificialisation des sols » parmi les matières, énumérées au deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), pour lesquelles le SRADDET fixe des objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région ([275]).

Le b du 1° du I insère deux nouveaux éléments au SRADDET :

– une trajectoire permettant d’aboutir à l’objectif de zéro artificialisation nette des sols ;

– le principe de la définition décennale d’un rythme maximal d’artificialisation qui est calculé par rapport à l’artificialisation observée lors des dix années précédentes.

Le du III détermine que la première période décennale retenue pour les dispositions de cet article court jusqu’en 2031.

Le du III précise que sur cette période, le rythme maximal d’artificialisation des sols défini par le SRADDET ne peut dépasser la moitié de la consommation d’espace observée sur les années 2011-2021.

Le du I intègre, dans les dispositions qui régissent le contenu du PADDUC, une trajectoire permettant d’atteindre l’absence de toute artificialisation nette ainsi qu’un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation défini par périodes décennales.

Le du I intègre des dispositions identiques aux SAR.

Le du II intègre des dispositions identiques au SDRIF.

B.   Les modifications apportÉes aux documents de planification territoriaux

Le 2° du II concerne les dispositions relatives au SCoT dans leur rédaction résultant des ordonnances nos 2020-744 et 2020-745 du 17 juin 2020, qui entrera en vigueur le 1er avril 2021.

Il est intégré au sein du projet d’aménagement stratégique (PAS), qui constitue le document de définition du SCoT, un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation calculé sur la même période décennale que celle qui concerne les documents régionaux.

Le taux de réduction du rythme est calculé par rapport à la consommation d’espace constatée sur la période décennale précédente. Il tient compte – et peut donc être rehaussé, dans des modalités qui seront déterminées par voie réglementaire – de la vacance de locaux et de la disponibilité de zones déjà artificialisées.

Le 3° du II complète les dispositions qui précèdent en précisant dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du SCoT les modalités concrètes pour l’application des dispositions intégrées à son projet d’aménagement stratégique (PAS).

L’article L. 141-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction devant entrer en vigueur le 1er avril 2021 est remplacé par de nouvelles dispositions qui rendent obligatoire l’urbanisme conditionnel, jusqu’ici simplement facultatif. Le DOO devra, pour les secteurs nouveaux qui comprennent des sols d’espace naturel, agricole ou forestier (ENAF), subordonner l’ouverture à urbanisation à deux conditions cumulatives :

1° D’une part, des besoins liés à des motifs démographiques (évolutions démographiques du territoire) ou économiques (accueil ou relocalisation d’activités économiques) ;

2° D’autre part, la justification, au moyen d’une étude de densification des zones déjà urbanisées, de l’impossibilité de répondre à ces besoins dans les zones déjà urbanisées ou ouvertes à urbanisation, ou sur les terrains déjà artificialisés.

L’étude de densification est un nouveau document qui devra être réalisé par l’autorité compétente pour l’élaboration du PLU. Pour rappel (cf. supra), les dispositions du DOO sont opposables au PLU dans un lien de compatibilité. Le DOO a donc vocation à définir les secteurs préférentiels pour l’ouverture à l’urbanisation nouvelle. Le PLU pourra s’appuyer sur ces secteurs pour déployer sa stratégie de développement territorial, après avoir précisé les besoins et évalué les capacités de construction au sein des espaces déjà urbanisés.

Le a du 4° du II précise les modalités de la détermination des objectifs de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain qui doit être effectuée par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent au moment où il élabore le projet d’aménagement et de développement durables (PADD) de son plan local d’urbanisme, le cas échéant intercommunal [PLU(i)].

C’est par rapport à l’objectif de réduction du rythme de l’artificialisation des sols fixé par le SCoT ou, en l’absence de SCoT, par le document régional pertinent (cf. supra), que seront fixés ces objectifs : l’article détermine qu’ils devront permettre d’atteindre le taux de réduction.

Le b du du II impose que le PADD du PLU contienne une obligation de subordonner l’ouverture à l’urbanisation de sols ENAF, quel que soit leur classement dans le règlement d’urbanisme du PLU, à la justification que la capacité de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés.

L’autorité qui élabore le PADD tient compte, pour justifier l’ouverture à urbanisation d’un nouvel espace, de la capacité à mobiliser les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés.

Le 5° du II intègre aux dispositions sur la carte communale, qui figurent à l’article L. 161-3 du code l’urbanisme, des dispositions similaires à celles qui concernent le PLU.

Le du IV organise la modification des SRADDET dans les six mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

Les 2° à 4° du IV organisent respectivement la modification du PADDUC, des SAR et du SDRIF dans le même délai.

Le 5° du IV organise la modification du SCoT dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur des documents régionaux modifiés ou révisés conformément aux dispositions des 1° à 4°. Si cette modification du SCoT n’a pas lieu avant le 1er juillet 2024, les ouvertures à urbanisation des secteurs suivants sont suspendues jusqu’à l’entrée en vigueur des SCoT modifiés :

– dans les communes sous le régime du PLU(i), les zones AU délimitées après le 1er juillet 2002 ainsi que les zones ENAF ;

– dans les communes sous le régime de la carte communale, les secteurs non constructibles ;

– dans les communes sous le régime du règlement national d’urbanisme (RNU), les secteurs hors partie urbanisée.

Le 6° du IV organise l’engagement de la modification du PLU(i) dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du SCoT modifié. En l’absence de SCoT, l’engagement de la modification du PLU(i) doit avoir lieu dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’aménagement régional modifié.

Le 7° du IV organise l’engagement de la modification de la carte communale dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du SCoT modifié. En l’absence de SCoT, l’engagement de la modification de la carte communale doit avoir lieu dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’aménagement régional modifié.

Le 8° du IV organise les modalités d’intégration des objectifs aux documents territoriaux en cas d’absence d’adaptation des documents d’aménagement régionaux. Si ces documents n’ont pas été adaptés dans les dix mois à compter de la publication de la présente loi, les documents territoriaux (SCoT, PLU(i), carte communale) doivent intégrer directement les objectifs décrits.

L’alinéa 36 organise les modalités de la sanction appliquée lorsque les documents d’urbanisme opérationnels, à savoir le PLU(i) et la carte communale, n’ont pas été mis en compatibilité avec les documents d’aménagement régional et le schéma de cohérence territoriale. Si l’adaptation n’est pas intervenue avant le 1er juillet 2025, aucune autorisation d’urbanisme ne peut, dans les territoires concernés, être délivrée dans une zone à urbanisme (AU) du PLU(i) ou dans une zone constructible de la carte communale. Le PLU(i) ou la carte communale doivent être modifiés ou révisés pour prendre en compte les objectifs de lutte contre l’artificialisation avant de pouvoir délivrer une autorisation d’urbanisme dans ces zones.

Les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont mis la définition d’une enveloppe restrictive d’hectares pouvant être artificialisés en tête du chapitre qu’ils ont consacré à la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain (SL3.1). Ils ont souhaité que ces objectifs soient mis en œuvre à l’échelle intercommunale pour s’inscrire dans les projets de territoire, et rendus contraignants (SL3.10).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté deux « paquets » d’amendements de fond proposés par le rapporteur :

– Le premier paquet, constitué des amendements CS5085, CS5321, CS5322, CS5323, CS5324 et CS5320 redéfinit le mode de calcul de l’artificialisation des sols pour la première décennie de la réduction. Au cours de cette première décennie, l’artificialisation sera comptée par le moyen des espaces naturels, agricoles et forestiers consommés, qui seront considérés comme une extension des espaces urbanisés. Cette méthode permet d’exclure du décompte les opérations de densification urbaine, et de contribuer à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ;

– Le deuxième paquet, constitué des amendements CS5242, CS5243, CS5244, CS5086, CS5246, CS5247, CS5248, CS5250, CS5251, CS5252 et CS5240, adapte les délais prévus dans l’article initial. Ceux-ci prévoient la temporalité de l’intégration des objectifs de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers dans les documents de planification et d’urbanisme des échelons régionaux et territoriaux. Du fait des amendements adoptés, les délais sont nettement allongés, comme le montre le doublement du délai pour l’intégration aux SRADDET. Le nouveau texte permet aussi l’adaptation des documents par la procédure de la modification simplifiée. Ces délais sont également articulés avec l’éventuelle procédure de bilan du SCoT ou du PLU(i).

PRINCIPALES MODIFICATIONS DES DÉLAIS DANS LE TEXTE DE LA COMMISSION

 

Texte initial

Texte adopté par la commission

Engagement de la modification des documents régionaux

6 mois

1 an

En cas de d’absence de SRADDET, intégration directe dans le SCoT

18 mois

2 ans

Engagement de la modification du SCoT

3 mois après l’adoption du SRADDET modifié

Première révision ou modification après adoption du SRADDET modifié, ou à défaut 2 ans à compter de la promulgation

Engagement de la modification du PLU(i) ou de la CC

3 mois après l’adoption du SCoT modifié

Première révision ou modification après adoption du SRADDET modifié, ou à défaut 2 ans à compter de la promulgation

Entrée en vigueur du SCoT modifié

d’ici le 1er juillet 2024

5 ans à compter de la promulgation

Entrée en vigueur du PLU(i) modifié

d’ici le 1er juillet 2025

6 ans à compter de la promulgation

La commission spéciale a adopté un amendement de M. Alain Perea (LaREM) (CS3169), sous-amendé par le rapporteur (sous-amendement CS5413). Il précise que les règles générales érigées dans le SRADDET en matière de réduction de l’artificialisation des sols sont déclinées entre les différentes parties du territoire régional.

Un amendement de Mme Frédérique Tuffnell (MoDem) (CS4068), qui vise à renforcer les outils de lutte contre l’imperméabilisation des sols, a été adopté contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement. Il complète l’article L. 151-9 du code de l’urbanisme, qui précise le champ d’action du règlement du plan local d’urbanisme, en prévoyant que celui-ci peut définir des règles de limitation de l’imperméabilisation des sols, de désimperméabilisation des sols et de compensation de toute imperméabilisation nouvelle.

La commission a adopté un amendement de Mme Sandra Marsaud (LaREM) (CS4212), sous-amendé par le rapporteur (CS5426), qui vise à prendre en compte les objectifs déjà introduits dans les documents territoriaux avant la promulgation de la présente loi. Il précise que l’intégration des objectifs de réduction de l’artificialisation ne s’applique pas aux documents ayant déjà intégré des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.

La commission a adopté un amendement de M. Alain Perea (LaREM) (CS3574) qui prévoit que, six mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant les modifications nécessaires au régime juridique de la fiscalité de l’urbanisme, des outils de maîtrise foncière et des outils d’aménagement qui sont à la disposition des collectivités territoriales. Ces modifications leur permettront de concilier la mise en œuvre des objectifs tendant à l’absence d’artificialisation nette et les objectifs de maîtrise des coûts de la construction, de la production de logement et de maîtrise publique du foncier.

En outre, la commission spéciale a adopté quatre amendements rédactionnels proposés par le rapporteur (CS5134, CS5130, CS5131, CS5132) et un amendement de précision (CS5225).

Article 49 bis (nouveau)
(article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation ; articles L. 132-6, L. 312-1 et L.324-1 du code de l’urbanisme ; article L.5219-1 du code général des collectivités territoriales ; article 16 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs)
Création obligatoire d’observatoires de l’habitat et du foncier dans les intercommunalités dotées d’un programme local de l’habitat

Créé par la commission spéciale

 

L’article 49 bis transforme les dispositifs existants d’observation foncière et de l’habitat en observatoires de l’habitat et du foncier et les rend obligatoires pour les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’un programme local de l’habitat (PLH).

I.   le droit en vigueur

A.   Les dispositifs d’observation fonciÈre des programmes locaux de l’habitat

Plusieurs dispositifs existent afin de renforcer la connaissance foncière des collectivités et leur capacité à intervenir sur la maîtrise du foncier, à commencer par les programmes locaux de l’habitat et les dispositifs d’observation foncière qui en résultent.

Le programme local de l’habitat (PLH) comporte en effet en l’état actuel du droit une mission d’observation de l’habitat et du foncier (article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation). Le PLH doit notamment inclure un diagnostic sur le fonctionnement des marchés du logement et sur la situation de l’hébergement, à l’appui d’une analyse des marchés fonciers, de l’offre foncière et de son utilisation. Les établissements publics fonciers d’État (EPF) et les établissements publics fonciers locaux (EPFL) peuvent appuyer les EPCI dans cette mission.

À titre d’illustration, l’EPF de Normandie propose aux acteurs territoriaux de conduire des études, produire des données et participer à des groupes de travail au travers de deux types d’entités : un observatoire foncier régional et des observatoires fonciers locaux.

B.   Les autres dispositifs existants

Les agences d’urbanisme assurent des missions de réflexion, d’étude et d’accompagnement des collectivités territoriales (article L. 132-6 du code de l’urbanisme). Ces missions peuvent comprendre, entre autres, « le développement de l’observation territoriale ». Elles peuvent être créées par les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, ou d’autres collectivités territoriales, en partenariat avec l’État et les établissements publics contribuant à l’aménagement des territoires.

Il existe aujourd’hui 50 agences d’urbanisme, présentes dans 14 régions sur 18, 27 départements et 11 pôles métropolitains. Près de 40 millions d’habitants vivent sur un territoire couvert par l’une de ces agences. C’est en raison de ce maillage que le projet de loi envisage d’insérer les dispositions relatives aux observatoires du foncier dans le prolongement des missions de ces agences.

La direction générale des finances publiques (DGFIP) collecte des données sur le marché du foncier français. Elle rend publiques, depuis 2018, ces informations dans la base de données « Demandes de valeurs foncières » (DVF), qui permet de connaître les transactions immobilières réalisées au cours des cinq dernières années. Conformément aux dispositions du décret n° 2018-1350 du 28 décembre 2018, ces informations incluent, pour chaque mutation, la date et la nature de l’opération, le prix, l’adresse, les références cadastrales et, s’il est disponible, le descriptif du bien.

II.   Les travaux de la Commission spÉciale

Le présent article, qui résulte de l’adoption de l’amendement CS5351 du rapporteur, a vocation à renforcer la place des dispositifs d’observation de l’habitat et du foncier, qui existent dans le cadre des programmes locaux de l’habitat, en les transformant en observatoires de l’habitat et du foncier.

Ce renforcement doit constituer un moyen pour les collectivités de lutter contre l’artificialisation des sols sans mettre à mal leurs projets de développement, grâce à l’identification des gisements fonciers pouvant faire l’objet d’une intensification urbaine. Les projets de renouvellement urbain, les projets de surélévation, les opérations de démolition-reconstruction et l’utilisation des « dents creuses » en secteurs déjà urbanisés présentent l’occasion d’éviter la construction en extension urbaine.

L’article précise les missions des observatoires, notamment en matière de recensement des friches constructibles, ce qui rejoint les dispositions de l’article 53, et en matière de surfaces réalisables en surélévation des constructions existantes. Pourront également être recensés des espaces de densification potentielle. Dans le même temps, ces observatoires identifieront les espaces de nature en ville, les surfaces non imperméabilisées ainsi que les trames vertes et bleues, qui contribuent au cadre de vie des milieux urbains.

L’article prévoit un délai de deux ans pour la mise en place de ces observatoires, après que le PLH a été rendu exécutoire. L’article précise la contribution des agences d’urbanisme aux observatoires de l’habitat et du foncier et modifie la référence pour l’appui des établissements publics fonciers (EPF) de l’État et locaux, et l’intégration des observatoires locaux des loyers.

Article 49 ter (nouveau)
(article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation)
Obligation de se doter d’un programme local de l’habitat (PLH) pour les intercommunalités répondant à certaines caractéristiques

Créé par la commission spéciale

 

L’article 49 ter déplace à l’article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation, la liste des intercommunalités pour lesquelles il est obligatoire de se doter d’un programme local de l’habitat, et précise que cette obligation ne s’applique pas aux autres collectivités.

I.   Le droit EN VIGUEUR

L’habitat est une compétence facultative des communautés de communes, sous l’intitulé « la politique du logement et du cadre de vie » ([276]).

Le programme local de l’habitat est établi par un établissement public de coopération intercommunale pour l’ensemble de ses communes membres. Il définit, pour une durée de six ans, les objectifs et les principes d’une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer la performance énergétique de l’habitat et l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d’une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements.

Le code général des collectivités territoriales précise qu’il est élaboré dans les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants, dans les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles.

Cette même précision est également apportée au dernier alinéa de l’article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation, qui dispose qu’« un programme local de l’habitat est élaboré dans les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants, dans les communautés d’agglomération, dans les métropoles et dans les communautés urbaines ».

 

II.   Les travaux de la Commission spÉciale

Le présent article résulte de l’adoption de deux amendements de Mme Sandra Marsaud (LaREM), CS4196 et CS4197.

Il déplace la définition visée plus haut, au sein de l’article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation, après le I de l’article, en la complétant ainsi : « Il a un caractère facultatif pour les autres collectivités ».

Article 49 quater (nouveau)
(article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales)
Participation du président du SCoT à la conférence territoriale de
l’action publique (CTAP)

Créé par la commission spéciale

 

L’article 49 quater inclut le président de l’établissement public chargé du schéma de cohérence territoriale parmi les personnes membres de droit de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) qui réunit les acteurs locaux à l’échelle régionale.

I.   Le droit EN VIGUEUR

A.   La confÉrence territoriale de l’action publique

La conférence territoriale de l’action publique (CTAP) est issue des dispositions de l’article 4 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). Obligatoire, elle est instaurée dans chaque région et a vocation à réunir, autour du président du conseil régional, qui la préside, les représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics (article L.1111-9-1 du code général des collectivités territoriales). Elle vise à assurer un exercice concerté des compétences de chaque niveau de collectivité.

La CTAP peut débattre sur tout projet visant à coordonner les interventions des puissances publiques locales sur son territoire dans le cadre de conventions territoriales d’exercice concerté (CTEC), qui ont pour objet de désigner un chef de file et des partenaires parmi les collectivités ou établissements concernés par une action publique. Elle a également pour mission de rationaliser l’action publique, notamment en participant à la réflexion de l’État sur le regroupement des schémas régionaux et départementaux en matière de développement économique, d’aménagement de l’espace, de transport et de mobilité, d’environnement, d’énergie et d’aménagement touristique.

B.   Les membres de la CTAP

Sont membres de la conférence territoriale de l’action publique, selon les dispositions de l’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales :

– le président du conseil régional ou de l’autorité exécutive de la collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution ;

– les présidents des conseils départementaux ou un représentant de l’autorité exécutive des collectivités territoriales exerçant les compétences des départements sur le territoire de la région ;

– les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 30 000 habitants ayant leur siège sur le territoire de la région ; dans la région d’Île-de-France, les présidents des établissements publics territoriaux ;

– un représentant élu des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de moins de 30 000 habitants ayant leur siège sur le territoire de chaque département ;

– un représentant élu des communes de plus de 30 000 habitants de chaque département ; un représentant élu des communes comprenant entre 3 500 et 30 000 habitants de chaque département ; un représentant élu des communes de moins de 3 500 habitants de chaque département ;

– le cas échéant, un représentant des collectivités territoriales et groupements de collectivités des territoires de montagne.

II.   Les travaux de la Commission spÉciale

Le présent article, qui résulte de l’amendement CS4188 de Mme Sandra Marsaud (LaREM), précise que les présidents des établissements publics chargés du pilotage d’un schéma de cohérence territoriale ayant leur siège sur le territoire de la région sont membres de la conférence territoriale de l’action publique.

Article 49 quinquies (nouveau)
Création du contrat de sobriété foncière

Créé par la commission spéciale

 

L’article 49 quinquies crée des contrats de sobriété foncière, qui ont pour objet la mise en œuvre territorialisée des objectifs de lutte contre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de lutte contre l’artificialisation des sols en vertu des dispositions de l’article 49.

Le présent article, qui résulte de l’adoption de l’amendement CS3450 de M. Guillaume Gouffier-Cha (LaREM), sous-amendé par le rapporteur (sous-amendement CS5414), vise à renforcer l’opérationnalité de la lutte contre la consommation des sols en créant des contrats de sobriété foncière.

Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics ont la possibilité de conclure ces contrats, entre eux et avec l’État, avec pour objet la mise en œuvre du projet global de territoire et du programme d’action porté par les collectivités pour lutter contre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et contre l’imperméabilisation et l’altération des sols, pour favoriser le recyclage urbain, et pour mettre en œuvre la trame verte et bleue, les continuités écologiques et la nature en ville.

Ce conventionnement permet donc, dans le respect des objectifs définis dans les documents d’urbanisme, de définir une trajectoire et des outils de mise en œuvre de la politique de lutte contre l’artificialisation. Sans se substituer à l’intégration des objectifs déclinés dans les documents de planification et d’urbanisme régionaux et territoriaux, le contrat de sobriété foncière a vocation à s’inscrire au sein de contractualisations existantes, notamment les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). 

Il prévoit un ensemble d’outils qui doivent permettre aux collectivités de mieux mettre en œuvre les objectifs contenus dans les documents de planification : les systèmes d’observation foncière à mettre en place, les programmes d’études à réaliser, les actions opérationnelles de revitalisation et de renaturation engagées et prévues, les compensations à mettre en œuvre, et les instruments d’ingénierie mis en œuvre.

Article 50
(article L. 2231-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Présentation d’un rapport local annuel sur l’artificialisation des sols

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article crée une obligation, à la charge de l’autorité locale compétente en matière d’urbanisme, de produire et de présenter devant l’organe délibérant de la collectivité ou du groupement, un rapport établissant l’état des lieux de l’artificialisation des sols observée sur l’année écoulée. Ce rapport doit être présenté tous les ans, ou tous les deux ans pour les collectivités de petite taille.

I.   le droit en vigueur

Les collectivités territoriales n’ont pas à ce jour d’outils particulièrement adaptés à la connaissance des dynamiques d’artificialisation. Cependant, plusieurs dispositifs sont en cours d’élaboration afin de conforter leurs capacités en la matière ([277]).

Les communes et les intercommunalités ont déjà des obligations redditionnelles en matière d’observation foncière sur le plus long terme. En effet, le rapport de présentation du plan local d’urbanisme (PLU) ([278]) doit analyser la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) au cours des dix années précédant l’arrêt du projet de plan ou depuis la dernière révision.

II.   les dispositions du projet de loi

Afin de permettre la meilleure connaissance par le public et par les élus des dynamiques d’artificialisation des sols dans leurs territoires, l’article L. 2231-1 (nouveau) d’un nouveau titre « Artificialisation des sols » du code général des collectivités territoriales institue un rapport annuel sur l’artificialisation des sols. Ce renforcement des obligations informatives des communes constitue une nécessité pour bien assurer le suivi de la mise en œuvre des dispositions de limitation de l’artificialisation des sols décidées dans les articles précédents.

Ce rapport est élaboré par l’exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement compétent (commune ou établissement public de coopération intercommunale) en matière d’urbanisme avant le 31 mars de chaque année pour l’année civile précédente. Le rapport vise d’abord à rendre compte des efforts de réduction de l’artificialisation en s’appuyant sur l’objectif de réduction de l’artificialisation intégré dans les textes par les articles 48 et 49 du présent projet de loi.

Le rapport est présenté à l’organe délibérant, donnant lieu à un débat. Il est publié et transmis au représentant de l’État dans le département et dans la région dans les conditions de droit commun. Il est également transmis au président du conseil régional et au président de l’établissement public de coopération intercommunale.

Le présent projet de loi intègre la lutte contre l’artificialisation des sols au nombre des objectifs généraux et structurants du droit de l’urbanisme et crée une trajectoire, assortie d’objectifs décennaux chiffrés à l’appui, de sortie de l’artificialisation (cf. articles 47 et 48). Cette trajectoire, déclinée au niveau des documents régionaux et territoriaux d’aménagement et d’urbanisme (cf. article 49), nécessite une meilleure connaissance par les élus et les acteurs des dynamiques de l’artificialisation.

Le rapport prévu doit, d’après l’étude d’impact, permettre de relever, de communiquer et de mettre à disposition des informations sur la lutte contre l’artificialisation des sols et sur ses impacts environnementaux. Il participe de ce fait au droit d’accès à l’information des particuliers, notamment en matière environnementale, et à la participation du public au processus décisionnel. Il sera cependant dépourvu de portée juridique et ne pourra pas être opposé à une autorisation d’urbanisme délivrée par la collectivité.

La production de ce rapport annuel pourra être soutenue par les outils d’observation développés dans la section précédente et par l’expertise des opérateurs publics spécialistes, dont les analyses permettent d’objectiver la trajectoire d’artificialiser au niveau des territoires.

La Convention citoyenne pour le climat a proposé plusieurs mesures qui doivent permettre de limiter l’artificialisation des sols, notamment la définition d’une enveloppe restrictive du nombre d’hectares pouvant être artificialisés. Le rapport annuel ici proposé doit permettre à la population de mieux contrôler les hectares en cours d’artificialisation.

La Convention a également proposé de renforcer les contrôles du respect des obligations de protection des espaces et de limitation de la consommation des terres non urbanisées (proposition SL3.10), objectif auquel participe cet article.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement du rapporteur (CS5153), qui assouplit les dates de remise du rapport local pour les communes de moins de 3 500 habitants, qui ne devront le produire qu’une fois tous les deux ans.

Elle a également adopté des amendements identiques tendant à inclure le président de l’établissement public chargé du schéma de cohérence territoriale (SCoT) parmi les personnes auxquelles est transmis le rapport local réalisé par la commune ou l’intercommunalité (amendements CS124 de M. Dino Cinieri et identiques).

En outre, la commission spéciale a adopté six amendements rédactionnels du rapporteur, un amendement rédactionnel de M. Mohamed Laqhila (CS2770) et un amendement de clarification de Mme Patricia Lemoine (CS2724). Elle a également adopté un amendement de coordination du rapporteur (CS5160), qui précise que la présentation du rapport devant l’assemblée délibérante est suivie d’un vote.

Article 50 bis (nouveau)
Création d’un rapport décennal d’évaluation de la stratégie de lutte
contre l’artificialisation

Créé par la commission spéciale

 

L’article 50 bis prévoit un rapport décennal du Gouvernement au Parlement relatif à l’évaluation de la mise en œuvre de la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols et préparant la période décennale suivante.

Créé par l’amendement CS5155 du rapporteur, cet article prévoit que le Gouvernement remettra, à la fin de la présente période décennale, qui constitue la première tranche de l’effort de réduction de l’artificialisation des sols, un rapport sur la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre l’artificialisation.

Ce rapport, qui doit être remis par le Gouvernement au Parlement, au plus tard le 21 décembre 2030, a deux fonctions principales : 

– évaluer la mise en œuvre des dispositions prévues par le présent texte. À cette fin, il apprécie les outils dont disposent les collectivités pour mener à bien leurs missions et rend compte de la façon dont les régions ont territorialisé les objectifs, en comparant notamment les méthodes de territorialisation et les dynamiques enregistrées, ainsi que la répartition de l’effort entre les différents schémas de cohérence territoriale et intercommunalités au sein des régions ;

– préparer la décennie suivante, en poursuivant l’objectif d’absence de toute artificialisation nette à l’horizon 2050, qui est défini dans l’article 47. De ce fait, il précise la trajectoire à adopter et prépare la transition entre le calcul en termes de sols consommés et le calcul en termes de sols artificialisés.

Article 51
(article L. 312-4 du code de l’urbanisme)
Insertion d’une densité minimale de constructions dans les
grandes opérations d’urbanisme

Adopté par la commission spéciale sans modification

 

L’article 51 fait évoluer la grande opération d’urbanisme, dispositif partenarial d’aménagement associant l’État aux collectivités qui emporte des simplifications procédurales dans le cadre d’un projet partenarial d’aménagement, en y intégrant un seuil de densité minimale des constructions.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

1.   La grande opération d’urbanisme

La grande opération d’urbanisme (GOU), définie aux articles L. 312-3 et suivants du code de l’urbanisme, est un dispositif d’aménagement dérogatoire au droit commun dont le principal atout réside dans le transfert des compétences d’urbanisme, notamment la délivrance des autorisations d’urbanisme, des collectivités participantes à l’intercommunalité.

Introduite à l’occasion de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), elle est décidée à l’occasion d’un projet urbain de grande ampleur ou de grande complexité, porté au niveau intercommunal et associant l’État à une ou plusieurs collectivités par le biais d’un contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA).

La mise en place d’une grande opération d’urbanisme implique donc un PPA qui lui préexiste et dont l’acte constitutif l’a expressément prévue. Dans ce cadre, l’organe délibérant de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent peut décider, après avis des communes territorialement concernés et avec l’accord du représentant de l’État dans le département, de transférer à la collectivité ou l’EPCI titulaire l’exercice de certaines compétences pour la réalisation, la construction, l’adaptation ou la gestion d’équipements publics, comme la délivrance des permis de construire ou la création d’une zone d’aménagement différé (ZAD).

Le projet partenarial d’aménagement

Le projet partenarial d’aménagement est un outil contractuel établi entre l’État, d’une part, et une ou plusieurs communes ou intercommunalités (établissements publics de coopération intercommunale, établissements publics territoriaux) ainsi que leurs établissements publics (sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales), d’autre part.

Par la convention de PPA, l’État et les collectivités et établissements signataires s’engagent réciproquement sur les aspects opérationnels et financiers d’une opération d’aménagement. Elle permet des solutions d’aménagement partenariales, intermédiaires entre l’intervention seule de la collectivité et l’opération d’intérêt national (OIN), qui permet à l’État de reprendre la compétence d’urbanisme.

Selon les données transmises par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, les premiers projets partenariaux d’aménagement, pris en application de la loi ELAN, ont été signés dès la fin de l’année 2019 et pendant l’année 2020. À ce jour, une seule grande opération d’urbanisme a été décidée dans le cadre d’un PPA. Il est à noter qu’un ralentissement du rythme de conclusion des PPA a été observé du fait de la crise sanitaire et du report des élections municipales. En 2021, le rythme s’accélère : 15 PPA sont en cours de signature et 75 nouvelles candidatures sont en cours d’instruction.

L’État accompagne cette dynamique par des dispositifs fiscaux adoptés dans le cadre de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, la contractualisation d’une enveloppe de subvention de 14 millions d’euros par an dans le cadre des contrats de plan État-région, le renforcement de leur rôle pour la requalification des zones d’activité économique (cf. dispositions de l’article 53 du présent texte) et dans le cadre de l’action des collectivités littorales (cf. commentaire de l’article 58).

À l’intérieur du périmètre de la GOU, la création et la réalisation d’opérations d’aménagement sont réputées d’intérêt communautaire ou métropolitain. L’intérêt communautaire ou métropolitain, qui est une condition nécessaire de l’exercice de certaines compétences par l’EPCI, peut se comprendre comme une ligne de partage, au sein d’une compétence, entre les domaines d’action transférés à la communauté et ceux qui demeurent au niveau des communes. Cet intérêt est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil communautaire.

L’EPCI devient compétent pour délivrer certaines autorisations d’urbanisme (permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir), déroger à certaines règles, mettre en place une zone d’aménagement différé (ZAD) avec application décennale du droit de préemption urbain (DPU), accélérer la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et l’adaptation des normes de rang supérieur. Il peut réaliser, construire, adapter ou gérer des équipements publics relevant de la compétence de la commune d’implantation mais nécessaires à la GOU et qui ont été précédemment identifiés et localisés lors de la réalisation de l’acte de qualification. De la même façon, une commune à l’intérieur d’une GOU peut confier la réalisation d’équipements publics relevant de sa compétence à l’établissement titulaire.

La compétence du maire pour délivrer des autorisations d’urbanisme

Avec les lois de décentralisation, les maires ont reçu compétence pour délivrer les permis de construire dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale approuvée. L’État reste, par exception, compétent pour se prononcer sur certains projets mentionnés à l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme, notamment les travaux qui sont menés à l’intérieur d’une opération d’intérêt national (OIN).

L’article L. 422-3 du code de l’urbanisme prévoit la possibilité pour une commune de déléguer la compétence d’urbanisme à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la compétence étant alors exercée par le président de l’EPCI. La délégation de compétence doit être confirmée dans les mêmes formes après chaque renouvellement du conseil municipal ou après l’élection d’un nouveau président de l’EPCI. Si la commune n’est pas couverte par un document d’urbanisme, les permis sont instruits et délivrés par le maire au nom de l’État, sauf dans des cas énumérés où la compétence revient au préfet.

2.   Les outils existants en matière de densification

La suppression du coefficient d’occupation des sols (COS) ([279]) a visé à favoriser la densification des constructions en privant les collectivités d’un outil de limitation de la constructibilité des terrains. Il demeure encore possible d’utiliser le coefficient d’emprise au sol (CES) en définissant une emprise au sol maximale de la construction par rapport à la surface du terrain, afin de maintenir des surfaces non artificialisées sur une partie du terrain constructible. Plusieurs dispositifs ont existé ou existent déjà en matière d’encouragement à la densification du bâti :

– une densité minimale de construction peut être prévue par le règlement du plan local d’urbanisme (PLU), qui peut délimiter, à proximité des infrastructures de transports collectifs existantes ou programmées, des secteurs dans lesquels elle est exigée ([280]) ;

– une surface de plancher dont la construction est autorisée peut être déterminée par l’autorité compétente en matière d’urbanisme au sein d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) ([281]) ;

– des secteurs à l’intérieur desquels un dépassement des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol est autorisé peuvent également être prévus par le règlement du PLU ([282]) ;

– des objectifs chiffrés de densification, en cohérence avec l’armature territoriale et la desserte par les transports collectifs, sont fixés par le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCoT) ([283])  ;

– une étude de densification des zones urbanisées peut être exigée par le SCoT ([284]) ou le PLU(i) ([285]), notamment pour justifier la nécessité d’ouvrir à l’urbanisation un nouveau secteur (cf. commentaire de l’article 49) ;

– le versement pour sous-densité (VSD) était une taxe instituée par délibération de la commune ou de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme, qui fixait un seuil minimal de densité par secteur pour une durée minimale de trois ans ([286]). Les constructions nouvelles en zones U et AU des PLU pouvaient être soumises à un seuil minimal de densité (SMD) en deçà duquel le bénéficiaire du permis de construire devait verser une taxe. Le SMD ne pouvait être inférieur à la moitié ni supérieur aux trois quarts de la densité maximale autorisée. Le VSD a été supprimé récemment par le législateur, qui a estimé que cette taxe était trop peu mise en place par les collectivités et ne produisait qu’un rendement excessivement faible ([287]).

II.   les dispositions du projet de loi

L’article L. 312-4 du code de l’urbanisme précise les modalités de qualification en tant que grande opération d’urbanisme, qui doit se faire par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’intercommunalité titulaire, après avis conforme des communes territorialement concernées. L’article fixe les conditions de l’acte de qualification, qui fixe, en même temps que les modalités de leur modification, les caractéristiques de la GOU : sa durée et son périmètre.

Le présent article 51 propose d’ajouter à ces deux caractéristiques la qualification d’une densité minimale de constructions, déclinée par secteur.

Cette modification doit permettre de mieux densifier les nouvelles constructions, en particulier en ce qui concerne le logement individuel. En effet, d’après l’étude d’impact, celles-ci jouent un rôle important dans la détermination de la dynamique de l’artificialisation des sols. Les opérations d’aménagement comme les GOU permettent la conception globale de formes denses mais qui assurent aussi un haut niveau de qualité urbaine. Elles favorisent le recyclage foncier de diverses sortes : de la revitalisation des centre-bourgs à la réhabilitation des friches et la réinvention des périphéries.

Les GOU associent de manière particulièrement étroite l’État et les collectivités territoriales et permettent des moyens d’intervention renforcés, ce qui donne à cette modification législative une portée plus immédiate que pour ce qui concerne les instruments d’urbanisme moins directement portés par l’État.

La Convention citoyenne pour le climat a proposé d’interdire toute artificialisation des terres tant que des réhabilitations du bâti existant ou de sites en friche d’activités (commerciales, industrielles, artisanales) sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante (proposition SL3.2). On peut considérer que cette proposition a pour objectif de limiter l’étalement urbain tant qu’il est possible d’exploiter et donc de densifier le tissu urbain existant.

La Convention n’a pas souhaité formuler de proposition contraignante quant à la densification des tissus urbains, bien que celle-ci soit également interprétable comme une obligation à partir du moment où les processus d’étalement urbain se trouvent stoppés. Elle a cependant évoqué la nécessité de « sensibiliser à l’importance et l’intérêt de la ville plus compacte », et de « construire une nouvelle culture de l’habitat collectif » (proposition SL3.11).

Article 51 bis (nouveau)
(article L. 300-1 du code de l’urbanisme)
Création d’une étude préalable de densification pour les opérations d’aménagement faisant l’objet d’une évaluation environnementale

Créé par la commission spéciale

 

L’article 51 bis institue une étude préalable de densification pour toute opération d’aménagement, au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, qui est soumise à la réalisation d’une évaluation environnementale.

I.   Le droit EN VIGUEUR

A.   L’Évaluation environnementale

1.   Principe et déroulement de l’évaluation environnementale

L’évaluation environnementale ([288]) vise à faire intégrer par le maître d’ouvrage les préoccupations environnementales et de santé le plus en amont possible dans l’élaboration du projet, du plan ou du programme, ainsi qu’à chaque étape importante du processus de décision publique, selon le principe d’intégration. Elle vise aussi à en rendre compte vis-à-vis du public, notamment lors de l’enquête publique ou de la mise à disposition du public, selon le principe de participation.

La démarche d’évaluation environnementale traduit également les principes de précaution et de prévention : les décisions autorisant les projets et approuvant les plans et programmes et autres documents d’urbanisme doivent être justifiées, notamment quant au risque d’effets négatifs notables sur l’environnement et la santé, ces derniers devant être évités, réduits ou compensés (séquence ERC).

L’évaluation doit rendre compte des effets potentiels ou avérés sur l’environnement du projet, du plan ou du programme et permet d’analyser et de justifier les choix retenus au regard des enjeux identifiés sur le territoire concerné. L’évaluation environnementale doit être réalisée le plus en amont possible, notamment, en cas de pluralité d’autorisations ou de décisions, dès la première autorisation ou décision, et porter sur la globalité du projet et de ses impacts.

L’évaluation environnementale est constituée de trois phases principales :

– l’élaboration d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement (étude d’impact pour les projets, rapport sur les incidences environnementales pour les plans et programmes) par le maître d’ouvrage du projet ou la personne publique responsable du plan ou programme ;

– la réalisation des consultations prévues, notamment la consultation de l’autorité environnementale, qui rend un avis sur le projet, plan, programme et sur le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, et la consultation du public ;

– l’examen par l’autorité autorisant le projet ou approuvant le plan ou programme des informations contenues dans le rapport d’évaluation et reçues dans le cadre des consultations.

2.   Projets soumis à évaluation environnementale

La liste des catégories de projets, plans et programmes, qui doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale est établie par décret ([289]). Les projets, plans et programmes se divisent en deux catégories. Si certains d’entre eux, par leurs caractéristiques propres, sont soumis de manière systématique à évaluation environnementale, d’autres doivent faire l’objet d’un examen au cas par cas afin de déterminer, au regard de leurs possibles impacts notables sur l’environnement, si une évaluation environnementale doit être réalisée. Cette décision est prise par l’autorité environnementale.

En ce qui concerne les projets, une grande variété de travaux, constructions et opérations d’aménagement sont soumis à l’élaboration d’une évaluation environnementale :

– y sont obligatoire soumis les travaux et constructions qui créent une surface de plancher ou une emprise au sol supérieure ou égale à 40 000 mètres carrés. Peuvent y être soumis, au cas par cas, les travaux et constructions dont la surface de plancher ou d’emprise est comprise entre 10 000 et 40 000 mètres carrés ;

– y sont également obligatoirement soumises les opérations d’aménagement dont le terrain d’assiette est supérieur ou égal à dix hectares, ou dont la surface de plancher ou l’emprise au sol est supérieure ou égale à 40 000 mètres carrés. Peuvent y être soumis, au cas par cas, les opérations dont le terrain d’assiette est compris entre cinq et dix hectares ou dont la surface de plancher ou d’emprise est comprise entre 10 000 et 40 000 mètres carrés.

En ce qui concerne les plans et programmes, ils peuvent être soumis à une évaluation environnementale dite « stratégique » : c’est le cas notamment, parmi les documents mentionnés dans le présent titre, du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), du schéma de cohérence territoriale (SCoT) et de certains plans locaux d’urbanisme (PLU[i]).

Le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale peut aussi, en fonction des circonstances locales, subordonner toute ouverture à l’urbanisation d’un secteur nouveau à la réalisation préalable d’une évaluation environnementale ([290]).

B.   L’Étude de densification

Les études de densification existent depuis la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Elles sont principalement mises en œuvre à deux échelons :

– le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCoT) fixe des objectifs chiffrés de densification en cohérence avec l’armature territoriale et la desserte par transports collectifs ([291]). En outre, il peut subordonner l’ouverture à l’urbanisation d’un secteur nouveau ou des secteurs à urbaniser de moyen et long terme à la réalisation d’une étude de densification des zones déjà urbanisées, permettant d’apprécier la capacité de densification des territoires ([292]) ;

– le diagnostic préalable à l’élaboration du rapport de présentation du plan local d’urbanisme (PLU[i]) comporte, en plus de l’analyse de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédentes, une analyse de la capacité de densification et de mutation de l’ensemble des espaces bâtis.

II.   Les travaux de la Commission spÉciale

Le présent article est issu de l’amendement CS3898 de Mme Valérie Petit (Agir ensemble).

Il prévoit, à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, qui définit les opérations d’aménagement, que toute action ou opération d’aménagement qui fait l’objet d’une évaluation environnementale doit également faire l’objet d’une étude sur l’optimisation de la densité des constructions. Cette étude tient compte de la qualité urbaine ainsi que de la préservation et de la reconquête de la biodiversité et de la nature en ville.

Les conclusions de cette étude de densification sont prises en compte dans l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-3 du code de l’environnement.

Article 52
(article L. 752-6 du code de commerce)
Encadrement des modalités d’octroi de l’autorisation d’exploitation commerciale des projets engendrant une artificialisation des sols

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article conditionne la délivrance de l’autorisation d’exploitation commerciale pour les projets d’implantation ou d’extension commerciale qui engendrent une artificialisation des sols et qui ont une surface de vente inférieure à 10 000 mètres carrés. Il rend impossible la délivrance de cette autorisation pour tout projet d’une surface de vente supérieure à 10 000 mètres carrés.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

Les zones d’activités consacrées à des activités de services, dont les surfaces d’activités commerciales et économiques constituent l’essentiel, représentent 16 % des sols artificialisés ([293]). Du fait de leur forte emprise au sol ainsi que de leur impact sur les fonctionnalités des sols et la préservation de la biodiversité, l’implantation de ces activités est d’ores et déjà encadrée par un dispositif spécifique.

A.   La planification commerciale dans les documents d’urbanisme

Au niveau des documents de planification à l’échelle locale, c’est principalement dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCoT) ([294]) que l’aménagement commercial est prévu. Ainsi, les autorisations d’exploitation commerciale (AEC) délivrées doivent être compatibles avec les objectifs du DOO. Celui-ci précise les orientations relatives à l’équipement commercial et artisanal. Le SCoT définit, sur le fondement de ces principes, les localisations préférentielles des commerces. Il prend en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes et de maintien d’une offre diversifiée de proximité répondant aux besoins de la population. Il s’efforce de limiter les déplacements et, de ce fait, la cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises.

À cette fin, il comprend un document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) qui détermine les conditions d’implantation des équipements commerciaux. Ces conditions doivent privilégier « la consommation économe de l’espace, notamment en entrée de ville, par la compacité des formes bâties, l’utilisation prioritaire des surfaces commerciales vacantes et l’optimisation des surfaces dédiées au stationnement » ([295]). Le DAAC a vocation à localiser les secteurs d’implantation périphérique et les centralités urbaines. Il prévoit les conditions d’implantation, le type d’activité et la surface de vente maximale des équipements commerciaux en fonction du secteur identifié.

B.   le RÉgime de l’amÉnagement commercial

Le régime de l’aménagement commercial, prévu aux articles L. 750-1 et suivants du code de commerce ([296]), est un régime d’autorisation. Lorsqu’un entrepreneur souhaite ouvrir ou étendre une surface commerciale supérieure à 1 000 mètres carrés de surface de vente, il lui est nécessaire d’obtenir au préalable une autorisation d’exploitation commerciale (AEC) ([297]).

Cette autorisation est délivrée par une commission départementale de l’aménagement commercial (CDAC), dont la décision est susceptible de recours devant la Commission nationale de l’aménagement commercial (CNAC). La délivrance de l’AEC s’articule avec celle de l’autorisation d’urbanisme, qui est délivrée par l’autorité compétente en matière d’urbanisme (maire ou président d’intercommunalité) ([298]). Deux situations sont donc possibles :

– lorsque le projet de création ou d’extension de surface requiert un permis de construire, celui-ci ne peut être délivré par le maire qu’après avis favorable de la CDAC. Dès lors que la demande de permis de construire a fait l’objet d’un avis favorable de la CDAC, il tient alors lieu d’autorisation d’exploitation ([299]) ;

– lorsque le projet ne requiert pas de permis de construire, l’entrepreneur saisit directement la CDAC pour obtenir l’autorisation d’exploitation.

La CDAC apprécie si les implantations, extensions et transferts d’activités ainsi que les changements de secteur d’activité des entreprises commerciales et artisanales répondent, dans le cadre d’une concurrence loyale entre acteurs, aux exigences existantes en matière d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme ([300]). De ce fait, les critères d’appréciation de l’implantation des projets ont évolué pour mieux prendre en compte l’intégration urbaine des équipements commerciaux, la consommation économe de l’espace, leur qualité environnementale et la nécessité de limiter les nuisances sur l’environnement proche.

Par une circulaire du 24 août 2020 ([301]), le Premier ministre a précisé aux préfets, dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation, leur rôle en matière d’aménagement commercial. Il y a rappelé que les CDAC doivent apprécier les effets des projets et refuser ceux qui pourraient compromettre les objectifs d’intérêt général susmentionnés, « au premier rang desquels la lutte contre l’artificialisation des sols ». Le Premier ministre invite les représentants de l’État à exercer une « vigilance toute particulière » sur le respect du principe de la consommation économe de l’espace.

Actuellement, ces critères sont appréciés selon la méthode dite du « faisceau d’indices », en s’appuyant sur trois éléments fondamentaux : le respect de l’aménagement du territoire, la prise en compte du développement durable et la protection des consommateurs (cf. encadré).

Dans le cadre du droit de l’Union européenne, il n’est pas possible, en revanche, de subordonner l’octroi de l’autorisation à la preuve de l’existence d’un besoin économique ou d’une demande du marché ([302]). Ainsi, la Commission européenne considère que le fait de subordonner l’octroi de l’AEC au respect de critères économiques, tels que la densité commerciale de la zone de chalandise, est constitutif d’un test économique proscrit. Le Conseil d’État rappelle ainsi que « depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d’équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre (…) des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du code de commerce » ([303]).

Les facteurs d’appréciation de l’implantation commerciale

Lorsqu’elle a à apprécier l’opportunité de l’implantation ou de l’extension d’une surface commerciale, la CDAC doit prendre en compte un certain nombre d’éléments, énumérés à l’article L. 752-6 du code de commerce :

1° En matière d’aménagement du territoire :

a) La localisation du projet et son intégration urbaine ;

b) La consommation économe de l’espace, notamment en termes de stationnement ;

c) L’effet sur l’animation de la vie urbaine et rurale ;

d) L’effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité ;

e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation et de l’intercommunalité ;

f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d’infrastructures et de transports ;

2° En matière de développement durable :

a) La qualité environnementale du projet, notamment l’imperméabilisation ;

b) L’insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l’utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ;

c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche.

3° En matière de protection des consommateurs :

a) L’accessibilité ;

b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial ;

c) La variété de l’offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ;

d) Les risques naturels, miniers et autres.

À titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale.

II.   les dispositions du projet de loi

L’étude des dossiers qui font l’objet d’un recours à la CNAC montre qu’un grand nombre de projets fortement consommateurs de foncier ne font pas l’objet d’un recours de la décision de la CDAC. C’est pourquoi l’évolution des critères d’attribution de l’AEC semble nécessaire, à la fois pour préciser l’examen de la CDAC et pour étayer d’éventuels recours devant la CNAC ([304]).

Le présent article modifie l’article L. 752-6 du code de commerce, qui précise tous les critères qui doivent être pesés et appréciés par la CDAC préalablement à la délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale (cf. encadré).

Il insère audit article un nouveau principe général de l’appréciation de la CDAC, selon lequel elle ne peut délivrer une autorisation d’exploitation commerciale lorsque l’implantation ou l’extension de surface commerciale envisagée engendre une artificialisation des sols.

En vertu de l’alinéa 8, cette impossibilité de délivrer une AEC est absolue en ce qui concerne les projets ayant une surface de vente supérieure à 10 000 mètres carrés (m²). Cette disposition signifie donc notamment la fin, pour l’avenir, des centres régionaux classés comme « régionaux » (surface de vente supérieure à 40 000 m²) et « super-régionaux » (surface de vente supérieure à 80 000 m²).

En vertu des alinéas 3 à 7, l’AEC peut être délivrée, pour les projets ayant une surface de vente inférieure à 10 000 m² et qui répondent à un ou plusieurs critères suivants :

– le projet s’insère dans le périmètre d’une opération de revitalisation du territoire (ORT) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ;

– le projet est adéquat au type d’urbanisation du secteur, c’est-à-dire à la morphologie urbaine du secteur d’implantation, et s’inscrit en continuité avec le tissu urbain existant, sachant que cette continuité s’apprécie au regard du caractère bâti ou non des parcelles adjacentes au terrain d’implantation du projet ;

– le projet s’insère dans une opération d’aménagement plus vaste ou dans un ensemble bâti déjà constitué, dans un objectif de recherche de la mixité fonctionnelle du secteur ;

– le projet fait l’objet d’une compensation de l’artificialisation qu’il engendre par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, selon des modalités d’équivalence qui seront définies par décret.

La Convention citoyenne pour le climat a préconisé de prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace (SL3.3).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement CS5325 du rapporteur. Cet amendement vise à préciser et limiter les cas de l’octroi de la dérogation pour les projets d’implantation ou d’extension d’une exploitation commerciale d’une surface de vente inférieure à 10 000 mètres carrés.

En conséquence, tout projet sera, d’une part, soumis à trois conditions obligatoires cumulatives : son insertion en proximité avec le tissu urbain existant, un type d’urbanisation adéquat à l’environnement bâti, et, comme dans l’article initial, la réponse aux besoins économiques et démographiques du territoire.

En plus de ces conditions, s’ajoute une quatrième condition obligatoire, à choisir entre quatre critères, alternatifs et non cumulatifs :

– l’insertion dans un secteur d’opération de revitalisation du territoire (ORT) ou de quartier prioritaire (QPV) ;

– la compensation de l’artificialisation par transformation du sol artificialisé en sol non artificialisé ;

– l’insertion dans un secteur d’implantation périphérique ou une centralité urbaine établis par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou dans une zone d’activité commerciale établie par le plan local d’urbanisme avant l’entrée en vigueur de la présente loi ;

– l’insertion dans un projet d’aménagement qui se situe au sein d’un espace déjà urbanisé.

Article 52 bis (nouveau)
(article L. 141-6 du code de l’urbanisme)
Planification obligatoire, dans le document d’aménagement artisanal et commercial du SCoT, de l’implantation d’entrepôts logistiques

Créé par la commission spéciale

 

L’article 52 bis fait évoluer le document d’aménagement artisanal et commercial du schéma de cohérence territoriale pour y inclure des dispositions obligatoires sur la planification de l’implantation des constructions logistiques commerciales.

I.   Le droit EN VIGUEUR

Le schéma de cohérence territoriale (SCoT) est un document de planification territoriale qui facilite la mise en cohérence des politiques sectorielles à l’échelle de son territoire, notamment en matière d’habitat, de mobilités, d’environnement et d’aménagement commercial. Dans ce domaine, les choix des auteurs du SCoT sont traduits dans le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC), qui définit les conditions d’implantation des équipements commerciaux et peut fixer des prescriptions différenciées par secteur géographique. Dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020, les articles L. 141-1 et suivants prévoient les dispositions relatives au schéma de cohérence territoriale (SCoT).

Ces dispositions prévoient notamment l’implantation des constructions logistiques commerciales. En application de l’article L. 141-6, le DAAC peut prévoir les conditions permettant le développement ou le maintien de la logistique commerciale de proximité dans les centralités urbaines afin de limiter les flux de marchandises des zones périphériques vers les centralités urbaines. Il peut également déterminer les conditions d’implantation des constructions commerciales et de constructions logistiques commerciales.

II.   Les travaux de la Commission spÉciale

Dans ce contexte, l’amendement CS5149 du rapporteur vise à renforcer la capacité des collectivités territoriales à planifier le développement de l’implantation des entrepôts logistiques à vocation commerciale. À cette fin, il modifie le nom et le contenu de ce document, qui devient le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL).

Il doit obligatoirement comporter une analyse de l’implantation des constructions logistiques commerciales en fonction de leur surface, de leur impact sur les équilibres territoriaux en termes économiques et en termes d’aménagement. Ces équilibres doivent être compris au regard de l’impact sur le commerce de proximité. Le DAAC examine aussi les flux engendrés par la présence des entrepôts en matière de personnes et de marchandises.

Article 53
(articles L. 318-8-1 [nouveau], L. 318-8-2 [nouveau], L. 300-1 et L. 300-8 [nouveau] du code de l’urbanisme ; article 6 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de copropriétaires)
Enrichissement des moyens de connaissance des zones d’activité économique et d’intervention dans les zones d’activité en obsolescence urbaine

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article crée une obligation, à la charge de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), d’établir un inventaire des zones d’activité économique (ZAE) qui relèvent de sa compétence. Il octroie également au préfet, au maire et au président d’EPCI la faculté, dans certaines conditions, de mettre en demeure les propriétaires de biens vacants dans une ZAE de réaliser des travaux de réhabilitation. Il permet à ces autorités de procéder à l’expropriation des propriétaires lorsque la mise en demeure de réaliser des travaux n’est pas suivie d’effet. Enfin, il aménage le régime de l’association foncière urbaine afin d’y sécuriser la participation des personnes publiques.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

A.   le champ des zones d’activitÉ

Selon une définition du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), la zone d’activité économique désigne la concentration ou le regroupement d’activités économiques de natures variées (artisanales, tertiaires, industrielles, logistiques) sur un périmètre correspondant à une opération d’aménagement réalisée par un maître d’ouvrage public ou privé, donc en exclusion des zones qui se sont constituées de fait sans aménageur unique ([305]). Selon un décompte datant du Grenelle de l’environnement de 2007, le nombre de ZAE oscillerait entre 24 000 et 32 000, concernant 450 000 hectares.

Les ZAE, nées dans les années 1950 et 1960, doivent leur essor, selon l’étude précitée du CEREMA, à la décentralisation des compétences au profit des collectivités territoriales. L’aménagement des ZAE constitue en effet l’un des volets principaux de l’action du bloc communal au titre de la compétence dont il dispose en matière de développement économique ([306]).

En 2015, la compétence en matière de « création, d’aménagement, d’entretien et de gestion de zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire » a été transférée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ([307]). La totalité des ZAE relèvent donc, depuis cette évolution, de l’exercice exclusif de la compétence de l’EPCI ([308]).

La mise en œuvre des dispositions de la loi NOTRe s’est accompagnée d’un premier recensement des zones concernées. Cependant, s’il existe des inventaires qui ont été constitués depuis 2015, cette démarche n’est pas obligatoire.

La vocation générale de la zone d’activités peut varier et dépend des orientations économiques portées par les collectivités concernées :

– une zone d’activité industrielle, qui peut éventuellement compter des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ;

– une zone artisanale, qui accueille principalement des petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries ;

– une zone d’entrepôt ; une zone d’aménagement commercial ; ou une zone tertiaire ;

– une zone mixte, qui cherche à promouvoir une mixité entre activités économiques notamment tertiaires, équipements publics et logement.

B.   L’amÉnagement d’une zone d’activitÉ

1.   Réalisation d’une zone d’activité

La réalisation d’une zone d’activités constitue une démarche planificatrice et opérationnelle qui accompagne le développement économique et la croissance de l’activité des entreprises. Elle doit de ce fait s’inscrire dans une démarche globale de développement dans un cadre intercommunal. Le cadre des schémas de cohérence territoriale (SCoT) permet de confronter les projets de zone d’activité économique prévus à l’échelle des communes ([309]) avec les besoins des entreprises à l’échelle du bassin de vie et dans une perspective de long terme.

L’implantation se décompose en un certain nombre d’étapes qui impliquent des autorités différentes. Le choix de la localisation du site par rapport au centre de l’agglomération de rattachement est un élément important qui dépend de la desserte et des contraintes du site examiné. La zone fait ensuite l’objet d’une étude des besoins et des capacités d’accueil. Il est nécessaire d’évaluer la demande en termes de besoins locaux, de carences de marché, d’évolutions souhaitées et de demandes de proximité et d’estimation de ses caractéristiques et de son volume (dimension des lots, urgence des besoins).

Les modalités d’aménagement de ce genre de zones varient, mais la plupart d’entre elles passent par une zone d’aménagement concerté (ZAC) ou, pour les projets de moindre envergure, par une procédure de lotissement avec institution du permis d’aménager. La commune peut procéder elle-même à l’aménagement de la zone, la faire aménager entièrement ou partiellement par une société publique d’aménagement (société publique locale, société d’économie mixte) ou la confier à un aménageur privé.

Les interventions économiques des collectivités doivent respecter trois principes : ne pas porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, veiller à l’égalité des citoyens devant les charges publiques, et rester en conformité avec la loi.

2.   Obsolescence et requalification d’une zone d’activité

Le risque de l’obsolescence des zones d’activité n’est le seul fait d’une situation de crise économique. Globalement, le CEREMA a observé que les ZAE créées dans les années 1980 et 1990 ont été concernées par l’obsolescence et les démarches de requalification à partir des années 2000. Les zones créées dans les années 2000 devraient maintenant commencer à être concernées par le même phénomène.

Les intercommunalités titulaires de la compétence d’aménagement des zones d’activité sont également compétentes pour y mener des opérations d’entretien, de restructuration et de réhabilitation. Dans cette optique, l’outil le plus approprié, lorsque l’intercommunalité mène seule le projet, est la zone d’aménagement concerté (ZAC). Cet outil ouvre la possibilité d’intervenir sur la maîtrise foncière par la préemption et l’expropriation après enquête publique, ce qui en fait un instrument privilégié pour les opérations de recyclage urbain.

Pour mener à bien la requalification, la réhabilitation ou le recyclage des zones d’activité obsolescentes, il est également possible de contracter avec l’État dans le cadre de plusieurs outils à la disposition des EPCI :

– la conclusion d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) et d’une grande opération d’urbanisme (GOU) ([310]) ;

– l’intervention des établissements publics fonciers d’État, qui peuvent faciliter la maîtrise foncière, notamment dans le cadre d’une ZAC ;

– l’intervention, dans le périmètre qui relève de sa compétence, d’un établissement public d’aménagement ;

– l’intervention d’un opérateur de l’État spécialisé dans l’accompagnement des actions de requalification (l’Agence nationale pour la rénovation urbaine dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’Agence de la transition écologique).

II.   LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le dispositif proposé vise à mieux assurer l’intégration des zones d’activité économique à la ville en y insérant des fonctions urbaines et des équipements et services adaptés à ces espaces. Il s’agit aussi de développer une meilleure gestion urbaine de ces zones par une connaissance améliorée, afin de mieux encourager leur multifonctionnalité et ainsi d’influer positivement sur leur attractivité.

Le 1° du I crée une nouvelle section 4 dans le code de l’urbanisme relatif aux zones d’activité économique :

L’article L. 318-8-1 (nouveau) définit la catégorie des zones d’activité économique, qui comprend les zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire, qui sont évoquées dans plusieurs dispositions du code général des collectivités territoriales ([311]) (alinéa 5).

L’article L. 318-8-2 (nouveau) confie, à l’EPCI chargée de la création, de l’aménagement et de la gestion des ZAE, la charge obligatoire d’en établir l’inventaire (alinéa 6). L’inventaire, qui est actualisé au minimum tous les six ans (alinéa 12), est mis en consultation auprès des propriétaires et occupants de la zone, puis transmis aux autorités compétentes en matière de SCoT, de PLU et de PLH (alinéa 11). Comme le prévoit le II du présent article, il doit être réalisé et adopté dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi (alinéa 19). Il comprend :

1° un état parcellaire des unités foncières de la ZAE avec la surface de chaque unité foncière et l’identité de son propriétaire (alinéa 8) ;

2° l’identification des occupants (alinéa 9) ;

3° le taux de vacance au sein de la zone, calculé en rapportant au nombre total d’unités foncières dans la zone celui des unités foncières non affectées à une activité entrant dans le champ de la cotisation foncière des entreprises (alinéa 10).

Le 3° du I modifie l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, qui définit les principes généraux de l’aménagement et constitue un socle pour de nombreux articles qui se réfèrent à son champ. En effet, les opérations d’aménagement peuvent concerner une série de domaines ici énumérés : la mise en œuvre d’un projet urbain, la politique locale de l’habitat, le maintien, l’extension ou l’accueil d’activités économiques, le développement des loisirs et du tourisme, la réalisation d’équipements collectifs, la réalisation de locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, la lutte contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, le renouvellement urbain, et la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti et des espaces naturels.

Le présent alinéa y ajoute l’organisation de la mutation des activités économiques (alinéa 14).

Le 4° du I insère un article L. 300-8 (nouveau) au code de l’urbanisme (alinéa 15). Cet article crée une faculté supplémentaire qui peut être exercée dans le périmètre d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) ou d’une convention d’opération de revitalisation du territoire (ORT). C’est le préfet, le maire après avis du conseil municipal ou le président d’intercommunalité après avis de l’organe délibérant qui l’exerce.

Dans une zone d’activité économique, lorsque l’absence d’entretien d’un local vacant compromet l’aménagement ou la restructuration de la zone, l’autorité compétente peut mettre en demeure le propriétaire de procéder aux travaux de réhabilitation (alinéa 16).

Si le propriétaire n’obtempère pas dans un délai d’un an, l’expropriation des locaux peut être engagée par l’autorité qui a procédé à la mise en demeure, au profit de l’autorité qui la prononce (alinéa 17).

Le III et le IV (alinéas 20 à 22) concernent l’hypothèque légale. Ces dispositions visent à faciliter la participation des personnes publiques aux opérations de requalification des zones d’activité. Par modification introduite à l’article 6 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, il est disposé que lorsque les personnes publiques sont membres d’une copropriété, l’hypothèque légale ne peut s’appliquer à ceux de leurs immeubles qui appartiennent au domaine public.

Cette disposition vise à répondre à l’incompatibilité qui existe entre l’appartenance des biens d’une personne publique au périmètre d’une association foncière urbaine (AFU), outil utilisé notamment dans la requalification des zones d’activité économique, et la garantie de l’hypothèque légale sur les biens. Cette garantie, qui pèse sur les biens des membres d’une AFU, n’est pas compatible avec l’imprescriptibilité du domaine public. La présente disposition vise donc, de façon à résoudre cette ambiguïté, à autoriser leur participation à l’AFU en clarifiant que, dans ce cas, le régime de l’hypothèque légale ne s’appliquera pas à ceux de leurs biens qui relèvent du domaine public.

La Convention citoyenne pour le climat invite d’une part à interdire toute artificialisation des terres, et même toute ouverture de nouvelles zones à construire, tant que des réhabilitations de bâtiments ou de friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante (SL3.2).

La Convention souhaite aussi voir facilitées les reprises et réhabilitations des friches, notamment par la possibilité pour les communes d’exproprier les friches délaissées depuis au moins dix ans (SL3.7).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement de M. Thibault Bazin (LR) (CS2750), sous-amendé par le rapporteur (sous-amendement CS5432), qui porte d’un à deux ans le délai dans lequel les établissements publics de coopération intercommunale compétents doivent adopter l’inventaire des zones d’activités économiques prévu par l’article.

En outre, elle a adopté huit amendements rédactionnels du rapporteur.

Article 53 bis (nouveau)
(article L. 111-26 [nouveau] du code de l’urbanisme)
Définition de la friche

Créé par la commission spéciale

 

L’article 53 bis définit la friche comme tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable.

I.   Le droit EN VIGUEUR

L’absence d’une définition harmonisée des friches ([312])

Le traitement des friches est d’abord marqué par un problème de définition et de recensement. Il n’existe ainsi pas de définition officielle de la friche, et elle ne renvoie pas non plus à une notion juridique. Parmi les multiples définitions qui circulent, celle donnée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ne correspond pas toujours aux réalités locales : « Espace bâti ou non, anciennement utilisé pour des activités industrielles, commerciales ou autres, abandonné depuis plus de deux ans, et de plus de 2000 mètres carrés ».

Comme le signale le Laboratoire d’initiatives foncières et territoriales innovantes (LIFTI), cette définition occulte une grande partie des friches de moindre taille ou de date plus récente, ce qui pose des difficultés quant à leur recensement et leur aménagement dans un temps restreint. Cette « invisibilisation » est d’autant plus problématique qu’elle concerne le plus souvent des territoires stratégiques comme les anciens établissements artisanaux, situés dans des endroits proches des centres-villes. Car en réalité, si les friches industrielles se distinguent par leur état d’abandon ou de délabrement, leurs autres caractéristiques font l’objet de débat :

– leur ancienne finalité économique : l’INSEE ne fait par exemple pas la différence entre anciennes friches industrielles, commerciales ou militaires, ce qui rend l’identification des friches spécifiquement industrielles moins aisée ;

– leur localisation : majoritairement implantées en zone urbaine ou périurbaine, les friches industrielles représentent, selon le périmètre retenu, une plus ou moins grande partie des friches urbaines, terme employé notamment par l’Agence de la transition écologique (ADEME) ;

– leur état sanitaire : on distingue les friches polluées et non polluées. Les friches polluées sont en général des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Elles concentrent la majorité des enjeux et font l’objet d’une procédure administrative différente selon leur degré de risque : la déclaration, l’enregistrement ou l’autorisation ;

– leur superficie : elle doit être supérieure à 2000 mètres carrés selon la définition de l’INSEE, mais d’autres acteurs, comme le LIFTI ou l’ADEME, optent pour une définition plus large qui exclut tout critère de taille ;

– l’ancienneté de leur état d’abandon : l’INSEE évoque des friches abandonnées depuis plus de deux ans, et quoique certains acteurs estiment que cette limitation temporelle est trop restrictive, d’autres personnes interrogées à ce sujet ont trouvé que cet intervalle est suffisant.

Si la documentation élaborée à l’échelon national est plus avancée en matière de friches industrielles que pour tous les autres types de friches, elle n’en demeure pas moins lacunaire et fragmentée. En effet, en l’absence de définition et d’inventaire sur le plan national, des observatoires locaux des friches ont essaimé à de nombreux endroits du territoire, chacun adoptant sa définition au regard des problématiques locales. Cet état de fait ne facilite pas l’appréhension du phénomène au niveau national et l’élaboration de réponses dédiées.

II.   Les travaux de la Commission spÉciale

Dans ce contexte, l’amendement CS3976 de Mme Stéphanie Kerbarh (LaREM) crée, au sein des dispositions du code de l’urbanisme relatives au règlement d’urbanisme, une section 8 relative aux friches. L’article L. 111-26 (nouveau) du code de l’urbanisme précise que la friche doit s’entendre comme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable ».

Cet amendement a été sous-amendé par le rapporteur (CS5456), qui a proposé de supprimer la mention de durée d’inutilisation afin de limiter la paralysie des situations de délaissement foncier.

Article 54
(articles L. 122-1-1 [nouveau] et L. 126-35-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)
Institution de deux études du potentiel de changement de destination et d’évolution futurs du bâtiment

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article, afin de promouvoir la réversibilité du bâti, crée deux études obligatoires du potentiel de changement de destination et d’évolution du bâtiment. La première, préalable à la construction de certains bâtiments neufs, doit faire l’objet d’une attestation transmise aux services de l’État. La deuxième, préalable à toute démolition, est jointe au diagnostic déchets. Ces dispositions entreront en vigueur en 2023.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

L’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme, notamment le permis de construire et le permis de démolir, est la commune ou l’intercommunalité compétente en matière d’urbanisme. Ce sont les services de la collectivité qui instruisent les demandes d’autorisation. Les services de l’État, quant à eux, n’ont pas le pouvoir d’annuler l’octroi d’un permis de construire par une collectivité.

Le dossier de demande d’une autorisation d’urbanisme compte d’ores et déjà jusqu’à 43 pièces jointes, et le législateur a cherché ces dernières années à limiter la croissance de ce nombre. À des fins de simplification, l’article 57 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a ainsi prévu de limiter les pièces techniques appuyées sur des considérations de construction qui doivent être annexées aux autorisations d’urbanisme et qui en conditionnent la délivrance selon le régime des attestations. Cet article a fixé une liste limitative des pièces exigibles pour un dossier de permis de construire.

Les dispositions de cet article prévoient que ne peuvent être intégrées directement dans le dossier de demande d’autorisation d’urbanisme que les pièces « nécessaires à la vérification du respect du droit de l’Union européenne, des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ».

La délivrance des autorisations d’urbanisme ne peut donc être conditionnée au respect de documents relatifs aux règles de construction, hormis les dispositions relatives à la salubrité et la sécurité publique.

Il est également important de noter que le droit de la construction est un domaine séparé du droit de l’urbanisme qui régit les autorisations d’urbanisme, et que ces deux branches du droit font l’objet d’expertises distinctes. D’un point de vue pratique, les services instructeurs des collectivités territoriales et de leurs groupements qui sont chargés de l’octroi des autorisations d’urbanisme sont peu outillés pour entreprendre un contrôle des attestations liées à des dispositions constructives. À cet effet, le Conseil d’État a plusieurs fois cherché à limiter les intrusions du droit de la construction dans le code de l’urbanisme.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 54 introduit des obligations de réalisation d’étude du potentiel d’évolution et de changement d’usage dans le cas de certaines constructions neuves et démolitions de bâtiment, afin de conforter la réversibilité et l’évolutivité des bâtiments. Ces deux notions distinctes renvoient à différentes techniques utilisées pour permettre d’étendre la durée de vie d’un bâtiment :

– la réversibilité signifie la capacité d’un bâtiment à changer d’usage ; un exemple fréquent d’un tel changement étant la transformation d’un bâtiment de bureaux en bâtiment de logements ;

– l’évolutivité signifie la capacité d’un bâtiment à changer de configuration, tout en préservant un usage identique. Ainsi le code de la construction et de l’habitation entend-il par logement évolutif celui qui permet la redistribution des volumes pour garantir l’accessibilité ultérieure de l’unité de vie, à l’issue de travaux simples ([313]).

Selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, cette mesure s’inscrit dans une démarche de droit souple qui a pour but de sensibiliser les maîtres d’ouvrage à limiter les opérations de démolition et de reconstruction au profit de la rénovation. Il participe de l’incitation à concevoir les bâtiments afin qu’ils puissent être rénovés de manière efficace et par des travaux simples. L’étude interviendra en amont du dépôt de la demande de permis de construire et a pour objectif premier d’inciter le maître d’ouvrage à l’écoconception de ces bâtiments. Cette transmission a vocation à concerner les projets les plus importants, qui représentent un fort enjeu en termes d’évolution.

A.   L’Étude de potentiel avant construction

Le 1° du I insère un article L. 122-1-1 (nouveau) au code de la construction et de l’habitation. Celui-ci prévoit, avant le début des travaux de construction d’un bâtiment, la réalisation d’une étude du potentiel de changement de destination et d’évolution futurs du bâtiment.

Il est également prévu que la personne chargée de la réalisation de cette étude élabore aussi un document attestant la réalisation de l’étude, qu’il transmet au maître d’ouvrage de la construction. Celui-ci doit à son tour la transmettre aux services de l’État, et spécifiquement à ceux du ministère chargé de la construction. Cette transmission doit se faire avant le dépôt, auprès des services instructeurs de la collectivité, de la demande de permis de construire.

Les services du ministère chargé de la construction prévoient que la réception de ces attestations pourra se faire via une plateforme dématérialisée de dépôt, comme ce qui est fait actuellement pour le diagnostic « produits, matériaux et déchets » ([314]). La possibilité d’avoir une unique plate-forme pour ces deux documents, les objectifs de ces réglementations étant liés à l’économie circulaire dans la construction, est actuellement à l’étude.

La loi ne prévoit pas une possibilité de contrôle de ces études par les services déconcentrés, mais il est envisagé de l’inclure dans le dispositif de contrôle administratif qui sera créé par ordonnance en application de l’article 45 du présent projet de loi. En effet, la demande de permis de construire étant déjà accompagnée d’un grand nombre de pièces jointes, il a été décidé de ne pas alourdir encore cette procédure. L’attestation de la réalisation de l’étude du potentiel n’est donc pas à joindre à la demande de permis de construire.

Par conséquent, l’absence de réalisation de ces études n’empêchera pas la réalisation des opérations souhaitées par le maître d’ouvrage, mais entraînera une sanction administrative dans le cadre de la police de la construction.

L’alinéa 4 prévoit que les catégories de bâtiments concernées par la réalisation de cette étude et le contenu de l’attestation seront précisées par décret en Conseil d’État. C’est donc le pouvoir réglementaire qui définira notamment, de façon précise, la typologie et la taille des bâtiments concernés par cette mesure.

B.   L’Étude de potentiel avant dÉmolition

Le 2° du I insère un article L. 126-35-1 (nouveau) au même code. Celui-ci prévoit, avant le début des travaux de démolition de tout bâtiment soumis à la réalisation du diagnostic « produits, matériaux et déchets », l’obligation, pour le maître d’ouvrage de la démolition, de réaliser une étude évaluant le potentiel de changement de destination et d’évolution du bâtiment. L’étude est jointe au diagnostic « produits, matériaux et déchets ».

L’alinéa 7 prévoit que le contenu de l’étude ainsi que les compétences des personnes chargées de sa réalisation seront précisés par décret en Conseil d’État.

Le II prévoit que les dispositions de l’article n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2023.

La Convention citoyenne pour le climat invite à évaluer le potentiel de réversibilité des bâtiments avant toute démolition et à évaluer le potentiel de réversibilité de toute construction nouvelle via un volet relatif à la réversibilité ou à la « seconde vie » lors d’un dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme (proposition SL3.8).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS3889 de M. Jean-Luc Lagleize, qui vise à inclure expressément la surélévation parmi les possibilités d’évolution du bâtiment prévues dans l’étude préalable à la construction.

Elle a également adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Article 54 bis (nouveau)
(article L. 126-34, L. 126-35 et L. 181-1 du code de la construction et de l’habitation)
Dispositions de coordination avec les dispositions de la loi AGEC

Créé par la commission spéciale

 

L’article 54 bis rectifie une erreur matérielle résultant d’une ordonnance de recodification. Il codifie des dispositions relatives au diagnostic déchets créé par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

L’ordonnance n° 2020‑71 du 29 janvier 2020 a procédé à la recodification des règles de construction du livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

Les amendements identiques CS3980 de Mme Stéphanie Kerbarh et CS4728 de Mme Véronique Riotton, rapporteures de la loi AGEC, portent des dispositions de coordination par rapport à cette ordonnance. Elles intègrent au code précité des dispositions introduites par l’article 51 de la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Les mesures concernées sont celles qui visent le diagnostic de gestion des produits, matériaux et déchets de certains travaux du bâtiment.

Les dispositions relatives à ce diagnostic devaient initialement être transcrites dans le livre Ier du code de la construction et de l’habitation via le projet de loi nº 3235 ratifiant l’ordonnance n° 2020-71. La réécriture de l’article L. 126‑35 du code de la construction et de l’habilitation a conduit à la suppression des renvois de la fixation des modalités d’application des articles L. 126-26 à L. 126-33 à des décrets en Conseil d’État. Le présent article les rétablit.

Article 55
Habilitation à prendre une ordonnance pour adapter les outils d’urbanisme dans le sens de la rationalisation de l’utilisation des sols

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant de la loi pour rationaliser les conditions d’ouverture à l’urbanisation dans les règles et documents d’urbanisme, étendre les possibilités de déroger au plan local d’urbanisme, introduire un objectif de sobriété foncière dans les documents de planification relatifs à l’habitat et aux transports, et pour rationaliser les procédures d’urbanisme en vue de l’accélération des projets d’aménagement de terrains déjà artificialisés.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

A.   Place des enjeux liÉs À la sobriÉtÉ fonciÈre dans le droit de l’urbanisme

Le droit de l’urbanisme accorde une place importante aux enjeux de la consommation foncière. Plusieurs notions y sont rappelées à de nombreuses reprises, notamment dans le cadre du schéma de cohérence territoriale (SCoT) et du plan local l’urbanisme (PLU). Cinq notions en particulier y ont une place importante :

– la gestion économe de l’espace, qui est un des objectifs devant guider l’élaboration des schémas régionaux de l’aménagement, du développement durable et de l’égalité des territoires (SRADDET) ([315]) et des schémas de cohérence territoriale, où elle est directement liée à la limitation de l’artificialisation des sols ([316]) ;

– la lutte contre l’étalement urbain, qui constitue un objectif et un principe général du droit de l’urbanisme ([317]) ainsi qu’un objectif du plan local d’urbanisme ([318]) ;

– la maîtrise de l’étalement urbain et la lutte contre l’artificialisation des sols, objectif important des schémas d’aménagement régionaux des régions d’outre‑mer ([319] ;

– l’utilisation économe des espaces naturels et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, qui comptent également parmi les principes généraux du droit de l’urbanisme ;

– la modération de la consommation de l’espace, objectif du plan local d’urbanisme ([320]).

B.   modifications rÉcentes du code de l’urbanisme

Le code de l’urbanisme est très souvent modifié par des dispositions d’ordre législatif et réglementaire. Par exemple, une révision par voie d’ordonnance a récemment modifié et modernisé les dispositions relatives au schéma de cohérence territoriale. Cette révision doit entrer en vigueur au 1er avril 2021. Au total, selon les données transmises par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, sur les quatre dernières années, le code de l’urbanisme a été modifié 27 fois par loi, 12 fois par ordonnance et 60 fois par décret, selon la répartition retracée dans le tableau ci-dessous :

LES modifications RÉCENTES du code de l’urbanisme

 

Lois

Ordonnances

Décrets

2017

9

4

24

2018

7

2

13

2019

5

2

18

2020

6

5

7

Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages.

II.   LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article 55 comporte quatre alinéas distincts délimitant l’habilitation, qui permettent au Gouvernement de prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour adapter les dispositions législatives les outils du code de l’urbanisme dans le sens de la rationalisation de l’utilisation des sols. Les réformes prévues regroupent quatre axes principaux :

–  Renforcer et rationaliser les conditions d’ouverture à l’urbanisation dans les règles d’urbanisme et dans les documents d’urbanisme. Il s’agirait notamment de réduire le délai de réalisation du bilan du plan local d’urbanisme, qui doit actuellement se faire dans un délai de neuf ans à compter de la délibération d’approbation du plan ([321]). Il pourrait aussi être question d’organiser le retour en zone naturelle, agricole ou forestière (NAF) des zones à urbaniser (AU) n’ayant pas fait l’objet d’un projet d’urbanisation ;

–  Étendre les possibilités, notamment dans les secteurs tendus, de déroger au document d’urbanisme pour les projets qui font la démonstration de leur sobriété foncière. Des dispositions permettent déjà d’établir des secteurs dans lesquels les règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol des constructions peuvent être dépassées ([322]) ;

–  Introduire des objectifs de sobriété foncière dans les documents de planification relatifs à l’habitat, notamment le programme local de l’habitat (PLH) ([323]), et à la mobilité, notamment le plan de déplacements urbains (PDU) ([324]) ;

–  Rationaliser les procédures pour faciliter la réalisation de projets d’aménagement dans les zones déjà artificialisées concernées par une opération de revitalisation du territoire (ORT), une grande opération d’urbanisme (GOU) ou une opération d’intérêt national (OIN) ([325]).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté l’amendement CS3853 de M. Jean-Luc Lagleize (MoDem), qui vise à inclure expressément dans la future ordonnance des possibilités de dérogation au plan local d’urbanisme pour les projets sobres en foncier, les possibilités relatives à la surélévation des bâtiments

Chapitre IV
Lutter contre l’artificialisation des sols pour la protection des écosystèmes

Article 56
(article L. 110-4 [nouveau] du code de l’environnement)
Intégration dans le code de l’environnement de la
stratégie nationale décennale des aires protégées

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Cet article intègre, dans le code de l’environnement, la stratégie nationale décennale des aires protégées. Il la dote d’un objectif chiffré de pourcentage total d’aires protégées terrestres et maritimes, à l’échelle du territoire métropolitain et ultramarin. Il prévoit l’impossibilité du recul de la surface totale du réseau des aires protégées entre deux stratégies décennales successives.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

1.   Extension de la notion d’aire protégée

a.   Définition internationale de l’aire protégée

Les aires protégées sont définies par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ».

L’espace géographique clairement défini peut inclure des aires terrestres, marines ou côtières ou une combinaison. Cet espace doit avoir des limites reconnues et marquées, définies par des caractéristiques physiques ou des activités. L’espace doit être reconnu par un outil mis en œuvre spécifiquement à cette fin ([326]).

L’aire protégée doit être activement gérée, ce qui suppose la mise en œuvre de démarches pour conserver les caractéristiques, notamment naturelles, qui ont conduit à sa création. Cette gestion doit se faire dans le cadre d’une projection de long terme et à des fins de maintien in situ d’écosystèmes et d’habitats naturels et semi-naturels et de populations viables d’espèces. Une attention particulière est portée à la préservation de la biodiversité et de la géodiversité, ainsi qu’aux services écosystémiques. Ceci signifie qu’une aire protégée n’est pas compatible avec des activités industrielles, notamment la pêche industrielle, qui doivent y être interdites.

b.   Développement des outils de protection

Les aires protégées se sont développées en France à partir de la création du régime du parc national par la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, qui fut suivie de la création des parcs naturels régionaux (PNR) par les dispositions du décret n° 67‑158 du 1er mars 1967. Plus tard, les réserves naturelles sont créées par la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. En même temps, une action similaire se déploie pour protéger le littoral, avec la création du Conservatoire des espaces littoraux et rivages lacustres (Conservatoire du littoral ou CETRL) par la loi n° 75-602 du 10 juillet 1975.

Au niveau européen, le réseau de sites écologique Natura 2000 résulte des effets des directives Habitats ([327]) et Oiseaux ([328]), adoptées consécutivement à la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite « Convention de Berne », du 19 septembre 1979. La première crée des zones spéciales de conservation (ZSC), site naturels ou semi-naturels désignés par les États membres et qui présentent un patrimoine naturel exceptionnel. La seconde crée des zones de protection spéciales (ZPS) pour la sauvegarde des habitats des oiseaux migrateurs et des espèces menacées.

c.   Catégories d’aires protégées terrestres

En France, la catégorie des aires protégées terrestres recouvre une diversité d’outils de gestion :

– les parcs nationaux (zones de cœur et aires d’adhésion) ;

– les réserves naturelles ;

– les réserves biologiques ;

– les arrêtés de protection préfectoraux (biotopes, habitats naturels, et géotopes) ;

– les réserves nationales de chasse et de faune sauvage (RNCFS) ;

– les sites du Conservatoire du littoral (CELRL) ;

– les sites acquis et gérés par les conservatoires d’espaces naturels (CEN) ;

– les parcs naturels régionaux (PNR) ;

– les sites Natura 2000, qui sont des zones de protection spéciale (ZPS) ou des zones spéciales de conservation (ZSC) ;

– des zones délimitées par la France en application d’instruments conventionnels internationaux : les sites « Ramsar », qui désignent des zones humides d’importance internationale inscrites sur la liste établie par la convention de Ramsar, les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), et les réserves de biosphère.

d.   Catégories d’aires protégées maritimes

La catégorie des aires marines protégées recouvre quant à elle les dispositifs visés à l’article L. 334-1 du code de l’environnement :

– les parcs nationaux ayant une partie maritime ;

– les réserves naturelles ayant une partie maritime et, le cas échéant, les périmètres de protection de ces réserves qui disposent d’un plan de gestion validé par le ministère chargé de l’environnement après avis du Conseil national de protection de la nature (CNPN) ;

– les arrêtés de protection des biotopes, des habitats naturels et des sites d’intérêt géologique ayant une partie maritime ;

– les parcs naturels marins ;

– les sites Natura 2000 ayant une partie maritime ;

– les parties maritimes du domaine relevant du Conservatoire du littoral

– les zones de conservation halieutiques

– les parties maritimes des parcs naturels régionaux

– les réserves nationales de chasse et de faune sauvage ayant une partie maritime

– les aires marines protégées créées en application des réglementations de la Polynésie française, du gouvernement et des provinces de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna ;

– les aires marines ou ayant une partie marine délimitées par la France en application des instruments internationaux auxquels la France est partie.

2.   Les stratégies nationales des aires protégées

L’actuelle stratégie nationale pour les aires protégées 2030, élaborée conjointement par le ministère de la transition écologique et le ministère de la mer et adoptée par le Gouvernement le 12 janvier 2021, a succédé à deux stratégies préexistantes :

– la stratégie de création des aires protégées terrestres (SCAP), qui remonte aux dispositions de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui prévoit « la mise en œuvre d’une stratégie nationale de création d’aires protégées terrestres identifiant les lacunes du réseau actuel afin de placer sous protection forte, d’ici dix ans, 2 % au moins du territoire terrestre métropolitain : cet objectif implique notamment la création de trois nouveaux parcs nationaux et l’acquisition à des fins de lutte contre l’artificialisation des sols et de valorisation, notamment agricole, de 20 000 hectares de zones humides par les collectivités publiques, identifiées en concertation avec les acteurs de terrain, sur la base de données scientifiques » ;

– la stratégie de création et de gestion des aires marines protégées (SGAMP), que définissent les dispositions de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, qui divisent les aires marines protégées en six catégories. La loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement mentionnée plus haut prévoit aussi des dispositions spécifiques à l’endroit des aires marines en disposant « la création d’aires marines protégées afin de couvrir, en incluant notamment le réseau Natura 2000 en mer et la création de parcs naturels marins, 10 % des eaux placées sous la souveraineté de l’État dans les limites de la mer territoriale, d’ici à 2012 en métropole, et d’ici à 2015 dans les départements d’outre-mer ; les collectivités d’outre-mer et les collectivités en Nouvelle-Calédonie volontaires seront aidées pour la mise en place et la gestion de ces aires ».

Ces stratégies s’articulent avec la stratégie nationale de la biodiversité, dont la première version a été adoptée en France en 2004 et qui a été introduite dans le code de l’environnement, à l’article L. 110‑3, à l’occasion de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité. La stratégie vise à préserver la qualité écologique du territoire, ce qui repose sur l’optimisation des aires protégées ainsi que sur la sauvegarde des espèces menacées.

LE DISPOSITIF DES ESPACES PROTÉGÉS LORS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE

Source : ministère chargé de l’environnement, « Stratégie de création des aires protégées terrestres métropolitaines : le choix des outils de protection en question », août 2010

II.   les dispositions du projet de loi

Le présent article crée un article L. 110-4 nouveau du code de l’environnement qui dispose que l’État élabore et met en œuvre une stratégie nationale des aires protégées, ce qui dote cette dernière d’une assise juridique, de la même manière que la stratégie nationale de la biodiversité a été dotée d’une assise juridique à l’article L. 110-3 du même code.

Un objectif chiffré est fixé en termes de couverture, 30 % au moins du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française devant être couverts. Ces espaces comprennent, en plus du territoire national, métropole et outre-mer, et des eaux territoriales, l’entièreté de la zone économique exclusive (ZEE) française, qui couvre près de 11 millions de kilomètres carrés. D’après l’Observatoire français de la biodiversité, cet objectif moyen devrait être atteint en 2022, et il s’agit donc d’un seuil réaliste.

La mention d’un réseau cohérent d’aires protégées met l’accent sur la dimension qualitative de la stratégie intégrée dans le code, au sens où elle n’a pas pour unique objectif d’assurer un volume de couverture d’une partie du territoire. Cette stratégie doit aussi renforcer sur cette partie la qualité de la gestion, d’accompagner les usages, de mieux lier les territoires à leurs aires protégées, de diversifier et de pérenniser les financements des aires protégées.

L’article précise que la stratégie a une durée de dix ans.

La surface totale atteinte par le réseau ne peut être réduite entre stratégies successives. Cette disposition résulte de l’observation selon laquelle la consommation des terres naturelles est le premier facteur d’érosion de la diversité. Ainsi, selon le rapport annuel de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), « dans les écosystèmes terrestres et d’eau douce, le changement d’utilisation des terres est le facteur direct ayant eu l’incidence relative la plus néfaste sur la nature depuis 1970 » ([329]). Il est donc considéré que la surface totale protégée doit être sanctuarisée, sans pour autant empêcher le changement d’affectation à l’échelle individuelle.

La Convention citoyenne pour le climat souhaite la protection ferme et définitive des espaces naturels, forestiers et agricoles non constructibles et se prononce en faveur d’une sanctuarisation effective de ces espaces et de leur entretien durable (proposition SL3.4).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté deux amendements de fond. Le premier est l’amendement CS4729, déposé par M. Pieyre-Alexandre Anglade et les membres du groupe LaREM, et sous-amendé à des fins de clarification par le rapporteur (CS5454). Il intègre dans la loi un objectif de 10 % de l’ensemble du territoire national placé sous protection forte. Il précise également que la stratégie nationale des aires protégées couvre aussi bien la métropole que les territoires ultramarins, et concerne les territoires terrestres et maritimes.

Le deuxième amendement adopté, déposé par M. Alain Perea (CS4315), a fait l’objet d’un avis de sagesse du rapporteur et d’un avis défavorable du Gouvernement. Il précise que la stratégie nationale des aires protégées intègre, dans son élaboration, une dimension culturelle et humaine.

Article 56 bis (nouveau)
(article L. 363-1 [nouveau] du code de l’environnement)
Limitation de l’accès aux espaces protégés par un arrêté motivé

Créé par la commission spéciale

 

L’article 56 bis donne au maire et au préfet la possibilité de prendre des arrêtés motivés de réglementation ou d’interdiction de l’accès aux espaces protégés lorsque cet accès est de nature à compromettre leurs caractéristiques écologiques, agricoles, forestières, esthétiques, paysagères ou touristiques ou la protection de la faune et de la flore.

I.   Le droit EN VIGUEUR

A.   les catÉgories de protection

Face aux dégâts suscités par « l’hyperfréquentation » des espaces protégés particulièrement touristiques, un certain nombre d’instruments juridiques existent déjà. Malgré un principe, très fortement ancré en France, de libre accès et de gratuité des espaces naturels, il existe des outils permettant de protéger certains sites eu égard à leurs caractéristiques environnementales ou culturelles et patrimoniales. Les régimes de protection de ces espaces sont en effet nombreux. Ils n’assurent pas le même niveau de protection, n’emportent pas les mêmes conséquences ni ne donnent lieu aux mêmes contraintes réglementaires.

Certains espaces sont protégés au titre d’un texte international ou européen. C’est le cas par exemple des aires spécialement protégées d’importance méditerranéenne, des réserves de biosphère, des sanctuaires pour les mammifères marins en Méditerranée ou encore des zones humides d’importance internationale (convention Ramsar).

Certains espaces bénéficient d’une protection dite « conventionnelle », comme les conventions de gestion de sites appartenant à l’État, les sites Natura 2000, les espaces faisant l’objet d’une « opération grand site » (OGS) ou encore les parcs naturels régionaux. Certains sites sont directement protégés par voie contractuelle et d’autres, de manière très générale, par voie législative (dispositions des lois n° 85-30 du 9 janvier 1985 dite « Montagne » et n° 86‑2 du 3 janvier 1986 dite « Littoral »).  

La protection par la maîtrise foncière passe notamment par l’acquisition de terrains par préemption, par la politique d’acquisitions du Conservatoire du littoral ou des conservatoires régionaux d’espaces naturels (CEN), ou encore par les espaces naturels sensibles (ENS) des départements. Le Conservatoire du littoral établit par exemple des plans de gestion, en concertation avec le gestionnaire et les communes concernées, qui peuvent comporter des recommandations visant à restreindre l’accès du public et les usages des immeubles du site.

Enfin, certains sites bénéficient d’une protection réglementaire, qui peut prendre des formes diverses. Les préfets peuvent ainsi prendre des arrêtés de protection de biotope (APB) pour protéger des habitats naturels. Les parcs nationaux, les parcs naturels marins, les réserves naturelles régionales et nationales ou encore les sites classés et les sites inscrits constituent également des exemples de protection réglementaire plus ou moins forte dont peuvent bénéficier certains espaces.

B.   Les polices de protection des espaces

Dans les parcs nationaux, le directeur de l’établissement public exerce les compétences attribuées au maire en matière de police de la circulation et du stationnement hors agglomération, de police des chemins ruraux, de police des cours d’eau, de police de destruction des animaux d’espèces non domestiques, et de police des chiens et chats errants. La charte du parc, validée par décret en Conseil d’État après consultation de l’ensemble des acteurs du territoire, contribue également à la régulation de la fréquentation.

Pour les réserves naturelles nationales, l’acte de classement en réserve peut fermer et réglementer l’accès ou définir un zonage plus restrictif. Il peut également réglementer les activités, les manifestations sportives, etc. C’est également le cas pour les réserves naturelles régionales. En revanche, dans les sites classés (article L. 341-2 du code de l’environnement), le classement du site ne permet pas de gérer les usages ou les comportements inadaptés.

Il existe également un grand nombre de polices spéciales de la nature visant à assurer la préservation des espaces naturels et des espèces de la faune et de la flore sauvages. On distingue une police administrative à but préventif (édiction de réglementations générale, territoriale ou individuelles préventives mais aussi sanctions administratives en cas de non-respect des réglementations), le plus souvent exercée sous l’autorité du préfet, et une police judiciaire répressive dont les modalités d’intervention dépendent de la qualité des sanctions pénales encourues

II.   Les travaux de la commission spÉciale

Le présent article, qui résulte de l’amendement CS5333 du rapporteur, permet au maire et au représentant de l’État dans le département de prendre des arrêtés de réglementation ou d’interdiction de l’accès aux espaces protégés lorsqu’un accès excessif peut porter atteinte soit à leurs caractéristiques écologiques, agricoles, forestières, esthétiques, paysagères, ou touristiques, soit à la protection des espèces animales ou végétales. Comme il est habituel en matière de police, ces arrêtés doivent avoir un caractère proportionné et motivé.

Article 56 ter (nouveau)
Prorogation de certains décrets de classement de parcs naturels régionaux

Créé par la commission spéciale

 

L’article 56 ter prévoit la prorogation, d’une durée de six mois, des chartes des parcs naturels régionaux qui arrivent à échéance avant le 31 décembre 2022.

I.   LE droit en vigueur

L’article L. 333-1 du code de l’environnement prévoit que les parcs naturels régionaux peuvent être créés sur un territoire dont le patrimoine naturel et culturel ainsi que les paysages présentent un intérêt particulier. Le projet du parc naturel régional est constitué sous la forme d’une charte. C’est la région qui engage le classement ou le renouvellement du classement d’un parc naturel régional par une délibération qui prescrit l’élaboration ou la révision de la charte et définit le périmètre d’étude. Cette délibération est transmise au représentant de l’État dans la région, qui émet un avis motivé sur l’opportunité du projet.

Le projet de charte est soumis à une enquête publique puis transmis par la région aux collectivités territoriales et aux intercommunalités concernées, pour approbation. À l’issue de cette procédure, la région approuve le projet de charte, sous réserve que les communes ayant approuvé la charte représentent une majorité qualifiée des communes comprises dans le périmètre d’étude du parc. La région approuve le périmètre de classement ou de renouvellement de classement, constitué du territoire des communes comprises dans le périmètre d’étude et ayant approuvé la charte.

La charte est adoptée par décret portant classement ou renouvellement du classement en parc naturel régional, pour une durée de quinze ans, du territoire des communes comprises dans le périmètre de classement ou de renouvellement de classement approuvé par la région.

II.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Le processus de renouvellement du classement d’un parc naturel régional est fondé sur la concertation, et a, de ce fait, été particulièrement freiné par la situation sanitaire, qui a empêché les concertations de se tenir dans de bonnes conditions. Un nombre important de parcs craignent des difficultés en raison du retard accumulé depuis le premier confinement.

Dans ce contexte, l’amendement CS5489 du Gouvernement, adopté par la commission spéciale, prévoit une prorogation, d’une durée de six mois, des chartes des parcs naturels régionaux arrivant à échéance avant le 31 décembre 2022.

Article 57
(article L. 215-4-1 [nouveau] du code de l’environnement)
Rétablissement de la possibilité pour le département d’exercer le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles sur les périmètres sensibles et validation des actes réglementaires intervenus dans ce sens depuis 2016

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

Le présent article rétablit pour le département ou le Conservatoire du littoral la possibilité, supprimée au cours d’une codification de 2015, d’exercer le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles au sein des périmètres sensibles qui ont préexisté à l’établissement des zones d’exercice du droit de préemption des espaces naturels sensibles. L’article valide également par voie législative les préemptions décidées dans les périmètres sensibles depuis le 1er janvier 2016 afin d’assurer la sécurité juridique de ces acquisitions.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

1.   Les espaces naturels sensibles

L’espace naturel sensible (ENS) a vocation à sauvegarder la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels. L’ENS est un instrument de protection qui combine le droit de préemption et une réglementation spécifique, notamment fiscale. Précédé par le périmètre sensible, instrument à la main du représentant de l’État ([330]), l’ENS est créé en 1985 au moment du transfert des outils d’aménagement et de gestion aux collectivités ([331]) dans le cadre de la décentralisation.

Le département n’est habilité à intervenir que pour préserver « la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et champs naturels d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats ». Afin de mener cette politique, le département peut instituer une part départementale de la taxe d’aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles ([332]).

Les espaces en question sont, en principe, ouverts au public, ce qui peut engendrer des difficultés au regard de l’impératif de protection. Le Conseil d’État a ainsi eu l’occasion de préciser que les ENS ayant essentiellement une fonction de protection, leur ouverture au public, si elle est en effet requise par les textes, n’est qu’un élément second qui doit être compatible avec les enjeux de protection spécifiques aux espaces en question ([333]).

2.   Le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles

L’espace naturel sensible ([334]) permet une extension des compétences d’aménagement du département. La compétence de la délimitation et de la création d’un espace naturel sensible est confiée au département, mais subordonnée à l’accord des communes territorialement concernées, à une précision dans l’objet, et au respect de la hiérarchie des normes. Les communes peuvent notamment intervenir dans l’exécution de la politique des ENS, en étant consultées sur la délimitation des zones d’application du droit de préemption.

Si l’acquisition amiable demeure possible, le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles avait été institué par 70 % des départements en 2007, couvrant une surface de 300 000 hectares.

Le droit de préemption dans les zones de préemption des espaces naturels sensibles obéit à des règles qui sont communes aux trois droits de préemption qu’organise le code de l’urbanisme. Il ne peut être exercé que dans les zones pré-délimitées à cet effet, ce qui reste une simple faculté des départements. Le conseil départemental qui décide la création de zones de préemption à ce titre doit inscrire son choix dans une orientation stratégique motivée.

II.   Les dispositions du projet de loi

1.   Rétablissement du droit de préemption dans les périmètres sensibles

Le I du présent article crée un article L. 215-4-1 (nouveau) au code de l’environnement qui élargit l’exercice du droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles par le département, le Conservatoire du littoral ou un établissement public de coopération intercommunale. L’élargissement concerne le territoire des périmètres sensibles définis en application des articles L. 142-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 et qui n’ont pas été déjà intégrés dans les zones dans lequel peut s’exercer le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles.

Le présent article rétablit ainsi une possibilité supprimée par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme, qui a abrogé l’article L. 142-12 de ce code qui fondait la légalité de la préemption dans ces zones.

L’article auquel il est fait allusion dispose notamment que : « À l’intérieur de périmètres dits périmètres sensibles, définis en application de l’article R. 142‑2, ou qui seront ultérieurement définis dans d’autres régions en application de la même disposition après consultation des conseils généraux intéressés et des conseils municipaux des communes concernées, les départements ont un droit de préemption sur tous terrains compris dans des zones fixées par l’autorité administrative après avis du conseil général et qui feraient l’objet d’une aliénation à titre onéreux. […] ».

Le pouvoir réglementaire dispose que dans les départements énumérés, qui concernent essentiellement les départements littoraux, le préfet consulte le conseil départemental et les conseils municipaux intéressés sur un projet de délimitation et, après avoir recueilli les avis, procédait à la délimitation du ou des périmètres sensibles.

Le rétablissement de l’exercice du droit de préemption par le département, le Conservatoire du littoral ou une intercommunalité, afin de protéger des espaces naturels sensibles, soustrait les terrains et les biens concernés à la réalisation de projets qui pourraient avoir pour effet de les artificialiser ou d’en restreindre l’accès pour le public. Un avantage en découle donc directement pour les actions de protection de la nature et de la biodiversité par les collectivités.

2.   Validation législative des actes de préemption intervenus depuis 2016

Le II du présent article valide les décisions de préemption, intervenues au titre des espaces naturels sensibles dans les espaces visés plus haut, qui ont été prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur de la présente loi.

Cette section vise à assurer la sécurité juridique des décisions de préemption prises postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme, qui a abrogé l’article L. 142-12 de ce code qui constituait le fondement légal de cet acte de préemption.

Il est nécessaire de redonner une base légale aux actes d’acquisition par voie de préemption depuis 2016. L’étude d’impact indique notamment que s’agissant du Conservatoire du littoral, ces actes représentants une surface de 290 hectares et un coût de 4,5 millions d’euros. La présente validation législative permet de se prémunir d’éventuelles pertes financières ou de surfaces.

La Convention citoyenne pour le climat souhaite la protection ferme et définitive des espaces naturels, forestiers et agricoles non constructibles et se prononce en faveur d’une sanctuarisation effective de ces espaces et de leur entretien durable (proposition SL3.4).

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

Article 57 bis (nouveau)
(article L. 215-14 du code de l’urbanisme)
Octroi d’un droit de visite du bien pour le titulaire du droit de préemption des espaces naturels sensibles

Créé par la commission spéciale

 

L’article 57 bis crée un droit de visite des biens préemptés pour le titulaire du droit de préemption des espaces naturels sensibles.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

L’espace naturel sensible (ENS) et le droit de préemption au titre des ENS font l’objet du commentaire de l’article précédent. Celui-ci apporte des précisions sur le zonage des espaces et sur les titulaires du droit de préemption.

A.   La crÉation des zones de prÉemption au titre des ENS

Les terrains compris dans la zone de préemption doivent présenter un intérêt écologique : l’inclusion d’un terrain dans ce périmètre doit être justifiée par la sensibilité du milieu naturel ou la qualité du site.

Les zones de préemption au titre de l’ENS sont créées par le conseil départemental, ou, dans certains cas, par le Conservatoire du littoral (CELRL) :

– soit avec l’accord de la commune ou de l’intercommunalité compétente en matière de plan local d’urbanisme (PLU) ;

– soit, en l’absence d’un PLU et à défaut d’accord de la commune ou de l’intercommunalité, avec l’accord du représentant de l’État dans le département (article L. 215-1 du code de l’urbanisme).

Outre le plan local d’urbanisme, la mise en place de la zone doit être compatible avec les dispositions de certaines normes et documents :

– le cas échéant, les dispositions des lois n° 85-30 du 9 janvier 1985 dite « Montagne » et n° 86‑2 du 3 janvier 1986 dite « Littoral » ;

– les règles du schéma régional de cohérence écologique (SRCE), du schéma de cohérence territoriale (SCoT) et des chartes intercommunales de développement et d’aménagement.

La délibération créant la zone doit être accompagnée d’un plan de situation et d’un plan de délimitation. Elle est publiée au recueil officiel des actes du département et fait l’objet d’une mention dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. Elle est tenue à la disposition du public à la mairie ou au siège de l’intercommunalité compétente. L’avis de ce dépôt est affiché pendant un mois à la mairie des communes.

B.   Les titulaires du droit de prÉemption des ENS

Les titulaires du droit de préemption dans ces zones sont :

– le département ;

– par substitution, le Conservatoire du littoral lorsqu’il est territorialement compétent et que le département n’utilise pas son droit de préemption ;

– par substitution, l’établissement public chargé d’un parc national, d’un parc naturel régional ou de la gestion d’une réserve naturelle sur le territoire du parc ou de la réserve dont la gestion leur est confiée lorsque le département et le CELRL n’ont pas utilisé leur droit de préemption. Pour un parc naturel régional, l’exercice de ce droit n’est possible qu’avec l’accord du département ;

– par substitution, la commune, ou l’intercommunalité dont elle est membre y ayant vocation à qui elle a délégué ce droit, lorsqu’aucune des personnes précédentes n’exerce ce droit. Si le bien est situé dans un périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains, le département doit donner son accord.

Le département peut également déléguer son droit de préemption à différentes personnes publiques (État, collectivité territoriale, CELRL, établissement public chargé d’un parc national ou à celui chargé d’un parc naturel régional, établissement public foncier, Agence des espaces verts de la région d’Île‑de‑France), soit à l’occasion de l’aliénation d’un bien soumis à ce droit, soit sur un ou plusieurs secteurs de la zone de préemption.

II.   Les travaux de la commission spéciale

Le présent article, issu de l’amendement CS3563 de M. Jimmy Pahun (MoDem), fait bénéficier le titulaire du droit de préemption des espaces naturels sensibles, d’un droit de visite des biens.

En effet, dans le cadre de l’exercice de son droit de préemption direct ou par substitution au département dans les zones de préemption au titre des espaces naturels sensibles, le titulaire du droit de préemption ne dispose pas de cette faculté, à l’inverse des collectivités. Il est estimé, dans l’exposé sommaire de l’amendement, que, pour des cessions de biens complexes, une visite des services concernés peut être nécessaire.

Article 57 ter (nouveau)
(articles L. 161-10 et L. 161101 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime, article L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques)
Interdiction de la décision administrative de désaffectation d’un
chemin rural utilisé par le public et précision des conditions de l’échange des parcelles sur lesquelles sont sis les chemins ruraux

Créé par la commission spéciale

 

L’article 57 ter apporte deux évolutions au régime des chemins ruraux. Il précise d’une part que la désaffectation qui est un préalable nécessaire à leur aliénation par la collectivité ne peut résulter que d’une cause naturelle et spontanée. Il encadre, d’autre part, les conditions de l’échange de parcelles sur lesquelles sont sis les chemins ruraux.

I.   Le droit EN VIGUEUR

A.   Les chemins ruraux

Selon les dispositions de l’ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 la voirie des communes comprend :

– les voies communales, qui font partie du domaine public ;

– les chemins ruraux, qui appartiennent au domaine privé de la commune.

Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été classés comme voies communales et font à ce titre partie du domaine privé de la commune (article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime). Tout chemin affecté à l’usage du public est présumé, jusqu’à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé, cette affectation étant elle-même présumée, notamment par l’utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l’autorité municipale.

La jurisprudence a considéré que cette affectation à l’usage du public pouvait être déduite d’une circulation publique et continue des habitants et de l’entretien du chemin par la commune ([335]).

Il existe une présomption d’affectation du chemin résultant de l’utilisation du chemin rural comme voie de passage, ou d’actes réitérés de surveillance ou de voirie de l’autorité municipale (article L. 161-2). Le chemin rural se distingue des notions voisines de « chemin d’exploitation » et de « chemin privé » :

– le chemin d’exploitation assure la communication et la desserte entre différentes parcelles privées. Il est présumé appartenir aux propriétaires riverains ;

– le chemin privé constitue une voie privative et dessert une propriété unique.

B.   L’aliÉNATION D’un CHEMIN RURAL

Dans le cadre d’une réorganisation de l’espace rural ou d’une opération d’aménagement foncier, le conseil municipal peut décider de créer, de supprimer ou de vendre un chemin rural. Si le statut des chemins ruraux a pour vocation d’assurer une desserte et une exploitation optimale des parcelles agricoles, il s’intègre également dans une politique de tourisme vert visant à préserver le paysage rural ainsi que les itinéraires de promenade et de randonnée.

De ce fait, la cession ou la suppression d’un chemin rural obéit à un régime spécifique dont l’objet est de garantir les droits des usagers et des propriétaires riverains. Lorsqu’un chemin rural cesse d’être affecté à l’usage du public, la vente peut être décidée après enquête publique par le conseil municipal (article L 161-10 du même code). Lorsque l’aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d’acquérir les terrains attenants à leurs propriétés.

II.   Les TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéCIALE

La commission spéciale a adopté l’amendement CS2507 de M. Pierre Venteau (LaREM), qui modifie l’article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime. Il remplace, comme condition préalable obligatoire à l’aliénation d’un chemin rural par la commune, la notion de « cessation de l’affectation au public » par celle de la « cessation d’utilisation par le public et les riverains ». Il précise également les conditions de l’échange de parcelles sur lesquelles sont sis les chemins ruraux, en spécifiant que l’échange doit respecter, pour le chemin créé, la largeur ainsi que la « qualité environnementale » du chemin remplacé.

La commission spéciale  a adopté deux amendements identiques (CS5005 et CS842) de M. Julien Aubert (LR) et de M. Antoine Herth (Agir ensemble), qui définissent la « désaffectation préalable » prévue par l’article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction préalable à l’amendement CS2507. La désaffectation préalable doit résulter d’une « cause naturelle et spontanée consécutive à un désintérêt durable du public ».

Chapitre V
Adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique

Article 58 A (nouveau)
(article L. 125-5 du code de l’environnement ; articles L. 271-4 et 271-5 du code de la construction et de l’habitation ; article 3-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs)
Adaptation du dispositif d’information acquéreur locataire pour les biens exposés au déplacement du trait de côte

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 A adapte le dispositif d’information des acquéreurs et locataires (IAL) pour les biens exposés à l’aléa de l’érosion côtière.

Le présent article, qui satisfait au 2° du I de l’article 58 du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, résulte de l’adoption de l’amendement CS5051 du rapporteur. Il prévoit l’adaptation du dispositif d’information des acquéreurs et locataires (IAL) de biens immobiliers exposés à l’érosion côtière. Est également prévue l’adaptation du dispositif d’IAL en matière de risques, prévu à l’article L. 125-5 du code de l’environnement.

En premier lieu, le dispositif IAL est modifié pour y intégrer les cartographies locales d’exposition au recul du trait de côte, qui résultent du zonage des zones définies comme exposées à ce risque à horizon de trente ans et à horizon entre trente et cent ans, en application des dispositions de l’article 58 E du présent projet de loi. Cette information s’ajoute aux informations déjà présentes dans ce dispositif et doit permettre, lors des mutations et des locations, la sensibilisation des acteurs du marché de l’immobilier au risque de l’exposition des territoires au recul du trait de côte.

En deuxième lieu, le dispositif IAL est modifié pour avancer le moment où l’information pertinente est apportée à l’acquéreur et au locataire. Cette information se fait actuellement au moment de la signature de la promesse de vente, de l’acte de vente ou du contrat de location. L’information sera dorénavant fournie dès la visite du bien, ce qui permettra au potentiel acquéreur ou locataire de faire son choix et de mener la négociation financière en ayant les informations de l’état des risques à sa disposition.

En troisième lieu, une modification porte sur les modalités de production de l’IAL. Pour réaliser l’état des risques, le propriétaire trouve les informations nécessaires dans des arrêtés préfectoraux reprenant, pour chaque commune, la liste des risques et des documents à prendre en compte. Ces arrêtés compilent des informations déjà disponibles dans d’autres documents et peuvent être difficiles d’utilisation. Le présent article prévoit la mise en place d’un outil numérique permettant de fournir les informations nécessaires et de pré-remplir automatiquement l’état des risques. Par coordination, les arrêtés préfectoraux préexistants sont supprimés.

Enfin, l’appellation « état des risques naturels et technologiques » est modifiée au profit de celle d’« état des risques », afin de tenir compte du fait qu’il intègre également des informations sur les sols pollués, sur les plans de prévention des risques miniers et sur le recul du trait de côte.

L’article comprend également les mesures de coordination nécessaires dans le code de la construction et de l’habitation et dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Article 58 B (nouveau)
(article L. 321-15 [nouveau] du code de l’environnement)
Identification par décret des communes exposées à l’érosion littorale

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 B prévoit que les communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral sont identifiées dans une liste fixée par décret.

Cet article, qui satisfait au 1° du I de l’article 58 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, résulte de l’adoption de l’amendement CS5048 du rapporteur.

Il prévoit l’identification des communes concernées par la réalisation d’une cartographie locale d’évolution du trait de côte. Par la voie réglementaire, sera donc arrêtée la liste des communes exposées au recul du trait de côte et ayant l’obligation (ou la faculté, pour celles couvertes par un plan de prévention des risques littoraux) d’intégrer une cartographie adaptée dans leur document d’urbanisme.

L’indicateur national érosion côtière montre qu’environ 20 % du littoral français (hors Guyane) est en recul et révèle également que les vitesses peuvent varier fortement (jusqu’à 8 m/an pour les zones les plus touchées). Pour 11 % des côtes, on relève une avancée de trait de côte, tandis que pour 69,7 % des côtes l’évolution de trait de côte n’est pas perceptible.

Ainsi, sur environ 975 communes littorales (dont 885 en métropole), 197 communes (hors Guyane) sont concernées par un recul moyen supérieur à 50 cm/an selon l’indicateur national de l’érosion côtière (source : CEREMA 2018).

L’identification des communes les plus concernées, puis la réalisation par ces communes de la cartographie d’évolution du trait de côte constituent le socle sur lequel reposent les mesures qui apportent des solutions aux biens existants dans les zones exposées au recul du trait de côte et aux biens qui pourraient être autorisés dans la zone exposée à long terme.

La liste de communes concernées sera établie au regard de la particulière vulnérabilité du territoire des communes littorales concernées par le recul du trait de côte. Le critère de vulnérabilité du territoire sera déterminé en fonction de l’état des connaissances scientifiques résultant notamment de l’indicateur national de l’érosion littorale (mentionné à l’article L. 321 13 du code de l’environnement), et de la connaissance des biens et activités exposés à ce phénomène.

Cette liste sera révisée selon le délai fixé avec la clause de revoyure des plans locaux d’urbanisme, à une échéance minimale de neuf ans. Le caractère révisable de la liste doit permettre d’adapter les dispositions aux évolutions des situations locales.

Le sous-amendement CS5370 de Mme Sophie Panonacle (LaREM) précise que la liste des communes concernées est établie après avis du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML).

Article 58 C (nouveau)
(article L. 562‑4‑1 du code de l’environnement)
Articulation des documents d’urbanisme avec les dispositions des
plans de prévention des risques littoraux (PPRL)

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 C prévoit la suppression, dans les communes définies en application de l’article 58 B, des dispositions relatives au trait de côte dans le plan de prévention des risques littoraux dès lors qu’un document d’urbanisme adapté a été adopté en application des dispositions de l’article 58 E.

Le présent article, qui résulte de l’adoption de l’amendement CS5050 du rapporteur, prévoit l’articulation des dispositions adoptées dans ce projet de loi avec les plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Il s’agit en particulier de préciser, lorsque des documents d’urbanisme ont intégré la prise en compte du recul du trait de côte conformément aux dispositions de l’article 58 E, les modalités de mise en cohérence avec les PPRL qui intègrent déjà des dispositions relatives à l’érosion.

L’intégration de l’exposition au recul du trait de côte dans les documents d’urbanisme permet l’élaboration d’un projet de territoire au regard de cet enjeu. En maintenant les dispositions relatives à l’érosion dans le PPRL, ce sont ces dernières, plus contraignantes, qui s’appliqueront, ne permettant donc pas l’utilisation des outils nouvellement créés et destinés à l’élaboration de stratégies d’aménagement face au recul du trait de côte.

L’objectif est de permettre le développement de projets de territoire sur les zones qui ne seront menacées par l’érosion qu’à un horizon lointain, tout en assurant la prise en compte dans ces stratégies locales des autres aléas auxquels les territoires peuvent être exposés. L’article prévoit donc la suppression dans le PPRL des éventuelles dispositions portant sur le recul du trait de côte dès lors qu’est entré en vigueur un document d’urbanisme intégrant le recul du trait de côte.

Article 58 D (nouveau)
(article L. 4433-7-2 du code général des collectivités territoriales)
Dispositions de coordination pour les communes exposées au recul du trait de côte dans les régions d’outre-mer

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 D organise l’intégration au schéma d’aménagement régional des régions d’outre-mer des orientations spécifiques d’adaptation des communes concernées au recul du trait de côte.

Le présent article, qui résulte de l’adoption de l’amendement CS5045 du rapporteur, a pour objet de prévoir la planification de l’adaptation des territoires littoraux ultramarins au recul du trait de côte.

Il prévoit que, dans les communes définies en application des dispositions de l’article 58 B situées dans les cinq régions d’outre-mer, le schéma d’aménagement régional comprend les orientations permettant d’adapter les territoires au recul du trait de côte.

Il peut identifier des secteurs visant à accueillir des installations et constructions pour des projets de relocalisation. Ces secteurs doivent se situer en dehors de la bande littorale dite des « cinquante pas géométriques » (cf. commentaire de l’article 58), des zones exposées définies en application des dispositions de l’article 58 E et des espaces littoraux remarquables.

Le II porte des dispositions transitoires.

Article 58 E (nouveau)
(articles L. 121-19, L. 121-21, L. 121-22-1 à L. 121-22-12 [nouveaux] et L. 121-45 du code de l’urbanisme)
Adaptation des documents d’urbanisme et des règles d’utilisation des sols des communes les plus exposées à l’érosion littorale et dispositions relatives à la réalisation et au financement de travaux d’office

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 E prévoit, dans les communes exposées définies en application des dispositions de l’article 58 B, un zonage d’urbanisme spécifique qui permet de délimiter les zones exposées à un recul du trait de côte à horizon proche (moins de trente ans) et les zones exposées à un horizon plus lointain (trente à cent ans). Dans ces zones, pourront être adoptées des règles et servitudes d’utilisation des sols adaptées.

Le présent article, qui satisfait au 3° du I de l’article 58 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, résulte de l’adoption de l’amendement CS5238 du rapporteur, sous amendé par le Gouvernement (CS5431). Il prévoit un zonage spécifique, dans les documents d’urbanisme, des espaces exposés au recul du trait de côte, ainsi que les règles d’utilisation des sols des communes qui seront les plus exposées à cette érosion.

A.   Zonage des espaces exposÉs dans les documents d’urbanisme

Ces dispositions modifient le titre II du livre Ier du code de l’urbanisme en vue d’adapter ses dispositions relatives à la planification d’urbanisme au phénomène de recul du trait de côte. Pour ce faire, il est prévu de créer un nouveau paragraphe 3, inséré à la sous-section 3 du chapitre Ier de ce titre, et intitulé « Exposition au recul du trait de côte et adaptation des documents d’urbanisme ».

Les articles L. 121-22-2 et L. 121-22-6 (nouveaux) permettent aux autorités compétentes dans les territoires les plus exposés au recul du trait de côte de délimiter, dans leur plan local d’urbanisme ou dans leur carte communale, deux zones :

– l’une correspondant à la survenance du recul à horizon proche (moins de trente ans) ;

– l’autre correspondant à l’exposition des enjeux humains au recul du trait de côte à plus long terme (entre trente et cent ans).

Ce zonage est obligatoire pour les plans locaux d’urbanisme incluant au moins une commune mentionnée dans le décret qui sera pris en application des dispositions de l’article 58 B. Il doit être réalisé dans un délai d’un an après la publication du décret (article L. 121-22-3 et L. 121-22-7). Les communes concernées doivent établir un plan local d’urbanisme ou une carte communale si elles n’en sont pas dotées (L. 121-22-10).

B.   rÈgles et servitudes attachÉES aux zones instituÉES

Sans préjudice du cadre juridique déjà applicable (en particulier les dispositions de la loi n° 86‑2 du 3 janvier 1986 dite « Littoral » et les servitudes d’utilité publique en vigueur), il s’agit d’introduire des règles et servitudes d’utilisation des sols propres à ces zones d’exposition au recul du trait de côte.

Il est ainsi prévu d’instituer à destination des communes et des intercommunalités concernées une gradation du niveau de contrainte urbanistique selon que la zone d’implantation des nouvelles constructions, installations et aménagements se trouve exposée à plus ou moins brève échéance à l’érosion côtière.

L’article L. 121-22-4 précise que, dans les zones exposées au recul du trait de côte à horizon proche, seuls peuvent être autorisés :

– les travaux de réfection et d’adaptation des constructions existantes ;

– les constructions ou installations nouvelles nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, à condition qu’elles présentent un caractère démontable ;

– les extensions des constructions existantes, à condition qu’elles présentent un caractère démontable.

L’article L. 121-22-5 précise que, dans la zone exposée à horizon entre trente et cent ans, la démolition de toute construction nouvelle et de toute extension de constructions existantes, ainsi que la remise en état du terrain, sous la responsabilité et aux frais de leur propriétaire, sont imposées lorsque le recul du trait de côte est tel que la sécurité des personnes ne pourra plus être assurée au-delà d’une durée de trois ans. L’obligation de démolition et de remise en état est ordonnée par arrêté du maire.

Le sous-amendement CS5431 du Gouvernement précise les modalités de financement de l’obligation de démolition. Ce financement se fait à la charge du propriétaire du bien qui souhaite construire dans une zone d’exposition au recul du trait de côte à long terme.

Le financement s’effectue via la consignation, auprès de la Caisse des dépôts et consignations, d’une somme permettant de financer la démolition à terme de la construction autorisée, à savoir au moment où cette démolition sera ordonnée par le maire. La déconsignation de cette somme et des intérêts échus permettra alors le financement des travaux.

Article 58 F (nouveau)
(articles L. 133-1, L. 133-2, L. 133-4, L. 141-13,  L. 151-5, L. 151-7, L. 151-27 et L. 151-41
du code de l’urbanisme)
Adaptations des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme des communes exposées à l’érosion littorale

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 F comporte des dispositions de coordination qui permettent d’intégrer, dans le Géoportail de l’urbanisme, des cartes de préfiguration des zones exposées au recul du trait de côte. Elles prévoient aussi l’évolution des dispositions stratégiques contenues dans le schéma de cohérence territoriale et le plan local d’urbanisme.

Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CS5044 du rapporteur.

 


—  1  —

Les dispositions du I prévoient l’intégration, dans le Géoportail de l’urbanisme, des cartes de préfiguration des zones exposées au recul du trait de côte à horizon de trente ans, d’une part, et entre trente et cent ans, d’autre part.

Le Géoportail de l’urbanisme (GPU)

Le Géoportail de l’urbanisme est le portail national dématérialisé de l’information réglementaire en matière d’urbanisme. Créé le 19 décembre 2013, il répond aux obligations issues de la directive européenne « Inspire » du 14 mars 2007 ([336]), qui prévoit les obligations d’information incombant aux États membres en matière d’environnement et d’aménagement du territoire.

Le Géoportail, qui comptabilise plus de 5 000 documents d’urbanisme et 6 000 servitudes d’utilité publique, entrepose les données ouvertes produites par l’État, les collectivités et les autres autorités compétentes, sur laquelle s’appuient des tiers pour développer des services et produits numériques connexes.

Le Géoportail doit permettre à chacun de localiser son terrain ; faire apparaître et interroger le zonage et les prescriptions d’urbanisme qui s’y appliquent ; consulter directement en ligne tout ou partie des documents d’urbanisme (données géographiques et règlements de la commune) ; connaître les servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation de son terrain ; télécharger les données géographiques (zonages) et réglementaires ; afficher en superposition des couches d’information (sélection des prescriptions, fond cadastral, photo aérienne, etc.) ; créer et diffuser sa propre carte (prescriptions à représenter, outils de dessin). Il permet également aux professionnels de réaliser diverses études à partir des données fiables qui y sont présentes.

Les dispositions des II et III prévoient d’adapter le régime du document d’orientation et d’objectifs figurant dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT), du projet d’aménagement et de développement durables figurant dans le plan local d’urbanisme [PLU(i)] ainsi que celui des emplacements réservés et des orientations d’aménagement et de programmation de ce plan, en vue de prendre en compte ce phénomène et d’accompagner les projets de recomposition territoriale. Le régime du bilan de l’application du plan local d’urbanisme est également adapté afin de s’appliquer à ce phénomène.

Les IV et V traitent des dispositions transitoires propres à ces modifications du code de l’urbanisme.

Article 58 G (nouveau)
(articles L.  210-1 et L. 219-1 à L. 219-13 [nouveaux] du code de l’urbanisme)
Création d’un droit de préemption spécifique et prioritaire pour les
biens exposés à l’érosion littorale

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 G prévoit un nouveau droit de préemption spécifique et prioritaire, applicable dans les zones exposées au recul du trait de côte, afin de permettre aux communes d’acquérir les biens situés sur les terrains qui ont vocation à disparaître.

L’article 58 G qui satisfait une partie du 5° du I de l’article 58 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, résulte de l’adoption de l’amendement CS5049 du rapporteur.

Il crée un chapitre IX nouveau au titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, qui porte sur le « droit de préemption relatif à l’adaptation des territoires au trait de côte ».

Dans les communes exposées au recul du trait de côte, dont la liste est établie en application des dispositions de l’article 58 B, il est institué, en application de l’article L. 219-1 nouveau du code de l’urbanisme, au bénéfice de la commune ou de l’intercommunalité compétente, un droit de préemption spécifique. Ce droit de préemption ne s’applique, de droit, que sur la zone exposée à horizon de trente ans. Il peut, par délibération, être étendu pour la zone exposée à horizon de trente à cent ans.

Du point de vue de l’articulation avec les autres droits de préemption, ce nouveau droit prévaut sur les autres, hormis le droit de préemption relatif aux espaces naturels sensibles. Dans les zones où il s’applique, ni le droit de préemption urbain, ni le droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux et les fonds de commerce ne peuvent plus s’appliquer.

Les articles L. 219-2 à L. 219-4 établissent la liste des biens soumis au droit de préemption nouvellement créé, ainsi que ceux qui n’y sont pas soumis. L’article L. 219-6 porte des dispositions de procédure. Les articles L. 219-7 et L. 219-8 précisent le mode d’établissement du prix d’acquisition, qui ne déroge pas au droit commun de la préemption.

Les biens ainsi acquis ont pour vocation principale de faire l’objet d’une renaturation, après d’éventuels travaux de démolition et de remise en état, avant leur disparition, et pourront le cas échéant être mis à disposition temporairement pour des affectations ou des usages compatibles avec le recul du trait de côte.

Article 58 H (nouveau)
(articles L. 321-1 et L. 324-1 du code de l’urbanisme)
Intégration aux compétences des établissements publics fonciers de la contribution à la politique de protection contre le recul du trait de côte

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 H étend les compétences des établissements publics fonciers d’État et locaux pour y intégrer les actions d’acquisition du foncier exposé au recul du trait de côte.

Le présent article, qui satisfait à une partie du 5° du I de l’article 58 habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, résulte de l’adoption de l’amendement CS5052 du rapporteur.

Il permet d’affirmer le rôle des établissements publics fonciers d’État (EPF) et locaux (EPFL) en matière d’adaptation des territoires au recul du trait de côte. L’article permet à ces établissements de développer leurs actions d’acquisition de foncier exposé au retrait du trait de côte.

À l’heure actuelle, les établissements publics fonciers peuvent intervenir au titre de leur mission de protection contre les risques naturels ou, à titre subsidiaire, au titre de la protection des espaces naturels (cf. commentaire de l’article 56 bis). L’extension de leurs compétences prévues au présent article doit permettre la massification de leur action dans les communes concernées par des nécessités d’adaptation foncière en prévision du retour à la mer de certains espaces.

Les établissements publics fonciers pourront en particulier être amenés dans ce cadre à gérer les terrains menacés en vue de leur mise à disposition temporaire avant de procéder à la déconstruction d’éventuels bâtis, à des opérations de dépollution et à leur renaturation avant disparition.

Article 58 I (nouveau)
(articles L. 421-5-1 et L. 421-5-2 [nouveaux], L. 421-8, L. 421-9, L. 425-15-1 [nouveau], L. 462-1, L. 462-2 et L. 480-4 du code de l’urbanisme)
Régime dérogatoire applicable aux constructions et démolitions dans les zones exposées au recul du trait de côte

Créé par la commission spéciale

 

L’article 58 I porte des dispositions de coordination pour le mécanisme de travaux de démolition d’office des biens exposés au recul du trait de côte, notamment au regard des modalités de consignation des sommes prévues.

Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement CS5046 du rapporteur. Il contient des dispositions de coordination en ce qui concerne le régime applicable aux travaux de démolition d’office, dont les dispositions résultent de l’article 58 E, dans les zones exposées au recul du trait de côte, définies en application des articles 58 B et 58 E du présent texte.

Ces dispositions tirent donc les conséquences des règles de constructibilité ainsi créées sur le régime des autorisations d’urbanisme.

Article 58
Habilitation à prendre une ordonnance pour adapter les territoires littoraux aux effets du déplacement du trait de côte

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 58 modifié habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant de la loi pour créer un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée adapté aux besoins des zones exposées au recul du trait de côte, modifier les outils d’aménagement et de maîtrise foncière nécessaires à l’adaptation des territoires exposés au recul du trait de côte, définir des dérogations limitées et encadrées au droit du littoral, et prendre des mesures d’adaptation pour l’Outre‑mer.

I.   lE DROIT EN VIGUEUR

1.   L’adaptation au recul du trait de côte

Le recul du trait de côte consiste en un déplacement vers l’intérieur de la limite entre les domaines maritime et terrestre, qui peut être lié à deux facteurs indépendants :

– l’érosion côtière, qui désigne un phénomène constant de perte ou de déplacement de terre, de sédiments et de roches le long du trait de côte, du fait de l’action des vagues, des courants, des marées et des impacts de tempêtes ;

– l’élévation du niveau de la mer, phénomène daté du début du XXe siècle, dû à la dilatation thermique de l’eau de mer et à la fonte de glaciers et des inlandsis (immenses glaciers des régions polaires), qui contribue à amplifier l’érosion côtière ([337]).

Selon l’étude d’impact, environ 20 % des côtes françaises reculent sous l’effet de l’érosion, qui est souvent caractérisée comme un phénomène naturel, progressif, inexorable et irréversible. Les côtes concernées sont exposées pour 64 % d’entre elles à un risque de submersion marine ([338]).

Les territoires littoraux étant plus denses que la moyenne, le nombre de biens et de personnes concernées par des variations territoriales, même faibles, est considérable. Selon les estimations fournies par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), qui demeurent à ce jour imprécises, le nombre de biens concernés d’ici 2100 s’élèvera à entre 5 000 et 50 000 logements pour une valeur estimée entre 0,8 et 8 milliards d’euros (Md€).

Les effets de cette mutation du trait de côte sont importants pour les populations et l’économie des territoires concernés, et les outils actuels ne permettent pas de répondre aux besoins exceptionnels engendrés par la nécessité de se replier vers la zone littorale non exposée à l’érosion côtière. En particulier, les stratégies habituelles de traitement du problème, par l’érection d’ouvrages de protection, montrent des limites en termes de coût et d’accentuation de l’érosion qui se trouve reportée sur d’autres secteurs de côte.

En effet, historiquement, les particuliers aussi bien que les autorités chargées de la gestion du littoral ont eu tendance à privilégier les protections dites « lourdes » ou « dures » dans le cadre de la stratégie de la « défense contre la mer », et il existe aujourd’hui quelque 10 000 ouvrages de protection sur le littoral métropolitain ([339]). À cette fin, peuvent être érigés des digues, des épis transversaux, des enrochements, des perrés ou encore des brise-lames. D’autres méthodes, moins invasives pour l’environnement, existent, comme la végétalisation des dunes ou l’utilisation de structures géotextiles.

Néanmoins, les coûts environnementaux, sociaux et économiques de la protection, et notamment des protections dures, incitent à questionner leur adoption et à peser les mérites relatifs d’une politique d’adaptation des milieux littoraux, notamment au regard des enjeux du changement climatique. Les inconvénients de la protection dure peuvent comprendre un transit sédimentaire affecté avec une érosion en aval des ouvrages, la diminution ou la disparition des plages, une maintenance coûteuse des ouvrages érigés, et des besoins réguliers de rehaussement du niveau des ouvrages en fonction de l’élévation prévue du niveau de la mer, qui peuvent engendrer un accroissement de la masse des blocs de protection et de l’emprise des ouvrages.

2.   Le régime juridique de la recomposition spatiale des territoires littoraux

Si l’adaptation des collectivités au changement du littoral tend aujourd’hui à devenir une réponse plus fréquente dans la protection face au recul du trait de côte, la recomposition spatiale des territoires concernés reste freinée par des difficultés juridiques concernant le régime des biens et la relocalisation des personnes.

Les situations juridiques des propriétaires de biens menacés par le recul du trait de côte sont aujourd’hui hétérogènes, selon la protection ou non de la zone concernée, selon la nature sableuse ou rocheuse de la côte, et selon l’exposition à un risque de submersion :

– lorsque le bien soumis à l’érosion littorale est protégé, son propriétaire bénéficie directement de l’investissement public dans l’équipement de protection. Les conditions du financement par les propriétaires de la construction et de l’entretien des ouvrages de protection ne sont pas évidentes, en dépit du régime de l’article 29 de la loi du 16 septembre 1807 ([340]) relative au dessèchement des marais, qui prévoit que les coûts de la construction des équipements de défense sont supportés par les propriétaires des biens protégées. Ce sont les intercommunalités qui, dans le cadre de leur compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) ([341]), sont chargées de la défense contre la mer ;

– lorsque le bien se situe en zone de submersion marine ou fluviale, cette situation le rend éligible au système assurantiel et indemnitaire qui existe au titre des risques naturels majeurs. Le risque de submersion peut, dans ces zones, justifier la construction d’ouvrages et son financement, et les collectivités peuvent solliciter la mobilisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier » (cf. infra et encadré) pour le financement des acquisitions amiables ou des expropriations de biens immobiliers ;

– lorsque le bien est situé sur une côte rocheuse, son propriétaire peut bénéficier d’une expropriation ou d’un rachat à l’amiable dans le cadre des mesures de sauvegarde prévues pour les populations menacées par certains risques naturels majeurs ([342]). Ces procédures sont également financées par le fonds Barnier. Les biens situés en zone sableuse ne bénéficient pas de cette possibilité de prise en charge ;

– en dehors de ces trois cas, en l’état actuel du droit, aucune indemnisation spécifique et aucun régime de prise en charge ne sont prévus pour les personnes touchées par l’inhabilité de leur domicile du fait du recul du trait de côte, et ceci pour deux raisons principales. En premier lieu, le législateur n’a pas explicitement classé l’érosion dunaire parmi les risques pouvant être financés par le fonds Barnier. D’un point de vue assurantiel, le recul du trait de côte est considéré comme un événement inexorable et donc certain, au contraire du risque qui est marqué par un degré d’incertitude quant à sa survenance. En second lieu, l’une des conditions d’éligibilité au fonds Barnier, consistant en l’existence d’une « menace grave à la vie humaine », n’est pas remplie.

Les interventions du fonds Barnier ([343])

En application de l’article L. 561-1 du code de l’environnement, l’État peut déclarer d’utilité publique l’expropriation de biens « lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrains ou d’affaissements de terrains, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines ».

Les propriétaires de biens qui font l’objet d’une expropriation pour cause de risque naturel majeur peuvent être indemnisés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995.

En vertu de l’article L. 561-3 du code de l’environnement, le FPRNM peut financer :

– les expropriations de biens exposés à des risques naturels majeurs ;

– les acquisitions amiables de biens exposés à des risques naturels majeurs ou gravement sinistrés par une catastrophe naturelle ;

– les dépenses d’évacuation temporaire et de relogement ;

– les études et travaux de réduction de la vulnérabilité imposés par un plan de prévention des risques naturels approuvé ;

– les campagnes d’information sur la garantie catastrophe naturelle ;

– les opérations menées dans le cadre des programmes d’actions de prévention contre les inondations (PAPI) validées par la commission mixte inondation ;

– les études et travaux ou équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels des collectivités territoriales ;

– les dépenses afférentes à la préparation et à l’élaboration des plans de prévention des risques naturels et aux actions d’information préventive.

Un taux maximal de subvention ou d’indemnité est fixé pour la plupart des mesures. S’agissant des expropriations de biens exposés à un risque naturel majeur ou de l’acquisition amiable des biens exposés, le taux maximal d’indemnisation prévu est de 100 %, d’après la circulaire du 23 avril 2007 relative au financement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs de certaines mesures de prévention.

3.   La stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte

Dans le sillage de tempêtes violentes survenues au cours des années 2000, qui ont accéléré le phénomène de l’érosion côtière, et notamment de la tempête Xynthia qui a frappé le littoral atlantique au printemps 2010, une réflexion a été menée afin de disposer, sur tout le littoral, d’une vision de long terme sur l’évolution du trait de côte. L’objectif en a été de favoriser un aménagement durable et équilibré des territoires concernés, également soumis à une forte pression démographique.

Le Grenelle de la mer, événement de concertation publique mené par le Gouvernement en 2009, a notamment proposé l’adoption d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC), qui a été adoptée en 2012. Celle‑ci a été déclinée opérationnellement en deux programmes d’actions sur les périodes 2012-2015 et 2017-2019. Les programmes portent des actions selon quatre axes principaux, auxquels s’ajoutent des initiatives de communication et de sensibilisation aux enjeux :

– le développement des outils de connaissance du trait de côte afin d’en favoriser une meilleure cartographie qui serve de fondement à l’identification précise des territoires concernés par l’érosion, permettant ainsi la hiérarchisation des efforts publics. Dans ce cadre, une première cartographie a été élaborée et mise à la disposition du grand public sur le portail internet Géolittoral, qui présente de façon homogène l’évolution passée du trait de côte à l’échelle 1/100 000e ;

– l’élaboration de stratégies territoriales partenariales, associant des acteurs publics et privés afin de mieux utiliser les instruments d’urbanisme et de faire évoluer la gestion du domaine public maritime. C’est ce qui a permis notamment l’évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et du schéma d’aménagement régional (SAR), afin qu’ils puissent comporter des objectifs de moyen et long termes en matière de gestion du trait de côte. De même, les plans de gestion des risques inondations (PGRI), les programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) ont été adaptés. Lorsque l’aléa « trait de côte » est identifié dans un plan de prévention des risques (PPR), les zones susceptibles d’être touchées à un horizon de cent ans sont classées en zone rouge, ce qui a pour effet d’y interdire toute nouvelle construction ;

– l’expérimentation de démarches nouvelles afin de favoriser la recomposition spatiale des territoires concernés via la relocalisation des activités et des biens (cf. schéma) et de dégager de nouvelles méthodes de génie écologique. Un appel à projets est conduit en 2011 pour soutenir des projets innovants dans ce domaine, à l’instar de la ré-estuarisation du Ster de Lesconil (Finistère). En outre, un appel à projets lancé en 2012 a permis à cinq collectivités de s’associer à l’État dans une réflexion sur la relocalisation des activités et des biens, à Vias (Hérault), Hyères (Var), Petit-Bourg (Guadeloupe), Ault (Somme) et Lacanau (Gironde). Un appel à projets de 2014 a permis d’améliorer la prise en compte des risques littoraux dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ;

– l’identification des modalités d’intervention financière en facilitant l’articulation des financements publics et en organisant l’évolution des dispositifs existants. Ainsi, dans le cadre du plan de relance compris dans la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, l’action « Protection du littoral » porte 15 millions d’euros pour l’accompagnement des projets d’adaptation. Afin de porter plus loin l’action sur la relocalisation de portions de ville en rétro-littoral, des projets à plusieurs échelles de temporalité sont mis en œuvre pour prendre en compte le recul progressif du trait de côte tout en « laissant vivre » les territoires concernés, qui bénéficient des avantages économiques tirés de la proximité de la mer. Les intercommunalités littorales peuvent ainsi bénéficier, dans le cadre de la conclusion avec l’État d’un projet partenarial d’aménagement (PPA), de soutiens financiers afin de mener à bien des actions de recomposition spatiale. Ces projets doivent viser au repli stratégique des logements, activités et équipements publics face à l’érosion du trait de côte, en mettant en avant un projet urbain d’ensemble.

SCHÉMA TYPE D’UN PROJET DE RECOMPOSITION SPATIALE

Source : direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature.

II.   Les dispositions du projet de loi

Le sujet de l’érosion du trait de côte continue de constituer une problématique centrale pour les territoires concernés, comme le montrent le dépôt de cinq propositions de loi sur ce sujet dans les quatre dernières années ainsi que la présentation d’un rapport parlementaire ([344]) et d’un rapport d’inspection interministérielle ([345]).

L’article présente, au regard de l’ambition des habilitations accordées pour l’ordonnance, une stratégie complète pour traiter les problématiques en matière d’aménagement, d’urbanisme et de planification spatiale relatives aux adaptations des territoires aux enjeux du recul du trait de côte.

Le présent article 58 comporte en effet sept alinéas distincts d’habilitations qui permettent au Gouvernement de prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour adapter les dispositions législatives s’appliquant aux territoires littoraux aux enjeux du recul du trait de côte. Les réformes prévues se regroupent en quatre axes principaux.

En vertu du I, l’habilitation à prendre une ordonnance vaut pour un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi. En vertu du II, le Gouvernement devra déposer au Parlement un projet de loi de ratification de cette ordonnance dans les trois mois à compter de sa publication.

1.   Améliorer la connaissance et le partage de l’information

Au du I, le premier enjeu auquel il s’agit de répondre, est celui de l’identification des territoires les plus exposés au recul du trait de côte. Le CEREMA et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) sont chargés de cette mission, qui permettra de dresser par décret une liste des communes concernées.

Comme prévu au du I, cette avancée permettra de mieux informer les acquéreurs et locataires dans les zones exposées, et motivera une réforme du dispositif d’information acquéreur locataire (IAL) en matière de risques. L’information se fera dès la visite des lieux et non plus au stade de la promesse de vente, et intégrera l’information sur le recul du trait de côte, ainsi que l’effet sur le marché immobilier.

Le du I tire dispose que l’identification des communes concernées permettra d’apporter aux habitants une meilleure information par le biais de zonages d’exposition au recul du trait de côte, qui seront insérés, sur le fondement du décret énumérant les communes, dans le document graphique du règlement du plan local d’urbanisme ou de la carte communale. Les zonages pourront être réalisés par les collectivités elles-mêmes sur la base des données des observatoires locaux du littoral, avec un appui méthodologique de la part des opérateurs, notamment le CEREMA et le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) du ministère chargé de l’environnement.

2.   Limiter l’exposition des nouveaux biens construits

Le zonage de l’exposition au recul du trait de côte ainsi intégré aux documents d’urbanisme pourra comprendre une distinction entre l’exposition à l’érosion de court-moyen terme, avec un horizon de trente ans, et celle de long terme, avec un horizon de cent ans. Ce zonage devra être articulé avec le plan de prévention des risques littoraux (PPRL).

Pour les zones d’exposition à court ou moyen terme, il deviendra possible, conformément aux dispositions prises en application de la dernière clause du du I, d’interdire les nouvelles constructions et de limiter les possibilités de rénovation du bâti existant. Les seuls travaux autorisés seront ceux permettant la réfection et l’adaptation sans augmentation de capacité d’accueil, la construction ou l’installation nouvelle, à condition de présenter un caractère démontable, de services publics ou d’activités économiques exigeant la proximité de l’eau, et les extensions démontables.

Le du I prévoit des aménagements au régime de la démolition des constructions, installations et aménagements en zone exposée à long terme au recul du trait de côte, afin de limiter l’exposition des nouveaux biens. Sur le fondement des zonages d’exposition réalisés en vertu du régime susmentionné, la possibilité sera accordée aux collectivités de grever les nouvelles constructions d’une servitude de démolition.

3.   Renforcer les possibilités d’aménagement pour les biens existants

Sur le fondement du du I, plusieurs outils pourront être développés afin de mieux traiter les problématiques des biens existants. En premier lieu, un droit de préemption spécifique et prioritaire sera institué afin de faciliter la maîtrise foncière dans le cadre des biens menacés d’érosion côtière. Ce droit, qui sera institué par la commune ou l’intercommunalité compétente, devra faciliter la réduction du nombre des constructions en zone très exposée et permettre la mise en œuvre de constructions non pérennes ailleurs. L’exercice de ce droit emportera, en dehors de l’exercice du droit de préemption des espaces naturels sensibles ([346]), la priorité sur l’exercice des autres droits de préemption.

Les établissements publics fonciers, qui sont chargés de missions d’acquisition et de portage fonciers pour le compte des collectivités, et dont le déploiement est en cours d’extension à tout le territoire, verront leur champ de compétences s’élargir afin qu’ils puissent intervenir dans le cadre de l’adaptation des territoires au recul du trait de côte. Ils pourront ainsi intervenir davantage qu’ils ne le font actuellement dans le cadre de leurs missions de protection contre les risques naturels ou de protection des espaces naturels. Ils pourront être amenés à gérer les terrains menacés en vue de leur mise à disposition temporaire avant de procéder à la démolition des bâtis, et à la dépollution et la renaturation des sols avant disparition.

L’alinéa porte aussi sur la définition des modalités d’évaluation des biens pour l’acquisition des terrains soumis à l’érosion. En effet, le droit de préemption exige la compensation au niveau du marché, ce qui pose problème lorsque celui-ci vient à manquer. Les collectivités ont besoin de visibilité sur cette question complexe, qui exige de trouver un équilibre entre le rapprochement de la valeur du marché, d’une part, et la prise en compte de la fin de vie du bien, d’autre part, qui pourrait voir administrée une décote en cas d’absence de marché.

De la même façon, il faudra définir les modalités de calcul des indemnités de l’expropriation qui pourra s’avérer nécessaire dans les cas où le recul du trait de côte est tel que la sécurité des personnes ne peut plus être assurée à un horizon temporel bref. Actuellement, dans le cadre de l’expropriation, l’indemnité est fixée selon la valeur du bien sans prise en compte du risque et de la moins-value qu’il pourrait faire peser sur la valeur. Des mesures d’accompagnement, et notamment un dispositif d’aide au relogement des propriétaires de biens exposés à l’érosion à court terme lorsque ces biens ont été acquis avant le renforcement de l’information acquéreur locataire, pourront être mises en place.

Le 6° du I habilite le Gouvernement à créer un nouveau régime de bail réel immobilier de longue durée adapté aux enjeux des zones menacées de disparition par l’érosion côtière. Dans le cadre des régimes existants de bail réel ([347]), un bailleur public peut consentir au preneur des droits réels immobiliers sur un bâti tout en restant propriétaire du foncier, et en recevant de ce fait une redevance foncière.

4.   Adapter le droit des outre-mer aux enjeux du recul du trait de côte

Le du I habilite le Gouvernement à prévoir diverses mesures d’adaptation, non caractérisées, pour l’outre-mer.

Il est précisé dans la deuxième partie de la phrase que des mesures particulières devront être prévues pour la zone littorale dite des cinquante pas géométriques. Cette appellation désigne, dans les cinq départements d’outre-mer, une bande littorale large de 81,20 mètres, établie sur la base de cinquante pas doubles de marche, qui appartient au domaine public de l’État.

Mise en place au XVIIe siècle en tant que réserve stratégique de la protection du littoral, cette zone est assimilée au domaine public maritime, et donc inaliénable et imprescriptible. Elle représente un enjeu majeur en termes d’aménagement du territoire à des fins de développement durable, et implique des enjeux en matière de préservation de la biodiversité, de protection des paysages, de protection contre l’érosion marine, et d’accès du public au littoral. Néanmoins, fortement convoitée, cette zone a été partiellement occupée et privatisée par des constructions autorisées ou illégales ([348]).

III.   LES travaux de la commission spÉciale

La commission spéciale a adopté un amendement de rédaction globale déposé par le Gouvernement (CS5015). Cet amendement a réduit le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance. Cette habilitation concerne à présent quatre axes principaux :

– la création d’un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée, adapté aux besoins des zones exposées au recul du trait de côte ou à des risques naturels aggravés par le changement climatique ainsi que l’articulation entre ce nouveau régime de bail réel immobilier de longue durée et l’obligation de démolition et de remise en état prévue à l’article L. 121‑22‑5 du code de l’urbanisme créé par la présente loi ;

– la modification des outils d’aménagement et de maîtrise foncière nécessaires à l’adaptation des territoires exposés au recul du trait de côte, notamment en définissant les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, et, le cas échéant, les modalités de calcul des indemnités d’expropriation et les mesures d’accompagnement ;

– la définition des dérogations limitées et encadrées au droit du littoral, lorsqu’elles sont nécessaires à la mise en œuvre d’un projet de relocalisation durable des constructions situées dans les zones d’exposition au recul du trait de côte ;

– les mesures d’adaptation pour l’Outre‑mer, en particulier en ce qui concerne la zone littorale des cinquante pas géométriques.

La commission spéciale a adopté deux sous-amendements à cet amendement. Le sous-amendement CS5450 du rapporteur précise que l’ordonnance devra être prise dans un délai de neuf mois. Le sous-amendement CS5439 de Mme Sophie Panonacle (LaREM) prévoit que le champ de l’ordonnance comprendra l’entretien des ouvrages de protection existants et la création de nouveaux dispositifs de lutte contre la mer.

 

 


—  1  —

TITRE V
SE NOURRIR

Chapitre Ier
Soutenir une alimentation saine et durable pour tous peu émettrice de gaz à effet de serre

Article 59
(articles L. 230-5-6 et L. 230-5-6-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Expérimentation d’un choix végétarien quotidien
dans la restauration collective publique

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGALIM) a créé une expérimentation obligatoire pour les gestionnaires des services de restauration collective scolaire publique et privée tenus de proposer, au moins une fois par semaine, un menu végétarien qui peut être composé de protéines animales (œufs ou produits laitiers) ou végétales (légumineuses ou céréales). Cette expérimentation prendra fin le 30 octobre 2020.

L’article 59 offre la possibilité, pour « les collectivités territoriales volontaires » de proposer quotidiennement, dans les services de restauration collective dont elles ont la charge, le choix d’un menu végétarien. Cette possibilité prend la forme d’une expérimentation prévue pour une durée de deux ans à compter de la date de promulgation de la loi. Une évaluation complète est prévue.

I.   le droit en vigueur

A.   Une deMande sociÉtale pour davantage de repas vÉgÉtariens, particuliÈrement chez les jeunes

La consommation de produits carnés a diminué ces dernières années, en particulier s’agissant de la viande rouge à laquelle la volaille se substitue. Selon les chiffres de la statistique agricole (Agreste), la consommation de viande stagne à 90 kilogrammes par habitant et par an, en baisse de 15 % sur la période 1990-2010. Cette tendance s’est depuis poursuivie.

Les repas végétariens contribuent à la réduction des gaz à effet de serre par la diminution de la consommation de produits carnés ([349]) mais l’ampleur de cette contribution dépend aussi des pratiques d’élevage. Le président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), M. Arnaud Leroy, a partagé avec la rapporteure les résultats des travaux de la mairie de Paris : une assiette végétarienne contribue à émettre – 20 % de gaz à effet de serre.

Selon l’étude du Boston consulting group « Évaluation d’impact des mesures prises depuis 2017 sur la réduction des gaz à effet de serre en France à horizon 2030 » publiée le 12 février 2021, il a été servi en restauration collective 329 tonnes équivalent carcasse de viande en 2018 soit 5 % de la consommation nationale de viande à travers les 11 millions de repas servis quotidiennement. Les deux tiers de ces 5 % sont consommés au sein de la restauration collective publique (219 tonnes équivalent carcasse).

Le végétarisme couvre plusieurs pratiques alimentaires allant de la suppression totale de tout produit issu de la production animale à la baisse limitée de la consommation de viande.

L’étude de FranceAgriMer « Combien de végétariens en Europe ? » – synthèse des résultats du « Panorama de la consommation végétarienne en Europe », réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) pour FranceAgriMer et l’Observatoire du conseil national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) des habitudes alimentaires (OCHA) en 2018 – montre la tendance à la réduction de la consommation de produits carnés en Europe, surtout chez les jeunes de 18 à 24 ans. Cette étude donne les définitions suivantes :

– choix végétarien : abstention de la viande, du poisson, mais consommation des œufs, du fromage, du lait ;

– choix végétalien : abstention de la viande, du poisson, mais aussi de tous les produits laitiers et des œufs. Ne mange que les céréales, les légumes et les fruits ;

– choix végan : qui s’efforce de vivre sans consommer de produits issus de l’exploitation des animaux. Les végans se nourrissent d’un régime à base de légumes. Un style de vie végan évite aussi le cuir, la laine, la soie et autres produits animaux pour se vêtir ou pour tout autre usage ;

– choix flexitarien : limitation de la consommation de viande sans être exclusivement végétarien et sans que ce soit pour des raisons d’argent.

Il ressort de cette étude que :

– 50 % des Français déclaraient avoir réduit leur consommation de viande en 2018 par rapport à 2017 ;

– 3,2 % des Français se déclaraient végétariens ([350]) en 2018 contre 0,7 % en 1998 mais ce taux s’élève à 12 % des 18-24 ans et 11 % des 25-34 ans. En outre, 44 % des 18-24 ans et 37 % des 25-34 ans déclarent qu’ils pourraient devenir végétariens ;

– 20 % des Français se déclaraient flexitariens en 2018.

B.   L’expÉrimentation d’un menu vÉgÉtarien hebdomadaire en restauration collective scolaire

L’article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGALIM) a créé une expérimentation obligatoire pour les gestionnaires des services de restauration collective scolaire publique et privée (article L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime). Depuis le 1er novembre 2019, ces gestionnaires sont tenus de proposer, au moins une fois par semaine, un menu végétarien qui peut être composé de protéines animales (œufs ou produits laitiers) ou végétales (légumineuses ou céréales).

Cette expérimentation est prévue pour une durée de deux ans. Au plus tard six mois avant son terme, soit le 1er mai 2021, cette expérimentation devra être évaluée au regard de son impact sur le gaspillage alimentaire, sur les taux de fréquentation et sur le coût des repas. L’évaluation sera transmise au Parlement. Entendu par votre rapporteure, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’est engagé à transmettre cette évaluation avant l’examen du présent projet de loi en séance publique.

D’après l’étude d’impact du présent projet de loi, cette expérimentation a été ralentie par la crise liée à la pandémie de la covid-19 : la fermeture des établissements scolaires de mars à août 2020 a limité la durée de l’expérimentation. On imagine aisément qu’à leur réouverture la mise en place des protocoles sanitaires a perturbé le fonctionnement de ces services.

Le périmètre de cette expérimentation est large puisque la restauration collective scolaire et ses 29 000 cantines ont servi 1 milliard de repas en 2018 et elles représentent le tiers des repas servis en restauration collective.

L’Association des maires de France a mené une enquête à l’automne 2020, qui a reçu 3 000 contributions de communes et d’intercommunalités gérant une école publique. Il en ressort que :

– avant le lancement de l’expérimentation obligatoire, 24 % des collectivités répondantes proposaient une offre de menu végétarien moins d’une fois par semaine et 14 % au moins une fois par semaine ;

– l’expérimentation est aujourd’hui mise en place par 89 % des collectivités répondantes et génère des difficultés pour 53 % d’entre elles (composition et diversité des repas, gaspillage alimentaire, réticence et formation des personnels, coût supplémentaire, réorganisation de la préparation des repas).

L’expérimentation sur le menu végétarien hebdomadaire a relancé une dynamique ancienne dans la restauration collective. L’installation du Conseil national de la restauration collective et la mobilisation du Syndicat national de la restauration collective et de Restau’co a permis de mettre en place des outils d’accompagnement des gestionnaires et des cuisiniers ([351]). Des recettes ont été élaborées, parmi lesquelles six sont plébiscitées par les enfants. La formation des cuisiniers est importante.

L’article L. 230-5-4 du même code également issu de l’article 24 de la loi EGALIM impose aux gestionnaires des restaurants collectifs ([352]) (hors restaurants d’entreprises privés), servant plus de deux cents couverts par jour en moyenne sur l’année de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales dans les repas qu’ils proposent.

C.   L’Équilibre nutritionnel des repas vÉgÉtariens en question

On peut lire sur le site de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) que la direction générale de la santé l’a interrogée à la fin de l’année 2019 pour identifier sous un mois des éléments d’ordre général à prendre en compte dans cette expérimentation, à savoir sur la mise en place d’un menu végétarien, les protéines d’origine végétale, les indicateurs de qualité nutritionnelle, les plats à base d’œuf et de fromage, les plats à base de soja et les aliments ultra-transformés.

L’Agence a apporté le 17 janvier 2020 une première réponse fondée sur des travaux existants : elle a indiqué qu’un menu végétarien hebdomadaire pouvait contribuer à la couverture de l’ensemble des besoins nutritionnels des enfants, dès lors qu’il est équilibré c’est-à-dire que l’offre végétarienne prenne mieux en compte l’intérêt des apports en légumineuses et en céréales complètes.

Saisie à nouveau en juillet 2020, l’Agence devra présenter avant le 30 septembre 2021 des recommandations relatives à la composition ou à la fréquence des plats ou repas végétariens servis dans la restauration scolaire.

Auditionnée par votre rapporteure, Mme Irène Margaritis, représentante de l’Agence, a insisté sur le fait que la cantine doit contribuer à une alimentation équilibrée mais qu’elle ne peut pas l’assumer à elle seule. Elle ne représente que cinq repas par semaine sur vingt-et-un, sans compter le goûter. Il faut raisonner à l’échelle d’une semaine et non d’une journée.

Cinq repas végétariens par semaine en restauration collective peuvent être équilibrés s’ils sont bien faits c’est-à-dire si les acheteurs des denrées et les cuisiniers sont bien formés. Il ressort que plus les décideurs adhérents au dispositif, mieux il est mis en œuvre.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 59 du présent projet de loi complète l’article L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime pour offrir la possibilité, pour « les collectivités territoriales volontaires » de proposer quotidiennement, dans les services de restauration collective dont elles ont la charge, le choix d’un menu végétarien. Cette possibilité prend la forme d’une expérimentation prévue pour une durée de deux ans à compter de la date de promulgation de la loi.

Le dispositif précise que ce choix végétarien hebdomadaire doit respecter les conditions d’un équilibre nutritionnel des repas servis et le respect d’exigences adaptées aux besoins des usagers, notamment à l’âge des enfants s’agissant de la restauration scolaire. Ces conditions seront fixées par voie réglementaire.

L’expérimentation fera l’objet d’une évaluation dont les résultats seront transmis au Parlement au plus tard six mois avant le terme des deux ans. Cette évaluation comprendra des éléments d’impact du menu végétarien quotidien sur :

– le gaspillage alimentaire ;

– les taux de fréquentation des services de restauration collective ;

– le coût des repas ;

– la qualité nutritionnelle des repas.

Plus spécifiquement, l’évaluation portera également sur les modalités d’application de l’offre d’un menu végétarien quotidien à la restauration scolaire à menu unique, comme c’est souvent le cas dans les écoles maternelles et élémentaires qui, d’après l’étude d’impact du présent projet de loi, servent 300 millions de repas par an, soit 10 % des repas de la restauration collective publique.

Enfin, l’article prévoit que l’évaluation prenne en compte des avis de l’ANSES liés à la qualité nutritionnelle des repas végétariens et de l’évaluation prévue par la loi EGALIM précitée s’agissant du menu végétarien hebdomadaire en restauration collective scolaire pour recommander une généralisation de cette expérimentation.

Votre rapporteure attendra des éléments d’évaluation distincts par type d’établissement afin d’appréhender au mieux les contraintes des établissements médico-sociaux, des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des crèches où l’impact nutritionnel d’un menu végétarien sur ces publics spécifiques, même hebdomadaire, doit être évalué.

Cet article met partiellement en œuvre la proposition SN1.1.6 de la Convention citoyenne pour le climat : « Passer à un choix végétarien quotidien dans la restauration collective publique à partir de 2022 y compris dans la restauration collective à menu unique ». La proposition précise que s’agissant de la restauration scolaire à menu unique, le choix végétarien doit être rendu possible dans des conditions permettant d’en faciliter l’organisation, par exemple sous forme d’inscription préalable. Elle précise également que ces obligations doivent être étendues à l’ensemble de la restauration collective privée.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a clarifié l’intitulé du chapitre Ier par l’adoption d’un amendement CS5290 de la rapporteure. En conséquence, l’intitulé de ce chapitre Ier est ainsi rédigé : « Soutenir une alimentation saine et durable pour tous peu émettrice de gaz à effet de serre ».

La rédaction de l’article 59 a été améliorée par la commission spéciale, à l’initiative de la rapporteure :

– trois amendements rédactionnels CS5291, CS5292 et CS5293 ont été adoptés ;

– l’amendement CS5307 a complété les critères d’évaluation de l’expérimentation du choix d’un menu végétarien quotidien par un critère d’impact sur le climat, enjeu majeur du présent projet de loi ;

– s’agissant de l’évaluation, l’amendement CS5294 prévoit que le bilan de l’évaluation présenté par le Gouvernement au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation soit rendu public.

L’article 59 a également été complété par un amendement CS3721 de Mme Yolaine de Courson (MoDem) –  après une demande de retrait de la rapporteure et du Gouvernement – qui crée un article L. 230-5-6-1 au code rural et de la pêche maritime. Ce nouvel article prévoit que « dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la [présente] loi, pour les personnes morales de droit public et les entreprises privées en charge de la restauration collective publique faisant partie des collectivités territoriales volontaires, le Gouvernement propose des outils d’aide à la décision, à la structuration des filières d’approvisionnement sur leurs territoires, à la formulation des marchés publics, à la formation des personnels concernés, nécessaires à la proposition quotidienne d’un menu végétarien. Concernant la formation, les personnels concernés sont formés à la préparation d’alternatives à base de protéines végétales ». Ce dispositif, qui reprend l’esprit de l’article L. 230-5-7 du même code s’agissant des seuils prévus à l’article L. 230‑5‑1, crée surtout une obligation de formation des personnels à la préparation de menus végétariens.

Article 59 bis (nouveau)
(article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime)
Exclusion, en restauration publique, des denrées alimentaires issues de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d’animaux

Créé par la commission spéciale

 

L’article 59 bis interdit la viande « synthétique » ou « artificielle » dans la restauration collective.

L’article 59 bis résulte de l’adoption de l’amendement CS896 de M. Julien Aubert (LR) – après une demande de retrait du Gouvernement. Il complète l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, notamment relatif au respect, par les gestionnaires publics et privés de services de restauration collective du secteur public, de règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent.

L’article 59 bis dispose que ces règles prévoient « l’exclusion des denrées alimentaires qui se composent de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d’animaux ou qui sont isolées ou produites à partir de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d’animaux, ainsi que la nécessité d’une diversité alimentaire ».

L’objectif de ce dispositif est avant tout d’exclure la viande « synthétique » ou « artificielle » des services de restauration collective.

Article 59 ter (nouveau)
(article L. 534-1 [nouveau] du code de l’éducation)
Modulation des tarifs de restauration scolaire

Créé par la commission spéciale

 

L’article 59 ter donne la possibilité de moduler les tarifs de la restauration scolaire, afin que tous les enfants puissent avoir accès à des repas satisfaisant à l’exigence de qualité nutritionnelle

L’article 59 ter résulte de l’adoption de l’amendement CS4415 de M. Gaël Le Bohec (LaREM) – avec un avis défavorable du Gouvernement – créant la possibilité de moduler les tarifs de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l’enseignement public sur la base d’un barème progressif dont les tranches résultent de l’application du quotient familial calculé par la Caisse d’allocations familiales.

L’auteur de l’amendement souhaite, par ce dispositif, que l’exigence de qualité nutritionnelle des repas proposés dans le cadre de la restauration scolaire puisse bénéficier à tous les enfants, quel que soit leur lieu de résidence et les moyens financiers de leur famille.

Le mécanisme de modulation des tarifs de restauration scolaire est le même que celui qui s’applique aujourd’hui aux activités extrascolaires.

Plus précisément, le dispositif adopté crée un chapitre VI « Tarifs de la restauration scolaire » au titre III du livre V de la deuxième partie du code de l’éducation comportant un nouvel article L. 534-1. Cet article rappelle le caractère indispensable du service public de restauration scolaire : les tarifs qui s’y appliquent en tiennent compte et sont fixés par la collectivité territoriale qui en assume la charge ou, le cas échéant, par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) auquel cette compétence a été transférée. Toutefois, ces tarifs ne peuvent être supérieurs au coût par usager, y compris lorsqu’une modulation est appliquée.

Le dispositif introduit une faculté de modulation de ces tarifs sur la base d’un barème progressif, dont les tranches résultent de l’application des dispositions du décret mentionné au troisième alinéa de l’article L. 521‑1 du code de la sécurité sociale pour le calcul des prestations et aides sociales assurées par les organismes visés à l’article L. 212‑2 du même code. Le barème est révisé conformément à l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation, hors tabac.

Le tarif acquitté est alors fixé en considération des revenus assujettis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques figurant sur le dernier avis d’imposition de la personne ou du ménage qui assume la charge effective et permanente des élèves inscrits. La gratuité peut être décidée par la collectivité territoriale ou l’EPCI pour les élèves rattachés à un foyer fiscal dont les revenus n’excèdent pas le plafond de la première tranche du barème.

Les conditions d’application de cet article devront être déterminées par un décret pris après avis du Conseil d’Etat.

Le dispositif est gagé.

Article 59 quater (nouveau)
Expérimentation, en restauration collective publique, d’une solution de réservation des repas

Créé par la commission spéciale

 

L’article 59 quater vise à expérimenter dans les services de restauration collective une solution de réservation des repas.

L’article 59 quater adopté à l’initiative d’un amendement CS4755 de M. Bruno Millienne (MoDem) – contre l’avis du Gouvernement – crée une expérimentation pour lutter contre le gaspillage alimentaire, pouvant résulter en particulier de l’offre de menus alternatifs.

Faisant le constat de l’inadéquation entre l’offre et la demande de repas en restauration collective, l’auteur de l’amendement souhaite permettre aux prestataires de repas de mieux anticiper les choix de repas des usagers.

L’expérimentation adoptée par la commission spéciale prévoit que les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective dont les personnes morales de droit public ont la charge proposent, « sur la base du volontariat », une solution de réservation de repas afin d’adapter l’approvisionnement au nombre de repas effectivement consommés.

Cette expérimentation, prévue pour une durée de deux ans, fera l’objet d’une évaluation transmise au Parlement au plus tard six mois avant son terme qui portera principalement sur l’évolution du gaspillage alimentaire et la satisfaction des usagers dans les structures concernées.

Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de l’article.

Article 60
(articles L. 230-5-1, L. 230-5-2, L. 230-5-3 et L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime)
Extension à la restauration collective privée de l’obligation d’améliorer la qualité des repas servis

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous impose à la restauration collective chargée d’une mission de service public de servir, à compter du 1er janvier 2022, au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. À compter du 1er janvier 2023, les gestionnaires de ces restaurants devront également informer leurs usagers (par voie d’affichage et par communication électronique) de la part de ces produits et des démarches entreprises pour développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable. Les gestionnaires de restaurants collectifs de plus de deux cents couverts par jour doivent également présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales.

L’article 60 étend ces trois obligations à la restauration collective privée (restaurants collectifs d’entreprises) à compter du 1er janvier 2025.

I.   le droit en vigueur

Avant la pandémie de la covid-19 la restauration collective publique et privée fournissait 3,84 milliards de repas ([353]) chaque année. Cela représentait 48 % des repas servis hors foyer.

Sur ces 3,84 milliards de repas, 11 % sont servis en restauration collective privée d’entreprise (300 millions de repas servis chaque année).

La restauration collective est le plus souvent gérée en direct (à hauteur de 70 % de la restauration collective), surtout dans le secteur de la restauration scolaire. Lorsqu’elle est concédée ou déléguée à un prestataire, celui-ci peut être public ou privé.

Le tableau suivant donne les ordres de grandeur des repas servis annuellement, avec une répartition des repas pris hors foyer (chiffres datant de 2016).

Source : Syndicat national de la restauration collective 2018 et Xerfi 2016

L’amélioration de la qualité des produits servis en restauration collective publique, en particulier scolaire, le rapprochement des sources d’approvisionnement alimentaire, la lutte contre le gaspillage alimentaire et la limitation de l’usage du plastique sont autant d’exigences sociétales apparues ces dernières années. Les élus locaux y ont d’ailleurs parfois répondu en dehors de toute contrainte législative. La question de la qualité de l’alimentation servie en restauration collective a également été formulée lors des États généraux de l’alimentation qui se sont tenus à l’automne 2017.

La prise en compte du critère de proximité des produits agricoles et alimentaires en restauration collective a de nombreuses vertus pour les consommateurs (garantie de saisonnalité et de fraîcheur des produits, meilleur bilan carbone) et pour ceux qui les produisent (débouché stable et quantitatif avec peu d’intermédiaires). Mais lorsque l’approvisionnement concerne des services de restauration collective publique, ce critère se heurte aux règles des marchés publics harmonisées au niveau européen et traduites en droit interne au niveau réglementaire.

La recherche de l’amélioration qualitative des produits guide les décisions des gestionnaires des services de restauration collective publique vers les produits issus de l’agriculture biologique et ceux labellisés ou valorisés par un signe d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO).

À ce titre, la commune de Mouans-Sartoux est souvent citée en exemple. M. Gilles Pérole, adjoint au maire, auditionné au titre de l’Association des maires de France, a indiqué que les repas servis dans les restaurants scolaires de sa commune étaient composés de 100 % de produits issus de l’agriculture biologique depuis le 1er septembre 2012. Deux repas végétariens hebdomadaires y sont également servis.

A.   Le long cheminement de l’amélioration de la qualité des produits servis en restauration publique

Sans trajectoire contraignante, la loi a d’abord fixé plusieurs objectifs d’amélioration de la qualité des repas servis en restauration collective publique.

Comme le relève le rapport de M. Jean-Baptiste Moreau au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (n° 627) dite loi EGALIM, « l’article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoit que l’État se donne pour objectif de recourir, pour l’approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 ainsi que, pour une part identique, à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine ou des produits issus d’exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale ».

Toujours dans le registre programmatique, l’article 1er de la loi n° 2014‑1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt modifie l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime pour prévoir que « le programme national […] prévoit notamment des actions à mettre en œuvre pour l’approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, notamment issus de l’agriculture biologique ».

Cependant, comme l’étude d’impact du projet de loi dit EGALIM le relève, ces objectifs programmatiques ont été insuffisamment suivis d’effets au niveau national et des disparités territoriales sont apparues.

B.   L’aboutissement : l’article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

À l’issue des États généraux de l’alimentation le 22 octobre 2017, le Président de la République s’est engagé à atteindre « 50 % de produits bios ou locaux en restauration collective d’ici 2022 ».

Le projet de loi dit EGALIM traduisait cette obligation en mentionnant qu’au 1er janvier 2022 au plus tard, les repas servis dans les restaurants collectifs gérés par des personnes morales de droit public devraient comprendre « une part significative ([354]) » de produits durables et de qualité. À l’initiative de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, la liste des produits durables et de qualité entrant dans la composition des repas servis a été précisée et surtout une part minimale de 50 % de ces produits dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique a été fixée.

1.   Les établissements concernés

Les mesures de la loi EGALIM concernant la restauration collective

Qui est concerné ?

Mesures

Échéances

SECTEURS CONCERNÉS

Personnes morales responsables publiques et privés

Tout autre personne morale responsable publique

Autres personnes morales responsables privées

Restauration
scolaire
(de la maternelle au lycée)

Établissements d’accueil
des enfants de moins de 6 ans (crèches, pouponnières, haltes-garderies, garderies et jardins d’enfants)

Restauration universitaire

Tout autre administration ou établissement public (restaurants d’administration, médico-social public, armée, pénitentiaire, établissements publics administratifs)

Autres établissements privés mentionnés au L. 230-5
du CRPM
(santé, social, médico-social et pénitentiaire)

Autres établissements privés non mentionnés
au L. 230-5
du CRPM (restaurants d’entreprises privées)

Au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 de produits biologiques

1er janvier 2022

 

 

 

 

 

 

Informations obligatoires des convives une fois par an

1er janvier 2020

 

 

 

 

 

 

Expérimentation de l’affichage de la nature des produits

Du 14 avril 2019 au 31 octobre 2021

Facultatif
(pour les collectivités locales volontaires)

Facultatif
(pour les collectivités locales volontaires)

 

Facultatif
(pour les collectivités locales volontaires)

 

 

Information nutritionnelle

30 octobre 2018

 

 

 

 

 

 

Plan pluriannuel de diversification des sources de protéines

30 octobre 2018

Si > 200 couverts/jour

Si > 200 couverts/jour

Si > 200 couverts/jour

Si > 200 couverts/jour

Si > 200 couverts/jour

 

Expérimentation d’un menu végétarien par semaine

Du 1er novembre 2019 au 1er novembre 2021

 

 

 

 

 

 

Interdiction des ustensiles en plastique à usage unique

1er janvier 2020

 

 

 

 

 

 

Interdiction des bouteilles d’eau plate en plastique

1er janvier 2020

 

 

 

 

 

 

Interdiction des contenants alimentaires en plastique

1er janvier 2025
(1er janvier 2028 si <2 000 habitants)

 

 

 

 

 

 


Diagnostic et démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire

22 octobre 2020

 

 

 

 

 

 

Interdiction de rendre impropres à la consommation les excédents alimentaires encore consommables

1er janvier 2020

 

 

 

 

 

 

Proposition de convention de dons aux associations habilitées

22 octobre 2020

Si
> 3 000 repas préparés/jour

Si
> 3 000 repas préparés/jour

Si
> 3 000 repas préparés/jour

Si
> 3 000 repas préparés/jour

Si
> 3 000 repas préparés/jour

Si
> 3 000 repas préparés/jour

Précisions :

– les segments concernés par les différentes mesures sont indiqués en grisé. Les segments non concernés sont indiqués en blanc ;

– les services mentionnés au L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) sont les suivants : les services de restauration scolaire et universitaire ainsi que les services de restauration d’établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et des établissements pénitentiaires ;

– les établissements d’accueil des enfants de moins de six ans recouvrent les crèches, les pouponnières, les haltes-garderies, les garderies et les jardins d’enfants.

Source : Agencebio.org et Conseil national de la restauration collective, janvier 2020

2.   Les produits éligibles

L’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime issu de l’article 24 de la loi dite EGALIM précitée liste les produits entrant dans le décompte des 50 % de produits de qualité et durables qui devront être servis dans les restaurants collectifs d’établissements chargés d’une mission de service public au 1er janvier 2022. Pour l’application générale de cet article 24, le décret n° 2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs en application de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, pris après avis du Conseil d’État, précise les catégories de produits entrant dans le décompte et les modalités de suivi et de mise en œuvre de ces objectifs :

– les produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie. Il s’agit des modalités prévues au 2° de l’article R. 2152-9 du code de la commande publique (les coûts d’acquisition, de consommation d’énergie ou d’autres ressources, les frais de maintenance, de collecte ou de recyclage, les externalités environnementales, etc.) et au deuxième alinéa de l’article R. 2152-10 du même code (pour la méthode de calcul) ;

– les produits issus de l’agriculture biologique (à hauteur de 20 % minimum) dont les produits végétaux issus d’une exploitation en conversion depuis plus d’un an ([355]) ;

– les produits bénéficiant des autres signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) ou des mentions valorisantes suivants : le Label rouge, l’appellation d’origine (AOC/AOP), l’indication géographique (IGP), la spécialité traditionnelle garantie (STG), la mention « issu d’une exploitation à Haute Valeur Environnementale » (HVE), la mention « fermier » ou « produit de la ferme » ou « produit à la ferme », uniquement pour les produits pour lesquels existe une définition réglementaire des conditions de production ([356]) ;

– jusqu’au 31 décembre 2029 uniquement, les produits issus d’une exploitation bénéficiant de la certification environnementale de deuxième niveau mentionnée à l’article D. 617-3 du code rural et de la pêche maritime ;

– les produits issus de la pêche maritime bénéficiant de l’écolabel « Pêche durable » ;

– les produits bénéficiant du logo « Région ultrapériphérique » (RUP) ;

– les produits « équivalents » aux produits bénéficiant de ces signes, mentions, écolabels ou certifications.

Le décret précité précise que les proportions de 50 % et 20 % de produits correspondent à leur valeur d’achat hors taxes rapportée à la valeur d’achat totale hors taxes des produits destinés à entrer dans la composition des repas servis pour chaque restaurant collectif, appréciés sur une année civile.

Il prévoit en outre qu’un bilan statistique soit établi annuellement au 31 mars de l’année n+1 à partir de 2023 (pour l’année 2022).

L’article L. 230-5-1 précité prévoit que les personnes morales en question « développent par ailleurs l’acquisition de produits issus du commerce équitable » ainsi que « l’acquisition de produits dans le cadre des projets alimentaires territoriaux ».

Enfin, l’article L. 230-5-3 prévoit, depuis le 1er janvier 2020, une obligation annuelle d’information des usagers des restaurants collectifs (par voie d’affichage et par communication électronique) sur la part des produits durables et de qualité entrant dans la composition des repas servis et des démarches entreprises pour développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable.

3.   Les mesures d’accompagnement

L’article 24 de la loi dite EGALIM prévoit des mesures d’accompagnement de cette obligation d’approvisionnement : des outils d’aide à la décision et des instances de concertation au niveau des régions.

L’article L. 230-5-7 du code rural et de la pêche maritime impose au Gouvernement de proposer des outils d’aide aux personnes morales de droit public et aux entreprises privées en charge de la restauration collective publique. Il s’agit d’outils d’aide à la décision, à la structuration des filières d’approvisionnement sur leurs territoires, à la formulation des marchés publics et à la formation des personnels concernés. C’est notamment le rôle du Conseil national de la restauration collective (CNRC), installé en janvier 2019, qui regroupe l’ensemble des acteurs du secteur de la restauration collective. Par ailleurs, votre rapporteure a été informée par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation d’un projet de développement d’un support numérique d’accompagnement et de pilotage de la politique publique en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable pour tous en restauration collective intitulé « macantine.gouv.fr ». Au printemps 2021, cette plateforme numérique permettra à tous les gestionnaires d’accéder aux ressources nécessaires pour s’informer sur les mesures de la loi dite EGALIM et répondre aux bonnes pratiques d’une restauration collective de qualité. Dans un deuxième temps, cette plateforme permettra d’aider tous les gestionnaires à calculer et équilibrer leurs taux d’approvisionnement en produits durables et de qualité.

Des instances de concertation dénommées « comité régional pour l’alimentation » doivent, en application de l’article L. 230-5-5 du même code, mettre en œuvre au niveau régional le programme national pour l’alimentation. Chaque comité est présidé par le représentant de l’État dans la région et est chargé notamment de la concertation sur l’approvisionnement de la restauration collective pour faciliter l’atteinte des seuils précités.

4.   Une mise en œuvre en cours

En application de l’article 25 de la loi dite EGALIM, le Gouvernement a remis au Parlement en août 2019 un rapport sur les impacts budgétaires induits par l’application des règles prévues aux articles L.230-5-1 à L.230-5-5 du code rural et de la pêche maritime concernant la qualité des approvisionnements en restauration collective ([357]).

Ce rapport rappelle la grande diversité de la restauration collective (publics concernés, mode de gestion choisi, donneurs d’ordre, mode d’organisation, localisation géographique), qui rend difficile la constitution d’une base de données structurée.

Néanmoins, ce document fait état d’un surcoût « matières » moyen estimé par repas entre 0 et 0,42 euro avec plusieurs pistes de compensations, notamment via la lutte contre le gaspillage alimentaire et la diversification des protéines.

Appliqué à la restauration collective des entreprises privées, ce surcoût est estimé par l’étude d’impact du présent projet de loi à 78 à 90 millions d’euros par an pour l’approvisionnement en produits durables et de qualité. Une note de Restau’co qui représente la restauration collective en gestion directe relève cependant que le secteur privé dispose d’un budget alimentaire plus élevé (2,76 euros hors taxes par repas selon les données GIRA).

Ainsi, « les objectifs de la loi à l’échéance de 2022 sont possibles à atteindre mais certains établissements auront beaucoup de difficultés à s’y conformer. Et ce d’autant plus que la répercussion du surcoût au convive ne semble pas être envisagée ».

Votre rapporteure a auditionné les associations représentant des collectivités territoriales gestionnaires d’établissements de restauration collective et le syndicat national de la restauration collective (SNRC). Tous s’accordent à dire qu’un effort général est fourni par les gestionnaires chargés d’une mission de service public pour atteindre les objectifs de la loi et que les gestionnaires des services de restauration collective privée sont également sensibles à la demande sociétale de produits durables et de qualité.

Pour l’Association des départements de France, le plafond de 30 % voire de 25 % sera difficile à dépasser, même en 2022, s’agissant des collèges dont les départements ont la charge. Le SNRC estime que l’approvisionnement en produits durables et de qualité atteint, pour les établissements servis par leurs adhérents :

– 25 % dans les écoles maternelles et élémentaires, avec un effet accélérateur induit par les élections municipales de 2020. Les grandes communes sont plus proches d’atteindre les 50 % de produits durables que les petites communes puisqu’elles approchent des 40 % ;

– 20 à 25 % dans les collèges ;

– un peu plus de 25 % dans les lycées ;

– 8 % dans les hôpitaux, cliniques et établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

– entre 6 et 8 % dans les entreprises privées qui ne sont à ce jour pas concernées par l’obligation.

Interrogé par votre rapporteure, le Gouvernement a fait état d’une enquête lancée à l’été 2020 afin d’évaluer notamment les niveaux d’approvisionnements en produits durables et de qualité en 2018 et 2019 et d’identifier les freins et leviers de ces approvisionnements. Les résultats préliminaires de cette enquête portant sur un panel représentant 400 millions de repas indiquent sur l’année 2019 un approvisionnement à hauteur de 15 % de produits durables et de qualité, dont 7 % de produits biologiques.

Les enquêtes de l’Agence Bio indiquent une montée en puissance de la part des produits biologiques de 3,4 % en 2017 à 5,6 % en 2019 en restauration collective « publique ».

L’enquête précitée de l’Association des maires de France fait quant à elle état d’une proportion de produits de qualité et durables dans la composition des repas qui atteindrait entre 25 % et 50 % pour 43 % des collectivités répondantes, tandis que 38 % ont renseigné une proportion inférieure à 25 %. La proportion des produits issus de l’agriculture biologique fixée par la loi à 20 % est atteinte par un tiers des collectivités répondantes.

« Une grande incertitude demeure » sur la capacité des collectivités, en particulier des communes de moins de 10 000 habitants à atteindre les deux seuils fixés dans la loi : aujourd’hui seules 36 % des collectivités répondantes pensent pouvoir respecter ces seuils. 82 % des collectivités ont fait part de difficultés pour favoriser cette transformation, en particulier au niveau du coût induit. En complément : « si les contraintes logistiques et le manque d’information sur les offres locales sont davantage rencontrées par les communes de moins de 10 000 habitants et les intercommunalités, l’insuffisance de l’offre de produits bio à l’échelle locale, les contraintes des marchés publics et l’incapacité des producteurs locaux à répondre aux cahiers des charges sont davantage relevées à mesure que s’élève la strate de population ».

L’approvisionnement en produits de qualité et durables engendrerait aujourd’hui un surcoût pour les trois quarts des collectivités. Pour le quart restant, « des actions spécifiques ont permis de neutraliser l’impact financier grâce à la conduite d’une politique de lutte contre le gaspillage alimentaire, à la réorientation de la politique d’achat vers des produits locaux, à l’introduction du menu végétarien ou par la formation du personnel. »

C.   De faibles contraintes pÈsent sur la restauration collective privÉe au sein des restaurants d’entreprises

Par le nombre de repas qui y sont servis, la restauration collective publique et privée constitue un formidable levier d’amélioration de l’alimentation et de la nutrition des Français.

Selon le rapport AST de l’ANSES sur l’état des lieux des consommations alimentaires et apports nutritionnels dans la restauration hors foyer en France, à partir des données de l’étude INCA3 (2014-2015), publié le 25 février 2021, « 40 % des adultes et 75 % des enfants et adolescents fréquentent les restaurants d’entreprise et les restaurants scolaires au moins une fois par semaine. Après les repas pris au domicile, la restauration collective est celle qui contribue en moyenne le plus aux consommations alimentaires et apports nutritionnels des individus : environ 10 % chez les adultes, entre 15 et 20 % chez les enfants et adolescents ».

La restauration collective étant soumise à des lignes directrices nutritionnelles, les repas qui y sont servis sont plus proches des recommandations nutritionnelles nationales. L’ANSES recommande d’encourager le recours à ces services, indépendamment des recommandations liées à la pandémie de la covid‑19.

Pourtant, la qualité nutritionnelle et environnementale des produits servis en restauration collective privée est jusqu’à présent restée en dehors des avancées législatives applicables à la restauration collective publique.

L’article 30 de la loi dite EGALIM prévoit seulement que « Le Gouvernement [remette] au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2020, un rapport évaluant l’opportunité et la possibilité juridique d’une extension des règles prévues aux articles L. 230-5-1 à L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime aux opérateurs de restauration collective du secteur privé autres que ceux mentionnés à l’article L. 230-5 du même code ». Ce rapport n’a pas été remis.

Auditionnés par votre rapporteure, les représentants des entreprises de restauration collective privée ont pourtant fait part de la demande des consommateurs en produits durables et de qualité. Les attentes sociétales sont fortes.

II.   Les dispositions DU PROJET DE LOI

L’article 60 du présent projet de loi modifie l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime pour étendre aux restaurants collectifs dont les personnes morales de droit privé ont la charge (restaurants d’entreprises pour l’essentiel) le dispositif issu de la loi dite EGALIM qui prévoit des repas composés d’au moins 50 % de denrées alimentaires de qualité et durables dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique (du présent article).

Les 3,84 milliards de repas servis annuellement avant la crise de la Covid-19 constituent un formidable levier pour la structuration des filières agricoles qui bénéficient ainsi d’acheteurs qui apportent des garanties de volume et d’engagements sur la durée. La prévisibilité induite contribue à sécuriser les investissements des agriculteurs dans leurs choix de montée en gamme de leurs produits. Leurs efforts sont récompensés par leur éligibilité en restauration collective. C’est d’ailleurs le sens du développement des projets alimentaires territoriaux.

Cette extension entrera en vigueur le 1er janvier 2025 sachant que les seuils aujourd’hui prévus pour les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge devront être atteints au plus tard le 1er janvier 2022.

Pour rappel, la restauration collective privée d’entreprise a servi en 2018 300 millions de repas soit 11 % de l’ensemble de la restauration collective en France.

En complément, l’article L. 230-5-2, qui prévoyait l’application de l’article L. 230-5-1 aux repas servis dans les restaurants collectifs des établissements mentionnés à l’article L. 230-5 (services de restauration scolaire et universitaire et services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires), est abrogé par le du présent article car il sera couvert par le complément apporté à l’article L. 230-5-1 par le 1° du présent article.

Le 1° du présent article ayant étendu l’obligation précitée à tous les restaurants collectifs, publics comme privés, le de ce même article étend également à toutes personnes morales ayant la charge d’un restaurant collectif l’obligation – prévue à l’article L. 230-5-3 – d’informer, une fois par an, par voie d’affichage et par communication électronique, les usagers des restaurants collectifs dont elles ont la charge de la part des produits définis au I de l’article L. 230-5-1 entrant dans la composition des repas servis et des démarches qu’elles ont entreprises pour développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable. Cette obligation d’information entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

Enfin, le du présent article étend également l’obligation, prévue à l’article L. 230-5-4, pour tous les gestionnaires des restaurants collectifs lorsqu’ils servent plus de deux cents couverts par jour en moyenne sur l’année « de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales dans les repas qu’ils proposent ».

Cet article met en œuvre la proposition SN1.1.7 de la Convention citoyenne pour le climat : « Étendre toutes les dispositions de la loi EGALIM à la restauration collective privée à partir de 2025 ».

Il s’agit d’étendre à la restauration collective privée les mesures de l’article 24 de la loi EGALIM qui sont aujourd’hui applicables à la restauration collective publique. La date de 2025 a été choisie pour permettre aux opérateurs privés de s’adapter.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté cet article avec une modification du périmètre des 50 % de produits durables et de qualité éligibles à l’article L. 230-5-1 et a adapté les conditions de mise en œuvre de cet article.

Sujet consensuel, les produits issus du commerce équitable, tel que défini à l’article 60 de la loi n° 2005‑882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprisesont été ajoutés à la liste des produits durables et de qualité entrant dans la composition des menus servis en restauration collective. Cette modification résulte de l’adoption de huit amendements identiques de MM. Patrice Anato (LaREM, CS193), Antoine Herth (Agir ensemble, CS843), Mohamed Laqila (MoDem, CS1393), de Mme Emmanuelle Antoine (LR, CS1512), de M. Dominique Potier (SOC, CS2067), de Mme Laurence Trastour-Isnart (LR, CS2256), de M. Gérard Leseul (SOC, CS2674) et de la rapporteure (CS5303).  Dans la mesure où l’article 66 du présent projet de loi reconnaît officiellement le commerce équitable comme un outil de lutte contre le réchauffement climatique en sécurisant son périmètre à travers l’obligation d’utiliser des labels reconnus publiquement, alors il est légitime d’inclure explicitement les produits issus du commerce équitable dans la liste des 50 % de produits durables et de qualité exigés en restauration collective.

Les dates d’entrée en vigueur des nouvelles obligations des gestionnaires de restauration collective privée ont été avancées d’une année du fait de l’adoption d’un amendement CS4079 de Mme Frédérique Tuffnell (MoDem) : la restauration collective privée sera ainsi soumise aux obligations de l’article L. 230-5-1 à compter du 1er janvier 2024 au lieu de 2025 tel que le prévoyait le présent projet de loi. Les gestionnaires des restaurants collectifs privés lorsqu’ils servent plus de deux cents couverts par jour en moyenne sur l’année seront tenus de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales dans les repas qu’ils proposent à compter de cette même année 2024.

L’obligation d’informer, une fois par an, par voie d’affichage et par communication électronique, les usagers des restaurants collectifs dont elles ont la charge sur la part des produits définis au I de l’article L. 230-5-1 est également avancée d’une année au 1er janvier 2022 au lieu de 2023 tel que le prévoyait le présent projet de loi.

Soucieuse d’améliorer la transparence des données, la rapporteure est à l’initiative de l’adoption d’un amendement CS5446, qui prévoit que le Gouvernement transmette au Parlement et rende public annuellement au 1er janvier de chaque année un bilan statistique de la mise en œuvre de l’article L. 230-5-1 précité. Ce bilan statistique doit permettre de vérifier annuellement dans quelle mesure les seuils sont atteints par les responsables des services de restauration collective.

Un amendement CS5312 de conséquence et un amendement rédactionnel CS5296 de la rapporteure ont également été adoptés.

Article 60 bis (nouveau)
Rapports du Gouvernement sur l’instauration d’un « chèque alimentation durable »

Créé par la commission spéciale

 

L’article 60 bis impose au Gouvernement la remise de deux rapports sur le « chèque alimentation durable ».

À l’initiative de M. Mounir Mahjoubi (LaREM), la commission spéciale a adopté l’amendement CS4730 créant un article 60 bis. Il prévoit la remise au Parlement de deux rapports du Gouvernement sur l’instauration d’un « chèque alimentation durable ».

Un premier rapport dit « intermédiaire » devra être remis dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi. Il portera sur les modalités, les délais et les actions mises en place pour instaurer un « chèque alimentation durable » conçu par l’auteur de l’amendement comme un outil de relance économique et de souveraineté pour le secteur agricole et un complément de pouvoir d’achat en produits de qualité (nutritionnelle et environnementale) pour les familles les plus démunies.

Un second rapport devra être remis un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Il portera sur les conditions de mise en œuvre de ce chèque et notamment :

– les personnes bénéficiaires ;

– les produits éligibles ;

– sa valeur faciale ;

– son financement.

Ces deux rapports constituent une première réponse à la recommandation des membres de la Convention citoyenne pour le climat S.N.5.2.3 « Concevoir une nouvelle solidarité nationale alimentaire pour permettre aux ménages modestes d’avoir accès à une alimentation durable ».

Article 61
(article L. 1 du code rural et de la pêche maritime et article L. 3231-1 du code de la santé publique)
Codification d’une stratégie nationale pour l’alimentation,
la nutrition et le climat

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 61 codifie à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime le programme national pour l’alimentation et la nutrition, qui devient la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition, et le climat. La dimension climatique lui est ajoutée. La stratégie détermine les orientations de la politique de l’alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition. Elle s’appuie sur le programme national de l’alimentation (PNA) et sur le programme national relatif à la nutrition et la santé (PNNS) existants et entrera en vigueur à l’échéance du PNA3 et du PNNS4 en 2023.

I.   le droit en vigueur

A.   Le programme national pour l’alimentation

La politique en faveur de l’alimentation, définie au I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, a pour finalité « d’assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l’emploi, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique » (1°).

Pour répondre ces enjeux, le programme national pour l’alimentation (PNA), outil interministériel coordonné par le ministère de l’agriculture, a été mis en place par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Il est prévu pour une durée de cinq ans et renouvelable.

Codifié à l’article L. 230-1 du code rural et de la pêche maritime, le PNA avait pour objectif de combler le vide juridique existant jusqu’en 2010 en matière de politique publique de l’alimentation. Des plans sectoriels ou des actions ponctuelles étaient mis en œuvre mais la politique de l’alimentation n’avait jusqu’alors jamais bénéficié d’une reconnaissance législative, appuyée par un programme national destiné à préserver l’équité sociale, protéger et améliorer la santé des Français, préserver l’environnement et prendre en compte le bien-être animal ([358]).

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a créé un livre préliminaire au code rural et de la pêche maritime, comprenant un nouvel article L. 1 qui expose plus largement les finalités de la politique de l’agriculture et de l’alimentation et qui mentionne désormais le PNA chargé de déterminer les objectifs de la politique de l’alimentation « en prenant en compte la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire ».

Dans la continuité de cette ambition, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGALIM) a pour but, comme son nom l’indique, de favoriser une alimentation saine, durable et accessible à tous, en créant notamment de nouvelles obligations pour la restauration collective en matière de composition des repas et de lutte contre le gaspillage alimentaire.

Trois PNA se sont succédé depuis 2010 :

– le premier PNA (2010-2014) ciblait quatre thèmes : l’accès de tous à une alimentation de qualité, l’amélioration de l’offre alimentaire, l’amélioration de la connaissance et de l’information sur l’alimentation et la promotion du patrimoine alimentaire et culinaire français ;

– le deuxième PNA (2015-2017) était centré sur l’éducation à l’alimentation, la lutte contre le gaspillage alimentaire et la justice sociale avec des déclinaisons régionales à travers notamment les plans régionaux de l’agriculture durable (PRAD). Il s’est enrichi de projets alimentaires territoriaux (PAT) afin de « susciter une appropriation locale des enjeux alimentaires » ([359]). Les PAT s’appuient sur un état des lieux de la production agricole et du besoin alimentaire sur un territoire donné pour construire des projets alimentaires adaptés et structurer les filières agricoles ;

– le troisième et actuel PNA (2019-2023) s’inspire des travaux des États généraux de l’alimentation et contribue à mettre en œuvre la loi dite EGALIM précitée. Il définit trois axes thématiques - la justice sociale, la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’éducation alimentaire - et deux axes transversaux opérationnels - les projets alimentaires territoriaux et la restauration collective. L’atteinte des objectifs de lutte contre le changement climatique est intrinsèque à de nombreuses actions.

Par exemple, l’une des trente actions du PNA est de permettre de « bénéficier d’une restauration collective de qualité en toute transparence, en assurant la montée en gamme de la restauration collective par un approvisionnement de 50 % de produits bio, durables et de qualité d’ici 2022 », déclinaison directe de l’article 24 de la loi dite EGALIM précitée.

Extrait de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime sur le programme national pour l’alimentation

« Le programme national pour l’alimentation détermine les objectifs de la politique de l’alimentation mentionnée au 1° du I du présent article, en prenant en compte notamment la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour assurer l’ancrage territorial de cette politique, il précise les modalités permettant d’associer les collectivités territoriales à la réalisation de ces objectifs. Il propose des catégories d’actions dans les domaines de l’éducation et de l’information pour promouvoir l’équilibre et la diversité alimentaires, les produits locaux et de saison ainsi que la qualité nutritionnelle et organoleptique de l’offre alimentaire, dans le respect des orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique.

« Le programme national pour l’alimentation encourage le développement des circuits courts et de la proximité géographique entre producteurs agricoles, transformateurs et consommateurs. Il prévoit notamment des actions à mettre en œuvre pour l’approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, notamment issus de l’agriculture biologique.

« Les actions répondant aux objectifs du programme national pour l’alimentation et aux objectifs des plans régionaux de l’agriculture durable, définis à l’article L. 111-2-1 du présent code, peuvent prendre la forme de projets alimentaires territoriaux. Ces derniers visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation.

« Le Conseil national de l’alimentation, qui comprend un député et un sénateur, désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat, participe à l’élaboration du programme national pour l’alimentation, notamment par l’analyse des attentes de la société et par l’organisation de débats publics, et contribue au suivi de sa mise en œuvre. Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement son rapport d’activité dans lequel il formule des propositions d’évolution de la politique de l’alimentation. Des débats sont également organisés, dans chaque région, par le conseil économique, social et environnemental régional, mentionné à l’article L. 4134-1 du code général des collectivités territoriales. »

B.   Le programme national relatif À la nutrition et la santÉ

Pour promouvoir l’amélioration la santé de la population, le ministère chargé de la santé a, en 2001, instauré un programme de santé publique relatif à la nutrition, historiquement axé sur la lutte contre l’obésité.

Le programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS) est défini à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique depuis la loi n° 2010-874 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, comme un programme quinquennal gouvernemental, qui s’articule entre autres avec le PNA([360]) (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime précité).

Il assure la promotion d’une nutrition satisfaisante pour tous les groupes de population, avec un accent particulier pour les groupes défavorisés. Il s’inscrit également dans un cadre global compatible avec les objectifs du développement durable.

Extrait de l’article L. 3231-1 du code rural et de la pêche maritime sur le programme national relatif à la nutrition et à la santé

« [Le PNNS] définit les objectifs de la politique nutritionnelle du Gouvernement et prévoit les actions à mettre en œuvre afin de favoriser :

«  l’éducation, l’information et l’orientation de la population, notamment par le biais de recommandations en matière nutritionnelle, y compris portant sur l’activité physique ;

«  la création d’un environnement favorable au respect des recommandations nutritionnelles ;

«  la prévention, le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels dans le système de santé ;

«  la mise en place d’un système de surveillance de l’état nutritionnel de la population et de ses déterminants ;

«  le développement de la formation et de la recherche en nutrition humaine ;

«  la lutte contre la précarité alimentaire. »

Aujourd’hui le PNNS4 (2019 – 2023) a pour objectif de lutter contre l’ensemble des pathologies liées à la nutrition (obésité, dénutrition, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires) et s’appuie pour ce faire sur les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dont la mission est de piloter et évaluer la politique nutritionnelle, en termes d’amélioration de la qualité de la santé de la population et de réduction des niveaux d’exposition à divers risques ([361]).

Pour satisfaire ces enjeux nutritionnels, ce programme à visée préventive se décline en 56 actions qui ont pour objectifs la diminution de 15 % du taux d’obésité et la stabilisation du surpoids chez les adultes, mais aussi une diminution de 20 % de l’obésité chez les enfants et adolescents.

Pour atteindre ses objectifs, le PNNS promeut des outils tels que
le Nutri-score ([362]), qui permet aux consommateurs de disposer d’une information nutritionnelle claire, visible et facile à comprendre pour tous.

La prévention est également assurée par une campagne de communication et de transparence des recommandations, que l’on peut trouver sur le site www.manger.bouger.fr, ou par des diffusions à la radio ou la télévision.

C.   Le programme national de l’alimentation et de la nutrition

Le 25 mars 2019, le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l’agriculture ont présenté à l’occasion d’un comité interministériel de la santé le programme national pour l’alimentation et la nutrition (PNAN). Il s’agit d’un document dépourvu de base légale et réglementaire qui s’appuie sur le PNA et le PNNS, réunissant leurs actions et permettant une complémentarité entre les deux programmes.

L’objectif du PNAN est de promouvoir les actions favorables à la préservation de la santé, le respect de l’environnement, la lutte contre la précarité et le gaspillage alimentaire. Ce programme se veut être un véritable moteur pour la transition agricole et alimentaire, et il guide l’action du Gouvernement pour la période 2019-2023.

Le PNAN est décliné en 6 axes :

– une alimentation favorable à la santé ;

– une alimentation plus durable et solidaire ;

– une plus grande confiance dans notre alimentation ;

– une pratique quotidienne de l’activité physique tout en limitant les comportements sédentaires ;

– de meilleurs dépistages et prises en charge des pathologies liées à la nutrition ;

– nos territoires en action.

Il déploie 11 actions phares telles que : la promotion de nouvelles recommandations nutritionnelles, l’augmentation des fibres, la réduction de la consommation de sel de 30 %, la protection des enfants et adolescents d’une exposition à la publicité pour des aliments et boissons non recommandés, un accès de tous à une restauration collective de qualité en toute transparence, l’organisation d’une journée nationale « Les coulisses de l’alimentation », l’extension de l’éducation à l’alimentation de la maternelle au lycée, la veille sur l’alimentation des personnes âgées, la promotion des actions locales innovantes, et l’extension à la restauration collective et aux industriels de l’obligation d’engager des démarches auprès d’associations d’aide alimentaire pour favoriser le don.

II.   Les dispositions DU PROJET DE LOI

L’article 61 du présent projet de loi modifie l’article L.1 du code rural et de la pêche maritime d’une part (I du présent article) et l’article L. 3231-1 du code de la santé publique d’autre part (II du présent article) afin d’y insérer « la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat ».

– Le 1° du I du présent article codifie au III de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime précité cette stratégie qui « détermine les orientations de la politique de l’alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, mentionnée au 1° de l’article L.1, ainsi que les orientations de la politique de la nutrition ». Le dispositif précise que cette stratégie s’appuie sur le PNA et sur le PNNS. Le 2° de ce même I clarifie la rédaction du dispositif relatif au PNA sans en modifier le contenu

– Le II du présent article tire les conséquences de la création de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et du climat à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique. Un renvoi au code rural et de la pêche maritime crée une hiérarchie entre le PNSS et la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et du climat, le premier devant respecter les orientations de la seconde.

Le présent article 61 remédie à l’absence de base légale et réglementaire du programme national pour l’alimentation et la nutrition. Tenant compte de l’avis du Conseil d’État ([363]), l’article 61 modifie le nom du programme national pour l’alimentation et la nutrition en « stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat » afin de favoriser la clarté du texte.

Conformément à la volonté des membres de la Convention citoyenne pour le climat, le programme national pour l’alimentation et la nutrition est complété de la dimension climatique. Interrogé sur cet aspect par votre rapporteure, le Gouvernement envisage de renforcer les actions liées à la lutte contre le gaspillage alimentaire, aux approvisionnements durables et de qualité en restauration collective et à la diversification des protéines, avec notamment la promotion des légumes secs et des céréales complètes.

– Le III de l’article prévoit une entrée en vigueur des I et II le 1er juillet 2023, conformément aux échéances du programme national pour la nutrition et la santé, du PNA3 et du PNNS4 (2019-2023).

Cet article contribue à mettre en œuvre la proposition SN5.2.1 de la Convention citoyenne pour le climat : « Mieux informer le consommateur en renforçant la communication autour du programme national nutrition, santé (PNNS) et réformer ce PNNS en programme national nutrition santé et climat (PNNSC) ». Cette proposition implique de prendre en compte la dimension climatique au sein du PNNS.

Le projet de loi propose une disposition plus large, avec l’ajout de la notion de climat dans le programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN), qui deviendrait la stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat (PNANC), avec une portée plus ambitieuse que le PNNS.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a adopté cet article avec plusieurs modifications.

Un amendement CS5332 de la rapporteure a permis de clarifier la rédaction des quatre premiers alinéas de l’article tout en ajoutant l’enjeu de la souveraineté alimentaire tant à la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat qu’au programme national pour l’alimentation. Pour la rapporteure, l’enjeu de la souveraineté alimentaire implique de veiller à la source de notre approvisionnement alimentaire par la qualité et la quantité de la production agricole nationale voire européenne. En effet, une politique alimentaire garante de la souveraineté alimentaire permet l’approvisionnement des Français au plus proche de leurs territoires et, indirectement, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre induites et d’améliorer des revenus des producteurs.

Cet amendement CS5332 proposant une nouvelle rédaction de l’alinéa décrivant la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, c’est par deux sous-amendements identiques (CS5453 et CS5482) que Mmes Yolaine de Courson (MoDem) et Valérie Petit (Agir ensemble) ont ajouté l’enjeu de protection de la biodiversité au périmètre de la future stratégie.

Trois autres amendements rédactionnels de la rapporteure (CS5296 et CS5313) et de Mme Emmanuelle Anthoine (LR) (CS290, identique au CS5313) ont été adoptés.

Chapitre II
Développer l’agroécologie

Section 1
Dispositions de programmation

Article 62
Présentation d’un rapport relatif à l’instauration d’une redevance sur les engrais azotés minéraux conditionnée à la trajectoire de réduction des émissions de protoxyde d’azote (N2O) et d’ammoniac (NH3)

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’inventaire national des émissions françaises de gaz à effet de serre (GES) attribue à l’agriculture 19 % des émissions en 2018 (soit 85,3 Mt CO2e). Les engrais azotés contribuent à ce phénomène : les surplus de fertilisation se traduisent par des pertes vers l’environnement sous forme de protoxyde d’azote (N2O), d’ammoniac (NH3) et de nitrate (NO2). Le protoxyde d’azote (N2O), dont le pouvoir de réchauffement global à 100 ans est 298 fois plus élevé que celui du CO2 par unité de masse, représente 43 % des émissions de GES attribuées à l’agriculture. L’ammoniac (NH3) contribue à la dégradation de la qualité de l’air et à l’acidification des sols et des eaux. La majeure partie des émissions d’ammoniac (NH3) provient du secteur de l’agriculture : il représente, en 2018, 94 % du total national, dont 29 % résultant de l’apport d’engrais minéraux.

Les articles 62 et 63 prévoient des objectifs de 13 % de réduction des émissions d’ammoniac en 2030 par rapport à 2005 et de 15 % des émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015, conformément aux engagements européens de la France et à la stratégie nationale bas carbone. Un décret définit la trajectoire annuelle de réduction de ces émissions (art. 63). L’article 62 prévoit qu’est envisagée, si les objectifs ainsi fixés ne sont pas atteints pendant deux années consécutives et qu’aucune redevance similaire n’est créée au niveau de l’Union européenne, la mise en place d’une redevance sur les engrais azotés minéraux. Le Gouvernement remet alors au Parlement un rapport analysant les conditions d’instauration de cette taxe.

I.   le droit en vigueur

A.   La redevance pour pollutions diffusÉs (art. L. 213-10-8)

L’article L. 213-10-8 du code de l’environnement, issu de la loi n° 2006‑1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, crée une redevance pour pollutions diffuses. Cette redevance vise à réduire l’usage des produits phytosanitaires potentiellement nocifs pour les milieux aquatiques et pour l’homme. Elle est modulée selon le niveau de toxicité et de dangerosité des substances utilisées (voir tableau ci-dessous).

Taux des redevances pour pollutions diffuses ([364])

(en euros par kg)

Substances

Taux

Substances relevant du 1° du II

9,0

Substances relevant du 2° du II

5,1

Substances relevant du 3° du II

3,0

Substances relevant du 4° du II

0,9

Substances relevant du 5° du II

5,0

Substances relevant du 6° du II

2,5

Source : article L. 213-10-8 du code de l’environnement

B.   Les objectifs de rÉduction des Émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote fixÉs aux niveaux national et europÉEn

La directive (UE) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/CE (dite « NEC ») fixe les objectifs de réduction des émissions, en particulier de l’ammoniac, à atteindre en 2020 et renforcés en 2030 ([365]). Dans ce cadre, la France a pour objectif en 2020 de réduire de 4 % ses émissions d’ammoniac par rapport au niveau de 2005 et de 13 % d’ici 2030. L’étude d’impact du projet de loi indique qu’il existe « un risque important de non-respect des objectifs de réduction d’ammoniac : sur la base des émissions déclarées 2018, la France aurait dû réduire de 10 % en 2 ans ses émissions de NH3 pour atteindre le niveau autorisé 2020-2029 par la directive NEC ».

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) fixe, quant à elle, l’objectif de réduction de 15 % des émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015.

En outre, le Pacte vert de la Commission européenne prévoit la mise en place en 2022 d’un plan d’actions à l’échelle européenne, dans le cadre des stratégies « Farm to Folk » et « Biodiversité », qui ont fixé un objectif de réduction de 50 % des pertes dans l’environnement résultant des apports fertilisants en excès.

Le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PRÉPA) fixe la stratégie de l’État pour réduire les émissions de polluants atmosphériques au niveau national et respecter les exigences européennes. Il met en œuvre différents outils de politique publique : réglementations sectorielles, mesures fiscales et incitatives, actions de sensibilisation et de mobilisation des acteurs, action d’amélioration des connaissances. Un guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air a été établi dans ce contexte, recommandant notamment la substitution de l’urée granulée ou de la solution azotée par des engrais moins émissifs.

La réduction et l’optimisation du recours aux engrais azotés font l’objet d’un accompagnement protéiforme de l’État :

– des investissements dans la recherche finalisée pour identifier les solutions techniques permettant de limiter les pertes au cours du cycle de l’azote et d’optimiser l’usage des effluents d’élevage. Cette approche est un des axes stratégiques de recherche de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) ;

– la sélection doit permettre de développer des variétés qui nécessiteront moins d’engrais azoté. Malgré la baisse du plafond de 10 millions d’euros (M€) du compte d’affectation spécial « Développement agricole et rural » (CASDAR), l’enveloppe attribuée aux développements de semences et à la sélection variétale a été maintenue ;

– l’accompagnement par les chambres d’agriculture en matière de bilans azote via la mise à disposition d’outils d’aide à la décision, contribue également à l’amélioration des pratiques ;

– le plan France Relance sur l’aide aux agroéquipements pour une agriculture de précision auquel est notamment éligible le matériel d’épandage de fertilisants ;

– enfin, la stratégie nationale sur les protéines végétales, qui bénéficie d’un soutien financier de 100 M€ dans le cadre du plan de relance, doit contribuer à substituer en partie ou en totalité de l’azote issu de la fixation par des plantes légumineuses à la fertilisation azotée minérale.

II.   Les dispositions DU PROJET DE LOI

L’article 62 complète l’article 63 qui prévoit qu’un décret définit une trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac d’ici 2030, avec pour objectifs des réductions respectivement fixées à 15 % par rapport à 2015 et 13 % par rapport à 2005.

L’article 62 précise que si ces objectifs ne sont pas atteints pendant deux années consécutives et sous réserve de dispositions équivalentes adoptées dans le droit de l’Union européenne, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif aux conditions dans lesquelles une redevance sur les engrais azotés minéraux pourrait être instaurée afin de permettre l’atteinte de ces objectifs. L’étude d’impact du projet de loi indique que cette redevance pourrait être adossée à la redevance pour pollutions diffuses, perçue par les agences de l’eau, et que le taux applicable varierait en fonction du volume d’ammoniac (NH3) émis par chacune des substances ([366]).

La Convention citoyenne pour le climat, dans le cadre de la proposition SN 2.1.3, suggérait d’augmenter la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) (art. 266 sexies du code des douanes). Le rapport précise néanmoins que « le comité légistique a proposé différents scénarios de transcriptions légistiques aux membres du groupe thématique. Ces derniers ont préféré exclure la transcription proposant une augmentation de la TGAP au profit d’une redevance pour pollutions diffuses. Cette solution leur semblait plus efficace pour cibler les engrais azotés produits à l’étranger ». La redevance pour pollution diffuse est inscrite à l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Outre plusieurs amendements rédactionnels de la rapporteure (CS5298, CS5299, CS5300 et CS5301), la commission spéciale a adopté quatre amendements modifiant l’article 62.

L’amendement CS5297 de la rapporteure prévoit que le rapport envisageant les modalités de mise en œuvre de la redevance sur les engrais azotés soit présenté au Parlement dans un délai de douze mois après la promulgation de la loi.

Trois autres amendements adoptés par la commission spéciale précisent le contenu de ce rapport :

– Les amendements CS5448 et CS5467 précisent qu’il envisage la mise en œuvre de taux différenciés en fonction des facteurs d’émission d’ammoniac des différents types d’engrais et établit un inventaire des outils d’aide à la décision et à l’exploitation, ainsi que la liste des financements publics destinés à la recherche, à l’acquisition de matériel, à la formation, à l’accompagnement et plus largement à toute démarche permettant la réduction des quantités d’engrais azotés minéraux utilisées, tant pour la promotion de leur utilisation raisonnée que pour le changement des pratiques culturales.

– Enfin, un amendement CS4331 de M. Jean-Luc Fugit (LaREM), adopté avec un avis favorable de votre rapporteure et défavorable du Gouvernement, précise que le rapport gouvernemental, outre les conditions de taux et d’assiette de la redevance, analysera également les conditions d’affectation des recettes de celle-ci à la transition agroécologique.

Section 2
Autres dispositions

Article 63
Définition par décret d’une trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac du secteur agricole

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 63 dispose qu’un décret définit la trajectoire annuelle de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote permettant d’atteindre respectivement une réduction de 13 % en 2030 par rapport à 2005 et de 15 % en 2030 par rapport à 2015.

I.   le droit en vigueur

Voir le 1 du commentaire d’article de l’article 62.

II.   Les dispositions DU PROJET De LOI

L’article 63 prévoit qu’un décret définit une trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac d’ici 2030, avec pour objectifs des réductions respectivement fixées à 15 % par rapport à 2015 et 13 % par rapport à 2005.

Sur la position de la Convention citoyenne pour le climat : voir encadré figurant à la fin du II du commentaire de l’article 62.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

Les travaux de la commission spéciale ont renforcé le contrôle parlementaire en matière de suivi de la trajectoire annuelle de réduction des émissions qui, aux termes de l’article 63, doit être définie par décret. L’amendement CS5468 de la rapporteure précise ainsi que, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, puis annuellement, le Gouvernement présente un rapport au Parlement consacré au suivi de la trajectoire de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote du secteur agricole et des moyens mis en œuvre pour y parvenir.

Article 63 bis (nouveau)
(article L. 110-5 [nouveau] du code de l’environnement)
Codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée

Créé par la commission spéciale

 

L’article 63 bis insère une définition de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée dans le code de l’environnement.

La stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée dont il est question aux articles 64, 64 bis et 64 ter du présent projet de loi ne bénéficiait d’aucune définition législative. Pour cette raison, la commission spéciale a adopté un amendement CS5469 de la rapporteure créant un article L. 110-5 au titre Ier du livre Ier du code de l’environnement.

Ce nouvel article L. 110-5 définit la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée comme une stratégie élaborée et mise en œuvre par l’État « en vue de mettre fin à l’importation de matières premières et de produits transformés dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la dégradation d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national ».

Article 64
(article 59 quindecies [nouveau] du code des douanes)
Instauration d’un partage des données sur la politique nationale de lutte contre la déforestation importée

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 64 organise entre les agents de la direction générale des douanes et droits indirects et les agents du ministère chargé de l’environnement la communication des renseignements, données et documents utiles à l’amélioration de la transparence et de la traçabilité des chaînes d’approvisionnement agricoles des matières premières concernées par la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI). La stratégie nationale concerne à ce jour le soja, l’huile de palme, le cacao, l’hévéa, le bœuf et ses co‑produits, et le bois et ses produits dérivés.

I.   le droit en vigueur

A.   Qu’est-ce que la déforestation importée ?

La déforestation importée est définie comme « l’importation de matières premières ou de produits transformés dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la conversion d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national » ([367]).

L’avis du 27 mai 2020 du Conseil économique, social et environnemental « Le rôle de l’Union européenne dans la lutte contre la déforestation importée » ([368]) citant Global forest watch, fait état de 12 millions d’hectares de forêts tropicales qui ont été perdus en 2018 du fait de la déforestation importée. Selon le rapport de l’organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) de 2015, les forêts ont vu leur superficie se réduire de 129 millions d’hectares, soit 10 fois la superficie de la Grèce, entre 1990 et 2015.

La gravité de la déforestation tient au fait que les forêts abritent une très riche diversité d’espèces animales et végétales qui sont autant de services fournis au climat, à la biodiversité et aux populations locales. La forêt atténue le changement climatique en stockant le carbone ([369]) et l’eau douce et en protégeant les sols. Les forêts tropicales les plus menacées par la déforestation sont d’ailleurs celles qui abritent les écosystèmes les plus riches.

La déforestation d’origine anthropique résulte du changement d’affectation des sols au profit de la production agricole et de l’élevage ([370]). Selon la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), l’élevage bovin et la production de soja en Amérique latine, la plantation de palmiers à huile en Asie du Sud-est et le cacao en Afrique sont les principales productions concernées. Le soja, l’huile de palme et le cacao constituent à elles trois 80 % des importations pouvant générer de la déforestation au niveau des pays producteurs. Selon la Commission européenne ([371]), la consommation européenne est responsable de 36 % de la déforestation cumulée entre 1990 et 2008 liée au commerce international de produits agricoles.

B.   La stratÉgie nationale de lutte contre la déforestation importÉe (SNDI) : un bilan mitigÉ

Le débat sur la lutte contre la déforestation importée a conduit à l’adoption de deux amendements lors de la discussion du projet de loi dit EGALIM :

– un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Moreau, qui prévoyait que : « Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur la définition de la déforestation importée, sur les pratiques agricoles qui y contribuent significativement et sur les pistes à suivre pour les réduire. L’État se donne pour objectif, à compter de 2022, de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée, dans des conditions définies par décret ». (article 49 du texte adopté en lecture définitive) ;

– un amendement – adopté à l’initiative de la commission du développement durable, de Mme Batho et de Mme Limon inscrivant dans les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l’origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires (l’article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime) la promotion des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée (article 37 du texte adopté en lecture définitive).

Dans sa décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré ces deux articles contraires à l’article 45 de la Constitution car ne présentant pas de lien, même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

L’axe n° 15 du plan climat, publié par le Gouvernement le 6 juillet 2017, prévoit de mettre fin à l’importation en France de produits contribuant à la déforestation dans des pays étrangers. Dans le cadre de ce plan, une stratégie nationale visant à mettre fin à l’importation de produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation devait être publiée par le Gouvernement d’ici l’été 2018.

C’est dans le contexte de la présidence par la France des déclarations d’Amsterdam ([372]) que fut publiée le 14 novembre 2018 la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) : « L’objectif de cette stratégie : amener chaque acteur (pays producteurs, entreprises, investisseurs, consommateurs) à modifier ses comportements pour diminuer ses impacts sur la forêt. Elle vise, dans un premier temps, les matières agricoles qui contribuent le plus à la déforestation importée : le soja, l’huile de palme, le bœuf et ses co-produits, le cacao, l’hévéa, ainsi que le bois et ses produits dérivés. Le front de la déforestation progressant rapidement, des points d’étape seront réalisés en 2020 et 2025 afin de mesurer les progrès accomplis et, le cas échéant, prendre de nouvelles mesures contraignantes et élargir son champ à de nouvelles commodités.

« [Le] Gouvernement souhaite également encourager la lutte contre la déforestation importée aux niveaux européen et international. C’est pourquoi la France appelle la Commission européenne à lancer une initiative européenne de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts. Pour mettre fin en 2030 à l’importation de produits forestiers ou agricoles non durables contribuant à la déforestation, la SNDI identifie des leviers et entend mettre en œuvre une combinaison d’actions cohérentes destinées à engager un processus de transformation majeur en matière de lutte contre la déforestation importée ».

La SNDI s’articule autour de cinq orientations :

– orientation 1 – Développer, partager et valoriser les connaissances ;

– orientation 2 – Développer les actions de lutte contre la déforestation importée dans le cadre de coopérations internationales pour favoriser une offre durable ;

– orientation 3 – Intégrer la lutte contre la déforestation aux politiques publiques pour favoriser une demande française de produits durables ;

– orientation 4 – Favoriser et coordonner l’engagement des acteurs ;

– orientation 5 – Garantir l’atteinte des objectifs de la SNDI.

Ces orientations sont déclinées en dix-sept objectifs et trente-quatre mesures qui portent à la fois sur l’offre et sur la demande des produits et engagent l’ensemble des acteurs.

Le rapport du CESE précité fait état d’un bilan décevant de la SNDI, évalué à un an par plusieurs organisations de la société civile. Le rapport note un « décalage entre la volonté politique affichée et le retard pris dans la mise en œuvre effective de la SNDI » et, surtout, la poursuite en 2019 d’importations massives par la France de soja et d’huile de palme.

Depuis, la stratégie a été relancée à l’occasion de ses deux ans par la secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Un projet de plateforme assorti d’un mécanisme d’alerte a été annoncé.

C.   Le projet de plateforme comportant un mÉcanisme d’alerte À destination des entreprises

Outre les engagements des États, les entreprises développent, sur la base d’engagements volontaires, des outils de traçabilité des produits basés sur des systèmes de certification et de vérification. Mais la traçabilité demeure faible pour de nombreux produits, ainsi 2 % seulement des entreprises intervenant dans les échanges d’huile de palme pourraient déterminer l’origine de l’huile qu’elles commercialisent, selon un rapport de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen ([373]).

Mesure 16–1 de la SNDI : créer une plateforme nationale de lutte contre la déforestation accessible à l’ensemble des acteurs ([374])

Afin d’améliorer l’accessibilité et la transparence de l’information, la SNDI mettra en place une plateforme nationale de lutte contre la déforestation, multi-sectorielle, accessible à tous et évolutive. Cette plateforme aura vocation à être développée à plus large échelle au niveau européen.

Elle aura pour objectif de fournir des connaissances sur les importations à risque et sur leurs flux ainsi que sur l’évolution du couvert forestier, de favoriser le partage d’informations notamment entre pairs, d’encourager la mise en œuvre et de permettre le suivi des engagements « zéro déforestation » des acteurs privés, et de faciliter le travail de traçabilité et d’analyse de risque des chaînes d’approvisionnements.

Le comité de pilotage de la plateforme de lutte contre la déforestation comportera l’État, des entreprises, des ONG et des experts.

Cette plateforme offrira les 3 grands types de fonctionnalités suivants :

1. Mobilisation des acteurs : dans une perspective de transparence, l’ensemble des engagements des acteurs reconnus sera centralisé sur cette plateforme.

2. Dispositif d’informations relatives à l’élimination de la déforestation des chaînes d’approvisionnement.

3. Système de suivi des importations et d’alerte sur les risques. La France est particulièrement dépendante de certains pays pour son approvisionnement en produits de base à fort impact sur les écosystèmes, notamment tropicaux. Suivre les flux de ces importations présentant un risque pour les forêts, depuis leur origine jusqu’aux intermédiaires et aux pays consommateurs, permettra de réaliser des analyses de risques/opportunités des chaînes d’approvisionnement.

Après avoir identifié les matières premières et les territoires concernés, la plateforme développera un système d’analyse du risque, à l’échelle nationale. Le mécanisme d’alerte s’appuiera notamment sur les données d’importation françaises issues des douanes et du suivi satellitaire du couvert forestier dans l’objectif d’identifier des phénomènes de déforestation dans des zones d’approvisionnement. Ce système d’alerte, rapide, multi-filières et adapté au marché français, permettra d’informer de façon ciblée les entreprises liées directement ou indirectement au phénomène de déforestation.

4. Élaboration d’un label « zéro déforestation »

Le comité de pilotage de la plateforme travaillera, sous l’impulsion de l’État, à l’élaboration d’un label « zéro déforestation » permettant de guider les consommateurs dans leurs choix.

La mesure 16-1 de l’objectif 16 de la SNDI prévoit l’élaboration d’une plateforme comportant un mécanisme d’alerte à destination des entreprises (importateurs et distributeurs) afin de freiner les importations dont la production pourrait susciter des phénomènes de déforestation, préjudiciables à la lutte contre l’effet de serre. Ce mécanisme « s’appuiera notamment sur les données d’importation françaises issues des douanes et du suivi satellitaire du couvert forestier ([375]) dans l’objectif d’identifier des phénomènes de déforestation dans des zones d’approvisionnement ».

Selon l’étude d’impact du présent projet de loi « un croisement des données douanières avec les données satellitaires de suivi du couvert forestier dans les pays producteurs permettra d’identifier les importations à risque arrivant dans les ports français et les acteurs associés. Le mécanisme d’alerte vise ainsi à inciter les entreprises à limiter voire arrêter leurs importations de soja issues de conversion des écosystèmes ».

La création de cette plateforme annoncée le 18 novembre 2020 à l’occasion des deux ans de la stratégie nationale et mise en ligne le 20 janvier 2021 a été confiée au ministère de la transition écologique.

Elle comprend notamment une carte interactive des flux de déforestation importée (TRASE). Cet outil TRASE, élaboré par le Stockholm Environment Institute et Global Canopy, permet de cartographier précisément les flux de déforestation importée dans le monde. Pour ce faire, il se base sur les données d’exportation et d’importation des pays producteurs et consommateurs, en les croisant avec les données satellitaires de cartographie de l’évolution du couvert forestier dans lesdits pays, permettant dès lors de repérer les zones pouvant être considérées comme à risque.

À terme, un système d’alerte précoce pour les entreprises, construit à partir des données douanières croisées avec des données satellitaires viendra renforcer les outils mis à la disposition des entreprises. Il les informera en cas d’approvisionnement dans des zones à risque de déforestation.

Le système d’alerte ne sera opérationnel que lorsque le partage des données douanières sera possible et effectif.

D.   Le secret professionnel applicable aux agents des douanes

Le chapitre III relatif aux immunités, à la sauvegarde et aux obligations des agents des douanes du titre II du code des douanes comporte un article 59 bis qui soumet au secret professionnel les agents des douanes. L’article 226-13 du code pénal punit toute révélation d’un secret professionnel d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, sauf dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret (article 226-14 du code pénal).

Ainsi le chapitre III précité comporte plusieurs articles organisant la communication de renseignements, données et documents sans que puisse être opposée l’obligation de secret, par exemple :

– dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon (article 59 quinquies) ;

– dans le cadre de missions de contrôle des conditions de traitement des déchets et de leurs transferts transfrontaliers, de contrôle des substances et produits chimiques et de lutte contre la fraude fiscale (article 59 octies) ;

– dans le cadre de missions relatives aux produits pétroliers (article 59 nonies) ;

– dans le cadre de la lutte contre la fraude au regard de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (59 undecies).

Si ces dispositifs permettent des échanges d’informations entre la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et d’autres directions de l’administration, selon des modalités diverses et flexibles, notamment à la demande ou spontanément, ils sont restreints à des missions spécifiques. A contrario, l’article 59 duodecies du code des douanes prévoit un échange d’informations dans le cadre « de l’ensemble [des] missions respectives » des agents de la direction générale des douanes et droits indirects, des agents de la direction générale des finances publiques et des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Une même communication est prévue entre les agents des douanes et les agents placés sous l’autorité du ministre chargé de l’agriculture, de FranceAgriMer ([376]) et de l’ODEADOM ([377]) pour les besoins de leurs missions de contrôle des produits de l’agriculture.

Des mécanismes de communication des données existent donc déjà mais ne sont pas prévus s’agissant des données d’importations issues de zones à risque de déforestation dont dispose la direction des douanes et droits indirects.

II.   Les dispositions DU PROJET DE LOI

L’article 64 du présent projet de loi complète le chapitre III du titre II du code des douanes par un article 59 quindecies qui organise, sur le modèle de l’article 59 undecies précité, la communication des renseignements, données et documents utiles à l’amélioration de la transparence et de la traçabilité des chaînes d’approvisionnement agricoles des matières premières concernées par la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.

Cette communication est opérable entre les agents de la direction générale des douanes et droits indirects et les agents du ministère chargé de l’environnement désignés pour mettre en œuvre cette stratégie nationale.

La stratégie nationale concerne à ce jour le soja, l’huile de palme, le cacao, l’hévéa, le bœuf et ses co-produits, et le bois et ses produits dérivés mais pourrait tout à fait être étendue à d’autres commodités agricoles.

Le dispositif entrerait en vigueur dès la promulgation de la loi.

Cet article contribue indirectement à mettre en œuvre la proposition SN2.1.5 de la Convention citoyenne pour le climat : « Inscription dans la loi et le plan stratégique national : aider à la structuration de la filière des protéagineux augmentation de l’autonomie du cheptel animal français, 100 % d’autonomie pour l’alimentation humaine en protéines végétales, accroissement de la diversification des cultures dans la politique agricole commune, mise en œuvre du plan protéines végétales national ». Cette proposition implique par exemple de stopper le recours aux sojas importés, matière première agricole souvent issue de la déforestation.

Cet article met également partiellement en œuvre la proposition SN6.1.2 : « Interdire l’importation des produits qui sont composés d’auxiliaires technologiques proscrits par l’Union européenne » qui, dans l’exposé qui l’accompagne mentionne l’objectif de blocage de l’importation des « produits impliquant une déforestation » et de réduction de l’importation des « produits découlant de la déforestation ayant un fort impact sur les gaz à effet de serre ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a précisé la rédaction de cet article en adoptant un amendement CS5470 de coordination de la rapporteure.

La stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée ayant été définie à l’article L. 110-5 du code de l’environnement avec l’adoption de l’article 63 bis au présent projet de loi, cette référence est ajoutée au nouvel article article 59 quindecies du code des douanes.

Article 64 bis (nouveau)
Exemplarité des approvisionnements de l’État en matière de lutte contre la déforestation importée

Créé par la commission spéciale

 

L’article 64 bis impose à l’État, à partir de 2022, de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée.

La commission spéciale a adopté un amendement CS5452 de la rapporteure créant un article 64 bis. Il fixe l’objectif pour l’État « de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée » à compter de 2022. Les conditions d’application de cet article seront définies par décret.

Ce dispositif reprend une partie de l’article 49 du projet de loi dit « EGALIM » précité (dans sa version adoptée en lecture définitive). Dans sa décision n° 2018‑771 DC du 25 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a en effet déclaré cet article 49 contraire à l’article 45 de la Constitution car ne présentant pas de lien, même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

L’État est un acteur économique important sur les marchés ; sa politique d’achat permet potentiellement d’encourager une amélioration généralisée des standards de production sociaux et environnementaux. Cet objectif permet de respecter un devoir d’exemplarité, nécessaire pour crédibiliser l’engagement de l’État. Il reprend l’objectif n° 8 de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée : « Mettre en œuvre une politique d’achat public ‶zéro déforestation″ d’ici 2022 ».

Article 64 ter (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée

Créé par la commission spéciale

 

L’article 64 ter prévoit un rapport du Gouvernement sur la mise en œuvre d’une plateforme nationale de lutte contre la déforestation imposée.

La commission spéciale a adopté deux amendements identiques CS4731 de Mme Nicole Le Peih (LaREM) et CS4741 de Mme Frédérique Tuffnell (MoDem) créant un article 64 ter.

En lien avec l’article 64, ce nouvel article 64 ter prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre d’une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette plateforme serait créée « à destination des entreprises pour les accompagner dans la transformation de leurs chaînes d’approvisionnement vers des matières premières durables, traçables et plus respectueuses des forêts tropicales et des écosystèmes naturels, ainsi que des communautés locales et des populations autochtones qui en vivent, conformément à la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée ». Le rapport sera remis dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.

Pour les auteurs de ces amendements, la plateforme aura pour objectif de fournir des connaissances sur les importations à risque et sur leurs flux ainsi que sur l’évolution du couvert forestier, de favoriser le partage d’informations notamment entre pairs, d’encourager la mise en œuvre et de permettre le suivi des engagements « zéro déforestation » des acteurs privés, et de faciliter le travail de traçabilité et d’analyse de risque des chaînes d’approvisionnement.

Article 65
(article L. 4 du code rural et de la pêche maritime)
Compatibilité du plan stratégique national avec les stratégies nationales en matière d’environnement

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 65 dispose que les objectifs figurant dans tout document de programmation stratégique nationale prévue par le droit de l’Union européenne et élaboré en vue de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC) – et, plus précisément, le plan stratégique national de la politique agricole commune (PSN PAC) prévu dans le cadre des propositions de règlements européens présentés en juin 2018 – sont compatibles avec les stratégies nationales suivantes : la stratégie bas carbone (SNBC), la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), le plan national de prévention des risques sanitaires liés à l’environnement (PNSE) et l’objectif de lutte contre la déforestation importée.

I.   le droit en vigueur

A.   Le plan stratÉgique national de la politique agricole commune (PSN PAC)

Les propositions de règlements européens ([378]) de la Commission européenne présentées en juin 2018 introduisent une évolution majeure : l’élaboration par chaque État-membre d’un plan stratégique national de la politique agricole commune (PSN PAC), établi pour sept ans, définissant les interventions et les modalités de mise en œuvre de la PAC à l’échelle nationale et couvrant les deux piliers de la PAC (financés respectivement par le Fonds européen agricole de garantie et le Fonds européen agricole pour le développement rural). Le PSN PAC de chaque État membre doit être approuvé par la Commission européenne.

Le calendrier d’adoption de la prochaine politique agricole commune (PAC)

La négociation de la future PAC est pratiquement terminée, la phase des trilogues devant être conclue sous la présidence portugaise, laquelle vise un accord en avril ou mai 2021. Une fois adoptés les règlements de base, commenceront les discussions sur la législation secondaire.

Au niveau national, une première version du PSN PAC devrait être adoptée avant l’été 2021, afin d’être notifiée aux instances européennes, pour une approbation courant 2022.

En parallèle, seront préparés les actes réglementaires nécessaires pour la mise en œuvre en France de la PAC, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023.

Ce plan est structuré autour de trois objectifs généraux : favoriser une agriculture intelligente et résiliente assurant la sécurité alimentaire ; renforcer les actions favorables à l’environnement et au climat qui contribuent aux objectifs environnementaux et climatiques de l’Union européenne et renforcer le tissu socio-économique des zones rurales.

Neuf objectifs spécifiques et un objectif transversal doivent permettre d’atteindre les objectifs prioritaires :

– assurer un revenu équitable aux agriculteurs ;

– accroître la compétitivité ;

– rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire ;

– agir contre le changement climatique ;

– protéger les ressources naturelles dans un objectif de développement durable ;

– préserver les paysages et la biodiversité ;

– soutenir le renouvellement des générations ;

– dynamiser et soutenir le développement économique des zones rurales ;

– garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé en réponse aux attentes de la société ;

– moderniser par l’innovation dans le cadre de la transition numérique (objectif transversal).

Un diagnostic a été élaboré, de septembre 2019 à février 2020, sous l’égide du ministère de l’agriculture, en collaboration avec les régions et sur le fondement de concertations régionales et nationales, afin de recenser les attentes des territoires et les besoins auxquels devra répondre la future PAC.

La proposition de règlement européen COM (2018) 392 prévoit également que le plan stratégique national relevant de la PAC doit s’appuyer sur une évaluation préalable intégrant une évaluation environnementale stratégique remplissant les exigences de la directive 2001/42/CE, transposée dans le code de l’environnement – en particulier au sein des articles L. 121-1, L. 121-8 et L. 122‑4. C’est dans ce cadre qu’un débat public a été mené sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), auquel ont pris part 12 656 participants et contributeurs et dont sont issues 1 083 propositions rendues publiques le 7 février 2021.

B.   La StratÉgie nationale bas carbone

La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) a été inscrite dans le code de l’environnement par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et constitue la feuille de route de la France dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

L’article L. 222-1 B du code de l’environnement dispose ainsi qu’elle « définit la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes afin d’atteindre les objectifs définis par la loi prévue à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie. Elle tient compte de la spécificité du secteur agricole, veille à cibler le plan d’action sur les mesures les plus efficaces en tenant compte du faible potentiel d’atténuation de certains secteurs, notamment des émissions de méthane entérique naturellement produites par l’élevage des ruminants, et veille à ne pas substituer à l’effort national d’atténuation une augmentation du contenu carbone des importations ».

Elle fixe des orientations, pour tous les secteurs d’activité, destinées à permettre une transition vers une économie bas carbone, circulaire et durable. Les objectifs qu’elle poursuit sont la neutralité carbone de la France à horizon 2050 et la réduction de l’empreinte carbone de la consommation des Français. Elle fixe ainsi un objectif à horizon 2050 et des objectifs de court et moyen termes que sont les « budgets carbone » ([379]).

La SNBC a été révisée en 2018-2019, pour fixer l’objectif d’atteinte de la neutralité carbone en 2050 – la première SNBC prévoyait une réduction de 75 % des émissions françaises de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à 1990. Ce projet de SNBC révisée a fait l’objet d’une consultation du public du 20 janvier au 19 février 2020. La nouvelle version de la SNBC et les budgets carbone pour les périodes 2019-2923, 2024-2028 et 2029-2033 ont été fixés par le décret le 21 avril 2020 (voir tableau ci-dessous extrait de l’article 4 du décret).

La répartition des budgets carbone par domaines d’activité, arrondis à 1 million de tonnes (MT) équivalent dioxyde de carbone (CO2eq) près

Article 4 du décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas carbone (les budgets fixés pour les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture ne tiennent pas compte de l’utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie, dite « UTCATF »)

C.   La stratÉgie nationale pour la biodiversitÉ

La stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) est définie à l’article L. 1103 du code de l’environnement, créé par l’article 8 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Elle traduit les engagements internationaux de la France en matière de biodiversité, définis notamment dans le cadre de la convention sur la diversité biologique adoptée à Nairobi le 22 mai 1992.

Extrait de l’article L. 110-3 du code de l’environnement

« En vue d’assurer la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, la stratégie nationale pour la biodiversité, prévue à l’article 6 de la convention sur la diversité biologique, adoptée à Nairobi le 22 mai 1992, est élaborée par l’État en concertation avec des représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, d’acteurs socio-économiques, notamment des petites et moyennes entreprises, et d’organisations de protection de l’environnement, notamment d’associations de naturalistes, ainsi qu’avec des membres de la communauté scientifique.

« Les régions définissent et mettent en œuvre une stratégie régionale pour la biodiversité tenant compte des orientations de la stratégie nationale et élaborée dans les mêmes conditions de concertation. Les collectivités territoriales et leurs groupements participent à la définition et à la mise en œuvre de cette stratégie à l’échelon de leur territoire (…). »

La SNB a connu une première phase de 2004 à 2010, fondée sur des plans d’actions sectoriels. Dans le prolongement de la dixième Conférence des Parties (COP10) de la convention sur la diversité biologique, qui s’est déroulée à Nagoya en 2010 et a abouti à un nouveau plan stratégique, fixant notamment les vingt objectifs d’Aichi pour la biodiversité pour la période 2011-2020, la France a adopté une nouvelle stratégie pour la période 2011-2020. L’une des particularités de la stratégie française est d’associer l’ensemble des acteurs parties prenantes
– État, collectivités territoriales, acteurs économiques, associations, société civile ou encore les acteurs de la recherche – à son élaboration et à sa mise en œuvre sur le territoire. Elle fixe vingt objectifs pour préserver, restaurer, renforcer, valoriser la biodiversité et en assurer un usage durable et équitable.

Le ministère de la transition écologique a, parallèlement à la stratégie nationale pour la biodiversité, lancé en juillet 2018 le Plan Biodiversité qui fixe des priorités en matière d’objectifs et de mesures pour une période de trois ans. Il concourt à une accélération de la mise en œuvre de la SNB.

D.   Le plan national de prÉvention des risques pour la santÉ liÉs À l’environnement

Le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement est mentionné à l’article L. 1311-6 du code de la santé publique créé par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Il est élaboré tous les cinq ans. Il prend notamment en compte les effets sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie, y compris le milieu de travail, ainsi que ceux des événements météorologiques extrêmes. Le quatrième plan national a été présenté en octobre 2020.

L’article L. 1311-17 du même code précise que le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement est décliné au niveau régional sous forme de plans régionaux « santé environnement ». Ces plans ont pour objectif la territorialisation des politiques définies dans les domaines de la santé et de l’environnement. Ces plans régionaux s’appuient sur les enjeux prioritaires définis dans le plan national tout en veillant à prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux régions. Ils sont mis en œuvre par les services déconcentrés de l’État, les agences régionales de santé et les conseils régionaux, en association avec les autres collectivités territoriales, notamment par le biais des contrats locaux de santé.

E.   L’objectif de lutte contre la dÉforestation importÉe

La stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, adoptée le 14 novembre 2018, traduit l’engagement pris dans le cadre du Plan Climat (juillet 2017) de mettre fin d’ici 2030 à la déforestation causée par l’importation de produits forestiers ou agricoles non durables (voir commentaire de l’article 64).

II.   Les dispositions DU PROJET DE LOI

L’article 65 complète l’article L. 4 du code rural et de la pêche maritime par un II précisant que les objectifs figurant dans tout document de programmation stratégique nationale prévu par le droit de l’Union européenne et élaboré en vue de la mise en œuvre de la PAC sont compatibles avec la stratégie bas carbone (SNBC), la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), le plan national de prévention des risques sanitaires liés à l’environnement (PNSE) et l’objectif de lutte contre la déforestation importée.

Le Gouvernement a ainsi estimé, suivant en cela l’analyse du Conseil d’État, qu’il était plus prudent de ne pas mentionner le « plan stratégique national », qui ne figure à ce stade que dans un projet de règlement du Conseil. L’expression plus générale « tout document de programmation stratégique nationale prévu par le droit de l’Union européenne et élaboré en vue de la mise en œuvre de la PAC » lui a été préférée.

L’article 65 précise que le dispositif de suivi des actions prévues pour atteindre les objectifs fixés dans ce document de programmation stratégique national intègre des indicateurs relatifs à la performance en matière de climat et de biodiversité et que l’atteinte de ces objectifs fait l’objet d’évaluations régulières.

Le troisième alinéa de l’article prévoit, enfin, la transmission au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental (CESE) par le Gouvernement du rapport annuel de performance adressé à la Commission européenne, des plans d’action mis en œuvre et des modifications apportées éventuellement au document de programmation, ainsi que de l’ensemble des évaluations prévues par le droit de l’Union européenne.

Cet article reprend intégralement la proposition SN 2.4.2 de la convention citoyenne pour le climat : « Mettre en compatibilité le plan stratégique national (PSN) avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), le plan national santé environnement (PNSE), la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) ».

Le troisième alinéa de l’article permet également de satisfaire la proposition SN 2.4.1 : « Mettre en place un mécanisme de suivi et d’évaluation de l’atteinte de la performance climat du plan stratégique national (PSN) ».

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉciale

La commission spéciale a également renforcé le contrôle parlementaire exercé sur le suivi des objectifs du plan stratégique national (PSN) pour la politique agricole commune (PAC) en adoptant un amendement CS5302 (3ème rect.) de la rapporteure prévoyant la mise à disposition du public, dans un souci de transparence, et la transmission régulière au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental des indicateurs, données et documents permettant d’assurer ce suivi. Ainsi, le rapport de performance, y compris les indicateurs prévus dans le cadre du dispositif de suivi mentionné au premier alinéa de l’article L. 4 du code rural et de la pêche maritime, devront faire l’objet d’une transmission annuelle au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental et seront mis à la disposition du public. Le document de programmation, les modifications qui y sont éventuellement apportées, les plans d’action mis en œuvre pour atteindre les objectifs mentionnés audit alinéa, ainsi que les évaluations prévues par le droit de l’Union européenne, seront également transmis au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental et mis à la disposition du public.

Article 66
(article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises)
Réforme du fonctionnement du label « équitable »

Adopté par la commission spéciale sans modification

 

L’article 66 modifie la définition légale du commerce équitable pour y introduire, pour les produits des filières alimentaires, des exigences relatives à la valorisation des modes de production et d’exploitation respectueux de l’environnement et de la biodiversité, tels que l’agroécologie.

Il rend, en outre, obligatoire la reconnaissance publique des labels privés de commerce équitable, telle que prévue par l’article 60 de la loi n° 2005‑882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, à compter du 1er janvier 2023.

I.   le droit en vigueur

L’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises définissait le commerce équitable essentiellement dans sa dimension Nord/Sud, précisant qu’il s’inscrivait « dans la stratégie nationale de développement durable » et organisait « des échanges de biens et de services entre des pays développés et des producteurs désavantagés situés dans des pays en développement » dans le cadre du développement de « relations durables ayant pour effet d’assurer le progrès économique et social de ces producteurs ». Une reconnaissance des personnes physiques et morales veillant au respect de ces conditions était confiée à la Commission nationale du commerce équitable (CNCE) par le décret n° 2007-986 du 15 mai 2007, qui n’a été installée qu’en 2010 et ne s’est jamais acquittée de cette mission.

L’article 94 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est venu élargir cette définition pour y inclure le commerce équitable au sein des pays développés, sans se limiter à la seule dimension Nord/Sud, et pour préciser les conditions devant être satisfaites. Il dispose ainsi que le commerce équitable a « pour objet d’assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification, organisés au sein de structures à la gouvernance démocratique, au moyen de relations commerciales avec un acheteur, qui satisfont aux conditions suivantes :

«  Un engagement entre les parties au contrat sur une durée permettant de limiter l’impact des aléas économiques subis par ces travailleurs, qui ne peut être inférieure à trois ans ;

«  Le paiement par l’acheteur d’un prix rémunérateur pour les travailleurs, établi sur la base d’une identification des coûts de production et d’une négociation équilibrée entre les parties au contrat ;

«  L’octroi par l’acheteur d’un montant supplémentaire obligatoire destiné aux projets collectifs, en complément du prix d’achat ou intégré dans le prix, visant à renforcer les capacités et l’autonomisation des travailleurs et de leur organisation. Chaque entreprise intervenant dans ces filières est en mesure de produire des informations relatives à la traçabilité des produits. Les entreprises faisant publiquement état de leur appartenance au commerce équitable participent à des actions de sensibilisation et d’éducation à des modes de production et de consommation socialement et écologiquement durables ».

L’article 219 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Manon » substitue à une reconnaissance publique des personnes physiques ou morales qui veillent au respect des critères du commerce équitable, une reconnaissance publique des systèmes de certification et des labels privés de commerce équitable qui est confiée à la commission de concertation du commerce (3C).

L’échec de la mise en œuvre de la procédure de reconnaissance publique des labels privés par la commission de concertation du commerce (3C)

La commission de concertation du commerce (3C) n’est pas parvenue à s’acquitter de la mission de reconnaissance publique des labels privés que lui confiait la loi dite « Macron ».

Le constat des rapporteurs de la mission d’information commune sur l’évaluation de la loi n° 2015-99 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », MM. Daniel Fasquelle et Philippe Huppé, demeure d’actualité : « aucune procédure de reconnaissance des labels privés de commerce équitable n’est actuellement effective et la commission de concertation du commerce (3C) n’apparaît pas comme l’acteur le plus pertinent pour sa mise en œuvre ».

L’article 173 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) précise, enfin, que « seuls les produits satisfaisant aux conditions définies au II peuvent comporter le terme « équitable » dans leur dénomination de vente ». Cette disposition visait à permettre de lutter plus efficacement contre l’usage abusif de la mention " équitable ". Elle avait d’ailleurs été adoptée par le Parlement à l’article 42 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite « EGALIM ») mais avait fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel faute d’un lien suffisamment direct avec le projet de loi initial.

II.   Les dispositions DU PROJET DE LOI

L’article 66 vise à inscrire dans la définition légale du commerce équitable, lorsqu’il s’agit de filières alimentaires, la valorisation des modes de production et d’exploitation respectueux de l’environnement et de la biodiversité, tels que l’agroécologie.

En outre, le 2° de l’article, qui entre en vigueur à compter du 1er janvier 2023, conditionne l’usage de cette mention non plus au seul respect des principes du commerce équitable, mais à des labels et systèmes de garantie reconnus dans le cadre de la procédure définie par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. L’étude d’impact précise que cette reconnaissance pourrait être confiée à la « plateforme responsabilité sociale des entreprises (RSE) » créée au sein de France Stratégie. Dans le cadre de l’article 174 de la loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, la plateforme s’est vue confier la mission de remettre un avis sur les conditions de mise en place d’une structure de revue et d’évaluation des labels de responsabilité sociale des entreprises, publié en février 2021. La procédure de reconnaissance publique des labels privés constituerait une nouvelle mission pour la plateforme, très différente de celles qui lui reviennent actuellement. Elle nécessitera, pour être menée à bien, l’attribution de moyens humains et matériels adaptés.

Les dispositions de cet article, relatives exclusivement à la définition et à la reconnaissance publique des labels et systèmes de garantie privés du commerce équitable, s’inscrivent dans le cadre plus large de la proposition SN 5.3.1 de la Convention citoyenne pour le climat : « Réformer le fonctionnement des labels en supprimant les labels privés et en mettant en place un label pour les produits issus de l’agriculture agroécologique ».

III.   les travaux de la commission spÉciale

Adopté par la commission spéciale sans modification

Article 66 bis (nouveau)
(article L. 640-2-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Définition des labels privés pour les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer

Créé par la commission spéciale

 

L’article 66 bis vise à encadrer la définition des labels privés pour les produits agricoles, forestiers ou alimentaires.

La notion de labels privés ne fait pas l’objet d’une définition juridique claire. La commission spéciale, à l’initiative de la rapporteure (amendement CS5477) a souhaité préciser que les produits agricoles, forestiers ou alimentaires, et les produits de mer, bruts ou transformés, pouvaient, dans le respect de la règlementation de l’Union européenne et des dispositions de l’article L. 640-2, bénéficier de labels privés. Ces derniers doivent être encadrés par un cahier des charges précis, garantissant que les produits ainsi labellisés se distinguent des produits similaires habituellement commercialisés par des caractéristiques particulières. Un contrôle régulier doit être exercé sur la mise en œuvre et la conformité des produits à ce cahier des charges.

 

 

 


1

TITRE VI
RENFORCER LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L’ENVIRONNEMENT

Article 67
(articles L.17331 [nouveau] et L. 54146 du code de l’environnement et article L. 12525 du code des transports)
Création d’un délit de mise en danger de l’environnement

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 67 crée un délit de mise en danger de l’environnement, sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui.

I.   Le droit en vigueur

L’article 223-1 du code pénal définit le délit de mise en danger de la vie d’autrui comme « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

S’il existe un délit de mise en danger de la vie d’autrui, il n’existe pas il n’existe pas d’incrimination réprimant, de façon générale, la mise en danger de l’environnement. Cependant, plusieurs articles du code de l’environnement prévoient déjà des sanctions en cas de comportement faisant courir un risque aux milieux naturels ([380]). Il s’agit notamment des sanctions administratives et pénales applicables en cas de non-respect des règles relatives aux installations ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement).

Les sanctions administratives sont notamment définies par les articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement relatifs respectivement à l’exercice sans droit d’une activité réglementée par le code de l’environnement et au non-respect des prescriptions administratives encadrant ou conditionnant une telle activité. La réponse à ces manquements passe tout d’abord par une mise en demeure faite par le préfet à l’auteur du manquement de se conformer aux exigences du code de l’environnement. En cas d’échec de la mise en demeure (ou si la demande d’autorisation, d’enregistrement, d’agrément, d’homologation ou de certification a été rejetée), il peut imposer la remise en état du site et prononcer des sanctions. Il peut imposer au responsable le paiement d’une amende administrative d’un montant maximum de 15 000 euros, voire une astreinte journalière de 1 500 euros payable jusqu’à mise en œuvre des mesures requises. Les articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l’environnement prévoient que ces mesures sont prises indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être engagées.

Il existe également des sanctions pénales, qui sont notamment définies par les articles L. 171-1 à L.171-3 du code de l’environnement. Ces sanctions permettent d’assurer l’efficacité de la réglementation administrative. En effet, comme le soulignent Amane Gogorza et Julien Lagoutte, « le droit pénal de l’environnement a essentiellement été conçu comme un droit pénal accessoire, tout entier voué à l’efficacité d’une réglementation administrative existante indépendamment de lui » ([381]) et la répression pénale n’intervient souvent que dans un second temps, après les polices administratives spéciales de l’environnement ([382]).

Le I de l’article L. 173-1 du code de l’environnement punit d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende :

– le défaut d’autorisation environnementale IOTA (installations ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques) prévue par l’article L. 214-3 du code de l’environnement ;

– le défaut d’autorisation environnementale ICPE prévue par l’article L. 512-1 du code de l’environnement et le défaut d’enregistrement ICPE prévu par l’article L. 512-7 du code de l’environnement ;

– le défaut d’autorisation d’une canalisation de transport de gaz naturel ou assimilé, d’hydrocarbures ou de produits chimiques prévue par l’article L. 555-1 du code de l’environnement ;

– le défaut d’homologation ou de certification en matière de bruit prévues par les articles L. 571-2 et L. 571-6 du code de l’environnement et le défaut d’autorisation de certaines activités bruyantes prévue par le même article L. 571-6 ;

– le défaut d’autorisation ou de déclaration des activités exercées en Antarctique prévues à l’article L. 712-1 du code de l’environnement.

Le II de l’article L. 173-1 prévoit des sanctions supplémentaires qui s’appliquent notamment lorsqu’une personne qui est déjà en infraction continue à exploiter une installation sans se conformer aux mises en demeure. Il punit de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait d’exploiter une installation ou un ouvrage, d’exercer une activité ou de réaliser des travaux encadrés par la législation sur les IOTA, les ICPE, les canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé d’hydrocarbures ou de produits chimiques ([383]), la police du bruit ([384]) ou par l’article L. 712-1 du code de l’environnement (relatif aux activités en Antarctique), en violation :

– d’une décision d’opposition à déclaration prise en application de l’article L. 214-3 (relatif aux IOTA) ou de refus d’autorisation ;

– d’une mesure de retrait d’une autorisation, d’un enregistrement, d’une homologation ou d’une certification ;

– d’une mesure de mise en demeure prononcée par l’autorité administrative en application des articles L. 171-7 ou L. 171-8 du code de l’environnement ;

– d’une mesure de fermeture, de suppression ou de suspension d’une installation ou d’un ouvrage prise en application des articles L. 171-7, L. 171-8 ou L. 514-7 ([385]) du code de l’environnement ou du I de l’article L. 554-9 du même code ([386]) ;

– d’une mesure d’arrêt, de suspension ou d’interdiction prononcée par le tribunal en application de l’article L. 173-5 du code de l’environnement.

Le III de l’article L. 173-1 du code de l’environnement punit de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait, après la cessation d’activités d’une opération, d’une installation ou d’un ouvrage, de ne pas se conformer aux obligations de remise en état ou aux mesures de surveillance prescrites par l’autorité administrative en application des articles L. 171-7 ou L. 171-8 du code de l’environnement.

Comme le II de l’article L. 173-1 du code de l’environnement, l’article L. 173-2 du même code prévoit lui aussi des sanctions supplémentaires qui s’appliquent notamment lorsqu’une personne qui est déjà en infraction continue à exploiter une installation sans se conformer aux mises en demeure.

Son I punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de poursuivre des opérations sans se conformer à une mise en demeure de l’autorité administrative des alors qu’il y a déjà un défaut :

– de déclaration ICPE prévue à l’article L. 512-8 du code de l’environnement ;

– de déclaration IOTA prévue à l’article L. 214-3 du même code ;

– d’autorisation pour les travaux dans une réserve naturelle ou son périmètre de protection (articles L. 332-3, L. 332-6, L. 332- 9 et L. 332-17 du même code) ;

– d’autorisation (dérogation) en matière d’atteintes aux espèces protégées (article L. 411-2 du même code) ;

– d’autorisation en matière d’ouverture et d’exploitation d’établissements détenant des animaux non-domestiques (article L. 413-3 du même code).

Le II de l’article L. 173-2 du code de l’environnement punit de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait de poursuivre sans se conformer à une mise en demeure des opérations, notamment lorsqu’a déjà été constaté un défaut :

– d’autorisation pour les travaux dans un parc national ou dans sa réserve intégrale (articles L. 331-4, L. 331-4-1 et L. 331-16 du code de l’environnement) :

– d’autorisation ou de déclaration relative au commerce d’espèces en application de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction signée à Washington le 3 mars 1973 (CITES).

II.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 67 insère dans le chapitre III du titre VII du livre Ier du code de l’environnement un article L. 173-3-1. Il crée ainsi, pour les infractions prévues par les articles L. 173-1 et L. 173-2 du code, une circonstance aggravante de mise en danger de l’environnement, définie sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui. Ces dispositions visent à améliorer la répression des comportements illicites créant un risque d’atteinte à l’environnement et à renforcer l’effet préventif des dispositions déjà existantes ([387]).

Le premier alinéa du nouvel article L. 173-3-1 du code de l’environnement punit de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du code de l’environnement « lorsqu’ils exposent directement la faune, la flore, ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable ». Le second alinéa du nouvel article L. 173-3-1 précise que le terme « durable » vise « les atteintes susceptibles de durer au moins dix ans ». Enfin, le nouvel article L. 173-3-1 prévoit que le montant de 300 000 euros d’amende peut être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, ce qui permet de prendre en compte l’ampleur du risque (qui peut concerner des espaces importants) et le caractère potentiellement lucratif de la prise de risque ([388]).

Le II de l’article 67 insère un II dans l’article L. 1252-5 du code des transports. Il crée, pour les infractions aux règles du transport de marchandises dangereuses prévues par cet article, une circonstance aggravante de mise en danger de l’environnement, définie sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui prévu par l’article 223-1 du code pénal.

Le premier alinéa II de l’article L. 1252-5 du code des transports punit de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende la commission des infractions aux règles du transport de marchandises dangereuses prévues à cet article lorsqu’elles « exposent directement la faune, la flore, ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable », les atteintes durables étant celles qui sont « susceptibles de durer au moins dix ans » selon le deuxième alinéa de cet article. Les infractions concernées sont le fait de :

– transporter ou faire transporter par voie ferroviaire, routière ou fluviale, des marchandises dangereuses dont le transport n’est pas autorisé ;

– utiliser ou mettre en circulation par voie ferroviaire, routière ou fluviale des matériels aménagés pour le transport des marchandises dangereuses qui n’ont pas satisfait aux visites et épreuves auxquelles ces matériels sont soumis ;

– faire circuler ou laisser stationner des matériels transportant des marchandises dangereuses sur une voie ou un ouvrage dont l’utilisation est interdite en permanence au transport de ces marchandises ;

– faire transporter par voie ferroviaire, routière ou fluviale des marchandises dangereuses sans l’avoir signalé, soit dans le document de transport, soit sur les emballages, récipients ou contenants, lorsque ceci est requis ;

– transporter par voie ferroviaire, routière ou fluviale des marchandises dangereuses sans aucune signalisation extérieure, lorsque celle-ci est requise.

Enfin, le dernier alinéa du II de l’article L. 1252-5 du code des transports prévoit que le premier alinéa de l’article 131-38 du code pénal (qui dispose que le taux maximal de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction) s’applique uniquement aux amendes exprimées en valeur absolue.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Le I de l’article L. 541-3 du code de l’environnement prévoit que, lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du chapitre 1er du titre IV du livre V du code de l’environnement et des règlements pris pour leur application (à l’exception des prescriptions prévues au I de l’article L. 541-21-2-3), l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut mettre en demeure le producteur ou détenteur des déchets d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation.

La commission spéciale a adopté l’amendement CS5494 du rapporteur qui complète l’article L. 541-46 du code de l’environnement pour créer un délit de mise en danger de l’environnement défini comme une circonstance aggravante du non-respect de cette mise en demeure. Lorsqu’il expose directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable, ce non‑respect est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Cette disposition vient compléter le dispositif du I de l’article 67, qui ne prenait pas en compte la question des infractions aux règles en matière de déchets.

Article 68
(articles L. 1721, L. 173‑3 et L. 1738 et titre III [nouveau] du livre II du code de l’environnement)
Renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution et création du délit d’écocide

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 68 vise à sanctionner plus fortement les atteintes graves et durables à la santé, à la faune, à la flore ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau en complétant l’article L. 173‑3 du code de l’environnement et en créant un titre dédié à la sanction pénale des atteintes générales aux milieux physiques. Ce titre comprend de nouveaux délits de pollution de l’air, de l’eau et des sols qui sont punis de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende ainsi qu’un délit d’écocide qui est puni de dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende. L’article 68 complète également la liste des peines complémentaires applicables aux personnes morales ayant commis des délits sanctionnés par le code de l’environnement.

I.   Le droit en vigueur

A.   un droit pÉnal qui ne comprend aucune infraction générique punissant les atteintes graves À l’environnement

Le droit pénal de l’environnement est caractérisé par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes tandis que les infractions spéciales par renvoi sont nombreuses, ce qui est lié au fait que nombre de délits ou contraventions en matière environnementale comportent dans leurs éléments constitutifs une condition d’illicéité définie par rapport à une norme administrative, française ou européenne ([389]). Par exemple, en ce qui concerne la répression des atteintes aux milieux naturels, il n’existe aucune infraction générique punissant les atteintes graves à l’environnement. Ce sont des dispositions sectorielles qui répriment séparément les atteintes aux différents milieux naturels que sont l’eau, l’air et les sols ([390]).

La pollution de l’eau et des milieux aquatiques et marins est principalement réprimée par les articles L. 216-6, L. 218-73 et L. 432-2 du code de l’environnement. L’article L. 216-6 du code de l’environnement punit de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende :

– le fait de « jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L. 218-73 et L. 432-2, ou des modifications significatives du régime normal d’alimentation en eau ou des limitations d’usage des zones de baignade » (toutefois cette sanction n’est pas applicable lorsque l’opération de rejet est autorisée par arrêté et que les prescriptions de l’arrêté ont été respectées) ;

– le fait de « jeter ou abandonner des déchets en quantité importante dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, sur les plages ou sur les rivages de la mer » (toutefois cette sanction ne s’applique pas aux rejets en mer effectués à partir des navires).

L’article L. 216-6 du code de l’environnement prévoit également pour ces deux délits la possibilité pour le tribunal d’imposer au condamné de procéder à la restauration du milieu aquatique.

En outre, l’article L. 218-73 du code de l’environnement punit de 22 500 euros d’amende le « fait de jeter, déverser ou laisser écouler, directement ou indirectement en mer ou dans la partie des cours d’eau, canaux ou plans d’eau où les eaux sont salées, des substances ou organismes nuisibles pour la conservation ou la reproduction des mammifères marins, poissons, crustacés, coquillages, mollusques ou végétaux, ou de nature à les rendre impropres à la consommation ».

Enfin, l’article L. 432-2 du code de l’environnement punit de deux ans d’emprisonnement et de 18 000 euros d’amende le fait jeter, déverser ou laisser écouler directement ou indirectement « des substances quelconques dont l’action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire » dans les cours d’eau, canaux, ruisseaux et plans d’eau qui sont d’eau douce et ne sont ni des eaux closes ni des piscicultures.

La pollution de l’air est essentiellement réprimée en cas de violation de la réglementation applicable aux sources d’émissions nocives ([391]). En particulier, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende :

 le fait pour une entreprise industrielle, commerciale, agricole ou de services d’émettre des substances polluantes constitutives d’une pollution atmosphérique en violation d’une mise en demeure prononcée en application des articles L. 171-7 ou L. 171-8 du code de l’environnement (article L. 226-9 du code de l’environnement) ;

– le fait de ne pas respecter les mesures d’interdiction ou les prescriptions du règlement (CE) n° 1005/2009 du 16 septembre 2019 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (article L. 521-21 du code de l’environnement).

Enfin, la pollution des sols est essentiellement réprimée par les dispositions applicables aux installations classées pour l’environnement (notamment les articles L. 173-1 et suivants du code de l’environnement) et celles relatives à la gestion des déchets ([392]).

Les règles relatives aux déchets sont notamment fixées par le titre IV du livre V du code de l’environnement. Les sanctions pénales relatives aux déchets non radioactifs figurent à la sous-section 2 de la section 6 du chapitre Ier. L’article L. 541-46 du code de l’environnement punit de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende une série de délits parmi lesquels figure le fait :

– de refuser de fournir à l’administration certaines informations qu’elle demande (comme des informations sur les modes de gestion des déchets et les conséquences de leur mise en œuvre ou encore sur la quantité ou la nature des déchets dangereux) ;

– de ne pas respecter les règles relatives à la fabrication, la détention, la vente, la mise à disposition de certains produits générateurs de déchets importants ;

– d’abandonner, déposer ou faire déposer des déchets dans des conditions contraires aux dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement ;

– de ne pas respecter les prescriptions prises pour le transport des déchets ;

– de gérer des déchets sans être titulaire de l’agrément prévu à l’article L. 541-22 du code de l’environnement ;

– de gérer des déchets sans respecter la réglementation relative à leur élimination et leur récupération ;

– de réaliser une opération de courtage ou de négoce des déchets sans autorisation ou déclaration ;

– de remettre ou faire remettre des déchets à tout autre que l’exploitant d’une installation agréée ;

– d’abandonner un véhicule privé des éléments indispensables à son utilisation normale et insusceptible de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols sur le domaine public ou le domaine privé de l’État ou des collectivités territoriales.

Outre les sanctions prévues aux articles L. 173-1 et L. 172-2, les contrevenants peuvent encourir des peines complémentaires.

L’article L. 173-7 du code de l’environnement prévoit que les personnes physiques coupables des infractions prévues par ce code encourent également, à titre de peine complémentaire :

– l’affichage ainsi que la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal ;

– la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, ou de la chose qui en est le produit direct ou indirect ;

– l’immobilisation, pendant une durée qui ne peut excéder un an, du véhicule, du navire, du bateau, de l’embarcation ou de l’aéronef dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ;

– l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.

L’article L. 173-8 du code de l’environnement prévoit que les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal ([393]) des infractions délictuelles prévues par le code de l’environnement encourent à titre de peine complémentaire :

– l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;

– le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

– la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

– l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

– l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;

– la peine de confiscation de certains biens meubles ou immeubles (tels que ceux qui ont servi à commettre l’infraction ou en sont le produit et dont le condamné est propriétaire) ;

– l’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

B.   l’écocide

Le terme « écocide » est construit à partir du préfixe « éco- », qui renvoie à la maison, à l’habitat (oikos en grec) et du suffixe « -cide », qui renvoie à l’idée de tuer (caedo en latin). De ce fait, comme le souligne Laurent Neyret, l’écocide renvoie « aux atteintes les plus graves en ce qu’elles ont pour effet de détruire l’environnement de manière irréversible » ([394]). Inventé par le biologiste Arthur W. Galston, le terme d’ « écocide » est repris par le Premier ministre suédois Olof Palme au sujet de la guerre du Vietnam dans son discours d’ouverture de la Conférence de Stockholm en 1972. Lors de la guerre du Vietnam, l’action de l’armée américaine a causé des dommages massifs à l’environnement, notamment par l’épandage de défoliants comme l’ « agent orange », les bombardements massifs (notamment avec des bombes incendiaires au napalm) ou encore le défrichage de vastes étendues par des bulldozers. La dénonciation de l’écocide commis au Vietnam est reprise en 1973 par Richard Falk, dans un article « Environmental Warfare and Ecocide. Facts, Appraisal and Proposals » publié dans la Revue belge de droit international. Dans cet article, il pointe les faiblesses du droit existant et présente le texte d’une convention internationale sur le crime d’écocide ainsi qu’un projet de protocole sur la guerre environnementale. ([395])

Depuis cette prise de conscience, le droit international a progressé mais reste encore insuffisant. Par exemple, pour répondre aux expérimentations menées pendant la guerre du Vietnam, la Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles signée à New York le 10 décembre 1976 interdit les techniques de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables ou graves en tant que moyens de causer des destructions. L’article 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale signé le 17 juillet 1998 inclut dans les crimes de guerre susceptibles d’être jugés par la Cour « le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causerait incidemment […] des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu ».

Le mouvement en faveur de la reconnaissance de l’écocide s’est amplifié ces dernières années, notamment sous l’impulsion de l’avocate britannique Polly Higgins qui publié en 2010 un ouvrage intitulé Eradicating Ecocide en réaction à l’affaire DeepWater horizon (plateforme pétrolière de BP qui a sombré au large du Mexique en avril 2010, entraînant une marée noire d’une ampleur extrême). Cet ouvrage a inspiré l’initiative citoyenne européenne lancée en 2013 pour « éradiquer l’écocide en Europe » ([396]), initiative qui vise à faire reconnaître le crime d’écocide par l’Union européenne. Le combat en faveur de la reconnaissance de l’écocide est également mené par des juristes français comme Valérie Cabanes ([397]) ou Laurent Neyret coordinateur du « projet Écocide », groupe de travail qui a remis à la garde des Sceaux en 2015 le rapport Des écocrimes à l’écocide ([398]). Laurent Neyret propose par exemple de faire évoluer le droit international pour permettre à la Cour pénale internationale de poursuivre le crime d’écocide, qui ne serait pas uniquement conçu comme un crime de guerre mais comme un crime pouvant également être perpétré en temps de paix.

Plus récemment, la Convention citoyenne pour le climat a proposé d’introduire, non dans le droit international, mais dans le droit national, des dispositions relatives à l’écocide. Ces dispositions doivent sanctionner le dépassement des limites planétaires.

Les limites planétaires

Les limites planétaires désignent les limites physiques que l’humanité ne doit pas dépasser afin de ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer. Ce concept est issu d’une étude publiée en 2009 par une équipe de vingt‑six chercheurs ([399]) et la situation de la France au regard des limites écologiques de la planète a été étudiée dans le cadre du rapport du ministère de la transition écologique et solidaire sur l’état de l’environnement, publié le 24 octobre 2019 ([400]).

Les limites planétaires sont définies en référence à des processus qui, ensemble, régulent la stabilité de la planète. La Convention citoyenne a proposé d’introduire dans le code de l’environnement un article L. 110-4 qui les définit de la manière suivante :

« Les limites planétaires déterminent les conditions dans lesquelles les activités humaines n’entravent pas le développement durable et juste de l’humanité.

 La définition des limites planétaires repose sur la fixation de seuils au-delà desquels le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité, les apports en azote et de phosphore à la biosphère et aux océans, le changement d’usage des sols, l’acidification des océans, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, l’usage de l’eau douce, la dispersion d’aérosols atmosphériques et la pollution chimique imputables aux activités sur le territoire national ne sont pas compatibles avec le développement durable et juste de l’humanité. » ([401]).

La Convention citoyenne pour le climat a également proposé de confier la détermination des limites planétaires à une autorité publique indépendante dénommée Haute Autorité pour les limites planétaires. Pour ce faire, elle propose d’introduire dans le code de l’environnement un article L. 135-2 qui prévoit qu’elle détermine de manière périodique et pour chaque région « les seuils au-delà desquels toute activité ou décision porte une atteinte grave et significative à chacune des neuf limites planétaires » ([402]).

La Convention citoyenne pour le climat a proposé d’insérer dans le livre V du code pénal un titre III intitulé « Des infractions en matière d’environnement » composé d’un chapitre unique intitulé « De la protection des limites planétaires ». Ce chapitre comprendrait un article 522-1 qui dispose que « constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires » et « dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement ». Le crime d’écocide serait puni de vingt ans de réclusion criminelle et d’une amende dont le montant pourrait être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 20 % du dernier chiffre d’affaires connu à la date de la commission des faits.

Ce chapitre comprendrait également un article 522-2 disposant que « constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste des limites planétaires » s’il « est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Cet article prévoirait que le délit d’écocide est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende d’un million d’euros dont le montant pourrait être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du dernier chiffre d’affaires connu à la date de la commission des faits. ([403])

II.   Les dispositions du projet de loi

A.   renforcement de la répression des faits prÉvus aux articles L. 173-1 et L.173-2 du code de l’environnement

Le I de l’article 68 insère un II dans l’article L. 173-3 du code de l’environnement pour renforcer les sanctions applicables aux infractions définies par les articles L. 173-1 et L. 173-2 du même code, lorsqu’elles entraînent des atteintes graves et durables à la santé, à la faune, à la flore ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.

Le premier alinéa du II de l’article L. 173-3 du code de l’environnement prévoit que sont punis de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du même code, « lorsqu’ils entraînent des atteintes graves et durables sur la santé, la flore, la faune, ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ».

Le second alinéa du II de l’article L. 173-3 définit les atteintes durables comme « les atteintes qui sont susceptibles de durer au moins dix ans. »

Enfin, le II de l’article prévoit que l’amende d’un million d’euros peut être portée jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

B.   augmentation du nombre de peines complÉmentaires pouvant Être prononcÉes contre les personnes morales

Pour renforcer l’effet dissuasif des sanctions prévues par le code de l’environnement pour les délits, le II de l’article 68 complète l’article L. 173‑8 du code de l’environnement.

Il ajoute à la liste des peines complémentaires encourues par les personnes reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal des infractions délictuelles prévues par le code de l’environnement :

– la dissolution, qui peut être prononcée :

● lorsque la personne morale a été créée pour commettre les faits incriminés ;

 lorsque la personne morale a été détournée de son objet pour commettre les faits incriminés (dans ce cas, la dissolution ne peut être prononcée que si le délit est puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, pour les personnes physiques) ;

– l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public.

C.   CrÉation dans le code de l’environnement d’un titre consacrÉ À la sanction pÉnale des atteintes gÉnÉrales aux milieux physiques

Le III de l’article 68 complète le livre II du code de l’environnement par un titre III consacré à la sanction pénale des atteintes générales aux milieux physiques qui comprend un article L. 230-1 (qui définit un nouveau délit de pollution de l’air et de l’eau), un article L. 230-2 (qui définit un nouveau délit de pollution des sols par les déchets) et un article L. 230-3 qui définit le délit d’écocide.

Les IV, V et VI de l’article 68 tirent les conséquences de la création de ce titre. Les IV et V procèdent à des modifications de coordination au sein du code l’environnement pour prendre en compte la création de ce titre. Le VI prévoit que les commissionnements délivrés aux inspecteurs de l’environnement pour rechercher et constater l’infraction prévue à l’article L. 216-6 du code de l’environnement (relative à la pollution de l’eau) valent également pour rechercher et constater les infractions créées par le nouveau titre.

1.   Création d’un nouveau délit de pollution de l’air et de l’eau

L’article L. 230-1 du code de l’environnement définit un nouveau délit de pollution de l’air et de pollution de l’eau, dont le champ d’application est plus large que les infractions sectorielles existantes. L’élément matériel consiste dans la réalisation d’un dommage. En ce qui concerne l’élément moral, il s’agit d’un délit non intentionnel ([404]).

Le premier alinéa de l’article L. 230-1 prévoit qu’est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende le fait, « en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », d’émettre dans l’air, de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux « une ou des substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune » ou « des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau ». Le cinquième alinéa de l’article précise que « sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins dix ans ».

Le premier alinéa de l’article L. 230-1 prévoit que montant de l’amende, qui est normalement d’un million d’euros d’amende, peut être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Les deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 230-1 précisent que le respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente pour les opérations de rejet autorisées et l’utilisation de substances autorisées et que le respect des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente pour les émissions dans l’air sont des causes d’exonération de responsabilité.

Le nouvel article L. 230-1 précise qu’il ne s’applique pas aux dommages de pollution de l’eau mentionnés aux articles L. 218-73 et L. 432-2 du code de l’environnement. En effet, ces articles s’appliquent, que les lois, règlements et prescriptions édictées par l’autorité administrative aient été respectés ou non. Ces dommages sont punis de peines plus faibles. L’article L. 218-73 punit de 22 500 euros d’amende la pollution de l’eau salée affectant les mammifères marins ou encore les poissons. L’article L. 432-2 du code de l’environnement punit de 18 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement les pollutions qui affectent les poissons dans les cours d’eau, canaux, ruisseaux et plans d’eau qui sont d’eau douce.

2.   Création d’un nouveau délit de pollution des sols

Le nouvel article L. 230-2 du code de l’environnement créé par le III de l’article 68 concerne quant à lui la protection des sols, et plus particulièrement la pollution des sols par des déchets. L’élément matériel est double : il faut qu’il y ait une pollution qui soit le résultat de la méconnaissance des règles de prévention et de gestion des déchets, déjà érigée en infraction indépendamment de tout dommage à l’environnement par des dispositions du code de l’environnement. En ce qui concerne l’élément moral, il s’agit d’un délit intentionnel ([405]).

Le nouvel article L. 230-2 du code de l’environnement punit de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende « le fait d’abandonner, déposer ou faire déposer des déchets » en violation des règles posées par le chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement lorsqu’ils « entraînent le dépôt, le déversement ou l’écoulement dans ou sur les sols de substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets qui portent une atteinte grave et durable sur la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols ».

Le nouvel article L. 230-2 punit également de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende le fait de « gérer des déchets » en violation de prescriptions fixées en application du code de l’environnement lorsqu’ils « entraînent le dépôt, le déversement ou l’écoulement dans ou sur les sols de substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets qui portent une atteinte grave et durable sur la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols ». Pour que l’infraction puisse être caractérisée, il faut qu’il y ait eu violation des prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre fixées en application des articles suivants du code de l’environnement :

– l’article L. 541-2, qui dispose que tout producteur ou détenteur de déchets « est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions » du chapitre Ier du titre IV du libre V du code de l’environnement et « s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge » ;

– l’article L. 541-2-1, qui dispose que les producteurs et détenteurs de déchets (qui ne sont pas des ménages) « en organisent la gestion en respectant le principe de proximité ([406]) et la hiérarchie des modes de traitement ([407])», qu’ils « ne peuvent éliminer ou faire éliminer dans des installations de stockage de déchets que des déchets ultimes ([408])» et qu’ils « ne peuvent éliminer ou faire éliminer leurs déchets dans des installations de stockage ou d’incinération de déchets que s’ils justifient qu’ils respectent les obligations de tri » prévues par le chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement ;

– l’article L. 541-7-2, qui interdit « le mélange de déchets dangereux de catégories différentes, le mélange de déchets dangereux avec des déchets non dangereux et le mélange de déchets dangereux avec des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets » ;

– l’article L. 541-21-1, qui prévoit que « les personnes qui produisent ou détiennent des quantités importantes de déchets composés majoritairement de biodéchets sont tenues de mettre en place un tri à la source de ces biodéchets et soit une valorisation sur place ; soit une collecte séparée des biodéchets », que « les biodéchets qui ont fait l’objet d’un tri à la source ne sont pas mélangés avec d’autres déchets » et que les biodéchets ne peuvent être éliminés ni par brûlage à l’air libre ni au moyen d’équipements ou matériels extérieurs ;

– l’article L. 541-22, qui dispose que « pour certaines des catégories de déchets précisées par décret, l’administration fixe, sur tout ou partie du territoire national, les conditions d’exercice de l’activité de gestion des déchets. Ces mêmes catégories de déchets ne peuvent être traitées que dans les installations pour lesquelles l’exploitant est titulaire d’un agrément de l’administration. »

Le nouvel article L. 230-2 du code de l’environnement prévoit que le montant d’un million d’euros d’amende peut être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Enfin, cet article donne la même définition des effets durables de la pollution que le nouvel article L. 230-1 du code de l’environnement en prévoyant que « sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins dix ans ».

3.   Création d’un délit d’écocide

Le nouvel article L. 230-3 du code de l’environnement créé par le III de l’article 68 définit le délit d’écocide, qui recouvre plusieurs cas de figure :

– la commission de manière intentionnelle du délit de pollution de l’eau ou de l’air prévu par le nouvel l’article L. 230-1 du code (qui est un délit non intentionnel) ;

– la commission du délit de pollution des sols par des déchets, défini par l’article L. 230-2 du code « en ayant connaissance du caractère grave et durable des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits » ;

 la commission du délit prévu au II de l’article L.173-3 du code « en ayant connaissance du caractère grave et durable des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits ».

Le délit d’écocide est puni de dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende (alors que les articles L. 230-1, L. 230-2 et le II de l’article L. 173‑3 du code de l’environnement prévoient une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende). En outre, l’amende de 4,5 millions d’euros peut être portée jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Enfin, reprenant une formule analogue à celle utilisées par les articles L. 230‑1 et L. 230-2, l’article L. 230-3 précise que « sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore, la faune, la qualité de l’air, de l’eau ou des sols qui sont susceptibles de durer au moins dix ans. »

L’article 68 du projet de loi a donc repris le principe de la création d’une infraction d’écocide sans retenir la rédaction issue des travaux de la Convention citoyenne. En effet, cette rédaction comportait certains problèmes juridiques liés notamment au fait que l’infraction d’écocide est définie en référence au dépassement des « limites planétaires » qui présentent un caractère de généralité difficilement compatible avec l’exigence de précision de la loi pénale. De plus, le législateur pourrait ne pas avoir épuisé sa compétence dès lors que l’on renverrait à une autorité administrative (la Haute Autorité des limites planétaires) le soin de définir les seuils de dépassement des limites planétaires, alors même qu’il s’agit d’éléments altérant l’unité de la définition légale de l’infraction ([409]). Par ailleurs, l’étude d’impact du projet de loi indique que « les activités humaines ayant toutes des conséquences sur l’environnement, il revient aux pouvoirs publics de déterminer celles qui sont acceptables ou non plutôt que de faire peser sur les acteurs économiques un risque pénal pour une activité qui était autorisée au moment des faits » et que « la construction d’un droit pénal de l’environnement autonome, qui viendrait protéger l’environnement pour lui-même, sans référence au respect de la réglementation, n’apparaît pas envisageable » ([410]).

Cette disposition s’inscrit dans le prolongement de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à instaurer un crime et un délit d’écocide.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPéciale

Outre une série d’amendements rédactionnels, la commission spéciale a adopté les amendements CS5500, CS5511 et CS5512 du rapporteur qui prévoient que le délai de prescription de l’action publique des différents délits créés par l’article 68 court à compter de la découverte du dommage, comme c’est par exemple le cas pour les délits de pollution de l’eau réprimés en application de l’article L. 216‑6 du code de l’environnement En effet, en l’absence d’une telle précision, c’est le délai de prescription prévu à l’article 8 du code de procédure pénale qui s’appliquerait (six années à compter du jour où l’infraction a été commise.).

Article 69
(articles L. 231‑4 et L. 2315 [nouveaux] du code de l’environnement)
Possibilité d’imposer la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction

Adopté par la commission spéciale avec modifications

 

L’article 69 prévoit la possibilité pour le tribunal d’imposer la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction pour les infractions créées par l’article 68 et celles prévues par l’article L. 173‑3 du code de l’environnement.

Il prévoit également que, pour ces infractions, le quintuplement du montant de l’amende pour les personnes morales ne s’applique qu’aux amendes exprimées en valeur absolue.

I.   Le droit en vigueur

Le premier alinéa de l’article L. 173-9 du code de l’environnement permet aux personnes physiques ou morales condamnées pour une infraction au code de l’environnement de bénéficier des dispositions du code pénal concernant l’ajournement de peine avec injonction. Ces dispositions figurent aux articles 132-66 à 132-70 du code pénal.

L’injonction consiste à demander à l’auteur de l’infraction reconnu coupable de se conformer aux prescriptions prévues par la loi, éventuellement sous astreinte (articles 132-66 et 132-67 du code pénal).

L’article 132-69 du code pénal prévoit que, si les prescriptions ont été exécutées dans le délai fixé, le juge peut soit dispenser le coupable de peine, soit prononcer les peines prévues par la loi ou le règlement. Si les prescriptions ont été exécutées avec retard, la juridiction liquide l’astreinte (s’il y a lieu), et prononce les peines prévues par la loi ou le règlement. Si les prescriptions n’ont pas été exécutées, la juridiction liquide l’astreinte (s’il y a lieu), prononce les peines et peut ordonner que l’exécution de ces prescriptions sera poursuivie d’office aux frais du condamné. Enfin, l’article 132-69 prévoit que, sauf dispositions contraires, la décision sur la peine intervient au plus tard un an après la décision d’ajournement.

Le deuxième alinéa de l’article L. 173-9 du code de l’environnement prévoit que, par dérogation à l’article 132-69 du code pénal, la décision sur la peine intervient au plus tard deux ans après la décision d’ajournement, lorsqu’il est fait application du 2° de l’article L. 173-5 du code de l’environnement.

Le 2° de l’article L. 173-5 du code de l’environnement dispose qu’en cas de condamnation d’une personne physique ou morale pour une infraction prévue par ce code, le tribunal peut ordonner des mesures destinées à remettre en état les lieux auxquels il a été porté atteinte par les faits incriminés ou à réparer les dommages causés à l’environnement. Cette injonction peut être assortie d’une astreinte journalière d’un montant maximal de 3 000 euros, pour une durée d’un an au plus. Le tribunal peut décider que ces mesures seront exécutées d’office aux frais de l’exploitant et ordonner la consignation par l’exploitant entre les mains d’un comptable public d’une somme répondant du montant des travaux à réaliser.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 69 insère dans le titre III du livre II du code de l’environnement créé par l’article 68 un article L. 230-4.

Le de cet article prévoit que, pour les infractions prévues par l’article L. 173‑3 du code de l’environnement ainsi que pour les articles créés par l’article 68 (articles L. 173‑3‑1 et L. 230‑1 à L. 230-3), le tribunal pourra imposer au condamné de procéder à la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction prévue par l’article L. 173‑9 du même code.

Le du nouvel article L. 230-4 prévoit que, pour ces mêmes infractions, les dispositions du premier alinéa de l’article 131‑38 du code pénal (qui prévoit que le taux maximal de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction) s’appliquent uniquement aux amendes exprimées en valeur absolue. Cette mesure permet de respecter le principe de proportionnalité des peines ([411]).

III.   les travaux de la commission spéciale

La commission spéciale a adopté un amendement CS4721 de M. Lénaïck Adam et des membres du groupe La République en Marche qui insère un article L. 231‑5 dans le code de l’environnement pour définir la liste des agents habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du titre III du livre II du code de l’environnement créé par l’article 68 qui est consacré à la sanction pénale des atteintes générales aux milieux physiques. Les agents qui peuvent constater ces infractions sont :

– les officiers de police judiciaire ;

– les agents de police judiciaire ;

– les inspecteurs de l’environnement mentionnés à l’article L. 172‑1 du code de l’environnement ;

– les agents des douanes ;

– les inspecteurs de la sûreté nucléaire (dans les conditions prévues au chapitre VI du titre IX du livre V du code de l’environnement) ;

– les agents de l’Office national des forêts commissionnés à raison de leurs compétences en matière forestière et assermentés à cet effet ;

– les agents des réserves naturelles mentionnés à l’article L. 332‑20, agissant dans les conditions prévues à cet article ;

– les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui disposent à cet effet des pouvoirs prévus au I de l’article L. 511‑22 du code de la consommation ;

– les ingénieurs et techniciens du laboratoire central et les inspecteurs de salubrité de la préfecture de police. 

Article 70 (nouveau)
(articles L. 21811, L. 21834, L. 21848, L. 21864, L. 21873, L. 33126, L. 33225, L. 34119, L. 41531, L. 4367, L. 43616, L. 43722 et L. 7135 du code de l’environnement)
Relèvement du montant des amendes pour certaines infractions en matière environnementale

Créé par la commission spéciale

 

L’article 70 rehausse les peines d’amende prévues par une série d’articles du code de l’environnement qui concernent la protection des eaux, des parcs et réserves naturels, des sites inscrits et classés et des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées ainsi que la pêche et la protection de l’Antarctique.

L’article 70 a été introduit par l’adoption par la commission spéciale de l’amendement CS5516 du rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement des réflexions menées lors des débats sur la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

Cet article rehausse les peines d’amende prévues par une série d’articles du code de l’environnement qui concernent la protection des eaux, des parcs et réserves naturels, des sites inscrits et classés et des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées ainsi que la pêche et la protection de l’Antarctique.

A.   renforcement des sanctions relatives À la protection des eaux

Le 1° du I modifie l’article L. 218‑11 du code de l’environnement pour faire passer l’amende sanctionnant les rejets polluants des navires de 50 000 euros à 100 000 euros. Elle passe de 100 000 euros à 200 000 euros en cas de récidive,

Le 2° du I modifie l’article L. 218‑34 du code de l’environnement pour augmenter les amendes relatives aux infractions à l’article L. 218-32 qui concernent notamment les rejets à la mer d’hydrocarbures ou de mélanges d’hydrocarbures susceptibles de porter atteinte à la santé publique, à la faune et à la flore marines et au développement économique et touristique des régions côtières. L’amende prévu par l’article passe de 18 000 euros à 100 000 euros et son montant peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Le 3° du I modifie l’article L. 218‑48 du code de l’environnement pour faire passer l’amende pour les infractions aux opérations d’immersion de déchets ou d’autres matières de 18 000 euros à 100 000 euros. Son montant peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Le 4° du I modifie l’article L. 218‑64 du code de l’environnement pour faire passer l’amende relative aux infractions aux opérations d’incinération en mer de 75 000 euros à 100 000 euros. Son montant peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Le 5° du I modifie l’article L. 218‑73 du code de l’environnement pour faire passer de 22 500 euros à 100 000 euros l’amende sanctionnant le fait de jeter, déverser ou laisser écouler, directement ou indirectement en mer ou dans la partie des cours d’eau, canaux ou plans d’eau où les eaux sont salées, des substances ou organismes nuisibles pour la conservation ou la reproduction des mammifères marins, poissons, crustacés, coquillages, mollusques ou végétaux, ou de nature à les rendre impropres à la consommation. Le montant de l’amende peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

B.   Renforcement des sanctions relatives à la protection des parcs et réserves naturels et des sites inscrits et classés

Le 1° du II modifie l’article L. 331‑26 du code de l’environnement pour augmenter les amendes relatives aux infractions concernant les travaux, constructions et installations dans le cœur d’un parc national ou dans les espaces ayant vocation à le devenir, l’exercice d’activités interdites dans le cœur d’un parc national et l’exercice d’activités dans le cœur d’un parc national réalisées en méconnaissance de la réglementation dont elles sont l’objet. L’amende passe de 75 000 euros à 100 000 euros et le montant peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Le 2° du II modifie l’article L. 331‑27 du code de l’environnement pour faire passer de 75 000 euros à 100 000 euros l’amende applicable en cas d’opposition à l’exécution de travaux ou de mesures de restauration des écosystèmes prescrits ou ordonnés par l’établissement public d’un parc national. Le montant de l’amende peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Le 3° du II modifie l’article L. 332‑25 du code de l’environnement qui sanctionne :

– le non-respect des prescriptions ou interdictions édictées par la réglementation de la réserve naturelle ou de son périmètre de protection, lorsque ce fait a causé une atteinte non négligeable au développement naturel de la faune et de la flore ou au patrimoine géologique ;

– la modification de l’état ou l’aspect des lieux en instance de classement en réserve naturelle, sans autorisation ;

– la destruction ou la modification de l’état ou de l’aspect de territoires classés en réserve naturelle, sans autorisation.

L’amende passe de 9 000 euros à 30 000 euros et le montant peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Le 4° du II modifie l’article L. 341‑19 du code de l’environnement pour augmenter les amendes en cas de non-respect des dispositions relatives aux sites inscrits et classés. Il modifie le I de cet article pour faire passer de 30 000 euros à 100 000 euros l’amende qui sanctionne le fait :

– de procéder à des travaux sur un monument naturel ou un site inscrit sans en aviser l’administration ;

– d’aliéner un monument naturel ou un site classé sans faire connaître à l’acquéreur l’existence du classement dans les conditions prévues à l’article L. 341-9 ;

– d’établir une servitude sur un monument naturel ou un site classé sans l’agrément de l’administration.

Il modifie le III de cet article pour faire passer de 300 000 euros à 350 000 euros l’amende qui sanctionne le fait :

– de modifier l’état ou l’aspect d’un monument naturel ou d’un site en instance de classement sans autorisation ;

– de détruire un monument naturel ou un site classé ou d’en modifier l’état ou l’aspect sans autorisation ;

– de ne pas se conformer aux prescriptions fixées par un décret de création d’une zone de protection pris en application de l’article 19 de la loi du 2 mai 1930 et continuant à produire ses effets en application de l’article L. 642-9 du code du patrimoine.

La nouvelle rédaction de l’article L. 341‑19 prévoit que le montant de l’amende prévue par le III de cet article peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission des infractions concernées. Elle prévoit aussi que le montant de l’amende de 150 000 euros prévue par le II de l’article pour sanctionner le fait de modifier l’état ou l’aspect d’un monument naturel ou d’un site en instance de classement ou classé, en méconnaissance des prescriptions édictées par les autorisations, peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la méconnaissance des prescriptions. 

C.   renforcement des sanctions relatives à la protection des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées

Le 1° du III modifie l’article L. 415‑3‑1 du code de l’environnement relatif aux ressources génétiques ou à des connaissances traditionnelles associées.

Cet article punit d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait :

– d’utiliser des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées sans disposer (lorsqu’ils sont obligatoires) des documents mentionnés au 3 de l’article 4 du règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ;

– de ne pas rechercher, conserver ou transmettre aux utilisateurs ultérieurs les informations pertinentes sur l’accès et le partage des avantages pour les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées en application du même article 4.

L’article L. 415‑3‑1 prévoit aussi que l’amende est portée à un million d’euros lorsque l’utilisation des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles a donné lieu à une utilisation commerciale.

Le 1° du III modifie cet article pour prévoir que le montant de l’amende prévu par l’article L. 415‑3‑1 peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

D.   renforcement des sanctions relatives à la pêche

Le 2° du III modifie l’article L. 436‑7 du code de l’environnement pour faire passer de 4 500 euros à 100 000 euros le montant des amendes sanctionnant le fait :

– de jeter dans les eaux douces des drogues ou appâts en vue d’enivrer le poisson ou de le détruire ;

– d’utiliser des explosifs, des procédés d’électrocution ou des produits ou moyens non autorisés pour capturer ou détruire le poisson.

Le 3° du III modifie l’article L. 436‑16 du code de l’environnement. Cet article concerne la pêche de l’anguille européenne, de l’esturgeon européen, du saumon atlantique ainsi que des carpes communes de plus de soixante centimètres. Il punit le fait :

– de pêcher ces espèces dans une zone ou à une période où leur pêche est interdite ;

– d’utiliser pour la pêche de ces espèces tout engin, instrument ou appareil interdit ou de pratiquer tout mode de pêche interdit pour ces espèces ;

– de détenir un engin, instrument ou appareil utilisable pour la pêche de ces mêmes espèces à une période et dans une zone ou à proximité immédiate d’une zone où leur pêche est interdite (à l’exclusion de ceux entreposés dans des locaux déclarés à l’autorité administrative) ;

– de vendre, mettre en vente, transporter, colporter ou acheter ces mêmes espèces, lorsqu’on les sait provenir d’actes de pêche réalisés dans une zone ou à une période où leur pêche est interdite.

Les infractions concernant l’anguille européenne, l’esturgeon européen et le saumon atlantique sont punies de six mois d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende. Les infractions concernant les carpes communes de plus de soixante centimètres sont punies de 22 500 euros d’amende. Le fait pour un pêcheur amateur, de transporter vivantes ces carpes est également puni de 22 500 euros d’amende.

Le 3° du III prévoit que le montant des amendes prévues par l’article L. 436‑16 peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de l’infraction

Le 4° du III modifie l’article L. 437‑22 du code de l’environnement pour augmenter l’amende sanctionnant le fait de pêcher malgré l’exclusion d’une association agréée de pêche. L’amende passe de 3 750 euros à 30 000 euros et ce montant peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de l’infraction.

E.   renforcement des sanctions relatives au non-respect du traité sur l’Antarctique

Le IV modifie l’article L. 713‑5 du code de l’environnement pour augmenter les sanctions applicables en cas de non-respect du traité sur l’Antarctique.

Le 1° de l’article L. 7135 sanctionne le fait d’organiser ou de participer à une activité qui n’a pas fait l’objet de l’autorisation ou de méconnaître les conditions de cette autorisation. Cette infraction est passible d’une amende de 75 000 euros. Le IV de l’article 70 prévoit que le montant de l’amende peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Le IV de l’article 70 modifie également le 2° de l’article L. 7135 pour faire passer de 30 000 euros à 100 000 euros l’amende qui sanctionne le fait :

– de mener en Antarctique une activité de prospection ou d’exploitation des ressources minérales (à l’exception des activités menées pour les besoins de la recherche scientifique dans les limites de l’autorisation délivrée à cet effet) ;

– de commercialiser les matériaux résultant d’une activité illicite de prospection ou d’exploitation de ressources minérales en Antarctique.

La nouvelle rédaction du 2° de l’article L. 713‑5 prévoit que le montant peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction

Le IV de l’article 70 modifie enfin le 3° de l’article L. 7135 pour faire passer de 75 000 euros à 375 000 euros l’amende qui sanctionne le fait d’introduire des déchets radioactifs en Antarctique ou de les y éliminer. Il prévoit que le montant de l’amende peut être porté jusqu’au double de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Article 71 (nouveau)
(articles L. 5011 et L. 5012 [nouveaux] du code de l’environnement)
Création du bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels

Créé par la commission spéciale

 

L’article 71 crée un bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels.

L’article 71 a été introduit par l’adoption par la commission spéciale de l’amendement CS 5473 du Gouvernement qui a fait l’objet du sous-amendement CS5513 de M. Damien Adam.

Le I de cet article insère dans le code de l’environnement deux nouveaux articles L. 501‑1 et L. 501‑2 qui instituent un bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels. La création d’un tel bureau avait été proposée par M. Damien Adam dans son rapport d’information sur l’incendie du site de Lubrizol ([412]) et le Gouvernement s’était engagé à créer un tel bureau dans le cadre du plan d’action qu’il avait mis en place suite à cet incendie.

L’article L. 5011 institue un bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels qui est un service à compétence nationale.

Le I de l’article L. 5011 prévoit que ce bureau est chargé d’effectuer des enquêtes sur certains accidents survenus sur les installations mentionnées à l’article L. 515-32 du code de l’environnement, c’est-à-dire des installations dans lesquelles des substances, préparations ou mélanges dangereux sont présents dans des quantités telles qu’ils peuvent être à l’origine d’accidents majeurs et qui figurent sur une liste fixée par décret en Conseil d’État. Il doit effectuer une enquête technique systématique en cas d’accident majeur entraînant des atteintes graves et durables sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau et devant faire l’objet d’une notification à la Commission européenne.

Le I de l’article L. 5011 prévoit que ce bureau peut aussi faire, à son initiative ou sur demande du ministre compétent, une enquête technique sur tout accident survenu :

– dans une installation classée pour la protection de l’environnement ;

– dans une mine ;

– sur des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution de fluides au sens de l’article L. 554‑5 du code de l’environnement ;

– sur des produits et équipements à risque au sens du chapitre VII du titre V du livre V du code de l’environnement ;

– sur une infrastructure visée à l’article L. 551‑2 du code de l’environnement (infrastructure pouvant présenter de graves dangers pour la sécurité des populations, la salubrité et la santé publiques, directement ou par pollution du milieu, et pour laquelle une étude de dangers doit être réalisée).

Le II de l’article L. 501-1 prévoit que les installations et activités relevant de la police spéciale de l’Autorité de sûreté nucléaire sont soumises exclusivement aux enquêtes techniques prévues aux articles L. 592‑35 et suivants du code de l’environnement.

Le III de l’article L. 501-1 prévoit que les activités, installations, ouvrages et travaux relevant du ministre des armées ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 501-1.

Le IV de l’article L. 501-1 prévoit que l’État peut mettre à la charge de l’exploitant de l’installation ou du dispositif concerné, les frais relatifs aux expertises et analyses sur les risques industriels ou sur les atteintes à l’environnement sollicitées par le bureau d’enquêtes, sans préjudice de l’indemnisation des dommages subis par les tiers. 

L’article L. 501-2 prévoit que l’enquête technique prévue à l’article L. 501‑1 a pour seul objet l’amélioration de la sécurité et la prévention de futurs accidents sans détermination des fautes ou des responsabilités. Sans préjudice, le cas échéant, de l’enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l’accident et, s’il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité.

Enfin, le II de l’article 71 prévoit que, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, les mesures relevant du domaine de la loi qui sont nécessaires afin de définir les modalités de l’enquête technique réalisée par le bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels. Cette ordonnance doit être prise dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi et le projet de loi de ratification de l’ordonnance doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Article 72 (nouveau)
(article L. 541441 du code de l’environnement)
Renforcement de la lutte contre les dépôts sauvages

Créé par la commission spéciale

 

L’article 72 ajoute les agents des groupements de collectivités territoriales à la liste des personnes habilitées par l’article L. 541‑44‑1 du code de l’environnement à constater les infractions relatives aux déchets prévues par le code pénal.

L’article 72 a été introduit par l’adoption de l’amendement CS2682 de M. Gérard Leseul (SOC). Il ajoute les agents des groupements de collectivités territoriales à la liste des personnes habilitées par l’article L. 541‑44‑1 du code de l’environnement à constater les infractions relatives aux déchets prévues par le code pénal. Cette disposition permet d’améliorer la lutte contre les dépôts sauvages.

Article 73 (nouveau)
Rapport sur l’application des dispositions des articles 67 et 68 de la loi et sur celles introduites par les articles 15 à 20 de la loi
du 24 décembre 2020

Créé par la commission spéciale

 

L’article 73 prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur l’application des dispositions des articles 67 et 68 de la présente loi et sur celles introduites par les articles 15 à 20 de la loi n° 2020 1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

L’article 73 est issu de l’adoption par la commission spéciale de l’amendement CS5517 du rapporteur. Cet amendement prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur l’application des dispositions des articles 67 et 68 de la présente loi et sur celles introduites par les articles 15 à 20 de la loi n° 20201672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

Ce rapport doit notamment présenter l’incidence de ces dispositions sur le taux et la nature de la réponse pénale aux infractions prévues par le code de l’environnement et constatées par les agents habilités à cet effet, le nombre de condamnations et le montant des peines prononcées en matière environnementale. Le cas échéant, ce rapport propose des mesures législatives complémentaires pour assurer une sanction efficace et proportionnée des atteintes à l’environnement.

L’article 73 prévoit que ce rapport doit être remis au Parlement dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi

Article 74 (nouveau)
Rapport sur l’action du Gouvernement en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales

Créé par la commission spéciale

 

L’article 74 prévoit la remise d’un rapport sur l’action du Gouvernement en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales.

L’article 74 est issu de l’adoption par la commission spéciale de l’amendement CS5509 du rapporteur.

Il prévoit que, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur son action en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales.

En effet, si le combat en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par une juridiction pénale internationale a débuté dans les années 1970, l’évolution du droit international sur ce point reste insuffisante (voir B du I du commentaire de l’article 68). Le mouvement en faveur de la reconnaissance du crime d’écocide s’est amplifié ces dernières années, porté notamment par plusieurs juristes. Aujourd’hui, plus que jamais, il apparaît nécessaire de faire évoluer le droit international pour permettre à la Cour pénale internationale de poursuivre le crime d’écocide, qui ne serait pas uniquement conçu comme un crime de guerre mais comme un crime pouvant également être commis en temps de paix. Dans ce contexte, il est indispensable que la France porte ce projet au niveau international.

Article 75 (nouveau)
Rapport sur la recodification à droit constant des infractions relatives à l’environnement

Créé par la commission spéciale

 

L’article 75 prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement sur l’opportunité de procéder à une recodification à droit constant des dispositions pénales concernant les infractions relatives à l’environnement contenues dans les différents codes et textes non codifiés.

L’article 75 est issu de l’adoption par la commission spéciale de l’amendement CS5510 du rapporteur.

Il prévoit que, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de procéder à une recodification à droit constant des dispositions pénales concernant les infractions relatives à l’environnement contenues dans les différents codes et textes non codifiés.

En effet, comme l’a souligné le rapport de 2019 Une justice pour l’environnement, « le droit pénal de l’environnement est caractérisé par un éparpillement des textes d’incriminations et de répression dans différents codes, principalement le code de l’environnement, le code forestier, le code rural, le code minier, et plus marginalement dans le code pénal ou dans divers textes épars » ([413]). Au sein même du code de l’environnement, les dispositions répressives figurent dans plusieurs titres. Cette situation altère considérablement la lisibilité du droit, tant pour les justiciables que pour les praticiens du droit. Elle complique la tâche des enquêteurs et des juges. De ce fait, une réorganisation à droit constant des dispositions pénales relatives aux infractions environnementales semble nécessaire.

 


([1]) La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page

([2]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement

([3]) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement

([4]) Rapport d’information (n° 3386) sur la mise en application de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (rapporteures : Mmes Stéphanie Kerbarh et Mathilde Panot)

([5]) Les « produits liés à l’énergie » sont définis par la directive comme l’ensemble des biens ayant un impact sur la consommation d’énergie durant leur utilisation.

([6]) Règlement (UE) 2017/1369 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2017 établissant un cadre pour l’étiquetage énergétique et abrogeant la directive 2010/30/UE.

([7]) Règlement (CE) n° 66-2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 établissant le label écologique de l’UE

([8]) Proposition de loi du 23e Parlement des enfants, visant à diminuer l’empreinte environnementale du numérique

([9]) Décret n° 2006-1464 du 28 novembre 2006 relatif à la promotion des économies d’énergie dans les messages publicitaires des entreprises du secteur énergétique. (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000610775/)

([10]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000462516

([11]) Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039666574/)

([12]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/)

([13]) https://www.doctrine.fr/d/TGI/Versailles/2016/U90375DF1F4FC41829EE0

([14]) https://fne-midipyrenees.fr/2019/02/18/publicite-illicite-de-vehicules-dans-les-espaces-naturels-le-tribunal-de-toulouse-condamne-la-societe-suzuki/

([15]) Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000344577/

([16]) Rapport « Publicité : pour une loi Evin Climat », page 41.

([17]) The impact of tobacco advertising bans on consumption in developing country, Evan Harold Blecher, article

paru dans le Journal of Health Economics, août 2008.

([18]) Loi n° 85-706 du 12 juillet 1985 relative à la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000511951/

([19]) Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991, considérant 14 – https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1991/90283DC.htm

([20]) Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020 –

https://www.conseilconstitutionnel.fr/decision/2020/2019823QPC.htm  

([21]) https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-de-deontologie/developpement-durable/

([22]) https://drive.google.com/file/d/108aqoFgt3kGNc-K8F3T6wFloYpEWiv3D/view  

([23]) http://www.epe-asso.org/zen-2050-imaginer-et-construire-une-france-neutre-en-carbone-mai-2019/

([24]) Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels.

([25]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000042727264/2020-12-24/

([26]) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/274683.pdf

([27]) Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l’évolution des réalités du marché - https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L1808&from=FR

([28]) Cette disposition figurait initialement à l’article 54 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique.

([29]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043070666

([30]) Anne Perrot, Matthias Emmerich et Quentin Jagorel, Publicité en ligne : pour un marché à armes égales, Rapport, novembre 2020 - https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/277709.pdf

([31]) Sans compter les 491 RLP dits de première génération en vigueur avant la publication de loi Grenelle II du 12 juillet 2010, qui étaient compris dans les résultats de l’enquête de 2018 mais qui sont devenus caducs le 14 janvier 2021 en application de l’article L. 581‑14‑3 du code de l’environnement.

([32]) Cette enquête repose toutefois sur des données déclaratives issues des services déconcentrés qui ne font pas de recensement et d’analyse systématiques du nombre et des caractéristiques des RLP à l’échelle de leur territoire.

([33]) En application de la décision de Section Commune du Port n° 167483 du 28 février 1997 du Conseil d’État.

([34]) CE, 28/10/2009, Ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire c/ Sté Zara, req. n° 322758.

([35]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022470434/

([36]https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/plan_actions_imprimes_publicitaires_sans_adresse_14022021.pdf

([37]) Amendement n° CD1527 - https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2274/CION-DVP/CD1527.pdf

([38]) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/274683.pdf

([39]) Une exception est prévue pour les sacs compostables en compostage domestique et qui sont constitués, au moins partiellement, de matières biosourcées.

([40]) Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives.

([41]) Les cinq directives formant le « paquet économie circulaire » sont : la directive (UE) 2018/851 du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets ; la directive (UE) 2018/852 du 30 mai 2018 modifiant la directive relative aux emballages et aux déchets d’emballages ; la directive (UE) 2018/849 du 30 mai 2018 modifiant la directive 2000/53/CE relative aux véhicules hors d’usage, la directive 2006/66/CE relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs, et la directive 2012/19/UE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques ; la directive (UE) 2018/850 du 30 mai 2018 modifiant la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets ; et la directive (UE) 2019/904 du 5 juin 2019 relative à l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement.

([42]) Article 6 ter de la directive « emballages et déchets d’emballage » précitée du 30 mai 2018.

([43]) Article L. 111‑3 du code de la consommation lors de la promulgation de la loi, devenu l’article L. 111‑4 du même code

([44]) Les règlements d’exécution de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie prévoient un délai de livraison des pièces détachées par le fabricant de 15 jours ouvrables pour certaines catégories de produits (appareils de réfrigération, lave‑linge, lave‑vaisselle ménagers). Ces dispositions entrent en vigueur le 1er mars 2021.

([45]) Ces durées de mise à disposition doivent être de 7 ans minimum pour les appareils de réfrigération (10 ans pour certaines pièces), de 10 ans minimum pour les lave‑linge et de 10 ans pour les lave‑vaisselle ménagers (7 ans pour certaines pièces).

([46]) Article L. 111-4 du code de la consommation

([47]) Article L. 224‑67 du code de la consommation

([48]) Article L. 224‑109 du code de la consommation

([49]) Article L. 224‑111 du code de la consommation

([50]) Les EDPM sont définis à l’article R. 311‑1 du code de la route (point 6.15). Il s’agit pour l’essentiel des trottinettes et patinettes électriques, gyropodes, monoroues et hoverboards.

([51]) https://www.ademe.fr/francais-reparation

([52]) https://www.ademe.fr/evaluation-economique-lallongement-duree-dusage-produits-consommation-biens-dequipement

([53]) Jusqu’à 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale : articles L. 131‑2 et L. 242‑46 du code de la consommation

([54]) L’article L. 242‑47 du code de la consommation prévoit déjà des sanctions pour le défaut de mise à disposition de pièces détachées pour le matériel médical, mais d’un montant inférieur (jusqu’à 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale).

([55]) Directive 2015/535 du Parlement européen et du Conseil prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information

([56]) Article L. 120‑1 du code de la recherche. Sa composition et ses attributions sont fixées par le décret n° 2013‑943 du 21 octobre 2013 relative au Conseil stratégique de la recherche.

([57]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid78720/la-strategie-nationale-de-la-recherche-definit-les-grandes-priorites-de-la-recherche-francaise.html

([58]) Article L. 232‑1 du code de l’éducation

([59]) https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Strategie_Recherche/26/9/strategie_nationale_recherche_397269.pdf

([60]) https://www.horizon-europe.gouv.fr/

([61]) Article L. 1411‑1‑1 du code de la santé publique

([62]) Article L. 100‑1 A du code de l’énergie

([63]) https://labos1point5.org/

([64]) Cette obligation s’applique également aux concessions (article L. 3111‑1 du code de la commande publique).

([65]) Article D. 2111‑3 du code de la commande publique

([66]) https://www.rtes.fr/etat-des-lieux-sur-les-spaser-janvier-2020

([67]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE. Voir aussi la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE

([68]) https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2018/2018_06_commande_publique_responsable.pdf

([69]) Il en est de même à l’article 82 de la directive 2014/25/UE et qui concerne des secteurs particuliers (eau, énergie, transports et services postaux).

([70]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:61999CJ0513&from=EN

([71]) Article R. 234‑1 du code de l’énergie

([72]) Article L. 2172‑5 du code de la commande publique

([73]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan_national_d_action_pour_les_achats_publics_
durables_2015-2020.pdf

([74]) Le sourcing est défini à l’article 4 du décret n° 2016‑360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

([75]) https://lemarche.inclusion.beta.gouv.fr/fr/

([76]) https://www.economie.gouv.fr/daj/achats-publics-responsables

([77]) Données issues de l’étude d’impact du projet de loi

([78]) Étude sur les pratiques des acheteurs en matière d’accès des TPE/PME à la commande publique, d’achats innovants et d’achats durables, Observatoire économique de la commande publique, 2020

([79]) Par exemple, des considérations environnementales liées à la politique générale de l’entreprise appréciées indépendamment de l’objet du marché ne peuvent être retenues (CE, 2018, Nantes Métropole)

([80]) Amendements CS3284, CS3250 et CS3251 de la rapporteure.

([81]) Article L. 2111‑2 du code de la commande publique.

([82]) Article L. 2241‑1 du code du travail

([83]) Article L. 2241‑12 du code du travail

([84]) Article L. 2242‑2 du code du travail

([85]) Article L. 2242‑20 du code du travail

([86]) https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/aap_pic_branches-professionnelles-2020.pdf

([87]) https://travail-emploi.gouv.fr/formation-professionnelle/formation-des-salaries/transitions-collectives-10893/transitions-collectives

([88]) Délégué du personnel (DP), comité d’entreprise (CE) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

([89]) Article L. 2312‑18 du code du travail

([90]) Article L. 2312‑19 du code du travail

([91]) Article L. 2312‑21 du code du travail

([92]) Article L. 2312‑36 du code du travail. Ces dispositions sont complétées par voie réglementaire

([93]) Articles L. 2315‑25 et L. 2312‑36 du code du travail et article L. 225‑102‑1 du code de commerce

([94]) Article L. 2312‑60 du code du travail.

([95]) Entreprises et groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés et entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France.

([96]) Article L. 2312‑17 du code du travail

([97]) Article L. 2312‑22 du code du travail

([98]) Amendement CS5220 de la rapporteure

([99]) Articles L. 2312‑21 et L. 2312‑36 du code du travail

([100]) Amendement CS5222 de la rapporteure, qui modifie l’article L. 2315‑63 du code du travail

([101]) Amendement CS5221 de la rapporteure

([102]) Article R. 6123‑3‑3 du code du travail

([103]) Article L. 6123‑4 du code du travail

([104]) Article L. 214‑13 du code de l’éducation.

([105]) Article R. 6332‑9 du code du travail

([106]) Article R. 6332‑4 du code du travail

([107]) Article L. 6332‑2 du code du travail

([108]) Les OPCO prennent par ailleurs en charge les actions de formation professionnelle au bénéfice des entreprises de moins de 50 salariés (article L. 6332‑1‑2 du code du travail).

([109]) L’amendement modifie l’article L. 6211‑4 du code du travail.

([110]) Rapport d’information n° 3061, Réguler et anticiper les conflits d’usage pour éviter une « guerre de l’eau », juin 2020

([111]) Ou cycle hydrologique. C’est le phénomène naturel représentant le parcours entre les grands réservoirs d’eau liquide, solide ou de vapeur d’eau sur Terre : les océans, l’atmosphère, les lacs, les cours d’eau, etc.

([112]) La directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000 définit un bassin hydrographique comme « toute zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, de fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une seule embouchure, estuaire ou delta ».

([113]) Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau

([114]) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement

([115]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

([116]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

([117]) À savoir la commodité du voisinage, la santé, la sécurité et la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, l’utilisation rationnelle de l’énergie et la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

([118]) L’explorateur ou l’exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier est responsable des dommages causés par son activité. Il peut s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d’une cause étrangère. Sa responsabilité n’est limitée ni au périmètre du titre minier, ni à sa durée de validité. En cas de disparition ou de défaillance du responsable, l’État est garant de la réparation des dommages causés par son activité minière. Il est subrogé dans les droits de la victime à l’encontre du responsable.

([119]) Cf. l’article 552 du code civil

([120]) Au sens de l’article L. 121-5 du code minier : les substances « contenues dans une masse minérale ou fossile dont l’abattage est indispensable pour permettre l’extraction des substances mentionnées dans le titre ou l’autorisation ».

([121]) Modifiée par l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

([122]) Les travaux faisant simplement l’objet d’une déclaration au préfet sont dispensés de ces diverses formalités, mais n’en sont pas moins tenus de respecter les intérêts protégés.

([123]) Règlement (UE) 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) n° 443/2009 et (UE) n° 510/2011.

([124]) Dans le calcul des émissions spécifiques moyennes, ces voitures comptent :

– pour 2 voitures particulières en 2020 ;

– pour 1,67 voiture particulière en 2021 ;

– pour 1,33 voiture particulière en 2022 ;

– pour 1 voiture particulière à partir de 2023.

([125]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

([126]) Règlement (UE) 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) n° 443/2009 et (UE) n° 510/2011.

([127]) Ces critères ont été précisés à l’article D. 2213-1-0-2 du code général des collectivités territoriales par le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 relatif au non-respect de manière régulière des normes de la qualité de l’air donnant lieu à une obligation d’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité.

([128]) C’est-à-dire soit lorsque les transports terrestres sont la première source des émissions polluantes, auquel cas sont prises en compte les émissions d’oxydes d’azote (NOx) en cas de dépassement des valeurs de NO2, soit lorsque les lieux concernés par le dépassement sont situés majoritairement à proximité des voies de circulation routière.

([129]) Décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 relatif au non-respect de manière régulière des normes de la qualité de l’air donnant lieu à une obligation d’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité.

([130]) Article L. 123-19-1 du code de l’environnement.

([131]) Article R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales.

([132]) Il s’agit des véhicules diesel ou assimilés, c’est-à-dire les véhicules ayant une motorisation au gazole ainsi que les véhicules combinant une motorisation électrique et une motorisation au gazole.

([133]) Il s’agit des véhicules essence ou assimilés, c’est-à-dire les véhicules ayant une motorisation essence ainsi que les véhicules combinant une motorisation électrique et essence.

([134]) Les véhicules rattachés aux unités d’urgences hospitalières, les véhicules dédiés au transfert des détenus ainsi que les véhicules de police, de gendarmerie, des pompiers et des douanes.

([135]) Les ambulances de transport sanitaire, les véhicules d’intervention de sécurité des sociétés gestionnaires d’infrastructures électriques et gazières, les véhicules du service de la surveillance de la SNCF et de la RATP, les véhicules de transports de fonds de la Banque de France, les véhicules des associations médicales concourant à la permanence des soins, les véhicules des médecins participant à la garde départementale, les véhicules dédiés au transport de produits sanguins et d’organes humaines, les véhicules de service hivernal et, sur les autoroutes ou routes à deux chaussées séparées, les véhicules d’intervention des services gestionnaires de ces voies.

([136]) Le transfert de la compétence « voirie » peut être optionnel ou obligatoire selon la nature de l’EPCI concerné. Il est obligatoire pour les communautés urbaines et les métropoles et optionnel pour les communautés de communes et d’agglomération.

([137]) Article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales.

([138]) Article R. 411-9 du code de la route.

([139]) Article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales.

([140]) Directives 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité et 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE.

([141]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

([142]) Directive 2003/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2003 relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs, modifiant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil ainsi que la directive 91/439/CEE du Conseil et abrogeant la directive 76/914/CEE du Conseil.

([143]) Directive (UE) 2018/645 du Parlement européen et du Conseil du 18 avril 2018 modifiant la directive 2003/59/CE relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs ainsi que la directive 2006/126/CE relative au permis de conduire.

([144]) Articles R. 3314-1 à R. 3314-28 du code des transports.

([145]) Arrêté du 3 janvier 2008 relatif au programme et aux modalités de mise en œuvre de la formation professionnelle initiale et continue des conducteurs du transport routier de marchandises et de voyageurs.

([146]) Directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures.

([147]) Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([148]) Le Gouvernement a réduit, à partir de 2009, le taux de la taxe à l’essieu afin de compenser la mise en œuvre éventuelle d’une écotaxe. Le taux fixé par la France en 2009 correspond au taux le plus faible prévu par l’annexe à la directive « Eurovignette ». Cette baisse représente un manque à gagner de 53 millions d’euros par an ; pour l’État, ce manque à gagner s’ajoute à celui lié à l’absence, à ce jour, de mise en place de l’écotaxe.

([149]) Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.

([150]) Ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises.

([151]) Décret n° 2017-1265 du 9 août 2017 du 19 juillet 2017 relatif à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises.

([152]) En application de l’article L. 1231-1 du code des transports, sont des AOM les communautés d’agglomération, les communautés urbaines, les métropoles, la métropole de Lyon, les communes mentionnées au V de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales qui n’ont pas mis en œuvre le transfert prévu au second alinéa du II de l’article L. 1231-1 du code des transports, les autres communes au plus tard jusqu’au 1er juillet 2021, les communautés de communes après le transfert de la compétence en matière de mobilité par les communes qui en sont membres, les syndicats mixtes mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales et les pôles d’équilibre territorial et rural mentionnés à l’article L. 5741-1 du même code, après le transfert de cette compétence par les établissements publics de coopération intercommunale qui en sont membres.

([153]) Il s’agit des cas dans lesquels la région exerce l’ensemble des attributions relevant de sa compétence en matière d’organisation de mobilité sur le territoire d’une communauté de communes où le transfert de la compétence d’organisation de la mobilité n’a pas encore été transféré à l’intercommunalité en application du II de l’article L. 1231-1 du code des transports.

([154]) Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

([155]) Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

([156]) Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([157]) Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil.

([158]) Directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

([159]) Règlement 421/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, en vue de la mise en œuvre, d’ici 2020, d’une convention internationale portant application d’un mécanisme de marché mondial aux émissions de l’aviation internationale.

([160]) Règlement 2017/2392 du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2017 modifiant la directive 2003/87/CE en vue de maintenir l’actuelle restriction du champ d’application pour les activités aériennes et de préparer la mise en œuvre d’un mécanisme de marché mondial à partir de 2021.

([161]) Un quota d’émission de GES est une unité de compte représentative de l’émission de l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone.

([162]) Voir le commentaire de l’article 38.

([163]) Le règlement 2017/2392/UE précise qu’à compter du 1er janvier 2013, 15 % des quotas sont mis aux enchères, le reste étant délivré à titre gratuit.

([164]) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement du marché européen du carbone, 18 novembre 2020.

([165]) L’OACI a été instituée par la convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale du 7 décembre 1944.

([166]) La quantité de crédits carbone doit correspondre à leurs émissions multipliées par la croissance mondiale du trafic par rapport à 2019.

([167]) Voir le commentaire de l’article 38.

([168]) Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

([169]) Ibid.

([170]) Une unité de trafic est égale à un passager ou 100 kilogrammes de fret ou de courrier.

([171]) Arrêté du 25 mars 2019 fixant la liste des aérodromes et groupements d’aérodromes et le tarif de la taxe d’aéroport applicable sur chacun d’entre eux ainsi que le tarif de la majoration de la taxe d’aéroport.

([172]) Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003.

([173]) Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

([174]) Arrêté du 29 décembre 2020 fixant la liste des États situés à moins de 1 000 km de la France visée au II et au VI de l’article 302 bis K du code général des impôts et le tarif de la taxe de solidarité sur les billets d’avion régie par le VI du même article.

([175]) L’article du 16 du règlement 1008/2008/CE du 24 septembre 2008 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté prévoit que peut être imposée une obligation de service public au titre de services aériens réguliers entre un aéroport situé dans la Communauté et un aéroport desservant une zone périphérique ou de développement située sur son territoire ou sur une liaison à faible trafic à destination d’un aéroport situé sur son territoire, si cette liaison est considérée comme vitale pour le développement économique et social de la région desservie par l’aéroport.

([176]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

([177]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676874?sommaire=3696937

([178]) La mesure dite PKTeq fait référence à la notion de « passagers équivalents-kilomètres-transportés ». Elle correspond à la multiplication du nombre de voyageurs empruntant l’avion par le nombre de kilomètres parcourus par chaque voyageur. Ainsi, si dix voyageurs parcourent en avion 100 kilomètres, le nombre de PKteq correspondant sera de 1 000.

([179]) Règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté.

([180]) Règlement (CEE) n° 2407/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les licences des transporteurs aériens.

([181]) Règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.

([182]) Règlement (CEE) n° 2409/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, sur les tarifs des passagers et de fret des services aériens.

([183]) « Le domaine public aéronautique est constitué des biens immobiliers appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation aérienne publique. Il comprend notamment les emprises des aérodromes et les installations nécessaires pour les besoins de la sécurité de la circulation aérienne situées en dehors de ces emprises. »

([184]) Les aéroports, lorsqu’ils ne sont pas directement gérés par l’État (dans le cas des aéroports d’intérêt national) ou par des collectivités territoriales (dans le cas des aéroports d’intérêt régional), sont soit concédés aux chambres de commerce et d’industrie, soit à des syndicats mixtes. Dans certains cas, ils sont, en partie ou en totalité, concédés ou possédés par des sociétés privées comme Vinci, Aéroports de Lyon, Atlantia (à Nice), etc.

([185]) L’article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 dispose que « les biens du domaine public de l’établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l’État qui lui ont été remis en dotation ou qu’il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société [ADP] ».

([186]) Convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l’exploitation de l’aéroport de Bâle‑Mulhouse.

([187]) Article L. 11-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

([188]) Voir à ce sujet le commentaire de l’article 38 du projet de loi.

([189]) Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil.

([190]) Directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

([191]) Directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2018 modifiant la directive 2003/87/CE afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone, et la décision (UE) 2015/1814.

([192]) Directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

([193]) Règlement 421/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, en vue de la mise en œuvre, d’ici 2020, d’une convention internationale portant application d’un mécanisme de marché mondial aux émissions de l’aviation internationale.

([194]) Règlement 2017/2392 du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2017 modifiant la directive 2003/87/CE en vue de maintenir l’actuelle restriction du champ d’application pour les activités aériennes et de préparer la mise en œuvre d’un mécanisme de marché mondial à partir de 2021.

([195]) Annexe I de la directive 2003/87/CE modifiée par la directive 2008/101/CE et règlement 421/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, en vue de la mise en œuvre, d’ici 2020, d’une convention internationale portant application d’un mécanisme de marché mondial aux émissions de l’aviation internationale.

([196]) Un quota d’émission de GES est une unité de compte représentative de l’émission de l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone.

([197]) Le règlement 2017/2392/UE précise qu’à compter du 1er janvier 2013, 15 % des quotas sont mis aux enchères, le reste étant délivré à titre gratuit.

([198]) Ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004 portant création d’un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

([199]) Ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement.

([200]) Ordonnance n° 2019-1034 du 9 octobre 2019 relative au système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (2021-2030).

([201]) Le mécanisme de mise en œuvre conjointe (MOC) génère des unités de réduction des émissions (URE) et le mécanisme de développement propre (MDP) génère des unités de réduction certifiée des émissions (REC).

([202]) Les crédits peuvent provenir de tous types de projets sauf de projets dans le domaine de l’énergie nucléaire, d’activités de boisement ou de reboisement et de projets impliquant la destruction de gaz industriels (HFC‑23 et N2O).

([203]) Directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto.

([204]) Résolution A39-3 adoptée par la 39e Assemblée OACI, Exposé récapitulatif de la politique permanente et des pratiques de l’OACI dans le domaine de la protection de l’environnement – Régime mondial de mesures basées sur le marché (MBM), Montréal, 27 septembre – 6 octobre 2016.

([205]) Résolution A40-19 adoptée par la 40e Assemblée OACI, Exposé récapitulatif de la politique permanente et des pratiques de l’OACI dans le domaine de la protection de l’environnement – Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA), Montréal 24 septembre – 4 octobre 2019.

([206]) Sauf les pays les moins développés, les petits États insulaires en développement et les pays en développement sans littoral, à moins qu’ils ne se portent volontaires pour participer à cette phase.

([207]) La quantité de crédits carbone doit correspondre à leurs émissions multipliées par la croissance mondiale du trafic par rapport à 2019.

([208]) L’article 20 de la résolution A40.19 précitée précise que les mécanismes établis dans le cadre de la CCNUCC et de l’Accord de Paris « sont admissibles aux fins du CORSIA, à condition qu’elles s’alignent sur les décisions prises par le Conseil, avec la contribution technique du TAB et du CAEP, notamment sur l’évitement du double comptage et pour la période de référence et les échéanciers admissibles ».

([209]) Les unités d’émissions admissibles sont celles de six programmes. Il s’agit de l’American Carbon Registry, du Chinese Credit Emission Reduction (CCER), du Mécanisme de développement propre (MDP ou Clean Development Mechanism, CDM), du Climate Action Reserve, Gold Standard et du Verified Carbon Standard (VCS).

([210]) Selon le dossier de presse du Gouvernement paru concernant la réforme du DPE : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021.02.15_ew_dp_dpe.pdf

([211]) Arrêté du 15 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments existants proposés à la vente en France métropolitaine, arrêtée du 15 septembre 2006 relatif aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments existants proposés à la vente en France métropolitaine, et arrêté du 3 mai 2007 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments existants à usage principal d’habitation proposés à la location en France métropolitaine.

([212]) Comme le Gouvernement l’a précisé à votre rapporteur : quel que soit l’indicateur utilisé pour la classification énergétique, la notion d’énergie finale reste un élément pertinent et constitutif de la méthode : les calculs du DPE permettent bien d’identifier la consommation d’énergie finale conventionnelle du logement, qui est représentative de la qualité de l’isolation et de l’efficacité des systèmes énergétiques. La conversion de ce résultat en énergie primaire offre quant à lui une meilleure corrélation avec le coût connu des énergies (notamment le rapport entre le gaz et l’électricité). Les deux informations ont donc du sens et méritent d’être conservées au sein du DPE, tout en privilégiant l’énergie primaire pour la classification des biens.

([213]) Rapport d’information de-là commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la rénovation thermique des bâtiments enregistrés à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2021 (n° 3871).

([214]) Selon le dossier de presse du Gouvernement portant sur la réforme du DPE.

([215]) Décrets n° 2020-1609 du 17 décembre 2020 relatif au diagnostic de performance énergétique et à l’affichage des informations relatives à la consommation d’énergie des logements dans les annonces et les baux immobiliers et n° 2020-1610 du 17 décembre 2020 relatif à la durée de validité des diagnostics de performance énergétique.

([216]) Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi.

([217]) En vertu de l’article 1er de la loi Grenelle 2, les copropriétés ont bénéficié d’un délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2012, pour se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations en matière de DPE.

([218]) Voir le commentaire de l’article 44 pour une présentation du diagnostic technique global

([219]) Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui régit les rapports locatifs

([220]) Décret n° 2017-1198 du 27 juillet 2017 relatif à l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail applicable du 1er août 2020 au 31 juillet 2021

([221]) Certaines mises en location sont exclues du champ d’application de ce mécanisme d’encadrement. C’est le cas des logements faisant l’objet d’une première location et des logements inoccupés par un locataire depuis plus de 18 mois. Dans ce cas, le loyer est fixé librement, sous réserve de l’application du dispositif expérimental facultatif prévu à l’article 140 de la loi ELAN.

([222]) Pour les renouvellements de bail applicable du 1er août 2020 au 31 juillet 2021

([223]) Ainsi, le décret indique les mentions exactes qui doivent apparaître sur les annonces immobilières ainsi que sur les contrats de location à compter du 1er janvier 2022 lorsque le bien considéré excède le seuil de consommation de 330 kWh d’énergie primaire par mètre carré et par an. Cette obligation s’appliquera en deux temps : au 1er janvier 2022 les annonces relatives aux logements à consommation énergétique excessive mentionneront ce seuil et l’obligation de s’y conformer, puis au 1er janvier 2028 il sera fait état du non‑respect de ce seuil. Un arrêté conjoint des ministres chargés de la construction et de l’énergie doit déterminer les modalités d’application des dispositions relatives à ces mentions.

([224]) L’article 25-1 de la loi de 1965 prévoit que : « Lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l’article 25 ou d’une autre disposition, mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité prévue à l’article 24 en procédant immédiatement à un second vote ».

([225]) Comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis rendu sur le présent projet de loi le diagnostic technique global dans sa version obligatoire avait été rejeté par le Conseil d’État lors de l’examen du projet de loi ALUR aux motifs d’une atteinte excessive au droit de propriété au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi voire au principe de liberté résultant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais également de son incompatibilité avec l’objectif général de simplification du droit.

([226]) Le sous amendement du rapporteur a consisté à substituer à la notion d’objectif minimum celle d’estimation, ainsi que de supprimer la référence à un décret, qui n’apparaît pas nécessaire.  

([227]) Pour une explication détaillée, voir le commentaire de l’article 39

([228]) Certaines rubriques présentent d’ailleurs des taux de non-conformité plus élevées que d’autres : par exemple 80 % des opérations sont non conformes à la rubrique accessibilité contre 50 % pour la rubrique sécurité incendie.

([229]) Voir l’article L. 112-4 du CCH

([230]) Voir le rapport remis au Président de la République sur ladite ordonnance accessible au lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041506545/

([231]) Le domaine public d’une personne publique est « constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ».

([232]) Cette autorisation peut prendre la forme soit d’une décision unilatérale, soit d’un contrat.

([233]) Et la circulaire afférente du 20 janvier 2012

([234]) Qu’il s’agisse d’une autorisation unilatérale ou contractuelle.

([235]) Dans la terminologie de l’Agence européenne de l’environnement (EEA), cette stratégie s’appelle « no net land take ».

([236]) Équivalent français du terme anglais « land take », utilisé notamment par la Commission européenne et l’Agence européenne de l’environnement, qui fixe un objectif « no net land take ».

([237]) Commission générale de terminologie et de néologie, avis du 16 janvier 2015, NOR CTNX1430113K.

([238]) C’est plutôt cette approche que retient ce projet de loi dans la définition du sol artificialisé donnée à l’article 48, qui s’oppose par exemple à celle de France Stratégie (cf. référence infra), qui entend le sol artificialisé comme tout sol qui n’est plus naturel, agricole ou forestier.

([239]) Institut national de la recherche agronomique, Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux, « Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols : déterminants, impacts et leviers d’action », rapport de l’expertise scientifique collective, décembre 2017.

([240]) France Stratégie, « Objectif zéro artificialisation nette : quels leviers pour protéger les sols ? », rapport, juillet 2019.

([241]) Issu d’une fusion des anciens articles L. 110-1 CU et L. 121-1 CU, effectuée lors de la recodification du code de l’urbanisme par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015.

([242]) La formulation issue de la recodification de 2016 de cet article dispose que « l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants ».

([243]) Sur ces documents, cf. le commentaire de l’article 49

([244]) CAA Nantes, décision n° 19NT04834 du 27 novembre 2020

([245]) Sur les enjeux de la définition de l’artificialisation des sols, cf. le commentaire de l’article 47. La notion d’artificialisation des sols demeure à ce jour très peu présente dans les textes juridiques français.

([246]) Article L. 121-1 du code de l’urbanisme

([247]) Pour les éléments sur ces notions, cf. les commentaires des articles 47 et 48

([248]) Article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales (CGCT) issu de l’article 3 de la loi n° 2014‑58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui institue le chef de filat

([249]) Institué par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

([250]) À ce jour, à une exception près, les SRADDET sont tous finalisés ou en voie de finalisation. Cinq d’entre eux ont d’ores et déjà fixé, de manière spontanée, une trajectoire prescriptive de réduction du rythme d’artificialisation. Cinq d’entre eux évoquent un objectif de réduction.

([251]) Article L. 4251-1 du CGCT, alinéa 2. L’inclusion de ces domaines découle de l’absorption au sein du SRADDET, en vertu de l’article 13 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), d’anciens documents d’aménagement parmi lesquels le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT), le schéma régional des infrastructures et des transports (SRIT), le schéma régional de l’intermodalité (SRI), le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) et le plan régional de prévention des déchets (PRPD).

([252]) Conseil général de l’environnement et du développement durable, « Quelles évolutions pour les schémas de cohérence territoriale ? », rapport n° 010656-01, avril 2017

([253]) Article L. 4251-1 du CGCT, alinéa 5

([254]) De même les documents en tenant lieu ainsi que les plans de déplacement urbain (PDU), les plans climat‑énergie territoriaux (PCAET) et les chartes des parcs naturels régionaux

([255]) Article L. 4251-3 du CGCT

([256]) Mention insérée au troisième alinéa de l’article par l’ordonnance n° 2019-1170 du 13 novembre 2019 relative au régime juridique du schéma d’aménagement régional, prise sur le fondement d’une habilitation prévue à l’article 50 de loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

([257]) Article L. 141-3 du code de l’urbanisme issu de la modification par l’ordonnance n° 2020-744 relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale, prise sur le fondement de l’article 46 de la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). Cette modification entrera en vigueur au 1er avril 2021

([258]) Le SCoT a évolué doublement du fait de la création des SRADDET et du développement de plans locaux d’urbanisme intercommunal (PLUi) dont le périmètre coïncidait avec celui du SCoT. C’est pourquoi cet instrument a été simplifié, trois domaines d’action ayant remplacé les onze qui les précédaient.

([259]) Article L. 141-5 du code de l’urbanisme

([260]) Article L. 141-7 du code de l’urbanisme

([261]) Cf. commentaire de l’article 51

([262]) Cf. commentaire de l’article 52

([263]) Article L. 141-10 du code de l’urbanisme

([264]) Article L. 4251-3 du code général des collectivités territoriales

([265]) Article L. 131-4 du code de l’urbanisme

([266]) Réponse ministérielle n° 2002-419, Journal officiel, Sénat, 5 septembre 2002

([267]) CE, 18 décembre 2017, n° 395216

([268]) Article L. 151-4 du code de l’urbanisme

([269]) Article L. 151-5 du code de l’urbanisme

([270]) Article L. 160-1 du code de l’urbanisme

([271]) Article L. 421-6 du code de l’urbanisme

([272]) Articles L. 151-1 et R. 151-10 du code de l’urbanisme

([273]) Articles L. 161-4 et R. 161-4 du code de l’urbanisme

([274]) Ancien article L. 122-1 du code de l’urbanisme, comme il résultait de l’article 3 de la loi SRU

([275]) Autres matières concernées : équilibre et égalité des territoires, implantation des différentes infrastructures d’intérêt régional, désenclavement des territoires ruraux, habitat, gestion économe de l’espace, intermodalité, logistique et développement des transports de personnes et de marchandises, maîtrise et valorisation de l’énergie, lutte contre le changement climatique, pollution de l’air, protection et restauration de la biodiversité, prévention et gestion des déchets.

([276]) Article L. 5214‑16 du code général des collectivités territoriales

([277]) Cf. les dispositifs d’observation foncière décrits au commentaire de l’article 47

([278]) Cf. la description du PLU au commentaire de l’article 49

([279]) Cet instrument, créé en 1958 pour lutter contre la surdensité des quartiers urbains, a été supprimé par les dispositions de l’article 157 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

([280]) Nouvel article L. 151-26 du code de l’urbanisme. La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages a informé votre rapporteur que cette faculté, issue des dispositions de la loi ALUR, était en cours d’évaluation.

([281]) Article L. 151-27 du code de l’urbanisme

([282]) Articles L. 151-28 à 151-29-1 du code de l’urbanisme

([283]) Article L. 141-7 du code de l’urbanisme

([284]) Article L. 141-8 du code de l’urbanisme

([285]) Article L. 151-4 du code de l’urbanisme

([286]) Articles L. 331-35 à L. 331-46 du code de l’urbanisme

([287]) Rapport fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2021 modifié par le Sénat, 11 décembre 2020

([288])  Introduite par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, qui a imposé, dans le cadre des procédures d’autorisation préalable à la réalisation de certains travaux ou ouvrages, la réalisation d’une étude d’impact.

([289])  Article R. 122-17 et tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l'environnement

([290]) Article L. 141-9 du code de l’urbanisme

([291]) Article L. 141-7 du code de l’urbanisme

([292]) Article L. 141-8 du code de l’urbanisme

([293]) France Stratégie, « Objectif zéro artificialisation nette : quels leviers pour protéger les sols ? », rapport, juillet 2019.

([294]) Sur le SCoT, cf. le commentaire de l’article 49

([295]) Nouvel article L. 141-6 du code de l’urbanisme (en vigueur à partir du 1er avril 2021)

([296]) Ces articles résultent des dispositions de la loi n° 2014‑626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE).

([297]) Ces dispositions s’appliquent aussi aux services au volant (dits aussi « drives »).

([298]) Sur la compétence d’urbanisme, cf. commentaire de l’article 51

([299]) Article L. 425-4 du code l’urbanisme

([300]) Article L. 750-1 du code de commerce résultant des dispositions de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

([301]) Circulaire 6206/SG, NOR PRMX2022573C, disponible à l’adresse suivante :

https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45033

([302]) L’article 14 de la directive « Services » 2006/123 du 12 décembre 2006 prohibe « l’application au cas par cas d’un test économique consistant à subordonner l’octroi de l’autorisation à la preuve de l’existence d’un besoin économique ou d’une demande du marché ». Cette règle a motivé l’adaptation du droit interne dans le cadre de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

([303]) Conseil d’État, n° 352587, 4 avril 2012.

([304]) En effet, la faculté d’auto-saisine de la Commission nationale de l’aménagement commercial repose quant à elle uniquement sur la surface totale de vente de l’équipement commercial à réaliser. Or celle-ci n’est pas systématiquement corrélée à la quantité totale de foncier que consomme le projet, puisque la surface commerciale peut intégrer une densité élevée de bâti ou la mutualisation des espaces.

([305]) CEREMA, « Zones d’activité économique en périphérie : les leviers pour la requalification », coll. « Connaissances », décembre 2014

([306]) Article L. 4251-17 du code général des collectivités territoriales

([307]) Cette évolution résulte des dispositions de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe)

([308]) Avant cette date, pour relever de l’EPCI, les ZAE devaient avoir un intérêt communautaire caractérisé.

([309]) Pour la planification économique, cf. commentaire de l’article 52

([310]) Sur ces outils, cf. le commentaire de l’article 51

([311]) Au premier alinéa, la référence à de multiples articles du code général des collectivités territoriales vise à inclure les zones d’activité économique de toutes les intercommunalités.

([312])  Cet encadré est extrait du rapport n° 3811 réalisé par M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel et Mme Stéphanie Kerbarh au cours de leur mission d’information sur la revalorisation des friches industrielles commerciales et administratives, qui a rendu ses conclusions au mois de janvier 2021.

([313]) Cette notion a été introduite à l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation par les dispositions de l’article 64 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

([314]) Article L. 126-35 du code de la construction et de l’habitation

([315]) Article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales

([316]) Article L. 141-3 du code de l’urbanisme

([317]) Article L. 101-2 du code l’urbanisme

([318]) Article L. 151-5 du code de l’urbanisme

([319]) Article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales

([320]) Article L. 151-5 du code de l’urbanisme

([321]) Article L. 153-27 du code de l’urbanisme

([322]) Article L. 151-28 du code de l’urbanisme

([323]) Le PLH est encadré aux articles L. 302-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

([324]) Le PDU est encadré aux articles L. 1214-1 et suivants du code des transports.

([325]) Sur ces outils, cf. le commentaire de l’article 51

([326]) Lignes directrices de l’UICN relatives à la définition d’une aire protégée

([327]) Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages

([328]) Directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, remplacée par la directive 2009/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 du même nom

([329]) IPBES, Rapport 2019 d’évaluation globale sur la biodiversité et les services écosystémiques

([330]) Le périmètre sensible est issu de la loi n° 76-1285 du 21 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme.

([331]) C’est la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement qui crée instrument en remplacement du périmètre sensible.

([332]) Article L. 113-10 du code de l’urbanisme.

([333]) CE, sect., 22 février 2002, n° 208769, Association de riverains pour la gestion et la sauvegarde du bassin hydrographique de Trieux.

([334]) Défini pendant longtemps à l’article L. 142-1 du code de l’urbanisme, l’espace naturel sensible est maintenant l’objet des dispositions de l’article L. 113-8 du même code.

([335])  Cass. 3ème civ., 15 févr. 1995, n° 93-10527.

([336])  Directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d’information géographique dans la Communauté européenne.

([337]) Selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat : Climate Change : Impacts, Adaptation and Vulnerability. Coastal Systems and Low-Lying Areas, 2014

([338]) Chiffre transmis par la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

([339]) Cf. le guide méthodologique du Conseil général de l’environnement et du développement durable, Digues du littoral et paysage, 2017

([340]) Cet article est toujours en vigueur.

([341]) Compétence transférée en vertu des dispositions de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles (MAPTAM)

([342]) Articles L. 561-1 et L. 561-3 du code de l’environnement

([343]) Extrait du rapport n° 243 déposé par M. Didier Mandelli au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux

([344]) M. Stéphane Buchou, député de Vendée, « Quel littoral pour demain ? Vers un nouvel aménagement des territoires côtiers adapté au changement climatique », rapport remis au Premier ministre, octobre 2019

([345]) Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de l’administration, Inspection générale des finances, « Recomposition spatiale des territoires littoraux », mars 2019

([346]) Sur le droit de préemption des espaces naturels sensibles, cf. le commentaire de l’article 57

([347]) Cet instrument comprend plusieurs espèces de baux, dont les dispositions sont définies aux articles L. 251-1 à L. 255-19 du code de la construction et de l’habitation.

([348]) Conseil général de l’environnement et du développement durable, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, « Les cinquante pas géométriques naturels des outre-mer : préservation de la biodiversité et maîtrise foncière », novembre 2015

([349]) Émission moyenne de la viande bovine : 1844 kgCO2e/ tête / an (Agreste, CITEPA, analyse BCG)

([350]) Végétariens, végans et végétaliens auto-déclarés sur enquête téléphonique du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie)

([351]) https://www.restauration-collective.com/wp-content/uploads/sites/6/2020/09/2007_guidevege_bro_compressed.pdf

([352]) Gestionnaires des restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge et gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que des services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires

([353]) Chiffres de 2018

([354]) Fixée par décret en Conseil d’État

([355]) Les produits végétaux étiquetés « en conversion » entrent également dans le décompte. Il ne peut s’agir que de produits bruts ou transformés composés d’un seul ingrédient d’origine végétale et issus d’une exploitation qui est en conversion depuis plus d’un an, conformément au règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique

([356]) À ce jour, en France, cela concerne les œufs fermiers, les fromages fermiers (y compris les fromages blancs), les volailles de chair fermières (celles-ci doivent bénéficier des SIQO AOC/AOP, AB ou Label rouge, sauf s’il s’agit d’une production à petite échelle destinée à la vente directe ou locale), ainsi que la viande de gros bovins de boucherie et la viande de porc fermières (celles-ci doivent bénéficier du SIQO Label rouge)

([357]) Au plus tard le 1er janvier 2023, ce rapport devra être actualisé sur la base des données recueillies auprès d’un échantillon représentatif des gestionnaires des établissements visés.

([358]) Étude d’impact (janvier 2010) de la loi n° 2010-834 modernisation de l’agriculture et de la pêche

([359]) Étude d’impact (janvier 2021) du projet de loi n° 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

([360]) Les actions du PNNS arrêtées dans le domaine de la santé étant également inscrites dans le PNA

([361]) Avis relatif aux objectifs de santé publique quantifiés pour la politique nutritionnelle de santé publique. (PNNS) 2018-2022, du 9 février 2018

([362]) Article. L. 3232-8 du code de la santé publique issu de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

([363]) Avis du Conseil d’État du 10 février 2021 sur le projet de loi portant lutte contre le réchauffement climatique et ses effets

([364]) Les substances sont ainsi différenciées en fonction de leur toxicité :

1° Appartenant, en raison de leur cancérogénicité, de leur mutagénicité sur les cellules germinales ou de leur toxicité pour la reproduction, à une classe de danger prévue par le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/ CEE et
1999/45/ CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 ;

2° Appartenant, en raison de leur toxicité aiguë de catégorie 1,2 ou 3 ou en raison de leur toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, à la suite d’une exposition unique ou après une exposition répétée, soit en raison de leurs effets sur ou via l’allaitement, à une classe de danger prévue par le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 précité ;

3° Appartenant, en raison de leur toxicité aiguë pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou 2, à une classe de danger prévue par le règlement
(CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 précité ;

4° Appartenant, en raison de leur toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégorie 3 ou 4, à une classe de danger prévue par le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 précité ;

5° Qui ne répondent pas aux critères des paragraphes 3.6 et 3.7 de l’annexe II au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil mais qui sont encore commercialisées ;

6° Dont on envisage la substitution au sens de l’article 24 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précité.

([365]) La directive est consultable en ligne

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32016L2284&from=FR

([366]) Étude d’impact du projet de loi, pages 592 et 593.

([367]) Selon la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2018.11.14_SNDI_0.pdf

([368]) Avis du 27 mai 2020 du Conseil économique, social et environnemental « Le rôle de l’Union européenne dans la lutte contre la déforestation importée » présenté par Jean-Luc Bennahmias et Jacques Pasquier

([369]) Les forêts constituent le deuxième puits de carbone après les océans et elles séquestrent un tiers des émissions naturelles de gaz à effet de serre grâce à la photosynthèse

([370]) Y contribuent également les exploitations de la filière bois, les exploitations minières et les grands projets d’infrastructures

([371]) Communication du 23 juillet 2019

([372]) Signées par six États membres de l’Union européenne et la Norvège, ces déclarations ont pour objectifs d’éliminer la déforestation des chaînes d’approvisionnement en produits agricoles et d’appuyer les efforts portés par le secteur privé pour soutenir l’approvisionnement en huile de palme durable à l’horizon 2020.

([373]) Rapport de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen sur l’huile de palme et la déforestation des forêts tropicales humides du 17 mars 2017

([374]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2018.11.14_SNDI_0.pdf

([375]) Cartographie mondiale des fronts de déforestation

([376]) Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer

([377]) Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer

([378]) La proposition de règlement européen du Parlement européen et du Conseil dite « plans stratégiques relevant de la PAC » [COM(2018)392] fixe les règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (les « plans stratégiques relevant de la PAC ») et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

 La proposition de règlement européen dite « horizontal » [COM (2018) 393] définit les règles relatives au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune.

 La proposition de règlement européen dite « Omnibus » [COM (2018) 394] traite des mesures de gestion du marché et de l’encadrement réglementaire des organisations communes de marché (OCM), ainsi que des aides directes dans les outremers.

([379]) Les « budgets carbone » sont les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre fixés par périodes successives de 5 ans, pour définir la trajectoire de baisse des émissions. Ils sont déclinés par grands domaines d’activité (transport, logement, industrie, agriculture, énergie, déchets).

([380]) Étude d’impact du projet de loi, p. 627

([381]) Amane Gogorza et Julien Lagoutte, « Environnement - Généralités - Règles spécifiques communes », fascicule n° 15 du Juriclasseur Lois pénales spéciales, mis à jour le 17 août 2019, §15.

([382]) Ibid., §11.

([383]) Article L. 555-1 du code de l’environnement.

([384]) Articles L. 571-2 et L. 571-6 du code de l’environnement.

([385]) Cet article prévoit la suspension provisoire de l’exploitation d’une installation si elle présente des dangers ou des inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement qui n’étaient pas connus lors de son autorisation, de son enregistrement ou de sa déclaration.

([386]) Il prévoit la mise hors service temporaire ou l’abaissement de la pression de service en cas d’urgence liée à la sécurité pour les canalisations servant au transport de gaz naturel ou assimilé, d’hydrocarbures ou de produits chimiques, à la distribution de gaz, à l’utilisation du gaz dans les bâtiments ou au transport et à la distribution d’énergie thermique.

([387]) Étude d’impact du projet de loi, p. 640

([388]) Étude d’impact du projet de loi, p. 641.

([389]) Bruno Cinotti, Jean-François Landel, Delphine Agoguet, Daniel Atzenhoffer et Vincent Delbos, Une justice pour l’environnement, op.cit., p. 67.

([390]) Étude d’impact du projet de loi, p. 625.

([391]) Étude d’impact du projet de loi, p. 626.

([392]) Étude d’impact du projet de loi, p. 627.

([393]) Cet article dispose que : « Les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

« Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public. »

([394]) Laurent Neyret, « Pour la reconnaissance du crime d’écocide », Revue juridique de l’environnement, 2014/HS01, vol. 39 p. 182.

([395]) Sandrine Maljean-Dubois, « L’écocide et le droit international, de la guerre du Vietnam à la mise en péril des frontières planétaires. Réflexions à partir de la contribution de Richard Falk : “Environmental Warfare and Ecocide. Facts, Appraisal and Proposals” (RBDI, 1973-1) ». Revue belge de droit international, Bruylant / Société belge de droit international 2016, XLVIII, p. 2015 - 2016.

([396]) Laurent Neyret, « Pour la reconnaissance du crime d’écocide », art. cit. p. 179-180.

([397]) Voir par exemple Valérie Cabanes, « Reconnaître le crime d’écocide », Revue Projet, 2016/4 n°353, p. 7073.

([398]) Laurent Neyret (dir.), Des écocrimes à l’écocide – Le droit pénal au secours de l’environnement, éditions Bruylant, Bruxelles, 2015.

([399]) Johan Rockström et alii., « Planetary boundaries : exploring the safe operating space for humanity. » Ecology and Society, 14(2) : 32, 2009.

([400]) Ministère de la transition écologique et solidaire, L’environnement en France, Rapport de synthèse, 24 octobre 2019, p. 105 et sq.

([401]) Convention citoyenne pour le climat, Les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, Rapport de la Convention citoyenne pour le climat à l’issue de son adoption formelle dimanche 21 juin 2020, version corrigée 29 janvier 2021, p. 408.

([402]) Ibid., p. 409.

([403]) Ibid., p. 407-408

([404]) Étude d’impact du projet de loi, p. 642.

([405]) Étude d’impact du projet de loi, p. 642.

([406]) Le II de l’article L. 541-1 du code de l’environnement définit le « principe de proximité » comme le fait « d’organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume selon un principe de proximité » et précise qu’il « consiste à assurer la prévention et la gestion des déchets de manière aussi proche que possible de leur lieu de production ».

([407]) Le II de l’article L. 541-1 du code de l’environnement définit la « hiérarchie des modes de traitement des déchets » comme le fait de « privilégier, dans l’ordre :

« a) La préparation en vue de la réutilisation ;

« b) Le recyclage ;

« c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ;

« d) L’élimination ».

([408]) L’article L. 541-2-1 du code de l’environnement dispose qu’ « est ultime au sens du présent article un déchet qui n’est plus susceptible d’être réutilisé ou valorisé dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux ».

([409]) Étude d’impact du projet de loi, p. 639.

([410]) Étude d’impact du projet de loi, p. 640.

([411]) Étude d’impact du projet de loi, p. 644.

([412]) Rapport d’information n° 2689 déposé en application de l’article 145 du règlement par la mission d’information sur l’incendie d’un site industriel à Rouen, et présenté par M.. Christophe Bouillon, président, et M. Damien Adam, rapporteur, députés, Assemblée nationale, quinzième législature, 12 février 2020, p.79-80.

([413]) Bruno Cinotti, Jean-François Landel, Delphine Agoguet, Daniel Atzenhoffer et Vincent Delbos, Une justice pour l’environnement, op.cit., p.66.