N° 3995

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]) CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.),

M. Jean-RenÉ Cazeneuve,

Rapporteur général,

 

et

 

M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore BERGÉ,
M. Lionel Causse, Mme CÉlia de Lavergne, Mme Cendra Motin,
M. Mickaël Nogal et M. Jean-Marc Zulesi,

Rapporteurs thématiques

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TOME III
Comptes rendus – volume 1

 

 Voir le numéro : 3875 rect.


La commission spéciale est composée de :

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente ;

M. Antoine Herth, M. Bruno Millienne, M. Jean-Marie Sermier, Mme Huguette Tiegna, viceprésidents ;

M. Julien Aubert, Mme Valérie Petit, M. Dominique Potier, M. Hubert Wulfranc, secrétaires ;

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général ;

M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal, M. Jean-Marc Zulesi, rapporteurs thématiques ;

M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Delphine Batho, M. Thibault Bazin, Mme Valérie Beauvais, M. Thierry Benoit, M. Jean-Yves Bony, Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, M. Guy Bricout, Mme Anne-France Brunet, Mme Émilie Chalas, Mme Sylvie Charrière, M. André Chassaigne, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Bernard Deflesselles, Mme Marguerite Deprez‑Audebert, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, Mme Chantal Jourdan, M. Guillaume Kasbarian, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Yannick Kerlogot, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre, Mme Marie Lebec, Mme Sandrine Le Feur, Mme Nicole Le Peih, M. Gérard Leseul, Mme Aude Luquet, M. Mounir Mahjoubi, Mme Sandra Marsaud, M. Thierry Michels, Mme Mathilde Panot, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Claire Pitollat, M. Loïc Prud’homme, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, M. Raphaël Schellenberger, M. Denis Sommer, M. Vincent Thiébaut, M. Stéphane Travert, Mme Frédérique Tuffnell, M. Nicolas Turquois, M. Pierre Vatin, M. Pierre Venteau, M. Michel Vialay.

 

 


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  SOMMAIRE

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Pages

Travaux de la commission

I. RÉunions prÉparatoires

1. Audition de MM. Benoît Baubry, Pascal Beulque, Jean Pierre Cabrol, Mmes Agnès Catoire, Mélanie Cosnier, Vita Evenat, Agny Kapta, M. Guy Kulitza et Mme Isabelle Planté, membres de la Convention citoyenne pour le climat (réunion du 17 février 2020)

2. Audition de M. Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche Comté et président de la commission « Transport et mobilités » de Régions de France, Mme Agnès Langevine, viceprésidente du conseil régional d’Occitanie et présidente de la commission «Transition écologique » de Régions de France, M. Arnaud Merveille, vice-président du conseil départemental de la Meuse chargé de l’environnement et la transition énergétique, représentant l’Assemblée des départements de France, M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville, président de l’association des maires de SeineetMarne, et M. Sylvain Robert, maire de Lens et coprésident de la commission « Aménagement » de l’Association des maires de France (réunion du 18 février 2020, matin)

3. Audition de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l’environnement du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que de M. Michel Badré et Mme Claire Bordenave, rapporteurs de l’avis du CESE sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (réunion du 18 février 2020, après-midi)

4. Audition de Mme Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, et de M. Olivier Fontan, directeur exécutif (réunion du 24 février 2020)

5. Table ronde réunissant des représentants de Réseau Action Climat, de l’Institut de l’économie sur le climat (I4CE), de la Fondation pour la Nature et l’Homme, des Amis de la Terre, de France Nature Environnement, du WWF France et de l’Union nationale des centres permanents d’initiatives pour l’environnement (CPIE) (réunion du 26 février 2020, matin)

6. Table ronde réunissant des organisations d’employeurs (1re réunion du 26 février 2020, après-midi)

7. Table ronde réunissant des organisations syndicales de salariés (2e réunion du 26 février 2020, après-midi)

8. Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique (1re réunion du 1er mars 2020, matin)

9. Audition de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement (2e réunion du 1er mars 2020, matin)

10. Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance (réunion du 1er mars 2020, après-midi)

11. Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports (réunion du 2 mars 2020)

12. Audition de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation (réunion du 3 mars 2020)

II. examen du PROJET DE LOI

A. Discussion gÉnÉrale

B. Examen des articles du projet de loi

1. Réunion du lundi 8 mars 2021 à 21 heures

2. Réunion du mardi 9 mars 2021 à 17 heures 15

3. Réunion du mardi 9 mars 2021 à 21 heures

4. Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 14 heures 30

5. Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 21 heures

6. Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 9 heures 30

7. Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 14 heures 30

8. Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 21 heures

9. Réunion du vendredi 12 mars 2021 à 9 heures 30

10. Réunion du vendredi 12 mars 2021 à 14 heures 30

11. Réunion du vendredi 12 mars 2021 à 21 heures

12. Réunion du samedi 13 mars 2021 à 9 heures 30

13. Réunion du samedi 13 mars 2021 à 14 heures 30

14. Réunion du samedi 13 mars 2021 à 21 heures

 


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   Travaux de la commission

I.   RÉunions prÉparatoires

1.   Audition de MM. Benoît Baubry, Pascal Beulque, Jean Pierre Cabrol, Mmes Agnès Catoire, Mélanie Cosnier, Vita Evenat, Agny Kapta, M. Guy Kulitza et Mme Isabelle Planté, membres de la Convention citoyenne pour le climat (réunion du 17 février 2020)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/GLudcK

2.   Audition de M. Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche Comté et président de la commission « Transport et mobilités » de Régions de France, Mme Agnès Langevine, vice‑présidente du conseil régional d’Occitanie et présidente de la commission «Transition écologique » de Régions de France, M. Arnaud Merveille, vice-président du conseil départemental de la Meuse chargé de l’environnement et la transition énergétique, représentant l’Assemblée des départements de France, M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville, président de l’association des maires de Seine‑et‑Marne, et M. Sylvain Robert, maire de Lens et coprésident de la commission « Aménagement » de l’Association des maires de France (réunion du 18 février 2020, matin)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/7Q6V1Q

3.   Audition de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l’environnement du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que de M. Michel Badré et Mme Claire Bordenave, rapporteurs de l’avis du CESE sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (réunion du 18 février 2020, après-midi)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/lPhFLF

4.   Audition de Mme Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, et de M. Olivier Fontan, directeur exécutif (réunion du 24 février 2020)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/aPwGa7

5.   Table ronde réunissant des représentants de Réseau Action Climat, de l’Institut de l’économie sur le climat (I4CE), de la Fondation pour la Nature et l’Homme, des Amis de la Terre, de France Nature Environnement, du WWF France et de l’Union nationale des centres permanents d’initiatives pour l’environnement (CPIE) (réunion du 26 février 2020, matin)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/zBo4PZ

6.   Table ronde réunissant des organisations d’employeurs (1re réunion du 26 février 2020, après-midi)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/3FeHrK

7.   Table ronde réunissant des organisations syndicales de salariés (2e réunion du 26 février 2020, après-midi)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/h5PR5c

8.   Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique (1re réunion du 1er mars 2020, matin)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/ecfOZN

9.   Audition de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement (2e réunion du 1er mars 2020, matin)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/UEWy9Y

10.   Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance (réunion du 1er mars 2020, après-midi)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/dKNz3x

11.   Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports (réunion du 2 mars 2020)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/SwQgK0

12.   Audition de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation (réunion du 3 mars 2020)

Le compte rendu de cette audition peut être consulté à l’adresse suivante : http://assnat.fr/BRbQoP

 

 


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II.   examen du PROJET DE LOI

Lors de ses réunions des lundis 8, mardi 9, mercredi 10, jeudi 11, vendredi 12, samedi 13, dimanche 14, lundi 15, mardi 16, mercredi 17 et jeudi 18 mars 2021, la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.) a procédé à la discussion générale puis à l’examen des articles du projet de loi, sur le rapport de M. JeanRené Cazeneuve, rapporteur général, M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal et M. Jean-Marc Zulesi, rapporteurs.

A.   Discussion gÉnÉrale

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, pour commencer l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Je rappelle que notre commission spéciale a procédé à plusieurs auditions dans le cadre de ses travaux préalables et a entendu des représentants de la Convention citoyenne pour le climat, du Conseil économique, social et environnemental, du Haut Conseil pour le climat, des ONG et des organisations d’employeurs et de salariés. Nous avons également entendu cinq ministres dans le cadre de séances de questions cribles, dont Mme Barbara Pompili.

Je tiens également à saluer le travail essentiel effectué par notre rapporteur général et nos huit rapporteurs thématiques, qui ont également mené un très grand nombre d’auditions dans un temps particulièrement contraint. Je tiens aussi à saluer le travail colossal réalisé par les administrateurs de notre assemblée, sans oublier nos conseillers de groupe politique et nos collaborateurs.

S’agissant de l’organisation de nos travaux, la séance de cet après-midi, qui sera levée à 19 heures 30, est réservée à la discussion générale sur le projet de loi ; nous poursuivrons ce soir à 21 heures et enchaînerons avec l’examen des articles.

Comme vous le savez, un très grand nombre d’amendements a été déposé – plus de 5 200. Certains ont déjà été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution ; c’est en particulier le cas de ceux qui créent des charges, et qui ne peuvent être gagés.

S’agissant de l’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution, qui concerne les « cavaliers législatifs », je tiens à rappeler quelques éléments utiles pour dissiper certains malentendus, voire, pour éviter de mauvais procès. Ce contrôle de recevabilité n’est ni un instrument de censure, ni une sanction arbitraire, il n’est pas nouveau et doit s’appliquer de la même manière à tous les textes.

L’article 45 de la Constitution et l’article 98 du règlement de l’Assemblée nationale disposent que les amendements doivent présenter un lien avec le texte déposé. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est sans équivoque, comme lui-même l’a rappelé dans sa décision du 21 mars 2019 : la seule finalité du texte déposé ne peut suffire à justifier l’existence de ce lien, qui doit nécessairement être apprécié au regard du contenu précis des articles.

Cette vigilance dans le contrôle de recevabilité des amendements doit permettre de garantir la cohérence et la qualité des lois et de prévenir la multiplication des censures prononcées par le Conseil constitutionnel : je pense notamment à la loi d’accélération et simplification de l’action publique (ASAP), dont près d’un article sur cinq a été censuré car considéré comme autant de « cavaliers législatifs » ; vingt-trois articles ont également été censurés dans la loi EGALIM pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dix-neuf articles dans la loi ELAN portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, et vingt‑quatre dans la loi PACTE relative à la croissance et la transformation des entreprises.

Le Président de l’Assemblée nationale a d’ailleurs tenu à rappeler en décembre 2020 dans un courrier adressé à l’ensemble des députés la nécessité de respecter une « stricte et vigilante application de l’article 45 de la Constitution » en tenant compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Dans l’appréciation de cette recevabilité, je suis donc tenue par le contenu des soixante-neuf articles du projet de loi qui, il est vrai, a trait à de très nombreux domaines de la vie quotidienne et comporte des mesures très diverses quoiqu’elles soient souvent de nature sectorielle et rarement transversales, comme l’ont notamment compris les citoyens de la Convention citoyenne pour le climat. Cela est d’ailleurs normal car il s’agit de décliner concrètement, dans la loi, des mesures précises de transition écologique et climatique. C’est sur cette base que ce contrôle a été effectué, en toute impartialité mais selon les principes d’usage : lorsqu’un doute pouvait exister sur l’existence d’un lien, même indirect, entre un amendement et le texte déposé, il a toujours bénéficié à son auteur et l’amendement a été jugé recevable.

Je précise enfin que Mme la ministre assistera à nos travaux.

Nous en venons, sans plus attendre, à la discussion générale.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Je tiens tout d’abord à saluer la mémoire d’Olivier Dassault. Nous partageons toutes et tous, au-delà des clivages politiques, le souvenir d’un collègue engagé, d’un député exigeant, d’un homme qui avait plusieurs cordes à son arc. Comme vous, j’ai une pensée particulière pour sa famille et pour ses proches.

Olivier Dassault était aussi un « bosseur » infatigable qui ne se laissait pas détourner des dossiers ni de l’ordre du jour. Je crois qu’il n’aurait pas voulu qu’une ministre diffère plus longtemps son propos devant les représentants de la nation.

Nous nous apprêtons à écrire une nouvelle page de l’histoire de notre pays. Oui, ce qui nous rassemble ici, vous et moi, est tout simplement inédit, comme l’a été l’exercice démocratique dont résulte ce projet de loi.

Pendant dix-sept mois, cent-cinquante citoyens tirés au sort – employés, agriculteurs, retraités, lycéens, infirmiers, médecins, professeurs, chefs d’entreprises et, même, publicitaire et pilote de ligne –  ont été mis devant les faits : les principaux constats scientifiques sur le réchauffement climatique ont été partagés avec eux ; les mécanismes qui le sous-tendent leur ont été expliqués par des experts reconnus. On a donné à cent-cinquante citoyens, en peu de temps, les clefs nécessaires à la compréhension d’un phénomène complexe, d’un processus qui place une hypothèque sérieuse sur l’avenir de nos enfants et de notre propre espèce et dont, paradoxalement, nous sommes les principaux acteurs.

Avec le mandat qui leur était confié – proposer les mesures permettant de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre dans notre pays d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale – on leur a en quelque sorte demandé de définir ce que la philosophe Corine Pelluchon décrit comme « une nouvelle manière d’exister », c’est-à-dire, d’intégrer les limites de la planète dans un nouveau projet de société.

On pourra débattre à l’envi sur le besoin de faire appel à cette Convention, les modalités d’organisation, le choix de faire voter les citoyens… N’est-ce pas là une dangereuse remise en cause de la démocratie représentative ? Clairement, non ! Nous pouvons être collectivement fiers de la Convention citoyenne pour le climat car former des citoyens pour leur permettre de mieux prendre part à la vie de la cité, c’est la vocation émancipatrice de la République. La beauté, la puissance de la République, c’est aussi offrir un cadre qui permet de répondre par le débat, par le consensus, aux principales questions qui travaillent notre société. Soyons clairs, cette expérience de démocratie participative ne peut en aucun cas se substituer aux institutions de notre République, ni au Parlement, ni au Gouvernement. C’est ici que la nation se retrouve pour décider de son être. C’est ici que naissent les grandes lois qui changent le pays et c’est ici que nous construisons la République écologique de demain.

Par l’ampleur des enjeux qu’il recouvre, par son esprit visant à changer concrètement la vie quotidienne des Françaises et des Français, ce projet sera, j’en suis certaine, une pierre majeure de cet édifice. Il ne s’agit plus seulement d’embarquer cent-cinquante citoyens dans la transition écologique mais 67 millions de Françaises et de Français. Qui plus est, nous devons le faire dans un cadre contraint car le moindre recul nous éloignera de la trajectoire de l’Accord de Paris.

Je sais que nous partageons toutes et tous les mêmes sens de l’urgence, l’urgence d’aller au-delà des grandes règles, des grands principes proclamés puis oubliés, des grands objectifs, l’urgence pour que l’écologie s’incarne dans la vie quotidienne des Françaises et des Français, pour dessiner un chemin où la somme des actions individuelles et collectives, des transformations, petites ou grandes, construira une France écologique et résiliente. Telle est précisément l’ambition de ce projet de loi, celle-là même dont nous témoignons depuis le premier jour du quinquennat.

Certains diront que l’on pourrait aller plus vite, plus loin ; d’autres, au contraire, qu’il faut arrêter d’em…bêter les Français. Moi, je ne crois pas à l’écologie du tout ou rien : je crois à ce qui est concret, à la construction d’un changement durable, à une écologie qui transforme le pays en profondeur pour le plus grand bien et la santé des Français, pour notre cadre de vie, pour des activités économiques renouvelées. Lorsque je relis une nouvelle fois ce projet, je trouve que la volonté de transformer la vie des Français, l’ambition écologique, l’esprit de la Convention y sont bien présents.

Avec cette loi, l’école de la République formera les éco-citoyens du XXIe siècle. Chacun aura accès à une information sérieuse pour faire des choix de consommation éclairés. C’est tout le sens du titre I, « Consommer ».

Avec cette loi, notre économie accélérera sa décarbonation. La transition écologique entrera au cœur des entreprises à travers les instances de représentation des salariés. La commande publique prendra une nouvelle dimension pour accroître le verdissement de l’économie. Le développement des énergies renouvelables s’inscrira mieux à l’échelle de chaque territoire pour renforcer l’acceptabilité des projets. Voilà les enjeux du titre II, « Produire et travailler ».

Avec cette loi, la transition vers les nouvelles mobilités sera encore plus rapide. Les zones à faibles émissions pour les villes de plus de 150 000 habitants permettront enfin de mettre un terme au modèle du « tout voiture » au profit d’une bonne articulation entre parkings relais, transports en commun et vélo. Avec bons sens, nous arrêterons de prendre l’avion lorsqu’il existe une alternative ferroviaire en moins de 2 heures 30. Ce sont les objectifs du titre III, « Se déplacer ».

Avec cette loi, nous mettrons enfin un terme à une aberration en divisant par deux le rythme d’artificialisation des terres. Chaque année, 20 000 à 30 000 hectares disparaissent. Nous éradiquerons également les passoires thermiques d’ici 2028 et leur mise en location en accompagnant les propriétaires. Ce sont deux caractéristiques essentielles du titre IV, « Se loger ».

Avec cette loi, notre modèle agricole et alimentaire se transformera plus rapidement au profit d’une agroécologie qui irriguera nos territoires. Nous réduirons notre utilisation d’engrais azotés. Nous nous donnerons les moyens de renforcer la lutte contre ce que l’on appelle la déforestation importée. Une alimentation plus saine et plus équilibrée sera encouragée. C’est le projet du titre V, « Se nourrir ».

Avec cette loi, ceux qui porteront atteinte à l’environnement seront punis plus sévèrement, c’est le cap que dessine le titre VI.

Oui, nous enclenchons un bouleversement culturel !

J’entends bien la « petite musique »… Telle proposition ne devrait pas être intégralement appliquée ou pas comme ceci, pas comme cela ; mais gouverner, c’est faire des choix, c’est assumer en responsabilité les enjeux divers, complexes, d’une société moderne, c’est construire un chemin pour transformer le pays, c’est aller vers un objectif mais en garantissant toujours l’acceptabilité et l’application des mesures proposées. C’est peu dire que la tâche est difficile mais je pense que nous y sommes arrivés, que nous avons trouvé ce chemin de crête. Au-delà des notes, des moyennes, des barèmes, c’est bien ce qu’il faut voir.

Bien sûr, cette loi ne peut pas être prise isolément et s’inscrit dans la dynamique de ce que nous avons réalisé à l’échelle de ce quinquennat avec des textes qui font évoluer notre modèle de société – loi énergie-climat, loi d’orientation des mobilités, loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire, loi agriculture et alimentation – avec des actions sur le plan réglementaire – interdiction des nouvelles chaudières au fioul en 2022 – avec des décisions courageuses pour renoncer à de grands projets dépassés –  Notre-Dame des Landes, Europa City ou Montagne d’Or – avec la mobilisation de moyens financiers – je songe aux 30 milliards du plan de relance spécifiquement consacrés au verdissement de notre économie – en menant un combat encore plus vigoureux sur le plan européen et international pour être à l’heure aux grands rendez-vous de cette année afin de renforcer le marché carbone européen et de promouvoir un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union.

Ce projet de loi complète l’arsenal écologique de la France, amplifie nos efforts et, surtout, créera un « effet boule de neige » catalyseur.

Une partie des effets d’un texte aussi ambitieux peut certes être quantifiée. Des zones à faibles émissions ? 4,5 millions de tonnes de CO2 en moins d’ici la fin de la décennie. La fin des passoires thermiques ? 2 millions de tonnes de CO2 en moins. Je pourrais continuer… Néanmoins, l’écologie, c’est beaucoup plus qu’une affaire d’additions et de tableaux. Qui peut quantifier la transformation profonde de la vie de nos concitoyens que nous cherchons à engager ? Combien de tonnes de CO2 en moins grâce à des publicités promouvant le covoiturage ou la réparation ou grâce à l’éducation à l’environnement, qui influence durablement les choix de consommation de millions de Français ?

Je crois profondément que cette loi remet la France en cohérence avec elle-même, avec ce que nos concitoyens ressentent, avec ce que nous ressentons. Vous le savez comme moi, vous le voyez dans vos circonscriptions : depuis des décennies, notre pays vit sur une idée fausse : on construit toujours plus, toujours plus loin, en éliminant toujours plus de terres agricoles et d’espaces naturels ; on étend les villes, on éloigne les Français les uns des autres, on allonge les distances, on enferme nos concitoyens dans la dépendance à la voiture pour leur dire, après, qu’elle pollue. Bref : on crée consciencieusement les conditions pour distendre et rompre le lien social.

Alors, regardons la réalité en face ! Donner aux consommateurs les informations nécessaires pour qu’ils puissent faire un choix éclairé, pour choisir ce qu’ils veulent manger : c’est du bon sens ! Ne pas prendre l’avion quand une alternative ferroviaire existe : c’est du bon sens ! Ne plus faire de centres commerciaux au milieu des champs : c’est du bon sens ! Punir plus fermement ceux qui attentent gravement à l’environnement et pénalisent l’avenir de nos enfants : c’est du bon sens ! Alors, oui, cette loi nous donne les éléments qui permettront enfin de renverser ce modèle ! Nous allons non seulement protéger la planète et préserver la nature qui nous entoure mais, aussi, reconstruire notre vivre ensemble.

Voilà un héritage qui fera date dans l’histoire de notre pays ! Ce texte ambitieux, concret, de terrain, gardien de l’esprit de la Convention citoyenne, appartient désormais aux représentants de la nation que vous êtes. À vous de l’enrichir, de le préciser, de le compléter ! À vous d’aller plus loin ! Je tiens toutefois à le dire : j’ai bien la « louable intention » de ne pas soutenir ce qui tendrait à réduire son ambition parce que c’est une question d’exigence, de cohérence et de responsabilité. Nous le devons aux femmes et aux hommes qui ont donné de leur temps pour répondre à l’appel du Président de la République. Nous le devons à notre planète, à notre pays, à nos concitoyens, aux futures générations. Vous pouvez compter sur moi pour maintenir ce cap ambitieux et être à vos côtés pour enrichir ce projet fondamental.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous commençons l’examen d’un projet de loi très attendu. Je présenterai le contexte qui a présidé à l’élaboration de ce projet ainsi que ses grandes lignes ; mes collègues rapporteurs thématiques, qui ont accompli un énorme travail que je tiens à saluer, vous décriront les dispositifs des titres dont ils ont la charge et vous feront part de leurs propositions de modifications.

En signant l’Accord de Paris, la France s’est engagée à diviser par six ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. La loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de diminution de 40 % des émissions en 2030 ; la neutralité carbone, quant à elle, devra être atteinte en 2050 conformément à la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

Le texte que nous présente le Gouvernement vise à ce que notre pays respecte ses engagements internationaux mais, aussi, à l’endroit des générations futures. Au-delà de la vision et de la stratégie de long terme, il s’appuie sur une approche pragmatique, sectorielle et à 360°. Son mérite principal est d’inviter les citoyens, les professionnels, les élus des collectivités territoriales et les associations, dans tous les domaines, à relever un défi qui nous concerne tous.

La législation environnementale a longtemps été une législation de protection et d’interdiction dans le but de préserver l’environnement alors que la dégradation du climat doit beaucoup à nos modes de vie. Le projet de loi part d’une logique sociétale : il fait entrer l’écologie dans la vie quotidienne des Français. Il en appelle, en quelque sorte, à une mobilisation générale !

À ceux qui diront qu’il manque d’ambition, je répondrai qu’il comprend des mesures que seule la France défend sur le plan européen, qu’il faut du temps pour modifier les comportements, que l’éducation, la formation et l’accompagnement sont autant de clés pour la réussite de la transition écologique, même si déjà trois Français sur quatre sont acquis à un mode de vie plus sobre.

À ceux qui diront que ce texte va trop loin, trop vite, je rappellerai les derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ou de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité, qui sont très alarmants et évoquent une accélération du réchauffement climatique : les cinq dernières années sont les plus chaudes observées depuis 1850. Autant dire que nous n’avons pas droit à l’échec…

Depuis le dépôt du projet de loi, le 10 février dernier, une polémique est née à la suite du décalage entre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat et le contenu du texte. Elle n’a rien de surprenant, certains ayant vu dans la Convention un instrument de démocratie directe, ce qu’à mon sens elle n’était pas : la démocratie directe suppose des mécanismes très précis, le plus souvent inscrits dans les Constitutions, comme le référendum d’initiative populaire ou l’initiative directe des lois. La Convention citoyenne n’entrait pas dans ce cadre : ce fut une instance de consultation et non de décision. Son formidable travail doit d’ailleurs être reconnu à sa juste valeur tant les citoyens qui y ont siégé ont pris la mesure de la gravité des enjeux. Le Gouvernement a ensuite traduit ses propositions sur le plan réglementaire, dans le plan de relance et dans le projet de loi dont le Parlement est saisi.

Je rappelle que le Parlement est souverain et que c’est à nous, maintenant, de prendre le relai. Notre travail se fonde sur le projet qui nous est soumis et non sur les propositions de la Convention. Évidemment, nous avons porté la plus grande attention aux mesures qu’elle a proposées et, à l’initiative de notre présidente, la commission spéciale a procédé à l’audition de certains de ses membres. Mes collègues rapporteurs et moi-même avons par ailleurs mené ces dernières semaines des centaines auditions pour recueillir l’avis du plus grand nombre possible d’acteurs. De très nombreux députés y ont participé, ce qui montre combien nous accordons au texte l’intérêt qu’il mérite et que nous ne fonctionnons pas en vase clos. Même si l’on peut comprendre une certaine déception, les membres de la Convention peuvent être fiers. Quel autre exemple, dans notre longue histoire démocratique, d’une concertation aussi large ayant abouti à une loi aussi ambitieuse ?

Ce texte amplifie l’ensemble de l’action environnementale conduite sous la présente législature avec les lois EGALIM du 30 octobre 2018, ELAN du 23 novembre 2018, Énergie et climat du 8 novembre 2019, Orientation des mobilités du 24 décembre 2019 et, enfin, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020. Elles ont toutes des objectifs spécifiques mais supportent toutes une vision écologique.

Avec constance, la majorité, n’a jamais cessé de prendre en compte l’écologie dans toutes ses dimensions, depuis la préservation de la nature jusqu’à ses différents aspects économiques et sociaux : nos modes de consommation, la production, les mobilités, le logement, l’agriculture et l’alimentation. La prise en compte de l’écologie s’étend ainsi graduellement, parfois par l’expérimentation, à des pans de plus en plus vastes de notre société.

Ce texte sera jugé sur un unique critère : celui de son efficacité. Il devra donc être appliqué le plus rapidement possible après sa promulgation. Nos travaux ont néanmoins montré que de nombreuses questions restaient en suspens pour rendre ces mesures opérationnelles. Par exemple, les représentants des collectivités territoriales nous ont fait part de leurs interrogations sur plusieurs articles et leurs difficultés à les appliquer. Nos travaux doivent permettre d’apporter cette clarification.

La transition écologique exige un montant considérable d’investissements de la part des collectivités publiques, des entreprises et des ménages. Pour ceux d’entre eux dont les revenus sont les plus modestes, nous avons toujours affirmé que la transition écologique implique la justice sociale : de trop faibles revenus empêchent en effet de procéder à une rénovation thermique, d’acquérir un véhicule électrique ou d’accéder à une alimentation de qualité. Cette recherche de justice sociale ne doit pas laisser de côté nos compatriotes d’outre‑mer, dont je rappelle qu’ils vivent dans des territoires qui émettent très peu de carbone mais qu’ils sont les principales victimes du réchauffement climatique en raison de catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et virulentes.

Même si nous ne discutons pas d’une loi budgétaire, nous devrons préciser lors de nos débats les moyens publics mobilisés pour accompagner tous les Français, toutes les entreprises, toutes les collectivités locales.

Cette loi, qui s’inscrit dans le temps long puisque nous légiférons pour la France de 2050, qu’elle propose une vision et indique une trajectoire, comporte également des dispositifs très concrets pour notre vie quotidienne, lesquels doivent permettre de réduire dès demain nos émissions de gaz à effet de serre.

Cette loi fait confiance aux Français et aux entreprises, elle les responsabilise, elle s’appuie sur l’intelligence collective ; elle est exigeante mais elle compte sur leur engagement avant de songer aux sanctions.

Cette loi, enfin, fait une large part aux collectivités territoriales, dont le rôle est renforcé.

C’est avec intérêt, conviction et enthousiasme que les membres de la commission spéciale travailleront, comme en témoignent les milliers d’amendements qui ont été déposés. Je suis persuadé que les groupes politiques sauront s’écouter, travailler ensemble et se rassembler autour de l’objectif central du projet. En tous cas, tel est l’état d’esprit des rapporteurs.

J’apporte mon plein soutien à ce texte, que je trouve équilibré, que nous allons améliorer et qui répond magistralement au défi fondamental de notre temps.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. La Convention citoyenne pour le climat fait suite à une interrogation fondamentale : après la colère suscitée par la taxe carbone et face à l’urgence du dérèglement climatique, comment associer les Français aux décisions qui les concernent directement et qui ont des conséquences sur leur vie quotidienne ? C’est à cette question que les membres de la Convention se sont employés à répondre. L’enjeu, pour nous, est de parvenir à réconcilier plusieurs visions.

Tout d’abord, réconcilier la démocratie délibérative et la démocratie représentative. On dit notre démocratie fatiguée, la confiance, largement érodée. Il n’est pas possible de laisser entendre que ces deux processus démocratiques seraient concurrents. Pendant nos auditions, nous nous sommes efforcés de conforter, de renforcer, de mettre en perspective, de mesurer les conséquences économiques, sociales et sociétales des propositions formulées.

Ensuite, réconcilier écologie et économie, agriculture et industrie. Nos entreprises, grands groupes et TPE, ETI et PME, nos artisans et commerçants, nos agriculteurs sont et doivent être des alliés dans la lutte contre le dérèglement climatique. Personne ne gagnerait à alimenter la défiance. Nous sommes ici les représentants des Français et de personne d’autre. Nous ne légiférons ni sous la contrainte, ni sous la menace mais en liberté et en responsabilité.

Réconciliation, enfin, pour répondre aux fortes attentes de nos concitoyens, qui nous veulent à la hauteur de leur exigence, qui souhaitent que nous leur donnions les moyens de faire entrer l’écologie dans leur vie quotidienne, une écologie d’action, ni punitive, ni dogmatique.

Le titre Ier révolutionnera notre façon de consommer, le préalable à ces changements profonds étant une meilleure information pour nous tous, en tant que citoyens et consommateurs, une information pour éclairer nos choix, pour sensibiliser, pour responsabiliser.

À l’issue d’expérimentations, l’article 1er vise à rendre obligatoire un affichage environnemental. Pour respecter le souhait de la Convention citoyenne, un accent particulier porte sur les émissions de gaz à effet de serre mais nous devons aller plus loin en élargissant les critères pris en compte afin d’expliciter les autres conséquences environnementales. C’est notamment le cas pour les produits agricoles, sylvicoles et agroalimentaires. Demain, cet affichage environnemental devra être clair, lisible, facilement déployable pour les grands groupes comme pour les PME.

Les articles 2 et 3 s’adressent directement à ces futurs citoyens et consommateurs que sont les élèves et les étudiants.

L’article 2 inscrit l’éducation à l’environnement et au développement durable dans les objectifs fondamentaux et les missions du service public de l’enseignement pour donner une base légale à la démarche transversale déjà engagée. Cette « éducation à » devra être déclinée dans toutes les filières, à tous les niveaux, dans toutes les disciplines où cela s’avère pertinent.

Chaque établissement est déjà doté d’un comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté dont l’article 3 étendra les activités aux questions d’environnement.

Le titre Ier traite aussi des enjeux liés à la publicité.

Celle-ci joue un rôle de prescription essentiel, suscite des tendances et devance les attentes des consommateurs comme le prouvent les investissements massifs en faveur des véhicules électriques ou hybrides : s’ils ne représentent que 16 % des ventes de véhicules en France, une publicité télévisuelle sur deux leur est consacrée en matière automobile. La publicité est aussi un levier essentiel de financement de la création, de l’information et de nos médias – à moins que nous ne souhaitions qu’il dépende uniquement des GAFA.

Mesure sans précédent depuis la loi Évin adoptée il y a vingt ans : l’article 4 opère un véritable changement de paradigme en interdisant la publicité en faveur des énergies fossiles, directement responsables du dérèglement climatique.

L’article 5 vise à réduire de manière significative la publicité audiovisuelle en faveur des produits et services ayant des conséquences négatives sur l’environnement. Il instaure un dispositif de co-régulation reposant sur des codes de bonne conduite, sur le modèle de ce qui a déjà été fait récemment en matière de publicités alimentaires. Ces codes transcriront les engagements figurant dans un « contrat climat » conclu, d’une part, entre les filières, les annonceurs et les médias et, d’une part, le CSA. Les engagements présentés par les filières communication sont clairs : chaque métier intègrera les objectifs de l’Accord de Paris dans sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en reconnaîtra le caractère essentiel. Le Parlement doit pouvoir encadrer, mesurer et contrôler les engagements qui seront pris.

Le titre Ier confie en outre de nouveaux pouvoirs aux maires en matière de régulation de la publicité. L’article 6 décentralise ainsi le pouvoir de police de la publicité en le leur confiant, que la commune dispose ou non d’un règlement local de publicité. Ces dispositions permettent une meilleure adaptation des politiques publiques aux spécificités locales et à la réalité des territoires.

L’article 7 vise l’encadrement des publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines de nos commerçants, dont il convient de garantir la liberté et le droit de propriété tout en nous préservant des atteintes manifestes à l’environnement. Je vous proposerai de préciser le champ de cet article sur les enjeux de pollution lumineuse.

L’article 8 entend mettre fin à une pratique qui paraît aujourd’hui anachronique : les publicités tractées par avions. Il renforce les sanctions prévues en cas d’interdiction de ces vols, interdiction prévue par décret. Je considère qu’il convient d’accélérer le déploiement de cette mesure en interdisant les avions publicitaires dès la promulgation de la loi.

Après l’autocollant « Stop pub » collé sur les boites aux lettres, l’article 9 instaure le dispositif « Oui pub », à titre expérimental et pour une durée de trois ans. Il conviendra de laisser aux collectivités la possibilité de prévoir des exemptions pour certains secteurs, je pense notamment aux domaines culturel, de la presse ou de la restauration.

L’article 10 interdit la distribution gratuite d’échantillons en l’absence de demande du consommateur. Il permettra ainsi de limiter le gaspillage lié à la distribution et de réduire les déchets.

Enfin, nous débattrons des articles 11 et 12 relatifs à la vente des produits sans emballage primaire, en vrac, et à la consigne des emballages en verre. L’article 11 fixe un objectif ambitieux d’affectation à la vente en vrac de 20 % de la surface de vente des commerces dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés à l’horizon de 2030. Je proposerai une rédaction plus volontariste en transformant la portée de cet article pour qu’il devienne normatif. Nous fixerons un cap et, pour l’atteindre, nous ouvrirons des options aux professionnels concernés.

L’article 12 prévoit que l’obligation d’instaurer une consigne pour réemploi des emballages en verre pourra être généralisée, au plus tôt, le 1er janvier 2025. Je sais qu’il suscite beaucoup d’inquiétudes mais sa rédaction sera améliorée en précisant la nécessité d’un bilan environnemental global positif, notamment, en matière de transports.

Je suis consciente des attentes suscitées par ce texte, tout comme des inquiétudes qu’ont formulées des partenaires sociaux ou des acteurs économiques.

La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu collectif qui nous dépasse et qui doit se faire « avec » et non « contre » : avec les entreprises, avec les industriels, avec les artisans et commerçants, avec les agriculteurs, avec les Français et avec les parlementaires.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Le titre II du projet de loi porte sur des sujets variés et nombreux mais qui participent tous d’un même objectif : faire évoluer notre manière de produire et de travailler afin d’aller vers une société plus respectueuse et plus consciente de l’environnement qui l’entoure. Nous défendions déjà cette ambition lors du vote de la loi PACTE, qui a modifié l’article 1835 du code civil, en permettant aux entreprises de faire état de leur raison d’être dans leurs statuts.

Nous avons aujourd’hui l’occasion de poursuivre ce travail à travers le titre II du projet de loi, qui vise à accompagner de manière très concrète nos entreprises, pour qu’elles continuent à s’investir dans la transition écologique. Ce titre place donc les enjeux liés au changement climatique au cœur de notre économie. Il est en effet question de verdir notre économie, d’anticiper les conséquences de la transition écologique sur le monde du travail, de protéger les écosystèmes et la biodiversité, et de favoriser le développement des énergies renouvelables. Le titre II comporte également une réforme du code minier, que présentera mon collègue Damien Adam. Je suis pour ma part honorée de pouvoir traiter de l’aboutissement de ces travaux dans le cadre de nos débats.

Les premiers articles du titre II visent à favoriser une production plus respectueuse de l’environnement. Dans le droit-fil des obligations que la loi AGEC a instaurées pour les équipements électriques et électroniques ou le matériel médical, l’article 13 rend obligatoire la mise à disposition de pièces détachées pour de nouvelles catégories de produits du quotidien, les vélos et les outils de bricolage et de jardinage motorisés. Il s’agit à la fois d’allonger la durée de vie de ces produits et de favoriser l’essor des filières de réparation, qui constituent un pilier de la transformation de notre modèle économique. Cela permettra également de limiter les déchets liés aux produits que l’on jette, faute de pouvoir les réparer.

Le verdissement de l’économie passe aussi par une politique nationale de recherche soucieuse des enjeux climatiques. L’article 14 aligne la stratégie nationale de recherche pour la rendre compatible avec la stratégie nationale bas carbone, clé de voûte en matière de fixation des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

Les pouvoirs publics ont également un rôle majeur à jouer dans la construction d’une économie plus respectueuse de notre environnement. C’est pourquoi l’article 15 dispose que les marchés publics devront obligatoirement prévoir un critère d’attribution et des conditions d’exécution, basés sur des considérations environnementales. C’est un signal fort, qui permettra de poursuivre le travail en cours pour favoriser une commande publique plus responsable. De nombreux outils existants permettront aux acheteurs et aux entreprises de s’approprier ces nouvelles obligations, comme les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER).

Le titre II a également pour ambition d’adapter l’emploi à la transition écologique. Les salariés sont directement concernés et, parfois, affectés par les conséquences de cette nécessaire transition. Il est donc primordial à la fois d’anticiper de telles conséquences et de permettre aux salariés de se former aux métiers de demain. L’article 16 prévoit que les négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences devront notamment permettre de répondre aux enjeux de la transition écologique. De plus, les comités sociaux et économiques des entreprises seront désormais consultés sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, tant dans leurs attributions générales que lors des consultations récurrentes. Sur chaque item qui fait actuellement l’objet d’une information consultation récurrente, l’employeur devra présenter les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

Le projet de loi renforce aussi le rôle des organismes qui accompagnent les salariés dans leur parcours professionnel, sur les adaptations liées à la transition écologique. L’article 17 modifie la composition des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, afin de leur adjoindre des personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique.

L’article 18 confie une nouvelle mission aux opérateurs de compétences (OPCO), qui accompagnent les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, en matière de formation professionnelle. Ils auront désormais une mission spécifique d’information et d’accompagnement des entreprises dans leur projet d’adaptation des compétences à la transition écologique. Au cours des auditions, il est apparu qu’il s’agissait déjà d’une réalité pour la quasi-totalité des OPCO, qui s’adaptent aux besoins et aux évolutions des branches qu’ils accompagnent.

Au chapitre III du titre II, il est question d’un enjeu majeur de notre siècle, celui de la protection des écosystèmes et en particulier, à l’article 19, des espaces aquatiques. L’eau est un élément précieux dont la gestion et les usages sont primordiaux pour notre survie. Or les changements climatiques ont un effet de plus en plus visible et inquiétant sur cette ressource. Dans la lignée des Assises de l’eau et afin d’aider ceux qui ont en charge ce patrimoine naturel, le texte précise la notion de respect des équilibres naturels. Il réaffirme la capacité de résilience des écosystèmes aquatiques, la nécessité de leur préservation ainsi que leur rôle essentiel dans la reconquête de la biodiversité.

Enfin, le chapitre IV aborde le sujet de la production d’énergies renouvelables, en l’ancrant dans les territoires et en rendant les citoyens et les entreprises acteurs de la transition énergétique. Il implique tout d’abord les régions dans le déploiement des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie en matière d’énergies renouvelables dans les territoires, et en définissant avec chacune d’entre elles les objectifs que son potentiel lui permet d’atteindre. Il propose pour cela d’intégrer ses objectifs de production d’énergies renouvelables au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Ils viendront ainsi compléter les nombreux sujets connexes tels que la maîtrise et la valorisation de l’énergie, la lutte contre le changement climatique, la pollution de l’air, qui donnent à la région un rôle central d’aménagement du territoire. Le texte donne également la parole aux élus des façades maritimes en matière d’éolien en mer.

L’article 23 vise à développer des communautés d’énergies renouvelables et des communautés énergétiques citoyennes, deux nouvelles formes de coopération entre citoyens, TPE, PME et collectivités locales, afin de produire de l’énergie verte, de se poser des questions sur les impacts environnementaux de la production et de la consommation d’énergie, et de prendre conscience collectivement de ce qui peut être fait pour mieux produire et moins consommer.

Enfin, toujours dans le registre de la production locale d’énergie et d’économie des ressources, il est proposé de baisser le seuil à partir duquel il sera obligatoire d’équiper le toit de certains bâtiments professionnels de panneaux photovoltaïques ou de végétation. En diminuant de moitié l’emprise minimale au sol et en élargissant la mesure aux bâtiments abritant des activités de commerce de gros, on touchera 1,5 à 1,8 million de mètres carrés de toiture chaque année. Je proposerai d’aller plus loin en étendant encore le champ des bâtiments concernés, afin de maximiser l’effet de cette mesure.

Si les sujets balayés par le titre II de ce projet de loi sur le dérèglement climatique et la résilience sont si différents, c’est que le dérèglement climatique affecte tous les secteurs et que les solutions pour y faire face sont multiples. Imaginer une économie plus responsable, un capitalisme plus durable, accompagner les salariés dans les transitions et les impliquer dans les enjeux que cela représente pour la société, dessiner des territoires résilients et construire des solutions de proximité, protéger toujours la biodiversité, voilà les enjeux auxquels ce texte répond, par des mesures concrètes et pragmatiques.

M. Damien Adam, rapporteur pour les articles 20 et 21 du titre II. C’est peu dire que la réforme du code minier qui nous est présentée dans ce projet de loi était attendue. Depuis l’annonce d’une première réforme en 2009 et plusieurs projets abandonnés lors des précédents quinquennats, il aura fallu attendre douze ans pour qu’une réforme en profondeur du code minier soit examinée. Il y avait urgence tant ce code, dont la dernière modification substantielle date de 1994 était obsolète. Surtout, il ne répondait plus à nos attentes, sociales et environnementales. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle cette réforme a été intégrée au projet de loi.

Si la Convention citoyenne pour le climat n’a pas traité spécifiquement la question des mines, elle a cependant recommandé un moratoire sur l’exploitation industrielle, minière en Guyane, dans la proposition PT 8.1 - Protection des écosystèmes et de la biodiversité. Il reste que le renforcement de la prise en compte des enjeux environnementaux aux articles 20 et 21 du projet de loi contribuera à l’atteinte des objectifs fixés par la Convention.

L’arrivée de cette réforme dans notre assemblée a été unanimement saluée par l’ensemble des acteurs auditionnés, ainsi que par un grand nombre de parlementaires. Nombre d’entre nous attendent beaucoup de cette réforme, qui touchera directement les activités minières passées, présentes ou futures de nombreux territoires de métropole et d’outre-mer. Cet accueil favorable est aussi le résultat d’une longue concertation sur un préprojet, menée depuis 2018 avec l’ensemble des parties prenantes – collectivités, industriels, associations et ONG.

L’article 20 inscrit dans la loi, sans attendre, plusieurs mesures visant à renforcer l’encadrement des travaux miniers et leur arrêt. Tout d’abord, il étend la liste des intérêts protégés par les travaux miniers à la santé publique, notamment. Cette mention est capitale car elle permettra de mieux prendre en compte la santé des populations riveraines des sites, qu’ils soient fermés ou encore en activité. L’article systématise également une nouvelle participation du public aux décisions relatives à l’arrêt des travaux et à leur suite. Cette étape permettra au public d’éclairer le préfet sur les enjeux locaux, et favorisera une meilleure acceptation du processus d’arrêt de l’activité minière.

L’article 20 tend ensuite à rapprocher le droit minier des exigences applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), afin d’intégrer des garanties fortes concernant l’après-mine. Il étend ainsi à trente ans la police résiduelle des mines, qui permet aux préfets d’obliger l’ancien opérateur à intervenir en cas de menace survenant après la fin de son activité. Il s’agit surtout de prolonger la responsabilité des anciens opérateurs, au-delà de la clôture de la procédure d’arrêt des travaux, ce qui les incitera à se montrer plus responsables en amont de la fin des travaux. Cette mesure permettra de mieux prévenir les affaissements de terrain, l’accumulation de gaz dangereux, ou tout autre risque affectant les divers intérêts protégés par le code minier.

Lors des auditions, un débat a émergé sur le point de départ de ce délai trentenaire : doit-il commencer immédiatement à la déclaration d’arrêt des travaux par l’exploitant, qu’on appelle AP1, ce qui n’inciterait pas les industriels à réaliser rapidement les travaux de remise en état, ou après la validation par l’administration que l’ensemble des travaux de fin d’activité ont bien été exécutés (AP2), alors que ces travaux peuvent prendre plusieurs années ? Je proposerai par voie d’amendement une réponse de compromis, à même de satisfaire l’ensemble des parties prenantes, en faisant démarrer le délai trentenaire lors de l’AP2 par principe, avec la possibilité de se référer à l’AP1 si l’exploitant a respecté les délais de réalisation des travaux.

Enfin, l’article 20 donne la possibilité au préfet ou au ministère public et au liquidateur d’ouvrir une action en responsabilité à l’encontre de la société mère, dont la filiale aurait fait défaut, parce que la société a volontairement laissé en péril une filiale pour se désengager de ses responsabilités. Cette mesure permet à l’État de retrouver un responsable dans l’après-mine.

Outre ces mesures, qui entreront en application dès la promulgation de la loi, l’article 20 organise une réforme en profondeur du code minier par ordonnance. Cette réforme devrait modifier deux tiers du code actuel. Si certains acteurs auditionnés souhaitent qu’elle aille plus loin, ou moins loin, selon les points de vue, tous reconnaissent ses grandes avancées en matière environnementale, notamment.

Le premier point de l’ordonnance vise à doter la France d’une véritable stratégie minière. De nos jours, l’activité minière y est assez limitée : en dehors de l’or en Guyane et du nickel en Nouvelle-Calédonie, qui dispose de son propre code minier, et hors hydrocarbures, nous n’exploitons plus que le sel, les calcaires bitumineux et la bauxite en métropole. L’exploitation des granulats marins est également modeste, avec 5 millions de tonnes récoltées par an. La géothermie profonde se développe toutefois.

Le développement des technologies numériques, des énergies renouvelables, des nouvelles mobilités ou de tous les nouveaux usages, génère des besoins de plus en plus massifs en ressources minérales parfois rares. Devant ces besoins, les industriels n’ont aujourd’hui pas d’autre choix que de se tourner vers la production de pays non européens, comme la Chine, dont les exigences environnementales et sociales sont sans comparaison avec les nôtres. L’enjeu est double : garantir notre approvisionnement et notre souveraineté en ressources minérales stratégiques sans dépendre de puissances étrangères et tout en maintenant notre haut niveau d’exigence environnementale. Il est en effet bien plus favorable pour notre planète d’extraire les ressources en France, dans les conditions françaises et pour un usage européen, que de les importer d’autres continents.

La réforme prévoit donc que la France définit des orientations nationales de gestion et de valorisation de ses ressources minières, en se fondant sur un recensement des substances présentes dans les sols français. À ce sujet, les services ministériels m’ont indiqué que l’inventaire des ressources nationales datait déjà de plusieurs années. Dans ce contexte, et au vu des enjeux, il me semble indispensable de relancer le recensement du potentiel minier de notre pays dans l’objectif d’une valorisation des ressources raisonnée et responsable. Cette politique minière devra bien sûr donner la priorité au recyclage des matières et à l’optimisation des technologies consommatrices de ces minéraux, en cohérence avec l’ensemble des politiques que nous menons par ailleurs. En ce sens, le code minier a bien vocation à s’inscrire dans l’objectif de transition écologique qui est le nôtre.

J’en viens maintenant à la meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, point central de la réforme. La plus importante de ces innovations sera la prise en compte de tous les enjeux et de tous les intérêts à protéger, à chacun des stades de la vie juridique du titre minier, avec une analyse environnementale, économique et sociale au moment de l’octroi de l’extension ou de la prolongation d’un titre minier, ce qui ce qui n’est pas prévu aujourd’hui. Les collectivités territoriales seront informées dès la réception d’une demande de titre ou au plus tard à la publication de l’avis de mise en concurrence. Le demandeur devra par ailleurs mettre à disposition du public son dossier de candidature, ainsi que ses réponses écrites aux avis des conseils avant l’ouverture des procédures de participation prévues.

L’article 21 évoque également la possibilité de créer une commission de suivi d’un projet minier, sur laquelle le préfet pourra s’appuyer lorsqu’un site présentera des nuisances, dangers et inconvénients majeurs.

La seconde innovation de la réforme est de doter l’administration des outils juridiques pour refuser un projet minier qui menacerait l’environnement, la santé publique ou d’autres intérêts protégés par le code minier. Aujourd’hui, l’administration n’en a pas la faculté. En dehors de cas bien identifiés par quelques lois, la menace qu’un projet de recherches ou d’exploitation pourrait représenter pour l’environnement ne saurait constituer un motif légitime pour refuser une demande de titre minier, quelle que soit sa gravité. Ce ne sera plus le cas grâce à cette loi : l’autorité administrative pourra refuser un projet en cas de doute sérieux, notamment en matière de conséquences environnementales.

En outre, je voudrais vous convaincre que le code minier entre pleinement dans la modernité. Par exemple la réforme vient désigner l’hydrogène comme une substance de mines, offrant ainsi un cadre juridique protecteur pour l’activité de son stockage souterrain. Cette mesure s’inscrit pleinement dans la logique de transition écologique voulue par ce projet de loi, d’extraire les ressources d’avenir et d’accélérer le développement des technologies pour demain.

Par ailleurs, je souhaiterais évoquer un point plus technique de la réforme, celle de l’évolution du droit de suite : contrairement au droit actuel, le titulaire du titre de recherches, inventeur d’un gisement, n’obtiendrait plus automatiquement permis d’exploiter sous la seule condition de présenter les capacités techniques et financières.

Après avoir tenté de dresser les principales orientations de la réforme du code minier, je ne doute pas que l’examen des amendements nous permettra d’avoir un débat riche et approfondi sur ces sujets.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour le titre III. Permettez-moi avant tout de saluer le travail et l’investissement des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat et en particulier de ceux qui ont œuvré dans le groupe « Se déplacer ». Fruit de ces travaux, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a été déposé sur le bureau de notre Assemblée, afin de traduire ses propositions d’ordre législatif. Comme mes collègues l’ont déjà exprimé, je souhaite moi aussi qu’au cours des prochaines semaines, le débat parlementaire l’enrichisse et renforce sa portée.

Le projet de loi part du constat de la nécessité d’agir face aux changements climatiques et à leurs conséquences. Il nous rappelle que l’action de la France se place dans le cadre des engagements ambitieux pris par l’Union européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Après la loi énergie climat, mais aussi la loi d’orientation des mobilités et la loi anti-gaspillage et économie circulaire, le projet de loi climat et résilience constitue un nouveau volet de la politique française face au défi climatique. Il engage une transformation profonde de l’ensemble des secteurs, pour répondre à l’impératif de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Le titre III « Se déplacer », dont j’ai l’honneur d’être rapporteur, y est tout particulièrement consacré.

Le chapitre Ier renforce le développement de mobilités durables, ce qui passe par un objectif intermédiaire d’interdiction des voitures thermiques les plus polluantes d’ici à 2030. C’est un jalon important, qui nous permettra d’atteindre plus aisément l’objectif de fin de vente des véhicules utilisant des énergies fossiles en 2040, prévu par la loi d’orientation des mobilités.

Le contenu des plans de mobilité en matière d’organisation du stationnement est également étendu pour favoriser l’intermodalité. Je proposerai au cours de nos débats d’enrichir le texte avec des propositions relatives à l’équipement des parcs de stationnement en bornes de recharge et des parkings-relais en stationnements sécurisés pour vélos car le vélo a toute sa place dans le texte.

Enfin, l’instauration de zones à faibles émissions mobilité dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, le renforcement des mesures qui y sont applicables et l’obligation d’expérimenter des voies réservées aux abords de ces zones constituent des éléments essentiels de la lutte contre la pollution atmosphérique.

Le chapitre II vise à réduire l’incidence du transport routier de marchandises sur l’environnement. Cela se traduit par un objectif de suppression de l’avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont bénéficient les transporteurs de marchandises sur le gazole routier à l’horizon 2030. Toutefois, malgré mon investissement depuis quatre ans pour relancer le fret ferroviaire, je souhaite affirmer devant vous que la transition énergétique passera par le camion vert. Le transport routier de marchandises est un secteur stratégique et vital, qui contribue à l’indépendance et à la souveraineté économique de la France. C’est pour cette raison que l’accompagnement des transporteurs français dans la transition est primordial, pour leur permettre de faire face à la concurrence européenne, ce qui nécessite des aides des pouvoirs publics et une harmonisation au niveau européen. Nous avons commencé à le faire, notamment avec le plan de relance, continuons !

Pour que l’effort de réduction des émissions ne pèse pas uniquement sur les transporteurs, l’article 33 oblige les entreprises « chargeurs » à effectuer le reporting des émissions générées par le transport de leurs marchandises. Ces entreprises devront établir un plan d’action pour réduire les émissions liées au transport. Convaincu que les différents modes de transports ne s’opposent pas, mais se complètent, je veillerai à ce que ces plans prévoient le recours au ferroviaire et fluvial.

Dans le chapitre III, le choix a été fait d’élargir les comités des partenaires des autorités organisatrices de mobilité à des habitants tirés au sort, et de modifier ces modalités de fonctionnement. Cela s’inscrit dans une volonté d’associer davantage les citoyens à l’élaboration des stratégies de mobilité.

Enfin, l’objectif de neutralité carbone nécessite de limiter la croissance du trafic aérien et les émissions de ce secteur. C’est ce que prévoit notamment le chapitre IV. La suppression des lignes aériennes lorsqu’il existe une alternative en train de moins de deux heures trente, et l’interdiction de la construction ou de l’extension d’aéroports permettront d’atteindre cet objectif. Le mécanisme de compensation carbone des émissions des vols domestiques constitue également un outil innovant dont il sera nécessaire de mesurer les effets à plus long terme dans la réduction globale des émissions du secteur.

Je suis convaincu que nous aurons des débats riches et de qualité, car nous partageons tous le même objectif : réduire largement les émissions de gaz à effet de serre du secteur, tout en préservant la compétitivité du transport français et en accompagnant nos concitoyens vers des mobilités plus propres et plus durables.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour les chapitres Ier et II du titre IV. J’ai l’honneur d’être rapporteur des chapitres Ier et II du titre IV du projet de loi, qui portent sur les enjeux relatifs à la rénovation énergétique des logements et la réduction de la consommation d’énergie. C’est pour moi une fierté, et je suis particulièrement heureux de poursuivre de cette façon mon engagement pour le logement.

Un mot sur la méthode, d’abord : mes collègues l’ont rappelé, ce projet de loi constitue un exercice novateur et inédit. Je veux ici saluer les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat, qui ont travaillé pendant un an pour proposer au législateur des mesures pour lutter contre le dérèglement climatique, dans un esprit de justice sociale. Je salue tout particulièrement ceux du groupe « Se loger » que j’ai pu entendre en audition et rencontrer à plusieurs reprises. Nous sommes aujourd’hui appelés à prendre le relais de la convention. C’est un bel exercice pour la démocratie représentative.

Sur le fond, le logement est l’un des axes essentiels sur lesquels il nous faut travailler pour avancer sur les enjeux climatiques et atteindre notre objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et la neutralité carbone d’ici à 2050. Les chiffres sont connus : le secteur du bâtiment représente 45 % de la consommation d’énergie dans notre pays et un quart des émissions de gaz à effet de serre. Améliorer la performance énergétique et environnementale du bâti constitue donc un volet majeur pour accélérer la transition écologique. Ces questions se situent à la croisée de problématiques environnementales bien sûr, mais aussi sanitaires, sociales et économiques.

Face à ce constat, je veux d’abord rappeler que nous ne partons pas de rien. Les objectifs que nous nous sommes fixés sont ambitieux : la stratégie nationale bas carbone prévoit que l’ensemble du bâti atteigne un seuil de basse consommation pour 2050, ce qui implique un rythme de 500 000 rénovations de logement par an.

Pour répondre à ces objectifs, nous nous sommes attachés, tout au long de cette législature, à accompagner la montée en puissance de la rénovation énergétique. Je pense ici à la loi ELAN, qui a notamment permis des avancées majeures sur le volet tertiaire, à la loi relative à l’énergie et au climat, ainsi qu’à la loi visant à lutter contre le démarchage téléphonique, qui permet de renforcer la lutte contre l’écodélinquance.

Sur le plan de l’accompagnement financier, au côté des programmes de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et des certificats d’économies d’énergie, le plan France relance permet la montée en charge et la généralisation du dispositif MaPrimRenov’. Elle s’applique à 150 000 logements cette année ; l’objectif est de quadrupler le nombre de ses bénéficiaires l’année prochaine.

Des réformes d’ordre réglementaire comportent également des progrès considérables, comme l’entrée en vigueur depuis quelques mois de la réglementation environnementale 2020, l’interdiction des chaudières au fioul et la réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE).

Beaucoup a été fait, mais, nous en sommes bien conscients, beaucoup reste à faire. C’est tout l’objet du chapitre Ier du titre IV du projet de loi, qui s’articule autour de quatre axes.

Premièrement, l’article 39 donne une assise législative aux étiquettes du DPE. Il s’inscrit dans le cadre de la réforme du DPE par voie réglementaire, qui poursuit un double objectif de fiabilisation et de prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques du DPE. L’article 39 traduit cette nouvelle ambition.

Deuxièmement, le projet de loi prévoit de nouveaux outils pour favoriser la rénovation énergétique en copropriété. C’est l’objet des articles 40 et 44. L’article 40 prévoit notamment la généralisation du DPE collectif pour les copropriétés d’ici à 2024, avec un délai supplémentaire prévu pour les plus petites d’entre elles. L’article 44 instaure une obligation de réaliser dans l’ensemble des copropriétés un projet de plan pluriannuel de travaux, et réforme le fonctionnement du fonds de travaux, pour le corréler de façon plus directe au plan pluriannuel de travaux. Conjuguées à la réforme du DPE, l’instauration du DPE collectif et celle du projet de plan pluriannuel de travaux constituent des avancées essentielles pour répondre à la problématique du vieillissement du parc des copropriétés et favoriser la rénovation énergétique.

Troisièmement, nous franchissons une nouvelle étape dans la lutte contre les passoires thermiques, avec les articles 41 et 42 du texte. Les passoires thermiques constituent un non-sens écologique et une aberration économique et sociale. On en dénombre aujourd’hui 4,8 millions dans l’ensemble du parc, dont 1,8 million dans le parc locatif. L’article 41 généralise le blocage de l’augmentation des loyers des passoires énergétiques en allant plus loin que les avancées déjà permises par la loi énergie et climat. L’article 42 interdit la location des passoires thermiques à compter de 2028, en faisant entrer ces dernières dans le champ des logements indécents.

Le quatrième volet concerne la modernisation du service public de la performance énergétique. L’article 43 du projet de loi remplace ainsi les plateformes territoriales existantes par des guichets et rehausse le rôle du service public de la performance énergétique en matière d’accompagnement. Cet article participe à la mise en place d’un triptyque qui me tient particulièrement à cœur en matière de rénovation : une bonne information disponible sur l’ensemble du territoire, un plan de financement le plus clair possible, et un accompagnement par des professionnels tout au long de ce parcours difficile.

Quant au chapitre II du titre, il concerne la diminution de la consommation d’énergie et vise plus particulièrement à introduire des mesures pour interdire le chauffage en extérieur. Il serait surprenant de tolérer de telles pratiques, au moment où nous fixons des objectifs ambitieux pour le climat, qui s’inscrivent dans une volonté commune de réduire notre impact sur l’environnement. Mais je crois aussi que nous devons faire preuve de bon sens dans un contexte où la crise sanitaire a profondément heurté le secteur des cafés et restaurants, auquel l’ensemble des Français sont profondément attachés.

Je suis fier de ce texte et du travail déjà réalisé. Je suis heureux que nous accélérions aujourd’hui, dans le sens de la transition écologique, car l’urgence climatique s’impose à nous tous.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. Le projet de loi prolonge et renforce l’action qu’a eue cette majorité pour changer en profondeur notre rapport à l’environnement. Par son ambition, il permettra d’enclencher la transition écologique dont notre Terre a besoin dans l’ensemble des pans de notre quotidien. C’est un pas de plus vers une production et une consommation plus vertueuses, des déplacements davantage respectueux de l’environnement, des logements et des villes plus vertes, et une alimentation plus durable.

Au-delà de la véritable portée de ce texte, il s’agit également d’un exercice démocratique inédit, puisqu’il allie la participation des citoyens à la représentativité du Parlement. C’est une première mondiale, qui permet d’envoyer un signal fort de renouvellement de nos pratiques démocratiques. Encore une fois, et avec fierté, la France est au rendez-vous sur le sujet. Pour ces raisons, je suis particulièrement heureux et fier des avancées que nous soutenons dans la partie de ce texte consacrée à la lutte contre l’artificialisation des sols, dont je suis le rapporteur.

L’extension des zones imperméabilisées, l’étalement urbain, le mitage des espaces ruraux, le bourgeonnement désordonné des zones d’activités en périphérie des villes constituent autant de dynamiques caractéristiques du développement de nos espaces de vie ces cinquante dernières années. Loin d’être entièrement négatives, elles ont été synonymes de développement et de confort, pour des millions de nos concitoyens. Il ne faut pas l’oublier ou renier notre passé. Nous pouvons toutefois constater les conséquences néfastes auxquelles a parfois conduit ce modèle d’urbanisation. Les préconisations de la Convention citoyenne pour le climat sont le signe d’une prise de conscience généralisée de la nécessité d’une urbanisation plus maîtrisée et plus ordonnée. Il ne s’agit pas d’être dans la décroissance ou de souhaiter revenir en arrière, ni d’avoir moins d’ambition. Au contraire, il nous en faut davantage car il est plus difficile de bien construire en consommant moins d’espace nouveau, que de s’étaler sans faire attention à ce qui nous entoure. Il faut vivre mieux, plus proche, plus à pied. Pour cela, il nous faut être plus exigeants avec nous-mêmes, construire plus dense et concevoir une densité qui ne rime pas avec inconfort.

Cette voie ouvre des possibilités très riches car l’urbanisation que j’ai décrite s’est accompagnée notamment de la dévitalisation des centres-villes et du dépérissement de certaines de nos moyennes et petites villes. Notre majorité œuvre depuis quatre ans à faire revivre ces lieux, par des outils concrets comme les opérations de revitalisation des territoires ou la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui mène les actions Petites villes de demain et Cœur de ville.

Le projet de loi affermit nos réalisations et pousse encore plus loin nos ambitions collectives. Il grave ainsi dans la loi l’objectif de réduction par deux de l’artificialisation des sols dans la décennie à venir par rapport à celle qui vient de se clore. C’est un objectif indéniablement ambitieux, qui limitera la capacité des collectivités à ouvrir toujours plus d’espace à urbaniser. En même temps, ces collectivités sont accompagnées, par le biais de nombreux outils qui existent, pour densifier et améliorer le bâti existant. Cet objectif sera celui de chaque région de l’Hexagone, qui veillera ensuite à assurer une répartition équilibrée de l’effort sur son territoire dans le cadre de ses démarches de planification et en fonction des situations des bassins de vie.

Les objectifs seront ensuite déclinés dans les documents d’urbanisme, afin d’encadrer la façon dont les collectivités ouvrent des espaces à l’urbanisation. Notre objectif est non pas tant d’empêcher la consommation des sols que de la rendre intelligente, proportionnée et adaptée aux besoins. C’est pourquoi nous renforcerons en même temps les outils de mesure et d’analyse de l’artificialisation. Avec le même objectif de rendre plus adaptée notre urbanisation, nous veillerons à limiter l’implantation en périphérie de ville de grandes surfaces commerciales, très consommatrices d’espace, qui impliquent un grand nombre de déplacements fortement polluants. Il ne s’agit pourtant pas de décourager le commerce et, lorsque la nécessité en sera démontrée, des solutions pourront être adaptées en fonction des besoins locaux.

Cette décision permettra aussi bien de protéger les espaces naturels, agricoles et forestiers, que de revitaliser nos centres-villes. Là où cela est pertinent, nous souhaitons inciter les collectivités à procéder à des opérations de densification. C’est pourquoi l’État mènera ces actions en premier lieu dans les grandes opérations d’urbanisme qu’il accompagne.

Le texte contient aussi des mesures pour enrichir la connaissance qu’ont les collectivités de leur parc foncier et les outils dont ils peuvent disposer pour mener des opérations de requalification, notamment sur les friches d’activité, lorsqu’elles pèsent sur la reconversion et le développement des villes. Ces dispositions viennent renforcer l’action dans ce sens, qui a été impulsée par le plan de relance et le fond friches.

En même temps que cette action, qui vise à mieux maîtriser la croissance urbaine, le texte contient des mesures qui renforcent nettement la protection des espaces naturels. C’est le cas de l’inscription dans la loi de la stratégie nationale des aires protégées, qui fixe l’ambition de protéger 30 % de notre territoire à long terme. Les moyens dont disposent les départements pour protéger les espaces naturels sensibles seront également confortés.

Enfin, la France comporte de nombreuses façades maritimes. Le projet de loi contient aussi des dispositions essentielles pour la protection de nos espaces littoraux. Face au phénomène de l’érosion côtière que je perçois déjà dans ma circonscription des Landes, nous proposons, avec le Gouvernement, une gamme d’instruments aux élus pour protéger leur population et prévenir les effets néfastes de ces évolutions. C’est un sujet essentiel qui, en tant qu’élu landais et président du groupe d’études sur le littoral me touche particulièrement. J’ai été très heureux de constater le dynamisme du Gouvernement à ce sujet. Ceci nous permettra de nous adapter concrètement au mouvement actuel du trait de côte et à ceux attendus dans le siècle avec la montée des eaux. C’est donc un plaisir d’inscrire dans la loi ce que nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs et députés mobilisés sur ce sujet depuis des années.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris je crois réellement dans ce texte qui, tout en étant général par sa portée, vise avec pragmatisme et précision les combats que nous devons mener pour mettre en place une écologie du quotidien. Les débats s’annoncent riches, parfois mouvementés et intenses, mais nous devons être au rendez-vous que nous nous sommes fixé avec les citoyens et la planète.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour le titre V. Le titre V traite de la question vitale de l’agriculture et de l’alimentation, sous l’angle du climat. L’agriculture est une contributrice importante des émissions de gaz à effet de serre, à hauteur de 19 %, mais elle est aussi une source importante de solutions. Elle est un secteur essentiel en matière de stockage de carbone, les sols constituant le principal puits de carbone, avec les forêts et les océans. Au cours des dernières décennies, répondant à une demande sociétale croissante, l’agriculture française a entamé sa transition agroécologique et nous devons saluer les efforts déjà engagés.

Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir à la source de l’alimentation, là où tout commence : notre territoire, nos terroirs, nos champs que nos agriculteurs et nos paysans travaillent avec ardeur et engagement. Inlassablement, depuis des siècles, ils nous nourrissent et, en même temps, répondent aux attentes sociétales croissantes en matière de qualité d’environnement. Ils connaissent le changement climatique ; ils le vivent de manière de plus en plus prégnante. Ils savent donc l’impérieuse nécessité de se transformer.

Si nos paysans n’ont eu de cesse de s’adapter, leur rémunération n’a pas suivi. Elle a même baissé depuis plus de trente ans. L’an passé, 22 % des agriculteurs n’ont déclaré aucun revenu. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), c’est la profession qui travaille le plus et qui gagne le moins. Malheureusement, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, elle présente aussi le taux de suicide le plus élevé.

Nous devons assurer cette rémunération aux agriculteurs – avant tout pour eux, car c’est une question de dignité humaine, mais également pour la souveraineté alimentaire de notre pays, alors que la moitié des agriculteurs devront passer le relais à la nouvelle génération au cours des dix prochaines années, ainsi que pour le climat, car toutes les études montrent qu’un paysan qui gagne bien sa vie est plus enclin à modifier ses pratiques. Une juste rémunération des agriculteurs est donc un gage de réussite pour nos objectifs climatiques.

Depuis ma nomination comme coordinatrice des états généraux de l’alimentation en 2017, je n’ai eu de cesse de penser que le consommateur est un facteur très puissant de transformation, incitant à une juste répartition de la valeur entre les acteurs de la chaîne alimentaire. Je suis persuadée que les choses évolueront de par la volonté du consommateur. Nous devons envisager la création d’un indicateur permettant d’évaluer rapidement, pour chaque produit alimentaire, la rémunération qui revient au producteur agricole – une sorte de « Rémunéra-Score », sur le modèle du Nutri-Score, qui permettrait aux consommateurs d’effectuer des choix responsables et éclairés tout en incitant les industriels et distributeurs à respecter les producteurs et à les rémunérer davantage.

Venons-en aux articles du titre V. Il y en a huit, qui forment un ensemble cohérent. Permettez-moi de saluer ici le travail des membres du groupe « Se nourrir » de la Convention citoyenne, avec qui nous avons eu des échanges constructifs.

Les articles 61 et 65 font des objectifs nationaux en matière de climat une sorte de chapeau de nos politiques publiques dans les domaines de l’agriculture, de la nutrition-santé et de l’alimentation. Ainsi, l’article 61 instaure une stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat : c’est une mesure ambitieuse, qui va au-delà de la proposition formulée par la Convention. L’article 65 s’empare de la politique agricole commune (PAC) et du plan stratégique national qui la décline en France. Il vise à rendre ce plan compatible avec quatre de nos stratégies nationales – la stratégie nationale bas-carbone, la stratégie nationale pour la biodiversité, la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée et le plan national santé environnement. Cet article 65 incarne l’ambition générale du titre V et traduit bien sa philosophie : l’agriculture, l’alimentation, la santé des hommes, la santé animale et la santé de la planète forment un tout indissoluble. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’agir sur l’ensemble, dans une démarche cohérente et ambitieuse.

Permettez-moi à présent de vous dire dans quel état d’esprit j’aborde l’article 59, qui prévoit l’expérimentation d’une alternative végétarienne quotidienne dans nos cantines. Loin des polémiques stériles, des oppositions de principe et des débats éruptifs auxquels nous avons assisté dans les médias, je souhaite dépassionner la discussion et déconstruire les idées reçues, les idées fausses, afin que notre assemblée puisse débattre et légiférer paisiblement.

Il n’est nul besoin d’opposer viande et repas végétarien – les éleveurs eux-mêmes ne le font pas. Le repas végétarien n’est pas exclusif, il n’est pas l’apanage d’un parti. Au contraire, il appartient à tous, et surtout aux Français de plus en plus nombreux qui le consomment occasionnellement, comme un autre menu. Ma conviction est simple : il est nécessaire de mettre dans nos assiettes à la fois de la viande de meilleure qualité, produite en France – ce qui n’est pas le cas habituellement –, et des repas à base de protéines végétales, d’œufs et de produits laitiers de qualité. Cessons d’opposer les deux ! Toutes les personnes auditionnées sont d’accord sur ce point. Ne suscitons pas ici de polémique inutile.

On observe que 5 % des Français sont végétariens – ils sont 12 % chez les 18‑24 ans – tandis que 20 % se disent flexitariens, alternant volontairement repas carnés et assiettes végétariennes. L’attente sociétale est là ; nous sommes en retard pour y répondre. Qui plus est, ce sera bon pour l’environnement. Pour statuer, nous devrons cependant attendre la séance, car M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, s’est engagé à fournir l’évaluation de l’expérimentation prévue par la loi ÉGALIM d’ici là.

L’article 60 conforte et accélère la structuration des filières agricoles par la restauration collective, engagée par l’article 24 de la loi ÉGALIM pour la restauration publique et étendue ici aux restaurants d’entreprises. Je vous proposerai également d’élargir la liste des produits éligibles.

Le projet de loi contient en outre une disposition essentielle à notre action de lutte contre le dérèglement climatique, visant à limiter l’apport d’engrais azotés minéraux, à l’origine de 42 % des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture. L’article 63 définit une trajectoire de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote, tandis que l’article 62 prévoit le paiement d’une redevance sur ces engrais en cas de non-respect de la trajectoire pendant deux années consécutives.

L’article 64 contient des dispositions relatives à la lutte contre la déforestation importée. L’article 66 porte sur le commerce équitable. Nous y reviendrons.

Le titre V n’épuise pas le sujet de la transition de notre agriculture et de notre alimentation vers un autre modèle, plus respectueux de l’environnement, de la santé et des producteurs. Il pose cependant des jalons essentiels pour atteindre nos objectifs en matière de climat. Il témoigne d’une ambition réelle pour notre agriculture, dans la droite ligne des travaux que nous avons menés depuis le début de la législature.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour le titre VI. Bâtir un autre modèle de société est un formidable défi. Imaginer de nouveaux modes de consommation, de nouvelles méthodes de production, développer l’économie circulaire et l’énergie renouvelable sont des chantiers sur lesquels les pouvoirs publics et les acteurs privés doivent se concentrer de manière plus ambitieuse. C’est à cette mission que les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat devaient s’atteler.

Une société repose sur des normes que, collectivement, nous mettons en place. Le droit, instrument de nos choix sociétaux, reflète alors notre relation aux biens et à autrui.

Les membres de la Convention citoyenne ont souhaité introduire dans notre arsenal législatif un crime d’écocide. Dans leur objectif 7.1 « Légiférer sur le crime d’écocide », ils en proposent la définition suivante : « Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé́ un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».

Il y a quatre ans, lorsque j’ai commencé à travailler sur le droit de l’environnement, j’ai été, comme eux, très attiré par cette idée de créer un crime punissant les pollutions graves et irrémédiables. Toutefois, en approfondissant ce concept intellectuellement stimulant et en lisant de nombreux travaux, dont ceux du professeur Laurent Neyret, auteur de réflexions nourries sur le sujet, j’ai dû me rendre à l’évidence : la création de ce crime soulève encore de nombreuses interrogations. Nous rentrerons sûrement dans le détail et aurons des débats passionnés au cours de nos travaux, notamment lors de l’examen des amendements. Mais il y a un premier point qui fait quasiment l’unanimité et qui ressort des auditions que nous avons menées : le crime d’écocide doit être envisagé dans une perspective transnationale et supranationale. Aujourd’hui, son insertion dans le droit de l’environnement ne présenterait aucun intérêt.

Je sais que le constat est sévère. Pour autant, le souhait de la Convention citoyenne est légitime, et je pense que nous le partageons tous au sein de notre commission : nous devons mieux protéger nos écosystèmes et notre nature.

Nous pouvons constater que ni l’inflation réglementaire, ni l’explosion normative n’ont permis d’empêcher les atteintes à la nature ou d’atténuer la détérioration d’écosystèmes vivants. Nous avons des normes, des règlements, mais notre modèle juridique est-il suffisamment protecteur ? Est-il efficace ? Peut-il être compris par l’ensemble des acteurs économiques, associatifs, des pouvoirs publics et des citoyens ?

Le titre VI contient des propositions intéressantes permettant de combler les lacunes de notre droit. Ses dispositions s’inscrivent surtout dans une démarche globale et dans un chantier en cours.

En décembre 2020, lors de l’examen du projet de loi relatif au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, nous avons bâti une partie des fondations de ce chantier. Des juridictions spécialisées en matière d’environnement ont été créées : dans le ressort de chaque cour d’appel, un tribunal judiciaire sera désigné pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits environnementaux. Des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) pourront désormais être conclues en matière environnementale. Les inspecteurs de l’Office français de la biodiversité (OFB) se voient attribuer des compétences de police judiciaire. Toutes ces mesures étaient très attendues par l’ensemble des acteurs du secteur.

Le texte que nous examinons aujourd’hui va plus loin et prévoit trois nouvelles dispositions. L’article 67 crée un délit de mise en danger de l’environnement. L’article 68 renforce les délits de pollution, allant jusqu’à créer un délit d’écocide, et prévoit une gradation des peines encourues suivant la gravité des faits et le niveau d’intentionnalité. Enfin, l’article 69 donne au tribunal la possibilité d’imposer à une personne condamnée la restauration d’un milieu naturel. Nous aurons des débats nourris autour de ces trois articles, qui nécessiteront indéniablement un travail de réécriture pour répondre aux remarques formulées tant par le Conseil d’État que par les personnes auditionnées durant nos travaux préparatoires. Il nous faudra cependant respecter l’équilibre général du texte et résoudre une équation simple : nous devons mieux protéger l’environnement et offrir aux acteurs économiques un cadre juridique fiable.

L’ensemble des acteurs judiciaires que nous avons interrogés, qu’ils soient magistrats, avocats ou représentants d’ONG, nous ont fait part du même constat : le droit pénal de l’environnement manque de cohérence et de lisibilité. Il se caractérise en effet par une grande fragmentation sectorielle et textuelle. Les infractions sont disséminées dans au moins cinq codes – le code de l’environnement, le code forestier, le code rural et de la pêche maritime, le code minier et le code pénal. Il n’existe pas à ce jour d’infraction générale. Les qualifications pénales se réfèrent, par des jeux de renvois, à de multiples articles répartis dans le code de l’environnement. Il arrive même que d’éminents spécialistes se perdent dans le dédale de ce code ! Il existe enfin un grand nombre d’infractions comportant, dans leurs éléments constitutifs, des conditions d’illicéité par rapport à une norme administrative. Multiplier les règles de droit inapplicables ne suffira donc pas : c’est une réorganisation substantielle de nos codes qui devra être menée. Un tel travail ne pourra être accompli dans le cadre de ce projet de loi, mais nous devons nous y engager.

Nous avons à relever un défi philosophique. Nous devons changer notre rapport à la nature et à l’environnement, et abandonner cet orgueil humain qui nous amène à considérer que nous sommes détachés du monde naturel. L’Assemblée générale des Nations unies nous invite, dans un rapport de 2011, à ne plus considérer notre planète comme un objet inanimé exploitable mais comme notre foyer commun.

Notre société ne peut plus ignorer les enjeux de la nouvelle relation que nous devons construire avec les écosystèmes vivants et la nature. Elle ne peut plus s’organiser sans tenir compte de la place de la nature, de son droit à exister, à se régénérer et à s’épanouir. En ce sens, nous devons bâtir un nouveau modèle vertueux et tenir compte, dans chacune des actions que nous allons mener, de notre rôle de tuteur et de protecteur de la nature.

Ouvrir la voie à de nouvelles dispositions juridiques, les réorganiser et créer des instances spéciales de protection de la nature permettra à la France, pionnière des libertés fondamentales, de prendre part à cet effort collectif et de répondre à cette exigence éthique de préservation de l’environnement. Si nous allons au bout de ce chantier, nous protégerons efficacement nos ressources et saisirons notre dernière chance de léguer aux générations futures une planète harmonieuse et saine.

Mme Marie Lebec (LaREM). Le projet de loi dont nous nous apprêtons à débattre constitue une innovation, tant par son mode d’élaboration que par les mesures qu’il contient. Il a permis d’allier démocratie participative et démocratie représentative. Il traduit l’ADN de notre majorité en matière d’écologie – une écologie concrète, qui fait le pari de l’ingéniosité française – et rappelle toute l’importance que nous donnons à cette politique publique depuis le début du quinquennat. Il montre enfin que la transition écologique n’est pas un combat qui se mène seul, mais qu’il est nécessaire que les citoyens, les acteurs privés, les associations et les collectivités territoriales s’engagent ensemble en faveur d’un nouveau modèle.

La transformation écologique est au cœur de toutes nos politiques depuis 2017. Nous avons mis fin aux activités les plus carbonées et investi massivement dans les transports du quotidien, particulièrement dans le train. Nous avons soutenu les ménages dans cette transition en leur accordant une prime à la conversion des véhicules, des primes à la rénovation thermique des bâtiments, ou encore des aides à l’utilisation du vélo. Des centaines de milliers de Français ont déjà bénéficié de chacun de ces dispositifs. Grâce au plan de relance, la transformation écologique est désormais passée à une autre échelle : l’ensemble des 100 milliards d’euros du plan sont orientés vers la décarbonation de l’économie et de la société. Un changement de modèle est à l’œuvre. Par sa politique climatique, la France donne le ton en Europe et dans le monde. Les résultats sont là : dès 2019, c’est-à-dire avant la crise, la France a réduit de 1,7 % ses émissions de gaz à effet de serre. Beaucoup parlent et s’agitent ; quant à nous, nous agissons.

Cette ambition écologique aurait pu connaître un coup d’arrêt brutal du fait de la défiance exprimée à l’encontre des mesures fiscales environnementales – le mouvement des gilets jaunes nous a rappelé que l’écologie ne pouvait progresser si elle n’était pas acceptée par la population. Le Président de la République a eu le courage de définir une nouvelle approche, créant la Convention citoyenne pour le climat afin de favoriser le dialogue, de rechercher le consensus et de faire progresser la société.

Fruit de cette démarche inédite, le présent projet de loi permet de maintenir le cap de la transformation écologique. Ce n’est ni une loi d’incantation, ni une loi de punition : c’est une loi d’actions concrètes. Notre groupe en soutiendra les trois axes : des mesures puissantes d’orientation et de planification écologiques contre l’artificialisation des sols, pour la transition des transports terrestres et aériens, ou encore pour la rénovation des logements qualifiés de passoires thermiques ; des outils très concrets offerts aux maires et aux collectivités locales en faveur de la préservation de la qualité de l’air en zone urbaine et de l’aménagement vertueux des territoires ; des mesures et des indicateurs visant à mieux informer les consommateurs et à encourager l’évolution des comportements. La transformation ne se décrète pas : elle s’opère au quotidien, sur le terrain.

Ce texte sera-t-il modifié par les parlementaires ? Bien entendu, et les députés de La République en marche y prendront toute leur part. La Convention citoyenne n’avait pas vocation à se substituer à la représentation nationale. Je salue d’ailleurs le travail considérable réalisé par le rapporteur général et les rapporteurs thématiques. Près de 370 acteurs de la société – représentants des collectivités locales, des organisations syndicales et patronales, acteurs économiques, associations environnementales, experts – ont été auditionnés dans le cadre de la préparation de nos débats. Cette exigence d’écoute des forces vives du pays est le socle du travail parlementaire ; elle est nécessaire pour éclairer nos décisions. Quand les grandes centrales syndicales nous alertent quant aux conséquences sociales de certains articles, quand les collectivités soulignent les difficultés concrètes que posera la mise en œuvre de certaines dispositions, nous devons prendre en compte leurs remarques dans nos réflexions. Les députés de La République en marche ont largement participé à ces auditions et seront au rendez-vous des débats. Nous voulons voter une loi ambitieuse.

Ce texte permettra-t-il d’atteindre notre objectif de diminution de 40 % des rejets de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ? Oui, associé évidemment à toutes les mesures déjà prises en faveur du climat, issues des travaux de la Convention, qu’elles aient été intégrées dans le plan de relance ou qu’elles relèvent du niveau réglementaire. Arrêtons de faire croire qu’une loi ou une disposition unique pourrait opérer à elle seule une transformation complète de la société.

Historiquement, notre pays est pionnier dans l’aéronautique, l’automobile et le ferroviaire. Nous sommes très nombreux à n’avoir jamais pensé voter un jour la suppression des lignes aériennes en France, la fin de l’extension des aéroports ou l’arrêt de l’artificialisation des sols pour certaines activités. Et pourtant, nous le ferons, car nous savons que le plan de relance prévoit des investissements exceptionnels pour la transition de ces secteurs, que les industriels se sont lancé des défis et ont fixé des objectifs avec l’État, et que l’avion décarboné est un horizon à leur portée.

L’écologie de la décroissance n’est en aucun cas le modèle que nous défendons. Avec le plan de relance, ce projet de loi constitue une opportunité pour accélérer la diffusion des technologies décarbonées, prendre une longueur d’avance au niveau international et renforcer l’attractivité de notre territoire. Ce texte nous aidera à tenir nos engagements climatiques ; il amplifiera la transition écologique dans la société et orientera notre économie vers la décarbonation. Économie et écologie sont compatibles. Nous ne cessons d’œuvrer dans ce sens.

M. Jean-Marie Sermier (LR). Nous pensons tous à Olivier Dassault, qui nous a brutalement quittés hier. C’était un député de conviction et un chef d’entreprise exemplaire. Il était surtout d’une grande humanité.

Madame la ministre, je vous parlerai avec mon cœur. L’urgence climatique est le défi de notre siècle, qui devra également être relevé par les prochaines générations. Il doit mobiliser tous les gouvernants, tous les responsables de toute la planète. Rien ne se fera sans une ambition commune, rien n’avancera sans que nous soyons d’accord sur l’essentiel.

Notre famille politique de la droite et du centre a ouvert le chemin, en France plus qu’ailleurs. En 2002, à Johannesburg, le président Jacques Chirac soulignait déjà cette urgence : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Par cette phrase, il rappelait l’importance d’une ambition écologique digne de ce nom. Nous avons ensuite inscrit le principe de précaution dans la Constitution et organisé le Grenelle de l’environnement, qui a débouché sur un certain nombre de textes fondamentaux. Ces dernières années, ces derniers mois, notre groupe parlementaire a continué ce travail : il a mené des auditions, organisé des colloques, participé à des forums. Aujourd’hui, le groupe Les Républicains est prêt à prendre toute sa place dans ce débat très important. Mais nous n’avons pas le droit de jouer avec la peur des gens, avec la peur des prochaines générations. Notre famille politique sera force de proposition pour un développement respectueux de la planète, assis sur un développement économique et un bien-être général permettant d’allier progrès social et ambition pour la planète. Non à la décroissance, oui au développement durable ! Au sein de cette commission spéciale ou siègent de nombreux membres de la commission du développement durable, nous savons ce que cela veut dire.

Madame la ministre, vous avez dit tout à l’heure qu’une page de l’histoire se tournait. Nous considérons, pour notre part, que ce sont plutôt quelques pages qui s’ajoutent dans le code de l’environnement. Force est de constater que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes. Certes, vous avez fixé un certain nombre d’objectifs que nous approuvons. Vous appelez au développement d’un transport qui ne pollue pas : qui peut être contre ? La destination est importante, mais l’essentiel est de déterminer le chemin qui permettra de l’atteindre. Trop souvent, malheureusement, nous ne voyons pas le chemin que vous auriez dû nous montrer. Vous apportez toujours la même sempiternelle réponse – la taxation, la répression –, alors que la technologie et l’inventivité auraient dû être les maîtres-mots de ce projet de loi. Nous souhaitions voter une loi pour moins de CO2, mais vous nous proposez une loi pour plus de taxes.

Prenons l’exemple des transports. Vous ne prévoyez aucune mesure en faveur des biocarburants, aucune mesure en faveur du secteur fluvial. Que deviendra le véhicule automobile pour la famille ? Comment allons-nous faire en sorte que les camions roulent plus propre ? Vous ne prévoyez rien sur l’avitaillement, rien sur l’hydrogène. Combien coûteront, demain, les camions roulant à l’hydrogène ou à l’énergie électrique ?

En matière de logement, la notion importante est celle du reste à charge. Il ne doit pas être trop élevé afin que tous les propriétaires, y compris ceux dont les revenus sont modestes, puissent rénover leur logement et réduire la consommation énergétique des passoires thermiques.

Venons-en aux énergies renouvelables. À chaque fois que nous augmentons la production de ce type d’énergie, nous réduisons en réalité la production d’énergie nucléaire : cela ne diminue donc en rien les émissions de gaz à effet de serre, et cela ne change rien pour le climat.

Au cours de nos débats, nous parlerons également de l’alimentation. Il ne s’agit pas d’adopter des mesures théoriques telles que l’obligation de proposer un repas végétarien dans les cantines. Nous aurions préféré que vous nous soumettiez une proposition pour mieux manger – pour manger de la viande française, de meilleure qualité. Malheureusement, le projet de loi ne contient aucune mesure en ce sens.

Finalement, nous sommes loin de cette grande ambition. Nous constatons avec regret que les 150 membres de la Convention citoyenne ont eux-mêmes considéré que ce texte n’était pas au rendez-vous – ils lui ont parfois donné la note de 2,5/10 ou 3,5/10. Espérons toutefois que le débat parlementaire nous permette de l’enrichir. Vous pouvez compter sur le groupe Les Républicains pour obtenir des avancées en matière d’environnement et voter des dispositions respectueuses du développement durable.

Mme Florence Lasserre (Dem). Le groupe MODEM et démocrates apparentés se félicite que nous commencions nos travaux sur ce projet de loi visant à donner corps aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat. De cet exercice inédit de démocratie participative, qui aura duré neuf mois, sont sorties 149 propositions visant à atteindre, d’ici à 2030, une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale. De ces propositions présentées au Gouvernement avant l’été, le Président de la République en a retenu 146.

Trente-neuf mesures ont déjà été reprises par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance. Onze autres ont fait l’objet de dispositions spécifiques dans la loi de finances pour 2021. En outre, une vingtaine de mesures ont déjà été adoptées par le Parlement dans le cadre d’autres textes. Quelques autres ont un horizon d’application difficile à déterminer, dès lors qu’elles relèvent du niveau international ou communautaire et que ces sujets appellent une gouvernance mondiale, dès lors que la France ne peut lutter seule contre les dérèglements climatiques et le réchauffement planétaire.

Le présent projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets vise à donner une traduction concrète aux quarante-six dernières recommandations du rapport de la Convention citoyenne. Il propose des solutions pragmatiques et non uniquement idéologiques pour favoriser la résilience et protéger nos ressources naturelles.

Pour autant, notre groupe s’attachera tout au long des débats à ce que les mesures visant à atteindre nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre n’augmentent pas le poids de la fiscalité qui pèse actuellement sur les ménages, et à ce que leur impact sur l’emploi soit à tout le moins neutre, voire positif grâce à l’apparition de nouveaux métiers que nous essayons d’imaginer – je pense par exemple aux personnes chargées de piloter et de coordonner les interventions des différents artisans appelés à réaliser les travaux de rénovation globale d’un bâtiment. Nous veillerons à soutenir, chaque fois que cela sera nécessaire, les solutions permettant d’accompagner tout un chacun dans le dernier kilomètre de la transition écologique. Nous veillerons également à proposer aussi souvent que possible des dispositifs innovants, au service d’une meilleure décentralisation des politiques publiques environnementales, afin que chaque territoire puisse être acteur de cette transition.

Pour le groupe MODEM et démocrates apparentés, ce projet de loi est crucial : il nous donne l’opportunité d’apporter la touche finale aux textes que nous avons adoptés depuis le début de cette législature – la loi ÉGALIM, la loi ÉLAN, la LOM, la loi AGEC. Il est clair pour tout le monde que le texte soumis aujourd’hui à l’examen de notre commission s’inscrit dans la continuité des efforts que nous avons collectivement réalisés, ces dernières années, en amont des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, pour tendre vers une législation favorable à l’environnement. Ce projet de loi nous donnera par exemple l’occasion d’approfondir le dispositif d’affichage environnemental voté dans la loi AGEC, d’améliorer l’offre de parkings relais prévue dans la LOM, de revenir sur la qualité et la composition des repas servis dans la restauration collective votées dans la loi ÉGALIM, mais aussi de reparler de l’encadrement des loyers et des mesures en faveur de la rénovation énergétique prévues dans la loi ÉLAN. Notre groupe souhaite que ce texte s’inspire de nouveaux comportements individuels qui nous permettront d’aller plus vite et plus loin qu’aucune autre loi ne le ferait. Ce projet de loi doit constituer la dernière brique de l’édifice que nous avons pensé et bâti, au cours de la présente législature, en faveur d’une écologie de solutions – et non d’une écologie d’incantations – appelée à rentrer définitivement dans le quotidien de chacun.

M. Guillaume Garot (SOC). Nous sommes plusieurs, dans cette salle, à entamer l’examen de ce texte avec un sentiment d’inachevé. À la lecture des soixante-neuf articles du projet de loi et des 600 pages de l’étude d’impact, c’est la déception qui l’emporte. Chacun connaît les zones à faibles émissions mobilité pour la qualité de l’air ; nous nous trouvons ici face à un texte à faible ambition pour le climat. Bien sûr, il n’est pas question de tout rejeter en bloc, car certaines mesures vont dans le bon sens, mais je suis frappé par l’écart entre l’emphase qui caractérise votre communication – vous avez parlé, madame la ministre, d’une « nouvelle page de l’histoire de notre pays » et de la « République écologique » – et la réalité des mesures contenues dans ce texte, qui souffre à nos yeux de trois insuffisances fondamentales.

Premièrement, ce projet de loi ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs pour le climat. Ce n’est pas moi qui le dis ; je me fais l’écho de tous ceux qui se sont exprimés, ces dernières semaines, pour nous rappeler à l’ordre – le Conseil d’État, le Conseil économique, social et environnemental, le Haut Conseil pour le climat, la Convention citoyenne pour le climat, et même le cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG). Tous font le même constat : nous sommes très loin de poser le jalon nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Pour notre part, nous allons défendre, tout au long des débats, des mesures réellement fortes et efficaces. Nous demandons par exemple un véritable encadrement de la publicité. Nous souhaitons que, dès 2022, les produits reconnus comme les plus polluants – je pense notamment à certaines catégories d’automobiles – soient purement et simplement interdits. Quant à l’interdiction, en 2028, de la mise en location des passoires thermiques, c’est-à-dire des logements classés F et G, nous souhaitons qu’elle s’applique réellement et directement, au lieu d’être soumise à une intervention du juge. Nous demandons en outre un moratoire quant à l’installation d’entrepôts de e-commerce de plus de 3 000 mètres carrés. Je pourrais encore citer d’autres de nos propositions.

Deuxième insuffisance de ce texte : les moyens qu’il prévoit ne sont pas suffisants pour tenir les ambitions annoncées. Vous dites constamment qu’il ne faut pas aller trop vite, à cause du risque d’inacceptabilité sociale ou économique des mesures proposées – comme s’il fallait toujours envisager l’action publique comme une source de restrictions, de privations, de punitions. Si nous voulons véritablement que ce texte soit suivi d’effet, que l’ambition soit à la hauteur de ce que nous souhaitons, nous devons y mettre les moyens. Nous consacrons bien des moyens à la relance économique… Que faisons-nous par exemple pour intensifier dans la durée – je ne parle pas seulement de la période du plan de relance – les aides et les dispositifs d’accompagnement à la transition dans le secteur des transports ou dans le secteur agricole ? Que faisons-nous pour inciter les ménages à remplacer leurs véhicules anciens par des véhicules moins polluants ? Nous proposons, pour notre part, un prêt à taux zéro garanti par l’État. Que faisons-nous, enfin, pour que les collectivités locales soient responsabilisées financièrement et non simplement juridiquement ? Elles méritent mieux que de récupérer les dossiers qui fâchent, comme celui de l’écotaxe confié aux régions.

La troisième insuffisance de ce texte est sans doute la plus grave, la plus sérieuse à nos yeux : c’est l’absence de justice sociale. Nous pourrions faire de la lutte contre le changement climatique un vrai levier de justice sociale et d’égalité entre les territoires. Nous soutiendrons un moratoire quant à la fermeture des lignes de desserte fine du territoire. Nous défendrons l’expérimentation d’un dispositif « territoires zéro faim » et, plus largement, l’engagement d’une réflexion sur une couverture alimentaire universelle. Nous demanderons une réduction à 5,5 % de la TVA sur les billets de train.

Nous sommes loin de la grande loi attendue dans le pays. Il ne s’agit pas de reprendre à la virgule près les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, mais d’assumer nos responsabilités. À nous d’être à la hauteur de l’ambition fixée par les 150 citoyens de cette Convention ! Pour le moment, nous n’y sommes pas. Mais nous avons cinq semaines, en commission et en séance publique, pour faire de ce texte la grande loi climat dont notre pays a envie et, surtout, dont il a besoin.

M. Antoine Herth (Agir ens). Ce projet de loi, associé aux autres grands textes sur l’écologie que sont la loi AGEC, la LOM, la loi ÉGALIM et le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, constituera l’une des grandes avancées de ce quinquennat pour répondre au défi climatique.

Avec ma collègue Valérie Petit, je tiens à rappeler les objectifs du groupe Agir ensemble s’agissant de ce projet de loi : nous entendons consolider les ambitions de ce texte tout en améliorant l’efficacité et le réalisme des mesures qu’il contient. Pour ce faire, pétris des valeurs libérales et sociales qui nous animent, nous mènerons quatre combats : l’évaluation, la compensation, la protection de la biodiversité et la justice sociale.

Notre premier combat est donc celui de l’évaluation de l’impact des mesures. Dans ce domaine, une loi d’adaptation au changement climatique doit donner l’exemple. Ainsi, nous défendons une évaluation rigoureuse de l’impact social, économique et territorial des mesures clés de ce projet de loi et demandons au Gouvernement de revenir devant le Parlement pour ajuster éventuellement ces mesures, sur la base des évaluations qu’il aura réalisées. Comme le souligne le Haut Conseil pour le climat, il s’agit aussi d’envoyer un signal fort quant à la réforme des pratiques institutionnelles et de moderniser la façon dont l’exécutif pilote la loi et rend des comptes au Parlement et aux citoyens, en le rendant plus sensible à la réalité du pays et aux capacités effectives des Français.

Notre deuxième combat est celui de la compensation et des moyens donnés aux acteurs économiques et territoriaux pour atteindre les objectifs ambitieux que le Président de la République a fixés, et qu’il a rappelé à l’occasion des cinq ans de la COP 21. Le Parlement devra renforcer certaines dispositions du projet de loi, en veillant au caractère opérationnel des mesures proposées, voire hausser le niveau d’ambition dans les domaines qui le méritent.

Le groupe Agir ensemble estime que, pour tenir les objectifs de la France en matière de climat et de neutralité carbone, le projet de loi doit perfectionner les mécanismes de compensation, tant en matière de décarbonation qu’en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Il faut fixer des objectifs ambitieux aux entreprises, aux agriculteurs et aux collectivités, tout en leur laissant suffisamment de liberté et en développant des mécanismes efficaces, afin qu’elles composent leur stratégie propre. C’est dans cet esprit que nous imaginons la création des marchés régionaux, qui offriraient des mécanismes de compensation adéquats aux différents acteurs. Notre groupe a déjà fait des propositions dans le cadre du plan de relance : création d’un fonds souverain et citoyen d’investissement de l’économie verte, pacte vert, création de marchés régionaux de compensation de l’artificialisation des sols et des émissions de gaz à effet de serre.

Notre troisième combat est celui de la biodiversité, qui ne doit pas être la grande oubliée de ce projet de loi. Le combat pour le climat et la réduction des gaz à effet de serre est planétaire et demande de gros efforts à nos concitoyens. Il est important, mais ne doit pas faire oublier le combat quotidien, concret, pour la préservation et la restauration de la biodiversité. Cette dernière est en effet fondamentale : elle est source de solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est pourquoi notre groupe portera des mesures fortes de protection des forêts urbaines, ou encore d’intégration de la nature dans tous les projets d’aménagement venant densifier l’habitat en ville.

Mais il ne faut pas opposer villes et campagnes, métropoles et monde rural. Au contraire, ce texte doit contribuer à bâtir un consensus autour de ce qu’on pourrait qualifier de « relation émotionnelle » à la nature, qui tend à diverger entre des ruraux, qui contribuent à façonner leur environnement, et des urbains, qui y voient avant tout un poumon vert vital en ces temps de pandémie.

Dans le même esprit, par leurs fonctions, les agriculteurs détiennent certaines clés de la biodiversité et de la maîtrise des gaz à effet de serre, mais il ne faut pas trop tirer sur la corde en multipliant les règles et les contraintes ou, tout simplement, en leur faisant porter des aspirations disproportionnées, alors que les contreparties se font attendre et restent souvent du domaine du vœu pieux. Ainsi la meilleure rémunération annoncée dans EGALIM se heurte‑t‑elle aux négociations avec la grande distribution, qui n’ont jamais été aussi tendues.

Notre quatrième combat est celui de la justice sociale, puisque nombre de mesures – comme la rénovation énergétique – vont demander des efforts importants à nos concitoyens, notamment les plus modestes. De même, la nécessaire mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) doit impérativement s’accompagner d’un effort accru pour offrir une alternative crédible en matière de transports collectifs et décabornés aux habitants des zones rurales qui dépendent exclusivement de leur voiture pour leur vie quotidienne et pour accéder aux services publics. Avec Valérie Petit, nous rappelons la pertinence des mécanismes de revenu universel, que nous avons déjà défendu.

Le groupe Agir ensemble est attaché à la décentralisation et la confiance faite aux élus locaux pour réussir ce pari historique de la transformation de notre économie et de nos modes de vie. Nous serons également attentifs au renforcement des dispositions applicables aux outre-mer, qui font face à des enjeux spécifiques.

Enfin, fidèle à son investissement dans le développement, notre groupe portera des amendements pour soutenir la coopération avec les pays du Sud et consolider les engagements de la France en matière d’aide aux pays en développement – notamment africains. Ils doivent être nos partenaires privilégiés, y compris dans la lutte contre le réchauffement climatique.

M. François-Michel Lambert (LT). En préambule, je salue la mémoire d’Olivier Dassault. Beaucoup peut être dit contre l’homme ; je retiendrai la chance de l’avoir rencontré. Si nous ne partagions pas les mêmes idées politiques, nous partagions la même idée du sens de l’engagement politique.

Pour en revenir au projet de loi, souvenez-vous, il y a près de deux ans, le Président de la République, ébranlé par la crise des gilets jaunes, nous faisait part de sa volonté de remettre le climat au cœur de notre projet national. Certains observateurs complaisants parlaient de virage écologique.

Les optimistes se sont mis à espérer : espérer que cent cinquante citoyens pourraient être plus forts que les arbitrages ministériels – ces arbitrages qui ont eu raison du ministre Hulot – et plus forts que les renoncements. Leur espoir s’est nourri de l’engagement du Président de la République à traiter les propositions des citoyens « sans filtre », énième promesse non tenue alors que ce projet de loi constitue la dernière chance d’infléchir le cours du quinquennat, de mettre les actes en adéquation avec les grands objectifs inscrits dans nos lois – diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, et je ne parle pas de l’objectif européen.

La présentation du projet de loi a entériné l’échec de cette majorité : tous les observateurs le disent, si ce texte est adopté en l’état, nous aurons seulement accompli la moitié des efforts, qui vont en outre être renforcés. Les membres de la Convention se sont montrés critiques sur le sort réservé à leurs propositions, à juste titre.

Parlons tout d’abord des oublis. La fiscalité environnementale a été écartée alors qu’elle constitue un levier essentiel de la transition écologique. La lutte contre la pollution plastique n’est abordée qu’au travers du développement du vrac. Le phénomène est clairement sous-estimé : d’ici 2050, il y aura plus de plastique en mer que de poissons. La mer Méditerranée ne risque-t-elle pas de mourir sous ce plastique ? Autre angle mort, la gestion de l’eau. Hormis l’article 19, qui relève de l’incantation, votre texte ne propose aucune mesure pour réguler les usages de l’eau ou traiter les nouveaux polluants – médicaments ou microplastiques. Tout est occulté. De trop nombreuses mesures se limitent à des expérimentations ou prévoient des dérogations. En conséquence, on multiplie les dispositions non normatives ou celles prises par ordonnance, loin du concret.

Outre ces lacunes, je m’inquiète de votre vision descendante et centralisatrice. Le groupe Libertés et territoires est convaincu que la préservation des écosystèmes, le défi du changement climatique et les enjeux écologiques et environnementaux nécessitent un changement de paradigme dans le déploiement des politiques publiques, loin de la France centralisatrice. Il faut donner aux territoires, engoncés dans le centralisme jupitérien, les moyens de mettre en œuvre des politiques adaptées. Les enjeux ne sont pas les mêmes à Hazebrouck ou à Bonifacio. Il faut une écologie des territoires. Nous devons avancer dans cette France aux mille fromages.

Pourtant, votre texte impose des réponses nationales aux problématiques locales. S’agissant de la lutte contre l’artificialisation, nous partageons votre volonté de mettre fin à la bétonisation incontrôlée. Toutefois, en imposant uniformément une réduction de moitié de la consommation d’espaces, vous oubliez les dynamiques démographiques propres à chaque territoire. En outre, vous exposez certains territoires en forte croissance à une explosion du mal-logement et au blocage de projets d’urbanisme pourtant essentiels. Je rappelle que la France connaît une croissance démographique de 200 000 habitants par an, soit un million le temps d’un quinquennat – plus que la ville de Marseille.

Vos propositions concernant l’aménagement du territoire sont lacunaires : que faites‑vous pour faciliter le confort de vie de nos concitoyens, réduire les temps de trajet et repenser notre organisation territoriale ? Il faut que qu’ils puissent accéder à l’habitat, l’emploi, l’éducation, la santé, les loisirs au sein de leur bassin de vie. Ainsi les territoires seront-ils 100 % accessibles, ce qui limitera la mobilité contrainte, une des principales causes des gaz à effet de serre.

Quant au recours abusif aux décrets et aux ordonnances concernant l’artificialisation, la rénovation énergétique, la réforme du code minier ou encore l’adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte, il témoigne d’une vision centralisatrice, voire d’une forme de mépris du Parlement, bien loin de l’écologie en partage que nous devons porter.

Pour autant, nous ne rejetons pas en bloc le projet de loi. Certains articles vont dans le bon sens et rejoignent des propositions que je porte depuis longtemps, comme le verdissement de la commande publique à l’article 15. Je proposerai d’aller encore plus loin.

Même si 63 % de nos amendements ont été jugés irrecevables, ceux que nous défendrons s’inscriront tous dans cette dynamique : pousser plus loin l’ambition de ce texte afin de permettre à notre pays de rattraper son retard dans la transition bas-carbone, en faisant confiance à la France des différences, à la France des territoires, loin d’un centralisme néfaste. Au vu de la gouvernance depuis 2017, j’ai quelques doutes…

M. Thierry Benoit (UDI-I). J’ai peu connu le député Olivier Dassault mais, étant député depuis trois législatures, je l’ai beaucoup observé. Au-delà de son joli parcours d’élu local, de parlementaire et de son histoire familiale, faite de capitaines d’industrie française, j’ai beaucoup de respect pour l’homme, que je voyais souvent lors des questions au Gouvernement et qui représentait une forme de classe et d’élégance à la française. Je tenais à faire part de mes sentiments attristés à sa famille, mais aussi à ses collègues députés du groupe Les Républicains.

Madame la ministre, il vous revient donc la responsabilité de remettre l’ouvrage sur le métier concernant la trajectoire dite « écologique ». Nous avons tous en tête les mouvements sociaux de novembre 2018 qui ont conduit le Gouvernement à suspendre cette trajectoire. Je parle de « trajectoire » car c’était le terme employé par votre prédécesseur, François de Rugy. Au plus fort de la crise sociale, lors des questions au Gouvernement, il avait indiqué que le Gouvernement la maintiendrait.

Au-delà de la trajectoire écologique – dont les Français comprennent les implications fiscales – nous devons avoir en tête la nécessaire trajectoire humaine et sociale. Si nous voulons que votre projet, amendé par nos propositions, soit accepté par la majorité de nos concitoyens, encore faut-il que personne ne se sente méprisé ou humilié. En 2018, la grogne, la colère et la révolte de certains de nos concitoyens étaient consécutives à des décisions qui visaient toujours les mêmes, souvent les plus faibles, celles et ceux qui travaillent dur ou ont de faibles ressources : limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure (km/h), renforcement des radars sur les routes, projet de taxation carbone du carburant, renforcement du contrôle technique des voitures, décision de suppression des chaudières au fioul à moyen terme qui touchaient nos concitoyens ruraux, non dotés d’autres formes d’énergie. Les propositions que nous allons faire doivent donc s’adosser à des mesures alternatives, sinon vous ne pourrez embarquer le plus grand nombre.

Je vous souhaite, madame la ministre, le succès de Jean-Louis Borloo lorsqu’il a fait voter à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale les lois du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle I, et du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II. Ce succès est en grande partie lié à sa personnalité. Madame Pompili, je souhaite que vous puissiez mettre suffisamment d’huile dans les rouages de nos débats pour éviter les blocages. J’aimerais que le groupe UDI-I puisse voter ce texte car, lorsque Jean-Louis Borloo a créé l’UDI, c’était pour en faire un parti proeuropéen, un parti à la fibre humaine et sociale très forte, mais aussi – et c’était en 2012 – un parti dont l’écologie était le fil conducteur du projet politique.

C’est pourquoi Guy Bricout et moi-même, qui représentons le groupe UDI au sein de cette commission spéciale, nous efforcerons d’être raisonnables, constructifs, fédérateurs tout en étant pragmatiques car l’écologie ne doit pas être uniquement conceptuelle, mais aussi opérationnelle.

Mme Mathilde Panot (FI). Voici venu le temps du bulletin de fin d’année, celui que l’on redoute et qui ne trompe pas : la Convention citoyenne a collé à votre projet de loi un 3,3/10 sur la reprise de ses mesures et une note de 2,5/10 sur le texte final. Les citoyens l’ont souligné : vous n’avez pas respecté la consigne ! Non seulement parce que leurs propositions ont été une à une sabordées, alors qu’elles devaient être reprises « sans filtre » – je cite le Président de la République – mais surtout parce que votre texte ne permettra pas d’atteindre la baisse espérée de 40 % des émissions de gaz à effet de serre.

En conseil de classe, vous avez répondu qu’il fallait prendre en compte le contrôle continu, car seul l’ensemble de vos mesures permettrait d’atteindre l’objectif de 40 %. Allons donc voir le reste du bulletin. Quelles appréciations peut-on y lire ? « Les résultats sont insuffisants. Emmanuel et son gouvernement déroulent le tapis rouge à Amazon, réintroduisent les néonicotinoïdes, refusent d’interdire le glyphosate, signent des accords de libre-échange à la récréation, donnent de l’argent de poche au secteur de l’aérien et de l’automobile sans contrepartie. Ils promeuvent le nucléaire auprès de leurs camarades, affaiblissent le droit de l’environnement, abandonnent le fret ferroviaire, multiplient les contournements autoroutiers, sabrent dans les effectifs du ministère de la transition écologique et détruisent les services publics, comme celui de l’Office national des forêts… Emmanuel et son Gouvernement présentent également de sérieux problèmes de discipline : ils trichent ! Ils baissent les objectifs de budget carbone pour 2023 dans la stratégie bas-carbone, passant de - 2,3 % à - 1,5 %, pour mieux se féliciter d’être à - 1,7 % en 2019 ! Mais surtout, Emmanuel et son Gouvernement sont très dispersés, refusent catégoriquement d’écouter en classe les remarques de l’opposition et de la société civile, jouent les durs à la pause en frappant et en gazant leurs petits camarades. »

Je suis navrée, madame la ministre, mais, même lorsqu’il s’agit du contrôle continu, vous n’atteignez pas la moyenne. C’est une véritable déception car Emmanuel Macron était pourtant très motivé au début de l’année et nous disait au sujet de la Convention citoyenne : « tout, dans cette aventure démocratique et humaine, constitue une première mondiale, autant par son ambition que par son ampleur. En neuf mois, la Convention citoyenne a renouvelé de manière inédite les formes de la démocratie et bousculé le système. Et si cette expérience est une réussite, c’est avant tout par la qualité du travail que vous avez produit. »

Tout ça… pour ça. Celui qui s’autoproclamait premier de la classe, champion de la Terre, tête d’ampoule de l’écologie, se révèle plutôt un cancre du climat. Il faut dire que tout au long de l’élaboration de leur devoir, Emmanuel et son Gouvernement ont eu de mauvaises fréquentations. On leur a soufflé que la taxe sur les dividendes « freinerait l’investissement », que l’interdiction de la publicité sur les produits polluants ou de malbouffe « entraverait la liberté », que la fin des vols intérieurs pour les trajets de plus de quatre heures lorsqu’une alternative en train est possible « ferait s’effondrer le secteur », que l’obligation de rénovation thermique des bâtiments « découragerait les propriétaires » et leur meilleur ami, Amazon, les a dissuadés de prendre en compte les entrepôts d’e-commerce dans leur moratoire « au nom de l’emploi », bien qu’Amazon détruise plus d’emplois qu’il n’en crée.

Attention aux bavardages avec les lobbys, madame la ministre ! Ils perturbent la classe – ou plutôt l’intérêt général – et c’est à cause d’eux que l’on se retrouve avec un texte lacunaire, dans lequel trois quarts des mesures de la Convention citoyenne ont été piétinées. Des lacunes, comme l’absence scandaleuse de mesures sur les forêts, comme l’interdiction des coupes rases ou le renforcement des moyens de l’Office national des forêts, formulées pourtant par la Convention citoyenne. Rien non plus sur l’eau, bien commun essentiel à la vie. Nos amendements sur ces sujets ont été jugés irrecevables, c’est-à-dire mis à l’écart du débat démocratique ; c’est honteux ! Il faudrait m’expliquer comment les forêts et l’eau n’ont pas de lien avec un texte qui traite du climat.

En définitive, d’aucuns vous diraient de vous rattraper au prochain trimestre, de poursuivre vos efforts et, pourquoi pas, de redoubler. Sauf que le dérèglement climatique est en marche, et que notre temps est compté. Vous êtes de ces élèves qui choisissent leurs matières, et celle que vous préférez, c’est la finance, la philosophie des patrons et celle des multinationales. Ce que vous appelez l’écologie du concret et du progrès n’est rien d’autre que le service après-vente du libéralisme : repousser les échéances le plus loin possible, ne pas brusquer les industriels, miser sur leur bonne volonté pour nous sortir de l’impasse, et surtout, ne pas remettre en question le système économique qui nous mène au désastre. Avez-vous un seul exemple dans le monde où la politique de la caresse a fait ses preuves ?

Ce dont notre pays a besoin, c’est d’une bifurcation écologique et solidaire. Pas d’un maigre virage verdâtre qui ne trompe personne. Pour cela, nous devons engager une rupture avec nos modèles de production et de consommation, planifier la reconversion des secteurs polluants et repartir des besoins de nos concitoyens, car il n’est pas d’écologie sans justice sociale.

Il vous reste à comprendre une chose : l’écologie est un champ de bataille. On ne peut venir contenter quelques-uns, quand notre responsabilité historique est d’éviter à toutes et tous les désastres climatiques. Il n’est pas de connivence avec les lobbys qui tienne quand il s’agit d’intérêt général. Entre les lobbys et la survie de l’espèce humaine et du vivant, il faut choisir.

M. Hubert Wulfranc (GDR). La transition écologique et solidaire est un sujet qui place la majorité dans une contradiction de fond : vous êtes adeptes d’une société libérale – ce n’est pas un jugement de valeur – et vous ne pouvez donc qu’être mis en difficulté permanente. Dès lors, vos politiques publiques en la matière entretiennent et accroissent les tensions avec et entre les Français. C’est d’ailleurs ainsi que votre décision abrupte de hausse de la taxe carbone a conduit à un mouvement social, la population ne pouvant plus supporter ces mesures qui accroissent les inégalités. Vous avez pensé surmonter cette défiance en mobilisant une Convention citoyenne pour faire des propositions.

Nouveau constat de désaveu au terme de vos arbitrages : le texte ne contient ni ambition, ni solidarité, pourtant indispensables pour mener à bien cette transition. En outre, vous vous êtes à nouveau attiré une certaine hostilité des élus locaux. Sans avoir été conviés à la concertation avec des citoyens, ils sont désormais chargés d’être les porteurs d’eau de vos mesures !

Le projet de loi que vous présentez est brouillon, source de nouveaux malentendus et, peut-être pire, de confrontations, alors que la transition écologique est indispensable, mais dans la justice sociale. Il s’agirait du texte du dernier kilomètre, de la dernière pièce du puzzle vertueux du monde d’après. Pourtant, rappelons-nous, la loi d’habilitation réformant le code du travail et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, relative à la formation professionnelle, ont étrillé les droits des salariés et ne proposent aucune mesure pour requalifier ces derniers dans les métiers de demain. La pauvreté incommensurable du titre II du présent projet de loi témoigne d’ailleurs de votre retrait majeur sur cette question…

Souvenons-nous également de la loi ÉLAN, qui a déstabilisé notre système de logement social et a accentué le retrait de l’État de la politique de l’habitat, et de la LOM, qui a livré la SNCF à la concurrence et porte quotidiennement atteinte à la cohérence du réseau et des services publics territoriaux de transport ferroviaire. Enfin, la loi EGALIM, qui visait à assurer une rémunération juste à nos agriculteurs et l’accès pour tous à une alimentation de qualité, est un échec, et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – entreprise de démantèlement de l’outil industriel EDF – toujours à l’ordre du jour.

Ce projet de loi du dernier kilomètre conduit notre pays à suivre, toujours et davantage, la logique des marchés et leur soi-disant autorégulation, pour être plus vert et plus social. C’est le fil rouge de votre projet de loi : pas de contraintes, pas d’obligation de résultat. Pourtant, tout démontre que les grandes entreprises et les banques du secteur privé continuent d’exploser leurs budgets d’émission de gaz à effet de serre, le dernier rapport d’OXFAM l’a encore illustré. Les plans de licenciements et de suppressions d’emplois s’y multiplient alors que l’État s’est engagé aux côtés de ces entreprises avec des dizaines de milliards d’euros, sans aucune contrepartie écologique et sociale.

Reste donc un projet de loi d’ajustement. Bien évidemment, certains sujets saillants parviennent à se frayer un chemin et, comme nos collègues de gauche, nous ferons des propositions, avec fermeté. Mais nous regrettons vivement que votre texte ne comporte pas d’engagements financiers de long terme et n’acte aucun impératif de justice sociale.

Nous nous inscrivons donc dans ce débat sans grandes illusions, tout en souhaitant que la fragilité du projet de loi ne soit pas source de nouvelles ruptures écologiques et sociales.

M. Vincent Thiébaut. Ce projet de loi s’inscrit dans une perspective d’ensemble. Je ne vais pas refaire la liste des mesures déjà portées par notre majorité : loi EGALIM, loi AGEC, loi relative à l’énergie et au climat, etc. En outre, nous sommes le premier pays au monde à avoir mis en place un budget vert, afin d’évaluer l’impact des dispositions que nous votons sur l’environnement. Nous portons aussi une ambition constitutionnelle.

Nous, parlementaires de la majorité, en sommes fiers. Je vous invite à revisionner l’audition de M. Canfin devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire : il soulignait que la loi AGEC était source d’inspiration au niveau européen. Nous serons également le premier pays au monde à imposer une compensation carbone aux compagnies aériennes, et un des premiers pays européens à interdire les passoires énergétiques. Cela déplaît peut-être à nos collègues, mais notre ambition est constructive et pragmatique.

Nous affichons donc cette ambition, déterminons les trajectoires, mais comment allons-nous évaluer la mise en œuvre de ces mesures, madame la ministre ? Comment y associer le Parlement ? J’en profite pour saluer l’amendement porté par la présidente et le rapporteur général pour y associer également le Haut Conseil pour le climat, créé durant ce quinquennat.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Madame la ministre, vous avez indiqué que le présent projet de loi était le fruit du travail des membres de la Convention citoyenne. Je persiste à émettre de grosses réserves sur ce mode de fonctionnement mais, quitte à aller au bout de cette démarche, pourquoi avoir autant retravaillé le texte ? Élaborer la loi relève de la compétence partagée entre le législateur et l’exécutif. Or, lorsque l’on vous écoute, il semble que les parlementaires prennent vos remarques comme des invectives qu’il faudrait suivre à la lettre.

Le législateur ne serait-il qu’une chambre d’enregistrement, chargé de valider des mesures que cent cinquante citoyens tirés au sort ont souhaitées et qui, au passage, n’apprécient que peu le rendu final si l’on se réfère aux notes qu’ils vous ont attribuées ? 3,3/10 pour la prise en compte de leurs propositions, vous conviendrez que c’est assez faible…

Ici, les parlementaires échangeront, débattront sur l’opportunité de certaines mesures. Avec les députés Les Républicains, nous nous attacherons à partager des arguments pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique. Ne nous y trompons pas, ces questions ne doivent pas faire l’objet d’un quelconque rapport de force, comme on peut le lire dans la presse. Adopter des postures pour plaire à une partie de l’électorat ne fera pas avancer cette noble cause qui, au contraire, doit nous rassembler.

Je pense notamment à de grands thèmes, comme le vrac ou l’obligation de la consigne en verre. Derrière ces belles idées, il y a des réalités plus complexes, et loin d’être aussi vertueuses qu’on le pense ! Le bilan carbone de la consigne en verre serait désastreux si l’on s’en tient à nos modes de transport actuels. Et, s’agissant des transporteurs routiers, seule la taxation semble vous préoccuper. C’est bien dommage, mais nous en discuterons longuement, car vous l’aurez compris, nous aborderons l’examen de ce texte dans un état d’esprit constructif.

Mme Delphine Batho. En préambule, je transmets mes remerciements sororaux à Delphine Bagarry, qui a fait le choix de se désister pour me permettre d’être membre de la commission spéciale.

Tenons-nous en aux faits : l’année 2020 a été la plus chaude jamais enregistrée ; les canicules sont récurrentes en France depuis 2015 ; Météo France prévoit + 3,9 °C à la fin du siècle, et + 6 °C l’été si nous n’agissons pas maintenant. Les sécheresses, les inondations, la fonte des glaciers, le dépérissement des forêts, les tempêtes Alex ou Irma, en métropole ou en outre-mer, tout cela n’est que la bande-annonce… C’est désormais un enjeu de sécurité nationale.

En outre, la France ne respecte pas l’accord de Paris pour le climat puisqu’elle explose six des neuf limites planétaires qui conditionnent l’espace de sécurité dans laquelle la vie humaine a pu se développer sur terre. Selon le rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, dit rapport du GIEC SR15, pour rester sous la barre des 1,5 °C de réchauffement global, les gaz à effet de serre doivent diminuer de 45 % entre 2010 et 2030. Ce n’est pas le défi des générations qui viennent, mais le nôtre !

En prend-on le chemin ? Le poids moyen des voitures augmente de dix kilogrammes par an depuis cinquante ans ; le trafic aérien double tous les dix ans ; l’empreinte du numérique augmente de 8 % par an ; les incitations à la surconsommation à coups de publicité – 1 200 à 2 000 messages publicitaires par jour – polluent nos cerveaux ; 6,7 millions de Français vivent dans une situation de précarité énergétique – réduire les inégalités et lutter contre le changement climatique sont donc une seule et même ambition.

Je rappelle ces faits car, permettez-moi de le dire, notre débat manque de gravité. Je rappelle ces faits car il ne s’agit pas d’un débat théorique sur le « juste milieu », entre ceux qui voudraient plus et ceux qui voudraient moins, mais d’une nécessaire efficacité, face à un compte à rebours terrible.

Ce projet de loi permet-il à la France de tenir ses engagements ? Non. Est-il fidèle aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat ? Non. En tant qu’écologiste, je suis en profond désaccord avec le modèle consumériste que ce texte tente de sauvegarde, et qui nous mène droit dans le mur.

Mme Valérie Beauvais. Nous traversons une crise sanitaire sans précédent dont les conséquences économiques, sociales et budgétaires sont très lourdes, et le seront davantage dans les mois et les années à venir. Pourtant, le Gouvernement ne trouve rien de mieux à faire que de soumettre à notre examen le présent projet de loi, alors même que, depuis 2017, nous avons examiné cinq projets de loi en lien avec l’économie et l’environnement : la loi EGALIM, la loi ELAN, la LOM, la loi énergie-climat et la loi AGEC, qui auraient dû permettre à notre pays de progresser en matière climatique, sur la mobilité ou encore le gaspillage alimentaire.

Ce nouveau texte nous propose de tout recommencer, alors même que certaines mesures votées ne sont pas entrées en vigueur, faute de décrets, et qu’elles semblent insuffisantes, si je me réfère au titre du projet de loi.

Le plus flagrant, ce sont les contraintes supplémentaires que devront supporter les entreprises déjà soumises à rude épreuve. Ainsi, à l’article 15, l’intégration de considérations relatives à l’environnement dans les conditions d’exécution d’un marché public va pénaliser les petites entreprises. L’article 16 renforce le rôle du comité social et économique et oblige les entreprises à l’informer de toute modification d’effectifs ou des modifications juridiques de l’entreprise.

Hélas, la liste n’est pas exhaustive puisque c’est un titre complet du projet de loi, le titre II, qui est consacré à des mesures hétéroclites : formation des salariés, développement des énergies renouvelables, protection des milieux aquatiques. Pourtant, vous ne vous préoccupez ni de la gestion de la ressource en eau, ni de réformer le code minier.

Ceux qui sont à l’origine du projet de loi – les membres de la Convention citoyenne – veulent nous contraindre à vivre dans une société aseptisée, en limitant nos déplacements, en nous obligeant à suivre des régimes alimentaires nouveaux, alors qu’ils prétendent défendre la liberté sur bien d’autres sujets. Madame la ministre, comment faire pour que la transition écologique et la protection de notre environnement ne soient pas synonymes de privation de nos libertés ?

M. Dominique Potier. On peut regarder le projet de loi « Climat » comme un clair‑obscur : il y a un effet lampadaire, lié à sa mise en lumière, et des angles morts – des trous noirs et une part d’ombre.

Je ne reviendrai pas sur la mise en avant de la Convention citoyenne. Elle a été si forte que l’atterrissage ressemble un peu à une forme de mépris.

On n’en finirait pas si on se mettait à raconter – j’appelle d’ailleurs à faire un mémoire de sciences politiques à ce sujet – le rendez-vous raté qu’a été la loi ÉGALIM, après des États généraux de l’alimentation qui étaient un moment assez génial.

S’agissant de l’atterrissage difficile de la Convention citoyenne, comment de si belles idées peuvent-elles être finir par être ainsi abîmées ? Il faudra inventer, lors de la prochaine législature, le continuum démocratique entre la société civile, l’autorité scientifique, le Parlement et le Gouvernement qui n’a pas vu le jour sous les présidences de François Hollande et d’Emmanuel Macron. Une invention démocratique reste à faire sur ce plan.

Entre l’écueil que représentent les collapsologues et l’illusion des petits pas, il faut trouver un chemin. Nous essaierons humblement, avec le groupe socialiste, de travailler ensemble sur trois sujets, dans les limites très étroites que nous laisse l’examen de la recevabilité.

Il faut, tout d’abord, penser aux territoires et à la planète : on ne doit jamais penser franco-français, en se limitant à nos querelles picrocholines. Efforçons-nous d’élargir l’angle, en passant, par exemple, de la question du repas hebdomadaire végétarien à celle de la montée de la famine dans le monde en lien avec le changement climatique.

Il faut également penser au-delà du carbone – et on revient ainsi aux questions agricoles. L’obsession du carbone peut casser la sécurité alimentaire et la biodiversité, qui est notre assurance vie. Il va falloir penser globalement et se doter d’instruments pour y parvenir.

Enfin, on doit penser aux dimensions sociales et écologiques. La première cause du gaspillage des ressources, ce sont les inégalités. Celles qui existent en bas ont été rappelées – tout le monde ne peut pas accéder au même mode de vie. Mais il faut également souligner que, de l’autre côté, 1 % de l’humanité consomme actuellement plus de carbone que 50 % de l’humanité.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’examen de ce texte est un grand moment pour notre Assemblée et notre démocratie. Il s’agit, en effet, d’une étape importante pour un projet inédit où se rencontrent démocratie participative et démocratie représentative. À nous, maintenant, d’être à la hauteur des enjeux écologiques, économiques et sociaux, qui sont décisifs pour notre avenir. Nous devons, pour cela, faire le choix d’une écologie positive et incitative, d’une approche fondée sur des critères objectifs.

L’article 9 du projet de loi est particulièrement parlant. Cibler d’une manière disproportionnée les imprimés publicitaires reviendrait à soutenir la publicité numérique dont nous savons désormais qu’elle est polluante. L’empreinte carbone du numérique est une problématique dont le Gouvernement s’est saisi dans le cadre de la feuille de route intitulée « numérique et environnement ». Si nous ne verdissons pas le secteur du numérique, celui-ci représentera 7 % de nos émissions de CO2 dans vingt ans. Le papier, en revanche, est une matière végétale, écologique et recyclable. À partir de 2023, tous les prospectus et catalogues publicitaires seront imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement : une loi que nous avons votée le prévoit.

J’invite, chers collègues, à se référer au bon sens – vous avez eu raison d’insister sur ce point, madame la ministre – mais aussi à respecter l’esprit de cohérence dans lequel doit s’inscrire ce texte. Il faut faire preuve de cohérence avec l’objectif de neutralité carbone, avec la législation existant déjà en matière d’écologie et avec nos voisins européens, qui misent avant tout sur le renforcement de dispositifs similaires à « Stop Pub ».

M. Vincent Descoeur. La mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, que j’ai eu l’honneur de présider et dont notre collègue, de la majorité, Marjolaine Meynier-Millefert était la rapporteure, a pointé du doigt l’inadéquation entre les objectifs ambitieux fixés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et les moyens disponibles : ces derniers sont insuffisants, malgré les efforts consentis dans le plan de relance.

L’ambition affichée se heurte à l’écueil du financement du reste à charge, qui est encore trop élevé pour une grande majorité des ménages, en particulier dans la perspective de rénovations globales. Si on ne parvient pas à faire la démonstration que le reste à charge sera couvert par les économies d’énergie réalisées et qu’il sera suffisamment lissé dans le temps pour être supportable, il y a tout lieu de craindre que nous ne pourrons pas convaincre nos concitoyens de s’engager dans des travaux de rénovation et d’adhérer à l’ambition nationale

La question des moyens mobilisables pour accompagner nos concitoyens et parvenir à une massification des travaux se pose d’une manière aiguë, de même que la question de la pérennité de ces moyens au lendemain du plan de relance. Il nous a été répondu que le Gouvernement avait confié une mission à Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires. Il est chargé de « piloter une task force » et de faire des propositions pour massifier le financement d’ici à la mi-mars. Si l’idée peut être jugée intéressante, convenez que le calendrier est pour le moins discutable. C’est faire peu de cas de la représentation nationale car nos travaux débutent avant que les conclusions de cette mission, portant sur la question centrale du financement, aient été rendues publiques. Par ailleurs, les amendements relatifs au financement, notamment celui du reste à charge, pourraient bien être écartés au titre de l’article 40 – je ne le souhaite pas, bien sûr, mais je le redoute.

Mme Chantal Jourdan. Je voudrais souligner, pour commencer, que ce n’est pas la « journée de la femme » aujourd’hui, mais la « journée internationale des droits des femmes » (Applaudissements sur divers bancs).

Alors que nous entamons l’examen de ce texte qui devait consacrer les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le constat est inquiétant. Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, le texte initial manque clairement d’ambition. Il ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés pour la réduction des émissions de CO2. Nous savons, bien entendu, qu’il forme un « paquet » avec des lois précédentes ou des dispositions réglementaires mais il est évident, lorsqu’on regarde l’ensemble, qu’il faut aller beaucoup plus loin.

Le groupe Socialistes et apparentés a souhaité adopter une position positive en déposant des amendements qui visent à renforcer le texte. Nous voulons l’améliorer, notamment en traitant des sujets qui ne sont pas abordés alors qu’ils nous semblent fondamentaux pour la lutte contre le changement climatique. La question du numérique, par exemple, nous paraît importante : ce secteur émettra près de 7 % des gaz à effet de serre dans vingt ans. L’éducation à la sobriété numérique est déjà indispensable. Une même attention doit être portée à la question des forêts et de la valorisation de leurs ressources. Nous regrettons l’irrecevabilité prononcée à l’égard de certains amendements.

Je tiens à mentionner un autre sujet qui nous paraît essentiel : celui de la formation et de l’adaptation de notre société aux évolutions des métiers. Il faut, en particulier, une préparation solide et sérieuse aux évolutions dans le secteur de l’emploi. En travaillant sur ce point, nous pourrons également nous assurer de répondre aux demandes exprimées par les Français dans des secteurs tels que la rénovation thermique, les énergies renouvelables et l’agriculture, qui doit être liée à son territoire.

M. Julien Aubert. Ce texte est né d’une crise : celle des gilets jaunes, ces Français qui en avaient marre des taxes et des normes. Le point d’arrivée est ce projet de loi, survenu au beau milieu d’une crise économique et sociale majeure, mais qui devrait faire plaisir à ceux qui trouvent que les ambitions de ce texte sont trop faibles. Je rappelle que les émissions de CO2 ont diminué de 7 % en 2020 au niveau global et de 15 % en France, pour un coût total de 194 milliards d’euros. Malheureusement, cela ne suffira pas à atteindre les objectifs de l’accord de Paris : il faudrait dix années de covid pour y arriver. J’invite à réfléchir aux ambitions que nous nous sommes fixées.

La crise sanitaire et économique est là, et il faut mesurer le texte à cette aune. Il créerait des taxes – l’écotaxe régionale ferait son retour, ainsi que le prévoit l’article 32, avec une subtilité consistant à se donner deux ans, histoire de sauter l’élection présidentielle – il paralyserait le bâtiment, avec l’objectif de zéro artificialisation nette qui aurait notamment des effets sur le monde rural, alors que le secteur de la construction connaît une baisse de l’activité de 15 %, il paralyserait l’industrie, avec l’épouvantail de l’écocide, alors que France Stratégie rappelle que la France a l’économie la plus désindustrialisée du G7, il paralyserait le secteur aérien, alors qu’Air France a perdu 67 % de ses passagers l’an dernier, ce qui est du jamais vu, et il paralyserait la location, avec les mesures concernant les passoires thermiques, alors que la Fondation Abbé Pierre explique que l’attribution des logements HLM a baissé de 20 % en 2020 et qu’il y a une hausse massive des sans-abri. Nous devons donc aborder ce texte avec prudence.

J’ajoute qu’il y a un problème d’ambition : vous proposez, en vrac, des mesures symboliques et idéologiques. Ne croyons pas que c’est Stop Pub, l’interdiction de la publicité par avion, les menus végétariens ou le vélo qui nous permettront de respecter l’Accord de Paris.

La méthode me pose également problème. La loi Évin et la prohibition ne sont pas mon modèle. Le tirage au sort et le sans-filtre, sachant que le filtre est le Parlement, ce n’est pas non plus mon modèle. Citons Hugo : « Le plus excellent symbole du peuple, c’est le pavé. On marche dessus jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête. »

M. Gérard Leseul. Nous examinons enfin le projet de loi « Climat et résilience » qui nous met tous face à nos responsabilités pour préparer le monde dans lequel nous voulons vivre demain. Beaucoup de choses ont déjà été dites par Mme la ministre, les rapporteurs et les précédents intervenants sur l’ampleur du défi à relever, la gravité de la situation et surtout l’urgence d’agir fortement pour engager une réelle dynamique sociale et environnementale.

Je prendrai l’exemple concret du transport pour illustrer les limites du texte, qu’il faut dépasser. C’est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre – il représente plus de 30 % du total dans notre pays, et les véhicules particuliers sont à l’origine de 60 % des émissions de dioxyde de carbone du transport routier. La conversion du parc automobile est un enjeu aussi bien économique et social qu’écologique. Il faut des réponses concrètes pour permettre à nos concitoyens de changer de modèle et de s’orienter vers des véhicules propres. Une articulation ambitieuse entre la prime à la conversion, un véritable prêt à taux zéro et le développement de la mobilité collective au quotidien est nécessaire.

Offrons à nos concitoyens une véritable alternative en assujettissant les transports en commun et les billets de train au taux réduit de TVA de 5,5 % tout en maintenant et en améliorant notre réseau de petites lignes, qui démontre, à l’heure de la transition, qu’il a une utilité renouvelée et même un caractère indispensable. Il faut revoir à la hausse nos investissements en matière de transport individuel et permettre un véritable report modal du transport de marchandises vers le ferroviaire. Les 650 millions d’euros du plan de relance ne suffiront pas. Par ailleurs, il est très surprenant que nous soyons l’un des plus faibles utilisateurs du fret fluvial alors que nous avons 8 500 kilomètres de voies navigables et le plus long réseau d’Europe.

Voilà quelques exemples concrets de leviers à utiliser pour réussir notre transition vers un modèle plus durable. Le groupe Socialistes et apparentés défendra une écologie de la raison et des solutions, sans renoncement aux libertés et sans surenchère punitive.

M. Hubert Wulfranc. Merci de me redonner la parole, madame la présidente. J’y vois une ouverture (Sourires). Je voudrais apporter à Mme Motin un éclairage sur ce que j’ai dit tout à l’heure. Cela me permettra d’enfoncer un peu le clou et de rejoindre Mme Jourdan à propos de la transition concernant les emplois et les métiers.

Selon la page 162 de l’étude d’impact, « l’instauration d’une taxe supplémentaire, aux seules actions de formation de salariés ou d’accompagnement d’entreprise confrontés à des enjeux de transition écologique, n’a pas été retenue ». On nous explique que « toute taxe supplémentaire aurait augmenté le taux de contribution des entreprises, équivalant à 1,68 % de la masse salariale annuelle pour les entreprises de plus de 11 salariés et à 1,23 % pour les entreprises de moins de onze salariés », soit un petit pactole de 9,6 milliards d’euros. On nous dit aussi que la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait réaffirmé que « la réaffectation des montants relatifs à la formation professionnelle devait être effectuée à ressources constantes, sans augmenter le poids des contributions ».

Vous ne prévoyez pas d’effort au sujet de cet enjeu majeur à la fois en matière économique et sociale et pour la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Merci pour ces nombreuses interventions. Je ne détaillerai pas tout – sinon, nous serons encore là dans quinze jours, sans même avoir commencé à examiner les amendements… J’aurai l’occasion de répondre précisément à toutes les questions au cours des débats.

Je remercie M. le rapporteur général ainsi que Mmes et MM. les rapporteurs pour leur énorme travail de préparation. J’ai bien conscience, pour avoir pratiqué cet exercice dans une vie précédente, de ce que cela implique – il faut essayer d’entendre tous les avis et de concilier les points de vue pour trouver des terrains d’atterrissage partagés. Je sais aussi ce que c’est d’avoir à gérer des milliers d’amendements dans un délai très court. Je voudrais saluer votre travail et l’esprit constructif qui prévaut. C’est très productif, et cela devrait nous permettre de faire de belles choses. Je n’irai pas plus loin, à ce stade, dans les réponses à vos interventions, mais je note que vous avez des propositions d’amélioration tout à fait intéressantes et pertinentes.

Merci à Marie Lebec pour le soutien du groupe La République en Marche. Elle a également souligné l’importance du travail préparatoire qui a eu lieu : le fait que 370 acteurs de la société ont été auditionnés, sous différentes formes, montre que le travail réalisé en amont de la Convention citoyenne et lors de la préparation du présent texte a été poursuivi à l’Assemblée. Cela permet d’avoir des propositions pour améliorer le projet de loi – des mesures concernant la planification, des outils concrets ou encore d’autres mesures, notamment des indicateurs, pour assurer un suivi de la loi. C’est tout à fait dans l’état d’esprit de ce que nous voulons.

Je relève aussi, avec grand plaisir, que je n’ai entendu dans cette salle, sur tous les bancs, qu’une volonté d’augmenter encore l’ambition du texte.

M. Erwan Balanant. Sauf peut-être chez M. Aubert.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même chez lui. C’est quelqu’un de très ambitieux, je n’ai aucun doute là-dessus (Sourires).

Cela nous permettra d’avancer et de répondre à tous ceux qui disent que nous risquons, collectivement, d’être mangés par les lobbys, de réduire l’ambition du texte. Après vous avoir écoutés, je suis rassurée : ce texte ne pourra être qu’enrichi et amélioré. Mais je n’avais aucun doute sur ce point, vous n’avez fait que conforter cette certitude.

M. Sermier a parlé avec son cœur, comme toujours. Il nous a assuré que le groupe Les Républicains était prêt à jouer tout son rôle en tant que force de proposition au sujet de ce texte. Je suis évidemment très attentive à toutes les propositions que les groupes d’opposition pourront faire pour améliorer encore le projet de loi – vous le savez car nous avons déjà eu l’occasion de travailler ensemble. Il faudra également que je vous rassure sur certains points sur lesquels vous avez demandé des éclaircissements – vous pensez que nous n’avons pas encore tout dit, notamment en ce qui concerne les risques de taxation-répression de l’inventivité et du développement économique. Ne vous inquiétez pas : nous voulons que la transition écologique soit l’occasion de développer de nouvelles filières, de créer des emplois, de transformer des territoires. C’est aussi de cette manière que nous entraînerons tout le monde derrière nous. Des jeunes ont besoin d’avoir des perspectives. Ce qu’on fait en disant qu’on s’attaque au changement climatique permet aussi de leur redonner de l’espoir. On va relever le défi en leur proposant et en leur permettant de participer.

Merci à Mme Lasserre pour son soutien et pour celui du groupe MODEM. Je tiens à répondre tout de suite à la question de l’effet de la transition écologique sur l’emploi, qui a été posée par plusieurs d’entre vous. Il est, bien sûr, question de « transition », et toute transition fait des gagnants et des perdants. Néanmoins, on constate d’ores et déjà que la transition écologique est très pourvoyeuse d’emplois. Nous avons des chiffres sur les éco-activités : elles sont dynamiques et représentent près de 563 000 emplois en équivalents temps plein, soit 2,1 % de l’emploi total français. L’emploi dans l’économie verte a augmenté de près de 16,5 % entre 2008 et 2017, contre seulement 2 % dans l’ensemble de l’économie. L’emploi au sein des éco-activités augmente fortement depuis 2016 : la hausse était de 5,8 % en 2017 et de 4,4 % en 2018. Au-delà, la transition écologique favorise le verdissement de tous les emplois.

Les évaluations réalisées montrent que les politiques bas-carbone conduiront à une création nette de plusieurs centaines de milliers d’emplois, non délocalisables, d’ici à 2030. Des activités seront amenées à disparaître durant la transition, comme les centrales à charbon, et d’autres secteurs devront se transformer, et ils sont en train de le faire, par exemple ceux de l’automobile, de la construction et de l’agriculture, mais les pertes seront plus que compensées par le dynamisme de la création d’emplois directs dans les nouveaux secteurs de l’économie.

Notre rôle est de faire en sorte que les mutations soient accompagnées mais aussi anticipées pour qu’il n’y ait pas de territoires qui se retrouvent en difficulté – notamment ceux concernés par une seule activité. C’est tout le travail que nous avons à faire, à la fois en tant que législateur et en lien avec les territoires. Le travail portant sur les contrats de relance et de transition écologique peut notamment permettre d’accompagner les territoires, mais il y a beaucoup d’autres outils. C’est cela, pour moi, l’écologie des solutions.

On a toujours le sentiment d’inachèvement évoqué par M. Garot. C’est d’autant plus vrai que l’examen du projet de loi n’a même pas encore commencé… Je confirme que tout n’est pas achevé ou réglé à ce stade. Nous travaillons à un renforcement de l’expertise dans certains domaines pour améliorer le texte au cours de son examen au Parlement – je pense notamment à la publicité et à la rénovation des logements. Nous allons continuer et faire de ce texte une belle réussite.

Quant aux insuffisances qui ont été pointées, j’attends de chacun qu’il fasse des propositions. Nous les regarderons et nous essaierons d’apporter des améliorations. S’agissant des objectifs pour le climat, ce projet de loi ne doit pas être considéré isolément : sinon on n’a pas la vraie grille de lecture. Il faut regarder l’ensemble des mesures. Dans certains cas, c’est inachevé : je viens de le dire à propos de la rénovation des logements. Le bâtiment représente un quart de nos émissions de gaz à effet de serre. Il faut absolument accrocher à cette loi certaines mesures pour atteindre les objectifs. Je suis d’accord avec vous : sans cela, ce sera compliqué, notamment pour l’accompagnement personnalisé de ceux qui veulent s’engager dans une rénovation globale. Nous avons besoin de sortir des incantations et d’entrer dans le réel sur ce point. On peut fixer tous les objectifs qu’on veut, mesdames et messieurs les députés, mais si on n’arrive pas à les cranter dans le réel en accompagnant suffisamment les personnes, on se paie de mots, on se fait plaisir en votant : derrière, cela ne suit pas.

Les moyens sont-ils insuffisants ? Nous pourrons en débattre mais nous venons de mettre 30 milliards d’euros sur la transition écologique dans le plan de relance. La question est de savoir, notamment en ce qui concerne le logement, comment on fait pour continuer l’effort afin d’atteindre nos objectifs, notamment l’interdiction de la location des passoires thermiques. Je veux bien qu’on regarde tout mais il y a des moyens, notamment dans le plan de relance et dans le cadre d’autres mesures, fiscales ou en matière d’emploi.

Merci, monsieur Herth, pour les encouragements de votre groupe. Les propositions que vous avez faites à propos de l’évaluation me paraissent importantes. C’est un sujet dont nous discuterons beaucoup : de nombreuses propositions ont été faites de part et d’autre. Il faut trouver un atterrissage nous permettant de compléter l’évaluation parlementaire, à laquelle je suis attachée. C’est un aspect très important, qui fait partie de la mission des parlementaires : ils ne sont pas là seulement pour légiférer mais aussi pour contrôler. C’est absolument essentiel pour le respect de nos institutions et pour la démocratie.

S’agissant de la compensation, nous regarderons sur quelles propositions on peut avancer.

Vous avez dit que la biodiversité ne doit pas être la grande oubliée. La mission confiée aux membres de la Convention citoyenne était de travailler sur le climat. C’est pourquoi la question de la biodiversité a été moins regardée : elle n’était pas dans le mandat de départ. Il n’empêche que l’on ne peut plus séparer ces deux sujets, car ils sont intimement liés, on le voit de plus en plus. L’un a une influence sur l’autre. Les scientifiques constatent par ailleurs que les atteintes à la biodiversité peuvent aussi avoir des conséquences sur notre santé. La crise de la covid en est, malheureusement, le plus terrible exemple. Si cette crise nous permet au moins de comprendre qu’on ne peut plus faire n’importe quoi avec nos forêts, avec la déforestation d’une manière générale ou avec le trafic de certaines espèces, et si cela nous permet de prendre des mesures, notamment en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement commerciales et les stratégies de commande publique, ce serait très important.

Il a aussi été question de libertés publiques tout à l’heure. On voit malheureusement ce qui arrive quand on porte atteinte à la biodiversité et à notre santé : les questions de libertés se posent tout de suite. Tout est lié.

Nous allons, bien sûr, regarder les propositions que vous faites à propos de la biodiversité. Des mesures sont prévues dans le texte, notamment en ce qui concerne les espaces protégés et la déforestation. On pourra voir si on peut encore améliorer le projet de loi, sachant que tout n’y figure pas : nous prenons à côté beaucoup d’autres mesures, au niveau national ou international. Je pense notamment aux stratégies qui ont été présentées par le Président de la République lors du One Planet Summit, qu’il s’agisse des aires protégées ou de l’initiative Prezode, qui vise à mettre en place un réseau scientifique d’observation sur les questions de zoonose. Nous avons une stratégie globale.

Je rappelle à M. François-Michel Lambert que la loi AGEC a fixé des objectifs très ambitieux en ce qui concerne la pollution par les plastiques et que des textes d’application sont en train d’entrer en vigueur, notamment le fameux décret « 3R » sur les plastiques à usage unique. Nous pourrons entrer davantage dans le détail mais dire qu’on ne fait rien dans ce domaine me paraît un peu exagéré. Je crois que nous aurions tous intérêt à dire les choses telles qu’elles sont, pour voir ce qui va et ce qui ne va pas, en sortant des caricatures – car cela ne permet pas de débattre sereinement.

Ce que nous essayons de faire dans ce projet de loi est exactement l’inverse d’une vision descendante et centralisatrice. Nous donnons beaucoup de missions aux collectivités, nous leur faisons confiance, que ce soit pour la régulation de la publicité, la mise en place des zones à faibles émissions ou la déclinaison de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous voulons que les collectivités puissent s’emparer de certains outils, en fonction des spécificités de leur territoire. Je m’inscris donc complètement en faux contre l’idée qu’il y aurait une vision descendante. Nous souhaitons au contraire que le combat commun que nous menons puisse être adapté à chaque territoire. C’est la pensée écologiste de base : penser global, agir local.

Vous pouvez compter sur moi, monsieur Benoit, pour mettre de l’huile dans les rouages. Je suis sérieuse et très convaincue quand je dis que si on veut y arriver, il faut qu’on entraîne tout le monde. On n’arrivera jamais à le faire pour absolument tout le monde, mais on ne peut laisser personne penser qu’il serait exclu de la transition. Je suis écologiste depuis vingt ans, et je défends certaines mesures depuis des années, mais je me rends compte que si je le fais sans avoir réussi à mettre tout le monde autour de la table, pour qu’on parte ensemble, on n’y arrivera pas. Les gilets jaunes doivent tous nous interpeller.

C’est une question de méthode et non d’objectifs. Je serai toujours extrêmement ambitieuse en ce qui concerne les objectifs mais je crois qu’on n’aura pas de résultats si on ne travaille pas sur la méthode. Or il faut qu’on ait des résultats à la fin. Nos enfants nous regardent. Non, je ne réduirai pas l’ambition mais, oui, j’emploierai toutes mes forces pour réussir à avancer tous ensemble et pour faire en sorte que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. Cela prendra peut-être un tout petit peu plus de temps, mais ce sera mieux, si on y arrive, que de prévoir des objectifs très forts et d’être obligé de revenir dessus. En revanche, il faut aller le plus vite et le plus loin possible tous ensemble. J’espère que nous y parviendrons en travaillant main dans la main. Je m’y emploierai et j’y passerai tout le temps qu’il faudra.

Mathilde Panot, nous serons récompensés grâce au contrôle continu : comme je le dis à ma fille, qui passe son bac cette année, ce n’est qu’à la fin que l’on sait si l’examen est réussi. Je suis persuadée que nous aurons les félicitations du jury !

Plus sérieusement, si des propositions concernant la forêt ne se retrouvent pas dans le projet de loi – notamment celles qui ont trait aux coupes rases, sujet qui est cher, à juste titre, à Anne-Laure Cattelot –, c’est parce que cette question n’est pas de nature législative. Par ailleurs, parmi les amendements déposés, certains ont dû être revus car ils ne prenaient pas en compte les diversités locales. Mais, avec Bérangère Abba et Julien Denormandie, nous vous présenterons le plus vite possible des éléments de réponse afin que vous puissiez en prendre connaissance pendant l’examen du texte et proposer des mesures complémentaires s’ils ne vous paraissent pas suffisants.

Au demeurant, la forêt, je le rappelle, est prise en compte dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Ainsi, le plan de relance consacre 300 millions à son adaptation. Quant à la stratégie nationale pour les aires protégées, instaurée dans le projet de loi, elle prévoit de mettre sous forte protection 250 000 hectares de forêt. Nous avons également pris bonne note de vos propositions concernant son rôle de puits de carbone, la diversification des essences ou la libre évolution. Nous prendrons le temps nécessaire pour élaborer, d’ici à la séance publique, les meilleures rédactions. Vous pouvez compter sur moi : nous trouverons des solutions aux problèmes de la forêt.

Si la politique de la caresse ne fonctionne pas, madame Panot, celle de la baffe n’est pas plus efficace. Nous allons donc tenter de trouver une solution intermédiaire.

Hubert Wulfranc, la transition écologique est solidaire par essence. Pour ma part, je n’ai pas perçu d’hostilité de la part des élus locaux, au contraire. Lors des nombreux échanges que nous avons eus avec leurs organisations, ils ont exprimé le souhait que nous clarifiions certains points du texte – ce que nous ferons par voie d’amendement – mais, dans l’ensemble, ils prennent acte de notre volonté de leur faire confiance. Certes, d’aucuns nous disent qu’ils seront attentifs aux moyens dont ils disposeront. Mais, des moyens, nous leur en donnons. Je sais qu’ils en ont besoin notamment pour le contrôle des zones à faibles émissions (ZFE) ; nous y travaillons.

Vincent Thiébaut, nous devrons avoir adopté, au terme de l’examen du projet de loi, un dispositif de suivi des mesures accepté par tous.

Sylvie Bouchet Bellecourt, sachez qu’en tant qu’ancienne députée, je suis extrêmement attachée au rôle du Parlement, lequel ne doit jamais être une chambre d’enregistrement. Vous pouvez compter sur moi pour être fidèle à cet état d’esprit et pour me déclarer favorable aux améliorations qu’il proposera. Je serai ainsi évidemment attentive aux apports de votre groupe.

Delphine Batho, vous avez rappelé des faits qui ne sont pas discutables. La question qui se pose est celle de savoir comment y faire face : on doit non seulement avoir une volonté politique de fer – volonté que nous partageons, me semble-t-il – mais aussi se donner les moyens de parvenir à ses objectifs. Nous pouvons avoir des divergences sur la méthode mais, comptez sur moi : tout ce que je peux faire, je le ferai. Et je vous demande de faire, de votre côté, tout votre possible pour m’y aider. Nous sommes, vous l’avez dit, dans le même bateau : nous réussirons ou nous nous planterons, tous ensemble. Mais si nous échouons, nous le paierons très cher.

Valérie Beauvais, si nous ne nous préparons pas au changement climatique, celui-ci aura pour conséquence de réduire beaucoup de nos libertés. Le pire serait que nos enfants n’aient plus de perspectives. Ne nous privons donc pas de la liberté de choisir notre avenir ; nous en avons encore le temps, même si nous ne pouvons déjà plus faire certaines choses. Moins on agira, plus on sera contraint par les événements. Mieux vaut donc anticiper et se préparer.

Dominique Potier, je suis d’accord avec vous : il faut penser le territoire et la planète, penser au-delà du carbone, penser le social et l’écologie. Nous partageons les mêmes objectifs. Encore une fois, discutons des moyens d’y parvenir !

Marguerite Deprez-Audebert, il est évident que l’empreinte carbone du numérique évolue. À ce propos, je le précise, toutes les mesures inscrites dans le projet de loi doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale. Si le numérique a une empreinte, le papier aussi ; si la consigne a une empreinte, l’absence de consigne également... L’Ademe effectue un important travail pour identifier celles des mesures que nous voulons mettre en œuvre qui sont intéressantes au plan environnemental. Ainsi, s’il se trouve que certains types de consigne en verre ne sont pas vertueux, il faudra y renoncer – c’est une évidence. De la même manière, l’expérimentation de nouvelles règles applicables à la distribution de publicités dans les boîtes aux lettres a pour objet de déterminer ce qui peut être intéressant au plan environnemental et ce qui ne l’est pas, ainsi que les conséquences d’une telle mesure sur l’emploi. Nous n’agissons pas de manière idéologique mais de façon concrète ; il s’agit de trouver les meilleures solutions. Certaines idées qui peuvent paraître bonnes au premier abord s’avèrent mauvaises lorsqu’on y regarde de plus près ; il faut savoir les abandonner. Par ailleurs, n’oublions pas que l’empreinte du numérique est liée, à hauteur de 75 %, à la fabrication des terminaux.

Vincent Descoeur, je vous remercie pour vos travaux sur la question de la rénovation thermique. Nous avons demandé à la mission Sichel de nous fournir des réponses avant l’examen du texte en séance publique afin qu’elles puissent éclairer nos débats. Quoi qu’il en soit, le projet de loi n’est qu’au début de son parcours législatif : il doit encore être examiné en séance publique puis il sera discuté au Sénat, avant une probable nouvelle lecture – à moins que nous ne parvenions à un accord avec le Sénat sur chaque article, ce qui serait formidable ! Nous aurons donc le temps de trouver des solutions, notamment en ce qui concerne le fameux reste à charge qui, je suis d’accord avec vous, est une question cruciale. Pour que les gens s’engagent dans la rénovation de leur logement, ils doivent pouvoir supporter ce reste à charge, quelle que soit leur situation financière.

Chantal Jourdan, j’ai évoqué la question de l’emploi tout à l’heure. Bien entendu, nos travaux ne se limitent pas au projet de loi : nous discutons également avec les partenaires sociaux. Élisabeth Borne réfléchit beaucoup à la question de la formation, notamment dans le cadre des métiers en transition. Le projet de loi trace des perspectives et des trajectoires, afin que les entreprises, en particulier celles du secteur de la rénovation des bâtiments, y voient clair et soient incitées à investir, à développer des compétences.

Julien Aubert, paralyser ? Non. Au contraire : agir, faire évoluer les choses ! Nous en rediscuterons.

Gérard Leseul, tout l’enjeu, en matière de mobilité comme dans les autres domaines abordés dans le texte, est de ne laisser personne sans solution. Chacun doit pouvoir se déplacer, où qu’il habite, quelle que soit sa situation sociale ou son état de santé. Ainsi, la personne à qui l’on demande de ne plus utiliser une voiture polluante doit avoir un éventail de solutions à sa disposition. C’est l’objet notamment de l’aide dont peuvent bénéficier ceux qui souhaitent changer de véhicule, y compris pour un véhicule d’occasion – car n’oublions pas que beaucoup de personnes n’ont pas les moyens d’en acheter un neuf – du développement des transports en commun – outre les crédits du plan de relance, le schéma d’infrastructures de la loi mobilité nous permet de hiérarchiser les travaux à venir – ou de la réflexion sur le fret.

En conclusion, je vous remercie beaucoup pour toutes vos contributions ; je souhaite que nos débats se poursuivent dans cet état d’esprit constructif.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous remercie. Nous nous retrouverons à vingt et une heures pour aborder l’examen des articles du projet de loi.

B.   Examen des articles du projet de loi

1.   Réunion du lundi 8 mars 2021 à 21 heures

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous entamons ce soir l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

TITRE IER
CONSOMMER

Chapitre Ier
Informer, former et sensibiliser

Avant l’article 1er

Amendement CS4677 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il s’agit de compléter l’intitulé du titre Ier par les mots « et éclairer », afin de cadrer les débats du Parlement. Tel quel, cet intitulé est incomplet, car il réduit les dispositions relatives à l’apprentissage des enjeux du développement durable à la seule consommation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. Les dispositions du titre Ier du projet de loi ont pour objet d’éclairer les choix du consommateur, notamment par le biais des enjeux d’éducation au développement durable. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Les intitulés des titres du projet de loi reprennent ceux des groupes de travail de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), à l’exception de celui du titre VI, qui a été ajouté pour des questions de lisibilité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er (article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) : Affichage informant le consommateur sur les caractéristiques environnementales, ou environnementales et sociales, de biens ou de services

Amendement CS2544 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton. L’affichage environnemental est plébiscité pour inciter au changement des comportements. Ce sujet complexe est travaillé depuis le Grenelle de l’environnement. Certains secteurs d’activité sont prêts. L’amendement vise à clarifier une trajectoire permettant de les distinguer des autres, en favorisant le déploiement rapide de ce dispositif. Telle est la volonté des acteurs. Il n’y a pas de raison, pour eux, de s’en tenir à l’expérimentation, que l’on peut conserver pour le secteur agricole, qui doit faire fruit des essais en cours.

L’amendement vise également à rappeler la nécessité de confier à un opérateur public un outil de calcul identique pour tous les acteurs, afin que le dispositif soit clair pour le consommateur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure.  Je comprends l’objectif que vous visez. Toutefois, la nouvelle rédaction de l’article 1er que vous proposez soulève plusieurs difficultés.

Tout d’abord, elle supprime une précision relative au marquage et à l’étiquetage des produits, qui nous semble très importante. Ensuite, elle supprime les expérimentations préalables. Or tout l’enjeu est d’obtenir un affichage environnemental assis sur des expérimentations évaluées scientifiquement. Au demeurant, elles n’empêchent pas les secteurs qui sont prêts d’aller plus vite que les autres. Il faut impérativement les maintenir. Enfin, elle supprime l’avis de l’Autorité de la concurrence sur le décret prévu à l’alinéa 6, dont le maintien me semble indispensable. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Madame Riotton, vous souhaitez introduire une souplesse par le biais de délais différenciés, selon les secteurs d’activité, pour la mise en œuvre de l’affichage environnemental. Je partage votre objectif : il faut effectivement que les secteurs d’activité qui sont prêts puissent se lancer.

Le projet de loi prévoit précisément une durée maximale de cinq ans, à compter de la publication de la loi, pour l’établissement d’un cadre harmonisé en matière d’affichage environnemental. Ainsi, rien n’empêche les secteurs qui sont prêts de se lancer. Au demeurant, certains d’entre eux, tels que le secteur agroalimentaire et le secteur textile, ont d’ores et déjà commencé à mener des expérimentations. L’amendement est donc satisfait. J’en suggère le retrait et émets à défaut un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1896 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Bien souvent, lorsqu’un consommateur effectue une commande en ligne, il voit s’afficher « 0,00 euro » à la ligne relative aux frais de port. Les entreprises de commerce en ligne s’arrangent en effet pour intégrer ce coût ailleurs, ce qui le rend indolore pour la personne qui commande, mais pas pour l’environnement.

Cet état de fait est fort regrettable. Les informations relatives aux modalités et au coût du transport des biens et services achetés en ligne sont devenues quasi invisibles. Il est temps de les dispenser aux consommateurs. Un tel indicateur pourrait s’avérer décisif dans la lutte contre le réchauffement climatique et la diminution des émissions de gaz à effet de serre que nous appelons tous de nos vœux. Nous proposons de compléter l’alinéa 2 par une information sur le mode et le coût de transport d’un bien, d’un service ou d’une catégorie de biens ou de services.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous avez raison : le transport n’est pas neutre en matière environnementale, s’agissant notamment des émissions de gaz à effet de serre. L’affichage environnemental prévu à l’article 1er porte précisément sur le cycle de vie des biens et des services, qui inclut bien leur transport. L’amendement est satisfait par cette rédaction. Peut-être pourrons-nous aller plus loin lors de l’examen du texte en séance publique, en prévoyant, notamment pour les achats réalisés en ligne, la mention de l’impact environnemental dû au transport des biens et des services. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Les méthodes de calcul et d’affichage retenues tiennent compte des impacts environnementaux liés au transport des biens et des services.

M. Julien Aubert. Le sujet soulevé par l’amendement mérite d’être creusé. Si j’en crois Mme le rapporteur, un produit acheté en ligne sera associé au même visuel qu’un autre acheté dans le commerce, à moins que l’on ne définisse plusieurs visuels selon le moyen de transport utilisé. Si le visuel reflète la totalité de l’information, coût du transport compris, alors il faut en définir deux selon le mode de vente. Si, pour des raisons de simplification, le visuel est identique, l’amendement apporte une information supplémentaire. Par ailleurs, s’il faut modifier le visuel en fonction du choix de l’entreprise de distribution de prendre à son compte ou non les frais de port, la gestion du dispositif risque de devenir très compliquée. Les dispositions prévues par l’amendement me semblent pertinentes.

M. François-Michel Lambert. Il est clair que l’impact environnemental d’un produit donné varie en fonction de son mode de livraison. Cette information est donc nécessaire. Dans un même immeuble, deux produits peuvent être livrés l’un par avion et l’autre – je caricature un peu – en vélo. Comment faire la différence lors du choix du mode de livraison ? Nous devons trouver les moyens d’accompagner le décideur qu’est l’acheteur et d’éclairer son choix de mode de livraison, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément à l’objectif que nous visons.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. De toute évidence, le choix de tel ou tel moyen de transport pour livrer un bien ou un service a un impact environnemental. Or l’amendement porte sur le coût de transport, qui ne se confond pas avec celui-ci. Mettons-nous d’accord, d’ici à l’examen du texte en séance publique, sur une formulation permettant de bien viser l’impact environnemental des divers modes de transport utilisés et de distinguer l’acte d’achat immédiat dans un commerce et l’acte d’achat en ligne, afin d’éviter qu’une information trompeuse ne soit fournie au consommateur, ce qui pourrait l’amener à considérer que l’impact du transport est neutre.

Par ailleurs, les expérimentations prévues à l’article 1er en matière d’affichage environnemental offrent la souplesse recherchée en permettant de tester plusieurs formules. Il importe que cet affichage demeure lisible. Si nous aboutissons à trois, quatre, cinq ou six visuels différents, je ne suis pas certaine que le consommateur pourra faire un choix éclairé.

Il faut sans doute améliorer la visibilité de l’information relative à l’impact environnemental des transports, notamment sur les plateformes de e-commerce. Il me semble intéressant d’y travailler en vue de l’examen du texte en séance publique.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Avant de donner la parole à Mme la ministre, je rappelle que les membres de la commission spéciale sont prioritaires dans l’attribution des places. J’invite nos collègues qui ne le sont pas à céder leur place à Mme Cendra Motin, rapporteure, et à MM. Guillaume Garot et Stéphane Travert, anciens ministres.

Mme Barbara Pompili, ministre L’affichage environnemental tient compte, de façon générale, du transport du produit ou de ses composantes, notamment s’ils proviennent de pays étrangers. Il ne tient pas compte du dernier kilomètre, le produit pouvant être retiré en magasin ou livré à domicile, ce qui pourrait faire l’objet d’un affichage distinct, notamment sur les plateformes de vente en ligne. Nous en débattrons en séance publique. Les dispositions du présent article portent uniquement sur le transport utilisé pour apporter le produit en France. Ces précisions vous amèneront peut-être à retirer l’amendement, monsieur Leseul.

M. Gérard Leseul. Hélas, madame la ministre, je soumettrai l’amendement au vote. Contrairement à ce qu’a dit Mme la rapporteure, il ne porte pas uniquement sur le coût de transport : il concerne aussi le mode de transport. Il est donc pertinent, même si une autre rédaction aurait peut-être été préférable. En tout cas, l’information qu’il prévoit de communiquer au consommateur permettrait de distinguer les modes de transport vertueux des autres.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit d’un véritable débat de société. Nous avons pris l’habitude en effet de passer des commandes avec une livraison en vingt-quatre heures. Or c’est cela qui coûte cher du point de vue environnemental. Il faut rappeler sans relâche aux gens que si cette facilité est prise en charge financièrement par les commerçants, son coût en matière d’émission de CO2 est très lourd. Le dernier kilomètre coûte très cher, la livraison en vingt-quatre heures aussi. Il faut le dire haut et fort. Tous les produits ne doivent pas nécessairement être livrés en vingt-quatre ou en quarante-huit heures. La précision que notre collègue Leseul propose d’introduire dans le texte permettrait d’avoir une vision un peu plus claire du coût des produits en matière d’émissions d’émissions de CO2.

Mme Delphine Batho. S’agissant de la livraison des produits en vingt-quatre heures, il y a plus efficace qu’un affichage environnemental : ne pas autoriser l’ouverture de trente‑cinq nouvelles plateformes Amazon en France, ni les extensions d’aéroports, et taxer le kérosène des avions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2182 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Je prends au mot Mme la rapporteure : cet amendement vise, à la première phrase de l’alinéa 2, à substituer aux mots « aux caractéristiques environnementales » les mots « à l’impact environnemental ». Il importe de ne pas limiter aux caractéristiques environnementales prises globalement l’information fournie au consommateur. Il faut préciser l’impact environnemental d’un bien ou d’un service donnés, même si l’article 1er se fonde sur la notion de cycle de vie des biens et des services.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cher collègue, vous avez raison de me prendre au mot : je suis favorable à votre amendement. La formulation proposée me semble plus juste.

La commission adopte l’amendement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Plusieurs de nos collègues, membres de la commission spéciale, ne peuvent participer au débat et voter faute de place. Nous devrons veiller à faire en sorte que tel ne soit pas le cas lors des prochaines réunions.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Monsieur le rapporteur général, je prends bonne note de vos observations. La commission spéciale compte soixante et onze membres et nous disposons de cinquante et une places. Les groupes ont la responsabilité d’assurer leur représentation en proportion de leur effectif, conformément aux instructions du bureau.

Amendement CS208 de M. Richard Ramos.

Mme Aude Luquet. Cet amendement s’inspire des recommandations de la Fédération française des diabétiques relatives à la notion de santé environnementale. Les produits que nous consommons, buvons et mangeons ont un fort impact sur notre métabolisme et sur le fonctionnement de nos organes. Le lien entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et l’apparition de modifications épigénétiques telles que le diabète est de plus en plus évoqué. L’amendement vise à inclure les critères de santé environnementale dans les obligations d’affichage prévues à l’article 1er.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’affichage environnemental prévu à l’article 1er permet de prendre en compte les impacts environnementaux et sociaux. De nombreux amendements visent à introduire des critères supplémentaires. J’en proposerai moi-même deux, afin que le texte soit le plus exhaustif possible sans toutefois dresser une liste. Nous devons en rester à des caractéristiques suffisamment générales pour pouvoir tout prendre en compte. Je considère ainsi que les enjeux de santé font partie des enjeux environnementaux et sociaux. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement vise à introduire dans le texte des critères sanitaires, ce qui permettrait de communiquer des informations sur la présence, dans certains produits, de perturbateurs endocriniens. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) impose la mise à disposition du public de ces informations à partir du 1er janvier 2022. L’amendement est donc satisfait. Par ailleurs, l’article 1er prévoit un affichage environnemental dépourvu d’objectifs sanitaires. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1535 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit d’ajouter à l’affichage environnemental un affichage tenant compte du respect de critères sociaux. Dans le cadre de l’examen du projet de loi AGEC, nous avons adopté une expérimentation pour l’industrie du textile, la deuxième plus polluante au monde, et dans laquelle subsistent les atteintes les plus graves au travail humain, – travail des enfants, esclavage moderne.

Nous l’avons dit lors de la discussion générale et vous en êtes convenue, madame la ministre : on ne peut plus dissocier les questions sociales des questions environnementales, tant elles sont imbriquées. Dès lors qu’il s’agit d’une expérimentation et que nous avons le temps d’établir une taxonomie des critères sociaux, nous proposons d’embarquer les droits sociaux. N’ayons pas une loi de retard ! Inscrivons-nous dans cette logique qui consiste, pour la France et l’Europe, à promouvoir, dans la mondialisation, des chaînes de production tenant compte du respect des droits humains et de la protection de notre maison commune !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les critères environnementaux et sociaux sont en effet intimement liés. L’article 1er prévoit précisément la possibilité de retenir des critères sociaux. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 1er dispose : « Un affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux caractéristiques environnementales d’un bien, d’un service ou d’une catégorie de biens ou de services, ainsi le cas échéant qu’au respect de critères sociaux, est rendu obligatoire ». Les critères sociaux figurent donc bien dans le corps de l’article. Je me souviens très bien des débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi AGEC. Nous sommes parvenus à un affichage environnemental ou environnemental et social, ce qui rendait celui-ci facultatif. Le présent projet de loi prévoit le respect de critères sociaux, dans le même esprit que celui qui a inspiré les dispositions de la loi AGEC. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Madame la ministre, pour le groupe Socialistes et apparentés, il s’agit d’un point dur du débat qui s’ouvre aujourd’hui. Au demeurant, nous avions eu gain de cause lors de l’examen du projet de loi AGEC. Vous étiez alors présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et le résultat du vote vous avait surprise. Les membres du groupe Les Républicains nous avaient rejoints, ainsi que de nombreux membres de la majorité, et nous avions adopté cette disposition pour l’industrie du textile. Je me souviens très bien des réunions au ministère avec des entreprises du commerce équitable et des membres de l’Organisation internationale du travail (OIT) destinées à étudier, sous l’égide de Brune Poirson, la mise en œuvre de cette expérimentation, qui devait jouer un rôle pilote. Il s’agissait véritablement d’une novation en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE), et non de responsabilité sociale ou environnementale.

Nous sommes donc en pleine régression par rapport aux dispositions de la loi AGEC. Madame la rapporteure, il ne faut pas chercher à nous tromper : la formulation « le cas échéant » n’équivaut pas à « et ». En fonction de quoi et de qui introduira-t-on le respect de critères sociaux ? De la pression des lobbies ? De l’avis de l’exécutif ? Nous voulons que la loi pose clairement la question d’un affichage environnemental et social, et ne se contente pas de la formulation « ainsi le cas échéant qu’au respect de critères sociaux », qui n’a absolument pas le même sens, ce que chacun ici sait parfaitement.

M. Hubert Wulfranc. Ce débat anticipe celui qu’ouvriront les amendements visant à supprimer les mots « le cas échéant ». Cette formulation crée une discrimination de fait entre exigence environnementale et exigence sociale. Or nous savons très bien qu’il s’agit d’introduire un élément d’information décisif, notamment au sujet de certaines filières d’importation de biens et de services frappés du sceau non seulement de la dérive environnementale, mais aussi de la dérive sociale. Comme notre camarade Potier, je pense – même si je le dis avec une moindre expertise – qu’il faut entreprendre un travail socle en la matière, afin de faire apparaître sur le même plan de réciprocité et d’égalité les critères environnementaux et les critères sociaux. Ce champ d’application ne peut être négligé ; il ne peut être traité – le mot est peut-être fort – de façon discriminatoire. Que signifie la formulation « le cas échéant » ? Il s’agit d’une imprécision majeure, qui pourrait vous être reprochée, madame la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Potier, je suis heureuse de constater que ma mémoire ne me fait pas défaut. L’article 15 de la loi AGEC dispose : « Un dispositif d’affichage environnemental ou environnemental et social volontaire est institué. Il est destiné à apporter au consommateur une information relative aux caractéristiques environnementales ou aux caractéristiques environnementales et au respect de critères sociaux d’un bien, d’un service ou d’une catégorie de biens ou de services, basée principalement sur une analyse de cycle de vie ». Nous avons donc laissé le choix entre deux possibilités, aux termes de la loi telle qu’elle a été publiée au Journal officiel.

Le présent projet de loi n’a pas vocation à revenir sur les arbitrages de la loi AGEC. Nous souhaitons les prolonger et les préciser, notamment en donnant plus de poids à l’affichage environnemental, grâce à l’ajout de critères relatifs à l’empreinte carbone des biens et des services. Nous sommes dans la droite ligne de la loi AGEC.

M. Dominique Potier. Madame la ministre, je ne doute pas de votre bonne foi et vous avez les textes sous les yeux. Celui que vous venez de citer est issu de la commission mixte paritaire (CMP). Je me souviens très bien du vote de mon amendement dans l’hémicycle, qui aboutissait à un texte bien plus radical incluant des critères environnementaux et sociaux. Lors de la CMP, la majorité a fait son travail et a lissé notre proposition.

Nous sommes totalement libres d’écrire la loi telle que nous l’entendons et de décider qu’on ne peut plus, au XXIe siècle, fixer des critères environnementaux sans prendre en compte la dimension sociale. Célia de Lavergne a rappelé cet après-midi qu’on ne pouvait pas demander à nos agriculteurs, s’ils n’ont pas de bons revenus, de donner de la bonne terre et de bons produits ; cela vaut aussi pour les gamins du bout du monde, qui font nos jeans, nos iPhone et à l’occasion nos pizzas. Il y a un lien intrinsèque entre la condition sociale et les questions d’environnement. Il s’agit de les traiter ensemble, sans violence. L’expérimentation offre le temps d’établir un juste équilibre entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible.

M. Thierry Benoit. Ce débat me rappelle la question que j’ai posée au Premier ministre au mois de novembre 2018 à propos de la trajectoire écologique, d’une part, sociale et humaine, d’autre part, de nos travaux. De nombreux Français, notamment les plus fragiles, connaîtront de grandes difficultés lors de la mise en œuvre des mesures que nous prévoyons de prendre. Tout est beaucoup plus facile lorsqu’on a de l’argent. Il importe donc de tenir compte de la dimension sociale et humaine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3996 de Mme Michèle Crouzet.

Mme Michèle Crouzet. Cet amendement vise à modifier l’alinéa 2 en insérant, après le mot « environnementales », les mots « et de santé environnementale ». L’article 1er vise à améliorer l’information du consommateur en matière d’empreinte environnementale. Les aliments que nous mangeons et buvons, ainsi que l’air que nous respirons, influent sur l’expression de nos gènes à court terme et peuvent induire, à long terme, des modifications de notre métabolisme susceptible d’avoir des conséquences sur le fonctionnement de certains de nos organes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comme je l’ai indiqué lors de l’examen de l’amendement CS208, l’impact environnemental inclut la question de la santé environnementale. Je connais votre engagement sur ce sujet, mais la précision proposée ne me semble pas nécessaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il ne me semble pas particulièrement intéressant de faire figurer à l’article 1er la santé environnementale, sur laquelle nous reviendrons au cours de nos débats. Ce sujet fait actuellement l’objet d’une stratégie nationale santé-environnement, issue d’un important travail, et dans laquelle plusieurs députés sont très investis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3668 de Mme Florence Provendier.

Mme Sylvie Charrière. Cet amendement vise à créer un indicateur global, prenant en compte l’impact non seulement environnemental, mais aussi éthique et social. Les consommateurs pourront ainsi devenir les acteurs de la transition écologique et solidaire en choisissant de façon éclairée des produits fabriqués, emballés et transportés par des acteurs participant à un projet de société plus juste et inclusif. Les enjeux écologiques ne sauraient être détachés des enjeux éthiques et sociaux.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vous ferai la même réponse qu’à Dominique Potier, car vous proposez d’ajouter des critères similaires. Il s’agit bien d’un affichage environnemental : on ne peut pas y inclure l’ensemble des dimensions que l’on aimerait voir présider à un acte d’achat. Par ailleurs, un certain nombre d’avancées ont déjà été réalisées grâce à la loi AGEC. Il s’agit ici de les poursuivre en ce qui concerne l’affichage environnemental, et non pas de revenir sur d’autres arbitrages. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’idée est de prendre en compte la dimension sociale quand c’est pertinent – d’où la formulation « le cas échéant », qui suscite tant de réactions. Autant il peut être pertinent d’associer la dimension environnementale à la dimension sociale dans le domaine du textile, par exemple, car les conditions dans lesquelles certains produits sont fabriqués à l’étranger posent problème, autant ce n’est pas le cas s’agissant d’autres secteurs, notamment dans l’alimentaire. Si je suis défavorable à cet amendement, il n’en demeure pas moins qu’il est absolument essentiel, parfois, de prendre en compte des critères sociaux pour que le choix du consommateur soit éclairé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3049 de Mme Catherine Osson.

Mme Véronique Riotton. Cet amendement découle des recommandations formulées par notre collègue Catherine Osson dans son rapport d’information « Pour une alimentation sûre et saine », présenté au nom de la commission des affaires européennes. Il vise à ce que l’étiquetage des produits mentionne de façon explicite leur origine et leur lieu de production. L’objectif de protection de l’environnement va de pair avec celui du « manger mieux » – et même, en l’occurrence, celui du « manger local ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. C’est en effet l’une des propositions du rapport d’information de nos collègues Catherine Osson et André Chassaigne. Toutefois, il est impossible d’inclure dans l’affichage environnemental l’ensemble des critères qu’il serait pertinent de prendre en considération. Cela nuirait d’ailleurs à sa lisibilité, et donc à son effectivité. En outre, la provenance des produits est incluse dans la notion de cycle de vie : l’amendement est donc en partie satisfait. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je rejoins l’avis de Mme la rapporteure : l’impact environnemental de l’acheminement des produits est pris en compte dans l’analyse du cycle de vie. Par ailleurs, il existe déjà des systèmes d’affichage indiquant l’origine française des produits, notamment les appellations d’origine protégée (AOP). Je considère donc que l’amendement est satisfait, et vous propose de le retirer ; à défaut, avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Je soutiens cet amendement. Peut-être vos réponses sont-elles exactes sur le plan technique, madame la ministre, madame la rapporteure, mais il faut aussi tenir compte de l’attente très forte de nos concitoyens dans ce domaine. Très souvent, les consommateurs sont perdus : le savon de Marseille est fabriqué en Hongrie, la moutarde de Dijon n’est pas produite dans cette ville, et lorsque l’on cherche le lieu de production, il arrive qu’on ne le trouve pas, ou alors qu’il soit indiqué sous la forme de codes abscons que seuls les experts peuvent décrypter. Ce projet de loi, qui reflète les travaux de la Convention citoyenne et traduit la volonté présidentielle, est censé être ambitieux ; c’est aussi, disons-le clairement, la dernière occasion, sous cette législature, d’avancer sur des questions de cet ordre. J’invite donc les uns et les autres à réviser leur approche et à voter cet amendement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends l’objectif de tous ces amendements : il s’agit d’enrichir l’affichage environnemental. Toutefois, en multipliant les critères, on risque de le rendre absolument illisible. Le projet de loi est relatif au climat : il faut se concentrer sur l’impact environnemental. Cet affichage représente déjà une avancée formidable. Or, à trop vouloir ajouter des éléments, on va le rendre inopérant.

En l’espèce, il est évident que le lieu de production est inclus dans le cycle de vie. Par ailleurs, le fait de tricher s’agissant du lieu de production peut être sanctionné. Enfin, et de toute façon, les lieux de production sont très souvent multiples : il n’est pas si facile que cela de les tracer.

Mme Delphine Batho. Ce débat est lié au fait que nous n’avons pas eu de discussion générale sur l’affichage environnemental. Celui-ci a d’ailleurs fait l’objet de lois successives depuis maintenant douze ans, sans jamais entrer réellement en vigueur.

Je considère que la question du lieu de production – et, à travers elle, celle de la relocalisation de l’économie – fait partie intégrante de la dimension écologique. De la même façon, toutes les demandes exprimées précédemment concernant le transport, la santé environnementale et les droits humains sont légitimes. Nous devons avoir une approche globale. Il faut que le consommateur dispose d’informations lui donnant une vue d’ensemble de l’impact d’un produit. Grâce à l’open data, il devrait être possible d’avoir une sorte de Yuka donnant toutes ces informations au consommateur.

S’il est tout à fait légitime d’essayer d’élargir le périmètre de l’affichage, la question est surtout de savoir comment faire en sorte que cet indicateur voie le jour rapidement. En effet, on ne peut plus se contenter de lancer des expérimentations dont on ne dresse jamais le bilan. Quand l’affichage environnemental entrera-t-il donc vraiment en vigueur, madame la rapporteure ?

M. Dominique Potier. J’entends votre argument, Monsieur le rapporteur général, mais la question du lieu de production n’est pas innocente. Le bilan carbone doit être pondéré par la prise en compte d’autres critères, faute de quoi certains produits agricoles, notamment, fabriqués de l’autre côté de l’Atlantique par nos concurrents et acheminés par paquebots, risquent de sembler plus performants que d’autres produits pourtant fabriqués à quelques centaines de kilomètres du lieu de consommation. Nous avons été alertés sur ce point.

Je rejoins Delphine Batho : l’approche écologique doit tenir compte des effets des modes de production en termes de développement et de respect des droits humains. Certes, il faut tenir compte du bilan carbone, mais si l’on ne prend en considération qu’un seul critère, on risque de déformer la perspective, car ce paramètre peut être utilisé à des fins totalement opposées aux objectifs visés. C’était le sens de mes propos liminaires, cet après-midi, lorsque j’ai évoqué la biodiversité et la question de la vie humaine en général.

Alors que l’article 1er ne propose qu’une expérimentation, ce qui est en soi très timide, et qu’il ne nous reste que dix ans environ pour sauver le climat, la cohésion sociale de notre pays et l’équilibre planétaire, nous écarterions des questions aussi importantes que celle des droits humains, mise en parallèle avec la préservation de l’environnement ? Ce serait une folie.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comment faire pour aller vite tout en trouvant les bons critères et en évitant les effets de bord ? Il est vrai, monsieur Potier, qu’être trop restrictif pourrait se révéler contre-productif. Par ailleurs, chacun des critères qu’il est proposé d’ajouter, pris isolément, peut sembler pertinent, et je comprends que vous vouliez les inclure dans le dispositif, mais la question est de savoir s’ils ont leur place dans l’affichage environnemental. Permettront-ils également d’avancer vite, alors même que l’on attend depuis longtemps un tel affichage susceptible d’éclairer le consommateur dans ses choix ?

Toutes les auditions que nous avons réalisées sur le titre Ier m’ont amenée à penser que le carbone ne pouvait être le seul critère pertinent pour définir l’affichage environnemental. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai d’étendre celui-ci à la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles. Au demeurant, nous nous sommes beaucoup interrogés sur cette dernière notion : il aurait été possible de détailler en évoquant, par exemple, la qualité de l’eau ou la consommation qui en était faite, ou encore la qualité de l’air. Nous avons préféré retenir une formulation plus large, qui nous paraissait permettre d’engager les expérimentations et donc de mettre en œuvre le dispositif plus rapidement.

En effet, l’article 1er n’a pas pour objet de retarder la mise en œuvre de l’affichage. Il s’agit simplement de disposer d’une évaluation scientifique des expérimentations, notamment s’agissant des produits issus de l’agriculture, de la sylviculture ou de l’agroalimentaire, avant de rendre l’affichage obligatoire. Par ailleurs, rien n’empêchera certains secteurs de s’engager plus vite dans cette démarche. Les représentants du textile, par exemple, nous ont dit qu’ils y étaient prêts.

L’enjeu est de définir à l’article 1er des critères donnant une information fiable et lisible aux consommateurs, tout en permettant à l’ensemble des entreprises – les grands groupes aussi bien que les très petites entreprises (TPE) – de les mettre en œuvre. Si le dispositif est trop complexe, le consommateur sera perdu. Cela renvoie entre autres à la question des visuels : si on les multiplie, on perdra en lisibilité.

Nous essayons donc de trouver un équilibre : il faut élargir le dispositif lorsqu’il est pertinent et possible de le faire, tout en ayant conscience que multiplier les critères, c’est prendre le risque que les expérimentations n’aboutissent pas. Non seulement ce serait une déception, mais tout le monde y perdrait – le consommateur aussi bien que la lutte contre le dérèglement climatique.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS4789 de Mme Sira Sylla.

Amendement CS4125 de Mme Béatrice Piron.

Mme Sylvie Charrière. L’affichage des informations relatives à l’empreinte carbone des produits améliorera l’information des consommateurs et permettra à ces derniers de faire des choix éclairés sur leur façon de consommer. Par cet amendement, il est proposé d’afficher également les informations relatives à la traçabilité des biens, c’est-à-dire d’indiquer le pays de provenance ou, s’il y a lieu, de reconditionnement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même réponse que précédemment : la notion de cycle de vie englobe la traçabilité des produits. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

M. Julien Aubert. Un produit comme l’iPhone comprend des centaines de composants fabriqués dans des pays différents. Faudra-t-il indiquer en petits caractères toutes les étapes du circuit ? Cela risquerait d’être contre-productif. Par ailleurs, en ce qui concerne le visuel montrant l’empreinte carbone, vous avez expliqué qu’il avait pour objectif de refléter l’impact de l’importation. Encore faut-il déterminer si l’empreinte carbone est calculée pour chaque composant ou au moment de l’assemblage. Si la première option est retenue, plus les produits sont complexes, plus il sera difficile de proposer un visuel : bonne chance aux graphistes !

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1536 de M. Dominique Potier et CS1597 de M. Hubert Wulfranc.

M. Dominique Potier. Une réunion interministérielle s’est récemment prononcée en faveur de l’adhésion à l’Alliance 8.7, visant notamment à lutter contre le travail des enfants, dans le cadre des objectifs de développement durable. Par ailleurs, la présidence française de l’Union devrait voir aboutir une directive européenne relative au devoir de vigilance incluant à la fois l’environnement et les droits humains, sans que la mise en œuvre de ce texte ne pose le moindre problème, en France ou ailleurs. L’Allemagne a adopté le principe il y a exactement huit jours. Le Parlement européen, quant à lui, a adopté à une large majorité, il y a quelques heures, le projet de directive. Or nous sommes en train de créer un affichage qui ne prendrait pas en compte ces deux séries de critères. Autrement dit, les tribunaux pourront sanctionner une multinationale en se fondant sur eux, mais on s’interdira d’aider le consommateur à accomplir son devoir civique, au bout de la rue comme au bout du monde, à travers l’affichage.

Vous avez dit vous-même, madame la ministre, que les mots « le cas échéant », s’agissant des critères sociaux, étaient de méchants mots : je vous propose d’en finir avec la méchanceté en les supprimant. Ainsi, nous serons fidèles à l’idéal qui doit nous rassembler. Des critères sociaux et environnementaux seront pris en compte, ce qui permettra notamment de contrer la concurrence déloyale envers les produits français. On peut en effet y voir un instrument destiné à protéger notre économie, mais aussi la volonté de manifester une fraternité humaine allant d’un bout à l’autre de la chaîne de production. Nous ne pouvons pas reculer sur ce point.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comme précédemment, je vous demande de retirer ces amendements, étant entendu que rien n’empêchera de prendre en compte les critères sociaux, puisqu’ils sont nommément cités à l’article 1er. Nous considérons simplement que cela doit dépendre de la catégorie de biens et services considérée : il faut que cette référence soit appropriée. Par ailleurs, une mission a été confiée à France Stratégie pour définir très précisément ce que sont ces critères sociaux. Ces précisions devraient vous rassurer au sujet de l’engagement de la majorité et du Gouvernement en faveur d’une prise en compte des critères sociaux.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avec Élisabeth Borne et Olivia Grégoire, j’ai confié une mission à la plateforme RSE pour conduire une expérimentation. Autrement dit, nous n’en sommes plus seulement à la théorie : il s’agit de voir concrètement ce que doit être un affichage social sur les produits, notamment dans le secteur du textile. Les premières conclusions devraient être connues fin juin ou début juillet. Nous prenons donc la question au sérieux. Vous avez raison : c’est un enjeu absolument essentiel, et je ne voudrais pas que nous donnions l’impression que ne voulons pas nous en occuper. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Je me réjouis évidemment de cette annonce d’une expérimentation conduite au bon niveau. Les discussions que nous avions eues avec votre prédécesseur avaient été interrompues ; je suis heureux qu’elles reprennent sous votre autorité. Le succès n’est pas tout à fait assuré, car cela dépend de la volonté du Gouvernement. Qui plus est, en la matière, la pression des milieux économiques peut être très forte.

Vous avez cité tout à l’heure le secteur de l’alimentaire, madame la ministre. Or c’est dans la filière du cacao que le travail des enfants est le plus répandu, notamment en Afrique subsaharienne, du fait d’une explosion de la demande dans les classes moyennes des pays émergents. Vous disiez que la dimension sociale existait dans le secteur du textile mais pas dans celui de l’alimentaire. L’exemple que je viens de donner montre que, justement, cela mérite que l’on en discute. Qui va décider in fine que des critères d’ordre social doivent être pris en compte ?

Je propose que, d’ici à la séance, nous mettions en commun notre intelligence pour avancer sur ce point. Une ouverture de votre part serait la bienvenue. Nous pourrions ainsi établir une liste des secteurs concernés. Par respect pour le Parlement, il faut se doter d’un outil de décision transparent, indiquant que telle ou telle filière doit absolument s’engager dans le domaine social, mais que ce n’est pas nécessaire pour telle ou telle autre. Nous pourrions nous retrouver autour de cette démarche. Cette manière de décider ensemble, c’est de la démocratie qui fonctionne ; c’est aussi le contraire du jeu des influences économiques, qui contrarie le dessein écologique et social que nous partageons.

M. Hubert Wulfranc. Ne conservez pas les mots « le cas échéant » dans le texte. Rendez-vous compte, en effet, du signal qu’ils adresseraient à l’opinion publique, auprès de laquelle nous allons mener un travail d’explicitation du projet de loi, comme c’est bien légitime. Nous allons évidemment insister sur cet élément, d’autant que, dans la période actuelle, la question sociale, mise en miroir avec la question écologique, est particulièrement sensible. Comment expliquerez-vous à l’opinion que vous mettez en œuvre une expérimentation concernant un affichage environnemental et « le cas échéant » social ?

Quand une personne travaillant pour une plateforme en ligne vous apporte un sandwich, même si les rillettes ont été confectionnées à 20 kilomètres, la personne en question relève du régime de la charte de responsabilité sociale, et non du régime s’appliquant aux travailleurs reconnus. Il y a donc là des enjeux politiques, sur lesquels nous insisterons et pour lesquels nous sommes prêts à aller à l’affrontement, car il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures entre l’environnemental et le social.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il n’est pas question de faire deux poids, deux mesures et encore moins d’aller à l’affrontement : nous souhaitons dialoguer – ce qui n’empêche pas d’avoir des désaccords.

Il s’agit bien ici d’un affichage environnemental ; je ne crois pas, d’ailleurs, que vous ayez demandé qu’il soit renommé. Nous souhaitons élargir le dispositif de façon à ce qu’il intègre le respect de la biodiversité et des ressources naturelles ainsi que, le cas échéant, des critères sociaux. Vous dites, monsieur Potier, qu’il faudrait lister les filières concernées. Or le texte renvoie à un décret la définition des catégories de biens et services et la manière dont cet affichage doit être caractérisé, tout simplement parce que les critères environnementaux retenus ne sauraient être les mêmes pour les produits électroniques et les produits agroalimentaires, par exemple, ce que chacun peut comprendre.

De la manière, s’agissant des critères sociaux, quels éléments retiendrez-vous ? Faudra-t-il prendre en compte l’échelle des salaires, notamment pour les travailleurs qu’évoquait M. Wulfranc, ou bien encore le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes, à propos duquel un index très précis a été élaboré par le Gouvernement et rendu public aujourd’hui même par Mme la ministre de l’emploi ? En ce qui concerne les importations, faudra-t-il tenir compte de la question du travail des enfants, sur laquelle, là encore, le Gouvernement a pris des engagements ? Faut-il lister tous les éléments entrant dans la catégorie des critères sociaux, ou encore renvoyer à un décret la manière dont ils seraient fixés ? Voulez-vous les déterminer pour chaque catégorie de biens et de services ?

Surtout, et on en revient à la question posée par Delphine Batho, voulez-vous que l’expérimentation aboutisse, de façon à ce que le consommateur ait à sa disposition un véritable affichage environnemental ? Or, plus on complexifiera le dispositif, plus l’objectif que nous poursuivons tous – à savoir faire en sorte que le consommateur soit éclairé dans ses choix – s’éloignera. Nous ne disons pas qu’il faut le simplifier à l’excès ; tout au contraire, nous considérons nous aussi qu’il faut l’élargir à certains critères pertinents. Mais nous voulons maintenir un équilibre. Ce n’est en aucun cas une manière de considérer que les critères que vous proposez sont moins importants que d’autres.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article ne crée pas un affichage environnemental : il met en place des expérimentations qui auront pour objet de voir comment faire marcher ensemble les différents dispositifs, pour déboucher sur une méthodologie unique et claire pour les consommateurs. Plusieurs expérimentations sont déjà en cours, mais sur la base de critères différents, ce qui ne permet pas aux consommateurs de savoir ce qu’il en est. L’objectif est de compiler ces éléments pour obtenir, en définitive, un affichage que tout le monde puisse comprendre et se fondant sur des critères communs.

Par ailleurs, l’alinéa 4 de l’article 1er dispose que le bilan des expérimentations sera transmis par le Gouvernement au Parlement. Un amendement de votre rapporteure précisera également que ce bilan est public et transparent. Tout ce qui pourra améliorer les expérimentations sera le bienvenu, fera l’objet d’un débat et, à la fin, débouchera sur un affichage. Nous n’en sommes pour l’instant qu’au point de départ.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS840 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. L’ONU a défini dix-sept objectifs de développement durable (ODD) : pourquoi ne pas y faire référence dans le texte ? Ce seront les briques servant de base à l’expérimentation, qui permettront ensuite d’écrire la formule pour chaque secteur de production, tout en proposant un affichage environnemental aussi clair et compréhensible que possible pour le consommateur.

La prise en compte des critères « sociaux » tient à cœur à chacun d’entre nous, mais que mettons-nous derrière ce mot ? M. Wulfranc nous parle du droit du travail pour les livreurs des plateformes, mais en me reportant aux dix-sept objectifs de développement durable, j’y trouve d’autres éléments : l’égalité entre les hommes et les femmes, l’accès à la scolarité ou encore l’accès à la santé. Je propose donc tout simplement d’inscrire dans la loi une référence aux objectifs de développement durable.

En outre, le commerce doit être envisagé dans un cadre plus large que le marché national, à commencer par celui du marché intérieur européen. Je regrette donc que l’on ne prenne pas la précaution, dans cet article, de faire référence aux traités européens : cela pourrait nous valoir quelques retours négatifs du côté de la Commission européenne, une fois que nous passerons de l’expérimentation à la mise en place de l’affichage.

Enfin, dans la mesure où la France souhaite régulièrement être à l’avant-garde, le dispositif adopté doit être reproductible. À cette fin, autant afficher une ambition mondiale en se référant aux dix-sept objectifs de développement durable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La réécriture que je proposerai plus tard, visant à ajouter la question des ressources environnementales et de la biodiversité, permettra de clarifier les choses. Comme vous poursuivez le même objectif, je vous propose de retirer votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’affichage environnemental a pour objectif de permettre au consommateur de faire un choix éclairé. Pour cela, l’indicateur doit être aussi lisible et compréhensible que possible. Les ODD sont de mieux en mieux connus – tant mieux – et doivent nous guider dans toutes les politiques publiques que nous mettons en place. Toutefois, l’affichage environnemental doit-il tenir compte, par exemple, du lien du produit avec des villes ou communautés durables, avec le travail en faveur de la paix, ou encore avec des institutions efficaces ? En intégrant autant de critères, on risque de complexifier les choses, sans pour autant rendre l’indicateur plus efficace. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Antoine Herth. Je suis conscient du fait que cela complexifierait le dispositif. J’ai bien entendu également le rapporteur général, qui nous disait que le dispositif devait être simple et efficace pour pouvoir être rapidement mis en œuvre. Mais alors, madame la ministre, ne faudrait-il pas plutôt parler d’« affichage climatique » ? Ainsi, on comprendrait d’emblée qu’il s’agit non pas du développement durable dans son ensemble, mais de la dimension climatique, qui est d’ailleurs l’objet principal du texte. Cela aurait pour avantage de ne pas risquer de donner l’impression au consommateur qu’on lui ment. En 2005 – j’ai quelques cheveux gris –, dans le cadre d’une mission parlementaire consacrée au commerce équitable, j’avais été confronté à un problème similaire, à savoir la manière de garantir au consommateur que les produits portant ce label respectaient un certain nombre de critères. C’est très compliqué.

Je retire mon amendement, mais je crois qu’il a permis d’éclairer nos discussions.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS2584 de Mme Laurianne Rossi.

Amendement CS4146 de M. Pacôme Rupin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Cet amendement vise à rendre obligatoire la mise en œuvre du processus d’affichage des caractéristiques environnementales pour l’ensemble des biens et services à destination des consommateurs, notamment en ce qui concerne leur impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Cet affichage est essentiel pour une meilleure prise de conscience par le consommateur de l’impact environnemental de chaque bien ou service consommé. Il doit permettre de réorienter la consommation de nos concitoyens vers les produits et services ayant les effets les plus favorables. Sa mise en œuvre doit être généralisée et rendue obligatoire. Elle ne saurait concerner uniquement certaines catégories de biens et services ni être décidée par décret, à la seule appréciation du Gouvernement – quel qu’il soit – et de l’administration.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement supprimerait de fait la phase d’expérimentation, qui peut aller jusqu’à cinq ans en fonction des catégories de biens et services concernées. Or cette phase est nécessaire pour affiner les critères dont nous venons de parler, préciser les catégories de biens et services concernées et prendre les décrets qui permettront ensuite de mettre en œuvre le dispositif. Certains secteurs sont prêts et veulent aller vite ; d’autres, en revanche, ne seraient pas en mesure de le déployer immédiatement, soit parce que la réflexion est en cours au niveau européen, soit parce que d’autres mesures ont déjà été prises – je pense en particulier à Agribalyse pour les produits agricoles et agroalimentaires.

Rendre le dispositif obligatoire presque immédiatement, sans phase expérimentale, ce serait prendre le risque de ne pas retenir les bons critères. Nous entendons que la phase d’expérimentation soit efficace pour que l’affichage ait du sens, qu’il soit bien appliqué et permette d’éclairer le consommateur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2512 rectifié de M. Pierre Venteau.

M. Pierre Venteau. Cet amendement vise à s’assurer que s’il existait une disposition d’affichage environnemental à l’échelle européenne, la disposition française serait harmonisée, pour éviter tout risque de distorsion de concurrence.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Pour que l’affichage environnemental ait toute sa portée, il faut effectivement, et le ministre de l’économie l’a confirmé lors de son audition, qu’il y ait des dispositions au niveau européen. Des travaux sont en cours à cet effet. Cela ne nous empêche en rien de prévoir des expérimentations, car il est nécessaire d’avancer. Allons‑y dès maintenant si c’est possible, et permettons à la France de prendre de l’avance. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement prend résolument en compte les travaux européens, et notamment le programme lié à l’empreinte environnementale des produits, dit PEF, auquel participent l’ADEME (l’Agence de la transition écologique) ainsi que les services de mon ministère et des entreprises françaises. Il milite aussi au niveau de l’Union pour faire progresser l’information environnementale sur les produits et valoriser les travaux que nous conduisons ensemble. Néanmoins, la France doit se laisser la possibilité de prendre une initiative au niveau national si le contexte européen n’avance pas assez vite – et c’est aussi, on l’a vu par le passé, une manière d’influencer l’agenda communautaire, surtout en cette période. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4141 de M. Pacôme Rupin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Cet amendement va dans le même sens que le CS4146 que je viens de défendre.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je crois vraiment que les expérimentations prévues sont nécessaires. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3633 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement permet de renforcer et d’élargir les critères pris en considération dans l’affichage environnemental. Je le lis : « L’information apportée tient compte de l’ensemble des impacts environnementaux significatifs des biens et services considérés, en particulier en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation de ressources naturelles. » Cela donne un éclairage précis sur les critères qui méritent d’être pris en compte et répond à un certain nombre d’autres amendements qui ont été déposés.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable. Il est effectivement nécessaire d’indiquer plus clairement que l’impact environnemental d’un produit ou d’un service est loin de se résumer à ses émissions de gaz à effet de serre. Il ne s’agit évidemment pas d’établir une liste exhaustive de critères, cela se fera par voie réglementaire, mais d’élargir le spectre de l’affichage environnemental au-delà de la seule question qui avait été évoquée par les membres de la Convention citoyenne pour le climat, celle du score carbone. Les « atteintes à la biodiversité » comprennent en particulier la déforestation et la mise en danger d’espèces, et la « consommation de ressources naturelles » recouvre les consommations d’eau et de ressources du sous-sol, entre autres.

Mme Delphine Batho. J’ai un problème avec le mot « significatifs », qui nous éloigne des caractéristiques environnementales pures du produit considéré. Qu’est-ce qui est significatif, qu’est-ce qui sera considéré comme une information négligeable alors qu’en réalité elle est importante ? Je suggère de retirer ce terme.

M. Antoine Herth. Cet amendement va dans le sens de ce que souhaite le groupe Agir ensemble. C’est une avancée, mais encore une fois, attention au reporting ! Comment mesurera-t-on ce qui est significatif ou non ? Qui, de l’administration française ou d’une autorité ad hoc, le fera ? Un impact environnemental est difficilement quantifiable, mais il est important que le critère soit suffisamment robuste pour résister le cas échéant à des contestations devant les tribunaux. Il faut renforcer encore le dispositif.

M. François-Michel Lambert. Comment intégrera-t-on les impacts dus au transport ? Par exemple, un produit fabriqué à partir de poisson pêché en Bretagne peut être vendu à Nice. Or l’impact du Brest-Nice n’apparaîtra pas sur l’étiquette, ce qui est normal puisque l’usine de production ne peut pas savoir où le produit sera vendu. Un produit identique, vendu à Nice et pêché en Méditerranée, peut même afficher un impact supérieur ! Comment ne pas induire les Niçois en erreur à cause de notre affichage, alors que nous sommes dans l’incapacité d’intégrer le transport ? Sans parler des tomates de Provence qui peuvent représenter un poids carbone bien supérieur à des tomates venues de l’autre côté de la Méditerranée par container et délivrées immédiatement au port de Marseille, qui se trouve en ville même.

M. Julien Aubert. La difficulté de cet amendement, c’est que, contrairement au score carbone qui est quantifié, l’impact sur la biodiversité est un élément qualitatif. Pour rendre compte de ce phénomène qualitatif, soit on établit une grille quantifiée, une espèce de note, ce qui est en soi assez complexe, soit on donne une description, en disant par exemple que tel produit a fait disparaître telle espèce. De quelle façon abordez-vous le sujet ?

Ensuite, il ne faudrait pas confondre les émissions de gaz à effet de serre avec de la pollution, due par exemple à une forte émission de particules qui porte atteinte à la biodiversité. Le CO2 est naturel et ne doit pas être assimilé à une pollution.

Enfin, les impacts environnementaux doivent-ils être recensés de manière exhaustive ? Cela soulève de nombreuses questions, comme la prise en compte du transport, ou les cas où il y a plusieurs composants. Rien que pour le carbone, ce processus est déjà complexe. Doit-on au contraire tenir compte des principaux impacts environnementaux ? Je ne veux pas parler là des impacts significatifs sur la biodiversité, mais des grandes catégories d’impacts, qui pourraient être simplifiées, par exemple dans le cycle de vie. Ces points mériteraient d’être analysés et débattus. Si l’on décide d’un recensement exhaustif, qui mêle à la fois du qualitatif et du quantitatif, cela suppose d’établir des seuils, et cela aboutit à une usine à gaz qui rend difficile toute information synthétique.

M. Nicolas Turquois. Je salue la philosophie de cet amendement, mais en pointant quelques limites. Il y est question d’atteintes à la biodiversité, comme si la production était forcément une atteinte. Or je pense qu’elle peut avoir des externalités positives.

Prenons l’exemple de la viande bovine : un élevage intensif en Amérique du Sud peut avoir un meilleur bilan carbone qu’un élevage dans le Cantal, parce que les bovins y poussent plus vite, sur un espace limité, avec une atteinte à la biodiversité et une consommation de ressources naturelles réduites. Mais l’élevage du Cantal aura des externalités positives en termes de biodiversité, de paysages, de richesse du territoire – qui sont certes difficiles à quantifier. C’est la biodiversité dans son ensemble qu’il faut considérer, sans se focaliser sur les atteintes et en tenant compte des externalités positives.

M. André Chassaigne. Cet amendement est une forme d’ovni, un rêve absolument impossible à concrétiser. De plus en plus de produits sont importés, les délocalisations sont énormes en termes de production de biens quels qu’ils soient. Or, nous en avons discuté à propos de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi ÉGALIM), nous n’avons pas les moyens ni le droit d’aller voir comment se passe la production dans un pays tiers à l’Union européenne. Comment voulez-vous contrôler la réalité de l’information donnée sur les émissions de gaz à effet de serre et les atteintes à la biodiversité ou aux ressources naturelles, s’agissant de biens de consommation importés de Chine ou de produits d’alimentation provenant d’Amérique du Sud ? Selon la loi ÉGALIM, nous ne pouvons pas admettre dans notre pays des biens alimentaires qui ne respectent pas nos conditions sanitaires… mais aucun contrôle n’est possible. Et les normes environnementales imposées aux pneus Michelin ne le sont pas aux pneus qui viennent de Chine, parce qu’on ne peut pas contrôler ce qui s’y passe ! C’est cela, la réalité. Cet amendement est très séduisant, très écolo, très progressiste, mais aura autant d’effets concrets qu’une bulle dans la stratosphère.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Pourtant notre objectif est bien d’y arriver. On voit bien les limites de l’exercice : plus on ajoute des critères, plus on complexifie le dispositif, moins on le rend applicable et efficace. Je ne peux opposer d’arguments à un certain nombre des éléments que vous avez évoqués. En revanche, dès lors qu’on prend en considération le cycle de vie du produit, on peut intégrer la question des transports : il aura un score dégradé en fonction de son trajet. C’est une donnée objective. On ne peut pas contrôler sur pièce et sur place, c’est vrai, mais on peut au moins évaluer les impacts dus au transport grâce au critère carbone. Quant aux questions agricoles, je pense qu’elles doivent être traitées dans un alinéa spécifique. Je proposerai donc plus tard un amendement CS4704 qui viendra spécifier les choses, notamment s’agissant des externalités environnementales. Il ne faut pas prendre le risque que les produits provenant d’Amérique du Sud, puisque vous les avez évoqués, puissent être mieux notés, parce qu’ils auraient un cycle de vie plus court, que des produits élevés dans le Cantal.

Bref, s’agissant des importations, l’empreinte carbone permet d’être réaliste, et s’agissant des questions agricoles, l’affichage intégrera les externalités, qu’il conviendra d’évaluer scientifiquement. Tout cela concourt à démontrer la nécessité des expérimentations, parce qu’on voit bien la complexité du déploiement de l’affichage environnemental. Si l’on n’expérimente pas, comment concrétiser tout ce que vous avez décrit ?

Enfin Mme Batho a raison : le terme « significatifs » est trop subjectif, il faut le retirer. Ce sera plus clair et plus juste.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’amendement CS3633 rectifié se lit donc ainsi :

« L’information apportée tient compte de l’ensemble des impacts environnementaux des biens et services considérés, en particulier en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation de ressources naturelles. »

Mme Barbara Pompili, ministre. Effectivement, ce terme risquerait de donner lieu à une jurisprudence sans fin. Dire qu’on tient compte de l’ensemble des impacts environnementaux des biens ou services suffit – positifs aussi d’ailleurs, il n’est pas question de se restreindre aux impacts négatifs. Cette rédaction me paraît en outre bien plus propre d’un point de vue légistique. Avis favorable.

Pour le reste, tout un travail de base de données est en cours au niveau international pour établir une pondération, donner une note moyenne à chaque pays dont on importe des produits. Ce travail demande du temps et n’est pas terminé. Enfin, les entreprises aussi ont un devoir de responsabilité sociétale quant à ce que font leurs fournisseurs.

La commission adopte l’amendement CS3633 rectifié.

Amendement CS3994 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. Il s’agit d’améliorer la lisibilité du nouvel indicateur en précisant que l’affichage est uniforme, ce qui permettra de faciliter les comparaisons. On s’appuierait ainsi sur l’exemple du Nutri-score, qui a été plébiscité par les consommateurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Sur le fond, je partage votre ambition d’un affichage le plus clair et le plus lisible possible. Mais à ce stade, alors que les expérimentations n’ont pas démarré, il est prématuré d’imposer cette uniformité à toutes les catégories de biens et services, tous les critères, toutes les filières. Peut-être les expérimentations concluront-elles à cela, peut-être au contraire apparaîtra-t-il qu’il faut ici une notation, là d’autres éléments. Il ne faut pas préjuger de leurs résultats. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

Mme Aude Luquet. La limite de cet indicateur, c’est que les affichages vont se multiplier, certains résultant d’initiatives privées. Il faut rester vigilants, sans quoi cela risque de brouiller l’information.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2687 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Cet amendement propose que l’affichage environnemental soit effectué dans le lieu de vente à proximité du produit, et qu’il soit réservé à des supports matériels. En effet, dans la rédaction actuelle de l’article, il est envisagé que l’affichage environnemental se fasse par marquage, par étiquetage ou par tout autre procédé approprié. Connaissant la politique des distributeurs, il est clair qu’on finira par scanner un QR code sur son smartphone ! Sauf que cela exclut une grande partie des consommateurs. L’idée, toute simple, très concrète, est donc de se limiter à des modalités d’affichage très pratiques, pour ne pas créer de nouvelles exclusions.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je partage l’objectif de cet amendement, mais je préférerais que vous le retiriez au profit des deux identiques suivants de Mme Sarles et de M. Colas-Roy, qui reprennent la terminologie de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC). En précisant que l’affichage est visible au moment de l’acte d’achat, ils garantissent bien l’information du consommateur.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’objectif, c’est que chaque consommateur puisse obtenir l’information, et facilement. Il me semble que les amendements suivants permettent de l’atteindre sans figer une méthode particulière, et c’est pourquoi je suggère le retrait du vôtre.

M. Guillaume Garot. Je ne comprends pas bien pourquoi les deux amendements suivants seraient plus efficaces que le mien, qui, s’il ne provient pas de la majorité, est tout de même parfaitement clair !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Mais il impose que l’affichage se fasse sur le lieu de vente. Pourquoi ne serait-il pas directement apposé sur le produit, par exemple ? Les amendements suivants, en précisant que l’affichage doit être visible ou accessible au moment de l’acte d’achat, satisfont votre préoccupation, mais en donnant plus de leviers pour y arriver.

M. Guillaume Garot. Selon mon amendement, l’affichage doit être non seulement sur le lieu de vente, mais à proximité du produit. Cela satisfait nos préoccupations à tous.

Mme Delphine Batho. Malgré l’intention des auteurs des amendements suivants, prévoir un affichage accessible, cela ne veut pas dire qu’il sera affiché. Sur ce sujet des modalités à retenir, il serait utile d’une part de connaître le bilan qu’on tire des douze ans d’expérimentation de l’affichage environnemental, et d’autre part de savoir vers quelle option on s’oriente : affichage physique, données accessibles numériquement… Le Gouvernement en a-t-il une idée ? Avec ce texte je ne comprends pas vers quoi nous allons d’un point de vue opérationnel.

M. François-Michel Lambert. Je n’ai toujours pas de réponse à ma question sur la prise en compte du transport. Des biscuits normands peuvent être vendus à Marseille avec un affichage légèrement meilleur que celui des navettes marseillaises, parce qu’on n’aura pas tenu compte du trajet qu’ils auront effectué. D’où l’intérêt de l’amendement de Guillaume Garot : procéder à l’affichage sur le lieu de vente permet d’intégrer jusqu’au dernier impact, y compris celui qu’on veut camoufler, celui d’un transport à travers toute la France, voire plus.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Un argument supplémentaire : puisque votre amendement parle de lieu de vente, s’étend-il aux plateformes en ligne ? L’article 1er doit s’appliquer partout, et votre amendement fait courir le risque que l’affichage environnemental ne soit pas valable dans l’e-commerce, alors que les deux amendements suivants précisent bien qu’il est visible ou accessible.

M. Guillaume Garot. La plateforme numérique est un lieu de vente, c’est une évidence !

Mme Barbara Pompili, ministre. Non, je pense qu’une plateforme en ligne n’est pas un lieu de vente. En tout cas, cela peut donner lieu à des débats d’experts pendant des heures. C’est pourquoi nous préférons parler de l’acte d’achat : c’est plus clair.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS2351 de Mme Nathalie Sarles et CS4607 de M. JeanCharles Colas-Roy.

Mme Nathalie Sarles. Le sujet de mon amendement a déjà largement été débattu, je vous invite à le voter !

M. Jean-Charles Colas-Roy. Effectivement, si l’on veut responsabiliser les citoyens, il convient de s’assurer que l’affichage environnemental est bien visible au moment de l’acte d’achat, car certaines mentions sont encore cachées, ou accessibles à un autre moment que celui de l’achat. Transformer les consommateurs en consom’acteurs est une priorité, comme la Convention citoyenne pour le climat l’avait mentionné. Une information claire, précise et visible, c’est l’objet de ces amendements.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

M. François-Michel Lambert. Je pose une troisième fois ma question : à quel moment arrive-t-on à faire la différence entre deux produits identiques sortant de deux usines distantes de 1 000 kilomètres ? Une fois que l’affichage est imprimé, on n’y peut plus rien. Des produits ayant parcouru 1 000 kilomètres viendront donc tromper le consommateur, le consom’acteur, en lui laissant entendre qu’ils ont un impact environnemental identique ou même légèrement moindre que le produit qui sort de l’usine d’à côté. On ne lui donne pas l’information. Il croira acheter un produit avec un bon poids carbone alors que l’effet transport n’y est pas inclus.

La commission adopte les amendements.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Pour information, nous examinons dix amendements à l’heure. Il serait peut-être utile d’accélérer un peu quand c’est possible.

Amendement CS3662 de Mme Florence Provendier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable. Je pense que cet amendement devrait être placé après l’article 5, et peut-être légèrement remanié, même si sur le fond j’y suis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable car il est déjà précisé dans l’article 1er que le consommateur aura accès à l’information par voie de marquage, d’étiquetage ou par voie dématérialisée dans des conditions qui seront précisées par décret.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS502 et CS503 de M. Jacques Marilossian (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Ces amendements visent à rendre plus lisible l’information environnementale pour les consommateurs. Le CS502 précise qu’elle doit être fiable, transparente et vérifiable ; le CS503, qui est un amendement de repli, se limite à ce qu’elle soit fiable. Cette proposition s’appuie sur le rapport du Conseil économique, social et environnemental sur l’affichage environnemental.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CS502 car, comme je l’ai déjà dit, il n’est pas nécessaire d’allonger indéfiniment le texte. En revanche, avis favorable au CS503, qui ajoute le terme « fiable » : cela va mieux en le disant.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis d’accord sur les principes défendus par l’amendement CS502, mais sa rédaction est très lourde : je demande son retrait, ou mon avis sera défavorable. S’agissant du CS503, je m’en remets à votre sagesse : c’est une précision rédactionnelle qui n’est pas indispensable mais qui peut être utile.

L’amendement CS502 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS503.

Amendement CS148 de M. Michel Vialay.

M. Michel Vialay. Il me semble important autant de mesurer l’impact sur l’environnement d’un produit que de comprendre les effets qu’il peut avoir sur la dégradation de la santé et d’y sensibiliser les consommateurs. C’est pourquoi il serait opportun de mentionner dans cet alinéa 2 l’impact des substances chimiques dangereuses et notamment des perturbateurs endocriniens, dont on connaît les effets sur la santé et les maladies qui peuvent en découler.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable, toujours pour les mêmes raisons. La question des perturbateurs endocriniens fait évidemment partie de l’impact environnemental, et votre amendement est donc satisfait. Si nous prenons le risque de nous essayer à l’exhaustivité en multipliant les critères, les écueils que nous évoquions apparaîtront vite. Pour la clarté et les possibilités d’évolution de l’affichage environnemental, mieux vaut ne pas ajouter à la liste prévue.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

M. Michel Vialay. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques insiste sur la nécessité de renforcer les actions de communication vers le public, et c’est également préconisé dans le règlement européen REACH. Ce ne serait donc pas une disposition propre au présent projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS434 de M. Guy Bricout, CS644 de M. Vincent Descoeur, CS827 de M. Julien Dive et CS1076 de M. Jean-Yves Bony.

M. Vincent Descoeur. L’affichage environnemental ne sera efficace que s’il permet d’éclairer le consommateur sur les différentes externalités environnementales, qu’il s’agisse des émissions de gaz à effet de serre, du stockage du carbone, de la préservation de la biodiversité, de la qualité de l’eau etc. Se limiter au seul cycle de vie pourrait avoir pour conséquence d’encourager les productions intensives, par exemple celles des ruminants sud‑américains, au détriment des élevages plus respectueux de l’environnement, à l’image de ceux des plateaux volcaniques du Cantal. Ce serait un comble ! Nous en avions déjà débattu avec Stéphane Travert lors de l’examen de la loi Égalim. L’idée court que les critères pourraient être fixés par décret mais il me semble important d’inscrire dans la loi celui de la capacité de stockage du carbone, notamment dans le cadre de l’élevage.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vous présenterai dans quelques instants un amendement qui vise à créer un alinéa spécifique consacré aux externalités environnementales des produits agricoles, sylvicoles et alimentaires, pour éviter les effets de bord que vous décrivez. Il sera également nécessaire d’évaluer scientifiquement l’expérimentation menée, en particulier en vue de rendre obligatoire cet affichage. Des garde-fous sont nécessaires dans ce domaine. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement qui sera satisfait par l’amendement CS4704.

M. Vincent Descoeur. Je vous fais confiance et je retire l’amendement mais je le déposerai à nouveau en séance si d’aventure, j’avais été abusé.

Mme Barbara Pompili, ministre. La rédaction que la rapporteure proposera me semble plus complète et je vous invite à retirer vos amendements. Par ailleurs, il ne me paraît pas souhaitable de retenir la valeur nutritionnelle des produits alimentaires. L’affichage doit se baser sur des critères complets tout en demeurant lisible. Nous pourrions par exemple imaginer une échelle de A à F. L’expérimentation nous permettra de déterminer les critères sur lesquels elle reposera mais prenons garde de ne pas en altérer la clarté à force d’en élargir le champ.

M. Thibault Bazin. À écouter Mme la ministre, je me dis que mes collègues feraient bien de ne pas retirer leur amendement. Celui de Mme la rapporteure porte en effet sur les externalités environnementales mais le leur va plus loin. Le critère de la valeur nutritionnelle du produit mériterait d’être retenu. À force d’imposer des mesures très restrictives à notre propre production, nous finirons par devoir importer des produits beaucoup moins vertueux. L’amendement de mes collègues a le mérite d’exister et j’espère que la sagesse collective l’emportera d’ici la séance.

Les amendements CS434 et CS644 sont retirés.

La commission rejette les amendements CS827 et CS1076.

Amendements CS1596 de M. André Chassaigne, CS1327 de M. Thierry Michels, CS2523 de M. Jean-François Mbaye, CS3667 de Mme Yolaine de Courson, CS2353 de Mme Nathalie Sarles, CS3733 de Mme Yolaine de Courson, CS3751 de Mme Valérie Petit, CS3995 de Mme Yolaine de Courson (discussion commune). 

M. Hubert Wulfranc.  Nous venons d’adopter l’amendement CS3633 rectifié de Mme la rapporteure qui tend à ce que l’information apportée tienne compte de l’ensemble des impacts environnementaux des biens et services considérés, en particulier en termes d’atteintes à la biodiversité et de consommation de ressources naturelles. Nous en avons déduit, avec le président Chassaigne, qu’il faudrait retirer cet amendement, en maintenant les réserves de ce même président et en souhaitant que cet OVNI ne soit pas condamné à l’inopérationnalité.

M. Thierry Michels. Mon amendement traduit l’ambition et la cohérence de la majorité. Nous voulons mobiliser les consommateurs et les acteurs économiques afin de mener, ensemble, la transition écologique. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire nous a permis de progresser dans le domaine du numérique et des biens électroniques. Nous voulons passer à la vitesse supérieure, en renforçant nos exigences en termes de consommation et de production. C’est en renforçant la transparence que nous favoriserons intelligemment la consommation de biens produits par une économie française et européenne plus décarbonée, source d’emplois de qualité dans le territoire, celle que nous voulons promouvoir par ce texte, en incitant consommateurs et producteurs à acquérir et produire les biens qui ont le moins d’impact possible sur l’environnement.

Cet amendement reprend une préconisation du Conseil économique, social et environnemental, de créer un indicateur qui dépasse le seul score carbone, en s’appuyant sur les six grands types d’impacts identifiés par l’ADEME, en particulier l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables, la pollution ou la biodiversité. Ainsi, chaque acteur pourra se décider en pleine connaissance de cause.

Nous devrons accompagner ce mouvement qui vise à renforcer la transparence et à mobiliser les consommateurs et les entreprises, grâce aux aides allouées par l’État dans le cadre du plan de relance pour soutenir les entreprises dans leurs efforts d’innovation et de transition de leurs outils de production ou dans celui de notre budget, en particulier via le fonds Économie circulaire – les crédits dédiés au programme 181, qui vise à concrétiser la transition écologique, ont en effet plus que doublé dans la loi de finances.

Mme Nathalie Sarles. L’amendement CS2523 tend à informer le consommateur des effets sur l’environnement du bien ou du service qu’il achète.

Mme Yolaine de Courson. Mme la rapporteure entend par biodiversité la déforestation ou la mise en danger des espèces. Je pense au contraire que la définition s’étend au monde vivant sous toutes ses formes, de la diversité génétique à la biosphère. Nous faisons, nous aussi, partie de la biodiversité.

Je vous propose par conséquent de ne pas nous en tenir au seul impact carbone mais de prendre en compte les effets sur la biodiversité, à savoir les conséquences pour le monde vivant sous toutes ses formes. Dès lors, il ne serait plus utile de dresser des listes interminables d’effets.

Mme Nathalie Sarles. Par l’amendement CS2353, il s’agit, là encore, de renforcer la place de la biodiversité dans le texte, conformément aux recommandations du Conseil économique, social et environnemental, d’autant plus que les derniers chiffres dont nous disposons sont alarmants, y compris en Europe.

M. Antoine Herth. J’attends l’avis de la rapporteure pour statuer sur le sort de l’amendement CS3751.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vous invite à suivre les conseils du président Chassaigne et à retirer ces amendements car ils sont satisfaits par l’amendement que vous avez adopté à l’unanimité et qui tendait à tenir compte de l’ensemble des impacts environnementaux, en particulier les atteintes à la biodiversité. Puisse la sagesse communiste inspirer cette assemblée.

Mme Barbara Pompili, ministre. En effet, ces amendements sont satisfaits par celui de Mme la rapporteure, que vous avez adopté. On ne peut pas évaluer l’impact environnement si l’on ne prend pas en compte la biodiversité. La Convention citoyenne pour le climat souhaitait que l’on retienne le score carbone mais cet indicateur n’aurait permis de mesurer que les conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre. Au contraire, l’affichage, tel qu’il résulte de l’amendement de Mme la rapporteure, permettra de mesurer les effets globaux sur l’environnement, en particulier sur la biodiversité. Une pastille spécifique sera dédiée au score carbone. Je vous invite à retirer les amendements.

Mme Yolaine de Courson. Je maintiens mes amendements. Si nous devions manger aujourd’hui du sucre de betterave, il aurait un très mauvais score biodiversité.

Les amendements CS1596, CS1327, CS2523, CS2353 et CS3751 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CS3667, CS3733 et CS3995.

Amendements CS2270 de M. Bertrand Pancher, CS2888 de M. Dominique Potier et CS3997 de Mme Nadia Essayan (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. Informer les consommateurs sur l’empreinte carbone des produits est un progrès mais ce progrès restera incomplet si les consommateurs ne sont pas, dans le même temps, sensibilisés aux impacts climatiques générés par les transports et la livraison des produits. L’information sur le coût carbone du transport vise à responsabiliser l’ensemble des acteurs en incitant les consommateurs comme les vendeurs à privilégier le recours au transport décarboné dans les chaînes logistiques.

M. Dominique Potier. Je suis surpris que mon amendement CS2888 soit rattaché à cette discussion commune, il est peut-être mal rédigé. Par « chaînes d’approvisionnement », je n’entends pas les chaînes logistiques par lesquelles le produit est acheminé, mais les systèmes de production et les sous-traitants.

Fabriquer une tonne d’acier en Chine consomme 50 % de CO2 de plus qu’en France. Comment calculer le contenu en carbone de produits identiques selon leur origine, au-delà des effets du transport ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Il ne suffit pas de connaître l’empreinte carbone des produits ; pour sensibiliser le consommateur, il est très important de tenir compte aussi de l’impact lié au transport et à la livraison. Cette information doit permettre de responsabiliser le consommateur et l’inciter à choisir des modes de transport décarbonés. Tel est l’objet de l’amendement CS3997.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’affichage environnemental prendra en considération le cycle de vie, qui intègre le transport, comme je l’ai dit à M. Chassaigne à propos des importations. Les modalités précises de calcul seront déterminées à l’issue de l’expérimentation qui va être mise en place, et distinctes selon les catégories de biens et services.

Nous sommes convenus de travailler avant la séance à un dispositif spécifique pour mesurer l’impact environnemental de la livraison. En effet, une plateforme de commerce électronique ne devrait pas indiquer au moment de l’achat que la livraison ne coûte rien, laissant à penser que l’impact environnemental est également nul. L’information au bénéfice du consommateur doit être clarifiée.

Avis défavorable aux amendements CS2270 et CS2888, et je demande le retrait de l’amendement CS3997 pour y retravailler.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable. L’impact environnemental des transports est calculé à l’arrivée du produit en France : l’affichage intégrera donc les transports internationaux.

Une seconde étape commence quand le produit est en France, et dépend donc de la façon dont il arrive au consommateur : dans une grande surface, chez un petit commerçant ou sur une plateforme en ligne.

L’affichage environnemental sera identique pour un même produit. Il est trop compliqué de distinguer, pour un produit arrivé dans le port de Dunkerque, selon qu’il est livré à Lille, Paris ou Marseille. Nous pouvons faire l’analyse du cycle de vie général, avant que le produit n’arrive sur le marché français. Après, nous pourrons l’affiner, par exemple pour prendre en compte les plateformes en ligne. Je suis d’accord avec la proposition de la rapporteure d’y travailler en vue de la séance.

M. André Chassaigne. Faire apparaître l’impact du transport serait extrêmement important, d’autant que le développement des accords de libre-échange a multiplié le nombre de produits importés.

Le plus facile serait d’afficher le pays d’origine, mais la réglementation européenne a limité les articles qui pouvaient porter cette mention. Pour d’autres, notamment les produits alimentaires, dont la viande transformée et les produits laitiers, nous n’avons obtenu cette autorisation qu’à titre expérimental.

Pour prendre l’exemple des pneumatiques, le consommateur connaît la marque, mais pas le lieu de fabrication. Un pneu peut provenir de Pologne, d’Asie ou de Clermont-Ferrand. Peut-être serait-il possible de le savoir en démontant le pneu pour regarder à l’intérieur, mais je n’en suis pas certain. Il est donc très difficile, dans le système économique actuel qui promeut la libéralisation, le moins-disant et les délocalisations, d’indiquer l’impact environnemental d’un produit, et je suis pessimiste quant aux résultats de l’expérimentation.

M. François-Michel Lambert. J’en reviens toujours à la même question, qui n’a toujours pas reçu de réponse : comment éviter de créer une distorsion d’appréciation chez le consommateur ? Entre deux produits équivalents, celui qui a parcouru 1 000 kilomètres pour traverser toute la France pourrait afficher un meilleur impact environnemental au motif qu’il aurait eu recours à des énergies renouvelables. La question du transport est extrêmement importante.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous ne nous rendons pas compte de l’immense complexité du travail nécessaire, uniquement pour faire un Éco-score. Il va falloir intégrer l’ensemble du cycle de vie des produits, avec des sous-ensembles issus de pays différents.

Or depuis une heure et demie, nous proposons d’ajouter encore de la complexité. Certes, les idées sont bonnes, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Nous ne pouvons pas intégrer le mode de distribution du produit une fois qu’il a été fabriqué. Faisons confiance à l’intelligence des Français : les Marseillais qui achètent des huîtres de Cancale savent d’où elles viennent, et ceux qui achètent des avocats savent qu’ils ne poussent pas en Auvergne…

Si, dans deux ans, cet indice permettait d’informer sur l’Éco-score des produits, ce serait déjà un résultat incroyable même s’il ne donne pas toutes les indications que nous aimerions ajouter. Toutes ces propositions sont intellectuellement satisfaisantes, mais elles ne peuvent pas entrer dans la construction de cet indice.

Mme Barbara Pompili, ministre. M. Chassaigne a raison, comme souvent, de regretter l’impossibilité de mentionner le pays d’origine dans tous les cas. Mais certains produits incorporent des composants de nombreux pays différents. C’est le cas des smartphones – extrêmement complexes –, mais aussi des vélos, qui peuvent être assemblés en France avec des pédales venant d’un pays, et des freins d’un autre, et ainsi de suite.

Là est tout l’intérêt de l’analyse du cycle de vie : elle permet de tenir compte de l’origine de chaque composant pour donner l’empreinte carbone du produit global. C’est l’information dont le consommateur a besoin. Je le rappelle, l’affichage environnemental a pour objet d’orienter le choix du consommateur.

L’amendement CS3997 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS2270 et CS2888.

Amendements CS1528 de Mme Paula Forteza et CS2356 de Mme Nathalie Sarles (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il s’agit de préciser la quantité de matières premières et d’eau nécessaires à la fabrication d’un produit. Ce sont des informations importantes, notamment pour les produits numériques, mais j’imagine que la rapporteure va nous répondre que cette information est intégrée dans l’analyse du cycle de vie.

Mme Nathalie Sarles. Je propose également de prendre en considération la quantité d’eau consommée. Je trouve que la question de l’eau n’est pas suffisamment présente dans ce texte. Je suis étonnée, alors qu’il est question de climat et de résilience, que le texte n’aborde pas la raréfaction de cette ressource.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il en sera question à l’article 19.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ces deux amendements sont satisfaits suite à l’adoption du CS3633 rectifié, qui mentionne la consommation de ressources naturelles. Il n’est pas nécessaire de préciser à l’infini les différents éléments. Je demande le retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Les impacts liés aux atteintes à la biodiversité sont pris en compte dans l’amendement précédemment adopté.

M. Bruno Millienne. Lors de l’audition de l’ADEME, nous avons compris que la construction de l’Éco-score est extrêmement compliquée. J’entends tous les amendements qui proposent d’ajouter des éléments pour rendre cette indication encore plus sécurisante pour le consommateur, mais je crains que nous n’aboutissions à un résultat irréalisable.

Laissons l’expérimentation se dérouler, et voyons quels critères les scientifiques nous proposerons pour obtenir l’Éco-score le plus représentatif du produit vendu. La quantité de matières premières et d’eau nécessaires peut varier d’une récolte à l’autre, ou d’un coin du champ à l’autre !

Mme Delphine Batho. Je ne suis pas convaincue que l’intervention de M. Millienne nous fasse gagner du temps. Il serait utile que le Gouvernement nous explique pourquoi l’affichage environnemental n’a pas été mis en œuvre depuis douze ans. Est-ce en raison de la réticence des secteurs économiques, ou de difficultés techniques ? Les choses seraient beaucoup plus claires, y compris pour discuter les propositions de la Convention citoyenne sur le score carbone.

Je suis convaincue par la réponse de la rapporteure, mais je ne retire pas cet amendement car il a été déposé par ma collègue Paula Forteza.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est précisément parce que nous n’avons jamais réussi à nous mettre d’accord sur une méthodologie commune que cela n’a pas été mis en œuvre. Les méthodologies sont différentes, les critères ne sont pas les mêmes et il est impossible pour le consommateur d’établir des comparaisons. Tout l’intérêt de ce que nous avons fait dans le cadre de la loi AGEC et de ce que nous examinons ce soir, c’est de faire converger les méthodologies pour aboutir enfin à une méthodologie reconnue par tous. Il s’agit en effet d’un sujet complexe et l’expérimentation demandera un peu de temps mais je suis bien d’accord avec vous : nous devons aboutir vite !

Mme Nathalie Sarles. Les amendements nous auront donné l’occasion d’aborder ces sujets et de mesurer la complexité des choses. Monsieur Millienne, l’eau est bien évidemment nécessaire pour la production agricole, mais son usage pour la production textile, qui s’accompagne souvent de l’adjonction de teintures polluantes, concourt à l’altération tant qualitative que quantitative de la ressource. Je comprends que l’on ne puisse pas tenir compte de ce critère, mais il est important de soulever ces questions pour améliorer les process industriels, donc le score des produits.

L’amendement CS2356 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS1528.

L’amendement CS2357 de Mme Nathalie Sarles est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS2583 de Mme Laurianne Rossi.

Amendements CS4233 de M. Denis Sommer et CS3033 de M. Sylvain Templier (discussion commune).

Mme Véronique Riotton. Pour soutenir les achats de produits locaux en circuits courts, lesquels peuvent avoir de mauvais scores matière d’émissions de gaz à effet de serre, M. Templier propose de tenir compte du nombre d’intermédiaires et de la provenance des matières premières. Cela éclairera les consommateurs dans leur choix et encouragera les producteurs à optimiser les conditions de production pour réduire au maximum l’impact carbone.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Encore une fois, plus on complexifie, moins l’affichage a de chances d’aboutir. L’analyse du cycle de vie d’un produit intègre son transport. Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Non, l’analyse ne le prend en compte que partiellement, ainsi que je l’ai démontré. Parce que l’on n’intégrera pas toutes les composantes, et notamment le transport lié à la mise à disposition et à la vente des produits, des entreprises subiront la concurrence de marchandises produites à 1 000 kilomètres de là. Je crains que l’article ne soit déclaré inconstitutionnel en raison de cette distorsion de concurrence. Le système est complexe, c’est vrai, mais on ne doit pas ignorer les risques d’inconstitutionnalité sous prétexte que l’on recherche la simplicité ou l’opérationnalité.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS5001 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Au fil du débat, il m’apparaît que l’affichage est loin de pouvoir s’appuyer sur des valeurs techniques indiscutables. L’analyse du cycle de vie dépend de divers critères mais si on les intègre tous, on finira par noyer les consommateurs. C’est sans fin ! L’affichage doit être explicite pour le commun des mortels. Ne sommes-nous pas en train de monter une usine à gaz ? Le mécanisme ne doit-il pas être retravaillé ? J’espère donner l’exemple en retirant cet amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2365 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. Bien sûr, c’est compliqué ! Il faut procéder par filière, par type d’équipement. Nous avons réussi à aller dans la dentelle lorsque nous avons examiné le projet de loi AGEC. Mme Riotton avait alors défendu la notion de réparabilité, fondamentale si nous voulons lutter contre l’obsolescence programmée. Je propose ici que l’affichage fasse ressortir l’indice de durabilité pour les équipements électriques et électroniques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La loi AGEC prévoit en effet que l’indice de durabilité pourra être déployé, mais seulement pour certains produits électriques et électroniques. Si l’on met en confrontation des labels issus des indices et l’affichage environnemental, on court le risque de l’illisibilité. Encore une fois, plus on complexifie, plus on s’éloigne de notre objectif, celui que les consommateurs s’y retrouvent. Comme l’a dit Mme Batho, cela fait douze ans que nous attendons cet affichage. Pour que nous aboutissions, les critères doivent être suffisamment précis. Je suggère le retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les consommateurs pourront disposer d’un indice de durabilité grâce à la loi AGEC. Il est inutile que l’affichage en fasse mention.

M. André Chassaigne. Tous les amendements que nous avons examinés vont dans le bon sens car leurs auteurs cherchent à prendre en compte les questions sociales et environnementales. Pourtant, j’ai le sentiment que l’on déplace les responsabilités sur le consommateur, que l’on appelle à juste raison « consomm’acteur », comme si c’était seulement au niveau de l’acte d’achat que l’on allait résoudre ces questions. On ignore ainsi l’importance des choix politiques, qui font que l’on développe le libre-échange, et les choix de rentabilité financière, qui font que l’on délocalise. Les règlements permettent d’imposer des évolutions aux process de fabrication ; c’est notamment en donnant un droit de regard aux salariés dans les entreprises que l’on peut faire évoluer les choses. On croit l’affaire réglée, mais la question des responsabilités n’est pas abordée.

M. Jean-Marie Sermier. Toute réglementation doit être compréhensible par le commun des mortels. Il faut prendre garde à ne pas leurrer les consommateurs, cela pourrait se retourner contre nous. Comme l’a dit André Chassaigne, nous essayons de bien faire avec ces amendements mais nous n’y parvenons pas car la liste des critères est sans fin, les bases juridique et technique manquent et il n’y a pas encore de socle commun européen. Ne faut-il pas attendre une réflexion au niveau européen avant d’avancer ?

M. Erwan Balanant, rapporteur pour le titre VI. Parce que c’est compliqué, on ne ferait rien ? Parce que c’est compliqué, il faudrait attendre que l’Europe propose quelque chose ? Nous parlons ici d’une expérimentation, qui nous permettra d’avancer et de trouver les solutions pour résoudre une question dont vous reconnaissez tous l’importance.

La commission rejette l’amendement.

2.   Réunion du mardi 9 mars 2021 à 17 heures 15

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, la conférence des présidents a confirmé ce matin qu’en matière de présence à nos travaux, priorité devait être donnée aux députés membres de notre commission spéciale, les députés non-membres pouvant être accueillis seulement dans le respect des règles de distanciation et non en lieu et place des premiers. Les groupes sont donc appelés à la vigilance, étant rappelé que la composition de la commission permet à chacun d’entre eux d’être convenablement représenté.

Par ailleurs, les amendements dont l’auteur n’est pas physiquement présent peuvent être défendus par un député du même groupe, ceux des députés non-inscrits pouvant également l’être par d’autres collègues non-inscrits.

M. Jean-Marie Sermier. On constate une légère amélioration par rapport à hier soir, où certains de nos collègues membres de la commission, venus spécialement de loin, n’ont pas pu défendre leurs amendements. Même si nous avons pu le faire à leur place, il est tout à fait intolérable de travailler dans ces conditions. Nous vous demandons, madame la présidente, de trouver des solutions. Les soixante et onze membres de la commission spéciale devraient tous pouvoir siéger dans la salle ; or quarante-sept places y sont réservées aux députés ! Le Gouvernement a bien su trouver les 150 places nécessaires à la Convention citoyenne pour le climat.

Mme Delphine Batho. Je déplore qu’en ce moment même soit débattue en séance la révision constitutionnelle, ce qui empêche un certain nombre d’entre nous de participer à ce débat ; que plus d’un amendement sur deux a été déclaré irrecevable en raison d’une application extrêmement brutale de l’article 45 de la Constitution ; que la conférence des présidents ait décidé de recourir au temps législatif programmé pour l’examen en séance, ce qui revient à priver de temps de parole les députés écologistes.

Madame la présidente, comment voyez-vous le déroulement des travaux de notre commission spéciale ? Avez-vous – ou la majorité – l’intention de recourir à l’article 90 du règlement ? Dans l’hypothèse où le calendrier ne pourrait être tenu, envisagez-vous que nos travaux ne servent à rien et que ce soit le texte du Gouvernement qui soit appelé à l’ordre du jour en séance ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Réjouissons-nous, Monsieur Sermier, de voir nos conditions de travail s’améliorer un tout petit peu. Je ne suis pas à l’origine des règles de vie commune liées à la situation sanitaire de notre assemblée. Essayons, même si notre jauge est effectivement limitée, de fonctionner comme cela, car je ne dispose pas, à ce stade, d’autre salle. Nous n’allons tout de même pas investir le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ! Je ne veux pas être tenue pour responsable du fait qu’un foyer ait pu se développer dans notre commission spéciale : les gestes barrières et la distanciation entre députés doivent être maintenus. Si nous ne parvenons pas à fonctionner ainsi, nous essaierons de trouver de meilleures solutions.

Madame Batho, vous avez, s’agissant de l’irrecevabilité, procédé exactement de la même façon que lors de l’examen de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Les amendements sont en cours d’examen, dans l’ordre du texte, et je ne pense pas que vous vous estimerez, en définitive, lésée de ce point de vue. Je l’ai rappelé hier, cet examen doit avoir lieu dans le respect du règlement de l’Assemblée nationale et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : les amendements n’ayant aucun lien avec l’article auxquels ils se rapportent sont effectivement déclarés irrecevables.

Pour ce qui est de l’article 90, il n’en est pas question. Je souhaite que nos travaux aboutissent à un texte adopté par la commission en vue de son examen en séance publique qui débutera le 29 mars.

Article 1er (suite) (article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) : Affichage informant le consommateur sur les caractéristiques environnementales, ou environnementales et sociales, de biens ou de services

Amendement CS1427 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Il s’agit de faire figurer de manière explicite la réparabilité des produits sur l’affichage environnemental. C’est une information que nous avions déjà identifiée comme pertinente et nécessaire pour guider au mieux le consommateur et lutter contre la surconsommation, lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC). Elle fait, en outre, l’objet d’une recommandation du CESE dans son avis sur le présent projet de loi.

Tel produit est réparable, tel autre ne l’est pas : l’information est simple pour le consommateur. Quelle meilleure manière de préserver l’environnement que d’utiliser un produit le plus longtemps possible en le réparant ?

Nous ne manquons pas de leviers, notamment le levier budgétaire, pour concrétiser la loi. Pourquoi ne pas imaginer que la réparabilité et la durabilité des produits distribués et fabriqués par les entreprises françaises et européennes soient prises en compte dans le plan de relance ? Cela favoriserait les secteurs industriels qui s’engagent avec détermination dans cette voie, et leur permettrait de construire leur avantage comparatif et de développer des emplois de qualité sur le territoire, tout en préservant l’environnement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. Nous revenons au débat d’hier soir concernant l’indice de durabilité. Je ne pense pas qu’il faille mettre en regard ce qui a été voté dans le cadre de la loi AGEC, c’est-à-dire des indices, et l’affichage environnemental que nous souhaitons mettre en place, car cela créerait une confusion dans l’esprit du consommateur.

Comme je l’ai fait hier soir s’agissant de l’autre indice issu de la même loi, je vous demande de retirer l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Il faut vraiment faire la différence entre l’affichage environnemental, qui doit être très simple, et l’indice de réparabilité, qui est déployé depuis le mois de janvier dernier et qui doit se mettre en ordre de bataille, si je puis dire, dans l’année. Ce dernier doit être très visible. S’il se trouvait noyé au milieu d’un affichage environnemental global, le consommateur ne s’y retrouverait pas.

Vous avez raison d’insister pour qu’on le voie, et c’est la raison pour laquelle il doit rester un indice à part. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2307 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Atteindre la neutralité carbone n’aura pas de sens si les émissions de gaz à effet de serre sont exportées et si les droits humains les plus élémentaires ne sont pas respectés. Il s’agit donc de mettre en place un affichage éthique portant sur le respect de ces droits, et notamment ceux de la femme et de l’enfant, particulièrement mis à mal à travers le monde : c’est au moins aussi important que le défi climatique qui est devant nous.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons également débattu hier soir de l’intégration dans l’affichage environnemental d’autres critères que ceux tenant à l’environnement. Des critères sociaux y figureront, qui pourront recouvrir ceux que vous visez. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis, même s’il est important, lorsque cela s’avère nécessaire, d’intégrer des critères sociaux à l’affichage environnemental.

M. Julien Aubert. Le vrai sujet est philosophique : doit-on accepter de voir des produits élaborés en violation des droits humains sur les étals, c’est-à-dire permettre aux consommateurs qui arbitreraient en fonction d’autres critères de les acheter ? Le vrai courage serait d’accepter qu’un véritable équilibre commercial passe par le rétablissement d’une forme de protectionnisme et d’assumer le fait qu’on ne peut pas lutter, par exemple, avec des pays faisant travailler les enfants. Je préférerais une approche beaucoup plus directe, plus brutale et peut-être plus difficile à mettre en œuvre que cet appel à la conscience des consommateurs. Cette question ne peut pas être traitée à travers la seule signalétique.

M. Dominique Potier. Plutôt qu’une taxonomie complexe et infernale à établir en matière de droits sociaux, l’idée d’un minimum évoquée par notre collègue Julien Aubert, qui a été adoptée dans le cadre du plan de relance, me paraît intéressante. L’OCDE et l’ONU ont défini autour des principes de Ruggie le minimum de la dignité humaine dans les chaînes de production mondialisées.

Madame la rapporteure, Madame la ministre, vous avez toutes deux indiqué que le cas échéant, l’on verrait quelle filière est pertinente. Qui est ce « cas échéant » : l’Association française des entreprises privées (AFEP), le MEDEF ou l’un des étages de Bercy ? Nous sommes le Parlement : sur une question aussi fondamentale que les droits sociaux, on ne peut pas renvoyer à un décret ! Nous devrions plutôt définir en séance un lieu démocratique d’arbitrage sur les filières et les produits concernés, et établir un tel processus dans le temps afin qu’il n’échappe pas au Parlement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2459 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. L’éco-contribution, en ce qu’elle reflète la prise en charge de la gestion et du traitement du produit en tant que déchet, est un élément intéressant à porter à la connaissance du consommateur. Je propose donc d’en apposer la mention sur les produits issus d’une filière dite à responsabilité élargie du producteur, ou filière REP.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je comprends l’intention mais je pense qu’il y aurait un risque de confusion : le consommateur pourrait penser que l’éco-contribution affichée constitue, à l’inverse de ce que nous avons voté, un surcoût qui lui est imposé. Je crains que cette confusion ne facilite pas du tout l’acte d’achat. Il ne faut donc pas qu’elle soit indiquée directement sur le produit. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je n’ai rien à ajouter à cet excellent argumentaire. Avis également défavorable.

Mme Nathalie Sarles. Je maintiens l’amendement ; il me paraît nécessaire d’informer le consommateur en toute transparence.

M. Martial Saddier. Si le Parlement se renouvelle, ses travaux restent. L’affichage environnemental a déjà fait l’objet d’un travail important au sein de la commission du développement durable. Deux députés, l’une de la majorité, Sophie Errante, l’autre – que je connais bien – du groupe Les Républicains, ont dressé, en 2013, un bilan très précis de l’expérimentation menée entre juillet 2011 et juillet 2012, dans un rapport conséquent. Cet affichage avait été pratiqué, sur la base du volontariat, par 168 entreprises. L’effet sur le consommateur s’était avéré assez limité, mais c’était en raison de l’absence de publicité et du peu de produits concernés. La commission du développement durable avait également acté, en votant ce rapport d’information à l’unanimité, que le consommateur ne devait pas être noyé sous une masse d’informations, et que celles-ci devaient être fiables pour assurer la crédibilité du dispositif, à la fois sur le produit et sur l’emballage. Elle avait aussi insisté sur le coût de celui-ci, forcément répercuté sur le consommateur, dont il ne fallait pas qu’il devienne un handicap à l’acte d’achat, ainsi que sur les moyens de contrôle, sans lesquels aucun dispositif n’est ni efficace ni crédible.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3252 de M. Philippe Naillet.

Mme Chantal Jourdan. L’alimentation est l’un des besoins primaires et le reflet direct de l’action sur les ressources environnementales. L’affichage doit concerner tous les produits alimentaires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous avez raison et c’est pourquoi, d’ailleurs, les produits agroalimentaires feront pleinement partie de l’expérimentation qui devra être mise en place. Ils ne sont donc absolument pas exclus de l’affichage environnemental. Je présenterai tout de suite après un amendement qui précisera les conditions particulières liées à ces produits et aux externalités environnementales. Votre amendement est satisfait, et je vous en demande le retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il est effectivement pleinement satisfait par la rédaction actuelle de l’article, celui-ci visant bien tous les produits alimentaires. Retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements CS4704 rectifié de la rapporteure et sous-amendement CS5280 de M. Dominique Potier, CS2891 de M. Dominique Potier, CS4679 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt et CS841 de M. Antoine Herth (discussion commune).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je viens d’évoquer l’amendement CS4704 rectifié, qui traite plus particulièrement des produits agricoles, sylvicoles et agroalimentaires. L’affichage environnemental doit prendre en considération l’ensemble de leurs externalités environnementales, qui doivent être évaluées scientifiquement dans le cadre de l’expérimentation prévue à l’article, avant d’être rendu obligatoire. Cette disposition est de nature à rassurer les secteurs concernés.

M. Dominique Potier. Le sous-amendement vise à préciser le champ des produits concernés par l’amendement de la rapporteure en y adjoignant les produits issus des activités piscicoles et conchylicoles.

L’amendement CS2891, inspiré par le mouvement coopératif agricole, est similaire à l’amendement de la rapporteure, à ce rajout près de l’évaluation scientifique qui m’inquiète un peu. Le seul prisme du carbone pourrait nous faire méconnaître d’autres compartiments des ressources naturelles et de la biodiversité. La question sociale aussi est importante.

Je me fais, au passage, le porte-parole d’une profession organisée mais pas aussi puissante que la profession agricole. Elle alerte sur le fait qu’il ne faut pas méconnaître que les 5 millions d’hectares du Massif central comme puits de carbone pourraient être « concurrencés » par la déforestation qui caractérise l’élevage intensif outre-Atlantique. C’est en ce nom que nous demandons un élargissement des champs et la prise en compte de la question sociale de façon plus universelle.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. L’amendement CS4679 tend à compléter l’alinéa 2 par deux phrases expliquant aux consommateurs les autres composantes de l’empreinte environnementale. On peut citer, par exemple, l’utilisation raisonnée d’un produit phytosanitaire, inévitable dans certaines cultures, comme nous l’avons vu récemment avec la betterave. Les Français ont peut-être envie de mesurer si leur agriculture est plus consommatrice de tels produits que d’autres pays.

Le coût de la ressource en eau constitue également un élément important, notamment dans la fabrication des vêtements.

M. Antoine Herth. L’amendement CS841 ne m’a pas été suggéré par quelque lobby que ce soit et je regrette qu’il fasse partie de cette discussion commune, car il ne procède pas de la même démarche. Celui de la rapporteure est un amendement de réassurance, car lorsque l’on parle de la production agricole, l’on pense d’abord aux productions végétales déjà bien engagées dans la haute valeur environnementale (HVE). La forêt dispose, elle, du programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) qui intègre à la fois la captation du carbone mais également les autres aménités qu’elle génère. Quant au secteur agroalimentaire, je vous mets au défi de trouver un système simple, compte tenu du grand nombre d’ingrédients en jeu.

Le vrai problème que nous rencontrons concerne l’élevage. L’analyse en fonction du cycle de vie fait apparaître une gradation en matière de performances : les volailles ne se placent en tête de ce point de vue que parce que leur durée de vie est la plus courte. Vient ensuite la filière porcine, engagée dans un travail considérable – notamment en matière de réduction des émanations, de recyclage des déchets dans la filière de l’abattage et des biocarburants – dont j’ai pris la mesure dans le cadre d’un rapport sur la viande que je prépare pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) : j’ai été bluffé. La filière laitière réclame, elle, l’analyse en termes de cycle de vie parce qu’elle sait ses performantes très fortes.

En revanche, l’élevage à l’herbe pose un gros problème technique : il est impossible d’installer des méthaniseurs dans les prés, d’empêcher les vaches de faire leurs besoins dans la nature, de roter lorsqu’elles ruminent ou de lâcher du méthane, encore plus néfaste que le CO2 pour le climat. La seule façon de rééquilibrer le débat, pour les bovins comme pour les ovins, serait d’intégrer les autres aménités que je décris. L’objet de cet amendement est donc d’envoyer un signal politique très fort, car les éleveurs sont vent debout contre ce que nous faisons ici. Un éminent spécialiste de l’élevage, membre de La République en marche, avait d’ailleurs déposé un amendement de suppression de l’article, qui n’a pas été défendu.

Faisons œuvre utile pour le monde de l’élevage, que l’article 59 stresse également. Disons-lui que nous avons compris le problème et que nous serons à ses côtés pour le résoudre, en citant le mot « élevage » qui ne figure dans aucun autre amendement. Si vous ne voulez pas du mien, je le retirerai pour le déposer en séance, mais, je vous en conjure, lancez ce signal !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le sous-amendement est satisfait par mon amendement qui mentionne les produits agricoles, sylvicoles et alimentaires. J’en demande donc le retrait.

Les autres amendements traduisent la même inquiétude légitime, que je partage, et qui a conduit à insérer un alinéa spécifique pour ces produits très particuliers. Si j’entends que l’on pourrait préciser d’autres éléments, dans ce cas une telle liste ne serait jamais exhaustive. C’est tout l’intérêt de l’expérimentation en matière d’affichage environnemental.

S’agissant de l’élevage, ses produits sont pleinement compris dans les produits agricoles. Pourquoi donc une telle précision ?

Si l’on veut que l’affichage environnemental aboutisse, il ne faut certes pas que les produits agricoles en soient exclus. Ils méritent, en effet, un traitement différencié au regard de ce qu’ils représentent pour l’identité de notre pays, mais ne cherchons pas à embrasser les critères de manière exhaustive, car nous n’y parviendrons pas.

Je demande le retrait tant du sous-amendement que des amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’émets un avis favorable sur l’amendement CS4704 rectifié de la rapporteure, et défavorable au sous-amendement, à mon sens satisfait. Je demande le retrait des autres amendements en discussion commune, également satisfaits par l’amendement de la rapporteure, qui répond à une préoccupation relative aux externalités environnementales des produits agricoles, sylvicoles et alimentaires, et en particulier aux biais méthodologiques pouvant poser problème.

L’amendement CS4679 est retiré.

M. Martial Saddier. Quel est l’état d’esprit du Gouvernement à l’égard de l’agriculture de montagne, qui représente 25 % du territoire national, dont le pilier est la politique de l’herbe et des prairies permanentes, et qui produit sous signes de qualité des produits économiquement viables ? Le chargement à l’hectare par unité de gros bétail (UGB) est extrêmement faible : il s’agit donc d’une agriculture extensive très respectueuse de l’environnement.

Pour les raisons techniques exposées par notre collègue Antoine Herth, et au moment où la réforme de la PAC emporte un enjeu financier extrêmement important, je voudrais m’assurer que cette agriculture ne sera pas demain victime de votre amendement, madame la rapporteure.

M. Vincent Descoeur. Je me demande si je n’ai pas retiré un peu prématurément l’amendement que j’avais déposé dans ce sens. Si celui de notre rapporteure évoque les externalités environnementales, la question du stockage du carbone, véritable plus-value qui répond à une préoccupation spécifique des éleveurs, mériterait de figurer à l’alinéa créé. Si ce ne devait pas être le cas, nous déposerions un nouvel amendement.

Mme Delphine Batho. Madame la rapporteure, votre amendement est une façon de dire que l’on ne fera pas l’affichage environnemental sur les produits alimentaires et agricoles…

Par qui les externalités environnementales seront-elles « examinées scientifiquement » ?

Je ne comprends pas votre seconde phrase qui renvoie à des décrets, validations et expérimentations, tous prévus par le Gouvernement, sinon qu’elle revient à dire : « ne vous inquiétez pas, on ne fera rien ».

M. André Chassaigne. Je soutiens l’amendement d’Antoine Herth. Il faut un signal fort en faveur de l’élevage, qui est l’objet d’une bataille idéologique auprès des consommateurs et des populations, dont on connaît l’impact économique. L’amendement de la rapporteure ne recouvre pas totalement le champ de celui d’Antoine Herth. Certes, on peut faire entrer beaucoup de choses dans les externalités environnementales – les effets sur l’eau, les sols et l’air, par les gaz à effet de serre – mais l’amendement CS841 y ajoute la prise en considération de l’aménagement du territoire, l’entretien du paysage, qui renvoie aussi à l’attractivité touristique des territoires. L’amendement CS841 complète celui de Mme Bergé, sans s’y opposer.

Mme Frédérique Tuffnell. Des expérimentations d’élevage extensif ont été menées dans les zones humides. Des prairies sont préparées pour accueillir l’élevage ; la direction de l’eau et de la biodiversité y travaille. Les externalités positives sont exceptionnelles dans le domaine de la capture du carbone, de l’enrichissement de la terre. Je suis favorable à ce que le mot « élevage » figure dans le texte. Ce serait un bon signal adressé aux éleveurs, alors que les Français souhaitent consommer de la viande de qualité, des produits locaux.

M. Dominique Potier. Je retire mon sous-amendement.

Madame Batho, nous ne sommes pas plus éclairés sur l’application de ces dispositions que sur celle d’autres aspects de l’affichage – il n’y a pas, en la matière, de spécificité agricole. Nous avons déposé des amendements visant à ce que l’agriculture biologique et HVE intègre la dimension carbone, ce qui mettrait fin à l’archaïsme actuel. Cette mesure, qui introduirait une grande simplification, est demandée par l’ensemble des acteurs, au nombre desquels on peut citer la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). Nous voterons les amendements d’Aurore Bergé et d’Antoine Herth, qui se complètent parfaitement et adresseraient un signal très attendu dans nos campagnes.

Le sous-amendement CS5280 est retiré.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame de Courson, je vous rappelle que les membres de la commission spéciale sont prioritaires dans l’attribution des places. En conséquence, je vous prie de bien vouloir céder votre place à M. Bricout.

M. Bruno Millienne. Chacun respecte sa jauge !

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, votre amendement va dans le bon sens, mais il me semble insuffisant de ne prendre en considération que les externalités positives environnementales relatives aux produits agricoles, sylvicoles et alimentaires. Il ne faut pas être naïf, le risque est réel que nos produits subissent la concurrence de productions importées faussement vertueuses. Il faut considérer les qualités nutritionnelles. Est-on sûr que le mode de calcul aboutira à un affichage environnemental plus performant pour les produits de l’agriculture française, les produits locaux, labellisés, de qualité, que pour des produits importés dont les conditions d’élaboration et les caractéristiques sont parfois douteuses ? À défaut, mieux vaudrait renoncer à l’affichage, car c’est l’avenir de notre production agricole qui se joue. Même si certains voudraient qu’il n’y ait plus de viande, la consommation continuera : faisons en sorte qu’elle favorise la production locale de qualité.

M. Jean-Marie Sermier. On ne peut pas demander aux agriculteurs français, comme on le fait depuis plusieurs décennies, de faire des efforts, d’améliorer la qualité de leurs produits et les externalités environnementales de leur production, sans les assurer que leurs produits seront significativement mieux labellisés que ceux venant de l’extérieur, dont on ne connaît pas les conditions réelles d’élaboration. La labellisation des produits agricoles, déjà difficiles à organiser techniquement, n’a d’intérêt que si on peut la contrôler pour les produits importés. De surcroît, il ne faudrait pas qu’elle nuise à la labellisation et au savoir-faire de l’affichage agricole, qui s’est développé depuis 1936 et a accompli de nombreuses avancées, avec l’agriculture biologique, l’agriculture à haute valeur environnementale, l’agriculture respectueuse des sols ou encore l’agriculture de conservation. Il ne faudrait pas qu’un affichage plus que douteux vienne briser tout cela.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’élevage de montagne a des conséquences directes sur l’environnement et la biodiversité. Par exemple, l’entretien des pâturages en montagne permet la conservation de la prairie, qui est l’un des espaces naturels subissant la plus forte régression dans notre pays. En évitant que la forêt se referme, on assure la préservation des écosystèmes. C’est là une externalité environnementale positive qui sera prise en considération dans l’affichage environnemental.

De la même manière, même si on ne saurait préjuger la fin de l’expérimentation, il me paraîtrait souhaitable que l’on tienne compte des labels connus et traçables, facilement exploitables, comme le bio et la HVE, dans le cadre de l’affichage sur les externalités environnementales. Ces labels apportent une indication sur la valeur environnementale d’un produit, ainsi que, bien souvent, sur son apport nutritionnel. Tout l’objet de l’expérimentation est de prendre en compte ces facteurs pour contrebalancer la production de gaz à effet de serre des élevages, en particulier bovins, dans l’affichage environnemental. C’est le sens de l’amendement de la rapporteure.

Quant à l’évaluation scientifique, il n’y a pas de surprise. Elle sera assurée par des institutions comme l’Agence de la transition écologique (ADEME) ou l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

L’amendement CS4704 rectifié satisfait donc vos demandes légitimes, en faisant en sorte que l’affichage soit le plus juste possible pour favoriser la production locale, de qualité, d’une viande meilleure. J’ajoute que le stockage du carbone constitue une évidente externalité positive.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons déjà adopté des critères généraux concernant l’affichage environnemental. Nous y avons ajouté la biodiversité et les ressources naturelles, ce qui me semble de nature à satisfaire ceux de vos amendements visant, par exemple, la préservation de la ressource en eau ou l’impact sur la biodiversité.

Nous proposons d’ajouter une spécificité concernant le monde agricole, alimentaire et sylvicole, afin de prendre en considération les externalités. Celles-ci peuvent d’ailleurs être positives aussi bien que négatives, ce qui permet d’opérer une pondération pour les produits importés – l’affichage environnemental prend déjà en compte le cycle de vie. Nos éleveurs seront favorisés par les externalités environnementales positives que leur activité engendre – en particulier sur la biodiversité, l’aménagement du territoire et l’entretien des paysages, mais aussi le stockage du carbone. Les externalités négatives liées au transport et à d’autres modes de production joueront en sens inverse. C’est ainsi que nous comptons parvenir à un affichage environnemental juste.

On aurait pu considérer que, compte tenu des inquiétudes exprimées, le secteur de l’élevage ne devait pas faire l’objet d’un affichage environnemental – certains avaient proposé la suppression de l’article 1er pour éliminer ce risque. Nous estimons, au contraire, que l’affichage environnemental est une chance pour notre agriculture, dans la mesure où celle-ci est mieux-disante par rapport à de nombreuses agricultures importées.

M. Antoine Herth. Je regrette que mon amendement soit en discussion commune, car il ne répond pas aux mêmes motivations. Mon propos était de lancer un message politique. Ne souhaitant pas que des groupes majoritaires puissent apparaître ce soir comme votant contre l’élevage français, je retire mon amendement. Je poursuivrai les échanges avec la ministre dans l’hémicycle, et lui parlerai des expériences de rewilding menées dans la basse vallée de l’Oder, dans les Carpates et dans la vallée de la Côa, au Portugal. Le bovin y occupe une place particulière ; il participe à la formation d’une niche écologique, sert d’activateur de biodiversité. C’est un acteur indispensable de la formation des externalités positives que nous souhaitons mettre en valeur.

L’amendement CS841 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS4704 rectifié.

En conséquence, l’amendement CS2891 tombe.

Amendement CS2585 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Dans la loi d’orientation des mobilités, nous avons fortement soutenu le rétrofit, procédé qui permet de convertir des véhicules thermiques en véhicules électriques. Par cet amendement, je propose de compléter l’information au consommateur en affichant sur ces véhicules la quantité d’émissions de CO2 évitées grâce au rétrofit par rapport à un véhicule neuf équivalent. Cette proposition a été travaillée avec l’association des acteurs de l’industrie du rétrofit électrique (AIRE).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’affichage environnemental prendra en compte les émissions de gaz à effet de serre, ce qui satisfait votre amendement. À force de vouloir ajouter des indices – durabilité, réparabilité, émissions de CO2 évitées – à l’affichage environnemental, le risque est grand de tout mettre en concurrence et de perdre en lisibilité pour le consommateur. Tenons-nous en à un affichage environnemental, dont on sait déjà qu’il sera difficile à déployer, ce qui justifie l’expérimentation. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les véhicules rétrofités sont très intéressants parce qu’ils font baisser l’impact environnemental de la voiture. Faire apparaître cet indicateur dans l’affichage environnemental global conduirait à noyer le consommateur sous l’information, mais ce pourrait être une bonne chose qu’il fasse partie de la documentation fournie lors de l’achat de la voiture.

D’un point de vue juridique, il me semble qu’on ne peut pas faire référence à un texte réglementaire dans la loi. La disposition que vous proposez pourrait être intégrée à l’arrêté que vous citez du 13 mars 2020 relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible. Je vous propose d’avoir cette discussion technique avec vous et vous demande de retirer l’amendement.

Mme Delphine Batho. J’avais déposé un amendement CS574 qui a été déclaré irrecevable alors qu’il portait sur l’affichage du coût d’usage kilométrique du véhicule.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Ce n’est pas de l’affichage environnemental.

M. Julien Aubert. La rénovation des équipements dépasse la simple question de l’affichage. Dans le cadre de la transition énergétique et écologique, on devrait plutôt réfléchir à un système d’encouragement fiscal des pratiques de rénovation afin de favoriser la massification des processus de transformation des véhicules thermiques. On pourrait réfléchir au moyen de faire de ce procédé – auquel on pourrait donner un nom français – un véritable outil de politique publique et chercher, d’ici à la séance, une meilleure place pour l’intégrer dans le texte.

M. Bruno Millienne. J’abonde dans le sens de M. Aubert. Cette question ne concerne pas seulement les véhicules particuliers ou utilitaires légers, elle est aussi essentielle pour le transport routier de voyageurs et de marchandises, ainsi que pour les véhicules industriels, dont la transition écologique est encore loin d’être assurée. Il serait très positif que l’Assemblée travaille sur les filières de rétrofitage.

Mme Laurianne Rossi. Une prime au rétrofit, d’un montant maximal de 5 000 euros, a été instituée en juin 2020. Je suis d’accord avec mes collègues quant à la nécessité d’avoir une politique plus globale pour accompagner tous les acteurs dans cette voie. Je retire l’amendement et accueille avec plaisir la proposition d’introduire une modification par la voie réglementaire.

L’amendement est retiré.

Amendements CS2463 de M. Éric Bothorel, CS526 de Mme Delphine Batho et CS837 de Mme Paula Forteza (discussion commune).

Mme Christine Hennion. Pour construire un Éco-score fiable, il faudra des données nombreuses, fiables et accessibles, et des applications simples d’utilisation, à l’image de Yuka, pour que nos concitoyens puissent se les approprier. L’amendement CS2463 vise à mettre les données en open source pour favoriser le développement des applications. Il établit un calendrier en deux temps : d’abord, une mise à disposition des données brutes, sous le contrôle de l’autorité administrative, puis une ouverture des outils et de la construction des indicateurs. La procédure proposée est équivalente à celle qui avait été engagée, dans le cadre de la loi AGEC, pour l’indice de réparabilité et de durabilité.

Mme Delphine Batho. La logique que nous proposons par l’amendement CS526 diffère de celle de l’expérimentation, qui dure depuis douze ans. Dans son dernier avis, le Haut Conseil pour le climat (HCC) considère que les dispositions de l’article 1er ont une faible portée normative et que de nombreuses incertitudes entourent leur application. Nous proposons d’assurer tout de suite, de manière pragmatique, l’accès aux données sur le bilan carbone puis, dans un deuxième temps, la mise à disposition des autres informations, dans le cadre d’une approche globale – puisque nous sommes d’accord sur le fait que l’ensemble des facteurs environnementaux doivent être pris en compte. Yuka s’est développé parce que le code-barres apposé sur chaque produit comporte une série d’informations sur la composition des produits transformés. Une information dans les points de vente est intéressante, mais il me semble indispensable qu’on puisse développer à côté ce type d’outil numérique.

L’amendement CS837 est quasiment identique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je suis très attachée au principe de l’open data et à la nécessité d’avoir des bases de données fiables et accessibles. Je proposerai que le résultat des expérimentations soit non seulement remis au Parlement mais aussi rendu public. Il faut indiquer de manière transparente de quelle manière les expérimentations seront conduites.

Mettre à disposition, comme vous le proposez, plusieurs critères en open data soulève plusieurs questions. Faut-il un accès centralisé pour tous les produits ? Faut-il le faire par catégories de biens et services ? Le cas échéant, l’administration doit-elle piloter la base de données ? L’initiative Yuka est privée. Compte tenu de la rédaction des amendements, je ne vois pas comment la proposition serait appliquée concrètement, et je me demande s’il ne vaudrait pas mieux en confier les modalités au décret.

Il ne me paraît pas tout à fait réaliste de penser qu’une seule administration puisse offrir l’accès à l’ensemble des bases de données, d’autant plus que vous prévoyez de rendre l’information disponible au 1er janvier 2022. En moins d’un an, il faudrait constituer, formaliser et mettre à disposition ces informations !

Je suis convaincue que nous devrons aller plus loin, en séance publique, sur la question de l’open data. L’amendement que je vous soumettrai constituera une première étape dans la mise en transparence des expérimentations. En tout cas, votre proposition doit être retravaillée – nous pourrons le faire tous ensemble, si vous le souhaitez, pour aboutir à un amendement commun. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il importe de faire aboutir cette question pour la séance. La mise à disposition du public, par la voie électronique, dans un format aisément réutilisable et exploitable, des informations sur l’impact environnemental d’un produit ne peut qu’améliorer l’information du consommateur. Elle pourrait trouver une concrétisation si nous y travaillions tous ensemble.

Je souhaite que l’on trouve une rédaction souple. Le principe d’un accès centralisé aux données ne me paraît pas la meilleure idée. En matière de responsabilité, il faut faire la part des choses entre les acteurs. Je ne suis pas sûre que tout doive reposer sur l’administration. Je suis disposée à travailler avec les auteurs des amendements et Mme la rapporteure pour que nous parvenions à une rédaction satisfaisante. D’ici là, je demande le retrait des amendements.

M. Julien Aubert. Sans vouloir doucher l’enthousiasme général, on connaît la capacité de l’administration à accomplir sa révolution numérique. On se souvient des « plantages » massifs de Louvois, des retards pris par Chorus et on sait combien la gestion des données est complexe pour l’administration.

Je me demande si on ne prend pas les choses à l’envers : ne devrait-on pas commencer par les infrastructures et la souveraineté numérique avant de discuter des données ? Si, demain, l’État devait recenser des données – à supposer qu’il en soit capable –, et que celles-ci étaient piratées, d’autres pays, voire des entreprises, pourraient récolter les fruits de notre travail d’évaluation pour bâtir un modèle économique. La question est aussi de souveraineté numérique. Nous devrions nous demander, d’abord, comment l’État pourrait devenir un acteur numérique, protéger ses réseaux, éviter de stocker ses données à l’étranger – je vous rappelle que les données du site de l’Élysée sont stockées sur un site américain ; ensuite, s’il est bien de son rôle d’accomplir ce travail. Yuka a bâti seul son modèle économique, sans intervention de l’État, et fonctionne très bien. Qui trop embrasse mal étreint : on peut inscrire ces dispositions dans la loi, mais elles ne seront pas suivies d’effet.

Mme Delphine Batho. Il y a certes eu des échecs spectaculaires – on peut ajouter celui des logiciels de rédaction des procédures dans la police nationale –, mais il y a aussi des réussites, telle la numérisation de l’administration fiscale. L’État n’est pas nul en tout !

L’accès centralisé aux données tel qu’il est prévu dans les amendements n’est qu’une possibilité offerte à l’État. En revanche, le code-barres qui existe aujourd’hui est standardisé et obligatoire pour tous les produits, car cette information est d’intérêt public : c’est à l’État de la normer et de déterminer quels outils numériques permettent de la rendre accessible.

Je vous remercie de votre ouverture concernant ces propositions. La commission devrait les voter, quitte à ce qu’elles soient modifiées en séance.

M. Mounir Mahjoubi. L’État a obtenu de multiples réussites dans la mise en commun des données, au cours des dernières années, notamment dans le cadre de la sécurisation d’une stratégie cloud qui favorise la sécurité, le partage, la fluidité. Les propositions qui sont faites vont dans le bon sens. On peut avoir confiance dans nos administrations pour les appliquer. Nous serons tous là pour les soutenir.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Le prélèvement à la source a plutôt bien réussi.

M. Nicolas Turquois. Je suis un peu perplexe face à ce type de proposition. On peut éprouver une satisfaction intellectuelle à se dire qu’on va donner toutes les informations sur un produit. Toutefois, s’agissant de produits complexes, les données environnementales et les critères sociaux formeront une telle masse d’informations qu’elles seront quasiment inutilisables, si bien qu’on peut se demander en quoi elles feraient progresser la protection de l’environnement. Il faudrait, me semble-t-il, définir les données pertinentes par catégories de produits : les rejets de carbone sont pertinents pour les véhicules, pour les produits alimentaires, d’autres critères le sont plus.

Mme Christine Hennion. Nous retirons l’amendement et acceptons votre proposition de le retravailler ensemble pour la séance.

L’amendement CS2463 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS526 et CS837.

Amendement CS1359 de M. Sylvain Templier.

M. Sylvain Templier. Il s’agit d’exclure des rayons de promotion les articles dont l’affichage environnemental démontre un impact négatif sur l’environnement. Nous savons que les produits présentés dans ces rayons ont plus de chances d’être achetés, car les prix sont cassés. Il serait incohérent de continuer à mettre en avant des produits néfastes pour la planète.

Mon amendement ne vise pas à contraindre le consommateur ni à interdire les promotions ou la publicité sur ces produits. Il tend simplement à en limiter la visibilité dans les grandes et les moyennes surfaces, afin de contribuer à orienter le marché vers les produits dont le bilan carbone et environnemental est le plus favorable – objectif mentionné dans l’étude d’impact. Il présente en plus l’avantage d’avoir un coût nul.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Tel qu’il est rédigé, cet amendement conduirait à interdire la vente de tous les produits ayant un affichage environnemental faible dans les rayons promotionnels. Or l’enjeu de l’affichage environnemental est d’éclairer le choix du consommateur : libre à lui d’acheter ou non un produit à l’impact environnemental négatif.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’affichage environnemental doit éclairer le consommateur, qui est libre de ses choix. Je pourrais être d’accord avec le fait que ces produits ne méritent pas d’être placés en tête de gondole, mais n’oublions pas que certains rayons promotionnels participent de la lutte contre le gaspillage en présentant des produits dont la date de péremption approche. Il serait absurde que ces produits ne puissent y être vendus. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Sylvain Templier. C’est bien la tête de gondole que je souhaite interdire à ces produits, pas leur vente. Mais je comprends les limites de mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2308 de M. Gérard Leseul.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit d’intégrer au texte les bases de données des entreprises, en vue de leur mise à disposition pour permettre un affichage environnemental et social par un procédé électronique de qualité. À l’heure actuelle, les marques engagées dans des expérimentations sur l’affichage environnemental bénéficient de bases de données mises à disposition par l’ADEME, mais cette solution présente des limites, car la mise à jour des référentiels est chronophage. C’est pourquoi il est important que les entreprises puissent mettre à disposition de l’ADEME leurs propres bases de données pour permettre le partage de nouvelles informations en temps réel et la mise à jour automatique des nouveaux référentiels.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Rien n’empêche les entreprises de transmettre leurs bases de données à l’ADEME. L’enjeu des expérimentations consiste à déployer le système actuel à une plus grande échelle et à mettre à disposition l’information en fonction des catégories de biens et services. Votre demande, légitime, est satisfaite. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. La loi ne doit pas définir trop précisément le détail des méthodologies et des bases de données qui seront utilisées. Celles-ci dépendront des résultats des expérimentations à venir. Votre amendement va trop loin. On doit laisser les expérimentations se faire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1521 de Mme Marie Silin.

M. Thierry Michels. Cet amendement vise à utiliser les méthodes PEF (Product Environment Footprint) et OEF (Organisation Environmental Footprint) pour mesurer l’empreinte environnementale des produits et des organisations. Cette méthode de calcul, créée à l’initiative de l’Union européenne, permet de mesurer l’impact environnemental global des produits en prenant en considération seize indicateurs couvrant l’ensemble du cycle de vie du produit concerné.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avions évoqué le sujet lors de l’audition de Bruno Le Maire : l’affichage ne prendra évidemment tout son sens qu’à partir du moment où il sera européen. Néanmoins, rien n’empêche que la France prenne de l’avance et engage dès maintenant une expérimentation. Il ne me semble pas nécessaire de faire référence aux PEF et OEF dans la mesure où l’objectif même de l’expérimentation est de mettre en place un affichage qui serait européen. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les méthodes que vous citez sont très intéressantes et la France participe d’ailleurs à leur élaboration, à travers notamment mon ministère, l’ADEME et certaines entreprises. Cependant, l’article 1er du projet de loi prévoit une phase expérimentale visant précisément à évaluer différentes méthodes, dont la PEF et l’OEF, que, par ailleurs, nous, autorités françaises, cherchons à incliner dans le sens de nos objectifs, en particulier une meilleure opérationnalité. Votre amendement est donc en partie satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Thierry Michels. À la demande de Marie Silin, je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2424 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit de s’assurer que le décret tiendra compte des spécificités propres à chaque secteur d’activité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il est satisfait : il y aura, non pas une expérimentation, mais plusieurs, chacune concernant un secteur. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1175 de M. Stéphane Travert.

M. Thierry Benoit. Il s’agit de veiller à ce que les expérimentations soient assorties d’une étude de faisabilité et d’une évaluation socio-économique. Nos débats montrent que l’un des enjeux de l’affichage, c’est sa faisabilité et sa fiabilité. J’opposais hier l’écologie conceptuelle à l’écologie opérationnelle : on en a ici une parfaite illustration.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement est satisfait, puisque tel est précisément l’objet des expérimentations. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

M. Thierry Benoit. Il y aura donc systématiquement une étude de faisabilité et une évaluation socio-économique ? Ces expérimentations soulèvent tout de même de nombreuses interrogations, notamment concernant la fiabilité des informations délivrées aux consommateurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’expérimentation vise à mesurer la faisabilité d’une généralisation de l’affichage environnemental. Celle-ci sera appréciée en fonction des catégories de biens et services concernées et au regard de critères propres à chaque secteur – c’est ce que nous venons d’évoquer concernant le secteur agricole.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS525 de Mme Delphine Batho, CS1162 de Mme Paula Forteza, CS1697 de Mme Chantal Jourdan et CS4143 de M. Pacôme Rupin, et amendements CS1532 de M. Dominique Potier et CS1143 de Mme Danielle Brulebois (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil pour le climat note que l’affichage environnemental était déjà prévu dans les lois Grenelle 1 et Grenelle 2 ainsi que dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, mais que « ces textes étant faiblement coercitifs et entrant en tension avec de nombreux intérêts du monde économique, ils n’ont toujours pas été appliqués ». Il souligne qu’en l’état, l’article 1er n’apporte aucune garantie que l’État s’engagera véritablement dans la normalisation de l’affichage environnemental, aucune visibilité concernant les biens et services concernés, aucune précision quant aux critères permettant de déterminer si l’expérimentation est réussie ou pas. De surcroît, la durée prévue pour l’expérimentation est de cinq ans ; c’est seulement au terme de ce délai qu’on décidera de rendre ou non l’affichage environnemental obligatoire. Mon amendement, de même que celui de Mme Forteza, tend à réduire cette durée à deux ans. Des expérimentations, il y en a depuis douze ans !

Mme Chantal Jourdan. Il faut en effet conserver leur sens aux expérimentations ! Ces amendements visent d’ailleurs à prendre en considération les remarques émises par les représentants du CESE lors de leur audition.

M. Dominique Potier. L’amendement CS1532 est en quelque sorte de repli, puisqu’il tend à fixer à trois ans la durée de l’expérimentation. La décennie qui s’ouvre sera capitale. Comme le soulignait André Chassaigne, il existe d’autres voies pour agir, notamment la voie réglementaire et celle des traités internationaux. Si l’on met cinq ans pour mener une expérimentation qui relève de la soft law en faisant appel à la capacité de discernement du consommateur, nous ne serons jamais au rendez-vous des objectifs de développement durable (ODD). Pour le textile – secteur que Mme la ministre connaît bien – nous avions prévu dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, à l’issue de la commission mixte paritaire, une expérimentation d’une durée de dix-huit mois, et voici qu’un an plus tard, on passe à cinq ans. Le compte n’y est pas !

M. Pierre Venteau. L’amendement CS1143 a le même objet, mais il établit une distinction entre les produits alimentaires et les autres.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ce que le texte prévoit, ce n’est pas que l’expérimentation durera cinq ans, mais que sa durée maximale sera de cinq ans, ce qui est assez différent. À l’issue de ces cinq ans, on arbitrera et l’on tranchera, mais il n’est pas dit qu’on renoncera.

En outre, rien n’empêche les secteurs qui sont déjà prêts ou qui le seront bientôt de déployer plus rapidement l’affichage environnemental. Si votre objectif, à travers ces amendements, est d’aller plus vite quand c’est possible, ils sont satisfaits. Si, en revanche, il s’agit, notamment pour ce qui concerne les produits agricoles, sylvicoles et alimentaires, de ne pas rendre l’affichage obligatoire tant qu’il n’a pas été évalué scientifiquement, c’est précisément l’objet de l’amendement CS4704 rectifié que nous avons adopté tout à l’heure.

Il me semble donc qu’en l’état, le texte répond à vos différentes inquiétudes. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il s’agit en effet d’une durée maximale, et non d’un délai à respecter impérativement avant de pouvoir tirer les leçons des expérimentations. Si certains secteurs sont prêts avant l’échéance, l’affichage environnemental pourra y être appliqué bien plus tôt. Dans le textile et l’alimentaire, par exemple, les choses sont déjà bien enclenchées, des conclusions devant être rendues vers l’automne 2021 : on ne va pas attendre cinq ans pour mettre en place l’affichage ! Dans d’autres secteurs, en revanche, le niveau d’avancement n’est pas du tout le même, et il faut laisser un peu de temps. Chaque retour d’expérimentation fera l’objet d’échanges avec le Parlement et l’on pourra ainsi avancer en marchant. Il est bien évident que nous ferons tout pour rendre l’affichage environnemental effectif avant cinq ans ; il existe d’ailleurs déjà sur certains produits, mais la méthodologie n’est pas harmonisée. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. Dominique Potier. J’invite l’exécutif et la majorité à reconsidérer leur position. Nous allons voter une expérimentation d’une durée de cinq ans, dont nous ne connaissons pas les conditions de mise en œuvre et qui laisse les aspects sociaux à la main de l’exécutif, alors qu’ils sont jugés fondamentaux par une grande partie des députés ici présents. Quant au rythme du passage effectif à l’affichage, on nous dit que cela se fera quand ce sera prêt ! Il faudrait au moins définir un processus d’ici à l’examen du texte en séance. Le groupe Socialistes et apparentés fera des propositions pour que le Parlement soit associé, d’une part, à la définition de la taxinomie, d’autre part, au rythme de la mise en œuvre de l’affichage et à sa dimension sociale.

Mme Delphine Batho. En l’état, le texte prévoit une obligation à conduire une expérimentation qui porte, pour chaque catégorie de biens et de services, sur différentes méthodologies et modalités d’affichage. Autrement dit, même là où après douze ans de travaux, on serait mûr pour passer à l’affichage environnemental obligatoire, le projet de loi dit qu’on peut encore attendre.

Quand on se trouve dans une situation d’urgence, on peut, malgré les difficultés, les aléas et les insuffisances, faire bien des choses. On a ainsi été capable de mettre au point des vaccins et de développer des systèmes de traitement des données des personnes positives ou négatives en un temps record, parce qu’il y avait urgence sanitaire. Si l’on veut vraiment instaurer un affichage environnemental, il y a à l’ADEME et dans d’autres services les talents nécessaires pour qu’il soit possible de le faire dans un délai raisonnable – et il me semble qu’un délai de deux ans en est un.

M. Nicolas Turquois. Je suis souvent le premier à déplorer qu’on impose aux entreprises des obligations avec des délais trop courts, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques, comme dans ma circonscription pour les Fonderies du Poitou, qui sont en train de s’effondrer. Toutefois, l’objectif de l’affichage environnemental est de modifier les habitudes d’achat de nos concitoyens afin que la production devienne plus vertueuse. Un délai de cinq ans alors qu’il y a urgence climatique me semble beaucoup trop long ; je suis surpris qu’on donne autant de temps à une expérimentation. On a supprimé les plastiques dans la restauration en moins de deux ans, au prix de grandes difficultés pour certaines entreprises. Le délai de trois ans proposé par notre collègue Potier me semble plus adapté.

M. André Chassaigne. Le problème, c’est que, dans cinq ans, on risque de ne plus avoir assez d’agents des services publics pour effectuer les contrôles ! Leur nombre ne cesse de diminuer depuis dix ou quinze ans. Prenez la réglementation européenne en matière de contrôle de la sécurité sanitaire : la Cour des comptes a noté qu’entre 2013 et 2017, le nombre des contrôles réalisés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avait diminué de 20 % dans la distribution et la restauration, portant le taux de couverture à 4 %. À la direction départementale de la protection des populations de la préfecture du Nord, les effectifs des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont diminué de 10 % entre 2015 et 2020, passant de 65 à 57 agents. À ce rythme, et sous réserve que l’on aille vraiment jusqu’au bout, il n’y aura plus personne pour contrôler que les informations délivrées ne sont pas frauduleuses. Est-ce que cela aussi, ce sera au « consomm’acteur » de le faire ?

M. Jean-Marie Sermier. Ce débat est stupéfiant ! L’article 1er avait pour objectif de mettre en place un affichage à destination des consommateurs pour que ceux-ci puissent évaluer la qualité environnementale des produits, mais il est tellement mal ficelé que personne ne s’y retrouve ! On ne connaît pas les conditions de l’expérimentation, on ne sait pas si elle est compatible avec ce qui se fait dans le reste de l’Union européenne ; vous êtes incapables d’en fixer la durée avec précision – bref, cela flotte de toutes parts. Je souhaiterais que vous retravailliez cet article pour la séance. Monsieur Chassaigne est inquiet pour les contrôleurs, mais il n’y aura bientôt même plus de produits à contrôler faute d’agriculteurs !

Un tel affichage n’est pas anodin. Il ne s’agit pas d’un simple logo comme celui qui sert à repérer les produits locaux – lequel, soit dit en passant, ne sert pas à grand-chose. Si votre objectif est réellement de créer un outil utile pour les consommateurs, vous n’avez pas le droit de bricoler quelque chose dans votre coin en prenant le risque de mettre en difficulté des pans entiers de notre économie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’affichage répond à une ambition très forte et concerne tous les secteurs, et c’est précisément pourquoi il convient de rester prudent s’agissant du timing. Un certain nombre de secteurs qui sont déjà plus ou moins prêts le mettront très rapidement en vigueur. Cessons de penser qu’il faut obligatoirement contraindre par la loi et que les différents secteurs ou les consommateurs n’ont pas eux-mêmes envie d’aller dans cette direction.

Dans certains secteurs, le score à construire est extrêmement complexe ; il faudra encore un an et demi, voire deux avant d’y arriver. La phase d’expérimentation ne pourra commencer qu’à ce moment-là.

Si nous partageons tous le même objectif, il importe d’avancer avec prudence, et aussi de faire confiance aux acteurs. Faisons le pari de l’intelligence !

M. Bruno Millienne. L’affichage environnemental, on en parle depuis 2009 : ce n’est pas récent ! Je suis d’accord avec la ligne médiane proposée par Dominique Potier et soutenue par Nicolas Turquois : trois ans, cela me semble un délai raisonnable. Le groupe MoDEM votera en faveur de l’amendement CS1532.

M. Loïc Prud’homme. Non, monsieur le rapporteur général, les engagements volontaires ne fonctionnent pas ; oui, la loi doit donner une direction et un cadre. Vous nous aviez servi le même couplet lors de l’examen du projet de loi ÉGALIM, le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Résultat : deux ans après, c’est un fiasco ! Nous ne sommes pas là pour donner des gages a posteriori ; nous sommes le législateur, et en tant que tel nous devons donner un cadre et des objectifs à atteindre.

Cet article 1er est révélateur de votre façon de procéder : on se contente d’informer le consommateur, qui devra se débrouiller tout seul ; surtout, aucune contrainte, uniquement des engagements volontaires. On ne prend ainsi aucune décision collective, on ne définit pas de trajectoire. Cela ne fonctionnera pas.

De surcroît, on renvoie le tout aux calendes grecques alors qu’il y a urgence ! Vous savez quelle impression cela donne ? Que l’on a affaire à un gouvernement de climatosceptiques !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS3998 et CS3665 de Mme Yolaine de Courson, et CS375 de M. Michel Vialay (discussion commune).

Mme Yolaine de Courson. Madame la présidente, avant de défendre mes amendements, je tiens à vous rappeler qu’il a été décidé que chaque groupe gérerait désormais sa jauge pour que l’incident d’hier soir ne se reproduise pas. Le groupe MoDEM dispose de huit places. Nous nous organisons entre nous pour les présences en réunion. Par conséquent, je m’en irai quand un collègue de mon groupe viendra me remplacer, mais pas avant.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’incident est clos, madame la députée : il s’agissait d’un malentendu. Venez-en à la présentation de vos amendements, je vous prie.

Mme Yolaine de Courson. Au préalable, je tiens à signaler que l’échéance de 2030, c’est dans neuf ans ; si l’expérimentation dure cinq ans, on aura mangé la moitié du temps ! Un délai de trois ans eût été plus raisonnable.

L’expérimentation portera sur la méthodologie à utiliser pour l’affichage, avec analyse du cycle de vie et pondération suivant des critères de biodiversité et sociaux. L’amendement CS3998 vise à ce que soient rendus publics tant les méthodologies retenues que les mécanismes sous-jacents qui participent à la pondération de chaque indicateur nécessaire à l’établissement de l’affichage. L’exercice de transparence démocratique que nous avons engagé doit être conduit jusqu’à son terme : 150 citoyens ont fait des propositions, que le Parlement est aujourd’hui appelé à étudier et améliorer ; il serait logique que tout ce qui concerne la méthodologie de l’affichage fasse l’objet de la même transparence.

Quant à l’amendement CS3665, je le retire.

M. Michel Vialay. Mon amendement CS375 tend à préciser que la méthodologie utilisée tient compte de l’ensemble du cycle de vie du produit, incluant la fabrication et le recyclage ou le traitement des déchets, et non de sa seule utilisation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement CS3998 devrait être satisfait par le CS3813 que nous allons bientôt examiner et qui vise à ce que l’évaluation soit non seulement transmise au Parlement mais aussi rendue publique, ce qui permettrait d’avoir accès aux modalités de mise en œuvre des expérimentations, y compris tout ce qui concerne la méthodologie. Quant à votre amendement, monsieur Vialay, il est satisfait par le recours à la notion de cycle de vie.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

Mme Yolaine de Courson. Ce qui doit être transparent, ce n’est pas seulement l’évaluation, ce sont aussi les méthodes de calcul. Pour reprendre l’exemple de l’élevage, on doit pouvoir connaître le mode de calcul utilisé pour mesurer son impact sur l’environnement tel qu’il sera affiché.

L’amendement CS3665 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS3998 et CS375.

Amendement CS1249 de Mme Maina Sage.

Mme Valérie Petit. Le groupe Agir ensemble souhaiterait que l’on n’oublie pas l’outre-mer. Tel est le sens de cet amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Demande de retrait : il va de soi que les outre‑mer sont concernées par l’expérimentation – j’imagine que Mme la ministre va le confirmer.

Mme Barbara Pompili, ministre. S’il y a un point sur lequel je rejoins le groupe Agir ensemble, c’est, outre son audace, sa détermination à ne jamais oublier les spécificités des territoires situés outre-mer. En l’espèce, l’expérimentation portera sur des produits, quel que soit le lieu : il n’y a donc pas lieu de mentionner spécifiquement les territoires d’outre‑mer, qui sont nécessairement inclus dans le dispositif. Quant aux expérimentations plus ciblées, le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que des territoires situés dans les outre‑mer y participent.

L’amendement est retiré.

Amendements CS4142 de M. Stéphane Mazars, CS3073 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, CS4126 de M. Stéphane Mazars et CS2484 de M. Pierre Venteau (discussion commune).

M. Pierre Venteau. Mon amendement CS2484 tend à ce que l’affichage tienne compte de toutes les externalités positives et négatives des systèmes de production évaluées scientifiquement. On en revient aux questions déjà évoquées au sujet de l’élevage : on ne doit pas s’en tenir à l’empreinte carbone et à l’analyse du cycle de vie (ACV).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement est satisfait par l’adoption du CS4704 rectifié. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement CS2484 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS4142, CS3073 et CS4126.

Amendement CS1433 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Plus la discussion avance, plus je suis inquiet : cet affichage environnemental va s’avérer compliqué à mettre en œuvre. Je crains que cela n’encourage guère la consommation de produits locaux de qualité, alors que c’est pourtant ce que nous souhaitons tous ici – du moins, je l’espère. Vous n’avez, madame la ministre, apporté aucune garantie en la matière, alors que ce serait de nature à rassurer notamment les éleveurs.

L’amendement CS1433 comporte une erreur : il vise, non pas l’alinéa 4, mais le IV de l’article. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1240 de Mme Danielle Brulebois.

Amendement CS1580 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Il convient de prévoir des modalités d’expérimentation spécifiques pour les entreprises de petite taille ainsi que pour celles inscrites au répertoire des métiers, car elles risquent de rencontrer des difficultés dans la mise en œuvre de l’affichage, en raison notamment des caractéristiques de leur production : petites séries, fabrications non standardisées, pièces uniques… De surcroît, beaucoup ne disposent pas des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour faire face à cette obligation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable, puisque l’amendement est satisfait : l’enjeu de l’expérimentation est précisément de déterminer si l’on doit prendre en considération les spécificités liées non seulement aux différentes catégories de biens et services, mais aussi à la taille des entreprises, car on ne peut certainement pas traiter de la même manière les TPE et les grands groupes.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est en effet l’objet même de l’expérimentation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3813 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit de l’amendement que j’évoquais tout à l’heure. Il convient que l’évaluation de chaque expérimentation soit non seulement transmise par le Gouvernement au Parlement, mais aussi rendue publique. Cela me semble nécessaire à la fois pour rassurer les secteurs dont nous avons parlé cet après-midi et parce que nous avons un devoir de transparence envers nos concitoyens.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

Mme Delphine Batho. Le texte initial faisait état du « bilan » de chaque expérimentation ; vous préférez utiliser le terme « évaluation », alors qu’on aurait aussi bien pu opter pour « résultat », plus simple. Pourquoi ce choix terminologique ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. « Évaluation » me semble recouvrir tant le résultat de l’expérimentation que les critères retenus. Si vous estimez qu’il serait nécessaire de préciser les termes en séance, je n’y suis pas opposée, mais, pour l’heure, je maintiens cette rédaction.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS5012 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Plus la discussion avance, moins on comprend ! Je ne sais plus si l’on parle de l’expérimentation de l’affichage ou de l’expérimentation de la méthodologie qui doit conduire à l’affichage… On confine au bricolage.

C’est pourquoi je voudrais apporter un peu de robustesse à votre projet en lui donnant une cohérence européenne. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je crois, cher collègue, que vous vous êtes trompé d’amendement ! Celui-ci ne fait pas référence à l’Europe, il vise à prévoir une évaluation des impacts socio-économiques et environnementaux du dispositif. Loin d’apporter de la robustesse au projet de loi, ce serait le complexifier inutilement. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous avons déjà eu ce débat à de nombreuses reprises. Avis défavorable : l’amendement est satisfait.

M. Jean-Marie Sermier. Il serait bon que vous lisiez un peu plus attentivement nos amendements, madame la rapporteure… Celui-ci prévoit qu’un protocole est établi par l’autorité administrative – ce qui ne renvoie pas seulement à l’échelon national. Il est d’ailleurs précisé dans l’exposé sommaire qu’il convient de « subordonner l’obligation au respect des exigences du droit européen ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5016 de Mme Yolaine de Courson.

Mme Yolaine de Courson. Dans un souci de transparence, cet amendement vise à rendre publics la méthodologie retenue par catégorie de biens et services pour ce nouvel affichage, ainsi que les mécanismes sous-jacents qui participent de la pondération de chaque indicateur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement que nous avons précédemment adopté, qui précise de manière plus générale que l’évaluation présentera les méthodologies retenues et la manière dont chacune des expérimentations a été conduite, satisfait votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements CS2513 et CS2514 de M. Pierre Venteau (discussion commune).

M. Pierre Venteau. De multiples initiatives d’affichage environnemental fleurissent actuellement et force est de constater qu’elles sont prématurées au regard de la fiabilité des données disponibles et des méthodologies d’évaluation environnementale, comme en témoigne l’expérimentation prévue par la loi AGEC, qui est encore en cours.

L’enjeu de l’affichage environnemental est d’apporter une information compréhensible, harmonisée et fiable aux consommateurs, en s’appuyant sur les résultats d’une évaluation quantitative multicritères complexe. Il est donc proposé que, dans l’attente d’une méthodologie de référence, les dispositifs d’affichage environnemental volontaires se conforment aux méthodologies sélectionnées pour la phase d’expérimentation, mentionnent le caractère expérimental des informations affichées et n’utilisent pas celles-ci pour effectuer une généralisation des comparaisons de biens, de services ou de catégories de biens ou de services qui dépasserait un cadre expérimental.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’enjeu d’une phase d’expérimentation est d’aller vite dans les secteurs où cela est possible, et dans un délai de cinq ans au plus tard dans les autres. Il a bien été précisé, notamment en ce qui concerne les produits agricoles, que l’on ne pourrait pas obliger à mettre en place un affichage s’il n’a pas été au préalable évalué et validé. Les amendements sont donc satisfaits. Demande de retrait.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2367 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Véronique Riotton. L’amendement précise les missions des autorités publiques dans la mise en place de l’affichage environnemental. L’Agence de la transition écologique a déjà la charge de l’élaboration de l’affichage environnemental volontaire et elle aura celle des expérimentations prévues par l’article 1er.

Cet amendement vise à s’assurer que l’autorité administrative contrôle l’exactitude des données utilisées et veille à leur mise à disposition, afin de permettre leur réutilisation par des entités privées pour une meilleure diffusion des informations environnementales auprès des consommateurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cette question rejoint les débats que nous avons eus sur les sujets de la transparence et de l’open data, pour lesquels nous étions convenus de retravailler dans la perspective de la séance publique. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Travaillons ensemble pour élaborer un dispositif susceptible d’être adopté en séance.

L’amendement est retiré.

3.   Réunion du mardi 9 mars 2021 à 21 heures

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Article 1er (suite) (article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) : Affichage informant le consommateur sur les caractéristiques environnementales, ou environnementales et sociales, de biens ou de services

Amendement CS4148 de M. Pacôme Rupin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Compte tenu de l’empreinte carbone des produits alimentaires et de ceux du secteur du textile et de l’habillement et de la place qu’ils occupent dans le budget des ménages, nous proposons qu’indépendamment des résultats de l’expérimentation, l’affichage environnemental soit rendu obligatoire pour l’ensemble de ces produits.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. C’est l’expérimentation qui doit permettre de décider si l’affichage mérite d’être rendu obligatoire ou non. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5013 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Parce qu’il importe que les entreprises françaises ne soient pas soumises à des exigences plus fortes que les autres entreprises européennes, nous proposons de préciser que le décret fixant la liste des catégories de biens et services pour lesquelles l’affichage sera rendu obligatoire doit être conforme au droit européen. Nous sommes tous favorables à un affichage environnemental, pourvu qu’il repose sur des fondements juridiques et scientifiques robustes et qu’il soit compatible avec les politiques européennes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’affichage environnemental devra bien entendu être harmonisé au plan européen pour produire tous ses effets, mais cela n’empêche pas la France d’expérimenter ce dispositif dès maintenant. Avis défavorable.

M. André Chassaigne. Les acteurs économiques risquent d’être contraints de changer de méthode à brève échéance si l’affichage environnemental auquel l’Union européenne est à deux doigts d’aboutir est différent de l’affichage français. À moins que l’on ne fasse semblant de mettre en œuvre cette mesure en sachant pertinemment que le résultat de l’expérimentation interviendra après la décision qui sera prise au niveau européen…

Au demeurant, l’étude d’impact souligne bien que l’adoption d’un tel dispositif suppose une évolution du droit européen. En effet, actuellement, toute expérimentation en la matière est soumise à autorisation car elle peut être en contradiction avec le droit européen de la concurrence. Très peu d’expérimentations sont validées ; celles qui le sont portent essentiellement sur l’affichage de l’origine de produits alimentaires, elles le sont pour une durée limitée et doivent être régulièrement reconduites.

M. Thibault Bazin. Cette mesure risque de créer une inégalité entre nos producteurs et les producteurs de pays étrangers. La question de sa robustesse juridique, soulevée par notre collègue Sermier, est donc très sérieuse.

M. Jean-Marie Sermier. L’expérimentation porte-t-elle sur l’affichage lui-même ou sur la méthodologie employée ? Nous n’avons pas compris. Autant on peut aboutir à un consensus sur l’affichage, autant la méthodologie peut faire l’objet de discussions complexes. Nous souhaiterions donc savoir quels seront les critères retenus car, on le sent bien, les produits agricoles français pourraient être mis en difficulté. Ne revient-il pas à des centres de recherche tels que l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) d’élaborer des propositions en la matière ? À ce stade, nous ne connaissons ni les tenants ni les aboutissants de l’expérimentation.

M. Loïc Prud’homme. La question soulevée par M. Sermier est celle du dumping environnemental en cours au sein de l’Union européenne, qui inquiète les défenseurs de l’environnement et tous ceux qui veillent à ce que notre industrie et notre agriculture ne subissent pas les effets de distorsions dans le domaine environnemental ou social.

Par ailleurs, je m’étonne de la réponse de Mme la rapporteure, car on m’a opposé des arguments parfaitement contraires à ceux qu’elle vient de présenter lorsque j’ai défendu, notamment lors de l’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (ÉGALIM), l’affichage du Nutri-score : toute expérimentation, me disait-on, est impossible.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Rien ne nous empêche de mener une expérimentation afin de vérifier quels sont les critères pertinents et de permettre une certaine souplesse. Si cette expérimentation n’est pas concluante, l’affichage environnemental ne sera pas rendu obligatoire.

Monsieur Prud’homme, j’ai répondu à tous les députés qui ont déposé des amendements sur le sujet que nous pouvions, dès maintenant, lancer une telle expérimentation et travailler à l’élaboration d’une méthodologie : ce n’est pas contradictoire avec l’objectif de parvenir, à terme, à un affichage européen.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Chassaigne, si l’Union européenne est à deux doigts d’adopter un affichage environnemental, ce sont tout de même deux très gros doigts…

Il existe principalement trois initiatives européennes en la matière.

La première vise à instaurer un dispositif communautaire d’encadrement des allégations environnementales sur les produits afin de renforcer la fiabilité et la qualité de l’information environnementale fournie aux consommateurs et de lutter contre l’éco‑blanchiment, c’est-à-dire le greenwashing. Il est proposé que le dispositif utilise les méthodes PEF (Product Environmental Footprint). Dans le cadre de la consultation publique organisée par la Commission européenne, la France s’est prononcée en faveur de cette initiative tout en demandant un renforcement du caractère opérationnel des méthodes PEF, une amélioration de leur gouvernance ainsi que la mise en œuvre progressive d’un affichage environnemental obligatoire – dans le langage de l’Union européenne, ces mots ont un certain poids. Après la clôture de la consultation publique, l’initiative de la Commission est au stade de l’étude d’impact et pourrait être publiée d’ici à l’été, avant de donner éventuellement lieu à une réflexion sur l’affichage environnemental.

La deuxième initiative, intitulée « Produits durables », a pour objectif de faire en sorte qu’à terme, tous les produits placés sur le marché européen répondent à des principes ou à des critères de soutenabilité : durabilité, réparabilité, recyclabilité, teneur en matériaux recyclés, réduction de l’empreinte environnementale carbone, etc. Elle consisterait en une extension de la directive « Éco-conception ». En novembre 2020, la France a accueilli favorablement l’initiative de la Commission, dont la publication est prévue pour la fin de l’année 2021, en soulignant l’importance de l’éco-conception des produits.

La troisième initiative, intitulée « Agenda du consommateur », a été lancée le 16 novembre 2020. Le nouvel agenda du consommateur a pour objet de donner aux consommateurs européens les moyens de jouer un rôle actif dans la transition écologique et numérique. En 2021, la Commission présentera ainsi une proposition visant à mieux informer les consommateurs sur la durabilité des produits, à lutter contre des pratiques telles que l’éco‑blanchiment et l’obsolescence prématurée, à favoriser la réparation des produits et à encourager les produits circulaires et plus durables. Cela passera sans doute par la révision d’une ou de plusieurs des directives suivantes : la directive 2005/29 relative à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, la directive 2019/771 sur la vente de biens et la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs. À la différence du projet de loi, cette initiative, dont la publication est attendue pour la fin de l’année, porte davantage sur les caractéristiques environnementales des produits – durabilité, réparabilité, recyclabilité – que sur leur impact.

Nous avons tout intérêt à avancer de notre côté et à affiner la méthodologie pour parvenir le plus tôt possible à un affichage environnemental. Dans la mesure où nous participons aux initiatives européennes, celui-ci pourra servir de modèle aux travaux de l’Union européenne.

Monsieur Bazin, je veux apaiser vos inquiétudes : contrairement à ce que vous redoutez, si les produits venant de France présentent un affichage environnemental, ils seront mieux notés que ceux venant de l’étranger. Ils bénéficieront d’une discrimination positive !

Enfin, je précise que l’expérimentation sera pilotée par un conseil scientifique, présidé par un directeur scientifique de l’INRAE.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS527 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’article 1er prévoit que la liste des catégories de biens et services pour lesquels l’affichage environnemental sera rendu obligatoire sera déterminée au terme de l’expérimentation, dont la durée maximale est fixée à cinq ans – contre dix-huit mois dans la proposition C1.1 de la Convention citoyenne. Nous proposons quant à nous de ne pas attendre la fin de l’expérimentation pour rendre cet affichage obligatoire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Quelle serait la pertinence d’une expérimentation dont on n’attendrait pas les résultats ? Votre amendement remet en cause le principe même de l’expérimentation. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Je vous le confirme, madame la rapporteure : je remets bien en cause la technique qui consiste à multiplier, depuis douze ans, les expérimentations dans ce domaine, dans la perspective d’informer, un jour, les consommateurs de l’empreinte de ce qu’ils consomment sur la biodiversité !

M. Jean-Marie Sermier. Le véritable problème tient au fait que nous sommes en train de donner carte blanche, non pas au Gouvernement, mais à un certain nombre d’administrations pour élaborer l’affichage environnemental, puisque nous n’en connaissons ni les tenants ni les aboutissants. Cet affichage tiendra compte de la nature des produits, de leur transport, de leur mode de fabrication et d’importation, mais on est dans l’incapacité de vérifier que tout cela est faisable dans les pays tiers et de s’assurer de leur honnêteté ! Cette mesure me paraît particulièrement fragile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1432 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Si je vous ai bien compris, madame la ministre, l’initiative de l’Union européenne devrait déboucher sur des propositions dans le courant de l’année 2021.

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire conditionne le caractère obligatoire de l’affichage à « l’entrée en vigueur d’une disposition adoptée par l’Union européenne poursuivant le même objectif ». Cette condition essentielle n’apparaît pas dans la rédaction que vous nous proposez. De ce fait, on risque d’introduire une inégalité entre les producteurs français et étrangers sur le marché unique européen. Cet amendement tend donc à renforcer la robustesse de votre dispositif en réintroduisant la condition prévue par la loi du 10 février 2020 : il y va de l’avenir de nos producteurs.

Vous avez voulu me rassurer en affirmant que l’affichage environnemental serait favorable aux produits français. Mais cela dépend des critères qui seront retenus ! Pouvez‑vous nous donner des garanties à ce sujet ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Encore une fois, les programmes en cours au niveau européen, dans lesquels la France est engagée, ne nous empêchent pas de les devancer dans le cadre d’une expérimentation. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La suppression de la condition mentionnée dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) marque une avancée dans la mesure où elle nous permet précisément de devancer l’Union européenne. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je souhaite répondre, madame la présidente.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Vous aurez le loisir d’y revenir : le sujet n’est pas clos, loin de là.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1582 de M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Pour que l’expérimentation soit pleinement efficace, nous proposons qu’un bilan économique et environnemental et une étude de faisabilité soient réalisés. Ainsi les acteurs économiques pourront-ils bien mesurer le travail qu’il leur reste à accomplir pour que cet affichage soit réussi.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Votre amendement est satisfait par la rédaction de l’article 1er : l’expérimentation n’impose pas mais ouvre la voie à un affichage environnemental par catégorie de biens et de services. Celui-ci ne sera donc pas systématiquement déployé. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS534 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il paraît utile de préciser que la liste des catégories de biens et de services pour lesquelles l’affichage environnemental est obligatoire est fondée sur l’impact de ces biens et services sur les émissions de gaz à effet de serre afin que l’affichage contribue au respect des budgets carbone et de la stratégie bas-carbone.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement est satisfait : l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre sera l’un des principaux critères qui seront retenus pour l’affichage environnemental. Demande de retrait, sinon défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’affichage environnemental a vocation à être multicritères. Si on le réduisait à un indicateur carbone, il s’agirait d’un score carbone, lequel sera mis en valeur distinctement. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Dans son avis, le Haut Conseil pour le climat souligne que de très nombreuses mesures ne font aucunement référence à leur efficacité réelle au regard des engagements de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et qu’aucune précision n’est apportée sur les critères en vertu desquels certains produits ou services seront assujettis à l’affichage et d’autres non. Il me paraît nécessaire que soient inscrits dans la loi des critères dont la prise en compte est susceptible de marquer une rupture avec le consumérisme de produits notoirement nocifs.

M. Martial Saddier. La mission d’information a souligné l’importance d’une harmonisation européenne, et Bruno Le Maire a confirmé ce point.

Lorsque la France a mentionné, dans le Grenelle 1, l’affichage environnemental, l’Europe a lancé une expérimentation de trois ans. Or, à l’époque, s’opposait déjà une vision anglo-saxonne, fondée sur la norme ISO 14025, qui comporte une vingtaine de critères, et une vision française, fondée sur la norme ISO 14067, centrée sur l’empreinte carbone. Si nous nous accordons sur la nécessité d’une harmonisation européenne, il nous paraît nécessaire que le Gouvernement nous éclaire sur les points de convergence qui pourraient aboutir à cette vision européenne commune.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5014 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Les méthodes en vigueur dans cette commission spéciale sont tout de même particulières : M. Saddier vient de poser une question précise qui aurait mérité une réponse avant que nous votions et il n’en a pas eu ; M. Thibault Bazin a souhaité reprendre la parole et vous ne la lui avez pas donnée ; qui plus est, nous avons commencé nos travaux avec trente minutes de retard et ce n’est pas de notre fait. Nous en venons donc à nous demander si vous ne voulez pas bâillonner les oppositions ! Ce texte est important et nous voulons travailler en toute clarté pour que chacun comprenne bien ce dont il est question.

Amendement après amendement, nous essayons de vous sensibiliser à un problème que vous ne résolvez pas. Tout le monde est favorable à l’affichage environnemental, mais selon quelles méthodes ? Nous considérons qu’il n’est pas possible de passer outre le droit européen. Si vous souhaitez peser sur lui, faites des propositions au sein du Conseil européen et de la Commission européenne ! Je ne doute pas, madame la ministre, que vous serez le phare de l’Europe, mais ne le soyez pas au détriment de nos produits agricoles, industriels, et de nos entreprises !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Votre amendement dispose que l’affichage est rendu obligatoire « s’il présente un bilan d’évaluation positif », ce qui est précisément la raison d’être des expérimentations. Je vous prie de bien vouloir le retirer, à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le bon sens, en effet, suffit parfois !

Malgré toute la bonne volonté du Gouvernement et de votre serviteur, nous n’obtiendrons pas de réponses exhaustives aux questions que vous posez sur l’avancement des trois dispositifs européens que j’ai évoqués. La France y est très investie, d’autant plus qu’elle exercera la présidence de l’Union européenne à partir de l’année prochaine et qu’elle compte bien évidemment, elle aussi, être un phare de l’Europe !

Non seulement nous devons trouver un accord avec nos collègues des États membres sur les critères mais également sur le principe d’un affichage environnemental obligatoire ou non. Les discussions seront vraisemblablement encore longues. Pendant ce temps, nous proposons de l’instaurer dans notre pays afin que les consommateurs puissent choisir et, de surcroît, favoriser de facto les produits locaux, dont le bilan carbone sera nécessairement moins important.

Avis défavorable à votre amendement, qui n’évoque d’ailleurs pas la question européenne.

M. Martial Saddier. Je souhaite, madame la ministre, que nous puissions avoir un état des lieux des divergences entre les différents États membres.

M. André Chassaigne. Nous ne sommes pas certains que les décisions qui seront prises iront dans notre sens tant la transposition des directives européennes suppose un long et difficile travail en amont, notamment pour tenir compte des législations et des réglementations nationales.

L’alinéa 2 précise bien que l’affichage vise notamment à faire « ressortir (…) l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre ». Or, selon l’étude d’impact, « imposer dans l’immédiat une nouvelle méthode d’information des consommateurs qui ne concernerait que l’impact carbone serait porteur d’un double risque : que les acteurs économiques soient contraints de changer de méthode à brève échéance et que ce nouvel affichage crée de la confusion pour les consommateurs, d’autant plus que la méthode développée au niveau européen repose sur une analyse environnementale multicritères, similaire sur ce point aux méthodes françaises portées par l’ADEME », l’Agence de la transition écologique.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous allons être obligés d’imposer des temps de parole très stricts…

M. Jean-Marie Sermier. Précisément, la discussion de chaque amendement nécessite du temps. Comme il nous a été accordé et que la ministre a pu nous donner les explications qui s’imposaient, je retire le mien. J’entends M. Chassaigne : il est en effet nécessaire de préciser les choses mais, en l’occurrence, je vous fais confiance, comme le groupe LR, qui témoigne ainsi de sa bonne volonté pour faire avancer la cause écologique !

L’amendement est retiré.

Amendement CS1534 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. La chaîne franco-allemande diffuse en ce moment même un reportage sur les dessous de la mode. Aujourd’hui, à Leicester, au Royaume-Uni, en Europe, pas à Dhaka au Bangladesh ou ailleurs en Asie, des gens travaillent dans des conditions proches de l’esclavage pour l’équivalent de moins de trois euros de l’heure.

Un dispositif d’affichage environnemental et social doit donc être rendu obligatoire, pour le secteur du textile, comme en disposait la loi AGEC : il représente en effet 10 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète, 23 % de l’utilisation des pesticides et constitue le principal vivier pour faire travailler les enfants – je ne reviens pas sur l’effondrement de l’usine du Rana Plaza au Bangladesh. Il faut aller vite, si nous ne voulons pas d’un amendement « Saint Glinglin ».

Vos tergiversations sur le rythme de déploiement de l’affichage et sur l’inclusion ou non de l’affichage social reviennent à dire, in fine, que c’est Bercy et non le Parlement qui décidera. Si nous voulons être crédibles, nous devons affirmer que la deuxième industrie du monde la plus polluante et qui attente le plus gravement aux droits humains se verra imposer un affichage social et environnemental rapidement, en six, dix-huit ou vingt-quatre mois.

Je rappelle qu’à Biarritz, si le Président de la République a évoqué les pesticides et les gaz à effet de serre, il n’a pas dit un mot sur les droits humains. Les grands opérateurs se sont modestement investis, sans engagements quantitatifs et contraignants. Il est de notre devoir de passer à la vitesse supérieure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons déjà débattu de cette question plus globalement.

Les critères sociaux pourront être précisés lorsque cela sera utile et cela pourra être le cas dans le secteur du textile. De plus, une accélération du déploiement de cet affichage est possible, les représentants de la filière nous ayant fait savoir qu’ils y sont prêts. Nous considérons quant à nous que nous pouvons faire confiance à nos entreprises. Nous avons besoin d’alliés et nous allons au-devant de sérieux problèmes si nous considérons toutes les entreprises comme des ennemies de l’environnement. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Sans doute un affichage social s’impose-t-il dans ce secteur mais votre amendement propose une obligation d’affichage dès le 1er janvier 2022 alors que la plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises doit me rendre ses conclusions en décembre.

J’ajoute que rien, dans le texte, n’empêche d’accélérer le déploiement de l’affichage dans le secteur du textile et d’y inclure le volet social.

Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Cinq ans pour parvenir à un affichage social et cinq ans pour que la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre débouche sur une directive européenne ! Vous n’êtes décidément pas dans le rythme de l’Histoire !

Si vous voulez sous-amender notre amendement en portant cette obligation à 2023, nous le voterons à l’unanimité. Toutes les normes existent. Les mentionner n’est qu’une question de volonté. Ce serait à l’honneur de la France.

Mme Delphine Batho. Je soutiens cet amendement.

Mon amendement CS963 concerne d’ailleurs aussi le secteur du textile, dont je rappelle qu’il représente 6,7 % de l’empreinte carbone de notre pays. La loi AGEC dispose que l’affichage environnemental « est rendu obligatoire, prioritairement pour le secteur du textile » mais, conformément au greenwashing habituel, avec l’astuce suivante : (…) après l’entrée en vigueur d’une disposition adoptée par l’Union européenne poursuivant le même objectif ».

En l’occurrence, l’adoption de cet article 1er reviendrait à faire disparaître des écrans radars la priorité votée par le législateur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1700 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Il convient de rendre disponible, dès le 1er janvier 2022, un affichage par voie numérique de l’empreinte carbone de certains produits et services pour lesquels cette information est déjà disponible afin de favoriser la généralisation de l’affichage environnemental et social. L’ADEME disposant d’une information calculée sur l’ensemble de leur cycle de vie, il convient de la rendre obligatoire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Dès lors que les émissions de gaz à effet de serre figurent dans les critères de l’affichage environnemental, votre amendement est en grande partie satisfait.

De plus, l’obligation de l’affichage lors de l’acte d’achat conforte son déploiement.

Enfin, une communication avant la fin de l’expérimentation sera possible mais encore faudra-t-il en attendre les résultats pour que ce déploiement soit obligatoire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS3808 de la rapporteure.

Amendements identiques CS2549 de M. Charles de Courson et CS4681 de Mme Sylvie Bouchet-Bellecourt.

M. Charles de Courson. Cet article 1er réécrit l’article 15 de la loi AGEC du 10 février 2020 disposant que le caractère obligatoire d’un affichage est conditionné à « l’entrée en vigueur d’une disposition adoptée par l’Union européenne poursuivant le même objectif », disposition qui a ici disparu.

Or, il est essentiel de prendre en compte les travaux que mène l’Union européenne à propos de l’information du consommateur avec le projet d’empreinte environnementale des produits ou PEF.

La phase pilote, qui s’est déroulée entre 2013 et 2016, visait à élaborer des méthodes spécifiques de calcul aux produits et aux secteurs et à tester des outils de communication sur les performances environnementales du cycle de vie pour les partenaires commerciaux, les consommateurs et les autres parties prenantes de l’entreprise. Plus d’une vingtaine de produits a été concernée : piles, peintures, cuir, chaussures, t-shirt etc.

La phase de transition engagée en 2019 a concerné des produits supplémentaires –  vêtements, fleurs coupées, emballages flexibles… –  et devrait prendre fin en 2022 puis déboucher sur des propositions politiques de la part de l’Union européenne en 2023.

Ainsi, dans un souci de cohérence juridique au sein du marché unique européen et d’égalité entre les producteurs français et leurs concurrents étrangers, il convient de réintroduire la condition prévue par la loi AGEC.

Enfin, madame la ministre, êtes-vous sûre que cet alinéa 5 n’est pas anticonstitutionnel et ne relève pas de l’incompétence négative, comme l’a rappelé le Conseil d’État ?

Mme Sylvie Bouchet-Bellecourt. Il convient de compléter cet alinéa par les mots : « et à l’entrée en vigueur d’une disposition adoptée par l’Union européenne poursuivant le même objectif ».

Cet amendement vise en effet à rétablir une cohérence juridique au sein du marché unique européen et une égalité entre les producteurs français et leurs concurrents étrangers en réintroduisant la condition prévue par la loi du 10 février 2020 : le caractère obligatoire d’un affichage ne peut être effectif avant l’entrée en vigueur d’une disposition européenne ayant le même objectif.

Comme Valérie Beauvais l’a rappelé, nous sommes en train de revenir sur une disposition votée voilà moins d’un an ; or, il importe de tenir compte de nos travaux et de ceux de l’Union européenne.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il n’est pas question de mettre en concurrence les droits national et communautaire mais de permettre des expérimentations en amont du droit communautaire, sur lequel la France est largement engagée.

Il n’est pas non plus question de rendre les affichages obligatoires sans que ces expérimentations aient été probantes. Leurs évaluations seront rendues publiques, transmises au Parlement, et permettront nous l’espérons d’instaurer un affichage environnemental.

Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ajoute, monsieur de Courson, que le Conseil d’État n’a fait état d’aucune remarque concernant la rédaction de cet alinéa. J’espère que vous êtes rassuré et que vous retirerez donc votre amendement.

Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Vous ne répondez pas à ma question concernant l’anti‑constitutionnalité de cette disposition. Ce n’est pas le Conseil d’État qui définit la jurisprudence du Conseil constitutionnel !

La définition de la nature des articles soumis à étiquetage obligatoire relève du domaine législatif. Nous ne vous abandonnerons pas cette prérogative parlementaire !

De plus, l’expérimentation doit durer cinq ans au maximum, soit, jusqu’en 2025, mais les propositions de l’Union européenne seront connues en 2023 puisque la phase de transition doit prendre fin en 2022. Votre texte, en quelque sorte, se télescope avec les échéances européennes.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS2485 de M. Pierre Venteau.

M. Pierre Venteau. Les biens et services qui font l’objet d’une démarche d’affichage environnemental engagée ou aboutie à l’échelle européenne sont exclus du décret.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Encore une fois, il n’est pas question de mettre en concurrence les droits national et européen et les expérimentations doivent avoir lieu. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2550 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai déjà commencé à exposer les trois arguments justifiant la suppression de l’alinéa 6.

Vous n’avez toujours pas répondu à propos des compétences respectives de la loi et du règlement. Je persiste quant à moi à considérer que la définition de la nature des biens qui devront faire l’objet d’un étiquetage obligatoire revient à la première.

L’alinéa 6 ajoute une information à celle de l’affichage sur les caractéristiques environnementales et le respect des critères sociaux : la mise en évidence du caractère excessif d’émission de GES. Cela doit être mis en perspective avec les informations dont le consommateur disposera grâce à l’article 13 de la loi AGEC : qualités et caractéristiques environnementales des produits comme l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité, etc. Une telle surinformation nuirait à la compréhension des enjeux.

Enfin, cet alinéa stigmatise en quelque sorte certains types de biens ou services car si l’affichage des alinéas précédents est objectif et fondé sur une expérimentation, un bilan puis le développement d’une méthodologie, cette information supplémentaire constitue une mesure punitive pour le producteur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet alinéa est essentiel puisqu’il concerne les biens et services « présentant l’impact le plus important de leur catégorie en termes d’émissions de gaz à effet de serre ». L’expérimentation permettra de les définir, sauf si vous souhaitez que nous réengagions un parcours législatif à l’issue de chacune des expérimentations.

Nous avons en effet choisi que ces catégories de biens et de services seront encadrées et précisées par voie réglementaire, ce qui permet d’être plus souple et réactif pour des raisons évidentes.

Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cette information ne constitue en rien une mesure punitive mais une aide apportée au consommateur pour connaître les produits dont l’impact carbone est élevé afin qu’il puisse orienter ses choix.

Par ailleurs, l’application de l’article 13 de la loi AGEC permettra de donner au consommateur des informations sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits mais l’information carbone n’y figurant pas, il convient de la prévoir.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1712 de M. Gérard Leseul, CS1328 de M. Thierry Michels et CS1897 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Guillaume Garot. L’alinéa 6 prévoit des conditions très restrictives en ce qui concerne l’affichage environnemental. Il y aurait une notation, un score par catégorie de biens ou de services émettant des gaz à effet de serre. Or si on veut donner un vrai choix au consommateur, il faut aller au-delà des catégories. Est-il préférable de savoir, par exemple, si un véhicule très lourd, un SUV (Sport Utility Vehicle), est plus ou moins polluant par rapport à d’autres SUV ou s’il est plus ou moins polluant par rapport à l’ensemble des véhicules actuellement sur le marché ? C’est cette dernière information qu’il faut donner au consommateur, et tel est l’objet de l’amendement CS1712. Sinon, je pense qu’on sera déçu par l’affichage environnemental : cela ne permettra pas de choisir le véhicule le moins polluant.

M. Thierry Michels. L’amendement CS1328 est de cohérence avec un amendement de la rapporteure que nous avons adopté hier. L’indicateur environnemental ne se limite plus à l’impact carbone : il concerne un ensemble d’impacts environnementaux. Il convient de modifier en conséquence les termes utilisés.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS1897 vise à préciser la nature des informations qui doivent être communiquées au consommateur. Chaque bien ou service peut avoir des conséquences sur la qualité de l’environnement au-delà des émissions de gaz à effet de serre. Il paraît donc important de ne pas se limiter à cet indicateur.

Selon la définition donnée par l’ADEME, le concept d’impact environnemental désigne l’ensemble des modifications qualitatives, quantitatives et fonctionnelles de l’environnement, négatives ou positives, qui sont engendrées par un projet, un processus, un procédé, un ou des organismes ou un ou des produits, de leur conception à leur fin de vie.

Pour chaque catégorie de biens ou de services, différents éléments de l’environnement peuvent être affectés, comme la qualité de l’eau, des sols et de l’air ou les ressources terrestres ou aquatiques. L’impact environnemental doit être lu d’une manière globale, sans être atrophié par un indicateur unique qui supplanterait les autres. On pourrait retenir des indicateurs concernant des effets tels que l’eutrophisation, pour la qualité de l’eau, et tout ce qui contribue à l’effet de serre en ce qui concerne la qualité de l’air.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je crois que vous avez raison s’agissant de la nécessité de préciser l’alinéa 6. C’est l’amendement CS1328 qui permettrait d’aboutir à la rédaction la plus générale, puisqu’il serait question de l’impact « sur l’environnement ». Je vous propose de retirer les deux autres amendements au profit de celui-ci, sans quoi j’émettrai à leur égard un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ce sont des amendements intéressants qui tendent à supprimer la mise en avant de l’impact carbone des produits au profit de leur impact climatique et environnemental. Je partage évidemment l’idée que l’impact des produits ne se limite pas à la question du climat. J’émets un avis favorable à l’amendement CS1328, dont la rédaction est plus précise, et je propose aux auteurs des autres amendements de les retirer.

M. Jean-Marie Sermier. On assiste à un basculement : alors que l’affichage devait concerner l’impact en matière d’émissions de gaz à effet de serre, vous voulez inclure tout ce qui peut avoir un effet environnemental. Nous ne sommes pas nécessairement contre, mais il est difficile de préciser ce qui est environnemental.

On parlait d’éléments connus mais qui posaient déjà des difficultés d’application sur le plan méthodologique. Et là, vous ajoutez du flou au flou. Dans l’environnement, il y a l’eau, la forêt, les paysages : tout est environnemental. Comment pourra-t-on tout traduire dans un sigle, d’une manière très résumée, en faisant en sorte de ne pas duper les consommateurs ?

L’affichage doit permettre à chacun de choisir en toute conscience. Il faut bien reconnaître que la technologie nous dépasse : on n’y arrive pas, et les propositions que vous faites ne sont pas très précises.

M. Guillaume Garot. J’ajoute que ce ne sont pas les mêmes amendements. D’un côté, on veut un affichage environnemental, allant au-delà des émissions de gaz à effet de serre. De l’autre, l’amendement CS1712 vise à aller au-delà d’une présentation par catégorie, pour raisonner par rapport à l’ensemble des biens que le consommateur peut choisir.

La commission rejette l’amendement CS1712.

Elle adopte l’amendement CS1328.

En conséquence, l’amendement CS1897 tombe.

Amendement CS3670 de Mme Yolaine de Courson.

M. Nicolas Turquois. Cet amendement vise à ne pas tenir compte uniquement des émissions de gaz à effet de serre, en intégrant la notion de biodiversité, mais je le retire car l’amendement qui vient d’être adopté va dans le même sens.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4183 de M. Pacôme Rupin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le IV de l’article 1er prévoit un affichage particulier pour les biens ou les services présentant le pire impact en matière d’émissions de gaz à effet de serre au sein de chaque catégorie, selon des critères et des modalités définis par décret. Le présent amendement renforcera cette disposition : nous proposons que la vente de ces produits et la fourniture de ces services puissent être interdites dans un délai de cinq ans après la publication du décret.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons déjà abordé cette question. L’objet d’un affichage environnemental est d’éclairer les consommateurs et non d’élargir des interdictions concernant des produits ou des biens. Avis, donc, défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous parlons d’un affichage visant à induire un choix. Interdire la vente de produits relève d’une autre philosophie. On peut en discuter mais ce n’est pas du tout l’objet de l’article 1er. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4243 de Mme Carole Bureau-Bonnard.

Mme Véronique Riotton. Le transport représente au moins 15 % de l’impact climatique des produits et des services consommés par les Français. L’amendement tend à identifier spécifiquement cet impact au sein de l’affichage environnemental.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La question du cycle de vie inclut déjà celle du transport. Je vous demande de retirer l’amendement ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS504 de M. Jacques Marilossian.

Mme Cendra Motin. L’amendement reprend la 20e recommandation du rapport de mars 2019 du Conseil économique, social et environnemental (CESE), intitulé « L’affichage environnemental, levier pour la mise en œuvre de l’économie circulaire ». Il faut créer un dispositif unique, et obligatoire, en la matière.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ne tirons pas de conclusions avant que les expérimentations aient lieu. Je vous demande de retirer l’amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements CS963 de Mme Delphine Batho, CS1023 de M. Loïc Dombreval, CS2368, CS2369 et CS2372 de Mme Nathalie Sarles (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Nous sommes en train de relégiférer alors qu’une disposition est déjà entrée en vigueur il y a un an. Elle prévoyait une expérimentation de dix-huit mois qui devrait aboutir en août ou septembre, en vue de rendre obligatoire, d’une manière floue dans le temps, un affichage environnemental pour le textile. Les enjeux sociaux et environnementaux ont été rappelés tout à l’heure. La quantité de vêtements achetés dans l’Union européenne a augmenté de 40 % en quinze ans : chacun et chacune doivent connaître l’envers du décor de la fast fashion.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CS1023 tend à ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Le dispositif prévu au I est rendu obligatoire, prioritairement pour le secteur du textile d’habillement et le secteur de la production agricole, dans des conditions relatives à la nature des produits et à la taille de l’entreprise définies par décret, après l’entrée en vigueur d’une disposition adoptée par l’Union européenne poursuivant le même objectif. »

Mme Nathalie Sarles. Je vais défendre en même temps mes amendements, les deux derniers étant de repli. Je trouve d’ailleurs que la discussion commune aurait pu être plus large : on a un peu de mal à s’y retrouver.

Si nous revenons si souvent sur la question du textile, c’est parce qu’on voit bien qu’elle est cruciale. Depuis l’adoption de la loi AGEC, ce secteur travaille main dans la main avec l’ADEME pour élaborer un affichage environnemental, et le niveau de maturité des travaux est reconnu par la filière. Je vous propose de rendre obligatoire cet affichage pour le textile, sur la base de ce que nous avons prévu dans le cadre de la loi AGEC.

Je travaille moi aussi main dans la main avec des dirigeants de PME du textile dans ma circonscription. Il est important d’être en avance par rapport aux travaux menés au plan européen, et il faut que l’affichage environnemental soit accessible aux très petites entreprises et aux PME. Compte tenu du travail qui a été effectué, c’est le cas et l’affichage est mûr. Il est lisible et différenciant. C’est ce qui importe.

Il faut être ambitieux : nous pouvons inscrire dans le texte une belle mesure qui fera de ces produits de consommation courante un fer de lance en matière d’affichage environnemental.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Faut-il prévoir, en ce qui concerne l’affichage environnemental, une sorte de priorité pour le secteur du textile, comme la loi AGEC l’a demandé ? Nous pourrions envisager d’ici à la séance une coordination avec ce texte, dans une rédaction évitant de donner l’impression qu’on reviendrait sur les engagements précédents. Je vous propose de retirer les amendements pour retravailler sur cette question à propos du textile – et non du secteur de la production agricole qui est aussi évoqué par un des amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. La durée de cinq ans, je l’ai dit, est un maximum. S’agissant des expérimentations qui ont déjà commencé et qui, même, sont presque finies, on peut aller plus vite. Si vous voulez montrer, afin de rassurer, qu’on le fait dans les deux secteurs, le textile et l’alimentation, pour lesquels on a déjà avancé, dans le cadre d’expérimentations qui ne concernent pas uniquement la sortie du carbone, mais plus généralement les externalités environnementales, on peut essayer de trouver un terrain d’atterrissage, cela ne me pose aucun problème – je sais qu’il y aura de toute façon un affichage plus tôt dans ces secteurs. En attendant, je vous propose de retirer les amendements.

M. Dominique Potier. Il a fallu que des collègues fassent des ouvertures pour que vous entendiez, peut-être, cet appel récurrent…

Nous avons, au-delà des auditions, qui ont duré des dizaines d’heures, une expertise sur ce sujet depuis des années. Un accord a été conclu entre l’opposition, la majorité, les Constructifs et Brune Poirson, qui est allée un peu plus loin dans l’hémicycle sur le volet social. Il faut tout simplement tenir parole et respecter le Parlement.

Je propose que tous ceux qui se sont exprimés à ce sujet se mettent autour d’une même table avec votre cabinet, madame la ministre, pour rédiger d’ici à la séance un amendement prévoyant un calendrier qui permet de tenir la promesse initiale et qui intègre – nous pourrons en discuter – le volet social. Je suis sûr que vous n’y êtes pas personnellement opposée, madame la ministre.

M. Bruno Millienne. J’irai dans le même sens. Ce n’est pas parce que nous travaillons sur un texte issu de la Convention citoyenne que ce que nous avons voté dans le cadre de la loi AGEC doit souffrir d’un retard. C’est une question de respect pour le Parlement. Nous acceptons nous aussi, avec joie, de faire partie d’un groupe de travail visant à fixer des dates pour les deux secteurs évoqués par Mme la ministre, notamment le textile, car il y a un vrai problème, et à établir définitivement les modalités. Nous prouverons ainsi aux Français que ce texte n’a pas pour but de retarder ce que nous avons précédemment prévu.

Mme Nathalie Sarles. Je vais retirer mes amendements : je suis tout à fait pour un travail commun.

J’ajoute que nous avons un allié de taille au Parlement européen en la personne de Pascal Canfin. Il pourra se servir de nos travaux pour pousser à avancer au sein de la commission qu’il préside.

Par ailleurs, je crois que vous avez dit, madame la ministre, que vous attendiez des députés qu’ils enrichissent le texte. Nous avons, en la matière, la possibilité de le faire.

Mme Valérie Petit. Le groupe Agir Ensemble salue l’ouverture de Mme la ministre et se tient prêt à travailler à un renforcement des ambitions.

Mme Sandrine Le Feur. Je vais aussi retirer l’amendement CS1023 en vue du travail qui aura lieu d’ici à la séance.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Maintenez-vous votre amendement, madame Batho ?

Mme Delphine Batho. Je le maintiens car il est important. Et vu le nombre d’amendements qui sont déclarés irrecevables, je ne vais pas retirer ceux que j’ai déposés…

Je souhaite d’autant plus que mon amendement soit soumis au vote de la commission spéciale que beaucoup de collègues y sont favorables et que la décision a été prise ce matin de me priver d’un droit de parole dans le débat qui aura lieu en séance.

Les amendements CS1023, CS2368, CS2369 et CS2372 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CS963.

Amendement CS4176 de M. Pacôme Rupin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Nous proposons qu’une mention soit visible dans tous les messages publicitaires ou promotionnels, quel que soit le canal de communication utilisé, pour les biens et les services ayant l’impact le plus important, dans leur catégorie, en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Ce serait un levier majeur pour sensibiliser les consommateurs et leur faire prendre conscience des produits qui sont les plus polluants.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je crois qu’un lien entre l’affichage environnemental et la publicité est effectivement utile. Nous pourrons y veiller lorsque nous examinerons l’article 5, qui donnera au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) un outil permettant un contrôle renforcé en la matière. Il convient sans doute d’aller plus loin, mais je vous propose de retirer l’amendement : il ne peut pas être adopté en l’état, pour des raisons rédactionnelles. Je souhaite néanmoins qu’un lien soit clairement établi, dans ce texte, entre l’affichage environnemental et la publicité, afin d’éclairer les consommateurs.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est une proposition intéressante pour garantir la bonne information du consommateur et l’inciter à se tourner vers les produits ayant le moins d’impact pour l’environnement. Une mission portant sur les engagements volontaires du secteur de la publicité a été confiée, comme vous le savez, à Agathe Bousquet, présidente du groupe Publicis en France, et à Arnaud Leroy, président de l’ADEME. Je vous propose de retirer votre amendement et de revenir sur le sujet à la lumière des résultats de cette mission. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Je vais retirer l’amendement afin de reparler de cette question d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Amendements CS2380 et CS2379 de Mme Justine Benin et CS3258 de M. Philippe Naillet (en discussion commune)

Mme Florence Lasserre. L’amendement CS2380 vise à exclure du dispositif, à ce stade, les territoires ultramarins. La création d’un dispositif concernant spécifiquement le bilan carbone des produits risque d’avoir des répercussions sur les prix.

L’amendement CS2379 demande une étude d’impact et de faisabilité sur l’application de l’article 1er dans les territoires ultramarins. Il faut s’assurer que cela ne conduit pas à une hausse de prix.

Ces amendements reprennent des propositions de la Convention citoyenne. Il est important de veiller à ce que les mesures adoptées ne soient pas propices à l’inflation dans des territoires où le coût de la vie est déjà 10 ou 40 % plus élevé que dans l’hexagone et où la pauvreté est plus importante.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS3258 demande que « l’ensemble des dispositions prévues par cet article tiennent compte des spécificités des territoires ultramarins en favorisant le soutien et le développement des productions locales ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je ne vois pas pourquoi on exclurait les territoires ultramarins de l’affichage environnemental : pour moi, ce dispositif doit s’appliquer sur l’ensemble du territoire national. Je suis donc défavorable à l’amendement CS2380.

Par ailleurs, l’expérimentation prendra en compte l’ensemble des caractéristiques, y compris les spécificités éventuelles de certains territoires, ultramarins ou non. Tout ce qui a trait aux spécificités est déjà satisfait. Je suis donc défavorable aux deux autres amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Comme je l’ai déjà indiqué, l’affichage environnemental concerne les produits et non les territoires. La question de l’exclusion des territoires ultramarins ne se pose donc pas. J’émets un avis défavorable à l’amendement CS2380.

Regarder l’impact ou la faisabilité du dispositif dans les outre-mer, c’est autre chose. Néanmoins, l’expérimentation étudiera évidemment les spécificités de ces territoires : c’est déjà prévu. Les amendements CS2379 et CS3258 étant satisfaits, je vous demande de les retirer.

M. Bruno Millienne. Les collectivités d’outre-mer présentent des spécificités que l’on oublie trop souvent. Vous dites qu’elles sont prises en compte à l’article 1er, mais j’aimerais qu’il soit écrit noir sur blanc qu’une attention toute particulière sera portée à ces territoires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3999 de M. Fabien Lainé.

M. Bruno Millienne. Chacun souhaite intégrer de nombreux critères sur l’étiquette des produits, si bien qu’il faudrait quasiment un bottin par article pour satisfaire tout le monde ! Nous proposons donc d’expérimenter la mise en place d’une plateforme numérique qui permettrait à nos concitoyens de consulter, via un QR code, toutes les informations qui ne pourront figurer sur les étiquettes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article 1er n’est pas seulement applicable dans les lieux physiques de vente : il s’appliquera partout. Nous avons d’ailleurs adopté un amendement imposant la présence du marquage au moment de l’acte d’achat, qu’il soit physique ou dématérialisé. Il n’est donc pas nécessaire d’engager une expérimentation parallèle ; au contraire, c’est dans le cadre des expérimentations prévues à l’article 1er que la question de la dématérialisation devra être traitée. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements CS3671 et CS3704 de Mme Yolaine de Courson (discussion commune).

M. Nicolas Turquois. L’affichage prévu à l’article 1er ne peut être efficace que s’il s’accompagne d’un important travail de récolte, d’analyse et même d’expertise des données, en toute transparence. Il serait logique que cette tâche soit confiée à l’ADEME.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’ADEME est déjà chargée de ce travail de récolte des données en continu. Nous sommes convenus avec Mme de Courson de retravailler, en vue de la séance, sur la question de l’open data et de la transparence, d’autant que ces amendements ne sont plus cohérents avec les nouveaux critères que nous avons adoptés en matière d’affichage environnemental. Demande de retrait.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 1er ainsi modifié.

Après l’article 1er

Amendements CS1869 de Mme Paula Forteza, CS1899 de M. Dominique Potier et CS899 de M. Julien Aubert (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS1869 vise à imposer aux professionnels, dans le cas d’un contrat de vente de biens ou de fourniture de services concernés par l’article 1er, de communiquer aux consommateurs l’ensemble des informations relevant du futur affichage environnemental. Cette obligation engagerait la responsabilité précontractuelle du vendeur à l’égard du consommateur.

M. Dominique Potier. L’amendement CS1899, suggéré par l’éco-organisme Éco‑mobilier, vise à mieux articuler les dispositions relatives à l’affichage environnemental que nous venons d’adopter avec la loi AGEC, qui impose déjà aux éco-organismes de donner aux consommateurs des informations relatives aux caractéristiques environnementales des produits, s’agissant notamment de leur fin de vie et de leur phase de recyclage. Ainsi, nous proposons d’étendre l’obligation générale précontractuelle aux caractéristiques environnementales des produits.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la présidente, lorsque vous avez mis aux voix l’article 1er, j’ai levé la main pour demander la parole car il me semble tout à fait légitime que les groupes parlementaires aient la possibilité d’expliquer leur vote sur un article.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Ce n’est pas toujours le cas en commission.

M. Jean-Marie Sermier. Qu’il n’y ait pas de confusion : nous avons voté contre l’article 1er. En sept heures de discussions, vous n’avez accepté aucune proposition émanant des oppositions. Nous ne connaissons toujours pas les modalités de l’expérimentation. L’affichage ne prendra pas en compte les questions sociales et ne sera pas cohérent avec ce qui se pratique à l’échelle européenne. Surtout, cet article ne garantit pas que les agriculteurs et les entreprises de notre pays puissent valoriser le travail accompli depuis plusieurs décennies afin que leurs produits soient significativement différents des produits importés.

L’amendement CS899 vise à renforcer l’information du consommateur. Il est important de différencier les produits de bonne qualité environnementale de ceux qui le sont moins. Pour ce faire, nous devons introduire dans le code de la consommation une disposition imposant aux commerçants d’apposer sur leurs produits un visuel, qui pourrait prendre la forme d’un triangle, « contenant des informations synthétiques sur l’empreinte carbone du produit, le pourcentage de ce produit réalisé en France et l’impact environnemental de ce produit, autre que les émissions de gaz à effet de serre ». On nous a beaucoup reproché, lors de l’examen de l’article 1er, de rester dans le domaine du concept et de ne rien proposer de précis ; or la proposition que nous mettons ici sur la table a le mérite d’être technique et précise.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les expérimentations prévues à l’article 1er permettront justement de définir les modalités précises de l’affichage environnemental. L’amendement CS1869 risquerait d’entrer en concurrence avec l’article 1er : j’y suis donc défavorable.

Nous avons déjà adopté un amendement prévoyant que l’affichage serait visible au moment de l’acte d’achat : je considère donc que l’amendement CS1899 est satisfait.

L’amendement CS899 est certes précis, mais il est difficile de garantir que le visuel proposé puisse correspondre à toutes les catégories de biens. Si l’on ne peut pas tester d’autres approches, à quoi servent les expérimentations ? Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement CS1869 risque fortement de noyer dans un trop grand nombre d’informations les éléments de synthèse et de simplification que sont la note et le CO2-Score. Or la première vertu d’un dispositif d’affichage environnemental est sa lisibilité et sa bonne compréhension par le consommateur. Par ailleurs, l’article 13 de la loi AGEC prévoit déjà d’informer le consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits. Avis défavorable, donc.

Il en est de même pour l’amendement CS1899 : l’obligation d’information du consommateur qu’il prévoit figure déjà à l’article 13 de la loi AGEC, dont le décret d’application est en cours d’élaboration. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

Il est prévu que les modalités d’affichage soient précisées par voie réglementaire. Je veillerai à ce que les différentes expérimentations soient cohérentes entre elles, s’agissant notamment de la forme sous laquelle les informations seront mises à la disposition du consommateur. Il ne me paraît pas opportun, à ce stade, de figer le visuel dans la loi. Je suis donc défavorable à l’amendement CS899.

M. Dominique Potier. Les éco-organismes souhaitent que le décret d’application de l’article 13 de la loi AGEC soit publié rapidement. Ils ont besoin de cette réglementation environnementale pour soutenir leur filière.

L’amendement CS1899 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS1869 et CS899.

Amendement CS2552 de M. Philippe Bolo.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Nous proposons qu’une mention visible « Relargue des microfibres dans l’environnement » soit affichée lors de la vente de produits textiles à base de fibres synthétiques. Ces dernières représentent deux tiers des fibres textiles. Le lavage des produits qui en contiennent provoque une libération de ces fibres dans l’environnement, à hauteur de 46 000 tonnes par an au niveau européen, ce qui est tout à fait préjudiciable. Il convient donc d’inciter les consommateurs à réduire leur consommation de produits à base de fibres synthétiques, tout en incitant les producteurs à utiliser des procédés évitant ces conséquences environnementales.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement vise à ajouter une mention spécifique pour un seul impact environnemental. Imaginez que nous fassions la même chose pour chaque impact potentiel ! Je crains, là encore, que nous nous éloignions du caractère simple, lisible et synthétique que devrait présenter l’affichage environnemental. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le sujet est préoccupant : ces fibres synthétiques ont même été retrouvées dans des glaciers par une équipe de chercheurs italiens. En la matière, l’information du consommateur me paraît donc essentielle. Cependant, les dispositions de l’article 13 de la loi AGEC adoptée l’année dernière suffisent pour définir un cadre réglementaire permettant de communiquer cette information au consommateur. Nous étudierons la possibilité d’ajouter cette mention dans le projet de décret dont je vous ai déjà parlé. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS399 de Mme Valérie Beauvais, CS457 de M. Pierre Vatin et CS2831 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Valérie Beauvais. Les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production des biens de consommation finaux représentent à elles seules 35 % des émissions françaises. Afin de réduire les émissions tout au long de la chaîne de valeur, il est indispensable de les quantifier.

La création d’un label « faible intensité carbone » (FIC) permettrait aux entreprises qui l’auraient obtenu de valoriser leurs performances auprès des consommateurs, ce qui leur procurerait un avantage commercial. Pour l’attribution de ce label, nous proposons de retenir le plafond de 100 grammes de CO2 émis pour 100 grammes de produits – en tenant compte de toutes les émissions de l’aval agricole à la transformation, au transport, au stockage et à l’emballage – qui, selon l’ADEME, est représentatif de produits alimentaires bruts ou peu transformés. Ce label orienterait les consommateurs vers des produits d’origine locale, de saison ou sans emballage superflu.

Pour anticiper les avis défavorables de Mme la rapporteure et Mme la ministre, je précise que la Commission européenne vient d’annoncer la mise en œuvre de la démarche « Accompagner la transition de l’Europe vers une économie à faible intensité de carbone ».

M. Pierre Vatin. Non seulement le label « faible intensité carbone » certifierait aux consommateurs que leur achat ne dépasse pas un certain plafond d’émissions, mais il favoriserait également le localisme. Il faut soutenir ce comportement, d’autant que l’Union européenne s’engage, elle aussi, dans cette voie.

Mme Delphine Batho. Nous proposons également la création de ce label très lisible octroyé aux produits vertueux au regard de leur empreinte carbone. Cela encouragerait les entreprises qui s’engagent dans cette voie et leur procurerait un avantage concurrentiel par rapport à celles qui continuent de faire comme s’il n’y avait aucun problème de changement climatique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous avez évidemment raison, l’impact carbone doit être pris en considération. Je n’exprime pas ici un désaccord sur le fond – l’expérimentation que nous allons mener conclura peut-être que l’affichage environnemental pourra se matérialiser de cette manière –, mais encore une fois, je ne voudrais pas que nous ajoutions un nouveau label qui se superposerait à l’affichage environnemental. Les députés du groupe Les Républicains ont dit eux-mêmes que cet affichage devait être synthétique : comment pourra-t-il être lisible si les labels se multiplient sur l’emballage d’un produit ? Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces trois amendements ne sont pas cohérents avec l’article 1er, qui prévoit de définir, pour chaque catégorie de biens ou de produits, la méthodologie à utiliser. Imposer dans la loi un plafond unique pour tous les produits me paraît contre-productif. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4092 de Mme Sandrine Josso.

M. Bruno Duvergé. Cet amendement vise à rendre obligatoire, pour tous les produits de consommation, l’affichage d’un score indiquant leur contenance en produits reprotoxiques, cancérogènes ou en perturbateurs endocriniens. À l’heure actuelle, l’information concerne seulement l’apport nutritionnel des aliments consommés, et non plus largement les produits de consommation, dont la toxicité peut présenter de nombreux risques. Afin de mesurer l’impact des produits de consommation sur la santé des individus et de garantir une alimentation saine et durable, il est essentiel d’indiquer la dangerosité des composants avec plus de rigueur et de rendre cette information visible de tous.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Mêmes arguments que pour les amendements précédents. Ne multiplions pas les critères à prendre en considération dans l’affichage environnemental : c’est l’expérimentation qui nous permettra de déterminer ceux qui méritent d’être retenus. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’information du consommateur sur la présence de substances dangereuses dans les produits mis sur le marché constitue déjà une obligation prévue à l’article 13 de la loi AGEC. Les projets de décrets sont en cours de finalisation. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été saisie par le ministère des solidarités et de la santé et par le ministère de la transition écologique ; elle a d’ores et déjà recommandé que le consommateur soit informé de la présence de ces substances dans les produits qu’il consomme. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2475 de Mme Claire Pitollat.

Mme Claire Pitollat. Vous ne serez pas surpris par cet amendement, que j’avais déjà déposé lors de l’examen de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN), tant la question de la qualité de l’air intérieur me tient à cœur.

Une loi de 2010 prévoit un étiquetage obligatoire pour les polluants volatils issus des produits d’ameublement ; or, dix ans après la promulgation de cette loi, le décret d’application n’a toujours pas été publié. Je propose ici de préciser qu’il devra l’être « au plus tard le 1er janvier 2022 ».

Alors que nous passons 80 % de notre temps à l’intérieur, il convient de diminuer la quantité de polluants présents dans l’air intérieur. Je m’en remets à vous, madame la ministre, car je sais que vous êtes sensible à ce sujet, dont nous avons déjà débattu dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous l’avez dit vous-même, un décret est en attente de publication. Vous conviendrez donc qu’il n’est pas utile d’apporter cette précision dans la loi ; c’est pourquoi je donne à votre amendement un avis défavorable. Vous attendez sans doute un engagement sur la date à laquelle le décret sera publié ; peut-être Mme la ministre pourra-t-elle nous donner quelques informations à ce sujet.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je partage votre préoccupation, madame Pitollat : la qualité de l’air intérieur est un sujet important. Deux textes – un projet de décret en Conseil d’État et un projet d’arrêté – ont été soumis à consultation. Cependant, dans le cadre du règlement européen REACH relatif à l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et la restriction des substances chimiques, un projet de restriction du formaldéhyde dans les meubles est en cours de discussion. Nous attendons donc de connaître la décision de la Commission européenne s’agissant des niveaux autorisés d’émission pour les retranscrire dans le décret et déterminer ainsi les valeurs qui donneront lieu à affichage. Dans cette attente, je vous demande de retirer votre amendement. Si j’obtiens, d’ici à la séance publique, une indication plus précise sur la date à laquelle la Commission prendra sa décision, je vous la communiquerai bien évidemment.

Mme Claire Pitollat. La modification du règlement REACH prendra du temps. Or les travaux de l’ANSES sont déjà publiés depuis longtemps, et nous savons d’ores et déjà quels plafonds nous voulons déterminer. Peut-être pourrons-nous, en séance publique, prendre des engagements pour la France et fixer une date butoir pour la publication d’une telle réglementation dans notre pays. Nous serons alors précurseurs dans ce domaine, ce qui incitera encore plus les institutions européennes à modifier le règlement REACH.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1928 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous reprenons un fil que nous avions commencé à tirer en 2015, lors de l’examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il s’agissait alors de mettre en place des expérimentations visant à mieux informer les consommateurs sur la durée de vie des produits et à lutter contre l’obsolescence programmée. Ce débat remonte en réalité à la loi Hamon de 2014 relative à la consommation ; nous l’avions eu à nouveau dans le cadre de la loi AGEC.

J’ai l’intime conviction que l’information des consommateurs sera un levier d’action important dans la lutte contre l’obsolescence programmée. Nous proposons ici que soit publiée une liste très précise de produits dont les fabricants devront afficher la durée de vie. Cette disposition est tout à fait concevable d’un point de vue technique. Nous prévoyons de commencer de façon prudente, en établissant une première liste de produits correspondant aux filières dans lesquelles la question de l’obsolescence est un élément important de compétitivité pour les PME, ETI et multinationales de notre pays. Nous demandons également au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la possibilité d’étendre cette liste à d’autres produits, dans un second temps.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. J’ai déjà souligné le risque que comporterait la multiplication des labels ou des affichages sur les produits – le consommateur s’y perdrait ! Le titre II du présent projet de loi prévoit des avancées, s’agissant en particulier de la question des pièces détachées, qui pourraient répondre en partie aux questions que vous soulevez. Pour des raisons tenant à la clarté de l’affichage, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. À mon sens, ce sujet relève plus des enjeux de réparabilité et de durabilité des produits que de l’affichage environnemental en tant que tel. La loi AGEC a déjà prévu la transformation de l’indice de réparabilité, dont l’affichage est obligatoire depuis le début de l’année, en un indice de durabilité, qui verra le jour en 2024 et inclura de nouveaux critères tels que la fiabilité et la robustesse du produit. L’amendement étant déjà satisfait, j’émets un avis défavorable.

M. Dominique Potier. Dans certaines filières, le sujet de la réparabilité est un argument commercial complémentaire à celui de la protection de l’environnement.

Comment la notion de durabilité d’un produit est-elle prise en compte dans le calcul de son impact carbone ? Il faut bien estimer la durée de vie d’une cafetière, d’une machine à laver ou de tout autre appareil électroménager afin de diviser le coût carbone lié à sa fabrication par le nombre de ses usages futurs ! Un coût carbone plus important au départ peut se justifier par une durée de vie du produit plus longue. Cette question technique n’a rien de polémique.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est le principe même de l’analyse du cycle de vie, qui vise à déterminer l’impact carbone d’un produit de sa fabrication jusqu’à sa mise au rebut.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS549 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Lorsqu’un produit fait l’objet d’un affichage environnemental obligatoire en vertu des dispositions de l’article 1er, l’amendement vise à ce que cette évaluation apparaisse obligatoirement dans la publicité. Si un produit a une très mauvaise évaluation environnementale, c’est pour que les consommateurs en soient informés et sachent que ce produit est peu recommandé en raison de son empreinte environnementale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement est assez proche de celui que nous a présenté notre collègue Guillaume Gouffier-Cha. J’ai pris l’engagement que nous y réfléchirons pour la séance, afin d’envisager comment consacrer l’affichage environnemental dans les publicités. J’ai une réserve concernant la publicité à la radio, le volume extraordinairement important des mentions obligatoires ne concourant pas au caractère « audible » de ces publicités, puisque c’est le qualificatif que vous employez dans le dispositif de votre amendement. Sur d’autres supports – en ligne, papier ou télévisuel –, cela aurait évidemment du sens. À ce stade, je suis défavorable à votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’idée est assez logique, et intéressante, puisque cela permettrait au consommateur d’être mieux informé. Une mission a été lancée et doit analyser les engagements volontaires du secteur de la publicité. À l’aune de ses conclusions, et des évolutions rédactionnelles, nous pourrions éventuellement intégrer une telle mesure lors de la séance publique. Dans l’attente, je vous propose de retirer votre amendement.

Mme Delphine Batho. Je ne partage pas forcément toutes les propositions du rapport de Thierry Libaert et Géraud Guibert sur la publicité et la transition écologique mais, en tout état de cause, le rapport existe – ce n’est pas la peine d’en commander un nouveau ! Mon amendement ne fait que reprendre sa proposition n° 6.

On veut inciter les consommateurs à faire des choix éclairés grâce aux bonnes informations, mais aussi orienter la production. S’il est possible de continuer à faire de la publicité pour des produits qui ont une mauvaise évaluation environnementale, cela ne sert plus à rien ! Les messages publicitaires restent un vecteur majeur d’information des consommateurs. Si l’affichage environnemental n’y figure pas, on se pince ! C’est parfaitement incohérent ! C’est pourquoi je maintiens l’amendement.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je soutiens l’intention de mes collègues Batho et Gouffier-Cha. J’ai déposé un amendement similaire concernant la publicité pour les véhicules à l’article 4 et j’ai donc noté avec intérêt la proposition de Mme la rapporteure et de Mme la ministre d’un travail commun en vue de la séance, et les en remercie.

L’affichage environnemental est une avancée majeure. Il convient désormais de le faire figurer dans les publicités afin d’informer le consommateur. Cela fait partie des préconisations du rapport Libaert et le Haut Conseil pour le climat, ainsi que la Convention citoyenne, nous y incitent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2464 de M. Éric Bothorel.

Mme Christine Hennion. Cet amendement vise à ce que les données des bilans des émissions de gaz à effet de serre (BEGES), que les entreprises sont légalement tenues de réaliser, soient rendues publiques et sous format de données ouvertes, afin de pouvoir être réutilisées.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous réfléchissons à la meilleure façon de déployer cette obligation de publication, sachant que la publication des bilans des émissions de gaz à effet de serre et du plan de transition est déjà obligatoire. Reste à voir comment répondre à vos exigences de transparence. Je souhaite que nous puissions aboutir pour la séance. D’ici là, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’enjeu de transparence et de mise à disposition des données mérite notre attention. Je vous propose de réfléchir à une rédaction qui pourrait faire consensus.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2332 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. En complément des dispositions prévues par l’article 1er, il s’agit d’améliorer l’information des consommateurs sur l’empreinte environnementale des réseaux de téléphonie mobile et d’internet. Nous proposons de confier à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) un pouvoir de recueil des données auprès des opérateurs afin qu’elle puisse développer une approche de régulation par la donnée en matière environnementale. Cette proposition est issue de réflexions avec le collectif GreenIT.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le Sénat a adopté une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, portée notamment par le sénateur Chaize. Nous souhaiterions savoir si le texte va être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Si tel n’est pas le cas, nous intégrerons certains éléments dans le projet de loi d’ici la séance. Dans l’attente, je vous demanderai de bien vouloir retirer l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il faut effectivement analyser d’ici la séance comment coordonner toutes ces dispositions relatives au numérique et à l’environnement, fondamentales, d’autant que la proposition de loi Chaize a été adoptée par le Sénat en première lecture le 12 janvier dernier. Le 23 février, avec Cédric O, j’ai présenté la feuille de route du Gouvernement en la matière. Nous souhaitons développer les actions permettant de mieux appréhender l’empreinte environnementale du numérique, de développer la sobriété numérique et d’utiliser davantage le numérique au profit de la transition écologique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS462 de M. Pierre Vatin, amendements identiques CS584 de Mme Delphine Batho et CS1330 de M. Thierry Michels, amendement CS1714 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Pierre Vatin. Il s’agit ici d’informer le consommateur de l’empreinte carbone du streaming, mode de consommation numérique en pleine expansion.

Mme Delphine Batho. Mon amendement vise le même objectif. L’empreinte carbone du numérique augmente très rapidement. La fuite en avant ne peut continuer… Lors d’un visionnage, il s’agit d’informer les internautes de la quantité de données associée à chaque niveau de résolution, et de leur équivalent en émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, chacun pourra fait le choix d’une résolution inférieure, mais avec un moindre impact environnemental.

M. Thierry Michels. Les technologies numériques représentent environ 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Cette proportion est appelée à augmenter avec la numérisation toujours croissante de nos modes de vie. Or beaucoup de nos concitoyens minimisent – voire ne connaissent pas – l’impact environnemental de leurs pratiques numériques. Loin de moi l’idée de diaboliser le numérique, bien au contraire : la crise du covid-19 a souligné l’importance de la télémédecine et du télétravail, rendus possibles par les outils numériques.

Pour autant, ces aspects bénéfiques ne doivent pas nous empêcher de réduire autant que possible l’impact environnemental de ces outils. C’est pourquoi il est important d’informer les consommateurs, en particulier concernant le streaming vidéo.

Mme Chantal Jourdan. Notre amendement vise le même objectif. Nous souhaitons créer un comité scientifique chargé d’étudier la possibilité de faire figurer l’évaluation environnementale de chaque vidéo proposée au visionnage sur le territoire français, afin de répondre à la croissance de l’utilisation du numérique par les consommateurs, qui n’en connaissent pas forcément les effets. L’objectif est d’informer et de sensibiliser. D’autres amendements suivront sur le même sujet.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Mes arguments seront les mêmes que pour le précédent amendement de Mme Batho, au regard notamment des dispositions contenues dans la proposition de loi sénatoriale.

Je suis favorable à des progrès en matière d’affichage environnemental dans le secteur du numérique. À titre de comparaison, une heure trente minutes d’écoute de la radio a le même impact environnemental qu’un seul titre en streaming. Les effets de ce mode d’écoute ou de visionnage sont donc réels et il faut éclairer le consommateur. Mais quels sont les bons critères et comment faire en sorte que l’affichage soit lisible ? Si la proposition de loi Chaize ne peut être examinée à l’Assemblée nationale, il faudra avancer en séance sur le sujet.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous sommes tous d’accord, l’impact écologique du numérique est non négligeable, même si la fabrication des différents terminaux en est responsable à environ 75 %.

Nous avons le sentiment d’un accès illimité au numérique. Il faut donc collectivement réfléchir aux usages et à leurs conséquences sur l’environnement, sur le modèle de ce que l’on a fait pour l’eau. Cela ne viendrait plus à l’idée de personne – enfin, je l’espère – de gaspiller de l’eau et nous savons tous qu’il faut fermer le robinet quand on se lave les dents.

Nous n’avons pas encore, ou pas assez, ces réflexes basiques en matière de numérique. Il faut donc mieux sensibiliser, je suis d’accord sur le fond. Sur la méthode, il faudra voir d’ici la séance si nous nous raccrochons à la proposition de loi Chaize ou au présent projet de loi.

Mme Delphine Batho. J’aimerais tant que nous soyons d’accord sur la sobriété numérique, mais ce n’est pas le cas ! Quand nous en parlons, quand la Convention citoyenne pour le climat fait des propositions fortes, et que nous plaidons pour un moratoire sur la 5G, on nous traite d’Amish !

Ce secteur ne fait l’objet d’aucune régulation. Nous assumons donc le combat pour la sobriété numérique, afin de lutter contre l’augmentation continue – de 8 % par an – de l’empreinte environnementale numérique, et celui pour la régulation du secteur, tant en termes de données, de droits civiques, de libertés, de sécurité que d’empreinte environnementale.

Si ces amendements ont survécu, c’est qu’ils concernent l’affichage environnemental. Nous avions beaucoup d’autres propositions concernant la sobriété numérique, mais elles ont été déclarées irrecevables…

Je ne crois ni aux rapports, ni aux promesses d’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi sénatoriale. Il faut prendre ces mesures élémentaires tout de suite : un internaute qui regarde une vidéo en ligne doit savoir quelle quantité de données il consomme et ce que cela représente en termes d’émissions de gaz à effet de serre !

M. Dominique Potier. Je me réjouis que nous progressions aussi rapidement ! Il y a un an et demi, lors des débats sur le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, j’avais déposé un amendement visant à créer une feuille de route de la sobriété énergétique du numérique et le ministre m’avait répondu qu’il ne saisissait pas le rapport…

Vous prenez désormais en compte le sujet, madame la ministre, mais nous avons un problème de recevabilité. Matthieu Orphelin avait notamment déposé un amendement relatif à l’usage compulsif de vidéos publicitaires, déclenchées automatiquement sur certaines chaînes. Ces propositions commerciales récurrentes provoquent des addictions. En outre, ce modèle économique, financé par la publicité, ne prend pas en compte le coût de l’énergie - ma collègue Chantal Jourdan avait déposé de très nombreux amendements qui ne seront pas non plus examinés.

Je souhaiterais que vous nous expliquiez en séance où en est le Gouvernement sur la feuille de route de la sobriété énergétique du numérique. Ne peut-on rouvrir une porte pour que le premier pas ne soit pas que d’affichage ? À mon sens, nous ne pourrons échapper à une sorte de péage carbone sur le numérique, afin d’en civiliser et d’en réguler l’usage.

M. Mounir Mahjoubi. Chers collègues, j’entends votre plaisir à souligner les dangers du numérique sur l’environnement. Je veux, pour ma part, qu’on rappelle également tous les déplacements évités grâce au numérique – avec des véhicules consommant de l’essence. Télétravail, téléconsultations, nouvelles façons de voir les gens qu’on aime, tout cela a un impact positif.

Si vous souhaitez une évaluation des impacts négatifs du numérique sur l’environnement, je voudrais qu’elle soit complétée par un indicateur mesurant ses conséquences positives sur ce même environnement, mais aussi l’éducation, l’intelligence, les libertés, le partage des savoirs, etc.

Enfin, certains de nos collègues pourraient faire l’économie des vidéos « à buzz ». Beaucoup de celles tournées dans cette maison ont pour unique objectif d’être massivement visionnées et partagées. Si nous en produisions moins, les gens en regarderaient moins…

Mme Delphine Batho. Supprimer le temps programmé, il n’y aura plus de vidéos sur Twitter ! (Protestations)

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1709 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit d’instaurer un comité scientifique chargé d’évaluer l’impact énergétique et climatique du numérique, et notamment des infrastructures de réseau qui s’appuient essentiellement sur des solutions numériques – infrastructures énergétiques de mobilité, de télécoms, etc.

Bien entendu, nous avons tous pris conscience des usages positifs du numérique pendant la crise sanitaire. Mais, du fait de l’amplification de ces pratiques, c’est aussi le bon moment pour informer les consommateurs de l’impact de ces usages et leur permettre de devenir « consomacteurs ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article 1er s’applique à l’ensemble du mode de commercialisation, y compris les biens et services numériques. Votre demande, légitime, est donc satisfaite. Il n’est pas nécessaire de créer un comité scientifique supplémentaire.

Mme Chantal Jourdan. Je maintiens mon amendement car il s’agit d’un point fondamental et je ne vois pas en quoi les dispositions satisfont notre demande. Nous souhaitons des avancées sur l’usage et la sobriété.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS521 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement constitue une forme de contre-proposition, à la suite de nos débats sur les achats en ligne. Il prévoit un affichage destiné à apporter aux consommateurs une information relative aux caractéristiques environnementales de leurs achats en ligne, par le biais de critères permettant de séparer les achats vertueux de ceux qui le seraient moins d’un point de vue environnemental.

Avec la crise sanitaire, certains acteurs ont déployé la vente en ligne pour favoriser les circuits courts. Après une expérimentation, nous proposons que l’affichage prenne en compte le fait que l’opérateur réalise du click and collect, s’appuie principalement sur un réseau de points relais pour livrer les commandes aux clients, recoure à ses propres salariés pour effectuer des livraisons sans utiliser de main-d’œuvre externalisée ou détachée, utilise prioritairement des véhicules vertueux, vende essentiellement des produits responsables fabriqués en France, contribue, par le paiement proportionné de ses impôts et taxes, à l’économie nationale et au budget des collectivités locales – je le dis devant le président de la délégation puisque nous en avions déjà débattu à l’occasion du projet de loi de finances 2021.

Cet affichage vise à faire la différence entre ces modes de distribution, que l’on peut localement encourager, et d’autres, beaucoup plus éloignés de ce modèle.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La proposition nous avait été soumise lors des auditions. Il s’agirait de créer un « numéri-score », sur le modèle du nutri-score. Sur le principe, l’idée d’éclairer le consommateur dans ses achats en ligne est séduisante. Mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement pose des difficultés. Concerne-t-il toutes les plateformes qui commercialisent en ligne, y compris les TPE ? Ou y a-t-il un seuil lié au chiffre d’affaires ? Quelles caractéristiques retenir ? Doit-on en rester à l’affichage environnemental ou prendre en compte des critères sociaux et sociétaux – nous en avons longuement débattu à l’article 1er ? Faut-il se cantonner à quelques indicateurs pragmatiques, comme l’impact d’une livraison ?

Il faut progresser sur le commerce et l’achat en ligne, mais avec des outils ou des indicateurs plus concrets, car un affichage environnemental risque d’être long et complexe à déployer. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le type d’affichage que vous proposez peut être inclus dans le dispositif de l’article 1er qui concerne les biens et services. En outre, certains des critères de la méthodologie que vous préconisez n’entrent pas dans l’analyse du cycle de vie, référence en la matière. Tout cela me paraît trop complexe. C’est pourquoi j’y suis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je suis déçu de pas vous avoir convaincu, mais je préfère la réponse de la rapporteure !

Les Républicains se veulent force de proposition : je suis donc prêt à trouver une rédaction plus adéquate. Vous l’aurez compris, notre objectif est de soutenir le commerce physique, notamment le commerce de proximité et de centre-ville, en cohérence avec les autres politiques publiques. Il convient de réfléchir ensemble à cette approche environnementale, dans la proximité.

L’amendement est retiré.

Article 2 (articles L. 121-8 [nouveau] et L. 312-9 du code de l’éducation) : Éducation à l’environnement et au développement durable

Amendement de suppression CS394 de Mme Valérie Beauvais.

Mme Valérie Beauvais. Les dispositions de l’article 2 prévoient que l’éducation à l’environnement et au développement durable doit être dispensée tout au long de la formation scolaire. Le principe est évidemment louable, mais l’éducation nationale n’a pas vocation à dispenser des enseignements visant à répondre à des problématiques qui dépassent largement celles de l’acquisition des compétences fondamentales – français, mathématiques, etc.

En outre, l’éducation à l’environnement et au développement durable est déjà réalisée dans le cadre de l’enseignement des sciences de la vie et de la Terre (SVT).

L’amendement vise donc à supprimer l’article 2 afin de ne pas alourdir les programmes d’enseignement et maintenir l’objectif de la meilleure acquisition des enseignements fondamentaux pour tous les élèves. Dans le cadre de l’étude d’impact, avez‑vous d’ailleurs interrogé les enseignants et le ministère de l’éducation nationale afin de connaître leur avis ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous voulez supprimer l’article 2 alors qu’il est très important puisqu’il consacre l’éducation à l’environnement et au développement durable, déjà déployé dans certains établissements. Il s’agit ici de le reconnaître et de l’encadrer – nous y reviendrons dans la suite de la discussion. Je suis évidemment défavorable à votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous souhaitons simplement mieux organiser les enseignements relatifs au développement durable, pour beaucoup déjà dispensés dans de nombreux établissements.

Je ne suis pas d’accord avec vous, l’éducation au développement durable ne se limite pas à la SVT, qui est une matière. C’est un enseignement transversal puisque le développement durable touche tous les aspects de la vie en société.

M. Jean-Marie Sermier. Mme la ministre n’a pas tort : l’éducation à l’environnement et au développement durable n’est pas forcément qu’une matière. Dès lors qu’il s’agit d’un enseignement transversal, qui touche l’ensemble des disciplines, il n’a pas à être précisé. Par définition, c’est un état d’esprit dont les enseignants doivent faire preuve lorsqu’ils enseignent d’autres matières, pour évoquer la sobriété, les limites des capacités de production de la Terre ou le réchauffement climatique.

L’amendement CS394 va donc dans le bon sens. Plus on spécialisera l’enseignement, moins on parviendra à une formation globale, à la vie. En supprimant l’article 2, on laisse libre cours aux enseignants pour enseigner les sciences de la vie, quelle que soit leur matière.

Mme Valérie Beauvais. Vous n’avez pas répondu à ma question sur l’étude d’impact auprès des enseignants. Que pense l’éducation nationale de l’article 2 ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous posons des bases pour une meilleure organisation de l’enseignement à l’environnement et au développement durable, qui existe déjà. Pour nous y aider, nous avons missionné votre collègue Brune Poirson, en lien avec Jean‑Michel Blanquer. Elle mènera des rencontres avec l’ensemble des acteurs, afin que l’application de la loi permette de dispenser cet enseignement le plus finement et le plus efficacement possible.

M. Vincent Descoeur. Nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. À chaque fois que l’on examine un texte, on a tendance à imaginer que les enseignements pourront éveiller les jeunes à ces problématiques. Ma collègue l’a dit, cela nécessite une relation étroite avec le ministère de l’éducation nationale. Au fil des textes, on confère de nouvelles obligations aux enseignants, sans s’inquiéter de savoir si l’éducation nationale s’intéresse à leur capacité d’accomplir la nouvelle mission que nous leur confions. Il faut considérer le principe de réalité : les enseignants ont déjà beaucoup à faire. Ils auront naturellement un rôle à jouer, mais cela passe par un débat approfondi avec le ministère de l’éducation nationale, pour s’assurer que les missions qu’ils ont à remplir sont compatibles avec la nouvelle mission que vous imaginez leur confier.

Mme Delphine Batho. Je ne comprends pas cet amendement de suppression. Beaucoup de choses sont faites ; de nombreux enseignants sont très mobilisés. Surtout, il y a une demande des élèves, de la jeunesse. Des lycéens, des étudiants « hallucinent » devant le caractère obsolète des programmes dispensés, qui n’accordent pas l’importance qu’il convient au changement climatique, ignorent les limites planétaires et vantent la croissance et la compétitivité économique, comme s’il n’y avait pas un envers du décor, pour ce qui concerne l’empreinte matières.

J’avais déposé une proposition de loi relative à la généralisation de l’enseignement des enjeux liés à la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et aux changements climatiques dans le cadre des limites planétaires. On peut ensuite faire confiance à la communauté enseignante sur la façon de déployer cet enseignement, mais sur le principe, il est nécessaire d’affirmer que la République française doit transmettre à tous les enfants non seulement la connaissance des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, mais aussi des connaissances fondamentales sur les enjeux écologiques. Nous devrions au moins être tous d’accord sur ce point.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS209 de M. Richard Ramos.

M. Bruno Duvergé. L’amendement, inspiré par la Fédération des diabétiques du Loiret, vise à instituer une éducation à la santé, en complément de celle à l’environnement et au développement durable. L’éducation à la santé permettra aux élèves d’adopter des comportements vertueux, tant pour eux que pour la planète. Mettre en place une telle éducation contribuera à réduire l’impact des maladies chroniques, telles que le diabète, le type 2 étant lié aux comportements alimentaires et physiques, et le type 1 à la qualité de l’environnement. Les programmes scolaires doivent tenir compte de cette composante.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement est satisfait car le code de l’éducation prévoit déjà l’enjeu de l’éducation à la santé. Il n’est pas utile de le préciser à nouveau. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article L. 541-1 du code de l’éducation précise en effet les enjeux de l’éducation à la santé auprès des élèves. Par ailleurs, il existe aussi un comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, que le texte améliorera. Je vous suggère donc également de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4838 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Yannick Kerlogot. Le présent amendement vise à spécifier l’objet de l’éducation à l’environnement et au développement durable. Il faut informer les citoyens sur les limites planétaires, et non pas, généralement, sur l’environnement, une discipline qui est intégrée depuis des années dans les programmes. La distinction est cruciale pour élaborer un contenu pédagogique adapté à l’état des connaissances scientifiques sur les dégradations environnementales et le dérèglement climatique. C’est également un préalable à la pleine compréhension de l’impact humain sur ces effets, et de l’ensemble de leurs implications sur la modification des modes de vie. L’expression « limites planétaires » a été largement discutée dans le cadre de la réforme constitutionnelle : si elle n’a pas sa place au sein de la Constitution, elle semble appropriée pour faire référence avec précision, indicateurs à la clé, à l’état des lieux environnemental et climatique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous avez été nombreux à déposer des amendements à l’article 2 pour préciser la manière selon laquelle l’enseignement à l’environnement et au développement durable devrait être délivré. Bien que ces amendements fassent sens isolément, s’ils étaient tous adoptés, le texte ne gagnerait pas en clarté. Or ils sont satisfaits par le fait de créer une éducation à l’environnement et au développement durable dans le code de l’éducation, et de l’institutionnaliser. À de très rares exceptions près, je serai donc défavorable aux amendements, quel que soit le groupe auquel appartiennent leurs auteurs, car ces demandes d’ajouts ou de précisions nuisent à la clarté de la loi et qu’elles sont satisfaites par l’objet même de l’article 2. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. L’amendement alourdit la rédaction alors que, par essence, la protection de l’environnement intègre les limites que notre planète peut supporter. L’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1838 de M. Vincent Ledoux.

Mme Valérie Petit. L’amendement vise à ajouter les mots « à la consommation durable » à la première phrase de l’alinéa 2, après le mot « environnement ». Vous direz qu’il s’agit d’une précision inutile et que notre rôle n’est pas de définir le programme à la place des enseignants. Il importe toutefois d’éduquer à l’environnement et au développement durable, tout en faisant le lien avec les pratiques quotidiennes des élèves, notamment le fait de consommer.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même remarque que précédemment. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il est inutile d’ajouter ce point. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

4.   Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 14 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous reprenons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Article 2 (suite) (articles L. 121-8 [nouveau] et L. 312-9 du code de l’éducation) : Éducation à l’environnement et au développement durable

Amendements CS240 et CS249 de Mme Claire Pitollat (discussion commune).

Mme Claire Pitollat. Nous proposons que l’éducation à l’environnement et au développement durable concerne également la santé environnementale. Cette notion est importante, comme le montre l’ampleur du quatrième plan national santé environnement (PNSE4) – ce n’est pas notre collègue Élisabeth Toutut-Picard, présidente du groupe santé environnement (GSE), qui me contredira. C’est parce que nous donnerons à nos enfants les clés de lecture sur les risques environnementaux qui pèsent sur leur santé qu’ils pourront demain faire le choix de préserver l’environnement, et leur santé.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. Comme je l’ai précisé hier, l’éducation à la santé fait partie intégrante des missions fondamentales de service public. Les amendements étant satisfaits, j’en demande le retrait.

Mme Claire Pitollat. L’éducation à la santé, que nous appelons régulièrement à renforcer en commission des affaires sociales, est une chose ; l’éducation à la santé environnementale en est une autre. Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), notre santé dépend à 70 % de l’environnement. Il est indispensable d’éveiller nos enfants aux impacts de l’environnement sur notre santé – c’est l’un des objectifs du PNSE4.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS530 de Mme Delphine Batho et CS610 de M. Bertrand Bouyx (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Cet amendement s’inspire des termes de la proposition de loi que j’ai déposée et qui a été cosignée par des collègues de tous bords – notamment Cédric Villani et Matthieu Orphelin – relative à la généralisation de l’enseignement des enjeux liés à la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et aux changements climatiques dans le cadre des limites planétaires.

La notion d’« éducation au développement durable » est inappropriée. Sur le fond, la notion de développement durable ne correspond plus à l’état des connaissances scientifiques sur les limites planétaires, qui sont au nombre de neuf. Je rappelle que la France en dépasse six : concentration de CO2 dans l’atmosphère ; érosion de la biodiversité ; perturbation du cycle de l’azote et du phosphore ; changement d’utilisation des sols ; acidification des océans et utilisation de l’eau potable.

Il est essentiel que les termes de « diversité biologique », de « changement climatique » et de « limites planétaires » figurent dans cet article du code de l’éducation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le code de l’éducation prévoira désormais la possibilité de dispenser une éducation à l’environnement et au développement durable. Il est précisé que les élèves pourront ainsi maîtriser les enjeux, notamment ceux portant sur le changement climatique et la préservation de la biodiversité.

Je considère que ces amendements sont satisfaits par cette nouvelle opportunité et qu’en ajoutant de nouveaux objectifs, ils feraient perdre sa lisibilité à l’article. Il en va de même pour les suivants. Aussi serai-je cohérente et émettrai par la suite une demande de retrait ou un avis systématiquement défavorable – à de très rares exceptions près – aux amendements de même nature.

Mme Delphine Batho. Là encore, nous sommes en désaccord. La notion de développement durable, outre qu’elle est ancienne et dépassée par les connaissances scientifiques sur les limites planétaires, intègre l’économie, le social et l’environnemental. Or il s’agit ici de renforcer l’éducation aux enjeux écologiques du siècle que sont le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité, la raréfaction des ressources et la santé environnementale ! Votre position est purement idéologique et anachronique : vous choisissez de ne pas vouloir nommer les choses, de ne pas les inscrire dans le code de l’environnement, en restant arrimée au mythe de la croissance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS270 de M. Martial Saddier, CS272 de Mme Souad Zitouni, CS1380 de M. Mohamed Laqhila, CS1719 de M. Gérard Leseul, CS1903 de M. Dominique Potier, CS2144 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CS2486 de M. Pierre Venteau, CS3589 de Mme Sylvie Charrière, et amendement CS3687 de Mme Fabienne Colboc (discussion commune).

M. Martial Saddier. Cet amendement offre à la rapporteure l’occasion de déroger au principe qu’elle s’est fixé… Nous proposons en effet d’intégrer un objectif de sensibilisation et d’éducation à la consommation responsable et équitable, dans l’esprit voulu par Mme Bergé et la majorité.

Mme Souad Zitouni. Il est important de prévoir une éducation à la consommation responsable et équitable. Cet amendement a été discuté avec Commerce Équitable France.

M. Dominique Potier. Cet appel à l’éducation à une consommation responsable et équitable est le pendant de la régulation sur la publicité. Il faut faire émerger des citoyens consommateurs libres, épargnants et peut-être collaborateurs d’entreprises de commerce équitable.

M. Pierre Vatin. Il s’agit de sensibiliser les élèves et d’apprendre à ces futurs consommateurs le libre arbitre, la possibilité d’évaluer par soi-même.

Mme Sylvie Charrière. Oui, il convient de placer les enjeux de la consommation responsable et équitable au cœur des valeurs que l’école doit transmettre. L’amendement CS3687 de Mme Colboc ne retient que l’éducation à une consommation responsable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ces amendements sont satisfaits puisqu’il est précisé à l’article 2 que cette éducation vise à permettre aux élèves de comprendre les enjeux économiques du développement durable. J’en demande le retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. La consommation responsable et équitable, un enjeu essentiel, est déjà intégrée à l’éducation au développement durable. Je rappelle aussi que dans l’agenda 2030 adopté en 2015 par les États membres de l’ONU, elle fait l’objet de l’ODD 12 (objectif de développement durable) – consommation et production responsable – et de l’ODD 8 – travail décent et croissance économique. Ces amendements étant satisfaits, j’en demande le retrait.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3050 de Mme Catherine Osson.

Mme Véronique Riotton. Notre collègue Catherine Osson, qui a remis avec André Chassaigne un rapport d’information sur la sécurité alimentaire dans l’Union européenne, propose que l’éducation à l’alimentation soit une composante de l’éducation à l’environnement et qu’elle soit ainsi inscrite dans le code de l’éducation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’éducation à l’environnement et au développement durable comprend évidemment l’éducation à l’alimentation. Retrait.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS505 de M. Jacques Marilossian.

Amendement CS213 de Mme Souad Zitouni.

Mme Souad Zitouni. Je propose de substituer aux mots « permet aux élèves de comprendre » les mots : « inculque aux élèves ». Inculquer, c’est enseigner de façon durable. La loi ne doit pas seulement permettre la compréhension des enjeux environnementaux mais aussi en rappeler les enjeux, l’urgence et les moyens d’agir. L’école est à la fois un pilier et un moteur ; il s’agit de consolider cet enseignement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons évoqué le libre arbitre ; il est préférable que l’école permette aux élèves de faire leurs choix de façon éclairée. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je comprends ce que vous voulez dire, mais « inculquer » suppose une vision descendante, alors que les enfants ont besoin de s’approprier les connaissances. Retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4423 de M. Gabriel Serville.

M. Hubert Wulfranc. Nos collègues Gabriel Serville et Moetai Brotherson proposent de préciser que les enjeux environnementaux sont territoriaux. Ils entendent ainsi souligner que la transmission des connaissances, certes à l’échelle planétaire, se décline selon le territoire où l’on vit. Les approches sont différentes selon que l’on habite en ville, à la campagne ou aux abords de la forêt primaire ; les élèves ont besoin de partir du réel.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’éducation aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux et à la préservation de la biodiversité ne peut que prendre en compte les réalités territoriales. Retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’environnement sans les territoires, cela n’a aucun sens. Vous proposez d’inscrire dans la loi une forme de pléonasme... Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1096 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Cet amendement rédactionnel vise à insérer le mot « sanitaires » après le mot « environnementaux ». Les liens entre santé et environnement sont confirmés, il ne s’agit plus de simples hypothèses scientifiques, et la question de la santé environnementale est devenue un enjeu sanitaire planétaire.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. C’est plus qu’un amendement rédactionnel !

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Dieu sait que les occasions de parler de santé environnementale se font rares, Madame la présidente !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je connais votre engagement et je comprends que vous ayez déposé des amendements pour rappeler l’importance de la santé environnementale. Je considère néanmoins que cet amendement est satisfait et qu’il est inutile d’enrichir encore cet article. Inscrire l’éducation à l’environnement et au développement durable dans le code de l’éducation constitue déjà une grande avancée, que nous pouvons saluer.

Mme Barbara Pompili, ministre. La santé environnementale est l’un des sujets des années à venir et la pandémie de covid montre malheureusement à quel point santé et environnement sont liés. Paradoxalement, en insérant le terme « sanitaires », vous le déconnectez du reste. Ce que je souhaite, c’est que l’on ne fasse plus la différence et que lorsque l’on parle de développement durable, cela comprenne la santé. Retrait.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. C’est effectivement un paradoxe, mais pouvons‑nous être certains que cet enseignement fera le lien entre environnement et santé ? L’une des difficultés mises en lumière par le PNSE4 tient au fait que ces deux domaines ne dialoguent guère. Je retire l’amendement, mais je veillerai à ce que la santé environnementale soit mentionnée ailleurs.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4117 de Mme Béatrice Piron.

Amendement CS539 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il convient de substituer aux mots « développement durable » les mots « transition écologique », sans quoi nous resterons dans une forme d’ignorance. L’éducation nationale doit déployer des contenus qui correspondent aux connaissances scientifiques actuelles.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Amendement satisfait. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Pardon, il n’est pas satisfait ! Je ne comprends pas pourquoi vous refusez d’inscrire dans la loi les termes « transition écologique », qui figurent pourtant à de très nombreuses reprises dans le code de l’environnement. Pourquoi êtes-vous arc-boutés sur la notion de « développement durable » ? Que cela signifie-t-il ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3686 de Mme Fabienne Colboc.

Mme Sylvie Charrière. Il est important que l’éducation à l’environnement et au développement durable s’appuie sur les 17 ODD adoptés par les Nations unies en 2015.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La France était signataire de l’agenda 2030 et les ODD seront pleinement inclus dans cet enseignement. Retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS216 de Mme Souad Zitouni.

Mme Souad Zitouni. L’enseignement relatif aux enjeux environnementaux doit tenir compte de la capacité de l’enfant à comprendre, à intégrer progressivement ces enjeux afin qu’il puisse à terme, de façon éclairée et consentie, déterminer sa propre opinion. Nous proposons de préciser que l’enseignement se poursuit dans le secondaire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous avez raison, il faut une continuité pédagogique. Je vous demande de retirer votre amendement dans la mesure où l’article 2 prévoit que l’éducation à l’environnement et au développement durable « est dispensée tout au long de la formation scolaire, d’une façon adaptée à chaque niveau et à chaque spécialisation ».

L’amendement est retiré.

Amendement CS3781 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Je le retire au profit de l’amendement suivant.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3778 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Il s’agit d’ajouter une dimension particulière à l’éducation à l’environnement et au développement durable en prévoyant que les élèves seront sensibilisés à la préservation et à la restauration de la biodiversité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article 2 mentionne les enjeux portant sur la préservation de la biodiversité. Je considère cet amendement comme satisfait. Retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3661 de Mme Yolaine de Courson.

Mme Frédérique Tuffnell. L’éducation à l’environnement et au développement durable doit permettre aux élèves – les décideurs de demain – de s’initier à l’étude systémique de l’interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale à travers la sensibilisation à l’approche pluridisciplinaire « une seule santé ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article L.121-4-1 du code de l’éducation porte sur les questions de santé. Retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cette demande a aussi été formulée par Mme Toutut-Picard, elle est satisfaite. Les détails figureront dans les textes réglementaires. Je vous assure, Madame la députée, que l’approche « une seule santé » irriguera ce texte.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3685 de Mme Fabienne Colboc.

Mme Sylvie Charrière. Il est proposé d’étendre la portée de cet article à la première année d’enseignement supérieur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comme je l’ai précisé à Souad Zitouni, il est prévu que l’éducation à l’environnement et au développement durable soit dispensée tout au long de la scolarité. Retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements CS4806 et CS5042 de Mme Sira Sylla.

Mme Huguette Tiegna. L’éducation à l’environnement et au développement durable nécessite une mobilisation renforcée des équipes pédagogiques des écoles et des établissements. Elle doit être inclusive et prendre en compte les spécificités des élèves, notamment ceux en situation de handicap. Elle doit également être adaptée aux enjeux de l’éducation prioritaire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il va de soi que l’éducation doit être inclusive – nous n’avons eu de cesse de renforcer cette dimension depuis 2017. Par ailleurs, l’article couvre l’ensemble du champ de l’éducation nationale ; évoquer l’éducation prioritaire laisserait penser qu’elle pourrait ne pas être concernée. Je suggère le retrait de ces amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Lorsque j’étais députée, j’ai remis un rapport sur l’école inclusive – autant vous dire que ce sujet me tient à cœur. Préciser que l’éducation à l’environnement et au développement durable est inclusive serait une erreur puisque cela donnerait l’impression que seul cet enseignement est concerné. Je partage l’avis de la rapporteure sur le second amendement.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4424 de M. Gabriel Serville.

Amendement CS529 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Nous avons en France une conception de l’enseignement très académique, théorique. Or l’éducation à l’environnement doit passer par la pratique, les sensations, les émotions, la conscience de notre interdépendance. Elle doit transmettre les connaissances scientifiques, mais aussi s’appuyer sur la relation à la nature, dont beaucoup d’enfants sont privés.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je partage votre point de vue mais je ne pense pas nécessaire de préciser à la communauté enseignante comment organiser cette éducation. Les enseignants, qui tiennent à leur liberté pédagogique, s’appuient déjà sur la pratique. Retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Lorsque l’on se rend dans les écoles qui dispensent déjà l’éducation au développement durable, on voit bien que cela passe par la pratique, le terrain – il est fort rare que les enfants restent assis devant le tableau noir ! Votre amendement, de portée générale, est satisfait. Néanmoins, je serai favorable à un amendement ultérieur de Mme Charrière qui apporte une précision utile.

Mme Delphine Batho. Le propos n’est pas de dire que les enseignants transmettent les connaissances de façon théorique ; au contraire, ils ont besoin que leurs pratiques pédagogiques, fondées sur l’expérimentation, soient reconnues et encouragées par l’éducation nationale. Je présenterai un autre amendement sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3044 de M. Fabien Lainé.

M. Bruno Duvergé. L’éducation à l’environnement et au développement durable doit inclure l’apprentissage de compétences techniques. Celles-ci sont essentielles pour mener un mode de vie plus respectueux de l’environnement. L’apprentissage de la cuisine, de la réparation, de la saisonnalité des aliments ou encore l’éducation physique en pleine nature seront ainsi encouragés.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vous suggère de retirer cet amendement au profit de l’amendement C4710 de Mme Charrière, qui vise à préciser que les élèves devront maîtriser des savoir-faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1024 de M. Loïc Dombreval.

Mme Sandrine Le Feur. Il est proposé de qualifier ces enjeux d’« éthiques ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La dimension éthique est naturellement présente dans l’éducation à l’environnement et au développement durable. Retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le respect du vivant est une notion abordée dans le cadre de l’éducation morale et civique. Par ailleurs, l’éducation nationale est en train de nouer plusieurs partenariats, avec la Société protectrice des animaux (SPA) et le ministère de l’alimentation et de l’agriculture notamment. Cet objectif est donc déjà mis en œuvre.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4710 de Mme Sylvie Charrière.

Mme Sylvie Charrière. Depuis le 1er janvier 2021, les fabricants de lave-linge, de smartphones, d’ordinateurs portables et de téléviseurs doivent calculer l’indice de réparabilité et le communiquer aux distributeurs afin qu’il figure sur le produit, en magasin ou en ligne.

Cet amendement du groupe LaREM vise à sensibiliser les jeunes à cet indice. Surtout, ils doivent acquérir des compétences et des habiletés manuelles pour réparer certains objets grâce à des savoir-faire spécifiques, développés tout au long du parcours éducatif.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement permet de répondre aux précédents qui portaient sur les savoir-faire et la pratique. Il va dans le sens de la revalorisation des filières professionnelles d’apprentissage. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il permet de dépasser la question des compétences théoriques et pratiques en insérant la notion de savoir-faire, absente de l’article. Cet enrichissement est bienvenu.

Mme Delphine Batho. Chacun aura compris que lorsque la majorité propose un amendement, il a vocation à enrichir le texte… Je partage l’intention mais la rédaction me semble poser un problème légistique. Aux termes de l’article, les élèves devront « maîtriser ces enjeux et ces savoir-faire ». Autant on sait que ce que sont les enjeux – environnementaux, sociaux et économiques – autant on ignore ce que sont, au juste, ces savoir-faire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS4225 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Amendement rédactionnel.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ce n’est pas tout à fait un amendement rédactionnel, Madame la rapporteure. Vous proposez de remplacer la notion de « changement climatique » par celle de « dérèglement climatique » qui, même si elle suppose l’existence d’un impact de l’activité humaine sur le climat, diffère quelque peu. L’éducation au développement durable s’appuie sur les ODD de l’agenda 2030, dont le treizième s’intitule « lutte contre les changements climatiques ». Par parallélisme, le Gouvernement préfère user de la même notion. Je m’en remets à la sagesse de votre assemblée.

Mme Delphine Batho. Je suis radicalement opposée à cet amendement, tout comme je suis opposée à ce que la notion de « dérèglement climatique » figure dans le titre du projet de loi – ce que le Haut Conseil pour le climat a dénoncé dans son avis. Je rappelle que le climat n’a jamais été réglé ! Les notions utilisées aujourd’hui par la communauté scientifique internationale, dans tous les documents internationaux et dans l’accord de Paris, sont « changement climatique » ou « réchauffement climatique ». Je ne comprends pas le sens de cet amendement ! C’est un débat que nous aurons de nouveau lors de l’examen du titre.

La commission rejette l’amendement.

M. Bruno Millienne. Madame la présidente, vous nous avez demandé de voter à trois reprises. L’avis de la ministre était pourtant clair, nous avons été cohérents et nous avons rejeté l’amendement. Je demande que l’on ne refasse pas systématiquement les votes lorsque leur résultat n’arrange pas la majorité – à laquelle j’appartiens pourtant.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je n’ai pas refait le vote, je n’ai simplement pas pu compter les voix.

Amendements CS2309 de M. Gérard Leseul, CS532 de Mme Delphine Batho, CS2956 de M. Éric Alauzet et CS2524 de M. Jean-François Mbaye (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons d’intégrer dans l’éducation à l’environnement l’étude des limites planétaires, une notion particulièrement structurante.

Mme Delphine Batho. En cohérence avec l’amendement CS530, je propose que les élèves puissent maîtriser les enjeux portant sur le changement climatique, la préservation de la biodiversité et la sobriété dans l’usage des ressources dans le cadre des limites planétaires.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CS2956 vise à introduire dans l’article 2 la préservation de la biodiversité, des ressources et de la santé.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les amendements sont satisfaits par l’article 2 tel qu’il est rédigé. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CS451 de M. Pierre Vatin et CS1032 de M. Loïc Dombreval.

Amendements identiques CS275 de M. Martial Saddier, CS460 de M. Pierre Vatin et CS1583 de Mme Paula Forteza.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit de promouvoir l’éducation aux pratiques de sobriété numérique, ce qui nous semble important pour nos élèves.

M. Pierre Vatin. J’ajoute que l’éducation à la sobriété numérique permet de limiter l’impact carbone.

Mme Delphine Batho. Ces amendements permettent de revenir sur plusieurs aspects évoqués précédemment, notamment la santé environnementale et la formation pratique. Compte tenu du développement des usages du numérique dans l’éducation, il nous semble essentiel d’assurer une transmission des connaissances de base en matière de sobriété numérique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ces amendements visent à introduire dans le texte un élément qui ne figure pas dans la rédaction initiale de l’article 2. Je suggère leur retrait au profit de l’amendement CS2817, que nous examinerons ultérieurement. Issu d’une préconisation du Parlement des enfants, à laquelle il ne me semble pas aberrant de faire droit, il reprend ces enjeux en leur donnant une portée plus large et en les décrivant plus précisément.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le sujet abordé par ces amendements est important. Toutefois, il ne semble pas opportun de citer nommément tous les enjeux liés à l’environnement et au développement durable, car cela aurait pour effet d’établir une hiérarchie malvenue. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. La question des pollutions numériques n’est quasiment pas abordée dans ce texte de loi. Ces amendements offrent l’occasion de le faire d’une façon formelle. Par ailleurs, ils sont bien placés dans le texte : les jeunes générations sont en effet plus consommatrices de numérique que les autres, et elles nous demandent, à raison, de prendre les mesures qui s’imposent pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les dispositions proposées permettent aux jeunes générations, qui sont ouvertes aux technologies et sensibles à la cause environnementale, de faire le lien entre les deux.

Madame la rapporteure, vous affirmez qu’ils sont mal placés, et suggérez leur retrait au profit d’un autre dont nul ne doute qu’il est issu de vos rangs. Donnez à l’opposition constructive que nous sommes la satisfaction de voir ses arguments retenus dès lors qu’ils sont identiques aux vôtres !

La commission rejette les amendements.

L’amendement CS3590 de Mme Sylvie Charrière est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4916 de Mme Sira Sylla.

Amendements identiques CS1250 de Mme Maina Sage et CS3529 de M. Jimmy Pahun.

M. Antoine Herth. Mme la ministre a rappelé que le concept de biodiversité figure dans le texte proposé par le Gouvernement. Notre amendement vise à en préciser les contours, en accolant au mot « biodiversité » les mots « terrestre et marine ». Si la superficie terrestre de la France est inférieure à 1 million de kilomètres carrés, notre pays se classe deuxième pour la surface maritime, avec plus de 10 millions de kilomètres carrés. Il nous semble important de rappeler que la France héberge davantage de biodiversité en mer que sur terre.

M. Jimmy Pahun. Il s’agit de favoriser l’appropriation des notions relatives au développement durable que Mme la ministre appelle de ses vœux. Il ne faut pas oublier le rôle des océans dans le changement climatique, comme en témoignent les difficultés induites par la modification du Gulf Stream et l’importance du plancton dans le maintien de la biodiversité. Si le mot « marine » ne figure pas dans le texte, cette dimension sera laissée de côté. Je suis très heureux de présenter un amendement identique à celui déposé par notre collègue d’outre‑mer.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. En raison de l’importance qu’attachent nos collègues ultramarins à ces amendements, j’émets un avis de sagesse.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il est clair que la préservation de la biodiversité prévue à l’article 2 englobe la biodiversité terrestre et marine. Ces amendements tendent donc à alourdir le texte du point de vue légistique. Toutefois, consciente de leur portée symbolique pour les élus ultramarins, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

La commission adopte les amendements.

Amendements CS2951 de M. Serge Letchimy et CS2381 de Mme Justine Benin (discussion commune).

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de porter une attention particulière aux territoires ultramarins en adoptant une approche territoriale. L’objectif est de réserver une place importante aux enjeux ultramarins dans l’éducation à l’environnement et au développement durable. Je rappelle que les territoires d’outre-mer représentent 80 % de la biodiversité française, et qu’ils abritent une faune et une flore au caractère exceptionnel.

M. Bruno Millienne. L’amendement CS2381 vise le même objectif que les amendements identiques adoptés précédemment et l’amendement défendu par M. Jean-Louis Bricout. Nous sommes conscients que l’amendement est satisfait par le texte, mais il serait bon d’y insister aux yeux de nos collègues ultramarins.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Puisque cette précision, qui est redondante avec le texte, est importante aux yeux de nos collègues ultramarins, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement CS2381, dont la rédaction permet d’éviter la répétition de l’adverbe « notamment ». Je suggère le retrait de l’amendement CS2951 et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Notre préférence pour l’amendement CS2381 découle exclusivement d’une raison de forme, indépendante de leurs auteurs respectifs, tous deux admirables et respectables.

La commission rejette l’amendement CS2951 et adopte l’amendement CS2381.

Amendement CS3086 de M. Philippe Naillet.

M. Jean-Louis Bricout. Il vise à préciser que l’éducation à l’environnement et au développement durable inclut la sensibilisation aux impacts de la consommation des Français sur les enfants des autres pays. Certains produits destinés à la consommation des enfants sont conçus à l’étranger ou à partir de ressources issues de l’étranger, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’environnement des pays concernés et sur la scolarisation des enfants.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cette précision est incluse dans l’apprentissage des enjeux sociaux du développement durable, qui figurent à l’article 2. L’amendement est satisfait. J’en suggère le retrait et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je rappelle que l’éducation à l’environnement et au développement durable est fondée sur les objectifs de développement durable (ODD), notamment l’ODD 1 « Pas de pauvreté », l’ODD 2 « Faim "zéro" », l’ODD 4 « Éducation de qualité », l’ODD 8 « Travail décent et croissance économique », l’ODD 10 « Inégalités réduites » et l’ODD 12 « Consommation et production responsables ». L’amendement est donc satisfait. Par ailleurs, je ne suis pas certaine qu’une pédagogie reposant sur la culpabilisation des élèves soit une bonne façon de poser le problème de la surconsommation, mais nous pourrons en débattre ultérieurement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1364 de M. Sylvain Templier.

M. Sylvain Templier. Cet amendement vise à préciser les responsabilités de citoyen auxquelles il s’agit de préparer les élèves. Il semble intéressant d’indiquer qu’elles incluent, en matière de protection de l’environnement, des droits et des devoirs. La Charte de l’environnement comporte plusieurs articles en ce sens. L’article 2 dispose : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». L’article 4 dispose : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ». L’article 8 dispose : « L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte ». Il paraît donc cohérent de relier la notion de responsabilité de citoyen aux dispositions du bloc constitutionnel, tout en consacrant dans la loi l’importance éducative de la Charte de l’environnement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Tel qu’il est rédigé, l’article prévoit d’éduquer les élèves à la préservation de la biodiversité. Il répond donc à votre légitime préoccupation. Sa rédaction, volontairement générale et globale, ne peut tout préciser. Je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement part d’une bonne intention. Il est fondé sur la Charte de l’environnement et vise à substituer aux mots « et de les préparer à l’exercice de leurs responsabilités de citoyen » les mots « et vise à enseigner aux élèves leurs droits et devoirs en matière de protection de l’environnement, notamment ceux mentionnés par la Charte de l’environnement ». Si une telle précision semble utile, elle fait disparaître les notions de responsabilité et de citoyenneté, ce qui est dommage. En outre, elle ne porte que sur la protection de l’environnement, qui n’est pas le seul enjeu du développement durable. Je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS436 de M. Pierre Vatin, CS3576 de Mme Nadia Ramassamy et CS3786 de Mme Valérie Petit, et amendement CS 914 de M. Paul-André Colombani (discussion commune).

M. Pierre Vatin. Il s’agit de favoriser la végétalisation du bâti dans les écoles, notamment en milieu urbain, et le contact quotidien des enfants avec la nature. Une classe de ma circonscription, dont les élèves ont participé au Parlement des enfants, a rédigé une proposition de loi en ce sens, sans avoir connaissance de ce dont nous parlons aujourd’hui.

Mme Jennifer De Temmerman. Je soutiens totalement l’article 2, d’autant plus que je travaille sur la question de l’éducation à l’environnement et au développement durable depuis 2017, avec Mme la ministre comme avec ses prédécesseurs. Toutefois, la question du financement me semble laissée de côté. Quiconque a été gestionnaire d’un établissement scolaire sait qu’on ne dispose pas de beaucoup d’argent en matière de pédagogie. Dans cet article, l’État ne s’engage guère à la financer. En fin de compte, ce sont les collectivités locales, une fois encore, qui la financeront. Il me semble donc important d’inscrire dans la loi la végétalisation du bâti scolaire. Même si son financement est à la charge des collectivités locales, cela obligera l’État à prendre sa part au financement de ces activités nécessaires. J’ai d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet, dont je regrette qu’il ait été déclaré irrecevable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La disposition proposée constitue l’une des déclinaisons possibles de l’engagement pris à l’article 2. Elle n’est pas la seule. Par ailleurs, il ne me semble pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. De nombreuses collectivités locales sont d’ores et déjà engagées sur les enjeux de végétalisation du bâti scolaire. Il ne nous incombe pas de leur dire ce qu’elles doivent faire, d’autant moins que nous appelons souvent au respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. Au demeurant, elles jouent souvent un rôle précurseur. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il s’agit d’un exemple parmi d’autres de réalisation susceptible de favoriser l’obtention du label « École/Établissement en démarche de développement durable » (E3D). Même s’il s’agit de projets formidables, réalisés par des équipes très volontaires, je ne suis pas certaine qu’inscrire dans la loi tel ou tel type de projet, ou en mettre en valeur certains et pas d’autres, rende service à l’éducation à l’environnement et au développement durable. En outre, la végétalisation du bâti ne doit pas être limitée aux écoles, mais s’étendre aux collectivités locales et à d’autres acteurs. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Pierre Vatin. En l’espèce, il est évident que l’État doit prendre sa part en matière de financement. S’agissant des collectivités locales, il existe de nombreuses lois leur imposant des dépenses dans les écoles. Celle que nous proposons me semble particulièrement pertinente.

M. Hubert Wulfranc. Il me semble que nous nous engageons dans des débats complètement théoriques. Mme la rapporteure et Mme la ministre ont raison de dire qu’il s’agit d’une déclinaison de l’éducation à l’environnement et au développement durable parmi d’autres.

Surtout, comme le rappelait un élu local ce midi à la télévision, les programmes de sécurisation de nos établissements scolaires, qui sont particulièrement d’actualité compte tenu de la situation prévalant dans certaines communes, ne sont pas achevés, tant s’en faut, parce que les subventions de l’État manquent, comme elles ont manqué à l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (LADAPT) pour faire en sorte que la fameuse école inclusive devienne une réalité à temps dans nos établissements scolaires, et comme tant de programmes annoncés à grands frais à l’échelle nationale ne se concrétisent pas en raison du manque de moyens de nos communes ! Cet exemple ne constitue ni un reproche ni un jugement de valeur, il a vocation à donner le ton.

Faisons preuve de réalisme et de pragmatisme sur nos capacités d’incitation des interlocuteurs de terrain qui, malheureusement, sont souvent privés des moyens de mettre en œuvre des préconisations comme celles qui sont proposées ici. Si les gamins arrivent à faire un petit jardin autour du seul arbre qu’ils ont dans leur cour et à y planter deux ou trois poireaux dans l’année, ce sera déjà bien !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS1717 de Mme Chantal Jourdan et CS2817 de M. Pierre-Alain Raphan (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de préciser que l’éducation à l’environnement et au développement durable inclut l’apprentissage des gestes d’écocitoyenneté, y compris en matière de sobriété numérique. Je rappelle que l’intensité énergétique de l’industrie numérique augmente, à l’échelle mondiale, de 4 % par an, et que l’utilisation massive des outils numériques n’est soumise à aucune approche critique.

Mme Claire Pitollat. Il s’agit de sensibiliser les enfants, dès l’école primaire, à un usage écoresponsable du numérique, en enrichissant la formation aux outils et ressources numériques dispensée dans les écoles d’une sensibilisation à l’impact environnemental du numérique, et à la sobriété numérique. L’amendement CS2817 est le fruit d’un travail mené par des enfants : il reprend l’article 2 de la proposition de loi lauréate du Parlement des enfants en 2019.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je suis favorable à l’introduction des enjeux de sobriété numérique dans l’article 2. L’ajout d’un alinéa prévoyant une formation spécifique, issu d’une recommandation du Parlement des enfants qui plus est, me semble de bon aloi. Je suggère donc le retrait de l’amendement CS1717 au profit de l’amendement CS2817, sur lequel je donne un avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Introduire la sensibilisation à la sobriété numérique dans un article relatif à la formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques est une démarche qui présente du sens et de la cohérence.

L’amendement CS1717 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS2817.

Amendement CS4929 de Mme Annie Vidal.

M. Stéphane Travert. Nous souhaitons introduire dans l’article 2 la sensibilisation des élèves aux modes de production et de consommation favorisant le développement durable, notamment le commerce équitable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement est satisfait. Les questions relatives aux modes de consommation et aux modèles de production sont incluses dans les enjeux économiques du développement durable, qui figurent dans l’article. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements CS5212 de la rapporteure et CS2427 de M. Raphaël Schellenberger (discussion commune).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit de préciser le cadre dans lequel seront organisés les contenus enseignés à nos élèves. Même si cela va sans dire, cela va mieux en le disant ! L’amendement vise à compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Le ministère en charge de l’éducation nationale garantit les contenus, les modalités et la cohérence du déploiement de l’éducation à l’environnement et au développement durable dans le cadre scolaire ». Plusieurs de nos collègues se demandent comment les enseignements concernés seront déployés. Cette clarification est donc bienvenue. Je suggère le retrait de l’amendement CS2427 au profit du mien.

Mme Barbara Pompili, ministre. Madame la rapporteure, cela va certainement mieux en le disant ! Je suis favorable à votre amendement et suggère le retrait de l’amendement CS2427, sur lequel j’émets à défaut un avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. S’inquiéter de la capacité de l’éducation nationale à garantir les contenus enseignés me semble être une excellente idée. Chaque texte que nous examinons ou presque confie une nouvelle mission aux enseignants. Ils doivent sensibiliser les enfants à la lutte contre le gaspillage et aux gestes de tri sélectif, mais aussi à la laïcité.

Si tout cela doit être fait sans réviser les programmes, ou bien nous nous en tenons à un vœu pieux, ou bien nous manquons de respect aux enseignants, dont le temps de travail disponible est d’ores et déjà occupé. Il faut non seulement introduire dans le texte la notion de garantie, afin que l’éducation nationale s’assure que les programmes permettent aux enseignants, qui sont d’ailleurs très impliqués, à tous les niveaux, en matière d’éducation à l’environnement, d’appliquer les dispositions proposées, mais aussi faire en sorte qu’ils aient le temps nécessaire pour ce faire. À défaut, ou bien on leur manque de respect, ou bien on laisse penser que tout se décide entre deux réunions de cette assemblée.

Quand on prend ce genre de décision, il faut penser à ceux qui sont sur le terrain. Garantir les contenus est une bonne chose, s’assurer que les enseignants auront le temps de les dispenser est encore mieux.

L’amendement CS2427 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS5212.

Amendement CS2659 de M. Sylvain Templier.

M. Sylvain Templier. Dans nos sociétés de plus en plus urbaines, il arrive que les jeunes générations n’aient plus aucun contact avec la nature. Cela provoque un mal-être, qui a été conceptualisé sous l’appellation de « syndrome du manque de nature », et que les dispositions sanitaires en vigueur accentuent fortement.

De nombreuses initiatives locales visent à reconnecter les enfants et les jeunes à la nature : classes de nature, colos, stages proposés par des structures très diverses et reconnus pour la qualité de l’immersion dans la nature proposée aux enfants. Tout au long de son parcours de formation, en complément des modules d’éducation à l’environnement et au développement durable, chaque enfant pourrait valider une expérience de trente jours en immersion dans la nature, ce qui lui permettrait d’être outillé pour mieux comprendre les défis du changement climatique. Cette durée est celle retenue dans la mesure 12 de la stratégie nationale des aires protégées 2030. Un tel « passeport nature » pourrait être valorisé et conférer des points supplémentaires, par exemple pour l’obtention d’un diplôme.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je comprends très bien l’initiative, semblable à d’autres prises dans certains territoires. Comme des initiatives connexes, telles que le passeport de la citoyenneté, elle ne relève pas cependant du domaine de la loi. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’idée d’un « passeport nature » est intéressante. Elle s’inspire d’expériences en cours. Au demeurant, les outils de l’éducation nationale, notamment le vade-mecum pour l’éducation au développement durable (EDD), permettent de procéder à un suivi du parcours de l’élève en matière d’éducation à l’environnement et au développement durable.

Plusieurs problèmes d’application se posent. Il faudrait disposer d’un outil de suivi sur plusieurs années. Cela posera certainement un problème d’équité sociale, car les élèves n’ont pas tous le même accès à des classes vertes et à des stages nature, et alourdira la charge financière de l’éducation nationale. Nous pouvons réfléchir aux dispositions proposées, mais hors du cadre de la loi. Je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. L’intention de notre collègue est bonne, mais l’instauration d’un « passeport nature » obtenu en trente jours au cours d’une scolarité suppose de réviser les programmes, ou de scolariser ses enfants dans le Cantal afin qu’ils soient immergés dans la nature toute l’année. (Sourires.)

Mme Delphine Batho. Les propos de notre collègue sur le syndrome du manque de nature sont très justes. Être privé de toute relation à la nature, comme le sont de nombreux enfants, est une forme de déshumanisation, dont on sait qu’elle a des conséquences sanitaires graves. Je n’en citerai qu’une : l’augmentation spectaculaire, au cours des vingt dernières années, du nombre de cas de myopie, qui s’explique par une utilisation insuffisante de la vision de loin, et certainement aussi par l’exposition excessive aux écrans. Il en résulte des conséquences psychiques, s’agissant notamment des capacités de concentration. Je voterai l’amendement, non sans émettre une réserve : trente jours, à l’échelle d’une scolarité, ce n’est pas assez. Il faut que chaque enfant ait droit à une classe de nature par an.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS537 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à la reconnaissance des enseignements en plein air et sous forme de classe dehors comme partie intégrante de l’éducation à l’environnement et au développement durable. Il s’inspire d’un travail pédagogique mené notamment par Crystèle Ferjou, dans le département des Deux-Sèvres. Le contexte sanitaire provoqué par la pandémie lui a donné un écho accru. L’engouement qui en est résulté dans l’éducation nationale justifie la reconnaissance officielle de l’apport que constitue la possibilité de faire classe à l’extérieur, par exemple une fois par semaine. Bien entendu, des questions pratiques se posent, car il faut identifier les endroits propices, et des adaptations s’imposent.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Chère collègue, je vous renvoie à mes observations sur les enjeux théoriques et pratiques des connaissances qu’il s’agit de dispenser. Je considère que ce sujet relève de la liberté pédagogique des enseignants. Au demeurant, ils sont de plus en plus nombreux à tenter l’expérience. Il n’est pas nécessaire de la leur imposer. En outre, les dispositions proposées ne sont pas du domaine de la loi. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les dispositions proposées sont des consignes pédagogiques, ce qui les exclut du domaine de la loi. Il s’agit d’une démarche qui se développe. Encouragée par l’institution, elle a même fait l’objet d’extensions hors temps scolaire à l’occasion des vacances apprenantes et de l’école ouverte buissonnière mises en œuvre l’été dernier. Nous avançons sur ces questions. Toutefois, elles doivent être traitées à un niveau infralégislatif, car elles dépendent aussi de la conception des séquences pédagogiques, en lien avec le contexte d’enseignement et les notions abordées par l’enseignant. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4271 de Mme Barbara Bessot-Ballot.

Mme Nicole Le Peih. Il s’agit de compléter l’article 2 par un alinéa ainsi rédigé : « Sont notamment abordés les principes d’une alimentation durable et responsable, incluant la saisonnalité des produits consommés ». Il s’agit de rappeler explicitement qu’une alimentation durable, caractérisée notamment par la consommation de produits frais, locaux et de saison, est l’un des objets incontournables de l’éducation à l’environnement et au développement durable, en sus de l’éducation à la nutrition, abordée sous l’angle de l’éducation à la santé.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vous sais très engagée sur les enjeux de l’alimentation. Ils font pleinement partie de l’article 2, où figurent les enjeux environnementaux, sociaux et économiques du développement durable. Je suggère le retrait de l’amendement, qui est satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS909 de Mme Corinne Vignon.

M. Jean-Luc Fugit. Cet amendement vise à soutenir la sensibilisation des élèves à l’éthique animale. De nombreux experts – philosophes, chercheurs, juristes, vétérinaires, psychologues – soutiennent cette initiative.

Un tel enseignement permet d’apprendre aux enfants à considérer l’animal comme un individu doué de sensibilité, ayant des besoins biologiques et spécifiques. Il permet également de développer leur empathie à l’égard des animaux et de leurs pairs. De surcroît, les espèces animales, qu’elles soient terrestres ou aquatiques, sont des éléments essentiels de la biodiversité. Un tel enseignement a donc toute sa place dans la maîtrise des enjeux relatifs à la préservation de la biodiversité prévue à l’article 2. Par ailleurs, il offrirait l’occasion d’aborder la question du bien-être animal. Il faut soutenir et développer l’enseignement de l’éthique animale.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous connaissez ma sensibilité sur la question de la lutte contre la maltraitance animale, que je partage avec nos collègues Vignon, Rossi, Romeiro Dias, Cazebonne et O’Petit, cosignataires de l’amendement. Toutefois, je considère qu’il ne faut pas alourdir l’article 2. Les enjeux d’éthique animale trouveront leur place au sein de l’apprentissage de la biodiversité et de la lutte contre le changement climatique. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je partage l’idée qu’il faut faire connaître la notion de bien-être animal et accompagner l’évolution des mentalités à ce sujet. J’ai pris plusieurs décisions à cette fin, il y a quelques mois. Toutefois, je considère, comme Mme la rapporteure, que l’article 2 répond à vos préoccupations, et que l’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2952 de M. Serge Letchimy.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de porter une attention particulière aux territoires d’outre-mer, en réservant une place primordiale, dans l’éducation à l’environnement et au développement durable, aux enjeux locaux du changement climatique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons adopté plusieurs amendements à l’article 2 visant à préciser le rôle essentiel des outre-mer dans l’éducation à l’environnement et au développement durable. Le présent amendement est satisfait par la rédaction qui en résulte. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il était satisfait avant même l’adoption des amendements que vous évoquez, Madame la rapporteure. Il est donc doublement satisfait !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3950 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Madame la ministre, la disposition proposée vous est familière : il s’agit de l’une des recommandations figurant dans le rapport intitulé « Choisir une finance verte au service de l’Accord de Paris », que je vous ai remis. Elle découle d’un constat partagé par la plupart des acteurs du secteur financier : les compétences permettant d’analyser les conséquences du changement climatique sur les activités financières manquent.

En gros, les gens qui collectent, agrègent et réinvestissent l’épargne présentent un défaut de formation. Ils échouent donc à faire en sorte que le secteur financier s’engage dans la transition écologique et la finance massivement. Or quel est le vivier au sein duquel recrute le secteur financier, qu’il soit privé ou public ? Les écoles de commerce et les écoles d’ingénieurs. L’amendement propose donc d’introduire dans leurs cursus la formation au financement de la transition écologique et aux enjeux liés à la finance durable.

Je suis conscient de ne pas vous soumettre, du point de vue légistique, le bateau ivre des amendements. Je m’attends à ce que vous m’expliquiez qu’il n’a pas sa place dans le texte. Toutefois, si vous me disiez que nous pouvons travailler ensemble sur ce sujet essentiel d’ici à l’examen du texte en séance publique, je vous en serais infiniment reconnaissant.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vous invite à retirer l’amendement sinon j’émettrai un avis défavorable pour ne pas alourdir la rédaction du texte. Les établissements d’enseignement supérieur doivent conserver leur liberté pédagogique. Je suis certaine qu’ils ont lu votre excellent rapport et que vous saurez convaincre nos écoles de commerce de choisir une finance verte au service de l’Accord de Paris.

Mme Barbara Pompili, ministre. Votre excellent rapport traite d’un thème auquel je suis sensible. Le développement durable fait partie des objectifs et des missions du service public de l’enseignement supérieur. Ces enjeux mobilisent la jeunesse et il est important qu’ils aient toute leur place au sein des formations supérieures. C’est l’objet de la mission qui fut confiée au climatologue Jean Jouzel, l’année dernière. Cet amendement n’est pas le seul à concerner l’enseignement supérieur. Peut-être serait-il nécessaire d’y travailler ensemble avant la séance. Je vous invite à le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3087 de M. Philippe Naillet.

M. Guy Bricout. Cet amendement tend à ce que les conventions signées entre l’éducation nationale et les partenaires du monde professionnel soient rédigées en cohérence avec les objectifs de l’éducation à l’environnement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Par essence, toutes les conventions doivent respecter la loi et s’y conformer. Retrait ou défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Qui plus est, l’adoption de l’amendement réduirait aux seules conventions qui y sont listées le respect de cette obligation, excluant ainsi toutes celles signées avec des associations, ou entre d’autres ministères et divers organismes d’expertise. Retrait ou défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3702 de Mme Sophie Mette.

M. Bruno Duvergé. Cet amendement, travaillé avec l’association Climat’Optimistes, tend à apporter une reconnaissance à l’engagement des élèves et des étudiants. En effet, en 2019, plus de 200 000 jeunes ont manifesté en France leur volonté de répondre à l’urgence climatique, et nombre d’entre eux ont alors décidé de s’investir dans des mouvements ou des associations de jeunesse pour montrer qu’il est possible d’agir au quotidien pour un environnement sain. Toutefois, rares sont les universités qui considèrent l’engagement étudiant comme une partie structurante et intégrante de l’enseignement supérieur. Les dispositifs de reconnaissance de l’engagement étudiant gagneraient à être élargis à l’ensemble des universités, harmonisés à l’échelle nationale, et étendus aux écoles. La généralisation de l’attribution de points supplémentaires dans la moyenne générale des élèves et des étudiants inciterait davantage de jeunes Français à rejoindre des organisations engagées en faveur de l’environnement et du développement durable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Autant je comprends la volonté d’inciter les jeunes à se mobiliser en faveur de l’environnement, autant cette reconnaissance ne saurait se traduire par l’attribution de points supplémentaires dans la moyenne. Il serait sans doute souhaitable de sensibiliser encore davantage les jeunes à cette cause dans l’enseignement supérieur mais je ne pense pas qu’il faille prendre des mesures aussi précises. Retrait ou défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le sujet est intéressant et nous devons pouvoir proposer de nouvelles mesures. Des dispositifs existent mais ils diffèrent selon le public concerné. Un livret scolaire unique a été mis en place du primaire à la fin du collège. Le parcours citoyen s’adresse aux élèves du primaire au lycée. L’engagement des élèves est pris en compte par le jury lors de l’épreuve du baccalauréat. En revanche, il serait difficile d’appliquer les dispositions que vous proposez dans l’enseignement supérieur en raison de l’autonomie des établissements. Pour y parvenir, il faudrait en adapter les modalités aux différents cycles. Je vous invite par conséquent à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 2 ainsi modifié.

Après l’article 2

Amendement CS336 de M. Guy Bricout.

M. Guy Bricout. Il s’agit de modifier le code de l’éducation pour insérer, après le mot « humains », à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-1, les mots « de l’environnement et des êtres vivants qui le composent ».

Nous voulons faire de la protection de l’environnement l’une des valeurs prioritaires à transmettre tout au long du parcours éducatif des élèves afin de les préparer aux problématiques auxquelles ils seront confrontés au cours de leur vie. Nous voulons également développer un nouveau rapport à l’environnement et enseigner la notion d’interdépendance entre les êtres humains et la biodiversité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Votre préoccupation est satisfaite par l’article 2 que nous avons adopté. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

Mme Aude Luquet. Je voudrais élargir la proposition d’une formation au développement durable, de mon collègue Guy Bricout, à l’intégralité de la vie professionnelle sans la réserver au parcours éducatif des élèves. Nos modes de travail évoluent, comme en témoigne le développement du télétravail, la conception de nos bâtiments également. Nous avions déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable. C’est pourquoi je me permets d’intervenir sur le sujet en vous proposant de modifier en ce sens l’article L 6111-2 du code du travail.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS938 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Il s’agit d’afficher les objectifs de développement durable dans les établissements scolaires. Je vous invite à visiter le collège Vincent Van Gogh, à Blénod-lès-Pont-à-Mousson, très engagé en faveur du développement durable, et qui a affiché ces objectifs sur tous ses murs, ce qui marque fortement les élèves.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il est encore plus important d’intégrer les enjeux de développement durable dans les contenus enseignés, ce qui est prévu par l’article 2 que nous venons d’adopter. Cela étant, de nombreux établissements et de nombreux enseignants sont suffisamment engagés pour décider de les afficher, s’ils le souhaitent. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le choix d’une affiche dans les écoles ne relève pas du domaine de la loi. Cela étant, l’idée d’afficher ces objectifs, comme le sont la charte de la laïcité ou les paroles de La Marseillaise, est plutôt bonne et serait, paraît-il, à l’étude au sein de l’éducation nationale.

Mme Jennifer De Temmerman. Dès lors qu’on a pu voter pour l’affichage des paroles de La Marseillaise ou la présence du drapeau français dans les écoles, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas voter pour l’affichage des objectifs de développement durable, qui sont tout aussi importants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS259 de Mme Corinne Vignon.

M. Yannick Kerlogot. Il s’agit d’afficher dans les écoles une charte sur la préservation de la biodiversité, sur le modèle de la charte de la laïcité de 2013, afin d’apprendre aux enfants, dès leur plus jeune âge, les bons gestes. Cette charte, qui viserait à rappeler les règles pour préserver notre faune et notre flore, serait rédigée avec les acteurs compétents, les associations concernées, le ministère de l’éducation nationale et celui de la transition écologique et solidaire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement, là encore, est satisfait par l’article 2. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS936 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Cet amendement découle de mon travail sur l’éducation au développement durable. Je vous propose, par ce nouvel article, d’entériner la présence de l’éducation à l’environnement et au développement durable dans le code de l’éducation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’adoption de l’article 2 qui prévoit de déployer l’éducation au développement durable tout au long de la scolarité, quels que soient le niveau ou les spécialités. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Concernant l’enseignement secondaire et supérieur, nous y reviendrons pour la séance, comme je l’ai précisé à l’occasion d’autres amendements. Quant à votre souhait de sensibiliser les élèves au développement durable dès la maternelle, en cohérence avec l’instruction obligatoire dès 3 ans, je vous propose d’y travailler ensemble d’ici à la séance. En attendant, je vous invite à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1741 de M. Gérard Leseul et CS3835 de M. Pierre Venteau.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement vise à ajouter dans les principes généraux du code de l’éducation une mission de formation à la prise d’initiative et à la coconstruction de projets innovants en réponse aux grands enjeux de développement durable. Une telle mission aurait vocation à encourager les jeunes à coopérer avec une variété d’acteurs pour trouver et appliquer des solutions d’intérêt général, notamment en matière d’environnement.

M. Pierre Venteau. L’amendement a été élaboré en relation avec le collectif Nous sommes demain.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les actions menées pour favoriser l’esprit d’équipe, notamment par l’activité physique et sportive, ou la prise d’initiatives, relèvent de la liberté pédagogique de nos enseignants. En revanche, il est important de faire référence, dans les programmes, aux enjeux d’éducation à l’environnement et au développement durable. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3663 de Mme Yolaine de Courson.

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit d’adapter les formations à l’enjeu crucial du XXIe siècle que représente le rééquilibrage entre les protéines animales et les protéines végétales.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cette disposition relève du domaine réglementaire. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cette thématique assez pointue est déjà intégrée dans l’éducation à la santé, en particulier l’éducation à l’alimentation. Elle est importante mais pas assez générale pour faire l’objet d’un article spécifique dans la partie législative du code. Je vous invite à retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS3664 de Mme Yolaine de Courson.

Amendements CS528 de Mme Delphine Batho, CS3943 de M. Alexandre Holroyd, CS335 de M. Guy Bricout, CS3817 de M. Damien Pichereau et CS3501 de M. Matthieu Orphelin (discussion commune).

M. Matthieu Orphelin. Je présenterai l’amendement de Mme Batho et le mien. Il s’agit d’ajouter dans les missions de l’enseignement supérieur l’apprentissage des enjeux liés à la préservation de l’environnement et de la biodiversité, aux changements climatiques et à la sobriété de consommation. Alors que l’amendement de Mme Batho vise à remplacer le terme de croissance par celui de sobriété dans le cadre des missions dévolues au service public de l’enseignement supérieur, parallèlement à la compétitivité de l’économie, j’intègre directement la notion de sobriété dans l’intitulé des missions.

L’enseignement supérieur évolue mais pas suffisamment. Selon l’enquête réalisée par le collectif Pour un réveil écologique, seules 11 % des formations du supérieur abordent les enjeux climatiques, 26 % des écoles d’ingénieurs ne proposent ni spécialisation ni master en lien avec la transition écologique, une université sur sept déclare avoir imposé un cours à tous les étudiants sur les crises écologiques, un tiers forme les professeurs aux enjeux de la transition.

Sans porter atteinte à la liberté académique, nous vous proposons simplement de donner un cadre aux missions de service public de l’enseignement supérieur, comme cela s’est déjà fait pour le développement de la recherche ou l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement de précision tend à introduire la thématique du financement de la transition écologique dans les objectifs et missions de l’enseignement supérieur. En effet, le financement de la transition nécessitera des capitaux énormes.

M. Thierry Benoit. L’amendement CS335 tend à ce que le service public de l’enseignement supérieur contribue à la protection de l’environnement et des limites planétaires. À cette fin, chaque formation devra aborder les enjeux environnementaux relatifs aux limites planétaires propres au domaine d’étude, notamment les impacts du secteur sur l’environnement et les opportunités d’évolution, afin de préparer les futurs professionnels à la transition écologique en leur donnant les outils et les connaissances nécessaires à l’évolution du domaine étudié.

J’en profite pour vous faire une remarque concernant le déroulement de nos travaux, que je suis parfois obligé de suivre depuis mon bureau. Vous nous avez demandés, Madame la présidente, hier soir, en salle Lamartine qui compte une cinquantaine de places pour les soixante-dix députés de cette commission spéciale, de laisser libre un siège sur deux. Or, cet après-midi, nous sommes assis en rang d’oignon dans cette nouvelle salle, sans que cela semble poser la moindre difficulté par rapport aux règles fixées la veille.

Je sais que vous êtes consciente de nos conditions de travail, Madame la présidente, mais je voulais en informer ceux qui nous écoutent. Le groupe UDI et Indépendants compte deux parlementaires dans cette commission spéciale et nous ne pouvons être présents qu’en alternance, Guy Bricout et moi, ce qui nous pose problème car nous avons des amendements à défendre.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je suis clairement opposée au premier amendement présenté car, si l’on remplace le terme de croissance par celui de sobriété, on transforme la manière d’enseigner. Par ailleurs, je vous renvoie à l’article L. 123-2 du code de l’éducation que vous comptez ainsi modifier : je ne suis pas certaine que la sobriété assure la compétitivité de l’économie et la réalisation d’une politique de l’emploi qui prenne en compte les besoins économiques, sociaux, environnementaux et culturels. En tout cas, ce changement idéologique ne correspond ni à l’esprit du texte ni à la manière dont nous souhaitons voir l’éducation nationale s’adapter aux enjeux de la lutte contre le dérèglement climatique.

Concernant l’amendement de M. Holroyd, il est aujourd’hui fait mention des enjeux généraux de la transition écologique et du développement durable, et nous sommes convenus de renvoyer à la séance l’examen des dispositions relatives à l’enseignement supérieur.

Quant à l’amendement de M. Bricout est satisfait par l’article 2 qui concerne tous les niveaux de l’enseignement.

Avis défavorable à tous ces amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous sommes convenus de travailler ensemble, avant la séance, à une rédaction plus satisfaisante pour généraliser les enjeux de la préservation de l’environnement, de la diversité biologique et du changement climatique, dans l’enseignement supérieur. Surtout, la loi de programmation de la recherche, promulguée il y a à peine plus de deux mois, prévoit déjà que l’enseignement supérieur contribue à la sensibilisation et à la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable, ce qui comprend les grands débats autour de la croissance ou de la sobriété. Nous avons déjà une base mais il nous reste à réfléchir à la manière d’intégrer les différents souhaits que vous avez exprimés au travers de vos amendements. Je vous invite à les retirer.

M. Matthieu Orphelin. Je ne comprends pas les avis négatifs sur l’amendement CS3501, qui vise à reprendre une recommandation de Jean Jouzel, à qui la ministre a elle‑même fait référence puisqu’il a remis un rapport au Gouvernement, à la suite de la proposition de loi de Mme Batho, M. Villani, M. Orphelin, cosignée par quatre-vingts parlementaires, dont Mme Pompili. Mme Vidal elle-même a largement approuvé cette recommandation.

M. Loïc Prud’homme. Un gouffre idéologique sépare la réponse qui nous est apportée du fond de ces amendements. Une nouvelle fois, vous nous ressassez la vieille lune libérale selon laquelle la croissance apporterait l’emploi, ce qui est formellement démenti par l’histoire longue. Malgré une croissance ininterrompue, le chômage de masse n’a cessé d’augmenter, en effet.

Faut-il continuer à courir derrière une croissance infinie, dans un monde aux ressources finies ? Un élève de CE2 pourrait lui-même répondre que ce problème arithmétique est impossible à résoudre. C’est la quadrature du cercle.

Qui plus est, vous faites un raccourci sémantique en voulant nous convaincre que l’opposé de la croissance serait la sobriété : non, ce serait la récession, dont il n’est pas question ici. Quel que soit le nom qu’on lui donne, « décroissance » ou « a-croissance », la sobriété permet une transition porteuse de millions d’emplois, ce que le système libéral que vous défendez n’est pas capable de préserver ni de créer.

Mme Delphine Batho. Merci, Madame la rapporteure, d’assumer le clivage qui nous oppose. Soit on se fixe comme objectif de tendre vers le respect des limites planétaires, soit on favorise la croissance, mais il n’est pas possible de lutter contre le changement climatique, de préserver la biodiversité, de combattre la prédation et l’effondrement des ressources naturelles en poursuivant une politique de croissance économique assise sur la consommation d’énergies fossiles. C’est le cœur de notre clivage et la raison pour laquelle vous écartez délibérément toutes les propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui rompent avec la société d’hyperconsommation.

À la rigueur, cependant, je peux comprendre les raisons idéologiques qui vous conduisent à écarter mon amendement, mais pourquoi réservez-vous le même sort aux autres amendements ? Que faites-vous du manifeste des étudiants pour un réveil écologique, de l’appel des présidents d’universités, des chercheurs, de la mobilisation de la jeunesse pour le climat, pour que l’enseignement supérieur évolue et soit concerné par les dispositions que nous venons d’adopter dans les autres niveaux ? À chaque fois que les membres de la commission spéciale s’accordent sur la nécessité d’adopter certaines mesures, vous nous renvoyez à la séance publique ! Je ne suis pas d’accord ! Nous pouvons d’ores et déjà adopter l’amendement CS3501, quitte à l’améliorer en séance publique, pour que l’enseignement supérieur s’engage dans la lutte contre le changement climatique.

M. Alexandre Holroyd. Un fossé idéologique se dessine clairement. Mon amendement semble un bateau ivre, perdu dans une discussion commune qui tiendrait d’une anthologie de Beckett. Par conséquent, je le retire pour le retravailler d’ici à la séance avec la rapporteure et la ministre.

M. Guillaume Kasbarian. Passons sur la remarque méprisante de M. Prud’homme qui pense que nous n’aurions pas le niveau d’un élève de CE2. Nous devrions être capables de surmonter nos divergences idéologiques sans nous invectiver. Je n’ai pas signé, pour ma part, pour la théorie de la décroissance et je ne souhaite pas que l’on remplace le terme « croissance » par celui de « sobriété » ou de « décroissance ». Je crois à la croissance. Ce n’est pas d’un coup de baguette magique que nous produirons le véhicule, l’avion, le train, l’électricité, l’hydrogène de demain, mais par la croissance.

Ce n’est pas par la décroissance que nous redistribuerons les richesses ou lutterons contre la pauvreté et les inégalités.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je prie les représentants du Parlement de m’excuser car, manifestement, mon avis n’a pas été compris. Je suis d’accord pour que l’on intègre dans la loi ces enjeux au niveau de l’enseignement supérieur mais, dès lors que de nombreux amendements ont été déposés à ce sujet, la moindre des choses est de travailler avec leurs auteurs pour aboutir à la meilleure rédaction possible.

Par ailleurs, l’article 41 de la loi de programmation de la recherche dispose qu’il est inséré à l’article L. 123-2 du code de l’éducation nationale un 4° bis ainsi rédigé : « À la sensibilisation et à la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable ». La disposition existe déjà, voyons simplement comment mieux l’exprimer.

La transition écologique meurt de ces débats par invectives. Il n’y a pas d’un côté les vilains croissants et de l’autre les gentils décroissants. Personne, aujourd’hui, en dehors des plus fous furieux d’entre nous, ne prétend qu’une croissance absolue, qui ne tiendrait pas compte des limites de notre planète, serait durable. Ce n’est pas la position du Gouvernement, en tout cas. Au contraire, il agit pour que nos sociétés adaptent leur économie afin de limiter le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité. Nous développons ainsi des métiers qui préservent l’environnement et nous accompagnons la transition ou la fermeture des filières qui ne respectent pas ces principes, comme les centrales à charbon. Essayons de mettre fin aux anathèmes.

M. Matthieu Orphelin. Compte tenu des explications de la ministre, je retire mon amendement.

Les amendements CS3943 et CS3501 sont retirés.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement CS538 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Notre collègue a tenu ces propos très intéressants : « Je crois à la croissance ». En effet, c’est une croyance. Depuis des décennies, la croissance économique se traduit par une augmentation des inégalités et, en aucun cas, leur résorption. D’ailleurs, à l’échelle internationale, 10 % des plus riches sont à l’origine de 50 % des émissions de gaz à effet de serre. L’image d’Épinal que vous conservez des Trente Glorieuses est largement dépassée. Les réalités scientifiques sont toujours bonnes à rappeler même si elles sont difficiles à entendre pour certains.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Par cohérence avec l’amendement que nous avons précédemment rejeté, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS453 de M. Pierre Vatin.

Amendement CS1817 de M. François-Michel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. L’amendement vise à inscrire la sensibilisation à l’économie circulaire dans le parcours scolaire des jeunes élèves.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les enjeux de l’économie circulaire sont déjà prévus à l’article 2 qui vise les enjeux environnementaux, sociaux et économiques du développement durable. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1969 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à faire évoluer les programmes des enseignements technologiques et professionnels pour qu’ils prennent mieux en compte les enjeux du développement durable, étant entendu que ces filières peuvent jouer un rôle essentiel dans l’évolution du monde du travail.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même avis que pour les amendements précédents : je considère que la demande est pleinement satisfaite par l’article 2. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous sommes d’accord, Monsieur Bricout : les enseignements technologiques et professionnels doivent intégrer le développement durable. Cela dit, l’amendement me paraît satisfait. J’en demande le retrait.

M. Jean-Louis Bricout. À quel endroit précis du texte est-il satisfait ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article L. 335-8 du code de l’éducation, que vous proposez de modifier, comporte déjà une référence à « l’évolution de la société », ce qui permet de couvrir un champ très large, y compris les enjeux du développement durable. Par ailleurs, nous venons d’ajouter au code de l’éducation un article qui renforce ce dispositif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3498 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit de généraliser les enseignements relatifs à la consommation durable, à la préservation de ressources ou encore à la sobriété de la consommation dans toutes les études supérieures de communication, de marketing et de publicité. Ce sont des notions importantes et, nous l’avons vu ici même, certains confondent sobriété et décroissance, même si l’une et l’autre n’ont rien à voir. Certaines personnes aiment également à créer des clivages en opposant décroissance et croissance, alors que le débat devrait porter plutôt sur la post-croissance. J’invite ceux de nos collègues que ce terme fait rire à consulter les travaux de certains scientifiques français, notamment ceux de Dominique Méda.

Lors des travaux préparatoires autour de la proposition de loi visant à réguler la publicité, mes collègues et moi-même avions mené une enquête auprès de trente formations supérieures dans les domaines de la publicité et du marketing. Il apparaissait que 70 % des étudiants concernés n’avaient reçu aucun enseignement consacré à la transition écologique, à la sobriété ou à la consommation durable. Tous les acteurs que nous avions auditionnés à l’époque, y compris des représentants des écoles et des professionnels de la publicité, avaient trouvé notre proposition très intéressante : celle-ci faisait consensus. Nous la soumettons donc à votre vote.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vous ferai la même réponse qu’à M. Holroyd, qui demandait que les écoles de commerce proposent des enseignements relatifs à la transition écologique et à la finance verte. S’agissant de l’enseignement supérieur, il est préférable de renvoyer la discussion à la séance. Par ailleurs, il importe de respecter la liberté pédagogique des établissements, d’autant que ces derniers sont privés et que les étudiants font le choix de les rejoindre au travers de concours ou d’examens. Il ne me paraît pas souhaitable de leur imposer, à travers le code de l’éducation, la manière dont ils doivent organiser leurs enseignements. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. On en revient effectivement à la place que doit avoir la sensibilisation aux enjeux environnementaux dans l’enseignement supérieur en général. Il faut travailler à intégrer cette dimension comme étant un objectif de la formation supérieure, qui sera ensuite décliné selon les formations, en laissant le choix des modalités aux établissements. Je demande le retrait de cet amendement.

M. Thierry Benoit. Cet amendement m’interpelle. En effet, je mène actuellement, à la demande du président de la commission des affaires économiques, un travail d’évaluation faisant suite à la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements – en particulier les centrales d’achat internationales – dans leurs relations avec leurs fournisseurs, dont le rapport, rédigé par Grégory Besson-Moreau, a été adopté à l’unanimité. L’enjeu est de faire remonter de la valeur vers les producteurs. Si les commerciaux des centrales d’achat internationales étaient sensibilisés aux enjeux environnementaux, ce ne serait pas une mauvaise chose. Cela irait dans le sens des propositions de Grégory Besson-Moreau, qui préconisait notamment d’édicter une charte des bons comportements pour les commerciaux du secteur de la grande distribution et des centrales internationales. Cet amendement me paraît donc intéressant et je souhaite que mon groupe le vote.

M. Matthieu Orphelin. Merci pour votre soutien, Monsieur Benoit.

Madame la rapporteure, je ne partage en rien votre argumentaire : l’amendement ne porte absolument pas atteinte à la liberté pédagogique. C’est comme si vous disiez que le fait d’inscrire l’égalité entre les femmes et les hommes parmi les missions de l’enseignement supérieur entravait la liberté pédagogique. Cela n’a pas de sens. Tous les directeurs d’établissement, y compris de l’enseignement privé – car vous avez raison sur ce point : bon nombre de ces écoles sont privées –, sont favorables à cette modification, de même que les enseignants et les élèves. C’est un amendement qui ferait du bien à tout le monde, qui donnerait une impulsion positive. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous le refusez. J’espère donc que votre avis ne sera pas suivi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1859 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de promouvoir la sobriété numérique dans les instituts de formation des enseignants et des professeurs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons déjà intégré la question de la sobriété numérique à l’article 2, à travers un amendement adopté à l’unanimité. Pour le reste, les écogestes, par exemple, permettront aux enseignants de déployer l’éducation à l’environnement et au développement durable. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article L. 721-2 du code de l’éducation, mentionné dans l’amendement, prévoit déjà que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) « forment les étudiants et les enseignants à la maîtrise des outils et ressources numériques, à leur usage pédagogique ainsi qu’à la connaissance et à la compréhension des enjeux liés à l’écosystème numérique ». Il précise également qu’ils organisent des formations « au respect et à la protection de l’environnement et à la transition écologique ». Ces deux mentions intègrent implicitement les notions d’écogestes et de sobriété numérique. Votre amendement est donc satisfait, et j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. La notion de sobriété numérique n’est pas du tout incluse dans les dispositions de l’article que vous venez de citer. Jusqu’ici, les politiques publiques ont consisté à développer le numérique dans l’enseignement, à très juste titre, mais sans accorder une attention particulière ni à l’impact des écrans sur l’attention des enfants ni à la sobriété numérique. Il ne s’agit absolument pas d’interdire le numérique, contrairement à ce que certains ont prétendu hier pour caricaturer mes positions. Sensibiliser les enseignants à la notion de sobriété numérique au cours de leur formation permettra ensuite de toucher leurs élèves.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS531 de Mme Delphine Batho, amendement CS1739 de M. Guillaume Garot et amendement CS970 de M. Bertrand Pancher (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS531 traduit une proposition défendue notamment par France Nature Environnement. Le processus de la Convention citoyenne pour le climat a montré que le fait de donner accès aux informations concernant le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité constituait une étape essentielle pour provoquer l’action. En effet, une fois que l’on est informé de l’ensemble des problèmes, au-delà de son expérience individuelle, on a envie d’agir. Or quel programme d’éducation populaire permet, à l’heure actuelle, de faire à grande échelle ce qui a été fait pour 150 citoyennes et citoyens tirés au sort dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat ? Il n’y en a pas. D’où notre proposition, qui consiste à élaborer un plan national d’éducation et de sensibilisation aux enjeux liés à la transition écologique, qui ne serait pas limité au cadre scolaire. J’indique d’emblée que cette proposition est certainement perfectible.

M. Guillaume Garot. Nous proposons nous aussi la création d’un plan national d’éducation à la transition écologique. Certes, le rôle de l’éducation nationale est central en la matière, mais il existe aussi beaucoup d’initiatives émanant des collectivités territoriales, d’associations et d’organisations œuvrant dans le domaine de l’éducation populaire. Il convient de mettre en cohérence l’ensemble de ces actions, dans le cadre d’une démarche pluriannuelle. D’abord, cela donnerait une colonne vertébrale à l’éducation à l’environnement. Ensuite, ce serait plus efficace : quand un même message est transmis par des canaux différents, il pénètre mieux. Un plan national d’éducation à la transition écologique serait donc un levier très fort permettant de concrétiser nos ambitions communes.

Mme Jennifer De Temmerman. Beaucoup d’initiatives ont déjà été lancées dans les territoires, mais de manière dispersée, sans que les différents acteurs aient une vision claire de ce qui se fait à côté. Certains écodélégués avec lesquels j’ai eu l’occasion d’échanger récemment m’ont ainsi fait part de leur souhait de voir se constituer une sorte d’inventaire des actions susceptibles d’être engagées. Un grand plan national permettrait d’introduire de la cohérence.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous proposez d’introduire ce plan dans le code de l’environnement, alors que nous venons d’adopter, à l’article 2, une modification substantielle du code de l’éducation. Inclure l’éducation aux enjeux du développement durable et de l’environnement à tous les niveaux de scolarité, et quelle que soit la filière, comme nous l’avons fait, me semble plus efficace. Nous avons élaboré un cadre solide pouvant servir de base aux déclinaisons que vous appelez de vos vœux, notamment en relation avec les associations d’éducation populaire. Ces amendements sont donc satisfaits, et j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces amendements me plongent dans les affres de l’indécision. Sur le fond, je suis favorable à la planification : elle est nécessaire, notamment pour mettre en cohérence un certain nombre des politiques que nous conduisons. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je souhaite que l’on planifie mieux, par exemple, le développement des énergies renouvelables dans le cadre de l’application de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – il en sera question un peu plus loin dans le texte. Toutefois, la planification n’a de sens que lorsqu’il s’agit d’atteindre des objectifs chiffrés.

Je comprends le sens de ces amendements : vous souhaitez rassembler un certain nombre d’initiatives. Mais l’éducation à l’environnement ne me paraît pas relever de la planification. Il est plus intéressant de laisser vivre ces initiatives sans leur imposer un cadre trop strict. Du reste, les pays qui se sont essayés à des plans quinquennaux en matière d’éducation à l’environnement n’ont pas fait la preuve de l’efficacité de tels dispositifs.

En définitive, si vous adoptiez l’un de ces amendements, l’administration centrale devrait encore produire un document. Je crois davantage, en la matière, aux actions de terrain. Je vous demande donc de retirer ces amendements.

M. Hubert Wulfranc. Il y a un décalage majeur entre les réponses que vous venez de donner et la perspective du vaste débat national qui s’ouvrira autour des enjeux du développement durable si le Président de la République est autorisé à organiser un référendum.

Je n’ai pas d’avis particulier sur la forme que pourrait prendre un tel plan national d’éducation au développement durable – il pourrait être élaboré de manière descendante ou bien ascendante. Certes, l’éducation nationale serait intéressée à la question, mais les organisations d’éducation populaire auraient également un rôle à jouer ; elles trouveraient même là une thématique majeure, qui permettrait d’aborder, plus largement, la question du lien social et les enjeux de formation et d’accès à l’emploi. Quoi qu’il en soit, il y a là une idée que vous ne devriez pas évacuer comme vous l’avez fait : elle ne mérite pas des échanges politiciens.

M. Guillaume Garot. En somme, Madame la ministre, vous n’êtes « ni pour, ni contre, bien au contraire », comme disait Coluche… Cela ne fait pas avancer l’éducation à l’environnement.

Il n’est pas question d’imposer quelque planification que ce soit. Il s’agit simplement de mettre en cohérence les initiatives, dans une démarche pluriannuelle. Concrètement, cela voudrait dire que l’éducation nationale, à travers ses représentants, ouvrirait la porte au dialogue avec les collectivités territoriales, les grandes associations environnementalistes du pays et les organisations d’éducation populaire, de manière à avancer dans le même sens. Comme le dit le proverbe africain, il faut tout un village pour éduquer un enfant : le fait que des voix différentes transmettent le même message participe à l’efficacité pédagogique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Garot, vous ne voulez pas de planification, mais vous voulez faire un plan… La nuance est subtile !

M. Guillaume Garot. Cela n’a rien à voir !

Mme Delphine Batho. Nous entrons dans une décennie décisive : c’est maintenant qu’il faut agir. Or 50 millions de Français au moins ne sont pas en âge scolaire. Il faut leur donner accès à un certain nombre d’informations de base concernant le dérèglement climatique, car le changement dépend non seulement des politiques publiques et de l’action des entreprises, mais aussi de la mobilisation citoyenne.

Si nous proposons d’inscrire ces dispositions dans le code de l’environnement, c’est parce que le titre II de son livre Ier est intitulé « Information et participation des citoyens ». La Charte de l’environnement, quant à elle, dispose : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation de l’environnement. » Encore faut-il pour cela être informé. Or il n’y a pas de grande campagne de sensibilisation ; quant aux moyens donnés aux forces de la société civile pour faire du bottom-up, ils sont très limités. Certes, des actions sont menées, mais elles ne sont pas assez puissantes.

D’où nos propositions, dont les modalités peuvent être discutées. Mme la ministre a raison : ce plan ne doit pas prendre la forme d’un document officiel qui finirait dans un placard. Si vous considérez que la disposition doit être rédigée différemment, nous sommes prêts à la réécrire, mais vous devriez entendre la demande. Celle-ci est d’ailleurs défendue par la Convention citoyenne : ce qui a été fait pour 150 personnes doit désormais être fait pour tout le monde. Tous les Français doivent avoir accès à ces informations.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS220 de Mme Souad Zitouni.

M. Jean-Luc Fugit. Il s’agit de demander une évaluation des enseignements de la spécialité biologie-écologie, qui ne sont dispensés pour l’instant que dans les lycées agricoles. L’idée est aussi de voir dans quelles conditions cette spécialité pourrait être proposée dans le parcours de formation de tous les lycéens, quelle que soit la filière. Cela permettrait de mieux former l’esprit critique des élèves. Il importe en effet de sensibiliser les citoyens à l’environnement et au développement durable en se fondant sur des connaissances scientifiques et non sur des croyances.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je ne peux qu’approuver votre conclusion : il faut s’appuyer sur la science et non sur les croyances. Je sais que c’est un combat que vous menez ; nous le partageons. Toutefois, je suis réservée en ce qui concerne les demandes de rapport. Qui plus est, celui-ci porterait sur une seule spécialité, déployée seulement dans les lycées agricoles. Nous pourrions plutôt travailler avec le ministère concerné pour avoir des éléments concrets. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. La mise en place des enseignements de spécialité au sein du programme de formation des lycées, agricoles ou autres, relève du domaine réglementaire. Par ailleurs, la réforme du lycée offre à tous les élèves de la voie générale un large choix de spécialités. En outre, généraliser une spécialité donnée pour tous les lycéens de la voie générale serait contraire au cadre de cette réforme, qui consiste dans la construction progressive des choix d’approfondissement, avec trois spécialités en première puis deux en terminale. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Luc Fugit. La spécialité biologie-écologie n’est pas proposée dans les lycées généraux : c’est de cela qu’il s’agit en fait dans cet amendement. Je comprends très bien que cela relève davantage du domaine réglementaire que de celui de la loi. C’est la raison pour laquelle je retire l’amendement. Cela dit, la généralisation de cet enseignement est un enjeu extrêmement important : un certain nombre de débats, y compris ici même, montrent qu’il est urgent de permettre à tout un chacun d’acquérir un minimum de culture scientifique pour se déprendre des croyances.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3088 de M. Philippe Naillet.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de demander un rapport sur l’évolution des impacts environnementaux, la production de déchets, les taux de réussite scolaire et le coût pour les collectivités des classes ayant recours aux outils numériques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il y a beaucoup de choses dans cette demande de rapport, qui ne sont d’ailleurs pas toutes au même niveau. Je suis défavorable à cet amendement, ne serait-ce qu’en raison de sa rédaction : il faudrait sans doute préciser les éléments visés.

Mme Barbara Pompili, ministre. À ma connaissance, toutes les classes ou presque ont recours aux outils numériques. Par ailleurs, la formulation n’est pas claire. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Je retire l’amendement. Mon collègue Philippe Naillet le présentera peut-être de nouveau, dans une rédaction plus précise. Il visait certainement les conséquences du tout numérique dans l’enseignement.

L’amendement est retiré.

Article 3 (article L. 421-8 du code de l’éducation) : Comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement

Amendements de suppression CS395 de Mme Valérie Beauvais et CS4689 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.

Mme Valérie Beauvais. En quoi les modifications proposées dans cet article apportent-elles une plus-value par rapport à la rédaction actuelle de l’article L. 421-8 du code de l’éducation ? Celui-ci est ainsi libellé : « Le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté présidé par le chef d’établissement a pour mission d’apporter un appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion. Ce comité a pour mission de renforcer sur le terrain les liens entre l’établissement d’enseignement, les parents les plus en difficulté et les autres acteurs de la lutte contre l’exclusion. En liaison avec les axes du projet d’établissement, approuvés par le conseil d’administration, il contribue à des initiatives en matière de lutte contre l’échec scolaire, d’amélioration des relations avec les familles, en particulier les plus démunies, de médiation sociale et culturelle et de prévention des conduites à risque et de la violence. »

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Effectivement, on peine à voir le lien entre cet article et le dérèglement climatique. Ajouter une mission d’ordre environnemental au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté est un non-sens. L’éducation à l’environnement et au développement durable doit passer par l’enseignement ou par diverses activités organisées par l’établissement scolaire. Ajouter le développement durable aux missions du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, c’est essayer de colorer celui-ci en vert, mais cela ne répond pas aux difficultés que rencontrent les élèves, ce qui est pourtant l’objectif de cet organe.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet article a toute sa place dans le texte. Il vise en effet à ajouter l’environnement aux missions du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, complétant ainsi les dispositions que nous venons d’adopter à l’article 2. L’éducation est un enjeu fondamental si nous voulons que le titre Ier, consacré à la consommation, soit suivi d’effet. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces demandes de suppression de l’article 3 et les exposés des motifs qui les accompagnent témoignent d’une certaine méconnaissance des missions des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté. L’action de ces organes, qui ont été mis en place dans la quasi-totalité des établissements, ne se limite pas à la lutte contre l’exclusion. Leurs missions sont multiples, transversales, en rapport avec les difficultés de tous ordres que peuvent rencontrer les élèves et avec l’avenir de ces derniers. Une enquête conduite par la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) montre qu’environ 90 % des actions qu’ils mènent portent sur la promotion des valeurs républicaines et de l’égalité ainsi que la santé. Ils offrent donc un éventail large de réflexions et d’actions éducatives. Je m’oppose à la suppression de cet article.

Mme Valérie Beauvais. L’alinéa 5 de l’article 3 dispose : « Ce comité a pour mission d’apporter un appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion. Il renforce sur le terrain les liens entre l’établissement d’enseignement, les parents les plus en difficulté et les autres acteurs de la lutte contre l’exclusion. » En quoi cette formulation est-elle différente de celle que je vous ai lue il y a quelques instants ? Certes, l’alinéa 3 modifie l’intitulé du comité pour y ajouter le mot « environnement », mais la plus-value de cette disposition me paraît assez limitée.

Mme Barbara Pompili, ministre. La plus-value réside dans l’alinéa 7 de l’article : « Ce comité a également pour mission de favoriser les démarches collectives dans le domaine de l’éducation à l’environnement et au développement durable en associant élèves, familles et partenaires extérieurs. »

M. Jean-Marie Sermier. À l’article 2, nous avons inscrit les enjeux liés à l’environnement et au développement durable dans l’éducation des enfants, ce qui est parfaitement normal. L’article 3, en revanche, a une portée extrêmement restreinte, car les comités en question s’occupent pour l’essentiel de la lutte contre l’exclusion et des phénomènes de violence et de décrochage scolaire, ce qui ne concerne qu’une partie des élèves. Dans quelle mesure fait-on avancer la cause environnementale si l’on ne cible pas l’ensemble des élèves ? Tout au contraire, ce faisant, vous réduisez de manière drastique la portée de la mission définie à l’article 2.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS5211 rectifié de la rapporteure et sous-amendements CS5328, CS5329 et CS5327 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je propose une nouvelle rédaction de l’article, qui répondra peut-être aux interrogations que nous venons d’entendre. L’amendement vise en effet à préciser les nouvelles missions des comités. Ils auront ainsi « pour mission globale d’inscrire l’éducation au développement durable dans chaque projet d’établissement approuvé par le conseil d’administration ». Cette rédaction couvre bien la totalité des élèves.

Ils participeraient également « de la promotion de la santé, physique, mentale et sociale ». « Cette promotion intègre notamment des projets d’éducation à la sexualité et à l’alimentation et de prévention des conduites addictives. »

Nous ne retranchons donc rien de ce qui existe déjà, mais renforçons les comités en élargissant leur action à l’environnement et en précisant la manière dont chaque établissement devrait déployer son projet.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Le sous-amendement CS5328 est de cohérence. L’éducation à la citoyenneté et l’éducation à la santé ont autant leur place que l’éducation au développement durable dans la définition des missions du comité ainsi que dans le projet d’établissement.

Le sous-amendement CS5329 vise quant à lui à apporter une précision. En effet, la rédaction de l’amendement CS5211 rectifié limite la participation au comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement aux élèves, aux familles et aux partenaires extérieurs. Or d’autres acteurs participent au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté – je pense aux représentants des enseignants et des personnels des collectivités, mais aussi aux autres personnels de l’éducation ayant un rôle éducatif et social, ou intervenant dans le domaine de la santé. La philosophie des comités s’inscrit bien dans une démarche globale, qui fédère les acteurs au-delà des seuls élèves, familles et partenaires extérieurs. Il me semble donc préférable de faire référence à « la communauté éducative », notion rassemblant les élèves et tous ceux qui, dans l’établissement ou en relation avec lui, participent à l’accomplissement de ses missions.

Le sous-amendement CS5327 a trait aux comités interétablissements. La circulaire de 2016 relative aux comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté a décidé d’approfondir leurs missions et d’améliorer le dispositif en rendant possible la création de comités interdegrés et interétablissements, ce qui permet de disposer d’organes plus larges, à l’échelle de bassins de vie. Ainsi, davantage d’acteurs de milieux différents sont mobilisés – les collectivités notamment, mais aussi les acteurs associatifs et ceux de la santé publique. Les agences régionales de santé (ARS) conditionnent d’ailleurs l’octroi de subventions à l’existence de comités interétablissements. Je propose donc de faire de ces comités interétablissements la règle, ce qui n’enlève pas à chaque établissement la possibilité de faire vivre son propre comité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le sous-amendement CS5328 est de cohérence avec le reste du texte, j’y suis favorable. Le sous-amendement CS5329 porte sur la composition des comités. Ce sujet est réglé par des dispositions réglementaires que le projet de loi ne modifie en rien : avis défavorable. Quant au sous-amendement CS5327 qui veut donner la possibilité de créer des comités communs aux écoles et établissements d’un même bassin d’éducation, il est satisfait : il existe déjà des comités inter-établissements. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement CS5211 rectifié propose une nouvelle rédaction de l’article 3 qui précise les missions du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESC) et indique notamment que l’éducation au développement durable doit être inscrite dans chaque projet d’établissement approuvé par le conseil d’administration. Elle inclut par ailleurs des notions chères aux autres députés en matière de santé ou d’éducation à l’alimentation, si j’en crois les nombreux amendements déposés après l’article 3 sur ces sujets. J’y suis donc favorable.

Je suis également favorable au sous-amendement de cohérence CS5328. Le sous‑amendement CS5329, lui, veut supprimer la mention des élèves et des familles. Il me semble important de la conserver, car c’est un rôle très important des CESC que d’associer les élèves et les familles. La communauté éducative, elle, est bien évidemment partie prenante du comité. C’est pourquoi je vous propose le retrait de ce sous-amendement. Quant au sous‑amendement CS5327, il vise à établir un comité commun aux établissements d’un même bassin d’éducation. Il me semble au contraire que le CESC doit être piloté au plus près de la réalité du terrain, au niveau de l’établissement si nécessaire. Il est déjà possible de le faire au niveau du bassin, mais il me semble important de ne pas imposer une organisation qui ne serait pas forcément généralisable. Je propose également le retrait de ce sous-amendement.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. La communauté éducative, ce sont les enfants, les parents, les encadrants. L’expression est donc plus inclusive que la rédaction actuelle et permet de ne pas oublier un certain nombre d’acteurs qui concourent à l’encadrement et au développement de l’enfant. Il n’exclut pas l’enfant ni la famille, au contraire. Le sous‑amendement CS5329 est donc un sous-amendement de précision, qu’il serait dommage de ne pas adopter car il est plus juste d’un point de vue légistique. Par ailleurs, en matière de santé publique, et il en va de même pour l’environnement, plus une démarche est collective et plus elle a des chances d’être efficace. Le fait d’élargir les CESC, comme le propose le sous‑amendement CS5327, ne compromet donc pas le dispositif.

Mme Delphine Batho. Les enjeux d’éducation à la santé et à la sexualité sont essentiels, et ceux liés à la définition de la communauté éducative aussi. Je relève simplement le paradoxe qu’il y a à réformer les comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement dans ce texte tandis que d’autres dispositions capitales, sur la sortie des énergies fossiles par exemple, sont considérées comme hors sujet dans un texte sur le climat.

La commission adopte le sous-amendement CS5328.

Elle rejette successivement les sous-amendements CS5329 et CS5327.

Elle adopte l’amendement CS5211 rectifié sous-amendé.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé et les autres amendements sur l’article tombent.

Après l’article 3

Amendement CS1861 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. Il s’agit d’inclure dans la formation des ingénieurs en informatique un module sur l’écoconception des services numériques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même avis défavorable que pour les programmes de l’enseignement supérieur.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Le numérique est un enjeu majeur pour l’environnement, nous aurons l’occasion d’en débattre en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS278 de M. Martial Saddier et CS461 de M. Pierre Vatin, et amendement CS533 de Mme Delphine Batho (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. Les amendements identiques visent à promouvoir la sobriété numérique et les écogestes au sein des instituts de formation des enseignants et professeurs. Rien dans ce texte n’a trait au problème de la consommation de CO2 par le numérique, et il semble important de commencer à s’en préoccuper.

Mme Delphine Batho. Nous avons déjà discuté de la question après l’article 2. Mon amendement propose d’inclure la sobriété numérique dans la formation des enseignants, ce qui est une proposition de la Convention citoyenne pour le climat.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous en avons effectivement déjà discuté et mon avis reste défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces mentions figurent déjà dans l’article L. 721‑2 du code de l’éducation. En outre, à l’été 2020, les programmes ont connu un renforcement de la place de l’éducation au développement durable. On peut désormais y lire que l’enseignement de sciences et de technologies développe progressivement chez les élèves un regard critique sur les objets du quotidien s’agissant de l’impact engendré par leur création, leur utilisation et leur recyclage sur l’exploitation des ressources de la planète. Ces amendements sont donc satisfaits, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS452 de M. Pierre Vatin.

M. Julien Dive. Cet amendement vise à ajouter, dans la liste de l’article L. 712-2 du code de l’éducation, une formation à la santé environnementale et à ses enjeux. Cela doit devenir une partie intégrante et non négligeable de l’éducation des enseignants et professeurs du domaine de l’environnement et du développement durable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous en avons déjà parlé : cette question de la santé figure déjà dans le code de l’éducation. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements CS4002 et CS4003 de M. Patrick Mignola.

M. Bruno Millienne. Ce sont des amendements auxquels notre groupe tient tout particulièrement. Le premier propose de compléter le deuxième alinéa de l’article L. 110-2 du code de l’environnement par la phrase suivante : « Toute personne peut également remplir ce devoir, seule ou par contrat, par un engagement volontaire plus ambitieux que les exigences du droit en vigueur. » La démarche des engagements volontaires pour l’environnement correspond à l’une des manières d’exercer le devoir général de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. Cette démarche doit être encouragée et, à l’image des autres moyens d’exercer ce devoir, encadrée. L’essentiel n’est pas d’inscrire les mots « engagements volontaires pour l’environnement » dans le titre Ier du livre Ier du code de l’environnement, mais de compléter la définition du devoir général de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.

L’amendement CS4003 va plus loin en créant un titre X dans le livre Ier du code de l’environnement. L’idée est d’établir un cadre juridique précis pour la catégorie des engagements volontaires pour l’environnement. Dès l’instant où le législateur s’apprête à faire référence à ces engagements, la question n’est plus tant de savoir s’il faut créer un cadre juridique, mais lequel. Ce cadre juridique doit permettre principalement de définir ce qu’est et ce que n’est pas un engagement volontaire pour l’environnement, d’arrêter les principes d’élaboration de ces engagements et d’établir un régime juridique spécifique pour les engagements volontaires signés par l’État.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je comprends l’objectif, qui est d’ancrer dans la loi les engagements volontaires pour l’environnement et de leur donner un cadre. Néanmoins, il n’est pas besoin d’inscrire dans la loi le fait que des engagements volontaires peuvent exister et qu’ils peuvent être plus ambitieux que les exigences du droit en vigueur. De nombreux exemples d’engagements volontaires pour l’environnement se trouvent déjà dans un certain nombre de filières, comme celui que les acteurs de la chaîne logistique et du transport de voyageurs ont établi avec l’Agence de la transition écologique. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Pour ce qui est de l’amendement CS4002, je reconnais l’utilité des engagements volontaires lorsqu’ils sont cadrés, ambitieux et contrôlés. Cela permet l’émergence d’éclaireurs, de précurseurs sur les sujets environnementaux. Je m’interroge en revanche sur l’intérêt de faire figurer dans la loi le fait qu’on peut prendre un engagement volontaire : je ne vois pas de conséquence opérationnelle. Je demande le retrait de cet amendement.

L’amendement CS4003, lui, revient à donner aux engagements volontaires une valeur et une portée normative équivalente à ce que sont les conventions collectives de branche en matière sociale. Il s’agirait d’une innovation qui permettrait de crédibiliser les engagements volontaires visant la protection de l’environnement, et de garantir que la signature de l’État engage des contreparties pour les autres signataires. J’aurai particulièrement à cœur de vérifier que les contrats climat qui sont prévus à l’article 5 en matière de publicité font apparaître des garanties suffisantes en termes de transparence et d’indicateurs de résultat et de suivi – des garanties que tous les engagements volontaires qui impliquent l’État devraient à mon sens fournir. L’innovation que vous proposez pourrait cependant entraîner une insécurité juridique en matière de hiérarchie des normes entre loi et contrat. Je souhaite vérifier tout cela du point de vue juridique et vous demande donc à ce stade de retirer aussi cet amendement.

M. Bruno Millienne. Vous comprendrez que nous maintenions ces deux amendements – le second surtout, qui constituerait une véritable innovation. Même si nous ne parvenons pas à trouver un accord aujourd’hui, nous devons continuer à y travailler, et trouver une solution : c’est essentiel pour le texte que nous sommes en train de défendre.

La commission rejette successivement les amendements.

Chapitre II
Encadrer et réguler la publicité

Article 4 (articles L. 581-25-1 et L. 581-35-1 [nouveaux] et article L. 581-40 du code de l’environnement) : Interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles

Amendements de suppression CS149 de M. Michel Vialay, CS388 de Mme Valérie Beauvais, CS793 de M. Julien Dive, CS859 de M. Julien Aubert, CS2147 de Mme Laurence Trastour-Isnart et CS3139 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Michel Vialay. Cet article doit être supprimé parce qu’il est beaucoup trop imprécis. Il y est question d’interdire la publicité en faveur des énergies fossiles, mais sans préciser de quelles publicités il s’agit. Si les publicités consacrées aux véhicules qui utilisent ces énergies disparaissent, la conséquence sera directe sur les ventes d’automobiles, notamment françaises, ce qui fera d’autant moins de chiffre d’affaires pour les constructeurs qui doivent mener à bien la transition vers des modèles plus vertueux. Et puis, la publicité disparaîtra certes des médias nationaux, mais en aucun cas des réseaux sociaux. Nous allons donc amenuiser les recettes publicitaires des médias français – radio ou télévision, en particulier publique, ce qui aura un effet clair sur nos contributions fiscales – tout en donnant beaucoup de bonheur aux réseaux sociaux qui percevront ces recettes publicitaires.

Mme Valérie Beauvais. J’ajoute que cela privera aussi de recettes les associations sportives et culturelles, puisqu’au cours d’un match de foot par exemple, les publicités de voitures défilent au milieu des autres, ainsi que les collectivités locales, qui perçoivent la taxe locale sur la publicité extérieure.

M. Julien Dive. Je trouve un peu excessif de présenter cet article, dans l’exposé des motifs, comme la nouvelle loi Évin. Cette dernière visait à lutter contre des addictions, alors que les présentes dispositions concernent des problématiques en matière de mobilité ou de chauffage par exemple. Elles soulèvent surtout la question de l’accès aux alternatives aux énergies fossiles, ce qui est un sujet de base de la lutte contre le dérèglement climatique. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que la suppression de la publicité soit l’arme essentielle qui permettra de lutter contre ce dérèglement et d’assurer l’accès aux alternatives. Enfin, la rédaction est effectivement beaucoup trop large. On peut envisager d’interdire la publicité pour les énergies fossiles en tant que telles, pourquoi pas, mais la rédaction actuelle permet aussi d’imaginer l’interdiction de la promotion de producteurs, de réseaux de distribution, des opérations « prix coûtant » pour le carburant à la pompe… Non, c’est vraiment trop flou, et quand c’est flou il y a un loup.

M. Julien Aubert. Par principe, il me semble que le modèle de la loi Évin, de la prohibition, n’est pas forcément le plus porteur pour aborder un secteur économique. Aujourd’hui, les interdictions en matière de publicité sont essentiellement liées à des exigences de santé publique, et touchent des professions diverses. Il y a les médicaments remboursables, soumis à prescription médicale, les armes à feu, l’assistance juridique, et évidemment l’alcool et le tabac. Mais le CO2 n’est pas une pollution : c’est un produit naturel, c’est grâce à lui que les plantes produisent de l’oxygène – c’est la différence avec les autres émissions de particules. Vous voulez donc créer une interdiction légale de publicité à l’égard d’un secteur sans pouvoir la justifier par un impact direct en matière de santé publique, simplement parce que vous considérez que ce n’est pas un secteur à encourager. Il faudrait vérifier si cela tient la route d’un point de vue constitutionnel.

Cette interdiction serait de surcroît très large. Il y a pourtant une grosse différence entre les énergies fossiles : par exemple, le gaz émet 42 % de moins de CO2 que le charbon, et 26 % de moins que le pétrole. Le gaz est une énergie de transition, évidemment moins bonne qu’une énergie décarbonée mais tout de même meilleure qu’une énergie très carbonée. Penser qu’on peut basculer du jour au lendemain, en matière de transport ou d’habitat, dans un monde totalement exempt de carbone, c’est de la folie. Dans « transition énergétique », pour citer Brune Le Maire, il y a « transition ».

M. Jean-Marie Sermier. Nous n’avons vraiment pas la même conception de la politique environnementale. Pour nous, elle doit proposer des solutions : s’agissant des énergies carbonées, on pourrait donc imaginer qu’elle encourage plus fortement encore l’hydrogène, l’électricité décarbonée, les biocarburants, qui ne sont d’ailleurs pas abordés dans le projet de loi. Nous souhaitons encourager des politiques vertueuses qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et notamment le CO2. Vous, plutôt que d’encourager ce qui va dans le bon sens, vous voulez interdire ce qui ne serait pas bien, mais sans donner aucun moyen pour évoluer vers le mieux. Et comme vous n’êtes pas certains de vos résultats, vous rajoutez une couche en interdisant la publicité de ce qui ne vous plaît pas. Nous ne sommes pas favorables à cet article, et le fait qu’il y ait cinq amendements de suppression du groupe LR est révélateur. Nous aurions préféré un texte de proposition à un texte d’interdiction.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je voudrais dire le plus précisément possible pourquoi je soutiens l’article 4, et pourquoi je comprends certaines de vos réserves.

Nous faisons avec cet article un choix très clair, en lien avec la Convention citoyenne pour le climat, en faveur d’un changement de paradigme important. Nous prévoyons une interdiction de publicité dans certains cas, ciblée sur des secteurs dont personne ne peut ignorer leur impact sur le changement climatique. C’est notre conviction, mais c’est aussi une donnée scientifique prouvée et reconnue, qu’il paraît nécessaire de faire figurer dans une loi qui a trait aux enjeux du dérèglement climatique. Nous prenons, en pleine cohérence avec nos arguments sur la lutte contre le dérèglement climatique, des mesures justes, proportionnées et efficaces.

Mais oui, le champ d’application de l’article 4 mérite d’être précisé. Nous y avons travaillé avec le Gouvernement et je vous présenterai plus tard un amendement sur ce point. Le Conseil d’État nous y a clairement invités, au risque que l’article ne passe pas la barre du Conseil constitutionnel.

Cet article ne va pas faire disparaître, comme je l’ai entendu, toutes les publicités que vous avez citées. Il n’est notamment pas question d’interdire une publicité en faveur du secteur automobile. D’ailleurs la communication de ce secteur change : si le parc de vente des véhicules dits propres, électriques ou hybrides, ne représente que 16 % des ventes en France, ces véhicules représentent déjà une publicité télévisuelle sur deux, ce qui démontre la tendance, l’engagement et le changement qui sont déjà à l’œuvre.

Enfin j’avais moi-même évoqué la question du financement des médias. Nous devons tous être sensibles, à chaque fois que nous envisageons une interdiction en matière publicitaire, à ce qu’elle n’entraîne pas une baisse des recettes des médias qui ferait peser un risque important d’une part sur le pluralisme de l’information, pour des raisons évidentes, sauf à ne vouloir être informé que par le biais des GAFA – Google, Amazon, Facebook et Apple – et d’autre part sur la création cinématographique et audiovisuelle, dont on voit bien les turbulences qu’elle connaît.

Cet article 4 est donc juste et proportionné. Il permet de cibler des secteurs d’une façon que nous rendrons plus précise en cours de discussion. Il montre un engagement très clair du Gouvernement et de la majorité afin que la publicité s’implique de manière plus puissante dans la lutte contre le dérèglement climatique – elle le fait aussi avec des engagements volontaires. C’est pourquoi je serai à la fois contre les amendements de suppression et contre ceux qui élargiraient de manière disproportionnée le champ des interdictions, au détriment du financement de nos médias.

Mme Barbara Pompili, ministre. Une des motivations de ces amendements est le risque d’une perte de revenus pour le secteur automobile, la presse et les médias. Le Gouvernement est conscient de l’importance de la publicité pour les annonceurs, pour de nombreux secteurs de l’économie, dont l’automobile, et pour le financement de la presse et des médias. Toutefois la publicité reflète et influence nos modes de consommation : elle doit contribuer à les rendre plus vertueux, notamment en matière d’empreinte carbone.

À ce propos, j’ai entendu des choses qui m’inquiètent fortement. Qu’on fasse une distinction entre les émissions de gaz à effet de serre et les émissions de polluants, c’est une chose. Mais qu’on dise que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et donc le changement climatique ne sont pas des questions de santé publique, c’est vraiment grave. C’est aussi scientifiquement faux : le dernier rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a confirmé qu’il existait des preuves écrasantes que l’activité humaine agissait sur le climat de la planète et a souligné que cela avait de multiples incidences sur la santé humaine. Si vous voulez que je vous en lise des extraits, ce sera avec grand plaisir. Bref, basons notre travail sur des faits scientifiques, pas sur des idées ou des idéologies.

Le Gouvernement privilégie à ce stade, plutôt que des interdictions, une approche fondée sur l’information du consommateur, avec le développement du score environnemental et des engagements volontaires qui vont transformer les messages publicitaires. L’article 5 du projet de loi prévoit ainsi que des codes de bonne conduite sont promus par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce « contrat climat » comportera des engagements de l’ensemble des acteurs – médias, filière communication et annonceurs – qui permettront d’une part l’encadrement strict de certains messages ou produits, et d’autre part d’introduire une dimension positive en mettant en avant des produits et des comportements vertueux. Ils feront l’objet d’un suivi régulier et rendront la corégulation du secteur plus transparente. Pour finaliser un travail enclenché il y a plusieurs mois sur la nature et le contenu de ces nouveaux contrats, le Gouvernement a confié une mission à deux personnalités qualifiées, Agathe Bousquet et Arnaud Leroy.

En tout état de cause, l’article 4 ne vise que la publicité directe pour les énergies fossiles, il ne prohibe pas la publicité pour des produits qui les utilisent, comme les automobiles. L’amendement CS3894 qu’a annoncé la rapporteure, auquel le Gouvernement est favorable, lèvera toute ambiguïté sur ce point. Je suis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Matthieu Orphelin. Je suis évidemment très défavorable à la suppression de cet article. Le projet de loi est déjà très minimaliste sur ces sujets : on est loin d’une loi Évin sur le climat ! Les dispositifs des articles 4 et 5 sont très limités.

Il faut rappeler que la fameuse loi Évin sur le tabac n’a entraîné la mort ni de la pub, ni de la presse. Avant cela, c’est une loi de Simone Veil de 1976 qui la première a régulé la publicité sur le tabac : Jacques Séguéla avait expliqué alors que la loi n’avait pas à s’en mêler, que les politiques avaient tué beaucoup plus que le tabac, que tout cela allait être la mort de la publicité… ce qui n’a évidemment pas été.

Madame la ministre, la mission confiée à Arnaud Leroy et Agathe Bousquet, qui sont tous les deux très compétents, nous paraît arriver très tardivement dans l’examen de ce projet de loi. En tout état de cause, si l’article 4 ne concerne que la publicité directe sur les ventes d’énergies fossiles, ce n’est quasiment rien – quelques centaines de milliers d’euros par an, au mieux 1 ou 2 millions, pour les grandes centrales de publicité du pays ! Si c’est vraiment cela, nous sommes en train de faire un article pour les publicités sur les bouteilles de gaz. Cela prête à rire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cet article illustre très bien la philosophie de notre projet de loi. Certains amendements veulent le supprimer, d’autres aller beaucoup plus loin : je crois que nous avons trouvé un équilibre qui permet d’éviter ces deux excès. Nous ne voulons pas faire comme si de rien n’était : il faut interdire la publicité pour ces énergies, dont on connaît l’impact. Il ne s’agit pas que de quelques millions ou dizaines de millions de publicités, Monsieur Orphelin, mais d’un symbole extrêmement fort pour commencer à interdire ce type de produits. Mais il ne faut pas non plus tomber dans le piège de vos propositions, qui est d’expliquer aux Français ce qu’ils doivent acheter ou non, de les prendre par la main pour tous leurs achats… Avec cet article et le suivant, nous incitons les filières à progresser d’elles-mêmes, à prendre des engagements, à suivre un chemin vertueux. Nous n’en restons pas à la punition, nous voulons la mobilisation de tous pour arriver à nos objectifs.

M. Thierry Benoit. Mon sentiment est que cet article 4 va dans la bonne direction. Il nous rappelle d’abord qu’une énergie fossile n’est pas inépuisable, ce qu’il est important de le faire comprendre à nos concitoyens. Elle a aussi une empreinte écologique, ce qui était un des axes forts de la Convention citoyenne pour le climat auquel le projet de loi fait suite. Elle a aussi un bilan carbone plutôt négatif. Certes, comme le dit Julien Aubert, le bilan carbone du gaz est meilleur que celui du charbon, mais l’ensemble n’est guère positif. Sensibiliser nos concitoyens en restreignant la publicité est donc la bonne trajectoire. Enfin, il me semble qu’un décret est pris sous l’autorité du ministre et que si tout va bien, il doit être pragmatique. Il faut commencer par une orientation et resserrer les dispositions au fil du temps pour arriver à supprimer complètement à terme la publicité concernant les énergies fossiles.

M. Dominique Potier. Tout ça pour ça ! Je me demande s’il fallait faire un article. C’est comme si la loi Évin interdisait la publicité pour les cigarettes mais l’autorisait pour les paquets. C’est à peu près le même ridicule. Par ailleurs, s’en remettre à de la comitologie et à des expertises alors que le Parlement a montré plusieurs fois sa volonté de se saisir de ce sujet a tout de même quelque chose d’un peu humiliant.

Nous sommes devant une question très importante. La publicité, selon la racine latine, cela sert à rendre public. Or nous avons laissé la puissance privée rendre publics des messages qui créent pour nos imaginaires une forme de servitude marchande. Sommes-nous prêts en tant que puissance publique, en tant que démocratie, à réguler ces messages dès lors qu’ils nuisent à la planète ou à la santé humaine ? L’article 4 ne répond pas du tout à cette question. Êtes-vous prêts à entendre des amendements qui ouvrent des voies de régulation pour rééquilibrer la puissance publique et la puissance privée, autrement dit pour refaire une démocratie ?

M. Julien Dive. Oui, Madame la ministre, la lutte contre les gaz à effet de serre est un sujet de santé publique, mais la comparaison avec la loi Évin n’est pas valable. La loi Évin veut lutter contre des addictions, le tabagisme, avec tous les cancers qu’il provoque, et l’alcoolisme. Ce dont nous parlons aujourd’hui, c’est d’accès à des solutions énergétiques. On connaît bien, depuis le 17 novembre 2018, les problématiques de l’accès de nos concitoyens à certaines énergies non fossiles et du coût que cela représente ; on a bien compris aussi qu’il fallait un effort. Il faut une transition qui permette d’accompagner les citoyens vers de nouvelles pratiques. En revanche, je ne suis pas certain qu’une interdiction permettra à nos concitoyens les plus précaires d’accéder à des énergies alternatives. Madame la ministre, puisque vous dites que le dispositif est ciblé, pouvez-vous nous donner un exemple de publicité que vous souhaitez interdire avec cet article ? Les bouteilles de gaz, ou l’affichage d’un sponsor sur un maillot ?

M. Hubert Wulfranc. Le rapporteur général, écoutant les réactions des oppositions, en conclut que ce texte est équilibré. Je lui fais remarquer, et cela vaut de manière générale dans ce projet de loi, que les codes de bonne conduite, que l’autorégulation confiée aux groupes industriels n’ont pas démontré leurs résultats. Ainsi, la charte alimentaire qui a été adoptée en 2009 procurait aux industriels la faculté d’engagements volontaires. Or on constate, notamment dans une étude de Que Choisir, que douze ans après, ce sont encore les scores D et E qui prédominent dans l’alimentation destinée aux enfants. Sans parler de l’article du Monde sur les cantines de Marseille, qui sont sous la tutelle d’un groupe de restauration bien connu. On ne peut pas faire confiance aux industriels : il faut encadrer la publicité sur les énergies fossiles – car il ne s’agit que de publicité, il n’est pas question d’interdire une quelconque vente !

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4438 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Je propose d’interdire les messages publicitaires relatifs aux produits les plus polluants, dont l’alimentation industrielle ultratransformée fait partie. L’article 4 ne concerne que la publicité sur les énergies fossiles.

Le groupe La France insoumise a déjà fait plusieurs propositions en ce sens. Nous avons proposé d’interdire la publicité pour les voitures les plus polluantes lors de la discussion du projet de loi sur l’orientation des mobilités, en 2019, et celle sur le transport aérien intérieur lors des débats sur le projet de loi sur l’économie circulaire. J’ai également déposé une proposition de loi visant à libérer l’espace public de la manipulation publicitaire en septembre 2020. Toutes ces propositions ont été rejetées, et désormais, ce sont les propositions de la CCC qui sont enterrées par la majorité.

L’urgence climatique réclame une rupture nette. Il ne peut y avoir de transition écologique rapide et populaire sans la disparition de cette emprise cognitive que les multinationales ont construite depuis des décennies. Les Français y sont prêts : selon un sondage BVA pour Greenpeace France, 65 % seraient favorables à l’interdiction des publicités pour les marques contribuant au changement climatique. Nous pouvons ainsi faire d’une pierre deux coups : libérer nos villes et nos esprits de la publicité agressive et intrusive, et réduire les émissions de gaz à effets de serre en limitant les incitations à une consommation débridée de produits néfastes pour l’environnement, et souvent pour notre santé.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable. Vous proposez d’élargir considérablement le champ de l’interdiction de la publicité en l’étendant aux véhicules polluants, aux trajets aériens, aux bouteilles d’eau en plastique ou aux téléphones portables. Je ne souhaite pas étendre à l’infini les interdictions de publicité. D’ailleurs, vous n’expliquez pas comment les conséquences sur les médias seraient compensées. Or je suis particulièrement attachée à la pluralité de l’information, et je ne doute pas que ce soit aussi votre cas.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement partage l’objectif poursuivi par cet amendement, mais pas les moyens proposés pour l’atteindre.

L’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles touchera par exemple celle qui a occupé une pleine page d’un journal du dimanche il y a trois semaines, qui annonçait : « C’est aussi grâce au fioul qu’on ne passera pas la moitié de l’hiver dans le noir. »

Les codes de bonne conduite promus par le CSA formeront un contrat climat qui comportera des engagements de l’ensemble des acteurs – médias, filière communication et annonceurs –, afin de strictement encadrer certains messages. L’expérience nous fait préférer cette solution aux interdictions, que nous estimons préjudiciables au financement des médias. C’est pourquoi nous attendons les conclusions de la mission confiée à Arnaud Leroy et Agathe Bousquet, qui doivent collecter les propositions d’engagements volontaires des acteurs de la filière. Ces engagements devront garantir des progrès concrets et une véritable évolution des publicités. À défaut, le législateur pourra prendre des mesures plus contraignantes. Les interdictions que vous proposez semblent disproportionnées, présentent des risques pour l’économie et préemptent les initiatives en cours. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme. La publicité ne concerne qu’une minorité des entreprises : moins de 600 – soit 0,02 % du total – qui représentent 85 % des dépenses engagées.

L’argument sur le modèle pluraliste de l’information est l’arbre qui cache la forêt, et revient à défendre le statu quo. Le modèle de l’audiovisuel n’a pas toujours été celui que nous connaissons et n’est pas gravé dans le marbre. Il a été aliéné aux publicités, dont certaines ont des effets délétères sur nos vies. Il faut remettre en question le financement de l’audiovisuel. Cela relève d’une volonté politique : soit nous maintenons son aliénation à des industriels qui vendent des produits néfastes à nos vies et à l’environnement, soit nous prenons des mesures pour que la pluralité que vous brandissez comme un étendard soit assurée par l’État.

M. Matthieu Orphelin. Ne mésestimons pas le rôle de la publicité. Elle se définit comme le fait d’exercer une action psychologique pour inciter un consommateur à acheter un produit ou un service. C’est très important. Les dépenses de publicité se sont élevées à 34 milliards d’euros en 2019 et sont en hausse de 2 % par an depuis 2015. Bien sûr, il faut prendre en compte l’effet de la crise. Peut-être les interdictions pourraient-elles prendre effet dans deux ou trois ans ? En tout cas, nous devons indiquer une trajectoire. La publicité pour les voitures représente 4,3 milliards d’euros en 2019, en majorité pour les SUV. Il est normal dans de telles conditions que les consommateurs aient acheté ce type de véhicule pendant des années.

Madame la rapporteure, quelle part des 34 milliards d’euros de dépenses publicitaires annuelles sera touchée par la rédaction retenue de l’article 4 ?

Mme Véronique Riotton. La majorité se réjouit de la mission qui a été confiée à Agathe Bousquet et Arnaud Leroy. Nous attendons beaucoup de ces éléments factuels dont nous tiendrons compte dans les amendements que nous déposerons en vue de l’examen de ce texte en séance qui commencera le 29 mars. À quelle date les conclusions de cette mission vous seront-elles remises, et comment comptez-vous informer le Parlement ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Notre intention est bien d’éclairer le Parlement. Je ne connais pas la date de remise précise, mais je m’engage à ce que vous disposiez des résultats de la mission à temps pour déposer des amendements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4351 de M. Mounir Mahjoubi.

M. Mounir Mahjoubi. Cet amendement est technique, mais il s’agit d’assurer la survie de cet article. Ainsi rédigé, il est inopérant. Les critiques du Conseil d’État étaient très violentes, tant sur sa forme que son intégration au code de l’environnement. Si vous mettez des ailes de papillon à un cheval, vous n’aurez pas une licorne !

Il faut que l’article soit inséré dans le bon chapitre du code de l’environnement.

La rédaction actuelle l’incorpore au chapitre consacré à la police de l’environnement sur la publicité, à destination des maires. Il ne concerne qu’un seul support : la publicité par affichage dans l’espace public. Et il n’a qu’un seul objectif : assurer la protection du cadre de vie.

Je propose simplement la création d’un chapitre qui rappelle l’objectif de préservation du climat et précise que les tous les supports publicitaires sont concernés, pas uniquement ceux définis aux articles L. 581-2 et R. 581-1, qui ne portent que sur l’affichage publicitaire sur voie publique. Faute d’adopter cet amendement, tout ce que vous déciderez sur le fond de l’article sera sans effet. Cet amendement ne porte pas sur l’étendue de l’interdiction, il a simplement pour objet de la rendre possible.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je persiste à penser que la place donnée à cet article au sein du code de l’environnement est la bonne. Le code de l’environnement ne traitait initialement que des publicités visibles à l’extérieur pour des raisons évidentes, mais ça ne limitera pas la portée de cet article, qui s’appliquera aux publicités dans les médias écrits ou audiovisuels. C’est tout l’enjeu de cet article. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Mahjoubi, les licornes n’ont pas forcément d’ailes, il est important de le préciser ! (Sourires.)

Le Gouvernement propose aujourd’hui une base de travail, qui devra être complétée suite aux engagements pris par les différents acteurs de la publicité. Votre amendement invite à légiférer plus avant : ce n’est pas la voie que nous avons retenue. Je vous demande donc de le retirer, sinon j’émettrai un avis défavorable. Mais je confirme que le texte devra être amélioré pour garantir que les publicités prendront en compte les enjeux du développement durable.

M. Mounir Mahjoubi. Je n’ai pas été convaincu par nos échanges sur le sujet. Les modifications que vous apporterez devront concerner tous les éléments que j’ai cités. Vous ne répondez pas à mes observations sur l’objectif du chapitre Ier du titre VIII, ni sur les définitions de l’article L 581-2 : aucune modification n’est proposée à cet égard.

Qu’il n’y ait aucune ambiguïté : je soutiens cet article et je veux le sauver. Ce n’est pas un amendement d’opposition ; vous connaissez mon soutien à votre action.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS2715 de M. Matthieu Orphelin et CS4609 de M. JeanCharles Colas-Roy, et amendements CS411 de Mme Valérie Beauvais. (Discussion commune).

M. Matthieu Orphelin. J’appuie la ministre : les licornes n’ont pas toujours d’ailes !

Plus sérieusement, la mission confiée à Arnaud Leroy et Agathe Bousquet soulève deux problèmes. Le premier porte sur les délais. Leurs travaux viennent de commencer, vous vous engagez à ce que nous disposions des résultats à temps, mais vos collègues de Bercy feront-ils de même ? Le rapport promis aux députés sur les impacts environnementaux, sociaux et économiques du commerce en ligne a été remis depuis trois semaines aux sept ministres concernés, dont vous faites partie, mais il est bloqué par Bercy. La situation devrait se dénouer, mais trop tard pour alimenter les travaux de notre commission. J’ai du mal à comprendre pourquoi, sur tous les sujets importants de ce texte – rénovation énergétique, commerce électronique et publicité – les rapports seront remis après l’examen en commission.

Second problème : vous dites que si les engagements volontaires sont insuffisants, nous légiférerons. Nous avons reçu hier les engagements globaux de la filière communication sur le climat, ça ne casse pas des briques. Dans quel texte pourrons-nous corriger ces engagements s’ils ne sont pas assez forts ?

M. Jean-Charles Colas-Roy. Nous pouvons décider une trajectoire d’encadrement de la publicité plus volontariste, sans nous limiter aux énergies fossiles. Je détaillerai mes propositions à l’amendement CS5061.

Mme Valérie Beauvais. L’amendement CS411 propose de modifier le titre de la section 6 du chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l’environnement pour qu’il se lise : « Publicité sur les produits et services ayant un impact excessif sur le climat ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les amendements CS2715 et CS4609 proposent de modifier le titre de la section 6 pour mentionner « les produits et services ayant un fort impact négatif sur l’environnement ». Or les termes retenus dans le projet de loi – « impact excessif » – répondent à cette préoccupation. Je demande le retrait de ces amendements ou j’émettrai un avis défavorable.

Monsieur Orphelin, nous avons tous demandé que les conclusions de la mission Bousquet-Leroy soient remises avant la séance, pour que nous puissions en prendre connaissance et intégrer au texte les propositions pertinentes.

S’agissant de la modification proposée par l’amendement CS411, j’y suis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable aux amendements CS2715 et CS4609.

Je suis adepte de la transparence, très importante pour éclairer le débat démocratique. Le rapport sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux du commerce en ligne aurait dû être publié depuis longtemps, nous nous employons à déboucher les canaux pour que vous puissiez en prendre connaissance avant nos débats en séance publique.

S’agissant du rapport Bousquet-Leroy, je me suis engagée à vous le remettre avant le terme du délai de dépôt des amendements. Il n’était pas possible de procéder à cette étude plus tôt car il a été décidé de laisser la possibilité aux acteurs de prendre des engagements volontaires exigeants, qui pourront être contrôlés et sanctionnés. Il faut maintenant collecter ces engagements – c’est le travail de fourmi réalisé par Arnaud Leroy et Agathe Bousquet. Nous avons de premières remontées intéressantes. Nous vous fournirons ces éléments le plus tôt possible.

En ce qui concerne l’amendement CS411, avis favorable.

M. Matthieu Orphelin. Les efforts de transparence de la ministre sur le rapport consacré à l’impact du commerce en ligne ne sont manifestement pas partagés par tous ses collègues. Nous comptons sur elle pour que l’intégralité du rapport soit rendue publique, et pas simplement son résumé.

La transparence sur les engagements des différentes filières est à saluer. Pourrons‑nous en avoir connaissance au fur et à mesure de leur transmission, ce qui nous permettrait de travailler en avance ?

L’amendement CS4609 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS2715, et adopte l’amendement CS411.

Amendements identiques CS942 de Mme Jennifer De Temmerman, CS1030 de M. Loïc Dombreval et CS1753 de M. Dominique Potier.

Mme Jennifer De Temmerman. Cet amendement propose de rendre contraignante la recommandation « développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), organisme privé d’autorégulation des professionnels du secteur.

Nous respectons ainsi l’engagement du Président de la République de reprendre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qui a inséré cette mesure dans sa proposition C.2.2.5.

M. Dominique Potier. Nous souhaitons élargir le champ de l’interdiction à toutes les publicités qui ont un effet néfaste sur l’environnement et le développement durable.

Je suis en train de compiler les budgets consacrés par l’ADEME à la communication et l’éducation. Nous consacrons, toutes actions confondues, 6 milliards d’euros à la prévention en santé publique, tandis que 31 milliards sont attribués au financement de la publicité. Je pense que cette disproportion sera doublée sur la question du climat.

Le groupe Socialistes et apparentés propose d’étendre l’interdiction de publicité à tous les produits néfastes à la santé humaine et de la planète, et d’instaurer un système de taxation faisant porter la responsabilité aux annonceurs qui promeuvent des produits entraînant des émissions de carbone, au nom de l’équilibre et de la justice dans notre république et sur la planète.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit d’un sujet essentiel, qui doit aboutir dans le cadre de ce projet de loi : définir le greenwashing de manière à sanctionner les manquements à son interdiction éventuelle. Votre amendement visant le code de l’environnement, alors que nous travaillons à des modifications du code de la consommation, j’émettrai un avis défavorable.

En tout cas, nous travaillons à une rédaction en vue de la séance et je suis disposée à associer tous les députés qui ont proposé des amendements sur ce sujet afin de parvenir à une formulation commune.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Orphelin, transmettre les engagements des acteurs de la publicité au fil de l’eau n’est pas une bonne idée. Mieux vaut disposer d’une vision globale pour juger si les engagements sont suffisamment exigeants. Les très bons engagements pris par une filière ne doivent pas entraîner la décision si les autres filières ne font pas le travail.

La recommandation de l’ARPP de ne pas diffuser de publicité contraire aux engagements de développement durable est excellente, et elle la fait respecter avec ses méthodes, qui ne sont pas inefficaces. Si nous voulons revoir ce mécanisme, nous devons l’étudier dans son ensemble, c’est pourquoi j’attends les conclusions de la mission Bousquet‑Leroy.

La commission rejette les amendements.

5.   Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 21 heures

Article 4 (suite) (articles L. 581-25-1 et L. 581-35-1 [nouveaux] et article L. 581-40 du code de l’environnement) : Interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles

Amendement CS4671 de Mme Céline Calvez

Mme Céline Calvez. Nous sommes plusieurs à ne pas être satisfaits des modalités de l’interdiction prévue à l’article 4. Quant aux engagements volontaires des professionnels, que l’article 5 permet d’encadrer, ils sont très nombreux ces temps-ci, et peut-être seront-ils suivis d’effet, mais on sait que leur soudaine multiplication est liée à l’échéance législative qui nous occupe.

Nous avons beaucoup exploré l’éventualité d’un Éco-score ou d’un score carbone permettant d’apprécier le caractère nocif pour l’environnement d’un produit ou d’un service, et mesuré combien il est difficile de le mettre en œuvre aujourd’hui. Nous nous laissons donc quelques années avant d’y recourir.

Mais lorsque nous pourrons en disposer, quelles conclusions en tirerons-nous ? L’affichage environnemental, l’information du consommateur, qui misent sur la confiance accordée au citoyen, sont très importants. Mais si l’Éco-score d’un produit le révèle véritablement nocif, pourquoi se contenter de le pointer du doigt par l’affichage, pourquoi ne pas en interdire la production, la vente ou, à défaut, la publicité ? A contrario, si un produit ou un service a été suffisamment amélioré, s’il est devenu beaucoup moins émetteur de gaz à effet de serre (GES), pourquoi ne pas en faire la promotion ? Après avoir consacré autant de temps et d’énergie à élaborer un Éco-score, pourquoi nous contenterions-nous de l’afficher ? Pourquoi pas un système de bonification et de malus ?

Nous proposons ainsi un changement de paradigme, en complément des engagements volontaires des professionnels, ainsi qu’un suivi annuel par les parlementaires de l’application de la mesure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. Il est, en effet, important de tirer les conclusions de l’article 1er qui va permettre la création de l’affichage environnemental, notamment en matière de publicité.

L’affichage environnemental a certes pour but d’éclairer le consommateur, mais celui-ci reste libre de ses choix – nous avons beaucoup parlé de libre arbitre à propos des articles 2 et 3. Nous ne souhaitons donc pas que l’affichage environnemental débouche sur l’interdiction de la publicité pour certains produits, et encore moins de leur vente. D’ailleurs, quel serait l’intérêt d’avoir prévu un affichage environnemental dans les publicités si l’on supprimait celles-ci ? N’étendons pas le champ des interdictions déjà prévues sous peine de fragiliser certains secteurs dépendants des recettes publicitaires. Ne touchons pas au précieux équilibre de l’article 4. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. L’amendement reprend une idée des membres de la Convention citoyenne pour le climat : établir un score carbone et interdire la publicité des produits pour lesquels il serait mauvais.

Le Gouvernement a choisi une autre option : travailler avec les différentes filières et avec les annonceurs pour susciter des engagements volontaires dont le respect sera contrôlé et dont les conditions seront affinées d’ici à la séance. Dès lors, il ne peut qu’être défavorable à l’amendement. Nous verrons, à la lumière des conclusions de la mission Leroy-Bousquet, si l’orientation que nous avons choisie promet d’être suivie d’effet, et nous en reparlerons en séance. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian. L’affichage environnemental donne des éléments au consommateur pour qu’il prenne sa décision. De ce point de vue, il ne serait pas cohérent d’étendre l’interdiction touchant les énergies fossiles. D’autant que l’interdiction se fonderait sur un score environnemental multi-critères dont on ne sait pas encore ce qu’il recouvre : légiférer dans ces conditions est problématique.

En outre, le dispositif serait défini par décret et, sur cette base, on interdirait la publicité pour les biens et services ayant un impact jugé excessif sur l’environnement ; mais excessif par rapport à quoi, à partir de quel seuil ? Que les parlementaires se dessaisissent ainsi du sujet pour laisser un futur gouvernement, en 2026, faire ce qu’il veut à partir d’un indicateur inconnu et décider ce qui est excessif ou non poserait un problème d’équilibre des pouvoirs et de contrôle parlementaire des règles en vigueur. Ne nous exposons pas au risque d’enfreindre la liberté de publicité et d’entreprise sur des fondements aussi flous et dans une perspective aussi éloignée.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement a ceci de très intéressant qu’il vise à quantifier l’impact des produits, en lien avec la publicité.

Quel est le montant de recettes publicitaires en jeu dans l’article 4 ? Un calcul rapide permet d’évaluer sa cible à 0,1 % du total des publicités. Le confirmez-vous ?

Combien de tonnes de CO2 par an le même article permettra-t-il d’économiser d’ici à 2030 ? Ce sont 2 millions de tonnes dont nos amendements vous proposeront de faire l’économie, avec des élasticités prix et publicité classiques.

Mme Véronique Riotton. L’amendement a le grand avantage de donner du sens à l’article 1er. Celui-ci arrête le principe d’un affichage environnemental destiné à éclairer le consommateur dans ses décisions d’achat. Puisque nous devons changer notre façon de consommer et de produire, c’est un signal important adressé à ceux qui mettent les produits sur le marché et à ceux qui les consomment. D’où l’intérêt de cette articulation entre affichage environnemental et implication du secteur publicitaire.

Nous avons encore un peu de temps avant le rapport, puis la séance publique. Des intentions d’engagement se manifestent, mais quel a été le chemin parcouru depuis le rapport Libaert paru en juin dernier ? À en juger par les publicités encore diffusées, il n’est pas à la hauteur des attentes.

Je voterai l’amendement pour progresser sur cette voie d’ici à la séance.

M. Jean-Marie Sermier. Si l’on prend un peu de distance, on s’aperçoit que tout le monde a raison dans cette affaire, mais que nous ne disposons pas de la technique permettant de résoudre le problème. M. Orphelin l’a dit, il faut mettre progressivement fin à la publicité pour les énergies émettrices de CO2 ; mais, comme l’a souligné M. Kasbarian, on ne peut donner à un gouvernement futur un chèque en blanc concernant des éléments que nous connaissons mal, qui n’ont pas fait l’objet d’une appréciation technique, qui ne sont pas scientifiquement certains et qui engagent des décisions politiques. De grandes entreprises qui vendent des carburants fossiles ont aussi d’autres activités ; va-t-on supprimer leur nom des maillots de l’équipe de football locale ?

Si, sur le fond, nous sommes d’accord, sur la forme, l’amendement ne va donc pas. Nous regrettons de ne pas avoir su vous convaincre de supprimer l’article 4 pour le retravailler. Je vous invite néanmoins à y réfléchir d’ici à la séance, sans trop y croire, et surtout pour l’avenir de l’entreprise France.

Mme Cendra Motin. Voici la position du groupe La République en marche. Depuis plusieurs mois, nous parlons beaucoup de la publicité et de l’éventualité d’utiliser un score environnemental. Mais le problème, ce n’est pas la publicité, simple vecteur de communication : ce sont, le cas échéant, les produits. Le score environnemental, fondé sur des informations fiables et vérifiables, fournira des informations au consommateur pour qu’il puisse faire un choix éclairé. L’enjeu n’est pas d’interdire la publicité – la moitié des publicités pour des voitures concernent des véhicules électriques ou hybrides, qui ne représentent pas du tout la moitié du marché. L’acte d’achat relève de la liberté du consommateur, dont nous souhaitons évidemment tous qu’il soit un consommacteur.

Imaginons que l’on fonde sur le Nutri-score un régime d’interdiction équivalent : il deviendrait interdit de faire de la publicité pour les sardines à l’huile, alors qu’il n’est pas mauvais d’en manger de temps en temps.

Monsieur Orphelin, on ne sait pas non plus combien de tonnes de CO2 le plan national d’éducation à l’environnement et au développement durable va permettre d’économiser. Il s’agit de changer les mentalités, de changer de culture, et tout n’est pas évaluable au sens où vous l’entendez. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de reparler de vos évaluations.

M. Dominique Potier. Selon l’ADEME, le montant des dépenses publicitaires représente 2,3 % de celui des dépenses des Français. Et puisque vous parlez du Nutri-score, madame Motin, sachez que, d’après certaines études, on consacre 500 fois plus d’argent à la publicité pour des produits notés D ou E qu’à la prévention en santé publique en matière d’alimentation. Vous pouvez toujours nous conter la légende de la liberté des consommacteurs : foutaises ! La vérité, c’est que nos imaginaires sont dominés par l’influence de la publicité, et que, plus on subit la précarité et la pauvreté économique, sociale et culturelle, plus on est dépendant d’une puissance privée qui ne nous incite guère à vivre sainement.

Dans ce contexte, l’innovation que propose Mme Calvez est tout à fait intéressante. Monsieur Kasbarian, vous ne vous êtes nullement ému du fait que la taxe carbone soit fixée par décret, sans aucune précision sur les filières qui seront prioritaires dans les années qui viennent ni sur la question de savoir qui, de Bercy, du MEDEF ou de l’Association française des entreprises privées (AFEP), va les identifier. Mais que l’on envisage la possibilité, en 2026, de taxer ou de limiter certaines publicités sur le fondement d’un score carbone au nom de la santé de la planète et des personnes, et là, vous réagissez. Il y a vraiment deux poids deux mesures !

Le rééquilibrage entre puissance publique et puissance privée s’impose si nous voulons faire des citoyens et des hommes libres, et refaire démocratie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement est intéressant, mais prématuré. On ne peut pas passer à l’interdiction avant d’avoir précisément défini l’Éco‑score.

Du point de vue opérationnel, on ne peut pas interdire la publicité pour les voitures de la même manière que celle pour le tabac, car ce n’est pas pour les voitures qu’elles vendent le plus, ni pour les plus polluantes que les marques font le plus de publicité.

Ensuite, pourquoi une telle méfiance envers les Français, de tels doutes quant à leur intelligence ? Ils seraient dominés, ne seraient pas maîtres de leur destin, dites-vous. Donnez‑leur l’information, faites-leur confiance, et ils choisiront. C’est ce qu’ils veulent. Leur consommation le montre, notamment dans le domaine alimentaire. Ils évoluent tous les jours. Faisons donc le pari de l’intelligence avant d’en venir à l’interdiction.

M. Alexandre Holroyd. Je suis d’accord. Que s’agit-il d’interdire exactement ? L’amendement ne le dit pas. Quels paramètres utilisera-t-on ? On en délègue le choix au Gouvernement, comme l’a dit Guillaume Kasbarian, et même, si je comprends bien l’amendement, à des organismes non gouvernementaux !

Du point de vue pratique, les constructeurs automobiles produiront certainement, à l’avenir, des véhicules acceptables eu égard à l’indicateur et d’autres qui ne le seront pas. Le recours à l’indicateur amènera-t-il à interdire la promotion de la marque elle-même ?

L’amendement est sympathique, mais n’indique ni ce qui sera interdit, ni qui en décidera.

Mme Delphine Batho. Les Français sont intelligents, c’est vrai ; cela n’a pas empêché de considérer que, pour des raisons de santé publique, il fallait interdire la publicité pour le tabac et réguler celle pour l’alcool. Et savez-vous de quoi se faisaient traiter les partisans de l’interdiction à l’époque ? D’ayatollahs de la santé publique ! Le même mot que celui qu’a utilisé le Premier ministre la semaine dernière en réunion de groupe, paraît-il…

Mme Christine Hennion. On se trompe en comparant ce qui est proposé ici à la loi Évin. À l’époque, la question était la même qu’aujourd’hui : faut-il interdire le produit ou la publicité ? Mais, dans le cas du tabac et de l’alcool, l’interdiction du produit risquait de créer un marché noir et de susciter des trafics ; ce risque n’existe pas du tout dans le cas qui nous occupe. Ce sont donc bien certains produits qu’il faudra peut-être en venir à interdire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS4440, CS4442, CS4441 et CS4443 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme. Le rapporteur général et M. Holroyd regrettaient que l’amendement précédent ne dise pas précisément ce qui allait être interdit. Mon amendement CS4440 devrait les satisfaire, puisqu’il vise très clairement à interdire la publicité pour les véhicules les plus polluants, ceux qui émettent plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre.

Comme l’a rappelé Dominique Potier, les marques savent très bien influencer nos choix de consommation ou de non-consommation, en faisant passer pour indispensables des biens ou services totalement inutiles ou superflus et en nous persuadant que la sobriété n’est pas une solution et qu’il est possible de consommer sans cesse davantage sans altérer la quantité de ressources disponibles ni la qualité de l’environnement.

Les investissements du secteur automobile dans la publicité et la consommation ont été estimés à 4,3 milliards d’euros en 2019, dont 5 % seulement sont consacrés aux gammes de véhicules électriques – et non la moitié, contrairement à ce qui a été affirmé. C’est autant d’argent qui n’est pas investi dans la recherche en faveur de la transition écologique. Il est impossible de préparer la conversion du parc automobile à des modes moins polluants et le développement des transports en commun si la publicité continue de vendre aux citoyens le mythe de l’accomplissement individuel et de l’épanouissement personnel par l’acquisition de véhicules à motorisation thermique.

L’amendement CS4442 vise à interdire la publicité en faveur des bouteilles en plastique jetables. On produit 1 million de bouteilles en plastique par minute dans le monde ; en France, 9,3 milliards de litres d’eau en bouteille plastique jetable ont été bus en 2018. Or seuls 49 % des 25 millions de bouteilles jetées quotidiennement sont recyclés, et les bouteilles en plastique et leurs bouchons font partie des dix déchets que l’on retrouve le plus sur nos plages. Ce n’est pas un problème mineur !

L’amendement CS4441 porte sur la publicité en faveur des vols aériens. En effet, il ne pourra y avoir de transition écologique rapide – alors que c’est urgent – si nous ne nous défaisons pas de l’emprise cognitive que les multinationales ont établie depuis des décennies par ce type de publicités. Nous proposons donc d’interdire celles qui sont les plus problématiques pour la transition écologique : pour des vols particuliers entre deux villes situées en France métropolitaine ou pour des offres de voyage incluant des vols internationaux longs courrier dans le cadre de séjours de moins d’une semaine.

Chaque jour, nous voyons en moyenne 1 200 à 2 200 messages publicitaires et nous subissons 15 000 stimuli commerciaux. Comment les Français pourraient-ils se faire un avis indépendant de ce bombardement publicitaire et cognitif, monsieur le rapporteur général ? Selon un rapport de juin 2020, ce matraquage a pour but non pas d’adapter la marchandise aux besoins réels de l’individu, mais, au contraire, d’accorder ces besoins à l’objectif d’accumulation infinie de marchandises.

Enfin, l’amendement CS443 vise la publicité pour les téléphones portables. On en vend 25 millions chaque année en France, et 50 smartphones par seconde dans le monde. L’empreinte environnementale et le coût social de cette accumulation et de cette rotation rapide sont considérables : il faut 70 kilogrammes de matière première pour fabriquer un seul smartphone, soit 583 fois son poids ; ces appareils sont faits de métaux souvent rares, voire issus de zones de conflit, comme le cobalt ou le tantale, extraits à 80 % en République démocratique du Congo. Selon l’UNICEF, 40 000 enfants travaillent à ces extractions.

Mais la main-d’œuvre dédiée à la fabrication ne pèse que quelques euros dans le coût final de ces téléphones qui nous arrivent par milliers par porte-conteneur et par avion, de sorte que l’empreinte écologique est concentrée à 90 % dans la fabrication et le transport. De plus, elle augmente d’année en année. Sur les 47 millions d’iPhone vendus en 2010, seuls 10 % ont été recyclés. Pire, la plupart des fabricants, Apple et Samsung en tête, collent ou soudent les batteries à l’intérieur du téléphone pour compliquer l’entreprise déjà très ardue de recyclage.

À cela s’ajoute l’obsolescence programmée, matérielle et logicielle : 88 % des téléphones qui sont remplacés fonctionnent encore, selon l’ADEME. C’est toujours le bombardement publicitaire qui nous pousse à nous séparer ainsi d’appareils en état de marche.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous avez divisé en quatre amendements celui que vous nous aviez précédemment présenté d’un seul tenant ; mon avis reste défavorable.

Concernant les bouteilles d’eau en plastique, vous proposez d’en interdire non seulement la publicité, mais également la distribution gratuite, ce qui ne serait pas de bon aloi en période de canicule. Quant à l’interdiction des vols entre deux villes situées en France métropolitaine ou des offres de voyage incluant des vols internationaux, je doute qu’elle soit pertinente pour nos territoires d’outre-mer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons qu’à propos des amendements précédents : tenons-nous en à la méthode que nous avons décidée ; tout ce qui préempte les résultats de la mission et les conclusions que nous pourrions en tirer est incompatible avec elle.

M. Bruno Millienne. La gauche et l’extrême gauche ont bien changé en quelques décennies. En 1968, il était interdit d’interdire ; aujourd’hui, il est autorisé d’interdire tout ! Quelle belle société vous nous préparez, monsieur Prud’homme : j’en salive déjà !

Concernant le secteur automobile, vous devriez mieux vous renseigner : la norme Euro 7, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025, est très contraignante et de nombreux constructeurs pensent déjà arrêter la production de véhicules à moteur uniquement thermique à énergie fossile pour ne plus mettre sur le marché, dès cette date, que des véhicules hybrides et électriques, ce qui devrait vous ravir. La fatwa contre les constructeurs automobiles, ça suffit : ils ont pris le virage ! Il y a encore des progrès à faire ; mais votre société de l’interdit, au groupe MoDem et Démocrates apparentés, on n’en veut pas !

M. Matthieu Orphelin. Puisque l’intelligence des citoyennes et des citoyens a été convoquée, permettez-moi de rappeler les dernières études d’opinion : 88 % d’entre eux pensent que les entreprises incitent à la surconsommation au moyen de la publicité, 80 % que la publicité sur les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre devrait être régulée, et 75 % sont favorables à une restriction ou à une interdiction de la publicité pour les voitures les plus polluantes. Les Français savent donc très bien qu’il faut réguler la publicité. Logiquement, les mesures dans ce domaine sont parmi celles qui ont été le moins bien notées par les 150 de la Convention citoyenne, car pas assez nombreuses.

La publicité va à l’encontre du libre arbitre puisqu’elle agit sur des processus neurobiologiques de stimulation et de récompense. Les travaux de recherche, notamment ceux de Mehdi Khamassi, du CNRS, ont montré que son efficacité est liée à un conditionnement basé sur la répétition : après une quinzaine d’expositions, l’envie de consommer est suscitée, même si l’on sait que le produit est néfaste.

M. Loïc Prud’homme. Je reconnais l’esprit toujours très mesuré et élégant de notre collègue Bruno Millienne. La caricature, ce n’est pas son genre !

Il s’agit bien, à travers ces amendements, de nous libérer d’une emprise cognitive, de permettre à chacun et à chacune de retrouver la liberté, chère à une précédente génération, de choisir sa trajectoire de vie. Il ne s’agit pas d’interdire. Votre positionnement politique, à vous, est constant, qui cherche à servir les intérêts particuliers de ceux qui veulent sans cesse nous vendre plus de biens et faire du profit, au détriment de la planète et de notre santé.

Mme Delphine Batho. Quelle spectaculaire défense du consumérisme !

Dans son avis, le Haut Conseil pour le climat (HCC) indiquait : « De nombreuses mesures portent sur des périmètres d’application restreints, couvrant une part insuffisante des activités émettrices de gaz à effet de serre en France. Par exemple, l’article 4 visant à réguler la publicité ne porte que sur les énergies fossiles, et non plus largement sur un ensemble de biens et de services manifestement incompatibles avec la transition tels que les véhicules lourds et peu aérodynamiques dits SUV ». Peut-être sera-t-il traité d’amish, d’ayatollah ou de gauchiste.

À côté des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, extrêmement fortes et claires en la matière, le projet de loi présente à peine un filet d’eau tiède. Vous usez d’une technique que, dans le Poitou, on appelle le « pousse plus loin » : votre prédécesseure, madame la ministre, avait déjà commandé un rapport sur la publicité, la Convention citoyenne en a traité à son tour, et le projet de loi a suivi. Et vous nous renvoyez maintenant à un rapport que vous-même avez commandé. Soyons sérieux !

M. Dominique Potier. Au-delà de la liberté, il me semble que les sources intellectuelles et spirituelles du MODEM comprennent également la solidarité.

M. Bruno Millienne. Aux interdits nous préférons les solutions.

M. Dominique Potier. Par 502 voix sur 694, le Parlement européen vient d’adopter la loi que nous avions adoptée il y a quatre ans dans notre assemblée sur le devoir de vigilance, dont un aspect est la lutte contre la collecte des métaux rares sur laquelle prospèrent les conflits interethniques et les mafias dans le monde. On ne peut pas en appeler à la seule liberté. Au nom des valeurs qui sont les vôtres, il faut entendre le message sous-jacent d’une réforme du capitalisme et de partage de la ressource dans un monde fini.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS5060 de M. Matthieu Orphelin et CS5061 de M. Jean-Charles Colas-Roy (discussion commune).

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit de mettre en place un cadre en vue d’une régulation progressive de la publicité. Programmée sur dix ans, avec l’ensemble des acteurs, elle concernerait tous les supports, y compris la publicité en ligne. Le Gouvernement serait chargé de définir, par la concertation, les catégories de produits et les seuils.

M. Jean-Charles Colas-Roy. La publicité influence fortement nos modes de consommation. Les membres de la Convention citoyenne pour le climat, après avoir entendu en audition notamment Valérie Masson-Delmotte, experte du GIEC, ont d’ailleurs proposé que nous allions plus loin que la simple interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles.

Il nous faut être plus volontaristes s’agissant de son encadrement : utilisons l’affichage environnemental défini à l’article 1er afin d’encadrer et d’interdire progressivement, c’est-à-dire à partir de 2023, la publicité sur les produits et les services les plus nocifs pour l’environnement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je trouve très appréciable que les amendements identiques déposés par des groupes différents soient sourcés. Ce n’est pas le cas de ceux-là, mais j’apprécie beaucoup cette transparence.

Mme Delphine Batho. Ce sous-entendu est inadmissible !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les amendements reprennent, en effet, l’article 2 de la proposition de loi déposée par Matthieu Orphelin et débattue en commission au mois de janvier dernier. J’y suis opposée, comme à tout élargissement, graduel ou non, des interdictions en matière de publicité qui, vous avez raison, influence nos comportements ainsi que nos actes d’achat : c’est même son objet principal.

S’agissant des véhicules, les engagements pris par la filière en faveur de la promotion des véhicules électriques, hybrides rechargeables et hybrides, à savoir leur réserver 50 % des investissements publicitaires en 2021, puis 60 % en 2022 et 70 % en 2023, témoignent d’une tendance très claire et très nette. On peut donc faire confiance à ce secteur.

Sans être vendue à des lobbies, je rappelle que le secteur de la communication représente dans notre pays 700 000 emplois, et que 1 euro investi en matière publicitaire rapporte 7,65 euros à notre PIB.

Mme Barbara Pompili, ministre. Au risque de me répéter, je laisse sa chance à la démarche entreprise par le Gouvernement auprès des différentes filières et annonceurs qui ont pris des engagements volontaires, que j’espère les plus ambitieux possible, en matière de contenu des publicités, et que nous pourrons évidemment contrôler. Je suis donc défavorable aux amendements puisqu’ils ne retiennent pas la même méthode.

M. Matthieu Orphelin. Vous imaginez bien, madame la présidente, à quel point j’ai apprécié votre sous-entendu à propos de mon amendement, alors même, que depuis le début du quinquennat, je source tous mes amendements. Vous avez semblé dire que mon amendement avait été écrit par d’autres – sans doute de méchantes ONG.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit juste d’un amendement que j’avais déposé en tant que rapporteur dans le cadre de l’examen de ma proposition de loi.

Madame la ministre, une fois de plus, combien a coûté l’étude d’évaluation du Boston Consulting Group ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mme la ministre a déjà répondu de façon parfaitement claire à cette question lors d’une audition.

M. Loïc Prud’homme. Si la communication représente 700 000 emplois, au siècle dernier les mines et les maréchaux-ferrants en représentaient quelques milliers : on a su évoluer et bouger. Il faut regarder ce qu’il est intéressant de développer au niveau macroéconomique du côté de la transition écologique pour créer de l’emploi.

Par ailleurs, l’écosystème de la presse et de la publicité appartient et profite à dix milliardaires qui détiennent 90 % des quotidiens nationaux. Mettons toutes les données sur la table pour voir comment sortir de l’emprise publicitaire et retrouver notre libre arbitre !

Mme Delphine Batho. Le sous-entendu était effectivement inadmissible : tous les amendements des députés Écologie Démocratie Solidarité sont sourcés.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je n’ai pas dit le contraire.

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas forcément le cas de tous ceux déposés par nos collègues.

Vous avez dit qu’il était étonnant que ces deux amendements soient quasiment identiques sans être sourcés, ce qui sous-entendait qu’ils auraient été écrits par d’autres. Or l’amendement de Matthieu Orphelin et celui de Jean-Charles Colas-Roy proviennent de la proposition de loi du groupe EDS.

Il se trouve que, dans le cadre de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale, j’ai proposé que le sourcing de tous les amendements devienne obligatoire. Votre majorité s’y est opposée. Nous n’acceptons donc pas de telles insinuations. Par ailleurs, au nom du dépassement des clivages et de l’intelligence collective, M. Colas-Roy a le droit de trouver que l’article 2 de la proposition de loi d’EDS était intelligent et de le reprendre dans un amendement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. J’ai juste dit qu’il était particulièrement appréciable, lorsque l’on examine un grand nombre d’amendements identiques, qu’ils soient sourcés, ce qui est systématiquement le cas des vôtres, madame Batho, ainsi que ceux du groupe La France insoumise. Arrêtez donc de me faire, comme vous le faites depuis dix jours sur les réseaux sociaux, des procès d’intention !

M. Thierry Benoit. Les auteurs des amendements ont été très bien inspirés.

Ce qui gêne, semble-t-il, le Gouvernement n’est pas l’interdiction de la publicité en faveur de produits néfastes pour l’environnement, mais la manne financière qu’elle peut représenter pour celles et ceux qui sont susceptibles d’en bénéficier : médias télévisuels, radios, presse écrite, monde associatif professionnel ou amateur.

Nous devrions, si l’on veut collectivement emprunter une telle trajectoire, en débattre : comment substituer des recettes équivalentes à ce que représentent ces publicités que nous voudrions voir disparaître ?

M. Guillaume Kasbarian. Que la liste des produits et services concernés par l’interdiction de toute publicité à fort impact environnemental soit définie par décret, de même que les seuils d’impact négatif sur l’environnement, pose un problème conceptuel assez important : je ne peux pas expliquer à mes concitoyens ce que l’on interdit, qui va le faire et sur quelle base.

Notre collègue Prud’homme a évoqué, à propos des pertes d’emploi, les mineurs, disant qu’ils s’étaient bien adaptés. Je suis choqué par cette manière de raisonner. Oui, quand on vote, cela a des conséquences économiques et sociales qu’il n’est pas anormal de rappeler sans que l’on y voie la main des lobbies.

M. Alexandre Holroyd. Je suis partagé. Si je trouve objectivement les amendements très intéressants, la jauge pose problème – la définition que donne l’amendement de M. Orphelin d’un impact négatif sur l’environnement est relativement large.

La publicité influence certes nos comportements, mais moins que l’interdiction. Prétendre que cette dernière permet mieux l’expression du libre arbitre est difficile à suivre intellectuellement.

M. Benoit a raison, la publicité représente une manne financière et en emplois, qu’il faut quantifier s’agissant des produits qui ont vocation à être interdits. Pour ce faire, il faut qualifier ceux-ci. Or on ne peut pas le faire, donc on ne peut pas débattre d’une solution pérenne.

M. Jean-Marie Sermier. Nous sommes passés en quelques instants d’un débat sur la publicité pour les énergies fossiles, qui n’a pas été tranché du point de vue technique, à un autre, encore plus vague, sur les produits à fort impact sur l’environnement avant d’en venir au procès de la publicité et des publicitaires.

Revenons-en au projet de loi et à cette question du groupe Les Républicains : quelles solutions techniques et scientifiques mettrez-vous en œuvre pour l’appliquer ?

M. Jean-Charles Colas-Roy. L’exposé des motifs du projet de loi se réfère expressément à la loi Évin, s’agissant de l’article 4 : « À l’instar de la loi Évin, il vient inscrire dans le droit le principe qu’il ne sera plus possible de faire de la publicité pour les énergies fossiles en raison de leur impact direct sur le changement climatique. »

La question n’est pas tant de faire confiance aux Français puisque l’interdiction est posée dans l’article 4. Elle porte sur ce qu’il nous paraît légitime et bon de faire. Je pense que l’on peut aller plus loin que l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles.

Le renvoi à des décrets a suscité chez certains collègues des prises de position péremptoires. Attention, car à d’autres endroits du texte, on renvoie non seulement à des décrets, mais également à des ordonnances !

Enfin, notre boussole sur ce texte doit également être les travaux des membres de la Convention citoyenne pour le climat et les objectifs de la France en matière de réduction de gaz à effet de serre : les scientifiques nous disent que l’on peut aller plus loin sur ces sujets.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS1785 de Mme Chantal Jourdan, CS1782 et CS1784 de M. Dominique Potier (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS1785 vise à interdire, un an après l’entrée en vigueur de la loi, la publicité en faveur des produits et services présentant l’impact le plus excessif sur le climat et dont la liste serait fixée par décret.

Il s’agit d’aller au-delà de l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles afin de faire évoluer de manière durable les comportements des consommateurs. Si tout être jouit de sa liberté de penser, la nécessité d’informer ne doit pas empêcher la prise en compte de tous les phénomènes d’influence qui s’apparentent à de l’emprise. L’interdiction protège cette liberté.

M. Dominique Potier. Les amendements CS1782 et CS1784 ont été coécrits avec le mouvement Impact France, avant-garde de l’économie sociale se présentant comme une alternative au MEDEF.

Leur approche, que le groupe Socialistes et apparentés fait sienne, passe par la réforme de l’entreprise. Nous ne nous intéressons pas qu’au produit. La pire des entreprises capitalistes des points de vue environnemental et social peut, en effet, produire un produit labellisé agriculture biologique et équitable pour un segment de marché. Ce qu’il importe d’apprécier, c’est le process et l’entreprise dans son ensemble.

L’originalité de ces amendements tient à ce qu’ils visent l’entreprise comme ayant le droit ou non de faire de la publicité pourvu qu’elle respecte un minimum de conditions. Dans le premier, si elle est mal notée à l’Impact-score – élaboré très facilement avec quelques éléments sociaux et environnementaux très clairs –, elle ne peut pas aller sur le marché publicitaire car ses méthodes détruisent la société et la planète.

Dans le second, ses résultats doivent s’inscrire dans la trajectoire de lutte contre le réchauffement climatique énoncée dans l’Accord de Paris. Une entreprise qui ne la suivrait pas serait interdite de pub, car considérée comme captant des ressources et provoquant la mort des autres, dans une relation d’interdépendance. La question du carbone n’est pas une question de confort mais de vie ou de mort.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ces amendements portent sur l’élargissement du champ des interdictions. Celui de Mme Jourdan concerne d’autres types de publicité, ceux de M. Potier introduisent l’interdiction sur la base de critères d’impact à la fois écologique et social. Ils rejoignent des travaux européens, auxquels notre ancienne collègue et ministre Olivia Grégoire participe, en matière de performances extra-financière et de devoir de vigilance.

Je reste convaincue qu’il y a davantage de sens à éclairer les consommateurs sur leurs choix de consommation, y compris au moyen de notations, plutôt qu’à élargir le champ des interdictions. Avis défavorable aux amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces idées sont intéressantes, mais elles ne vont pas dans le cadre de la démarche choisie par le Gouvernement. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Madame la ministre, on ne peut pas dire que la coconstruction prospère beaucoup depuis le début !

Madame la rapporteure, s’agissant du PIB, l’économie sociale crée plus d’emplois et de valeur que l’autre économie, et elle les partage mieux : pourrions-nous nous en convaincre une bonne fois pour toutes ? N’ayons pas peur du changement – sauf si vous craignez l’abolition des privilèges !

M. André Chassaigne. J’apporte mon soutien à ces amendements. Il est très important de veiller au respect des engagements climatiques, en particulier de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) définie dans le code de l’environnement et de l’accord de Paris. J’avais d’ailleurs déposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable, visant à s’assurer que les grandes entreprises prennent des engagements climatiques afin que leur activité soit en ligne avec ceux-ci. M. Potier a été plus habile en prenant le biais de la publicité !

M. Alexandre Holroyd. Je rejoins M. Chassaigne s’agissant des amendements – j’en avais moi-même déposé dans le même sens. Nos règles constitutionnelles nous interdisent d’aborder, dans le cadre de ce texte, la question des données non financières. C’est parfaitement légitime, et vous avez accompli un travail remarquable, madame la présidente.

Cela étant, il me paraît impératif que les grandes entreprises publient à l’avenir des stratégies et des données non financières, et montrent comment elles comptent s’aligner sur la SNBC, sur le plan national, et l’Accord de Paris, sur le plan international. Ces informations devraient être annexées à des projets d’investissement très concrets, engagés sur plusieurs années. J’espère que l’Europe fera preuve d’ambition dans le cadre de la révision de la directive sur la publication d’informations extra-financières (NFRD), en avril.

Mme Jennifer De Temmerman. Les entreprises, contrairement à ce qu’on peut entendre, sont demandeuses de ce type de mesures. J’ai rencontré, au forum politique de haut niveau pour le développement durable, à New York, des représentants de grandes entreprises appartenant au Global Compact – réseau international des entreprises engagées pour les objectifs de développement durable. Ces sociétés publient des rapports extra-financiers, en s’assignant des objectifs de développement durable, et regrettent que cela ne soit pas reconnu. Elles souhaiteraient que ce type de documents soient pris en compte et valorisés.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5018 de la rapporteure.

Amendements CS3276 de Mme Aude Luquet et CS3530 de M. Jimmy Pahun (discussion commune).

Mme Aude Luquet. L’amendement CS3276 a pour objet d’éviter les distorsions entre supports de communication, en interdisant la publicité directe ou indirecte pour les énergies fossiles quel que soit le moyen de communication, physique ou numérique.

Mme Frédérique Tuffnell. Comme pour le tabac, allons jusqu’au bout en interdisant la publicité directe et indirecte pour les énergies fossiles, quel que soit le support utilisé. L’État doit démontrer sa volonté de lutter contre le changement climatique. Nous devons encadrer strictement la publicité. Je partage l’idée selon laquelle il faut endiguer les biens et services climaticides. La mesure proposée encouragerait les entreprises à faire de la publicité pour des produits vertueux.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je considère que ces amendements sont satisfaits, car l’interdiction de la publicité s’appliquera indépendamment du support employé. Il n’est pas question de recréer des asymétries entre les médias traditionnels, qui seraient privés de ressources publicitaires, et les supports numériques, qui pourraient continuer à en bénéficier. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 4 ne précisant pas quels supports sont concernés, il va de soi que l’interdiction s’applique à l’ensemble d’entre eux. Cette disposition induira un changement culturel majeur. De ce point de vue, votre amendement est satisfait.

Quant à étendre l’interdiction à la publicité indirecte, cela ne me paraît pas opportun. C’est l’arrêt de la publicité directe pour ces énergies qui importe pour faire évoluer les comportements. Votre proposition risquerait, de surcroît, d’étendre significativement le champ de l’interdiction sans qu’on puisse en mesurer précisément les conséquences, qui pourraient se révéler excessives au regard de l’objectif visé. Enfin et surtout, la mesure risque d’être fragilisée au regard du principe de proportionnalité consacré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cette voie lui paraissant imprudente, le Gouvernement demande le retrait des amendements ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. J’entends les arguments juridiques, mais il me paraît tout de même préférable de viser la publicité directe et indirecte.

M. Julien Dive. Au-delà du numérique et de l’audiovisuel, l’interdiction s’étend-elle aux supports papier, aux panneaux, aux flocages sur des maillots de sport, par exemple ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’interdiction concerne tous les supports dès lors que la publicité cible les énergies fossiles, et non une marque. Une grande entreprise pourra continuer à floquer les maillots de football à son nom.

M. Matthieu Orphelin. Le champ de l’article 4 est donc très restreint, si la publicité pour une marque qui ne produit, par exemple, que des bouteilles de gaz est autorisée. Je repose ma question : avez-vous évalué le nombre de tonnes de CO2 que l’on éviterait d’émettre avec cet article ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Je répète qu’il s’agit d’un travail en cours. Comme l’a relevé le Conseil d’État, l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles adresse un message symbolique. Cela représente certes une faible part de la publicité, mais l’intérêt, ici, est d’instaurer à travers les articles 4 et 5 un dispositif législatif efficace pour que la publicité sur les produits soit adaptée aux enjeux, notamment environnementaux, de notre monde. Le dispositif concernera l’ensemble de la publicité, l’interdiction posée à l’article 4 ne concernant qu’une petite partie du champ.

L’amendement CS3276 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS3530.

Amendement CS3894 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Dans son avis, le Conseil d’État a considéré que l’objet de l’article 4 n’est pas défini assez précisément : on ne sait pas s’il couvre tous les produits ou seulement les sources d’énergie fossile. L’amendement tend donc à préciser le champ de l’article, afin d’éviter une éventuelle censure, et à envoyer le message clair que de l’interdiction de certaines publicités en raison de leur contribution au dérèglement climatique. La liste des produits faisant l’objet d’une interdiction de publicité pourra être complétée et précisée par décret.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement répond de manière bienvenue aux demandes d’éclaircissements formulées par des parlementaires. Avis favorable.

Mme Delphine Batho. Le Conseil d’État écrit dans son avis, après avoir évoqué le risque d’incompétence négative : « Si le champ de l’interdiction devait être interprété comme ne visant que la publicité directe pour des sources d’énergie, et elles seules, le caractère peu fréquent de ces publicités directes et l’absence de référence à des modes de consommation ne permettent pas de considérer cette mesure d’interdiction comme adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi, qui est de diminuer la consommation des produits les plus fortement émetteurs de gaz à effet de serre. »

Mme Barbara Pompili, ministre. Merci de confirmer mes propos !

M. André Chassaigne. Il aurait fallu voter l’amendement précédent qui visait la publicité « directe ou indirecte ». Une publicité, qu’elle vise directement ou indirectement la vente d’un produit, peut avoir le même résultat.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement auquel vous faites référence visait les supports concernés par l’interdiction. Je vous confirme que cette dernière s’appliquera à l’ensemble des supports. Le présent amendement a trait à l’objet de la publicité.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS3209 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt et CS2957 de M. Éric Alauzet (discussion commune).

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.  L’énergie nucléaire n’étant ni renouvelable ni carbonée, la question se pose de savoir si la publicité pour les entreprises qui la distribuent demeurera autorisée.

Le groupe Les Républicains tient à rappeler par cet amendement d’appel, CS3209, que l’énergie nucléaire émet très peu de CO2 et qu’elle contribue, comme les énergies renouvelables, à la lutte contre le changement climatique. Comparé aux énergies éolienne et solaire, le nucléaire présente plusieurs avantages : il a un fort potentiel de production électrique – un seul réacteur nucléaire fournit autant d’électricité qu’un millier d’éoliennes ; il fournit une énergie disponible à tout moment quand le vent et le soleil sont intermittents. C’est un atout incontestable et un avantage considérable sur le charbon et le gaz naturel, sources de plus de 60 % de l’électricité mondiale.

Les députés du groupe LR rejettent, par ailleurs, le principe d’une interdiction de la publicité dès lors qu’il n’est question ni d’addiction ni de violence. Nous préférerions la diffusion d’une information climatique dans le cadre des campagnes publicitaires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Par l’amendement précédent, nous avons interdit la publicité en faveur de la vente des énergies fossiles. On ne pourra donc plus faire de publicité directe pour l’uranium – laquelle, à ma connaissance, est assez rare. Toutefois, ce sera sans conséquence sur les usages de ce métal : la publicité en faveur du nucléaire demeurera autorisée. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 4 introduit, au chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l’environnement, une section VI intitulée « Publicité sur les produits et services ayant un impact sur le climat excessif ». Votre crainte me paraissant infondée, j’émets un avis défavorable sur l’amendement CS3209. Même avis sur l’amendement CS2957, qui me semble superflu.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre, vous n’avez pas répondu clairement à la question soulevée par cet amendement d’appel : pourra-t-on encore faire de la publicité pour l’énergie nucléaire, bien que celle-ci utilise de l’uranium, qui est un minerai fossile ? Nous sommes prêts à retirer l’amendement de notre groupe si vous nous confirmez que l’énergie nucléaire ne sera pas affectée par l’article 4.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous confirme que l’énergie nucléaire n’est pas concernée par l’interdiction prévue à l’article 4. Elle n’est généralement pas considérée comme faisant partie des énergies fossiles dans le cadre des négociations internationales sur le climat visant à réduire la part de ces énergies. En tout état de cause, ce n’est pas le sujet de l’article.

L’amendement CS3209 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS2957.

Amendements CS3267 de Mme Fannette Charvier, CS2649 de Mme Laurence Vichnievsky et CS3255 de M. Fabien Lainé (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi. L’amendement CS3267 vise à interdire la publicité directe pour une source d’énergie fossile et la publicité pour des produits consommateurs d’énergie fossile.

M. Nicolas Turquois. Il est rare que des publicités portent directement sur les énergies fossiles ; plus fréquemment, elles concernent des produits qui y font appel. Aussi les amendements CS2649 et CS3255 visent-ils les produits consommateurs des énergies fossiles, tels que les chaudières ou les véhicules frappés de malus.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous ne souhaitons pas élargir la liste des produits interdits de publicité. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis également défavorable. Le Gouvernement table sur les engagements volontaires. Nous verrons s’ils sont à la hauteur.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS858 de M. Julien Aubert et CS1229 de M. Jacques Cattin (discussion commune).

M. Pierre Vatin. L’amendement CS858, de repli, vise à exclure du champ de l’interdiction la publicité pour le gaz, qui est un combustible fossile n’émettant quasiment pas de CO2.

M. Jean-Marie Sermier. Il semble utile de prévoir une exception pour le gaz, qui est une énergie de transition.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je ne fais pas la même analyse que vous des émissions de CO2 liées au gaz. Je doute de la pertinence de faire une exception en faveur du gaz. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le gaz représente tout de même 20 % des énergies fossiles consommées dans le monde. Il n’y a pas lieu de le faire bénéficier d’une exception. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2720 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de garantir que l’interdiction prévue par l’article 4 s’applique à la publicité en ligne.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’interdiction de la publicité couvre bien l’ensemble des supports. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. L’article 4 s’applique à tous les supports de publicité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS389 de Mme Valérie Beauvais

Mme Valérie Beauvais. La crise sanitaire a durement affecté les finances des clubs et associations sportifs et culturels. Dans ce contexte, il ne paraît pas opportun de les priver d’une source de revenus. Aussi proposons-nous d’exclure du champ de l’interdiction les opérations de communication et de sponsoring conclues, par exemple, par des marques automobiles ou des enseignes dont l’activité relève du secteur des énergies, y compris fossiles, avec des clubs et associations sportifs et culturels.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le texte n’a pas pour objet d’empêcher une marque d’accompagner ou de soutenir un événement sportif ou culturel. L’article 4 ne vise que la publicité sur la vente d’un certain nombre de produits. Le Tour de France et toute autre manifestation culturelle pourront toujours être sponsorisés par une marque. Votre amendement est satisfait. Demande de retrait.

Mme Delphine Batho. On peut souhaiter autre chose, pour la vie sportive, associative et culturelle de notre pays, que d’être sponsorisée par les énergies fossiles.

Mme Valérie Beauvais. Madame la rapporteure, parlez-vous des événements occasionnels ou de la publicité présentée dans les stades pendant les matchs, qui contribue aussi à faire vivre les clubs ? Madame Batho, c’est du sponsoring, et cela existe de longue date.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article vise à interdire la publicité sur la vente de produits, non à empêcher une marque de faire de la publicité, du sponsoring ou du parrainage, quel que soit le support – une banderole, le flocage d’un maillot…

Madame Batho, les secteurs culturel et sportif ont le droit de choisir leurs mécènes. Il n’est en rien honteux que de grandes entreprises françaises les accompagnent. Cela permet en particulier de restaurer le patrimoine. Nous devons nous réjouir que les partenariats privés soutiennent des événements culturels et sportifs, notamment dans la période actuelle.

Mme Delphine Batho. Nous avons une divergence sur ce point. Je pense que nous devons sortir de la dépendance aux énergies fossiles, à tout point de vue. Nous devons nous libérer des carcans qui promeuvent et confortent notre dépendance aux activités d’extraction et de consommation des énergies fossiles. Les activités de sponsoring et de mécénat devront être visées. Ce débat avait eu lieu s’agissant des marques de tabac ; nous devrons l’avoir.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5019 de la rapporteure.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’adoption de cet amendement fait tomber les amendements identiques CS659 de M. Didier Le Gac, CS672 de Mme Valérie Beauvais, CS1457 de M. Thibault Bazin, CS1568 de M. Pierre Vatin, CS2533 de M. Charles de Courson et CS4953 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Charles de Courson. Comment un amendement rédactionnel pourrait-il faire tomber cette série d’amendements qui portent sur le sujet essentiel des biocarburants ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’amendement CS5019 a supprimé le mot « modalités », à la suite duquel vous proposez une nouvelle rédaction de la fin de la seconde phrase de l’alinéa 5.

M. Jean-Marie Sermier. On peut considérer que nos amendements s’inscrivent dans la continuité du texte qui vient d’être amendé.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. En adoptant mon amendement, nous avons remplacé « modalités s’appliquant » par « règles applicables ». Vos amendements, qui visent à modifier la phrase « après le mot “modalités” », font référence à un mot qui n’existe donc plus, et c’est pourquoi ils tombent. C’est une question de bon sens. Nous n’allons pas passer un quart d’heure sur un amendement rédactionnel !

M. Charles de Courson. Il ne s’agissait pas d’un amendement rédactionnel !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Si, puisqu’il ne change rien à l’esprit du texte.

M. Charles de Courson. Dans ce cas, il ne devrait pas faire tomber les autres. En vingt-huit ans de présence à l’Assemblée, c’est la première fois que je vois un amendement rédactionnel en faire tomber d’autres. C’est inacceptable !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Si des amendements tombent, monsieur de Courson, c’est parce que le mot auquel ils se réfèrent a été supprimé, non parce qu’on aurait modifié le texte sur le fond. C’est de la légistique.

M. Jean-Marie Sermier. Pourquoi l’avoir déposé, s’il devait faire tomber les nôtres ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Si je l’ai déposé, c’est pour des raisons de clarté, ce n’est pas en fonction des vôtres. Ne soyez pas aussi suspicieux.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, les amendements que nous proposons sont parfaitement compatibles avec l’amendement qui vient d’être adopté – et le problème qu’ils soulèvent est trop sérieux pour être passé sous silence.

M. Guillaume Garot. Il a raison !

M. Charles de Courson. Nous en avons même parlé avec Mme la rapporteure tout à l’heure. Ne pourrait-on les soumettre à l’examen ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il est vrai qu’après étude approfondie, et dans un souci d’apaisement, nous pourrions considérer qu’ils sont compatibles avec ce qui vient d’être adopté.

M. Charles de Courson. Ce serait une sage décision.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il en est ainsi décidé.

Amendements identiques CS659 de M. Didier Le Gac, CS672 de Mme Valérie Beauvais, CS1457 de M. Thibault Bazin, CS1568 de M. Pierre Vatin, CS2533 de M. Charles de Courson et CS4953 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Didier Le Gac. Je remercie Charles de Courson pour son intervention, fondée sur sa longue expérience dans cette assemblée, et qui nous permet de défendre ces amendements.

L’article 4 interdisant la publicité en faveur des énergies fossiles, l’amendement CS659 vise à garantir que les énergies renouvelables incorporées dans les énergies fossiles pourront continuer à faire l’objet de publicité. On le sait, la décarbonation de notre système énergétique va prendre un certain temps et elle passera par l’incorporation progressive d’énergies renouvelables dans ce qu’on appelle un mix énergétique. Il serait dommage que ce mix soit interdit de publicité puisque son objet est précisément de faciliter la sortie des énergies fossiles.

Dans un souci de transparence, je signale que cet amendement m’a été suggéré par le syndicat des énergies renouvelables.

Mme Valérie Beauvais. La transition énergétique ne doit pas être un vain mot. Si nous voulons sortir progressivement des énergies fossiles, cela passe par un mix énergétique. Or, on l’a dit, les biocarburants, le gaz naturel pour véhicules (GNV) et l’hydrogène sont des carburants alternatifs ; les agriculteurs ont d’ailleurs consenti à des investissements très importants pour produire des biocarburants. Dans l’attente d’être totalement vertueux – si du moins la voiture électrique est réellement vertueuse, car, pour fabriquer les batteries, il faut aller chercher dans les pays étrangers ce dont on a besoin – il convient de ne pas pénaliser le mix énergétique.

M. Pierre Vatin. L’énergie que nous utilisons aujourd’hui n’est qu’en partie d’origine non fossile – et je vois mal comment elle pourrait l’être entièrement un jour. C’est pourquoi il convient de prendre en considération le mix énergétique.

M. Charles de Courson. Dans son avis, le Conseil d’État estime que « faute de désigner les modes de publicité et les biens et énergies visés par une mesure d’interdiction, les dispositions du projet de loi pourraient être regardées comme entachées d’incompétence négative, mais également, dès lors que le dispositif prévoit des sanctions pénales, de méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. » Ce que nous soulignons à travers ces amendements, c’est qu’on ne peut pas simplement opposer les énergies fossiles et les énergies non fossiles, car il existe des formes intermédiaires. Il convient donc de continuer à autoriser la publicité pour les carburants fossiles qui sont partiellement oxygénés ou qui contiennent des taux variables de biocarburants ; il existe ainsi du E10 à 10 % et du E85 à 85 % – ainsi que quelques carburants composés à 100 % d’énergie renouvelable, mais qui n’entrent pas dans le champ de l’interdiction.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre, vous nous avez répondu avec clarté concernant l’électricité issue du nucléaire ; nous souhaiterions une réponse du même ordre au sujet des biocarburants. Les carburants E85 ou B100, notamment, pourront-ils continuer à bénéficier de la publicité ?

En outre, dans le mix électrique français, 95 % de l’électricité est décarbonée ; seule une part infime provient des quelques centrales à charbon encore en fonctionnement. Sera-t-il impossible de faire de la publicité en faveur de l’électricité française ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable, les amendements me semblant satisfaits, surtout après l’adoption de l’amendement CS3894, puisque l’interdiction ne vise que la publicité en faveur de la vente des énergies fossiles. Si, dans un mix énergétique, il devait y avoir une part majoritaire d’énergies renouvelables, il me semblerait conforme tant à l’esprit du texte qu’à la volonté du législateur que la publicité reste autorisée. Tout cela sera néanmoins précisé par décret.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Sermier, ce dont il est ici question, ce sont des énergies renouvelables incorporées dans des énergies fossiles – par exemple, les biocarburants.

Il me semble que pour régler un problème, il faut toujours en appeler au bon sens. En l’espèce, il s’agit de savoir quelle part d’énergie fossile dans les carburants justifierait une interdiction de la publicité. Prenons le cas d’un carburant composé pour plus de la moitié d’énergie d’origine fossile. Que dit le bon sens ? Qu’il ne devrait pas pouvoir bénéficier de publicité ! A contrario, s’il est composé à moins de 50 % d’énergie d’origine fossile, il devrait pouvoir en bénéficier. Il me semble donc évident que l’on pourra faire de la publicité pour le B100, qui est à 100 % renouvelable, mais pas pour le E10.

Nous vous en dirons davantage au moment de la rédaction du décret, mais je pense que nous pouvons partir sur cette base. En conséquence, je demande le retrait des amendements.

M. Charles de Courson. Dont acte, madame la ministre, mais dans ce cas, il conviendrait de préciser les choses ; on pourrait ainsi indiquer que « les énergies renouvelables incorporées majoritairement dans des énergies fossiles peuvent continuer de faire l’objet de publicité ». À défaut, le décret risquerait d’être attaqué, parce que la loi n’aurait pas prévu ce cas de figure. Je rectifie donc mon amendement en ce sens.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’amendement CS2533 est ainsi rectifié.

M. Julien Dive. Le problème, madame la ministre, c’est que l’on renvoie tout cela à un décret. Votre éventuel successeur n’aura pas forcément la même position que vous. Hier, une collègue signalait qu’un décret prévu il y a une dizaine d’années n’avait toujours pas été pris ! Tout ce qui n’aura pas été inscrit dans la loi risque de ne pas être pris en considération.

M. André Chassaigne. Attention, chers collègues, certaines précisions relèvent non de la loi, mais d’un décret. Prenons l’exemple du biofioul : il est actuellement composé pour environ 70 % de fioul et 30 % d’ester de colza – mais le pourcentage peut évoluer, et il serait dangereux de figer les proportions. On ne peut pas tout mettre dans la loi, sinon, cela devient du règlement !

D’autre part, les éoliennes sont-elles incluses dans les énergies fossiles ? Elles sont censées produire de l’électricité verte, mais leur rendement n’est que de 15 % à 20 % et il est nécessaire de compenser les fluctuations de leur production par de l’énergie fossile, principalement issue de centrales à gaz ou à charbon.

M. Nicolas Turquois. Si l’E85 existe, c’est parce qu’auparavant il y a eu l’E10. Avant de trouver une solution, il faut y aller progressivement. Je me demande s’il n’est pas trop restrictif de prévoir une exception pour les seules énergies renouvelables incorporées majoritairement dans les énergies fossiles.

Mme Delphine Batho. Ce texte porte lutte contre le dérèglement climatique et l’article 4 est censé reprendre la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à interdire la publicité. Or non seulement cet article se contente de réguler la publicité concernant la seule vente directe d’énergies fossiles, mais en plus vous voudriez qu’on exclue du champ de l’interdiction, qui ne concerne que quelques rares publicités, tous les produits qui contiennent un peu d’agrocarburants. Ignorez-vous le bilan environnemental désastreux de ces derniers, qu’il s’agisse de la betterave aux néonicotinoïdes ou, pire encore, de l’huile de palme de Total ? À travers ces amendements, ce que vous proposez, c’est en réalité qu’on continue à autoriser des pratiques comme la déforestation ou le changement d’usage des sols. Il faut impérativement les rejeter !

La commission rejette successivement les amendements identiques et l’amendement CS2533 rectifié.

Amendements CS5020 de la rapporteure et CS3037 de M. Sébastien Cazenove.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Afin de parer à toute mauvaise interprétation, je précise qu’il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui tend à substituer aux mots « avec dans des » le mot « aux ». Il me semble en effet nécessaire – je pense que vous en conviendrez, chers collègues – de corriger cette petite faute de français…

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS3037 tombe.

Amendement CS794 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Cet amendement d’appel vise à faire en sorte que les activités de promotion ou de sponsoring échappent à l’interdiction, afin que l’équipe cycliste Total Direct Énergie, chère au maire de Lyon, puisse continuer à participer au Tour de France ou que l’Amiens Sporting Club, dont vous êtes une supportrice, madame la ministre, puisse continuer à arborer le logo de l’un de ses sponsors, qui fabrique des lubrifiants. Eu égard aux explications de Mme la rapporteure et de Mme la ministre, il me semble néanmoins qu’il est satisfait et je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4807 de Mme Sylla.

Mme Huguette Tiegna. Il s’agit d’intégrer les consommateurs dans la stratégie française d’atteinte de la neutralité carbone en 2050 en insérant, après le mot « concernées », les mots : « et au niveau d’émission en dioxyde de carbone des biens et services ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : c’est le décret qui devra veiller à la bonne information du public.

Mme Barbara Pompili, ministre. De toute façon, cette précision me semble inopportune : nous souhaitons une application uniforme de l’interdiction sur toutes les énergies fossiles, sans que l’on tienne compte de leurs émissions respectives. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5021 de la rapporteure.

Amendement CS1551 de M. Dominique Potier, amendements identiques CS940 de Mme Jennifer De Temmerman et CS1787 de M. Dominique Potier, et amendements CS1788 de M. Dominique Potier, CS1599 de M. Hubert Wulfranc, CS4005 de Mme Aude Luquet et CS4892 de M. Buon Tan (discussion commune).

Mme Jourdan. L’amendement CS1551 du Groupe Socialistes et apparentés vise à créer, à partir de 2022, un mécanisme permettant d’interdire la publicité pour des produits ou services à impact environnemental excessif. À partir de 2024, ce mécanisme est complété par l’intégration d’un volet relatif à l’impact social.

Mme Jennifer De Temmerman. On ne peut pas, d’un côté, prôner l’éducation à l’environnement et, de l’autre, laisser continuer dans les médias à inciter à la consommation de produits polluants. L’amendement CS940 est issu de discussions avec le Réseau Action Climat, le WWF-France, Les Amis de la Terre-France et Résistance à l’agression publicitaire.

M. Guillaume Garot. Il s’agit de créer un mécanisme permettant d’interdire la publicité pour des produits ou services à impact environnemental excessif, à partir de 2022 pour l’amendement CS1787 ou de 2024 pour le CS1788.

En termes de volumes, les dépenses de publicité et de communication du secteur des énergies fossiles représentaient 668,1 millions d’euros en 2019 en France sur les 5,1 milliards d’euros d’investissements bruts de publicité et de communication des secteurs automobile, aérien et pétrolier.

Qu’entend-on par « impact environnemental excessif » ? Par cohérence, nous nous appuyons sur l’article 15 de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), qui prévoit des seuils en la matière.

M. André Chassaigne. Issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, l’amendement CS1599 prévoit d’interdire la publicité sur les produits ou services les plus polluants. Il convient en effet d’élargir le champ d’application de l’article 4 au-delà des seules énergies fossiles.

Mme Aude Luquet. En lien avec l’article 1er du projet de loi, l’amendement CS4005 propose d’interdire la publicité pour les produits ou services les plus polluants en fonction de leur score carbone.

M. Jean-Charles Colas-Roy. L’amendement CS4892 prévoit d’interdire la publicité sur les produits les plus polluants, en s’appuyant sur les seuils de pollution excessive prévus par l’article 15 de la loi AGEC et en lien avec la belle avancée sur l’affichage environnemental votée avec l’article 1er.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je reste défavorable à l’élargissement du champ d’interdiction de la publicité. Cela ne correspondrait pas à l’esprit du projet de loi. En outre, nous attendons les conclusions de la mission confiée à Agathe Bousquet et Arnaud Leroy.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable. Je m’en tiens à la méthode que j’ai exposée précédemment.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS921 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Au regard de l’urgence climatique, il s’agit d’interdire toute forme de publicité pour des produits dépendant très largement des énergies fossiles et liés au secteur des transports.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées pour les amendements précédents.

Mme Barbara Pompili, ministre. Une telle extension des interdictions présenterait des difficultés au regard du cadre juridique européen, qui impose a minima une coordination entre les États membres pour ce type de mesure.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS2732 de M. Matthieu Orphelin, CS1849 de M. Dominique Potier et CS4612 de M. Jean-Charles Colas-Roy (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2732 vise à interdire en 2022 la publicité pour les liaisons aériennes inutiles, car substituables par un trajet en train d’une durée inférieure à quatre heures.

Il propose aussi d’interdire, à compter de 2023, toute publicité pour des vols long‑courriers ou des offres de voyage incluant un vol long-courrier impliquant un séjour sur place de moins de quinze jours. Nous connaissons tous ces publicités dans le métro qui proposent un week-end au bout du monde pour 119 euros aller-retour. Ce type de publicité n’est plus compatible avec l’urgence climatique.

Mme Chantal Jourdan. L’article 36 du projet de loi interdit l’exploitation de services aériens sur des liaisons intérieures, dès lors qu’un trajet alternatif par un autre moyen de transport collectif existe en moins de deux heures trente.

Par anticipation des difficultés attendues pour porter cette durée à quatre heures, l’amendement CS1849 vise a minima à mettre fin progressivement à la publicité portant sur des liaisons aériennes substituables par un trajet en train d’une durée inférieure à quatre heures. Il doit ainsi permettre de contribuer au succès de transports alternatifs et moins polluants.

Il vise également à limiter la promotion des vols long-courriers associés à une courte durée de séjour, fixée à quinze jours, dont l’impact climatique est fort.

M. Jean-Charles Colas-Roy. L’amendement CS4612 prévoit d’interdire la publicité en faveur des activités de tourisme qui banalise ou valorise l’usage du transport aérien sur des périodes courtes. Le secteur de l’aviation représente, au niveau mondial, les émissions de gaz à effet de serre de la France et du Royaume-Uni. Le Haut Conseil pour le climat nous encourage à élargir les domaines concernés par l’interdiction de la publicité.

Ces séjours courts sont d’un autre temps et nous pourrions essayer de sortir de cette banalisation de l’avion.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je demeure défavorable à l’élargissement des interdictions de publicité. En outre, en se référant aux vols long-courriers les amendements CS2732 et CS1849 interdiraient la publicité pour des vols permettant de se rendre dans les outre-mer. Les secteurs du transport aérien et du tourisme subissent la crise de plein fouet. Des interdictions supplémentaires de publicité dès 2022 ne seraient pas de bon aloi.

Mme Delphine Batho. Le I de l’amendement CS2732 mentionne bien les liaisons aériennes internationales et il n’y a pas de malentendu, même si par erreur ces mots ne figurent pas à l’alinéa 2. Il n’y a donc pas lieu à faux débat sur les outre-mer.

Il est temps d’ouvrir les yeux. On ne peut pas continuer comme cela avec le transport aérien, avec un doublement du nombre de passagers transportés au cours des dix dernières années et un scénario de cette industrie prévoyant à nouveau un doublement d’ici à 2035.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2730 de M. Matthieu Orphelin, amendements identiques CS939 de Mme Jennifer De Temmerman et CS1549 de M. Dominique Potier, amendements CS1537 de M. Dominique Potier, CS2727 de M. Matthieu Orphelin, CS1598 de M. André Chassaigne, CS4610 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS4006 de Mme Aude Luquet, amendements identiques CS4613 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS4891 de M. Buon Tan, et amendement CS4611 de M. Jean-Charles Colas-Roy (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2730 est issu de la proposition de loi EDS et a été retravaillé avec des ONG. Il vise à interdire la publicité pour les véhicules de tourisme dont les émissions de CO2 sont supérieures ou égales à 123 grammes par kilomètre ou dont la masse en ordre de marche est supérieure ou égale à 1,8 tonne.

Mme Jennifer De Temmerman. La loi de finances de 2021 a prévu des évolutions fiscales visant à contenir le phénomène d’augmentation du poids moyen des modèles commercialisés. L’amendement CS939, travaillé en lien avec des organisations non gouvernementales, propose, par cohérence, d’interdire la promotion de produits dont la loi s’efforce de décourager la consommation.

M. Guillaume Garot. L’amendement CS1549 vise à interdire la publicité pour les véhicules les plus polluants, en fonction de leur poids et des émissions de GES. L’efficacité d’une interdiction de publicité dépend de la combinaison de deux facteurs : l’impact environnemental du produit et le niveau de dépenses publicitaires associées. Les seuils retenus permettent notamment de mettre fin à la promotion des modèles SUV en moyenne plus lourds de 205 kilogrammes qu’un véhicule standard et émettant 20 % de plus de CO2. Si l’on veut être efficace, il faut être volontariste vis-à-vis de ces véhicules très lourds et très polluants.

L’amendement CS1537 reprend le même raisonnement en interdisant la publicité pour les véhicules soumis à un malus écologique.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2727 met en œuvre la proposition C2.1 de la Convention citoyenne pour le climat, en restreignant progressivement la publicité portant sur les voitures les plus polluantes. L’annonce à l’avance des régulations permettra d’adapter les stratégies industrielles.

Un premier palier interviendrait en 2023, avec la suppression de la publicité pour les véhicules faisant l’objet d’un malus écologique. En 2025 serait supprimée la publicité pour les véhicules émettant plus que le seuil européen fixé aux constructeurs automobiles pour la moyenne de leur flotte – 123 grammes de CO2 par kilomètre –, puis en 2027 celle pour tous les véhicules essence ou diesel émettant plus de 88 grammes de CO2 par kilomètre. Enfin, en 2029 seule la publicité pour les véhicules propres de type véhicules électriques serait autorisée.

Un dispositif d’interdiction progressive est aussi prévu en fonction du poids des véhicules.

Cette proposition est extrêmement raisonnable. Elle dessine un chemin praticable sur le plan industriel et qui traduit une volonté politique claire. Il n’y a aucune raison de ne pas l’adopter.

M. André Chassaigne. L’amendement CS1598 a pour objet d’interdire en 2024 la publicité pour les véhicules les plus lourds et les plus émetteurs. Les seuils retenus sont raisonnables et permettent une application plus aisée que d’autres solutions proposées, plus brutales.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Le principe de l’interdiction en 2040 de la vente de véhicules thermiques neufs utilisant des carburants fossiles a été voté dans le cadre de la LOM. Des réflexions sont en cours au sein de l’Union européenne pour fixer cette date d’interdiction à 2035, avec un vote du Parlement européen susceptible d’intervenir dès cette année. Pour le Royaume-Uni, Boris Johnson a même annoncé vouloir interdire la vente de ces véhicules neufs dès 2030.

Par souci de cohérence, les amendements CS4610, CS4613 et CS4611 ont pour objet d’interdire la publicité pour ces véhicules quelques années avant leur date d’interdiction de vente.

Mme Aude Luquet. Par cohérence avec les objectifs poursuivis par l’article 25 du projet de loi, l’amendement CS4006 tend à interdire, à partir de 2025, la publicité pour les voitures les plus polluantes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comme je l’ai dit de manière constante, il n’est pas question d’étendre à l’infini le champ d’interdiction des publicités, mais bien de s’en tenir à celles en faveur des énergies fossiles. Nous attendons, de surcroît, la remise du rapport Bousquet-Leroy avant le début de nos travaux en séance. Avis défavorable à la série d’amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable, non pas sur l’esprit de ces amendements, mais parce qu’ils ne correspondent pas à la méthode que nous avons retenue et que j’ai expliquée plusieurs fois.

M. Dominique Potier. S’agissant des gros véhicules, les diagnostics réalisés et répétés par les ONG et le HCC convergent de manière scientifique : tous les gains obtenus par le développement de moteurs électriques ou grâce à la baisse de consommation des moteurs thermiques sont ruinés par l’augmentation de la part de marché des SUV depuis dix ans. Et on ne changerait rien en matière de publicité ? C’est stupéfiant, car c’est pourtant une question de justice climatique. Qu’au moins ceux qui achètent des véhicules lourds et qui ruinent les différents efforts consentis par d’autres pour améliorer la santé publique et celle de la planète, en paient le prix.

M. Alexandre Holroyd. Ils s’acquittent déjà d’un malus. 

M. Dominique Potier. Vous savez que cela ne suffit pas.

M. Antoine Herth. Il y a probablement une maladresse dans la rédaction de ces amendements : il n’est précisé à aucun moment qu’ils concernent seulement les véhicules neufs. Il faudrait indiquer que ces mesures d’interdiction ne portent pas sur le marché de l’occasion.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. C’est juste.

Mme Delphine Batho. Le marché publicitaire automobile est très majoritairement consacré aux véhicules neufs. La meilleure voiture, c’est celle qu’il ne faut pas fabriquer et qui dure le plus longtemps. Il n’y a pas de débat sur ce point.

On demande que l’Assemblée nationale respecte les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qu’elle entende les recommandations du Haut Conseil pour le climat et qu’elle lise l’avis du Conseil d’État. Même ce dernier dit que le dispositif de l’article 4 du projet de loi n’aura quasiment pas d’impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

Il faut favoriser un changement culturel, ce qui passe par la libération des imaginaires en s’éloignant d’une civilisation dépendante de voitures toujours plus grosses. C’est le minimum que l’on puisse faire pour être efficace en matière de publicité.

M. André Chassaigne. Je voudrais vous féliciter : vous battez un record avec cette discussion sur un projet de loi où tout est verrouillé. Je ne pense pas qu’on puisse retrouver un tel cas dans l’histoire parlementaire. Quelle belle conception de l’activité parlementaire que la vôtre !

J’observe également que la rapporteure ne cesse de s’opposer à nos amendements au motif qu’ils « sortent du champ ». Mais ils sont précisément dans le champ des énergies fossiles. Le poids d’un véhicule détermine bien sa consommation. Nos propositions permettent de déterminer dans la loi un objectif et des seuils précis.

La commission rejette successivement les amendements.

6.   Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 9 heures 30

M. Bruno Millienne, président. Nous poursuivons la discussion des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Jusqu’à présent, nous avons examiné en moyenne trente amendements par heure. Un tel rythme ne nous permettra pas d’achever nos travaux à la fin de la semaine prochaine. J’en appelle donc à la responsabilité des groupes et de chacun d’entre vous pour que nous avancions un peu plus vite, par respect pour le Parlement et pour les membres de la Convention citoyenne, qui ne comprendraient pas que le texte examiné en séance publique n’ait pas été amendé par notre commission.

Article 4 (suite) (articles L. 581-25-1 et L. 581-35-1 [nouveaux] et article L. 581-40 du code de l’environnement) : Interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles

Amendements CS4665 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS4911 de Mme Camille Galliard-Minier (discussion commune).

M. Jean-Charles Colas-Roy. Par l’amendement CS4665, nous proposons que la publicité en faveur d’un produit dont la loi a prévu l’interdiction pour des motifs environnementaux – je pense, par exemple, aux véhicules dont la loi d’orientation sur les mobilités (LOM) interdit la vente à compter de 2040 – soit elle-même proscrite au moins deux ans avant l’entrée en vigueur de ladite interdiction. L’amendement CS4911 a le même objet, à la différence près qu’il ne prévoit pas de délai.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. Défavorable à ces amendements qui, comme ceux que nous avons examinés hier soir, visent à étendre les interdictions de publicité.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Sur le fond, le Gouvernement partage l’objectif des auteurs des amendements. Mais il privilégie une méthode qui consiste à élaborer avec les annonceurs un « contrat climat » fondé sur des engagements volontaires, engagements qu’Arnaud Leroy et Agathe Bousquet ont pour mission de compiler afin de vérifier qu’ils sont en phase avec notre objectif et qu’ils peuvent faire l’objet d’un contrôle. Dans l’attente de ces informations, qui devraient nous parvenir d’ici à la discussion en séance publique, j’émets un avis défavorable sur ces amendements, et je ferai de même sur l’ensemble des amendements de ce type.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS1793 de Mme Chantal Jourdan, CS1792 de M. Dominique Potier, CS2999 de Mme Fiona Lazaar et CS3064 de M. Fabien Lainé (discussion commune).

M. Dominique Potier. Si la ligne dure adoptée par le Gouvernement nous interdit d’interdire une publicité – sauf en ce qui concerne les produits pétroliers, pour lesquels elle n’existe plus… –, nous pouvons néanmoins informer les consommateurs de ses conséquences. C’est pourquoi nous proposons qu’à l’instar de ce qui se fait pour les produits nocifs pour la santé, la mention « Nuit gravement au climat » figure dans les publicités en faveur de certains produits et services, tels qu’un vol aller-retour en 48 heures, dont le bilan carbone est considérable, ou un véhicule qui consomme 20 % de plus que la moyenne des autres véhicules. Cet amendement mesuré et prudent tient compte des limites que vous avez fixées ; je suis donc confiant quant à son adoption.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2999 vise à rendre obligatoire l’inscription, sur toutes les publicités en faveur de produits consommant une quantité importante d’énergies fossiles, d’une mention en informant le consommateur.

Mme Florence Lasserre. L’amendement CS3064 tend à assortir les publicités en faveur de produits ayant un impact excessif sur l’environnement de messages d’information. Cette obligation s’appliquerait d’ici un an pour les publicités en faveur des produits « malussés » et à compter du 1er janvier 2024 pour tous les produits ayant un impact environnemental excessif au regard de l’éco-score instauré par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC). Cet amendement se rapproche de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat, tout en évitant une interdiction qui pourrait paraître excessive et juridiquement contestable.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Du point de vue de la lisibilité du message, l’affichage environnemental, dont nous souhaitons qu’il concerne également la publicité, est préférable à une multiplication des mentions, à laquelle je suis très opposée. Je ne suis pas la seule, du reste, puisque l’association Résistance à l’agression publicitaire, avec laquelle j’ai pourtant peu de connivences, affirme que « les rapports, textes, études et synthèses les plus récentes concernant les mentions légales dans la publicité montrent clairement les limites de ces dispositifs pour la prévention des comportements nocifs. » Quant à MM. Guibert et Libaert, ils indiquent dans leur récent rapport, auquel il a été souvent fait référence : « L’efficacité de telles mentions est très discutable. Aucune étude scientifique n’a, à notre connaissance, démontré de façon explicite qu’elles avaient un impact substantiel ». Surtout, je crains que de nouvelles mentions, qui s’ajouteraient à celles imposées par la LOM et au futur affichage environnemental, nuisent à la lisibilité du message.

Je suis donc défavorable à ces amendements, considérant qu’ils seront satisfaits par l’extension de l’affichage environnemental unique à la publicité.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous souscrivons tous à l’idée selon laquelle les publicités doivent comporter une information sur l’impact environnemental du produit présenté. La question qui se pose est celle des modalités de cette information. Cette question entre également dans le cadre de la mission confiée à Agathe Bousquet et Arnaud Leroy. J’attends donc leurs conclusions pour vous présenter une proposition cohérente en séance publique. En conséquence, j’émets un avis défavorable sur ces amendements, même si j’en comprends parfaitement l’objectif.

M. Guillaume Garot. En matière d’interdiction et d’encadrement de la publicité en faveur des produits polluants, la régulation doit être minimale, dites-vous : vous préférez faire confiance aux acteurs, à qui vous demandez de prendre des engagements dont vous vérifierez le respect. Mais si l’on avait suivi cette logique pour le tabac, jamais l’avertissement « Nuit gravement à la santé » n’aurait été inscrit sur les paquets de cigarettes !

Par ailleurs, si l’on fait confiance aux acteurs, il faut également faire confiance au consommateur. Or, pour que celui-ci puisse exercer son libre arbitre et surtout faire preuve de responsabilité dans ses actes d’achat, il doit être informé. La mention « Nuit gravement au climat » lui permettrait de l’être. Vous refusez cette proposition : nous n’avançons pas !

Mme Delphine Batho. Le Gouvernement refuse non seulement l’interdiction de la publicité – préférant ainsi protéger ce secteur plutôt que le climat – mais aussi toute mention d’un avertissement. En la matière, la Convention citoyenne propose deux mesures différentes et complémentaires : d’une part, l’interdiction de la publicité en faveur des produits « climaticides » – l’article 4 limite cette interdiction à la vente directe d’énergies fossiles, à condition que n’y soient pas incorporées des énergies renouvelables ; d’autre part, l’ajout de la mention « En avez-vous vraiment besoin ? » sur toute publicité et tout produit, afin de lutter contre la surconsommation. Or, de cette seconde proposition, nous ne pourrons pas débattre. En effet, l’amendement dont elle faisait l’objet, le CS551, a été déclaré irrecevable pour des raisons franchement mystérieuses, car il me paraît difficile d’affirmer qu’il n’a aucun lien, même indirect, avec le texte !

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Garot, évitons les faux débats. Jamais je n’ai dit que nous souhaitions donner un blanc-seing aux annonceurs. Mais je refuse le principe selon lequel une solution unique permettrait d’être efficace.

Mon souhait est que, d’une manière ou d’une autre, il n’y ait plus de publicité en faveur des produits dangereux pour l’environnement. Cela doit-il passer par des interdictions ciblées, une interdiction générale ou des engagements volontaires ? Là est la question. Nous tentons de donner une chance aux engagements volontaires, mais il ne faut pas que ce soient des engagements en l’air, aussi intéressants soient-ils. Nous ne pouvons donc pas en rester là : il va nous falloir étudier la manière dont ils peuvent être appliqués, évalués, suivis et dont leur non-respect pourra être sanctionné. Soit nous parvenons à un mécanisme efficace, et tout le monde s’en réjouira, soit nous n’y parvenons pas, et le Gouvernement, il l’a toujours dit, sera disposé à examiner les interdictions que vous proposez d’inscrire dans la loi. Je tiens à ce que la méthode soit bien claire, pour que personne ne se trompe sur les intentions du Gouvernement.

M. Guillaume Garot. Si j’avais suivi votre logique, Madame la ministre, jamais la loi contre le gaspillage alimentaire n’aurait été votée à l’unanimité en 2016. À l’époque, en effet, les représentants des enseignes de la grande distribution notamment s’opposaient à tout encadrement ; ils proposaient de prendre des engagements. Mais c’est ce qu’ils avaient fait au cours des années précédentes, et cela n’avait pas été suffisamment efficace. Il a donc fallu recourir à la loi pour passer un cap important. De la même manière, si nous voulons lutter efficacement contre le réchauffement climatique en utilisant le levier de la publicité, il faut agir et ne pas s’en tenir à la bonne volonté des acteurs, car ce ne sera pas suffisamment efficace. Lorsqu’il y va de l’intérêt général, c’est à la volonté générale de fixer un cap.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS4761 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS1789 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Jean-Charles Colas-Roy. Un article du projet de loi que nous examinerons ultérieurement vise à porter à trente-cinq le nombre des agglomérations soumises aux critères des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ce dispositif, je le rappelle, permet de restreindre l’accès au centre-ville de grandes métropoles aux véhicules jugés les plus polluants selon une classification fondée sur les normes Crit’air. Aussi proposons-nous de faire figurer sur les publicités la vignette Crit’air correspondant au véhicule présenté.

M. Dominique Potier. Notre amendement a le même objet. Le moins que l’on puisse faire est d’assurer la transparence sur la consommation énergétique des véhicules, de sorte que le consommateur soit éclairé et placé face à ses responsabilités. Chacun doit avoir conscience que le monde est fini et qu’il faut respecter un juste partage de l’empreinte carbone. Les distorsions entre les pays et au sein d’un même pays sont telles qu’il convient à tout le moins d’informer les citoyens pour qu’ils prennent leurs responsabilités. Faire preuve de civisme, c’est prendre sa juste part de la consommation. L’adoption de cet amendement relèverait en quelque sorte de la décence commune.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je ne rappellerai pas la confusion que risquerait de provoquer la superposition de trois, quatre ou cinq mentions différentes. Encore une fois, si nous adoptons, en séance, un affichage environnemental et que celui-ci est étendu à la publicité, l’information du consommateur y gagnera en clarté et en lisibilité.

Quant à la vignette Crit’air, elle dépend de la date de mise en circulation, de sorte que tout véhicule récent est classé dans la catégorie Crit’air 1, quand bien même s’agirait-il d’un SUV très puissant. Je doute donc que cet indicateur soit le plus approprié pour traduire l’impact d’un véhicule sur l’environnement ; en l’espèce, son utilisation pourrait même être contre-productive.

Aussi, je demande le retrait de ces amendements, qui seront satisfaits par l’adoption d’un affichage environnemental.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’affichage de la vignette Crit’air peut être intéressant pour renseigner l’acte d’achat dans la perspective de l’extension des ZFE, puisque leur accès sera, à terme, interdit aux véhicules relevant des catégories Crit’air 3, 4 et 5. Mais attention : cette vignette concerne les émissions de polluants et non les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. La confusion est courante, et on peut le comprendre. C’est pourquoi nous réfléchissons à la manière dont ces vignettes pourraient évoluer afin de clarifier les choses. De fait, il est choquant que de gros SUV, sans doute soumis au malus lié au poids des voitures, relèvent de la catégorie Crit’air 1 : c’est absurde !

Encore une fois, nous nous inscrivons dans la logique que j’ai exposée tout à l’heure, qui nous permettra, n’en déplaise à M. Garot, d’aboutir à un système très efficace dès la promulgation de la loi. Réfléchissons, pourquoi pas, à cette question d’ici à la séance publique, dans le cadre d’un dispositif global et d’un affichage le plus sobre et le plus compréhensible possible. En attendant, avis défavorable.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je vous remercie, Madame la rapporteure, Madame la ministre, pour vos réponses détaillées. Je suis sensible à vos arguments. Il convient en effet de ne pas multiplier les mentions et de veiller à ce que l’affichage de la vignette Crit’air ne soit pas contre-productif – même s’il est possible de modifier les critères de classement des véhicules par décret. Compte tenu de votre souhait de travailler d’ici à la séance publique à un affichage environnemental le plus intelligent et le plus clair possible, je retire l’amendement.

L’amendement CS4761 est retiré.

M. Dominique Potier. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras : nous maintenons l’amendement. Un dialogue s’est ouvert, des arguments ont été échangés, et je vous en remercie.

Actuellement, pour s’informer tant sur les émissions polluantes que sur les émissions de gaz à effet de serre, il faut se rendre sur le site de l’Agence de la transition écologique (ADEME). Or, son budget de 720 millions d’euros, dont 12 millions pour l’information des consommateurs, pèse peu face aux 3 ou 4 milliards que les constructeurs automobiles consacrent à la publicité. Si nous ne sommes pas capables de rendre ces informations publiques sous une forme ou sous une autre, nous ne serons pas au rendez-vous du véritable libéralisme, celui qui tend à rendre chaque citoyen maître de son destin grâce à l’information. Domptons la publicité pour qu’elle soit au service de la liberté de choix des citoyens !

M. Jean-Luc Fugit. L’adoption d’un amendement à la LOM, que j’avais défendu, rend obligatoire l’affichage de la vignette Crit’air des véhicules, neufs ou d’occasion, vendus en concession. Toutefois, cela a été dit, cette vignette concerne non pas les émissions de CO2 mais les émissions d’oxydes d’azote, qui sont au cœur de la problématique sanitaire liée à la pollution de proximité. Il est vrai que le classement actuel suscite la confusion, si bien qu’il faudra sans doute le modifier.

La commission rejette l’amendement CS1789.

Amendement CS4893 de M. Buon Tan.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis favorable à cet amendement qui vise à renforcer les sanctions, de manière à les rendre fortement dissuasives, en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 4.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement n’est pas opposé au renforcement de ces sanctions. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 4 ainsi modifié.

Après l’article 4

Amendements identiques CS637 de M. Guy Bricout, CS1705 de M. Dominique Potier et CS2311 de M. Gérard Leseul, amendement CS3277 de Mme Aude Luquet (discussion commune).

M. Guy Bricout. Nous proposons que, dans toute publicité en faveur d’un bien ou d’un service devant faire l’objet d’une évaluation environnementale, apparaisse la notation dudit bien ou service. Il s’agit d’orienter ainsi les consommateurs vers une consommation plus responsable, puisque 63 % des Français déclarent prendre en considération, dans leur choix, les informations sur l’impact environnemental d’un produit.

Mme Aude Luquet. Toute publicité en faveur d’un produit soumis à l’évaluation environnementale prévue à l’article 15 de la loi du 10 février 2020 doit afficher de manière claire et lisible son score carbone.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ainsi que je l’ai expliqué, nous souhaitons que l’affichage environnemental soit utilisé comme référentiel dans les publicités. Ces amendements seront satisfaits par l’adoption de cet affichage unique, clair et plus large que le seul score carbone. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable, dans la mesure où ces amendements s’inscrivent dans la même démarche que les précédents, mais je ne suis évidemment pas opposée au principe.

La commission rejette successivement les amendements identiques et l’amendement CS3277.

Amendement CS4528 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Danièle Obono. « Afin de faciliter le choix du consommateur au regard de l’impact écologique de chaque véhicule, toute publicité relative à la mobilité, notamment routière, réalisée à l’aide de véhicules à motorisation thermique est obligatoirement accompagnée d’une présentation ou d’une expression complémentaire au moyen de graphiques ou de symboles visant à indiquer la quantité d’émission de gaz à effet de serre par kilomètre et personne transportée, selon des modalités définies par décret. »

Tel est le sens de cet amendement visant, en fait, à instaurer un « mobiscore », compte tenu des conséquences écologiques très négatives des véhicules utilitaires surélevés, les fameux SUV, souvent promus à travers des publicités – omniprésentes dans les médias – tournées dans des paysages naturels qu’ils contribuent d’ailleurs à détériorer.

Depuis 2016, les émissions de CO2 des voitures neuves sont reparties à la hausse, la vente des SUV a été multipliée par sept en dix ans et ils représentent aujourd’hui 40 % des véhicules neufs vendus. Un SUV rejette 20 % de CO2 de plus que les autres véhicules et coûte environ 40 % plus cher. La dimension « de classe » de ce problème est bien réelle puisque ce sont les riches qui polluent le plus.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nos débats ont d’ores et déjà été assez nourris à ce propos.

L’affichage environnemental est en effet nécessaire, y compris dans la publicité, et l’article 1er que nous avons voté ne se limite précisément pas au seul critère « carbone », ce qui permet d’éviter de multiplier les mentions spécifiques.

Je vous prie de retirer cet amendement qui, à mon avis, sera satisfait par le travail que nous mènerons en séance publique sur l’affichage environnemental.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous devons en effet aboutir sur cette question de l’affichage environnemental, y compris dans la publicité, mais nous y travaillerons en séance publique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS2422 de Mme Nathalie Sarles et CS4004 de M. Patrick Mignola (discussion commune).

Mme Nathalie Sarles. La législation ne reconnaît pas l’impact environnemental ou l’origine d’un produit comme relevant de ses caractéristiques substantielles, or, nous savons combien l’un et l’autre sont bien souvent utilisés pour influer sur le comportement des consommateurs, non seulement dans le secteur automobile mais dans l’agroalimentaire, etc.

Je propose donc une interdiction administrative de ces pratiques et de rendre possible le signalement des publicités irrégulières.

M. Bruno Duvergé. La lutte contre le changement climatique comme l’ensemble des actions menées pour la protection de l’environnement en général sont affectés par la pratique de l’éco-blanchiment ou greenwashing. Il importe que le code de l’environnement l’interdise clairement de manière générale et pas uniquement dans les relations commerciales.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il est en effet essentiel de définir plus clairement le greenwashing, même si des sanctions importantes sont d’ores et déjà prononcées. Ainsi, en février 2019, une société automobile a été sanctionnée par un tribunal d’instance pour avoir présenté des véhicules dans des champs, des prairies, des rochers, dans des lieux où il n’est pas possible de circuler.

Je souhaite que nous puissions retravailler sur cette définition en séance publique afin que le CSA, au-delà de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, puisse déterminer ce qui relève ou non du greenwashing à partir de ce nouvel outil qu’est le « contrat climat » prévu à l’article 5. À partir des différentes rédactions qui ont été proposées, je suis persuadée que nous y parviendrons, en lien avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et avec la mission sur les engagements volontaires des entreprises que Mme la ministre a confiée à M. Arnaud Gossement.

Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Il serait en effet bienvenu que nous parvenions à définir le greenwashing dans ce texte en travaillant à faire converger les définitions qui ont été proposées. Nous pourrons nous appuyer sur les travaux en cours et je demanderai à Arnaud Gossement de nous donner ses conclusions afin que nous puissions alimenter vos réflexions.

Mme Nathalie Sarles. Je retire donc mon amendement, non sans vous avoir remerciées de prendre en compte ce problème.

La jeunesse est une cible, notamment à travers les influenceurs, ce à quoi nous devons être très attentifs.

M. Bruno Duvergé. La perspective d’une réécriture pour la séance publique étant satisfaisante, je retire également l’amendement.

Les amendements sont retirés.

Amendements CS1794 de M. Gérard Leseul, CS3269 de Mme Fannette Charvier et CS2421 de Mme Nathalie Sarles (discussion commune).

M. Guillaume Garot. Il convient d’intégrer l’impact social et écologique d’un bien ou d’un service aux éléments pouvant faire l’objet d’allégations de nature à tromper le consommateur voire à induire une pratique commerciale frauduleuse.

Selon une étude de la Commission européenne et Impact France, plus de la moitié des allégations environnementales des sites web n’est pas étayée par des preuves et, dans 37 % des cas, l’allégation comporte des affirmations très vagues qui n’ont aucune conséquence positive sur l’environnement.

Mme Véronique Riotton. Il convient d’ajouter « l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre » dans la liste des éléments qui, s’ils sont faussés, sont à l’origine d’une pratique commerciale trompeuse.

Mme Nathalie Sarles. « L’impact environnemental du bien ou son origine naturelle » doivent être introduits dans le code de la consommation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit toujours de mieux éclairer les choix des consommateurs et c’est précisément pourquoi nous travaillons sur ces caractéristiques environnementales en vue de la séance publique.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Véronique Riotton. Je retire l’amendement en souhaitant que Mme Charvier puisse participer à la réécriture de ces éléments.

L’amendement CS3269 est retiré.

Mme Nathalie Sarles. Je retire également mon amendement mais je souhaite participer à cette rédaction.

L’amendement CS2421 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS1794.

Amendement CS915 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Lorsqu’un consensus se dégage au sein de notre commission, par exemple pour lutter contre l’éco-blanchiment, il serait préférable d’adopter des amendements plutôt que de renvoyer systématiquement à la séance publique.

Le code de la consommation se doit d’interdire l’« écolo-bashing », c’est-à-dire des publicités qui iraient à l’encontre du nécessaire combat contre le changement climatique ou pour le respect de la biodiversité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il n’est pas question d’inviter au retrait pour le retrait mais de faire en sorte que les rédactions puissent converger. Nous envisageons d’ailleurs d’organiser dès la semaine prochaine une table ronde autour de la question du greenwashing avec l’avocat Arnaud Gossement, la DGCCRF et d’autres acteurs reconnus.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 bis (nouveau) (article L. 328-2 [nouveau] du code de la route) : Sanctions en cas de non-respect de l’obligation de faire figurer un message sur les publicités en faveur des véhicules à moteur

Amendement CS4234 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. L’article 75 de la loi d’orientation des mobilités (LOM) a introduit l’obligation d’accompagner toute publicité en faveur de véhicules terrestres à moteur d’un message encourageant l’usage des mobilités actives, partagées, ou des transports en commun. Cet amendement vise à compléter cette disposition par un régime de sanction.

Le montant maximal de l’amende proposé – 100 000 euros – est fixé de manière à rendre la sanction significative et dissuasive au regard des investissements consentis dans la publicité par les annonceurs visés – en 2019, 3,3 milliards ont été investis par le secteur automobile dans la publicité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis favorable à ce dispositif qui complète utilement la loi LOM.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ai également du mal à croire en l’efficacité d’un dispositif qui ne serait pas accompagné de sanctions. Avis favorable.

M. Antoine Herth. Les constructeurs qui offrent une trottinette électrique dans le coffre de la voiture qu’ils vendent y échapperont-ils (Sourires) ?

M. Dominique Potier. Nous nous réjouissons que cet amendement proposé par le groupe Socialistes et apparentés dans la LOM recueille enfin un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 5 (articles 14 et 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Codes de bonne conduite des annonceurs et médias audiovisuels

Amendements de suppression CS541 de Mme Delphine Batho, CS1600 de M. André Chassaigne, CS1708 de M. Thibault Bazin, CS1798 de M. Dominique Potier et CS3143 de M. Yves Blein.

Mme Delphine Batho. La prétendue « autorégulation » du secteur de la publicité a échoué avec ces codes de bonne conduite, par exemple, dans le domaine de l’alimentation ou pour lutter contre l’obésité. Selon une étude de l’UFC-Que choisir, les messages publicitaires à destination des enfants font toujours la part belle – 88 % des spots – aux aliments de scores D et E. Selon nous, cet article relève de l’écho-blanchiment et du greenwashing.

M. Hubert Wulfranc. J’entends invoquer les équilibres financiers des médias, qui seraient en péril en cas de plus grande sévérité.

Lorsque j’étais gamin, je pouvais regarder une création française à la télé dès 20 heures 15. C’était d’ailleurs « du lourd » : Stellio Lorenzi, Les Cinq dernières minutes, etc. Le lendemain, je pouvais aller à l’école sans m’être couché bien tard. Aujourd’hui, les programmes du soir, y compris sur les chaînes publiques, commencent à 21 heures 15. L’inflation publicitaire est insupportable.

M. Pierre Vatin. Cet article nous semble contradictoire avec les objectifs fixés par l’Union européenne et contractualisés avec les constructeurs automobiles notamment.

M. Dominique Potier. C’est l’article des Tartuffes. Comme dit souvent Boris Vallaud, « Il y a pire que de ne pas faire, c’est faire semblant. » Renvoyer les médias et la communication à leur autorégulation, c’est de l’hypocrisie et c’est insupportable.

Nous devons imaginer un monde « d’après » où la liberté de la presse ne dépendra plus du consumérisme. Voilà des années que M. Garot et moi-même, notamment, nous battons pour que la publicité alimentaire cesse aux heures de grande écoute alors qu’elle fait des ravages sur les enfants, en particulier dans les milieux populaires.

Les rapports de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité sont à mourir de rire ! « Ils » feraient des efforts, « ils » seraient vertueux, « ils » s’amélioreraient, or, tous les médecins, tous les indicateurs de l’OMS et des autorités publiques témoignent exactement du contraire.

Nous sommes le Parlement, nous sommes une démocratie : le temps est venu de réguler vraiment la publicité qui, au premier chef, avant les familles, avant l’école, influence l’ensemble de nos concitoyens, en particulier, les plus fragiles. Ce n’est pas à des entités mues par l’appât du gain de le faire. Nous devons reprendre la main et contrôler les messages qui influent sur les imaginaires, surtout lorsqu’ils ont des conséquences sur la santé de la terre et des hommes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La remise en cause de l’autorité que cet article confère au CSA me paraît préoccupante. Celui-ci peut prononcer de lourdes amendes et les sanctions peuvent aller jusqu’au retrait de l’autorisation à émettre. Compte tenu des enjeux, l’extension de ses missions est cohérente avec notre politique, qui va de l’interdiction – celle de la publicité pour les énergies fossiles – à la régulation.

Je note d’ailleurs que la publicité a considérablement évolué en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ou d’alimentation : pendant les programmes consacrés à la jeunesse, le service public de l’audiovisuel ne diffuse jamais de publicités et d’autres chaînes proscrivent les publicités alimentaires. Ce n’est pas loi qui l’a imposé mais l’autorégulation. Les engagements qui ont été pris ont été tenus. Je proposerai d’ailleurs d’aller plus loin en associant le CSA à l’affichage environnemental.

Je ne comprends pas ceux qui, parmi vous, veulent accroître les contrôles et supprimer un article qui va dans ce sens.

Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Néanmoins, je le répète, la rédaction du texte n’est pas parachevée, nous avons besoin de mieux définir le contrôle et l’évaluation des engagements pris mais également, en cas de manquement, les sanctions envisagées.

Mme Delphine Batho. L’article 5 dispose que « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel promeut en outre, en matière environnementale, des codes de bonne conduite… », soit, ce qui figure exactement à l’article 14 de la loi relative à la liberté de communication : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel promeut également la conclusion de codes de bonne conduite visant à réduire efficacement l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires… ».

Le CSA a-t-il déjà prononcé la moindre sanction, depuis douze ans ? Non. Je vous renvoie à des articles de presse qui évoquent vos déclarations, Madame la rapporteure, et qui vous contredisent : la charte alimentaire du CSA est-elle contraignante ? Non.

Soyons sérieux : cet article relève du greenwashing.

M. Dominique Potier. J’ai eu l’occasion, au cours d’un stage de rattrapage de points, de me replonger dans l’histoire du code de la route.

Un député. Voilà ce que c’est d’avoir un SUV trop puissant !

M. Dominique Potier. Si vous saviez…

Les départs en vacances, longtemps, ont été une boucherie. La baisse du nombre de morts, chaque fois, a été corrélée à des mesures strictes : la ceinture de sécurité, l’alcootest, les radars.

En l’occurrence, c’est notre civilisation qui risque de mourir. Face à cela, vous proposez vos recommandations : « Soyez prudents », « Faites attention… ». Votre philosophie de la publicité est parfaitement inadéquate.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je maintiens, Madame Batho, que le CSA peut sanctionner, y compris jusqu’au retrait de la possibilité d’émettre.

De plus, prétendre que l’autorégulation serait illusoire, c’est avoir une vision idéologique des choses ou pas de vision du tout : pas une publicité, aujourd’hui, ne montrera une famille attablée devant un écran, pas plus qu’elle n’incitera à consommer excessivement. La loi n’y est pour rien. L’autorégulation repose sur des règles contraignantes, suivies par les différents acteurs.

En outre, un certain nombre de chaînes ont proscrit les publicités alimentaires.

Enfin, comment financerez-vous les programmes pour la jeunesse si toute publicité est bannie ? Comment financerez-vous ce fleuron qu’est l’animation française ? À moins que vous ne souhaitiez la disparition des programmes pour la jeunesse ?

Mme Delphine Batho. Personne ne songe à interdire toute publicité : nous visons la publicité sur ce qui porte préjudice au climat, à la biodiversité, à la santé. Je note à ce propos que les amendements concernant l’alimentation et la santé ont été déclarés irrecevables.

De plus, les pouvoirs de sanction du CSA concernent d’autres dispositions de la loi et ne relèvent pas des codes de bonne conduite.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS22 de Mme Souad Zitouni.

Amendement CS4113 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Afin de renforcer le contrôle des autorités d’autorégulation de la publicité par le Parlement, un rapport annuel fait état des dispositifs d’autorégulation et présente un bilan de leur action.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS397 de Mme Valérie Beauvais.

Mme Valérie Beauvais. À la première phrase de l’alinéa 2, il convient de supprimer les mots, insuffisamment précis : « de manière significative ». Les dispositions de l’article 5 ne précisent pas les critères en vertu desquels les membres du CSA procéderont à cette évaluation de la réduction des communications commerciales audiovisuelles, lesquelles entraîneront déjà une baisse des recettes, donc, des investissements, notamment en faveur des programmes à destination de la jeunesse, et probablement une augmentation de la redevance audiovisuelle.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le maintien de cette formule permettra de mesurer l’ampleur des efforts entrepris.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS803 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. L’article 5 prévoit que le CSA établit des codes de bonne conduite afin de réduire les publicités ayant un impact négatif sur l’environnement. L’audiovisuel public, dont le modèle repose sur la perception d’argent public, pourrait être concerné. Les chaînes privées ont un modèle différent, qui repose davantage sur les publicités. À ce titre, le CSA n’a pas à leur indiquer les publicités qu’elles doivent diffuser, mais peut les prévenir que certaines communications commerciales de biens ou services auront un effet négatif sur l’environnement.

L’amendement vise à préciser que le CSA promeut les codes de bonne conduite uniquement pour l’audiovisuel public.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement vise à restreindre le champ d’application de l’article 5 à l’audiovisuel public. Nous estimons au contraire que les codes de bonne conduite doivent s’appliquer à l’ensemble de l’audiovisuel, même si une attention particulière est portée à l’audiovisuel public, pour les raisons citées. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’objectif du Gouvernement est d’amener le plus grand nombre de professionnels à prendre des engagements, qu’il s’agisse de médias audiovisuels au sens strict – publics et privés – comme de l’ensemble des acteurs de la publicité. J’appelle votre attention sur l’intérêt de la démarche de corégulation que nous avons retenue. Nous voulons donner leur chance à la corégulation et à des engagements volontaires, parce que cela nous permet d’appréhender des acteurs, particulièrement ceux du numérique, que la loi française n’aurait pas pu atteindre par une autre méthode. Les règles de territorialité limitent en effet les pouvoirs du CSA aux plateformes établies en France, alors que le marché de la publicité numérique est dominé par un duopole de plateformes établies à l’étranger, qui capte 75 % du marché français de la publicité numérique et 90 % de la croissance du secteur.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.

M. Julien Dive. Il s’agit non de restreindre l’application de ce code de bonne conduite à l’audiovisuel public mais de limiter l’interventionnisme du CSA à la partie publique. Cela ne l’empêchera pas de diffuser des codes de bonne conduite, de sensibiliser à ce sujet, par exemple par un bandeau explicatif, ou de sanctionner certaines chaînes privées, comme il l’a fait récemment – des chaînes privées ont écopé de plusieurs millions d’euros d’amendes. Il pourra toujours le faire. Le modèle économique des chaînes publiques est différent de celui des chaînes privées. Tel qu’il est rédigé, l’article 5 donne un poids considérable au CSA, qui semble logique pour l’audiovisuel public, mais moins pour les chaînes privées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement de précision CS5093 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il vise à assurer la cohérence entre l’article 1er, tel qu’il a été adopté, et l’article 5, afin que les mêmes critères soient retenus. Il s’agit de mesurer l’impact environnemental « en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommation des ressources naturelles sur l’ensemble de leur cycle de vie ».

Mme Barbara Pompili, ministre. Plus on est cohérent, mieux c’est. Avis favorable.

Mme Aude Luquet. Je suis très satisfaite que la biodiversité soit prise en compte, conformément à mon amendement CS3278.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements identiques CS3278 de Mme Aude Luquet et CS4275 de Mme Barbara Bessot Ballot, ainsi que les amendements CS4274 et CS4276 de Mme Barbara Bessot Ballot, et CS3531 de M. Jimmy Pahun tombent.

Amendement CS4688 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il vise à ajouter, après la dernière phrase de l’alinéa 2, la phrase « Ces codes tiennent compte de la diversité des collectivités territoriales françaises ». En laissant le Conseil supérieur de l’audiovisuel dicter ce qui promeut ou non les bonnes conduites environnementales, le législateur risque de se couper d’une partie de nos concitoyens vivant hors de la métropole. Nous entendons nous assurer que les collectivités d’outre-mer ne subiront pas de censure.

Le tourisme présente un impact carbone élevé, du fait des vols en avion. La rédaction actuelle laisse penser qu’aucune publicité sur les vols long-courriers à destination des collectivités d’outre-mer ne sera visible. La France est riche de la diversité de ses territoires : les échanges entre les métropolitains et les Polynésiens ne doivent pas être passés sous silence. Il en va de même des publicités sur les bananes de Martinique ou de La Réunion, qui ne pourraient plus être diffusées en raison de leur impact carbone.

L’objet de l’amendement est d’assurer la représentativité de tous les territoires français, quel que soit l’impact carbone qui s’y attache.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les codes de bonne conduite ont pour enjeu de permettre la corégulation tout en s’adaptant à des spécificités, dont celles des territoires, en particulier ultramarins. Elle a parfois plus de sens qu’une inscription dans la loi.

Je souscris donc à votre remarque, qui est satisfaite par le principe que nous posons à l’article 5, celui des codes de bonne conduite et de la corégulation. Aussi, je vous suggère de retirer votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je partage ces arguments. Il serait inopportun de figer des dérogations dans le texte alors qu’aucune interdiction de principe n’est prévue. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme Delphine Batho. Ces propos témoignent de la portée de l’article, qui ne prévoit aucune interdiction, et s’appuie sur la corégulation. Je rappelle que France Nature Environnement a récemment quitté l’Autorité de prétendue régulation professionnelle de la publicité, dans laquelle elle siégeait depuis des années, en dénonçant l’absence de volonté environnementale qui y règne.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS5022 et CS5023 de la rapporteure.

Amendements CS4119 de la rapporteure, CS3146 de M. Fabien Lainé et CS3095 de M. Philippe Naillet (discussion commune).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement CS4119 vise à clarifier le lien entre l’affichage environnemental de l’article 1er et les nouveaux outils d’autorégulation, détaillés à l’article 5. Les codes de bonne conduite prévus ont notamment pour objet de réduire de manière significative l’impact négatif sur l’environnement de certaines communications. L’amendement CS4119 prévoit que cet impact soit mesuré, notamment au moyen de l’affichage environnemental, tel qu’il a été voté à l’article 1er. Tout en assurant la cohérence du texte, il clarifie le rôle du CSA s’agissant des atteintes en matière environnementale.

M. Fabien Lainé. Contrairement à mes collègues Dominique Potier et Delphine Batho, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une « tartufferie » : il n’est pas vain de faire confiance aux acteurs, au droit souple et à l’autorégulation. Mme la ministre l’a évoqué, peut-être l’article 5 doit-il aller plus loin.

L’amendement CS3146 vise à encadrer l’autorégulation par les contrats climat et les codes de bonne conduite afin d’aboutir à la suppression de la publicité pour les biens et services dont l’impact carbone est le plus élevé. Il fixe un délai raisonnable de cinq ans, tout en restant dans le cadre de la corégulation sur laquelle se fonde l’article 5.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Par cohérence, je vous demande de retirer les amendements CS3146 et CS3095, qui sont satisfaits par l’inscription de la capacité du CSA à mesurer l’impact environnemental par l’affichage environnemental. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement CS4119 précise que l’impact négatif des produits est mesuré par l’affichage environnemental, prévu par la loi AGEC, dès lors qu’il est généralisé. En l’état, la rédaction ne définit pas les référentiels que le CSA peut mobiliser, l’objectif étant qu’il utilise les référentiels de la loi AGEC, dès qu’ils s’appliqueront. Ce déploiement pourrait toutefois prendre plusieurs années pour certaines catégories de produits et services. Dans ce contexte, nous avons fait le choix de ne pas exclure le recours à d’autres référentiels dans un premier temps. Le CSA pourra ainsi faire référence aux méthodologies définies au titre de l’article 1er, au fil de leur publication, et mobiliser d’autres critères pour les catégories de produits qui ne feraient pas encore l’objet d’une méthodologie dans le cadre de l’affichage environnemental.

Sur le principe, je suis favorable à l’amendement CS4119, mais il ne doit pas être compris comme une invitation à attendre que l’ensemble des méthodologies sur l’affichage environnemental soient finalisées pour mesurer le report de la publicité vers des produits plus vertueux. Par cohérence, je vous suggère de retirer les amendements CS3146 et CS3095.

Par ailleurs, si France Nature Environnement (FNE) a bien quitté le conseil paritaire de la publicité, un organe sans grand pouvoir de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), il doit intégrer son conseil d’administration en juin. Nous pouvons nous en réjouir.

M. Matthieu Orphelin. Nous risquons fort que l’article 5 n’aille pas suffisamment loin. Depuis quinze ans, nous constatons la lenteur des progrès qu’a permis l’ARPP. J’avais contribué à créer le dispositif lorsque je travaillais à l’ADEME. Les premiers retours montrent que les contrats et codes de conduite sont très légers, avec très peu d’engagements. Ils ne suffiront pas. Mme la ministre l’a bien dit, le fait de lier l’impact à l’affichage environnemental fera perdre plusieurs années.

L’article est même contre-productif par rapport à ce que nous voulons faire. Les sept engagements que la filière communication a publiés récemment me confortent dans cette idée : il n’est question que de rédiger des feuilles de route ou de s’accorder sur des méthodologies. L’article 5, tel qu’il est rédigé et tel que nous le complétons, est bien une « tartufferie », pour reprendre le mot de Dominique Potier.

Mme Delphine Batho. Je n’ai pas compris quelles conclusions Mme la ministre tirait des observations de bon sens qu’elle a faites sur l’amendement CS4119. Il consiste à reporter des codes de bonne conduite inexistants et sans portée, au moment où l’affichage environnemental sera en vigueur, alors que lui-même sera appliqué dans un délai de cinq ans.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis favorable à l’amendement CS4119. Pour éviter tout biais d’interprétation, je précise qu’il faut utiliser les méthodologies prévues par la loi AGEC, mais que la rédaction de l’article doit permettre d’en utiliser d’autres, en attendant leur application.

Mme Delphine Batho. Je confirme l’énorme biais d’interprétation : même des codes de bonne conduite insipides n’auront pas la moindre promotion avant cinq ans, et ne pourront pas être mis en œuvre. Ce travail légistique est remarquable !

M. Matthieu Orphelin. Les codes de bonne conduite prévus dans le projet de loi, avec supervision du CSA, existent depuis des années pour les publicités sur la malbouffe. Santé publique France et la Cour des comptes ont pointé leur inefficacité l’an dernier, et demandé une régulation de ces publicités par la loi. Le modèle des codes de bonne conduite ne fonctionne pas. Pourtant, le Gouvernement veut le promouvoir.

Les amendements CS3146 et CS3095 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CS4119.

Amendements identiques CS2374 de Mme Nathalie Sarles et CS4760 de M. JeanCharles Colas-Roy.

Mme Nathalie Sarles. Nos débats montrent la nécessité de renforcer les codes de bonne conduite, eu égard à leurs résultats insuffisants. L’alinéa 3 prévoit que le CSA présente « un bilan des codes de bonne conduite en matière d’environnement » dans son rapport annuel. Cette temporalité ne semble pas suffisante. De plus, conformément aux dispositions de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi ESSOC, nous pourrions favoriser le « name and shame » d’entreprises qui ne respectent pas les codes de bonne conduite, en rendant ces informations accessibles aux consommateurs.

M. Jean-Charles Colas-Roy. J’ai déposé des amendements à l’article 4, qui visent à aller plus loin dans l’interdiction des publicités. L’autorégulation des acteurs semble intéressante. La confiance accordée aux acteurs n’exclut ni le contrôle ni la transparence. Je remercie donc Mme la rapporteure d’avoir apporté des éléments pour renforcer les codes de bonne conduite.

L’amendement CS4760, que j’ai déposé avec l’ensemble des membres du groupe La République en Marche, précise que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, chargé de contrôler l’application des codes de bonne conduite, rendra public ses observations. Nous proposons d’indiquer les entreprises qui contreviennent au code de bonne conduite afin que chaque citoyen connaisse celles qui ne jouent pas le jeu. L’amendement CS4760 va donc dans le sens de favoriser l’autorégulation, plutôt que l’interdiction.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vous l’avez souligné, j’ai voulu renforcer les prérogatives du CSA à l’article 5. Peut-être faut-il aller encore plus loin. Le « name and shame » est pratiqué dans certains cas : nous l’avons par exemple renforcé dans les enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes. Il doit rester limité à des cas significatifs.

L’objectif des bilans des codes de bonne conduite est que le CSA puisse effectuer des observations en continu, toute l’année, aux entreprises afin qu’elles réorientent ou affinent leurs actions. Il faut définir si l’intégralité des observations, quelle que soit leur portée, doit être rendue publique ou s’il convient de faire confiance à l’autorégulation et aux outils de contrôle instaurés. Je suis donc prête à renforcer l’article 5 pour la séance, mais dans l’optique de réserver ces dispositions à quelques cas. Appliquées de manière systématique, elles feraient perdre le sens même de la corégulation.

Je vous propose donc de retirer les amendements, afin de les retravailler, peut-être en lien avec le CSA, qui sera le gardien du déploiement des codes de bonne conduite, et de leur contrôle. Il faudra notamment examiner dans quels cas ces dispositions seraient pertinentes.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le rapport annuel de l’ARPP fournit déjà des observations et permet d’atteindre une partie des objectifs que visent ces amendements. Il conviendrait cependant de préciser les mesures. Je vous propose de les retirer, afin de les retravailler.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre pour leurs propositions de retravailler et d’améliorer le dispositif. Il ne s’agit pas de stigmatiser les acteurs qui essayeraient de jouer le jeu mais pourraient contrevenir aux obligations. Essayons d’améliorer le dispositif. N’entrons pas dans la stigmatisation, dès lors que nous avons décidé de faire confiance.

Je retire donc l’amendement CS4760, afin de le retravailler d’ici à la séance.

Mme Nathalie Sarles. Des personnes auditionnées ont signalé que les rapports annuels de l’ARPP étaient peu visibles et peu lus. Il faudra réfléchir à la publicité qui en est faite.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS4277 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mm Huguette Tiegna. Cet amendement vise à préciser et renforcer la démarche d’évaluation du dispositif d’autorégulation de la publicité sur le plan environnemental. L’obligation de moyens qui prévaut pour les autres aspects de la régulation publicitaire n’est en effet pas suffisante, compte tenu de l’urgence climatique et de la crise de la biodiversité. Les annonceurs doivent être tenus à une obligation de résultat en matière de verdissement de la consommation des biens et services faisant l’objet des communications publicitaires. L’Agence de la transition écologique doit être pleinement associée à cette évaluation, afin d’apporter son expertise.

Le bilan ainsi élaboré doit faire l’objet d’une évaluation conjointe de la commission des affaires culturelles et de la commission du développement durable des deux chambres, et donner lieu à un débat en séance publique, en présence du Gouvernement.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Madame Sarles, vous avez voté l’amendement permettant que le rapport de l’ARPP, voté chaque année, soit remis au Parlement. Cela renforcera la publicité sur ses missions et l’évaluation réalisée, ainsi que nos capacités de contrôle.

S’agissant de l’amendement, il est étrange que l’ADEME vienne contrôler le bilan que réalise une autre autorité, le CSA. Lorsque nous l’avions auditionné, son président avait de plus refusé une extension des missions de l’agence à l’article 5. Quant à l’évaluation par les commissions, elle ne relève pas de la loi : rien ne les empêche de mener des auditions croisées ou d’auditionner le CSA de manière conjointe lorsque les premières évaluations de l’application de la loi pourront être faites.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Par principe, le Gouvernement ne peut s’opposer à un amendement qui vise à renforcer les contrôles du Parlement. J’émets donc un avis de sagesse.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement va dans le bon sens. Il n’est pas choquant que l’ADEME, qui dispose d’experts reconnus, travaillant depuis quinze ans sur ces sujets, réalise une telle évaluation.

M. Dominique Potier. J’entends l’argument de la rapporteure selon lequel le président de l’ADEME, M. Arnaud Leroy, ne souhaite pas étendre les missions de l’agence. Cependant, nous sommes le Parlement : c’est à nous de donner des missions aux agences de l’État. On ne demande pas à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) s’il souhaite faire de l’agroécologie : c’est le ministre de l’agriculture ou le Parlement qui assigne cette mission. L’ADEME ou le Haut Conseil pour le climat (HCC) ont vocation à contrôler cette loi souple que vous mettez en place avec l’autorégulation et à évaluer si elle est crédible ou non. Cela relève du Parlement. Nous soutenons donc l’amendement de notre collègue.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il ne s’agit pas de nous dessaisir de missions de contrôle. La plupart des dispositions de l’amendement n’ont pas besoin d’être inscrites dans la loi. Les auditions croisées, par exemple, sont déjà possibles. Elles sont d’ailleurs souhaitables, à l’issue de l’adoption de la loi. L’amendement témoigne cependant d’une forme de défiance envers le CSA lorsqu’il envisage que l’ADEME évalue son travail. L’inverse serait aussi possible, mais on n’en finirait plus. C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS224 de Mme Souad Zitouni.

Amendement CS4690 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il vise à compléter l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 pour préciser que « le bilan des codes de bonne conduite en matière d’environnement précise le nom et la motivation des entreprises ainsi que les divers organismes écartés », et garantir une transparence accrue aux citoyens. Par exemple, on peut se demander si une entreprise comme EDF, dont le cœur de métier est le nucléaire, est concernée. Les avis divergent sur l’impact environnemental de cette énergie bas carbone.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. J’ai un doute sur la faisabilité pratique de l’amendement. Dans sa rédaction actuelle, l’article permet d’élargir les prérogatives et les outils de contrôle du CSA. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS2723 et CS2692 ainsi que CS2560 et CS2624 de Mme Véronique Riotton (discussion commune).

Mme Véronique Riotton. Le texte fait confiance au secteur de l’audiovisuel, dont les membres ont exprimé différents engagements lors des auditions. L’ensemble du secteur dit vouloir prendre en compte l’accord de Paris dans ses objectifs. Je serai très vigilante sur les résultats d’Agathe Bousquet et d’Arnaud Leroy, et maintiendrai cette vigilance jusqu’à la semaine qui précède nos débats en séance. Plutôt que de prendre en compte ses objectifs, il serait préférable que le secteur intègre l’accord de Paris.

Les amendements concernent également l’ARPP. Si sa mission est louable – les acteurs s’accordent sur des recommandations –, des limites sont apparues lors des auditions quant à sa gouvernance et la visibilité des accords. Les amendements visent à informer les citoyens. En particulier, le rapport annuel doit permettre de vérifier l’ouverture de la gouvernance aux associations de consommateurs, aux ONG, aux élus, ainsi que l’effectivité des recommandations données. Aujourd’hui, une plainte devant le jury de déontologie publicitaire porte sur une publicité diffusée au cours des deux mois précédant sa réception, ce qui n’est pas efficace. Les amendements visent donc à renforcer l’efficacité et la visibilité du dispositif.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il a été beaucoup question du rôle de l’ARPP, y compris lors des auditions. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité qu’il y ait une clarification, et qu’un rapport soit remis chaque année au Parlement. Il permettra une plus grande transparence sur la manière dont l’ARPP fonctionne, tout en reconnaissant le rôle de cette autorité de régulation.

Comme elle en a pris clairement l’engagement lors des auditions, l’ARPP est en train d’appliquer certaines des dispositions figurant dans les amendements. Ses statuts et son règlement intérieur sont en cours de modification ; le jury de déontologie publicitaire sera amélioré et la gouvernance, révisée, pour aller vers une plus grande ouverture, y compris vers certaines associations. Les amendements sont donc satisfaits par la réforme actuelle de l’ARPP sur laquelle des engagements très clairs ont été rendus publics et présentés au Parlement lors des auditions. Il n’y a pas matière à douter de ces évolutions.

Pour ces raisons, je vous demande de retirer les amendements. Le bilan qui sera remis chaque année et exposé au Parlement viendra conforter cette évolution.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les amendements visent à imposer à l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité soit la transmission de rapports au Parlement soit l’ouverture de la gouvernance à d’autres acteurs. Tels qu’ils sont rédigés, ils sont contraires à la liberté contractuelle. L’ARPP étant une association régie par la loi de 1901, de telles obligations ne peuvent lui être imposées par la loi.

Les amendements pourraient être partiellement satisfaits par les engagements volontaires que l’ARPP a pris récemment. Ils prévoient notamment le renforcement de l’information du Parlement sur son activité, au travers d’un rapport annuel et d’échanges réguliers avec les deux chambres. La réforme devrait également améliorer l’efficacité du jury de déontologie publicitaire en renforçant sa procédure d’urgence.

Les amendements étant satisfaits par ce biais, je vous demande de les retirer.

Mme Véronique Riotton. Je retire les amendements. Il existe une ligne de crête entre le suivi des engagements grâce aux éléments du rapport et l’inscription d’une obligation dans la loi. D’ici à la séance, nous pourrions clarifier la nature du rapport qui ressort des amendements de la rapporteure.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 5 ainsi modifié.

Après l’article 5

Amendements CS2735 de M. Matthieu Orphelin et CS1540 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Matthieu Orphelin. En matière d’alimentation, il existe un déséquilibre majeur entre les publicités pour la malbouffe et celles pour la prévention. De même, pour le climat, il y a mille fois moins de publicités sur l’écoconsommation et la consommation durable que de messages encourageant la consommation de produits. Il est normal que cela ne fonctionne pas : les 34 milliards d’euros investis dans la publicité servent bien à orienter les choix des consommateurs.

L’amendement CS2735 vise à instaurer une « contribution à la publicité responsable » à partir de 2023 – soit, nous l’espérons, après la crise. Il s’agit de consacrer 1 % des achats d’espaces à des publicités d’intérêt général sur la consommation durable et la préservation des ressources, en plus de celles que les marques peuvent diffuser. On rétablirait par-là davantage d’équité.

M. Dominique Potier. L’amendement CS1540 n’est pas nouveau : j’ai déjà défendu des propositions similaires, avec d’autres collègues d’autres groupes, dans le cadre de la loi relative à l’énergie et au climat, de la LOM et de la loi AGEC.

En prélevant 1 % sur les budgets publicitaires, évalués à 34 milliards d’euros par an, nous obtiendrions 340 millions d’euros, soit la moitié du budget de l’ADEME. Cette ponction de 1 % revient donc à donner à l’ADEME la possibilité de réaliser 50 % d’actions supplémentaires pour prévenir les drames climatiques qui s’annoncent.

Nous sommes favorables à des mesures claires et fortes, semblables à celles adoptées en matière de prévention routière, qui permettent de sauver des vies. À défaut, nous proposons d’abonder le budget de l’ADEME et d’augmenter les moyens de l’éducation populaire. Les organisations scoutes, les foyers ruraux et les associations de consommateurs seraient tout à fait capables d’utiliser cet argent pour sensibiliser nos concitoyens des quartiers populaires et les publics les plus fragiles aux comportements écoresponsables.

Cette ponction de 1 % est un minimum, d’autant que le marché de la publicité est prospère et lucratif. Ce n’est pas la dîme ! Mais vous me donnez l’idée et l’énergie de déposer, en séance, un amendement prévoyant un prélèvement de 10 %.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. En effet, les prélèvements proposés ne sont pas à la hauteur de la dîme, mais cette contribution financière a tout de même été supprimée il y a quelque temps ! La majorité n’a pas l’intention de créer une nouvelle taxe.

Il est difficile de dire que le secteur de la publicité va bien au regard de la chute des investissements publicitaires liée à la crise. En réalité, il existe de fortes disparités. La situation est bonne dans certains domaines comme celui de la publicité numérique, mais elle ne bénéficie pas vraiment aux médias français. Elle est beaucoup moins bonne dans les secteurs du cinéma, de la télévision, de la radio et de la presse quotidienne régionale. Une taxe touchant l’ensemble des investissements publicitaires pénaliserait avant tout les médias traditionnels, tandis que d’autres secteurs se portent très bien. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement s’est engagé à ne pas créer de nouveaux impôts et à ne pas augmenter les impôts existants. Le vote de cette nouvelle taxe, dont le rendement serait d’ailleurs très limité, contreviendrait en outre à l’objectif de simplification du paysage fiscal que nous poursuivons. Avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Autant j’étais prêt à entendre Mme Bergé s’insurger contre la création d’une nouvelle taxe – même si nous parlons d’une contribution –, autant je m’étonne que Mme Pompili se contente de cet argument.

Les articles 4 et 5 ne contiennent aucun dispositif. C’est de la flûte ! Vous l’assumez et c’est très bien, mais il n’est pas normal que vous refusiez le débat et repoussiez sans ménagement toutes nos propositions. Vous invoquez la crise, mais la mesure que nous défendons a vocation à s’appliquer à partir de 2023 – j’espère qu’à cette date, nous serons sortis de la crise. Je regrette que nous ne puissions pas débattre sereinement de ces questions. N’utilisez pas des arguments sans rapport avec nos amendements !

M. Dominique Potier. Les amendements que nous avons défendus sont très modérés et largement en dessous de nos ambitions.

Mme la rapporteure a évoqué les difficultés rencontrées par le monde de l’événementiel et de la création publicitaire : nous pouvons entendre cet argument, d’autant que ce secteur recèle de vrais métiers, de vrais savoir-faire, et qu’il peut nous éblouir d’un point de vue artistique. Or, en consacrant 1 % du budget de la publicité aux actions de l’ADEME, des mouvements d’éducation populaire ou des associations de consommateurs, cette même énergie créative pourrait être mise au service du bien commun, pour un chiffre d’affaires inchangé. Pour les supports médiatiques de la publicité, par exemple, le bilan serait absolument équilibré. Cette ponction de 1 %, qui pourrait être portée à 3 %, 4 % ou 10 %, ne changerait rien en termes d’emploi, d’activité et d’équilibre financier du secteur audiovisuel : il opérerait simplement un rééquilibrage entre les émetteurs de la publicité, ce qui relève tout à fait du rôle de l’État et de la fiscalité.

M. Hubert Wulfranc. La proposition audacieuse de nos collègues socialistes va dans le bon sens. Votre avis défavorable s’ajoute à tous vos refus de majorer la fiscalité des entreprises pour des motifs d’intérêt général. De même, hier, vous avez repoussé la proposition de M. Potier de mettre en œuvre un plan national de prévention de la dégradation de l’environnement. Plusieurs de nos collègues vous ont également invités à engager, en lien avec les associations du mouvement d’éducation populaire, un grand plan d’action pluriannuel permettant de faire connaître à tous les publics, dans l’ensemble du territoire, les ambitions qui sont les nôtres en matière de lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de l’environnement et de la biodiversité. Je regrette que vous repoussiez une nouvelle fois, au nom d’une conception étriquée de la défense des intérêts financiers des entreprises, cette proposition de contribution publique qui, pour être audacieuse, n’en demeure pas moins limitée.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS3094 de M. Philippe Naillet.

Amendement CS3096 de M. Philippe Naillet.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Sur les questions relatives au greenwashing, nous sommes convenus de renvoyer le débat à la séance publique. Nous vous proposerons des auditions dès la semaine prochaine. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 bis (nouveau) : Rapport sur l’impact environnemental des différents modes de réception de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande

Amendement CS4709 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron. Il vise à demander à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de publier, en lien avec le CSA, un rapport annuel mesurant l’impact environnemental des différents modes de réception de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.

En France, nous ne disposons pas encore d’étude satisfaisante relative à l’impact environnemental de la consommation audiovisuelle, comme en réalise la BBC. Pour pallier le manque d’information sur l’empreinte environnementale du numérique, le Gouvernement a récemment confié à l’ARCEP et à l’ADEME une mission conjointe visant à identifier et évaluer les différents facteurs permettant de quantifier cette empreinte.

Le rapport que nous demandons permettrait de mieux informer le public quant à la consommation énergétique et aux émissions de gaz à effet de serre provoquées par chacun des modes de réception ou terminaux – hertzien, câble, satellite, fibre, ADSL… Il aiderait nos concitoyens à faire des choix éclairés dans leur consommation.

Il permettrait enfin de valoriser la réception par voie hertzienne, bien plus sobre – l’étude réalisée par la BBC a montré qu’elle consommait en moyenne trois fois moins d’énergie que la réception par internet. Aux États-Unis, la part des foyers utilisant seulement l’antenne râteau pour recevoir la télévision est passée de 9 % à 23 % entre 2013 et 2020. En France, en revanche, la télévision numérique terrestre (TNT) est de moins en moins utilisée, alors qu’elle est gratuite et facile d’accès. Il convient de mieux informer les citoyens et de les sensibiliser à cet enjeu.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je suis très favorable à cet amendement : ce rapport publié par l’ARCEP, en lien avec le CSA, me paraît tout à fait bienvenu. Il me semble en effet important d’évaluer l’impact environnemental des différents modes de réception et de visionnage des contenus audiovisuels. Vous avez raison, la TNT est un outil très précieux qui, outre sa gratuité, garantit l’anonymat des données recueillies et l’égal accès à la télévision dans les territoires. Il est appréciable que ces avantages rejoignent les enjeux environnementaux.

Mme Barbara Pompili, ministre. À l’article 1er, j’avais donné un avis défavorable à un amendement de Mme Forteza poursuivant le même objectif, tout en reconnaissant l’intérêt d’une telle disposition. D’un point de vue juridique, l’amendement que Mme Piron vient de présenter est mieux rédigé. Il va dans le même sens que la feuille de route « Numérique et environnement » que j’ai présentée, avec Cédric O, le 23 février dernier. Nous faisons des progrès en matière de mesure de l’impact environnemental du numérique, et il me paraît tout à fait opportun que le CSA et l’ARCEP présentent au Parlement un rapport annuel sur ce sujet. Je souhaite toutefois que ce rapport soit publié par le CSA, en lien avec l’ARCEP, et non l’inverse. Les services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relèvent en effet de la compétence du CSA. Avis favorable, donc, sous réserve de cette rectification.

Mme Béatrice Piron. Notre rédaction se justifie par le fait que le Gouvernement a déjà confié cette mission à l’ARCEP, et non au CSA. Il ne faudrait pas alourdir la charge de travail de ce dernier. Je propose que la commission adopte notre amendement en l’état et que nous en rediscutions en séance.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Je ne suis pas sûre qu’il faille confier cette mission à l’ARCEP, dans la mesure où c’est le CSA qui est compétent en la matière. Si cet amendement est adopté tel quel, il faudra vraiment que nous y revenions en séance.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 5

Amendement CS4808 de Mme Sira Sylla.

Mme Huguette Tiegna. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport visant à apprécier si l’effort consenti est compatible avec les trajectoires de réduction des émissions résultant de la stratégie nationale bas-carbone. Il convient de renforcer la confiance des consommateurs, dans le cadre d’un processus transparent et incontestable, pour atteindre les objectifs que la France s’est fixée en matière de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Aux termes de l’article 5, le CSA et l’ARPP remettront au Parlement un rapport annuel d’activité permettant de dresser un bilan de l’application des codes de bonne conduite. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

Article 6 (articles L. 581-3-1 [nouveau], L. 581-6, L. 581-9, L. 581-14-2 [abrogé], L. 581‑18, L. 581-21, L. 581-26, L. 581-27, L. 581-28, L. 581-29, L. 581-30, L. 581‑31, L. 581-32, L. 581-33, L. 581-34, L. 581-35 et L. 581-40 du code de l’environnement ; article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales) : Pouvoir de police de la publicité confié au maire

Amendements de suppression CS542 de Mme Delphine Batho, CS1601 de M. André Chassaigne et CS1805 de M. Dominique Potier.

Mme Delphine Batho. Les dispositions de l’article 6 n’ont aucun lien avec les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Elles remettent en cause les dispositions de la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle, relatives à la police de la publicité et de l’affichage dans les territoires ; elles suppriment notamment le pouvoir du préfet d’ordonner le retrait ou la mise en conformité de panneaux publicitaires. Le maire est déjà l’autorité compétente en la matière. En retirant tout pouvoir au préfet, l’article 6 soulève un certain nombre de problèmes.

Il pose, tout d’abord, un problème de principe s’agissant du rôle de l’État en matière de protection des paysages, du cadre de vie, et de lutte contre l’invasion publicitaire. Or, dans les territoires où il n’existe pas de règlement local de publicité, les collectivités n’ont pas les moyens techniques et humains d’exercer concrètement leur pouvoir de police.

L’article 6 expose par ailleurs les collectivités aux recours contentieux. Ainsi, une collectivité pourrait être condamnée à verser des indemnités pour avoir exercé à tort un pouvoir de police, ordonnant par exemple le retrait de panneaux publicitaires.

En outre, les collectivités ne pourront plus demander conseil aux services de l’État en cas de doute sur la conformité d’une situation à la réglementation en vigueur.

Le quatrième problème, et non des moindres, est que l’article 6 prive la société civile de sa capacité d’agir. Lorsque des panneaux publicitaires envahissent une route très fréquentée menant à une grande agglomération, que cette route traverse plusieurs communes et qu’il n’existe pas de règlement intercommunal de publicité, les associations de protection du paysage interpellent le représentant de l’État, qui engage alors une concertation avec les élus locaux. En privant le préfet de tout pouvoir, on obligera les associations à s’adresser à un interlocuteur différent pour chaque commune traversée.

M. Hubert Wulfranc. En fait, vous « refilez la patate chaude » aux maires, avec une réglementation à deux vitesses. Vous envoyez les élus locaux au charbon en les laissant se débrouiller avec les commerçants. C’est indécent ! Vous prévoyez de transférer aux collectivités les soixante équivalents temps plein dédiés aux missions d’instruction et de contrôle en matière de publicité, mais cette compensation est dérisoire.

M. Guillaume Garot. Vous organisez un désengagement complet de l’État en matière de régulation locale de la publicité. Cela emporte deux conséquences.

Tout d’abord, vous laisserez se développer une régulation à deux vitesses. Alors que certaines communes auront les moyens juridiques de s’opposer aux pressions, d’autres – les plus petites – ne pourront pas intervenir correctement dans ce domaine.

Par ailleurs, vous entraînerez une multiplication des recours administratifs et des procédures contentieuses. Prenons l’exemple d’une route traversant plusieurs communes, où l’on observerait une succession de panneaux publicitaires. Aujourd’hui, une association exerce un recours auprès de l’État ; demain, elle devra adresser un recours à chacune des communes traversées par la route. Est-ce ce que vous souhaitez ? Ce n’est pas de bonne administration.

Comme l’a dit très justement Hubert Wulfranc, sous couvert de mesures de décentralisation, c’est un désengagement de l’État que vous organisez. Nous devons protéger les maires des pressions qu’ils subiront localement et conforter l’État dans son rôle de régulateur.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je ne comprends pas les arguments utilisés pour demander la suppression de cet article. On parle constamment de la nécessité d’agir au plus proche des territoires et de confier davantage de compétences aux collectivités. On fait valoir que le maire est celui qui connaît le mieux sa commune : il sait ce qui est acceptable, ce qui ne l’est pas, et connaît la manière dont il pourra interagir avec les entreprises et les commerces implantés dans son territoire. L’article 6 permet justement de donner de nouvelles compétences aux élus locaux. Lors de nos auditions, nous les avons interrogés sur ces dispositions, et ils n’y sont absolument pas hostiles, bien au contraire. On ne peut pas appeler à plus de décentralisation, et en même temps s’y opposer quand l’État est prêt à le faire.

L’article 6 n’empêchera absolument pas l’État de continuer à conseiller les collectivités en la matière. Les préfets, les sous-préfets et les administrations déconcentrées de l’État continuent d’entretenir un dialogue très nourri avec les élus locaux, quel que soit le sujet, même lorsque la compétence a été transférée.

Dans les petites communes, la compétence de régulation de la publicité pourra être déléguée au niveau de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L’intercommunalité permet justement de mettre en commun un certain nombre de prérogatives quand les communes considèrent qu’elles n’ont pas les moyens humains, matériels et financiers suffisants pour agir à leur échelon.

En somme, nous faisons confiance aux territoires. L’article 6 permet de faire plus de dentelle, car on ne peut pas légiférer de la même manière dans la circonscription du rapporteur général, située dans le Gers, et dans la mienne, dans les Yvelines. Le conseil délivré par l’État va perdurer, de même que les voies de recours contre les décisions et que la possibilité d’exercer cette compétence au niveau intercommunal. Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous voulons faire en sorte que la publicité soit régulée au niveau le plus approprié. Le maire et le président d’EPCI sont des acteurs de terrain. Ils connaissent les spécificités de leur territoire et les besoins des commerçants : ils savent donc où il est intéressant d’afficher une publicité et où il est préférable de ne pas en avoir. Les élus que j’ai rencontrés et avec qui j’ai discuté de cet article sont heureux qu’on leur fasse confiance. Il y a quelques semaines, la maire d’une petite commune près de Lyon m’a expliqué qu’elle avait fait adopter un règlement local de publicité tenant compte des spécificités de sa commune, très différente de celle d’à côté – en l’occurrence, un petit centre très joli surplombe une zone commerciale justifiant davantage de panneaux publicitaires. Après de nombreux échanges avec les commerçants, elle a réussi à réguler la publicité rue par rue. Nous voulons encourager les initiatives de ce genre, car nous pensons que la commune constitue l’échelon adapté pour cette régulation. Faisons confiance aux élus !

J’ai entendu des objections contradictoires. Certains redoutent que les élus locaux aillent à l’encontre des commerçants, mais je n’ai jamais vu un maire cherchant à mettre en difficulté le commerce dans sa commune – en général, il dialogue avec les commerçants pour les aider à développer leur activité. Nous reparlerons d’ailleurs de la question des vitrines à l’article 7. D’autres craignent, au contraire, que les élus locaux soient pieds et poings liés avec les commerçants, mais le contact quotidien avec les électeurs les amènera certainement à adopter une attitude équilibrée.

Pour ma part, je crois à la qualité du travail des élus locaux et à la nécessité de travailler en confiance avec eux. Si un panneau publicitaire n’a rien à faire à tel ou tel endroit, il est évident que le maire le verra plus vite que le préfet. Avis très défavorable à la suppression de cet article.

Mme Delphine Batho. Voici ce qu’écrit le Conseil d’État, dans son avis, à propos de la suppression du pouvoir du préfet : « Cette voie de droit présente cependant moins de souplesse que le pouvoir de substitution que le droit en vigueur reconnaît au préfet pour remédier aux effets que pourrait avoir l’inaction du maire sur la protection du cadre de vie. Le Conseil d’État estime inopportun de supprimer cette faculté dont dispose aujourd’hui le préfet, au rebours de l’objectif même du projet de loi qui vise à renforcer la protection du cadre de vie. » Autrement dit, cet article constitue un recul important pour la protection des paysages et du cadre de vie, partout dans notre pays.

M. Guillaume Garot. Dans la vraie vie, les maires sont parfois l’objet d’interventions amicales mais assez pressantes de la part de leurs administrés, et cela peut se comprendre. Le dispositif actuel leur permet de résister à ces pressions, car si les maires peuvent agir dans le cadre du règlement local de publicité, les préfets peuvent intervenir en cas de manquement constaté localement. Il y a donc un certain équilibre. Je n’ai pas vu de maire manifester pour demander une modification du régime actuel du règlement local de publicité. Je n’ai pas non plus entendu la Convention citoyenne pour le climat ou d’autres acteurs importants de la cause environnementale se mobiliser pour qu’il y ait une réforme en ce sens. Voilà pourquoi nous sommes étonnés de voir cette disposition figurer dans le projet de loi. À coup sûr, ce ne sera pas une avancée.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Chers collègues de l’opposition, vous me voyez un peu dérouté. Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, vous avez montré que vous ne faisiez pas confiance aux Français et que vous jugiez nos concitoyens incapables de faire la part des choses en matière de publicité ou de changer leurs comportements. Vous ne faites pas non plus confiance aux entreprises car vous doutez de leur capacité à accompagner la transition écologique. Maintenant, vous « faites un strike » en nous expliquant que vous ne faites pas confiance aux élus, qui seraient absolument incapables de résister aux pressions !

Tout d’abord, les élus locaux exercent déjà des prérogatives dans ce domaine, puisqu’il existe des règlements locaux de publicité – nous n’inventons rien. En outre, le maire détient déjà un pouvoir de police – là encore, ce n’est pas très nouveau. Nous franchissons simplement un pas supplémentaire dans le processus de décentralisation. Nous alignons le pouvoir fiscal, le pouvoir réglementaire et le pouvoir de police qu’exercent aujourd’hui les élus locaux en matière de régulation de la publicité. Ce qui est incroyable, c’est que les élus eux-mêmes y sont favorables ! Les associations d’élus nous l’ont dit lors des auditions. Il faudra peut-être approfondir certaines choses – je pense notamment à ce que l’on appelle les « taches de léopard », qui peuvent poser problème lorsqu’un maire ne se coordonne pas avec celui de la commune voisine –, mais ce sont là des éléments de détail. Globalement, nous renforçons le pouvoir des élus et rendons le contrôle de la publicité plus efficace.

La commission rejette les amendements de suppression.

Amendements CS4450 de M. Loïc Prud’homme et CS543 de Mme Delphine Batho (discussion commune).

Mme Danièle Obono. Cet amendement réécrit totalement l’article. En prévoyant un transfert des pouvoirs de police de la publicité du préfet vers les maires des communes, qu’il existe ou pas un règlement local de publicité, votre rédaction ouvre la voie à de potentielles régressions : certains maires seront peut-être plus stricts en matière publicitaire, mais d’autres pourraient opter pour un déploiement à outrance de la publicité. En effet, le règlement local de publicité permet en partie de se soustraire à la réglementation nationale. Sur un sujet global comme celui-ci, l’État doit imposer des règles sur tout le territoire plutôt que de se défausser sur les maires.

Vous parlez de confiance. Je qualifierai plutôt cela d’irresponsabilité du Gouvernement et de la majorité ! Nous proposons de libérer entièrement l’espace public des publicités néfastes. Notre amendement subordonne donc la publicité aux motifs d’intérêt général relatifs à la protection de l’environnement et du cadre de vie. En conséquence, toute publicité qualifiée de « commerciale » dans l’espace public serait interdite. Des exceptions resteraient possibles, notamment la publicité culturelle, celle liée à l’affichage municipal ou encore celle relative à des campagnes à l’initiative des services de l’État. Ces dispositions s’appliqueraient également aux publicités situées à l’intérieur d’un local ou implantées dans un espace privé, et visibles depuis l’extérieur.

Enfin, l’amendement complète le I de l’article L. 581‑4 du code de l’environnement en interdisant toute publicité numérique et lumineuse. Il interdit également l’affichage de publicité commerciale dans les gares, aéroports et stations de transports publics de personnes.

Tout cela nous aidera à nous débarrasser d’une bonne partie de la pollution visuelle et permettra à nos cerveaux de respirer autre chose !

Mme Delphine Batho. Ces deux amendements sont en discussion commune car ils procèdent tous les deux à une réécriture globale, mais le mien ne s’inscrit pas dans le débat de fond sur l’interdiction de la publicité commerciale soulevé par nos collègues. Il est plus circonstancié : il n’a jamais été question de supprimer les pouvoirs des élus locaux, mais il faut maintenir le pouvoir du préfet en matière de police de la publicité. Il est important de conserver les deux possibilités, notamment s’agissant des recours associatifs contre l’invasion publicitaire et pour la protection des paysages.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La discussion est commune mais les amendements de nature très différente, vous avez raison.

Madame Obono, vous voulez interdire toute publicité commerciale dans l’espace public. J’y suis évidemment défavorable car c’est une interdiction extrêmement large, hors affichage municipal, d’opinion ou culturel. Cela risque de poser de sérieux problèmes financiers aux collectivités locales puisque je vous rappelle que le mobilier urbain est financé par la publicité.

Mme Batho souhaite quant à elle rétablir une compétence partagée entre le maire ou l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI) et le préfet. La question nous a été posée à plusieurs reprises lors des auditions. Le maintien de telles prérogatives pose plusieurs difficultés, notamment parce que vous ne précisez pas le partage des compétences dans votre amendement. Le risque de chevauchement est problématique.

En outre, votre amendement remet en cause toute la philosophie de l’article 6 – la confiance aux maires. Je ne crois pas, Madame Batho, qu’ils voudront détériorer leur environnement et les paysages. Au contraire, les élus locaux sont de plus en plus sensibles aux sujets dont nous débattons dans ce projet de loi. Mon avis sera donc également défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Madame Obono, les règles posées dans le code de l’environnement le sont dans un objectif de protection du cadre de vie et nous sommes là pour essayer de les améliorer. Mais ce code dispose également que chacun a le droit d’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité, d’enseignes et de préenseignes, conformément aux lois en vigueur, l’objectif étant de trouver le meilleur équilibre.

L’interdiction générale de toute publicité commerciale dans l’espace public, telle que vous la proposez, porterait une atteinte manifestement disproportionnée aux droits et aux libertés protégées par notre Constitution – liberté d’expression, liberté du commerce et de l’industrie ou droit de la propriété.

Madame Batho, votre amendement viserait à revenir à la situation antérieure à la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, en instaurant une compétence concurrente entre le préfet et le maire en matière de police de la publicité sur tout le territoire, que la commune soit ou non couverte par un règlement local de publicité. C’est contraire à l’esprit de ce que nous souhaitons.

En l’état actuel du droit, les compétences sont partagées : quand il n’y a pas de règlement local de publicité, le préfet est compétent ; c’est le maire quand la commune en a un. Nous souhaitons transférer cette responsabilité au maire, ou au président de l’EPCI le cas échéant. Pourquoi ? Parce que l’implantation de publicité, d’enseignes ou de préenseignes ne respectant pas les règles – qu’elles soient nationales ou locales – applicables en matière de publicité extérieure crée des nuisances locales, sur le cadre de vie des habitants et des visiteurs des communes sur le territoire desquelles elles sont implantées. Leur contrôle relève donc d’un enjeu principalement local.

La décentralisation opérée à l’article 6 permet de clarifier et de simplifier la compétence dévolue à l’autorité locale dans cette matière. C’est un acte de confiance. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme Danièle Obono. Madame la rapporteure, vous me répondez que le financement du mobilier urbain repose sur des ressources liées à la publicité. N’est-ce pas le problème, comme pour les programmes télévisés ? Le mobilier urbain doit-il être un support publicitaire ? Ne devrions-nous pas plutôt le financer, comme nous devrions le faire, par un service public digne de ce nom, pour les programmes télévisuels ?

En outre, vous allez mettre les maires et les collectivités territoriales en difficulté car ils dépendent de ces financements, que l’État et le Gouvernement devraient leur fournir. Bien sûr, mon amendement est provocateur mais il vise à nous interroger sur la nécessité de ces publicités. Elles entraînent surconsommation et pollution visuelle, autres enjeux environnementaux. Nous sommes en plein débat constitutionnel : ne devrions-nous pas faire prévaloir dans la Constitution l’intérêt général et celui de la planète sur celui du commerce ? Que veut-on préserver : l’humanité ou les profits ? Nous choisissons l’humanité.

M. Bruno Millienne, président. Madame Obono, la commission a bien compris le caractère provocateur de votre amendement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1806 de M. Dominique Potier.

M. Guillaume Garot. À défaut de maintenir la capacité d’intervention des services de l’État en matière de régulation locale de la publicité, cet amendement de repli vise à en faire une compétence obligatoire des intercommunalités, afin de maintenir une forme de cohérence territoriale. Je citais l’exemple d’une route qui traverse plusieurs communes : les recours judiciaires pourraient se multiplier, au risque d’un engorgement de la machine judiciaire.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Votre amendement supprime toute compétence du maire en matière de police de la publicité, même si la commune dispose d’un règlement local de publicité. Vous allez encore plus loin que le droit existant, ce qui m’étonne. Je suis évidemment défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La rédaction actuelle de l’article permet le transfert aux EPCI, le cas échéant. Elle me paraît donc beaucoup plus équilibrée. Quand il y a un problème sur un territoire, c’est au niveau local que les procédures sont mises en place, Mon avis est donc défavorable.

M. Erwan Balanant. La ministre et la rapporteure ont raison, nous n’allons pas supprimer la compétence du maire, mais nous devons être vigilants car, dans certains territoires pourrait se développer une forme de compétition entre mairies, comme ce fut le cas avant que les taux de la taxe professionnelle ne soient unifiés. Ce pourrait être le cas entre des communes périphériques d’une ville. En tout état de cause, il serait bon d’encourager les EPCI à prendre la compétence, afin que les communes travaillent ensemble. Mais laissons-les faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4009 de M. Bruno Duvergé.

M. Bruno Duvergé. Quand j’ai lu l’article 6, j’ai essayé de me remettre dans la situation qui était la mienne avant 2017 : maire d’une commune de 270 habitants et vice‑président d’une communauté de communes de 35 000 habitants. Comment aurais-je réagi à cette nouvelle réglementation ? D’ailleurs, ma secrétaire de mairie – seul personnel de la commune – ne travaillant que deux jours par semaine, l’aurait-elle vu arriver, dans le flot qui inonde les bureaux des maires des petites communes ?

Notre amendement se veut un outil de différenciation. Il permettrait aux petites communes et aux EPCI de moins de 50 000 habitants de déléguer leurs compétences au préfet, ce dispositif n’étant pas vraiment nécessaire dans les territoires ruraux. Cela ne remet pas en cause l’économie générale de l’article, que je soutiens.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je vais reprendre les arguments de M. Balanant : pour les plus petites communes, il est bon de déléguer la compétence à l’EPCI car elles ne disposent pas nécessairement de services municipaux pour l’exercer. C’est d’ailleurs prévu par l’article 6.

En outre, avec le rapporteur général, nous vous proposerons un amendement visant à améliorer la concertation et la coordination entre communes d’un même EPCI. Mon avis sera donc défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je n’ai rien à ajouter au brillant argumentaire de la rapporteure.

M. Bruno Duvergé. Certains EPCI sont très ruraux et n’ont pas forcément les moyens humains de réglementer. Je maintiens mon amendement car il me semble très utile.

La commission rejette l’amendement.

7.   Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 14 heures 30

Article 6 (suite) (articles L. 581-3-1 [nouveau], L. 581-6, L. 581-9, L. 581-14-2 [abrogé], L. 581‑18, L. 581-21, L. 581-26, L. 581-27, L. 581-28, L. 581-29, L. 581-30, L. 581‑31, L. 581-32, L. 581-33, L. 581-34, L. 581-35 et L. 581-40 du code de l’environnement ; article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales) : Pouvoir de police de la publicité confié au maire

Amendement CS4894 de M. Buon Tan.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5239 du rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le transfert systématique du pouvoir de police de la publicité des préfets vers les maires ou les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) est de nature à engendrer des disparités dans l’exercice de ce pouvoir.

Au sein d’un même EPCI, certains maires peuvent choisir de l’exercer et d’autres de le transférer au président de l’établissement public. On pourrait de ce fait avoir des problèmes de cohérence, par exemple sur les voies de circulation.

L’amendement vise à permettre au président de l’EPCI d’utiliser un outil existant, la conférence des maires, pour réunir ceux de son territoire afin d’assurer une coordination et d’éviter de trop fortes disparités entre communes voisines. Cela doit, selon moi, amener à exercer ce pouvoir au niveau le plus pertinent, c’est-à-dire l’EPCI, et à faciliter l’établissement d’un règlement local de publicité (RLP) plus ambitieux.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement utile répond à des questions partagées par beaucoup d’entre nous. Il permet d’améliorer la capacité des maires à mieux se concerter au sein d’un même EPCI pour exercer les nouveaux pouvoirs de police qui leur sont confiés, et de rassurer notamment ceux des communes les plus petites.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS1851 de M. Dominique Potier, CS1163 de Mme Paula Forteza, amendements identiques CS1031 de M. Loïc Dombreval et CS1853 de M. Dominique Potier, amendements identiques CS2736 de M. Matthieu Orphelin et CS4614 de M. Jean-Charles Colas-Roy (discussion commune).

M. Guillaume Garot. L’amendement CS1851 respecte une éthique de responsabilité et vise à conserver la maîtrise de la consommation d’énergie. Il propose pour cela d’interdire les écrans vidéo publicitaires que l’on voit se multiplier aujourd’hui dans l’espace public. Le Réseau de transport d’électricité (RTE) a mis en garde en 2019 au sujet des consommations superflues. Or les consommations de ces écrans sont impressionnantes : celle d’un panneau de deux mètres carrés est égale à celle d’un foyer avec un enfant.

Mme Delphine Batho. La ministre a déclaré ce matin que l’association France Nature Environnement avait l’intention de devenir membre du conseil d’administration de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Cette association vient de le démentir ; il est probable que la ministre n’avait pas les bonnes informations.

L’amendement CS1163 a pour objet d’interdire toute publicité à affichage numérique sur la voie publique et dans le domaine public. Il reprend l’esprit des propositions formulées par le groupe Écologie démocratie solidarité dans le cadre d’une proposition de loi et d’amendements proposés au cours de la discussion de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC), dont un avait été adopté en première lecture par notre assemblée.

La multiplication des écrans publicitaires numériques dans l’espace public est une hérésie d’un point de vue énergétique, mais aussi de santé publique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande en effet de ne pas exposer aux écrans les enfants de moins de 6 ans.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CS1031 vise à interdire les panneaux publicitaires numériques dans l’espace public et les espaces de transports en commun.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2736 est un amendement de repli, qui interdit les écrans vidéo publicitaires à compter de 2025. Il reprend la proposition C2.2.8 de la Convention citoyenne pour le climat (CCC).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les amendements proposés ont des champs d’application différents : certains interdisent les écrans publicitaires numériques dans tout l’espace public, d’autres également dans les vitrines des commerçants, et d’autres enfin visent la publicité lumineuse.

Je vois deux difficultés dans une interdiction générale et absolue.

La première est que cette publicité est une source de revenus pour les collectivités territoriales, qui perçoivent la taxe locale sur la publicité extérieure. Il n’est pas indiqué comment cette baisse mécanique de ressources pourrait être compensée.

La seconde réside dans le fait que les écrans publicitaires numériques installés dans leur vitrine fournissent aussi des recettes aux commerçants. Diminuer les revenus accessoires qu’ils peuvent tirer de la publicité n’est probablement pas une bonne solution pour maintenir les commerces en centre-ville.

La solution retenue par les articles 6, 7 et 9 du projet de loi est de privilégier la possibilité pour les maires ou les présidents d’EPCI de choisir éventuellement d’édicter d’une réglementation locale plus restrictive que la réglementation nationale. Nous faisons confiance aux élus locaux pour décider. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme Delphine Batho. Aucune collectivité territoriale n’a particulièrement envie d’avoir une source de revenu au détriment du climat ou de la sobriété énergétique. Dans le cadre d’un projet de loi sur le climat, il n’est pas possible de tenir le raisonnement selon lequel ce type de pollution est bonne car elle procure des recettes.

En ce qui concerne la défense du petit commerce, j’espère que vous aurez le même souci de cohérence lorsque nous aborderons l’article 52 et qu’il sera alors question de mettre fin aux entrepôts géants du commerce en ligne, tel que celui autorisé aujourd’hui par le Gouvernement pour Amazon à Rouen.

La possibilité de réglementation locale plus sévère que vous faites valoir dans l’article suivant n’existe pas vraiment ; j’y reviendrai.

J’assume totalement la volonté d’interdiction complète de la publicité au moyen d’écrans numériques, qui sont en train de tapisser beaucoup de lieux publics, car elle est néfaste autant pour l’environnement que pour nos cerveaux. Vous n’avez d’ailleurs pas répondu sur ce point. Nous sommes déjà exposés à 1 200 messages publicitaires par jour et la technique des écrans numériques est sans commune mesure avec la publicité statique, car elle sollicite la vision périphérique. C’est une méthode extrêmement agressive, ce dont on peut se rendre compte dans les villes la nuit. Son impact sur la sécurité routière a été prouvé aux États‑Unis.

L’interdiction de cette publicité est donc une mesure de salubrité publique.

M. Guillaume Garot. La multiplication des écrans dans la vie quotidienne a des conséquences multiples en matière de santé publique, en particulier pour les plus jeunes. Il faut avoir une politique de santé publique cohérente en la matière. L’absence de réelles mesures de régulation du nombre d’écrans numériques dans cet article souligne aussi le manque de cohérence patent avec le discours sur la nécessité de maîtriser la consommation d’énergie.

M. Yannick Kerlogot. Sans reprendre l’ensemble des arguments qui viennent d’être exposés, je souhaiterais que d’ici à l’examen en séance publique nous puissions avoir d’autres explications que l’argument de la manne financière pour les collectivités, et que des mesures complémentaires soient proposées en faveur de la santé publique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je ne peux pas laisser croire qu’il n’existe aucun dispositif de régulation en la matière dans le code de l’environnement. Par exemple, Madame Batho, dans les villes de moins de 10 000 habitants, les publicités lumineuses sont interdites. Ces villes sont nombreuses en France.

Mme Delphine Batho. Ça ne vaut ni dans le métro ni dans les gares.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il y a peu de métros dans ces villes de moins de 10 000 habitants, qui sont la majorité des communes de France. L’interdiction de la publicité lumineuse y constitue déjà une régulation importante. Par ailleurs, l’article 7 prévoit le renforcement des pouvoirs de contrôle du maire sur la pollution lumineuse dans les vitrines ; on ne peut pas dire que nous ne faisons rien.

En revanche, une interdiction générale quelle que soit la nature des écrans ou la taille des communes va beaucoup trop loin ; c’est la raison pour laquelle je reste défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS5125 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement résulte du découpage de mon amendement CS544 par les services, pour des raisons légistiques légitimes. Je vous propose d’avoir un débat sur le fond de cette proposition lorsque nous examinerons l’article suivant.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même avis défavorable que pour les amendements précédents, puisqu’en l’espèce l’interdiction serait générale et porterait sur tous les points de vente. Cela concernerait sans doute les cinémas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3532 de M. Jimmy Pahun.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement vise à permettre au règlement local d’urbanisme d’interdire la publicité numérique sur l’ensemble du territoire de la commune.

Considérant le caractère particulier de l’affichage numérique, ses effets sur la santé et l’environnement, il est proposé de déroger à l’alinéa 2 de l’article L. 581-14 du code de l’environnement qui dispose que le règlement local de publicité ne peut définir qu’« une ou plusieurs zones où s’applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comme je l’ai déjà indiqué, un encadrement réglementaire existe pour les villes de moins de 10 000 habitants. Dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants, il est obligatoire d’éteindre les publicités lumineuses entre 1 heure et 6 heures du matin, afin de protéger la biodiversité, tandis que la taille de ces écrans est limitée. Une fois encore, je ne crois pas à la pertinence d’une interdiction générale sur l’ensemble d’un territoire communal ou intercommunal, et ce d’autant plus que nous venons de déléguer au maire le pouvoir de police de la publicité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4010 de Mme Aude Luquet.

M. Bruno Duvergé. Cet amendement a pour but de rétablir la possibilité pour le préfet de se substituer au maire ou au président de l’EPCI qui se serait vu transférer le pouvoir de police de la publicité, en cas de défaillance dans l’exercice de ce pouvoir et après mise en demeure restée sans réponse.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement du rapporteur général que nous venons d’adopter permet de répondre aux inquiétudes des maires des petites communes. Le préfet ne sera pas dépourvu de tout moyen d’action : il pourra demander au maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser des infractions. Il pourra, le cas échéant, saisir la justice administrative, en cas de défaillance ou de silence. Le fait que la compétence soit exercée par le maire ne supprime donc pas toute forme de contrôle. Votre amendement est satisfait. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS314 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Amendement CS779 de M. Gérard Menuel.

M. Jean-Yves Bony. Cet amendement prévoit la suppression des alinéas 27 et 28 de cet article. Les prérogatives de police reviennent aux maires, y compris celles relatives à la publicité.

Prévoir que les maires des communes membres d’un EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme ou de règlement local de publicité – RLP – transfèrent au président de celui-ci leurs prérogatives en matière de police de la publicité, c’est altérer une des seules responsabilités pleines et entières qui relèvent encore du premier magistrat de la commune.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il faut pouvoir renforcer la compétence du maire en matière de police de la publicité, avec ou sans RLP ; c’est l’objet même de cet article. Tout en pouvant, le cas échéant, déléguer cette compétence au président de l’EPCI, et avec un contrôle du préfet dont nous venons de parler. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5024 de la rapporteure.

Amendement CS3990 de M. Philippe Naillet.

M. Guillaume Garot. Pour veiller à la cohérence, les RLP devront être rédigés en adéquation avec la méthodologie prévue à l’article 1er.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article 1er porte création de l’affichage environnemental. Un RLP porte, par nature, sur bien d’autres questions que celle de l’impact environnemental. En outre, la méthodologie prévue à l’article 1er est en cours d’élaboration et le maire ne pourrait donc pas agir en pratique tant que l’expérimentation n’est pas achevée. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 6 ainsi modifié.

Article 7 (articles L. 581-14-4 [nouveau] et L. 581-27 du code de l’environnement) : Possibilité pour le règlement local de publicité d’encadrer les publicités à l’intérieur des vitrines

Amendements de suppression CS162 de M. Vincent Descoeur, CS232 de M. Patrick Hetzel, CS429 de M. Martial Saddier, CS802 de M. Julien Dive, CS1061 de M. Emmanuel Maquet, CS1245 de Mme Frédérique Meunier, CS1435 de M. Thibault Bazin, CS2158 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CS3210 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, CS4300 de M. Guillaume Kasbarian et CS4735 de M. Stéphane Travert.

M. Vincent Descoeur. Cet article permettrait au maire ou président de l’EPCI d’encadrer voire d’interdire les publicités dans les vitrines dès lors qu’elles sont « destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation publique ».

Une visibilité depuis la voie publique est très souvent l’objectif recherché par une vitrine, ce qui explique que la plupart d’entre elles sont transparentes.

Comme l’a indiqué le Conseil d’État dans son avis, cet article présente un risque d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété, en confiant au maire la responsabilité d’intervenir sur l’aménagement intérieur des magasins et sur la façon dont le commerçant communique avec sa clientèle.

L’article ne tient pas compte de la réglementation existante, issue en particulier de la loi portant engagement national pour l’environnement (ENE), dite Grenelle 2, et de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN). Cette réglementation encadre déjà l’extinction et la luminance des enseignes, des publicités et des vitrines, afin de baisser la consommation énergétique et les nuisances lumineuses.

À n’en pas douter, cet article est de nature à aggraver les difficultés des commerces de proximité et des centres-villes déjà fragilisés par la pandémie, qui a favorisé l’e-commerce, et par la concurrence des zones commerciales périphériques, qui ne cessent de s’étendre en dépit des déclarations de bonnes intentions.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. L’amendement CS802 propose la suppression de cet article, qui ne traduit en rien les propositions de la CCC. Celle-ci proposait une réglementation des dispositifs numériques sur la voie publique, mais pas de permettre au maire ou au président d’un EPCI d’imposer des prescriptions, voire des interdictions, concernant les enseignes et publicités situées derrière la vitrine d’un commerce ou d’un local commercial, dès lors qu’elles sont « destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation publique ».

Cette mesure disproportionnée porte une réelle atteinte à la liberté du commerce et au droit de propriété, puisqu’elle vise à réglementer l’aménagement intérieur des magasins, lieux privés, mais aussi la manière dont doit communiquer un commerçant auprès de sa clientèle.

M. Guillaume Kasbarian. L’article 7 permettrait à la collectivité de contraindre la publicité au sein du local commercial, en allant jusqu’à son interdiction.

D’abord, ce n’est pas une proposition de la CCC. Elle avait souhaité interdire les écrans publicitaires numériques sur le domaine public, mais pas réglementer l’intérieur des magasins. D’où vient cette idée ? Je poserai la question à Mme la ministre quand elle sera parmi nous.

Ensuite, il s’agit d’une nouvelle contrainte bureaucratique allant à l’encontre de la démarche de simplification administrative et qui va peser sur les commerçants. Le cadre juridique est pourtant déjà complet avec la loi Grenelle 2 – extinction nocturne des enseignes de publicité –, la loi ÉLAN – baisse de consommation énergétique – et l’arrêté du 27 décembre 2018 sur l’extinction des vitrines entre 1 heure et 7 heures du matin.

Enfin, nous ne disposons d’aucune estimation de l’impact de ces mesures sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). On vote un dispositif potentiellement contraignant pour les commerçants – je ne suis pas certain que ce soit judicieux en ce moment –  avec de nouvelles règles à l’intérieur même de leur boutique, propriété privée, alors que cela ne changera rien au défi climatique. Je vous invite sur ce point à lire l’avis du Conseil d’État, qui estime, page 9, que cette disposition peut porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre.

Ce serait sagesse de supprimer cette mesure.

M. Stéphane Travert. Effectivement, il n’y a pas de demande. On crée une nouvelle contrainte pour des entreprises déjà fragilisées par la crise ; on aggrave leurs conditions d’exploitation et on remet en cause la liberté de conception de leur vitrine par les commerçants. Je souhaite que cet article soit retravaillé ou, à défaut, qu’il soit supprimé.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet article est peut-être celui qui m’a le plus interpellée au sein du titre Ier, pour les raisons qui ont été évoquées. Il suscite des réserves du Conseil d’État et ne résulte pas d’une proposition de la CCC – ce qui ne veut pas dire que nous ne pourrions pas en formuler d’autres. Au regard de ce que les commerçants des centres-villes ont vécu depuis plusieurs années, des efforts consentis par l’État et les collectivités territoriales pour leur maintien, j’étais inquiète des conséquences de cette disposition et du risque d’atteinte au droit de propriété et à la liberté des commerçants de concevoir leur vitrine.

C’est la raison pour laquelle j’ai retravaillé tout particulièrement cet article avec le rapporteur général, pour en revoir la portée. Le débat ne porte pas sur les éventuelles publicités mises en vitrine ou sur les partenariats publicitaires noués par les commerçants, rapportant quelques revenus accessoires susceptibles de maintenir leur activité dans nos villes. En revanche, la question de la pollution lumineuse est posée. L’amendement CS4128, que je vous soumettrai dans quelques instants, a pour objet de circonscrire l’article 7 aux enjeux de cette pollution liée aux enseignes lumineuses, en se recentrant sur leur impact environnemental excessif. L’esprit du présent texte n’est pas de lutter contre la consommation.

Je demande donc le retrait de l’ensemble de ces amendements de suppression.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je soutiens l’amendement de la rapporteure, qui recentre l’article 7 autour des enseignes lumineuses.

Cela correspond à une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, qui en souhaitait la régulation, y compris dans les points de vente. Il est souhaitable de retenir autant de recommandations de la CCC que possible.

Il y aurait un paradoxe à ce que les maires disposent d’un pouvoir de régulation de ces enseignes dans l’espace public, mais pas à l’intérieur des vitrines. Au demeurant, le maire dispose déjà d’un pouvoir de police pour tout ce qui est visible depuis la voie publique.

Enfin, il faut faire confiance au maire. Je fais toujours le pari de l’intelligence locale, pour adapter la réglementation en fonction des circonstances particulières à chaque collectivité.

Mme Delphine Batho. Je démens qu’il ne s’agirait pas d’une proposition de la CCC. Il s’agit de la proposition C2.2 : « Interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs, hors information locale et culturelle ainsi que les panneaux indiquant la localisation d’un lieu de distribution. La régulation de la publicité doit se faire concernant l’affichage et en particulier sur les affichages avec écran vidéo […]. Les écrans vidéo publicitaires envahissent notre quotidien et les citoyens se trouvent ainsi soumis à une pression publicitaire croissante synonyme avec ce média de gaspillage d’énergie et de ressources et de pollution lumineuse. Nous proposons l’interdiction de ces écrans dans l’espace public, les transports en commun et dans les points de vente ».

Je souhaite rassurer les collègues qui s’inquiètent des dispositions de l’article 7 : malheureusement, elles auront très peu d’impact. L’article renvoie en effet au RLP, se contentant de lui donner la possibilité de réglementer de la publicité lumineuse et d’encadrer celle-ci sans l’interdire. Ces dispositions ne s’appliqueront pas là où sont massivement déployés ces écrans vidéos numériques, c’est-à-dire les métros, les gares et les aéroports.

Pour ma part, je considère qu’il faut interdire ce type de publicité.

M. Loïc Prud’homme. Les écrans installés dans les vitrines ne produisent pas seulement une pollution lumineuse. Ils sont aussi à l’origine d’une surconsommation d’énergie qui inquiète RTE.

Certes, il existe déjà un encadrement réglementaire, avec une obligation d’extinction des vitrines entre 1 heure et 6 heures. A minima, il serait cohérent d’étendre cette plage horaire, et d’autant plus en période de couvre-feu.

M. Vincent Descoeur. L’illumination d’une vitrine au-delà des horaires d’ouverture peut aussi présenter un intérêt en termes de sécurité pour les commerçants.

Cet article risque de faire des commerces de proximité les victimes collatérales de ce qui pourrait être une bonne intention. Si un maire peut être intéressé par la réglementation de la signalétique publicitaire dans sa commune, c’est lui confier une « patate chaude » que de lui transférer la responsabilité de ce qui peut être vu dans les vitrines.

La meilleure manière de réécrire cet article c’est de partir d’une page blanche, et donc de voter sa suppression.

M. Guillaume Kasbarian. Je continue de penser, comme le Conseil d’État, que ces dispositions sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Les commerces sont, en outre, déjà suffisamment réglementés.

La solution proposée par la rapporteure restreint le champ de l’article à la régulation de la pollution lumineuse. Je veux bien entendre qu’il y a là un enjeu. Je retire donc mon amendement mais je serai vigilant : cette loi ne doit pas être utilisée par certains pour s’ériger en gardiens de la vertu dans les commerces. Soyons attentifs à ne pas rajouter des contraintes bureaucratiques à l’occasion de chaque projet de loi, les Français nous faisant régulièrement savoir qu’ils en ont marre.

M. Erwan Balanant. La proposition de la rapporteure est plutôt de bon sens et se concentre sur ce qui nous préoccupe : les écrans publicitaires. Une vitrine est en effet un élément d’expression du commerçant et le contraindre sur ce point le mettrait encore davantage en difficulté face à la grande distribution, dont les moyens publicitaires sont très supérieurs.

La Convention citoyenne a proposé l’interdiction complète des écrans lumineux dans l’espace public ; je suis, pour ma part, davantage favorable à une régulation permettant de prendre en considération les impératifs de lutte contre la pollution lumineuse. À Quimperlé, la commune a fait le choix pertinent d’installer un écran qui permet notamment d’alerter sur les risques naturels, en l’espèce les crues de la Laïta. Une interdiction complète nous priverait de cette nécessaire capacité d’information.

M. Antoine Herth. Je m’oppose à la suppression de l’article 7, tout d’abord parce que je suis attaché au respect de la trame noire, essentielle pour la biodiversité.

Les écrans vidéos consomment beaucoup d’énergie, mais ils détruisent aussi des emplois, car il n’est plus nécessaire de changer les rouleaux d’affiches.

Pour ceux qui sont sensibles à la capacité des communes à informer et alerter les citoyens, je signale qu’il existe désormais des applications très efficaces permettant de communiquer individuellement tous les éléments nécessaires.

Enfin, pour revenir sur l’observation portant sur la contribution des écrans lumineux à la sécurité des commerces, il existe aujourd’hui des dispositifs techniques de contrôle bien plus efficaces.

M. Stéphane Travert. Je suis opposé à l’adoption d’une interdiction généralisée sans disposer au préalable d’une étude d’impact permettant de mesurer les conséquences d’une telle décision.

J’entends les arguments qui ont été avancés sur la durée des éclairages. Comme on dit chez moi, dans la Manche, il ne sert à rien d’éclairer les lapins en pleine nuit ! Nous pourrions travailler sur des durées d’exposition des publicités lumineuses et trouver un compromis acceptable qui permettrait aux enseignes de continuer à travailler et à communiquer, préservant ainsi la liberté d’entreprendre. Je fais confiance à notre rapporteure pour trouver la solution dans l’amendement qu’elle défendra tout à l’heure. Je retire mon amendement.

Les amendements CS4300 et CS4735 sont retirés.

La commission rejette les amendements restants.

Amendements CS2305 de M. Dominique Potier et CS544 rectifié de Mme Delphine Batho (discussion commune).

M. Guillaume Garot. L’article 7 autorise les collectivités à encadrer, dans leur règlement local de publicité, la publicité à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local commercial. Mais le temps de mise en œuvre sera nécessairement long. Avec l’amendement CS2305, nous proposons de modifier directement l’article L. 581-2 du code de l’environnement pour permettre aux communes d’agir sans devoir attendre une révision de leur règlement local de publicité.

Mme Delphine Batho. Les réponses apportées aux collègues proposant de supprimer l’article sont éloquentes sur la faiblesse des dispositions dont nous discutons. Cet amendement très important propose un dispositif totalement alternatif : toute publicité lumineuse, numérique ou par affiche rétroéclairée serait interdite en agglomération, en dehors des agglomérations, sur les voies ouvertes à la circulation publique ainsi que dans les aéroports, les gares, les stations et arrêts de transport en commun. Cette interdiction s’appliquerait aux publicités numériques ou lumineuses situées à l’intérieur d’un local lorsque leur emplacement les rend visibles depuis la voie publique, sauf, par exception, lorsqu’elle est destinée exclusivement à l’information d’intérêt général à caractère national et local.

Les écrans numériques et la publicité lumineuse sont énergivores. De plus, vous n’avez apporté aucune réponse à la question de la santé publique, notamment s’agissant des enfants, dont les capacités de concentration et d’attention sont en jeu. Le message des autorités sanitaires est contradictoire : alors que les parents sont invités à ne pas laisser les enfants en permanence devant des écrans, des écrans vidéo sont installés partout, en particulier dans les gares et les transports en commun, fréquentés par de jeunes enfants.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il n’est pas possible d’adopter le même type de réglementation pour une voie publique et pour l’intérieur des vitrines des commerçants. Je doute d’ailleurs de la constitutionnalité de telles propositions au regard de la liberté d’entreprendre, de la liberté commerciale et du droit de propriété. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Les règles que vous visez ont été conçues pour des dispositifs extérieurs ; elles ne sont pas adaptées aux publicités situées à l’intérieur des commerces. Avec l’article 7, nous proposons une solution proche du terrain, le maire ou le président de l’EPCI étant mieux à même de trouver un équilibre entre la préservation du cadre de vie et le développement économique de son territoire, notamment en centre-ville. Je préfère cette approche.

Des dispositions réglementaires du code de l’environnement interdisent la publicité lumineuse sur support ou scellée dans le sol dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants qui ne font pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Dans les agglomérations plus importantes, la publicité lumineuse est soumise à des règles de densité et à des conditions d’installation spécifiques tenant compte de la nature et des caractéristiques du support.

Par ailleurs, la publicité numérique est soumise à autorisation préalable, ce qui permet à l’autorité compétente de veiller à ce que le dispositif respecte les règles qui lui sont propres, son intégration dans l’environnement architectural et paysager ainsi que son impact sur le cadre de vie. Interdire de façon absolue la publicité numérique irait à l’encontre des principes de liberté d’expression, de liberté du commerce et de l’industrie, du bon exercice des activités des opérateurs économiques du secteur de la publicité extérieure et risquerait une censure du Conseil constitutionnel.

Néanmoins, je constate que ces interdictions réglementaires ont du mal à être appliquées. Nous pouvons déjà travailler sur ce point, ne serait-ce que pour que les règles d’extinction des vitrines soient mieux respectées. La possibilité donnée aux maires de réglementer les dispositifs dans les vitrines permettra d’améliorer l’efficacité du contrôle. Nous devons certainement aller plus loin et nous allons nous pencher sur cette question. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Guillaume Kasbarian. Ces amendements tendent à interdire toute publicité lumineuse numérique ou par affiches éclairées, quand d’autres, à venir, porteront sur les imprimés publicitaires. Allez-y franco : interdisez toute publicité !

Mettons-nous un instant à la place des commerçants, des TPE et des PME qui ont besoin de faire la promotion de leurs produits : si on leur interdit le papier, le numérique, le lumineux et la publicité télévisée, comment font-ils ? C’est totalement liberticide, en totale contradiction avec la liberté d’entreprendre et la propriété privée. Mon modèle n’est pas l’URSS ! Je suis très surpris qu’on propose des interdictions à chaque amendement. Assumez‑le, dites que vous êtes pour l’interdiction de toute publicité dans notre pays ; au moins, ce sera clair !

Mme Delphine Batho. Ce qu’il faut interdire, c’est le changement climatique ! La liberté de tout foutre en l’air, de massacrer la planète, de subir des catastrophes, ce n’est pas une liberté que l’on peut défendre ! Je sais que mes propos vous dérangent, mais je les maintiens. Quand il a été question d’interdire le travail des enfants ou de payer des congés aux ouvrières et aux ouvriers, on entendait exactement le même type d’arguments : c’était une atteinte à la liberté, l’économie allait s’écrouler !

Aujourd’hui, il faut mettre en place une régulation écologique des activités économiques. Il ne s’agit pas d’interdire la publicité dans toutes ses dimensions. Nous visons un produit très particulier, qui émerge depuis quelques années en France, à savoir la publicité par écran vidéo ou écran numérique. Son déploiement est totalement incompatible avec la lutte contre le changement climatique, avec une politique de sobriété énergétique, avec la nécessité de protéger la beauté des villes et des paysages. Le propriétaire d’une boutique n’est pas propriétaire du cerveau des enfants qui se promènent !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Évitons de comparer nos collègues qui défendent la liberté d’entreprendre avec ceux qui refusaient d’abolir le travail des enfants : le débat sur les enjeux écologiques y gagnerait. Je ne suis pas sûre que c’est ainsi que l’on convaincra les Français de s’engager dans le combat écologique.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS5025 et CS5027 de la rapporteure.

Amendement CS5000 de M. Jean-Marie Sermier.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. La disposition prévue à l’alinéa 3 porte atteinte au droit de la propriété en donnant aux maires le pouvoir d’intervenir sur l’aménagement intérieur des lieux privés que sont les magasins. Elle peut également engendrer des discriminations suivant la manière dont elle sera localement appliquée. C’est pourquoi il doit être fait expressément référence aux exigences du droit de propriété et du droit de la concurrence.

De plus, il doit être précisé que seuls sont visés les dispositifs consommateurs d’énergie, c’est-à-dire les écrans publicitaires numériques et les enseignes lumineuses, et non les publicités et les enseignes en général, l’objectif de la loi étant de réduire les émissions de gaz à effet de serre au travers de la baisse des consommations énergétiques.

Enfin, il importe de supprimer le régime d’autorisation créé pour les publicités et enseignes lumineuses, car il est contraire à l’objectif de simplification du droit et inutilement lourd à gérer pour les collectivités et pour les entreprises concernées, eu égard à la volumétrie des dispositifs en cause, qui se comptent par millions en France.

Cet amendement vise à s’assurer qu’il n’y aura pas de distorsion de concurrence entre les commerçants.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le déploiement de cette disposition doit évidemment se faire dans le respect du droit de la propriété et du droit de la concurrence. Ces principes ayant valeur constitutionnelle, il n’est pas nécessaire de les rappeler dans la loi. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. La mesure visée n’est pas une interdiction générale et absolue des publicités installées à l’intérieur des vitrines des commerces, mais simplement un encadrement. Le législateur peut, dans un objectif d’intérêt général, ouvrir la possibilité aux maires et aux présidents d’EPCI de réglementer ces publicités et enseignes dans le règlement local de publicité, sans apporter une contrainte disproportionnée au droit de propriété. Cela permettra de mettre fin à la différence actuellement faite entre les publicités et les enseignes selon qu’elles sont numériques ou pas, lumineuses ou pas, posées à l’extérieur ou à l’intérieur d’une vitrine, alors même que leur visibilité depuis la voie ouverte à la circulation publique et leur impact sur le cadre de vie sont identiques. Cette mesure est même bénéfique au regard du droit de la concurrence.

De plus, le dépôt d’une demande d’autorisation auprès du maire pour les publicités et enseignes installées à l’intérieur des vitrines n’est pas automatique. Il relève de la volonté du maire et doit être prévu dans le règlement local de publicité. Si tel est le cas, seules seront soumises à autorisation les publicités et enseignes lumineuses, à savoir les dispositifs qui ont le plus fort impact sur le cadre de vie. Ce mécanisme d’autorisation préalable est plus souple pour les collectivités et plus sécurisant pour les commerçants. La mesure n’a pas vocation à imposer une démarche administrative de la part du commerçant pour tout changement visuel au sein de sa vitrine.

Enfin, le contrôle du droit de propriété et de la concurrence sera en tout état de cause, comme pour tout acte administratif, assuré par le juge administratif, s’agissant tant du règlement local de publicité que des autorisations. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS4128 de la rapporteure, CS5038 de M. Jean-Marie Sermier et CS3268 de Mme Fannette Charvier (discussion commune).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit de circonscrire la portée de l’article 7 à l’impact environnemental de la pollution lumineuse, en précisant à chaque alinéa que l’encadrement concernera les publicités et les enseignes lumineuses. Le maire aura la faculté de l’appliquer ou non : ce ne sera en aucun cas une obligation. Nous nous rapprochons ainsi de certaines des propositions des membres de la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaitaient interdire les écrans publicitaires numériques, tout en étant beaucoup plus cohérents et rassurants pour nos commerces de proximité, qui s’inquiétaient de la portée de cet article.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. L’amendement CS5038 tend à ne viser que les écrans publicitaires numériques et les enseignes lumineuses.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il sera satisfait par l’adoption de mon amendement, qui a le même objet tout en étant plus précis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 7, d’une manière générale, permet de réglementer les enseignes et dispositifs publicitaires installés à l’intérieur des vitrines des commerces. Or la demande des collectivités locales concerne plus précisément le développement des enseignes et publicités lumineuses placées à l’intérieur des vitrines, et tout particulièrement les publicités numériques, dont la part est croissante et qui portent le plus atteinte au cadre de vie. L’amendement de la rapporteure est conforme à cette demande et permet de rassurer sur la portée de l’article lui-même. Avis favorable ; demande de retrait de l’amendement CS5038.

Mme Delphine Batho. Interdire la publicité numérique et lumineuse est tout à fait constitutionnel si cela est fondé sur des motifs d’intérêt général tels que la préservation du climat, la réduction de la consommation inutile d’énergie et la protection de la santé publique.

La disposition ne fixe pas une obligation ; elle se contente de renvoyer aux RLP, qui sont différents. De plus, il s’agit d’encadrer les publicités lumineuses et non pas de les interdire. Cela signifie que l’on pourra déterminer la taille, l’emplacement et la hauteur des panneaux, mais pas y mettre fin – c’est un point que je vous demanderai de clarifier.

Certains maires veulent interdire les écrans vidéo numériques dans leur ville, c’est vrai, mais il faudrait les interdire également dans le métro, dans les gares et dans divers endroits qui ne sont pas concernés par les dispositions que vous proposez. Dans n’importe quelle gare, c’est spectaculaire ! C’est un rideau continu de panneaux, chacun consommant des ressources. Si les panneaux vidéo numériques sont mauvais dans les vitrines des commerçants, ils le sont aussi dans le métro et dans les gares. Il faudrait avoir un minimum de cohérence.

M. Vincent Descoeur. Je ne suis pas sûr que l’amendement de la rapporteure réponde à toutes les préoccupations. Les commerces subventionnés par les collectivités pour assurer un point info service, avec un système de rétroprojection en vitrine, ne participent guère à l’émission de gaz à effet de serre. Ils vont pourtant tomber sous le coup de cet article. Reste également la « patate chaude » laissée aux maires, qui devront toujours réguler ce qu’il se passe à l’intérieur des vitrines.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous avons considéré qu’il fallait non pas supprimer cet article, mais en revoir la rédaction de manière à ne viser que l’impact environnemental, en particulier la pollution lumineuse. De ce point de vue, mon amendement répond pleinement à celui défendu par Mme Bouchet Bellecourt.

Madame Batho, il s’agit bien d’une faculté donnée aux maires : il ne leur est fait aucune injonction. Nous avons choisi de leur faire confiance. Un certain nombre de communes nous ont demandé d’avoir la possibilité d’agir : nous leur en donnerons les moyens, dans le respect de l’identité des communes et des prérogatives des maires. Ce n’est pas à Paris, à l’Assemblée nationale, que l’on doit fixer les règles de hauteur ou de surface des publicités présentes dans chaque vitrine de chaque commerçant dans chacune de nos communes. Il est légitime de déléguer cette compétence aux maires. Ceux qui veulent s’en saisir pourront le faire. L’amendement que je propose parvient à un bon équilibre entre la protection de l’environnement et le respect de nos communes, de nos commerçants et de nos élus locaux.

L’amendement CS3268 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS4128.

En conséquence, l’amendement CS5038 tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5026 de la rapporteure.

Amendements CS4120, CS4140 et CS4134 de M. Stéphane Buchou.

Mme Véronique Riotton. Mon collègue Stéphane Buchou souhaite apporter des précisions techniques concernant l’exposition dans les vitrines. Le premier amendement vise un double objectif : éviter l’effet « mur d’écrans » et permettre aux commerçants d’agencer librement leurs vitrines.

Le deuxième amendement vise à mieux réguler l’intensité lumineuse en soumettant les supports publicitaires à l’intérieur des vitrines à des normes techniques fixées par arrêté ministériel, qui porteraient notamment sur les seuils maximaux de luminance et sur l’efficacité lumineuse des sources utilisées.

Le troisième amendement concerne la durée d’extinction, qui s’étend généralement de 1 heure à 6 heures du matin. Il propose d’autoriser une certaine souplesse pour les activités cessant ou commençant entre minuit et 7 heures du matin – pouvoir éteindre une heure après la cessation d’activité de l’établissement et rallumer une heure avant la reprise de l’activité – et lors d’événements exceptionnels.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Tel que nous avons amendé l’article 7, si un maire peut prendre des décisions relatives à la consommation énergétique des écrans et des enseignes lumineuses, il réglemente de facto les horaires d’extinction, la taille des écrans ou leur intensité lumineuse. C’est le règlement local de publicité qui fixera ensuite les modalités, commune par commune ou EPCI par EPCI. Ces amendements étant satisfaits, j’en demande le retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 7 permet aux communes et aux intercommunalités de réglementer, dans leur RLP, les publicités et les enseignes. Les maires et les présidents d’EPCI sont les mieux à même d’apprécier quelles sont les prescriptions techniques les plus adaptées aux spécificités des commerces implantés sur leur territoire. Déterminer par décret ou arrêté ministériel des règles en matière d’intensité lumineuse contreviendrait à ce principe. Avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS3792 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Il s’agit d’intégrer la notion de trame noire dans la réglementation locale sur la publicité. C’est important pour la biodiversité, la faune nocturne en particulier. Cela permettra, en outre, aux habitants des villes de redécouvrir un ciel étoilé et de méditer sur la petitesse de notre planète dans l’univers, ainsi que sur le caractère limité de ses ressources.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La trame noire est couverte par la notion de consommation énergétique puisque le maire pourra définir dans son RLP les interdictions, les restrictions ou les encadrements qu’il conviendrait d’apporter, par exemple sur les horaires d’extinction. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Si une collectivité crée une trame noire – c’est une très bonne chose et je les incite toutes à le faire –, ce serait une absurdité que d’adopter, en parallèle, un règlement local de publicité qui y contreviendrait. Laissons les collectivités penser à la cohérence de leur propre politique. Votre amendement est satisfait.

M. Loïc Prud’homme. La parole est libre et j’aimerais qu’on réponde à nos propositions par d’autres arguments que « Vos mesures sont attentatoires à la liberté » ou « Je ne veux pas vivre en URSS », qui ne contribuent pas à élever le débat. Plutôt que de faire ce genre de commentaires, mieux vaut s’en tenir à la neutralité, sous peine de se discréditer.

L’obscurité est un droit inaliénable, non seulement pour les humains – il est scientifiquement démontré qu’elle agit sur notre chronobiologie –, mais aussi pour la biodiversité. Les spots lumineux perturbent les migrations d’oiseaux. D’un avion, pour ceux qui ont le privilège de le prendre, ou sur une photo aérienne, on voit de façon impressionnante comme notre planète est éclairée la nuit, notamment par les enseignes lumineuses alors qu’il n’y a pas le moindre chaland pour les voir. Le droit à l’obscurité est aussi important que la liberté d’entreprendre ; il est même prioritaire sur la société d’hyperconsommation.

M. Dominique Potier. Au rythme de consommation annuel des Français, les ressources de la planète sont épuisées dès le mois de juillet – au mois d’août, l’année de la pandémie. On est en train de renvoyer au pouvoir local la capacité de réguler une chose totalement superficielle : notre civilisation et notre économie fonctionnent parfaitement sans enseigne lumineuse, en particulier la nuit. On abandonne les prérogatives de l’État, au moment même où l’enjeu principal est celui du partage de la ressource. Chaque fois que l’on autorise les maires, par démagogie, par facilité, à continuer à gaspiller cette ressource limitée qu’est l’énergie, on ôte de la vie ailleurs sur la planète, ou même à d’autres collectivités. On ne peut pas renvoyer au droit local ; il faut, au minimum, renvoyer aux communautés de communes. C’est la condition pour qu’un vrai débat démocratique s’installe sur le bilan économique et sociétal.

M. Antoine Herth. Je retire l’amendement. Le débat reviendra probablement dans l’hémicycle, ce qui donnera l’occasion à Mme la ministre de rappeler solennellement son attachement à la trame noire et de lui faire un maximum de publicité auprès des élus locaux.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2741 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Delphine Batho. Les dispositions du texte ne permettront pas aux élus locaux qui le souhaitent d’interdire les écrans vidéo. Le règlement local de publicité pourra prévoir que ces écrans respectent des prescriptions en matière d’emplacement, de surface, de hauteur et, le cas échéant, d’économie d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses. Il ne pourra pas interdire les écrans vidéo ou les écrans lumineux parce que vous allez supprimer l’alinéa 4 qui soumettait leur installation à une autorisation du maire. L’amendement de Matthieu Orphelin vise à préciser que le règlement local de publicité peut également prévoir leur interdiction sur l’ensemble du territoire de l’établissement public ou de la commune. C’est quand même le minimum ! Sans quoi, l’article 7 ne changera rien à la situation existante.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Au regard de la conciliation nécessaire entre ce que le commerçant a le droit de faire dans sa vitrine, qui relève de sa liberté et de son droit de propriété, et les enjeux de pollution lumineuse, le maire ne peut pas interdire – je n’ai d’ailleurs jamais dit qu’il pourrait le faire. Il pourra définir un encadrement très clair, avec des prescriptions qui sont listées à l’article 7 : avec la possibilité de limiter les horaires, la consommation d’énergie, la hauteur ou la surface des panneaux, il disposera tout de même d’un certain nombre de leviers d’action. Nous faisons confiance au maire pour déterminer ce qui est le plus pertinent pour son territoire et ses commerces. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Une mesure d’interdiction générale serait inconstitutionnelle et disproportionnée. Toutefois, je comprends ce reproche de Delphine Batho que le texte prive le maire de la faculté d’interdire des affichages lumineux dans sa commune pour des raisons spécifiques à son territoire. Il est en effet contradictoire de déclarer faire confiance aux maires pour s’adapter à la situation locale, tout en leur supprimant une option. À ce stade, j’émets un avis défavorable mais je vais réfléchir à cette question et en étudier les conséquences juridiques.

M. Dominique Potier. Nous défendons des amendements motivés par la recherche d’un équilibre entre le bien commun, la liberté d’entreprendre et le droit de propriété. Alors que nous traversons la crise de l’anthropocène, il est agaçant et même stupéfiant que l’on oppose la liberté d’entreprise à la survie de la planète : nous allons tous mourir libres !

Je vous pose clairement la question : avez-vous saisi le Conseil d’État en vue d’évaluer la constitutionnalité de l’hypothèse posée par notre collègue Delphine Batho ? Nous avons encore largement le temps de le faire et, si vous avez besoin d’être saisie par courrier, nous pouvons le rédiger dans l’heure. L’instrumentalisation de ce que pourrait décider le Conseil constitutionnel en la matière, on en a un peu soupé, dans la dernière législature comme dans celle-ci ! On ne peut pas instrumentaliser politiquement l’avis du Conseil constitutionnel si on ne l’a pas saisi : c’est une question de respect des prérogatives du Parlement.

Mme Delphine Batho. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, dans sa réponse à la question prioritaire de constitutionnalité relative aux pesticides exportés, est très claire quant à la conciliation entre liberté d’entreprendre et objectifs environnementaux ou climatiques d’intérêt général. Il est donc possible de réglementer ou d’interdire la publicité sur écrans vidéo ou numériques.

J’aime que les choses soient claires. En 2019, l’Assemblée nationale avait voté en séance, de manière totalement transpartisane, la disposition suivante, supprimée ensuite en commission mixte paritaire : « Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département, sur demande ou après avis du conseil municipal, peut interdire par arrêté toute publicité numérique ou toute publicité lumineuse sur les voies ouvertes à la circulation publique, dans les gares, stations et arrêts destinés aux transports publics de personnes qui se situent sur le territoire de sa commune. » L’article 7 du présent projet de loi ne permet même pas cela.

M. Erwan Balanant. Prenons acte de ce que la ministre donne des pistes pour que nous avancions à ce sujet en vue de la séance, et remettons-nous autour de la table pour le faire.

Je m’étonne que M. Potier plaide pour que l’on prive les maires du pouvoir de décider localement. Nous misons sur l’intérêt grandissant de nos concitoyens pour ces questions ; de fait, ils interpellent souvent les élus locaux sur le maintien de l’éclairage public la nuit et font pression sur eux à ce propos. Laissons-les en discuter et laissons la commune construire une trame noire si elle le souhaite. L’État n’a pas à imposer une telle décision ; elle ne peut être que locale – on peut même imaginer que certaines communes iront plus loin.

En attendant, commençons par faire appliquer ce qui est déjà possible : Florence Lasserre défendra tout à l’heure un amendement visant à l’extinction de l’éclairage la nuit, que certaines communes ne pratiquent toujours pas. Ce serait déjà une avancée.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Monsieur Potier, il n’est pas question d’instrumentaliser le Conseil d’État : celui-ci est très clair dans son avis, même s’il appartiendra au Conseil constitutionnel de statuer le cas échéant. Il estime « qu’en étendant le champ de la police de la publicité dite “extérieureˮ, pour permettre d’encadrer, par un règlement local, les publicités et enseignes situées à l’intérieur d’un local commercial, ces dispositions sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée notamment au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, sauf à ce qu’elles soient précisément encadrées par la loi et adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ».

Le Conseil d’État poursuit en suggérant de « resserrer le champ des publicités et enseignes qui pourront être réglementées aux seules publicités et enseignes lumineuses »…

Mme Delphine Batho. C’est ce que nous proposons !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. C’est exactement l’objet de l’amendement que j’ai précédemment défendu et que vous avez adopté. Le Conseil d’État précise « que les prescriptions édictées par le règlement local de publicité porteront sur l’emplacement, la dimension et la puissance lumineuse de ces dispositifs » ; c’est ce que nous avons prévu. « Il suggère d’exempter de formalité préalable le respect de ces prescriptions » ; là encore, c’est ce que je vous proposerai de faire en supprimant l’alinéa 4.

Vous voyez que je suis scrupuleusement les recommandations du Conseil d’État pour nous permettre de mieux lutter contre ce qui a un impact environnemental sans toucher au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, sous peine de disproportionnalité à l’objectif poursuivi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4129 de M. Stéphane Buchou

Mme Véronique Riotton. Il s’agit de permettre aux commerçants de déroger à la procédure d’autorisation d’installation pour les écrans dont la superficie n’excède pas 10 % de la superficie totale de la vitrine. Ainsi, chaque commerçant pourra agencer librement sa vitrine.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement sera satisfait par mon amendement CS4133, qui tend à supprimer l’alinéa 4, conformément aux recommandations du Conseil d’État dans son avis. Demande de retrait.

Mme Véronique Riotton. Je vais retirer l’amendement, et je suggérerai à Stéphane Buchou de vérifier que la suppression de l’alinéa 4 emporte bien abandon de la procédure d’autorisation ; au besoin, il le redéposera en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4151 de M. Stéphane Buchou

Mme Véronique Riotton. Aux termes de cet amendement, le contenu des messages publicitaires devrait être conforme au code déontologique de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) en matière de respect et de dignité de la personne humaine ainsi que de lutte contre les stéréotypes, les discriminations sur des bases ethniques, de genre ou religieuses et les comportements violents. Nous avons longuement abordé le sujet au cours de nos travaux préliminaires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous déléguons au maire, par l’intermédiaire du RLP, la compétence en matière d’organisation des vitrines. Mais il n’est pas compétent pour décider des messages publicitaires autorisés, en dehors du cadre général qui proscrit l’incitation à la haine raciale ou à l’homophobie. Je ne crois pas qu’une telle disposition serait jugée constitutionnelle. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Sur le principe, on ne peut qu’être d’accord avec l’objet de l’amendement ; toutefois, les communes et les EPCI réglementent dans les RLP les modalités de diffusion du message, non son contenu, lequel peut en revanche relever du droit pénal. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS4133 de la rapporteure et CS5039 de M. Jean-Marie Sermier

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comme je l’ai annoncé, je propose ici de supprimer l’alinéa 4, ce qui évitera aux commerçants de devoir soumettre l’organisation de leur vitrine à autorisation préalable – une procédure lourde pour eux comme pour les élus locaux dans les petites villes. Nous appliquons ainsi une recommandation claire du Conseil d’État. Le maire procédera, en revanche, à un contrôle a posteriori de tous les aspects que nous avons évoqués.

M. Jean-Marie Sermier. Il importe de supprimer le régime d’autorisation auquel la rédaction d’origine soumet l’utilisation de publicités et d’enseignes lumineuses, car il est contraire à l’objectif de simplification du droit, inutilement complexe à gérer pour les collectivités et pour les entreprises concernées eu égard au grand nombre de dispositifs en cause – qui se comptent par millions –, et n’économiserait pas autant de CO2 qu’on peut le penser. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Mme Barbara Pompili, ministre. Dès lors que vous avez voté l’amendement de la rapporteure qui limite la réglementation des vitrines aux seuls dispositifs lumineux à l’exclusion des affiches, le régime d’autorisation supplémentaire, dont la cohérence résultait d’une gradation selon l’effet des différents dispositifs de publicité, n’est plus justifié. Il paraît donc légitime d’y mettre fin et de considérer que les dispositifs lumineux devront simplement respecter le RLP, ce qui sera contrôlé a posteriori par les services des collectivités.

Avis favorable.

Mme Delphine Batho. Que les choses soient claires : supprimer l’alinéa 4, c’est supprimer la notion de pouvoir d’autorisation préalable dévolu aux élus locaux. Ces derniers n’auront donc ni pouvoir d’interdiction, ni pouvoir d’autorisation préalable, seulement celui de réglementer les détails. Je doute, par ailleurs, qu’il soit très simple pour eux d’aller contrôler la taille des panneaux.

L’alinéa 4 était conforme à l’esprit de la CCC, qui souhaitait interdire ces publicités particulièrement néfastes. On aboutit à un texte qui ne change pas grand-chose à la situation actuelle.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CS5028 la rapporteure, CS4452 de M. Loïc Prud’homme, CS4160 de M. Stéphane Buchou et CS4809 de Mme Sira Sylla tombent.

La commission adopte l’article 7 ainsi modifié.

Après l’article 7

Amendement CS3279 de Mme Aude Luquet

Mme Florence Lasserre. Il existe des dispositions législatives visant à prévenir, à réduire et à limiter les nuisances lumineuses dans nos villes et villages, car la multiplication des éclairages, des écrans et des enseignes lumineuses a un impact non négligeable sur notre consommation d’énergie, mais aussi sur notre environnement et sur la biodiversité, puisqu’elle perturbe l’équilibre naturel de certaines espèces. Toutefois, l’application du droit existant n’est pas satisfaisante.

Il convient qu’un rapport évalue le droit en vigueur et, si besoin, formule des recommandations afin de le renforcer pour nous permettre d’atteindre nos objectifs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous disposons déjà d’un rapport récent sur le sujet, celui du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) intitulé « À la reconquête de la nuit » et publié il y a un peu moins de deux ans. L’amendement est donc satisfait. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ajoute que deux arrêtés du 27 décembre 2018 relatifs, l’un, à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses, l’autre, à la définition des sites d’observation astronomique exceptionnels, ont récemment apporté des avancées notables pour la protection du ciel nocturne et de la biodiversité, concernant notamment les horaires d’allumage et d’extinction, la proportion de lumière et la limitation des températures de couleur. Ces mesures sont soumises à un calendrier d’application en plusieurs étapes, de leur publication jusqu’au 1er janvier 2025, afin de faire remplacer progressivement les luminaires dont la quantité de lumière dépasse certains seuils ou dont la proportion de lumière émise au-dessus de l’horizontale est trop élevée.

J’ai, par ailleurs, demandé à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de monter un groupe de travail réunissant tous les acteurs afin d’aboutir à une base de données recensant les points lumineux artificiels et d’évaluer plus précisément les effets des nuisances.

Demande de retrait.

M. Loïc Prud’homme. Un rapport datant de deux ans, cela me paraît déjà très ancien.

Madame la ministre, j’aimerais vous interroger sur un sujet d’actualité en lien avec la question de la pollution lumineuse et du droit à l’obscurité. Le projet Starlink, lancé par Elon Musk, vise à mettre en orbite basse des dizaines de milliers de satellites. Plusieurs centaines sont déjà en orbite ; à terme, une constellation de 42 000 satellites est prévue. Les bases terrestres servant de relais sont en train d’être installées sur notre territoire. Certaines le sont déjà en Gironde ; l’utilisation d’un autre site, dans la Manche, près de Granville, a fait l’objet d’un refus.

Quelle est votre position concernant ce projet ? Il a été étudié du seul point de vue de l’émission d’ondes radio, sans considération de la pollution céleste. Quant à ses conséquences sur la biodiversité, si le problème des ondes horizontales a été partiellement abordé, ce n’est pas le cas des effets des ondes émises de manière verticale entre les stations terrestres et les constellations de satellites, notamment sur les couloirs migratoires d’oiseaux, nombreux au‑dessus de notre territoire.

L’amendement CS3279 est retiré.

Article 8 (article L. 581-26 du code de l’environnement) : Interdiction des avions publicitaires

Amendement CS4535 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme. Il vise la publicité tractée par aéronef, une pratique désormais marginale, mais dont l’interdiction serait symboliquement forte. Il s’agit, en effet, d’une double aberration écologique, en raison de la surconsommation à laquelle elle incite et des gaz à effet de serre qu’elle émet.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Sur ce point, nous sommes d’accord. Mon amendement CS4150, qui tend à interdire la publicité dans les airs, satisfera le vôtre ainsi que les suivants. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable : la mesure peut être appliquée par voie réglementaire sans qu’il soit besoin d’en passer par la loi.

M. Loïc Prud’homme. Je maintiens mon amendement faute d’avoir eu le temps de prendre connaissance de l’amendement CS4150. Je m’interroge, par ailleurs, sur l’apparente divergence entre la rapporteure et la ministre quant à l’utilité de légiférer sur ce point.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS4615 de M. Jean-Charles Colas-Roy, CS553 de Mme Delphine Batho, amendements identiques CS1807 de M. Dominique Potier, CS2641 de Mme Émilie Cariou, CS4150 de la rapporteure et CS4616 de M. Jean-Charles Colas-Roy, et amendement CS1602 de M. André Chassaigne (discussion commune)

Mme Véronique Riotton. Conformément à la volonté exprimée par les membres de la Convention citoyenne pour le climat, il convient de proscrire les formes les plus polluantes de publicité, à commencer par la publicité sur les aéronefs ainsi que sur les véhicules et embarcations à moteur utilisés à des fins essentiellement publicitaires. Or l’actuelle rédaction de l’article 8 ne le prévoit pas. Cette interdiction ne s’appliquerait pas à la publicité apposée sur un véhicule à titre accessoire, comme sur les taxis ou sur les véhicules de transport en commun, laquelle pourrait toutefois, comme c’est le cas actuellement, être encadrée par le règlement national ou par les règlements locaux. Tel est le sens de l’amendement CS4615.

Mme Delphine Batho. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil pour le climat souligne que l’article 8 est « anecdotique au regard des émissions du secteur aérien national (environ 0,0004 millions de tonnes équivalent CO2 contre 5 millions de tonnes équivalent CO2 en 2019) ». En l’état, il n’inclut même pas l’interdiction des avions publicitaires que prévoyait la CCC. L’amendement CS553 tend à faire en sorte que cette volonté, au moins, soit respectée.

Mme Émilie Cariou. L’amendement CS2641 a pour but de rendre effective l’interdiction des avions publicitaires. En l’état, l’article ne cible pas ces derniers ; il ne fait que renforcer les sanctions en cas de non-respect de certaines interdictions dont il renvoie le détail à un décret.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article 8 dispose uniquement que les sanctions prévues à l’article L. 581‑26 du code de l’environnement s’appliqueront également en cas de non-respect des dispositions interdisant la publicité sur les véhicules terrestres, nautiques et aériens, mais le code de l’environnement renvoie l’interdiction des avions publicitaires à un décret en Conseil d’État qui n’a pas été pris.

Afin de renforcer la portée de l’article 8, mon amendement CS4150 propose d’inscrire directement dans la loi l’interdiction des avions publicitaires, conformément à une proposition claire de la CCC et à l’avis qui vient d’être cité.

Il satisfait donc l’ensemble des amendements en discussion en mettant fin à une pratique anachronique et préjudiciable à l’environnement. Je demande par conséquent leur retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le code de l’environnement fournit déjà une base légale pour interdire par voie réglementaire les avions publicitaires : en vertu de son article L. 581-15, la publicité dans les airs, telle que celle diffusée au moyen d’une banderole tractée par un aéronef, peut être prohibée, le législateur ayant renvoyé à un décret en Conseil d’État les modalités de cette interdiction.

Les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et ceux de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) travaillent déjà, en vue d’une publication rapide, peut-être avant l’été, à un projet de décret interdisant ce mode de publicité.

Les amendements sont donc satisfaits ; j’en demande par conséquent le retrait.

M. Antoine Herth. L’amendement CS4615 est plus large que celui de la rapporteure, puisqu’il concerne, outre les aéronefs, les véhicules terrestres et les bateaux à moteur. Même si, à en croire Mme la ministre, l’interdiction est possible par voie réglementaire pour les avions, nous devrions donc l’inscrire dans la loi pour les voitures et les bateaux.

Toutefois, pour sauver la caravane du Tour de France, il conviendrait que les auteurs de l’amendement CS4615 le rectifient à la marge afin de permettre des exceptions à l’interdiction des véhicules à vocation essentiellement publicitaire.

Mme Delphine Batho. Une remarque de forme : la rapporteure pourrait, de temps en temps, appeler à adopter l’amendement d’un collègue quand il est identique au sien.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Quand il est identique, il est adopté en même temps !

L’amendement CS4615 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS553 puis adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CS1602 tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5029 de la rapporteure.

En conséquence, l’amendement CS4172 de M. Stéphane Buchou tombe.

Mme Véronique Riotton. Je précise que l’amendement CS4172 visait les messages de demande en mariage.

Amendement CS2977 de Mme Cécile Untermaier

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement me semble satisfait par ceux que nous venons d’adopter et qui permettront de cesser d’utiliser des avions publicitaires. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4011 de M. Jean-Luc Lagleize

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’article 8 risque d’avoir des conséquences particulièrement néfastes pour la structuration d’une filière aéronautique plus durable, décarbonée et compatible avec nos objectifs climatiques et énergétiques. En effet, il faut encourager par tous les moyens et pour tous les usages l’émergence d’aéronefs partiellement puis majoritairement décarbonés.

L’amendement permet donc une dérogation à l’interdiction, au profit de la publicité aérienne par le biais d’aéronefs pouvant être considérés comme assurant un transport aérien partiellement décarboné. Il est ainsi compatible avec les évolutions du secteur aérien et le développement déjà en cours d’aéronefs de petite taille à propulsion hybride et électrique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement limiterait le champ d’application de l’article. Or nous avons clairement voté contre la possibilité que le vol d’avions puisse avoir l’affichage publicitaire pour seul objet. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les carburants issus d’énergies renouvelables sont préférables à ceux qui viennent d’énergies fossiles, mais l’idée, ici, est de lutter contre la prolifération des publicités, qu’elle repose ou non sur l’utilisation de biocarburants. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne. Les choses sont donc claires : l’article 8 est contre la publicité et non pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est dommage, car le secteur fait vivre 500 familles, qui pourraient poursuivre leur activité en utilisant des avions électriques comme ceux que l’on apprend à piloter à Toussus-le-Noble. On aurait pu limiter les messages publicitaires diffusés par ce biais à ceux ayant trait à l’attractivité du territoire, par exemple en faveur de festivals ou d’autres spectacles. On préfère mettre 500 familles sur la paille : c’est votre choix, ce n’est pas le mien.

M. Jean-Marie Sermier. En effet, il ne s’agit pas ici de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais de s’attaquer à l’ensemble des spots publicitaires. Or, si on a bien compris, à la lumière des débats d’hier soir, que la publicité nous incite cognitivement à consommer, elle peut aussi être une source d’informations importantes, sanitaires ou relatives à la sécurité en mer, par exemple. Nous sommes tous conscients de la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de « verdir » l’aviation, mais, alors que les avions à hydrogène vont commencer à voler entre 2025 et 2035, il n’est pas normal de ne pas leur permettre de diffuser ce type de messages.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Ce sont les messages publicitaires dont nous arrêtons la diffusion par aéronef, non les messages sanitaires ou de prévention envoyés par les pouvoirs publics – ni les demandes en mariage…

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3854 de M. Jean-Luc Lagleize

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Le tractage de banderoles publicitaires par aéronef représente chaque année 10 000 heures de vol et 1 million d’euros de chiffre d’affaires environ, des chiffres très modestes. De plus, ce sont de petites et moyennes entreprises qui seront affectées par sa suppression. Nous demandons que l’entrée en vigueur du dispositif soit décalée au 1er janvier 2026 afin de laisser à ces structures le temps de s’adapter.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Vu l’impact direct de la pratique sur l’environnement et le peu de risques auxquels sa suppression expose l’emploi, et sachant qu’une entrée en vigueur dès la promulgation de la loi laisse quelques mois de délai au secteur, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement, je l’ai dit, souhaitait que la mesure soit prise par décret de manière à pouvoir s’appliquer avant même l’été prochain. Repousser son entrée en vigueur de cinq ans serait excessif. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Si nous interdisons les messages publicitaires, la diffusion de messages sanitaires, que vous dites ne pas empêcher, ne suffira pas à faire vivre les entreprises du secteur. On va casser le système, de sorte que l’on ne pourra plus l’utiliser quand on en aura besoin.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 8 ainsi modifié.

Article 9 : Expérimentation d’un dispositif « Oui pub »

Amendements de suppression CS398 de Mme Valérie Beauvais, CS798 de M. Julien Dive, CS1437 de M. Thibault Bazin, CS4312 de M. Guillaume Kasbarian, CS4669 de Mme Marguerite Deprez-Audebert, CS4692 de Mme Bouchet Bellecourt et CS4771 de M. Stéphane Travert

Mme Valérie Beauvais. L’article 47 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire permet, depuis le 1er janvier 2021, de sanctionner d’une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe le non-respect de la mention « Stop pub ». Quelques semaines à peine après l’adoption de ces dispositions, et en l’absence de toute évaluation de leur portée, il ne paraît pas opportun de modifier à nouveau les dispositions applicables à la distribution des messages publicitaires. Les décrets d’application du texte sur le « Stop pub » ne sont pas encore pris que l’on envisage déjà un « Oui pub » : les Français ne vont plus rien y comprendre.

M. Vincent Descoeur. On crée un « Oui pub » alors qu’il existait déjà un « Stop pub », ce qui va créer des difficultés pour les distributeurs. Or les actions de promotion sont souvent confiées à des personnes en situation précaire, rémunérées non à l’heure mais à la quantité de prospectus distribués, et qui risquent d’être encore fragilisées par la mesure. Enfin, les publicités visées sont recyclables et font souvent la promotion d’entreprises de proximité. Tel est le sens de l’amendement CS798.

M. Jean-Marie Sermier. Je défends l’amendement CS1437. On est en train de faire un procès en sorcellerie à des professions qui ont la malchance d’être du mauvais côté. Il faut assurément contrôler et encadrer les messages publicitaires, mais les supprimer totalement – ce à quoi reviennent les mesures annoncées – fragilisera des salariés qui ne pourraient pas trouver d’autre emploi et privera nos concitoyens d’informations utiles. Il s’agit non seulement de promotion de produits mais aussi, par exemple, du journal du député du coin, souvent glissé dans les boîtes aux lettres par les mêmes employés ou par ceux de La Poste, qui propose aussi ce service. De nouveau, on casse un secteur d’activité entier sans avoir mesuré l’impact de la mesure.

M. Guillaume Kasbarian. Ne jouons pas sur les mots : le début du « Oui pub », c’est la fin de l’imprimé publicitaire dans les boîtes aux lettres, car nous savons tous que personne ne collera d’autocollant « Oui pub » sur la sienne. Ayons l’honnêteté et l’élégance de le dire aux salariés concernés.

La publicité imprimée n’est pourtant pas nécessairement plus polluante que la publicité numérique. Une étude réalisée pour La Poste montre qu’une campagne de distribution de catalogues d’une enseigne de la grande distribution a 2,2 fois moins d’effet sur le changement climatique qu’une campagne numérique.

En outre, l’impression et la distribution viennent d’être soumises, le 1er janvier, à un changement de réglementation destiné à renforcer le « Stop pub ».

S’y ajoutent les contraintes que le dispositif va faire peser sur les TPE et PME locales. Ce n’est pas Amazon qui distribue les publicités dans les boîtes aux lettres, ce sont le boucher, le serrurier, le chaumier, le maçon, la supérette du coin.

Surtout, comme l’ont rappelé les organisations syndicales, 40 000 emplois directs sont menacés dans les imprimeries et la distribution, chez Adrexo, La Poste et leurs filiales. Il s’agit souvent de petits boulots occupés par des personnes qui essaient de sortir de la précarité et que vous connaissez peut-être, puisque nombre d’élus ont effectivement recours à leurs services pour distribuer leur lettre d’information. Dans ma circonscription, 100 personnes sont concernées ; la proportion doit être à peu près la même dans les vôtres.

Madame la ministre, vous avez dit au cours de la discussion générale que vous ne souhaitiez pas d’interdiction sans solution, parce que cela ne fonctionne pas et ne suscite pas une large adhésion des Français. C’est pourtant ce à quoi procède cet article.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Le projet de loi doit nous permettre de faire baisser considérablement nos émissions de gaz à effet de serre, or l’article 9 va quasiment à l’encontre de cet objectif : il n’est donc pas illogique de vouloir le supprimer.

Il importe de mettre fin au « papier bashing » dans l’air ces dernières années. D’abord, on sait que la publicité numérique est plus polluante que la publicité imprimée. Une restriction de la distribution de cette dernière favoriserait donc des médias plus polluants. Le Gouvernement lui-même a identifié, dans sa feuille de route « numérique et environnement », la nécessité de limiter les émissions du secteur de numérique.

Ensuite, la loi AGEC prévoit le renforcement de « Stop pub » ainsi que le « verdissement » du secteur de la publicité papier : dès 2023, les prospectus et catalogues publicitaires soient imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement, au moyen d’encres à pigment d’origine végétale et non plus minérale. La plupart de ces mesures ne sont pas encore entrées en vigueur. Il faut laisser à cette loi le temps de produire ses effets.

La filière n’a pas attendu pour se montrer exemplaire dans sa démarche écologique : selon l’ADEME, le taux de recyclage des imprimés publicitaires issus de la collecte ménagère et assimilée s’élève à 70 %, soit 13 points de plus que le taux de recyclage global des papiers ménagers et assimilés. Il atteindra d’ici peu 80 %.

Enfin, l’article aura des conséquences socio-économiques négatives, tant pour les éditeurs de presse et les éditeurs institutionnels que sont les collectivités, que pour l’imprimerie et la distribution. La réduction du nombre d’imprimés publicitaires accentuera, du fait de l’augmentation du coût marginal d’impression et de distribution, la déstabilisation d’une filière pourvoyeuse d’emplois. Le réseau dit « toutes boîtes » constitue le moyen le plus économique, le plus équitable et le plus efficace de toucher tous nos concitoyens dans tous les territoires : son maintien est donc vital pour notre cohésion sociale.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il existe déjà un dispositif permettant de se prémunir contre les publicités : l’article 47 de la loi AGEC. Le non-respect d’une mention apposée faisant état du refus d’une personne physique ou morale de recevoir de la publicité imprimée n’est sanctionné que depuis trois mois, et on veut déjà revenir dessus.

La publicité est importante pour certaines personnes : celles qui cherchent à profiter de réductions – et d’autant plus en ces temps de crise sanitaire et économique –, ou encore les personnes âgées et celles qui ne sont pas familières du numérique. Interdire cette pratique à tout le monde est donc dangereux et éloigné des réalités des Français.

M. Stéphane Travert. Comment construire une trajectoire acceptable pour les entreprises du secteur et pour éviter un transfert définitif vers les GAFAM ? Dispose-t-on d’une étude d’impact ? Les professionnels de l’imprimerie, qui ont fait d’énormes efforts, notamment en matière de papier, ont-ils été consultés ?

De quel outil de communication les artisans et les commerçants de proximité bénéficieront-ils demain ? Les horticulteurs, que nous avons été nombreux à soutenir pendant le confinement, ont, avec l’arrivée du printemps, besoin de cette publicité distribuée dans les boîtes aux lettres.

Pourquoi ne laisse-t-on pas prospérer le dispositif « Stop pub » pour en tirer un retour d’expérience factuel et précis ?

L’article aurait à la fois des conséquences dramatiques et un effet très limité dans la lutte contre le dérèglement climatique. D’où cet amendement de suppression.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Toutes ces questions, nous nous les sommes posées au cours de notre examen du texte. Nous avons écouté les collectivités locales, les associations de commerçants et d’artisans, et entendu les craintes qui se sont exprimées dans les filières, notamment s’agissant des emplois précaires. Nous avons donc travaillé à une réécriture de l’article conciliant les enjeux d’impact environnemental et de sauvegarde des 40 000 emplois de la filière, qui est extrêmement précieuse.

Dans la logique des articles 6 et 7, nous avons considéré que s’agissant d’une expérimentation déployée par les maires ou EPCI, ceux-ci pourraient décider, de manière proportionnée et pragmatique, d’appliquer des exemptions. Personne ne veut priver un traiteur ou une école de danse de ce moyen de publicité locale. Mme la ministre pourra peut-être prendre des engagements sur le volume de l’expérimentation, à l’échelle d’un bassin de vie.

Les outils de contrôle seront également renforcés. Je serai favorable à un amendement de notre collègue Jean-Marie Sermier visant à évaluer l’impact sur les secteurs d’activité concernés. Il faudra également mesurer celui du renforcement du « Stop pub » décidé dans la loi AGEC. Telle est la solution que je vous propose. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’entends parler du petit artisan, mais 90 % du tonnage d’imprimés publicitaires concerne la grande distribution.

Avec le dispositif « Stop pub », tous les ménages sont susceptibles de recevoir des imprimés à visée commerciale non adressés : une démarche active de leur part est nécessaire pour qu’ils n’en reçoivent plus. L’évolution prévue au 1er janvier 2021 ne modifie pas ce dispositif, qui n’a été adopté que par 17 % d’entre eux ; elle introduit une sanction censée dissuader les distributeurs d’enfreindre leur volonté.

Parmi les ménages qui continuent de recevoir des imprimés à visée commerciale non adressés, une partie n’a simplement pas connaissance de ce dispositif ou des démarches nécessaires pour y participer. L’idée est donc d’en tester l’inversion, c’est-à-dire le dispositif « Oui pub », qui leur permettrait de n’en plus recevoir sans qu’une action volontaire de leur part soit nécessaire. À l’inverse, ceux qui le souhaitent continueraient à en recevoir.

Loin d’une interdiction générale, le but de l’article est d’expérimenter ce dispositif dans les collectivités locales volontaires et d’en documenter les résultats tant en termes environnementaux qu’économiques.

En 2019, plus de 894 000 tonnes d’imprimés publicitaires non adressés ont été distribuées puis jetées, souvent sans avoir été lues. Le meilleur déchet restant celui que l’on ne produit pas, mieux dimensionner ces imprimés permettra de réduire le coût de gestion des déchets par les collectivités et de revenir au bon sens en luttant contre le gaspillage.

Une première étude a été menée par l’ADEME, en lien avec les parties prenantes, sur les conditions, freins et leviers à l’expérimentation du « Oui pub », dont l’impact sur l’emploi fait évidemment partie. Je serai d’ailleurs tout à fait favorable à des propositions tendant à limiter le champ de l’expérimentation. Il y a une demande : 70 % des répondants à l’enquête se déclarent très ou plutôt ouverts à ce qu’un système inverse au « Stop pub » soit testé dans leur commune. L’impact de ce dispositif sur les emplois de distributeurs de courriers non adressés, et notamment en zone rurale, sera observé dans le cadre des expérimentations prévues par le projet de loi. Enfin, l’ADEME proposera un accompagnement à tous les territoires désireux de les lancer.

Au vu de ces éléments, vous comprendrez que je sois défavorable à la suppression de l’article.

M. Bruno Millienne. Je suis bien ennuyé par cet article. Sans que nous ayons eu le temps d’évaluer le dispositif « Stop pub » renforcé par la loi AGEC, on nous présente une mesure dont j’ai du mal à analyser les bénéfices et les risques. Je ne suis déjà pas convaincu par « Stop pub », et je ne vois pas la petite mamie qui habite dans ma campagne Yvelinoise apposer « Oui pub » sur sa boîte aux lettres pour continuer d’y trouver la publicité de son supermarché. Par ailleurs, si vous avez auditionné les représentants du secteur de l’imprimerie, pourquoi celui-ci n’apparaît-il pas dans l’étude d’impact ?

Tout cela me pose problème, comme à beaucoup de retraités qui arrondissent ainsi leurs fins de mois. Je veux bien que l’écologie supprime d’un trait de plume 40 000 à 60 000 emplois, mais franchement, je n’en prendrai pas la responsabilité pour un gain d’émissions de gaz à effet de serre pas aussi positif que vous voulez bien le dire.

Mme Véronique Riotton. On a déjà entendu les mêmes discours lors de la loi anti‑gaspillage pour une économie circulaire. À l’époque, nous avons plutôt souhaité renforcer la sanction ; cette pratique est-elle mieux encadrée aujourd’hui ? Je ne sais pas.

Pour ma part, je ne crois pas beaucoup au « Oui pub », mais les distributeurs s’y sont déjà préparés. Et puisque les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont appelé de leurs vœux une expérimentation, allons-y ! Je suis, par ailleurs, favorable au renforcement de la nature de l’évaluation par des éléments factuels qui permettront d’éclairer nos débats.

M. Hubert Wulfranc. Je ne suis pas naïf : cette pratique est le fait de la grande distribution et les conditions de travail des personnes qu’on voit avec leur caddy, à huit heures du mat’, sous la pluie, sont loin d’être reluisantes. Nous devrions l’encadrer.

Il m’arrive de tracter : « Stop pub » n’apparaît que sur une boîte aux lettres sur 300, et le « Oui pub » que l’on veut nous mettre n’aura pas plus de succès. On est là dans un crétinisme parlementaire total, qui évite de parler des choses qui fâchent : on nous emmanche là un texte totalement gribouille ! Sur le terrain, on doit rigoler de nous entendre, mais on doit aussi s’inquiéter.

Je trouve qu’on se moque des gens, on détourne le débat de fond depuis le début de l’examen de ce texte. Je vais voter la suppression de l’article : ce sera un vote dérogatoire qui exprimera mon mécontentement profond.

M. Guillaume Kasbarian. Je partage l’indignation de notre collègue. Madame la rapporteure, je sais que vous êtes sensible aux préoccupations au regard de l’emploi et que vous avez fait tout votre possible pour trouver une solution. Néanmoins, cela ne suffit pas.

Je doute énormément du dispositif et je crois que nous faisons une grosse bêtise avec cet article. Je maintiens mon amendement.

M. Vincent Thiébaut. Revenons au bon sens : entre le « Stop pub » que nous avons renforcé dans la loi AGEC et le « Oui pub », lequel marche le mieux ? L’article propose aux collectivités une expérimentation sur la base du volontariat – il ne s’agit donc pas d’une généralisation. Des amendements préciseront tout à l’heure le périmètre et les éventuelles dérogations. Pardon, monsieur Wulfranc, mais ce n’est pas n’importe quoi. Pour une fois, le Parlement va autoriser une évaluation de deux dispositifs différents, qui permettra de choisir le meilleur.

J’entends qu’il y a le problème des emplois, mais je suis choqué qu’on pense à maintenir des emplois qui contribuent à ce que des tonnes de papier finissent à la poubelle. Mieux vaudrait en trouver d’autres, plus pertinents et qui ont du sens. En matière de publicité, Facebook fonctionne très bien. Le groupe La République en marche fera preuve de bon sens et votera contre ces amendements de suppression.

M. Michel Vialay. Je suis très interrogatif à l’égard de l’article. À maintes reprises, on nous a invités à ne pas alourdir inutilement la loi. Or je ne suis pas certain que l’on ait besoin de la loi pour mener une telle expérimentation.

Le Gouvernement adressera au Parlement un rapport procédant à l’évaluation de cette expérimentation six mois avant son terme. Dès lors, à quoi bon la poursuivre pendant encore six mois ?

L’expérimentation sera conduite par les collectivités ayant défini un programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés : il serait plus simple que votre ministère les sollicite et propose à celles qui sont volontaires de les accompagner.

Au fait, combien l’article rapportera-t-il en termes de gaz à effet de serre économisés ? Je n’en sais rien : c’est donc de la com’ inutile et inquiétante.

Mme Delphine Batho. Dès qu’il est question de toucher à un cheveu de la société d’hyperconsommation, on a droit au chantage à l’emploi, même lorsqu’il s’agit de choses aussi inutiles que la distribution de publicités finissant immédiatement dans la poubelle. Comment les tenants de ces arguments entendent-ils diminuer de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ? S’ils s’opposent, au nom du conservatisme, à la suppression de pratiques inutiles à la société et au redéploiement des emplois qui y participent vers des activités économiques vertueuses et utiles, comment allons-nous lutter contre le changement climatique ? Comment ferons-nous lorsqu’il faudra s’attaquer à des choses beaucoup plus difficiles et passer de onze tonnes de CO2 par habitant et par an à deux tonnes ?

M. Mounir Mahjoubi. Comment pouvez-vous affirmer que mettre fin à la distribution de papier recyclé, par des personnes circulant le plus souvent à pied, qui a toute sa place dans nos villes, nous permettra de préserver l’environnement ? En réalité, de nombreuses personnes sont très heureuses de recevoir de tels imprimés, qui sont parfois les seuls messages qu’ils reçoivent de la part des commerces près de chez eux.

Député d’une circonscription pauvre à Paris, je constate que ceux qui distribuent dans les boîtes aux lettres sont plutôt, à part quelques arnaqueurs, des commerçants de proximité. Il faut respecter les gens, qui sont souvent beaucoup plus intelligents qu’on ne le croit. Quand on ne veut pas de pub, on colle « Stop pub ». Il nous faut faire des choses utiles et compréhensibles.

M. Erwan Balanant. Il est important de passer de « Stop pub » à « Oui pub ». La majorité de nos concitoyens n’apposent pas l’autocollant « Stop pub » car ils ne le connaissent pas. Ceux qui voudront recevoir de la publicité colleront « Oui pub ».

J’invite ceux de nos collègues élus locaux qui gèrent les syndicats de ramassage et de traitement des ordures à se rendre dans les centres de tri où se retrouvent des montagnes de journaux qui ne sont pas lus. Recycler quelque chose qui n’a servi à rien est un non-sens !

Lorsque l’on habite dans un hameau, on peut parfois faire dix kilomètres pour un seul produit.

M. Jean-Marie Sermier. Visiblement, M. Balanant ne connaît pas le système de tri répandu dans tous nos départements et qui permet de recycler 90 % du papier.

M. Erwan Balanant. Je le connais aussi bien que vous.

M. Jean-Marie Sermier. Vous êtes en train de casser la distribution de tout document papier, et notamment des journaux gratuits comme, dans le département du Jura, Pays Dolois ou Hebdo 39, dont la moitié de la mise en page propose un contenu rédactionnel. Et demain, vous vous attaquerez à la presse traditionnelle. Laisserez-vous à Facebook et autres GAFA la totalité de l’information ? Si l’on veut conserver des journaux gratuits dans nos circonscriptions, il faut maintenir le système de distribution, et il est à ce prix.

M. Guillaume Garot. Nous soutiendrons l’article : sans cette disposition, que restera-t-il dans la loi ?

Comment parviendrons-nous à tenir notre stratégie de diminution des gaz à effet de serre et à atteindre la neutralité carbone en 2050 ? La Convention citoyenne pour le climat a identifié cette mesure comme intéressante. Regardons-la avec raison : il s’agit d’une expérimentation ; elle n’enlève rien à personne mais offre la possibilité aux collectivités et aux individus d’agir ; elle n’est en rien antagoniste avec ce que nous avons voté dans la loi AGEC. Plusieurs d’entre vous ont reproché le manque de clarté. Une expérimentation sert précisément à y voir clair !

Cher collègue Millienne, votre argument selon lequel la distribution de tels imprimés permet à certains retraités de survivre n’est pas entendable. Un projet de loi sur les retraites est en cours – dont l’examen a été heureusement suspendu – et dont le seul enjeu devrait être de leur offrir des pensions décentes.

Sur cette question, il faut être à la fois déterminés et réalistes. Nous le sommes !

M. Loïc Prud’homme. Selon une étude de Monoprix, 90 % des publicités sont jetées sans même avoir été lues. Une autre étude montre que la mesure en question aurait un impact bien plus significatif que d’autres dans ce projet de loi. Quant au fait que le recyclage rendrait cette distribution vertueuse, c’est oublier qu’il consomme beaucoup d’énergie et de ressources, et notamment de l’eau.

S’agissant de l’emploi, notre collègue Millienne a indiqué que c’était une façon pour les retraités de survivre. C’est tout de même vous qui nous avez proposé un projet de loi sur les retraites visant à diminuer encore leurs ressources ! Remettons les choses à l’endroit avant de voir comment accompagner les emplois de la filière.

Enfin, vous qui nous rebattez les oreilles avec la liberté individuelle, avec « Oui pub », le consentement devient la norme ! Vous devriez vous en réjouir.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends les inquiétudes, mais on ne peut pas nier le sentiment qu’ont les Français d’un grand gaspillage. Ces centaines de millions de tonnes de papier distribuées, tant bien que mal récupérées et recyclées ne sont pas neutres du point de vue du carbone. Pour connaître l’impact social et les mesures d’accompagnement à mettre sur pied pour éviter celui-ci, il faut passer par l’expérimentation. Sans préjuger de ses résultats, faisons-en le pari.

Je suis curieux de voir le comportement qu’adopteront nos compatriotes vis-à-vis des dispositifs « Stop pub » et « Oui pub » et quels résultats ces derniers donneront. Il y a un paradoxe à dire que la publicité est très utile pour l’information et le pouvoir d’achat des Français et à partir du principe qu’ils ne colleront pas l’autocollant « Oui pub ». Si vraiment elle a une fonction informationnelle, ils le feront et nous serons capables de la mesurer.

Rien n’est brutal dans cette loi ; il y a toujours une phase de transition. Nous passons souvent par l’expérimentation en lien avec les collectivités, précisément pour coller aux réalités locales. Personne ne peut donc dire ici que l’impact sera brutal.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les paroles du rapporteur général sont très sages : tout l’intérêt d’expérimenter est de mieux comprendre et de mieux évaluer, pour ensuite prendre des décisions avisées.

Toutefois, une inquiétude s’est exprimée, qui me paraît assez juste mais qui ne trouve pas de réponse dans les amendements : si toutes les collectivités de France – raisonnons par l’absurde – décidaient de lancer l’expérimentation, on se trouverait de facto dans l’application totale de « Oui pub » sans avoir pu en évaluer les conséquences préalablement. Pour nous prémunir contre ce risque, je prends l’engagement que le décret limitera cette expérimentation à 10 % au plus de la population.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il était en effet important, madame la ministre, que vous preniez un tel engagement. Personne, ni au Gouvernement, ni au Parlement, ni dans la majorité ne peut légiférer sans penser aux conséquences des lois sur la vie économique et sur l’emploi.

La nouvelle rédaction qui sera proposée donnera aux maires une possibilité d’exemption et permettra d’évaluer le dispositif, notamment son impact sur les secteurs concernés, sans oublier le rapport d’évaluation de « Stop pub ». Encore une fois, nous tentons de concilier les enjeux environnementaux et d’emploi.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS2746 de M. Matthieu Orphelin, CS4617 de M. Jean-Charles ColasRoy, CS546 de Mme Delphine Batho, CS2652 de Mme Laurence Vichnievsky, CS4538 de M. Loïc Prud’homme, CS4691 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt et CS1438 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme Delphine Batho. UFC-Que Choisir a calculé que, même avec 65 % de papier recyclé, ce mode de publicité représente encore 285 000 tonnes de déchets de papier par an. C’est pourquoi l’amendement CS2746 tend à adopter le « Oui pub », sans passer par l’expérimentation.

L’amendement CS546 a également pour objet l’application de la proposition C2.2 de la Convention citoyenne pour le climat. Je rappelle qu’on parle de 735 000 tonnes de CO2.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Une très grande partie de la publicité que nous recevons dans nos boîtes aux lettres passe directement à la poubelle sans être lue, après avoir consommé des ressources naturelles et de l’énergie. Les filières de recyclage doivent encore monter en puissance et être mieux soutenues.

La proposition de généralisation du « Oui pub » a recueilli un large consensus au sein de la Convention citoyenne pour le climat. Je propose, par mon amendement, d’aller plus loin que l’expérimentation prévue à l’article 9 en généralisant l’interdiction, à défaut d’autorisation préalable, de la distribution directe dans les boîtes aux lettres d’imprimés papiers non adressés, mais aussi en interdisant la distribution anachronique des publicités sur les pare-brise des voitures.

Arrêtons ces gaspillages massifs, généralisons un dispositif de bon sens et accompagnons nos entreprises. La transition énergétique créera plusieurs centaines de milliers d’emplois dans les dix ans qui viennent, d’après un rapport de l’Agence de la transition écologique (ADEME).

M. Erwan Balanant. L’amendement CS2652 est cohérent avec ce que nous venons de voter. Il a pour objet de sanctionner d’une amende de 30 000 ou de 75 000 euros, selon qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale, la distribution d’imprimés non adressés à domicile lorsque celle-ci n’est pas expressément autorisée. Il faut respecter la volonté des gens qui ne souhaitent pas recevoir de publicité.

M. Loïc Prud’homme. Réduire de 50 % la distribution de prospectus publicitaires serait deux fois plus efficace, en termes d’émissions de CO2, que de faire passer le taux de recyclage des bouteilles en plastique de 60 % à 100 %.

Je m’aperçois, au fil de la discussion, que mon amendement est perfectible, car la communication des collectivités locales et des élus fait aussi partie de la publicité non adressée. Je préciserai la rédaction en vue de la séance afin de cibler davantage les volumes à fort impact environnemental sans entraver la communication utile au citoyen. Je retire l’amendement.

L’amendement CS4538 est retiré.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Mon amendement CS4691 vise à ce qu’un bilan mesurant l’efficacité dissuasive de l’infraction prévue au regard de l’objectif de réduction des distributions des imprimés concernés soit dressé dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi. Il faut arrêter de légiférer à court terme. Donnons plus de temps à la loi.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable sur les amendements qui ont pour objet de supprimer l’expérimentation. Le débat précédent a montré la légitimité de l’expérimentation pour lever les inquiétudes. Faire entrer directement en application le dispositif « Oui pub » alors que nous venons de renforcer les sanctions liées au non-respect de « Stop pub » me paraît contraire aux engagements que nous avons pris et à l’esprit de l’article 9.

S’agissant des demandes de rapport, l’article 9 prévoit la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation de l’expérimentation du dispositif « Oui pub ». Comme je l’ai dit, il faudra renforcer les modalités de l’évaluation. Par ailleurs, je vous soumettrai un amendement prévoyant un rapport d’évaluation de « Stop pub ». Je suis donc défavorable aux amendements CS4691 et CS1438, qui seront également satisfaits par un amendement de M. Sermier visant à renforcer les critères de l’évaluation.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable sur les amendements visant à supprimer l’expérimentation, qui contreviennent à l’esprit de l’article 9. Les amendements de M. Orphelin, M. Colas-Roy et Mme Batho sont partiellement satisfaits, puisque le dépôt d’imprimés publicitaires sur les véhicules est interdit depuis le 1er janvier 2021. J’invite donc leurs auteurs à les retirer. Le dispositif proposé prévoyant déjà un rapport d’évaluation, j’émets un avis défavorable aux amendements qui en font la demande.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5030 de la rapporteure.

Amendement CS1247 de Mme Frédérique Meunier, amendements identiques CS4619 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS4895 de M. Buon Tan, et amendement CS3069 de M. Fabien Lainé (discussion commune).

M. Jean-Yves Bony. L’amendement CS1247 tend à réduire l’expérimentation à un an au lieu des trois ans prévus.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Les amendements identiques visent à ramener la durée de l’expérimentation de trois à deux ans. Madame la ministre, vous nous avez dit qu’il serait prévu, par voie de décret, que l’expérimentation concernerait au plus 10 % de la population. Ce pourcentage est assez faible et réduira beaucoup la portée de l’article.

Mme Frédérique Tuffnell. Nous proposons, au contraire, de porter la durée de l’expérimentation de trois ans à cinq, en vue de sa généralisation si elle se révèle concluante.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La durée de trois ans me paraît un bon compromis. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Trois ans sont un délai raisonnable pour que les citoyens et les professionnels aient le temps de s’habituer au nouveau dispositif et pour que les résultats soient représentatifs. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1569 de M. Pierre Vatin.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Interdire les imprimés en plastique est tout à fait pertinent. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est une bonne proposition, à laquelle je suis également favorable.

La commission adopte l’amendement.

M. Loïc Prud’homme. Les publicitaires sont créatifs et vont sans doute inventer d’autres supports – pourquoi pas du textile ? Peut-être faudra-t-il trouver une rédaction plus générale.

Amendement CS3437 de M. Christophe Blanchet.

Mme Florence Lasserre. L’expérimentation concernant « Oui pub » ne saurait s’opposer à la liberté de distribuer des imprimés politiques aux Français, ce qui est indispensable pour que nos concitoyens puissent exercer de manière éclairée leurs droits et devoirs civiques.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’expérimentation ne vise que les imprimés à visée commerciale et ne concerne donc pas les prospectus des collectivités territoriales, des associations et les imprimés politiques. Cette précision n’est pas utile.

Mme Barbara Pompili, ministre. Votre amendement est satisfait : ni les imprimés politiques ni les informations en provenance des collectivités ne sont concernés par l’expérimentation. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS2489 de M. Pierre Venteau et CS4012 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

M. Pierre Venteau. L’article 9 limite l’évaluation de la mesure à ses effets sur la production et le traitement des déchets papiers. Ce critère ne nous paraît pas adapté pour apprécier les répercussions de la disposition sur le changement climatique, qui est pourtant l’objet du projet de loi. L’amendement vise à ce que l’expérimentation évalue l’impact environnemental. Je précise qu’il a été élaboré avec l’Union française de l’industrie des cartons, papiers et celluloses (COPACEL).

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’évaluation de l’impact de la mesure sur les déchets papiers ne permet pas de connaître son effet environnemental global. Nous proposons de privilégier une démarche objective, scientifique et impartiale qui s’inscrive dans une logique comparative. Il faut évaluer globalement l’empreinte environnementale des supports publicitaires, en tenant compte des émissions liées à la production du produit, à son cycle de vie et aux transports. Inscrire le champ de l’évaluation de l’expérimentation « Oui pub » dans une logique plus vaste, c’est aussi tenir compte de l’application des mesures prévues par la loi AGEC dans les mois à venir.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il est essentiel d’évaluer l’effet de « Oui pub » et de « Stop pub » sur la production et le traitement des déchets papiers, puisqu’ils sont précisément visés. Peut-être conviendrait-il, en vue de la séance, d’élaborer un amendement visant à compléter cette évaluation en y ajoutant l’impact environnemental ? On ne saurait, en tout cas, substituer un sujet à l’autre. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis d’accord avec vous sur le fait que le dispositif doit avoir des effets environnementaux plus larges que la simple réduction de la quantité de déchets papiers produits, mais il ne faut pas remplacer une notion par une autre. Mon avis est défavorable mais on peut réfléchir à ce qui pourrait être ajouté en séance.

Les amendements sont retirés.

Amendements CS384 de Mme Valérie Beauvais et CS4996 de M. Jean-Marie Sermier (discussion commune).

Mme Valérie Beauvais. Le jeu de yo-yo entre « Stop pub » et « Oui pub » est négatif pour notre économie. On décide d’arrêter l’expérimentation qui est menée sur « Stop pub » depuis janvier 2021, dans le cadre de la loi contre le gaspillage, pour conduire une nouvelle expérimentation, pendant un ou trois ans – on ne sait pas très bien. Par cet amendement de repli, je vous propose de conserver le dispositif expérimental prévu, tout en précisant trois points.

Premièrement, outre les conséquences sur l’emploi et les comportements des consommateurs, on devrait évaluer les effets économiques de la mesure, notamment sur les secteurs d’activité les plus concernés : l’industrie papetière, les imprimeries, les distributeurs d’imprimés, le commerce en général.

Deuxièmement, le rapport au Parlement devrait inclure expressément une évaluation des effets socio-économiques et environnementaux, ainsi que des recommandations sur les suites à donner, les moyens de prévenir les dommages identifiés et les alternatives au « Oui pub » pour limiter les imprimés publicitaires, tel que le développement du « Stop pub ».

Troisièmement, il convient que le décret d’application encadre les conditions de l’expérimentation en ce qui concerne les collectivités susceptibles d’y participer, la concertation et le rapport d’évaluation.

M. Jean-Marie Sermier. J’ajoute qu’il faudrait évaluer les effets de la mesure sur la presse et les journalistes. Si l’on ne pouvait plus distribuer de journaux gratuits, cela remettrait en cause un modèle économique et le travail des journalistes.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Comme je l’avais annoncé, je suis favorable à l’amendement de M. Sermier, qui vise à intégrer les secteurs d’activité concernés dans l’évaluation. Je demande à Mme Beauvais de retirer son amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement de Jean-Marie Sermier est tout à fait pertinent. J’y suis favorable, et je demande à Mme Beauvais de retirer son amendement.

L’amendement CS384 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS4996.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5031 de la rapporteure.

Amendement CS2290 de Mme Géraldine Bannier.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Il est nécessaire d’évaluer l’effet environnemental du basculement de la publicité vers le numérique que ne manquera pas d’entraîner la diminution du volume de publicité papier distribué dans les boîtes aux lettres. Selon l’étude du cabinet Quantis, le papier a des scores plus favorables que le numérique selon treize indicateurs environnementaux sur seize.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même avis que celui que j’ai donné sur votre amendement CS4012. Je vous demande de retirer votre amendement pour qu’on puisse compléter le champ de l’évaluation en vue de la séance.

Mme Barbara Pompili, ministre. Un des objets de l’expérimentation est d’étudier les solutions alternatives. Cela fait partie intégrante du rapport prévu par l’article 9. La précision que vous apportez me paraît donc inutile. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4675 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Compte tenu du contexte de crise, il est indispensable de mener l’expérimentation en concertation avec les acteurs économiques concernés dans l’ensemble des secteurs. C’est d’autant plus nécessaire que l’étude d’impact n’aborde pas les conséquences du « Oui pub » sur les acteurs de l’imprimerie. Cette concertation permettrait également de suivre les recommandations émises par nos collègues Isabelle Valentin et Camille Galliard-Minier dans leur rapport d’information sur la filière du recyclage du papier en France. Ce secteur peut jouer un rôle central dans la relance et la relocalisation des entreprises. Pour mémoire, notre balance commerciale est, en ce domaine, déficitaire de 645 000 tonnes. Cela pourrait aussi donner un nouveau souffle à la filière de l’économie circulaire dans notre pays.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. C’est tout l’enjeu de l’expérimentation que d’être menée en concertation avec les secteurs concernés. Votre amendement est satisfait par le principe même de l’expérimentation. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1808 de M. Guillaume Garot.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de s’assurer que l’expérimentation « Oui pub » sera ouverte à tous les territoires volontaires. Fixer la liste des participants par décret risque d’exclure des territoires qui ne seraient pas prêts lors du lancement de l’expérimentation. D’où cette précision que toutes les collectivités et tous les groupements volontaires, compétents en matière de gestion des déchets sont automatiquement, sont habilités à participer à l’expérimentation.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les collectivités volontaires qui participeront à l’expérimentation ne pourront pas représenter plus de 10 % de la population. Leur nombre sera donc nécessairement limité. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je me suis en effet engagée à ce que l’expérimentation ne concerne pas plus de 10 % de la population, ce qui entre en contradiction avec l’amendement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4013 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

Amendements CS5055 de M. Jean-Marie Sermier et CS1361 de Mme Valérie Beauvais (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de préciser l’objet du décret d’application, en prévoyant notamment qu’il détermine le nombre, la typologie et la répartition géographique des collectivités concernées par l’expérimentation. Dans les zones rurales, comme dans certaines banlieues, les gens peuvent être attachés à la publicité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Laissons au Gouvernement la faculté de définir le nombre, la typologie et la répartition géographique des collectivités. Les garanties données par Mme la ministre sont de nature à rassurer quant au volume de l’expérimentation. Le décret répondra sans nul doute à l’enjeu de la représentativité des territoires.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous confirme que le décret apportera des précisions sur la méthode de sélection des collectivités participantes, les modalités de mise en œuvre et les attentes concernant le rapport d’évaluation. Les précisions que vous demandez figureront dans le décret. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Je retire mon amendement. Il serait intéressant d’avoir les résultats de l’expérimentation en fonction des collectivités.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS4014 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Compte tenu de l’engagement de la ministre, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS5126 de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit de l’amendement que j’avais annoncé, qui répond à plusieurs interrogations que vous avez soulevées : « Les collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales mettant en place l’expérimentation prévue au premier alinéa peuvent définir des secteurs exclus du champ de cette expérimentation, en particulier le secteur culturel et la presse. » Il me paraît important de laisser cette liberté aux maires.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3078 rectifié de M. Fabien Lainé.

Mme Florence Lasserre. Parallèlement à l’expérimentation sur le « Oui pub », nous vous proposons d’expérimenter un renforcement du « Stop pub » en instituant une obligation d’information de l’ensemble des administrés des collectivités ou des groupements de collectivités concernés pendant trois ans. Cela permettrait de comparer réellement les deux dispositifs.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je crains que le fait de mener deux expérimentations en parallèle ne crée un risque de confusion. Cela ne me paraît pas le moyen le plus efficace de juger de ce qui fonctionnera. Rien n’empêche de continuer à utiliser le « Stop pub » pendant la mise en œuvre de l’expérimentation du « Oui pub ». Défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le dispositif « Stop pub » est déjà mis en œuvre à l’échelle nationale, tandis que « Oui pub » sera expérimenté sur une partie du territoire. Ces deux démarches ne doivent pas être opposées mais méritent d’être étudiées et comparées. Un amendement de la rapporteure prévoit la remise au Parlement d’un rapport évaluant l’application de la sanction prévue par la loi anti-gaspillage et ses effets sur la distribution d’imprimés publicitaires non adressés. Ce rapport pourrait, le cas échéant, étudier la possibilité d’instituer une obligation d’information sur « Stop pub ». Je vous demande de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS5032 et CS5033 de la rapporteure.

Amendement CS5054 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de mettre en perspective les effets socio‑économiques et environnementaux de la mesure au regard de ses bénéfices attendus. Il précise que des solutions alternatives pourront être proposées. Il nous intéresse de savoir comment le dispositif fonctionnera, dans la mesure où le régime général du « Stop pub » coexistera avec un certain nombre d’expérimentations du « Oui pub ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Votre amendement CS4996, que nous avons adopté, prévoyant l’évaluation des effets de la mesure sur les secteurs d’activité concernés me semble satisfaire celui-ci. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS285 de M. Michel Vialay, CS3304 de M. Fabien Lainé et amendements identiques CS2749 de M. Matthieu Orphelin et CS4618 de M. Jean-Charles Colas-Roy (discussion commune).

M. Michel Vialay. L’amendement vise à ce que le rapport fasse des propositions pour pérenniser le dispositif si l’expérimentation était concluante.

Mme Delphine Batho. Le Gouvernement a fait le choix d’une expérimentation. À tout le moins, sa généralisation peut-elle être envisagée ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Le principe même de l’expérimentation est d’apprécier la possibilité de généralisation du dispositif testé si son efficacité est avérée. Je ne doute pas que ce serait le cas si l’évaluation était concluante. Vos amendements me semblent satisfaits. Défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le principe de l’expérimentation est en effet de vérifier si la mesure est utile et s’il vaut la peine de la généraliser. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS4303 de la rapporteure et CS4738 de Mme Marguerite DeprezAudebert (discussion commune).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit de prévoir la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement, au plus tard le 1er juin 2022, évaluant le renforcement de la sanction du non-respect du dispositif « Stop pub » introduit par la loi AGEC. Cela permettrait de répondre aux remarques de nos collègues sur la pertinence et l’évaluation de « Stop pub ».

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Le dispositif « Oui pub » soulève de sérieuses interrogations sur le plan non seulement environnemental, mais aussi économique et juridique. Qui supportera la hausse du coût de l’impression et de la distribution que subiront les éditeurs de presse locale et les collectivités ? Qui sera responsable, si l’on retrouve des prospectus publicitaires dans la rue ? Je rappelle qu’il s’agit d’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP). Par application du principe pollueur-payeur, ce sont les émetteurs, donc les annonceurs, qui sont responsables. Toutefois, le fait que les consommateurs soient demandeurs laisse la question ouverte.

Avant de s’aventurer dans le « Oui pub », il serait plus raisonnable d’évaluer l’efficacité du renforcement du « Stop pub ». Gardons à l’esprit que ce dernier jouit d’une grande popularité : 73 % des Français y sont favorables, tandis qu’un quart d’entre eux penche pour le « Oui pub ». De même, 80 % des utilisateurs du « Stop pub » se déclarent globalement satisfaits de ses effets. Ce chiffre devrait encore s’accroître du fait de l’introduction d’une amende en cas de non-respect du dispositif. Il est donc plus qu’incertain que le « Oui pub » réponde réellement à la demande de la population.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Mon amendement permettra de répondre aux nouvelles interrogations que vous soulevez. Je vous demande de retirer le vôtre.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le rapport proposé par l’amendement de Mme la rapporteure sera complémentaire de celui prévu pour évaluer l’expérimentation « Oui pub ». Il permettra de faire un choix éclairé, notamment au regard d’autres solutions possibles. J’y suis favorable. Je demande à Mme Deprez-Audebert de se rallier à cette rédaction et de retirer son amendement.

L’amendement CS4738 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS4303.

Elle adopte l’article 9 ainsi modifié.

Article 10 (article L. 541-15-10 du code de l’environnement) : Interdiction de la distribution d’échantillons aux consommateurs sans demande expresse de leur part

Amendements identiques CS2276 de M. Vincent Descoeur et CS4358 de M. Guillaume Kasbarian, amendements CS3438 de M. Christophe Blanchet et CS4693 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt (discussion commune).

M. Vincent Descoeur. Mon amendement vise à limiter le champ de l’interdiction posée par l’article 10 à la fourniture gratuite à un consommateur, sans son accord, d’un échantillon de produit dans le but de lui vendre ce produit. Il est aussi proposé de faire figurer cette disposition dans la section relative aux « règles propres à certaines publicités et pratiques commerciales » du code de la consommation. Par ailleurs, il convient de renvoyer à un décret la définition de l’échantillon, afin d’assurer aux entreprises une sécurité juridique suffisante, qui ne semble pas assurée par la rédaction actuelle. La nécessité de recueillir la demande expresse du consommateur alourdirait considérablement les procédures. C’est pourquoi nous proposons de parler d’« accord » du consommateur, qui peut être exprimé tacitement ou expressément, selon les circonstances de la remise de l’échantillon.

M. Guillaume Kasbarian. Mon amendement a été travaillé avec la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA). Il vise à renforcer l’opérationnalité du dispositif en prévoyant qu’on ne peut fournir à un consommateur un échantillon de produit sans son accord. J’ajoute que le poids des emballages d’échantillons ne représente que 1 % du poids total des emballages du secteur des cosmétiques et de la beauté. Cette mesure ne saurait donc constituer la quintessence de la lutte contre le dérèglement climatique.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Le point de départ d’un contrat de vente entre un client et un consommateur est généralement une proposition du professionnel, qui est acceptée tacitement ou expressément par le client. Il arrive fréquemment que, dans les commerces, des démonstrateurs proposent des échantillons aux consommateurs pour leur faire découvrir de nouveaux produits ; le consommateur a toujours la possibilité de refuser ou de prendre l’échantillon. Or la rédaction actuelle du projet de loi, en plaçant le consommateur à l’origine de la relation contractuelle par cette demande expresse d’échantillon, réduira fortement l’efficacité de ces opérations de marketing, au point de remettre en cause leur existence. Cela constituerait une atteinte excessive à la liberté du commerce. Il est donc proposé une formulation reposant sur le consentement préalable à la remise d’un échantillon.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je suis d’accord avec certaines des positions exprimées ; je vais d’ailleurs moi-même présenter un amendement visant à apporter des modifications substantielles à l’article.

La preuve d’une demande « expresse » de la part du consommateur est ainsi difficile à recueillir sans mettre en place de lourdes procédures dans les magasins et pose des questions liées à la collecte de données personnelles. La définition de l’échantillon fait aussi problème ; je proposerai qu’un décret précise ce qu’est un échantillon de manière à circonscrire le champ d’application de l’article.

Cependant, j’émettrai un avis défavorable sur ces amendements, pour deux raisons principales. D’abord, vous proposez d’inscrire le dispositif dans le code de la consommation, alors que nous souhaitons qu’il figure dans le code de l’environnement : dans le cadre d’une loi portant lutte contre le dérèglement climatique, la portée symbolique et la signification de la mesure en seront accrues. Ensuite, certains échantillons devraient être exclus de l’interdiction ; il faudrait notamment prévoir une exemption pour le secteur de la presse. C’est ce que je proposerai dans mon amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il nous semble en effet préférable d’inscrire la disposition dans le code de l’environnement, eu égard à la finalité de la mesure et au droit européen, qui, en matière de consommation, est d’harmonisation maximale. En outre, les amendements ne prévoient aucune sanction des éventuels manquements, alors que l’adoption de l’amendement de la rapporteure permettrait l’application des sanctions prévues par le code de l’environnement. Enfin, je souhaite que l’on parle de « demande » plutôt que d’« accord » du consommateur. Pour toutes ces raisons, je demande le retrait des différents amendements en discussion commune au profit de l’amendement CS5210 rectifié de la rapporteure.

M. Guillaume Kasbarian. Je vous remercie pour ces explications. Je fais confiance à la rapporteure et retire mon amendement au profit du sien.

L’amendement CS4358 est retiré.

Les amendements restants sont successivement rejetés.

Amendement CS5210 rectifié de la rapporteure.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il s’agit de l’amendement que j’évoquais à l’instant. Je propose de supprimer l’adjectif « expresse » et de prévoir une exemption pour le secteur de la presse, en particulier magazine, la presse féminine, la presse jeunesse ou la presse spécialisée recourant souvent à l’envoi de livrets ou d’échantillons. On considérera, dans ce cas, que l’acte d’achat est en soi une demande de la part du consommateur ; il est d’ailleurs précisé dans l’amendement que la présence desdits échantillons devra être indiquée ou visible.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement présente l’intérêt de clarifier plusieurs points.

La suppression de l’adjectif « expresse » me semble légitime dans la mesure où il pourrait s’avérer difficile de caractériser ainsi la demande du consommateur sans imposer un formalisme extrêmement lourd. Ce que nous souhaitons à travers cet article, c’est éviter qu’une personne reçoive des échantillons dont elle n’aurait pas l’usage et qu’elle les jette, produisant ainsi des déchets. Il faut donc que le consommateur soit demandeur des échantillons. En revanche, il n’est pas question de mettre fin à la pratique de la remise d’échantillons, qui est importante pour l’animation commerciale et permet aux petites entreprises de faire connaître leurs produits.

Je suis également favorable à la prise en considération de la spécificité du secteur de la presse en présumant la demande du consommateur d’une remise d’échantillon lors de l’acte d’achat d’une publication de presse et en ne considérant pas comme un échantillon une publication de presse ou son fac-similé.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS1439, CS4684, CS320, CS402, CS4015, CS4016, CS4703 rectifié, CS780 et CS795 tombent.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS3089 de M. Fabien Lainé.

Amendement CS2423 de Mme Nathalie Sarles.

M. Yannick Kerlogot. Cet amendement soulève la question des « goodies ». Les objets publicitaires envoyés par voie postale, à titre gratuit, sans demande du destinataire ou en dehors d’une relation contractuelle existante, finissent souvent à la poubelle. Il convient de limiter la production de ces déchets issus d’opérations de marketing postal visant à provoquer l’adhésion du destinataire à une cause ou une association.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement me semble satisfait, puisque l’article 9 traite des imprimés publicitaires non adressés, donc non souhaités, et l’article 10 de la distribution d’échantillons de produits sans demande de la part du consommateur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La remise dans les boîtes aux lettres de goodies non adressés est d’ores et déjà interdite. En outre, nous avons, avec la loi AGEC, interdit les goodies en plastique. Vous souhaitez aller plus loin en interdisant une pratique plus marginale, donc moins génératrice de déchets, et qui est utilisée majoritairement par des associations reconnues d’utilité publique lors de campagnes d’appel aux dons. Il me semble que cela mériterait à tout le moins une étude d’impact. Demande de retrait.

M. Yannick Kerlogot. Je vais retirer l’amendement, mais je ne suis pas certain que les calepins ou les cartes du monde que l’on reçoit moyennant adhésion soient utilisés ; on a plutôt tendance à les jeter, quand bien même ils émaneraient d’associations caritatives. La question mériterait une réflexion approfondie.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 10 ainsi modifié.

Après l’article 10

Amendement CS3725 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. La loi AGEC interdit la distribution d’objets promotionnels à usage unique, mais il conviendrait d’aller plus loin afin que lesdits objets soient fabriqués de manière écologique et biodégradables. Toutefois, la rédaction de l’amendement étant défectueuse, je le retire.

L’amendement est retiré.

Chapitre III
Accélérer le développement de la vente en vrac et de la consigne du verre

Article 11 : Surface consacrée à la vente en vrac dans les commerces

Amendements de suppression CS419 de Mme Valérie Beauvais, CS1272 de Mme Frédérique Meunier et CS3211 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.

Mme Valérie Beauvais. L’article 11 du projet de loi souhaite imposer un seuil de 20 % de la surface de vente consacrée à la vente en vrac pour les commerces dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés, et ce alors même que les dispositions de l’article 41 de la loi AGEC prévoient déjà le développement de ce type de vente. Si la vente en vrac est louable, en particulier pour certains produits, une telle disposition nous semble inopérante pour plusieurs raisons.

Appartient-il à l’État de fixer un tel seuil ? Cela reviendrait à imposer un mode de commercialisation de leurs produits à des enseignes commerciales privées. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une mesure d’économie administrée.

Le texte évoque le commerce de détail. La disposition s’appliquerait donc aux magasins de bricolage, de sport ainsi qu’aux parfumeries. Concrètement, comment feront-ils ?

De quelle surface parle-t-on ? La surface de vente inclut-elle les réserves et les caisses ?

Aucune étude d’impact, notamment économique, n’a été réalisée. Pourtant, cette mesure ne sera pas sans incidences sur les équipements que devront acquérir les enseignes commerciales : rayonnages, packaging, balances… Pour quels coûts ? Au prix de quels investissements ? Elle soulève, en outre, des questions d’ordre sanitaire et de traçabilité.

Enfin, plus de vrac implique moins de références et de marques, peut-être au détriment des PME. Il sera moins aisé de procéder à des achats de découverte. Les produits innovants risquent d’être lésés. En outre, si le vrac engendre moins de gaspillage, donc des économies, il revient parfois plus cher au litre ou au kilo ; selon IRI, 30 % des consommateurs pensent que le vrac est plus onéreux.

M. Jean-Yves Bony. L’article 11 oblige les commerces dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés à consacrer 20 % de leur surface à la vente en vrac d’ici au 1er janvier 2030. Aussi louable soit-elle, cette disposition est parfaitement inapplicable. Une grande surface de 10 000 mètres carrés devrait ainsi consacrer 2 000 mètres carrés à la vente en vrac : c’est irréaliste ! Si la vente en vrac contribue à la diminution des déchets en plastique, il ne faut pas prendre de mesure confiscatoire et réfléchir aux tenants mais aussi aux aboutissants d’une telle décision.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Si nous ne sommes pas opposés, par principe, à la vente en vrac, nous sommes contre cet article. Comme l’a dit ma collègue Beauvais, la loi AGEC prévoit déjà le développement du vrac. De surcroît, le Conseil d’État estime que l’article est contraire à l’article 34 de la Constitution, qui indique que « des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État » : en effet, l’objectif énoncé par le projet du Gouvernement ne concerne pas l’action de l’État mais il est assigné aux acteurs privés du secteur de la grande distribution. Enfin, comme on l’a vu au moment où il a fallu fermer certains magasins du fait de la crise sanitaire, la notion de « surface de vente » est extrêmement floue.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je suis défavorable à la suppression de cet article. Les Français disent qu’ils ont envie d’acheter en vrac, mais qu’ils ne le font pas faute de solutions de proximité. Si l’on ne fixe aucun objectif, ce type de vente restera marginal. Nous avons auditionné les acteurs concernés et les filières nous ont assuré qu’elles étaient prêtes à le déployer. De surcroît, l’horizon de 2030 semble plutôt réaliste.

J’ai déposé un amendement visant à la fois à rendre l’article normatif et à retenir d’autres critères que la surface de vente. Cela me semble un bon équilibre.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je profite de ces amendements de suppression pour donner un avis global sur les diverses modifications proposées à l’article 11.

L’article prévoit que « l’action des pouvoirs publics tend à ce que, d’ici le 1er janvier 2030, 20 % de la surface de vente soit consacrée à la vente en vrac dans les commerces de vente dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés. » Il s’agit donc d’un objectif général visant à orienter l’action de l’État. Des critiques ont été formulées, selon lesquelles cet objectif serait trop ambitieux et ne tiendrait pas compte des particularités de chaque type de produits. À cet égard, l’amendement CS5122, deuxième rectification, de la rapporteure me semble intéressant : il tend à mieux cibler les produits pour lesquels il existe un enjeu ou un potentiel de développement de la vente sans emballage, à limiter le champ du dispositif aux « produits de grande consommation », dont la liste est définie par décret sur la base de l’article L. 441-4 du code de commerce – les produits alimentaires et d’entretien seront donc concernés, mais pas les articles de bricolage, les meubles, les livres ou les vêtements –, à étendre la catégorie cible de manière à inclure les produits vendus à la découpe, qui ne sont pas compris dans la définition législative du vrac, à apporter de la souplesse à la définition de l’objectif, qui pourrait être 20 % de la surface de vente ou une part des produits référencés ou encore un pourcentage du chiffre d’affaires, à prévoir une adaptation par voie réglementaire pour tenir compte de la particularité de certaines filières et de certains produits, enfin à rendre le dispositif plus clair en l’inscrivant dans une logique normative qui s’appliquera commerce par commerce.

L’enjeu est de taille : la fin du suremballage et du tout plastique. Nous consommons 1,2 million de tonnes d’emballages ménagers en plastique par an ; le vrac ne représente que 0,8 % du marché des produits de grande consommation hors produits frais, et quelques pour cent si l’on inclut ces derniers. L’objectif est certes ambitieux, mais la vente en vrac bénéficie d’une demande grandissante de la part des consommateurs : son chiffre d’affaires a crû de 41 % en 2019. Nous souhaitons accompagner ce mouvement et développer les filières au potentiel important : par exemple, celle des fruits et légumes. Pour d’autres, en revanche, la vente en vrac paraît difficile : ainsi, les spiritueux. Comme je viens de le dire, il pourra être tenu compte des spécificités de chacun.

Ce qui est inscrit dans le projet de loi est en deçà de ce qui avait été proposé par la Convention citoyenne pour le climat. Nous nous sommes appuyés sur les travaux du réseau vrac pour fixer un objectif ambitieux, quoiqu’atteignable. Cela permettrait de réduire de 220 000 tonnes par an nos emballages en plastique et d’éviter ainsi la production de 500 000 tonnes de CO2 par an.

La surface de vente n’est pas une notion imprécise, bien au contraire. Elle s’entend des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, à l’exposition des marchandises proposées à la vente – les rayons –, à leur paiement – les caisses – et la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. En sont exclus notamment les réserves, les sas d’entrée dès lors qu’ils ne contiennent pas de produits disponibles à la vente, les parkings, les locaux techniques, les espaces de vente de carburants. C’est la définition retenue pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), d’après une circulaire de 1997 et la définition de l’INSEE. J’espère que cela répond à vos inquiétudes.

Avis défavorable sur les amendements de suppression.

M. Loïc Prud’homme. Mes collègues de droite s’inquiètent pour les trusts de la grande distribution – on reconnaît bien là leur caractère charitable ! Notez, ils ont le mérite de la cohérence…

Eh bien, je vous rassure, chers collègues : cet article sera absolument inopérant, puisque, tel qu’il est rédigé, il prévoit que l’action des pouvoirs publics « tend » à ce que, d’ici au 1er janvier 2030, 20 % de la surface de vente soit consacrée à la vente en vrac. On risque d’ « a-tendre » pendant très longtemps, sans jamais arriver à rien… La seule chose qui est en vrac, c’est la politique environnementale du Gouvernement !

Mme Valérie Beauvais. Le texte vise les commerces dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés : de fait, il s’agit de grandes surfaces ! Nous n’agissons pas par idéologie, monsieur Prud’homme.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS5122 deuxième rectification de la rapporteure, CS3144 de M. Fabien Lainé, CS3465 de M. Hubert Julien-Lafferrière, CS1034 de M. Loïc Dombreval, CS3534 de M. Jimmy Pahun, CS3466 de M. Hubert Julien-Lafferrière, CS3359 de M. Cédric Villani, CS4541 de Mme Mathilde Panot, CS3175 de M. Fabien Lainé, CS2522 de Mme Véronique Riotton, amendements identiques CS1442 de M. Thibault Bazin et CS4694 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, amendements CS4592 de M. Fabien Lainé et CS4695 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt (discussion commune).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Monsieur Prud’homme, vous nous invitez à faire plus et mieux : cela tombe bien, c’est précisément l’objet de mon amendement ; je ne doute pas que vous voterez en sa faveur.

Son objectif est double. En premier lieu, il s’agit de rendre normatif le dispositif de l’article 11, qui, en l’état, se contente de fixer un cap et une trajectoire. Au 1er janvier 2030, les commerces de vente au détail dont la surface est supérieure ou égale à 400 mètres carrés devront consacrer au moins 20 % de leur surface à la vente en vrac. Il importe, en effet, que les Français puissent avoir accès au vrac, s’ils le souhaitent. En second lieu, je propose que l’on puisse retenir d’autres critères que la surface de vente : un nombre de références ou une proportion du chiffre d’affaires.

On crée donc une obligation à agir, tout en laissant une certaine souplesse aux acteurs. L’enjeu est de lutter contre le gaspillage en encourageant la vente de produits présentés sans emballage primaire, ce qui inclut, bien évidemment, la vente en vrac. Cela devrait rendre l’article plus opérant.

Je précise que, vu qu’il est en discussion commune avec de nombreux amendements, l’adoption de cet amendement ferait tomber les autres – mais permettrait aussi de répondre à nombre des préoccupations exprimées.

Mme Frédérique Tuffnell. Avec Mme la ministre, nous avons visité en Charente‑Maritime un espace de vente en vrac ; on voit bien les difficultés que cela pose d’avoir une superficie dédiée avec des contenants tout en assurant la circulation des personnes et un accès aisé aux produits.

L’amendement CS3144 prévoit une augmentation progressive de la surface consacrée à la vente en vrac, avec un objectif de 15 % en 2023, 20 % en 2025 et 30 % en 2030. Toutefois, la réponse apportée par la rapporteure me paraissant fine et intelligente, je m’y rallierai.

Mme Delphine Batho. Les amendements CS3465 et CS3466 sont défendus. Je tiens néanmoins à signaler, madame la présidente, qu’à cette heure, 43,51 % des amendements traités ont été déclarés irrecevables.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il s’agit des vôtres !

Mme Delphine Batho. Non, madame la présidente : 43,51 % de l’ensemble des amendements déposés par les collègues. Et ce qui est encore plus ennuyeux, c’est que des amendements similaires ont été déclarés, pour l’un, le CS1142, recevable, pour les autres, les CS632 et CS1139, irrecevables. On atteint là le summum du ridicule ! Il y a un problème dans la façon dont sont prononcées les irrecevabilités. Le bureau de la commission devrait se réunir : il s’agit d’une atteinte grave au droit d’amendement des parlementaires.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous allons examiner la question et je vous répondrai à l’issue de la réunion, madame Batho.

M. Loïc Prud’homme. Madame la rapporteure, la rédaction que vous proposez s’éloigne de la formulation selon laquelle l’action des pouvoirs publics tend à atteindre aux calendes grecques un objectif au conditionnel, mais votre proposition n’est pas ambitieuse. Vous prévoyez que 20 % de la surface soient consacrés à la vente en vrac alors que la CCC propose 25 %, et la mesure est reportée à 2030 alors qu’elle est assez facile à appliquer. Les grandes surfaces supérieures à 400 mètres carrés ont les moyens nécessaires, et l’échéance de 2023 semble réalisable. Elle est indispensable au regard de l’urgence à changer nos modes de consommation.

Je note les progrès par rapport à la rédaction initiale, mais l’échéance est trop lointaine.

Mme Véronique Riotton. La rédaction proposée par la rapporteure est de grande qualité. La notion de surface de vente suscitait beaucoup de questions, l’introduction d’un dispositif d’effet équivalent fondé sur les références ou le chiffre d’affaires est une ouverture très intéressante dans la perspective de 2030. Pourquoi avoir maintenu la première partie de la phrase ?

Mon amendement CS2339, qui a été travaillé avec le Réseau Vrac, va tomber. Des expérimentations sont menées par les acteurs de la filière pour faire lever des restrictions au niveau européen. Elles requièrent l’appui technique de nos ministères et nous attendons beaucoup de l’engagement du ministère de l’agriculture. Il serait important de travailler avant la séance publique pour accompagner ces expérimentations.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je soutiens mon amendement, et demande donc le retrait des autres. Il est important de donner une portée normative à cet article ; ne pas fixer d’objectif, c’est le meilleur moyen de ne pas aboutir, et certains prétendront que le vrac ne fonctionne pas. Mais les modalités pour atteindre ce but doivent rester souples.

Madame Riotton, je me souviens bien de l’audition du Réseau Vrac, nous avons travaillé avec eux à la rédaction de l’amendement que je vous soumets. Nous sommes conscients des difficultés techniques de déploiement, que l’action des pouvoirs publics pourrait lever. L’adoption de mon amendement fera tomber le vôtre, mais je propose de le soutenir en séance publique pour préciser l’engagement des pouvoirs publics afin de tenir l’objectif que nous fixons.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement de la rapporteure est effectivement très bien rédigé, et le Gouvernement y est favorable. Il apporte des précisions qui enrichissent cet article, et le dispositif proposé est plus clair et plus opérationnel.

Madame Riotton, j’ai pris note de votre demande et je vous apporterai une réponse dès que possible.

M. Guillaume Kasbarian. Je félicite également la rapporteure pour la qualité de son amendement. Il fera tomber l’un de mes amendements, qui porte sur les commerces non alimentaires de plus de 400 mètres carrés tels que les parfumeries, les magasins de bricolage ou les magasins spécialisés, où il est très compliqué de faire du vrac. Nous aurions intérêt à travailler ensemble à ce sujet avant la séance.

M. Vincent Descoeur. L’amendement de la rapporteure fera-t-il tomber tous les autres sur l’article 11 ?

Il répond aux questions sur la surface de vente avec la référence à un pourcentage du chiffre d’affaires, mais nous proposons d’autres amendements, notamment à propos des magasins qui ne sont pas exclusivement consacrés à la vente de produits alimentaires. On imagine mal la vente en vrac d’électroménager ou de matériel informatique. Quelle devra être la proportion de denrées alimentaires dans les magasins qui vendent aussi d’autres produits ?

M. Bruno Millienne. Les colonnes de distribution des aliments en vrac, notamment des aliments secs, sont fournies par les industriels qui produisent ces aliments. La grande distribution ne participe pas beaucoup à leur coût d’installation. Il faudra réfléchir aux moyens de la faire contribuer aux frais, pour qu’ils ne soient pas toujours supportés par les mêmes.

Mme Valérie Beauvais. J’appelle votre attention sur la particularité de la parfumerie. Il n’est pas évident d’acheter du parfum en vrac, en raison des émanations d’alcool. Imposer ce mode de commercialisation risque de bloquer les innovations et aura des conséquences sur les fournisseurs de flaconnages, et les emplois qu’ils offrent. Avec un flacon de parfum, on achète non seulement un contenu, mais aussi un contenant, pour sa créativité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Certaines très grandes marques de parfumerie proposent déjà la vente en vrac. Quoi qu’il en soit, mon amendement concerne les produits de grande consommation, le parfum n’en fait pas partie et sera exclu du champ d’application de cet article. Enfin, un décret précisera la liste des produits interdits à la vente en vrac pour des raisons de sécurité sanitaire ou de consommation responsable : on n’imagine pas que certains alcools soient proposés à la vente en vrac.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le décret est prêt, il a été notifié à la Commission européenne dont nous attendons le retour. Il devrait être publié avant l’été.

La commission adopte l’amendement CS5122 deuxième rectification et l’article 11 est ainsi rédigé.

En conséquence, tous les autres amendements qui s’y rapportent tombent.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame Batho, en réponse à votre interpellation, je vous informe qu’il y a eu un problème d’enregistrement du sort de l’amendement CS1142 dans l’application Eloi. L’erreur a été rectifiée, je vous remercie de l’avoir signalée. Les trois amendements que vous mentionnez – CS632, CS1139 et CS1142 – sont irrecevables.

8.   Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 21 heures

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Après l’article 11

Amendements identiques CS1443 de M. Thibault Bazin et CS3754 de Mme AnneFrance Brunet.

M. Thibault Bazin. L’article L. 120-1 du code de la consommation, créé par l’article 41 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC), définit la vente en vrac.

Sa rédaction laisse entendre que la vente en vrac en service assisté ne peut être réalisée que dans les points de vente ambulants, non dans les magasins sédentaires. Afin d’accroître la part de produits vendus en vrac dans les commerces de détail – comme le Gouvernement l’ambitionne –, il convient de préciser que la vente au vrac peut être proposée en libre-service ou en service assisté, « y compris dans les points de vente ambulants ».

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. L’article L. 120-1 du code de la consommation dispose que « La vente en vrac est proposée en libre-service ou en service assisté dans les points de vente ambulants. » La conjonction « ou » signifie que la vente en vrac ne se pratique pas seulement sur les marchés. Votre amendement est donc satisfait.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS3124 et CS3177 de M. Fabien Lainé (discussion commune).

Mme Florence Lasserre. Il est proposé d’instaurer un crédit d’impôt assis sur le montant des investissements nécessaires à la mise en place de vente en vrac pour les commerces alimentaires dont la surface de vente est inférieure à 400 mètres carrés. Un objectif ayant été fixé à l’article 11 pour les commerces dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés, il est opportun de prendre une mesure d’incitation pour les commerces plus petits.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Nous sommes convenus qu’un amendement en séance permettrait de préciser l’article 11, notamment sur les modalités de l’accompagnement de l’État. Cela étant, il ne paraît pas nécessaire de créer un crédit d’impôt pour inciter l’installation de magasins de vente en vrac de petite taille : d’après Réseau Vrac, les magasins, d’une surface moyenne de 50 mètres carrés, se multiplient et sont rentables.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Je partage votre volonté d’aider les commerces de vente au détail plus petits que les supermarchés. Cependant, votre amendement n’est pas recevable en l’état : la loi doit définir précisément l’assiette du crédit d’impôt et donc la nature des dépenses éligibles. Retrait.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS3324 de Mme Valérie Beauvais.

Mme Valérie Beauvais. En matière de prix, la vente en vrac n’est pas plus attractive que la vente au détail. Cet amendement vise à appliquer un taux de 5,5 % de TVA sur les produits vendus en vrac, autres que les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine et animale qui y sont déjà soumises. Encourager l’achat de produits en vrac permet de réduire le recours aux emballages uniques, notamment en plastique, et plus globalement, la production de déchets à la source. Cela répond à une logique d’imposition responsable qui viendrait récompenser les comportements vertueux.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cet amendement, dont je comprends l’objectif, n’est pas conforme au droit communautaire. Je vous demande de le retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le principe de neutralité de la TVA interdit d’appliquer des taux différents à un même produit selon le procédé de fabrication ou de distribution. Le droit de l’Union européenne détermine de manière très limitative les livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet de taux réduits de TVA. Cette liste n’inclut pas les produits commercialisés en vrac. Avis défavorable.

Mme Valérie Beauvais. Pourquoi ne pas être précurseurs et proposer à l’Europe un taux de TVA réduit pour les produits en vrac, dans la mesure où leur vente tend à se généraliser chez nos voisins ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Cela suppose des négociations ; en tout état de cause, une telle disposition ne peut être inscrite aujourd’hui dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2740 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, lors des débats sur l’article 11 – que l’adoption de votre amendement a abrégés –, vous avez évoqué un décret. Pourriez-vous nous en communiquer le projet avant la séance ? Ainsi, nous serions rassurés et nous ne déposerions pas d’amendements inutiles.

Je propose avec cet amendement que l’État mène d’ici le 1er janvier 2022, en concertation avec les parties prenantes, une réflexion sur la mise en place d’un cadre couvrant l’ensemble de la chaîne de vrac. Il s’agira de considérer la nécessité ou non d’établir une charte qualité, une norme AFNOR ou encore un label basé sur un référentiel afin de favoriser le développement qualitatif du vrac et de garantir le respect des normes sanitaires.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Quel que soit le mode de commercialisation des produits, les normes sanitaires s’appliquent. Il suffit d’ailleurs de se rendre dans un magasin commercialisant des produits en vrac pour avoir un aperçu de l’éventail normatif. Faut-il faciliter les choses ? C’est ce à quoi Réseau Vrac nous a invités. Nous nous sommes engagés à travailler avec Mme Riotton sur l’accompagnement technique de l’État. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le décret, qui a été soumis à la concertation avant d’être notifié à la Commission européenne, vous sera transmis.

M. Thibault Bazin. Merci, madame la ministre. Madame la rapporteure, la question du respect des normes sanitaires se pose moins pour les magasins que pour les contenants. Si l’on veut développer la vente en vrac, il faut imaginer des contenants appropriés et des modes opératoires spécifiques afin de réunir toutes les conditions sanitaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3010 de Mme Fiona Lazaar.

Mme Delphine Batho. Mme Lazaar propose que le Gouvernement présente un rapport évaluant l’opportunité d’une extension des objectifs de vente en vrac aux petites surfaces de moins de 400 mètres carrés.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable. Nous disposons déjà d’un réseau consistant de petites surfaces. Pour l’heure, nous nous concentrerons sur l’application de l’article 11.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. Avant de réfléchir à une extension de l’article 11, il faudra suivre la trajectoire et travailler avec les filières pour atteindre l’objectif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3468 de M. Hubert Julien-Laferrière.

Mme Delphine Batho. Mme la rapporteure peut-elle confirmer que l’amendement est satisfait par les dispositions qui viennent d’être adoptées ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il est pleinement satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3793 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Il convient de prévoir une clause de rendez-vous en 2023. Sur la base de l’évaluation qui sera faite de cette mesure, le Gouvernement pourra proposer de réexaminer l’article 11.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Une loi peut en défaire une autre, il n’est pas nécessaire de l’écrire ici. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous n’attendrons pas 2030 pour vérifier que l’objectif est bien atteint ! Je m’engage à ce que les administrations mettent en place un dispositif de suivi. Dans tous les cas, le Gouvernement n’a pas besoin de base légale pour réviser une mesure et le Parlement peut, de son côté, contrôler l’application de la loi. Retrait.

L’amendement est retiré.

Article 12 (article L. 541-10-11 du code de l’environnement) : Généralisation de la consigne des emballages en verre

Amendements de suppression CS80 de Mme Émilie Bonnivard, CS385 de Mme Valérie Beauvais, CS836 de M. Julien Dive, CS1222 de M. Jacques Cattin, CS1292 de Mme Nathalie Bassire, CS1355 de Mme Emmanuelle Anthoine, CS1377 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CS1401 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, CS1711 de M. Thibault Bazin, CS2621 de M. Charles de Courson, CS2789 de M. Dino Cinieri, CS3150 de Mme AnneLaure Blin, CS3444 de M. Christophe Blanchet, CS3903 de M. Philippe Meyer, CS4698 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.

M. Jean-Marie Sermier. La France est l’un des pays qui recycle le mieux le verre, avec un taux de 90 %, quel que soit le verre, y compris celui des bouteilles d’alcool. L’article 12 traite de la consigne pour réemploi, qui consiste à réutiliser une bouteille pour le même produit qu’elle contenait auparavant.

Les bouteilles, à l’image de celles des vins d’Alsace, peuvent avoir une forme différente, ce qui leur confère une dimension historique et commerciale. La consigne suppose qu’elles reviennent à leur lieu d’origine, ce qui entraîne des coûts supplémentaires et alourdit le bilan carbone.

M. Sermier désigne une bouteille vide. Voyez cette bouteille très particulière : il s’agit d’un clavelin de 62 centilitres, réservé au vin jaune, emblématique du vignoble du Jura. Si cette bouteille est vendue en Bretagne, il faudra la faire revenir plutôt que de la fondre pour la recycler sur place. Cela coûtera une fortune – alors que ce n’est que de l’air qui sera transporté – et émettra du CO2. En outre, la nettoyer nécessitera beaucoup d’eau. Nous demandons que la consigne ne soit pas généralisée, mais qu’elle puisse se pratiquer là où c’est possible.

Mme Valérie Beauvais. J’ajoute que les bouteilles de vin de champagne ne peuvent pas être réutilisées. Alors que la collecte du verre est l’une des plus intégrées et des mieux acceptées en France, la généralisation de la consigne des emballages en verre est une fausse bonne idée. L’imposer, qui plus est sans étude d’impact, n’est pas opportun. Rappelons que 8 litres d’eau sont nécessaires pour laver une bouteille en verre d’1 litre de contenance et que le transport de ces bouteilles aura un bilan carbone élevé.

M. Vincent Descoeur. Cet article pourrait contribuer à fragiliser le secteur du recyclage du verre. En outre, cette obligation devrait faire l’objet d’un engagement financier de l’État.

M. Thibault Bazin. La production de vins, bières et spiritueux est fortement localisée dans notre pays. Les zones de production viticole des différentes AOP ou IGP étant réduites à quelques départements, la consigne obligerait à transporter les bouteilles sur de longues distances, avec les conséquences environnementales que l’on sait.

M. Raphaël Schellenberger. Parlons encore de l’Alsace, mais de l’eau minérale cette fois. Sur la commune dont j’étais maire, une société parmi les plus respectueuses de l’environnement embouteillait l’eau minérale qui y était extraite. Elle a décidé d’abandonner les bouteilles en verre en raison du bilan carbone et énergétique du nettoyage et de la collecte des matériaux, et d’opter pour des bouteilles en plastique de haute qualité. Mais une autre société, du même groupe, continue de commercialiser cette eau dans des bouteilles en verre, de format différent, sur un marché de niche. Lorsque le marché est étendu, il n’est pas intéressant, d’un point de vue écologique, d’utiliser les bouteilles en verre. Mais cela peut très bien fonctionner pour un marché local. Il serait contre-productif d’obliger tout le monde à adopter la même solution technique.

Mme Valérie Beauvais. Pour défendre l’amendement de Mme Bazin-Malgras, j’évoquerai les problèmes que cet article ne manquera pas de poser à l’export – rappelons que 50 % des spiritueux et 40 % des bières et des vins sont vendus à l’étranger.

M. Stéphane Travert. Une partie des membres du groupe d’études Vigne, vin et œnologie sont signataires de cet amendement. Une étude scientifique pourrait conclure aux avantages environnementaux de la consigne sur le recyclage. Mais nous pouvons aussi supposer que le lavage et le transport des bouteilles auront un impact écologique.

Par ailleurs, un tel dispositif, qui suppose un emballage standard, entraînera la disparition des bouteilles de forme et de couleur différentes. Celles-ci font pourtant l’originalité des marques, aussi bien dans la filière des alcools que dans celle des eaux minérales. Les étiquettes ne seront plus collées mais autoadhésives – qui les enlèvera ? Enfin, qui, du producteur ou du consommateur, paiera le renvoi des bouteilles ? J’ajoute que les bouteilles de champagne, qui renferment 7 kg de pression, explosent si on leur fait supporter à nouveau la même pression.

Dans l’attente des conclusions de l’Agence de la transition écologique (ADEME) qui viendraient accréditer la pertinence d’un système de consigne pour le réemploi des emballages en verre, nous proposons de supprimer cet article. Le dispositif de récupération et de recyclage, qui a plus d’un demi-siècle, a fait ses preuves.

M. Thibault Bazin. Ce dispositif n’est pas du tout adapté au secteur des vins, bières et spiritueux. En Lorraine, au pays de la mirabelle, nous comptons des producteurs de whisky de très grande qualité et d’excellents brasseurs. La consigne, dont le bénéfice environnemental n’est pas démontré, met en péril le modèle de collecte, de recyclage et de réincorporation. Avec 87 % du verre recyclé, la France est championne d’Europe. En outre, elle obligera les producteurs à adopter des contenants plus solides, donc plus lourds, ce qui aura des conséquences environnementales. Enfin, notre assemblée doit prendre en compte la politique de montée en gamme adoptée par le secteur des boissons, afin de ne pas mettre en difficulté une filière qui fait l’honneur de notre pays.

M. Marc Le Fur. C’est le type même de la fausse bonne idée, qui coûterait très cher et occasionnerait plus de fret. Cela pourrait aussi inciter les producteurs à utiliser davantage les cubitainers, qui sont en plastique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les réserves que vous avez formulées, nous les avons entendues durant les auditions. Il est vrai qu’il faut veiller à ce que la consigne n’entre pas en concurrence avec le recyclage, un secteur très dynamique dont l’objectif est d’atteindre les 100 % de verre recyclé. Il n’est pas davantage question de fragiliser les filières. Certaines productions, comme celle du vin de champagne, exigent l’emploi de bouteilles à usage unique – il tombe sous le sens qu’elles ne sont pas concernées par le réemploi. Enfin, la consigne pourrait entraîner une augmentation du fret, avec un bilan écologique contraire à l’objectif visé.

Pour toutes ces raisons, je proposerai, avec l’amendement CS5277 rectifié, une nouvelle rédaction de l’article 12. Cela montre, s’il était besoin, que les auditions sont utiles et que l’on peut tenir compte des observations, dans le cadre d’un dialogue fructueux avec le Gouvernement.

Nous prévoirons ainsi que les dispositifs de consigne pour réemploi pourront être mis en œuvre lorsque le bilan environnemental global est positif. Celui-ci tiendra compte de la distance de transport parcourue. Il est bien évident qu’une bouteille remplie à Marseille et vidée à Paris n’aura pas vocation à retourner à Marseille et que la consigne ne concernera que les produits mis sur le marché en France. Enfin, il n’est pas question de standardiser les contenants, qui sont la marque des grandes maisons, très importantes pour l’identité culturelle et la balance commerciale de notre pays.

Nous avons ainsi trouvé un équilibre qui permet de renforcer nos engagements sur le réemploi tout en rassurant les filières que nous avons auditionnées, et entendues. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 12 prévoit la possibilité de généraliser l’obligation de mise en place d’une consigne du verre à partir de 2025.

Cette disposition complète l’article L.541-10-11 du code de l’environnement, créé par la loi AGEC, qui prévoit, pour les bouteilles en plastique, que « le Gouvernement définit, après évaluation des impacts économiques et environnementaux et concertation avec les parties prenantes, notamment les collectivités en charge du service public des déchets, les modalités de mise en œuvre d’un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi. » Ce même article dispose qu’« il peut être fait obligation aux producteurs ou à l’éco-organisme dont ils relèvent de mettre en œuvre d’autres dispositifs de consigne lorsque ces dispositifs sont nécessaires à l’atteinte des objectifs nationaux ou européens de prévention ou de gestion des déchets, sous réserve que le bilan environnemental global de ces dispositifs soit positif. »

Dans toute cette histoire, le bon sens doit prévaloir. Tout dispositif de consigne a pour objet de protéger notre environnement. Si son bilan environnemental est mauvais, il est évident qu’il ne doit pas être mis en œuvre.

L’ADEME a réalisé une étude des scénarios de consignes pour recyclage et réemploi des bouteilles, dont celles en verre. C’est une première pierre pour évaluer la pertinence de la consigne pour atteindre nos objectifs européens, ainsi que pour apprécier les impacts économiques et environnementaux comparés avec un système sans consigne. Cette étude vient d’être transmise aux parties prenantes. Des études complémentaires seront nécessaires avant de pouvoir rendre des conclusions définitives – les paramètres sont nombreux et certains restent à approfondir. Les bénéfices environnementaux d’une consigne pour réemploi du verre nécessitent d’être étudiés plus avant, en fonction notamment des types de contenant. Il est évident qu’il n’y aurait aucun sens à faire revenir en France une bouteille de cognac ou d’armagnac vendue à l’étranger.

Même si, dans l’absolu, le réemploi est meilleur que le recyclage d’un point de vue environnemental, il faut le confirmer en fonction du nombre de réutilisations, des distances de transport, des types d’emballages, etc. Le Gouvernement n’a pas l’intention de revenir sur ce qui a été décidé dans le cadre de la loi AGEC, à savoir l’étude de différents scénarios. La décision n’interviendra de toute façon qu’en 2023.

Afin de répondre aux craintes soulevées par l’article 12, l’amendement CS5277 rectifié de la rapporteure précise que seuls les produits mis sur le marché en France peuvent être soumis à une consigne et que le bilan environnemental doit prendre en compte, notamment, la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés, celle‑ci pouvant avoir un impact important en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Les dispositifs de consigne pourront être mis en place selon des calendriers et des modalités différents, afin de s’adapter aux différentes filières, ce que ne laissait pas entendre le terme « généralisée ».

À ce stade, il ne paraît pas pertinent d’exclure certains types d’emballages en verre des travaux d’études. Je veillerai cependant à ce que des concertations soient menées pour déterminer la pertinence de la consigne sur tous les types d’emballages en verre. J’émettrai un avis favorable à l’amendement de la rapporteure. Pour l’heure, mon avis sur les amendements de suppression de l’article est bien évidemment défavorable.

M. Antoine Herth. Je n’ai pas l’intention de voter en faveur de ces amendements de suppression car j’estime qu’il faut explorer les voies du réemploi des emballages. Cependant, il serait souhaitable, madame la ministre, que vous apportiez un éclairage sur la situation actuelle du secteur du recyclage.

Il se trouve que, pour préparer cette réunion, j’ai consulté le syndicat mixte intercommunal de la collecte et du traitement des ordures ménagères (SMICTOM) de ma circonscription : on m’a expliqué que la crise sanitaire ayant entraîné une moindre production de verre, Citeo avait imposé une décote de 10,80 euros par tonne, ce qui représente un manque à gagner de 23 millions d’euros pour l’ensemble des collectivités fédérées par l’association AMORCE, et de 64 000 euros pour le SMICTOM d’Alsace centrale sur le second semestre 2020. Cette décote devrait être reconduite pour les deux premiers trimestres de 2021.

AMORCE a évoqué un courrier de soutien que vous leur auriez adressé. Pourriez‑vous dresser un panorama de la situation actuelle afin d’éclairer le Parlement ? Les études doivent prendre en compte la situation de la filière du recyclage, qui se trouvera nécessairement impactée par la mise en place d’un dispositif de réemploi des bouteilles en verre.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, la méthode employée me pose problème. L’adoption de votre amendement visant à réécrire l’article fera tomber tous les amendements portant précisément sur cet article. Tel a déjà été le cas lors de l’examen des articles 9 et 11. Nous aurions donc dû sous-amender votre amendement pour introduire dans votre rédaction certaines de nos propositions.

Madame le ministre, vous invoquez le bon sens : qui peut être contre ? À ce propos, le Conseil d’État a rappelé, dans son avis du 4 février 2021, la nécessité, pour le présent projet de loi, d’énoncer de façon plus claire les obligations qu’il introduit. Or l’article 12, même réécrit par Mme la rapporteure, présente un risque de confusion. Il prévoit, dans sa rédaction initiale, la généralisation de l’obligation de mise en place d’une consigne pour les emballages en verre. Tel ne semble plus être le cas. Pouvez-vous être très claire sur ce point ? Le savoir‑faire de la filière est un véritable atout pour notre pays. Il ne faudrait pas la mettre en difficulté.

Nous avons bien compris que cette généralisation dépendra des productions et de leur cercle de commercialisation. Plus la part commercialisée d’une production donnée exige d’être transportée, moins elle a de chances d’y être soumise. Tout cela aboutira à une « usine à gaz », alors même que les producteurs ont besoin de visibilité dans ce domaine.

Nous avons bien compris que rendez-vous est pris pour 2023. Pour l’heure, nous légiférons en donnant une forme de blanc-seing à ce qui est fait. Madame le ministre, pouvez‑vous nous rassurer ? L’article 12, fût-il réécrit, suscite l’inquiétude de nombreux producteurs.

M. Raphaël Schellenberger. Je déduis des propos de Mme la ministre que nous allons adopter un article bavard, énonçant une intention sans prévoir l’application d’aucune mesure. On va y réfléchir, on aimerait bien faire quelque chose d’ici à 2023, d’ici là on saura plus ou moins si on veut agir ou non : à quoi sert cet article de loi ?

À titre personnel, comme le démontre l’amendement que j’ai défendu tout à l’heure, je suis opposé à la généralisation de la consigne pour les emballages en verre, car elle n’est pas pertinente sur le plan environnemental. Surtout, je considère que rédiger des articles pour dire qu’on envisage de réfléchir à une mesure n’est pas le rôle de la loi ! Une loi bavarde est au mieux inutile, au pire contre-productive, car elle laisse croire que nous avons voté une mesure relative à la consigne pour les emballages en verre, alors même qu’en vrai, il n’y a rien. En l’espèce, je m’en réjouis, car je pense que généraliser la consigne pour les emballages en verre est une mauvaise idée, tout en considérant qu’il est pire de voter des textes qui ne disent rien mais font croire qu’ils disent quelque chose, car ils suscitent des espoirs, puis de l’incompréhension et enfin le rejet.

Mme Valérie Beauvais. Sur la forme, cela fait la troisième fois, après les articles 9 et 11, que Mme la rapporteure écarte des amendements visant à la suppression d’un article pour en proposer la réécriture, par le biais d’un amendement plus ou moins bien rédigé s’inspirant du contenu des nôtres. Je trouve cette façon de faire assez peu démocratique. Pourquoi ne pas supprimer les articles et les réécrire d’ici à l’examen du texte en séance publique, en s’inspirant de nos propositions ? Madame la rapporteure, je n’ai pas pour habitude de polémiquer, mais, manifestement, vous n’envisagez pas de travailler avec l’opposition, ce dont je suis navrée.

M. Jean-Marie Sermier. J’avoue ne plus rien comprendre. Nous avons un texte de loi très précis qui prévoit que l’obligation de la mise en place d’une consigne pour les emballages en verre, de manière à ce qu’ils soient lavables et réutilisables, pourra être généralisée. Même si nous pouvons longuement débattre de l’utilisation du mot « pourra », l’objectif du projet de loi demeure la généralisation de la consigne pour les emballages en verre.

Or Mme la ministre vient d’indiquer que cette généralisation tiendra compte du coût du transport des emballages en verre et devra présenter un bilan carbone positif. Quel message adressons-nous au consommateur d’aujourd’hui et de demain ? Comment s’y retrouvera-t-il entre le traitement de la bouteille de vin du Jura celui de la bouteille de bière ? Il est impossible de s’y retrouver, dans cette affaire ! À l’heure actuelle, le taux de réemploi des emballages en verre est de 87 % ; il risque de chuter à un niveau catastrophique. Non seulement cet article n’apporte rien de neuf, mais il risque de casser la dynamique française en la matière.

M. Guy Bricout. Si 87 % des emballages en verre sont recyclés, c’est qu’il en reste 13 %, que l’on retrouve dans les ordures ménagères ainsi que dans les jardins publics et sur les routes – lorsque j’étais maire, une bonne part du personnel municipal était employée à ramasser les bouteilles en verre jetées sur la voie publique.

Mon avis sur l’article 12 est mitigé. L’obligation de consigne doit concerner les verres à haute valeur ajoutée. Toutes les bouteilles en verre ne peuvent être consignées. Les bouteilles de champagne, par exemple, ne peuvent être réutilisées. J’ai connu la consigne lorsque j’étais jeune, il y a un certain temps : nous rapportions les bouteilles vides à la consigne, même si toutes n’étaient pas consignées. Nous pouvons de nouveau procéder ainsi. C’est d’ailleurs parfois déjà le cas. Ainsi, lorsque mon brasseur me livre de la bière, il reprend les bouteilles vides. Consigne des bouteilles et recyclage du verre ne s’excluent pas mutuellement.

Toutefois, la généralisation de la consigne présente deux dangers. La perspective de récupérer de l’argent pourrait amener des individus à vider les poubelles à verre pour en porter le contenu à la consigne. Par ailleurs, l’essentiel des recettes des SYCTOM provient de la collecte du verre. Je suis en contact avec plusieurs d’entre eux ; tous me disent que la diminution des volumes de verre collectés pénalisera les riverains, qui subiront une hausse de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

M. Stéphane Travert. Tout le monde a bien compris que chacun ici concourt au bon sens. De toute évidence, nous sommes ici pour essayer de réussir la transition écologique que nous appelons de nos vœux, et non pour nous livrer à une transition démagogique. Nous n’en devons pas moins construire le texte ensemble et trouver les compromis nécessaires. Pour ma part, je salue le travail de réécriture de l’article mené par Mme la rapporteure afin de surmonter un point de blocage.

Les représentants des filières viticole et vitivinicole, avec lesquels nous avons eu l’occasion de dialoguer, ainsi que la plupart des membres du groupe d’études Vigne, vin et œnologie, considèrent que nous devons aller plus loin. J’aimerais qu’on m’explique l’intérêt, alors même qu’un accord a été obtenu dans le cadre de la loi AGEC, de rouvrir une forme de conflit avec la filière viticole, dont chacun sait qu’elle a connu de grandes difficultés, au cours des derniers mois, pour écouler sa production. Nous devons parvenir à un accord sur le recyclage. Mme la rapporteure présentera son amendement visant à la réécriture de l’article ; nous n’en devrons pas moins discuter du sujet d’ici à l’examen du texte en séance publique, afin d’aller plus loin et d’aboutir à un accord permettant d’obtenir le vote de l’article par la majorité des députés représentant les territoires viticoles et vitivinicoles.

Mme Stéphanie Kerbarh. Tout ce que je viens d’entendre confirme le bien-fondé du sous-amendement CS5330 que je défendrai tout à l’heure, qui mentionne l’Observatoire du réemploi et de la réutilisation créé par la loi AGEC. Chaque orateur pourra constater qu’il a été entendu.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Je comprends parfaitement que la réécriture globale de l’article vous agace. Mais le nombre d’amendements visant à la suppression de l’article déposés par plusieurs groupes démontrait que ce dernier soulevait une difficulté de compréhension, à tout le moins des doutes qu’il faut lever. Il convenait donc, non de bricoler, mais de réécrire l’article, ce qui évite de donner le sentiment que nous ne sommes pas au clair avec les objectifs que nous fixons au projet de loi. Je ne suis pas certaine que la suppression d’un article pour mieux le réécrire soit compréhensible pour les filières, qui sont potentiellement inquiètes, ni pour nos concitoyens, qui attendent de nous des actes. J’ai donc préféré la réécriture de certains articles à leur suppression, en m’inspirant des auditions que nous avons menées, et dont l’objet est précisément de nous amener à retravailler les textes, en lien avec le Gouvernement.

Au demeurant, mon amendement de réécriture sera présenté en discussion commune avec de nombreux autres, notamment les vôtres, qui me semblent contradictoires avec les objectifs que vous venez d’énoncer. Vous dites que la généralisation de l’obligation de mise en place d’une consigne pour les emballages en verre vous pose problème. Or vos amendements CS276, CS630, CS1291, CS280 et CS310 prévoient une telle généralisation à partir de 2025. Elle ne figure pas dans la rédaction que je propose, ce qui satisfait la demande que vous venez de formuler, contrairement à vos amendements.

M. Jean-Marie Sermier. Ce ne sont pas des amendements de groupe !

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Certes, mais ils n’en sont pas moins contradictoires avec les propos que vous venez de tenir. Mme Beauvais m’a invitée à travailler avec l’opposition ; or certains de vos amendements prévoient la généralisation de la consigne pour les emballages en verre, dont vous dites ne pas vouloir.

La réécriture de l’article 12 vise deux objectifs : faire clairement référence à certaines dispositions de la loi AGEC et les compléter, notamment en restreignant l’obligation prévue au II de l’article L.541-10-11 du code de l’environnement aux producteurs de produits mis sur le marché sur le territoire national ou à l’éco-organisme dont ils relèvent, ce qui me semble de nature à apaiser les inquiétudes soulevées en matière d’exportation. Cela permet de supprimer la généralisation de l’obligation de mise en place d’une consigne pour les emballages en verre, dont tous les orateurs ont dit qu’ils ne voulaient pas, tout en fixant à celle-ci des objectifs de réemploi et en la soumettant à un bilan environnemental global positif, tenant compte notamment de la distance parcourue par les emballages pour être réemployés.

Si j’avais pu parvenir à cette réécriture de l’article en additionnant plusieurs amendements présentés ce soir, je l’aurais fait bien volontiers. Monsieur Travert, s’il s’avère qu’il faut aller plus loin et introduire des précisions supplémentaires, nous en débattrons en séance publique.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous ne pouvez pas souhaiter la suppression de l’article tout en reprochant à Mme la rapporteure de l’avoir remanié en profondeur. Mener ce travail fait partie de notre rôle de parlementaires. Elle l’a fait précisément pour résoudre certains des problèmes que vous avez soulevés, en s’inspirant de nos auditions, ce qui a permis d’aboutir à un texte consensuel, me semble-t-il.

Par ailleurs, vous présentez le recyclage des bouteilles en verre comme le Graal. Il est permis d’en débattre ! Certes, mieux vaut les recycler que les laisser dans une décharge. Le bilan environnemental du recyclage n’en est pas moins sujet à caution. Chaque jour, en France, nous brisons 10 millions de bouteilles en verre pour en produire la même quantité, un peu comme le type qui, chaque nuit, creuse un trou qui est rebouché le jour. Il est permis de penser qu’un tel système n’est pas parfaitement optimal !

L’article 12 prévoit, si le bilan environnemental est positif, de recourir à la consigne en complément du recyclage. Un bilan environnemental sera systématiquement effectué, tenant compte notamment du transport des bouteilles et de l’énergie utilisée pour les refondre. Au demeurant, plusieurs acteurs économiques y recourent déjà : des brasseurs, des fabricants de yaourt, des distributeurs d’eaux. Bien entendu, les bouteilles en verre au format spécifique ne seront pas concernées. Personne ne propose de remettre en cause le marketing de tel spiritueux ou de telle appellation de vin. Le recours à la consigne peut intéresser des secteurs d’activité aux volumes importants, tels que les distributeurs d’eaux et les producteurs de sodas aux réseaux de distribution étendus et très territorialisés. Pour eux, le bilan sera positif.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS5277 rectifié de la rapporteure et sous-amendement CS5330 de Mme Stéphanie Kerbarh, amendements identiques CS276 de M. Michel Vialay, CS3456 de M. Hubert Julien-Laferrière et CS4844 de Mme Sandrine Le Feur, amendements identiques CS630 de M. Guy Bricout, CS279 de M. Michel Vialay et CS312 de M. Guy Bricout, amendements CS3457 de M. Hubert Julien-Lafferrière, CS1254 de Mme Maina Sage, CS1291 de Mme Nathalie Bassire, CS4454 de Mme Mathilde Panot, amendements identiques CS280 de M. Michel Vialay et CS310 de M. Guy Bricout, amendements CS3458 de M. Hubert JulienLafferrière, CS2637 de Mme Émilie Cariou, CS4810 de Mme Sira Sylla, CS4018 de M. Fabien Lainé, CS634 de M. Guy Bricout, CS3459 de M. Hubert Julien-Lafferrière, amendements identiques CS3196 de Mme Anne-Laure Blin et CS3334 de M. Thibault Bazin, amendements identiques CS2122 de M. Patrick Hetzel et CS2929 de M. Julien Dive (discussion commune).

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’amendement CS5277 rectifié vise donc à réécrire l’article 12. Il s’agit de préciser que l’obligation prévue au II de l’article L.541-10-11 du code de l’environnement ne s’applique qu’aux producteurs de produits mis sur le marché sur le territoire national ou à l’éco-organisme dont ils relèvent.

Par ailleurs, l’amendement vise à compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées : « Des dispositifs de consigne pour réemploi peuvent être mis en œuvre pour les emballages en verre lorsque le bilan environnemental global est positif. Le bilan environnemental de ces dispositifs tient compte de la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés ». Nous apportons ainsi une réponse à la question majeure de la distance parcourue, donc de l’impact environnemental dû au transport des emballages, qui a été soulevée par tous les orateurs.

Enfin, la possibilité de généraliser l’obligation de mise en place d’une consigne pour les emballages en verre en 2025 est supprimée.

Ainsi, nous maintenons un objectif clair – développer le réemploi dans notre pays, en considérant qu’il y a place pour le réemploi et le recyclage – tout en précisant plusieurs critères qu’il nous semble essentiel de prendre en considération, compte tenu des inquiétudes soulevées par les filières. De nombreux amendements que nous allons examiner en discussion commune avec celui-ci me semblent satisfaits par cet équilibre. Je suggère donc par avance leur retrait et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Stéphanie Kerbarh. Le sous-amendement CS5330 vise à compléter l’amendement de Mme la rapporteure en y incluant les dispositions de la loi AGEC relatives à l’observatoire du réemploi et de la réutilisation. Il s’agit de fonder la décision de recourir à la consigne des bouteilles en verre sur une évaluation menée par celui-ci.

M. Michel Vialay. Je veux pousser un coup de gueule ! L’article 12 est la matérialisation du manque d’ambition de ce projet de loi ! On se contente d’imposer une consigne pour les emballages en verre, ce qui exclut de la cible les autres contenants et dénature la consigne telle que la concevait la Convention citoyenne pour le climat !

Quand nos concitoyens parlent de la consigne pour les emballages en verre, ils ne pensent pas au recyclage des bouteilles de vin, mais à celui des bouteilles d’eau et de soda ! Je ne doute pas qu’ils soient furieux que cette idée ait été évacuée, au point de refuser le débat. Mes amendements visant à substituer le verre au plastique dans les emballages ont tous été déclarés irrecevables ! C’est un scandale pour la santé et pour l’environnement ! Les contenants en plastique sont porteurs de perturbateurs endocriniens, qui sont facteurs de cancer, de diabète, d’obésité et de maladies de la reproduction.

Madame la ministre, le rapport d’information sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique, que plusieurs collègues et moi-même avons présenté devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire lorsque vous en étiez présidente, a été salué à l’unanimité. Il préconisait notamment la suppression des bouteilles en plastique au profit de la relance de la filière des bouteilles en verre. La consigne favorise cette orientation.

L’amendement CS276, qui, lui, n’a pas été déclaré irrecevable, vise à donner un cadre juridique opérationnel au réemploi des emballages prévu par le texte.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3456 de M. Hubert Julien-Laferrière vise à élargir le débat à la consigne pour réemploi des emballages en vue de sa généralisation avant le 1er janvier 2025.

Comme l’a très bien dit notre collègue à l’instant, les propositions de la Convention citoyenne pour le climat sur la consigne des emballages en verre sont totalement liées à celles sur le plastique. Or les amendements relatifs à ce dernier ont été déclarés irrecevables. Cela pose d’autant plus problème que l’exposé des motifs du projet de loi assume le lien entre les deux, ce qui rassurera peut-être certains de nos collègues.

Quant à la nouvelle rédaction proposée par Mme la rapporteure, politiquement, elle place un nouveau filtre sur les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, en supprimant la généralisation de la consigne en 2025. Juridiquement, les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît. Dans sa rédaction initiale, l’article 12 interdisait la généralisation de la consigne pour les emballages en verre avant 2025. Dorénavant, il ne comporte plus aucun calendrier.

L’amendement que nous proposons élargit le débat à la question du réemploi des emballages en général. S’agissant des emballages en verre, l’enjeu est de les utiliser en vue du remplacement des emballages en plastique, contrairement à ce que laissent penser les débats qui précèdent.

Mme Sandrine Le Feur. La consigne pour réemploi présente de fortes vertus environnementales. En amont, elle permet d’éviter l’extraction de nouvelles ressources. Je rappelle que les industries extractives sont responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre et de plus de 90 % de la perte de la biodiversité et du stress hydrique. En aval, elle réduit le nombre d’emballages à recycler, incinérer ou enfouir, diminuant en proportion la pollution liée à ces modes de traitement. L’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l’Autriche ont recours à ce dispositif, qui fonctionne bien. Enfin, j’indique que 88 % des consommateurs français trouvent utile de disposer, dans leur magasin de produits alimentaires, d’une consigne à des fins de réemploi.

M. Michel Vialay. L’amendement CS279 vise à définir une trajectoire du déploiement du réemploi. Il s’agit d’éviter que nous ne partions à l’aventure et d’inclure l’économie circulaire dans la lutte contre le gaspillage.

M. Guy Bricout. Afin de favoriser le développement d’un réemploi optimisé, l’amendement CS312 vise à élargir la consigne à tous les types d’emballages et de contenants susceptibles d’intégrer le circuit du réemploi.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3457 est un amendement de repli visant à généraliser la consigne pour réemploi à tous les emballages, selon une trajectoire définie par l’Observatoire national du réemploi et de la réutilisation.

M. Antoine Herth. Au groupe Agir ensemble, nous considérons qu’il est possible d’accélérer le processus. Prenons l’exemple des eaux de la source de Wattwiller. Le grossiste qui livre les commerces de la commune d’Artolsheim, où je vis, repart avec une palette de bouteilles vides. Il s’agit d’une forme d’économie circulaire. Cette pratique, dont nous avons constaté les limites pour le secteur des boissons alcoolisées, notamment les vins, peut très bien être généralisée pour les boissons non alcoolisées. J’aimerais que Mme la ministre, que j’ai interrogée tout à l’heure, nous éclaire sur les impacts d’une telle mesure dans le domaine du recyclage.

Mme Mathilde Panot. Comme M. Vialay et Mme Batho, je pense que la sortie du tout plastique est une cause qui devrait nous rassembler.

Pour compléter les propos de notre collègue alsacien qui vient de s’exprimer, je rappelle que certains brasseurs, tels que la brasserie Meteor, recourent à la consigne pour réemploi. Une étude a démontré que cela lui permet d’économiser 76 % d’énergie primaire, et de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 79 % et sa consommation d’eau de 33 %. La durée de vie moyenne des bouteilles est de six ans, et le prix d’achat réduit de 20 % à 30 %. Nous devrions donc parvenir à rendre obligatoire la consigne des bouteilles en verre. La nouvelle rédaction de l’article est un net renoncement aux préconisations de la Convention citoyenne pour le climat, qui recommande sa généralisation pour 2025. Dorénavant, nous ne savons pas quand elle aura lieu. L’amendement CS4454 a été travaillé avec le réseau Action Climat.

Par ailleurs, j’indique à Mme la ministre que nous avons, en France, un fleuron en la matière, Verallia. Ses dix sites de production sont très proches des lieux d’embouteillage du champagne, du cognac et des vignobles du Bordelais ou de la Loire. Or des dizaines d’emplois du groupe sont menacés, en raison d’un projet de délocalisation en Espagne. Si celui-ci voit le jour, des bouteilles vides seront transportées d’Espagne en France par camion, ce qui serait une aberration absolue du point de vue environnemental. Il est urgent de donner des perspectives à des fleurons industriels comme celui-ci, ainsi qu’à leurs salariés et à leurs familles.

M. Michel Vialay. Si nous voulons développer la consigne, il faut faire en sorte que les emballages consignés pour réemploi soient repris partout, et pas uniquement dans le magasin où ils ont été achetés. Même si cela tombe sous le sens, il faut l’écrire dans la loi.

M. Guy Bricout. Je propose de rendre possible la reprise des emballages consignés dans les grandes surfaces.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3458 est un amendement de repli de l’amendement de repli présenté précédemment. Il comporte des dispositions précises relatives à la consigne pour réemploi des emballages en verre. Il remplace notamment le IV de l’article L. 541-10-11 du code de l’environnement par un IV et un V répondant aux problèmes soulevés dans le débat sur les amendements de suppression et proposant une méthode précise pour les traiter. L’amendement CS2637 vise le même objectif, avec quelques différences légistiques.

Mme Huguette Tiegna. La reprise des emballages nécessite un cadre juridique opérationnel, afin d’assurer un nombre élevé de réutilisations. Il est nécessaire de maximiser le taux de retour des emballages, en multipliant les points de reprise et en facilitant les gestes de retour pour les consommateurs.

M. Erwan Balanant. Il ne faut pas opposer les filières de production de boissons non alcoolisées et les filières de production alcoolisées. Même si le recyclage est compliqué dans certains secteurs, certains producteurs cherchent à le développer, notamment les brasseurs, comme l’a bien dit Mme Panot. La Bretagne compte de nombreux producteurs de bière artisanale qui seraient très heureux que la filière s’organise.

L’amendement CS4018 de M. Fabien Lainé vise à donner un caractère effectif à l’article 12 en prévoyant une obligation de généralisation de la consigne en 2025, sous réserve d’un bilan environnemental positif.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, je me réjouis de la suppression de la généralisation de l’obligation de mise en place d’une consigne pour les emballages en verre, mais je peine à comprendre à quoi sert votre amendement, d’autant plus que le sous‑amendement de notre collègue Kerbarh fait référence à la loi AGEC. Je me demande pourquoi nous légiférons. Peut-être pourrions-nous faire preuve de simplicité et éviter de gaspiller notre énergie législative en supprimant l’article ! On peut toujours aller plus loin ; l’important est de dire comment on y parvient.

La première partie de votre amendement vise à préciser que l’obligation prévue au II de l’article L.541-10-11 du code de l’environnement ne s’applique qu’aux producteurs de produits mis sur le marché sur le territoire national ou à l’éco-organisme dont ils relèvent. Cela signifie que les producteurs français dont les produits ne sont pas mis sur le marché sur le territoire national ne seront pas concernés.

Quant à sa seconde partie, elle soumet la généralisation de la consigne à un bilan environnemental positif. Il s’agit notamment de tenir compte « de la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés ». Mais comment saura-t-on d’avance où les produits seront vendus dans le pays, voire dans le monde ? La France couvre un territoire qui ne se limite pas à l’Hexagone ! Faudra-t-il y rapporter des bouteilles vendues très loin ? Il est permis de se demander s’il ne s’agit pas d’inciter à l’exportation, et si, en imposant deux modes de fonctionnement à nos producteurs, nous n’allons pas leur compliquer la vie.

M. Raphaël Schellenberger. MM. Hetzel et Reiss ont déposé l’amendement CS2122 en connaisseurs du sujet. Comme Antoine Herth et moi-même, ils sont élus d’un territoire où la consigne pour le verre n’a jamais été abandonnée. On ne peut pas nous accuser de ne pas la défendre, ni d’en ignorer les limites. Dans ma circonscription, les brasseurs Meteor et Fischer collectent leurs bouteilles mises en consigne dans les supermarchés Leclerc, et les marchands de boisson vous livrent des caisses de sodas de la marque et du format que vous voulez avant de les récupérer la semaine suivante. Ce système fonctionne très bien et n’a jamais cessé de fonctionner. Il a aussi ses limites : par exemple, il n’est pas compatible avec des produits d’excellence tels que les vins d’Alsace AOC.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les amendements peuvent être rassemblés en quatre catégories.

Certains portent sur la généralisation de l’obligation de mise en place d’une consigne pour les emballages en verre, pour la maintenir, la supprimer ou l’étendre à tous les types d’emballages. De telles dispositions menacent les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) prévues par la loi AGEC, alors même qu’elles portent leurs fruits. Leur efficacité se mesure par le taux de collecte et le taux de recyclage. Je suis défavorable à ces amendements, qui contredisent les engagements que nous avons pris en la matière.

D’autres visent à faire obligation aux distributeurs de reprendre gratuitement les emballages, même s’ils n’ont pas vendu le produit qu’ils contenaient. Il en résulterait pour eux une charge qui reste à déterminer. Il faut également définir dans quelles conditions ils pourraient les reprendre et avec quelle compensation. Je suis défavorable à ces amendements.

D’autres encore préconisent d’adosser la trajectoire que nous fixons à l’Observatoire national du réemploi et de la réutilisation. Ils sont satisfaits par le sous-amendement de notre collègue Stéphanie Kerbarh, sur lequel j’émets un avis favorable.

Enfin, certains amendements prévoient de faire dépendre la généralisation de la consigne d’un bilan environnemental global positif. Ils sont satisfaits par mon amendement.

J’émets donc un avis défavorable aux amendements examinés en discussion commune avec le mien et un avis favorable au sous-amendement CS5330.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ai détaillé les raisons pour lesquelles je suis favorable à l’amendement de Mme la rapporteure visant à réécrire l’article 12, répondant du même coup aux interrogations formulées par les orateurs, de la majorité comme de l’opposition, dans le cadre de cette discussion commune.

J’émets également un avis favorable au sous-amendement de Mme Kerbarh. L’Observatoire du réemploi et de la réutilisation, confié à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), pourra réaliser une évaluation des dispositifs de consigne des emballages en verre pour réemploi avant leur mise en place. Cette précision est bienvenue.

Je suggère donc le retrait des amendements en discussion commune au profit de l’amendement CS5277 rectifié de Mme la rapporteure, sous-amendé, et émets à défaut un avis défavorable.

Monsieur Herth, je ne suis pas en mesure de vous donner tous les détails, mais une baisse du prix de reprise du verre est effectivement intervenue, du fait notamment de la crise sanitaire et du coût du stockage. Des négociations ont eu lieu entre les collectivités et les verriers ; ces derniers ont accepté de stabiliser la baisse du prix de reprise. La question devra être traitée dans le cadre du cahier des charges de la REP emballages, qui va être révisée. Des discussions avec Citeo sont en cours. Les autres matières ne sont pas touchées de la même façon. Quoi qu’il en soit, la maîtrise de la fluctuation des prix de reprise est un enjeu important.

Madame Panot, ce que fait Verallia a l’air intéressant, en effet. Si l’on en croit leur site internet, l’économie circulaire est au cœur de leur stratégie. Le groupe a, dit-il, « la conviction que le verre est l’un des matériaux les plus durables ». Il travaille en ce sens avec l’ensemble des parties prenantes autour de trois axes : « Contribuer à l’augmentation de la collecte du verre en accompagnant, sensibilisant et mobilisant les différents acteurs […] pour intégrer de plus en plus de verre recyclé » ; « Travailler sur l’optimisation de l’intégration de calcin externe » en continuant d’investir dans ses sites de traitement dédiés et « faire de la réutilisation une solution gagnante pour la planète et l’emballage en verre. Le but est de pérenniser les boucles locales proposant la réutilisation des emballages en verre quand cela est possible. » Voilà une manière intéressante de faire du réemploi du verre, promue par des spécialistes visiblement très engagés.

M. François-Michel Lambert. Mme la ministre vient de démontrer que la mise en place de la consigne est d’ores et déjà possible. Verallia en fait même la publicité, tout en ayant son propre processus de récupération du verre pilé – c’est ce que l’on appelle le calcin, qui est réinjecté dans les fours, ce qui permet d’ailleurs d’abaisser le point de fusion par rapport au sable. En quoi l’amendement va-t-il modifier la situation actuelle, madame la rapporteure ? Tout y est optionnel. Par ailleurs, comment le dispositif s’inscrit-il dans le dispositif de l’affichage environnemental ?

M. Martial Saddier. Dans votre amendement, madame la rapporteure, il est question du « bilan environnemental global », ce qui est très bien, mais vous ajoutez que ce bilan « tient compte de la distance de transport parcourue ». Cette rédaction pose problème : il faudra y remédier d’ici à la séance. En effet, elle sous-entend que le fait de s’intéresser au transport dispense de parler du reste. À cet égard, il faut tenir compte d’un facteur qui n’a été abordé ni par la Convention citoyenne ni par le texte, à savoir l’eau utilisée pour laver les contenants en vue de leur recyclage. Le volume d’eau nécessaire pour laver l’ensemble des contenants verts équivaut à celui que l’on est censé économiser dans le cadre du onzième programme des agences de l’eau, établi sur une période de six ans. Ce serait donc une bonne chose que l’eau apparaisse dans le bilan global. En même temps, il faudrait lancer des expérimentations pour trouver des processus industriels beaucoup moins consommateurs d’eau : cela donnerait du crédit à la logique de réemploi.

M. Vincent Descoeur. Comme les amendements suivants ont vocation à tomber, je voudrais évoquer une question qui aurait dû arriver un peu plus tard dans la discussion. Je proposais ainsi de préciser le champ d’application de l’article 12. En effet, nous avons beaucoup parlé des emballages destinés aux boissons mais, dans le texte, on trouve les termes « emballages en verre », ce qui introduit une ambiguïté. Pour ma part, je n’évoquerai pas les différentes boissons qui font la richesse de notre pays, mais relaierai l’inquiétude des entreprises de flaconnage. Chacun sait que le flacon est un élément essentiel permettant aux produits de se distinguer. Si la disposition – à laquelle nous ne sommes pas favorables, de manière générale – devait s’appliquer non seulement aux emballages de boissons mais aussi aux flacons, elle aurait un certain nombre de conséquences économiques, car 85 % des flacons de parfum commercialisés dans le monde sont fabriqués dans notre pays. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?

M. Guillaume Kasbarian. Je remercie Mme la rapporteure pour la qualité de son écoute et son sens du compromis.

Je suis moi aussi attentif au problème soulevé par M. Descoeur. Mon amendement CS4363 visait ainsi à exclure du champ de la disposition le verre de parfumerie et de cosmétique. Alors que celui-ci ne représente que 1 % du verre mis sur le marché, il va se trouver englobé dans un dispositif qui n’a pas vraiment de sens en ce qui le concerne, étant donné la faible rotation des flacons et la difficulté à les standardiser. C’est toute une filière française d’excellence qui serait mise en péril. Comme vous le savez, Chartres est le siège de la « Cosmetic Valley », et la filière des cosmétiques est pourvoyeuse de très nombreux emplois.

D’ici à la séance, il faudrait travailler sur la question. Sous cette réserve, j’apporte mon soutien à votre amendement, madame la rapporteure.

M. Raphaël Schellenberger. En tant que commissaire aux lois, je me permettrai de donner mon avis sur la rédaction de votre amendement, madame la rapporteure. Le 1° est très intéressant : pour une fois on se concentre sur les produits mis sur le marché en France et non sur ceux qui y sont produits, ce qui n’a pas toujours été le point de vue de la majorité. Le 2°, en revanche, est d’une dangerosité juridique sans nom : « Des dispositifs de consigne pour réemploi peuvent être mis en œuvre pour les emballages en verre lorsque le bilan environnemental global est positif. » Cela ne veut rien dire, tout simplement. De plus, a contrario, il sera possible de mettre en œuvre la consigne même si le bilan environnemental est négatif.

Ensuite, il est écrit : « Le bilan environnemental de ces dispositifs tient compte de la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés. » Qu’y a-t-il d’autre dans le bilan environnemental ? Je me félicite que le transport soit cité, car c’est un élément déterminant, mais pourquoi ne pas en mentionner d’autres, notamment l’eau, comme le suggérait Martial Saddier ? Par ailleurs, la part du transport, même si elle pèse négativement dans le bilan, pourra apparaître marginale par rapport à d’autres paramètres.

Rédigé de cette manière, l’article ne veut rien dire. C’est de l’incantation : le texte est dépourvu de tout effet juridique.

Mme Mathilde Panot. S’agissant de Verallia, 80 emplois ont été supprimés à Cognac : il y a eu soixante départs volontaires – pour ma part, je considère que ce sont aussi des licenciements – et vingt personnes se retrouvent sur le carreau. Le groupe est détenu à 90 % par le fonds d’investissement Apollo, mais la Banque publique d’investissement possède les 10 % restants : vous pouvez donc agir, madame la ministre. Verallia licencie alors qu’il a réalisé un chiffre d’affaires de 2,6 milliards d’euros en 2019. Apollo a décidé de revendre ses participations, avec au passage une plus-value estimée à 2,4 milliards d’euros en cinq ans. Il serait absolument dramatique que la France perde ce savoir-faire en matière de fabrication de bouteilles en verre. Je vous incite donc à vous inviter dans le débat.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, vous devriez vous pencher sur les deux remarques que je vous ai faites concernant la rédaction de votre amendement, car elles emportent notamment des conséquences économiques pour les entreprises concernées. Celles‑ci vendent les mêmes produits sur le sol national et à l’étranger : devront-elles désormais en fabriquer de deux sortes ?

En ce qui concerne la distance de transport, comment saura-t-on dès l’origine où les emballages ont été commercialisés, alors même que les circuits sont de plus en plus complexes ? Vous créez une véritable « usine à gaz ».

Par ailleurs, Martial Saddier a raison : il est essentiel d’adopter une approche globale.

Comme le soulignait Vincent Descoeur, l’industrie du flaconnage apporte beaucoup. Nous sommes nombreux, dans cette salle, à faire partie du groupe d’études sur le commerce, l’artisanat et les métiers d’art, et des cristalliers sont installés dans certaines de nos circonscriptions – c’est le cas de Baccarat, chez moi. Il faut s’assurer que les fabricants de flacons ne sont pas concernés. C’est une industrie à forte valeur ajoutée : nous devons conserver ces fleurons que nous envient les investisseurs étrangers.

Mme Stéphanie Kerbarh. L’analyse environnementale s’appuiera tout simplement sur l’analyse du cycle de vie (ACV), qui recense et quantifie, tout au long de la vie du produit, les flux physiques de matière et d’énergie. Cet inventaire part de l’extraction de la matière, prend en compte la distribution, l’utilisation et la collecte du produit et s’intéresse également au traitement de celui-ci en fin de vie. J’espère que cette précision vous rassure.

En ce qui concerne l’amendement prévoyant la prise en compte de l’ensemble des emballages dans le cadre de l’observatoire du réemploi, je souhaite rassurer également ses auteurs : la demande est satisfaite par la loi AGEC.

Il est assez drôle d’entendre nos collègues des Républicains réclamer de manière virulente la consigne pour les bouteilles actuellement en plastique, quand on se souvient de leur opposition farouche à cette disposition lors de l’examen de la loi AGEC… La trajectoire demandée sera construite dans le cadre des travaux de l’Observatoire du réemploi.

Monsieur Kasbarian, la filière des cosmétiques s’est déjà emparée de la question. Le contrat stratégique de filière comporte d’ailleurs un engagement autour de la notion d’économie circulaire. D’ores et déjà, dans un certain nombre de parfumeries, il est possible de venir remplir un ancien flacon.

M. Antoine Herth. Merci, madame la ministre, pour les éléments d’éclairage que vous nous avez donnés. Il est important que le Parlement ne soit pas sous cloche : nous devons rester ouverts et attentifs à la réalité de l’économie.

Je salue votre travail, madame la rapporteure : votre amendement opère une belle synthèse. Vous avez trouvé un équilibre très subtil. C’est un peu comme quand on manipule une bouteille en verre : il faut agir avec précaution. C’est exactement ce que vous avez fait. Je retire donc l’amendement CS1254, qui risquerait de déséquilibrer le dispositif en imposant une date ne correspondant pas aux réalités.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Monsieur Saddier, le bilan environnemental global comprend bien évidemment la consommation d’eau.

Mon amendement vise l’article L. 541-10-11 du code de l’environnement, résultant de la loi AGEC, qui évoque déjà le bilan environnemental global positif. Le 1° ne fait que préciser les choses. Le 2° insiste plus spécifiquement sur le transport car, s’agissant de la consigne du verre, c’est la principale difficulté qui a été soulevée lors des auditions – ce qui n’exclut pas les autres aspects.

Je ne doute pas de votre expertise de commissaire aux lois, monsieur Schellenberger. Toutefois, je suis allée vérifier dans le Larousse le sens du mot « lorsque ». Il indique « la concomitance dans le temps ». Autrement dit, si le bilan environnemental global n’est pas positif, la consigne ne pourra pas être mise en œuvre. L’article a donc bien une portée juridique.

Mme Barbara Pompili, ministre. La consommation d’eau est évidemment prise en compte dans le bilan environnemental. Si tel n’était pas le cas, ce bilan n’aurait d’ailleurs aucun sens. Du reste, c’est un élément auquel je tiens. Il me semble que la Convention citoyenne avait elle aussi abordé la question de l’eau s’agissant de la consigne pour réemploi, en envisageant la création de circuits fermés.

Le bilan tiendra compte des distances de transport vers les centres de lavage et d’embouteillage, de l’énergie et des émissions liées au lavage des emballages en verre – mais aussi des émissions et de la consommation énergétique évitées du fait du réemploi des emballages en verre.

M. Martial Saddier. Merci pour vos réponses, mais je crois très sincèrement que l’eau mérite au moins autant que les transports d’apparaître dans le texte. Il convient d’y remédier d’ici à la séance. Soit le bilan est global, et il n’est donc pas nécessaire de citer un critère plutôt qu’un autre, soit on insiste sur quelques éléments, et dans ce cas la consommation d’eau doit apparaître en plus des transports.

L’amendement CS1254 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement CS5330 et l’amendement CS5277 rectifié sous-amendé.

En conséquence, l’article 12 est ainsi rédigé et tous les autres amendements se rapportant à l’article tombent.

Après l’article 12

Amendement CS1384 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à instaurer des contrats d’achat pour les téléphones portables prévoyant un système de consigne pour encourager la reprise des appareils. La sobriété numérique est un enjeu extrêmement important ; Mme Forteza nous fait ici une proposition concrète pour lutter contre l’obsolescence des téléphones portables.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Il existe déjà une filière REP pour les déchets d’équipements électriques et électroniques ; elle doit être valorisée. Par ailleurs, la durée moyenne d’utilisation d’un téléphone portable est de trente-sept mois. Elle n’est donc pas corrélée aux abonnements de douze ou vingt-quatre mois. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin en la matière à ce stade : avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La loi antigaspillage prévoit déjà, en son article 72, que les producteurs de téléphones portables ou leurs éco-organismes réalisent chaque année des campagnes nationales de collecte des appareils, accompagnées d’une prime au retour si cela est nécessaire à l’atteinte des objectifs de recyclage pour ces produits. Il paraît donc plus intéressant de s’appuyer d’abord sur le dispositif adopté l’année dernière, d’autant qu’il répond à votre objectif. Je vous demande de retirer votre amendement, car il est satisfait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. On estime que 100 millions de téléphones portables dorment dans les tiroirs et n’arrivent donc pas dans la filière REP.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1983 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit de lancer une expérimentation, sur la base du volontariat, visant à développer des dispositifs de consigne sur les connectiques informatiques et électroniques, les téléphones portables, les ordinateurs et les imprimantes, afin d’améliorer la collecte de ces objets.

Un grand nombre de téléphones dorment dans les tiroirs – 30 millions selon l’ADEME, 100 millions selon Delphine Batho. À cela s’ajoutent toute la connectique. Une consigne permet de s’assurer du retour des matières utilisées : nous l’avons vu s’agissant du plastique et surtout du verre. C’est d’autant plus important qu’il s’agit là de matières nobles. Ce dispositif éviterait que les téléphones, notamment, dorment dans les tiroirs, finissent à la poubelle ou soient jetés dans la nature. Il convient de les récupérer, de les recycler et de les réutiliser.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Même avis que précédemment : il existe déjà une filière REP pour les déchets d’équipements électriques et électroniques, afin que les composants et déchets, y compris les métaux rares, soient collectés et réemployés après utilisation.

Mme Barbara Pompili, ministre. Comme le rappelait Mme la rapporteure, ces équipements ont une durée de vie relativement longue : plusieurs années en moyenne. Cela paraît difficilement compatible avec un dispositif de consigne. Il pourrait être plus pertinent de travailler sur des campagnes de collecte ciblées et accompagnées de primes au retour, comme c’est déjà prévu pour les téléphones portables dans la loi antigaspillage. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Monsieur Lambert, ce n’est pas 100 millions d’après Mme Batho, c’est 100 millions selon le Sénat.

M. François-Michel Lambert. Chère Delphine Batho, il n’y avait aucune intention malveillante dans ma remarque.

Madame la rapporteure, vous dites que, comme il existe une filière REP, il n’est pas utile de prévoir une consigne. Or c’est exactement ce que nous venons de faire pour les bouteilles en verre. Il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures.

Madame la ministre, il existe depuis longtemps un système de consigne sur un temps relativement long et qui malgré tout fonctionne très bien : celui pour les bouteilles de gaz. Le temps de rotation de certaines bouteilles dépasse trente-sept mois. Il n’y a donc aucun obstacle à la création d’une consigne pour les équipements visés : c’est une question de volonté politique.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement l’amendement CS4407 de Mme Fiona Lazaar et l’amendement CS3581 de Mme Nadia Ramassamy.

Amendement CS1844 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit d’une demande de rapport destinée à faire le point de manière exhaustive sur les limites techniques au recyclage des produits en plastique – l’épaisseur, la robustesse ou encore la coloration. Ces questions nous avaient longuement occupés lors de l’élaboration de la loi AGEC. L’expertise technique et scientifique demandée devrait permettre, à une date raisonnable – nous proposons le 1er janvier 2023 –, l’interdiction de toute pratique faisant obstacle au recyclage du plastique. Cela s’intégrerait parfaitement dans la dynamique que vous impulsez avec beaucoup de sagesse en ce qui concerne le verre.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. S’agissant de l’état des lieux que vous demandez concernant les obstacles au réemploi et au recyclage, l’ADEME a engagé une étude qui sera rendue publique et transmise au Parlement. Par ailleurs, la loi AGEC a renforcé les pénalités applicables aux emballages qui ne peuvent intégrer une filière de recyclage. Votre amendement me paraît donc satisfait. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les emballages ménagers sont soumis au principe de responsabilité élargie du producteur et participent donc au dispositif d’écomodulation, qui vise à développer leur écoconception, notamment en termes de recyclabilité. En 2025, les emballages industriels et commerciaux y seront eux aussi assujettis, conformément aux dispositions de la loi antigaspillage.

En outre, la même loi a prévu la création d’emballages standards réemployables d’ici au 1er janvier 2022 pour l’ensemble des emballages, y compris dans les secteurs de la restauration, des produits frais et des boissons.

Le Gouvernement entend développer le recyclage et le réemploi des emballages au travers de ces dispositifs et non en recourant à des interdictions. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Dominique Potier. Nous allons en réalité dans la même direction. L’interdiction de ces emballages en 2023 visait à donner un coup d’accélérateur, mais vous me dites qu’en 2025, quoi qu’il arrive, la fabrication industrielle s’inscrira nécessairement dans des processus vertueux. Dans l’attente d’une analyse plus fine, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1982 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. L’amendement vise à lutter contre le « greenwashing » en imposant aux fabricants, producteurs et distributeurs d’informer les consommateurs, non seulement sur l’incorporation d’éléments recyclés ou biosourcés ayant servi à la fabrication des produits, mais également sur le taux d’incorporation de ces éléments, car ce n’est pas la même chose d’avoir incorporé 1 % de ces produits ou 99 %.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. L’article 13 de la loi AGEC, et non l’article 61, impose aux producteurs et importateurs de produits générateurs de déchets d’informer les consommateurs de leurs qualités et caractéristiques environnementales, notamment l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité etc. La volonté d’informer les consommateurs me semble suffisamment claire et, à moins d’ajouter aussi le taux de réparabilité, le taux de réemploi, le taux de recyclabilité, votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je partage votre souci de mettre fin aux pratiques d’écoblanchiment. D’autres amendements visaient au même objectif et je vous répondrai, là encore, que j’ai prévu, avec la rapporteure, de réfléchir à une meilleure définition du « greenwashing ». En attendant, je vous invite à retirer votre amendement pour participer à ce travail.

M. François-Michel Lambert. Le risque d’écoblanchiment est important, aussi suis-je décidé plus que jamais à maintenir cet amendement. Il suffirait d’ajouter la mention des taux d’incorporation pour avancer. Je remercie la rapporteure de m’avoir signalé l’erreur d’article que je corrigerai en vue de la séance, au cas où l’amendement serait rejeté.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1686 de M. François-Michel Lambert.

Amendements identiques CS2784 de M. François-Michel Lambert et CS3484 de Mme Nicole Le Peih.

M. François-Michel Lambert. La loi AGEC interdit l’usage du terme « biodégradable », en raison d’un risque de confusion. Or, M. le rapporteur général, député du Gers, le département le plus rural de France, le sait fort bien, l’utilisation de plastiques en agriculture peut être extrêmement néfaste. Il conviendrait de permettre l’utilisation de la mention « biodégradable » pour les produits destinés à des usages en agriculture, afin d’aider les agriculteurs à faire le bon choix et à ne pas recourir aux plastiques oxofragmentables qui peuvent se dégrader et se fragmenter sous le soleil.

Mme Célia de Lavergne. Cet amendement vise à aider les agriculteurs à passer des plastiques conventionnels à des matières biosourcées et biodégradables, soumises à des normes européennes, en autorisant la mention « biodégradable » pour les produits destinés à l’agriculture.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Avis défavorable. Nous sommes convenu, lors de l’examen de la loi AGEC, de ne pas retenir les mentions « biodégradable » ou « respectueux de l’environnement » qui pourraient être sources de confusion pour le consommateur. Il ne me semble pas nécessaire de rouvrir le débat, d’autant plus que nous avons voté à l’article 1er l’expérimentation d’un affichage environnemental pour les produits agricoles, sylvicoles et alimentaires. Votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer, sinon j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’interdiction d’apposer le terme « compostable » vise uniquement les produits compostables en compostage industriel et a été introduite par l’article 13 de la loi AGEC qui vise, en premier lieu, à mieux informer le consommateur. En effet, certains produits manufacturés nécessitent des conditions physiques particulières comme de très hautes températures ou la présence de micro-organismes, que l’on ne retrouve pas en compostage domestique et encore moins dans le milieu naturel. Ces amendements étant satisfaits, j’y suis défavorable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Si vous redéposez cet amendement en séance, monsieur Lambert, il faudra le placer après l’article 1er car il relève de l’information du consommateur.

M. François-Michel Lambert. Il ne s’agit pas d’un produit agricole mais d’un support au service de la production agricole. Je ne suis pas certain que l’affichage environnemental s’applique à ce type de produit professionnel. Cependant, madame la ministre, la lecture attentive de l’amendement et votre fine connaissance de ces articles m’ont convaincu et je retire l’amendement.

L’amendement CS2784 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS3484

Amendements identiques CS283 de M. Michel Vialay, CS1293 de Mme Nathalie Bassire, CS1836 de M. Guillaume Garot, CS2638 de Mme Émilie Cariou et CS3461 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. Michel Vialay. Dans le cadre du déploiement de systèmes de consigne pour réemploi sur les emballages, la limitation du nombre d’emballages disponibles, via une standardisation de ces emballages, permet une certaine mutualisation entre producteurs et participe d’un développement plus rapide et efficace du réemploi. Afin d’inciter les producteurs à se saisir des standards d’emballages qui seront définis, l’amendement vise à introduire un bonus sur les emballages réemployables respectant les standards.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit d’inciter financièrement les producteurs en introduisant un bonus sur les emballages réemployables qui respectent les standards définis par la loi AGEC.

M. Gérard Leseul. Peu importent les moyens utilisés, modulation des contributions ou bonus, l’objectif est d’inciter les entreprises à adopter les emballages standardisés.

Mme Delphine Batho. Nous souhaitons inciter les producteurs à utiliser des emballages qui respectent les standards de réemployabilité.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Les cahiers des charges des éco-organismes agréés peuvent fixer des tarifs différenciés de la contribution due par les producteurs quand ils sont dans une filière REP, ces tarifs pouvant être plus bas et bénéficier d’un bonus pour favoriser certains choix des producteurs ou plus élevés et subir un malus pour encourager l’abandon des emballages qui ne seraient pas recyclables ou perturberaient le recyclage.

Votre idée est intéressante et je comprends le sens du travail réalisé par les ONG Zéro Waste France et Réseau Action Climat, mais tout bonus sur une écocontribution fait perdre des recettes financières à l’éco-organisme et risque de diminuer le soutien financier que cet organisme apporte ensuite aux collectivités locales. Si un tel dispositif était adopté, il faudrait trouver un mécanisme de compensation pour les collectivités locales. Je vous invite à les retirer, sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La loi AGEC a prévu d’instaurer les emballages standards d’ici au 1er janvier 2022 pour la restauration, les produits frais et les boissons. Votre proposition est intéressante mais elle se heurte aux obstacles décrits par la rapporteure. Nous pouvons réfléchir au moyen de les contourner d’ici à la séance. En attendant, je vous invite à retirer ces amendements, sinon j’y serai défavorable.

M. Gérard Leseul. Je retire le mien mais je m’étonne, Madame la rapporteure, que vous n’ayez pas d’ores et déjà rédigé un amendement de synthèse comme vous l’aviez fait précédemment. (Sourires.)

L’amendement CS1836 est retiré.

La commission rejette les autres amendements.

Amendement CS150 de M. Michel Vialay.

M. Michel Vialay. Cet amendement tend à ce que l’État s’engage à travailler sur la définition de gammes standards d’emballage en verre, en concertation avec les parties prenantes, afin de faciliter la réutilisation, le réemploi ainsi que le recyclage.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Une démarche de standardisation pourrait être intéressante mais il faut faire attention au cas spécifique des emballages liés au droit de la propriété intellectuelle pour certains produits comme les spiritueux. Certaines marques sont fortes à l’exportation parce qu’elles portent une identité. Une réflexion est engagée pour savoir s’il convient de mener ce travail en parallèle, pour les produits qui ne souffriraient pas de la standardisation. En tout cas, je ne pense pas qu’il faille généraliser la standardisation qui mettrait en péril l’identité de certaines marques, en particulier pour les vignobles. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 65 de la loi AGEC dispose que les éco‑organismes agréés pour la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des emballages ménagers et professionnels définissent des gammes standards d’emballages réemployables pour les secteurs de la restauration, des produits frais et des boissons, sans préjuger du type de matériaux devant être utilisés. Votre amendement serait redondant. Avis défavorable.

M. Michel Vialay. Je ne pensais pas aux bouteilles de vin mais, pour l’avenir, aux bouteilles d’eau. En l’espèce, il y aura du travail !

M. Thibault Bazin. Je partage les réticences de Mme la rapporteure. La filière du vin a besoin de se spécialiser. Pour accroître la valeur ajoutée de leur production, on a demandé aux viticulteurs d’améliorer la qualité de leurs vins. Des labels, AOC, AOP, en attestent mais la bouteille en elle-même, aussi, d’une certaine manière. Il est essentiel que certains vins puissent continuer à se démarquer. Jean-Marie Sermier nous a ainsi appris qu’on ne buvait pas du vin du Jura dans autre chose qu’un clavelin. Qui plus est, à travers ces particularismes locaux, c’est notre patrimoine que nous devons conserver.

M. François-Michel Lambert. Il suffit de consulter le catalogue de l’entreprise Verallia pour constater que des gammes de bouteilles en verre sont déjà proposées pour l’eau. L’amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1845 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. L’amendement concerne le retraitement des déchets de bois. Les opérateurs m’ont sensibilisé à ce problème que nous avons abordé à l’occasion de l’examen de la loi AGEC. Faute d’une filière industrielle capable de les valoriser sur le plan énergétique ou de leur donner une seconde vie, les capacités de stockage sont saturées, au risque de dépasser les seuils fixés par la réglementation ICPE (Installations classées protection de l’environnement), ce qui conduit à les exporter ou à les enfouir à nouveau en décharge.

Cet amendement d’appel vise à établir une feuille de route nationale pour une montée en puissance qualitative et quantitative des filières de traitement des déchets en verre, en plastique et en bois.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. La loi AGEC a déjà défini des stratégies nationales. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Des filières REP assurent déjà le retraitement des déchets en verre, en plastique et en bois – emballages, matériaux, produits de construction, meubles, véhicules etc. Ces filières permettent de réfléchir, en vue de la fin de vie de ces déchets, à la collecte, au tri, au recyclage, à l’écoconception et à l’information des consommateurs. Pour ce qui concerne les déchets en bois, la loi AGEC prévoit de développer les installations de valorisation énergétique des déchets de bois afin de contribuer à la décarbonisation de l’économie lorsque ces déchets ne sont pas recyclables. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Je m’en souviens très bien puisque j’étais l’auteur de cet amendement. Je voulais simplement faire le point. Nous avons dans nos territoires, avec Thibault Bazin, des industries qui se lancent dans la consommation de bois recyclé mais des territoires entiers n’ont pas d’installations qui répondent aux normes ICPE. Où en sommes‑nous de l’application de la loi AGEC pour éviter d’enfouir à nouveau des bois, ce qui représente un coût carbone important alors que nous avons pris la peine de trier, sélectionner, démanteler. C’est absurde. Je retire l’amendement mais j’aimerais savoir où nous en sommes, un an après.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3795 rectifié de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. L’amendement vise à prévoir une clause de rendez-vous, ce qui se justifie pleinement après l’adoption de l’excellent amendement de la rapporteure qui tend à explorer plusieurs pistes, ce qui suppose la remise d’un rapport au Parlement.

Je vous invite à lire attentivement l’exposé sommaire. Valérie Petit y fait référence aux pays voisins. Depuis le début de la soirée, nous nous limitons à un raisonnement franco‑français. Des pays européens voisins, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, ont développé le système de consigne pour le verre. Pourrions-nous envisager de faire converger les dispositifs au niveau européen ? Après la standardisation des contenants, pourquoi ne pas imaginer d’uniformiser les dispositifs de recyclage et de consigne des bouteilles, à l’échelle européenne, ce qui faciliterait grandement la vie de nos entreprises qui évoluent, rappelons-le, dans un marché unique.

Mme Aurore Bergé, rapporteure. Adopter cette clause de rendez-vous reviendrait à prévoir qu’une loi puisse en défaire une autre, ce qui est permis par principe. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Évaluer le système de la consigne trois ans après sa mise en place me semble prématuré alors que les études préalables n’ont pas encore été menées. Quant à l’idée d’harmoniser notre dispositif avec celui de l’Allemagne, ce ne sera pas pour tout de suite, car nous n’avons pas les mêmes contenants en verre. Ce sera un travail de longue haleine. Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. S’il y a bien un domaine pour lequel nous ne devons pas nous comparer aux autres pays, c’est bien celui de la consigne, en raison de la structure de notre pays où des espaces très urbanisés avoisinent des territoires très ruraux comme le Gers. Nous n’avons rien à voir avec des pays comme l’Allemagne ou la Belgique qui, de surcroît, n’ont pas les mêmes politiques marketing que nous. Il serait difficile de déployer les mêmes modèles que chez eux. Déployons déjà le nôtre.

M. Antoine Herth. Dans la mesure où je compte présenter à plusieurs reprises le même type d’amendement, je propose que la rapporteure, afin d’accélérer les débats, communique par smiley. J’en tirerai les conséquences et je retirerai alors mon amendement. (Sourires)

L’amendement est retiré.

Mme Marie Lebec. Je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre pour le travail accompli qui a permis d’avancer et de mettre en évidence l’utilité du travail parlementaire et des discussions entre l’exécutif, les oppositions et la majorité.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je remercie à mon tour Mme la rapporteure pour le travail colossal qu’elle a réalisé.

9.   Réunion du vendredi 12 mars 2021 à 9 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous abordons l’examen du titre II du projet de loi, dont la rapporteure est Mme Cendra Motin.

Nous avons examiné 720 amendements, à un rythme d’environ 27 amendements par heure. Si nous voulons terminer l’examen de ce texte comme prévu, le vendredi 19 mars, il serait souhaitable d’adopter un rythme proche de 40 amendements par heure.

TITRE II
Produire et travailler

Chapitre Ier
Verdir l’économie

Avant l’article 13

Amendement CS230 de M. Éric Girardin.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1329 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. Nous ne pourrons malheureusement pas débattre, au cours de l’examen de ce titre II, de sujets pourtant très importants pour changer de modèle économique afin de lutter contre le changement climatique, comme l’abandon des énergies fossiles ou l’écoconditionnalité des aides versées aux entreprises.

Cet amendement de notre collègue Paula Forteza a eu la chance d’être considéré comme recevable. Il tend à inscrire dans la loi l’obligation de doter les téléphones et smartphones d’une batterie amovible, et celle de donner au consommateur accès à des batteries de rechange pour une durée de dix ans à compter de la dernière date de commercialisation du produit. Le caractère inamovible des batteries concourt à l’obsolescence programmée de ces matériels, qui contribuent fortement à l’empreinte carbone des services de téléphonie et du numérique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) prévoit que les pièces détachées pour les appareils électroniques doivent être mises à disposition des consommateurs pendant une durée fixée par des décrets en cours de rédaction, qui sera supérieure à cinq ans. L’indice de réparabilité donnera, en outre, des informations claires au consommateur au moment de l’achat, ce qui permettra d’éclairer son choix. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Cette réponse ne correspond pas du tout à ce qui est proposé par l’amendement.

M. Loïc Prud’homme. S’il n’y a pas d’obligation d’installation de batteries amovibles, l’indice de réparabilité permettra seulement de constater que l’appareil n’est pas réparable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1332 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Il s’agit d’insérer le nouvel affichage environnemental prévu à l’article 1er, amendé pour prendre en compte un spectre élargi de critères, dans le code du commerce au sein des obligations générales d’information précontractuelle afin d’obtenir un consentement éclairé du consommateur sur l’impact environnemental de son achat.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il ne me semble pas utile de préciser que la lisibilité de l’information permet d’effectuer un choix éclairé, car c’est sous-entendu par le terme même. Il est nécessaire de poursuivre les travaux sur l’affichage environnemental et les expérimentations prévues à l’article 1er avant d’introduire de nouvelles obligations. Demande de retrait.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. L’article 1er modifié renforce la prise en compte de certains critères dans la mise en place de l’affichage environnemental, notamment l’impact carbone des produits et des services. Je précise que les conditions de mise en œuvre de cet affichage environnemental – expérimentation, volontariat, obligation et calendrier – sont différentes en fonction des catégories de biens définies par décret. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Article 13 (articles L. 111‑4‑1 [nouveau], L. 111-5 et L. 131-2-1 [nouveau], sous‑section 19 [nouvelle] de la section 6 du chapitre IV du titre II du livre II, articles L. 224‑67, L. 242-47, sous-section 16 [nouvelle] de la section 4 du chapitre II du titre IV du livre II et article L. 511-6 du code de la consommation) : Mise à disposition de pièces détachées pour certaines catégories de produits

Amendement CS5215 de la rapporteure, amendements identiques CS464 de M. Pierre Vatin, CS664 de Mme Émilie Bonnivard, CS1263 de M. Mohamed Laqhila, CS1921 de M. Vincent Rolland, CS2172 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CS2312 de M. Gérard Leseul et CS4811 de Mme Sira Sylla (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avec cet amendement, je propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 3. Cette réécriture d’une grande partie de l’article 13 permet de converger avec nombre des propositions figurant dans les amendements et de se rapprocher de la formulation retenue par la loi AGEC pour ce qui concerne les pièces détachées, notamment des matériels électriques et électroniques.

Il est précisé que les pièces détachées des catégories de biens mentionnées à l’article 13 – outils de bricolage et de jardinage motorisés, vélos, y compris à assistance électrique, et engins de déplacement personnel motorisés (EDPM) –  doivent être disponibles pendant la période de commercialisation d’un modèle puis pour une durée complémentaire après la mise sur le marché de la dernière unité de ce modèle. Cette durée fixée par décret ne pourra être inférieure à cinq ans, c’est-à-dire celle fixée par la loi AGEC pour la disponibilité des pièces détachées des équipements électriques et électroniques et du matériel médical.

La référence à la « durée de vie moyenne utile estimée » des catégories de produits est supprimée, cette notion n’étant à ce jour pas précisément définie. Fixer une durée minimale de cinq ans constitue donc une garantie juridique pour les constructeurs et les vendeurs.

Dans le même esprit, la notion de « producteurs » est remplacée par celle de « fabricants ou importateurs », comme dans la loi AGEC.

Mme Valérie Beauvais. Je voudrais savoir quels amendements tomberaient en cas d’adoption du vôtre, Madame la rapporteure. Vous étiez en mal d’inspiration et vous vous êtes appuyée sur nos amendements, ce qui est très bien. Merci beaucoup !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Tous les amendements jusqu’au CS4922 de M. Philippe Chalumeau inclus sont susceptibles de tomber.

Mme Valérie Beauvais. À quoi cela sert-il de défendre des amendements qui vont tomber ?

L’amendement CS464 vise à créer une durée minimale de disponibilité de l’outillage spécifique nécessaire à l’installation de certaines pièces détachées. La disponibilité des pièces détachées au cours de la durée de vie d’un produit n’est utile que si l’outillage nécessaire à leur installation l’est également. Or les producteurs recourent de plus en plus à de l’outillage non universel. La longévité exceptionnelle des cycles est remise en question par la forte évolution technique du matériel observée ces dernières années. Ainsi une disponibilité minimale des pièces de rechange, fixée à vingt-cinq ans, leur permettrait d’être réparables sur une durée conforme à l’existant.

M. Martial Saddier. Je ne suis pas convaincu par la rédaction du II de l’amendement de la rapporteure. En indiquant que la période minimale complémentaire de disponibilité des pièces de rechange ne peut être inférieure à cinq ans, on laisse entendre que le législateur lui‑même prévoit que l’obsolescence programmée peut être organisée dès cinq ans après la mise sur le marché du dernier modèle. J’entends que la durée de cette période sera déterminée par décret, mais une fois que ce signal aura été envoyé, il compliquera la tâche du Gouvernement lors des négociations avec les fabricants.

M. Jean-Marie Sermier. Continuer la stratégie qui consiste à ne pas nous fournir le dérouleur des amendements suffisamment en amont n’est pas la meilleure manière de commencer la matinée. Je souligne que nous n’en disposons pas à cet instant pour les articles 23 à 49. Nous n’avons donc rien sur le titre III « Se déplacer », tandis qu’une partie du titre IV « Se loger » n’est pas encore disponible. Vous continuez votre petit manège et nous ne savons absolument pas ce que vous envisagez au sujet de nos amendements. Il faut que les Français sachent que vous avez complètement fermé le débat sur tout ce qui concerne les mobilités et le logement.

Comme l’a relevé M. Saddier, c’est un signal discutable que de fixer à cinq ans la durée de la période minimale complémentaire de disponibilité des pièces de rechange. C’en est un autre que de déterminer une liste de matériels limitée – outils de bricolage et de jardinage motorisés, vélos et EDPM. On aurait pu en envisager une plus large.

Vous êtes en train de supprimer le débat en commission tout en réduisant au maximum la portée de cet article.

M. Gérard Leseul. Mon amendement a été suggéré par le réseau de réparateurs de vélos « L’Heureux Cyclage ». Il vise à rendre disponibles plus longtemps que la durée de vie moyenne, non seulement les pièces détachées des cycles, mais aussi l’outillage nécessaire à leur réparation.

Mme Huguette Tiegna. L’amendement CS4811 a pour objet de renforcer la lutte contre l’obsolescence programmée.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je vous rassure : je ne manquais nullement d’inspiration. Moi aussi, j’ai travaillé et écouté les professionnels des secteurs concernés, et je suis arrivée aux mêmes conclusions que certains d’entre vous. Je me réjouis de cette convergence, car des amendements tomberont peut-être mais ils seront satisfaits.

Il n’est absolument pas question de limiter la disponibilité des pièces détachées à cinq ans après la mise sur le marché du dernier modèle. Il s’agit d’une durée minimale. L’Agence de la transition écologique (ADEME) nous a indiqué que la durée de vie moyenne d’un vélo en France est de sept ans, contre douze ans en Europe. J’entends bien les propositions portant la durée de disponibilité des pièces à vingt-cinq ans, mais nous n’en sommes pas là. Monsieur Saddier, vous connaissez bien les réalités industrielles et vous savez, comme moi, qu’un fabricant ne peut pas produire des pièces de rechange à l’infini et pour des temps indéfinis. Comme dans la loi AGEC, nous obligeons les industriels à produire ces pièces pour des produits qu’ils ne commercialisent plus pendant au moins cinq ans : c’est déjà très important et on peut s’en féliciter.

S’agissant de la disponibilité de l’outillage adéquat, les choses ont aussi été bien faites dans la loi AGEC, puisque l’article L. 441-4 du code de la consommation punit désormais toute pratique ayant pour objet de limiter l’accès d’un professionnel de la réparation aux instruments ou équipements nécessaires.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Cette nouvelle rédaction du dispositif d’obligation de disponibilité des pièces détachées est alignée sur celui de la loi AGEC, en prévoyant que cette disponibilité est requise pendant la période de commercialisation des produits et pendant une période ne pouvant être inférieure à cinq ans après celle-ci. Il sera possible, dans le décret, d’aller au-delà de cette durée plancher de cinq ans, car c’est fort pertinent pour certains produits.

L’abandon de la référence à la notion de durée de vie moyenne des produits est utile, en raison de son imprécision.

Vous serez, comme moi, sensibles au fait que l’article modifié par l’amendement de la rapporteure permettra de renforcer le secteur de la réparation, stratégique pour l’économie sociale et solidaire. Il représente 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, 27 000 entreprises et emploie presque 40 000 salariés.

Avis favorable à l’amendement de la rapporteure et demande de retrait des autres amendements.

M. Loïc Prud’homme. Je m’insurge contre cette manière de procéder ! Depuis hier, vous présentez des amendements de rédaction globale d’articles ou d’alinéas afin de faire tomber les amendements qui suivent. Si l’on ajoute le florilège d’irrecevabilités pour des motifs plus ou moins fallacieux, la discussion est impossible. Outre que la méthode est détestable, vous nous prenez pour des imbéciles. Que la rapporteure assume avoir déposé son amendement pour faire tomber les nôtres. Nous ne sommes pas des perdreaux de l’année !

M. Dominique Potier. Dans la tradition parlementaire, il est souvent d’usage que le rapporteur associe à son travail des auteurs d’amendements, y compris de l’opposition, afin d’arriver avec une rédaction commune en séance publique. Cela permet de tenir une discussion dans un climat plus apaisé et d’obtenir un vote final plus large. Tel n’est pas la méthode retenue pour ce texte. On peut le regretter sans esprit de polémique, même s’il n’y a pas mort d’homme en l’occurrence.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Seul un petit nombre d’amendements tombe.

M. Martial Saddier. Madame la rapporteure, il est tout à votre honneur d’écouter, et nous continuerons, pour notre part, à essayer modestement de vous aider d’ici à la discussion en séance.

Je maintiens qu’il est très maladroit de prévoir que la durée de mise à disposition des pièces de rechange ne pourra être inférieure à cinq ans ; cette base de discussion risque de mettre le Gouvernement en grande difficulté lors des négociations sur la rédaction du décret et ne rend pas service aux consommateurs. C’est particulièrement vrai dans le cas des bicyclettes, lorsque l’on sait que leur durée de vie moyenne en Europe est de douze ans.

M. Vincent Descoeur. Alors que se développent les ressourceries, l’affichage de ce délai de cinq ans est un très mauvais signal. Encourageons sans faiblir la réparabilité.

L’étude de l’ADEME contraste singulièrement avec un examen du parc de vélos des étudiants, car manifestement certains engins ont pu appartenir à leurs parents.

Quant au manque de visibilité sur les amendements portant sur les prochains titres, nous pouvons, d’une certaine manière, être rassurés par les messages transmis toutes les deux heures par l’automate qui nous informe de l’irrecevabilité d’un certain nombre de nos amendements.

M. Gérard Leseul. Pour les bicyclettes, ce délai de cinq ans est beaucoup trop réduit. Compte tenu de la réalité de l’utilisation du parc, il faut prévoir des durées de vingt à trente ans pour la disponibilité des pièces de rechange et de l’outillage.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais répondre aux collègues qui posent à juste titre des questions sur la qualité de nos débats. Tout d’abord je les remercie, car depuis le début de l’examen de ce texte il y a une grande qualité d’écoute. Ne laissons cependant pas planer l’idée que le débat serait confisqué.

Vous connaissez les chiffres : entre 5 200 et 5 400 amendements ont été déposés, le taux d’irrecevabilité se situe dans une fourchette de 20 % à 25 % – la présidente nous donnera le chiffre exact à la fin de l’examen du projet de loi –, soit un niveau relativement classique pour un texte de cette taille. Douze jours de discussion sont prévus en commission. Les articles sont tous disponibles et amendables depuis le début.

On ne peut pas laisser entendre aux Français que le débat n’a pas lieu.

La commission adopte l’amendement CS5215.

En conséquence, les amendements se rapportant à l’alinéa 3 tombent.

Amendement CS1924 de M. Guillaume Garot.

M. Dominique Potier. Plusieurs lois sont intervenues pour lutter contre le gaspillage en favorisant la réparabilité, défendues par les ministres Benoît Hamon, Ségolène Royal et Brune Poirson ; et avec ce texte nous prolongeons, d’une certaine manière, la loi AGEC. Il y a donc une forme de continuité et de consensus, par-delà les arbitrages techniques. Globalement, la France avance sur ces sujets.

L’amendement repose sur l’idée qu’on ne peut pas avancer au seul rythme des lois. Il faut créer un processus permanent, afin de mieux tenir compte des événements, des accélérations technologiques et de l’évolution des modes de vie – qui aurait pu prévoir avant la crise sanitaire l’accroissement de la part du vélo ?

Les temps changent plus vite que les lois. Cet amendement vise à définir un mécanisme permettant d’élargir par décret, après consultation de l’ensemble des parties prenantes, la liste des produits concernés par une obligation de disponibilité des pièces détachées. C’est vraiment intelligent : cela nous permettrait non seulement d’améliorer le dispositif des lois précédentes, mais également d’assurer une continuité dans l’adaptation de la société à l’urgence climatique. Certains d’entre vous opinent : je suis donc plein d’espoir !

Mme Cendra Motin, rapporteure. La loi dite « Hamon a constitué une première étape, suivie par la loi AGEC, dont nous pouvons tous être fiers parce que nous l’avons construite ensemble, en écoutant les professionnels et en avançant au rythme de la société. Si nous proposons d’étendre le champ à la réparation des vélos et des « de bricolage et de jardinage, ce n’est pas par hasard : c’est aussi parce que le « Coup de pouce vélo », mis en place pendant le confinement, a aidé plus de 1,5 million de Français à faire réparer leur vélo.

Certains voudraient ouvrir largement ce dispositif, mais il faut voir ce qu’il est possible de faire. L’ADEME réalise des études de faisabilité portant sur différents produits pour déterminer ceux pour lesquels la réparation est envisageable. Je suis désolée, Monsieur Potier, de doucher vos espoirs mais il me semble dommage de laisser la main au Gouvernement, à qui je fais pourtant confiance, pour agir par décret, nous privant ainsi de la possibilité d’en discuter. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. L’amendement vise à introduire une obligation de disponibilité des pièces détachées applicable à toutes les catégories de produits, en renvoyant la définition de cette catégorie à un décret en Conseil d’État. C’était l’option initialement envisagée par le Gouvernement. Toutefois, dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a souligné qu’une telle option serait inconstitutionnelle parce qu’elle impliquerait une incompétence négative du législateur concernant une obligation générale pesant fortement sur la liberté d’entreprendre. L’article 13 restreint, en conséquence, le champ des catégories de produits concernés en ciblant celles présentant le plus d’enjeux en matière de réparabilité. Pour conclure, le pouvoir réglementaire ne peut pas décider de nouvelles catégories : c’est au législateur d’exercer sa compétence sur ce sujet. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne. L’amendement de nos collègues du groupe socialiste est très intéressant. Le Parlement pourrait discuter d’un mécanisme permettant au Gouvernement d’allonger la liste par décret, évitant ainsi de repasser systématiquement par le Parlement. Mais, compte tenu de votre réponse, mon argument va sans doute tomber à l’eau.

M. Raphaël Schellenberger. Proposer un amendement de réécriture de l’article dès le début de son examen est une mauvaise méthode, car elle empêche tout débat. Je peux entendre que le mécanisme présenté par M. Potier dans son amendement est trop large, d’un point de vue juridique. Mais si nous avions travaillé plus dans le détail la rédaction de l’amendement de Mme Motin, nous aurions pu trouver un point d’équilibre. Le législateur ne peut pas se satisfaire de phrases telles que « Les fabricants ou les importateurs d’outils de bricolage et de jardinage motorisés, de bicyclettes, y compris à assistance électrique et d’engins de déplacement personnel motorisés […] » : c’est invraisemblable de lire des choses pareilles ! La bicyclette entre dans la catégorie plus large listée juste après, il y a des répétitions… Cette rédaction brouille le message que nous devons envoyer aux Français. En ce sens, la proposition de M. Potier me semble adaptée à une vision plus ambitieuse de la réparabilité.

Mme Delphine Batho. Le taux d’irrecevabilité des amendements au titre de l’article 45 s’élève, à la date d’hier soir, à 37,73 % : c’est un record. Par ailleurs, si les députés qui déposent des amendements déclarés irrecevables en reçoivent la notification, le grand public et les citoyens n’en sont pas informés. C’est un problème de fond : alors que nous examinons un sujet majeur, à savoir la transformation de l’économie pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, des amendements sont purement et simplement écartés du débat, de même que des propositions de la Convention citoyenne. On pourrait dire que c’est la Ve République dans toute sa brutalité, mais cela pose également un problème juridique puisque des amendements ont été déclarés irrecevables alors qu’ils avaient un lien direct ou indirect avec le texte. Ce fut le cas pour l’un de mes amendements sur la durée de vie des produits.

M. Dominique Potier. Votre amendement, Madame la rapporteure, qui en a fait tomber tant d’autres, a été déposé cinq jours après ceux de nos collègues – il est vrai que vous n’avez pas les mêmes contraintes. Vous avez donc pu travailler en tenant compte de nos amendements. Je pense toutefois qu’il y a une autre manière de faire, que l’on pourrait appliquer à l’amendement présent. J’ai bien entendu l’explication juridique que vous nous avez apportée, mais je retiens que c’était l’intention initiale du Gouvernement – je reconnais bien là le souci de votre majorité de trouver en permanence des solutions pour s’adapter à une société en mouvement. Je vous propose donc d’adopter cet amendement et d’essayer de trouver, d’ici à la séance, un mécanisme permettant d’acter chaque année les nouvelles catégories de produits – en confiant par exemple cette tâche à la commission du développement durable ou à la commission des affaires économiques –, parce que le monde aura changé et qu’il faudra pouvoir agir sans attendre le vote d’une loi.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Pour répondre aux demandes récurrentes de Mme Batho, compte tenu du volume considérable d’amendements qui ont été déposés, nombre d’entre eux sont encore en cours de traitement par les services de l’Assemblée. Les taux ne sont pas ceux que vous indiquez, Madame Batho, mais j’attends d’avoir des chiffres fiables pour les transmettre à chaque groupe, en toute transparence.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5217 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il s’agit de prévoir des sanctions en cas de non‑respect de l’obligation de disponibilité des pièces détachées. Le montant de cette amende administrative ne pourrait excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. Ces plafonds sont significativement supérieurs à ceux actuellement prévus dans le code de la consommation pour le non-respect de l’obligation d’information du consommateur, respectivement de 3 000 euros et 15 000 euros. L’amendement vise également à augmenter les plafonds des amendes prévues pour le non-respect de l’obligation de disponibilité des pièces détachées de matériel médical, instaurée par la loi pour une économie circulaire.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je suis particulièrement favorable à cet amendement. J’ajoute, en reprenant les mots de Jean Bodin, que « la loi en soi ne porte que les commandements ou défenses qui seraient illusoires si la peine et le magistrat ne leur donnaient une sanction ».

M. Martial Saddier. S’il est bien normal de prévoir des sanctions et de fixer le montant de l’amende ou le quantum de la peine, il appartient au Parlement d’en définir la fourchette. Toutefois, pour une société qui vend des vélos électriques dans le monde entier, ce ne sont pas 75 000 euros qui la dissuaderont d’arrêter de fournir des pièces détachées. L’enjeu, ce sont les délais : il faudra donc impérativement revenir en séance sur la discussion précédente.

M. Raphaël Schellenberger. Si une amende de 75 000 euros représente peu de choses pour une multinationale, une amende de 15 000 euros, à l’inverse, pourrait être énorme pour une start-up. Il conviendrait de reconnaître un droit à l’erreur à des entrepreneurs qui apporteront demain peut-être des solutions nouvelles en matière d’environnement, d’écologie, de recyclabilité. Il me semble un peu cavalier d’introduire ce genre de dispositif par voie d’amendement, sans étude d’impact.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS5216 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il vise à étendre aux nouvelles catégories de produits – vélos, vélos à assistance électrique, engins de déplacement personnels motorisés, outils de jardinage et outils de bricolage – l’obligation pour les professionnels de l’entretien et de la réparation de proposer des pièces de rechange issues de l’économie circulaire, à la place des pièces neuves. Cette obligation est déjà prévue pour les véhicules à deux roues, les équipements électroniques et électriques, les équipements médicaux. La liste précise des produits et des pièces concernées, ainsi que les conditions dans lesquelles les professionnels ne seront pas tenus de proposer ces pièces, seront fixées par voie réglementaire. Cet amendement prévoit également des sanctions administratives en cas de non-respect de cette obligation. Je tiens à rassurer M. Schellenberger, il s’agira de peines maximales, que les juges appliqueront de façon proportionnée.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Cette initiative permettra de dynamiser l’économie circulaire, notamment dans le secteur du réemploi. L’intérêt d’une telle mesure justifie d’étendre cette obligation aux nouvelles catégories de produits. Les filières à responsabilité élargie des producteurs, dites filières REP, qui seront créées à compter de 2023 pour les outils de bricolage et de jardinage, ainsi que pour les articles de sport et de loisirs, y compris les vélos, pourront servir d’appui à la structuration croissante de telles filières. Avis favorable.

M. François-Michel Lambert. C’est une très bonne initiative de notre rapporteure, dans la continuité de la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte, notamment de son titre IV sur l’économie circulaire. Depuis le 1er janvier 2017, les réparateurs automobiles ont l’obligation de proposer tout à la fois une offre de pièces de seconde main et des pièces neuves. Avez-vous dressé un bilan de cette disposition, avant de songer à l’étendre ?

M. Thibault Bazin. Nous sommes en train de procéder à une réécriture totale de l’article, qui passera de cinq à vingt-cinq alinéas, si j’additionne les amendements de la rapporteure. C’est à se demander si le projet de loi qui a été présenté par le Gouvernement était le bon ! Madame la rapporteure, pouvez-vous nous assurer que vous ne présenterez pas de nouveaux amendements en séance ? Nous espérons que ceux que nous déposerons sur la base de cette nouvelle rédaction de l’article ne tomberont pas.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS5218 de la rapporteure, CS1445 de M. Thibault Bazin, CS4699 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt et CS5084 de M. Jean-Marie Sermier.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je vais dire que mon amendement est défendu afin de laisser mes collègues ayant eu la même idée que moi présenter leurs arguments.

M. Thibault Bazin. Afin de laisser un délai raisonnable de concertation des parties prenantes, de consultation du public puis de publication du décret d’application du présent article, d’une part, et un délai raisonnable d’adaptation des entreprises, d’autre part, je vous propose de décaler l’entrée en vigueur de cette disposition au 1er janvier 2023. Nous avons pu constater, lors des auditions, que l’attente sur ce point était forte. Il s’agit d’un amendement de bon sens.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il s’agit de substituer l’année 2023 à l’année 2022, à la fin de l’alinéa 5. Reporter l’entrée en vigueur d’un an n’a rien d’insurmontable et donne à la filière le temps de s’organiser.

M. Jean-Marie Sermier. Mon amendement est excellent, à tel point que Mme la rapporteure l’a repris pour faire tomber les nôtres, alors qu’elle aurait pu nous associer à la rédaction de son propre amendement. Je constate, depuis ce matin, une gradation dans la confiscation du débat : 43 % des amendements sur le titre II sont irrecevables ; on dépose des amendements qui font tomber tous les nôtres. Depuis le début, vous ne cessez de restreindre la parole des groupes d’opposition. Je trouve particulièrement scandaleux que l’on ne puisse pas discuter d’un texte de loi aussi important !

Mme Cendra Motin, rapporteure. Pour vous montrer ma bonne volonté, je vais retirer mon amendement et je me rangerai à vos arguments, puisque nous avons les mêmes. Il est, en effet, important de laisser à la filière le temps de s’organiser, même s’il y a déjà de très nombreux réparateurs de vélos. L’opération Coup de pouce vélo du Gouvernement a permis de les mettre en lumière et de leur envoyer plus de 1,5 million de Français. La dynamique est lancée : nous devons simplement l’accompagner dans les bons délais.

Mme Delphine Batho. La ministre Barbara Pompili avait dit qu’elle n’accepterait aucun recul dans ce texte. Or, après l’abandon de la généralisation de la consigne du verre adopté hier, nous votons aujourd’hui le report d’un an de la disposition sur les pièces détachées. Par ailleurs, tous les autres amendements sur le vélo ont été déclarés irrecevables.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je salue le geste de la rapporteure et j’émets un avis favorable sur tous les amendements identiques. Pour répondre à l’interpellation de Mme Batho, je précise que l’idée n’est pas de laisser le temps filer, mais de se donner le temps nécessaire à l’élaboration du décret d’application, en concertation avec les acteurs et les opérateurs concernés, afin de leur permettre de s’adapter au mieux à leurs nouvelles obligations. Ce n’est donc en rien un recul.

L’amendement CS5218 est retiré.

La commission adopte les amendements restants.

Elle adopte l’article 13 ainsi modifié.

Après l’article 13

Amendement CS473 de M. Pierre Vatin.

M. Jean-Marie Sermier. Il vise à clarifier l’obligation de fournir des pièces détachées pour tous les biens fabriqués ou importés en France. Nous proposons d’obliger les producteurs à fournir les pièces détachées d’origine et des pièces compatibles pendant quinze ans.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Votre amendement vise tout d’abord à supprimer l’obligation d’informer sur la non-disponibilité des pièces détachées ; or, nous souhaitons précisément que le consommateur en soit informé. Vous souhaitez ensuite élargir l’obligation de disponibilité des pièces détachées à tout bien meuble ; cela nous semble excessif. Vous proposez, pour les équipements électriques et électroniques, d’étendre la durée minimale de mise à disposition des pièces de cinq à quinze ans ; il nous paraît préférable de conserver une période commune de cinq ans et de l’étendre au besoin par décret.

Enfin, vous proposez que, pour certaines catégories de biens, des pièces détachées de l’économie circulaire puissent être mises à la disposition des vendeurs professionnels et des réparateurs : cela est déjà prévu pour le matériel électrique et électronique, et nous venons d’adopter une telle disposition pour les nouveaux produits que nous introduisons dans la loi.

M. Jean-Marie Sermier. Notre collègue Pierre Vatin a construit son amendement à partir des réflexions de la Convention citoyenne. Je constate donc que vous balayez les propositions de la Convention citoyenne en la matière.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1484 de Mme Paula Forteza.

Mme Paula Forteza. Il vise à ouvrir le canal de communication des objets connectés, qui leur permet de recevoir et d’émettre des données. Ces appareils sont ceux qui auront le plus grand impact environnemental dans les prochaines années – davantage que les ordinateurs ou les téléphones d’ici à 2025. Les objets connectés sont bloqués par l’entreprise qui les vend et deviennent obsolètes si celle-ci fait faillite ou ne met plus à jour ses services ; il est donc nécessaire de permettre la poursuite de l’utilisation de ces objets dans pareille hypothèse.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen de la loi pour une économie circulaire. Votre amendement soulève plusieurs difficultés : l’interface de programmation d’un objet n’est pas suffisamment bien définie pour y faire référence ; cette notion pourrait renvoyer à des éléments qui ne sont pas forcément nécessaires au bon fonctionnement d’un produit ; cela risque de poser des problèmes en matière de propriété intellectuelle – nous discuterons bientôt d’une proposition de loi sénatoriale sur le sujet. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Dans le code de la propriété intellectuelle, il est prévu, depuis 2009, la possibilité demander à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) de garantir l’interopérabilité des systèmes et des services existants, et d’obtenir du titulaire des droits des informations essentielles à cette interopérabilité, dont les interfaces de programmation, qui font l’objet de votre amendement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2370 de Mme Paula Forteza.

Mme Paula Forteza. Imposer l’ouverture du code source lorsque la mise à jour n’est plus disponible permet d’éviter l’obsolescence logicielle, presque plus importante que l’obsolescence matérielle, et donc d’allonger la durée de vie des appareils.

J’aimerais quelques explications sur les critères de recevabilité des amendements, car j’ai du mal à comprendre pourquoi certains sont recevables et d’autres pas. J’aimerais connaître, outre le taux d’irrecevabilité, la doctrine qui, d’une manière générale, a été appliquée.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement pose un problème de respect des droits de la propriété intellectuelle. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4446 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Il s’agit de garantir le droit du consommateur de choisir librement son réparateur et de permettre l’autoréparation. Quiconque a, comme moi, un goût pour le bricolage et une caisse à outils bien garnie, a vu fleurir ces derniers temps les vis indévissables, avec des empreintes particulières, ou encore les outils spécifiques introuvables, si ce n’est chez le fabricant lui-même. Cela empêche le dépannage des objets les plus simples. L’obsolescence programmée est le corollaire de la surconsommation et de la surproduction de déchets ; nous souhaitons y mettre un terme.

Cet amendement répond également à la demande de la Convention citoyenne de rendre obligatoire la possibilité de réparer les produits manufacturés vendus en France, d’assurer la disponibilité des pièces détachées d’origine pendant une durée définie, de développer les ateliers de réparation et de garantir l’accessibilité des services après-vente.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’entrave à l’accès d’un professionnel de la réparation aux pièces détachées constitue déjà un délit, assorti d’une sanction pénale, tout comme l’obsolescence programmée, qui couvre le cas d’une pratique ayant délibérément pour but d’empêcher la réparation du produit. Enfin, les techniques visant, pour un metteur sur le marché, à ne pas pouvoir réparer ses produits en dehors des circuits agréés sont prohibées. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même si j’ai une tendresse particulière pour les bricoleurs, j’émets un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par la rapporteure.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4451 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Celui-ci tend à élargir le fameux indice de réparabilité à tous les produits et à en faire un outil de régulation au service d’une économie plus durable. Cela permettrait, en dessous d’un certain seuil, de refuser la mise sur le marché de produits qui seraient mal notés. L’affichage de l’indice de réparabilité, obligatoire depuis le 1er janvier 2021, présente une note sur dix et informe les consommateurs sur le caractère plus ou moins réparable des produits concernés, mais cela ne concerne qu’une faible partie des produits électriques et électroniques. De plus, sa vocation est purement informative. Nous défendons l’idée d’une planification par l’État de la bifurcation écologique. Un tel outil pourrait être mis au service d’une application concrète de la règle verte, que nous appelons de nos vœux. Cela implique de ne pas prélever à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. Cette perspective est hautement compatible avec les propositions de la Convention citoyenne visant à améliorer la durabilité des produits.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Votre amendement est un peu prématuré puisque nous venons tout juste de mettre en place l’indice de réparabilité pour les matériels électriques et électroniques. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. L’indice de réparabilité concerne cinq catégories de produits électriques et électroniques. Il est d’ores et déjà envisagé de l’étendre à d’autres catégories par voie réglementaire. Une interdiction fondée sur un indice de réparabilité insuffisant ne peut pas s’appliquer aux produits fabriqués ou commercialisés depuis d’autres pays de l’Union européenne, du fait du principe de libre circulation des produits sur son territoire.

Nous misons sur l’information du consommateur et sur l’adaptation des filières. L’expérience du Nutri-score est intéressante : plutôt que d’interdire des produits alimentaires dont le Nutri-score serait mauvais, on mise sur l’information et le libre arbitre de nos concitoyens, dont la sensibilité à l’environnement est de plus en plus importante. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme. L’impérieuse nécessité d’étendre l’indice de réparabilité n’a rien de prématuré : c’est le retard dans son application qui est coupable ! Quant à la sacro‑sainte règle de la concurrence libre et non faussée au sein de l’Union européenne, qui empêcherait de prendre des mesures ambitieuses sur le climat et la préservation de nos ressources, ce n’est qu’une question de priorité politique. On comprend bien quelles sont les vôtres.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1606 de M. André Chassaigne.

Amendement CS4453 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. Il vise à avancer la date d’entrée en vigueur de l’indice de durabilité au 1er janvier 2022 et à en faire un outil de régulation au service de la relocalisation d’une production plus durable.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable, car il a fallu deux ans pour construire l’indice de réparabilité dont le déploiement vient tout juste de commencer. L’indice de durabilité est prévu pour 2024 : mieux vaut en rester là.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4127 de Mme Béatrice Piron

M. Yannick Kerlogot. Il s’agit d’ajouter la possibilité d’une recharge aux critères de performance environnementale ouvrant droit à la prime accordée par l’éco-organisme aux producteurs. En effet, la recharge permet de prolonger la durée de vie des conditionnements et nécessite moins d’emballage que le produit rechargeable. Le secteur des cosmétiques, par exemple, propose des produits rechargeables et des écorecharges afin de limiter les conditionnements à usage unique. L’amendement vise à encourager cette pratique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il est satisfait : la contribution peut déjà être modulée en fonction des possibilités de réemploi ou de réutilisation du produit. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements CS4447 de Mme Mathilde Panot, CS1394 de Mme Paula Forteza et CS1926 de M. Guillaume Garot (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme. Conformément au souhait de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) de promouvoir les filières de réparation, et pour contribuer au passage d’une économie du tout jetable à une économie durable, nous proposons d’appliquer un taux de TVA réduit à cette activité, également pourvoyeuse d’emplois.

Mme Paula Forteza. Mon amendement a le même objet. Je m’interroge sur la cohérence des décisions relatives à la recevabilité des amendements : un autre de mes amendements a été jugé irrecevable alors qu’il est rédigé de manière identique, à ceci près qu’il porte sur les produits électriques et électroniques reconditionnés.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il n’est donc pas identique.

Mme Paula Forteza. Je voudrais simplement une explication ! Pourquoi cette décision ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Écrivez-moi, et je vous répondrai.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons, pour notre part, une TVA circulaire sur la réparation de vélos, y compris à assistance électrique, afin de développer l’usage du vélo et de favoriser l’emploi dans le secteur.

Mme Cendra Motin, rapporteure. J’estime, à titre personnel, que c’est dans le cadre du budget que de telles mesures devraient être discutées – nous le faisons d’ailleurs régulièrement depuis près de quatre ans.

Sur le fond, il ne me semble pas souhaitable de toucher à la TVA chaque fois que l’on veut soutenir une filière. Les dispositions que nous votons – le Coup de pouce vélo, valable jusqu’au 31 mars, les 350 millions d’euros prévus dans le plan de relance au profit des métiers du recyclage, majoritairement présents dans des entreprises relevant de l’économie sociale, solidaire et responsable – vont déjà permettre d’aider le secteur de la réparation. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons : le débat relève en effet du projet de loi de finances – j’ai une pensée émue pour les discussions que nous consacrons chaque année à la TVA dans ce cadre, souvent longues de quarante-huit heures… En outre, le taux réduit de TVA ne nous semble pas être le meilleur outil pour inciter à la réparation, car son effet sur le prix est très limité, pour un coût budgétaire très élevé.

Mme Chantal Jourdan. Un amendement similaire, déposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, avait été adopté par l’Assemblée nationale avant d’être remis en cause par le Gouvernement. Voilà pourquoi nous y revenons aujourd’hui.

M. François-Michel Lambert. Sur le fond, la réduction du taux de TVA a un effet sinon sur le prix, du moins sur les marges des acteurs économiques, leur permettant ainsi de continuer à proposer des offres même quand leurs résultats sont négatifs. On l’a vu dans le secteur de la restauration.

Sur la forme, je n’ai rien contre les amendements de mes collègues qui ont eu la chance d’être déclarés recevables, mais j’aimerais savoir si de tels amendements, qui proposent des charges nouvelles pour l’État, ont un espoir d’être jugés recevables en vue de la séance publique. Je constate, en effet, que vous avez considéré comme irrecevables tous mes amendements créant une charge pour le budget de l’État, et je respecte cette décision, Madame la présidente, mais je voudrais savoir si je dois les redéposer ou si cela ne vaut pas la peine d’embêter l’administration de l’Assemblée et mes collaborateurs.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Ce cas de figure relève de l’article 40 de la Constitution, donc du président de la commission des finances. En vertu de l’article 40, tout amendement créant une perte de recettes pour l’État doit être gagé pour ne pas être déclaré irrecevable.

M. François-Michel Lambert. Tous mes amendements créant une perte de recettes sont gagés. Je vais donc me tourner vers le président de la commission des finances.

Mme Delphine Batho. La TVA dite circulaire, qui permet d’accorder un bonus aux produits vertueux en matière de réparation, est essentielle. On sous-entend parfois que les écologistes seraient pour les taxes, mais quand nous proposons des bonus ou des baisses d’impôts sur des produits vertueux, on les écarte…

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1399 de Mme Paula Forteza

Mme Paula Forteza. Nous proposons une transposition du Coup de pouce vélo aux appareils électriques et électroniques, sous la forme d’un chèque réparation pouvant atteindre 50 euros par an, pour réparer un écran, une batterie, reformater un téléphone portable, etc.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les filières sont en train de se mettre en ordre de marche pour se développer : laissons-les faire avant d’envisager un soutien financier. De plus, comment un crédit d’impôt, tel celui que vous proposez, pourrait-il avoir un effet sur le consommateur si celui-ci n’en perçoit le bénéfice que douze ou dix-huit mois après l’achat ? Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis.

Madame Batho, je comprends votre point de vue, mais je ne le partage pas. Nous privilégions l’information du consommateur, mais aussi l’éco-contribution, qui permet de faire varier le prix final dans une proportion allant jusqu’à 20 %, et les investissements dans les filières REP prévus dans la loi AGEC, auxquels s’ajoutent, dans le cadre du plan de relance, 500 millions d’euros destinés au fonds économie circulaire de l’ADEME, dont plus de 20 millions concernent directement le développement de la réparation et des ressourceries en vue de favoriser le réemploi.

Mme Paula Forteza. La façon dont notre dispositif a été conçu s’explique par les contraintes de la recevabilité financière, mais j’aimerais que le Gouvernement réfléchisse à d’autres mécanismes ayant le même objet, car c’est une demande des filières elles-mêmes, avec lesquelles nous avons travaillé.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS3390 de M. Damien Adam, rappporteur thématique, et CS2020 de M. François-Michel Lambert (discussion commune)

M. Damien Adam. Nous abordons un cavalier qui sonne comme une Arlésienne… Il s’agit d’une mesure que nous avons votée sur proposition du Gouvernement dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, qui a été censurée au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, que j’ai fait réintroduire dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) et qui a alors de nouveau subi la censure du Conseil constitutionnel.

L’amendement vise à organiser de manière progressive et adaptée la libéralisation du marché des pièces détachées visibles pour automobiles. J’ai bon espoir qu’il ne soit pas, cette fois, considéré comme un cavalier, puisque l’article 13 parle explicitement des pièces détachées.

Concrètement, il permettra que les dessins et modèles des rétroviseurs, des pièces de vitrage ou d’optique ou de la carrosserie de première monte, c’est-à-dire d’origine, ne soient plus la propriété exclusive du constructeur, mais puissent être utilisés par n’importe quel fabricant pour produire et vendre des pièces aux particuliers. Pour les autres pièces de carrosserie, il prévoit de faire tomber les dessins et modèles dans le domaine public au bout de dix ans.

Une telle libéralisation permettra d’étendre le parc des pièces détachées et d’accroître ainsi la durabilité des véhicules en facilitant leur réparation. En outre, selon l’Autorité de la concurrence, l’ouverture de ce marché à la concurrence entraînerait un gain de pouvoir d’achat pour les Français en abaissant le prix des pièces détachées de 6 % à 15 % en moyenne.

Telles sont les bonnes raisons pour lesquelles nous avons déjà voté par deux fois semblable amendement.

M. François-Michel Lambert. Je salue le fait que cette mesure, dont nous parlions déjà à l’époque de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ait pu être adoptée, avant d’être censurée. Le sujet est plus que jamais d’actualité : il importe de ne plus gâcher de véhicules du fait de la captation de la propriété intellectuelle de certains éléments, de carrosserie notamment, par certains constructeurs. Ainsi, on permettrait de réparer les pièces et on restituerait beaucoup de pouvoir d’achat et, par là même, de sérénité à ceux qui ont peu de moyens pour le faire.

Mme Cendra Motin, rapporteure. C’est vrai, l’article 13 aborde le sujet des pièces détachées, mais il s’agit de celles fournies par les fabricants et par les importateurs des produits. Les amendements s’attaquent à un tout autre problème, celui des brevets et de la propriété intellectuelle. De plus, alors que l’article concerne les outils de bricolage et de jardinage ainsi que le vélo, ils visent le marché hyper concurrentiel de l’automobile. Ils sont donc, en réalité, très éloignés du sujet de l’article.

Quant à la volonté de renforcer la filière de réparation, je rappelle qu’il est possible d’utiliser des pièces issues de l’économie circulaire et faites par les fabricants pour réparer des voitures.

En outre, si je peux comprendre que vous soyez pressé de voir la mesure entrer en vigueur, votre amendement, Monsieur Adam, ne comporte aucune date de mise en application différée, ce qui signifie que la disposition serait d’application immédiate. Quant à l’amendement de M. Lambert, il en prévoit plusieurs, mais l’une d’entre elles reste fixée au 1er janvier 2021 alors que la loi ne saurait être rétroactive.

Le moment n’est pas le bon pour le secteur automobile, dont les chiffres ont chuté en 2020 à leur niveau de 1975 et auquel vous ne laissez pas le temps de se préparer.

Bref, l’objectif est louable, mais je crains que ce ne soit ni le bon texte, ni le bon moment. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage très clairement l’objectif visé par les deux amendements.

Après l’historique rappelé par M. Adam, nous ne prendrons plus le risque d’une nouvelle censure. Mais je sais que le groupe La République en marche devrait déposer dans les prochaines semaines, voire dans les prochains jours, une proposition de loi ayant pour objet la libéralisation du marché des pièces détachées.

Je vous suggère donc de retirer vos amendements au profit de cette proposition de loi, dont il m’a été assuré qu’elle traiterait le sujet qui vous préoccupe. Sur un sujet aussi important, il faut se doter du bon véhicule, si j’ose dire. À défaut, mon avis sera défavorable.

M. Guillaume Kasbarian. On voit l’intérêt du contrôle constitutionnel des cavaliers législatifs. Ceux qui se plaignent sans cesse que trop d’amendements soient déclarés irrecevables sont souvent ceux qui forment ensuite des recours devant le Conseil constitutionnel et découvrent alors l’existence de cavaliers… C’est ce qui s’est passé au sujet de la loi ASAP, notamment à propos de la disposition en discussion.

Sur le fond, tout le monde est d’accord avec celle-ci. Ancien rapporteur de la loi ASAP, j’y étais évidemment favorable, comme le Gouvernement, et députés comme sénateurs l’avaient votée.

Je respecte les décisions de la présidente concernant l’irrecevabilité, quelles qu’elles soient, et j’imagine que si les amendements en discussion ont été déclarés recevables, c’est qu’il ne s’agit pas de cavaliers dans le présent texte. Restons cohérents : on ne peut pas être un jour favorable, le lendemain défavorable, en changeant chaque fois d’arguments. Si la discussion devait déboucher sur un rejet ou sur un retrait, avançons d’ici à l’examen en séance au lieu de botter en touche et de renvoyer aux calendes grecques un sujet aussi important. Ce serait non seulement courtois, mais logique.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mme la ministre a fait une belle ouverture ; nous en sommes preneurs et je pense que nous n’aurons qu’à nous en féliciter.

M. Raphaël Schellenberger. Ce n’est pas la première fois ce matin que nous abordons des amendements qui touchent à la propriété, notamment intellectuelle – il en a été précédemment question au sujet de la domotique. Ce débat, récurrent à l’Assemblée depuis le début du quinquennat, doit être abordé séparément et pour ce qu’il est. Sous la forme ici proposée, on aboutira nécessairement à un cavalier. Madame la ministre, traiter un sujet aussi important et prioritaire dans une proposition de loi, donc sans étude d’impact mesurant ses effets sur la filière et sur notre conception de la propriété intellectuelle, voilà une méthode, pour le coup, un peu cavalière !

M. François-Michel Lambert. Madame la rapporteure, que j’aie laissé dans mon amendement la date du 1er janvier 2021 résulte du fait que nous avons repris un amendement très ancien et aurait pu être rectifié par un sous-amendement de votre part.

Je le dis sans manquer de respect, il est tout de même incroyable de répondre que l’on est d’accord mais que l’on va attendre la proposition de loi du groupe majoritaire. Je veux bien que l’on coche une case de plus dans la liste des réussites de la majorité – qui sont des réussites collectives. Mais quelle proposition de loi ? Quand sera-t-elle débattue ? Quand sera-t-elle définitivement adoptée, mise en œuvre ? Si c’est dans plusieurs années, ce seront plusieurs années de pouvoir d’achat perdues pour les Français, pendant lesquelles des voitures qui auraient pu continuer à rouler seront détruites.

M. Damien Adam. Je me suis, moi aussi, contenté de reprendre le texte de l’amendement voté par deux fois par le Parlement, dont la première sur proposition du Gouvernement. Comme l’a dit M. Lambert, rien ne vous empêchait de le sous-amender, Madame la rapporteure, pour y ajouter une date d’entrée en vigueur.

Depuis la loi ASAP, l’examen par la commission de la recevabilité des amendements est devenu beaucoup plus strict et écarte beaucoup plus de cavaliers potentiels. Si les amendements en discussion ont été déclarés recevables, j’ai donc bon espoir qu’ils ne subissent pas la censure du Conseil constitutionnel.

Quant à la proposition de loi annoncée, pourquoi faire une proposition de loi sur un sujet qui peut être voté dans le cadre d’un projet de loi ? Membre du groupe majoritaire, je souhaiterais que celui-ci consacre ses propositions de loi à des sujets émanant vraiment des parlementaires et ne pouvant être inclus dans un projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1410 de Mme Paula Forteza

Mme Paula Forteza. Il s’agit d’une demande de rapport sur l’opportunité du chèque réparation pour les appareils électriques et électroniques, que je vous ai précédemment proposé. Vous le jugiez prématuré, Madame la rapporteure : un rapport permettrait d’y réfléchir et d’identifier les meilleurs moyens de le mettre en œuvre.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Nous préférons privilégier le fonds de réparation, qui vise, comme vous le souhaitez, à réduire le prix de la réparation pour le consommateur. Mais il ne tient qu’aux députés de consacrer un rapport au sujet dans le cadre d’une mission d’information. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1754 de M. Thibault Bazin et CS1847 de M. FrançoisMichel Lambert

M. Thibault Bazin. Puisque la rapporteure estime que le sujet relève du projet de loi de finances (PLF), je propose que le Gouvernement, à la date de dépôt du prochain PLF, soit a priori le dernier mercredi de septembre, nous remette un rapport sur l’opportunité d’un crédit d’impôt sur la réparation. Ce dernier correspond à une proposition de la CCC, la proposition PT1.3 du volet « Produire et travailler » du rapport final, et a également été évoqué à plusieurs reprises pendant les travaux sur la feuille de route pour l’économie circulaire. Mais son opportunité n’a fait l’objet d’aucune étude sérieuse.

Il ne s’agit pas de TVA ni de subvention, mais d’inciter financièrement à réparer les produits au lieu d’en acheter de nouveaux, donc à réduire la quantité de déchets. Cet amendement de bon sens n’emporte aucun coût.

M. François-Michel Lambert. Mme la ministre dira peut-être que le Parlement peut se charger du rapport que nous demandons. Mais on sait très bien qu’il ne le fera pas. Il s’agit d’un enjeu dont nous avons maintes fois débattu dans l’hémicycle face au rapporteur général, sur des fondements que nous n’avions pas : quels seraient les effets du dispositif ? Seraient-ils vraiment positifs pour le climat, l’économie de ressources, la création locale de richesse, le pouvoir d’achat des Français ? Le rapport que nous sollicitons fournirait une bonne base pour trancher lors du prochain PLF. À défaut, nous devrons en reparler chaque année.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le rapport en question pourrait être fait par la rapporteure spéciale du budget des transports, Mme Zivka Park. Je vous incite à vous tourner vers elle ; je pense qu’elle se saisira du problème avec beaucoup de bonne volonté. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. J’allais dire la même chose. Un rapport serait justifié, mais aux parlementaires de s’en saisir. Monsieur Bazin, le problème n’est pas qu’il s’agisse ou non de TVA : tout crédit d’impôt relève du PLF. Même avis.

M. Thibault Bazin. Les parlementaires peuvent s’en saisir, mais vu la complexité technique des matières fiscales, pour parvenir à un dispositif qui aurait une chance d’aboutir, il serait intéressant de solliciter les experts dont votre ministère ne manque pas.

M. François-Michel Lambert. Pourquoi renvoyer le sujet à la rapporteure spéciale du budget des transports ? Il s’agit de la réparation de tout objet, de la chaussure au réfrigérateur.

La commission rejette les amendements.

Article 14 (article L. 111-6 du code de la recherche) : Cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale bas carbone

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS3246 de la rapporteure.

Amendements identiques CS975 de M. Bertrand Pancher, CS3688 de Mme Fabienne Colboc et CS3984 de Mme Huguette Tiegna.

M. François-Michel Lambert. Nous proposons de compléter l’article par les mots : « et la stratégie nationale pour la biodiversité mentionnée à l’article L. 110‑3 du code de l’environnement ».

Mme Sylvie Charrière. Notre amendement, qui émane de France nature environnement, vise, lui aussi, à ajouter la biodiversité, outre la stratégie nationale bas‑carbone, aux éléments dont doit tenir compte la stratégie nationale de recherche.

Mme Cendra Motin, rapporteure. J’ai quelque réticence à ajouter la stratégie nationale pour la biodiversité aux axes de la stratégie nationale de recherche, en plus de la stratégie nationale bas-carbone. Non que je la juge moins importante, mais à cause du risque, sur lequel les chercheurs m’ont alertée, d’une mise en concurrence des deux stratégies dans le choix de leurs axes de recherche. Sagesse.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Ces amendements sont intéressants ; ils insistent sur la préservation de la biodiversité, un enjeu auquel nous sommes attachés et qui est tout aussi vital que les enjeux climatiques.

Compte tenu de l’objet du projet de loi, il est apparu opportun de cibler prioritairement la cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale bas-carbone. Si le projet de loi constitutionnelle en discussion est adopté, la préservation de la biodiversité figurera dans la Constitution. Il importe de s’assurer que le thème sera bien pris en compte concrètement dans la stratégie nationale de recherche.

Je m’en remets donc à la sagesse bienveillante de votre commission.

La commission adopte les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS4819 de Mme Sira Sylla.

Amendement CS1936 de M. Guillaume Garot.

M. Gérard Leseul. Essentiel, le crédit d’impôt recherche est considéré par de nombreuses entreprises comme une aide économique importante, que certains jugent excessive. Vu sa place dans notre économie, il importe en tout cas d’en évaluer les conséquences environnementales et, pour mieux le réguler, de l’orienter vers la transition écologique. Nous proposons de confier cette évaluation à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST.

Mme Cendra Motin, rapporteure. En tant qu’office parlementaire, l’OPECST peut se saisir du sujet de son choix. De plus, les considérations dont vous faites état sont déjà traitées dans le cadre du budget vert ; notre pays est le seul au monde à proposer, depuis cette année, une lecture complète de son budget du point de vue environnemental. Je salue à cet égard les travaux de mes collègues Bénédicte Peyrol et Alexandre Holroyd.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons : l’importance du budget vert, qui ne reçoit pas encore toute l’attention qu’il mérite, et l’engagement des parlementaires dans ces matières.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 14 ainsi modifié.

Article 15 (articles L. 2111-2, L. 2111-3, L. 2112‑2, L. 2152-7, L. 2312-1, L. 2312‑1-1 [nouveau], L. 2352‑1 et L. 2352-1-1 [nouveau] du code de la commande publique) : Renforcer les clauses et les critères environnementaux dans les marchés publics

Amendement CS3915 de M. Didier Baichère.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je partage l’objectif de valoriser la dimension sociale et environnementale des marchés publics. Le volet social, sur lequel porte l’amendement, est au cœur des travaux du prochain plan national d’action pour les achats publics durables (PNAPD) de 2021, et notamment au cœur de la refonte du guide des clauses sociales dans les marchés publics. La réforme des cahiers des clauses administratives particulières générales inclut également la prise en compte de clauses sociales lorsqu’elles sont en lien direct avec l’objet du marché.

L’exécutif s’est saisi de ce sujet. Le Premier ministre vient de confier à Sophie Beaudouin-Hubiere, députée, et Nadège Havet, sénatrice, une mission parlementaire qui portera sur les achats durables dans toutes leurs dimensions, économiques, sociales et environnementales. Pour ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.

M. Dominique Potier. Ce sont là des indications très précieuses. Pouvez-vous également nous dire quelles sont les interactions entre les calendriers des règles à venir pour la commande publique et les nouvelles règles de déclaration de performance extra-financière (DPEF) à l’échelle européenne et à l’échelle française ? Le calendrier notamment de l’intégration de la norme sociale pourrait éclairer la suite de nos débats.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. L’articulation entre cette stratégie d’achat responsable, la taxonomie verte et la révision de la directive extra-financière, dite NFRD, est importante. La révision de cette directive est toujours d’actualité : nous entrerons dans la seconde quinzaine du mois d’avril 2021 en discussion, tant au Parlement qu’à la Commission, puis je l’espère en trilogue lors de la présidence française de l’Union européenne. Il y aurait du sens à ce que les stratégies d’achat fassent partie des indicateurs dans le cadre de l’impact « Environnement, social, gouvernance » (ESG) que l’Europe prépare. En tout cas, certaines séquences de calendrier convergent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5219 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) sont obligatoires pour les collectivités et les adjudicateurs de marchés qui traitent un montant annuel d’achats publics d’au moins 100 millions d’euros. Ce seuil est très élevé et j’appelle le pouvoir réglementaire à le revoir à la baisse. Ces schémas présentent l’énorme avantage d’accompagner les acheteurs vers des achats plus écologiquement, plus durablement et plus socialement responsables, évolution que nous appelons tous de nos vœux. La loi ASAP a d’ailleurs prévu un dispositif de réservation de marchés ou de lots aux entreprises adaptées, aux établissements et services d’aide par le travail (ESAT) ainsi qu’aux structures d’insertion par l’activité économique.

Je propose que les SPASER soient rendus publics sur les sites internet des administrations adjudicatrices. Ils constitueraient un bel outil pour accompagner, en plus du PNAPD et des réseaux régionaux qui seront renforcés, les acheteurs sur la voie d’achats différents.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Les SPASER jouent effectivement le rôle de laboratoires absolument idéaux et exemplaires pour faire progresser nos préoccupations sociales et environnementales et pour préparer l’échéance des cinq ans. Je suis donc très favorable à l’amendement.

M. Martial Saddier. Je soutiens l’amendement, mais il aurait plus de force s’il prévoyait une date butoir pour donner une impulsion, mais raisonnable pour laisser aux collectivités le temps de mettre à jour leurs sites internet.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Votre idée est très intéressante. J’accueillerai avec beaucoup de bienveillance un amendement de votre part en séance sur ce sujet.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS4024 de M. Sylvain Waserman.

Mme Florence Lasserre. Il s’agit de renforcer la promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables par la publication de la part qu’ils représentent dans les achats publics, et la fixation d’objectifs cibles à atteindre. Cela permettrait d’inciter les élus à promouvoir une stratégie de développement de la filière de consommation locale et des circuits courts et à évaluer leur progression.

Mme Cendra Motin, rapporteure. De telles précisions sont bienvenues pour guider les collectivités dans leurs pratiques d’achat et mesurer leurs efforts. Je vous invite cependant à préciser, en vue de la séance, la définition de la catégorie de l’achat socialement et écologiquement responsable. Je vous propose d’adopter l’amendement et d’y retravailler.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Seul existe, en effet, ce que l’on mesure, ce qui rend cet amendement très intéressant. Les chiffres montrent qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir : en 2018, la part des marchés publics annuels intégrant une disposition sociale s’élevait à 10 % ; 15 % des marchés des collectivités, et seulement 7 % de ceux de l’État et des hôpitaux, prévoient une clause sociale – facultative.

Toujours en 2018, la part des marchés publics annuels incluant une clause environnementale, que nous rendons désormais obligatoire avec l’article 15, s’élevait à 14 %, à 13 % pour les collectivités, et à 18 % pour l’État et les hôpitaux.

Il reste donc du chemin qu’il faut pouvoir mesurer. Avis extrêmement favorable.

M. Martial Saddier. Les députés du groupe Les Républicains pensent que l’amendement va dans le bon sens, tout en souhaitant que la phrase : « Il précise les objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories » se traduise par une proposition simple.

M. Dominique Potier. J’aimerais des précisions sur ce que l’on mesure dans la clause sociale, qui n’est obligatoire que si elle a trait à la nature du marché concerné. Une entreprise qui aurait des pratiques sociales exécrables mais qui, sur un produit ou une prestation, saurait garantir un niveau social satisfaisant, pourrait-elle être bien notée, ou bien serait-elle appréciée sur l’ensemble de ses process, idée que le groupe Socialistes et apparentés défend ?

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je vous renvoie à l’arrêt Nantes Métropole du 25 mai 2018 du Conseil d’État, précisant qu’il ne faut pas noter une entreprise dans son ensemble, mais un service ou un bien. Sur ce point, le code de la commande publique est clair.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1168 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. Il vise à inclure la sobriété numérique et la durabilité des produits dans les SPASER.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Une telle précision me paraît inutile, les SPASER devant, de toute manière, contenir des éléments à caractère écologique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. La sobriété numérique et la durabilité doivent effectivement être valorisées. Elles ont vocation à être prises en compte dans les SPASER, sans qu’il soit nécessaire, ni même possible, je crois, de lister dans la loi l’ensemble des enjeux environnementaux à intégrer. Je crois l’amendement satisfait par la rédaction. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Je le maintiens, car il faut appeler l’attention sur ces deux notions de green web et de sobriété.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4095 de Mme Huguette Tiegna.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable, non pas sur le fond, puisque le SPASER est un très bon outil, mais plutôt sur la forme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4846 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Yannick Kerlogot. Il s’agit d’introduire la durabilité comme critère de discrimination des offres au sein des marchés publics, aux côtés des critères économiques, en modifiant le code de la commande publique pour passer de la faculté, qui existe déjà, à l’obligation d’insérer des clauses environnementales à tous les marchés publics.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avec le deuxième critère que nous introduisons et qui devient obligatoire, tous les adjudicateurs de marchés devront prendre en compte la dimension écologique. Nous consacrons l’abandon du critère unique du prix pour passer à celui du coût, qui a déjà été défini et qui prend en compte le cycle de vie d’un produit, c’est‑à‑dire toutes les externalités, positives et négative, d’un marché. Estimant qu’il est satisfait, je demande le retrait de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1943 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Il nous faut faire évoluer le code de la commande publique vers une meilleure prise en compte des critères sociaux et environnementaux, non seulement dans la réalisation mais également dans l’attitude globale de l’entreprise. Cette approche constitue d’ailleurs la meilleure façon de faire évoluer les politiques et les labellisations en matière de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Aujourd’hui, les acheteurs sont soumis à l’obligation de rattacher les critères sociaux et environnementaux aux éléments spécifiques de réalisation des travaux du marché. Il faut aller au-delà et apprécier systématiquement la politique générale des entreprises en matière sociale et environnementale. Tel est l’objet de notre amendement.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le droit européen en la matière est tout à fait formel, notamment l’article 67 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, qui indique que les critères d’attribution d’un marché doivent être liés à son objet ou à ses conditions d’exécution. J’ai déjà mentionné également l’arrêt du Conseil d’État Nantes Métropole du 25 mai 2018, qui rappelle que les critères sociaux et environnementaux d’un marché doivent être liés à l’objet de celui-ci ou à ses conditions d’exécution.

Nous ne souhaitons pas revenir sur ce principe fondamental de la commande publique. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Le lien que vous proposez de supprimer entre l’objet d’un marché et ses conditions d’exécution constitue certes une contrainte juridique en vertu du droit européen, mais également une garantie de transparence et de moralité des achats et de la commande publique, qui représente en France 200 milliards d’euros. Une totale décorrélation pourrait permettre, comme cela a pu être le cas, aux acheteurs de demander des prestations annexes sans lien avec l’objet du marché.

Si je comprends la préoccupation, nous faisons, et l’écosystème le reconnaît, un pas non négligeable avec le caractère obligatoire de cette clause environnementale à la fois dans les critères d’attribution et les clauses d’exécution. Et nous le faisons dans des délais plus courts – nous nous engageons sur cinq ans – que ceux proposés par les membres de la Convention citoyenne pour le climat eux-mêmes.

M. Dominique Potier. Il s’agit d’un sujet capital : Madame la secrétaire d’État, vous avez indiqué que nous nous situions à 15 % d’une commande publique qui représente elle‑même 15 % du PIB.

Mme Cendra Motin, rapporteure. 8 %.

M. Dominique Potier. Donc, 15 % de 8 % du PIB représentent à peu près 1,5 % de PIB aujourd’hui soumis à une clause environnementale. Même si nous doublions ou triplions ce chiffre, le levier resterait somme toute assez insignifiant. Soyons au moins exigeants sur ce petit segment du PIB de la commande publique – que le capitalisme traditionnel conservateur et libéral se rassure, il n’existe pas de contrainte sur 99 % du terrain de jeu.

Cette exigence ne peut se cantonner à la prestation. Une entreprise qui pratique l’évasion fiscale de façon massive ou qui détruit des emplois ou des vies humaines au bout du monde pourrait très bien offrir une prestation de très haut niveau environnemental et social et capter un marché public. Et nous n’aurons pas fait avancer grand-chose.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5278 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il s’agit d’intégrer les objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, aux spécifications techniques des marchés afin qu’ils se retrouvent partout dans la commande publique : dans les critères, dans les spécifications techniques et, grâce à l’article 15, dans les conditions d’exécution des marchés.

M. Raphaël Schellenberger. Nous sommes favorables à ce que l’ensemble soit pris en compte dans les marchés publics, mais attention à ne pas être contre-productif in fine : toutes ces pièces annexes à fournir vont écarter des petites entreprises locales qui pourraient se porter candidates à de petits appels d’offres publics mais qui y renoncent devant l’importance des processus administratifs. Les filières courtes se retrouvent ainsi privées d’accès aux marchés publics locaux.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3154 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Valérie Beauvais. Il vise à supprimer les alinéas 2 et 3, car les marchés publics ne peuvent être attribués sur la seule base des considérations relatives à l’environnement. Tous les aspects rattachés à ceux-ci doivent pouvoir être pris en compte.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis très défavorable : cela va dans le sens exactement contraire de l’article.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Contrairement à ce qui figure à l’exposé sommaire, l’alinéa 3 ne porte pas sur les critères de choix mais sur les clauses d’exécution du contrat : en les supprimant, l’amendement ne ferait rien de moins que de supprimer le sens même de l’article, qu’il remet ainsi en cause. J’y suis donc fortement opposée, tout en précisant que le fait de rendre obligatoires les clauses environnementales n’empêche en rien la prise en compte d’autres considérations utiles dans le cadre de l’exécution du contrat, en lien avec son objet.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS3802 de Mme Valérie Petit et CS3693 de Mme Yolaine de Courson (discussion commune).

M. Antoine Herth. Un décret en Conseil d’État précise les critères de transparence permettant aux acheteurs publics de rendre compte de la prise en compte des considérations relatives à l’environnement : c’est aussi une façon de faire la promotion de l’approche plus respectueuse de l’environnement dans les marchés publics.

M. Bruno Millienne. Travaillé avec Déclic et Greenlobby, l’amendement CS3693 vise à étendre la performance environnementale des conditions d’exécution des marchés publics à la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie des travaux, fournitures ou services qui font l’objet du marché. Le but est d’envoyer un signal fort à l’État et aux organismes publics sur l’importance de la transition écologique lors de leurs commandes.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Monsieur Herth, nous n’avons pas pour objectif d’imposer des contraintes supplémentaires aux entreprises qui répondent aux appels d’offres publics. Or votre proposition serait de nature à le faire, notamment à l’égard des PME.

Monsieur Millienne, la notion de coût, désormais au cœur de la réflexion des acheteurs, permettra une approche beaucoup plus globale qui pourra être fondée sur le cycle de vie. En cela, l’article 15 répond à la demande de Mme de Courson. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Les préoccupations exprimées sont satisfaites, la notion de prise en compte des enjeux environnementaux semblant plus précise que celle de performance environnementale. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

Amendements CS2109 et CS2180 de Mme Émilie Chalas (discussion commune).

Mme Émilie Chalas. Je me réjouis que l’article 15 rende le critère environnemental obligatoire pour tendre vers un achat responsable dans le cadre des marchés publics et propose de le préciser en l’appuyant sur la norme ISO 14001.

De la même façon, je propose d’appuyer les critères non obligatoires figurant à l’alinéa 3 de l’article sur les normes ISO 9001 et ISO 14001 qui répondent, pour la première, aux enjeux des systèmes de management de la qualité et, pour la seconde, à ceux liés à la maîtrise des impacts de l’activité de l’entreprise. La norme ISO 45001 revêt une dimension plus sociale, liée au cadre de vie, à la santé et à la sécurité au travail.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Vous avez raison de vouloir normer les critères choisis qui doivent être facilement reconnus par les acheteurs. Pour autant, je crains que de telles certifications ne soient de nature à exclure certaines entreprises aux caractéristiques environnementales pourtant intéressantes pour ces mêmes acheteurs. Elles pourraient constituer un frein à l’entrée sur les marchés publics alors que le Gouvernement fait tout pour les ouvrir largement. Demande de retrait.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je confirme qu’Agnès Pannier-Runacher et moi-même sommes engagées sur ces sujets. La hiérarchie des normes nous interdit d’inscrire dans la loi des règles internationales. Par ailleurs, si cette norme évoluait dans un sens ou dans un autre, il nous faudrait modifier la loi. Avis défavorable.

Mme Émilie Chalas. Je retire les amendements, mais il me paraît essentiel que nous inscrivions dans la loi, à un moment donné, que les entreprises doivent évoluer. Il ne faut pas se contenter d’ouvrir le champ de la commande publique à celles qui commencent à mettre l’accent sur les critères environnementaux, la qualité de vie au travail et la qualité de la production.

Les amendements sont retirés.

Amendements CS781 de M. Gérard Menuel, CS3355 de M. Dominique Potier et CS4711 de Mme Marguerite Deprez-Audebert (discussion commune).

M. Vincent Descoeur. L’amendement CS781 vise à compléter la première phrase de l’alinéa 3 afin que l’empreinte carbone fasse partie des critères d’attribution des marchés publics.

M. Gérard Leseul. Il importe de ne pas rester vague dans la définition des conditions relatives à l’environnement. Nous ne parlons pas ici de critères susceptibles d’évoluer ou de normes internationales, mais de pratiques inscrites dans la vie des entreprises. Nous souhaitons que le bilan carbone de la prestation soit pris en considération. C’est le sens de l’amendement CS3355.

M. Bruno Duvergé. L’amendement CS4711 vise à inclure dans les conditions d’exécution et les critères d’attribution le bilan carbone des offres des soumissionnaires d’un marché public lorsque la nature de celles-ci le permet. Il s’agit de clarifier et préciser la notion de critère environnemental afin que l’autorité administrative puisse faire son choix en pleine connaissance des caractéristiques des offres des soumissionnaires.

Mme Cendra Motin, rapporteure. La formulation générale « considérations relatives à l’environnement » a été retenue pour préserver la liberté des acheteurs dans le choix des critères à retenir et pour couvrir le champ de vos propositions. Le sourcing va devenir un puissant outil entre les mains des acheteurs. Le PNAPD les aidera à constituer un réseau de prestataires. J’ajoute que les conditions que nous fixons doivent être liées à l’objet du marché. Si tel n’était pas le cas, cela pourrait donner naissance à des contentieux, voire conduire au renoncement des entreprises. Demande de retrait ; à défaut, défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Nous partageons les intentions des auteurs des amendements, mais il ne nous paraît pas souhaitable d’énumérer l’intégralité des considérations relatives à l’environnement qui pourraient être prises en compte dans les conditions d’exécution. Selon les types de marchés, l’empreinte carbone, la sauvegarde de la biodiversité ou la préservation des ressources sera le critère prépondérant. Il faut laisser aux acheteurs la liberté de choix. Dans le cadre du PNAPD, la référence à l’empreinte carbone peut susciter des difficultés méthodologiques, en particulier pour les PME. Le ministère de l’économie, des finances et de la relance, en lien avec le ministère de la transition écologique et, en particulier, le Commissariat général au développement durable (CGDD), est en train d’élaborer des outils adaptés aux acheteurs. Pour ces raisons, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS1725 de M. François-Michel Lambert et CS3213 de M. Julien Aubert (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. Mon amendement vise à ce que le coût carbone lié au transport soit systématiquement pris en compte dans les marchés publics. Cet amendement émane de l’Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction (UNICEM), mais j’ai maintes fois travaillé sur cette question, avec différents opérateurs. De plus en plus souvent, des acheteurs sont trompés par des opérateurs qui se contentent de proposer un produit sans prendre en compte la distance d’approvisionnement et le transport. On achète ainsi de plus en plus de tuyaux de fonte en provenance de Turquie ou d’Inde pour nos réseaux d’eau potable.

Mme Valérie Beauvais. L’amendement CS3213 tend à spécifier que les considérations environnementales liées aux conditions d’exécution et d’appréciation des offres, dans le cas notamment d’un marché public de fourniture, se fondent en particulier sur les émissions de gaz à effet de serre produites par le transport des biens. Une telle disposition serait de nature à réduire les émissions liées au transport et à contribuer à la relocalisation de productions sur le territoire national.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement est pourtant de nature à favoriser les circuits courts en redonnant de la compétitivité, en particulier pour la petite commande publique, aux sites de production et de distribution de proximité. Ceux-ci se trouveraient favorisés par rapport aux grandes centrales qui font parfois voyager les produits à travers la France ou l’Europe.

M. François-Michel Lambert. Il faut certes laisser de la liberté aux acheteurs mais, en insérant dans la loi la référence aux transports, on appellerait l’attention sur des actes commerciaux trompeurs. Les acheteurs peuvent contracter de bonne foi sans avoir conscience de certains éléments.

M. Antoine Herth. Monsieur Schellenberger, l’amendement rate en partie sa cible. En matière d’achat public pour la restauration, l’analyse du cycle de vie et la prise en considération des gaz à effet de serre défavorisent un certain nombre de produits, notamment issus de l’élevage de montagne. Mettre l’accent sur le transport ne réglera pas l’ensemble du problème. C’est pourquoi j’ai souhaité amender l’article 1er concernant l’étiquetage.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3354 de M. Dominique Potier.

M. Gérard Leseul. Nous souhaitons intégrer la prise en compte de la sobriété énergétique dans les conditions d’exécution du marché public. Il me paraît essentiel que l’ensemble des contractants aient cette notion présente à l’esprit.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il est parfaitement possible pour un acheteur d’intégrer ce critère, mais nous ne souhaitons pas dresser une liste exhaustive des critères pouvant être pris en compte. La notion de « considérations relatives à l’environnement » satisfait votre demande. Défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis. J’ajoute que les cahiers des clauses administratives générales (CCAG), qui sont très utilisés par les acheteurs publics, ont fait l’objet d’une refonte. Ces documents types, qui seront publiés le 1er avril prochain, permettront de spécifier les modalités de transport.

M. Martial Saddier. Certaines zones de notre pays sont couvertes par un plan de protection de l’atmosphère (PPA), en application du droit européen. On pourrait envisager qu’au sein de ces zones, les appels d’offres énoncent des critères particuliers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1098 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

M. Yannick Kerlogot. L’amendement propose d’enrichir la rédaction de l’article 15 en faisant référence à la santé environnementale, définie par l’Organisation mondiale de la santé, qui est devenue un enjeu sanitaire de dimension planétaire.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je salue le travail de Mme Toutut-Picard sur le thème de la santé environnementale, mais ce n’est pas celui de l’article. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2491 de M. Pierre Venteau.

M. Guillaume Kasbarian. L’amendement vise à autoriser la prise en considération, au titre des conditions d’exécution du marché, de la rémunération équitable des producteurs.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il ne me semble pas possible de rendre obligatoire ce critère dans les marchés publics. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS5098 de Mme Émilie Chalas et amendements identiques CS4847 de Mme Sandrine Le Feur, CS5075 de M. Gérard Leseul et CS5076 de M. Dominique Potier (discussion commune).

Mme Émilie Chalas. L’article, qui rend obligatoire la prise en compte du critère environnemental dans les marchés publics, va dans le bon sens. Je vous propose d’aller encore plus loin et de rendre obligatoire celle de considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations.

Mme Sandrine Le Feur. Mon amendement vise à renforcer la prise en compte par les acheteurs publics des considérations liées aux aspects environnementaux lors de l’attribution d’un marché. En intégrant parmi les critères la publication des émissions de gaz à effet de serre et le respect des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, il permettrait aux acheteurs publics de sélectionner les offres ayant le meilleur impact environnemental.

M. Gérard Leseul. Les amendements identiques des membres du groupe SOC tendent, eux aussi, à rendre obligatoire la prise en compte des critères sociaux et environnementaux lors de l’attribution d’un marché. Une nuance sémantique découlant d’une rédaction allégée les distingue toutefois de l’amendement de Mme Chalas.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Monsieur Leseul, vous permettrez à la linguiste que je suis de considérer que ces amendements sont similaires. Leur objectif, extrêmement ambitieux, me semble peu réaliste. À l’heure actuelle, les acheteurs ne seraient pas en mesure de faire face à autant d’obligations, qui, de surcroît, pourraient n’avoir aucun lien avec certains marchés.

Par ailleurs, je vous signale que l’expérimentation des « achats innovants », lancée par le décret du 24 décembre 2018, court jusqu’à la fin de l’année ; elle tend à encourager les acheteurs à se tourner vers des solutions innovantes pour les marchés d’une valeur inférieure à 100 000 euros. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Si je comprends l’intention des auteurs des amendements, il convient d’être réaliste et pragmatique. Certains marchés n’ont aucun lien avec, par exemple, la lutte contre les discriminations ou l’innovation. Or, je le répète, les clauses d’exécution doivent impérativement être liées à l’objet du marché.

M. Raphaël Schellenberger. La loi que nous votons doit avoir un caractère opérationnel. C’est d’ailleurs pourquoi il faudrait prendre en considération le transport. Contrairement à ce qu’a dit M. Herth, cela ne défavoriserait pas les filières locales, notamment l’agriculture de montagne, puisque l’acheteur public de la cantine de Sélestat pourrait fort bien acheter un munster produit sur les hauteurs du Markstein ou une viande provenant d’une salers élevée au Molkenrain et abattue à Cernay.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Cela n’a rien à voir avec la discussion commune ! Je vous prie, chers collègues, de vous recentrer sur nos débats.

M. Gérard Leseul. Ce que nous proposons permettrait, par capillarité, de faire en sorte que l’ensemble du tissu économique prenne en considération les critères sociaux et environnementaux. Nous devons envoyer un signal fort en ce sens aux entreprises. Il est évident que cela implique une modification des règles de passation des marchés publics.

La commission rejette successivement amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS2477 de M. Pierre-Alain Raphan et CS474 de M. Pierre Vatin.

Amendements identiques CS3960 de Mme Stéphanie Kerbarh et CS5068 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Stéphanie Kerbarh. Dans le cadre des appels d’offres pour les marchés publics, l’acheteur ne doit pas nécessairement choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, il doit aussi prendre en considération les impacts environnementaux des différentes options.

Mme Sandrine Le Feur. Les marchés publics constituent un levier financier fort pour réaliser la transition et sont un symbole pour encourager la transformation de la société. L’introduction systématique de clauses environnementales dans les marchés publics permettrait de favoriser les entreprises vertueuses et des achats plus locaux et durables ; ce faisant, cela inciterait d’autres entreprises à s’engager dans la transition. Les externalités négatives pourraient ainsi être considérées comme un critère de sélection. Si, aujourd’hui, une clause environnementale existe, notamment dans le plan national d’actions pour l’achat public durable, elle n’est pas obligatoire et ne concerne pas l’ensemble des marchés publics.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je le répète, demain, grâce à cet article 15, ce n’est pas uniquement le prix dont il sera tenu compte ; on considérera le coût global de l’offre, incluant le cycle de vie et l’ensemble des externalités liées au produit ou au service. Le ministère de l’économie, des finances et de la relance est en train de développer de nombreux outils à cette fin, ainsi que le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, notamment pour sourcer les entreprises d’insertion par l’activité économique. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Le Premier ministre vient de décider la création d’une mission qui portera précisément sur les achats durables et la bonne application de la loi. Nous avons souhaité, avec Agnès Pannier-Runacher, très engagée dans ce domaine, que ce travail soit confié aux parlementaires. Il pourrait être intéressant que vous débattiez de la question dans ce cadre.

Dans son avis, le Conseil d’État indique que le droit européen ne permet pas de promouvoir la notion d’offre écologiquement la plus avantageuse au même niveau que la notion d’offre économiquement la plus avantageuse. Ce qui me semble important, c’est la combinaison des deux dynamiques et la prise en considération du rapport entre la qualité, notamment environnementale, et le prix. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Kerbarh. Mon amendement vise précisément à sécuriser les acheteurs par rapport à l’obligation de choisir le mieux-disant, en ajoutant ces quelques mots dans le code de la commande publique. Certes, il y a le plan national d’actions pour l’achat public durable et divers organismes travaillent sur le sujet, mais la loi, c’est maintenant, et l’on aura besoin d’un cadre juridique pour mettre en œuvre les nouveaux outils. Il convient d’anticiper !

M. Jean-Marie Sermier. Le groupe LR est favorable à ces amendements, car la précision nous semble nécessaire.

Madame la secrétaire d’État, vous venez de nous annoncer qu’une mission allait être créée et qu’il nous faudra débattre de la question dans ce cadre, alors même que nous sommes en train d’examiner le projet de loi en commission. Non seulement on va appliquer le temps législatif programmé en séance publique, mais en plus on entend limiter la discussion en commission ! Il faudrait qu’à un moment donné, nous puissions débattre de manière sereine.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. N’est-ce pas ce que nous faisons, Monsieur Sermier ?

M. Jean-Marie Sermier. Non, Madame la présidente : dans de telles conditions, nos débats ne peuvent être sereins.

M. Mounir Mahjoubi. Je voterai contre les amendements, mais je partage l’objectif de leurs auteurs. Avec d’autres députés, nous effectuons depuis près d’un an un tour de France des cantines ; nous avons constaté que l’un des premiers freins pour les acheteurs était la crainte d’introduire certaines clauses pourtant autorisées par le droit actuel. C’est pourquoi tout ce que vous proposerez, Madame la secrétaire d’État, en matière d’évolution des cahiers des clauses administratives générales, de recommandations écrites émises par la direction des affaires juridiques, voire de réponses aux questions écrites des députés sera bienvenu, parce que cela permettra de rassurer les acheteurs.

M. François-Michel Lambert. Pourquoi ne pas les rassurer en adoptant ces amendements ?

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Les SPASER, renforcés grâce à l’adoption de l’amendement de la rapporteure, seront aussi des outils très utiles dans cette perspective, Monsieur Mahjoubi.

Le lancement, le 23 février, de la mission que je viens d’évoquer a bénéficié d’une large publicité, Monsieur Sermier. La conduite de ses travaux a été confiée à Sophie Beaudouin-Hubiere, membre de votre commission des affaires économiques, et à la sénatrice Nadège Havet ; ils sont, de fait, concomitants à l’examen du projet de loi.

La commission rejette les amendements.

10.   Réunion du vendredi 12 mars 2021 à 14 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Nous avons commencé l’article 15.

Pour information, il reste 3 150 amendements. Ce matin nous en avons examiné trente à l’heure, un rythme qui ne nous permettra pas de terminer dans les délais impartis. Aussi a‑t‑il été décidé de ramener à une minute le temps de parole pour la présentation des amendements ou la réponse, comme cela s’est fait pour d’autres projets de loi importants. Merci de votre coopération.

Article 15 (suite) (articles L. 2111‑2, L. 2111‑3, L. 2112‑2, L. 2152-7, L. 2312-1, L. 2312‑1‑1 [nouveau], L. 2352‑1 et L. 2352-1-1 [nouveau] du code de la commande publique) : Renforcer les clauses et les critères environnementaux dans les marchés publics

Amendement CS3726 de Mme Yolaine de Courson et amendements identiques CS54 de M. Guy Bricout et CS475 de M. Pierre Vatin (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. C’est la même problématique que les amendements sur lesquels nous nous sommes quittés. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Avis défavorable.

La commission rejette successivement l’amendement CS3726 et les amendements identiques CS54 et CS475.

Amendements CS3577 de Mme Nadia Ramassamy et CS438 de M. Pierre Vatin (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Sur ces questions d’offre anormalement basse, les acheteurs peuvent se référer à la réglementation applicable en matière environnementale afin de se protéger. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. J’ajoute qu’une telle modification serait contraire au droit de l’Union européenne qui encadre précisément la définition des offres anormalement basses. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS5069 de Mme Sandrine Le Feur, CS3923 de M. Didier Baichère, CS3727 de Mme Yolaine de Courson et CS476 de M. Pierre Vatin (discussion commune).

Mme Sandrine Le Feur. En cohérence avec mes amendements précédents, le CS5069 vise à introduire la durabilité comme critère de discrimination des offres au sein des marchés publics aux côtés des critères économiques, en modifiant le code de la commande publique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il s’agit encore de la capacité d’utiliser le critère du coût et non plus celui du prix qui sera donné aux acheteurs. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1942 de M. Dominique Potier et amendements identiques CS5072 de M. Gérard Leseul et CS5079 de M. Dominique Potier (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous avons déjà eu cette discussion tout à l’heure. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Sur l’amendement CS1942, je rappelle que la Convention citoyenne pour le climat, dont je salue les propositions sur ces questions d’achats publics responsables, avait prévu l’entrée en vigueur de cet article dans dix ans, délai que nous avons ramené à cinq ans. Il est important de garder en tête trois choses, et cela vaudra pour l’ensemble des amendements qui suivent. D’abord, à la suite de l’amendement de la rapporteure adopté ce matin sur les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), nous saurons sous trois ans quel bilan peut être dressé et s’il faut accélérer. Ensuite, il est fondamental que les acheteurs publics disposent des outils et de la formation adéquate pour mener à bien cette intégration des critères environnementaux. Enfin, et M. Potier y sera sensible, tout l’enjeu dans la commande publique est vraiment que les petites et très petites entreprises de nos territoires puissent répondre aux appels d’offres. Aller trop vite ferait courir un fort risque qu’elles soient évincées de ces appels d’offres publics, alors que nous cherchons justement à faire de la commande publique un levier de croissance pour elles. Bref, cinq ans me semblent un bon délai d’entrée en vigueur, et il faudra aussi laisser le temps nécessaire à ce que la mesure soit bien appliquée, mais je confirme la détermination du Gouvernement, la mienne mais aussi celle de Bruno Le Maire et d’Agnès Pannier-Runacher, sur ces sujets. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS3284 de la rapporteure.

Amendement CS1099 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous l’avons déjà expliqué, nous n’allons pas rajouter de critères. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2106 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. Maintenant qu’on impose le critère environnemental dans l’exécution des marchés publics, je propose qu’il soit pondéré à hauteur de 20 % minimum de la notation finale. Il faut éviter, sans procès d’intention, tout greenwashing des marchés publics.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Plusieurs collègues ont eu la même idée, mais la pondération des critères dans un appel d’offres n’étant pas obligatoire, la loi ne peut pas déterminer de seuil minimum. Je comprends votre ambition pour la commande publique et pour l’effectivité des critères environnementaux. Je pense que l’article y répond par lui-même, parce que l’obligation d’avoir des critères d’exécution qui prennent en compte la dimension environnementale nous fait changer complètement d’échelle. Je pense donc que votre souhait sera exaucé grâce à cet article. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Ce qu’on recherche dans cet article, c’est un équilibre entre d’un côté l’obligation ferme et définitive, les critères d’attribution et les conditions d’exécution, mais de l’autre la liberté indispensable à l’acheteur de fixer l’importance de ce critère en fonction des caractéristiques de son marché, comme l’impose la jurisprudence sur les liens des critères avec l’objet du marché. Dans de nombreux cas, la pondération du critère environnemental pourra être largement supérieure à 20 %, dans certains cas elle pourra être plus faible. Cela relève vraiment de la responsabilité de l’acheteur et de son libre arbitre. Demande de retrait, et le cas échéant avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement ne manque pas d’intérêt quand on a entendu Mme Chalas s’élever pour défendre la libre administration des collectivités territoriales. La contrainte supplémentaire qu’elle propose aujourd’hui de leur imposer pourrait en outre être contreproductive car parfois, quand on cherche à soutenir des circuits courts ou des filières locales, ou à accompagner leur mutation environnementale, il peut être intéressant de prendre en compte d’autres critères afin d’aider les entreprises à progresser, comme les ressources humaines ou les compétences techniques par exemple. Mais bon, je ne suspecterai pas que dans sa précédente vie Mme Chalas ait un jour truqué des marchés publics, ou plutôt des coefficients de marchés publics.

Mme Émilie Chalas. En commission des lois, nous avons l’habitude des provocations de M. Schellenberger. J’ai fait mon métier aussi bien que je le pouvais, et j’espère qu’on n’aura rien de plus à lui reprocher en tant que maire.

Les arguments de la ministre et de la rapporteure m’amènent à retirer mon amendement, mais j’ouvrirai peut-être le débat en séance sur la transparence à faire sur le poids des différents critères dans la notation finale. Ce pourrait être une façon de montrer à quel point on promeut ou non ces critères.

L’amendement est retiré.

Amendement CS5040 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Il propose de renforcer la prise en compte par les acheteurs publics des considérations liées aux aspects environnementaux lors de l’attribution d’un marché. En intégrant la publication des émissions de gaz à effet de serre et le respect des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique dans les critères, il permettrait aux acheteurs publics de sélectionner des offres ayant un meilleur impact environnemental. Pour rappel, sans prise en compte du scope 3 d’une entreprise, seulement une partie infime des émissions sont prises en compte. Il est important d’évaluer la performance environnementale des entreprises en fonction de l’intégralité de la chaîne de production.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je reconnais là la grande ambition de ma collègue, mais pour les TPE-PME auxquelles nous essayons d’ouvrir les marchés, un scope 3 est juste inaccessible, en tout cas pour l’instant.

J’en profite pour redire que depuis le 1er janvier 2020, nous avons fait de grandes avancées dans l’ouverture des marchés publics aux TPE-PME, notamment par le biais des avances, qui sont passées de 5 à 10 %. Ce sont donc près de 220 millions d’avances qui ont été versés aux TPE-PME. Il serait dommage de les exclure avec un tel amendement. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. On salue en effet l’ambition de Mme Le Feur, mais il faut se laisser un peu de temps. L’objectif est bien que de plus en plus de structures fassent des bilans d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) et des scope 3, mais il se heurte aussi au principe de réalité. La rapporteure et moi avons eu des scope 3 en mains : ils représentent vraiment un challenge pour de nombreuses TPE-PME. J’ajoute que l’ambition de l’article ne se réduit pas aux seules émissions de gaz à effet de serre et qu’il y a d’autres critères de choix écologiques. Avis défavorable.

Mme Sandrine Le Feur. Je retire cet amendement. Je proposerai en séance de l’appliquer déjà pour les grandes entreprises, et peut-être d’indiquer une échéance, mais j’entends que ce soit difficile pour les petites et moyennes entreprises.

M. Dominique Potier. Je voudrais savoir ce que sont précisément les scope 3. Par ailleurs, je rejoins Mme Le Feur sur le fond. Cet argument des PME utilisé pour refuser de mettre plus de critères sociaux et écologiques dans les marchés publics est bidon : il suffirait de prendre des critères un peu solides ! Si l’on prenait en compte les écarts de salaires ou l’évasion fiscale par exemple, ce ne sont pas les PME qui seraient évincées, car elles ne connaissent pas les situations d’abus qui sont parfois le fait de leurs concurrentes multinationales. Ne mélangeons pas la taxonomie qui ergote sur des conditions d’accès à l’environnement et de sécurité, autant de normes fabriquées par les multinationales pour exclure les PME des marchés publics, avec la vérité du partage de la valeur et des pratiques des PME et des multinationales. Il suffirait d’un peu de volonté politique pour qu’un tel amendement puisse être satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS437 de M. Pierre Vatin.

M. Martial Saddier. Tous ceux qui ont participé à une commission d’appels d’offres savent que dès lors que le critère du prix est prépondérant, les autres n’entrent plus en compte. Cet amendement, issu de la Convention citoyenne pour le climat, vise à rééquilibrer les choses entre prix et critères environnementaux.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par l’article R. 2152-11 du code de la commande publique : « Les critères d’attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation. »

M. Jean-Marie Sermier. Il faut écouter les membres de la Convention, et aussi les élus ruraux. Tous les maires vous disent qu’ils souhaitent privilégier les entreprises de proximité. Or établir des critères environnementaux pour les marchés leur sera bénéfique du point de vue de l’emploi qu’elles créent, de la capacité à suivre les marchés, de la traçabilité de ce qui est réalisé. Il faut plus de proximité dans les achats publics.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2737 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La combustion des ordures ménagères génère ce qu’on appelle des sels résiduels : environ 10 kilos pour 1 tonne d’ordures ménagères. Ces éléments résiduels sont souvent enfouis, ce qui représente un véritable problème. Or il existe des solutions de valorisation et de traitement qui permettent de limiter l’enfouissement. Cet amendement permet de répondre aux objectifs de recyclage du texte tout en éliminant les exportations qui se poursuivent sous couvert de valorisation. Il apporte au code de la commande publique la précision suivante : « Les caractéristiques environnementales conduisant à une préservation des ressources naturelles du territoire national sont priorisées. »

Mme Cendra Motin, rapporteure. Votre amendement n’est pas recevable car les principes fondamentaux de la commande publique, tant au niveau national qu’européen, font obstacle à la prise en compte du critère géographique dans l’attribution des marchés publics. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage le souhait de valoriser le recyclage. Je ne doute pas que M. Bazin a d’ailleurs observé la parution toute récente du décret n° 2021-254 du 9 mars 2021 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées. Mais je précise que les modalités d’encadrement des critères de choix relèvent de la partie réglementaire du code de la commande publique, et surtout que les modalités de mise en œuvre appartiennent au premier chef aux acheteurs publics eux-mêmes, qui doivent là encore les adapter en fonction du marché concerné. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je parlais de la préservation des ressources du territoire national. Si cela aboutit à prioriser des entreprises du territoire national, très bien. J’ai bien conscience qu’il y a des règles européennes, mais le fait est que certains enfouissent des déchets alors qu’il existe des solutions pour les valoriser et réduire ces 10 kilos à pas grand-chose. J’aimerais, madame la rapporteure, que nous puissions retravailler cet amendement d’ici à la séance afin que sa rédaction obéisse à la législation européenne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3105 de M. Philippe Naillet.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5071 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il prévoit que lorsque plusieurs offres sont équivalentes au regard des critères d’attribution, une préférence sera accordée à l’une d’entre elles dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État ou lorsque les caractéristiques environnementales conduisent au recyclage et à la préservation des ressources naturelles du territoire national.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4991 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement vise à tenir compte de l’incidence des véhicules utilisés pour le transport routier de marchandises dans la commande publique. Nous allons demander à nos transporteurs de faire un effort significatif sur les moteurs. Si nous n’en tenons pas compte, la concurrence risque d’être faussée avec des transporteurs étrangers qui ne sont pas soumis à la même exigence. Il nous semble important de donner un avantage à ceux qui font ce qu’il faut pour l’environnement, qui sont pour l’essentiel des transporteurs français.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’objet de l’article 15 est d’ajouter les critères environnementaux dans l’exécution de la commande publique : le transport en fait partie. En outre, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a déjà prévu pour l’achat de véhicules à moteur des dispositions qui vont dans le sens que vous souhaitez. Il ne me semble pas utile d’ajouter ces précisions. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Dans la nouvelle version du cahier des charges mis à disposition des acheteurs publics qui sera mise en ligne le 1er avril 2021, soit au début de l’examen du texte en séance publique, vous pourrez vous-même vérifier que le transport fait partie noir sur blanc des critères suggérés aux acheteurs publics. C’est plutôt par ce truchement que nous souhaitons encourager les pratiques responsables en matière de transports.

M. Jean-Marie Sermier. Certes il y a eu des avancées dans les lois précédentes, toutefois cet amendement n’évoque pas la question globale des transports, mais la question très précise des véhicules de transport routier de marchandises. Nous préférons le voir inscrit dans la loi plutôt que d’attendre d’éventuelles directives.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2586 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Il concerne les bâtiments modulaires, ces constructions temporaires que nos collectivités utilisent dans le cadre de chantiers pour des écoles ou des bureaux par exemple. Il prévoit pour les marchés publics d’achat de constructions modulaires un quota de structures réemployées, sachant que la plupart des constructions modulaires sont jetées une fois utilisées alors qu’elles ont une durée de vie de trente ans. Cela va dans le sens du réemploi et de la réduction de la dépense publique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement est satisfait. L’article 56 de la loi pour l’économie circulaire prévoit que les acheteurs ne peuvent exclure les constructions temporaires ayant fait l’objet d’un reconditionnement pour réemploi, sous réserve d’un niveau de qualité et de sécurité satisfaisant. L’article 58 prévoit que les biens acquis annuellement par les services de l’État et les collectivités territoriales sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit, sous certaines conditions. Le décret d’application vient justement d’être publié. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis, il est effectivement satisfait.

Mme Laurianne Rossi. Il me semble que le décret ne reprend pas totalement l’esprit et la lettre de l’amendement, mais en attendant de vérifier je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS3250 de la rapporteure.

Amendements identiques CS5043 de Mme Sandrine Le Feur, CS5073 de M. Gérard Leseul et CS5077 de M. Dominique Potier.

Mme Sandrine Le Feur. Il s’agit de remplacer les termes « peuvent prendre » par « prennent », afin de faire de la prise en compte des critères environnementaux un automatisme et non une option. Dans la ligne de mes précédents amendements, je répète l’importance du levier de la commande publique dans l’accélération de la transition.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cette partie de l’article, qui exclut la condition environnementale, concerne les marchés de défense et de sécurité, qui sont très spécifiques. Mais dans ce secteur aussi, les ministères sont dans une logique de référencement et d’amélioration de la prise en compte des critères écologiques dans tous les marchés possibles. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Dominique Potier. Mais il ne s’agit pas dans ces amendements des marchés liés à l’armement. Nous voulons qu’en plus des critères environnementaux, des considérations économiques et sociales plus larges soient prises en compte.

Mme Cendra Motin, rapporteure. C’est vrai qu’il y a un piège. Le début de l’article 15 porte sur l’article L. 2112-2 du code de la commande publique : il s’agit des marchés standards. Mais ensuite on passe à l’article L. 2312-1 du code, qui fait partie du livre III dédié aux marchés de défense ou de sécurité. C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements.

Mme Sandrine Le Feur. Je retire le mien.

M. Dominique Potier. Il me semble que nous faisons référence au bon alinéa. En tout cas, la question de fond que nous voulions poser est de savoir si l’on pourrait donner un caractère obligatoire à la prise en compte de critères autres qu’environnementaux.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS3623 de Mme Claire Pitollat.

M. Pierre-Alain Raphan. Il propose un changement de paradigme dans la commande publique, en passant d’une logique de dépense pure à une logique d’investissement et en prenant en compte les « coûts évités » par certains choix. Sur la notion des coûts et performances cachés, développée en sciences de gestion, je vous invite à lire les travaux de Henri Savall, Véronique Zardet, Marc Bonnet et Laurent Cappelletti, qui avaient déjà retenu votre attention lors de l’étude de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement est lui aussi placé dans la partie relative aux marchés de la défense. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1100 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Il a l’air d’un amendement rédactionnel, mais il s’agit d’inscrire dans le texte les enjeux sanitaires comme étant directement et étroitement liés aux enjeux environnementaux.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous en avons déjà parlé ce matin, mais je demande le retrait de cet amendement qui est lui aussi placé dans le volet sur les marchés de défense et de sécurité.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3649 de Mme Mireille Clapot.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous avons parlé ce matin du cycle de vie. L’article 15 prévoit la prise en compte obligatoire du coût plutôt que du prix, et donc du cycle de vie comme vous le souhaitez. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements CS3626 et CS3917 de Mme Claire Pitollat.

M. Pierre-Alain Raphan. Ils sont également mal placés. Nous les représenterons en séance.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS3251 de la rapporteure.

Amendement CS3356 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons à travers cet amendement un changement d’échelle. Tous nos efforts jusqu’à maintenant en matière de commande publique ont porté sur les achats publics, qui représentent environ 80 milliards d’euros. On estime que les concessions, dans la commande publique, représentent pour leur part 120 milliards. Si nous étendions nos préoccupations sur l’achat public aux concessions, quitte à procéder à quelques adaptations réglementaires, nous ferions un bond extraordinaire. Les innovations apportées par le texte en matière de prise en compte de l’environnement, de calcul par le coût et autres, que je salue, peuvent s’étendre aux concessions. Je ne vois aucun argument de fond parmi ceux qui ont été brillamment développés par les uns et les autres qui conduise à les en soustraire. Cela nous permettrait de passer du 1 % que nous évoquions à 2 %, et un jour beaucoup plus.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Monsieur Potier, je donne un avis défavorable à votre amendement dont la rédaction ne me convient pas, puisqu’il y est question de bilan carbone et d’« imposer » des choses, mais je partage votre objectif. Je suis en train de mener une consultation express auprès des acteurs des concessions pour m’assurer qu’il n’y a effectivement pas de problème, et pour l’instant tous les voyants sont au vert. Je propose que nous présentions ensemble dans l’hémicycle un amendement pour intégrer les concessions dans cet article, ce qui serait une très bonne chose.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. L’intégration des contrats de concession est un objectif partagé. J’émets un avis défavorable pour une raison de forme, puisque l’amendement modifie l’article L. 3123-18, qui concerne les conditions de participation des candidats à la procédure de mise en concurrence et non les conditions d’exécution du contrat de concession. Pour autant, je remercie Mme Motin de s’être emparée de ce sujet et de mener cette consultation, et je serais heureuse de voir l’idée promue par cet amendement concrétisée en séance.

M. Dominique Potier. Je retire l’amendement en me félicitant de l’état d’esprit qui se manifeste ici. Ce sera un beau moment en séance.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS3578 de Mme Nadia Ramassamy et CS3730 de Mme Yolaine de Courson ; amendements identiques CS1403 de M. Raphaël Gérard, CS3004 de Mme Fiona Lazaar, CS5053 de Mme Sandrine Le Feur, CS5074 de M. Gérard Leseul, CS5224 de M. Dominique Potier ; amendements identiques CS3651 de Mme Mireille Clapot, CS4282 de Mme Barbara Bessot Ballot et CS4622 de M. Jean-Charles Colas-Roy, et amendement CS4623 de M. Jean-Charles Colas-Roy (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. Nous proposons de réduire le délai d’application de cet article de cinq à un an, afin de donner une pleine efficience à ses dispositions.

Mme Sandrine Le Feur. Pour notre part, nous proposons d’accélérer l’entrée en vigueur de ces dispositions en portant le délai à deux ans. La fenêtre d’opportunité permettant de cantonner le réchauffement climatique à 1,5 ou 2 degrés est presque dépassée. Il est important d’agir efficacement et rapidement. Un délai de deux ans permettra aux commanditaires de s’adapter, certaines études indiquent qu’une année est nécessaire pour transformer un marché public lorsque cela est souhaité. Soyons ambitieux.

M. Dominique Potier. Je suis sensible à l’argument sur l’adaptation des PME, mais sur le marché, des PME et des entreprises de l’économie sociale attendent cette mesure. Je défends donc l’amendement CS5074, et peut-être qu’en séance nous aboutirons à un délai de trois ou quatre ans. Les entreprises vertueuses sont prêtes.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je tiens à rappeler l’importance de l’article 15. Il crée l’obligation de prendre en compte les considérations relatives à l’environnement dans l’exécution des marchés. Il ne sera plus possible d’ignorer cette question lors de la réalisation d’un marché public, et le critère du prix ne sera plus opérant à lui seul, il faudra parler de coût, de cycle de vie.

Je comprends que le délai de cinq ans paraisse long. Des entreprises du secteur des travaux publics nous ont informés qu’elles auraient besoin de temps pour s’adapter, c’est pourquoi nous avons proposé ce matin d’agir par l’intermédiaire des SPASER. Je renouvelle ma demande au Gouvernement de baisser le seuil permettant d’adopter un SPASER afin d’intégrer beaucoup plus de collectivités et d’acheteurs publics dans cette démarche. De cette façon, les trois années à venir constitueront une phase de transition et d’adaptation.

L’article 15 prévoit un délai maximal de cinq ans. Avec les SPASER, l’objectif est d’aller plus vite. Après cette série d’amendements, je proposerai de demander au Gouvernement de remettre un rapport dans trois ans. Il permettra de savoir comment les SPASER ont accompagné la transition des entreprises et de l’achat responsable, de manière à donner au Gouvernement des indicateurs qui lui permettront soit de réduire le délai, soit de profiter des deux années qui resteront pour corriger le tir et nous assurer qu’au bout de cinq ans, la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics soit une réalité.

Avis défavorable à tous les amendements qui viennent d’être présentés.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. La Convention citoyenne sur le climat proposait l’entrée en vigueur de cette mesure en 2030 : le Gouvernement a choisi un délai de cinq ans, et non dix.

Il s’agit d’un délai minimal, nécessaire pour permettre aux entreprises – notamment aux PME – d’adapter leur offre aux nouvelles exigences. Les acheteurs estiment ne pas disposer d’outils leur permettant de décliner un critère environnemental aux clauses d’exécution dans l’ensemble des segments d’achat. C’est pourquoi le plan national d’action pour les achats publics durables – dont la durée est précisément de cinq ans – prévoit une action de définition et de mise à disposition des outils.

Le délai de cinq ans pour les pièces détachées qui a été décidé à l’article 13 est un plancher, les entreprises qui le souhaitent pourront avoir plus de temps. À l’inverse, le délai de cinq ans que nous fixons à cet article est un plafond, qui pourra être réduit par décret en fonction des conclusions du rapport qui sera demandé au Gouvernement. Si nous constatons que la situation est mûre, que les acheteurs sont prêts et que le risque d’éviction est écarté, les parlementaires de la prochaine législature pourront avancer l’entrée en vigueur.

Avis défavorable.

M. Bruno Millienne. Je suis sensible aux arguments de la rapporteure et de la ministre, et conscient que le Gouvernement va au-delà des demandes de la Convention citoyenne. Surtout, certaines de nos TPE et PME pourraient ne pas être au rendez-vous si l’échéance était plus proche. Je retire donc mon amendement, en espérant que le rapport que propose la rapporteure permettra d’aboutir à un délai de trois ans plutôt que cinq.

Mme Delphine Batho. Nous pouvons faire plus vite. J’entends les arguments sur les entreprises, mais il faut prendre en considération les collectivités qui veulent appliquer cette mesure dès à présent. Elles ont besoin de sécurité juridique pour attribuer des marchés publics sur ces fondements.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Ceux qui veulent le faire le peuvent, ils n’en sont empêchés d’aucune façon. De nombreuses collectivités territoriales le font d’ailleurs déjà sans nous avoir attendus.

Les amendements CS3730, CS5053 et CS3651 sont retirés.

La commission rejette les amendements CS3578, CS1403, CS3004, CS5074, CS5224, CS4282, CS4622 et CS4623.

Amendement CS5279 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il s’agit de la demande de rapport dont nous venons de parler.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. J’y suis très favorable, c’est une sorte de clause de revoyure. Ce rapport établira, trois ans après la promulgation de la présente loi, comment cette condition est appliquée dans les SPASER. Le délai proposé permettra de mesurer très concrètement si les conditions d’une bonne application de cet article sont bien anticipées. Cet amendement s’articule parfaitement avec le CS5219 – qui impose aux acheteurs de publier leurs SPASER sur internet – et avec le CS4024 de M. Waserman, qui prévoit que la proportion des achats socialement et écologiquement responsables sera indiquée dans les SPASER.

La commission adopte l’amendement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Contrairement à beaucoup d’articles précédents, sur lesquels nous n’étions pas d’accord, le consensus sur cet article nous a permis de vite l’examiner. Pourtant, il ne faut pas minimiser son impact, cet article est probablement l’un des plus importants que nous ayons voté jusqu’à présent car il marque une rupture par rapport à ce qui est fait aujourd’hui.

Son champ d’application porte sur 200 milliards d’euros, et je suis d’accord avec Dominique Potier pour l’étendre aux concessions lors de l’examen en séance. Aujourd’hui, 20 % de la commande publique intègre des clauses environnementales. Dans cinq ans, 100 % des marchés publics intégreront une clause environnementale dans l’exécution.

Je comprends la volonté de nos collègues d’ajouter des critères sociaux, sanitaires et de sobriété numérique, comme nous avons voulu le faire à l’article 1er et à l’article 2. Mais assumons que le dérèglement climatique est notre priorité ; si nous fixons trop de priorités, nous passerons à côté de l’objectif.

Enfin, comme dans beaucoup d’articles, nous allons au-delà des propositions de la Convention citoyenne, ce qui démontre notre volonté d’être mieux-disant.

Mme Delphine Batho. C’est l’exception qui confirme la règle. Dans tous les articles précédemment discutés, c’est exactement l’inverse qui s’est passé et nous avons constaté des reculs importants.

La commission adopte l’article 15 ainsi modifié.

Après l’article 15

Amendements CS3497 de M. Philippe Latombe et CS1038 de M. Loïc Dombreval (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il est proposé d’ajouter dans les SPASER une mention à la responsabilité sociétale des entreprises. Tel est déjà le cas, je demande donc le retrait des amendements, sinon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2546 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Cet amendement vise à assurer une meilleure évaluation des SPASER.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cette proposition est satisfaite par l’adoption de l’amendement de nos collègues du MoDem qui impose la publication d’indicateurs, et par la demande de rapport sur les SPASER.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. En effet, les amendements CS5219, CS4024 et CS5279 ont incorporé des propositions très précises sur les SPASER. L’amendement de M. Raphan est satisfait.

M. Pierre-Alain Raphan. Si tout le monde est satisfait et que le MoDem a fait le travail, je n’ai plus qu’à retirer mon amendement ! (Sourires.)

L’amendement est retiré.

Amendement CS1952 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il est essentiel que les pouvoirs adjudicateurs bénéficient d’une formation aux grands enjeux du développement durable et aux outils juridiques à leur disposition pour les poursuivre.

Les futurs fonctionnaires de catégorie A ou B sont parfaitement formés sur les enjeux de développement durable par l’Institut national des études territoriales, Sciences Po et beaucoup d’écoles d’ingénierie publique, mais c’est moins vrai pour les agents plus âgés. Cet effort de formation continue nous semble un élément de performance incontournable. Notre amendement reprend une proposition du mouvement IMPACT France, un tel effort de formation sur les enjeux de développement durable et les limites planétaires serait un accélérateur peu coûteux.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous partageons le souhait de mieux former les acheteurs et les élus, mais selon le rapport de l’Observatoire économique de la commande publique, 75 % des acheteurs s’estiment déjà formés aux clauses sociales et environnementales. Le plan national qui va accompagner l’achat durable prévoit un important volet de formation, autant pour les acheteurs que pour les élus. Nous avons les moyens de le faire, mais il n’est pas utile de l’inscrire dans la loi. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. La portée normative de cet amendement est limitée. Proclamer le bénéfice d’une formation pour les acheteurs n’est pas performatif.

Nous partageons néanmoins votre souci, le délai d’entrée en vigueur de cinq ans est cohérent à cet égard. Le plan national d’achat durable sera disponible à la consultation avant la séance publique, et vous pourrez vérifier par vous-même l’ampleur du volet sur la formation. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Je retire mon amendement, mais élargir aux concessions la prise en compte des aspects environnementaux implique une autre culture. Les élus savent comment faire pour les achats publics, mais les concessions sont intellectuellement plus exigeantes.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1581 de Mme Nicole Le Peih.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure thématique. La commande publique doit contribuer à l’évolution de notre cadre de décision et de consommation. Il est proposé d’introduire la notion d’offre équitable, définie comme un équilibre entre les enjeux sociaux, économiques et environnementaux.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cette mesure vient contraindre encore la commande publique. Je comprends son objectif, et je tiens à préciser que les acheteurs publics peuvent utiliser des labels de manière très rigoureuse. La qualité de ces labels fait l’objet de vérifications. Demande de retrait, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS3460 de M. Stéphane Travert, CS817 de M. Julien Dive, et amendements identiques CS3329 de Mme Valérie Beauvais, CS2987 de M. Vincent Descoeur, CS1205 de M. Stéphane Travert et CS1733 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Stéphane Travert. Au moment du premier confinement, des dispositions particulières ont été prises pour permettre aux filières agricoles d’écouler les surplus de production entraînés par la fermeture des restaurants et des lieux de restauration collective. Je propose qu’un décret en Conseil d’État permette aux agriculteurs de continuer à bénéficier de ces souplesses, les surproductions continuent puisque la situation sanitaire demeure au niveau que nous connaissons.

Mme Valérie Beauvais. Je propose de compléter le code de la commande publique pour permettre aux acheteurs de se procurer en direct, sans formalité, publicité ni mise en concurrence préalables, des produits alimentaires répondant à un besoin et présentant une origine unique et territorialisée. Ces dispositions seraient applicables dans la limite d’un montant total annuel inférieur à 80 000 euros.

Cette mesure permettrait d’assouplir les possibilités de s’approvisionner en produits frais, ce qui serait intéressant pour les circuits courts et les cantines scolaires.

M. Vincent Descoeur. La crise sanitaire a démontré la nécessité de mesures de souplesse pour nous montrer solidaires des filières agricoles. Je propose de porter à 80 000 euros le seuil de dispense de procédure pour les achats de produits frais présentant une origine unique et territorialisée. Actuellement, ce seuil ne bénéficie qu’aux produits ayant fait l’objet d’un stockage. Le relever serait un gage de véritables bénéfices environnementaux et sociaux pour les territoires.

M. Stéphane Travert. Il s’agit d’aider certaines filières – pommes de terre, légumes – à écouler leur production, en assurant plus de fluidité et de simplicité dans les actes d’achats.

M. Thibault Bazin. Les amendements de cette discussion commune offrent plusieurs solutions. Les acteurs de la commande publique qui souhaitent faire preuve de solidarité avec nos filières agricoles rencontrent des difficultés liées aux seuils fixés par le Gouvernement. Il faut les assouplir, ce qui apportera des bienfaits environnementaux et sociaux aux territoires. Je suis sûr que la rapporteure y est sensible, nous devons permettre aux collectivités locales gestionnaires d’apporter ce soutien à nos agriculteurs.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je comprends l’objet de ces amendements, nous souhaitons également soutenir notre agriculture et faire en sorte que dans les cantines, les enfants mangent des produits plus durables, locaux et de meilleure qualité.

Dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), nous avons pérennisé un certain nombre de dispositifs mis en place pendant la crise sanitaire. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à M. Kasbarian pour son travail sur ce texte. Nous avons notamment donné la possibilité aux adjudicateurs de réserver aux PME et aux artisans une part minimale d’exécution dans des marchés globaux. Nous avons également fait de gros progrès sur les avances données aux TPE, qui atteignent 220 millions d’euros. C’est essentiel pour que les PME se portent candidates aux marchés publics.

Inscrire dans la loi une augmentation des seuils n’est pas judicieux. Cela relève du domaine réglementaire, et le motif d’intérêt général introduit par la loi ASAP pour fonder un allégement des procédures permettra de prendre les mesures réglementaires adaptées à la situation et aux secteurs concernés.

Enfin, les groupements momentanés d’entreprises, solidaires ou conjoints, permettent à nos agriculteurs de candidater ensemble à ces marchés publics. Souvent, ce n’est pas la valeur du marché public qui constitue un obstacle, mais la capacité à fournir des produits aux cantines de manière continue. Ces groupements momentanés d’entreprises leur permettent de répondre plus facilement à ces marchés publics. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Nous avons introduit une mesure dérogatoire dans un décret du 22 juillet 2020, mais il s’agissait de faire face aux effets très violents du premier confinement sur la constitution de stocks de produits invendus.

Mes interrogations sont d’ordre juridique. Le Conseil d’État avait admis cette mesure dérogatoire uniquement parce qu’elle était strictement limitée dans le temps ; elle ne peut s’appliquer qu’aux produits livrés avant le 10 décembre 2020. Depuis 2018, nous avons sollicité le Conseil d’État à plusieurs reprises sur ces seuils : le seuil général de dispense de procédure est passé de 25 000 à 40 000 euros ; le seuil expérimental pour les achats innovants a été fixé à 100 000 euros ; le seuil temporaire pour les marchés de travaux dans le cadre de la relance a été porté de 70 000 à 100 000 euros dans la loi ASAP. S’y ajoute le seuil temporaire que vous évoquez. Ces modifications se sont heurtées à chaque fois à la réticence extrême du Conseil d’État. Se pose enfin la question de la conformité au droit européen, dès lors que le montant s’approche du seuil européen pour les marchés de fournitures.

Ces modifications sont passées – d’extrême justesse – car elles étaient envisagées comme temporaires dès le départ. Il n’est pas envisageable de prévoir une disposition similaire de façon pérenne, elle se heurterait à une censure du Conseil constitutionnel. Dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, le Gouvernement avait souhaité soutenir les agriculteurs en intégrant un droit de préférence dans le code des marchés publics. Cette mesure, dont les effets étaient proches de celle dont nous discutons, avait dû être abandonnée en raison des risques juridiques qu’elle présentait. Je demande donc le retrait des amendements, à défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Les conditions posées par le Conseil d’État étaient liées au contexte très particulier de l’année 2020. Nous ne pensions pas revivre la même chose en 2021, mais l’état d’urgence sanitaire est toujours en cours, et les difficultés sur le territoire sont réelles.

Il peut y avoir de fortes réticences, et il est normal que le Gouvernement écoute son conseiller en la matière. Mais la crise remet en question les règles, on le constate au niveau européen s’agissant des frontières. Il faut tenter, le pouvoir législatif doit prendre ces dispositions, et nous verrons si le Conseil constitutionnel les censure. Ne soyons pas frileux, et votons ces amendements.

M. Stéphane Travert. Madame la ministre, madame la rapporteure, vous connaissez la confiance que je vous porte. Je suis ravi que M. Bazin se range à ces arguments, afin que nous puissions trouver un compromis utile à nos filières agricoles.

Je ne nie pas la frilosité du Conseil d’État, mais si nous trouvons un jour un domaine dans lequel il n’est pas frileux, qu’on me le fasse savoir ! La modification des conditions d’achat pour aider nos filières agricoles pendant le confinement a été validée il y a un an, et la situation n’a pas vraiment changé depuis : les restaurants sont toujours fermés, une part importante de la restauration collective fonctionne à 50 ou 30 %. Beaucoup d’agriculteurs sont donc encore en surproduction, et il faut trouver des moyens pour les aider à écouler leurs stocks. Dans les coopératives et les cours de ferme, la frilosité du Conseil d’État n’est pas un argument qui porte. Je souhaite que nous puissions affirmer notre volonté, en tant que législateur, de soutenir nos productions agricoles et nos agriculteurs face aux difficultés qu’ils traversent.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure thématique. L’approche de l’Union européenne est peut-être différente s’agissant des seuils. La crise que nous vivons permet de remettre au premier plan la souveraineté alimentaire et l’importance de pouvoir acheter dans un proche périmètre.

Je comprends le risque juridique, et je crois effectivement que dans l’état actuel du droit, nous ne pouvons pas aller plus loin. J’aimerais que le Gouvernement détaille les démarches qu’il effectue auprès de nos interlocuteurs européens pour permettre le relèvement des seuils au bénéfice des secteurs agricoles et agroalimentaires.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je suis plutôt d’un naturel joueur, mais nous avons une responsabilité juridique, et mon rôle est d’éclairer la représentation nationale sur la réalité d’un risque juridique.

Ma réponse porte sur les amendements. Les amendements proposés par M. Travert et plusieurs de ses collègues proposent une pérennisation du seuil, donc une modification de durée indéfinie, et non une prorogation du décret. Je ne suis pas ministre de l’agriculture, je ne prendrai donc pas plus d’engagement. J’entends vos arguments, je sais que nous aurons beaucoup de travail entre l’issue de ces travaux en commission et la séance publique.

En ce qui concerne la pérennisation de ce seuil, mon avis est défavorable. D’autres modalités pourraient peut-être être envisagées.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2189 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Cet amendement vise à encourager la formation des élus en matière de développement durable. Une dynamique a été lancée depuis le début du mandat dans les établissements scolaires et les entreprises, et la loi AGEC a encouragé les formations sur l’économie circulaire. Autant poursuivre cette dynamique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je vous remercie d’aborder ce sujet. Au-delà des acheteurs, les élus doivent aussi être sensibilisés. L’ordonnance publiée en début d’année sur la formation des élus permet de renforcer leurs droits en la matière, notamment grâce au compte personnel de formation des élus, qui permettra de monétiser leurs droits et de mutualiser leurs heures au niveau des communautés d’agglomération ou de communes. Ils auront un espace dédié sur la plateforme « Mon compte formation » Je crois que cela répond à votre demande. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de laisser aux élus le choix sur le terrain.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. L’amendement est satisfait, je propose de le retirer. Le code général des collectivités territoriales précise déjà que tous les élus ont ce droit à la formation, notamment sur le développement durable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4577 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Il vise à ouvrir le débat sur le rajeunissement et le verdissement des flottes publiques de véhicules, en prévoyant l’introduction d’une part obligatoire réservée à la location de véhicules, afin de réduire les émissions de CO2 et de s’adapter aux nouveaux usages des véhicules, notamment leur utilisation partagée, intermodale et raisonnée.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Monsieur Kasbarian, votre amendement aurait pour effet de restreindre la liberté des pouvoirs adjudicateurs. La location de courte durée ne répond pas forcément à leurs besoins. Dans une commune rurale comme la mienne, elle n’est pas forcément la meilleure solution pour les services généraux de la municipalité. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. La question se pose sans doute dans les collectivités locales, en général urbaines, dont les services généraux gèrent d’importantes flottes de véhicules. Le vecteur proposé est-il le bon ? Je l’ignore. En revanche, je connais de nombreuses collectivités locales qui seraient dans l’impossibilité d’appliquer la disposition proposée, car elles ne recourent pas à des véhicules conçus pour la ville. J’ai été maire d’une commune de 1 800 habitants ; les seuls véhicules que nous avons achetés sont des utilitaires, des tracteurs et des véhicules outils. Il n’est pas question, pour une telle commune, d’acquérir un véhicule de ville pour le directeur des services généraux ou pour le maire. Réserver 10 % du marché à la location de courte durée de tels véhicules, pour elle, n’a rien d’évident.

M. Guillaume Kasbarian. Je prends note de ces arguments. Je pense qu’il faut explorer la piste de la location de véhicules, qui permet de rajeunir les flottes. Ma circonscription compte elle aussi de nombreux villages. Il est envisageable que les collectivités concernées, au lieu d’acheter un tracteur et de le garder pendant des décennies, en louent ou en partagent un. Elles bénéficieraient ainsi des meilleures technologies et de véhicules moins polluants. Cette démarche doit être facilitée. Compte tenu des critiques de l’opposition et des arguments de Mme la rapporteure, et du fait que la liberté est une valeur qui me tient à cœur, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS578 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il porte sur les enjeux du numérique dans les achats publics. Le numérique est de plus en plus mobilisé dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques, notamment en matière d’aménagement du territoire et de transport public. Les solutions numériques déployées n’offrent pas toujours un gain environnemental, c’est le moins que l’on puisse dire. L’amendement vise à inciter les collectivités locales à construire un système numérique résilient, en choisissant, parmi les offres présentées par les candidats à un marché public, les solutions numériques et logicielles les plus vertueuses en matière d’impact environnemental.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Sans entrer dans le détail de ce dont les acheteurs publics tiennent compte, je rappelle qu’ils doivent prendre en considération l’impact environnemental des biens proposés. L’amendement est donc satisfait. J’ajoute, pour abonder dans le sens de M. Kasbarian, que la location est un bon moyen d’obtenir la meilleure performance écologique, y compris pour des biens numériques. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Delphine Batho. L’amendement n’a pas pour sujet l’achat ou la location de biens par les collectivités locales. Il s’agit de faire en sorte qu’elles choisissent ou développent, lors de l’acquisition d’un écosystème numérique visant à traiter une grande quantité de données sur tel ou tel sujet, le logiciel le plus vertueux possible en matière environnementale, par exemple en faisant appel à ce que l’on appelle le « Green web ».

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement fait écho au dramatique incendie d’un data center de Strasbourg ayant récemment fait l’actualité. L’enjeu n’est pas tant la commande publique que l’injonction en matière de règles d’utilisation du numérique. Il s’agit d’une question de souveraineté. Nous devons assurer la localisation en France du stockage de données avant d’inciter les data centers à progresser sur le plan environnemental.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS4625 de M. JeanCharles Colas-Roy.

Amendement CS24 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Il vise à pallier une lacune observée dans la gestion des établissements sanitaires et médico-sociaux. Aucun objectif de santé environnementale n’est officiellement affiché ni poursuivi par leurs politiques d’achat, qui ne sont pas davantage soumises à des exigences réglementaires de prévention en matière de perturbateurs endocriniens, de produits perfluorés et de produits chimiques entrant dans la composition des consommables hôteliers et médicaux achetés et utilisés par les patients et les personnels. Si les documents généraux relatifs aux grands axes du développement durable fixent des recommandations environnementales et énergétiques, aucune obligation officielle n’est imposée aux établissements de santé pour réduire l’impact des expositions chimiques sur la santé des patients pendant leur séjour.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Madame Toutut-Picard, je salue à nouveau votre travail sur la santé environnementale. Sur le fond, nous ne pouvons qu’être d’accord avec votre objectif. Toutefois, votre amendement semble éloigné du sujet abordé à l’article 15, qui vise à systématiser la prise en compte de considérations environnementales à toutes les étapes de la commande publique, mais aussi lors de l’accréditation des personnels des établissements de santé. Je suggère le retrait de votre amendement et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je salue à mon tour la qualité de l’engagement d’Élisabeth Toutut-Picard sur la santé environnementale, avec une attention particulière sur les perturbateurs endocriniens. L’avis du Gouvernement est identique à celui de Mme la rapporteure.

L’amendement est retiré.

Amendements CS3705 et CS3712 de Mme Sophie Mett (discussion commune).

M. Bruno Millienne. L’amendement CS3705, déposé par nos collègues Mmes Mette et Lasserre, vise à compléter l’article L. 228-4 du code de l’environnement par un alinéa ainsi rédigé : « À partir du 1er janvier 2028, l’usage des matériaux biosourcés doit intervenir dans au moins 75 % des rénovations et constructions dans lesquelles intervient la commande publique. Un décret en Conseil d’État précise les conditions de validation de cet objectif pour chaque commande publique ». L’amendement CS3712 est un amendement de repli.

Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, je connais d’avance votre réponse. Nous tenons à appeler l’attention sur les filières du bâtiment utilisant des matériaux biosourcés, qui ne sont absolument pas prêtes à répondre aux demandes prévues d’ici à 2028, compte tenu des interdictions qui entreront en vigueur, notamment en matière de location de passoires thermiques. Il s’agit de donner un coup d’accélérateur à ces filières, afin qu’elles se structurent et qu’elles soient prêtes à construire les bâtiments de demain.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Une nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, la RE2020, a été élaborée. Elle s’applique aux bâtiments publics, dans la construction desquels l’usage de matériaux biosourcés est d’ores et déjà largement encouragé. En outre, l’article L. 228-4 du code de l’environnement dispose que la commande publique doit tenir compte du caractère biosourcé des produits, ce qui vaut notamment pour le bâtiment. Il ne semble donc pas nécessaire de prévoir des contraintes supplémentaires en la matière. Je suggère le retrait des amendements et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Au risque d’être redoutablement prévisible, tout en essayant de rester agréable, surtout à votre endroit, monsieur Millienne, je donne un avis identique à celui de Mme la rapporteure.

Mme Delphine Batho. Je soutiens ces amendements. L’enjeu des matériaux biosourcés est crucial. Le département des Deux-Sèvres compte plusieurs filières, dont le développement se heurte à de nombreux blocages, dus à la bureaucratie et à la lenteur administrative, ainsi sans doute qu’à un certain conservatisme. Ces filières ont vraiment besoin d’un soutien fort pour se développer, à l’échelle des artisans comme à l’échelle industrielle.

M. Bruno Millienne. Je ne retirerai pas les amendements, car nous tenons à envoyer un signal à la filière du bâtiment. Il faut structurer les filières de matériaux biosourcés.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4872 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Il vise à faciliter les achats locaux durables en restauration collective par le biais des marchés publics, en les intégrant à l’expérimentation « Achats innovants », afin de clarifier la possibilité qu’ont les acteurs d’en bénéficier s’agissant des produits locaux et durables.

La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ÉGALIM) fixe des objectifs d’introduction de produits de qualité en restauration collective. Or la notion de qualité ne tient pas compte de l’origine géographique des produits, par souci de conformité avec le droit européen de la concurrence. Par conséquent, rien n’incite à favoriser la proximité et la circularité.

Par ailleurs, ces appels d’offres portent souvent sur des volumes importants, ce qui tend à en exclure de nombreuses entreprises agricoles de proximité. L’amendement prévoit également une évaluation du dispositif à l’issue d’un délai de deux ans, afin de juger de son utilité dans l’essor de l’approvisionnement en produits locaux durables.

Mme Cendra Motin, rapporteure. La loi ÉGALIM a introduit l’obligation de proposer au moins 50 % de produits de qualité et durables dans la restauration collective. J’attends avec impatience que Mme de Lavergne, rapporteure pour le titre V, nous en dise plus ! Par ailleurs, la disposition du code des marchés publics sur laquelle se fonde l’amendement a été abrogée, ce qui pose un problème de forme. Je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. La procédure dérogatoire proposée peut d’ores et déjà s’appliquer, à titre expérimental, au marché de la restauration collective. Par ailleurs, nous dresserons cette année le bilan de l’application du décret du 24 décembre 2018. S’il s’avère, comme nous le souhaitons, qu’il est positif, ses dispositions seront codifiées, non dans le code des marchés publics, mais dans le code de la commande publique, qui le remplace depuis le 1er avril 2019. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4026 de Mme Aude Luquet.

Mme Frédérique Tuffnell. Il vise à faire en sorte que les acheteurs publics tiennent compte de critères de réparabilité et de durabilité à compter du 1er janvier 2025. Je rappelle que la loi AGEC prévoit l’affichage obligatoire d’un indice de réparabilité pour certains produits électriques et électroniques, afin de limiter leur obsolescence et d’augmenter considérablement leur durée de vie.

Mme Cendra Motin, rapporteure. La disposition et le délai proposés sont très intéressants. Toutefois, la prise en compte systématique de ces indices n’est pas pertinente. En outre, les acheteurs publics tiennent compte, en matière de critères de choix et de spécifications techniques, des objectifs de développement durable (ODD) chers à M. Raphan. Enfin, l’article 15 oblige à tenir compte de la dimension environnementale de l’exécution des marchés publics. Je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1873 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de faire en sorte que les services de l’État et les collectivités locales fondent leurs achats de produits numériques sur leurs indices de réparabilité et de durabilité.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement reprend un article de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, déposée au Sénat par Patrick Chaize, et que nous examinerons bientôt. Retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je partage la volonté de promouvoir les produits numériques les plus écologiques possible, notamment par le biais de l’exemplarité des ministères et des services déconcentrés de l’État. Le Gouvernement accompagnera les acteurs au sein du plan national d’actions pour l’achat public durable (PNAAPD), et réformera les cahiers des clauses administratives générales (CCAG). La mission parlementaire sur les achats responsables devrait permettre d’orienter ces actions.

J’indique, faute de l’avoir fait avant, que j’ai confié il y a quelques mois – nous sommes donc proches du terme – au médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, une mission d’audit et de perspective sur le label « relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR). La disposition proposée par l’amendement de Mme Forteza me semble intéressante. Avec son accord, nous pourrions en discuter pour étendre le champ de cette mission, qui n’est pas achevée, à la prise en compte de la sobriété numérique et de l’indice de réparabilité des produits numériques dans le cadre des achats publics. Pour l’heure, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Proposition acceptée !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2587 de Mme Laurianne Rossi.

Mme Laurianne Rossi. Il porte sur l’achat de véhicules par les collectivités territoriales et vise à intégrer, à hauteur de 50 %, les émissions de gaz à effet de serre au cours du cycle de vie des véhicules dans les critères de notation et d’attribution des marchés publics. J’indique, en toute transparence, qu’il a été travaillé avec les acteurs du « rétrofit » électrique. Il s’agit de valoriser les véhicules thermiques en les transformant en véhicules électriques, dans un souci de préservation de l’environnement, mais aussi de réduction de la dépense publique des collectivités locales, dès lors que la mise à niveau d’un véhicule est bien moins coûteuse que l’achat d’un véhicule neuf.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Madame Rossi, les marchés que vous visez sont d’ores et déjà soumis à des dispositions environnementales. Ainsi, l’article L. 2172-4 du code de la commande publique dispose : « Lorsqu’ils achètent un véhicule à moteur au sens du 1° de l’article L. 110-1 du code de la route, les acheteurs tiennent compte des incidences énergétiques et environnementales de ce véhicule sur toute sa durée de vie, dans les conditions et sous réserve des exceptions prévues par voie réglementaire ». Par ailleurs, la pondération des critères n’est pas une obligation, ce qui rend difficile l’introduction de l’objectif chiffré que vous proposez. Votre démarche est intéressante et honorable, dans la mesure où elle vise à faire faire des économies aux collectivités locales en matière environnementale et financière, mais elle est d’ordre réglementaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1939 de M. Dominique Potier.

Mme Chantal Jourdan. Il vise à élargir le périmètre de formation des fonctionnaires et des élus en matière de transition écologique, et à rendre cette formation obligatoire.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendements CS3103 et CS3104 de M. Philippe Naillet (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de mettre l’accent sur le rôle des collectivités locales chargées des établissements scolaires dans la prise de conscience, par les enfants, des enjeux environnementaux. Il s’agit de renforcer celle-ci dans le cadre des marchés publics et de valoriser les produits les mieux notés en matière sociale et environnementale.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Si l’amendement CS3103 vise précisément les marchés publics liés à l’éducation nationale, le champ d’application des dispositions proposées est bien trop large. Elles pourraient s’avérer très contraignantes pour d’autres marchés publics. Quant à l’amendement CS3104, il présente le risque que les critères de l’affichage environnemental soient dépourvus de pertinence selon le marché public considéré. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS284 de M. Michel Vialay, CS315 deM. Guy Bricout, CS1224 de M. Michel Castellani, CS1255 de Mme Maina Sage, CS1295 de Mme Nathalie Bassire, CS1837 de M. Guillaume Garot, CS3463 de M. Hubert Julien-Laferrière, CS4019 de Mme Aude Luquet, CS4843 de Mme Sandrine Le Feur et CS2639 de Mme Émilie Cariou.

M. Michel Vialay. Le développement de solutions de réemploi des emballages, comme solution alternative aux emballages jetables, nécessite la création d’infrastructures créatrices d’emplois et moins coûteuses, à terme, que la gestion des déchets d’emballages jetables. Toutefois, elle requiert un investissement initial qui peut être assez significatif pour certains acteurs. Afin de compléter les financements prévus par la loi AGEC, l’amendement vise à faire en sorte que la commande publique privilégie le réemploi des emballages, orientant ainsi les investissements des acteurs.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit d’orienter la commande publique vers des produits intégrés dans les filières de réemploi des emballages, en faisant de la commande publique un levier de promotion de ces filières.

Mme Delphine Batho. Les amendements CS3463 et CS2639, relatifs au développement du réemploi des emballages par le biais de la commande publique, sont soutenus par l’ONG Zero Waste France et par le Réseau Action Climat.

Mme Frédérique Tuffnell. Les entreprises et les citoyens sont encouragés à limiter leur production de déchets. Il doit en aller de même pour les collectivités locales ainsi que pour les services de l’État, qu’il faut inciter à privilégier les solutions de réemploi des emballages.

Mme Sandrine Le Feur. La loi AGEC prévoit qu’au moins 2 % des éco‑contributions perçues par l’éco-organisme en charge des emballages sont consacrés au développement de solutions de réemploi et de réutilisation des emballages. Ces financements pourraient être complétés par une commande publique exemplaire, privilégiant les dispositifs de réemploi des emballages et orientant ainsi les investissements des acteurs.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je salue le travail que nous avons réalisé dans le cadre de la loi pour la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire, qui prévoit que certains biens acquis par l’État sont issus du réemploi ou de la réutilisation. Il s’agit notamment des sacs d’emballage, qui doivent être issus à hauteur de 20 % du réemploi ou de la réutilisation et intégrer des matières recyclées. Un décret vient de paraître ; je laisse Mme la ministre en préciser les dispositions. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Il s’agit d’une préoccupation exprimée sur presque tous les bancs, et largement partagée au sein du Gouvernement. Une clause spécifique à la gestion des emballages sera introduite dans les nouveaux CCAG, qui entreront en vigueur le 1er avril 2021. Elle prévoira non seulement le réemploi des emballages, mais aussi le caractère recyclable des matériaux d’emballage, et ce bien avant le 1er janvier 2025.

Par ailleurs, le décret n° 2021-254 du 10 mars 2021 prévoit de consacrer un pourcentage des montants affectés aux achats publics à des produits issus du réemploi ou de la réutilisation, ou intégrant des matières recyclées.

Enfin, l’article 4 de ce décret dispose : « Au plus tard le 31 décembre 2022, les ministres chargés de l’environnement et de l’économie établissent le bilan de la mise en œuvre des dispositions du présent décret au regard de leur impact sur l’environnement, sur l’évolution des pratiques des acheteurs et des fournisseurs en matière de commande publique et sur la situation économique des différentes filières productrices des biens mentionnés en annexe. Ce bilan est transmis au Parlement et rendu public ». Vous disposerez donc, dès la fin de l’année 2022, d’un rapport vous permettant de déterminer si le décret relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées, qui vise le même objectif que les amendements, est bel et bien mis en œuvre.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable aux amendements, car ils sont satisfaits.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS153 de M. Michel Vialay.

M. Michel Vialay. Les perturbateurs endocriniens contenus dans les plastiques sont facteurs de pathologies graves, telles que le cancer, le diabète, l’obésité et les maladies de la reproduction. Au demeurant, le rapport sur la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE) publié en 2017 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) recommandait aux pouvoirs publics de renforcer leur action de lutte contre ces substances potentiellement toxiques. Le présent amendement vise à interdire la commande de bouteilles en plastique par les pouvoirs publics au profit de bouteilles composées de matériaux inertes et durables, au premier rang desquels le verre. Cet amendement, qui présente des bénéfices sanitaires, s’inscrit également dans la politique de réduction des déchets.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Monsieur Vialay, je salue votre ambition en matière de réduction de l’usage des matières plastiques et partage votre souci de santé publique. Nous sommes d’ores et déjà engagés dans la voie que vous indiquez. Conformément à la loi ÉGALIM, l’usage des bouteilles plastique dans la restauration scolaire est interdit depuis le 1er janvier 2020. Généraliser leur interdiction à la sphère de la commande publique pourrait poser problème. Il suffit de songer au cas des hôpitaux pour constater que l’on se heurterait rapidement à des limites. Je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Je me réjouis que nous examinions un amendement relatif à la réduction de l’usage des matières plastiques par l’entremise de la commande publique. Je le voterai. L’objection de Mme la rapporteure peut facilement être contournée par un décret permettant la prise en compte de situations très spécifiques, telle celle des hôpitaux. Malheureusement, les hôpitaux ne sont pas les seuls établissements qui commandent des bouteilles d’eau en plastique.

M. Michel Vialay. Madame la rapporteure a évoqué les matières plastiques. Or l’amendement vise spécifiquement les bouteilles en plastique, et non les matières plastiques qui sont utiles aux hôpitaux et auxquelles nous n’avons pas de produit à substituer. L’interdiction des bouteilles en plastique dans les cantines scolaires est assez réductrice. De nombreux autres établissements publics et collectivités locales en utilisent. J’indique au passage que l’Assemblée nationale a généralisé les fontaines, après un courrier que j’ai adressé à son président à la suite de l’adoption de la loi ÉGALIM. La démarche pourrait être généralisée partout.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS3541 de M. Jimmy Pahun.

Amendement CS2262 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Il vise à demander au Gouvernement, auquel je sais que nous adressons de nombreuses demandes, un rapport présentant l’évolution, l’évaluation et l’impact à la fois qualitatif et quantitatif du PNAAPD. Ce rapport serait rendu public et disponible en open data.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’amendement est satisfait, notamment par l’excellent travail fourni par l’Observatoire économique de la commande publique (OECP), qui a publié de nombreuses études. Je vous invite notamment à consulter celle sur les pratiques des acheteurs en matière d’accès des TPE/PME à la commande publique, d’achats innovants et d’achats durables, publiée en juin 2020. L’utilité du rapport demandé n’a rien d’évident. Un rapport sur les achats responsables, durables et locaux doit nous être remis dans trois ans. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Il me semble que l’amendement est satisfait. Je sais la sensibilité de Mme la ministre de la fonction publique sur ce sujet, que j’ai abordé avec elle dans le cadre du lancement du baromètre des résultats de l’action publique. Pour renforcer en son sein la place des achats publics responsables, le soutien des parlementaires me serait fort utile. Si cette perspective vous intéresse, je propose que nous prenions l’initiative d’en discuter avec elle. Demande de retrait, pour de bonnes raisons, ou avis défavorable.

M. Pierre-Alain Raphan. Madame la secrétaire d’État, votre proposition me séduit au plus haut point. Je suis persuadé que nous pourrons travailler aux côtés de Mme Amélie de Montchalin. Le baromètre des résultats de l’action publique est un très bel outil, dont j’invite chacun à se saisir, car il est très utile pour démontrer l’impact de nos politiques publiques.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS3961 de Mme Stéphanie Kerbarh et CS4718 de M. Didier Baichère.

Mme Stéphanie Kerbarh. Il s’agit de faire en sorte que le Gouvernement publie chaque année la part de marchés de l’État contenant une clause de performance environnementale ou une clause sociale.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je vous renvoie au travail de l’Observatoire économique de la commande publique, qui procède au recensement de ces contrats pour les montants de marché supérieurs à 90 000 euros hors taxes. Les données transmises dans ce cadre doivent mentionner la mise en œuvre de conditions d’exécution sociales ou environnementales. Par ce biais, nous savons que nous sommes encore loin d’avoir atteint nos objectifs en la matière. L’article 15 nous aidera à améliorer largement nos résultats. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Chapitre II
Adapter l’emploi à la transition écologique

Avant l’article 16

Amendement CS1954 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. À plusieurs reprises, des freins ont été mis aux ambitions de ce texte au motif que des emplois pourraient être perdus. C’était le cas notamment à propos de la publicité. Cet amendement vise à mettre en œuvre les préconisations du plan de programmation des emplois et des compétences à travers une feuille de route précise, assortie d’un calendrier des changements qui doivent être opérés.

La loi du 17 août 2015 a prévu ce plan de programmation, mais il a fallu attendre février 2019 pour qu’un rapport consacré à la question soit remis. Celui-ci comportait quelques préconisations, sans calendrier précis. Il me semble important de donner de la visibilité et de rassurer les secteurs en mettant l’accent sur les transformations possibles et sur la formation qui doit les accompagner.

Mme Cendra Motin, rapporteure. La rédaction d’une feuille de route fait déjà partie des pistes envisagées pour donner une suite au rapport de Laurence Parisot. L’agenda social est assez chargé en ce moment ; néanmoins, des négociations paritaires ont été lancées. Nous y serons très attentifs. À ce stade, j’émets un avis défavorable sur votre amendement, mais nous partageons l’objectif.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Des travaux sont également menés dans la filière de l’électricité et dans la filière du nucléaire. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) se penche aussi sur la question. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 16 (articles L. 2241-12, L. 2242-20, L. 2312-8, L. 2312-17, L. 2312-22, L. 2315‑94, L. 2316‑1 et L. 2316‑2 du code du travail, article L. 142‑9 du code monétaire et financier et article L. 5343‑21 du code des transports) : Prise en compte des enjeux de la transition écologique dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et lors de l’informationconsultation du conseil social et économique (CSE)

Amendement CS2314 de M. Fabien Di Filippo.

M. Jean-Marie Sermier. Il vise à supprimer les alinéas 2 à 9. Nous ne voyons pas comment la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pourrait en elle-même répondre aux enjeux écologiques.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je suis évidemment défavorable à cet amendement. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, au niveau des branches comme dans les entreprises, n’est pas une contrainte : c’est un outil prospectif, qui sert à accompagner les mutations des métiers affectés par la transition. Dans la filière automobile, par exemple, il est essentiel d’accompagner les ouvriers qui vont passer de moteurs diesel à des moteurs électriques.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. L’article 16 marque une évolution importante. Plus de 25 000 entreprises de plus de 50 salariés vont ainsi voir leur fonctionnement interne évoluer ; il sera évalué sous le prisme de l’impact environnemental. C’est un levier extrêmement fort pour engager concrètement les démarches de RSE dans les entreprises, notamment les PME. Au même titre que Mme la rapporteure, je suis défavorable à une proposition qui supprimerait une obligation majeure de l’article 16, alors même que la transition écologique va certes faire disparaître des emplois, mais aussi en créer de nouveaux, ce qui suppose de faire évoluer les compétences, aussi bien que les branches professionnelles.

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne partageons pas le même point de vue. Les entreprises, parce qu’elles voudront s’ouvrir davantage aux préoccupations environnementales ou se positionner sur de nouveaux marchés, embaucheront du personnel qui répondra à leurs attentes, mais on ne peut pas dire que la gestion des emplois et des compétences en elle-même permettra d’opérer la transition écologique. C’est une erreur stratégique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3814 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Je partage en partie le trouble de M. Sermier. Toutefois, je propose de modifier le texte et non de supprimer certains alinéas. Il s’agit, selon moi, de « répondre aux enjeux de la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et de la lutte contre le dérèglement climatique », par cohérence avec la révision constitutionnelle en cours. D’ailleurs, pourquoi ne pas écrire, plus simplement, « pour répondre à la transition écologique » ? Le terme « enjeux » me semble superfétatoire. Enfin, pourquoi ne pas utiliser les mots « environnement » ou « développement durable », que l’on trouve partout, jusque dans les nomenclatures des emplois et compétences et les intitulés des diplômes qui y sont associés ? La notion de « transition écologique » est très vague. Je suis donc preneuse de clarifications.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le terme « enjeux » n’est absolument pas superfétatoire, puisqu’il s’agit précisément de gestion prévisionnelle : imaginer les enjeux de demain, essayer d’avoir une vision prospective me paraît au contraire extrêmement utile et précis.

La formulation que vous proposez est un peu longue, même si je comprends l’idée, à savoir faire le lien avec la modification en cours de l’article 1er de la Constitution. À la limite, nous pourrions envisager de retenir l’expression « transition environnementale », mais il me semble que la notion de « transition écologique » englobe la rédaction que vous proposez. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. La rédaction de l’article est volontairement très large, justement pour englober de nombreux enjeux, liés à la fois à la préservation de l’environnement, à la diversité biologique, à la lutte contre le réchauffement climatique et à l’économie circulaire. Par ailleurs, si l’on retenait votre proposition, le terme « notamment » serait supprimé, ce qui restreindrait la GPEC menée par les branches et les entreprises à la prise en compte des seuls enjeux de la transition écologique. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Valérie Petit. Je le maintiens : certains aspects de l’écologie ne relèvent pas de la transition et échappent par conséquent au champ de l’article.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2131 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Il vise à intégrer les enjeux liés à l’économie circulaire dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. En effet, l’économie circulaire, parce qu’elle représente un nouveau modèle économique qui bouleverse les modèles de production et de consommation, implique d’anticiper les mutations du marché du travail en identifiant les besoins et en développant des programmes adaptés de formation initiale et continue, comme le recommande l’Institut national de l’économie circulaire.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Comme l’a expliqué Mme la ministre, les évolutions liées à l’économie circulaire sont couvertes par la notion de transition écologique. Je vous invite donc à retirer cet amendement. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3214 de Mme Valérie Beauvais.

Mme Valérie Beauvais. Il vise à intégrer les impacts néfastes du numérique sur l’environnement. Il n’est pas inutile de rappeler que les e-mails sont responsables de l’émission de 410 millions de tonnes de CO2 par an. En France, un internaute reçoit en moyenne 39 courriels par jour. Au total, 281 milliards d’e-mails ont été envoyés chaque jour dans le monde en 2018, d’après le cabinet d’études The Radicati Group. Autrement dit, chaque e-mail s’accompagne en moyenne de l’émission de 4 grammes de CO2. Par comparaison, le transport aérien mondial a quant à lui produit 859 millions de tonnes de CO2 en 2017, d’après l’Association internationale du transport aérien (IATA).

Au demeurant, le chiffre des émissions liées aux courriels est largement sous-estimé, car il ne prend pas en compte les spams, lesquels représentent la moitié des messages reçus. Or, même non ouvert, chacun de ces messages indésirables produit 0,3 gramme de CO2. Notons, au passage, que 80 % des e-mails ne sont jamais ouverts.

Enfin, le stockage des courriels entraîne lui aussi une dépense d’énergie. Chaque Français garde entre 10 000 et 50 000 mails non lus dans sa boîte de réception, assure le PDG de la start-up Foxintelligence, qui édite notamment Cleanfox, une application de tri automatique d’e-mails. Toutes ces données sont stockées dans des data centers qui consomment annuellement 200 térawattheures et sont responsables de 0,3 % des émissions de gaz à effet de serre, selon le site internet de la revue Nature.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Merci, madame Beauvais, d’avoir cité ces chiffres très utiles : cela nous rappelle, à nous qui utilisons beaucoup nos boîtes mails, les conséquences de ces pratiques. Certes, les impacts environnementaux du numérique peuvent entrer dans la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, mais tous les métiers ne sont pas concernés. Ainsi, vous conviendrez que, pour un ouvrier de la filière automobile qui apprend à fabriquer des moteurs électriques à la place de moteurs diesel, la question du numérique n’est pas forcément au cœur de la transformation de son métier. Je crois dans l’intelligence de nos organisations patronales et syndicales : elles inscriront le numérique dans les accords de branche lorsque c’est pertinent. Cela dit, nous reviendrons à la question à l’article 18, à propos des opérateurs de compétences (OPCO). Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS2313 et CS1955 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit d’intégrer les enjeux de la transition écologique dans les entreprises d’au moins 300 salariés. L’article 16 prévoit que, dans ces entreprises, les négociations relatives à la gestion des emplois et des parcours professionnels puissent intégrer notamment les enjeux de la transition écologique. Or, si les dispositions du code du travail relatives à cette négociation sont bien modifiées dans la partie consacrée aux dispositions supplétives, l’article L. 2242-2, quant à lui, ne l’est pas, ce qui signifie que les dispositions d’ordre public ne sont pas visées.

Mme Cendra Motin, rapporteure. D’abord, très peu d’accords sont conclus sur le fondement des dispositions d’ordre public : ce sont les dispositions supplétives qui sont presque systématiquement appliquées. Ensuite, les dispositions d’ordre public se veulent très générales, contrairement à celles relatives au CSE : elles donnent les grandes lignes des thématiques soumises à consultation. Je ne pense pas qu’il soit utile de préciser les enjeux de la transition à cet endroit du code du travail. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS636 de Mme Delphine Batho, CS804 de M. Julien Dive, CS1447 de M. Thibault Bazin et CS1959 de M. Dominique Potier.

Mme Delphine Batho. Ces amendements sont issus d’une proposition de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), soutenue par tous les syndicats. Les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise et les effets de la transition écologique sur la situation économique de l’entreprise doivent faire l’objet d’une consultation récurrente et spécifique du comité social et économique (CSE) : il ne faut pas que ces enjeux soient dilués parmi les autres compétences de l’organe.

M. Vincent Descoeur. Le CSE est consulté sur de très nombreuses questions. Il nous semblait judicieux que celle de l’adaptation des activités, métiers et compétences liée à la transition écologique ainsi que les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise fassent l’objet d’une procédure bien identifiée.

M. Dominique Potier. Tout est lié, et l’on peut penser que les discussions au sein du CSE associeront les dimensions économique, environnementale et sociale, mais on court également le risque que les questions environnementales se trouvent diluées, voire qu’elles soient oubliées. Je défends donc moi aussi cette proposition. Cela dit, nous essaierons d’affiner le dispositif d’ici à la séance : s’il convient de préserver la spécificité des enjeux environnementaux, il faut également trouver des indicateurs clairs prenant en compte l’interaction avec les dimensions économique et sociale – qui est bien réelle, comme le montrent les travaux que Graziella Melchior et moi-même avons menés au sein de la commission des affaires économiques : les politiques sociales et les écarts de salaires ont un impact sur le bilan carbone des entreprises.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable. Tout est lié, en effet : les enjeux écologiques concernent toutes les dimensions de l’activité de l’entreprise, qu’il s’agisse de sa politique sociale ou de sa stratégie économique et financière – il est possible, par exemple, de procéder à une analyse écologique du budget, comme nous l’avons démontré nous-mêmes à propos du budget de l’État. Vous connaissez bien ces enjeux, monsieur Potier car, comme Mme la secrétaire d’État, vous travaillez beaucoup sur les normes extrafinancières des entreprises.

Avec une information-consultation consacrée spécifiquement à la transition écologique, on risquerait en réalité de perdre de la substance. Il est beaucoup plus utile d’adopter une démarche transversale : ainsi, la question écologique est présente à chaque instant dans toutes les têtes. Par ailleurs, je proposerai, un peu plus loin dans le texte, de faire évoluer la base de données économiques et sociales (BDES), mise à la disposition des élus. Ces derniers disposeront donc d’informations relatives aux enjeux environnementaux.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à la création d’un nouveau thème d’information-consultation récurrent relatif aux enjeux de la transition écologique, car la thématique environnementale doit irriguer l’ensemble de l’activité de l’entreprise. Pour ce faire, cette thématique doit être abordée dans toutes les consultations, qui sont d’ailleurs fréquentes.

Par exemple, un projet de déménagement de l’entreprise fait déjà l’objet d’une consultation des représentants du personnel, car cela constitue une modification des conditions de travail des salariés. Du fait de la loi, l’employeur présente au CSE les informations relatives aux conséquences environnementales de son choix, notamment le diagnostic énergétique des futurs locaux. L’objectif de la consultation est avant tout le projet de déménagement, celle-ci est enrichie par des informations complémentaires, mais cela ne justifie pas d’ajouter une consultation obligatoire spécifique.

M. Dominique Potier. On comprend bien l’intention de la CFE-CGC, dont nous relayons ici la demande : certes, tout est dans tout, mais, en définitive, on risque de ne plus rien avoir s’agissant de la transition écologique. La BDES doit évoluer vers des indicateurs de développement global. Mme Olivia Grégoire et moi-même partageons une même passion pour ces questions : il faut élaborer une nouvelle taxonomie européenne et prévoir une déclinaison de la BDES permettant d’esquisser une nouvelle comptabilité de l’entreprise. C’est sur cette base que les entreprises pourront assumer la mission d’un développement soutenable. Nous travaillerons à une rédaction plus fine, incluant ces indicateurs globaux ; je suis sûr que vous y serez sensibles.

Mme Delphine Batho. Je milite en faveur d’une politique d’écologie intégrale, c’est‑à-dire dans laquelle tous les choix, dans tous les domaines, sont assujettis à des déterminants et à des critères écologiques. Pour autant, je ne saurais souscrire à l’idée selon laquelle tout est dans tout.

Ce que demandent les organisations syndicales à travers la notion de consultation récurrente, c’est que l’on se pose, à un moment donné, pour examiner spécifiquement la question de la transformation des activités de l’entreprise et les risques en lien avec les enjeux écologiques auxquels celle-ci est soumise, ou encore pour étudier son bilan carbone. Compte tenu de ce qu’est le dialogue social dans les entreprises, si l’on ne prévoit pas ce temps spécifique, aucune attention ne sera portée à ces enjeux.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1866 de Mme Paula Forteza.

Mme Delphine Batho. Avec une grande cohérence et une grande constance, Mme Forteza demande à travers cet amendement que les mesures destinées à maîtriser les impacts environnementaux des biens et services numériques soient inclus dans le périmètre des échanges au sein des instances représentatives.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avec la même constance et la même cohérence, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS3046 de M. Stéphane Viry et CS3060 de M. Thierry Michels.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il s’agit de rédiger ainsi l’alinéa 8 : « L’information et la consultation sur les mesures mentionnées au II du présent article prennent en compte leurs conséquences environnementales. » Cet amendement, en cohérence avec l’étude d’impact – page 155 –, vise à expliciter le fait que, lorsque l’employeur doit consulter le CSE, en application de l’article L. 2312-8 du code du travail, cette consultation doit porter également sur l’impact environnemental de la décision visée.

M. Thierry Michels. L’examen de ces amendements est l’occasion de rappeler l’importance du comité social et économique, mis en place en 2018 : le fait d’avoir une institution représentative du personnel centrale dans l’entreprise simplifie l’identification des lieux du dialogue social.

Le projet de loi permet de mettre en avant l’idée selon laquelle les partenaires sociaux dans l’entreprise doivent s’emparer des enjeux environnementaux. Mon amendement vise à préciser et à sécuriser juridiquement la manière dont les CSE pourront participer de manière effective à la transformation de l’entreprise, dans le contexte de l’accélération de la transition écologique, à travers leur contribution à la gestion prévisionnelle des emplois et compétences. Il est indispensable d’anticiper l’évolution des emplois, des métiers et des besoins de formation.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous avons discuté de cette question, notamment avec la Confédération française démocratique du travail (CFDT). La rédaction du projet de loi est en réalité moins restrictive que celle que vous proposez. En outre, elle correspond aux formulations que l’on trouve habituellement dans le code du travail. Ainsi, le II de l’article L. 2312-26, relatif aux consultations annuelles sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, dispose dans toute une série d’alinéas que « l’employeur met à la disposition du comité » un certain nombre d’« informations ». Il n’y a pas d’entourloupe : il s’agit bien ici d’une information-consultation. Je vous propose de retirer ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement CS3060 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS3046.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements identiques CS1958 de M. Dominique Potier et CS2315 de M. Gérard Leseul.

Amendement CS627 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de faire en sorte que le bilan des émissions de gaz à effet de serre, que l’employeur doit établir, soit mis à la disposition du comité social et économique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le bilan des émissions de gaz à effet de serre est publié sur le site de l’ADEME ; il peut l’être également sur celui de l’entreprise. Il est mis à jour tous les quatre ans. Par ailleurs, je présenterai, après l’article 16, un amendement qui permettra de toute façon d’intégrer dans la BDES d’autres données environnementales. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS3274 de la rapporteure.

Amendement CS2461 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Il vise à enrichir les attributions du comité social et économique afin que celui-ci contribue à promouvoir les enjeux du programme de développement durable à l’horizon 2030 au sein des entreprises. À cet effet, le CSE disposerait de deux heures de délégation supplémentaires. Il s’agit également d’enrichir le droit de formation des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales en y ajoutant l’accès à une formation en matière de développement durable.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Si je pouvais être d’accord avec le début de votre amendement, qui vise à renommer la formation, il n’en va de même en ce qui concerne les heures de délégation supplémentaires. À cet égard, un salarié élu est libre d’utiliser ses heures de délégation comme il l’entend, sans en donner le motif à son employeur. Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis.

M. Pierre-Alain Raphan. Comme vous êtes d’accord avec le début, madame la rapporteure, je retire mon amendement : je le retravaillerai en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CS808 de M. Julien Dive et amendement CS1957 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Vincent Descoeur. L’amendement CS808 a pour objet de créer, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, une « commission environnement » au sein du comité social et économique, afin de répondre aux enjeux environnementaux. Cette commission bénéficierait d’un temps de délégation et d’un budget propres.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS1957 vise lui aussi à imposer la création d’une commission environnementale, bénéficiant d’un budget propre, au sein du CSE.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Comme je le disais à propos de la consultation obligatoire, les enjeux environnementaux doivent être pris en compte à propos de tous les thèmes : il ne faut pas raisonner en silo. Par ailleurs, il existe déjà des commissions spécifiques. C’est le cas pour les questions de santé – la santé environnementale, qui est un enjeu important, comme nous l’avons vu avec Mme Toutut-Picard, sera traitée dans cette instance. C’est aussi le cas pour les marchés ; il sera d’ailleurs extrêmement intéressant de voir comment ces commissions feront face aux obligations découlant de l’article 15. Quoi qu’il en soit, les commissions en question répondent à l’objectif poursuivi : il n’est pas nécessaire d’alourdir le dispositif en en créant de nouvelles. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis. La question environnementale a vocation à irriguer l’ensemble des questions qui font l’objet d’une information-consultation du CSE. Créer une commission ad hoc ne serait pas forcément pertinent, car elle serait dotée d’une mission générale qui s’apparenterait à celle du CSE dans son ensemble : cela entraînerait une forme de redondance. Par ailleurs, la création d’une commission facultative reste possible.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS652 de Mme Delphine Batho, amendement CS807 de M. Julien Dive, amendements identiques CS1961 de M. Dominique Potier et CS2317 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Les membres titulaires du comité social et économique doivent bénéficier d’une formation aux enjeux de la transition écologique pour être en mesure de comprendre les conséquences de ces évolutions sur l’activité de l’entreprise. Il faut donc créer un stage d’une durée minimale de trois jours. La demande émane notamment de la CFDT et de la CFE-CGC.

M. Vincent Descoeur. Il convient effectivement de s’assurer que les salariés membres titulaires du CSE bénéficient d’une formation à la transition écologique et à ses incidences potentielles sur les activités de l’entreprise.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Encore une fois, les enjeux de la transition écologique doivent irriguer l’ensemble des thèmes abordés. Par ailleurs, je proposerai un peu plus tard de modifier le périmètre de la formation ouverte aux membres titulaires du CSE élus pour la première fois, de manière à ce qu’elle intègre les questions environnementales. Cette démarche me paraît préférable à l’ajout de journées de formation supplémentaires, qui aurait également un coût pour l’entreprise.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. L’attribution de nouvelles compétences au CSE nécessite effectivement une formation des représentants du personnel. Celle-ci doit passer par les dispositifs existants : il n’est pas nécessaire d’ajouter un nouveau mécanisme dans la loi. Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. L’argument s’entend pour les nouveaux élus, mais quid des membres titulaires déjà en place ? Il serait tout de même intéressant qu’ils bénéficient d’une formation de ce type. En outre, la création d’une formation obligatoire serait un symbole fort.

Mme Delphine Batho. Il faut donner aux membres titulaires du comité social et économique les moyens de maîtriser ces enjeux, dans toutes leurs dimensions, y compris leurs conséquences précises sur l’activité de l’entreprise. Or vous vous contentez d’inscrire cet élément dans la formation des nouveaux élus. L’article 2 a consacré l’éducation à ces enjeux pour les jeunes ; il est tout aussi important de former les salariés membres du CSE. On ne peut pas, d’un côté, dire que l’on veut engager un changement culturel à tous les niveaux, y compris en transformant la stratégie des entreprises et, de l’autre, refuser que les représentants du personnel soient formés à la prise en compte de ces évolutions.

Mme Cendra Motin, rapporteure. La formation économique, sociale et syndicale permettra aux élus déjà en place de se former eux aussi à ces enjeux, bien évidemment. Vous avez raison : tout le monde doit avoir accès à cette formation.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1962 de M. Gérard Leseul.

Mme Chantal Jourdan. Il vise à permettre aux membres du CSE et aux négociateurs syndicaux de mieux s’approprier leurs nouvelles prérogatives en matière d’environnement en accordant à chacun d’entre eux des heures dédiées à cette nouvelle compétence.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’est pas possible de consacrer des heures de délégation à des missions particulières. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2430 de M. Pierre-Alain Raphan, amendements identiques CS639 de Mme Delphine Batho et CS806 de M. Julien Dive, amendement CS1956 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Pierre-Alain Raphan. Le CSE doit pouvoir recourir à un expert qualifié compétent en matière de développement durable dans le cadre de la consultation sur l’adaptation des activités de l’entreprise, des métiers et des compétences, liée à la transition écologique. Cet amendement est inspiré d’une proposition de la CFE-CGC.

Mme Delphine Batho. Je propose aussi que le CSE puisse recourir à un expert. Je constate que ces propositions, qui viennent des organisations syndicales, sont défendues par tous les groupes.

Mme Cendra Motin, rapporteure. C’est vrai, les CSE auront besoin d’être accompagnés, notamment dans le cadre des consultations obligatoires, par leurs conseils habituels – je signale qu’il ne s’agit pas ici des experts-comptables mais des cabinets spécialisés dans l’accompagnement des CSE. S’il faut donner des moyens aux CSE, il ne faut pas les cibler puisque les consultations restent globales. En revanche, je proposerai après l’article 16 un amendement visant à intégrer la dimension environnementale aux prérogatives des experts afin qu’ils aient accès aux données. Je vous demande de retirer les amendements.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis.

M. Dominique Potier. Mme Grégoire était encore députée lorsque nous avons défendu la certification Nutri-score de l’entreprise – c’était en 2019. À l’époque, les experts‑comptables nous avaient expliqué que la comptabilité environnementale de l’entreprise prenait quelques heures et constituait un document complémentaire. Il faut que les parties constituantes puissent travailler sur un document réalisé par des experts. Au-delà d’une expertise spécifique sur l’environnement, une expertise sur une nouvelle comptabilité d’entreprise intégrant les questions environnementales et sociales est à notre portée : elle est proposée clé en main par le mouvement Impact France.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Nous visons le même objectif, mais nous n’empruntons pas le même chemin, monsieur Potier – j’aurai toujours plaisir à en parler avec vous car ce n’est pas une posture, mais une position. J’estime que l’Europe est le bon niveau pour légiférer. D’ailleurs, la revue de la directive extra-financière devrait être publiée le 14 ou le 21 avril.

L’amendement CS2430 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements suivants.

Elle adopte l’article 16 ainsi modifié.

Après l’article 16

Amendement CS1974 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Selon l’OIT, d’ici à 2030, 2,2 % du total des heures travaillées dans le monde pourraient être perdues en raison des températures élevées. Nous proposons que la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers ne se tienne plus tous les trois ans, mais tous les deux ans, et qu’elle analyse les conséquences potentielles du changement climatique sur l’emploi au sein de l’entreprise.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Ce projet de loi n’a pas pour objet de changer les seuils – ils ont déjà été modifiés au début de la législature. En outre, la précision que vous souhaitez apporter n’est pas utile : les conséquences du changement climatique peuvent être analysées dans le cadre de la négociation sur la transition écologique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 16 bis (nouveau) (articles L. 2512‑18, L. 2312‑21, L. 2312‑23, L. 2312‑36, L. 3341‑6, L. 2315‑63, L. 2315‑87‑1 [nouveau], L. 2315‑89 et L. 2315‑91‑1 [nouveau] du code du travail) : Renforcement de l’information et de la formation des membres du CSE ainsi que du rôle de l’expert-comptable en matière environnementale

Amendements CS5220 de la rapporteure et CS1960 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je propose de renommer la base de données économiques et sociales (BDES) en « base de données économiques, sociales et environnementales », afin que les représentants du personnel et les experts-comptables disposent de toutes les informations relatives à l’environnement.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Au-delà de la sémantique, c’est une avancée importante, insufflée par Cendra Motin dès le début des travaux sur le texte. Avis favorable.

L’amendement CS1960 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS5220.

Amendement CS5222 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je propose que la formation dont bénéficient les membres titulaires du CSE élus pour la première fois puisse porter sur les conséquences environnementales de l’activité, au sens large, de l’entreprise.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Cet amendement met en cohérence le champ de la formation dont peuvent bénéficier les membres du CSE avec les nouvelles missions du comité. Avis favorable.

Mme Delphine Batho. Cela ne répond pas à la demande exprimée par les organisations syndicales ! Cet amendement ne change rien puisque cette formation existe déjà et ne concerne que les membres élus pour la première fois.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 16

Amendement CS5221 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je propose de préciser que le CSE peut recourir à un expert-comptable pour analyser les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise dans le cadre des trois consultations récurrentes. La mission de l’expert-comptable portera sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension de la politique sociale de l’entreprise, des conditions de travail et de l’emploi.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS1543 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. J’aimerais que vous preniez la mesure de cet amendement qui nous permet d’aborder un angle mort de ce texte : la mutation des métiers. À chaque fois que nous remettons en cause la publicité, les trajets en avion ou le diesel, ce sont des milliers, parfois des centaines de milliers d’emplois qui se retrouvent en jeu.

La dernière mutation de cette ampleur que notre pays ait eu à connaître est la fin de la paysannerie, dans les années 1950, qui a profondément bouleversé la société française. La puissance publique s’était alors dotée d’un instrument, le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), qui avait notamment pour vocation d’accompagner les paysans dans leur conversion à d’autres métiers.

Nous sommes aujourd’hui devant une mutation équivalente mais je pense qu’à budget et à institutions égales, nous n’y arriverons pas. Je vois dans cette question les prémices d’un débat pour la présidentielle car il nous faut un récit politique, un récit d’espérance. La puissance publique et le secteur privé doivent se mettre au service de la mutation des métiers afin de ne laisser personne sur le bord du chemin. Ce comité scientifique pourrait alimenter le débat dans le cadre de la campagne présidentielle, en désignant les institutions à même d’accompagner les mutations professionnelles.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il est vrai que notre société connaîtra de profonds changements – les Français en vivent déjà aujourd’hui – et qu’elle a besoin d’un récit politique. Plutôt que de créer un comité scientifique, les parlementaires doivent se saisir de cette question. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) me semble tout désigné – ce ne sont pas M. Fugit et Mme Tiegna, ici présents, qui diront le contraire. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. J’ajoute que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, dont la qualité et la robustesse des travaux ne font pas de doute, pourrait se saisir de l’évaluation des effets environnementaux et sociaux des dispositions de l’article 16. La création d’un comité scientifique ad hoc semble redondante. Avis défavorable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. En tant que présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’accueille cette proposition très favorablement mais je m’en remets à l’avis du vice-président de l’OPECST, Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. La commission peut en effet saisir l’OPECST, qui ne traite pas que de sujets purement techniques, ou décider de travailler de manière étroite avec l’office.

M. Dominique Potier. Je ne suis pas certain que l’OPECST soit le bon instrument car la mutation des métiers est une question avant tout de nature sociale et économique. Je retiens toutefois votre idée : il serait heureux que les parlementaires, à la fin de l’examen de ce texte, prennent ensemble l’initiative d’appeler à approfondir l’aspect social de la transition écologique.

Mme Huguette Tiegna. Pour avoir été vice-présidente de l’OPECST, je confirme que l’on y traite de sujets scientifiques pointus. Je pense plus souhaitable de confier l’évaluation des lois aux commissions ou aux missions parlementaires. Ainsi, l’OPECST a été saisi sur la question du glyphosate afin d’informer le Parlement, mais il n’a pas été chargé d’évaluer la loi.

Mme Valérie Petit. Monsieur Potier, pourquoi ne pourrait-on pas étudier scientifiquement des objets sociaux ? Je souscris tout à fait à ce que des scientifiques évaluent les impacts sociaux et environnementaux de dispositions législatives.

M. Jean-Luc Fugit. Peu importe le périmètre : l’essentiel est de travailler intelligemment, de façon transpartisane, avec la commission du développement durable – avec celle des affaires sociales également – pour avancer sur la question.

La commission rejette l’amendement.

Article 17 (article L. 6123-3 du code du travail) : Modification de la gouvernance des CREFOP afin de mieux prendre en compte les enjeux liés à la transition écologique

Amendements de suppression CS408 de Mme Valérie Beauvais et CS2321 de M. Fabien Di Filippo.

Mme Valérie Beauvais. L’article 17 prévoit que le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) comprend des personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique, sans autre précision quant à leur qualification. Je propose de le supprimer.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le Conseil d’État a préféré aux termes d’« acteurs de la transition écologique » ceux de « personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique ». En outre, il a considéré qu’il fallait renvoyer le nombre de personnes à désigner et les modalités de cette désignation au pouvoir réglementaire. Le texte a été corrigé en ce sens. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis. L’article 17 est fidèle à l’ambition de la Convention citoyenne, qui souhaitait que le CREFOP comprenne des personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique. Cela assure un regard particulier et facilite la mise en relation des différents acteurs autour des projets. Dans le cas de la conception d’un plan de formation, par exemple, la présence de personnes qualifiées permettra de s’assurer que le plan est bien orienté vers des métiers verts. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS3648 de la rapporteure.

Amendement CS3816 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Je ne pense pas que les termes de « transition écologique » soient appropriés pour parler des qualifications et je préfère leur voir substituer ceux de « développement durable et de sciences de l’environnement », qui correspondent à des diplômes. Il existe des masters en développement durable, mais pas en « transition écologique » – notion qui définit, encore une fois, un processus et non un domaine d’études.

Mme Cendra Motin, rapporteure. C’est pourtant la terminologie choisie par le Conseil d’État qui a été retenue ! Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Même avis. La notion de « transition écologique » est vaste et c’est en cela qu’elle est intéressante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1101 de Mme Élisabeth Toutut-Picard.

Mme Sandrine Le Feur. Le CREFOP doit comprendre également des personnes qualifiées dans le domaine de la santé environnementale.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Pour les mêmes raisons qu’évoquées précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5223 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les nominations des personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique seront effectuées dans le respect et les principes de la parité femmes-hommes.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 17 ainsi modifié.

Après l’article 17

Amendement CS1966 de M. Dominique Potier.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons que les transitions et reconversions professionnelles, notamment dans le domaine de la transition écologique et énergétique, soient incluses dans le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Votre amendement est satisfait. L’aide à la formation du Fonds national de l’emploi (FNE-formation) permet d’accompagner les salariés en activité partielle, en finançant des actions de formation professionnelle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1967 de M. Dominique Potier.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons que les opérateurs du conseil en évolution professionnelle (CEP) soient sensibilisés et formés aux enjeux de transition écologique et énergétique. Leur rôle est essentiel, puisqu’il s’agit d’accompagner les bénéficiaires dans leur projet de transition et reconversion vers ces filières.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les conseillers en évolution professionnelle sont déjà largement sensibilisés et travaillent en étroite collaboration avec les opérateurs de compétences (OPCO). La précision est inutile. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1965 de M. Dominique Potier.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement vise à orienter le plan d’investissement dans les compétences (PIC) vers le financement des parcours de reconversion écologique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable : c’est l’objet du FNE‑formation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1964 de M. Dominique Potier.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons d’instaurer un comité scientifique chargé d’étudier la création d’un « Fonds 3E : Entreprise Emploi Écologie » dédié au financement de la reconversion professionnelle dans les secteurs économiques les plus polluants.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous avons déjà eu une discussion passionnante sur ces comités scientifiques. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je salue votre pugnacité, mais instaurer un comité scientifique chargé d’évaluer les effets de chacun des articles nous mettrait dans une sacrée situation ! Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Nous avons tenté de contourner le risque d’irrecevabilité en présentant cette proposition sous une autre forme. Nous retirons l’amendement, convaincus qu’en séance, nous avancerons de façon transpartisane sur ce sujet majeur.

L’amendement est retiré.

Article 18 (article L. 6332-1 du code du travail) : Rôle des OPCO dans l’accompagnement des entreprises sur les enjeux relatifs à la transition écologique

Amendement CS3822 de Mme Valérie Petit

Mme Valérie Petit. Il s’agit de rapprocher la rédaction de l’article 18 de celle proposée dans le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution en ajoutant les termes « dérèglement climatique » et « biodiversité ».

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous avons déjà eu le débat sémantique. Encore une fois, la notion de « transition écologique » recouvre toutes les préoccupations qui ont été exprimées, notamment s’agissant de la santé environnementale.

Permettez-moi quelques mots sur l’article 18. Les auditions des OPCO, auxquelles beaucoup d’entre vous ont participé, ont montré qu’ils étaient pleinement engagés dans la transition écologique et la transformation des compétences et des métiers. Ils ne nous ont pas attendus pour se lancer, mais les rythmes de progression sont différents selon les filières.

Ainsi, la transformation des métiers dans la filière santé dépend beaucoup des réglementations. Dans la filière automobile, la mutation est déjà en œuvre : la formation porte à la fois sur l’entretien des voitures thermiques, qui durera encore une quinzaine d’années, et sur les voitures de demain, qui rouleront à l’énergie électrique et potentiellement à l’hydrogène. La filière du bâtiment, elle, est pleinement engagée dans la transformation avec la rénovation thermique des bâtiments et les nouvelles normes environnementales, notamment la RE2020.

L’article 18 ne fait qu’officialiser l’accompagnement à la transition écologique. Les lignes budgétaires correspondant à ces objectifs seront négociées dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM).

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1862 de Mme Paula Forteza, CS5102 de Mme Valérie Petit et CS3215 de Mme Valérie Beauvais (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Les OPCO doivent aussi informer et soutenir les entreprises sur les enjeux de sobriété numérique.

Mme Valérie Petit. Les liaisons cognitives se font peut-être mal chez moi, mais je ne comprends toujours pas ce que peut être l’adaptation à une transition... au risque de paraître redondante, je propose que les OPCO accompagnent les entreprises dans leurs projets d’adaptation « au changement climatique ».

Mme Valérie Beauvais. Je propose pour ma part que les OPCO accompagnent les entreprises dans leurs projets d’adaptation aux impacts environnementaux du numérique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. La rédaction actuelle permet à chaque OPCO de définir ses propres rythme et objectifs. Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Ayant activé l’intégralité de mes connexions neuronales et cognitives, madame Petit, je me range à l’avis de la rapporteure. (Sourires.)

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1340 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Je propose d’intégrer les formations aux innovations environnementales dans les missions des OPCO – pivots de la formation professionnelle depuis la loi « avenir professionnel ». Les innovations environnementales apparaissant comme une réponse aux défis environnementaux et aux enjeux de croissance économique et d’emploi, il convient de renforcer l’accompagnement des TPE-PME afin qu’elles puissent pleinement y concourir.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’article renforce l’aide aux TPE-PME en prévoyant que les OPCO les accompagnent dans les projets d’adaptation à la transition écologique.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4820 de Mme Sira Sylla. 

Mme Huguette Tiegna. L’amendement vise à concilier l’adaptation des compétences aux enjeux de transition écologique avec l’amélioration du vécu des travailleurs confrontés aux métiers de demain.

À la demande de la rapporteure, l’amendement est retiré.

Amendement CS797 de M. Julien Dive. 

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de renforcer l’information des demandeurs d’emploi sur les formations, les métiers et les débouchés liés à l’environnement et au développement durable.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les structures nationales d’accompagnement vers l’emploi, comme Pôle emploi ou les missions locales, connaissent bien les enjeux liés à l’environnement et essaient de diriger les jeunes vers ces métiers d’avenir. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du plan « un jeune, une solution ». Avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Cet amendement, me semble-t-il, n’est pas à sa place. L’article 18 du projet de loi, qui tend à modifier l’article L. 6332-1 du code du travail, traite des opérateurs de compétences et non de Pôle emploi ou d’autres structures d’accompagnement vers l’emploi.

Par ailleurs, il me semble que les structures nationales d’accompagnement vers l’emploi ont vocation à présenter les formations, offres d’emploi ou débouchés liés au développement durable plus régulièrement qu’une seule fois par an. Qui plus est, cette mesure fait déjà partie des missions de Pôle emploi, ce qui dispense de l’inscrire dans ce texte. Enfin, le plan d’investissement dans les compétences, doté de 15 milliards d’euros, vise à former 2 millions de demandeurs d’emploi à la transition écologique d’ici à 2022. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 18 sans modification.

Après l’article 18

Amendement CS1971 de M. Dominique Potier. 

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit d’intégrer dans la formation à la transition écologique le caractère indispensable des compétences transverses.

Mme Cendra Motin. Cette précision ne relève pas du domaine législatif. Il appartiendra aux acteurs qui appliquent cette stratégie, à savoir l’État, les régions et les partenaires sociaux, de se saisir de tels enjeux dans le cadre du CREFOP (comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle), comme le prévoient les dispositions actuelles. Nous avons d’ailleurs renforcé les compétences du CREFOP en adoptant l’article 17.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1973 de Mme Chantal Jourdan. 

Mme Chantal Jourdan. L’amendement tend à préciser que l’un des objectifs de la formation professionnelle est de sécuriser les parcours professionnels des personnes face aux conséquences du changement climatique.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Article 18 bis (nouveau) (article L. 6211‑4 du code du travail) : Renforcement du rôle des chambres de commerce et d’industrie dans la formation des salariés et des entreprises aux conséquences environnementales du numérique

Amendement CS1341 de M. Thierry Michels, amendements identiques CS413 de Mme Valérie Beauvais et CS3985 de Mme Huguette Tiegna (discussion commune).

M. Thierry Michels. L’amendement tend à sensibiliser les salariés et les entreprises lors des formations continues aux enjeux de la sobriété numérique en mettant l’accent sur les écogestes numériques. Le numérique est aujourd’hui responsable de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et la forte croissance de nos usages devrait doubler cette empreinte carbone d’ici à 2025. La sobriété numérique doit devenir centrale dans la gestion des entreprises. Des écogestes simples nous permettraient de réduire notre impact environnemental. Nous devons les adopter dès à présent.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Une telle formation est déjà proposée par les CCI (chambres de commerce et d’industrie) et peut être délivrée dans le cadre des plans de formation de n’importe quelle entreprise. Il revient plutôt aux opérateurs de compétences (OPCO), soutenus par France compétences, de certifier les formations des CCI. Je vous invite à retirer les amendements, sinon avis défavorable.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission, tout en rappelant que l’article 18 confie aux OPCO la mission d’information et de soutien aux petites et moyennes entreprises et aux branches professionnelles, sur les enjeux liés à l’environnement et au développement durable.

L’amendement CS1341 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CS413 ET CS3985.

Après l’article 18

Amendement CS2781 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Delphine Batho. En raison des dispositions de l’article 40, cet amendement vise à demander un rapport. En réalité, il s’agit d’assurer l’accompagnement des travailleurs qui perdent leur emploi dans les secteurs affectés par la transition écologique, comme ceux des hydrocarbures et des énergies fossiles.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le secteur des énergies fossiles fait déjà l’objet d’un dispositif d’accompagnement, par exemple au travers de l’ordonnance du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon. Il n’est pas utile de demander un nouveau rapport sur ces sujets. Je vous invite à retirer ces amendements, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme Olivia Grégoire, secrétaire d’État. Je vous remercie de m’avoir accueillie. Je salue la qualité des échanges, empreints de respect.

L’adoption des articles 13 à 18 aura permis d’améliorer la disponibilité des pièces détachées, en prévoyant une durée complémentaire de cinq ans et une date d’entrée en vigueur réaliste, d’intégrer dans la loi la nécessité de cohérence entre la stratégie nationale bas-carbone et la stratégie nationale de recherche, de renforcer, grâce à la rapporteure, les modalités de publicité du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), en prévoyant un rapport d’étape au bout de trois ans. J’en profite pour remercier chaleureusement les cent cinquante citoyens de la Convention citoyenne pour le climat qui nous ont permis de faire avancer le sujet des achats publics responsables qui nous occupe depuis des années. Ni Barbara Pompili ni Agnès Pannier-Runacher ne diront le contraire.

L’article 16 renforce les pouvoirs du comité social et économique, en particulier grâce à l’adoption de l’amendement de la rapporteure, relatif à la base de données économiques et sociales (BDES), dont le rôle en matière d’information sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise est ainsi consacré, ainsi qu’à la reconnaissance de l’expertise. L’article 17, adopté à l’unanimité, assure la parité au sein des CREFOP. Enfin, l’article 18 consacre la formation des salariés à la transition écologique.

Enfin, je salue le travail de la rapporteure, Cendra Motin, ainsi que de la présidente, Laurence Maillart-Méhaignerie, qui, bien avant que je n’arrive, et bien après mon départ, reste à vos côtés, en compagnie de Barbara Pompili, qui reprend le flambeau.

Grâce à la qualité des débats et au respect dont nous avons fait preuve les uns envers les autres, nous parvenons à un texte équilibré. Je vous retrouverai avec plaisir en séance publique. (Applaudissements.)

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous remercie à mon tour, madame la secrétaire d’État, pour votre engagement. Ce fut un plaisir de vous recevoir.

 

Chapitre III
Protéger les écosystèmes et la diversité biologique

Avant l’article 19

Amendements CS4027 et CS5070 de Mme Frédérique Tuffnell (discussion commune) 

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit de réparer l’oubli de la référence aux milieux naturels aquatiques d’eau douce, qui diffèrent des milieux aquatiques terrestres, et qui ne sont pas du tout compris dans l’adjectif « marins ». Il en est de même s’agissant de la qualité de l’eau, alors que la qualité de l’air est expressément mentionnée comme faisant partie du patrimoine commun de la nation.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous ne pouvons que partager votre préoccupation pour l’eau douce qui nous est indispensable, mais le code de l’environnement reconnaît déjà sa valeur patrimoniale, implicitement à l’article L. 110-1 du code de l’environnement en ce qu’elle est incluse dans les ressources et milieux naturels terrestres, et explicitement à l’article L. 210-1 du même code, qui lui est consacré. La définition des très grands principes du droit de l’environnement ne peut entrer dans le détail de tout ce qu’ils recouvrent.

L’eau, tant pour ce qui concerne sa quantité que sa qualité, est déjà visée par les notions de ressources et milieux terrestres et marins, et largement traitée aux articles L. 210-1 et suivants du code de l’environnement. Il serait inutile, voire risqué, de préciser davantage la portée des grands principes fondamentaux du droit de l’environnement.

Je vous invite à les retirer, sinon j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Tout d’abord, je voudrais rendre hommage au travail remarquable que réalise Mme Tuffnel dans ce domaine. Je sais combien elle a à cœur de valoriser le rôle des écosystèmes aquatiques dans la prévention des inondations, le filtrage de l’eau, l’évolution des températures. Ils font partie des solutions, fondées sur la nature et sources d’économies, que vous promouvez.

Ces dispositions pourraient être inscrites dans la loi mais elles seraient redondantes car les écosystèmes terrestres incluent les écosystèmes aquatiques. Surtout, si on les inscrit à ce stade mais qu’on les oublie ailleurs, certains pourront prétendre s’exonérer d’obligations dont ils déduiront qu’elles ne concernent que l’écosystème terrestre. Il faudrait, dès lors, veiller à harmoniser tous les textes. Dans la mesure où il est clair que les écosystèmes terrestres comprennent les milieux aquatiques d’eau douce, je vous invite à retirer votre amendement. Il en est de même pour celui portant sur la qualité de l’eau.

M. Bruno Millienne. Nous allons les maintenir car l’eau sera le sujet majeur du XXIe siècle. J’ai bien compris vos arguments mais préciser ces mentions permettrait d’appeler l’attention sur elles, quitte à s’atteler ensuite à l’énorme travail d’harmonisation. Ce serait le signe que le Gouvernement se préoccupe de cette ressource dont nous manquerons au cours du siècle.

Mme Frédérique Tuffnell. L’opinion publique est sensibilisée au problème de l’eau. Chaque année, nous nous retrouvons régulièrement en stress hydrique. L’adoption de ces amendements serait un signal politique fort.

Mme Delphine Batho. Je soutiendrai ces amendements, d’autant plus que j’avais déposé un amendement pour que les aires de captages prioritaires du Grenelle de l’environnement soient cultivées en agriculture biologique, mais il a été déclaré irrecevable. Je me réjouis que ces amendements relatifs à la qualité de l’eau soient recevables.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2378 de Mme Justine Benin.

M. Bruno Millienne. L’amendement tend à introduire un article liminaire spécifiquement dédié aux outre-mer afin de reconnaître la richesse et la diversité environnementale des territoires ultramarins.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les grands principes que vous énoncez intéressent l’ensemble du territoire national et sont déjà aux fondements de notre législation, en particulier environnementale. Il n’y a donc pas lieu de distinguer les outre-mer, même si nous connaissons l’exceptionnelle richesse de leur biodiversité et la particularité de leur environnement. Je vous invite à le retirer, sinon j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La richesse et la diversité environnementale des territoires ultramarins doivent être prises en compte dans les politiques publiques. Aujourd’hui, 80 % de la biodiversité française se trouvent dans les outre-mer. Suite aux assises des outre-mer, en 2018, cet impératif a été intégré dans le livre bleu des outre-mer qui représente la feuille de route du Gouvernement en faveur de ces territoires. Votre amendement, dont la portée, qui plus est, n’est pas normative, est satisfait. Je vous invite à le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Article 19 (article L. 210-1 du code de l’environnement) : Garantir et préserver l’ensemble des hydrosystèmes

Amendements identiques CS818 de M. Julien Dive, CS1734 de M. Thibault Bazin, CS2991 de M. Vincent Descoeur et CS3290 de M. Pierre Venteau.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de compléter ainsi l’article L. 211-1 du code de l’environnement : « Le respect des équilibres naturels implique la préservation des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques et de leurs interactions, ces fonctionnalités étant essentielles à la reconquête de la biodiversité, à l’adaptation au changement climatique ainsi qu’à l’atténuation de ses effets et participent à la lutte contre les pollutions ».

M. Vincent Descoeur. J’ajoute que cette gestion implique de prendre en considération les composantes du milieu aquatique ainsi que les activités humaines afin de s’assurer que l’équilibre entre les usages n’est pas rompu. Cette disposition ne doit pas être source d’insécurité juridique, d’autant plus que nombre de projets sont déjà soumis à des études d’impact exigeantes et complexes, en particulier les projets pour le stockage de l’eau.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Tout à l’heure, vous vouliez inscrire l’eau en tête du code de l’environnement, à présent vous la déplacez de l’article L. 210-1, qui est un article de principe, à l’article L. 211-1, qui n’a qu’une finalité opérationnelle. Passons.

Vous le reconnaissez vous-mêmes, vos amendements tendent à ramener la préservation des écosystèmes aquatiques et leur bon fonctionnement au même niveau que la satisfaction des autres usages de l’eau, sans définir de priorité alors que les circonstances imposent de faire des choix.

Je suis convaincue, quant à moi, que le bon fonctionnement de ces écosystèmes est vital, non seulement à leur biodiversité mais aussi à l’ensemble des usages de l’eau, aussi n’est-il pas vain de lui reconnaître une certaine priorité. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ce déplacement d’un article à l’autre, en effet, n’a pas de sens. De surcroît, vous voulez supprimer la mention selon laquelle les écosystèmes aquatiques constituent des éléments essentiels du patrimoine naturel et paysager de la nation. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je suis sensible aux remarques de la ministre et nous complèterons notre amendement d’ici à la séance pour témoigner de notre engagement en faveur de la préservation de ce patrimoine. En revanche, dès lors que vous voulez respecter et protéger l’ensemble des usages de l’eau, je ne comprends pas que vous ne souteniez pas cet amendement. Puisque nous sommes d’accord sur la finalité, je vous propose d’y réfléchir ensemble d’ici à la séance et d’adopter l’amendement en attendant.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4265 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Amendements identiques CS1204 de Mme Jeanine Dubié, CS1459 de M. Thibault Bazin, CS3345 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS4954 de M. Jean-Marie Sermier. 

M. François-Michel Lambert. Nos amendements s’inscrivent dans la continuité de nos échanges mais dans une rédaction différente.

M. Raphaël Schellenberger. Au regard des enjeux, il sera inévitable d’intervenir pour gérer la ressource en eau. Nous ne pourrons laisser faire. Il faudra construire des systèmes de retenue d’eau, de protection de l’eau. Si on adopte un texte qui nous empêche d’intervenir, nous serons confrontés à de graves problèmes.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’article 19 ne remet pas en cause les principes de la gestion équilibrée et durable de l’eau et la reconnaissance de tous ses usages légitimes, tels qu’ils sont énoncés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

Au contraire, il les rééquilibre en rappelant que le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques est au cœur du dispositif, pour la biodiversité qu’ils abritent, les services écosystémiques qu’ils rendent et parce qu’ils assurent que les autres usages continuent à disposer d’une eau de qualité et suffisante en volume. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article L. 210-1 du code de l’environnement dispose que l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Il donne un cadre à l’article L. 211-1, selon lequel la gestion équilibrée de l’eau doit prendre en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer la préservation des écosystèmes aquatiques. Vos amendements n’apporteraient donc rien. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4263 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Amendement CS3543 de M. Jimmy Pahun.

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit d’ajouter la mention des écosystèmes marins dont les interactions avec les écosystèmes aquatiques sont primordiales et dont les fonctionnalités, en particulier la captation du carbone, sont fondamentales pour atténuer les effets du changement climatique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement est très intéressant mais j’en proposerai bientôt un dont l’adoption conduirait à annuler les effets du vôtre. Je vous propose de retirer votre amendement pour sous-amender le mien.

L’amendement est retiré.

Amendement CS5286 de la rapporteure et sous-amendement CS5372 de M. Jimmy Pahun, et amendement identique CS4719 de Mme Sandrine Le Feur. 

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les articles qui suivent l’article L. 210-1 du code de l’environnement distinguent entre écosystèmes aquatiques et zones humides, aussi cet amendement tend-il à lever toute ambiguïté, tout en rappelant que les écosystèmes ne se limitent pas à leur partie visible.

Mme Frédérique Tuffnell. L’expression « écosystèmes aquatiques » comprend les milieux aquatiques d’eau douce. Il est donc important d’ajouter la mention des écosystèmes marins dont les interactions avec les écosystèmes aquatiques et les zones humides sont primordiales.

M. Yannick Kerlogot. Cet amendement des députés du groupe La République en Marche vise à préciser juridiquement le périmètre de l’article, afin de prendre en compte la notion de zone humide.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’émets un avis favorable au sous-amendement – il apporte une précision qui me paraît utile – ainsi qu’aux amendements identiques. L’intégration des zones humides ne peut que me convenir.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je suis également favorable au sous‑amendement.

M. Thibault Bazin. Je ne suis pas convaincu : j’ai peur que vous ne remettiez en cause les fondements du droit de l’eau, qui demande une gestion équilibrée et durable de la ressource, selon les différents usages. Il faut tout concilier – c’est l’esprit du développement durable – en faisant attention à ne pas déséquilibrer l’article L. 211-1 du code.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sousamendés.

Amendement CS4589 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Véronique Riotton. La relation entre les forêts et l’eau mérite une attention prioritaire. Il faut s’assurer du bon fonctionnement des écosystèmes forestiers et de leur adaptation au changement climatique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je salue les travaux menés par Anne-Laure Cattelot sur le thème de la forêt. Le rapport qu’elle a rendu a vraiment fait avancer les choses : un grand nombre de ses propositions ont déjà été retenues et appliquées dans le cadre de différents plans. Néanmoins, j’émettrai un avis défavorable au présent amendement s’il n’est pas retiré. Il n’insiste, s’agissant des interactions entre les systèmes aquatiques et les autres milieux, que sur les écosystèmes forestiers. Or, si ces derniers jouent un rôle important pour le bon fonctionnement du cycle de l’eau, ils ne sont pas les seuls ni toujours les premiers concernés.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je salue également le travail et la constance d’Anne-Laure Cattelot sur le sujet, essentiel, de la forêt. Nous devrions arriver à trouver, d’ici à la séance, le moyen de lui accorder dans ce texte toute l’importance qu’elle mérite, mais on ne peut pas le faire de cette manière : tel qu’il est rédigé, l’amendement demande de préserver les écosystèmes aquatiques « principalement dans les forêts » – ce n’est pas l’objectif… Je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS5287 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je propose de ne retenir que la notion, bien définie en droit, de patrimoine naturel : la référence au patrimoine paysager, notion plus floue, serait supprimée.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable. Le volet paysager est traité dans un autre livre du code de l’environnement : ce sera plus propre sur le plan juridique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3343 de Mme Josette Manin.

Mme Chantal Jourdan. Cet amendement insiste sur le rôle prépondérant des êtres humains, de leurs interventions directes ou indirectes et de leurs activités dans la détérioration ou l’appauvrissement des écosystèmes aquatiques. Il est important de mentionner les menaces, recensées ou futures, qui pèsent sur ces écosystèmes et qui peuvent être évitées par un recours plus vertueux et plus systématique aux principes de précaution et d’action préventive.

Mme Cendra Motin, rapporteure. En l’absence d’une définition précise de ce que peuvent être les « menaces anthropiques » évoquées par l’amendement, je crains que celui-ci soit simplement déclaratif ou beaucoup trop large. Cela pourrait concerner toute action humaine, même si elle est nécessaire pour satisfaire des besoins vitaux, dès lors que les prélèvements sont supérieurs à ce qu’implique le maintien des écosystèmes. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La rédaction proposée est trop globale et trop floue. L’objet et la source des menaces visées ne sont pas bien définis. Il en est de même pour le lien avec les fonctionnalités des écosystèmes. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3344 de Mme Josette Manin.

Mme Chantal Jourdan. Il serait vertueux de recourir plus systématiquement aux principes de précaution et d’action préventive afin d’éviter les pollutions, délibérées ou passives, des milieux aquatiques qui procèdent généralement des activités humaines.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les principes de précaution et d’action préventive s’appliquent déjà implicitement en vertu de la Charte de l’environnement et des premiers articles du code, dont il a été beaucoup question en séance cette semaine. Ce que vous proposez n’est pas nécessaire, et cela pourrait laisser entendre que les autres principes généraux ne s’appliqueraient pas directement. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je comprends l’intention, que je partage, mais la rédaction pose un problème : il est difficile de comprendre ce qu’elle exigerait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4821 de Mme Sira Sylla.

Amendement CS4244 de Mme Carole Bureau-Bonnard.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement est satisfait. S’il n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4028 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Je tiens à appeler votre attention sur la restauration des zones humides. Lorsqu’ils rendent des services écosystémiques significatifs pour la lutte contre les changements climatiques, comme la séquestration de carbone, les systèmes aquatiques dégradés doivent faire l’objet d’une restauration dès lors que c’est techniquement possible et économiquement acceptable – ces deux conditions sont importantes.

On peut restaurer des zones humides, par exemple des tourbières. Ce sont des puits de carbone exceptionnels qui rendent un service au climat et à la biodiversité. Nous avons besoin de les conserver, de les préserver et même de les restaurer.

Cette mesure avait été proposée lors des Assises de l’eau : la restauration des tourbières est une action forte du plan d’action qui en est issu.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’objectif de cet amendement correspond bien aux principes énoncés à l’article L. 210-1 du code, que l’article 19 du projet de loi tend à modifier, et je comprends votre souhait de prévoir une obligation, mais c’est un sujet parmi d’autres… Par ailleurs, les actions préconisées n’ont pas forcément leur place dans cet article de principe. Je vous demande donc de retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. En ce qui concerne l’importance de la préservation et de la restauration des écosystèmes aquatiques, nous sommes entièrement d’accord. En revanche, le fait que l’amendement porte sur cet article de principe du code me pose un problème. On imposerait une restauration sur la base de critères et de conditions qui sont peu précis – cela mériterait d’être défini. Les obligations de restauration, les responsabilités qui en découlent et les conditions d’application ont plutôt leur place dans d’autres dispositions du code de l’environnement, notamment celles qui sont relatives aux sanctions. Il faudrait retravailler cette question.

Mme Frédérique Tuffnell. Je suis d’accord pour le faire ensemble. Il s’agit de préciser que ces zones ont une valeur et qu’elles doivent être restaurées : cela doit figurer dans le code de l’environnement. Il faut voir à quel endroit, mais cela ne concerne pas les sanctions.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4029 de Mme Florence Lasserre.

Mme Cendra Motin, rapporteure. C’est un peu la même problématique : même avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement est satisfait. Je vous propose de le retirer.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS509 de M. Jacques Marilossian.

La commission adopte l’article 19 ainsi modifié.

Après l’article 19

Amendements identiques CS597 de Mme Delphine Batho, CS1063 de M. Emmanuel Maquet et CS3823 de Mme Valérie Petit.

Mme Delphine Batho. Je vais retirer mon amendement, car Frédérique Tuffnell m’a convaincue que le problème avait été réglé. J’en profite néanmoins pour dire que je ne comprends pas, compte tenu des autres amendements, pourquoi celui que j’ai déposé au sujet de l’eau a été déclaré irrecevable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Si vous souhaitez une réponse, il faut m’adresser un mail, comme tout le monde. Je ne vais certainement pas vous répondre à la volée, dans un flot aussi considérable d’amendements. Je vous en remercie.

Mme Valérie Petit. L’amendement que nous avons déposé est lié à l’angoisse suscitée par un arrêt, rendu en 2017, dans lequel le Conseil d’État a considéré qu’il fallait à la fois un sol hydromorphe et une végétation hygrophile pour que la qualification de zone humide soit retenue. J’ai également été convaincue par Mme Tuffnell mais nous restons vigilants.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable. Les précisions que vous proposez sont largement redondantes avec la définition des zones humides figurant à l’article L. 211-1 du code, et l’énumération que vous prévoyez risque de ne pas être exhaustive.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le biais dans l’interprétation de la définition des zones humides a été levé, je le confirme, par la loi créant l’Office français de la biodiversité – cela faisait d’ailleurs suite, en partie, à l’excellent travail de Mme Tuffnell. Nous avons maintenant une définition qui tient la route. Je salue par ailleurs Jérôme Bignon, qui a beaucoup travaillé, lui aussi, sur ce sujet. Ces amendements peuvent être retirés puisqu’ils sont satisfaits.

Les amendements CS597 et CS3823 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CS1063.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4267 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Amendement CS4590 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Cet amendement reprend une disposition relative à la volumétrie qui avait été adoptée dans le cadre de la loi ASAP, à l’initiative du Gouvernement, puis censurée, avec une autre mesure, en tant que cavalier législatif.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement, effectivement adopté lors de l’examen du projet de loi ASAP, demandait qu’un décret soit publié. Je me suis assurée auprès du Gouvernement que ce serait le cas – Mme la ministre pourra vous le confirmer. Je vous propose de retirer votre amendement : nous devrions avoir ce décret d’ici à la séance. Si jamais ce n’était pas le cas, vous pourriez toujours redéposer votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous confirme, monsieur le député, qu’un projet de décret a été rédigé. Il a fait l’objet d’une concertation et l’avis du public a été recueilli. Vous pourrez très facilement vous procurer le texte, mais nous pourrons vous le transmettre si vous ne le trouvez pas. Le projet de décret est en cours d’envoi au Conseil d’État. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer.

M. Guillaume Kasbarian. Je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre pour leurs explications très claires.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4848 de Mme Sandrine Le Feur, amendements identiques CS1 de M. Dino Cinieri, CS39 de M. Pierre Cordier, CS254 de M. Patrick Hetzel, CS265 de M. Xavier Breton, CS1227 de M. Charles de Courson, CS1713 de M. Thibault Bazin, CS3077 de M. Xavier Batut, CS3082 de Mme Nicole Dubré-Chirat, CS3085 de Mme Jacqueline Dubois, CS3253 de Mme Anne-Laure Blin, CS3614 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS3639 de M. Philippe Meyer et CS3972 de Mme Stéphanie Kerbarh, amendement CS233 de Mme Olga Givernet et amendements identiques CS3074 de M. Xavier Batut, CS3613 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CS3630 de M. Philippe Meyer et CS3971 de Mme Stéphanie Kerbarh (discussion commune).

M. Yannick Kerlogot. L’amendement CS4848 concerne les politiques menées par les agences de l’eau, notamment leur quatrième modalité d’action pour ce qui est des moulins, à savoir leur destruction. Une prime importante est prévue en la matière – le taux d’aide est deux fois plus élevé que pour l’équipement des ouvrages. L’amendement tend à exclure la possibilité de financer la destruction des retenues des moulins. La valorisation de ces derniers, qui ont des vertus énergétiques et environnementales, fait écho à la proposition de la Convention citoyenne concernant le développement de l’autoconsommation.

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1713 vise à orienter les financements publics vers une continuité écologique de conservation et de valorisation. Je pense notamment aux beaux moulins de Jolivet et de Sommerviller dans ma circonscription.

Mme Stéphanie Kerbarh. Plusieurs milliers de retenues de moulins à eau ont déjà été détruites en France en raison des programmes d’aide des agences de l’eau, qui financent presque intégralement ces opérations dans le cadre des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs.

L’amendement CS3972 a pour objectif de mettre fin à ces pratiques : de l’argent public sert à détruire des sources de production d’énergie renouvelable qui s’inscrivent pleinement dans la transition que nous promouvons.

De même, l’amendement CS233 vise à concilier la préservation des écosystèmes aquatiques avec la valorisation des moulins. Leurs réserves d’eau sont primordiales en période de sécheresse pour les poissons, la vie aquatique et les nappes phréatiques et aussi en cas d’incendie. Nos compatriotes, qui sont très attachés aux moulins, ne comprennent pas leur destruction, d’autant qu’un très grand nombre d’entre eux, y compris les plus anciens, sont désormais dotés de passes, de chaussées ou d’échelles à poissons.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je rappelle que seuls 11 % de nos cours d’eau font actuellement l’objet d’un classement au titre de la mise en œuvre du principe de continuité écologique. Parmi les dizaines de milliers de moulins qui existent dans notre pays, seuls 1 600 font encore l’objet d’une consultation sur la façon de traiter la question, et nombre d’entre eux ne sont plus utilisés, ou très peu, quand ils ne sont pas laissés à l’abandon.

Je m’inscris en faux contre ce que j’ai pu entendre. Non, les agences de l’eau ne détruisent pas des moulins. Elles préservent la continuité écologique des rivières et discutent avec les élus, les associations et les propriétaires de moulins. Quand elles financent des opérations pour enlever des seuils, c’est vraiment parce qu’aucune autre solution n’a pu être trouvée : il y a souvent, cela a été dit, des passes à poissons ou des dérivations afin de conserver les moulins et leur activité.

Ces amendements relativisent trop, à mon avis, le principe de continuité écologique en affirmant que les autres usages, notamment en matière énergétique, ne peuvent être remis en cause et en interdisant par principe la destruction des retenues de moulins. Ils affaiblissent ainsi un objectif important pour la biodiversité et le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques qui est clairement posé par le droit européen et que la France a la responsabilité de faire respecter – hélas, ce n’est pas encore le cas. J’ajoute que les réaménagements que cet objectif peut imposer sont toujours pesés en fonction des situations locales. On procède vraiment au cas par cas.

S’agissant de la création de petites installations hydroélectriques, nous parlerons des communautés d’énergie renouvelable et des communautés énergétiques citoyennes lorsque nous examinerons l’article 23. Je vous ferai à cette occasion une proposition concernant les moulins, auxquels nous sommes attachés. Des communautés de citoyens, d’élus, de TPE et de PME peuvent leur apporter une seconde vie grâce à l’utilité qu’ils présentent en matière hydroélectrique et écologique.

J’émets un avis défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je m’attarderai quelques minutes sur la question des moulins. Puisque de nombreux amendements ont été déposés sur la thématique de la restauration de la continuité écologique, qui revient régulièrement dans les débats au Parlement, je souhaite vous rappeler les grandes lignes de notre politique dans ce domaine.

La continuité écologique est un élément majeur pour le bon fonctionnement de nos hydrosystèmes. C’est l’objet de l’article 19 que vous venez d’adopter : il s’agit de permettre, grâce à des conditions correctes, une bonne circulation des espèces aquatiques et le transport des sédiments au sein des cours d’eau. Quand on parle de rétablir la continuité écologique au niveau d’un moulin, cela signifie agir sur son seuil, dans le cours d’eau, et en aucun cas sur le moulin en tant que tel. C’est un patrimoine bâti auquel je suis également très attachée et qu’il ne s’agit pas de détruire.

Quelques chiffres permettent de mieux cerner la situation. Comme l’a dit Mme la rapporteure, l’obligation de restaurer la continuité écologique ne concerne que 11 % des cours d’eau en France – ceux classés en liste 2, pour lesquels il existe une obligation de réduction de l’impact des ouvrages existants. Partout en France, y compris dans les outre-mer, 100 000 obstacles à l’écoulement sont recensés, dont 20 000 situés sur des cours d’eau classés en liste 2. Si de nombreux ouvrages sont déjà « transparents » en matière de continuité écologique ou ont fait l’objet de travaux, il reste nécessaire de restaurer la continuité pour la majorité d’entre eux.

Dans le cadre du plan pour la continuité écologique qui a été élaboré en concertation avec l’ensemble des partenaires – les collectivités, les associations de protection de la biodiversité et les propriétaires d’ouvrages –, nous avons lancé une stratégie de priorisation : 5 000 ouvrages doivent être rendus « transparents » d’ici à 2027. Environ 1 600 seuils de moulins sont concernés, au maximum. Il faut noter, par ailleurs, que les moulins utilisés pour une activité de production hydroélectrique sont exemptés de cette obligation depuis 2017.

L’élaboration des listes d’ouvrages prioritaires a donné lieu à de nouvelles concertations locales en 2020, dans le cadre des bassins. Le plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique insiste sur la réalisation d’actions concertées et proportionnées, tenant compte des différents enjeux. Rien n’empêche, par exemple, d’augmenter la puissance électrique d’une installation dans le cadre d’un projet de restauration de la continuité écologique.

Il existe plusieurs moyens d’action. L’effacement des ouvrages, c’est-à-dire la suppression du seuil dans le cours d’eau, et non le bâtiment que constitue le moulin – j’insiste sur ce point –, n’est qu’un moyen parmi d’autres pour restaurer la continuité écologique.

J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que l’effacement des ouvrages est plus efficace et moins onéreux que l’équipement en passes à poissons. Ces dernières ne font qu’assurer la montaison d’une partie des espèces et ne permettent pas le transport des sédiments. En outre, les seuils gérés ou aménagés continuent à avoir de nombreux impacts, liés à la présence d’une retenue en amont, comme le réchauffement de l’eau, la concentration des sédiments et des pollutions, le remplacement d’espèces d’eau courante par d’autres plus banales, adaptées aux eaux stagnantes, ou la disparition d’habitats diversifiés qui sont associés à la variation du niveau d’eau d’une rivière courante et dynamique.

En gros, quand les sédiments s’arrêtent de circuler, cela change l’écosystème. Leur blocage plus ou moins important dans les retenues d’eau engendre des déficits en aval qui conduisent à des incisions du lit, à des érosions latérales et à des dégâts plus important lors des crues car l’énergie de l’eau n’est plus dissipée par le transport des sédiments et des cailloux.

L’effacement total ou partiel d’ouvrages n’est pas une solution universelle, adaptée à toutes les situations, mais il en résulte d’autres avantages que la seule restauration de la continuité écologique.

Les agences de l’eau financent les différentes modalités d’action, dont l’effacement total ou partiel d’ouvrages, mais pas seulement, au travers de leur onzième programme d’intervention, qui prévoit de mobiliser environ 720 millions d’euros d’aide dans ce domaine.

Je tiens à vous donner, concrètement, quelques exemples des résultats obtenus grâce à la restauration de la continuité écologique. En ce qui concerne l’Orne, la population de saumons a été multipliée par dix en une dizaine d’années lorsque les opérations d’effacement ont été réalisées. On observe un effet similaire sur la Touques. S’agissant de la Vire, on arrive également à mille saumons. Dans le bassin de l’Adour et de ses gaves, l’ensemble des espèces de grands migrateurs présentes en métropole bénéficient des suppressions et des aménagements ciblés d’ouvrages réalisés depuis trente ans. La population de saumons est presque arrivée à un niveau d’autonomie. Quant à la Seine, l’alose est remontée jusqu’à la rivière Oise, au niveau de Noyon, ce qui représente un parcours de 400 kilomètres, grâce aux aménagements réalisés par Voies navigables de France. Il y aurait bien d’autres exemples à citer, au-delà des grands migrateurs.

Je rappelle aussi que la restauration des écosystèmes aquatiques est une dimension essentielle des solutions fondées sur la nature pour favoriser une meilleure adaptation au changement climatique.

Je souhaite maintenant vous apporter quelques éléments sur l’articulation entre la politique de restauration de la continuité écologique et le développement des énergies renouvelables, notamment de l’hydroélectricité, puisque ce sujet présente un intérêt majeur pour certains d’entre vous.

D’une manière générale, comme le rappelle la programmation pluriannuelle de l’énergie, le potentiel hydroélectrique français est déjà largement exploité. Il n’y a quasiment plus d’enjeu majeur en termes d’augmentation de la production au niveau national, même si la production hydroélectrique peut intéresser des acteurs locaux.

Je l’affirme clairement : la continuité écologique n’empêche pas un développement complémentaire de la petite hydroélectricité. Notre approche apaisée vise à ce que cela se fasse dans le respect des enjeux de la biodiversité et de la qualité des eaux.

À titre d’illustration, 24 centrales entièrement nouvelles, représentant une puissance cumulée de 32 mégawatts, ont été autorisées en 2018 dans le cadre des appels à projets pour la petite hydroélectricité qui sont lancés chaque année par le ministère. Par ailleurs, 15 mégawatts supplémentaires ont été obtenus en 2018 – et 8 en 2019 – grâce à l’équipement hydroélectrique de seuils existants, à la remise en exploitation de moulins et à d’autres augmentations de puissance dans les centrales existantes. Vous voyez que le cadre en vigueur permet de concilier la continuité écologique et le développement de la petite hydroélectricité.

En réponse aux amendements, qui visent à exclure la possibilité de supprimer des ouvrages en application des obligations de restauration de la continuité écologique dans les cours d’eau classés en liste 2, je rappelle que c’est une option que nous ne pouvons pas écarter compte tenu des bénéfices environnementaux qu’elle permet d’obtenir. Le plan d’action prône la réalisation d’une analyse au cas par cas afin d’identifier la solution adaptée à chaque situation.

Il faut également souligner que la suppression d’un ouvrage peut découler du choix d’un propriétaire qui ne tient pas à faire face à des charges de gestion ou d’aménagement d’un ouvrage hydraulique qui n’est plus utilisé ou d’une obligation de remise en état d’un site à la fin de l’exploitation d’une installation ou d’un ouvrage autorisé qui serait devenu inutile ou serait abandonné – c’est un cadre général qui existe pour tout ouvrage soumis à une autorisation environnementale.

Enfin, je signale que la Commission européenne vient d’inscrire la suppression des ouvrages inutiles situés dans le lit mineur d’un cours d’eau dans les orientations de la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité, qui confirme donc l’importance de cette solution.

Vous aurez deviné, en conclusion, que j’émets défavorable à ces amendements.

Mme Stéphanie Kerbarh. Merci pour toutes ces explications. Néanmoins, nous ne légiférons pas à l’égard des propriétaires qui auraient décidé d’arrêter leur moulin…

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 214-17 du code de l’environnement mentionne exclusivement la gestion, l’entretien et l’équipement des retenues de moulins à propos de la restauration de la continuité écologique. Les programmes d’aide des agences de l’eau ont dévoyé la lettre et l’esprit de cette disposition en ajoutant une quatrième modalité qui est la destruction des ouvrages et des retenues. Je maintiens que de l’argent public sert à détruire des sources de production de ce qu’on appelle la petite hydroélectricité.

La commission rejette successivement tous les amendements de la discussion commune.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1744 de M. Thibault Bazin.

Article 19 bis (nouveau) : Renforcer la protection des ressources en eau souterraine stratégiques

Amendement CS428 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet amendement a une longue histoire mais je ne ferai pas un long exposé sur les enjeux de l’eau, qui ont déjà été évoqués.

Nos concitoyens ne sont pas toujours conscients que nous sommes déjà dans une situation de déficit sur une large majorité du territoire. Si nous ne prenons pas garde, nous manquerons d’eau en métropole dans les décennies à venir, sur le plan de la qualité et sur celui de la quantité, comme c’est déjà le cas à certains endroits.

Ce que ne sait pas le grand public, par ailleurs – on pense en général aux barrages, aux grands lacs naturels, aux rivières et aux cours d’eau –, c’est que la plus grande réserve d’eau potable, ce sont les nappes stratégiques souterraines. Or elles n’ont pas de statut juridique. Elles ne sont ni identifiées ni cartographiées, et par conséquent elles ne sont pas systématiquement protégées.

J’ai déposé une proposition de loi que beaucoup de collègues ici présents ont cosignée. Elle prévoit tout simplement que l’on identifie et cartographie ces nappes stratégiques sur tout le territoire national lors de l’élaboration des prochains schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), non pas pour qu’on ne puisse plus rien faire mais pour que tout le monde sache, en particulier les élus et les acteurs privés, que des richesses inestimables se trouvent à certains endroits, à quinze, vingt, trente ou quarante mètres de profondeur. Ce sont les ressources en eau des générations futures.

Comme je n’ai pas eu la chance de parvenir à inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour, je l’ai reprise dans le présent amendement. Si vous l’adoptez, ce sera un moment historique : nous donnerons enfin un statut juridique aux plus grandes réserves d’eau potable de notre pays.

Mme Cendra Motin, rapporteure. C’est vraiment un amendement extrêmement intéressant, qui soulève un problème nous concernant tous, celui des ressources stratégiques en eau. Je salue la pertinence de l’approche que vous proposez et votre grande maîtrise des documents qui encadrent ces questions. Certaines références ayant pu être corrigées, avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. On connaît votre engagement en ce qui concerne l’eau, monsieur Saddier. Vous soulevez de vraies questions : comment allons-nous gérer la pénurie dans les années qui viennent et comment s’organiser sur le plan juridique ? Le sujet de l’eau sera fondamental, et il est essentiel d’anticiper, de se préparer. Tout le monde doit pouvoir bénéficier de cette ressource, de la manière la plus équilibrée possible.

Il est vrai que le code de l’environnement ne prévoit pas que « les schémas d’aménagement et de gestion des eaux définissent, dans leur plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, les dispositions à mettre en œuvre au sein des zones de sauvegarde pour protéger en qualité et en quantité les ressources stratégiques pour l’alimentation en eau potable future », comme vous le proposez.

J’avais quelques réticences sur le plan rédactionnel mais votre amendement a apparemment été retouché, et je m’en remets à la sagesse de la commission. S’il reste des éléments à revoir, nous pourrons le faire d’ici à la séance.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. À l’unanimité.

M. Martial Saddier. Merci à tous, notamment à Mme la rapporteure pour les aspects rédactionnels et à Mme la ministre pour son avis de sagesse. Je remercie également les services administratifs de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, qui est une agence d’État – ce sont donc vos collaborateurs, madame la ministre. Le contenu de l’amendement figure déjà dans le SDAGE en cours de concertation à ce niveau.

Après l’article 19

Amendement CS1829 de M. François-Michel Lambert.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable à cet amendement qui demande au Gouvernement de remettre un rapport.

La commission rejette l’amendement.

11.   Réunion du vendredi 12 mars 2021 à 21 heures

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons la discussion des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Après l’article 19

Amendement CS4581 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Huguette Tiegna. Il s’agit de compléter l’article L. 124‑6 du code forestier par trois phrases ainsi rédigées : « La forêt française, écosystème fondamental et intimement lié aux écosystèmes aquatiques, se distingue des pays voisins par une grande diversité d’espèces qu’il convient de renforcer car elle favorise la résilience face aux menaces sanitaires et climatiques connues ou en devenir. Ces mesures de renouvellement respectent une diversité des essences, dans un objectif d’adaptation des forêts au changement climatique. Un décret définit les conditions de ce renouvellement. »

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Votre amendement tend à introduire une déclaration sur l’importance de la forêt française et des services qu’elle rend dans un article du code forestier qui impose l’obligation de reboiser après une coupe rase substantielle opérée dans un massif forestier dont l’étendue est supérieure à un certain seuil. Je suis d’accord avec vous sur le fond, mais je ne crois pas qu’une telle déclaration soit à sa place dans cet article du code forestier.

En effet, les outils qui encadrent les pratiques sylvicoles, tant pour les forêts publiques que pour les forêts privées, sont définis au niveau régional, de manière à adapter ces pratiques au contexte local. Les documents cadres régionaux de gestion sylvicole sont en cours de révision. Ils pourront comporter des recommandations concernant les demandes d’autorisation de coupes rases dans des zones à enjeux. En ce qui concerne notamment les forêts privées, les nouveaux schémas régionaux de gestion sylvicole offriront à chaque propriétaire la possibilité de mettre en œuvre un itinéraire sylvicole qui n’entraîne pas de coupe rase.

En outre, des lieux d’échange sont créés, notamment par l’Office national des forêts (ONF), dans de nombreux massifs forestiers à enjeux, afin de faciliter le dialogue entre forestiers, riverains et élus. Dans le futur contrat d’objectifs et de performance État-ONF, il est prévu que l’office développe des instances de discussion entre les acteurs de la forêt et du bois et la société civile, telles que les comités de massif, afin de renforcer le dialogue avec la société civile. Ces comités seront des instances consultatives et non décisionnaires. Avant la fin 2022, l’ONF établira, en concertation avec les parties prenantes et la Fédération nationale des communes forestières (FNCFOR), une instruction sur la prise en compte du paysage et l’intégration paysagère des coupes de régénération dans la gestion des forêts publiques. Enfin, l’office a décidé d’intégrer le concept de forêt mosaïque dans toutes les évolutions d’aménagement forestier qui seront proposées à la validation de l’État.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement ; sinon, mon avis sera défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Bien entendu, le Gouvernement partage l’objectif de renforcer la résilience des forêts face au changement climatique. Cet objectif est même central, eu égard aux défis que nous devons relever, qu’il s’agisse du remplacement d’essences ou de la lutte contre les incendies, et à l’enjeu que constitue le développement de la filière du bois, actuellement en devenir. Toutefois, les dispositions proposées relèvent davantage des documents cadres de gestion forestière que de la loi. Du reste, un certain nombre de ces documents de gestion – les schémas régionaux de gestion sylvicole – sont précisément en cours de révision à l’échelle régionale ; ils intégreront l’enjeu de l’adaptation des forêts au changement climatique, dont relève évidemment la diversification d’essences. Par ailleurs, la biodiversité étant un gage de résilience des écosystèmes forestiers, l’objectif de diversification pourra également être abordé dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité, qui est en cours de révision.

Pour ces raisons, je vous propose de retirer l’amendement.

Mme Delphine Batho. Tout d’abord, un projet de loi relatif au climat devrait comporter un volet consacré aux forêts. Les forêts françaises souffrant d’ores et déjà du changement climatique, il est nécessaire de définir de nouvelles orientations pour la politique forestière. Quant à l’amendement, il porte, me semble-t-il, sur les actions à mener après une coupe rase ; les amendements qui ont trait à cette question ont été déclarés irrecevables. Je tenais à souligner ce paradoxe.

Mme Huguette Tiegna. Nous savons l’intérêt que les forêts présentent notamment pour la recherche scientifique, car elles permettent d’étudier le biomimétisme. Beaucoup d’amendements concernant la forêt ont en effet été déclarés irrecevables. Certes, le ministère de la transition écologique et celui de l’agriculture vont travailler avec les acteurs locaux pour qu’il soit tenu compte des enjeux évoqués au niveau régional, mais il nous paraît important que les décisions soient prises également au niveau national.

M. Thibault Bazin. On ne peut pas faire l’impasse sur la forêt lorsqu’on traite du réchauffement climatique. Celui-ci risque de provoquer la disparition d’un certain nombre d’espèces, et donc de réduire la biodiversité. Nombre de schémas d’aménagement prévus au niveau communal sont en panne ; certains sont prolongés, mais on ignore comment faire face. Des expérimentations sont en cours, mais il est évident qu’il faudra aller plus loin. Les communes, les passionnés de la forêt et, surtout, les agents de l’ONF sont désemparés.

Par ailleurs, j’ai constaté, madame la présidente, que lorsque j’interviens, vous m’invitez à conclure au bout de cinquante secondes alors que vous ne le faites pas pour tous les orateurs.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Chacun d’entre vous a le même temps de parole ; il n’y a aucune raison qu’il n’en soit pas ainsi.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS139 de M. Dino Cinieri, CS1043 de M. Loïc Dombreval, CS2786 de M. Matthieu Orphelin, CS3629 de M. Sylvain Templier, CS4513 de Mme Mathilde Panot, CS4850 de Mme Sandrine Le Feur, amendements CS2025 de M. Dominique Potier et CS1927 de M. François-Michel Lambert (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. Il ne nous paraît pas normal que la question de la forêt ne soit pas abordée dans un texte relatif à la résilience face au dérèglement climatique. De fait, la forêt souffre beaucoup. Ainsi, les scolytes sont en train de décimer les forêts du Jura et de vieux chênes meurent à cause de l’assèchement des sols. Nous avons donc besoin d’une véritable politique de la forêt, d’autant plus que celle-ci est un capteur de carbone.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2786, élaboré avec l’association Canopée, fait écho à une proposition de la Convention citoyenne. Il tend en effet à préciser que la politique forestière a pour objectifs la lutte contre le changement climatique, la résilience des forêts, le maintien ou, le cas échéant, la restauration de leur bon état de conservation en tant que milieu naturel et puits de carbone, mais aussi que la sylviculture doit être orientée vers le respect de la biodiversité, la régénérescence naturelle des forêts, la diversification et le mélange des essences.

Mme Danièle Obono. L’amendement CS4513 vise à mieux intégrer dans la loi les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique, de renforcement de la résilience de la forêt face à ses effets et de préservation de la biodiversité, en rééquilibrant les articles de principe du code forestier et de la politique forestière nationale.

Deux modèles s’affrontent : un modèle industriel, qui considère les forêts comme un gisement de bois et accélère les rythmes de production, et un modèle de sylviculture proche des cycles naturels, qui prend en compte la multifonctionnalité des forêts. Les modifications proposées dans cet amendement visent à orienter la politique forestière vers ce second modèle, en maintenant un couvert forestier continu et une diversité d’essences afin d’améliorer le stockage du carbone par les sols et la capacité de résilience des forêts face au changement climatique. Pour que les objectifs fixés soient opérants, il est proposé que le programme national de la forêt et du bois ainsi que les investissements et financements soient orientés vers ces objectifs.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS2025 vise également à mieux intégrer dans la loi les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique, de renforcement de la résilience de la forêt face à ses effets et de préservation de la biodiversité en rééquilibrant les articles de principe du code forestier et de la politique forestière nationale.

Je regrette à mon tour que plusieurs amendements ayant trait à la forêt aient été déclarés irrecevables, car celle-ci joue, dans la résilience face au dérèglement climatique, un rôle très important qui aurait dû être reconnu dans le projet de loi. Je suis également choquée par le sort réservé à l’ONF : la gestion de la forêt publique devrait être un terrain d’expérimentation dans le cadre de la réflexion sur la résilience.

M. François-Michel Lambert. La résilience de nos forêts exige que l’on développe une autre approche de la sylviculture. Il est toujours difficile de constater que les effectifs de l’ONF se stabilisent, voire baissent, quand ceux de la police augmentent. Peut-être est-il nécessaire de renforcer les forces de l’ordre, mais n’oublions pas ceux qui protègent notre avenir.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Ces amendements tendent à réformer profondément notre politique forestière en posant des principes tels que la diversification des essences, la gestion à couvert continu ou la limitation de l’enrésinement des forêts, tout en demandant aux responsables publics de favoriser la structuration de filières industrielles nationales. Vous souhaitez favoriser ainsi la résilience de nos forêts face au changement climatique et leur capacité à constituer des puits de carbone.

Cependant, une dynamique de renouvellement financier destinée à garantir la résilience des écosystèmes forestiers dans le contexte du changement climatique vient d’être impulsée dans le cadre du plan de relance, qui y consacre un budget d’un montant inédit de 150 millions d’euros. Cette mesure porte sur 45 000 hectares de forêt qu’il s’agit d’adapter, de régénérer ou de reconstituer, soit environ 50 millions d’arbres. Les forêts du grand quart nord‑est de la France, gravement affectées par l’action des scolytes, devraient pouvoir être reconstituées grâce à ces financements. Les opérations sont d’ores et déjà lancées. La convention entre l’État et l’ONF portant sur l’adaptation des peuplements en forêt domaniale, dotée d’un budget de 30 millions d’euros, est en cours de signature, et le guichet de dépôt des demandes d’aides pour les propriétaires forestiers privés et les collectivités, doté de 95 millions d’euros, est ouvert depuis le 19 février. Par ailleurs, la diversification des essences dans les projets de plantation en plein est obligatoire pour les chantiers au-delà de dix hectares. Il conviendra d’en tirer rapidement les enseignements en vue de la création éventuelle d’un fonds pluriannuel, plus cohérent avec le temps long de la forêt, dans un contexte d’amplification et d’accélération des impacts forestiers du changement climatique.

Si je partage pleinement vos objectifs, je ne souscris pas à la méthode que vous proposez. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les amendements ; sinon, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces amendements visent à introduire dans la loi diverses dispositions relatives à la gestion forestière afin de renforcer la résilience des forêts, dont j’ai dit qu’elle était également un objectif du Gouvernement. Toutefois, plusieurs des mesures proposées, qui portent sur l’encadrement des techniques sylvicoles, relèvent non pas de la loi mais des documents cadres de gestion forestière. De fait, je le rappelle, tout ne se règle pas dans la loi.

Par ailleurs, les amendements tendent à imposer l’obligation de diversifier les reboisements et d’empêcher le développement de surfaces en essences résineuses. Si la diversification des essences forestières est évidemment un objectif pertinent – il faut l’encourager : le Gouvernement en a d’ailleurs fait l’une des conditions d’accès aux aides du plan de relance –, les résineux sont, au même titre que les feuillus, des espèces naturellement présentes dans nos forêts et contribuent à leur diversité et à leur résilience. Certaines essences résineuses présentent, du reste, des qualités d’adaptation à la sécheresse qui seront utiles à l’adaptation de la forêt au changement climatique. La priorité est bien entendu de favoriser des mélanges d’essences, feuillus et résineux, adaptés aux contextes territoriaux.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. Raphaël Schellenberger. Je m’étonne des arguments développés par la rapporteure et la ministre. Certes, tout ne se règle pas dans la loi. Au demeurant, cette loi ne réglera pas grand-chose : elle énonce un certain nombre de principes, tantôt très flous, voire inopérants, tantôt un peu plus engagés. Mais il est dommage que, parmi ces déclarations, aucune ne concerne la forêt, dont le rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique est pourtant fondamental. Au-delà, il nous faudra débattre, éventuellement à l’occasion de l’examen d’un plan cadre législatif, de l’évolution de notre stratégie forestière. C’est un sujet dont le législateur doit se saisir. La stratégie de gestion de la forêt des Hautes Vosges, que je connais bien, a 200 ans : elle n’est plus adaptée aux enjeux actuels !

Mme Delphine Batho. Les dispositions du code forestier ne sont plus adaptées. Notre amendement CS2786, qui a trait au puits de carbone, est en fait lié à un autre, déclaré irrecevable, qui avait pour objet d’interdire les coupes rases. Au cœur des propositions de la Convention citoyenne concernant la forêt, il y a le mélange des variétés, donc la biodiversité, qui contribuera à la résilience de la forêt française face au changement climatique. Nous maintenons notre amendement.

M. François-Michel Lambert. Nous souhaitons que l’État veille à la « promotion de l’utilisation de bois massifs provenant de feuillus » plutôt que de bois provenant de résineux, mais cela ne signifie pas que nous refusons ces derniers. Tout dépend du contexte local. Ainsi, en Provence, il convient de promouvoir le pin d’Alep, qui permet la production de bois de scierie.

M. Michel Vialay. Je m’étonne que nous ayons si peu évoqué ce qui pollue et dégrade la forêt ; je veux parler des dépôts sauvages. Le cadre réglementaire est défaillant, et les élus locaux sont parfois seuls pour lutter contre ce phénomène – récemment, un maire a été mortellement agressé. J’avais déposé une proposition de loi qui avait pour objet d’imposer le principe du pollueur-payeur, mais elle a été déclarée irrecevable.

La commission rejette successivement les amendements identiques CS139, CS1043, CS2786, CS3629, CS4513 et CS4850, l’amendement CS2025 et l’amendement CS1927.

Amendements identiques CS140 de M. Dino Cinieri, CS928 de M. Paul-André Colombani, CS1042 de M. Loïc Dombreval, CS2026 de Mme Chantal Jourdan, CS2788 de M. Matthieu Orphelin et CS4851 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement CS140 a pour objet d’inscrire dans le code forestier l’objectif de conserver, voire de renforcer, le puits de carbone forestier ; c’est indispensable si la France veut atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Mme Delphine Batho. Je ne comprendrais pas que ces amendements, déposés par des députés de différentes sensibilités, ne soient pas adoptés : ils visent, conformément à l’accord de Paris, à reconnaître l’importance du rôle du puits de carbone forestier en précisant notamment que le programme national de la forêt et du bois a pour objectif de permettre la conservation, voire le renforcement, de ce puits de carbone en veillant au respect des fonctions écologiques, sociales et économiques des forêts.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’objectif de conserver et, le cas échéant, de renforcer le puits de carbone forestier est déjà mentionné au 2° de l’article L. 121-1 du code forestier, qui dispose que l’État veille « à l’optimisation du stockage de carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois ». En outre, vos amendements visent à plafonner le niveau des futurs prélèvements au niveau global de 2019.

Si je partage l’objectif de renforcer les puits de carbone forestiers, je suis moins convaincue par votre approche : je ne crois pas que ce texte se prête à une grande réforme de la politique forestière. Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je veux tout d’abord répondre à ceux d’entre vous qui déplorent l’absence de dispositions spécifiquement consacrées à la forêt dans le projet de loi initial. Celui-ci, je le rappelle, est la traduction légistique des propositions des membres de la Convention citoyenne pour le climat. Or, en la matière, ces propositions portaient sur deux aspects : la lutte contre les coupes rases et les effectifs de l’ONF. S’agissant des premières, nous estimons que la question n’a pas besoin d’être traitée par la loi. Les amendements qui ont été déposés à ce sujet ont ainsi été déclarés irrecevables. Mais ils posaient de toute façon problème, dans la mesure où ils ne prenaient pas en compte la diversité des situations locales ou certains cas particuliers, comme les conséquences de tempêtes. Nous vous proposerons cependant, avec Bérangère Abba et Julien Denormandie, des éléments de réponse en dehors de la loi. Je sais combien nos concitoyens sont sensibles à la question des coupes rases. Mais le travail qu’Anne-Laure Cattelot mène sur le terrain, à Mormal, montre bien qu’au-delà de la technique et de la réglementation forestière, la concertation et le dialogue de proximité avec les acteurs sont également importants. Quant aux effectifs de l’ONF, le Gouvernement a réaffirmé son attachement au maintien d’un opérateur unique pour la mise en œuvre du régime forestier.

Cela ne veut pas dire que nous ne pensons pas que la forêt a un rôle dans la lutte contre le dérèglement climatique et la résilience de la société, bien au contraire. Nous avons déjà agi en ce domaine, comme en témoigne le plan de relance. Par ailleurs, la stratégie nationale des aires protégées instaurée dans le projet de loi définit une ambition particulière pour la forêt en fixant l’objectif de mettre sous protection forte, d’ici à 2022, 250 000 hectares. La question de la prise en compte de la libre évolution fera partie des éléments de sa mise en œuvre.

Vos amendements visent à affirmer le rôle de la forêt en tant que puits de carbone, à favoriser la diversification des essences et la libre évolution. Je vous propose que nous prenions le temps d’y retravailler, d’ici à la séance publique, avec les rapporteurs et les auteurs des amendements qui le souhaitent pour proposer la meilleure traduction dans la loi de ces préoccupations légitimes. En attendant, je demande le retrait des amendements ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Dès lors que le projet de loi ne comporte aucune disposition concernant la forêt, une grande partie des nombreux amendements ayant trait à ce sujet, notamment ceux relatifs aux coupes rases et à l’ONF, ont été déclarés irrecevables, à la différence de ceux qui traitent de la question sous l’angle du puits de carbone ou, de façon plus générale, sous celui de la biodiversité.

Mme Delphine Batho. Les coupes rases ont un rapport direct avec la biodiversité, madame la présidente – mais je ferme la parenthèse.

Madame la ministre, j’appelle votre attention sur le fait que, dans ses rapports annuels, le Haut Conseil pour le climat indique que nous ne respectons pas la trajectoire définie dans la stratégie bas-carbone. Si nous proposons de retenir le niveau de 2019 pour le plafonnement des futurs prélèvements, c’est précisément pour tenir compte de cette situation. L’amendement CS2788 est maintenu.

Mme Frédérique Tuffnell. J’aimerais comprendre. Pour parvenir à l’objectif de zéro émission nette, il faut bien que les écosystèmes captent le carbone pour atteindre cet équilibre. Or, j’ai le sentiment que les dispositions que nous avons adoptées jusqu’à présent ne nous permettront pas de l’atteindre. Le puits net de carbone du secteur des terres a diminué de 2,1 % en moyenne du fait des forêts. Quant aux zones humides, en particulier les tourbières, on continue à les détruire alors qu’elles captent deux fois plus de carbone que les forêts. C’est une réalité scientifique ! Je ne comprends pas, madame la ministre : comment pouvons-nous travailler à enrichir ce texte ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Je viens de vous le proposer, madame la députée.

M. Jean-Marie Sermier. C’était un cri du cœur, madame la présidente : « Il n’y a strictement rien dans le texte », avez-vous dit, mais il est vrai que vous ne parliez que de la forêt ! Il n’en reste pas moins que celle-ci est également concernée par les hydrosystèmes. Je note d’ailleurs que le titre IV, « Se loger », ne prévoit aucune initiative concernant le bois, donc la production, dans les forêts, de ce matériau permettant de stocker du carbone. De ce point de vue, cette loi est un rendez-vous manqué.

M. Vincent Thiébaut. En tant que membre du Conseil supérieur de la forêt et du bois, je vous rappelle que nous avons voté dans le PLF pour 2020 un plan de 200 millions – quand la filière en demandait 100 – pour des appels à projets destinés au reboisement.

L’analyse de cycle de vie (ACV) Dynamique prévue dans la nouvelle réglementation environnementale « RE2020 » permet d’envisager un objectif de 30 % de constructions à base de matériaux biosourcés, dont le bois, ce dont tous les acteurs se félicitent – cela a d’ailleurs été possible grâce à la loi ELAN portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Nous agissons d’ores et déjà en faveur de nos forêts !

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4585 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Véronique Riotton. Selon l’article L.112-1 du code forestier, « Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation… » et, selon l’article L.121-1, « La politique forestière relève de la compétence de l’État. Ses orientations, ses financements et ses investissements s’inscrivent dans le long terme. »

Considérant les travaux de la feuille de route des professionnels pour l’adaptation des forêts au changement climatique, ceux de six ONG avec le rapport « Forêts en crise », et le rapport Cattelot, cet amendement vise à demander au Gouvernement de présenter une stratégie nationale pour l’adaptation des forêts au changement climatique à l’horizon 2050, en intégrant l’atténuation du changement climatique par la forêt et le bois.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable ou demande de retrait.

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a préparé une réforme du document de gestion unique renforçant la nature des documents de gestion durable des forêts entre 20 et 25 hectares qui permettra d’augmenter les surfaces sous gestion durable dans un ordre de grandeur proche de celui indiqué dans le rapport.

Je ne suis pas favorable à la proposition visant à instaurer par la loi ce document unique de portée réglementaire valant volet forestier de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), du plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) et de la stratégie nationale de biodiversité (SNB), compatible avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Le programme national de la forêt et du bois 2016-2026 adopté par décret en février 2017 donne le cadre de la politique forestière. Son troisième objectif vise à conjuguer atténuation et adaptation des forêts au changement climatique à travers plusieurs actions, notamment, le soutien de la recherche et développement, le renouvellement des peuplements les plus vulnérables, l’adoption de sylvicultures plus adaptatives, etc.

Une évaluation de ce plan national est prévue à la fin de 2021, à mi-parcours. Les mesures en faveur de l’adaptation des forêts au changement climatique seront évaluées au regard des propositions faites dans plusieurs rapports récents, dont celui de Mme Cattelot, ainsi que de la feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique remise par les acteurs de la forêt et du bois au ministre de l’agriculture et de l’alimentation en décembre dernier.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

Ce rapport d’étape permettra d’utiliser les conclusions de différents rapports, dont celui de Mme Cattelot. Je ne suis pas sûre que la multiplication des stratégies soit la manière la plus efficace de procéder.

Monsieur Vialay, de nombreuses avancées ont eu lieu ces dernières années pour lutter contre les dépôts sauvages : les maires disposent de plus de moyens, notamment en matière de sanctions, grâce aux lois Engagement et proximité et AGEC relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

M. Michel Vialay. Les élus locaux restent démunis. Ma proposition de loi visait à rendre les décharges gratuites et à compenser le manque à gagner par la taxation des produits utilisés par les professionnels du BTP, principaux responsables de ces dépôts sauvages.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est pourquoi nous avons créé une filière.

M. Michel Vialay. Qui ne fonctionne pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS580 de Mme Delphine Batho et CS3717 de Mme Sophie Mette.

Mme Delphine Batho. La stratégie nationale bas-carbone doit prévoir un budget pour le secteur du numérique, dont l’empreinte carbone est exponentielle, ainsi que des objectifs chiffrés de maîtrise et de réduction des émissions qui pourraient servir de référence pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et toutes les instances chargées de favoriser la sobriété numérique.

M. Bruno Millienne. Je remercie Mme Batho pour son excellente présentation.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Un décret fixant la stratégie nationale bas‑carbone prévoit de répartir le budget par grands secteurs d’activité mais il n’en désigne aucun explicitement car il n’est pas question de stigmatiser un secteur plutôt qu’un autre.

Vous proposez de viser le domaine du numérique après que notre collègue du groupe LR a évoqué celui des transports, mais on pourrait également parler de celui de la construction, comme nous le verrons lors de l’examen du titre IV « Se loger ».

Il me semble préférable d’agir plutôt que de prévoir des budgets spécifiques.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La maîtrise des émissions dans le secteur du numérique est un enjeu essentiel dans la lutte contre le changement climatique.

Les budgets de la stratégie nationale bas-carbone sont définis par secteur, en cohérence avec l’inventaire national annuel des émissions de gaz à effet de serre, or, les émissions associées au numérique se retrouvent dans différents secteurs.

De plus, une partie importante de ces émissions ne concerne pas le territoire national mais l’empreinte carbone, c’est-à-dire les émissions liées à la fabrication des terminaux. La prochaine SNBC prévoira des orientations spécifiques dans le domaine du numérique en tenant compte des nombreux travaux en cours.

Un budget spécifique ne serait pas pertinent et serait très difficile à définir quantitativement et objectivement.

Je vous invite à retirer ces amendements.

Mme Delphine Batho. Je ne suis pas d’accord.

Certes, une partie de ces émissions relève de l’empreinte carbone, mais une autre partie du territoire national. De plus, les budgets carbone sont déjà identifiés pour différents secteurs. Quoi qu’il en soit, une telle réforme sera inévitable à l’avenir.

M. Raphaël Schellenberger. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec Mme la ministre, la priorité étant de ramener sur le territoire national les infrastructures de souveraineté numérique, ce qui de surcroît nous permettra d’être plus efficaces pour réduire l’empreinte carbone liée au numérique. La prééminence de notre droit, la souveraineté économique et les prérogatives de l’État sont en l’occurrence déterminantes.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS547 et CS548 de M. Jacques Marilossian (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Même si nous sommes attachés à la montagne et à ses écosystèmes, la déclinaison de principes pour la préservation ou la restauration des écosystèmes rocheux n’apporterait rien de plus.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La définition de ces écosystèmes rocheux et de hautes montagnes demeure imprécise et sa mention, au sein du code de l’environnement, dans un article portant sur la contribution des parcs naturels régionaux situés dans les massifs de montagne, sur la prise en compte des spécificités de ces territoires et sur la mise en cohérence des politiques publiques en leur sein ne me semble pas pertinente.

Je vous prie de retirer ces amendements, qui nécessiteraient une réflexion plus large afin d’assurer la cohérence législative des textes et la prise en compte de l’ensemble des écosystèmes à préserver. À défaut, avis défavorable.

Mme Huguette Tiegna. Je les retire pour les retravailler en vue de la séance publique.

Le texte vise le domaine maritime mais nous sommes issus de territoires où les écosystèmes rocheux doivent également être pris en compte, ces deux domaines n’étant d’ailleurs pas exclusifs l’un de l’autre.

Les amendements sont retirés.

Article 20 (articles L. 161-1, L. 163-6, L. 163-9 et L. 171-3 [nouveau] du code minier) : Renforcer l’encadrement des travaux miniers et de leur arrêt

Amendement CS2816 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à supprimer l’article L. 111‑6 du code minier disposant qu’il est mis fin à la recherche et l’exploitation du charbon et tous les hydrocarbures liquides ou gazeux… sauf si ces hydrocarbures sont intégrés à un processus industriel, limité à un usage local, sans injection dans un réseau de transport ou liquéfaction. Cette suppression permettrait d’interdire aux industriels d’avoir recours au charbon, notamment dans leurs processus de production d’hydrogène.

M. Damien Adam, rapporteur pour les articles 20 et 21 du titre II. Je ne pense pas que vous souhaitiez également la reprise de l’exploitation des hydrocarbures, auquel cet article met un terme. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cet article pose en effet le principe de l’arrêt progressif de la recherche et de l’exploitation du charbon et de tous les hydrocarbures liquides ou gazeux, tout en tenant compte de situations très spécifiques d’usage local, en particulier, à Lacq.

Il résulte d’un équilibre auquel nous sommes parvenus lors des débats parlementaires sur la loi de 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

Je vous rassure : l’utilisation du charbon pour produire de l’hydrogène ne présente aucun risque.

Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. La rédaction de cet amendement visant en fait l’hydrogène « vert », elle aurait dû en effet être modifiée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS822 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le Gouvernement propose une réforme du code minier par voie d’ordonnance, or, des problèmes concrets se posent d’ores et déjà. Il convient donc de donner à l’État les moyens de les résoudre immédiatement en lui permettant de refuser les demandes d’octroi, d’extension, de prolongation de permis exclusif de recherche ou de concession en cas de doute sérieux sur les conséquences environnementales des activités minières envisagées.

En outre, l’amendement soumet les demandes d’octroi à l’évaluation environnementale et dispose que les décisions relatives aux titres miniers relèvent des contentieux de pleine juridiction, ce dont relève le contentieux sur la Montagne d’or en Guyane.

M. Damien Adam, rapporteur. Outre que certains éléments que vous évoquez figurent dans l’article 21 dont nous allons débattre, nous avons besoin d’une ordonnance adaptée afin de mieux prendre en compte ces conséquences environnementales. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les titres miniers reconnaissent un droit d’exclusivité à explorer ou exploiter le sous-sol à une ou plusieurs entreprises privées. Les travaux, quant à eux, ne peuvent être entrepris qu’à l’étape suivante, relevant d’une procédure d’autorisation par le préfet de département. Cette déclaration ou autorisation d’ouverture de travaux est soumise à l’évaluation environnementale.

La détention d’un titre, en soi, ne suppose aucune incidence sur l’environnement. Son octroi ne peut donc être soumis à cette évaluation. Toutefois, une procédure d’analyse environnementale spécifique au code minier, à laquelle s’ajouteraient des volets économiques et sociaux, permettrait une meilleure appropriation des enjeux associés aux projets pour les territoires concernés. Nous proposons donc une approche plus complète apportant les mêmes garanties que pour les aspects environnementaux ciblés par le code de l’environnement dès les premières étapes du projet.

Je vous confirme notre intention d’inclure la soumission des décisions relatives aux titres miniers à un contentieux de pleine juridiction dans l’ordonnance : elle figure à l’alinéa f).

Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Avec cet amendement, nous tendons une perche au Gouvernement : n’attendons pas les ordonnances pour avoir les moyens, en toute sécurité juridique, de refuser des titres en raison d’un doute sérieux sur les conséquences environnementales de certaines activités minières et pour affirmer que les décisions relèvent du contentieux de pleine juridiction.

Cette rédaction s’inspire par ailleurs directement du projet de loi que vous avez présenté au Conseil national de la transition écologique.

N’attendons pas ! Je me permets d’insister.

M. Michel Vialay. Les demandes d’octroi, d’extension ou de prolongation devraient être accordées sous la réserve d’un délai et donc limitées dans le temps. Parfois, des droits d’exploitation sont toujours d’actualité vingt ou trente ans après qu’ils ont été accordés alors qu’ils ne l’auraient pas été si nous les considérions avec les exigences actuelles. C’est notamment le cas de certaines carrières cimentières.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS556 de Mme Delphine Batho, CS2017 de M. FrançoisMichel Lambert et CS4425 de M. Gabriel Serville.

Mme Delphine Batho. Il convient d’interdire l’utilisation du cyanure dans l’exploitation des minerais aurifères ou argentifères, car il est évidemment très toxique et des accidents peuvent se produire : un déversement dans la nature provoque l’asphyxie immédiate de tous les organismes, les digues des bassins de rétention peuvent rompre et le risque d’écocide est bien présent.

M. François-Michel Lambert. Alors que la France s’engage à inscrire à l’article 1er de la Constitution la protection de l’environnement, je ne comprends pas qu’elle continue à utiliser le cyanure pour l’exploitation minière aurifère et argentifère. Prenons une longueur d’avance !

M. Moetai Brotherson. L’histoire de l’exploitation minière est parsemée de mauvais exemples qui ne devraient pas se reproduire. D’autres procédés, moins polluants, existent.

M. Damien Adam, rapporteur. Cette question est en effet importante, particulièrement pour la Guyane.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas l’utilisation du cyanure qui est problématique, mais son stockage. Si nous interdisions son utilisation, les activités légales seraient pénalisées : quand 2 tonnes d’or sont extraites légalement en Guyane, 10 à 12 tonnes le sont illégalement. Les frontières avec d’autres pays n’étant pas toujours hermétiques, des personnes peuvent en effet mener des activités illégales sur notre territoire malgré les moyens déployés par l’opération Harpie pour lutter contre l’orpaillage illégal. L’Union européenne a interdit l’utilisation du mercure, dont l’utilisation avait des conséquences bien pires que celle du cyanure, mais il en serait fait usage si les activités illégales devaient encore s’accroître.

Par ailleurs, l’absence d’alternative crédible au cyanure à ce jour nous interdit de légiférer.

Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le code minier impose l’utilisation des meilleures techniques disponibles pour préserver l’environnement, ce qui implique notamment d’être économes en ressources, donc, d’optimiser le traitement des gisements.

L’emploi d’un traitement des minerais aurifères plutôt qu’un simple criblage mécanique permet d’augmenter l’efficience des opérations minières. Le taux de récupération se situe au-delà de 90 % avec la cyanuration contre moins de 40 % avec les procédés mécaniques. À production égale, dans ce dernier cas, les conséquences sur la biodiversité sont plus importantes en raison d’un défrichage plus important, moins respectueux de la forêt amazonienne.

Le cyanure, contrairement au mercure, a l’avantage de ne pas persister dans l’environnement. Il ne s’accumule pas dans la chaîne alimentaire, contrairement aux métaux lourds ou à d’autres produits chimiques. C’est toutefois un produit toxique, dont le stockage et la manipulation peuvent présenter des risques pour l’environnement. Malheureusement, des accidents sont déjà survenus Des stockages d’effluents liquides ou semi-liquides sont nécessaires. Ils nécessitent les mêmes mesures de précaution et de réduction des risques, afin de garantir la stabilité et l’étanchéité des ouvrages dans le temps.

La révision de la directive du 15 mars 2006 concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive a pris en compte l’accidentologie récente pour imposer des mesures de gestion des risques, qui sont aujourd’hui les plus strictes au monde. Nous devons naturellement essayer de trouver les meilleures solutions de remplacement possibles. C’est pourquoi, à l’été 2018, le Gouvernement a demandé à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) d’effectuer une revue des technologies de substitution. Malheureusement, la lixiviation au thiosulfate ne fonctionne pas pour les gisements non carbonatés, comme c’est le cas en Guyane.

C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer les amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, non parce que le cyanure est la panacée, mais parce que nous travaillons pour trouver des solutions de remplacement pouvant permettre de se passer du cyanure. Tant que nous ne les avons pas, nous ne pouvons pas nous en passer, à moins d’interdire l’extraction minière et aurifère en Guyane, ce qui est un autre débat.

Mme Stéphanie Kerbarh. Les amendements interdisent l’utilisation du cyanure dans la lixiviation en tas et en cuves. Ce premier procédé pose problème, non le second. Or vous interdisez la lixiviation en tas, alors qu’elle est plutôt sécurisée. De plus, l’Union européenne autorise le cyanure. Il serait difficile pour la France de l’interdire.

L’exploitation alluvionnaire illégale n’utilise pas de cyanure. Quant au mercure, il est interdit depuis plusieurs années.

Je propose que nous travaillions ensemble sur un amendement visant à définir les principes d’une bonne utilisation du cyanure. Il pourrait s’inspirer d’une étude de l’INERIS, dont les résultats figurent dans le tome 12 du guide Bonnes pratiques de l’activité minière, qui recommande plusieurs points lors de l’utilisation du cyanure.

Enfin, les déchets de l’industrie extractive sont gérés par une directive européenne, qui a déjà été transposée dans le droit français.

M. François-Michel Lambert. Je remercie Mme la rapporteure, Stéphanie Kerbarh, pour son excellent travail. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que si l’on interdit le cyanure, le secteur illégal l’utilisera. La logique vaut pour d’autres domaines, par exemple le cannabis : si je vous suis, il faudrait le légaliser. On peut interdire certains produits, ce qui conduit, une fois qu’ils sont illégaux, à poursuivre ses utilisateurs. On ne conserve pas la légalité d’un produit que l’on ne souhaite pas dans notre société. Madame la ministre, nous avons su repousser, ensemble, l’autorisation d’exploitation du gaz de schiste, en posant des critères clairs. Aujourd’hui, le gaz de schiste n’est pas exploité, seul le pétrole conventionnel l’est.

Enfin, si des demandes étaient formulées dans l’Hexagone, il n’y aurait aucune autorisation d’exploitation aurifère au cyanure à Gardanne, dans ma circonscription.

Au vu du travail accompli par Stéphanie Kerbarh, je retire l’amendement CS2017.

Mme Delphine Batho. À chaque fois qu’il a été question de se séparer d’un produit hautement polluant, on nous a expliqué à quel point il était indispensable. Nous avons déposé un amendement pour sécuriser la décision de refus par l’État du projet Montagne d’or : il a été rejeté. Nous présentons un amendement pour mettre fin à l’utilisation du cyanure : il est rejeté, au motif que l’on aura besoin de cyanure pour exploiter l’or de la Guyane. Un point c’est un point, dit la formule.

Mme Stéphanie Kerbarh. Nous légiférons non sur un projet ou le démarrage d’une nouvelle industrie extractive mais sur le code minier, c’est-à-dire l’ensemble des règles qui s’appliqueront à tous les projets. Le projet Montagne d’or n’a rien à voir avec cette discussion.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’entends l’argument de Mme Kerbarh pour ce qui concerne la lixiviation en tas. Nous pouvons voir ce qu’il est possible de faire à ce sujet. Aujourd’hui, le cyanure n’est utilisé en France que dans une exploitation, celle d’Auplata. Les autres orpailleurs légaux n’utilisent pas ce procédé.

M. Damien Adam, rapporteur. Je soutiens également la proposition de Mme Kerbarh, qui me semble relever davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif. Nous devons avancer sur ces sujets. Nous examinons le projet de loi climat et résilience. Les mesures que nous devons prendre dans les prochaines semaines doivent être favorables à l’environnement. Si nous interdisons le cyanure, nous prendrons une mesure qui sera défavorable à l’environnement car elle mettra fin à l’activité légale de cyanuration. Seules des activités illégales subsisteront, qui seront menées sans aucun contrôle, avec l’utilisation non pas du cyanure mais du mercure. Vous le savez, le sol guyanais est déjà l’un des plus riches en mercure au monde, ce qui a une incidence très forte sur la biodiversité dans le territoire, en pleine forêt amazonienne. Si nous sommes rationnels, la bonne mesure n’est pas d’adopter ces amendements mais de réfléchir, ensemble, pour trouver des solutions de remplacement au cyanure. Aujourd’hui, il est faux de dire que ces solutions existent. Ce n’est pas le cas. Si vous dites le contraire, présentez les études sérieuses qui le prouvent. Il n’y en a pas.

L’amendement CS2017 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques CS556 et CS4425.

Amendement de précision CS3351 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il reprend plusieurs articles du code minier qui, pour des questions de lisibilité, nécessitent d’être codifiés de façon plus précise.

M. Damien Adam, rapporteur. Le droit de disposer librement des produits extraits visés par son titre d’exploitation est, par définition, l’objet du titre d’exploitation, par opposition à un titre d’exploration. Si ce droit peut être utilement précisé dans le cadre d’un permis de recherches, il est automatique avec un titre d’exploitation, hors exceptions dûment identifiées, comme les matières nucléaires. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement, puisqu’il est satisfait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Votre proposition est l’essence même du code minier. C’est pourquoi je vous suggère de retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Monsieur Vialay, la durée d’un titre est de vingt-cinq ans. En revanche, le droit de travaux est perdu au bout de trois ans si les travaux ne sont pas commencés. Vous disiez qu’il n’y avait pas de limite : il y en a, fort heureusement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3507 de M. Olivier Gaillard.

Mme Delphine Batho. Il vise à rechercher en premier lieu la responsabilité de l’exploitant et d’élargir les dommages aux dommages sanitaires et environnementaux.

M. Damien Adam, rapporteur. Il est en effet nécessaire de rechercher en premier lieu la responsabilité de la personne qui a réalisé les travaux d’exploration ou d’exploitation à l’origine du dommage. Toutefois l’amendement, tel qu’il est rédigé, crée davantage de flou, en omettant par exemple le cas d’un exploitant qui aurait sous-traité la réalisation de certaines opérations ou en évoquant le titulaire d’un titre minier sans que l’on sache de quel titre il s’agit. La formule actuelle a le mérite d’être comprise par tous, dans le sens que vous souhaitez.

Plus généralement, nous examinons une série d’amendements traitant des dommages miniers, des responsabilités en cause et des dispositifs d’indemnisation, sujets que le Gouvernement propose de traiter également par voie d’ordonnance. Il déposera ainsi en séance un amendement d’extension de l’habilitation, que Mme la ministre évoquera. Aussi, quelles que soient les qualités ou les limites de ces amendements, je vous demanderai de les retirer car il s’agit d’un sujet complexe, qui doit être traité dans sa globalité, non par petits bouts, qui ne seraient pas cohérents.

Je vous demande donc de retirer l’amendement CS3507. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La définition que vous proposez pour définir le dommage minier et l’élargir aux dommages sanitaires et environnementaux est très large. Elle pourrait conduire à couvrir des activités qui n’auraient pas été encadrées par le code minier ou dont la cause du dommage ne serait pas directement liée à une activité minière.

Le sujet complexe que vous abordez est important et légitime. Il est toutefois trop lourd de conséquences potentielles pour être traité par voie d’amendement, sans concertation avec l’ensemble des acteurs concernés et sans évaluation, y compris pour les finances publiques. Je propose que l’ordonnance traite de ce point et que le Gouvernement prévoie de déposer un amendement en ce sens, pour compléter l’article d’habilitation. Je m’engage évidemment à ce que les parlementaires soient associés à la rédaction de l’ordonnance sur ce point. En attendant, je suis défavorable à l’amendement.

M. Thibault Bazin. De vraies questions se posent pour l’après-mine, qui méritent une loi. L’attente est forte. Vous nous annoncez que vous comptez déposer des amendements. Pourrons-nous en prendre connaissance en amont, afin de travailler à sous-amender le texte ? Serons-nous associés à leur rédaction ? L’après-mine suscite de nombreuses frustrations et inquiétudes devant les désordres structurels qui subsistent, avec une responsabilité indéniable de l’État car, souvent, il n’y a plus d’exploitant. Il est important que nous puissions travailler de manière concertée car les attentes dans le territoire sont fortes.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je le répète, ce sujet important ne peut pas être traité à la légère par voie d’amendement. Il demande une vaste concertation. Il faut le faire, et assez vite. Je vous propose donc que le Gouvernement rédige un amendement non sur les mesures à prendre car nous avons besoin d’un temps de concertation, mais pour élargir le champ de l’habilitation, afin qu’au moment de la rédaction de l’ordonnance, nous puissions procéder à ce travail de concertation, y compris avec les parlementaires. Ainsi, nous parviendrons à rédiger des dispositions qui auront du sens et seront comprises.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3506 de M. Olivier Gaillard.

M. Damien Adam, rapporteur. Dans le droit-fil du précédent, l’amendement donne une définition d’un dommage minier. Je vous suggère de le retirer. À défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte les amendements identiques, de précision, CS2962 du rapporteur et CS192 de Mme Emmanuelle Anthoine, ainsi que les amendements rédactionnels CS2963 et CS2964 du rapporteur.

Amendement CS3510 de M. Olivier Gaillard.

M. Damien Adam, rapporteur. Le présent amendement permet de constituer des garanties financières pour couvrir les travaux d’exploration et d’exploitation. Il alourdit le texte sans nécessité évidente, en accroissant la charge financière qui pèsera sur les opérateurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3512 de M. Olivier Gaillard.

Mme Delphine Batho. Le présent amendement vise la procédure de déclaration d’arrêt de travaux miniers, un moment important pour les territoires et la population. Il prévoit que la définition des travaux nécessaires à la mise en sécurité de la mine et à la prévention des intérêts de long terme fasse l’objet d’une procédure de participation du public, complétée par la saisine de la commission de suivi, lorsqu’elle existe, du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) et, en Guyane, par la commission départementale des mines.

M. Damien Adam, rapporteur. Le code minier prévoit déjà un bilan spécifique des incidences des travaux miniers sur l’eau. L’amendement a pour objet d’étendre cette évaluation aux incidences que les travaux pourraient avoir sur tous les autres intérêts protégés par le code minier. Ce serait une exigence très lourde, et disproportionnée par son caractère systématique, car les enjeux varient d’un territoire à un autre. Cela est encore plus vrai pour les simples travaux d’exploration, qui y seraient également soumis. La procédure actuelle d’arrêt des travaux exige déjà des opérateurs et de l’autorité administrative compétente qu’ils identifient les menaces potentielles pour les intérêts protégés. Le renforcement des consultations prévues par le projet d’habilitation facilitera leur repérage. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article L. 163-3 du code minier précise que l’exploitant « fait connaître les mesures qu’il envisage de mettre en œuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 ». L’exploitant doit donc déjà, au préalable, faire un bilan des intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier, qui sont repris sans modification dans le présent amendement.

L’amendement n’apporte donc aucun élément supplémentaire par rapport aux articles L. 163-3 et L. 161-1 du code minier. En revanche, il supprime intégralement le bilan relatif à l’eau, qui est actuellement imposé par l’article L. 163-5. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3194 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. L’amendement a pour objet de tirer des leçons des problèmes rencontrés dans les milieux géologiques complexes, notamment à Strasbourg s’agissant d’un projet de géothermie profonde. Il permet de garantir une meilleure sécurité à toutes les parties prenantes, d’un point de vue environnemental et sociétal, à la fois pour les projets à venir, et pour les installations existantes, tout en augmentant les facteurs de succès des projets.

M. Damien Adam, rapporteur. Je vous remercie d’évoquer ces sujets importants. Je partage pleinement votre souci de savoir si toutes les études exploratoires nécessaires ont été menées, en particulier, s’agissant de géothermie profonde, eu égard à ce qui s’est passé au nord de Strasbourg. L’amendement ne répond toutefois que partiellement à l’objectif. Il ne vise en effet qu’à vérifier, au moment de l’arrêt des travaux, si ces études ont été menées. Non seulement la rédaction que vous proposez aurait besoin d’être reprise car elle est ambiguë, malgré cette précision, mais l’enjeu est plutôt de se préoccuper des études menées avant l’engagement des travaux. Pour ces raisons, je vous propose de retirer l’amendement au profit de l’amendement CS5319 que j’ai déposé à l’alinéa 20 de l’article 21. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Votre proposition paraît intéressante mais nécessiterait d’être retravaillée, pour préciser son champ d’application et ce qui est attendu. Par ailleurs, il ne semble pas opportun de placer ces dispositions dans l’article relatif à la consultation des communes et du public sur le dossier d’arrêt des travaux car la question se pose dès le stade de la demande d’autorisation de travaux.

Je vous suggère donc de retirer l’amendement au profit d’une disposition de précision de l’habilitation à l’article 21, comme le propose l’amendement CS5319 du rapporteur.

M. Raphaël Schellenberger. M. Thiébaut souligne un vrai problème, qui ne peut être réglé en légiférant sur la déclaration d’arrêt des travaux d’exploitation. Il aurait fallu mieux encadrer les demandes d’exploration et d’exploitation, notamment s’assurer de mieux contrôler les techniques appliquées, qui, parfois, ne semblent pas en accord avec les autorisations délivrées ni avec les bonnes pratiques professionnelles. Nous partageons donc l’intention de l’amendement, qui frappe peut-être un peu à côté.

M. Vincent Thiébaut. J’avais déposé un autre amendement qui portait sur des mesures à prendre avant le début des travaux, mais il a été jugé irrecevable. J’ai entendu votre demande et suis prêt à travailler avec vous pour apporter éventuellement des compléments à l’amendement CS5319 du rapporteur. Je retire donc l’amendement CS3194.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS557 de Mme Delphine Batho, CS977 de M. Bertrand Pancher, CS4158 de Mme Annie Chapelier et sous-amendement CS5336 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS557 propose que la commission de suivi du projet minier rende un avis sur la déclaration d’arrêt de travaux et que le CODERST et, en Guyane, la commission départementale des mines, sont saisis pour avis.

L’intention est la même que celle de l’amendement CS3512 qu’a déposé M. Olivier Gaillard. La rédaction de l’amendement CS557 ne comporte toutefois pas l’erreur que Mme la ministre a précédemment mentionnée. L’arrêt des travaux est un moment critique. Une procédure de participation du public est indispensable.

Mme Stéphanie Kerbarh. Le sous-amendement CS5336 vise à rendre possible la saisine pour avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, ou de la commission départementale des mines, en Guyane, lors de la procédure de déclaration d’arrêt des travaux miniers, ce qui rejoint l’idée de ma collègue Delphine Batho.

Je défendrai par la suite un amendement visant à créer un comité national des mines, qui donnera une traduction opérationnelle à cette proposition.

M. Damien Adam, rapporteur. Ces consultations complémentaires semblent bienvenues, mais j’émettrai trois réserves. D’abord, l’habilitation prévoit bien la création d’une commission de suivi, mais celle-ci n’existe pas encore en droit. Par ailleurs, il paraît excessif que le CODERST ou la commission départementale des mines, en Guyane, soient systématiquement consultés, car tous les projets ne le justifient pas. Enfin, les amendements ne s’insèrent pas bien dans le texte.

Le deuxième point pourrait être résolu par le sous-amendement CS5336, qui fait de ces consultations une faculté, mais il conserve la référence à la commission de suivi, qui sera créée ultérieurement par ordonnance. De plus, il ne corrige pas le problème d’insertion que présentent les amendements. Une réécriture plus importante serait donc nécessaire pour corriger ces points.

Je vous propose donc de retirer les amendements et le sous-amendement, pour que nous puissions les retravailler d’ici à la séance, afin de répondre à votre objectif, en évitant les écueils que j’ai signalés. À défaut, j’émets un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces précisions sont d’ordre réglementaire, même si le sous-amendement CS5336 permet de lever certaines imprécisions. Eu égard au sujet, les amendements méritent d’être travaillés afin de parvenir à une rédaction satisfaisante en séance. Dans cette attente, je vous propose de retirer les amendements et le sous-amendement.

Mme Delphine Batho. L’objection légistique ne paraît pas recevable car l’amendement CS557 indique que les dispositions valent « lorsqu’une commission de suivi du projet minier a été constituée ».

Mme Stéphanie Kerbarh. Les arguments du rapporteur ne m’ont pas convaincue de retirer le sous-amendement CS5336. Je crains que la disposition, une fois retirée, ne voie jamais le jour. Surtout, la création de la commission de suivi se fera par voie d’ordonnance. L’adoption des amendements permettrait de garantir cette création. Rien n’empêche de les retravailler d’ici à la séance, et d’adopter une autre rédaction par la suite.

M. François-Michel Lambert. Pour que les écueils disparaissent, il faut soit que les amendements et le sous-amendement soient retirés, soit qu’ils servent de base pour construire un dispositif. Mon ancienneté recommande de les voter, pour amorcer la construction la plus juste possible, qui se poursuivra en séance et au Sénat. Nous évacuerons ainsi les problèmes que le rapporteur a mis en exergue.

M. Damien Adam, rapporteur. Je veux rassurer l’ensemble des parlementaires. Mon engagement devant vous à préparer un amendement pour la séance atteste de ma volonté de faire avancer le dispositif. Il est de plus confirmé par le Gouvernement. Vous pouvez donc être rassurés sur le fait que nous travaillerons en ce sens. Nous aurons l’occasion de prouver que vous pouvez nous faire confiance, lorsque l’amendement aura été déposé.

Plus spécifiquement, madame Batho, le II. de l’amendement CS4158 insère un paragraphe, qui est mal placé dans le texte. Par ailleurs, il évoque une commission de suivi, qui est prévue dans le champ de l’habilitation du Gouvernement, mais qui n’existe pas encore en droit. Cela pose un problème de cohérence. Pour toutes ces raisons, il convient de le retirer, pour travailler à une rédaction qui réponde à ces questions, tout en étant cohérente sur le plan légistique.

Mme Delphine Batho. Le II. s’insère parfaitement dans l’alinéa 11 de l’article 21. Le mot « et » est peut-être de trop, mais un amendement rédactionnel pourra le rectifier en séance.

La commission rejette successivement le sous-amendement et les amendements.

La commission adopte les amendements rédactionnels CS2965, CS2966, CS2968 et CS2969 du rapporteur.

Amendement CS3965 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Stéphanie Kerbarh. Il vise à sécuriser le dispositif prévu à l’alinéa 15 en précisant le point de départ du délai de trente ans après la fermeture d’une mine pendant lequel l’exploitant peut voir sa responsabilité engagée. Nous proposons de nous référer au premier donné acte de l’État, dit AP1 ; en d’autres termes, la responsabilité trentenaire démarrerait au moment où l’administration peut prescrire des mesures ou donner acte des mesures proposées.

M. Damien Adam, rapporteur. Les problèmes soulevés par la responsabilité trentenaire des exploitants miniers nous ont été signalés par de nombreux acteurs du secteur.

Vous proposez de fixer le point de départ du délai de prescription au premier arrêté préfectoral de la procédure d’arrêt des travaux, le fameux AP1, qui définit les mesures à mettre en œuvre pour remettre en état les sites et prévenir les éventuelles menaces pour les intérêts protégés, plutôt que d’enclencher ce délai à l’AP2, qui donne acte de la bonne exécution des mesures. Cela permettrait aux exploitants de gagner plusieurs années sur les trente ans que dure la prescription, mais l’enjeu revêtu par l’AP2 s’en trouverait fortement diminué. Les opérateurs seraient en effet moins incités à se presser pour réaliser les mesures attendues.

À la fin de l’examen de l’article 20, je défendrai un amendement CS5314 qui apportera une réponse aux opérateurs ayant exécuté de bonne foi les mesures prescrites sans toutefois avoir obtenu l’AP2. Le décompte des trente ans commencerait à la fin du délai d’exécution fixé dans l’AP1 si l’administration constate, au moment d’accorder l’AP2, que ce délai a bien été respecté. Ainsi, un opérateur verrait son délai de prescription commencer à l’issue du délai fixé par l’AP1 s’il exécute correctement les mesures définies par cet arrêté ; dans le cas contraire, il devrait se contenter de l’AP2.

Je vous demande donc, madame Kerbarh, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui que je viens d’évoquer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je souscris aux propos du rapporteur. Je demande moi aussi le retrait de l’amendement CS3965 au profit de l’amendement CS5314.

M. Raphaël Schellenberger. Le point de départ du délai de prescription devrait être l’AP2, quitte à apporter certaines garanties aux opérateurs. La proposition du rapporteur semble intéressante, mais je ne suis pas sûr de l’avoir bien comprise. Pourquoi faudrait-il ouvrir, dans certaines circonstances, notamment lorsque l’exploitant est de bonne foi, la possibilité de se référer à l’AP1 ?

M. Damien Adam, rapporteur. Habituellement, le décompte des trente ans commence à l’AP2. Cependant, si l’opérateur a respecté les engagements pris au moment de l’AP1, nous proposons de fixer le point de départ de la prescription trentenaire à la fin du délai imparti par l’AP1. Cela permettra de sécuriser la situation de l’opérateur de bonne foi.

Mme Stéphanie Kerbarh. Je fais confiance au rapporteur, mais il conviendra de vérifier que son amendement sécurise réellement la situation des industriels.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2527 de M. Frédéric Reiss.

M. Raphaël Schellenberger. Si certains sites géothermiques peuvent poser problème, comme au nord de Strasbourg, d’autres centrales d’exploitation de l’énergie géothermique fonctionnent très bien. Je pense notamment au site de Soultz-sous-Forêts, dans le nord de l’Alsace, qui produit depuis quelques années une énergie renouvelable selon un modèle très intéressant. Nous proposons donc de préciser, au cas où l’alinéa 15 ferait l’objet d’une interprétation un peu trop large, que les règles relatives à la fin d’une exploitation minière ne s’appliquent pas à la filière géothermique, laquelle est soumise à une réglementation spécifique.

M. Damien Adam, rapporteur. Je ne peux pas soutenir un amendement qui réduirait les garanties des riverains, des collectivités et de tous les autres intérêts protégés. Si les procédures existantes sont bien éprouvées et sécurisées d’un point de vue environnemental, comme vous l’affirmez, ces garanties ne sauraient gêner excessivement les opérateurs. Si ces derniers sont de bonne foi, il n’y aura aucun problème. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’alinéa 15 crée une police résiduelle de trente ans après l’arrêt des travaux. Les activités de géothermie concernées par cette disposition sont, notamment, celles de géothermie profonde. Si elles sont soumises à autorisation au titre du code minier, c’est parce qu’elles peuvent présenter des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts protégés par ce code. Il est donc nécessaire que les dispositions de police résiduelle introduites par le présent projet de loi s’y appliquent également. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Notre amendement ne vise pas à donner moins de droits aux riverains, mais à conforter la position de la géothermie, qui est une solution d’avenir. Il n’a jamais été démontré que l’exploitation de l’énergie géothermique présentait des risques significatifs, même lors des petits mouvements de terrain qui ont pu se produire en France.

Mme Stéphanie Kerbarh. Cet amendement n’est pas placé au bon endroit. Il concerne l’extraction de produits connexes comme le lithium ; or Lionel Causse et moi-même défendrons un peu plus tard un autre amendement visant à prendre en compte cette question.

M. Vincent Thiébaut. Je comprends très bien l’intérêt de cet amendement. En effet, les sites géothermiques fonctionnent très bien, notamment en Alsace. Toutefois, nous rencontrons un problème avec un opérateur à Strasbourg : plus de 500 plaintes ont été déposées pour des dégâts constatés sur des maisons d’habitation susceptibles de mettre en danger leurs occupants. Ces procédures montrent bien l’impact que l’exploitation de l’énergie géothermique peut avoir sur les constructions. Il ne faudrait pas que l’amendement dédouane les responsables de ces incidents : compte tenu de la situation à Strasbourg, il serait sans doute dangereux de l’adopter en l’état.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS2970 et CS2971 du rapporteur.

Elle adopte l’amendement CS5304 du rapporteur supprimant l’alinéa 18 de l’article.

En conséquence, les amendements CS559 de Mme Delphine Batho et CS4182 de Mme Annie Chapelier tombent.

Mme Delphine Batho. J’aurais aimé défendre l’amendement CS559, qui m’a été proposé par France Nature Environnement. Lorsqu’un exploitant renonce à son titre minier ou que ce dernier arrive à expiration, il est libéré de toutes ses obligations de prévention, de remédiation et de surveillance du site. Nous souhaitons, au contraire, qu’il ne puisse pas s’exonérer de ses responsabilités et qu’il reste soumis à ces obligations pendant un délai de trente ans, même s’il se défait de son titre.

Amendement rédactionnel CS2972 du rapporteur.

M. Raphaël Schellenberger. Les articles 20 et 21 de ce projet de loi concernent le code minier. Tandis que l’article 21 habilite le Gouvernement à réformer entièrement ce code par ordonnances, l’article 20 vise à acter dès à présent un certain nombre de changements. Alors que nous modifions un pan essentiel de notre droit, le rapporteur a déposé un amendement rédactionnel sur chaque alinéa de l’article 20, ou presque – j’en compte une vingtaine. Ces amendements, qui améliorent sans doute la rédaction du texte, illustrent bien la précipitation dans laquelle le projet de loi a été écrit. Si le texte qui nous a été transmis comporte tant d’imprécisions majeures, cela augure mal des discussions à venir et, surtout, de la confiance que nous pourrons faire au Gouvernement s’agissant de la réforme future du code minier. C’est très inquiétant !

La commission adopte l’amendement.

Amendement rédactionnel CS2973 du rapporteur.

M. Damien Adam, rapporteur. Aucun des amendements rédactionnels que nous votons dans cette assemblée n’a d’impact réel sur les dispositions des articles – en revanche, mon amendement CS5304 visant à supprimer l’alinéa 18 n’était pas un amendement rédactionnel. C’est bien le rôle du rapporteur que de perfectionner la rédaction du texte, d’autant que les dispositions relatives au code minier faisaient initialement l’objet d’un article unique ; c’est le Conseil d’État qui a souhaité que cet article soit scindé en deux, ce qui explique sans doute le caractère imparfait de certaines formulations.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable. Nous avons repris, à l’article 20, des dispositions issues d’un projet de loi spécifiquement dédié au code minier. C’est dans cette rédaction que le texte a été présenté aux parlementaires en novembre dernier et soumis au Conseil national de la transition écologique (CNTE), qui a rendu un avis.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS2974, CS2976 et CS2979 du rapporteur.

Mme Delphine Batho. Je reviens à l’alinéa 18. Monsieur le rapporteur, l’exposé sommaire de votre amendement CS5304, qui a supprimé cet alinéa, rejoint l’explication que j’ai apportée en présentant mon amendement CS559, auquel vous n’avez pas réagi. Avez-vous envisagé une solution au problème que j’ai exposé ?

Amendement CS3514 de M. Olivier Gaillard.

M. Damien Adam, rapporteur. Il vise à organiser une surveillance particulière des risques de pollution et de leurs impacts. C’est le type de mesures que l’autorité administrative pourra prescrire, dans le cadre du nouveau régime de l’après-mine, pendant les trente années qui suivront l’arrêt des travaux. Il n’est pas besoin d’étendre la surveillance spéciale prévue aux articles L. 174-1 et L. 174-2 du code minier à des risques qui ne sont pas nécessairement du même niveau de gravité. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4426 de M. Gabriel Serville.

M. Moetai Brotherson. Le code minier limite actuellement la compétence des inspecteurs de l’environnement en matière de lutte contre l’orpaillage illégal au seul territoire du parc amazonien de la Guyane. Nous proposons d’étendre cette compétence à l’ensemble du territoire de la Guyane, afin que les inspecteurs de l’Office français de la biodiversité (OFB) puissent verbaliser tous les sites d’exploitation aurifère illégaux, quel que soit l’endroit où ils patrouillent, et d’habiliter les agents assermentés de l’ONF à constater les infractions en matière d’orpaillage illégal sur le seul territoire de la Guyane. Cela permettrait d’augmenter significativement le nombre de patrouilles et de subvenir aux besoins des forces de l’opération Harpie, qui manquent cruellement d’officiers de police judiciaire.

M. Damien Adam, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, votre amendement retire aux agents publics n’appartenant pas à l’OFB toute compétence pour constater les infractions au code minier, en Guyane comme sur le reste du territoire national. Je devine que tel n’est pas votre but, mais je dois vous demander de retirer votre amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable. L’amendement CS3640 portant article additionnel après l’article 20 répondra pleinement à votre préoccupation.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous proposez de modifier l’article L. 511-1 du code minier, qui est une disposition commune inscrite au livre V. Vous auriez dû vous placer au sein du livre VI, qui regroupe les dispositions relatives aux outre-mer. Je vous invite à retirer votre amendement au profit de l’amendement CS3640, qui satisfera votre demande légitime et dont la rédaction est plus adaptée.

M. Moetai Brotherson. J’examinerai cet amendement avec beaucoup d’attention.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4427 de M. Gabriel Serville.

M. Moetai Brotherson. Il vise à créer une infraction de détention et de transport non justifié de grandes quantités de carburant. En Guyane, le carburant est le nerf de la guerre, mais son transport sur les fleuves frontaliers Oyapock et Maroni ne peut être contrôlé du fait du régime juridique particulier de ces derniers. En revanche, la plupart des cours d’eau intérieurs ne conduisent qu’à très peu de bassins de vie justifiant l’acheminement de carburant en grandes quantités. L’essentiel du carburant qui transite sur ces cours d’eau est destiné à l’orpaillage, légal et illégal. L’infraction que nous proposons de créer permettrait de saisir le carburant avant même qu’il ne soit livré à un site d’orpaillage illégal et de poursuivre le détenteur ou le transporteur dans le but de juguler les trafics.

M. Damien Adam, rapporteur. Je partage évidemment votre volonté de mieux lutter contre l’orpaillage illégal en Guyane, que nous avons évoqué un peu plus tôt au cours de nos débats. C’est d’ailleurs l’un des grands objectifs de la réforme du code minier et de l’article 21 du présent projet de loi, qui prévoit de nouvelles dispositions en la matière – nous aurons l’occasion d’y revenir.

Vous considérez la détention et le transport de volumes importants de carburant comme des indices d’activité illégale, et vous avez raison : il semblerait donc utile de mettre en place un dispositif de suivi et de sanction de ces trafics, comme vous le proposez dans votre amendement. L’idée est séduisante, mais sa mise en œuvre apparaît complexe, supposant de lourdes formalités telles que la tenue de registres. N’oublions pas non plus que ce sont toujours les habitants de la Guyane qui ont souffert des nouvelles réglementations introduites par l’État pour lutter contre l’orpaillage illégal, sans que ces mesures aient forcément atteint l’objectif recherché. Il faut donc essayer de faire la part des choses et d’adopter des dispositions efficaces qui ne soient pas trop contraignantes pour nos concitoyens guyanais – il m’a été rappelé à de nombreuses reprises, lors des auditions que j’ai menées, que la lutte contre l’orpaillage illégal impliquait de très nombreux contrôles d’identité.

Nous examinerons prochainement trois amendements très importants, CS3644, CS3640 et CS4431, qui prévoient des dispositions plus adaptées. Je vous demande donc de retirer le vôtre ; à défaut, je lui donnerai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. En effet, monsieur Brotherson, pour lutter efficacement contre l’orpaillage illégal, il faut s’attaquer à ce qui est autour. Le transport fluvial de matières dangereuses et de matériel destiné aux orpailleurs semble indiquer l’exercice d’activités illégales, que nous pourrions combattre en coupant cet approvisionnement. Sur le fond, je suis donc d’accord avec vous. D’un point de vue juridique, cependant, votre amendement est déjà satisfait : il est possible de mettre en œuvre les mesures que vous proposez sans modifier la loi. Ainsi, le droit européen et le code des transports fixent des règles applicables au transport de matières dangereuses par les professionnels et les particuliers. La réglementation visant les particuliers prévoit déjà certains plafonds précis, que le préfet peut réduire en fonction de critères locaux. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4428 de M. Gabriel Serville.

M. Moetai Brotherson. Si le code minier prévoit une aggravation de la peine prononcée pour les infractions d’exploitation de mine sans titre lorsqu’elles s’accompagnent du rejet ou du déversement de substances nocives à la santé ou à l’environnement, de l’émission de substances constitutives d’une pollution atmosphérique, de la coupe des bois et forêts, de la production ou de la détention de déchets dans des conditions de nature à porter atteinte à la santé et à l’environnement, il ne traite pas de l’exploitation de mine sans titre dans les espaces naturels protégés. Or l’orpaillage illégal touche de plus en plus les zones faisant l’objet de mesures de protection du patrimoine naturel, en particulier le parc amazonien de Guyane où 145 chantiers alluvionnaires, onze zones de puits, 135 campements et quatre villages d’orpailleurs ont été repérés lors des derniers survols de contrôle. C’est pourquoi il est proposé d’ajouter à la liste des facteurs aggravants de la sanction pénale le fait de prospecter sans titre dans un espace naturel protégé.

M. Damien Adam, rapporteur. Je partage votre ambition mais regrette que votre proposition se limite aux espaces protégés. Mon amendement CS4720 permettra de traiter cette problématique de manière encore plus pertinente, puisqu’il propose une mesure similaire applicable à l’ensemble du territoire national. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4429 de M. Gabriel Serville.

M. Moetai Brotherson. Il vise à étendre le périmètre des infractions autorisant le report du début de garde à vue et de retenue douanière. En effet, le code minier ne prévoit actuellement la possibilité de reporter le début de la garde à vue jusqu’à vingt heures après l’interpellation, lorsque le transfert des personnes soulève des difficultés insurmontables, que pour les infractions d’exploitation de mine commises dans les circonstances aggravantes mentionnées à l’article L. 512-2. L’extension de cette disposition à toutes les infractions d’orpaillage illégal définies aux articles L. 512-1, L. 512-2 du code minier et 414-1 du code des douanes permettrait de prendre en compte l’intégralité du contentieux, y compris dans les zones les plus isolées, et d’améliorer ainsi sensiblement l’efficacité de l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane.

M. Damien Adam, rapporteur. Je vous demande à nouveau de retirer votre amendement au profit de l’amendement CS3644, qui traitera des mêmes sujets. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4430 de M. Gabriel Serville.

M. Moetai Brotherson. Nous proposons de créer une nouvelle infraction consistant à charger, décharger ou transborder un engin flottant dans le but de se livrer à des activités clandestines de prospection aurifère.

M. Damien Adam, rapporteur. L’article L. 621-8-3 que vous proposez de créer existe déjà dans le code minier. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cet article sanctionne déjà toute rupture de charge sur les eaux intérieures en Guyane, la peine étant alourdie en cas d’activité d’orpaillage illégale. Votre amendement aurait pour effet de limiter cet article aux seuls orpailleurs illégaux, tout en maintenant les peines actuelles, ce qui pose un problème. Pour notre part, nous souhaitons légiférer par ordonnances afin de renforcer les sanctions encourues par les orpailleurs illégaux et les piroguiers qui leur fournissent un appui logistique, et viser les opérations de rupture de charge ainsi que la circulation des orpailleurs illégaux dans les eaux intérieures de Guyane. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4432 de M. Gabriel Serville.

M. Moetai Brotherson. Renforcer la lutte contre l’orpaillage illégal suppose de tracer une limite nette entre l’exploitation légale et illégale afin de faciliter et d’accélérer le travail des forces de l’ordre. Aussi proposons-nous d’insérer dans les dispositions générales du code minier un article visant à assurer la traçabilité de l’or.

M. Damien Adam, rapporteur. C’est exactement le but poursuivi par l’alinéa 28 de l’article 21, qui habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance dans ce domaine et dont le champ est plus large et plus complet que celui de votre amendement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination CS2985 du rapporteur.

Amendement CS5314 du rapporteur.

M. Damien Adam, rapporteur. J’ai déjà présenté cet amendement lorsque nous avons débattu du point de départ de la prescription trentenaire avec Mme Kerbarh.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

M. Bruno Millienne. Nous arrivons à la fin de l’article 20. Certains amendements que j’avais déposés à l’article 21 ayant été déclarés irrecevables – ce que je ne conteste pas –, j’aimerais savoir si les sujets que je voulais évoquer seront traités dans les ordonnances que prendra le Gouvernement. Lors de notre première réunion sur la réforme du code minier, nous avions ainsi repoussé le recours aux projets d’intérêt général (PIG), qui lient tellement fort l’État aux porteurs de projets qu’il est impossible, en cas de renouvellement d’un PIG, de procéder à une réévaluation environnementale de celui-ci. Un PIG dure trois ans et peut être renouvelé une fois, dans les mêmes termes, sans tenir compte de l’évolution de la situation environnementale, ce qui permet aux porteurs de projets de continuer d’exploiter une mine ou une carrière, même dans des conditions environnementales dégradées.

M. Michel Vialay. Je fais mienne la remarque de M. Millienne. L’exemple des carrières cimentières que j’évoquais tout à l’heure montre toute l’importance de ce sujet au niveau local. Je compte sur vous, madame la ministre, pour nous permettre de résoudre ce problème.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ai bien noté votre demande.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 20 ainsi modifié.

12.   Réunion du samedi 13 mars 2021 à 9 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons la discussion des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Nous avons examiné 1 172 amendements à un rythme de trente amendements par heure. Si nous voulons achever l’examen du projet de loi vendredi soir de la semaine prochaine, à minuit, nous devons accélérer car il reste environ 2 500 amendements.

Après l’article 20

Amendement CS3375 de Mme Marie-Noëlle Battistel. 

Mme Chantal Jourdan. L’amendement vise à intégrer dans la réforme du code minier ouverte par le projet de loi, l’article 1er bis de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement de Jean-Paul Chanteguet, dont Mme Battistel était rapporteure, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture.

Cette disposition précise d’une part que les substances minérales ou fossiles relevant du régime légal des mines n’appartiennent pas au propriétaire du sol et sont administrées par l’État en tant que patrimoine commun de la nation, d’autre part que la gestion et la valorisation de ces substances minérales ou fossiles doivent prendre en compte l’intérêt des populations et qu’à cette fin, ces activités doivent s’exercer dans le respect des principes constitutionnels du droit de l’environnement ainsi que dans le respect des articles L. 110-1 et L. 110-1-1 du code de l’environnement.

M. Damien Adam, rapporteur pour les articles 20 et 21. Le projet d’habilitation prévoit également de préciser les principes fondamentaux du droit minier, comme celui rappelant que les ressources du sous-sol appartiennent au patrimoine commun de la nation.

Sur plusieurs points, la rédaction que vous proposez « en dur » rejoint le projet du Gouvernement. En revanche, autant il n’y a pas de doute quant à l’application directe de la Charte de l’environnement, autant il peut être juridiquement complexe d’introduire les articles de principe du code de l’environnement dans un code minier qui, par nature, traite d’activités ayant toujours un impact sur l’environnement. Je vous invite à le retirer, sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Votre amendement m’offre l’occasion de saluer l’excellent travail réalisé par Jean-Paul Chanteguet pour réformer le code minier. Il avait, d’une certaine manière, ouvert la voie à la réforme que nous menons aujourd’hui. Cependant, le code minier fait expressément référence aux substances minérales ou fossiles dites concessibles. Énumérées à l’article L. 100-1 du code minier, elles échappent au propriétaire du sol tel que le définit l’article 552 du code civil. La Charte de l’environnement s’applique en elle-même dans ce texte et il n’est pas utile d’ajouter cette mention. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 20 bis (nouveau) (chapitre III [nouveau] du titre Ier du livre Ier du code minier) : Créer un Conseil national des mines

Amendement CS3966 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Stéphanie Kerbarh. L’amendement tend à créer un Conseil national des mines qui rassemblerait l’ensemble des parties prenantes. Les associations des communes minières de France, les industries, le souhaitent. Aucune instance nationale n’est associée à la définition d’une politique nationale des ressources et des usages du sous-sol alors que les enjeux sont immenses. Nous devrons, dans les prochaines années, sécuriser les approvisionnements en métaux pour préserver la souveraineté de l’industrie française. Vous me répondrez sans doute que vous ne souhaitez pas créer un nouvel organisme puisqu’il en existe déjà deux, le CNTE (Conseil national de la transition écologique) et le CSF (comité stratégique de filière). Cependant, si le CNTE est parfois consulté, il n’est pas composé d’experts de l’industrie extractive puisqu’il ne traite que des problématiques environnementales. Quant au CSF, il ne rassemble pas les élus locaux, les parlementaires ou les associations, dont nous voulons justement renforcer le rôle.

Parce que nous réformons le code minier pour longtemps, nous devons rassembler l’ensemble des acteurs autour de ce sujet. Quant aux compétences de ce conseil, nous pourrons les revoir ensemble mais cette instance devrait pouvoir être consultée tout au long de la vie d’un site.

M. Damien Adam, rapporteur. Depuis trois ans, nous essayons de mettre fin à la multitude des comités. Pour une création, il faudrait deux suppressions. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je comprends l’objectif de l’amendement. Le CNTE n’est pas la seule commission représentative des différentes parties prenantes qui assistent le Gouvernement pour encadrer les usages du sous-sol. Ce serait oublier le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques ou le Conseil national de l’industrie. C’est déjà beaucoup. Toutes ces commissions seront consultées lors de la rédaction ou des mises à jour du prochain rapport consacré à la politique nationale des ressources et des usages du sous-sol. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Kerbarh. Je comprends votre souhait de ne pas créer de nouvelle instance mais le monde économique, le niveau de connexion des citoyens, évoluent. Il est normal que des organismes meurent tandis que d’autres voient le jour. Le principe de cette instance de concertation et de dialogue, qui rassemblerait l’ensemble des parties prenantes et serait impliquée dans l’élaboration de cette politique d’extraction minière, d’amont en aval, est inédit. Ce serait la clé du succès de notre politique nationale pour les prochaines années, notamment l’application de la réforme que nous menons aujourd’hui.

M. François-Michel Lambert. Face à un amendement d’une telle importance, on ne saurait se contenter de la réponse du rapporteur ! Les Français ne comprendraient pas qu’on le rejette tout simplement parce qu’il faut supprimer deux instances si on veut en créer une. Depuis près de dix ans, les Français sont à fleur peau dès qu’il est question d’exploitation minière ou de gaz de schiste. Nous savons également combien il est compliqué de prolonger la durée de concession d’une carrière ou d’une exploitation minière. J’ai bien compris, madame la ministre, qu’il existait des instances diverses et variées, mais j’avoue ne pas bien les connaître – j’ose à peine imaginer ce qu’il en est pour le citoyen dans les territoires. Dédier une instance au secteur minier serait un signal positif, dans l’intérêt commun.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 20

L’amendement CS3969 de Mme Stéphanie Kerbarh est retiré.

En conséquence, le sous-amendement CS5385 de M. Lionel Causse tombe.

Amendement CS263 de M. Michel Vialay.

Mme Valérie Beauvais. Les émissions sonores liées à l’exploitation d’une carrière à ciel ouvert sont importantes. Les études d’impact sonore prévues sont très insuffisantes. Cette pollution sonore, dont on ne parle pas assez en France, peut avoir un effet délétère pour la santé des citoyens mais également pour l’environnement alentour, notamment pour la faune sauvage. Il est donc souhaitable d’être plus contraignant en exigeant, avant l’exploitation de tous les projets d’extraction à ciel ouvert, une étude d’impact plus complète.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement relève du domaine réglementaire. Je vous invite à le retirer sinon j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’exploitation des carrières relève du code de l’environnement, en particulier de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, qui prévoit des dispositions spécifiques, notamment dans l’arrêté ministériel de prescriptions générales applicables aux exploitations de carrières. S’il estime, au cours de la procédure d’instruction du dossier de demande d’autorisation, que l’étude sonore est insuffisante, le préfet peut demander des compléments d’information à l’exploitant ou prescrire une tierce expertise. Il en est de même pour les mines, qui sont les seules visées par cet amendement.

Enfin, qu’il s’agisse de mines ou de carrières, le contenu des dossiers de demande d’autorisation relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS3376 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS3967 de Mme Stéphanie Kerbarh (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de refonder et de renforcer les modalités de concertation et de participation du public pour l’instruction des demandes d’octroi et d’extension de titres miniers ainsi que de prolongation de titres d’exploitation.

Mme Stéphanie Kerbarh. Il s’agit de créer une procédure renforcée d’information, de participation et de consultation du public et des parties prenantes avant l’octroi éventuel d’un titre minier. Aucun projet minier ne peut être conduit sans y associer la population locale.

M. Damien Adam, rapporteur. Vous proposez de mieux prendre en considération les procédures de participation du public dans le cadre des projets miniers, mais les projets d’ordonnance prévus à l’article 21 devraient satisfaire vos attentes.

Le dispositif proposé par Mme Battistel est très structuré mais il serait peu efficace de l’introduire dans le droit minier avant de savoir comment il s’insérerait dans l’architecture de la future ordonnance et de la réforme du code minier. En revanche, je suis convaincu que le projet répondra à votre objectif de renforcer la participation du public dans la prise des décisions relatives aux mines. Je vous invite à les retirer sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La rénovation de toutes les procédures de participation du public et des parties prenantes dans les différentes procédures prévues par le droit minier est un chantier important pour lequel il reste beaucoup à faire. L’un des objectifs prioritaires de l’ordonnance prévue à l’article 21 sera justement de mener à bien cette rénovation, tant au niveau des demandes de titre minier que de la réalisation des travaux.

Cependant, la loi ne peut prévoir de procédure exceptionnelle sans la déterminer précisément. Les conditions de participation du public relèvent du domaine législatif. Ces amendements, dès lors, ne « volent » pas. En revanche, l’amendement CS3970 de Mme Kerbarh, déposé à l’article 21, semble plus adapté. Je vous invite à retirer les amendements à son profit.

La commission rejette l’amendement CS3376.

L’amendement CS3967 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS811 de M. Michel Vialay. 

Article 20 ter (nouveau) (article L. 511-1 du code minier) : Habiliter les agents de l’OFB et de l’ONF à constater les infractions au code minier sur tout le territoire de la Guyane

Amendement CS3640 de M. Lénaïck Adam. 

M. Lénaïck Adam. Il s’agit de renforcer les prérogatives judiciaires des agents commissionnés et assermentés de l’Office national des forêts (ONF) et de l’Office français de la biodiversité (OFB) pour leur permettre de participer plus activement à la lutte contre l’orpaillage illégal. La surveillance du secteur minier fait partie des missions de l’ONF en Guyane. L’État, dans le cadre d’une mission d’intérêt général, demande à l’ONF d’assurer une surveillance pour lutter contre l’orpaillage illégal et évaluer ses conséquences sur l’environnement. Alors qu’aujourd’hui, cette activité se cristallise autour des acteurs miniers légaux, cet amendement vise à davantage impliquer les agents assermentés de l’ONF et des réserves naturelles nationales, en les habilitant à constater les infractions au code minier.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement fait partie de ceux que je propose d’adopter pour favoriser la lutte contre l’orpaillage illégal. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous avons besoin de renforcer les prérogatives judiciaires des agents commissionnés et assermentés de l’ONF et de l’OFB pour leur permettre de participer plus efficacement à la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. Cet amendement va dans le bon sens. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 20 quater (nouveau) (articles L. 512-1, L. 512-2 et L. 621-8-3 du code minier) : Renforcer les sanctions prévues par le code minier

Amendement CS4720 de M. Lénaïck Adam. 

M. Lénaïck Adam. Cet amendement tend à renforcer les sanctions prévues par le code minier afin de les rendre plus effectives et plus dissuasives, tout particulièrement à l’encontre des activités d’orpaillage illégal.

Le renforcement des sanctions s’inscrit dans le prolongement de la directive du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal, qui impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les infractions en matière environnementale soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement est très important car le renforcement des sanctions donnera un poids supplémentaire aux règles fondamentales du droit minier, s’agissant notamment des atteintes aux intérêts protégés. Il augmentera aussi notre force de frappe juridique face aux activités illégales comme l’orpaillage sauvage en Guyane. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement renforce les principales sanctions prévues dans le code minier, particulièrement pour les infractions en matière environnementale, dans le respect du principe constitutionnel de proportionnalité des peines. Vous proposez par ailleurs d’introduire un facteur aggravant lorsque les activités illégales portent atteinte à l’environnement dans une zone naturelle protégée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 20

Amendement CS3632 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Cet amendement s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. Il crée une circonstance aggravante à l’infraction pénale prévue dans le code minier d’exploiter une mine ou de détenir une substance concessible sans titre d’exploitation ni autorisation dans les espaces naturels protégés en Guyane.

M. Damien Adam, rapporteur. L’objectif poursuivi est satisfait par l’amendement CS4720 que nous venons d’adopter. Je vous invite par conséquent à le retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre. En effet, la circonstance aggravante de la zone naturelle protégée est déjà prévue dans l’amendement précédent. Retrait ou défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3374 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de renforcer la limitation du nombre d’autorisations d’exploitation pouvant être détenues simultanément dans les outre-mer à raison de quatre au total contre trois par période de quatre ans dans la législation actuelle. Au regard de la durée d’exploitation de certains sites, le nombre d’autorisations simultanées peut être sensiblement supérieur.

M. Damien Adam, rapporteur. Je comprends la logique de cet amendement mais il n’y a pas de raison objective pour limiter ce nombre de manière artificielle, dans la loi, sachant qu’il dépend des ressources exploitables dans une commune. Ce ne serait pas juste.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nul ne peut obtenir, dans un département d’outre‑mer, en quatre ans, plus de trois autorisations d’exploitation. Vous souhaitez porter cette limite à quatre. Alors que nous voulons maîtriser les impacts de ces exploitations minières artisanales, il n’est pas opportun d’en accroître le nombre en Guyane. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 20 quinquies (nouveau) (article L. 621-8 du code minier) : Étendre le report du début de la garde à vue, autorisé en Guyane, à l’ensemble des infractions au code minier

Amendement CS3644 de M. Lénaïck Adam. 

M. Lénaïck Adam. Cet amendement vise à étendre le périmètre des infractions pour lesquelles il est possible de reporter le début de la garde à vue et de la retenue douanière dans le cadre des opérations de lutte contre l’orpaillage illégal. Les forces chargées de lutter contre l’orpaillage illégal ont exprimé à plusieurs reprises des difficultés à exercer leur mission, en raison de l’immensité du territoire de Guyane. La procédure a été adaptée pour tenir compte des conditions particulières d’intervention. Il est ainsi prévu, pour la garde à vue, que si le délit d’exploitation minière sans titre s’accompagne d’atteinte grave à l’environnement, ou est commis en bande organisée, le point de départ du délai légal de garde à vue peut être reporté à l’arrivée dans les locaux de la garde à vue, sans que ce report ne puisse excéder vingt heures. L’extension de ce report permet aux forces de sécurité intérieure d’interpeller l’ensemble des individus mis en cause pour des faits d’orpaillage illégal sans se restreindre aux cas les plus graves.

M. Damien Adam, rapporteur. Cette disposition est en effet essentielle pour lutter contre l’orpaillage illégal. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Voilà une proposition de bon sens. En effet, on n’arrive pas en quelques minutes dans les locaux des forces de sécurité quand on est interpellé en pleine forêt guyanaise. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 20

Amendement CS3378 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Gérard Leseul. Il s’agit d’interdire l’utilisation du cyanure pour les activités de recherche et d’exploitation minière à compter du 1er janvier 2023 dans tout le territoire. En cas d’infraction particulièrement grave ou réitérée, le titre pourra être annulé et il pourra être mis à la charge de l’exploitant la réparation du dommage environnemental constaté.

M. Damien Adam, rapporteur. J’ai déjà expliqué hier soir pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2013 de M. François-Michel Lambert. 

M. François-Michel Lambert. Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, après concertation avec les parties prenantes, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le principe d’exploitation des matières premières contenues dans les terrils et autres lieux de stockage des résidus de l’activité minière et industrielle. Mme la ministre connaît bien le sujet pour être élue d’un bassin minier. Cet amendement de bon sens ne tend pas à imposer la moindre obligation mais à évaluer les opportunités, dans les prochaines décennies, d’exploiter les déchets du passé.

M. Damien Adam, rapporteur. Je vous renvoie au troisième alinéa de l’article 21 qui définit une politique nationale de valorisation durable des ressources. Dans le cadre de cette stratégie nationale, nous pourrons identifier les secteurs dans lesquels la France pourrait investir. Il n’est pas nécessaire de prévoir un nouveau rapport.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis élue d’Amiens et non du bassin minier mais j’y ai grandi et je suis sensible à ce sujet. C’est vrai, on a pu considérer qu’il n’y avait plus grand intérêt à exploiter les terrils mais certains résidus restent riches en métaux de base ou en métaux rares, qui n’ont pas été extraits parce qu’ils n’étaient pas rentables ou qu’on ne leur connaissait pas d’application. Les résidus ont aujourd’hui un potentiel important de recyclage qu’il convient de considérer au regard des techniques minières, minéralogiques et métallurgiques actuellement disponibles. Ces volumes de résidus de minerai polymétallique représentent environ 70 millions de tonnes pour une centaine de petits dépôts. Ces estimations résultent de plusieurs études qui portent sur ces gisements en vue de leur valorisation, conduites par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), dont les résultats sont disponibles. Votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer.

M. François-Michel Lambert. J’aurais dû parler de la région. Je sais bien que Amiens se trouve au sud du bassin minier, mais dans la région qui accueille le bassin minier, les Hauts-de-France. Je veux bien croire les chiffres que vous citez mais je n’ai pas connaissance de stratégie visant à les exploiter. Il est probable que je dépose à nouveau cet amendement sous une autre forme, pour réfléchir aux stratégies d’exploitation à mener.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1689 de M. Patrick Hetzel.

M. Raphaël Schellenberger. Une fois n’est pas coutume, Patrick Hetzel demande là un rapport, qui porterait sur un fonds de garantie des risques géothermiques permettant d’indemniser les victimes ou les ayants droit des victimes de géothermie. Cette technique peut en effet créer des situations dramatiques, comme dans la commune de Lochwiller, où un forage géothermique réalisé par un particulier a conduit à des soulèvements de terrain dans le village entier ; une bonne partie des habitations sont touchées par des fissures parfois catastrophiques. Il y a lieu de réfléchir à un moyen d’assurer une garantie aux victimes.

M. Damien Adam, rapporteur. Vous revenez sur le sujet des dommages miniers. Nous avons déjà dit hier soir que les futures ordonnances proposeraient une refonte de tout le dispositif des dommages miniers, qui abordera évidemment le risque géothermique, car les problèmes sont avérés. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La géothermie est une activité couverte par le livre Ier du code minier : l’article L. 155-3 précise que l’exploitant est responsable des dommages causés par son activité et qu’en cas de défaillance ou de disparition, l’État est garant de la réparation des dommages. Par ailleurs, le dispositif de préindemnisation par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages s’applique également : le FGAO a ainsi versé plus de 5 millions d’euros aux victimes de Lochwiller.

D’une manière générale, la question de la définition des dommages et de leur indemnisation est un sujet complexe, potentiellement lourd de conséquences pour les finances publiques. Il doit être étudié plus en détail. Je propose donc que la question des dommages miniers soit traitée dans l’ordonnance. Le Gouvernement déposera en séance un amendement pour compléter en ce sens l’article d’habilitation. Cela répondra à votre préoccupation mieux qu’un rapport. Je m’engage à ce que les parlementaires soient associés à la rédaction de l’ordonnance sur ce point. En conséquence, je suis défavorable à votre amendement.

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement a été déposé par un collègue, qui plus est un collègue dont la circonscription est particulièrement touchée. En outre, si la géothermie profonde est indubitablement du domaine minier, le cas des forages effectués par des particuliers soulève peut-être un doute sur l’application du code minier. Je maintiens donc l’amendement, mais j’ai bien entendu les engagements de Mme la ministre.

La commission rejette l’amendement.

Article 21 : Habilitation du Gouvernement à réformer par ordonnance le code minier

Amendements de suppression CS423 de M. Martial Saddier, CS2174 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CS2435 de M. Raphaël Schellenberger, CS3217 de M. Thibault Bazin et CS3377 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Vincent Descoeur. Ils proposent la suppression de cet article, qui habilite le Gouvernement à procéder à une réforme du code minier. Ce n’est pas une opposition sur le fond, puisque la réforme est très attendue, mais sur le choix des ordonnances. Nous souhaitons que le Parlement soit saisi et puisse débattre en détail sur le fond.

M. Raphaël Schellenberger. Des tentatives de réformes complètes de codes se font maintenant par ordonnances : on l’a vu avec le code de justice pénale des mineurs, et maintenant avec le code minier. Cela commence à faire un peu beaucoup, pour des textes qui méritent un travail de fond. Avec une méthode aussi expéditive dans un tel domaine, ce ne sera ni fait ni à faire.

S’il faut réformer le code minier, c’est qu’on en a besoin – mais le nombre d’endroits où on en a besoin se restreint. Avec les ordonnances, on risque d’oublier certains sites bien particuliers, comme celui de StocaMine, que Mme la ministre a visité. Pour mettre en œuvre la décision vous avez prise, madame la ministre, même si je ne la partage pas, il faudra recourir à des dispositions importantes du code minier. Je pense notamment aux droits sociaux, qui ont été obtenus de haute lutte et qui ne servent pas simplement à défendre des acquis, mais qui permettent véritablement le travail au fond de la mine. Bref le risque existe qu’on oublie certains types d’exploitation qui ne sont plus vraiment visibles en France, et que cela pèse sur notre capacité à appliquer vos décisions pour StocaMine. C’est très important pour clore proprement ce dossier, et nous devons rester vigilants.

Mme Valérie Beauvais. La réforme du code minier est attendue depuis des années, et nous partageons votre ambition de la mener. En revanche, le fait que vous souhaitiez, comme pour beaucoup de textes, légiférer par ordonnances est particulièrement critiquable. Le Parlement une fois encore est privé de son pouvoir de discussion et de décision sur un sujet d’importance, qui aurait mérité un débat complet. Nous savons que le calendrier électoral nous contraint, mais votre procédé fait peu de cas de la représentation nationale. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer cet article.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons de mener la réforme du code minier en grande partie grâce au présent projet de loi et au travail déjà mené à la fin de la précédente législature avec la proposition de loi de Jean-Paul Chanteguet portant adaptation du code minier au droit de l’environnement. Nous souhaitons intégrer plusieurs des dispositions de cette proposition de loi dans le présent texte, afin que le débat parlementaire ait lieu.

M. Damien Adam, rapporteur. Le code minier n’a pas été réformé en profondeur depuis 1994. Dans les précédents quinquennats il y a eu des réflexions et même une proposition de loi sur le sujet, mais qui n’ont jamais abouti à un texte voté par le Parlement. Il faut avancer.

Cette réforme est intégrée au projet de loi « climat et résilience » car il ne vous aura pas échappé que, depuis quelques mois, le rythme législatif est un peu perturbé et que nous n’avons pas tout le temps nécessaire pour étudier les textes. Mais il faut garder à l’esprit que le projet de réforme est en concertation avec l’ensemble des parties prenantes depuis deux ans : il n’a rien de précipité. Par ailleurs, nous en parlons depuis hier soir et l’on ne peut pas dire que le débat n’a pas lieu. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression car je pense que l’intérêt général impose de mieux prendre en compte la participation du public et des collectivités locales, les enjeux environnementaux et les ressources que la France doit pouvoir extraire. C’est ce que permettra la réforme du code minier, que nous prendrons par ordonnances s’il le faut, pour aller le plus rapidement possible.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous convenons tous que la réforme du code minier est nécessaire pour apporter des réponses concrètes aux problèmes d’obsolescence des procédures et améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux en amont et tout au long de la vie des projets. Tout le monde a en tête le cas de la Montagne d’or, en Guyane, et les impasses juridiques auxquelles nous étions confrontés. Il faut donc enfin réussir cette réforme attendue de tous depuis plus de dix ans. Nous pouvions attendre de trouver un créneau pour la mettre à l’ordre du jour du Parlement, mais comme c’est très incertain, nous avons préféré l’intégrer au projet de loi « climat et résilience », afin d’être sûrs que la réforme passerait durant le quinquennat. En revanche, inscrire l’ensemble des dispositions dans le texte aurait énormément rallongé les débats. Il a donc fallu recourir aux ordonnances.

En tant qu’ancienne parlementaire, il est très important pour moi que le travail sur le fond soit effectué. C’est le cas. La consultation des acteurs et le travail en amont ont eu lieu, puisque le texte complet a été présenté à l’ensemble des parties. Le Conseil national de la transition écologique a lui-même émis un avis largement favorable à la réforme le 23 novembre, avec 29 voix pour et une abstention. Surtout, vous ne découvrez pas le texte du jour au lendemain, puisque vous l’avez depuis plusieurs mois. C’est pourquoi, tout en vous assurant que le contenu des ordonnances sera largement partagé et travaillé, mais sur la base du texte que vous avez déjà, je suis défavorable à cet amendement qui nous ferait repartir en arrière.

M. Gérard Leseul. Depuis dix ans, nous attendons cette réforme, depuis plusieurs années, il y a des propositions de loi sur la table. Globalement, l’ensemble de vos dispositions ont déjà fait l’objet de concertations et de discussions, mais pas dans le détail – nous ne savons d’ailleurs pas ce que vous nous proposerez dans vos ordonnances. Il n’est pas judicieux, pas responsable de mon point de vue d’organiser une réforme par voie d’ordonnances. C’est une dépossession partielle du pouvoir législatif. Ce n’est pas raisonnable. L’intérêt général, c’est aussi de profiter des débats du Parlement et de notre capacité collective à faire émerger une loi qui tienne compte de tout ce qui a été dit depuis dix ans. Je suis étonné que vous n’acceptiez pas ces amendements.

M. Raphaël Schellenberger. Certes, vous n’êtes pas sûrs de faire passer la réforme au Parlement dans les douze mois qui restent à votre quinquennat, mais ce n’est pas une réforme anodine, technique, c’est une réforme éminemment politique ! C’est la conception que nous avons des ressources dont dispose le sous-sol français, c’est notre stratégie d’exploitation ou non, de valorisation ou non qui se jouent ! Et même la procédure des ordonnances n’est pas du tout compatible avec le temps qui vous reste, car il est certain que le projet de loi de ratification ne viendra plus dans ce quinquennat : vous n’aurez pas à assumer la responsabilité des choix politiques que vous aurez faits. Il est scandaleux de procéder à une telle réforme par ce vecteur et à ce moment du quinquennat.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS560 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je souscris à ce qui a été dit sur les ordonnances : si je n’ai pas déposé d’amendement de suppression de l’article, c’est que la réforme est attendue depuis tellement longtemps qu’il faudrait avancer.

Avec le délai que cet article fixe pour prendre ces ordonnances, qui est de dix‑huit mois à compter de la publication de la loi, nous serions la troisième législature à ne pas faire la réforme du code minier. Je propose donc de ramener ce délai à six mois. Vous avez dit que le texte était prêt, qu’il a été approuvé par le Conseil national de la transition écologique. Je considère pour ma part que certaines dispositions urgentes peuvent être inscrites dans le présent projet de loi sans qu’il soit besoin d’adopter l’ensemble de la réforme. Bref, compte tenu de tout ce que Mme la ministre a dit, l’ordonnance ne peut être renvoyée au prochain quinquennat.

M. Damien Adam, rapporteur. Ce délai est un maximum, il ne nous oblige pas à attendre dix-huit mois ! Le Gouvernement est libre d’aller plus vite s’il le peut. En revanche, six mois seraient un peu courts pour pouvoir, une fois le projet de loi climat et résilience voté, relancer un tour de concertation avec les différents acteurs avant de publier l’ordonnance. Avis défavorable, même si je partage le souhait que nous parvenions à mener à bien cette réforme du code minier avant la fin de la législature.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous rappelle que vous venez de voter la création du Conseil national des mines ! Il va falloir le temps de le créer, de le constituer et de lui soumettre l’ordonnance. Je trouvais moi aussi, madame Batho, que sur une ordonnance qui a déjà donné lieu à des concertations en amont, on pouvait accélérer. Avant ce matin, je vous aurais dit qu’un délai de six mois me paraissait difficile à tenir, mais qu’on pouvait sans doute arriver à douze mois. Mais avec le Conseil national des mines, je dois revoir tout le calendrier. Je ne peux donner un avis favorable à votre amendement.

M. Raphaël Schellenberger. Ni douze mois, ni même six mois ne sont démocratiquement acceptables ! Selon l’article 21, le projet de loi de ratification doit être déposé dans l’année qui suit le dépôt de l’ordonnance, ce qui nous mène forcément à la prochaine législature. Il n’est pas convenable que ce soit une autre majorité que celle qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances qui « récupère » le projet de loi de ratification. Ce n’est pas comme ça que cela devrait se passer.

Mme Delphine Batho. Je pense qu’on peut acter maintenant que la réforme du code minier n’aura pas lieu. C’est l’Arlésienne. Il ne faut avoir aucune naïveté : des intérêts extrêmement puissants sont là, qui ne veulent pas que le code minier soit adapté aux règles de base de la protection de l’environnement. C’est un petit jeu qui dure depuis plusieurs gouvernements. C’est hallucinant.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2986 du rapporteur.

Amendement CS561 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. La rédaction de l’alinéa 3 aboutit à un contresens qui justifie l’extractivisme par la transition énergétique. Je propose donc de remplacer les termes « valorisation durable » par « sobriété dans l’utilisation » et « sur les besoins de la transition énergétique et de l’industrie numérique » par « sur le respect des limites planétaires ».

M. Damien Adam, rapporteur. On en revient là au débat sur la sobriété. L’économie circulaire et la sobriété sont deux priorités qui doivent être stratégiques et aller de pair, mais elles ne permettront pas de répondre aux besoins que nous aurons demain en France et en Europe. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable

M. Raphaël Schellenberger. Je suis opposé à cet amendement, mais il montre bien l’hypocrisie d’une forme de pensée politique écologiste qui depuis des années nous vend des éoliennes et des panneaux solaires en oubliant de nous rappeler qu’ils nécessitent une quantité de métaux rares colossale, et que l’extraction de ces métaux rares se fait à l’autre bout de la planète dans des conditions insupportables du point de vue du respect de l’environnement. Malheureusement, Mme Batho, comme à son habitude, dénonce, dénonce mais ne propose aucune solution. Elle est simplement contre tout, et maintenant aussi contre l’éolien et le solaire.

Mme Delphine Batho. Cher collègue, vous ne connaissez pas mes positions, ni ce qu’est une politique cohérente de respect des limites planétaires, d’écologie intégrale et de sobriété dans tous les domaines. Ce que je dis sur l’extractivisme vaut pour tout. Ce que je dis sur la nécessité d’orienter la gestion des ressources vers le recyclage et la valorisation des matières existantes, ce que j’ai proposé pour mettre fin à l’exportation de déchets de métaux depuis la France, vous ne le connaissez pas. Je vous prie donc de conserver vos remarques idéologiques pour vous.

M. François-Michel Lambert. L’idée de l’amendement CS2013 que j’ai retiré tout à l’heure est bien que nous devons chercher dans notre propre histoire, dans les déchets que nos activités produisent depuis plus d’un siècle, les ressources nécessaires à la transition écologique et énergétique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5315 du rapporteur.

M. Damien Adam, rapporteur. Il vise à ce que nous disposions d’un recensement régulièrement actualisé des substances utiles susceptibles d’être présentes dans le sous-sol national.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3544 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement précise l’habilitation à réformer le code minier prévue à l’article 20 du projet de loi, en indiquant que la politique nationale des ressources doit respecter les principes de l’économie circulaire et être conforme aux objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

M. Damien Adam, rapporteur. Vous avez raison, mais l’amendement est déjà satisfait puisque ces orientations seront un des axes fondamentaux de la stratégie nationale de valorisation des ressources, et explicitement inscrites dans les futures ordonnances. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’alinéa que vous visez a précisément pour objet d’autoriser le Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour répondre aux ambitions affirmées dans la loi pour la transition énergétique et la croissance verte, la loi antigaspillage pour une économie circulaire et la loi relative à l’énergie et au climat. C’est pourquoi, tout en vous assurant sur le fond que ces orientations seront prises en compte dans la définition de notre politique de valorisation durable des ressources et usages du sous-sol, je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3455 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. La spécificité́ du territoire guyanais rend difficilement applicables des orientations portant sur la gestion et la valorisation des ressources et des usages du sous-sol décidées à l’échelon national. En Guyane, on ne peut s’appuyer que sur un développement des ressources endogènes ; par ailleurs, le recyclage des ressources ne peut être envisagé à court terme en l’absence d’une filière de recyclage et d’un tissu industriel idoine. Cette proposition est donc inadaptée au contexte et à la réalité du territoire guyanais. Seul le développement des ressources endogènes, dans un premier temps, permettra de poser les fondements de la politique régionale avec les prémices de la création d’une filière de recyclage.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement n’a pas de portée normative, il est purement déclaratif et n’a pas sa place dans des dispositions d’habilitation. Je vous demande de le retirer, sans quoi je lui donnerai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les substances minières constituent le patrimoine commun de la nation. Elles doivent servir les intérêts économiques, environnementaux et sociaux des territoires et de la nation, en tenant compte de la raréfaction des ressources et bien sûr des accords de Paris sur le climat. C’est pourquoi je ne peux être favorable à cet amendement.

M. Lénaïck Adam. Mais même si l’amendement n’est pas voté, votre alinéa ne sera pas applicable. Veut-on des solutions qui collent à la réalité du terrain, ou des textes pour faire des textes ? C’est vrai, certaines orientations doivent se fonder sur les besoins de la transition énergétique, de l’industrie du numérique et du recyclage, mais en Guyane, il n’y a aucune structuration qui permette de répondre à votre politique nationale.

M. Gérard Leseul. Voyons le bon côté des choses : refuser cet amendement obligera l’État à créer une véritable filière de recyclage en Guyane.

Mme Delphine Batho. L’objet de cet amendement, c’est d’exclure la Guyane du code minier ! Je m’étonne de venir au secours du rapporteur et de la ministre, mais il me semble que l’ordonnance prévoit l’adaptation de l’ensemble des dispositions du nouveau code minier aux spécificités des outre-mer. Vous voulez simplement que ce code ne soit pas applicable à la Guyane.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3340 de M. Thibault Bazin.

M. Raphaël Schellenberger. C’est dans la circonscription de Thibault Bazin que se trouve la dernière mine de sel en exploitation en France. Il est donc très vigilant sur les termes employés, d’autant que chaque mot d’une habilitation à légiférer par ordonnance donne des possibilités importantes au Gouvernement. Il propose donc de substituer à la notion de « doute sérieux » celle de « risque avéré ». Il nous semble en effet important de construire les positions du Gouvernement, notamment s’agissant de l’octroi de titre, sur des éléments tangibles et non sur des suspicions qui ne sont pas étayées.

M. Damien Adam, rapporteur. La notion de doute sérieux est souvent utilisée en droit. Elle a une vraie portée, puisqu’elle impose de motiver clairement la décision de refus.

En revanche, le risque avéré est difficile à prouver s’agissant d’activités qui se déploient sur plusieurs années, et il pourrait empêcher la recherche des responsabilités. Au regard des précédents amendements que vous avez défendus, je ne pense pas que ce soit ce que vous souhaitez. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Pour faire simple, on ne peut pas interdire le projet Montagne d’or en écrivant : « risque avéré » ; on le peut en écrivant : « doute sérieux ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS562 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. C’est pour les raisons que vient d’exposer la ministre que je suggérais précédemment d’inscrire dès à présent dans ce texte les dispositions qui figurent à l’alinéa 6.

Je propose dans cet amendement de mentionner explicitement la référence au code de l’environnement dans cet alinéa. Vous me répondrez que le code minier renvoie déjà aux principes généraux du code de l’environnement, mais je pense préférable de le citer.

M. Damien Adam, rapporteur. Les intérêts protégés par l’article L. 161-1 du code de l’environnement recoupent effectivement en grande partie ceux que protège le code de l’environnement. Superposer ces deux sources pourrait compliquer l’interprétation du cadre réglementaire.

En outre, le droit minier autorise des activités qui ne sont pas neutres pour l’environnement. Se référer directement aux règles du code de l’environnement serait source de conflits d’intérêts.

Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les intérêts protégés de la réglementation minière sont alignés sur ceux du code de l’environnement. C’est le sens des modifications apportées aux premiers alinéas de l’article 20. Cet amendement est satisfait, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS5105 du rapporteur, CS563 de Mme Delphine Batho, CS3970 de Mme Stéphanie Kerbarh et CS4163 de Mme Annie Chapelier.

M. Damien Adam, rapporteur. Il s’agit de préciser que le deuxième axe de l’habilitation vise expressément à : « rénover la participation du public et des collectivités ».

Mme Delphine Batho. Je me réjouis que le rapporteur ait déposé un amendement identique au mien. La participation du public est mentionnée au 2°, mais elle n’apparaît pas à l’alinéa 7. Cette discordance pourrait avoir des incidences importantes sur le fond.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces amendements précisent les dispositions du projet d’habilitation, en vue de renforcer les modalités d’information et de participation des collectivités territoriales ainsi que du public lors de l’instruction des demandes de titres et d’autorisations miniers. C’est également la volonté du Gouvernement, avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS4034 de Mme Florence Lasserre.

Mme Frédérique Tuffnell. L’octroi de titres miniers et les activités qui en découlent peuvent avoir un impact conséquent sur des sites à fort intérêt écologique, notamment dans des aires protégées telles que le parc amazonien de Guyane.

En conséquence, le Gouvernement propose de réformer le code minier afin de favoriser les projets responsables et compatibles avec les enjeux environnementaux, tout en accélérant les procédures de délivrance des titres miniers.

On peut se féliciter que le projet d’ordonnance vise spécifiquement la maîtrise de l’empreinte environnementale tout au long de l’exploitation du titre minier – conformément au principe : « éviter, réduire et compenser les impacts de l’exploitation » – et qu’il prévoie la remise en état des sites dégradés. Mais l’absence de participation des propriétaires de la surface impactée, ou du gestionnaire, dans l’instruction des demandes de titres n’est pas souhaitable et serait contre-productive.

Ainsi, la disparition de l’avis obligatoire de l’Office national des forêts (ONF) – gestionnaire du domaine forestier privé de l’État en Guyane – dans la procédure de délivrance des titres miniers interdirait à l’autorité compétente de s’appuyer sur l’expertise du gestionnaire forestier qui s’assure, dans le cadre de la réglementation actuelle, que l’exploitant d’une mine prend des engagements forts pour protéger le ou les sites tout au long de la vie du titre minier qu’il détient.

M. Damien Adam, rapporteur. Votre amendement étend la participation à l’instruction des demandes aux propriétaires de la surface ou à ses gestionnaires, notamment l’ONF.

L’article L. 153-5 du code minier indique que le propriétaire est invité à formuler ses observations sur un projet minier ; il est donc sollicité, contrairement à ce que vous indiquez. En outre, l’autorité administrative compétente a la faculté de consulter tous les experts utiles, parmi lesquels l’ONF a toute sa place s’agissant de zones forestières.

Il n’est pas pertinent de rigidifier la loi pour mentionner toutes les consultations souhaitables selon les cas de figure. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Bruno Millienne. Vous indiquez que l’autorité administrative a la faculté de consulter l’ONF, nous souhaitons que cette consultation devienne obligatoire, au moins dans les forêts primaires de Guyane.

M. Damien Adam, rapporteur. Quand l’État met en place une participation des parties prenantes, l’ONF est évidemment consulté dans la plupart des cas. Il n’est pas utile de le rappeler dans la loi. L’avis consultatif de l’ONF permettra de prendre en considération le point de vue du gestionnaire.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement est satisfait, car l’ONF donne déjà un avis. Ce n’est pas un avis conforme, mais un avis simple.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS4169 de Mme Annie Chapelier et CS564 de Mme Delphine Batho (discussion commune).

Mme Valérie Petit. Cet amendement soumet les titres miniers à l’évaluation environnementale prévue pour les plans et programmes définis à l’article L. 122-4 du code de l’environnement.

Mme Delphine Batho. Nous avons rapidement évoqué cette question hier. Il s’agit de soumettre les titres miniers à la procédure d’évaluation environnementale.

Cette évaluation concerne la plupart des travaux miniers, mais pas les titres. Or la délivrance des titres est susceptible de faire l’objet d’une évaluation d’incidence au titre de Natura 2000. Les titres miniers entrent donc dans le champ fixé par l’article 3 de la directive européenne relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. Cet amendement est issu d’une proposition de France nature environnement.

M. Damien Adam, rapporteur. L’évaluation proposée par ces deux amendements est plus restrictive que celle prévue dans le projet d’habilitation, qui impose la réalisation d’une analyse environnementale, économique et sociale. Vous supprimez les deux derniers éléments en remplaçant cette analyse par une évaluation environnementale. Ce n’est pas souhaitable, nous avons intérêt à considérer l’ensemble des dimensions du développement durable. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les titres miniers reconnaissent l’exclusivité sur un gisement à une entreprise, sans préjudice des autres procédures nécessaires pour l’explorer ou l’exploiter. La détention du titre, en soi, n’a pas d’incidence sur l’environnement. Elle ne peut donc être soumise à une évaluation environnementale, contrairement aux travaux, qui ont une incidence.

En revanche, nous sommes favorables à l’établissement d’une évaluation environnementale, économique et sociale pour les titres, afin de balayer les enjeux globaux. Nous souhaitons également la création d’une commission de suivi d’un projet minier dès la demande du titre. Une décision portant sur un titre devrait pouvoir être assortie de prescriptions environnementales, économiques et sociales. Et une demande devrait pouvoir être refusée en cas de doutes sérieux sur la possibilité de conduire les travaux sans porter atteinte à l’environnement. Nous souhaitons légiférer par ordonnance sur ces points, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je remercie la ministre de ces précisions. En renforçant l’évaluation environnementale au moment des attributions de titres et lors de la procédure qui précède, nous renforçons notre action volontariste pour contrôler ces questions.

Mme Delphine Batho. Monsieur le rapporteur, il est possible de sous-amender notre proposition pour ajouter les aspects économiques et sociaux, dont une évaluation environnementale n’est généralement pas dénuée.

Aujourd’hui, les titres sont délivrés sans évaluation environnementale approfondie permettant de fonder des décisions de refus, mais nous avons un levier pour empêcher ultérieurement les travaux. Ce n’est pas confortable juridiquement pour l’État. L’alinéa 6 mentionne le doute sérieux. Ce doute sérieux doit pouvoir être fondé sur une évaluation environnementale telle qu’elle existe dans le code de l’environnement et les directives européennes.

M. Raphaël Schellenberger. J’ai tendance à penser qu’on est plus intelligent ensemble. Cette procédure en deux temps – autorisation d’explorer, puis autorisation d’exploiter – permet d’améliorer notre connaissance des sous-sols parce qu’elle fait porter sur l’exploitant qui dispose d’un titre l’obligation de réaliser des études et de fournir des éléments que l’État pourra ensuite expertiser. L’État n’a pas les moyens de mener seul toutes les expertises. Le contrôle est de qualité quand un pétitionnaire fournit des éléments étayés que l’État peut contre-expertiser.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte l’amendement de précision CS5316 du rapporteur.

Amendement CS3677 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. En Guyane, l’exploration se réalise généralement dans des zones totalement isolées, non accessibles et vierges de toute étude. Ces zones appartenant au domaine privé de l’État, aucune autorisation n’est délivrée au porteur de projet, qui ne peut accéder au terrain concerné. Seul un survol en hélicoptère est autorisé.

Par conséquent, les impacts de l’exploration minière sont minimes à ce stade. Seuls sont créés des layons qui sillonnent la forêt pour l’acheminement d’une foreuse, la création de petites plateformes de forage et d’une base vie temporaire. Je propose que l’étude environnementale demandée au porteur de projet soit effectuée à l’échelle du zonage du SDOM (schéma départemental d’orientation minière), en s’inspirant du schéma de desserte de l’exploitation forestière validé à l’échelle du PRFB (programme régional de la forêt et du bois).

M. Damien Adam, rapporteur. Nous avons déjà débattu des mesures adaptées à la Guyane. Vous demandez que les petits projets miniers outre-mer ne se voient pas appliquer les mêmes conditions environnementales. Ce n’est pas notre logique. Des adaptations sont déjà prévues pour prendre en compte les particularités des petits projets miniers. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le projet de SDOM a été soumis à une évaluation environnementale avant son entrée en vigueur, en 2012. Les modalités de sa révision obéissent aux mêmes principes et imposent une nouvelle évaluation environnementale.

La vocation du SDOM est de définir les zones ouvertes à l’activité minière, et non de décrire des contraintes d’accès des zones d’exploration minière. Pour les demandes de titres miniers, l’analyse environnementale, économique et sociale tiendra compte de l’évolution des connaissances scientifiques et des technologies employées lors du dépôt de ces demandes. Cette étude ne peut être conduite sur l’ensemble du schéma, mais seulement au cas par cas, pour chaque demande de titre minier. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement, sinon avis défavorable.

M. Lénaïck Adam. Vous parlez des outre-mer, mais existe-t-il une réponse précise au problème que j’ai évoqué ? Madame la ministre, vous deviez venir en février en Guyane, vous viendrez certainement cet été, qu’allez-vous dire aux miniers ? Allons-nous encourager l’illégalité et l’activité des clandestins qui ne font aucune demande ou étude ? Nous vous demandons d’accompagner des artisans. On nous dit qu’il ne faut pas faire de méga mine comme la Montagne d’or, mais que feront les miniers si nous ne les accompagnons pas en précisant les choses ? En raison du flou, personne ne mène de projets, nous attendons dix ou quinze ans, et la filière est désorganisée tandis que les illégaux prolifèrent sur le territoire guyanais.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je n’ai malheureusement pas pu me rendre en Guyane à cause l’épidémie de covid-19, mais je viendrai bien évidemment. Vous connaissez mon attachement à ce territoire et à son développement économique. Nous accompagnons les artisans, et nous ferons en sorte que tout le monde puisse travailler au développement économique du territoire. Nous renforçons d’ailleurs dans cette loi les moyens pour y parvenir et lutter contre l’orpaillage illégal.

En revanche, il existe un droit commun sur les évaluations environnementales, et il n’y a pas de raisons d’y déroger en Guyane. La protection de l’environnement ne doit pas y être amoindrie. Nous pourrons étudier des adaptations spécifiques, mais elles ne relèvent pas de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4715 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

M. Bruno Millienne. Nous souhaitons améliorer la concertation avec les élus locaux dans le domaine de la surveillance des risques miniers en instaurant des comités locaux de suivi des risques miniers.

Ce sont souvent les élus locaux qui peuvent apaiser la situation autour d’une exploitation ou d’un projet d’exploitation, mais aussi alerter les pouvoirs publics s’il se passe quelque chose d’anormal. C’est un amendement de bon sens.

M. Damien Adam, rapporteur. Les comités locaux sont pleinement intégrés et peuvent participer aux commissions de suivi que le projet d’habilitation prévoit de créer. Votre amendement est satisfait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Un certain nombre de comités existent déjà, à l’échelle d’un département, d’un bassin minier ou d’un site. C’est le cas dans le Nord‑Pas‑de‑Calais, dans les anciens bassins miniers de Lorraine, ou dans des sites particuliers comme Salsigne, ou Saint-Félix-de-Pallières. Il n’est pas nécessaire de prévoir l’ajout proposé.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3487 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Pour réaliser des travaux d’exploration en Guyane, notamment des forages, l’opérateur doit obtenir une autorisation d’ouverture des travaux miniers. C’est un parcours jonché de difficultés, en raison des délais de réalisation des études d’impact sur deux saisons – 12 mois – et d’instruction des dossiers – 12 mois minimum. Et il y a un risque de devoir recommencer la procédure. Les délais pour obtenir une autorisation sont au minimum de vingt-quatre, voire trente-six mois, pour des travaux de forage qui ne présentent pas d’enjeux environnementaux si importants.

Je propose une adaptation du régime des AOTM (autorisations d’ouverture des travaux miniers) pour mettre fin à leur caractère obligatoire pour les travaux d’exploration.

M. Damien Adam, rapporteur. Vous souhaitez ne pas imposer systématiquement le régime de l’autorisation environnementale aux travaux miniers dans les outre-mer. Des simplifications procédurales doivent être envisagées, mais à aucun moment nous ne pouvons être moins-disants sur la protection de l’environnement. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement propose d’instaurer un régime de simple déclaration pour les travaux d’exploration minière soumis à autorisation, c’est-à‑dire impliquant un terrassement de plus de 20 000 mètres cubes. Ces travaux doivent suivre le processus d’évaluation environnementale, avec un avis de l’autorité environnementale. Le projet du Gouvernement vise à appliquer dans de tels cas la procédure d’autorisation environnementale, qui permet d’apporter toutes les garanties nécessaires au respect du droit européen et d’intégrer pleinement ce processus d’évaluation.

La durée de cette procédure est généralement inférieure à un an, et des modifications des autorisations peuvent être rapidement obtenues si elles ne sont pas substantielles. Je propose le retrait de cet amendement qui risque de déboucher sur un régime insuffisamment protecteur, alors que le projet du Gouvernement permet bien l’accélération que vous souhaitez.

L’amendement est retiré.

Amendement CS324 de M. Thibault Bazin.

M. Raphaël Schellenberger. Les garanties financières et la modification des constructions permise par cette loi d’habilitation ne doivent pas produire d’effet rétroactif. La loi n’a pas d’effet rétroactif, mais ça va mieux en le disant.

M. Damien Adam, rapporteur. Il est important d’assurer l’absence de rétroactivité sur certains sujets en lien avec cette réforme.

Il n’est pas question de reporter la réforme des garanties financières qui consolidera la gestion de l’après-mine. En revanche, il serait juste de ne pas l’imposer aux opérations déjà engagées. C’est dans cette intention que j’ai déposé l’amendement CS5317, que nous allons examiner immédiatement, dont la rédaction est plus précise. Je vous invite donc à retirer votre amendement, sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’intention du Gouvernement est que l’extension des garanties financières concerne les autorisations nouvelles. La rédaction de l’article d’habilitation, qui vise les nouvelles délivrances d’autorisation d’ouverture de travaux d’exploitation miniers, est claire sur ce point.

L’amendement proposé par le rapporteur a le même objet, mais sa rédaction est plus opératoire. J’invite à retirer cet amendement au profit du suivant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5317 du rapporteur.

M. Damien Adam, rapporteur. Voici l’amendement auquel je faisais référence à l’instant.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS323 de M. Thibault Bazin.

M. Raphaël Schellenberger. Il est proposé que les garanties financières pour de nouvelles exploitations soient construites en concertation avec les opérateurs. Si cela semble évident, les choses vont mieux en le disant.

M. Damien Adam, rapporteur. Cet amendement est plutôt pertinent, même s’il est satisfait par ailleurs. Avis de sagesse.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le code des relations entre le public et l’administration prévoit déjà, en son article L. 121-1, que ce type de décision soit prise après une procédure contradictoire avec le demandeur de l’autorisation. Il ne paraît pas nécessaire d’alourdir le code en le précisant à nouveau, avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Nous discutons d’une habilitation à légiférer par ordonnance. Les amendements que nous adoptons indiquent la direction de la réforme, pas la lettre du code. Préciser que le pétitionnaire est associé pour déterminer les dispositions de garanties qui vont le concerner ne va pas alourdir le code. Si cette disposition est satisfaite, il ne nous coûte rien de l’adopter.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3729 de M. Lénaïck Adam.

Amendement CS3748 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. La réforme du code minier permettra de transférer à un nouvel explorateur ou exploitant les obligations revenant à l’État au titre d’une exploitation ancienne.

Cette disposition ne prend pas en compte les réalités du territoire guyanais, plus particulièrement l’orpaillage clandestin. Il est probable qu’une zone d’exploitation ait fait l’objet d’activités d’orpaillage illégal entre le retrait de l’ancien exploitant et l’installation du nouveau. Faire peser la charge des dommages occasionnés par les orpailleurs illégaux au nouvel explorateur ou exploitant serait disproportionné et abusif. Mon amendement vise à réparer cette injustice.

M. Damien Adam, rapporteur. L’alinéa 14, que vous visez, ne traite pas spécifiquement de la Guyane et ne me semble pas répondre à l’objet de votre amendement. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Par la disposition que vous dénoncez, le Gouvernement souhaite préciser dans l’ordonnance que des installations de surveillance et de prévention des risques transférées à l’État peuvent être transmises à un nouvel exploitant qui en ferait la demande si elles lui sont utiles, notamment si cela lui évite d’en créer d’autres.

Il s’agit, non pas de faire porter à un nouvel exploitant la charge des dommages causés par les orpailleurs illégaux, mais de rétrocéder des obligations de surveillance et de prévention assumées par l’État, ce qui n’est pas du tout le même champ. Je demande le retrait, sinon avis défavorable.

M. Lénaïck Adam. Si tel est le cas, je retire mon amendement. J’espère qu’il en ira bien ainsi. Un clandestin peut ne pas avoir été contrôlé faute de moyens de l’État ou parce qu’il n’aura pas été repéré : il ne faut en aucun cas que le nouvel artisan qui s’installe réponde des dommages causés.

L’amendement est retiré.

La commission adopte les amendements rédactionnels CS2989, CS3023 et CS5092 du rapporteur.

Amendement CS565 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Compte tenu des enjeux environnementaux, du nécessaire respect des limites planétaires et de l’expérience que nous pouvons avoir des difficultés internes à la gouvernance partagée de la délivrance des titres au sein de l’administration, je propose un amendement de clarification. Il vise à préciser que l’instruction des titres miniers est placée sous la tutelle exclusive du ministre chargé de l’environnement.

M. Damien Adam, rapporteur. Loin de clarifier la loi, cet amendement introduit une ambiguïté, puisque la tutelle d’un ministre englobe aussi bien les services centraux que les services déconcentrés. Je vous suggère de le retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement m’est sympathique ! (Sourires.)

D’une manière générale, les substances de mines se distinguent par leur relative rareté à l’échelle nationale et leur importance stratégique, y compris à l’égard des enjeux de la transition énergétique. La réforme conforte ces fondamentaux et vise à améliorer notablement la participation du public et la prise en compte de l’environnement dans les décisions.

L’instruction des demandes relève autant d’une compétence économique et sociale que d’une compétence environnementale. C’est en ce sens que sera conduite l’évaluation des demandes d’octroi. Les compétences du ministère de l’environnement seront peut-être étendues un jour, mais pour l’heure, l’instruction des demandes dépasse leurs limites. Défavorable.

M. François-Michel Lambert. D’où l’idée d’un vice-Premier ministre en charge du développement durable et du temps long, préconisée par Nicolas Hulot, reprise par le candidat Emmanuel Macron, mais qui n’a pas été retenue dans la réforme constitutionnelle !

M. Gérard Leseul. Je suis étonné de l’argument du rapporteur sur l’ambiguïté de la tutelle. Au contraire, une tutelle permet de simplifier les choses. Je comprends que le champ du ministère de l’environnement soit limité, mais la tutelle viserait justement à lui donner compétence sur les autres ministères. L’amendement est très clair, nous le soutenons !

Mme Delphine Batho. En effet, qu’il y ait une tutelle ne signifie pas qu’on ne peut pas requérir des agents de l’administration territoriale ou de l’administration d’un autre ministère. Il faut simplement que la décision cesse d’être – prétendument – partagée, ce qui entraîne confusions et conflits entre les ministères.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CS3353 de M. Thibault Bazin.

Amendement CS5318 du rapporteur.

M. Damien Adam, rapporteur. Je propose de compléter l’alinéa 19 par les mots « sans remettre en cause la dispense reconnue à l’inventeur d’un gisement déclaré avant l’expiration de son titre », ce qui confirme le privilège de l’inventeur.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS5319 du rapporteur.

M. Damien Adam, rapporteur. Il s’agit de préciser le niveau d’exigence attendu des porteurs de projets géothermiques en matière d’études exploratoires.

M. Vincent Thiébaut. Je remercie le rapporteur d’avoir repris, dans l’esprit, un amendement que j’avais déposé et qui a été déclaré irrecevable. Je suggère toutefois d’apporter quelques précisions à cette rédaction en séance.

Amendement CS2532 de M. Frédéric Reiss.

M. Raphaël Schellenberger. En matière de géothermie profonde, l’Alsace connaît le pire, au nord de Strasbourg, comme le meilleur, à Soultz-sous-Forêts. Lorsqu’elle est réalisée dans les règles de l’art et contrôlée par l’État, la géothermie est une vraie opportunité au regard de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Aussi Frédéric Reiss propose‑t-il de rappeler que les procédures mises en place dans le cadre de l’ordonnance n° 2019‑784 du 24 juillet 2019 doivent être respectées.

M. Damien Adam, rapporteur. Le projet d’habilitation ne prévoit pas de revenir sur le nouveau régime de la géothermie formalisé par cette ordonnance. Retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. En effet, nous ne reviendrons pas sur cette réforme majeure pour le développement de cette énergie renouvelable et de la filière, mais nous procéderons à de légers ajustements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3342 de M. Thibault Bazin.

M. Raphaël Schellenberger. S’agissant de l’extension des stockages souterrains et des mines à d’autres substances, comme l’hydrogène – une mine de sel, sur la circonscription de M. Bazin, est concernée –, l’ordonnance devra tenir compte des dispositions prises dans le cadre de l’ordonnance « hydrogène » du 18 février 2021. Cela fait écho à la situation de StocaMine, ce centre de stockage souterrain alsacien dans lequel vous êtes descendue récemment, madame la ministre.

M. Damien Adam, rapporteur. L’intention n’est pas de revenir sur des règles qui viennent à peine d’être définies. Je vous demande de retirer l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 6 de cette ordonnance ne sera pas remis en cause.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5101 du Gouvernement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les permis et autorisations d’exploitation sont soumis à des régimes spécifiques en outre-mer ; il est possible d’exploiter une mine sans disposer d’une concession pour des travaux d’ampleur limitée. Si le permis d’exploitation ne dispense pas de procédure de travaux miniers, l’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) en dispense. Il est donc nécessaire de s’assurer que les améliorations de la concertation prévue par le projet de loi sur la fin des travaux miniers pourront bénéficier aussi aux AEC. Il convient d’élargir le champ d’habilitation pour que les ordonnances renforcent les garanties attachées à la fin des travaux miniers dans le cadre spécifique à l’outre-mer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS566 de Mme Delphine Batho, CS980 de M. Bertrand Pancher et CS4174 de Mme Annie Chapelier.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de conserver l’avis conforme de l’Office national des forêts sur la délivrance des autorisations d’exploitation en Guyane.

Mme Valérie Petit. Oui, cela permettra de préserver la biodiversité, notamment celle de la forêt guyanaise.

M. Damien Adam, rapporteur. Votre amendement ne concerne pas uniquement la Guyane. L’ONF n’étant pas compétente sur tous les terrains, il ne serait pas justifié de l’associer systématiquement aux décisions concernant les titres en outre-mer. En Guyane, l’office sera toujours consulté, en particulier lorsque le projet concernera le parc amazonien.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les activités minières en Guyane, prospection comme exploitation, se situent pour la plupart sur le domaine privé forestier de l’État. À ce jour, l’ONF se prononce au nom de l’État sur les demandes d’autorisation de recherche et d’exploitation, fixe les conditions de l’occupation foncière dans le cadre de conventions et contrôle l’application de la réglementation environnementale. Une mission d’inspection a été lancée sur les AEC, autant pour renforcer les garanties environnementales de fond – notamment en améliorant les conditions de remise en état – que pour conserver des procédures fluides. Dans l’attente de ses conclusions, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3805 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Il vise à créer une autorisation de recherche spécifique pour les projets miniers de petite taille, soumis, malgré leur faible incidence, à des procédures aussi lourdes que les projets d’envergure.

M. Damien Adam, rapporteur. Une nouvelle autorisation de recherche viendrait complexifier le droit minier, alors que la réforme vise une certaine simplification. En outre, vous ne donnez pas de contenu juridique à cette autorisation. Retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Aujourd’hui, en Guyane, les autorisations de recherche sont délivrées par le préfet après accord du propriétaire du sol. Les procédures d’instruction sont pilotées par la direction générale des territoires et de la mer (DGTM) et l’ONF, qui ont développé une jurisprudence locale. Les dispositions des codes minier et de l’environnement sont respectées de fait, sans que les autorisations de recherche minière ne fassent l’objet d’un texte de réglementation nationale. Elles fonctionnent bien sur le territoire ; il n’est pas nécessaire de légiférer ou de réglementer les autorisations de recherche minière.

M. Lénaïck Adam. La fédération des opérateurs miniers de Guyane explique pourtant que les procédures sont les mêmes pour tous, quelle que soit la taille du projet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3659 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. L’objectif doit être de réduire les délais d’instruction sans abaisser le niveau de protection de l’environnement.

M. Damien Adam, rapporteur. C’est l’esprit même de la réforme. Retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Une fois n’est pas coutume, mon avis diffère de celui du rapporteur. La révision des régimes juridiques applicables aux autorisations et aux permis d’exploitation en outre-mer a pour objectif de simplifier les procédures, d’améliorer la concertation et de prendre en compte tous les enjeux de façon proportionnée. Cela permettra de réduire les délais d’instruction, ainsi que le précise l’amendement. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS5100 du Gouvernement.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’habilitation doit permettre de modifier les infractions et sanctions pénales relatives aux manquements aux dispositions du code minier, notamment dans le cas de la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. Ces modifications aggraveraient les peines d’emprisonnement et le montant des amendes pour les opérateurs légaux et illégaux en cas d’infraction, notamment environnementale.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements CS567 de Mme Delphine Batho et CS4179 de Mme Annie Chapelier (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il convient de soumettre le schéma départemental d’orientation minière (SDOM) de Guyane au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

M. Damien Adam, rapporteur. Le droit actuel précise seulement que les SDAGE et SAGE de Guyane doivent prendre en compte le SDOM, sans indiquer que la réciproque est vraie. Mais il sera clair, dans la révision du SDOM prévue par le projet d’habilitation, que le schéma départemental devra pleinement prendre en compte les enjeux environnementaux, notamment la restauration des masses d’eau. Ne limitons pas la future architecture du texte. Je vous suggère de retirer ces amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. La Guyane se distingue par ses milieux aquatiques particulièrement riches. Nous devons réunir tous nos efforts pour préserver et restaurer le bon état des cours d’eau, afin qu’ils restent parmi les bassins les plus préservés à l’échelle européenne.

Le SDAGE a vocation à encadrer les choix des acteurs du bassin dont les activités ou les aménagements ont un impact sur la ressource en eau et fixe les objectifs environnementaux à atteindre.

En tenant compte du contexte particulier guyanais, il faut veiller au principe de non‑dégradation de l’état des eaux. Le SDAGE doit donc prévoir des dispositions appropriées permettant de maintenir l’exercice des activités légales dans le strict respect de la directive‑cadre sur l’eau (DCE), au moment de l’exploration, de l’exploitation et de la remise en état.

La prochaine révision du SDOM de la Guyane prendra pleinement en compte les enjeux environnementaux, notamment la restauration des masses d’eau. La mission d’inspection qui vient d’être diligentée permettra de préciser nos exigences quant à la protection des masses d’eau, au regard des activités minières. C’est à la lumière de ses conclusions que le sujet sera traité dans le cadre de l’ordonnance. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Nous avons un désaccord : écrire que le SDAGE prend en compte le SDOM, ce n’est pas du tout la même chose que d’écrire que le SDOM doit respecter et être compatible avec le SDAGE – dont les objectifs découlent directement de prérogatives communautaires ! Je maintiens l’amendement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3656 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Il convient d’étendre à l’étain, au tungstène et au tantale les obligations auxquelles sont tenus les opérateurs en matière de traçabilité de l’or, dans le cadre de la directive « devoir de diligence ».

M. Damien Adam, rapporteur. Sagesse.

Mme Barbara Pompili, ministre. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS171 de Mme Yaël Braun-Pivet.

La commission adopte les amendements rédactionnels CS3024 et CS3025 du rapporteur.

Amendement CS3545 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. S’agissant de la recherche et de l’exploitation des substances de mines dans les fonds du domaine public en mer, il importe de garantir un haut niveau de protection des écosystèmes marins et d’en assurer une meilleure connaissance scientifique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS3026 du rapporteur.

Amendement CS3107 de M. Philippe Naillet.

M. Gérard Leseul. Puisque vous avez décidé de réformer entièrement le code minier, nous souhaitons que les ordonnances soient rédigées après consultation des conseils régionaux, départementaux et des communes concernées.

M. Damien Adam, rapporteur. Le pré-projet d’ordonnances a fait l’objet d’une consultation des représentants et responsables publics des territoires d’outre-mer, tout particulièrement en Guyane. Soumettre les ordonnances à toutes les collectivités concernées signifierait saisir tous les conseils municipaux, en sus des conseils départementaux et régionaux. Cet amendement, dont je comprends l’esprit, est disproportionné. Nos collègues d’outre-mer pourront interroger le Gouvernement et exprimer leur avis lorsque ces ordonnances seront soumises au Parlement. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous devons trouver un équilibre en veillant à ne pas perdre trop de temps – car ces ordonnances seront bien prises. Tous les territoires ont été consultés, le texte a fait l’objet d’un travail de fond avec l’ensemble des parties avant sa transmission au Conseil national de la transition écologique (CNTE). Tout en vous assurant que le contenu des ordonnances sera lui aussi largement partagé, j’émets un avis défavorable.

M. Gérard Leseul. Il faut toujours prendre le temps de la concertation. L’amendement prévoit la consultation des communes concernées et non de toutes les communes, monsieur le rapporteur. Mais cette mention aurait pu être supprimée par un sous‑amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 21 ainsi modifié.

Chapitre IV
Favoriser des énergies renouvelables

Avant l’article 22

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS244 de M. Michel Vialay.

Amendements identiques CS144 de M. Dino Cinieri, CS568 de Mme Delphine Batho, CS621 de M. Bertrand Bouyx et CS2037 de M. Dominique Potier.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement vise à assurer l’équilibre du bilan carbone des politiques de mobilisation de la biomasse forestière. La mobilisation de la biomasse forestière ne doit pas porter atteinte aux puits de carbone forestier : il convient d’éviter les exploitations susceptibles d’entraîner la libération du carbone séquestré.

Mme Delphine Batho. La politique de mobilisation de la biomasse doit respecter les équilibres de la lutte contre le changement climatique et préserver les puits de carbone forestier.

Mme Chantal Jourdan. Il convient aussi de respecter la hiérarchie des usages agricoles et sylvicoles en priorisant la production alimentaire et la conservation des puits de carbone forestier.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Pour atteindre les objectifs de la politique énergétique, il est préconisé, au 10° de l’article L.100-2 du code de l’énergie, de valoriser la biomasse. Vous proposez de compléter cette disposition en apportant des précisions sur la conservation des puits de carbone forestier et l’impact lié au transport, mais les limites que vous posez ainsi paraissent excessives à ce niveau du texte – l’article L.100-2 se contente de lister les solutions.

Par ailleurs, les engagements listés au II de l’article L.100-1 A du code de l’énergie répondent déjà à votre proposition visant à compléter l’article L.100-4.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les amendements visent à assurer l’équilibre du bilan carbone des politiques de mobilisation de la biomasse forestière, ce qui est positif.

S’agissant de la limitation du rayon d’approvisionnement, la transposition en droit français, qui est en cours, du volet durabilité des bioénergies de la directive européenne, offrira cette année des éléments de réponse et de contrôle.

S’agissant de la hiérarchie des usages, l’équilibre économique de l’exploitation forestière conduit normalement à rechercher la meilleure valorisation du bois prélevé, donc à privilégier une utilisation en bois d’œuvre. Quant à la précision prévue au 2° de l’amendement, elle est dépourvue d’utilité pratique, car la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB) a pour objet d’articuler les enjeux de politique publique afférents.

Le Gouvernement suggère le retrait des amendements et émet à défaut un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1684 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement concerne ma circonscription, où est envisagé, depuis février 2012, un projet délirant consistant à produire de l’énergie électrique à partir de la biomasse, au rythme de 800 000 tonnes de bois par an, soit tout le bois abattu de la frontière espagnole à la frontière italienne. Celui-ci serait donc brûlé dans une centrale unique pour produire de l’électricité, avec un rendement de 35 %. Ce projet, conçu il y a dix ans, est sur le point d’être réalisé. Il est susceptible de consommer tout le bois disponible de l’Italie à l’Espagne d’ici à 2035. L’amendement prévoit la remise d’un rapport à ce sujet.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je comprends que ce problème local vous touche particulièrement et vous amène à demander un rapport à ce sujet. Toutefois, un tel rapport me semble sans lien avec les évaluations prévues par le présent projet de loi. Il ne me semble pas davantage relever de la compétence du Gouvernement. Sans contester l’intérêt de votre demande sur le fond, j’estime qu’il serait plus utile de créer une mission parlementaire spécifique. Demande de retrait ou avis défavorable

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, au cours de l’année suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur l’impact de la biomasse forestière sur le climat et la biodiversité quand elle est utilisée à l’échelle industrielle dans le but de produire de la chaleur ou de l’électricité.

L’ADEME a lancé une étude à ce sujet. Elle devrait offrir d’ici à l’été, donc dans un délai plus court que celui prévu par l’amendement, des éclairages techniques détaillés sur l’impact climatique du bois-énergie.

Par ailleurs, la nécessité de disposer de données de suivi sur l’impact d’une mobilisation accrue de la biomasse forestière sur la biodiversité est mentionnée dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Des experts ont été sollicités pour proposer des solutions opérationnelles en la matière. Des études complémentaires seront menées, sur la base de travaux réalisés dans le cadre de l’élaboration des schémas régionaux biomasse (SRB), qui sont progressivement adoptés. Ainsi, le besoin d’un rapport du Gouvernement dans des délais contraints n’est pas établi. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. L’objet de mon amendement excède les limites de ma circonscription, sauf à considérer qu’elles vont de la frontière italienne à la frontière espagnole.

Comme le rappelle l’exposé sommaire, plus de 500 scientifiques et spécialistes du monde entier ont donné l’alerte, il y a à peine un mois, sur la catastrophe à laquelle nous courons à l’échelle de la planète en consommant du bois pour produire de l’énergie électrique. Après avoir entendu Mme la ministre, je retire l’amendement, tout en soulignant qu’il faudra non pas se contenter d’un rapport, mais prendre des décisions. Il est urgent de mettre un terme à cette folie.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1687 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit de clarifier le rôle et les responsabilités des collectivités et de leurs groupements dans le champ de l’énergie. Le présent amendement vise à préciser que la région est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, la planification de la transition et de l’efficacité énergétiques. Cet amendement de bon sens permet de donner de la cohérence à ses actions en matière de transition énergétique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. À l’heure actuelle, la région est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, l’exercice des compétences relatives au climat, à la qualité de l’air et à l’énergie. Cette définition me semble claire. Les dispositions proposées auraient pour effet d’en réduire la portée, en cantonnant la région à un rôle de gestion, au détriment de son rôle de production. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La région est d’ores et déjà chargée d’organiser, en qualité de chef de file, les compétences liées à l’énergie. Par ailleurs, nous débattrons des compétences des collectivités territoriales lors de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la décomplexification (4D). Je suggère le retrait de l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 22 (articles L. 141-3 et L. 141-5-1 [nouveau] du code de l’énergie, articles L. 4251-1 et L. 4251-2 du code général des collectivités territoriales et article L. 222-1 du code de l’environnement) : Décliner les objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables au niveau régional

Amendement CS1818 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Afin d’atteindre les objectifs de développement de la chaleur et du froid renouvelable livrés par réseaux, fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la programmation pluriannuelle de l’énergie, et en cohérence avec les objectifs fixés par la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs dite « RE2020 », le présent amendement vise à systématiser le recours à la chaleur renouvelable, afin de favoriser le raccordement des bâtiments neufs et existants aux réseaux de chaleur et de froid vertueux partout où cela est possible. À défaut, les infrastructures des réseaux de chaleur et de certains réseaux de froid des espaces urbains risquent de ne pas être utilisées. Certains immeubles auront recours à une installation électrique alors même qu’un réseau de chaleur passe à leur pied. Ne pas utiliser les réseaux existants serait une erreur majeure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Privilégier les réseaux de chaleur et de froid alimentés majoritairement par des énergies renouvelables et de récupération est une affaire de cohérence, au sein d’une stratégie qui met l’accent sur des solutions renouvelables. Le 9° du I de l’article L. 100-4 du code de l’énergie fixe à la France un objectif ambitieux de développement de tels réseaux. L’amendement, relatif au raccordement à ces réseaux, nous semble entrer excessivement dans le détail technique du sujet, quand bien même ce point technique constitue parfois un frein pratique à leur déploiement. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Plusieurs dispositions permettent d’ores et déjà de favoriser le développement des réseaux de chaleur vertueux, notamment la procédure de classement, les aides publiques et les certificats d’économies d’énergie (CEE), qui financent, voire privilégient les raccordements aux réseaux. Lors de l’instauration de la RE2020, nous avons dialogué avec les responsables des réseaux de chaleur pour aider ceux qui s’engagent dans une démarche visant à verdir leurs process et pour éviter de les pénaliser.

Par ailleurs, d’autres modes de chauffage peuvent s’avérer plus pertinents que ces réseaux pour certains bâtiments, en étant aussi vertueux. Tel est notamment le cas du solaire thermique et de la biomasse. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Delphine Batho. J’indique, afin que cela figure au compte rendu de nos débats, que Matthieu Orphelin a déposé un amendement sur les réseaux de chaleur vertueux et l’utilisation de la chaleur renouvelable dans les réseaux de chaleur, qui a été déclaré irrecevable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Comme tout député, M. Orphelin peut contacter les services de la commission spéciale par écrit. Nous lui répondrons en lui présentant des arguments de nature à l’éclairer et à le rassurer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2436 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Nous considérons que la stratégie énergétique de la France, qui est incontournable en matière de lutte pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et contribue à définir notre vision de la société, est suffisamment importante pour que nous en débattions au Parlement et que nous votions à son sujet. L’amendement vise à faire en sorte que le Parlement se prononce au sujet de la PPE. Madame la ministre, si vous êtes sûre de vos convictions, vous n’aurez pas peur de les défendre devant la représentation nationale et de faire face à un tel vote.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Monsieur Schellenberger, nous sommes tellement d’accord avec vous que nous avons prévu les dispositions que vous proposez. La loi relative à l’énergie et au climat prévoit que le Parlement vote pour la première fois, avant le mois de juillet 2023, une loi de politique énergétique qui sera la base de la PPE et en fixera les objectifs. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ai mené ce combat lorsque j’étais députée, ce qui a permis d’obtenir le vote d’une loi de politique énergétique tous les cinq ans, à compter du 1er juillet 2023. L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Voilà qui est formidable ! Nous considérons donc que le sujet n’est pas si important que nous devions en débattre et voter dessus avant 2023 ! Pourtant, nous devons prendre des décisions éminemment stratégiques, notamment en matière de déploiement des éoliennes et d’énergie nucléaire, dès à présent, pas l’an prochain ni en 2023 ! Il s’agit d’enjeux stratégiques pour les filières concernées, qui doivent faire l’objet d’un débat et d’un vote à l’Assemblée nationale sans tarder, au lieu de demeurer confinés dans les couloirs des ministères.

Mme Delphine Batho. Sans rouvrir les débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat, je rappelle que la loi précitée aura pour objet la définition des objectifs de la politique énergétique, ce qui n’a rien à voir avec la PPE en tant que telle. Nos collègues ont donc eu raison de déposer cet amendement.

Par ailleurs, j’observe qu’il a été déclaré recevable, contrairement à un autre qui portait également sur la partie préliminaire du code de l’énergie et visait à porter à 55 % l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas dépourvu de pertinence s’agissant d’un projet de loi sur le climat.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Précisément parce qu’il porte sur le code de l’énergie. Encore une fois, n’hésitez pas à nous interroger par écrit, vous aurez une réponse !

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS3207 de la rapporteure.

Amendements CS1690 de M. François-Michel Lambert et CS1436 de Mme Émilie Bonnivard (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. L’amendement CS1690 a été élaboré avec Régions de France. Il présente une importance pour nos collectivités territoriales à deux titres. Nous devons leur témoigner de la confiance, en évitant de leur imposer, de façon verticale, des objectifs, et en les incitant à être partie prenante des enjeux à traiter, en l’espèce ceux de la transition écologique. Par ailleurs, il faut allonger le délai accordé aux régions pour réviser le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

M. Vincent Descoeur. L’amendement CS1436 vise à supprimer le principe d’établissement par décret d’objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables. Imposer une norme réglementaire nationale dans un champ de compétences pourtant décentralisé est une démarche peu respectueuse du principe de libre administration des collectivités territoriales, les régions en l’occurrence, et contraire à la volonté affichée par le Gouvernement dans le projet de loi « 4D », que nous verrons peut-être un jour. Ouvrir une concertation avec les régions semble plus raisonnable que leur imposer des objectifs.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les amendements visent à supprimer le décret déclinant la PPE, qui est un engagement de l’État, dans les SRADDET, qui sont des plans de développement durable adoptés à l’échelon régional comportant des volets relatifs à la maîtrise et à la valorisation de l’énergie, ainsi qu’à la lutte contre le changement climatique. Il existe un véritable lien entre ces deux politiques, menées aux échelons national et régional. Elles doivent être en cohérence l’une avec l’autre. Les auteurs des amendements considèrent que le décret coupera les ailes des régions dans ce domaine. Pour ma part, je ne doute pas qu’il sera le fruit d’une concertation, qui consiste à se mettre d’accord pour agir ensemble. Les régions s’entendront avec l’État pour déployer la PPE, ce qui me semble de bonne facture s’agissant d’un nouvel acte de la décentralisation. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La PPE décline plusieurs objectifs. Elle n’a pas été faite pour rien, mais pour que nous remplissions nos engagements internationaux, assumions notre responsabilité dans la lutte contre le changement climatique et proposions un développement économique aux filières concernées, notamment en matière d’emploi.

Cette organisation doit être efficace. Or son efficacité se heurte à l’absence de garantie que l’addition des SRADDET permette d’atteindre l’objectif fixé à l’échelle nationale. Pour l’heure, nous lançons des objectifs en l’air et nous croisons les doigts pour qu’ils tombent juste. Cette façon de procéder, inefficace et dépourvue de bon sens, n’est pas satisfaisante.

Une étude conjointe de l’ADEME et de l’association négaWatt a démontré que l’ambition affichée par les SRADDET varie d’une énergie renouvelable à l’autre. Or toutes les technologies n’apportent pas le même service au système énergétique. Il importe donc de suivre l’équilibre fixé par les objectifs nationaux, dont la faiblesse de la déclinaison territoriale n’a pas échappé aux membres de la Convention citoyenne pour le climat. L’article 22 vise à proposer une méthode pour y remédier.

Par nature, un mécanisme visant à atteindre des objectifs nationaux par l’addition d’objectifs régionaux doit être organisé au niveau national, car il faut avoir une vision synoptique de ce que fait chaque région. Il n’en est pas moins nécessaire de tenir compte des spécificités locales. C’est pourquoi l’article prévoit d’associer étroitement les collectivités territoriales à l’élaboration du décret.

Au demeurant, le Conseil d’État estime qu’il ne contrevient pas au principe de libre administration des collectivités territoriales, les régions demeurant libres de définir les moyens permettant d’atteindre les objectifs fixés à l’échelon régional, dans la limite de leur compétence, et de planifier leur développement à l’échelle de leur territoire. L’article prévoit que toutes les parties prenantes travailleront en étroite concertation.

S’agissant du délai accordé pour la révision des SRADDET, le Gouvernement est attentif à ne pas créer une charge de travail trop lourde pour les régions. Ce sujet fera l’objet d’un travail complémentaire d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Le Gouvernement suggère le retrait des amendements et émet à défaut un avis défavorable.

Mme Sandra Marsaud. Des questions similaires se poseront au sujet de l’artificialisation des sols, qui excède, heureusement ou malheureusement, les limites du présent projet de loi, et qui sera abordé lors de l’examen du projet de loi 4D. On sent bien qu’il manque quelque chose. Déterminer la responsabilité territoriale de la déclinaison d’objectifs fixée aux échelons européen, national et local est une entreprise passionnante.

Nous devrons élaborer les mécanismes adéquats lors de l’examen du projet de loi 4D, afin de responsabiliser chaque échelon, tant sur le développement des énergies renouvelables que sur l’artificialisation des sols. Je prends bonne note des propos de Mme la ministre, non sans considérer que la responsabilité territoriale est un sujet dont il faut débattre à nouveau au Parlement.

M. Vincent Descoeur. S’assurer que les SRADDET servent des objectifs nationaux a un sens, régler le problème par décret est plus discutable. Je retiens qu’une concertation est prévue. J’aurais préféré que nous déterminions comment et dans quels délais nous pouvons parvenir à un accord avec les régions. De toute évidence, l’existence même de ces amendements démontre que les régions ne sont pas complètement convaincues du bien-fondé de la méthode proposée.

M. François-Michel Lambert. Les amendements ne remettent aucunement en cause les objectifs de la PPE, au contraire. Il s’agit de laisser les collectivités territoriales libres de nourrir des ambitions accrues. La démarche est comparable à celle de la COP21, dans laquelle la France a joué un rôle essentiel : nous n’avons pas imposé aux pays signataires d’atteindre des objectifs, nous les y avons incités, en les laissant libres de les dépasser. Si nous défendons ces amendements, c’est que les régions estiment que la concertation prévue n’est pas à la hauteur de leurs attentes.

S’agissant du délai qui leur est accordé pour la révision des SRADDET, leur demande d’un allongement de six mois est l’expression de leur inquiétude. Chacun connaît la difficulté et la complexité du sujet, qui exige de travailler dans le temps long.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le présent texte de loi, de façon générale, fait confiance aux collectivités territoriales. Nous l’avons constaté à plusieurs reprises lors de l’examen du titre Ier, et nous le constaterons à nouveau lorsque nous débattrons de l’artificialisation des sols. Il n’y a rien d’anormal à cela, s’agissant de sujets relevant de la compétence des régions. Si nous voulons réussir, nous devons embarquer tous les Français. Il serait paradoxal de fixer un objectif à l’échelon national sans s’assurer qu’il est correctement décliné. Une concertation s’impose donc. Nous sommes parfaitement d’accord sur ce point.

Deux problèmes subsistent ; il faudra les résoudre d’ici à l’examen du texte en séance publique. D’abord, il faut s’assurer du bon fonctionnement de la concertation au sein des régions. Lors de l’élaboration des SRADDET et des schémas de cohérence territoriale (SCOT), il arrive que les intercommunalités déplorent l’articulation des mesures prises. Il ne suffit pas de fixer un objectif à l’échelle régionale, il faut aussi s’assurer qu’il est correctement décliné au sein de la région.

S’agissant de la coordination entre les dispositions prévues par l’article et la révision des SRADDET, il faut éviter de s’engager dans leur révision constante et perpétuelle. Nous devons déterminer un calendrier assurant la compatibilité de leurs échéances avec les délais fixés par le présent texte de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4035 de M. Bruno Duvergé.

Mme Frédérique Tuffnell. L’article L. 141-5 du code de l’énergie dispose : « La Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et les îles Wallis et Futuna font chacun l’objet d’une programmation pluriannuelle de l’énergie distincte ». Il dispose également : « La biomasse fait l’objet d’un plan de développement distinct qui identifie les gisements par type de biomasse valorisable et les actions nécessaires pour exploiter ceux pouvant faire l’objet d’une valorisation énergétique ». Nous pensons que ces dispositions doivent s’appliquer à chaque région française.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Soyons clairs : la déclinaison de la PPE dans les outre-mer présente une véritable différenciation territoriale, en raison de la situation géographique très particulière de chacun de ces territoires. Si je comprends l’objectif visé par l’amendement, je doute que ce modèle soit le bon pour les régions de métropole. En outre, dans ces territoires, la déclinaison de la PPE est proposée par le représentant de l’État. La concertation prévue par l’article permettra une construction conjointe de l’État et des régions. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il y a une véritable différence entre la métropole continentale, d’une part, et, d’autre part, les outre-mer et la Corse, qui sont des zones non interconnectées, présentant des spécificités justifiant des PPE distinctes. Les régions métropolitaines continentales peuvent s’appuyer sur l’outil de planification qu’est le SRADDET. En outre, elles sont reliées entre elles au sein du territoire métropolitain. Ce qui se passe dans l’une a donc des conséquences sur les autres, ce qui empêche d’envisager des PPE distinctes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS3218 de M. Julien Aubert et CS1701 de M. Xavier Breton (discussion commune).

M. Raphaël Schellenberger. Ces amendements du groupe Les Républicains visent à faire en sorte que la déclinaison régionale de la PPE soit construite autour d’un mécanisme d’engrenage négocié permettant d’obtenir l’adhésion des collectivités territoriales aux objectifs fixés à l’échelle nationale. La meilleure façon d’y parvenir est d’adopter une démarche contractuelle, à laquelle ce gouvernement a déjà eu recours.

Monsieur le rapporteur général, vous considérez comme nous qu’il ne faut pas imposer des mesures aux collectivités territoriales. Conclure des contrats avec elles permet notamment de tenir compte de leurs spécificités, car on ne peut pas agir partout de la même façon.

Madame la ministre, vous avez rappelé que les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont relevé que les régions se mobilisent de façon différenciée en matière d’énergies renouvelables : tant mieux ! Dans certaines régions, la mobilisation de certains moyens de production d’énergie peut s’avérer contre-productive, peu rentable ou même polluante.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Vous proposez de limiter l’objectif à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, ce qui restreindrait trop le dispositif, d’autant que les régions ont un rôle de chef de file en matière de maîtrise de la valorisation d’énergie. Avis défavorable.

Cela dit, je prends note de votre amour passionné pour le contrat local. J’aurais aimé entendre les mêmes déclarations à propos du pacte de Cahors : cela nous aurait évité de passer quelques nuits blanches.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les contrats de plan énergétiques que vous proposez de créer sont plus larges que le seul développement des énergies renouvelables. Or il convient de respecter les compétences de chaque échelon. Par exemple, l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % est par nature national et se prête mal à une déclinaison régionale dans le cadre d’un contrat.

Par ailleurs, un mécanisme de contrat entre l’État et les régions existe déjà : ce sont les CPER, lesquels prendront bien en compte, parmi d’autres enjeux, l’atteinte des objectifs régionalisés de la PPE. En outre, le projet de loi précise explicitement que la déclinaison régionalisée des objectifs de la PPE se fera en concertation avec les régions. Il ne s’agit donc pas d’imposer par le haut un objectif aux régions, sans les avoir consultées. Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. Raphaël Schellenberger. Madame la rapporteure, vous dites que nous proposons de limiter le dispositif au seul objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, quand Mme la ministre nous reproche d’envisager un cadre trop large, incluant même le nucléaire : vous vous contredisez l’une l’autre.

Cela montre en fait que nos objectifs sont justes. Il s’agit de faire participer les collectivités à l’atteinte des objectifs nationaux en discutant, en coconstruisant. Ce n’est ni trop large ni trop restreint. L’enjeu et de déployer la stratégie énergétique en s’appuyant sur les compétences de la collectivité régionale et sur la capacité de cette dernière à entraîner les intercommunalités de son territoire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1812 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il faut faire en sorte, avant tout, que les régions soient en cohérence avec la PPE. C’est peut-être plus important encore que d’imposer des objectifs régionaux.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Si la déclinaison régionale devait inclure tous les volets de la PPE, ce serait beaucoup trop lourd pour certaines collectivités ; parfois même, ce serait tout bonnement impossible. Par exemple, comment la région Auvergne-Rhône-Alpes pourrait-elle satisfaire l’objectif consistant à favoriser la production d’électricité issue de l’éolien en mer ? Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Décliner l’ensemble des objectifs de la PPE dans les SRADDET complexifierait sensiblement l’établissement de ces schémas. La déclinaison que nous proposons me semble une bonne solution.

Par ailleurs, vous proposez de régionaliser les dispositifs de soutien au développement des énergies renouvelables, ce qui n’est pas possible au regard du droit européen. Cela n’empêche pas les régions de prendre un certain nombre de mesures pour favoriser le développement de ces énergies sur leur territoire. Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Mes amendements n’ont pas été écrits sur un coin de table. S’il n’y a pas de façade maritime, l’éolien en mer ne sera pas concerné, évidemment. Il s’agissait seulement de faire en sorte que les régions soient en cohérence avec la PPE.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3379 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Gérard Leseul. Il vise à revoir le processus de concertation et de contractualisation dans le but de permettre aux élus de prendre toute leur part dans la définition des objectifs régionaux. Alors que vous proposez un décret après concertation, nous souhaitons une délibération de l’exécutif régional après avis conforme du représentant de l’État. Autrement dit, le processus est inversé. Cela me semble plus respectueux de la décentralisation qui a été mise en place progressivement depuis plus de quarante ans.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je partage avec vous l’idée selon laquelle il faut coconstruire les solutions mais, en l’espèce, la procédure que vous proposez ne garantirait pas l’atteinte des objectifs nationaux de la PPE, puisque les conseils régionaux pourraient s’opposer aux propositions de l’État ou fixer des objectifs inférieurs. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous voulez que l’objectif régional soit défini par vote, après avis conforme du préfet. Or celui-ci peut déjà bloquer un SRADDET. Cela ne changerait donc rien sur le fond. Le mécanisme que nous mettons en place répond beaucoup mieux à l’objectif consistant à harmoniser les différents SRADDET.

M. Gérard Leseul. Je ne crois pas beaucoup à l’harmonisation par décret !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS3208 de la rapporteure.

Amendement CS3052 de Mme Catherine Osson et amendement CS4036 de Mme Florence Lasserre (discussion commune).

Mme Sandra Marsaud. Il s’agit de consulter les élus locaux pour la définition des objectifs régionaux.

J’en profite pour faire le lien avec ce que je proposais tout à l’heure s’agissant de la lutte contre l’artificialisation des sols : la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) pourrait être associée à la mise en cohérence des objectifs régionaux. Je vous appelle à engager la réflexion sur ce point d’ici à la séance, madame la ministre. Lors des auditions, on nous a dit que la CTAP ne fonctionnait pas très bien : ce serait un moyen de remédier au problème.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement CS4036 vise à s’appuyer sur les diagnostics territoriaux de la production d’énergies renouvelables.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Nous partageons votre souhait de faire en sorte que la concertation soit la plus large possible, mais ces propositions sont bien trop contraignantes. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous demandez d’associer les différentes collectivités concernées, notamment les départements. Nous inscrivons dans la loi le principe selon lequel les régions, chefs de file, gèrent le processus avec l’État, mais cela n’empêche pas d’organiser la concertation avec les autres collectivités. Il me paraît disproportionné de l’écrire dans le texte. Du reste, nous vous avons dit que, d’ici à la séance, nous allions voir comment faire en sorte que cette concertation soit la meilleure possible.

L’amendement CS4036 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS3052.

Amendement CS2441 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Il répond à la préoccupation que vous venez d’exprimer, madame la ministre, à savoir mener une concertation, discuter, échanger et, à la fin, ponctuer le processus par un vote du conseil régional. Les élus locaux engageraient ainsi leur responsabilité, et cela refléterait l’état de la discussion entre l’État et la collectivité régionale.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Même si ce vote du conseil régional ne se substituait pas au décret, il figerait les objectifs et empêcherait la région d’être mieux-disante par rapport au SRADDET. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. On ajouterait un échelon supplémentaire dont je ne perçois pas bien l’intérêt. Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. J’ai l’impression que vous avez peur du vote de l’assemblée régionale délibérante. Vous dites qu’un vote empêcherait une collectivité régionale d’être mieux-disante, mais ce n’est du tout le cas. Les collectivités territoriales votent sur de nombreuses questions : pourquoi le conseil régional ne pourrait-il pas voter sur sa contribution aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur sa stratégie énergétique, qui auront fait l’objet de discussions avec l’État ?

M. Gérard Leseul. Je soutiens cet amendement qui, en définitive, rejoint l’amendement CS3379. Il faut une concertation, c’est évident, et je ne vois pas en quoi une bonne concertation ne pourrait pas déboucher sur une délibération et sur un vote.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4748 de M. Bruno Millienne et amendement CS3987 de Mme Huguette Tiegna (discussion commune).

Mme Huguette Tiegna. Il s’agit de cartographier les zones propices aux énergies renouvelables puis de mettre le résultat de cette opération à la disposition de tous les acteurs locaux. Cela permettrait de mieux encadrer le développement des énergies renouvelables au niveau local en ciblant les sites les plus adaptés. Cela encouragerait aussi les acteurs locaux à s’engager en leur donnant une meilleure connaissance des sites propices à leurs projets. Dans nos territoires, certains projets ne sont engagés qu’au bout de cinq ou dix ans, on se rend compte que la valeur ajoutée n’est pas au rendez-vous et on les arrête.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Si l’on comprend parfaitement l’objectif d’une déclinaison du développement des ENR fondée sur une cartographie, la démarche descendante qui est proposée – de l’État vers les collectivités – n’est pas le bon vecteur. J’en veux pour preuve le fait qu’actuellement l’État consulte les collectivités pour établir cette cartographie s’agissant des éoliennes. Il faut donc que la cartographie remonte du terrain. Il reviendra aux SRADDET et à la discussion infrarégionale de s’en assurer. Cette démarche favorisera d’ailleurs l’acceptabilité sociale des projets, laquelle n’est pas acquise s’agissant de certaines énergies renouvelables. Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il faut une cartographie, mais elle doit être réalisée par la région, en concertation avec les préfets, dans le cadre de l’élaboration du SRADDET. Dans la mesure où, par ailleurs, les documents de planification territoriaux comme les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) doivent être compatibles avec le SRADDET, la déclinaison sera encore plus fine. Cette approche me paraît beaucoup plus souple et adaptée aux réalités que celle que vous proposez. Je demande donc le retrait des amendements. À défaut, j’appellerais à leur rejet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS234 de M. Michel Vialay, CS2494 de M. Pierre Venteau, CS2808 de Mme Florence Lasserre et CS3320 de Mme Valérie Beauvais.

Mme Valérie Beauvais. Ces amendements visent à compléter l’alinéa 5 par la phrase suivante : « Il s’agit d’objectifs minimaux pouvant être dépassés au niveau régional. » Cette précision éviterait de limiter les ambitions des régions en la matière.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le Conseil d’État a souligné qu’une telle précision serait incohérente au regard du rapport de compatibilité prévu entre les schémas régionaux et les objectifs régionaux. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement de précision CS5288 de la rapporteure.

Amendements identiques CS4037 de Mme Frédérique Tuffnell et CS4103 de Mme Huguette Tiegna.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Ces amendements reviennent sur des dispositions évoquées à l’article 19. Ce rappel n’a pas sa place à l’article 22. Je demande le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS2442 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Il vise à introduire un volet relatif à la sécurité d’approvisionnement en électricité. Cet enjeu essentiel pour le quotidien des Français doit être abordé à l’échelle européenne – du fait de l’interconnexion – et à l’échelle de la plaque régionale. Or c’est à cette seconde échelle que les incidents peuvent se produire, risquant ensuite, par un phénomène de cascade, de provoquer un black-out dans l’Europe entière. Il faut donc absolument aborder la question de la sécurité d’approvisionnement au niveau régional. C’est un des enjeux essentiels de notre stratégie électrique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le volet en question n’est pas quantifié dans la PPE. Par ailleurs, l’objectif national s’impose à tous les décideurs et acteurs, sans qu’il soit besoin de le rappeler dans le décret. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3331 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je suis très favorable à cet amendement. Il répond à de nombreuses demandes formulées lors des auditions. Il est difficile d’évaluer les résultats concrets des stratégies de développement des ENR, et plus encore de comparer les résultats respectifs des territoires. La solution proposée ici est très intéressante.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS983 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit de rappeler l’existence des CPER.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les CPER ne servent pas seulement à la mise en œuvre de ces objectifs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS981 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. Il serait bon de donner une certaine élasticité s’agissant de la publication du décret : six mois, mais pas plus car les régions et les acteurs dans les territoires attendent de savoir quels devront être les axes de leur action.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je ne suis pas favorable à ce que l’on accorde un délai pour la publication du décret. Du reste, le Gouvernement aura à cœur d’aboutir le plus vite possible, tout en laissant du temps pour la consultation.

La commission rejette l’amendement.

13.   Réunion du samedi 13 mars 2021 à 14 heures 30

Article 22 (suite) (articles L. 141-3 et L. 141-5-1 [nouveau] du code de l’énergie, articles L. 4251-1 et L. 4251-2 du code général des collectivités territoriales et article L. 222‑1 du code de l’environnement) : Décliner les objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables au niveau régional

Amendement CS3381 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons que les appels d’offres soient ouverts à l’échelle de chaque région, des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et du département de Mayotte, afin d’être plus proches de la réalité des capacités de chaque territoire.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Je suis défavorable à cette régionalisation, qui désoptimiserait les actions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Les appels d’offres doivent être validés par la Commission européenne, car il s’agit d’aides d’État. Ce serait donc contraire aux lignes directrices régissant les aides d’État et, à ce titre, refusé par la Commission. En outre, les régions peuvent prendre d’autres mesures pour favoriser le développement des énergies renouvelables (ENR). Mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3380 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons que le président de chaque région soit associé par l’autorité administrative à la définition des modalités de l’appel d’offres, comme c’est le cas actuellement pour certaines collectivités d’outre-mer.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Mon avis sera également défavorable. Les appels d’offres de la CRE visent à faire émerger des projets dans n’importe quelle partie du territoire métropolitain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS782 de M. Gérard Menuel.

Mme Valérie Beauvais. Pour lutter contre le changement climatique, le recours aux énergies renouvelables et de récupération reste la meilleure des alternatives. Parfois, il faut un relais. Il s’agit ici de rappeler tout l’intérêt de l’hydrogène dans ces circonstances.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable. Cela me paraît un peu prématuré, notamment au regard des solutions techniques de stockage actuellement offertes par l’hydrogène.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS1423 de Mme Émilie Bonnivard.

Amendement CS984 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. Madame la présidente, je ne comprends pas, je suis rentré à quatorze heures trente en commission et la réunion avait débuté. L’horloge de la commission ne serait-elle pas en avance de deux minutes ?

Mme Cendra Motin, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’excellent amendement de notre collègue Bénédicte Peyrol, voté ce matin.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1188 et CS1189 de M. Raphaël Gérard (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Même si cela paraît intéressant, votre amendement ne permettrait plus d’atteindre les objectifs nationaux de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). J’y suis donc défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

M. François-Michel Lambert. Madame la présidente, je n’ai pas pu défendre mon premier amendement, pouvez-vous vous assurer que l’Assemblée nationale a la même heure que le reste du pays ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je ne peux rien vous garantir, monsieur Lambert, je ne suis pas maître des horloges !

Amendement CS3383 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Chantal Jourdan. Dans l’esprit de notre proposition de loi sur le développement harmonieux de l’éolien, il s’agit d’annexer aux schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou, à défaut, aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), un document traduisant les objectifs quantitatifs régionaux de production d’énergie éolienne de manière territorialisée.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cette obligation serait trop lourde à gérer. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ajoute que c’est déjà satisfait, les SCOT traitant des énergies renouvelables afin de répondre aux principes énoncés dans le code de l’urbanisme. Ils doivent en outre décliner les objectifs retenus en matière d’énergies renouvelables par les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), dans un rapport de compatibilité.

Enfin, depuis l’ordonnance du 17 juin 2020, les SCOT pourront valoir plans climat‑air-énergie territoriaux (PCAET) à partir du 1er avril prochain et le cas échéant, ils intégreront des objectifs quantitatifs en matière de production d’énergies renouvelables. Il est donc déjà possible d’annexer aux SCOT des objectifs territorialisés de production d’énergie éolienne avec lesquels les PLUi doivent être compatibles.

M. Gérard Leseul. Entre possibilité et obligation, il y a une différence…

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3283 de Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Notre amendement revient sur le rôle de la Métropole du Grand Paris dans le plan climat-air énergie métropolitain, dont l’élaboration lui est confiée, et qui a permis de fixer une trajectoire de transition énergétique.

Le législateur a également confié à la Métropole la mise en cohérence des réseaux de distribution d’électricité, de gaz, de chaleur et de froid. Il s’agit ici de revenir sur le schéma directeur des réseaux de distribution d’énergie métropolitains, dont l’élaboration est engagée. Son évolution en schéma directeur des énergies permettrait à la Métropole de définir de manière plus large le cadre stratégique de la politique publique de transition énergétique.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable. La réforme de la Métropole du Grand Paris est trop récente et il n’est pas encore opportun de faire évoluer ses missions et ses documents de planification.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ce nouveau schéma directeur des énergies ferait doublon avec le document d’orientation du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) d’Île-de-France, dont le document d’orientation vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’améliorer l’efficacité énergétique, de maîtriser la demande énergétique dans les secteurs résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, du transport, des déchets et de fixer des objectifs quantitatifs de développement de la production d’énergies renouvelables à l’échelle de la région, et par zone infrarégionale. Afin de ne pas multiplier les documents de planification, je vous demande de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS1161 de Mme Émilie Bonnivard.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle adopte l’amendement rédactionnel CS5282 de la rapporteure.

Amendement CS3382 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Gérard Leseul. Cet amendement vise à préciser que la révision des SRADDET consécutive à l’application des dispositions de l’article 22 intègre une déclinaison territorialisée des objectifs de production d’énergies renouvelables selon une logique de zonage.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Mon avis sera défavorable pour deux raisons : votre amendement énonce une règle pérenne pour l’élaboration des schémas régionaux dans un alinéa traitant des dispositions transitoires ; en outre, il exige des régions un travail de cartographie lourd, et pas forcément réalisable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le dispositif prévu à l’article 22 est plus opérationnel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2959 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Je profite de ce dernier amendement pour saluer les dispositions de l’article 22, cruciales pour décliner la PPE et lui donner un caractère opérationnel.

Il s’agit de donner un rôle au Haut Conseil pour le climat (HCC). Mon amendement est d’appel car je ne sais pas si le HCC est la meilleure instance pour s’assurer de la coordination et entre PPE, SRADDET et PCAET. Mais, en tout état de cause, une institution doit assurer cette coordination.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je vous invite à vous rapprocher de notre rapporteur général, qui réfléchit à un amendement sur ce thème et je vous propose, dans l’attente, de retirer votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le HCC peut déjà le faire. Ce n’est donc pas la peine de l’imposer dans la loi. Ensuite, un rapport annuel sur des objectifs régionalisés nous semble un peu trop fréquent. Enfin, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité fournit déjà annuellement les chiffres du développement des ENR dans chaque région. Cela permet d’assurer le suivi que vous appelez de vos vœux.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, qui fait peser une charge non nécessaire sur le HCC. Dans le cas contraire, mon avis sera défavorable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. J’ai effectivement déposé un amendement – c’est d’ailleurs le seul –, avec le rapporteur général, qui prévoit que le Haut Conseil pour le climat pourra évaluer toutes les trajectoires définies dans le présent projet de loi. Nous pourrons en débattre au moment de son examen. L’amendement est situé à la fin du projet de loi afin de porter sur l’ensemble des articles.

M. François-Michel Lambert. Vous n’évoquez pas la fin de l’article, madame la présidente, mais bien celle du projet de loi ? Je regrette beaucoup l’absence d’évolution sur cet article, au regard des attentes des collectivités territoriales – en premier lieu les régions. L’article est bancal et j’espère que nous pourrons l’améliorer en séance. Peut-être devrais-je attendre l’examen de l’amendement susmentionné pour me prononcer, mais l’article 22 est décevant et loin des convictions du groupe Libertés et Territoires.

M. Gérard Leseul. J’exprime également des regrets : c’était une bonne idée de confier cela au HCC ; en outre, dans le cadre de l’examen du projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, vous n’avez pas retenu la proposition de mon groupe de créer un Défenseur de l’environnement, au même titre qu’il existe un Défenseur des droits.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Vous le savez, une mission est en cours, lancée par le Premier ministre, et confiée à une députée du groupe majoritaire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 22 modifié.

Après l’article 22

Amendements CS2809 de Mme Florence Lasserre, CS1211 de Mme Jeanine Dubié et CS1743 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme Florence Lasserre. Il s’agit d’assurer la conciliation entre les politiques publiques de protection de l’environnement et de développement de la production des énergies renouvelables dans les territoires.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il n’est pas raisonnable de venir engorger les services ministériels avec une seconde instruction. Nous en avons largement parlé hier. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. En outre, les services chargés de la production hydroélectrique et ceux en charge de la préservation de la biodiversité travaillent au sein du même ministère, celui dont j’ai la chance d’avoir la charge. Cela garantit une bonne communication et des décisions prises en bonne intelligence – j’y veille personnellement. Le suivi que vous proposez est donc redondant et induirait une charge administrative supplémentaire, alors que la nôtre est déjà lourde !

L’amendement CS2809 est retiré.

M. François-Michel Lambert. Madame la rapporteure, il nous faudra des explications plus détaillées : certes, quand nous fixons de nouveaux objectifs, cela induit parfois de nouvelles charges pour une administration… Je maintiens notre amendement.

Mme Delphine Batho. Si nous avons le droit de débattre de l’hydroélectricité, cela vaut pour tous les députés. Or on m’a opposé l’article 45 de la Constitution sur le sujet.

La commission rejette successivement les amendements CS1211 et CS1743.

Amendements identiques CS1662 de Mme Véronique Louwagie, CS1726 de M. Thibault Bazin et CS4972 de M. Jean-Marie Sermier.

Mme Valérie Beauvais. L’ordonnance du 7 avril 2016 vise à soutenir le développement de la filière biogaz dont la valorisation par l’injection de biométhane dans le réseau de gaz naturel permet d’obtenir des rendements énergétiques élevés. Cette ordonnance prévoit notamment d’étendre à la filière biométhane la possibilité de recourir à la procédure d’appel d’offres déjà prévue pour les énergies renouvelables électriques lorsque les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie ne sont pas atteints.

L’amendement vise à consacrer cette procédure d’appel d’offres en décorrélant son emploi des seuls objectifs fixés par la PPE, tels que celui de 7 % de gaz renouvelable consommés à horizon 2030.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Effectivement, la PPE fixe un objectif à 7 % de gaz renouvelable à horizon 2030. Il s’applique donc dans les appels d’offres de la CRE pour le biogaz. Vous souhaitez lever cette condition pour permettre à la filière de biométhane de dépasser ce plafond. En réalité, cette règle n’interdit pas à la filière de poursuivre son développement ; elle encadre seulement ce régime d’aides de l’État afin qu’il reste compatible avec le droit européen de la concurrence. Mon avis sera défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le soutien à la production de biométhane est soumis au régime des aides d’État. Pour qu’elles soient autorisées au niveau européen, il faut justifier de la nécessité d’atteindre un objectif. En l’espèce, l’objectif est indiqué dans la PPE. Si vous coupez ce lien, vous nous mettez en situation d’insécurité juridique vis-à-vis de l’Union européenne. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS1462 de M. Thibault Bazin et CS2224 de M. Bertrand Pancher

M. François-Michel Lambert. Suite à la réforme engagée en 2020, le cadre économique du gaz renouvelable injecté dans les réseaux ne couvre plus que les installations produisant moins de 300 normo mètre cube par heure (Nm3/h), ce qui prive les installations de plus grande taille de toute perspective de développement.

Or la PPE prévoit des volumes de développement du biogaz de 24 à 32 térawatt‑heure (TWh) d’ici 2028, dont 14 à 22 TWh injectés dans les réseaux. Elle prévoit également que, pour contribuer à l’atteinte de ces objectifs, deux procédures de mise en concurrence seront lancées chaque année. Il est donc fondamental de réaffirmer que la procédure d’appels d’offres peut contribuer, en parallèle des volumes développés via d’autres mécanismes, à l’atteinte des objectifs de la PPE.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

Amendement CS1001 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. La méthanisation agricole était initialement perçue comme un moyen de favoriser la transition énergétique. D’ailleurs, le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire ont cherché ces dernières années à accompagner cette dynamique en encadrant les projets afin de garantir leur ancrage territorial, leur dimension circulaire, l’équilibre agronomique et notre souveraineté alimentaire.

En dépit de ces efforts, la méthanisation agricole est aujourd’hui contestée. Elle fait l’objet de plusieurs critiques : risque de fragilisation de l’activité d’élevage, bilan écologique incertain des pratiques agricoles induites, risque de pollution des eaux…

Cet amendement propose de favoriser un déploiement harmonieux et limité des installations de méthanisation sur le territoire, par le biais d’un schéma régional de déploiement des unités de méthanisation.

Mme Cendra Motin, rapporteure. En ce qui me concerne, je ferai confiance aux régions : au travers des SRADDET, elles peuvent organiser ce déploiement. Il n’est pas utile de créer un nouveau type de schéma. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 22 vise justement à incorporer les objectifs de la PPE nationale dans les SRADDET afin de les déployer dans les territoires. Cela doit bien évidemment impliquer la biomasse et la méthanisation. Votre demande est satisfaite et il conviendrait de retirer l’amendement.

M. François-Michel Lambert. Je vous remercie, madame la ministre, pour cette réponse argumentée, qui m’éclaire beaucoup plus que celle de Mme la rapporteure. Grâce à vous, je vais retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1663 de Mme Véronique Louwagie, CS1727 de M. Thibault Bazin et CS4936 de M. Jean-Marie Sermier.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les amendements.

Amendement CS4038 de Mme Aude Luquet.

Mme Frédérique Tuffnell. Nos objectifs sont ambitieux puisque nous devons diviser au moins par six nos émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990. En l’état actuel du droit, les schémas régionaux ne sont pas tenus de prendre en compte la stratégie nationale bas-carbone. Notre amendement prévoit que les SRADDET devront être compatibles avec les objectifs de cette stratégie nationale.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Imposer que les SRADDET définissent des objectifs compatibles avec les objectifs nationaux ne tient pas compte de la diversité des situations territoriales. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La définition du contenu des SRADDET inclut déjà des objectifs de lutte contre le changement climatique. Le retour d’expérience de la première génération de SRADDET souligne que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est traitée dans les schémas. Votre demande me semble donc satisfaite.

En revanche, le lien de compatibilité que vous introduisez avec les budgets-carbone me semble plus complexe. Si on peut définir facilement un objectif régional pour les énergies renouvelables visées à l’article 22, comment établir des objectifs régionaux en termes d’émissions de gaz à effet de serre ? En outre, certains leviers d’actions, nationaux ou européens, ne sont pas à la main des régions – réglementation des véhicules, fiscalité, certaines aides incitatives à la rénovation et au verdissement du parc, politique agricole, etc. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS1730 de M. Thibault Bazin.

Article 22 bis (nouveau) : Ratification d’ordonnances dans le domaine de l’énergie

Amendement CS3911 du Gouvernement et sous-amendements CS5386 et CS5387 de Mme Delphine Batho.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement propose de ratifier trois ordonnances de transposition de deux textes européens : une directive de 2018 relative à la promotion des énergies renouvelables et une, de 2019, concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité. Le Gouvernement avait été habilité à transposer ces textes par ordonnance par la loi énergie-climat du 8 novembre 2019 et les trois ordonnances ont été adoptées en Conseil des ministres le 3 mars dernier.

Mme Delphine Batho. Cet amendement du Gouvernement pose plusieurs problèmes : l’ordonnance relative aux bioénergies, autrement dit aux agrocarburants, exclut outre-mer ces derniers du bénéfice des exigences de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. J’y suis totalement opposée.

En outre, tout le monde le sait, cette ordonnance ouvre la porte à une exception pour l’huile de palme comme biocarburant : l’article L. 281-7 du code de l’énergie, créé par l’ordonnance, prévoit que les biocarburants, bioliquides, combustibles ou carburants issus de biomasse agricole produits à partir de matières premières provenant des catégories de terres de grande valeur en termes de biodiversité, de terres présentant un important stock de carbone ou de terres ayant le caractère de tourbières pourront être regardés comme satisfaisant aux critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les députés se sont opposés par deux fois au lobbying de Total pour obtenir des faveurs pour l’huile de palme ! Mon sous-amendement vise à refuser la ratification de cette ordonnance tant qu’une telle disposition y figure. Il faut définitivement clarifier ce point puisque cela ouvre la voie à un décret en Conseil d’État qui pourrait favoriser ce qu’on appelle la soi-disant « huile de palme durable ».

Le sous-amendement CS5387 vise un problème d’un autre nature : le III de l’amendement du Gouvernement est un cavalier législatif puisque le projet de loi ne comporte aucune disposition relative au marché intérieur de l’électricité, au mécanisme de capacité, aux relations entre les clients et les fournisseurs ou au réseau d’électricité. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, rappelée au considérant 83 de la décision n° 2020-807, censure comme cavalier législatif la ratification d’une ordonnance sans lien avec un projet de loi. Dans la mesure où 856 amendements de députés ont été considérés comme cavaliers législatifs, et même si nous contestons cette règle, il faut qu’elle s’applique au Gouvernement.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement du Gouvernement car les ordonnances transposent plusieurs directives européennes attendues, et dont nous avons besoin pour pouvoir débattre de l’article 23.

Madame Batho, j’entends l’alerte et votre point sur l’huile de palme mais, n’ayant pas investigué, je ne vais pas donner un avis favorable à votre premier sous-amendement. Je rappellerai que les dérogations sont extrêmement bien encadrées et pour une durée limitée.

Je suis également défavorable à votre deuxième sous-amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis aussi défavorable aux deux sous‑amendements.

S’agissant du sous-amendement CS5386, l’ordonnance du 3 mars 2021 est fondamentale puisqu’elle procède à des transpositions sur les critères de durabilité des bioénergies, mais également sur plusieurs autres sujets importants, tels que les communautés énergétiques citoyennes, que nous soutenons particulièrement, afin de favoriser le développement des énergies renouvelables, notamment celui d’éoliennes gérées par des communautés de citoyens.

En outre, je m’inscris totalement en faux concernant vos propos sur l’huile de palme. Cela fait des années que je me bats – et je pense être suffisamment vigilante – pour qu’elle ne soit pas reconnue comme biocarburant et qu’on arrête de tenter de l’incorporer partout, et par tous les biais. Je vous assure que l’ordonnance offre la garantie que les bioénergies et les biocarburants ne pourront être considérés comme durables que s’ils n’ont pas contribué à la déforestation.

L’ordonnance, conformément à la nouvelle directive sur les énergies renouvelables, dite RED II, ne considère comme durable que des biocarburants ne créant pas d’effet sur la biodiversité, la forêt, etc. On nous prête des intentions qui n’existent pas dans ce texte ! Enfin, cette ordonnance a fait l’objet d’une consultation du public et personne n’a évoqué ce problème.

S’agissant des outre-mer, la directive prévoit explicitement des possibilités d’adaptation pour des situations spécifiques. Cette possibilité est essentielle, compte tenu des enjeux particuliers à ces territoires, mais cela n’exclut pas toute exigence. Les adaptations ne seront pas automatiques. Elles seront, le cas échéant, définies par décret en Conseil d’État pour une durée déterminée.

Votre sous-amendement CS5387 vise à ne pas ratifier l’ordonnance du 3 mars 2021 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité. Les dispositions reprises dans l’ordonnance sont essentiellement des modifications liées à la transposition directe, sans marge de manœuvre pour les États membres, de dispositions relatives à la fourniture, aux missions des gestionnaires de réseaux et à celles du régulateur. Cette ordonnance a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs et la directive devait être transposée au plus tard le 31 décembre 2020.

Mme Delphine Batho. S’agissant de ce dernier point, madame la ministre, je n’ai évoqué ni le fond ni la nécessité de ratifier l’ordonnance, mais le simple fait qu’il s’agit d’un cavalier législatif et qu’il n’a rien à faire dans ce texte à partir du moment où 856 autres dispositions ayant un lien avec le climat ont, elles, été déclarées irrecevables. Certes, il s’agit de sujets importants – mécanisme de capacité, marché européen de l’électricité, etc. – mais c’est hors sujet !

S’agissant de l’huile de palme, madame la ministre, je veux croire à votre détermination mais, même si la directive l’interdit, c’est écrit dans le nouvel article L. 281-7 ! La question se pose donc, malgré votre détermination. Nous savons très bien ce qui se passe autour de ce dossier, nonobstant l’action du ministère de l’écologie.

La commission rejette les deux sous-amendements.

Elle adopte l’amendement.

Après l’article 22

Amendement CS2038 de M. Dominique Potier.

Mme Chantal Jourdan. Dans la continuité de l’article 22 relatif au développement territorialisé des énergies renouvelables, il s’agit d’établir une feuille de route nationale de soutien à l’investissement local en la matière. Cela fait suite à notre Plan pour un rebond économique, social et écologique, qui doit s’accompagner d’une contractualisation renouvelée avec les collectivités territoriales.

M. Gérard Leseul. Pardonnez-moi d’insister, mais il est dommage de ne pas soutenir l’investissement public local. En 2020, les collectivités locales ont eu beaucoup de difficultés à investir et un dispositif incitatif, tel que cette feuille de route, aurait pu être intéressant.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Article 23 (article L. 141-2 du code de l’énergie) : Développement des énergies renouvelables citoyennes

Amendement CS5281 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’article 23 va permettre de développer deux formes originales de participation citoyenne à la production d’énergie : les communautés énergétiques citoyennes et les communautés d’énergie renouvelable.

Le présent amendement est de précision rédactionnelle.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS2823 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de mettre le terme « énergie renouvelable » au pluriel dans l’expression « communautés d’énergie renouvelable ». Dans le cas contraire, on ne semble viser que les énergies renouvelables électriques. Or il peut y en avoir d’autres, notamment le biogaz.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Défavorable. Il s’agit du terme générique et les futures communautés citoyennes ne se limiteront pas à un seul type d’énergie.

Mme Barbara Pompili, ministre. La directive européenne parle de communautés d’énergie renouvelable au singulier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3546 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Madame la ministre, la semaine dernière, je vous ai fait suivre le SMS d’un élu local qui n’a plus assez de ses équipes pour gérer le succès de MaPrimeRénov’. Mon amendement vise donc à ajouter les agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) aux dispositifs devant être pris en compte dans la PPE. Je discute souvent de ce sujet avec mon collègue Bruno Millienne : les moyens alloués à la rénovation énergétique des bâtiments ne sont pas toujours bien organisés, ni toujours bien fléchés. Or c’est notre priorité, et une des priorités de ce projet de loi.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le titre IV du projet de loi nous donnera l’occasion de reparler de cette question puisqu’il prévoit la création d’agences, plutôt au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ce qui paraît plus pertinent. Concernant votre amendement, je ne vois pas vraiment le rapport avec les communautés d’énergie mentionnées à l’article que nous sommes en train d’examiner. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. On a besoin de s’organiser encore mieux pour développer tous les volets de la politique énergétique. Les agences locales de l’énergie et du climat, qui sont importantes, sont présentes assez largement sur le territoire, et il n’est pas nécessaire de compléter la loi afin que la PPE prenne en compte tous les dispositifs existants, y compris ces agences.

Si nous adoptions l’amendement, il faudrait citer de nombreux organismes qui œuvrent dans les territoires au service de la transition énergétique, comme les espaces « info énergie », les agences départementales pour l’information sur le logement (ADIL) ou les espaces FAIRE, ce qui alourdirait la loi. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement.

Je suis d’accord avec vous, en revanche, sur le fait qu’il faut certainement une rationalisation, notamment en ce qui concerne la rénovation énergétique : c’est bien ce que nous comptons faire dans un autre titre du projet de loi.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 23 ainsi modifié.

Après l’article 23

Amendements CS1677 de Mme Frédérique Dumas et CS2261 de M. François-Michel Lambert (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. Ces amendements, même s’ils sont rédigés différemment, ont le même objet : avancer en ce qui concerne l’autoconsommation collective. Une dynamique existe, notamment dans les territoires ruraux, comme le sait M. le rapporteur général puisqu’il est issu d’un territoire qui fait partie des plus actifs en la matière.

L’autoconsommation collective procure de la résilience, ce qui correspond bien à la nouvelle stratégie politique que nous voulons tous. De nombreux freins subsistent néanmoins, en particulier sur le plan financier. Nous pourrions aider la croissance des opérations d’autoconsommation collective en leur permettant de bénéficier des certificats d’économies d’énergie (CEE).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Le dispositif des CEE est destiné à encourager les économies d’énergie, ce qui ne correspond pas tout à fait à l’objet des opérations d’autoconsommation collective ou individuelle, qui visent à produire et à consommer soi‑même. Ces deux approches sont complémentaires mais rien ne justifie de mobiliser les outils de l’une pour soutenir l’autre. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Diviser par deux la consommation d’énergie à l’horizon 2050 est un objectif fort et nécessaire pour atteindre la neutralité carbone. Le dispositif des CEE vise à réaliser des économies d’énergie. Il a parfois été un peu détourné de son but, y compris pour des opérations qui ont très bien marché, comme le coup de pouce vélo, dont nous nous réjouissons qu’il ait servi à réparer 1,5 million de vélos. Continuer à élargir le champ du dispositif pour soutenir les énergies renouvelables affaiblirait les aides disponibles dont nous avons besoin pour les économies d’énergie. D’autres aides existent pour soutenir le développement des énergies renouvelables, notamment l’installation de panneaux photovoltaïques dans un but d’autoconsommation. Je vous demande donc de retirer ces amendements.

M. François-Michel Lambert. Comme Mme la ministre vient de le dire, les CEE ne sont pas utilisés seulement pour la réalisation d’économies d’énergie. On y a recours, par exemple, pour l’installation de bornes électriques, et des chaînes de la grande distribution en ont bénéficié. Ce ne sont pas elles qui sont visées par ces amendements, mais le citoyen lambda, dans le cadre d’une relation de proximité : l’autoconsommation collective, c’est du collectif mais aussi de l’extrême proximité.

J’entends vos arguments, madame la ministre, mais il me semble qu’il y a une difficulté en ce qui concerne l’autoconsommation collective. Or vous connaissez, comme moi, son importance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1202 de Mme Frédérique Dumas.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à accélérer le développement de l’autoconsommation collective. Enedis, avec qui j’ai travaillé sur ce sujet, croit beaucoup à la possibilité de créer des productions territoriales, et même extrêmement locales, grâce au déploiement des compteurs Linky. Au-delà de la question du renforcement des fléchages financiers actuels, il existe néanmoins un frein juridique. On peut toujours réussir à avancer malgré les freins financiers, mais les obstacles juridiques sont parfois des murs infranchissables.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Une personne morale peut déjà faire partie d’un groupe d’autoconsommation. En revanche, la désigner comme la personne morale organisatrice changerait la nature de la relation entre les membres du groupe. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le principe de base d’une opération d’autoconsommation est que le producteur et le consommateur sont la même personne morale. Celle-ci doit regrouper l’ensemble des participants et peut préexister à la création de l’opération si elle correspond à cette définition. La modification législative que vous proposez n’est pas nécessaire : votre amendement est satisfait.

S’agissant des CEE, les bornes de recharge aident au développement des véhicules électriques, qui sont moins énergivores. D’une certaine façon, le recours aux CEE est donc logique.

M. François-Michel Lambert. La ZOE que je possède depuis huit ans est plus énergivore, même si elle consomme de l’énergie électrique décarbonée – je suis abonné, je peux le dire, à Enercoop. Ma voiture étant plus lourde, elle consomme par essence, si je puis dire, davantage d’énergie.

Je me permets d’insister : le développement de l’autoconsommation collective semble vraiment se heurter à une difficulté. Il faudrait peut-être regarder de plus près l’amendement d’ici à la séance pour voir s’il ne serait pas judicieux de l’adopter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2671 de M. Saïd Ahamada.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il serait préférable d’attendre les conclusions du groupe de travail créé par le ministère pour étudier les aides envisageables en vue d’encourager les projets citoyens. Je demande le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ce groupe de travail a été créé parce que le Gouvernement souhaite soutenir les projets d’énergie renouvelable développés par les citoyens et les collectivités. Vous pouvez compter sur nous pour trouver les meilleures solutions possible et vous les soumettre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3387 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Gérard Leseul. Nous souhaitons vous faire des propositions concrètes, madame la ministre, notamment pour soutenir les projets d’implantation d’éoliennes des communautés d’énergie renouvelable auxquelles la rapporteure a dit à quel point elle tenait, comme nous. Nous proposons une incitation fiscale reposant sur un dégrèvement de 50 % de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) – ce serait une diminution de l’impôt et non une exonération, ce qui aurait une moindre incidence sur les collectivités locales.

Mme Cendra Motin, rapporteure. J’aurai plaisir à échanger avec vous au sujet de cet amendement s’il se fraie un chemin jusqu’au projet de loi de finances (PLF). En attendant, je vous demande de le retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je comprends a priori que votre proposition de différencier l’IFER en fonction du montage juridique des projets créerait une inégalité devant l’impôt qui serait inconstitutionnelle. Avis défavorable.

M. Gérard Leseul. Je crains donc que l’on n’en discute pas dans le cadre du PLF, madame la rapporteure (Sourires). Néanmoins, nous pourrions trouver ensemble une rédaction qui conviendrait à Mme la ministre.

La commission rejette l’amendement.

Article 24 (article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme) : Abaisser le seuil de l’obligation d’installer du photovoltaïque ou des toits végétalisés sur les bâtiments professionnels et entrepôts

Amendements identiques de suppression CS1267 de Mme Frédérique Meunier et CS1446 de M. Thibault Bazin.

Mme Cendra Motin, rapporteure. J’émets un avis très défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous demandez de supprimer un article qui présente tout de même des avantages : il contribuera à atteindre nos objectifs en matière de transition énergétique, de préservation de la biodiversité et de lutte contre l’artificialisation, pour un coût minimal à partir du moment où il y aura une anticipation dès le stade de la conception des bâtiments et une rentabilisation au cours de leur vie. Avis défavorable : il n’y a aucune raison de supprimer l’article 24.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS3723 de Mme Frédérique Tuffnell et CS4104 de Mme Huguette Tiegna (discussion commune).

Mme Frédérique Tuffnell. Nous souhaitons le développement des toitures végétalisées, mais en utilisant les eaux pluviales. Il faut faire preuve de sobriété : je crains qu’il n’y ait demain pléthore de toitures végétalisées consommant de l’eau potable. C’est un simple amendement de bon sens que nous vous proposons.

Mme Huguette Tiegna. L’amendement CS4104 est également inspiré par le bon sens.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je souhaiterais que l’on retravaille ces amendements d’ici à la séance car je les trouve un peu trop durs : ils ne laissent pas aux entreprises suffisamment d’options. Je vous propose un retrait, mais je souhaite qu’on aboutisse sur cette question.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il faut évidemment faire en sorte de limiter le plus possible le recours à de l’eau potable, je suis d’accord avec vous.

Tous les systèmes de végétalisation, qui peuvent actuellement être alimentés par tout type d’eau, ne sont pas encore autosuffisants. De plus, certaines règles de construction ou d’urbanisme pourraient limiter les capacités de stockage d’eau. Il y aurait donc un frein à la végétalisation si on la limitait aux seules installations autosuffisantes.

J’ai peur que ces amendements conduisent à un résultat contre-productif. Avons-nous vraiment fait le bilan de ce que la végétalisation peut apporter, par exemple en matière d’atténuation des chocs de température et donc d’évaporation de l’eau ? J’aimerais qu’on fasse des vérifications.

Je partage votre objectif mais je ne voudrais pas qu’on se lie les mains par des dispositions qui pourraient avoir des effets collatéraux non maîtrisés. Je vous demande de retirer ces amendements afin d’étudier la question d’ici à la séance.

M. Bruno Millienne. Je trouve que ces amendements, de précaution, sont excellents. L’agence régionale de la biodiversité (ARB) d’Île-de-France a commencé une étude sur les toits végétalisés, et ce qu’on observe n’est pas aussi extraordinaire que ce à quoi on pourrait s’attendre…

Ces amendements visent à éviter qu’on fasse n’importe quoi : certains toits végétalisés se traduisent par des charges de copropriété énormes parce qu’ils sont mal conçus. Il faut faire très attention. L’interdiction d’utiliser de l’eau potable limitera déjà les problèmes en obligeant à réaliser une vraie maîtrise d’œuvre. D’une manière plus générale, il y a un besoin de nature en ville, et pas seulement de toitures végétalisées.

M. Raphaël Schellenberger. Ces amendements ne sont pas risqués. Ils sont peut‑être perfectibles mais il vaut mieux les adopter en commission quitte à les ajuster un peu, par la suite, en prévoyant des exceptions. Je peux comprendre qu’on s’y prenne différemment dans certains cas, mais là c’est d’un principe important qu’il est question.

Mme Valérie Petit. J’apporte mon soutien à l’amendement de Mme Tuffnell. On doit être très exigeant à propos de l’eau utilisée mais aussi d’autres caractéristiques techniques. Il faut un encadrement.

La commission adopte l’amendement CS3723.

En conséquence, l’amendement CS4104 tombe.

Amendements identiques CS441 de M. Pierre Vatin et CS3826 de Mme Valérie Petit et amendements identiques CS3219 de Mme Valérie Beauvais et CS3579 de Mme Nadia Ramassamy (discussion commune).

M. Michel Vialay. L’article 24 étend quantitativement l’obligation d’avoir une toiture végétalisée ou productrice d’énergie renouvelable en faisant passer le seuil de 1 000 à 500 mètres carrés d’emprise au sol, pour les commerces et les entrepôts. Nous pensons qu’il faut tenir compte de la nature des toitures – elles peuvent être extensives, intensives ou semi‑intensives : l’amendement CS441 permettra de suivre également une approche qualitative.

Mme Valérie Petit. Nous avons travaillé sur l’amendement CS3826 avec l’Union nationale des entreprises du paysage. Les toitures végétalisées devraient être réalisées conformément à des préconisations techniques et à des normes définies par arrêté.

Mme Valérie Beauvais. Au-delà de la dimension quantitative, il est indispensable de définir un cadre technique précis pour la réalisation des travaux, afin de garantir leur qualité.

Des toitures couramment qualifiées d’extensives sont souvent utilisées par des opérateurs de BTP. Elles sont peu chères, faciles à produire et à installer, mais elles sont loin d’offrir la même qualité de services écosystémiques que les toitures dites semi-intensives ou intensives.

Les toitures extensives peuvent être installées sur des bâtiments ne pouvant supporter qu’une faible charge. Elles hébergent une biodiversité propre qui les distingue des autres toitures végétalisées, dont elles sont complémentaires.

Les toitures végétalisées semi-intensives et intensives sont plus rarement utilisées, alors que leurs bénéfices environnementaux sont significatifs. Le support pour les cultures étant plus profond, ces toitures peuvent accueillir des strates végétales diversifiées, telles que des herbacées, des arbustes et des arbres, ce qui favorise un développement optimal de la biodiversité.

L’amendement du groupe Les Républicains vise à suivre une approche qualitative, adaptée aux conditions climatiques et géographiques, pour l’installation des toitures végétalisées.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je comprends votre volonté de faire en sorte que les toitures végétalisées soient aussi respectueuses que possible des ressources naturelles utilisées. Néanmoins, les précisions que vous proposez sont toutes de nature réglementaire. Je vous demande donc de retirer les amendements ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces amendements demandent qu’un arrêté précise les caractéristiques des toitures végétalisées qui sont visées par l’article L. 111‑18‑1 du code de l’urbanisme. Or ces caractéristiques sont déjà précisées par le même article.

Une nouvelle norme n’est pas nécessaire. La mesure est déjà opérationnelle et un résultat équivalent, en termes de recommandations, peut être obtenu par la diffusion de guides de bonnes pratiques ou d’appui aux acteurs.

En outre, et c’est peut-être encore plus important, il faut être évolutif : on doit pouvoir s’adapter rapidement aux progrès techniques réalisés par les professionnels et aux obstacles qui pourraient être rencontrés. Rigidifier les règles par un arrêté pourrait être contre-productif.

J’émets un avis défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements identiques CS441 et CS3826 et les amendements identiques CS3219 et CS3579.

Amendement CS924 de M. Paul-André Colombani et amendements identiques CS923 du même auteur et CS2467 de M. Nicolas Turquois (discussion commune).

Mme Cendra Motin, rapporteure. Sur un plan très technique, une surface de 500 mètres carrés au sol est le minimum possible pour beaucoup de constructeurs. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous proposez de réduire le seuil à seulement 300 mètres carrés et l’amendement CS924 tend, en outre, à étendre l’obligation à tous les bâtiments.

Le Gouvernement a choisi, en responsabilité, de retenir un seuil de 500 mètres carrés qui permettra d’accroître largement les surfaces végétalisées ou consacrées à la production d’énergie photovoltaïque tout en évitant de faire peser un poids trop important sur les petits projets.

En ce qui concerne l’extension à d’autres types de bâtiments, je comprends la logique que vous suivez mais il faudrait mieux appréhender les effets que cela pourrait produire – nous allons le faire.

En attendant, j’émets un avis défavorable.

M. Bruno Millienne. Nous sommes tous favorables à une réduction du seuil concernant l’implantation de panneaux photovoltaïques. Je voudrais néanmoins vous alerter sur une difficulté. Pourquoi n’y a-t-il pas suffisamment d’installations au-dessus des zones d’activité et des exploitations agricoles ? C’est parce qu’à partir d’un certain volume de production d’énergie, on change de statut juridique : on devient une société de production d’énergie renouvelable, et la fiscalité est différente. Il faudra regarder cette question d’ici à la séance. Sinon, on peut réduire le seuil mais cela risque de ne pas servir à grand-chose.

La commission rejette successivement l’amendement CS924 et les amendements CS923 et CS2467.

Amendement CS3388 de Mme Josette Manin.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons d’étendre l’obligation d’installer des systèmes de production d’énergie renouvelable ou des toitures végétalisées aux plateformes logistiques – je précise toutefois que nous ne sommes pas favorables à l’extension de ces dernières.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Toutes les plateformes logistiques ont une surface d’au moins 6 000 mètres carrés : elles entrent donc dans le champ de l’obligation actuelle, qui s’applique à partir de 1 000 mètres carrés. En revanche, ce sont souvent des installations classées qui ne peuvent absolument pas avoir des toitures végétalisées. Je vous demande de retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même demande. L’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS719 de M. Stéphane Buchou.

Amendement CS5284 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je propose d’étendre aux immeubles faisant l’objet d’une rénovation lourde – c’est-à-dire touchant aux structures des bâtiments – ou d’une reconstruction l’obligation de s’équiper en panneaux photovoltaïques ou de végétaliser les toitures. Ce n’est pas nécessairement possible lors d’autres rénovations, car c’est la structure du bâtiment qui détermine le poids que le toit peut supporter.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

Mme Delphine Batho. J’aimerais savoir comment interpréter votre amendement. L’obligation ne s’appliquera-t-elle que si la reconstruction étend l’emprise au sol de 500 mètres carrés ?

Mme Cendra Motin, rapporteure. Dans les cas que j’ai précisés, si l’emprise au sol dépasse le seuil de 500 mètres carrés, il faudra qu’il y ait des panneaux photovoltaïques ou une végétalisation – sur au moins 30 % de la toiture.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS845 de M. Antoine Herth.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Je vous suggère de retirer cet amendement. Les bâtiments agricoles ne sont pas concernés par l’obligation.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je ne vois pas de raison particulière d’exclure les installations agricoles. On voit, au contraire, que de nombreux projets, parfaitement rentables, concernent les hangars agricoles. Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Je relève que Mme la rapporteure et Mme la ministre se contredisent une fois de plus. Mme la rapporteure dit qu’il n’y a pas de problème parce que les hangars agricoles ne sont pas concernés par l’obligation, alors que Mme la ministre déclare qu’elle ne voit pas pourquoi il faudrait les exclure du dispositif.

Or il faut le faire, pour des raisons évidentes. La vocation ou le positionnement des bâtiments peut être incompatible avec certaines utilisations des toitures. Je pense notamment à l’agriculture de montagne : quand un bâtiment agricole est très éloigné des réseaux d’énergie, il n’est pas nécessairement pertinent de chercher à le relier. Par ailleurs, il peut être compliqué d’installer une toiture végétalisée dans certains sites. Je pense qu’il vaut mieux exclure, par prudence, les bâtiments agricoles.

M. François-Michel Lambert. Lorsqu’un bâtiment entrant dans le champ de l’article dont nous débattons est soumis à d’autres dispositions, relatives à la protection du patrimoine naturel ou historique, par exemple, il peut ne pas être soumis à l’obligation.

Je peux notamment citer le cas d’un bâtiment situé à côté de l’aéroport de Marseille dont les panneaux photovoltaïques auraient reflété le soleil en direction de la tour de contrôle : il a été décidé qu’il ne fallait pas courir le risque alors que le propriétaire était très enthousiaste à l’idée d’avoir de l’énergie photovoltaïque.

La question est simple : les bâtiments agricoles sont-ils concernés ? S’ils ne le sont pas, j’invite à les inclure d’ici à la séance.

Mme Émilie Chalas. Je crois qu’il faut se référer aux dispositions du code de l’urbanisme relatives à la destination des bâtiments qui servent pour l’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU). Les exploitations agricoles et forestières ne relèvent pas de la même catégorie que les habitations, les commerces et les activités de service ou les équipements d’intérêt collectif.

L’article 24 du projet de loi est clair : il concerne « les constructions à usage commercial, industriel ou artisanal », et en aucun cas celles à usage agricole. J’ai donc tendance à croire que les installations agricoles sont exclues du dispositif.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Il n’y a pas de contradiction. J’ai répondu en en ce qui concerne les hangars à usage agricole, et je confirme qu’ils ne sont pas concernés. Mme la ministre a parlé, d’une manière tout à fait claire, des bâtiments agricoles qui pourraient avoir un usage commercial, par exemple lors de ventes à la ferme ou dans le cadre d’une coopérative. Les bâtiments qui n’ont pas seulement une destination agricole sont soumis à la même obligation que les autres.

En revanche, les bâtiments à usage agricole ne sont pas concernés. On n’est pas obligé d’installer, par exemple, des panneaux photovoltaïques au-dessus des granges abritant les bottes de foin et la paille pour l’hiver, ce qui pourrait être dangereux. L’installation de panneaux photovoltaïques est possible – cela procure d’ailleurs un revenu complémentaire à certains agriculteurs qui disposent de surfaces importantes –, et nous continuons à l’encourager, mais il n’y a pas d’obligation en la matière.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS570 de Mme Delphine Batho, CS986 de M. Bertrand Pancher et CS4304 de Mme Annie Chapelier.

Mme Delphine Batho. On veut lutter contre l’artificialisation des sols, sans interdire de construire de grandes surfaces – on doit le faire en valorisant des friches, par exemple –, mais nous aurons plus tard ce débat.

L’amendement de Mme la rapporteure qui a été adopté tout à l’heure ne règle pas le problème : si les constructions neuves sont les seules concernées, les capacités seront limitées. L’amendement CS570 vise à étendre le dispositif aux bâtiments existants à partir de 2025 – on pourra ensuite entrer dans les détails, en précisant les bâtiments visés et la trajectoire. Si on ne le fait pas, on se privera en particulier de la possibilité de produire de l’énergie solaire dans de grandes implantations qui existent déjà.

M. François-Michel Lambert. Les obligations prévues à l’article 24 s’appliqueront lorsque seront créés plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol. On pourrait envisager que tous les bâtiments agricoles soient concernés, mais cela n’inclura pas les bâtiments actuels – on ne va pas installer des panneaux photovoltaïques partout.

L’amendement CS986 est identique à celui défendu par Delphine Batho.

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’article 24 imposera une nouvelle obligation en cas de création de nouvelles surfaces, et nous sommes tous d’accord pour que ce soit le cas. J’ajoute que les bâtiments à usage agricole ne sont pas concernés.

Vous proposez, si je comprends bien, d’étendre l’obligation actuelle à des bâtiments existants dont l’emprise au sol est supérieure à 1 000 mètres carrés, alors qu’ils n’ont pas été conçus pour supporter des panneaux photovoltaïques ou une toiture végétalisée. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure lorsque j’ai présenté mon amendement, c’est possible dans le cadre d’une rénovation à partir du moment où on change la structure du bâtiment. Sinon, on s’expose à un risque très important en matière de sécurité.

Je vous demande de retirer ces amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Sur le fond, je suis d’accord avec la rapporteure. J’ajoute que la rédaction des amendements pose problème puisqu’ils portent, non pas sur l’extension du dispositif aux installations existantes, mais sur les créations de surface. Je propose donc à leurs auteurs de les retirer.

Mme Delphine Batho. Premièrement, les amendements, je le confirme, sont mal rédigés. Deuxièmement, si la question des rénovations lourdes qui augmentent l’emprise au sol a été réglée par l’amendement de la rapporteure, en revanche, celle des très grands bâtiments existants reste pendante. Des amendements seront donc déposés en séance publique visant à définir une trajectoire d’ici à 2025 afin d’encourager l’installation de panneaux photovoltaïques sur ce type de bâtiments. Je retire l’amendement CS570.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS569 de Mme Delphine Batho, amendements identiques CS985 de M. Bertrand Pancher et CS4297 de Mme Annie Chapelier (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il s’agit de porter de 30 % à 60 % la part de la surface des toitures sur laquelle doivent être installés des panneaux photovoltaïques.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Tout d’abord, il ne me paraît pas judicieux de modifier un taux qui a été fixé récemment, puisqu’il date de la loi énergie-climat de 2019. Ensuite, il risque déjà d’être difficile, lorsqu’il s’agit de petites surfaces, de respecter le taux de 30 %, en raison des servitudes qui grèvent les toits. Quant aux toitures qui peuvent accueillir une installation excédant 30 % de leur superficie, elles seront équipées si l’installation est rentable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La disposition proposée par le Gouvernement a pour objet de favoriser le développement des énergies renouvelables sans consommer davantage de foncier. Les paramètres ont été choisis de manière à concilier les différents enjeux : de calendrier, techniques, économiques et, bien entendu, environnementaux. Il n’est donc pas souhaitable de porter le taux au niveau proposé, qui pourrait présenter des difficultés techniques importantes pour certains projets. Avis défavorable.

La commission rejette successivement l’amendement CS569 et les amendements identiques CS985 et CS4297.

Amendement CS5285 de la rapporteure.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Cet amendement tend à avancer la date d’application du dispositif de l’article 24 du 1er janvier 2024 au 1er janvier 2023 – vous êtes plusieurs à avoir déposé un amendement analogue. Toutefois, je n’ai pas terminé de consulter l’ensemble des acteurs concernés, notamment les promoteurs, et je ne suis donc pas encore certaine que cette mesure fasse l’objet d’un consensus. Aussi vais-je retirer l’amendement, en vous assurant que nous aboutirons d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1404 de M. Raphaël Gérard et CS2825 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Sandra Marsaud. Il s’agit, ici aussi, de proposer, après en avoir discuté avec le Conseil national de l’ordre des architectes, d’avancer la date d’application du dispositif à 2023. Mais nous allons suivre Mme la rapporteure et retirer l’amendement.

L’amendement CS1404 est retiré.

Mme Delphine Batho. Je maintiens le CS2825 : il faut toujours une avant-garde !

Mme Cendra Motin, rapporteure. Avis défavorable, pour l’instant.

Mme Barbara Pompili, ministre. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4999 de M. Jean-Marie Sermier.

Amendement CS4040 de M. Bruno Duvergé.

M. Jimmy Pahun. Nous proposons de sortir les entreprises agricoles dont la production photovoltaïque est modeste, c’est-à-dire inférieure à 100 kW, du régime de producteur d’énergie.

Mme Cendra Motin, rapporteure. Les bâtiments agricoles, nous l’avons vu, ne sont pas concernés par l’obligation définie à l’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme. Vous proposez que les exploitants agricoles qui sont de petits producteurs d’électricité photovoltaïque relèvent du régime de l’autoconsommation plutôt que de celui de producteur d’énergie, afin de les exonérer des taxes attachées à ces activités. Je ne suis pas favorable à de telles exemptions.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’autoconsommation est précisément définie, tant au niveau national qu’au niveau européen. Soit l’entreprise agricole remplit les conditions requises et, la production d’électricité ne constituant pas son activité principale, elle est considérée de fait comme un autoconsommateur, soit elle ne remplit pas ces conditions et il n’est pas possible de la considérer comme telle. On ne peut pas préjuger de cette situation en excluant par principe telle ou telle installation. C’est pourquoi, malgré toute la sympathie que m’inspire l’amendement, j’en demande le retrait.

M. Bruno Millienne. Je comprends votre refus, mais beaucoup d’agriculteurs renoncent à installer des panneaux photovoltaïques sur une surface importante parce qu’ils ne veulent pas être soumis au statut de producteur d’électricité. De fait, cette situation entrave le développement du photovoltaïque.

M. Raphaël Schellenberger. Il est vrai que beaucoup d’agriculteurs vont renoncer à installer des panneaux photovoltaïques pour éviter de payer le coût d’entrée lié au statut de producteur d’électricité. Mais s’ils sautent le pas et acquittent ce coût d’entrée, ils risquent de s’inscrire dans une autre logique consistant à développer des projets photovoltaïques sur des terrains à vocation agricole. L’amendement du groupe MoDem me semble donc de bon sens ; il serait bon que, plutôt que de l’expédier, nous y réfléchissions d’ici à la séance publique.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’amendement n’a pas été expédié : il est prévu que nous en reparlions.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 24 ainsi modifié.

Après l’article 24

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CS3108, CS3109 et CS3110 de M. Philippe Naillet ainsi que l’amendement CS4184 de M. Pacôme Rupin.

Amendement CS3072 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. La majorité a fait le choix de fermer nos quatre centrales à charbon. L’une d’entre elles est située dans ma circonscription, mais il est prévu que le charbon y soit remplacé par du bois. Ainsi, tout le bois disponible entre la frontière italienne et la frontière espagnole va être englouti dans une seule centrale dont le rendement énergétique sera très bas puisqu’inférieur à 40 %. Cet amendement de bon sens vise donc à empêcher de telles installations à compter du 1er janvier 2025 afin que l’entreprise ait le temps de développer d’autres projets. Sur trois camions de bois qui entrent dans la centrale de Gardanne, un seul sert à produire de l’électricité : les deux autres chauffent les pattes des oiseaux !

Mme Cendra Motin, rapporteure. L’importance des émissions de particules fines provoquées par ces installations mérite que la question de leur maintien soit posée. Elle fait d’ailleurs l’objet d’un rapport de Mme Émilie Chalas concernant la ville de Grenoble et le département de l’Isère, particulièrement touchés par ce type de pollution. Toutefois, cette question doit être traitée dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Demande de retrait, donc ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La biomasse, dont le gisement est limité, doit être utilisée de la façon la plus efficace possible. C’est pourquoi la PPE a prévu d’arrêter le soutien à ce mode de production d’électricité. La directive Emission Trading System (ETS) prévoit que les émissions de CO2 issues de biomasse ne soient pas comptabilisées et définit des critères de durabilité qui viennent d’être transposés en droit français et permettront de s’assurer du meilleur usage de cette biomasse. Il n’est donc pas souhaitable de mettre en œuvre la mesure proposée, qui pourrait conduire à la fermeture de certaines de ces installations si seules les émissions directes sont prises en compte, avec pour conséquence néfaste le déploiement de chaudières au gaz en substitution. Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Nous nous inscrivons dans la même logique que celle qui a conduit à la fermeture des centrales à charbon. En outre, cet amendement fait écho à l’alerte lancée par 500 scientifiques du monde entier au sujet de la biomasse. Enfin, si ce type de centrales produisant de l’énergie électrique ferme, ce ne sont pas des chaudières au gaz qui s’y substitueront, mais un autre mode de production d’énergie électrique : nucléaire, énergies renouvelables… Cette mesure serait ainsi bénéfique à la fois pour le climat, pour la qualité de l’air et pour la protection de la biodiversité et de nos forêts. La centrale de Gardanne consomme 800 000 tonnes de bois par an !

La commission rejette l’amendement.

TITRE III
Se déplacer

Avant l’article 25

Amendement CS4938 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Raphaël Schellenberger. Nous proposons de compléter l’intitulé du titre III par les mots : « et transiter ». Il s’agit d’être un peu moins hypocrite et de prendre en compte l’ensemble des mobilités, à savoir le déplacement des personnes mais aussi le transit des marchandises.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour le titre III. Je comprends le sens de votre amendement. Le titre III comporte des dispositions relatives à la mobilité des marchandises, notamment les articles 31, 32 et 33. Il me semble toutefois préférable de conserver le titre tel qu’il nous a été proposé par la Convention citoyenne pour le climat. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous confirme que le Gouvernement est pleinement investi dans le soutien et l’accompagnement de la filière du transport routier et de la logistique dans les démarches de transition énergétique. En témoigne, par exemple, la création récente, dans le cadre du plan de relance, d’un bonus pour l’achat de véhicules lourds électriques ou à hydrogène. L’ajout proposé ne modifierait en rien le soutien du Gouvernement à cette filière mais il nuirait à la clarté du titre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre Ier
Promouvoir les alternatives à l’usage individuel de la voiture et la transition
vers un parc de véhicules plus respectueux de l’environnement

Amendements CS2698 du rapporteur et CS4917 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il s’agit de modifier l’intitulé du chapitre Ier du titre III en substituant aux mots : « la voiture individuelle » les mots : « l’usage individuel de la voiture ».

Mme Barbara Pompili, ministre. Favorable à l’amendement CS2698.

La commission adopte l’amendement CS2698.

En conséquence, l’amendement CS4917 tombe.

Section 1
Dispositions de programmation

Article 25 (article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités) : Objectif de commercialisation de voitures neuves fortement émettrices de CO2 à l’horizon 2030

Amendements de suppression CS866 de M. Julien Aubert, CS1286 de Mme Frédérique Meunier, CS1710 de M. Thibault Bazin et CS3160 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. Il me paraît important de poser un jalon en 2030 en fixant à 95 grammes de CO2 par kilomètre le plafond d’émission par véhicule, dans la perspective de l’interdiction, en 2040, de la vente de tous les véhicules particuliers et utilitaires légers neufs qui utilisent de l’énergie fossile, interdiction prévue par la loi d’orientation des mobilités.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3062 du rapporteur, amendements identiques CS2044 de M. Gérard Leseul et CS2828 de M. Matthieu Orphelin (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous proposons de récrire l’article 25 afin de formuler de façon plus directe l’objectif d’interdiction, à l’horizon du 1er janvier 2030, des ventes de voitures particulières émettant plus de 95 grammes de CO2 au kilomètre selon la norme New European Driving Cycle (NEDC).

L’adoption de cet amendement ferait tomber l’ensemble des autres amendements à l’article 25. C’est pourquoi je me permets de vous demander, monsieur le président, que nous prenions le temps d’entendre chacun de leurs auteurs.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous proposez une autre rédaction de l’article 25, en faisant référence au texte européen sur les émissions de CO2 et en reprenant l’esprit de la rédaction de la loi d’orientation des mobilités concernant l’objectif de fin de vente des véhicules utilisant des énergies fossiles à l’horizon 2040. La référence au règlement européen établissant les normes de mesure des émissions des véhicules apporte une clarification utile. C’est pourquoi je suis favorable à votre amendement.

M. Gérard Leseul. Nous proposons quant à nous d’avancer de 2040 à 2030 la date prévue pour la fin de la vente des véhicules neufs utilisant des énergies fossiles. Il s’agit de prendre en compte la durée de vie d’un véhicule, qui est estimée entre douze et quinze ans.

Mme Delphine Batho. Le débat porte sur une masse importante de CO2, compte tenu des émissions du secteur des transports, liées notamment à l’usage de la voiture particulière.

Notre amendement s’inspire de la proposition SD-C1.3 de la Convention citoyenne pour le climat, qui fixe des jalons en 2025 et 2030. La date de 2040, prévue dans la loi d’orientation des mobilités, est en effet beaucoup trop éloignée au regard de l’urgence climatique. Quant à l’objectif fixé à l’article 25, que le rapporteur conserve dans son amendement, il est largement insuffisant puisqu’il ne concernera que 1 % à 2 % des véhicules mis sur le marché en 2030. Nous proposons, pour notre part, de rattraper le retard de la France en la matière, puisque huit pays européens – la Norvège, le Danemark, l’Irlande, les Pays-Bas, la Slovénie, la Suède, l’Écosse et le Royaume-Uni – ont déjà pris l’engagement de mettre fin à la vente de véhicules diesel et essence au plus tard en 2030. Ce faisant, nous répondons au besoin de visibilité et de prévision des acteurs économiques de la filière industrielle automobile, dont la transformation est inéluctable. Il faut en effet permettre à ces derniers d’anticiper les évolutions et leur impact sur l’emploi, la transformation des métiers et la gestion des compétences.

Il s’agit d’envoyer un signal clair favorable au déploiement des véhicules électriques mais aussi au développement des filières du biogaz et de l’hydrogène, dont les performances environnementales doivent encore s’améliorer, et au report modal vers les solutions les plus sobres en carbone. Cet amendement a été élaboré en lien avec le Réseau Action Climat.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends le souhait de nos collègues. Certes, de nombreux pays européens ont déclaré qu’ils interdiraient la vente de véhicules utilisant des énergies fossiles en 2030 ou 2035 mais, à ce stade, seule la France a inscrit cette interdiction, qu’elle a fixée à 2040, dans la loi. Par ailleurs, nous suivons la proposition de la Convention citoyenne pour le climat, qui a souhaité que soit fixé un jalon intermédiaire. C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. La question a fait l’objet de nombreux débats lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités. Bien entendu, le Gouvernement souscrit à l’objectif de décarbonation des transports terrestres, mais le délai ne paraît pas suffisant pour avancer de 2040 à 2030 l’objectif de fin de vente des voitures et véhicules utilitaires légers (VUL) utilisant des énergies fossiles. Peu de pays se sont fixé un tel objectif, et la trajectoire définie par la France est similaire à celle de pays tels que l’Espagne et le Canada.

Certains États européens vont plus loin dans les intentions, mais le droit européen ne permet pas aux États membres d’interdire sur leur territoire l’immatriculation ou la vente de véhicules conformes à la réglementation européenne et qui ont fait l’objet d’une homologation. Nous agissons dans le cadre des négociations européennes sur les règlements d’émission des véhicules afin de chercher une convergence entre les pays pour acter un horizon commun et décider une véritable fin de la vente des véhicules utilisant des énergies fossiles.

J’émets par conséquent un avis défavorable à ces amendements.

M. Gérard Leseul. Si nous avançons à 2030 l’interdiction de la vente de véhicules neufs utilisant des énergies fossiles, il conviendra d’adopter des mesures d’accompagnement social, notamment des prêts à taux zéro, pour permettre à l’ensemble de la population d’acquérir un véhicule propre ; nous y reviendrons.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Les transports sont l’une des principales sources d’émission de gaz à effet de serre, ainsi que d’autres pollutions – particules, bruit – qui ont des effets très importants sur notre santé. Les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont défini une trajectoire ambitieuse ; les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et du Haut Conseil pour le climat nous demandent des mesures plus volontaristes, et les pays européens eux-mêmes réfléchissent à une trajectoire d’interdiction des véhicules utilisant des carburants fossiles d’ici une quinzaine d’années.

Je propose donc d’interdire dès 2035, et non en 2040, la vente de véhicules thermiques à carburant fossile et de poser un jalon en 2028. Il faut être très ambitieux : nous devons développer à la fois les infrastructures de recharge et une filière française et européenne de véhicules électriques, de la fabrication au recyclage, en soutenant nos constructeurs. Nous pouvons réaliser cette transition dans les dix années qui viennent en utilisant notre mix électrique décarboné ; cela créera beaucoup d’emplois. Ne soyons pas à la traîne des autres pays européens qui s’engagent déjà dans cette voie : soyons très volontaristes !

M. Jean-Luc Fugit. Je veux tout d’abord rappeler qu’outre les émissions de CO2, le secteur des transports est responsable, selon les chiffres de 2019, de 19 % de la pollution due aux particules et, surtout, des deux tiers de la pollution due aux oxydes d’azote.

Je rappelle, en tant que rapporteur du titre de la LOM consacré au développement de mobilités plus propres – car la mobilité propre n’existe pas – que nous avons prévu d’interdire la vente des véhicules utilisant des carburants fossiles d’ici à 2040. Rien ne nous empêche donc de prendre des mesures avant cette date, comme en témoigne notamment la trajectoire que nous avons définie pour le verdissement des flottes. J’ai ainsi déposé un amendement qui vise à poser un jalon supplémentaire en 2032, en interdisant à cette date la vente des véhicules neufs qui fonctionnent exclusivement avec des énergies fossiles : essence, diesel et gaz. Il s’agit de donner de la visibilité aux constructeurs et de présenter à nos concitoyens un objectif clair et facile à comprendre. Je propose, en outre, d’inclure dans l’objectif de 2040 d’autres types de véhicules tels que les autobus, les poids lourds et les deux roues, que nous avions laissés de côté, et de revenir à l’analyse du cycle de vie.

M. Damien Adam, rapporteur. Je veux tout d’abord remercier M. Zulesi pour son amendement, qui me paraît beaucoup mieux rédigé que l’article 25. Je regrette néanmoins qu’il retienne la notion obsolète de NEDC, qui n’est plus utilisée que par les constructeurs chinois pour communiquer sur des autonomies plus importantes. L’Union européenne, la France en particulier, utilise désormais la norme Worldwide Harmonised Light vehicles Test Procedure (WLTP), dont je rappelle qu’elle a été définie après le « dieselgate ».

M. Raphaël Schellenberger. Tout d’abord, n’étant guère familier du code de l’environnement, j’avoue avoir les yeux qui piquent lorsque je lis l’amendement de notre rapporteur. Non seulement il est difficile à déchiffrer, mais il comporte des acronymes et fait référence à des textes susceptibles d’évoluer plus vite que la loi. En somme, sa rédaction me semble assez discutable au plan juridique.

Ensuite, votre stratégie ne prend absolument pas en compte le cycle de vie global des véhicules. Or, ce qui importe désormais, ce n’est pas seulement la pollution qu’émet un véhicule lorsqu’il roule, c’est aussi celle que produit sa construction, sa destruction et son recyclage. Vous pointez du doigt le véhicule à moteur thermique, que vous considérez comme polluant par nature, en écartant les débats sur les biocarburants, notamment le biogaz, au nom du dogme du tout électrique. Mais celui-ci sera très difficile à mettre en œuvre concrètement. Ces dispositions sont donc des vœux pieux. Qui plus est, je le répète, je ne comprends pas que l’on puisse voter une loi rédigée de cette manière.

M. Bruno Millienne, président. Je vous rassure, monsieur Schellenberger : l’adoption de l’amendement du rapporteur ne clorait pas la discussion pour autant. Nous pourrons y revenir en séance publique.

Mme Delphine Batho. L’article 73 de la loi d’orientation des mobilités que l’article 25 tend à modifier a une portée normative faible, puisqu’il a trait aux objectifs que la France se fixe en matière d’interdiction des véhicules à moteur thermique. Néanmoins, la question est importante.

La Convention citoyenne n’a pas fait qu’une proposition concernant l’industrie automobile et l’évolution de la voiture individuelle ; elle a présenté un ensemble de mesures cohérent, incluant notamment le malus au poids, une taxe sur les tarifs d’assurance prenant en compte les émissions de CO2 et le poids, la location de longue durée. De fait, je le rappelle, tous les gains d’efficacité énergétique réalisés ces dernières années ont été effacés par l’augmentation du poids des véhicules. J’ajoute que l’urgence est tout autant d’ordre climatique que d’ordre sanitaire.

J’ai constaté, dans le cadre de mon rapport sur l’industrie automobile, que le leitmotiv de la filière est la prévisibilité des règles et des normes. Un délai de dix ans est extrêmement raisonnable à cet égard. Nous avons retenu la date de 2030 car c’est celle qui est fixée par le GIEC.

Mme Valérie Petit. Je soutiens l’amendement de réécriture du rapporteur. Je suis d’accord avec M. Colas-Roy sur la nécessité de rehausser nos exigences, mais M. Leseul a également raison : nous devons être attentifs à l’impact social de telles mesures. C’est pourquoi nous proposons que, dans trois ans, nous évaluions, sur le fondement d’une étude d’impact environnemental mais aussi social et économique, la probabilité d’atteindre l’objectif fixé et que nous procédions, le cas échéant, à un ajustement de la loi.

Mme Isabelle Florennes. Je soutiens, pour ma part, les amendements identiques de M. Adam et de M. Fugit qui tendent à assigner à l’État l’objectif de déployer 7 millions de bornes de recharge de véhicules électriques d’ici à 2030. Nous en sommes très loin, puisque les bornes publiques seraient actuellement au nombre de 32 000. C’est un point sur lequel j’insiste auprès de la métropole du Grand Paris et des collectivités franciliennes. En effet, on a raison de vouloir développer l’usage des véhicules électriques, mais encore faut-il donner aux particuliers les moyens de les recharger et accompagner les métropoles et les grandes villes pour qu’elles installent les infrastructures. Il serait utile, me semble-t-il, de fixer une date butoir. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un véritable enjeu ; j’espère que nous y reviendrons en séance publique.

M. Vincent Descoeur. Outre que réécrire complètement un article par voie d’amendement revient à faire peu de cas du travail des collègues, cette modification du calendrier soulève un certain nombre de questions.

Votre proposition se fonde-t-elle sur une étude d’impact ? Quelles mesures nouvelles proposez-vous pour accompagner les propriétaires de véhicules mais, aussi, la filière, en amont et en aval ? Je pense aux jeunes qui s’engagent dans une formation en mécanique et à celles et à ceux qui ont des projets de reprise d’activité – garages, ateliers de mécanique générale.

M. François-Michel Lambert. Une telle réécriture peut en effet susciter des interrogations sur l’article originel…

Nous traitons d’une question technologique mais sommes-nous capables de travailler sur celle des mobilités contraintes – pour les passagers – ou désordonnées – pour les marchandises – alors que les gains à escompter peuvent être très importants ?

De plus, nous devrons nous interroger sur ces voitures hybrides « ventouses » dont l’autonomie n’est que de 30 kilomètres et qui stationnent pendant des heures devant les bornes de recharge électrique en interdisant ainsi toute rotation. Ce sont là aussi autant de réponses aux enjeux qui se posent.

Je voterai l’amendement du rapporteur en toute confiance.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je soutiens bien sûr cet amendement.

Il est vrai que l’on peut regretter une réécriture qui fait tomber autant d’amendements mais, fort heureusement, ce travail en commission permettra d’en présenter de nouveaux en séance publique. De plus, la modification des articles relève tout de même du travail parlementaire !

Nous sommes tous d’accord pour aller beaucoup plus vite mais le défi industriel est immense pour un secteur qui concerne 10 ou 12 millions d’Européens. Je ne sais pas le temps qu’il faut pour développer un moteur mais regardons où nous en sommes depuis les premiers véhicules électriques : un écosystème, un accompagnement sont nécessaires tant ces cycles sont particulièrement longs.

Sur un plan social, il est un peu facile de prétendre qu’un accompagnement suffit. Ce n’est pas comme cela que ça marche ! Aujourd’hui, à Rodez, un sous-traitant très important qui fabrique des injecteurs pour les moteurs diesels annonce la suppression de 750 emplois alors que nous nous projetons dans un horizon bien plus lointain !

Nous savons tous que la transition énergétique et écologique déplace de la valeur : elle en détruit et en recrée mais pas au même endroit, pas dans les mêmes pays, ni avec les mêmes formations pour ces différents acteurs. Il n’est pas possible, en neuf ans, de faciliter la transition à travers un simple accompagnement. Nous avons besoin de temps.

Enfin, nous donnons une date plancher. Tant mieux si l’Europe va plus vite, décide d’investir massivement et si le comportement des Français évolue plus rapidement, mais la loi ne peut pas décider de ce qu’ils feront ou non demain.

M. Bruno Millienne, président. La norme Euro 7, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025, est particulièrement contraignante et fait beaucoup réfléchir les constructeurs automobiles, certains nous ayant confié qu’à partir de cette date, ils ne produiraient plus que des voitures hybrides ou 100 % électriques. Comme quoi, lorsque l’Europe se montre un peu coercitive, les choses peuvent bouger.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les cycles WLTP et NEDC sont explicitement définis dans la législation européenne et cet amendement y est conforme.

Il n’y a jamais de solution unique mais une récente étude de l’ADEME, l’Agence de la transition écologique, montre encore que l’analyse du cycle de vie des véhicules électriques est meilleure que celle des véhicules thermiques, même s’ils sont un peu lourds et même dans des pays comme la Pologne où la production d’électricité est plus carbonée.

Il est vrai que l’un des freins à l’acquisition de tels véhicules est lié aux bornes, les aides – primes à la conversion, bonus écologiques – étant quant à elles très efficaces.

J’ajoute que des aides ont été débloquées pour l’installation de bornes privées dans les habitations et que nous sommes en train de lever les derniers obstacles pour les copropriétaires puisque le droit à la prise est désormais effectif.

Nous avançons donc, de même en matière de crédit d’impôt. Nous visons un objectif de 100 000 bornes publiques en 2021-2022. On en compte à ce jour 35 000, plus de 2 000 sont installées chaque mois et tous les signaux montrent que ce sera exponentiel, ce qui est une très bonne nouvelle. Par ailleurs, des bornes à recharge rapide seront également installées. Un cercle vertueux est donc en train de s’enclencher alors que, jusqu’ici, nombre de bornes ne voyaient guère de voitures !

La commission adopte l’amendement CS3062 et l’article 25 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements se rapportant à l’article 25 tombent.

Après l’article 25

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1215 de M. Benoit Simian.

Amendement CS4630 de M. Jean-Charles Colas-Roy.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Avec les 30 milliards d’euros du plan de relance et un objectif de 100 000 bornes pour 2021, la France « met le paquet » pour développer les infrastructures de recharge mais il convient également d’intensifier le développement des bornes de recharge dans les copropriétés.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il convient en effet d’accélérer cette trajectoire mais un décret n’est pas nécessaire.

De plus, dans les copropriétés et les propriétés privées, l’installation de ces bornes relève de la décision des propriétaires et une inscription dans la loi ne saurait être contraignante.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. 90 % des recharges de véhicules électriques s’effectuant à domicile, le Gouvernement partage votre objectif de renforcement des installations, notamment dans le résidentiel collectif où ce déploiement peut être plus difficile.

Des mesures ont été prises en ce sens dans la loi d’orientation des mobilités, dont les articles 64 et 69 renforcent significativement le droit à la prise et les obligations de pré‑équipement des bâtiments résidentiels neufs.

Il convient en effet d’accroître les équipements des bâtiments résidentiels existants et de faciliter le plus possible le parcours utilisateur.

La mise à disposition obligatoire de bornes est cependant problématique compte tenu du droit de la propriété et des coûts afférents à une telle mesure. Je vous propose de retirer votre amendement et de travailler d’ici la séance publique pour trouver une solution plus opérationnelle.

M. Jean-Charles Colas-Roy. J’entends ces explications et je le retire en souhaitant en effet que, d’ici la séance publique, nous puissions travailler en ce sens.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1071 de M. Vincent Descoeur, CS1429 de M. Thibault Bazin et CS4961 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Vincent Descoeur. Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences pour l’ensemble de la filière automobile de l’électrification des flottes publiques et privées.

Je profite de cette prise de parole pour reposer ma question, à laquelle il n’a pas été répondu : quid de l’étude d’impact sur cette trajectoire en amont – le rapporteur général a rappelé la situation à Rodez – mais également en aval de la filière, en particulier pour les nombreux professionnels de l’entretien, de la réparation, de la distribution de carburant ? Je rappelle que 150 000 entreprises et 500 000 emplois sont concernés et que des jeunes viennent de choisir ou choisiront bientôt ce type de formations.

Je le répète : une telle évolution doit être anticipée et ne se limite pas à la seule question du changement de motorisation. L’enjeu économique et social mérite que nous nous appesantissions un peu plus sur ces questions.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il convient en effet d’anticiper les besoins de la filière et c’est pourquoi le contrat stratégique de la filière automobile se décline en quatre volets, dont l’un est consacré à l’anticipation de l’évolution des besoins en compétences et en emplois. Nous aurons donc les informations souhaitées.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La loi d’orientation des mobilités a fixé des objectifs de taux de renouvellement des flottes de véhicules publics et privés en véhicules à faibles émissions, dont les véhicules électriques font partie. Son article 188 prévoyait la remise au Parlement d’un rapport en 2020 concernant les conséquences de ce renouvellement sur l’emploi et les actions permettant de faire évoluer les salariés et les emplois pendant la transition vers la fin progressive de la vente de véhicules légers thermiques, ce qui a été fait.

De plus, les conséquences du développement des véhicules électriques sur la filière automobile font l’objet d’échanges réguliers avec les industriels, notamment dans le cadre du comité stratégique de la filière automobile.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. Ce comité n’a pas vraiment témoigné de ses capacités d’action.

Élu d’un département voisin de l’Aveyron, j’ai entendu parler, il y a dix-huit mois, d’une diversification possible des activités et, aujourd’hui, il est question de supprimer 750 emplois à Rodez. Il faut vraiment mettre sur la table la question des conséquences économiques et sociales de tels bouleversements.

M. Bruno Millienne, président. Un contrat stratégique de filière a été défini par le comité stratégique de la filière automobile.

M. Vincent Descoeur. Dont l’efficacité reste à prouver.

La commission rejette les amendements.

Section 2
Autres dispositions

Avant l’article 26

Amendements CS2691 de M. Matthieu Orphelin, CS4308 de M. Jean-Luc Fugit et CS4636 de M. Jean-Charles Colas-Roy (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il convient de proposer un prêt à taux zéro aux ménages les moins aisés qui ne peuvent pas se permettre d’acheter un véhicule « zéro émission » pour remplacer un véhicule polluant tant le reste à charge demeure trop important. Si les véhicules non polluants coûtent moins cher à l’usage, leur achat n’est toujours pas accessible au plus grand nombre.

L’objectif est d’octroyer 1 million de prêts à taux zéro par an pour pouvoir acheter également un vélo, un vélo électrique, un vélo cargo ou pliant.

M. Jean-Luc Fugit. Cet amendement a été élaboré avec le Réseau Action Climat, le Secours Catholique et WWF France.

Vous savez combien je suis attentif à tout ce qui pourrait améliorer la qualité de l’air mais l’ambition environnementale ne saurait faire l’impasse sur la justice sociale. Or, force est de reconnaître que nos concitoyens les plus modestes rencontrent des difficultés.

Je salue le dispositif de micro-crédits Mobilité mais il ne touche pas tous les ménages qui pourraient y prétendre. C’est pourquoi nous proposons un prêt à taux zéro « mobilités » permettant de s’adresser aux 20 % des ménages les plus modestes.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Les zones à faibles émissions mobilité impliqueront des restrictions de circulation aux véhicules les plus polluants et certains ménages modestes pourront en effet avoir des difficultés pour changer leur véhicule. Il convient donc de les accompagner.

Suite aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat, dont la feuille de route prévoyait la réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 dans un esprit de justice sociale, nous proposons donc un prêt à taux zéro « mobilités ». Réussir la transition écologique suppose d’« embarquer » les plus modestes.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour accompagner les plus modestes et leur permettre d’acquérir des véhicules propres – je pense notamment au plan de relance et à différents projets de loi de finances proposant des aides à l’acquisition pouvant atteindre 7 000 euros. J’ajoute que l’État propose une surprime et que, d’ores et déjà, les concessionnaires peuvent proposer des prêts à taux zéro.

Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Afin de permettre l’acquisition par les ménages les plus modestes d’un véhicule peu polluant, le Gouvernement prépare un dispositif de micro‑crédit avec garantie de l’État ; 30 millions issus du plan de relance y seront consacrés. Ce dispositif s’articule avec la prime à la conversion afin de permettre, en cas de mise au rebut d’un véhicule ancien, de minorer le reste à charge.

À l’inverse, un prêt à taux zéro ne permettrait pas de toucher les ménages exclus du système bancaire et ne présenterait qu’un faible intérêt financier pour les ménages éligibles compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt.

Enfin, ce micro-crédit touchera 20 % des ménages les plus modestes, donc, les mêmes que ceux qui sont visés par le prêt que vous proposez.

Demande de retrait, sinon, avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. Pendant ma carrière professionnelle, j’ai eu l’occasion de proposer des crédits à des particuliers et à des entreprises et je peux vous assurer que les banques peuvent offrir les frais de dossier aux personnes les plus modestes.

Ce prêt à taux zéro me semble très intéressant. Le micro-crédit proposé par le Gouvernement ne pourrait-il être transformé en ce sens ? Nous devons absolument trouver un équilibre pour que tous les foyers puissent avoir accès au crédit.

M. Gérard Leseul. Je ne suis pas certain que la gratuité des frais de dossier soit une solution, si généreuse soit-elle, mais la différence est fondamentale entre le micro-crédit et le prêt à taux zéro, celui-là supposant un taux d’intérêt élevé afin, précisément, de couvrir les frais de dossier et de gestion du prêt, à défaut de couvrir le risque de non-remboursement puisque la garantie de l’État s’applique. Cela ne me semble pas raisonnable pour des populations fragiles. Je soutiens donc tout ce qui ce qui pourra favoriser le développement des prêts à taux zéro.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2835 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Delphine Batho. Il s’agit d’un amendement de repli.

Pouvez-vous donner des précisions, madame la ministre, sur le déploiement de ce micro-crédit ?

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. La remise d’un rapport ne me semble pas nécessaire puisque les prêts à taux zéro existent déjà. J’ajoute que le délai que vous envisagez – deux mois à compter de la promulgation de la loi – est problématique. Sans doute pourriez‑vous envisager un délai un peu plus long si vous souhaitez revenir sur cette question en séance publique !

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

Le déploiement de ce micro-crédit aura lieu en avril.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3951 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. L’État doit être le fer de la lance de la transition écologique en revoyant à la hausse les ambitions de son parc automobile définies à l’article 76 de la loi d’orientation des mobilités (LOM).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement est satisfait. Les véhicules à faibles émissions sont définis comme émettant moins de 60 grammes de CO2 par kilomètre mais il n’y a pas de limite minimale : les véhicules à très faibles émissions – moins de 20 grammes de CO2 – sont donc couverts par la mention « véhicules à faibles émissions ».

Demande de retrait.

M. Alexandre Holroyd. Je le retire donc pour le retravailler en vue de la séance publique et m’assurer qu’il ne sera pas satisfait afin d’être adopté !

L’amendement est retiré.

Amendement CS4261 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. Il faut accélérer la trajectoire de verdissement des flottes professionnelles des véhicules légers et relever le niveau requis de véhicules à faibles émissions dans le cadre du renouvellement des flottes publiques et privées.

Dans une logique d’exemplarité, l’État et les collectivités sont particulièrement concernés mais les objectifs des entreprises doivent être aussi révisés à la hausse. Il convient également d’étendre le champ des entreprises concernées à toutes celles dont le parc est supérieur à cinquante véhicules, la LOM ayant fixé ce seuil à cent.

Plus globalement, il s’agit de faire baisser plus encore les émissions de CO2, conformément aux ambitions de la Convention citoyenne pour le climat, mais aussi celles des oxydes d’azote dans les centres urbains les plus denses. Je vous propose un « en même temps » utile !

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous avons tous envie d’aller plus vite et nous devrons travailler à des amendements en ce sens en vue de la séance publique.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous le savez, monsieur Fugit, j’ai toujours envie d’aller plus vite et plus loin mais si nous voulons y parvenir, une certaine visibilité s’impose. Les objectifs que vous avez rappelés ont été définis en 2019 après de longs débats pendant l’examen de la LOM. Faisons en sorte de les atteindre avant de vouloir les amplifier ! Le cas échéant, rien n’empêche d’ailleurs qu’ils soient dépassés, y compris par l’État exemplaire.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Jean-Luc Fugit. Je le retire et je contribuerai au travail en vue de la séance afin que Mme la ministre approuve les amendements qui seront défendus !

L’amendement est retiré.

Amendement CS3657 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Depuis le vote de la LOM, le monde a changé. Lorsque nous parlions de véhicules électriques ou à très faibles émissions, il y a deux ans, nous ne savions pas trop où nous nous embarquions. Aujourd’hui, nous sommes absolument certains que les moteurs électriques remplaceront les moteurs thermiques.

À partir de 2030, l’État doit acheter 95 % de véhicules très propres, l’objectif défini dans la LOM étant de 50 %. Outre que cela constituerait une aide importante pour la filière automobile, l’État se montrerait ainsi exemplaire.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je ne suis pas persuadé que la fixation de cet objectif soit une bonne idée. Je vous invite à un travail commun pour définir un niveau partagé par l’ensemble des acteurs.

M. Damien Adam. Je connaissais votre réponse avant de présenter mon amendement, que je retire ! J’attends impatiemment le travail qui sera mené.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3634 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Il vise à accélérer la trajectoire de verdissement des flottes d’entreprises lors de leur renouvellement voté dans la LOM. Il convient de passer d’un taux minimum de 50 % à 70 % d’achat de véhicules à faibles émissions lors du renouvellement annuel des parcs automobiles à l’horizon de 2030.

Renault a annoncé un objectif de 30 % de vente de véhicules électriques et de 35 % d’hybrides en 2025. Autant dire que les 100 % seront atteints en 2030. Tous les grands constructeurs automobiles, Ford, Jaguar, Land Rover, se situent dans la même perspective.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable pour les raisons précédemment exposées.

M. Damien Adam. Je ne pensais pas que votre avis était le même pour l’État, les collectivités et les entreprises privées. Dès lors, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1999 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il convient de lever le blocage exercé par certains constructeurs dans le processus de transformation des véhicules thermiques en véhicules électriques.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Vous avez raison, il faut aller loin en matière de conversion, ou rétrofit, électrique. Je salue à cet égard le travail réalisé, notamment par notre collègue Damien Pichereau, pour faire évoluer la réglementation. L’arrêté du 13 mars 2020 prévoit que l’accord des constructeurs ne sera plus obligatoire pour l’homologation, sous réserve qu’un cahier des charges soit respecté. L’amendement est donc pleinement satisfait.

Mme Barbara Pompili, ministre. La dispense de l’accord du constructeur figure en effet dans l’arrêté du 13 mars 2020 pour les voitures et autres véhicules à quatre roues de plus de cinq ans, et les deux ou trois roues de plus de deux ans. L’amendement est satisfait. Je vous demande de le retirer.

M. François-Michel Lambert. C’est tout l’intérêt de la discussion en commission que de clarifier certains points, pour ne pas en polluer l’hémicycle, si j’ose dire. Tous les acteurs du rétrofit savent à présent ce qu’il en est.

L’amendement est retiré.

Amendement CS799 de M. Julien Dive.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. L’amendement ne respecte pas la directive TVA de 2006.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3548 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement de solidarité va dans le sens du projet de loi, celui d’une diminution des émissions de gaz à effet de serre. Il prévoit d’intégrer les camping‑cars au dispositif visant les véhicules les plus polluants. Le malus écologique s’applique aux véhicules de tourisme. Or les camping-cars appartiennent à la catégorie des véhicules à usage spécial. L’amendement n’étend toutefois pas le dispositif aux résidences mobiles terrestres utilisées à titre de résidence principale.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends votre objectif mais les critères que vous proposez – un malus au poids pour les véhicules de plus de 1 800 kg – sont les mêmes que ceux retenus pour les automobiles. L’amendement paraît donc disproportionné. C’est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La notion de véhicules de tourisme, qui désignait à l’origine les seules voitures particulières, s’est progressivement élargie. Elle comprend désormais certains véhicules utilitaires qui, de facto, sont destinés uniquement au transport de personnes et, depuis le 1er janvier 2019, les pick-ups d’au moins cinq places.

Le contexte ne se prête pas à un nouvel élargissement, qui ne serait pas neutre. D’une part, il serait nécessaire d’en apprécier les conséquences sur le plan industriel et d’offrir un minimum de prévisibilité aux opérateurs économiques concernés, ce qui est précieux dans le contexte que nous connaissons. D’autre part, sans analyse des solutions techniques de remplacement et des moyens de les encourager, la proposition constitue uniquement une hausse d’impôts pour les ménages. En tout état de cause, le barème existant sur les émissions de CO2 n’est pas calibré pour les caravanes. Son application conduirait à des montants rédhibitoires de taxe pour la vente de ces véhicules. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement.

M. Jimmy Pahun. N’y a-t-il pas moyen de le retravailler d’ici à la séance ? Je conviens qu’un dispositif spécifique est nécessaire.

M. Bruno Millienne, président. Rien ne vous empêche de retravailler l’amendement pour le redéposer en séance, dans une meilleure rédaction. Visiblement, les critères doivent être modifiés.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. En effet, vous pourrez travailler l’amendement à partir des remarques et propositions que nous avons faites et le redéposer en séance, sans préjuger de l’avis qui sera donné.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2228 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. L’amendement ouvre une série d’amendements portant sur le poids des véhicules. Il a pour objet d’intégrer le critère du poids dans le calcul du malus automobile.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avec Mme la ministre, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet, notamment depuis quatre ans. Dans la loi de finances pour 2021, nous sommes parvenus à un malus au poids pour les véhicules de plus de 1 800 kg, qui paraît pertinent. Il existe également un malus CO2, qui pourra atteindre 30 000 euros en 2021, 40 000 euros en 2022 et 50 000 en 2023. La fiscalité, telle que nous l’avons définie, est pragmatique. Il ne semble pas nécessaire d’abaisser le seuil du malus poids à des véhicules de plus de 1 400 kg.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il s’agit du fameux malus poids, qui a défrayé la chronique et continuera certainement de faire parler de lui, ce dont nous nous réjouissons. Le malus porte en réalité sur la masse des véhicules. Prévu par la loi de finances pour 2021, il entrera en application le 1er janvier 2022. L’idée était d’envoyer un signal pour faire comprendre la nécessité de prendre en compte l’incidence environnementale du poids des véhicules. On devrait déjà analyser son application et ses résultats, avant d’élaborer une éventuelle trajectoire de durcissement. Abaisser dès maintenant le seuil aux véhicules de plus de 1 400 kilogrammes reviendrait à frapper les véhicules de cœur de gamme et pèserait sur les ménages, en alourdissant leur charge fiscale. Analysons donc d’abord les résultats du dispositif, une fois qu’il aura été appliqué.

D’après les nombreux retours que j’ai reçus, l’objectif de décourager l’utilisation des véhicules les plus lourds et les plus polluants pour orienter les ménages vers des produits plus vertueux, a été entendu. Nous verrons comment il sera suivi.

M. François-Michel Lambert. C’est un sujet de friction. On ne peut pas nier que, depuis une vingtaine d’années, la taille et le poids des véhicules ont crû de manière catastrophique. L’augmentation de la longueur des véhicules de près d’un mètre crée de l’encombrement sur les voies publiques. Quant au poids du véhicule, on sait qu’il doit être multiplié par sept pour déterminer les matières premières consommées pour sa fabrication. Permettez-moi, car je suis d’un âge un peu plus avancé que la moyenne de l’Assemblée nationale, d’évoquer la R12 break de ma jeunesse, dans le Gers : monstrueuse à l’époque, elle semble toute petite par rapport aux véhicules actuels.

M. Bruno Millienne, président. Je suis d’accord avec vous, mais n’oubliez pas que le poids des véhicules inclut tous les éléments de sécurité, active et passive, ajoutés depuis cette époque, et qui ont largement contribué à améliorer la sécurité routière.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS721 de Mme Delphine Batho, CS957 de M. Bertrand Pancher, CS4181 de M. Pacôme Rupin (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS721 reprend la proposition SD-C 1.2 de la Convention citoyenne pour le climat. Il s’agit de discuter non de la trajectoire d’évolution du marché automobile, mais de dispositions opérationnelles.

Une logique d’escalade prévaut, avec des voitures toujours plus grosses et plus lourdes. Le poids des véhicules a crû de dix kilos par an depuis cinquante ans : tous les gains d’efficacité technologique ou énergétique ont été effacés. En moyenne, les véhicules tout‑terrain de loisir, dits SUV (sport utility vehicles) émettent 20 % de CO2 de plus qu’une voiture standard. Au niveau national, comme international, ils représentent la deuxième source de hausse des émissions de gaz à effet de serre. Il y a donc une tendance forte du marché automobile, qui ne peut pas continuer – la part des SUV est actuellement de 41 % du marché automobile français.

Les seuils adoptés dans la loi de finances sont notoirement insuffisants. Ils permettent de couvrir 2,6 % des ventes de véhicules…

M. Bruno Millienne, président. Il faut conclure, madame Batho.

Mme Delphine Batho. Le point est important, monsieur le président. Sur d’autres amendements, je ne dirai que « défendu », mais, par rapport à l’urgence écologique, nous sommes là sur un sujet qui n’est pas mineur.

M. Bruno Millienne, président. Nous le savons, et nous comprenons le sens de votre amendement, mais nous perdons du temps lorsque vous me répondez, madame Batho.

Mme Delphine Batho. Nous en perdons aussi quand vous m’interrompez ! Je redemanderai la parole en réponse au rapporteur et à la ministre sur ce sujet, qui n’est pas un petit sujet.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Vous avez raison, madame Batho, ce sujet n’est pas un petit sujet. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes battus depuis le début de la législature, pour créer le malus au poids. Nous avons aussi instauré un malus au CO2, un des plus élevés de l’Union européenne, qui s’ajoute au malus au poids. En 2021, la fiscalité ira jusqu’à 30 000 euros sur certains véhicules.

C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. François-Michel Lambert. Une Renault 12 break pesait moins d’une tonne. Les éléments de sécurité ne suffisent pas à rendre compte des 500 kg de plus d’une Kadjar ou des 800 kg supplémentaires d’un Grand Scenic. Dans tous les cas, ce poids a des conséquences certaines sur la fabrication du véhicule et l’encombrement. Personne ne peut le nier, notamment dans les villes : à rue équivalente, on gare moins de véhicules qu’il y a trente ans.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Je salue l’avancée de la loi de finances pour 2021, qui avait repris ce principe d’un malus sur le poids, avec un seuil fixé à 1 800 kilogrammes, que nous estimons trop élevé. L’amendement CS4181 vise à diminuer progressivement le seuil de déclenchement du malus, de 1 800 kilogrammes en 2022, à 1 600 en 2023 et 1 400 en 2024.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. La décision de faire entrer le critère de la masse dans ce malus, actée dans la dernière loi de finances, aura un effet très dissuasif pour les constructeurs. Cela engage leur manière de concevoir les véhicules à l’avenir. Le critère ayant été inclus dans la loi, tout parlementaire pourra être amené à en modifier les paramètres.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il fallait faire passer le message de l’importance de l’augmentation tendancielle du poids des véhicules pour l’environnement. Les chiffres le montrent, le problème est réel : il faut y apporter une solution. D’après les retours que j’ai reçus, le message est passé auprès des constructeurs.

Il fallait aussi passer le message aux citoyens, ce qui a été fait à travers l’information et les débats que le malus a pu susciter. Le marché du neuf ne concerne pas tout le monde, loin de là. Aujourd’hui, les Français qui ont les moyens d’acheter des voitures d’occasion sont plus nombreux que ceux qui peuvent acheter des véhicules neufs, a fortiori de grandes voitures. Le poids de référence pour le malus pourrait naturellement être baissé. Il s’agissait surtout d’inscrire ce principe « dans le dur », pour lancer le message. Si les parlementaires souhaitent faire bouger les trajectoires, ils le feront. À présent, il faut se laisser le temps de constater l’effet de la mesure, avant de modifier les trajectoires.

C’est pourquoi je vous propose de retirer ces amendements.

Mme Delphine Batho. Le neuf d’aujourd’hui est l’occasion de demain. Le problème n’est pas de passer un message, d’introduire un principe ou de mettre un coup d’arrêt à l’augmentation continue de la taille et du poids des voitures. Il s’agit de les réduire. Or il n’y a pas de trajectoire pour cela. La disposition de la loi de finances vise une petite partie des véhicules, et le message selon lequel le modèle du SUV est fini n’est pas diffusé clairement.

Vous avez refusé les amendements pour interdire la publicité sur les véhicules les plus lourds et les plus polluants. Vous faites de même pour ceux sur le malus poids. J’acte un désaccord majeur sur la méthode. Je conçois que l’on puisse donner une trajectoire différente de celle que je propose, pour susciter une compétition à l’allègement des matériaux, aux matériaux biosourcés, donc à la réduction du poids des voitures. Mais là, il n’y a pas de trajectoire.

Mme Émilie Chalas. J’entends les arguments de la ministre sur le message, qui a été passé haut et fort. En revanche, j’ai cosigné l’amendement CS4181 car il paraît important d’afficher une trajectoire. Je rejoins là la position de Mme Batho, avec des arguments moins virulents.

Vous l’avez dit, le marché du neuf est réservé à certains Français, quand d’autres en sont exclus. Si l’on n’inscrit pas de trajectoire, on subira la production actuelle pendant dix, quinze ou vingt ans, dans le marché de l’occasion, qui est très dynamique. Cela n’incitera pas les producteurs à concevoir les véhicules autrement. Je serais donc d’avis d’inscrire dans la loi à la fois le message et la trajectoire, pour commencer à penser et à dessiner la voiture autrement.

M. Gérard Leseul. Je soutiens ces propos : il faut un message, un signal fort mais surtout une trajectoire. Même si la proposition de l’amendement CS4181 est en deçà de ce que nous aurions souhaité, elle fixe clairement une trajectoire assez courte, qui est acceptable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3625 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Dans la LOM, nous avions voté la prise en charge à 75 % des coûts de raccordement des bornes de recharge publiques par le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE), contre 40 % auparavant. La mesure permettait de réduire les coûts de raccordement d’une borne, qui reviennent généralement à la collectivité en charge de l’urbanisme. L’objectif était d’encourager le développement de la mobilité électrique. Ce taux doit s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2022. L’arrêté prévoyant son application ayant été publié le 12 mai 2020, je propose de prolonger la disposition en 2023 pour tenir nos engagements sur l’installation des bornes de recharge dans les prochains mois.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. C’est une bonne idée. Je propose qu’en vue de la séance, nous travaillions une série d’amendements sur le développement des bornes de recharge. Il s’agit d’avoir une réflexion globale sur le sujet. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je soutiens ce qu’a dit le rapporteur. Le Gouvernement partage l’objectif de l’amendement. La LOM prévoit déjà que le taux de réfaction peut être prolongé jusqu’à la fin de 2025, si la collectivité a rédigé un schéma directeur. Il serait toutefois nécessaire de prolonger aussi la réfaction jusqu’en 2025 pour les bornes installées sur le réseau routier national, qui ne seront pas intégrées à un schéma directeur. Je vous propose de retirer l’amendement pour le retravailler d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Article 26 (article L. 1214-2 du code des transports et article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales) : Incitations au développement de parkings relais ainsi qu’à la mise en place de stationnements sécurisés pour vélos et engins de déplacement personnel

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CS1288 de Mme Frédérique Meunier.

Amendement CS4177 de M. Pacôme Rupin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. L’article tend à favoriser le report modal aux abords des zones urbaines grâce aux parkings relais. Il paraît nécessaire de renforcer son ambition. L’amendement vise à inclure dans les objectifs des plans de mobilité, outre la localisation, le développement de parkings relais.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. S’il était accepté, l’amendement ferait tomber les amendements à l’alinéa 2 dont certains proposent des ajouts relatifs au stationnement des vélos et engins de déplacement personnel, un sujet sur lequel nous souhaitons avancer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je partage l’ambition de l’amendement, mais il ne semble pas opportun de poser de manière générale un objectif de développement, qui doit dépendre du contexte local. Je vous propose donc de le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendements CS3065 du rapporteur et CS2049 de M. Régis Juanico, amendements identiques CS2175 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CS2842 de M. Matthieu Orphelin, CS3477 de M. Hubert Julien-Laferrière et CS3652 de Mme Mireille Clapot, amendements CS3478 de M. Hubert Julien-Laferrière, CS2874 de Mme Florence Lasserre et CS3689 de Mme Fabienne Colboc (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’amendement CS3065 renforce l’ambition de l’article 26, en précisant que les plans de mobilité doivent favoriser, outre la localisation et le nombre de places de stationnement des parkings relais, la mise en place de stationnements sécurisés pour vélos et engins de déplacement personnel. Il renforcera l’intermodalité entre le vélo, la mobilité active et les transports en commun.

M. Gérard Leseul. L’amendement CS3065 fera tomber les autres amendements, mais il va dans le bon sens. Nous le soutiendrons.

Mme Delphine Batho. Je défendrai les amendements CS2842, CS3477 et CS3478. Les citoyennes et les citoyens acteurs de la « vélorution », et le monde associatif du vélo, sont abasourdis devant l’impossibilité de débattre de mesures importantes en faveur du vélo, liées aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat. L’amendement CS2842 rejoint la proposition selon laquelle les plans de mobilité des collectivités doivent prévoir des places de stationnement sécurisées pour les vélos. L’amendement CS3477 de mon collègue Hubert Julien-Laferrière contient des précisions sur le nombre de places. Il a été travaillé avec l’association La ville à vélo et la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je vous invite à retirer vos amendements au profit de l’amendement CS3065 car ma proposition, qui inclut des places de stationnement sécurisées pour les vélos, semble plus large. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement CS3065 vise à intégrer la mise en place de stationnements sécurisés pour les vélos et engins de déplacement personnel à proximité des gares et entrées de villes aux objectifs du plan de mobilité. Le développement du stationnement sécurisé des vélos est un enjeu majeur. Il se trouve au cœur du plan vélo, que nous déployons avec succès depuis 2018. Nous y intégrons certaines mesures pour aider les entreprises à mieux accueillir leurs salariés qui se déplacent à vélo. Alors que le présent projet de loi vise à déployer des parkings de rabattement, il paraît cohérent d’y adosser une stratégie de déploiement des stationnements des vélos.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement CS3065. En conséquence, je vous demande de retirer les autres amendements, qui vont dans le même sens et seraient amenés à tomber si l’amendement du rapporteur était adopté.

L’arbre ne doit pas cacher la forêt. Ce que nous faisons pour le vélo depuis le début du quinquennat a permis à ce mode de transport de progresser fortement. Je m’en réjouis. Les nombreuses mesures prises dans la LOM sur le sujet – nous avons été nombreux à nous investir pour qu’elles soient adoptées – y ont contribué, comme les mesures en matière de CEE, notamment le dispositif coup de pouce vélo, ou le récent décret sur le nombre de places pour les vélos dans les trains. C’est un plan global qu’applique le Gouvernement. Nous travaillons main dans la main avec les associations qui promeuvent la pratique du vélo. Je suis très heureuse de voir que cette pratique explose. Elle va dans le sens des pratiques futures, tout en étant bonne pour la santé.

M. Raphaël Schellenberger. Nous ne sommes pas contre le fait de soutenir le déploiement de stationnements sécurisés pour les vélos, même si ces plans d’aménagement des sites réservent peu d’espace et de marges de manœuvre aux collectivités territoriales, tant on leur dira tout ce qu’il faut mettre dedans.

Je m’interroge toutefois sur ce que sont un engin de déplacement personnel et un stationnement sécurisé pour un tel engin, ainsi que sur la façon dont une collectivité territoriale qui aménage un parking relais mettra ces éléments en place. De plus, la sécurisation des différents types d’engins de déplacement personnel sera différente pour chacun d’entre eux et son coût, élevé pour la collectivité.

Quel sera l’impact normatif de cette mesure ? Le vélo est un mode de transport partagé, il n’en va pas de même pour les engins de déplacement personnel. La mesure se révélera complexe si elle contraint les collectivités à déployer un stationnement pour chaque type d’engin.

Mme Delphine Batho. La ministre évoquait les progrès accomplis. Oui, des progrès ont été accomplis, mais avant la pandémie. Depuis, on a changé d’échelle. Tout le monde parle à juste titre de « vélorution ». L’ampleur des mesures doit encore être accrue. Aujourd’hui, la France connaît une pénurie de vélos. Nous avions des propositions sur la généralisation du forfait mobilités durables, sur les collectivités et le fonds vélo. On peut encore faire plus et mieux pour le vélo que ce qui a été fait.

Je ne retire pas les amendements CS2842, CS3477 et CS3478 car il y a une différence entre prévoir « la mise en place de stationnements sécurisés », comme l’indique l’amendement CS3065 et « le nombre de places de stationnement ». Ce n’est pas la même chose, mais tant mieux si l’on constate un progrès !

M. Gérard Leseul. À défaut d’avoir entièrement sécurisé les parkings relais, Mme la ministre a tenu des propos qui nous rassurent sur l’amendement CS3065. Nous retirons donc l’amendement CS2049.

L’amendement CS2049 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS3065.

En conséquence, tous les autres amendements tombent.

Amendements CS4635 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS3776 de M. Damien Adam, rapporteur thématique (discussion commune).

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je salue l’adoption de l’amendement CS3065. L’amendement CS4635 vise à installer à la fois des stationnements pour les vélos et des places équipées d’infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables. On veut développer le parc de véhicules électriques et hybrides, propres. Ces infrastructures doivent être disponibles dans les parkings relais.

M. Damien Adam. L’amendement CS3776 vise à déployer des places équipées d’infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables sur les parkings relais, afin que le citoyen qui les utilise puisse recharger son véhicule avant de le reprendre.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je remercie Jean-Charles Colas-Roy de son engagement sur ces sujets. La première partie de l’amendement CS4635 est satisfaite par l’adoption de l’amendement CS3065. En revanche, les dispositions sur les places équipées d’infrastructures de recharge s’inscrivent dans la volonté de travailler sur un lot de mesures spécifiques pour la séance. Nous pourrons y exprimer une ambition très forte.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement CS4635 ajoute la question du stationnement pour vélos aux places équipées d’infrastructures de recharge dans les parcs de rabattement. L’adoption de l’amendement CS3065 satisfait sa première partie. Sur la seconde, qui rejoint la préoccupation de l’amendement CS3776, la loi d’orientation des mobilités a créé un outil dédié, le schéma directeur de développement des infrastructures de recharge. Il est élaboré par les intercommunalités compétentes ou par l’autorité organisatrice de la mobilité. La cohérence avec le plan de mobilité est assurée, puisque la planification des infrastructures de charge pour véhicules électriques, notamment dans les parkings publics, est déjà incluse dans les objectifs. La disposition figure au 11° de l’article L. 1214-2 du code des transports, modifié par l’article 26 du projet de loi. Le plan de mobilité peut tenir compte du schéma directeur de développement des infrastructures de recharge. Cela concerne donc bien les parkings relais.

Les deux amendements sont satisfaits. C’est pourquoi je vous demande de les retirer.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je vous remercie pour ces explications. L’amendement CS3065 du rapporteur était mieux rédigé puisqu’il ajoutait des emplacements sécurisés pour les vélos. Je note la volonté de retravailler ce sujet d’ici à la séance. Il peut être intéressant de prendre des mesures dans ce domaine.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CS1045 de M. Pierre Cabaré et CS2328 de Mme Séverine Gipson.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Pour ce qui concerne la gratuité, je rejoins M. Schellenberger, qui invitait à penser à nos collectivités. Il faut leur conserver la faculté de disposer de stationnements payants. C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur les amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je partage l’enjeu du report modal vers des transports collectifs. La politique de tarification relève cependant de la compétence de la collectivité. Je suis attachée au principe constitutionnel de libre administration des collectivités. Par ailleurs, une politique tarifaire incitative peut parfois se révéler plus pertinente que la gratuité.

Je vous suggère donc de retirer vos amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Il s’agissait de la gratuité des parkings relais, non des transports. Malgré tout, si l’on veut favoriser le report modal et l’utilisation de ces parkings, la gratuité paraît être une incitation majeure.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1694 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit d’assurer la cohérence avec les schémas régionaux.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il n’est pas nécessaire d’alourdir la rédaction de l’article L. 1214-2 du code des transports pour préciser qu’il doit être en cohérence avec la politique globale définie dans un autre article de ce code. Pour la clarté du droit, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. François-Michel Lambert. J’entends la remarque du rapporteur, mais, lors des débats en séance sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, nous avons voté de nombreux amendements qui complexifient le droit pénal. Cela n’apportait rien sinon ajouter chiens et chats, par-ci par-là. Il y a d’autres façons de présenter la loi. Je maintiens l’amendement et le présenterai à nouveau en séance.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2705 du rapporteur.

Amendement CS4813 de Mme Sira Sylla.

Mme Huguette Tiegna. Nos concitoyens adoptent de plus en plus les modes de transport individuels électriques, qui constituent une alternative de mobilité urbaine. L’amendement vise à ce que la politique de report modal de la voiture vers d’autres modes de transport, qui intègre le développement des parkings relais conformément aux objectifs des plans de mobilité élaborés par les collectivités territoriales, se fasse en harmonie avec les nouveaux usages de nos concitoyens en matière de mobilité urbaine décarbonée.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement CS3065. Nous travaillerons sur les modalités de recharge des batteries en vue de la séance. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 26 vise à favoriser le développement des parkings de rabattement. Il me paraît cohérent d’y adosser une stratégie de déploiement des stationnements vélo, comme le prévoit l’amendement CS3065 que la commission a adopté il y a quelques instants. L’amendement CS4813 étant satisfait, j’en demande le retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3054 de Mme Catherine Osson.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement pose une difficulté : il conduit à supprimer du code des transports la mention de la « localisation du réseau d’avitaillement à carburant alternatif », qui est une innovation importante de la LOM. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte les amendements rédactionnels CS2709 et CS2713 du rapporteur.

Amendement CS838 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il prévoit que les dispositions de l’article 26 s’appliquent également aux plans de mobilité en cours d’élaboration ou en révision. En outre, les plans de mobilité déjà élaborés devront faire l’objet d’une révision partielle avant le 1er janvier 2025 – cet horizon est tout à fait raisonnable – afin de mettre en œuvre ces dispositions. Cet amendement peut paraître technique, mais il ne l’est pas : s’il n’est pas adopté, les dispositions de l’article 26 ne pourront entrer en vigueur rapidement dans un grand nombre de collectivités.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends votre volonté, mais votre amendement risque de pénaliser les collectivités ayant d’ores et déjà engagé le processus d’élaboration d’un plan de mobilité. Or nous savons à quel point ces collectivités réalisent un travail remarquable en la matière. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je comprends moi aussi votre objectif, mais il est vrai qu’en rendant les dispositions de l’article 26 rétroactives, nous courrions le risque de remettre en cause des plans dont l’élaboration est déjà très avancée – des plans en phase de concertation, par exemple –, retardant ainsi leur publication et leur mise en œuvre. Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Permettez-moi de rappeler la catastrophe qu’ont subie tous les élus locaux, ces dix dernières années, s’agissant des documents d’urbanisme. À chaque fois qu’un document était élaboré, une nouvelle loi le rendait caduc et obligeait les élus à engager un nouveau travail. Une jurisprudence abondante s’est développée en la matière. Ne reproduisons pas la même erreur concernant les documents en matière de mobilité.

Sur le fond, les modifications apportées par l’article 26 se bornent à des déclarations de principe : elles ne changent pas grand-chose aux objectifs d’un plan de mobilité. Aujourd’hui, une collectivité qui boucle un plan de mobilité entend vraisemblablement encourager le report modal de la voiture vers les transports collectifs, notamment via le développement des parkings relais.

Mme Delphine Batho. J’entends ce que vous dites s’agissant des collectivités sur le point d’aboutir ou qui ont déjà fait une bonne partie du chemin. En revanche, je vous demande d’examiner la situation des collectivités qui auraient déjà adopté, récemment, un plan de mobilité : ne devraient-elles pas envisager une révision partielle de ce document ? Nous reviendrons peut-être sur cette question en séance, mais les députés écologistes seront contraints de garder le silence.

M. Bruno Millienne, président. Reconnaissez que ce n’est pas le cas au sein de cette commission ! C’est d’ailleurs à cela que servent nos réunions.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS1107 de M. Bertrand Pancher.

Amendement CS1371 de M. Luc Lamirault.

Mme Valérie Petit. Il vise à rappeler que l’employeur peut prendre en charge les frais de stationnement des véhicules de ses salariés dans les parkings relais.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. C’est une bonne idée, mais votre amendement modifie un article du code du travail uniquement applicable aux salariés utilisant un véhicule pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail lorsque leur commune n’est pas desservie par les transports en commun ou que leurs horaires justifient le recours à un véhicule individuel. Dès lors, il n’est pas possible d’inclure à l’article L. 3261-3 du code du travail le rabattement vers des parkings relais. Je vous demande donc de retirer votre amendement, qui pourrait éventuellement être retravaillé en vue de la séance.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les salariés bénéficient déjà d’un soutien financier de leur employeur, qui prend en charge une partie de leur abonnement aux transports collectifs ; or ce type d’abonnement permet souvent aux usagers d’obtenir un tarif réduit dans les parkings relais. Du fait de cette contradiction, je ne peux accepter votre amendement.

Mme Valérie Petit. Monsieur le rapporteur, vous m’invitez à retravailler mon amendement en vue de la séance, mais auriez-vous des suggestions à me faire ? Je veux bien que vous stimuliez ma créativité.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Compte tenu des éléments juridiques que nous avons mis en avant, votre amendement peut effectivement être amélioré. Je ne peux pas toujours tout renvoyer à la séance, d’autant que nous n’aurons que quelques jours pour élaborer nos amendements ; cependant, je suis prêt à vous adresser une réponse écrite, si vous le souhaitez.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 26 ainsi modifié.

Après l’article 26

Amendement CS4155 de M. Pacôme Rupin.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Il y a un peu plus de dix ans, était initié le réseau de transports en commun du Grand Paris Express, aujourd’hui en cours de réalisation. Ce projet majeur permettra de développer les solutions de déplacement en Île-de-France et de désenclaver un certain nombre de territoires. Cela ne doit pas nous faire oublier que de nombreux Franciliens restent totalement dépendants de l’automobile, notamment dans la grande couronne, et qu’ils ont besoin de parkings relais, notamment près des gares du Grand Paris Express. Nous proposons donc de confier à Île-de-France Mobilités, l’organe stratégique chargé de la gestion des déplacements en région parisienne, le soin d’élaborer un plan stratégique de programmation du développement de ces parkings relais, en collaboration avec la Société du Grand Paris, l’établissement public responsable de la mise en œuvre du nouveau réseau et des investissements.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends tout à fait votre objectif, mais Île‑de-France Mobilités a déjà l’obligation, en application de l’article L. 1214-9 du code des transports, d’élaborer un plan de mobilité. Les dispositions relatives aux parkings relais que nous venons d’adopter à l’article 26 lui seront donc pleinement applicables. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre. Île-de-France Mobilités mène déjà, en lien avec la Société du Grand Paris, des études visant à évaluer les besoins en parcs de rabattement à proximité des gares du Grand Paris Express. Les résultats de ces études alimentent les études de pôle réalisées pour chaque gare par les collectivités. En outre, Île-de-France Mobilités apporte déjà, au titre de ses compétences en matière d’intermodalité, un soutien financier, tant en investissement qu’en exploitation, à la réalisation de parcs de rabattement en gare à l’échelle de toute l’Île-de-France. Son schéma directeur des parcs relais intègre pleinement les gares du Grand Paris Express. Je vous demande donc de retirer votre amendement, qui est satisfait.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Vous dites que notre amendement est satisfait, mais nous pourrions tout de même l’adopter pour insister plus fortement encore sur l’importance du développement des parkings relais en Île-de-France, tant le retard est colossal dans cette région.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS3053 de Mme Catherine Osson, ainsi que les amendements identiques CS90 de M. Éric Girardin et CS93 de M. JeanLuc Bourgeaux.

Amendement CS2323 rectifié de M. Gérard Leseul ; amendements identiques CS3746 de M. Damien Adam, rapporteur thématique, et CS4634 de M. Jean-Charles ColasRoy (discussion commune).

M. Gérard Leseul. Depuis quelques années, du fait de la multiplication des difficultés techniques de déplacement liées notamment à des grèves dans les transports en commun puis à la crise sanitaire, de nombreux employeurs ont été amenés à réfléchir aux modes de déplacement de leurs salariés. Les entreprises ont élaboré des plans de mobilité efficaces. Alors que ces plans étaient initialement obligatoires dans les entreprises d’au moins 100 salariés, la LOM a baissé ce seuil pour y inclure tous les établissements d’au moins cinquante salariés. L’amendement CS2323 rectifié vise, quant à lui, à étendre cette obligation à toutes les entreprises de plus de dix salariés et à l’ensemble des collectivités locales.

M. Damien Adam. Les amendements identiques CS3746 et CS4634 reprennent la proposition de la Convention citoyenne pour le climat visant à rendre obligatoire l’élaboration d’un plan de mobilité par les employeurs et les collectivités locales. L’objectif principal de cette mesure est que les entreprises et les collectivités proposent aux salariés d’autres solutions de déplacement que la voiture individuelle. Les plans de mobilité devront notamment encourager et faciliter l’usage des transports en commun, ainsi que le recours au covoiturage et aux autres solutions de mobilité partagée ou active. Ils pourront également servir à sensibiliser les salariés aux enjeux de l’amélioration de la qualité de l’air.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’élaboration d’un plan de mobilité est déjà obligatoire pour certains employeurs, en application de l’article L. 1214-8-2 du code des transports. Je ne suis pas favorable à une extension de cette obligation – je vous renvoie notamment à l’excellent travail que nous avons réalisé sur les seuils dans le cadre de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP).

Mme Barbara Pompili, ministre. Considérant que l’obligation d’élaboration d’un plan de mobilité, instaurée en 2017 par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, n’avait été que très peu respectée par les entreprises, la LOM a supprimé cette exigence au profit d’une négociation annuelle obligatoire sur les enjeux de mobilité en entreprise. Cependant, la Convention citoyenne pour le climat a proposé de rendre obligatoire l’élaboration d’un tel plan pour toutes les entreprises employant au moins onze salariés sur un même site. De ce fait, une concertation est en cours avec les partenaires sociaux au sujet de l’opportunité de revenir sur cette obligation et de la taille des entreprises qui pourraient être concernées. Dans l’attente des résultats de cette concertation, je demande le retrait des amendements.

M. Raphaël Schellenberger. J’attends avec impatience le projet de loi portant simplification et allégement des lourdeurs administratives pesant sur les TPE et les artisans ! Nous avons tous, dans nos circonscriptions, des PME, des PMI et des artisans employant dix à vingt salariés dont 80 % viennent des trois communes situées autour de leur lieu de travail. Ils n’ont pas d’autre choix que de se déplacer avec leur véhicule personnel. Ce qui peut être fait – le covoiturage, par exemple – est organisé de façon très instinctive par les salariés. Il n’est pas toujours utile de développer des plans ou d’imposer des démarches administratives aux entrepreneurs, dont ce n’est pas le métier. Ils devront alors faire appel à des bureaux d’études, en faveur desquels on votera des allégements fiscaux… Vive la bureaucratie !

M. Gérard Leseul. Je suis très sensible à l’argumentation développée par M. Schellenberger. Il n’est pas question d’alourdir les contraintes pesant sur les petites entreprises : notre amendement ne s’appliquerait pas aux artisans, mais aux seules structures de plus de dix salariés. Par ailleurs, pour les nombreuses entreprises dont les salariés viennent des deux ou trois communes alentour, le plan de mobilité sera très facile à élaborer – nul besoin de faire appel à un cabinet de conseil. Cela dit, j’accepterai de retirer mon amendement.

M. Damien Adam. La mise en œuvre d’un plan de mobilité pourrait constituer une mesure de simplification : si les salariés peuvent accéder plus facilement à leur lieu de travail, l’organisation et la vie de l’entreprise s’en trouveront facilitées.

Madame la ministre, avez-vous une idée de la date à laquelle la concertation avec les partenaires sociaux va aboutir ? Je veux bien retirer mon amendement, mais devrai-je le redéposer en séance dans quinze jours ? Faudra-t-il attendre une éventuelle nouvelle lecture du projet de loi ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous ne sommes qu’au début des négociations. Nous espérons avoir des résultats à vous communiquer à la fin du mois d’avril – sous toutes réserves.

M. Gérard Leseul. Si j’avais su que nous devrions attendre la fin du mois d’avril, je n’aurais peut-être pas annoncé que je retirerais mon amendement…

Mme Barbara Pompili, ministre. La transparence a ses limites !

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CS1015 de Mme Frédérique Meunier, CS1888 de M. Thibault Bazin, CS2237 de M. Pierre Vatin, CS2298 de M. Maxime Minot, CS2574 de Mme Véronique Louwagie, CS2862 de M. Xavier Batut, CS2990 de Mme Agnès Thill, CS3296 de M. François Pupponi, CS3494 de Mme Sylvia Pinel, CS3599 de M. Stéphane Peu et CS4253 de Mme Carole Bureau-Bonnard ; amendement CS5002 de Mme Danièle Hérin (discussion commune).

M. Raphaël Schellenberger. Nous souhaitons réduire l’obligation faite aux collectivités territoriales de créer des places de stationnement pour les véhicules motorisés à hauteur d’une place de stationnement destinée aux voitures pour la mise à disposition d’infrastructures ou d’espaces sécurisés permettant le stationnement de six vélos.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cette idée, à laquelle je souscris, a suscité beaucoup d’intérêt, au vu du nombre d’amendements identiques déposés. Cependant, la notion de réduction « d’une aire de stationnement » est floue au sens du code de l’urbanisme. Je vous propose donc de retravailler sur cet amendement en vue d’une victoire collective en séance.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le dispositif proposé s’ajoute au principe de compensation déjà prévu par l’article L. 151-31 du code de l’urbanisme au bénéfice du stationnement des véhicules électriques. Il répond à un objectif de sobriété foncière et de développement des modes doux, que nous ne pouvons évidemment qu’encourager. Cependant, les amendements sont rédigés de telle sorte que cette dérogation aux règles du plan local d’urbanisme (PLU) s’appliquerait de droit, au moment de l’octroi du permis, sans que le maire puisse s’y opposer en raison du contexte particulier de sa commune en matière de stationnement. Or il me semble important de ne pas dessaisir totalement le maire de son pouvoir d’appréciation dans ce domaine. Par ailleurs, le ratio d’un pour six doit pouvoir être soumis à la concertation. C’est pourquoi je vous invite à retirer ces amendements afin de travailler ensemble, dans ce sens, en vue de la séance publique.

M. François-Michel Lambert. Si je vous ai bien compris, monsieur le rapporteur, nous sommes en bonne voie pour qu’un amendement plus cohérent d’un point de vue rédactionnel recueille votre soutien en séance publique. Pouvez-vous nous le confirmer ? Peut‑être auriez-vous pu aussi déposer un sous-amendement…

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je ne peux pas m’engager à ce stade. Il est de mon devoir de relever les difficultés posées par les amendements déposés, qui doivent être améliorés. Je vous invite à travailler sur la notion d’aire de stationnement.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4337 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. Il vise à imposer l’installation d’une infrastructure collective de recharge des véhicules électriques dans les copropriétés comportant un parking de plus de dix places de stationnement. En fixant au 1er janvier 2028 la date d’entrée en vigueur de cette obligation, nous laissons aux copropriétés le temps de s’organiser. Il est important que ces bornes de recharge soient installées de manière rationnelle et que le coût de ces aménagements soit partagé entre l’ensemble des copropriétaires.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement ressemble à l’amendement CS4635 que Jean-Charles Colas-Roy a défendu tout à l’heure. Le caractère obligatoire de l’installation d’une infrastructure collective de recharge va très clairement à l’encontre du droit de propriété. Je ne peux donc y donner un avis favorable à ce stade.

Mme Barbara Pompili, ministre. Tel qu’il est rédigé, cet amendement porte atteinte au droit de propriété. Bien que les coûts d’installation soient probablement très variables d’un bâtiment à l’autre, ils peuvent être élevés. Demande de retrait.

M. Raphaël Schellenberger. Vous vous contredisez un peu. Cet amendement concerne des constructions ou des emplacements privatifs potentiellement équipés ou facilement équipables. Les garages installés au rez-de-chaussée ou au sous-sol des immeubles collectifs disposent généralement d’une alimentation électrique. Faut-il nécessairement installer, au domicile des usagers, un outil de recharge rapide ? Une simple prise électrique ne pourrait-elle pas suffire ? Les équipements de recharge peuvent très bien se caractériser par une certaine sobriété ; or je n’ai pas le sentiment que c’est cette logique que vous poursuivez.

Se pose par ailleurs la question du coût d’exploitation de ces installations, ainsi que de la mutualisation ou de la refacturation des recharges. Recharger un véhicule électrique n’est pas gratuit ! Prenons garde à ne pas rendre les habitats répondant aux nouveaux standards inaccessibles à une partie de nos concitoyens.

M. Jean-Luc Fugit. La seule sobriété que je recherche concerne les polluants, qui affectent la santé de nos concitoyens. Or les véhicules électriques favorisent une mobilité plus propre, moins polluante.

Compte tenu des explications apportées par le rapporteur et le Gouvernement, je retire mon amendement. J’aimerais cependant échanger avec vos équipes, madame la ministre, afin d’envisager quelque chose dont nous pourrions discuter en séance.

L’amendement est retiré.

Article 27 (articles L. 2213-4-1 et L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales) : Création et mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CS3165 de Mme Anne-Laure Blin.

Amendements identiques CS316 de Mme Emmanuelle Anthoine et CS839 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il convient de supprimer l’alinéa 2, qui introduit une dérogation à l’obligation de mise en place d’une zone à faibles émissions mobilité.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il me paraît nécessaire de maintenir des dérogations. En revanche, il serait préférable de revenir aux conditions plus précises définies avec M. Fugit dans le cadre de la LOM – nous y reviendrons dans quelques instants, lorsque je défendrai mon amendement CS2710. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le territoire français est divisé en zones administratives de surveillance (ZAS), au niveau desquelles sont appréciés les dépassements des normes de qualité de l’air ambiant. Ces ZAS, définies par arrêté, peuvent être d’une superficie très importante ; ainsi la ZAS Paris dépasse-t-elle largement le périmètre de l’A86. Si les ZFE-m sont réellement efficaces dans les zones densément peuplées, elles n’en comportent pas moins des contraintes rendant d’autres actions plus pertinentes. La dérogation prévue à l’alinéa 2 vise à conforter la solidité juridique du décret du 16 septembre 2020, qui permet la création de dix ZFE-m dans les principales métropoles polluées en 2021. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2718 du rapporteur.

Amendement CS2710 du rapporteur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il vise à mieux encadrer les dérogations et à les rendre plus strictes, à l’instar de ce que nous avions prévu dans la LOM.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

Mme Valérie Petit. Il ne faudrait pas que l’adoption de cet amendement m’empêche de défendre mon amendement CS3827, qui vise à préciser que la présence d’un mécanisme naturel de captation du carbone ou l’installation d’un mécanisme artificiel ayant le même objet permet de déroger au dispositif de l’article 27. Il convient d’encourager les collectivités à développer des solutions basées sur la nature pour capter le carbone – je pense en particulier aux puits de carbone artificiels fonctionnant grâce à la chimie des algues.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. C’est une excellente idée, qui consiste cependant à séquestrer du CO2 alors que notre objectif est de lutter contre les polluants atmosphériques, notamment contre les particules fines et les oxydes d’azote. L’innovation que vous proposez, quoique très pertinente, ne pourrait se substituer à la création de ZFE-m.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3827 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Nous devons considérer la contrainte environnementale comme une opportunité de développer des nouvelles technologies et des nouvelles pratiques dont les effets ne pourront qu’être positifs. Les puits de carbone artificiels ne font pas que capter le CO2. Je vous invite à soutenir les start-up de ce secteur, implantées notamment dans le Sud‑Ouest, et à favoriser le développement économique de cette filière vertueuse.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je n’ai pas la science infuse, mais je ne vois pas dans quelle mesure les innovations que vous évoquez permettent de lutter contre les polluants atmosphériques, ce qui est, je le rappelle, l’objectif des zones à faibles émissions mobilité. Cela dit, vous avez raison, il faut soutenir les entreprises françaises qui innovent dans ce domaine.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous devons toujours veiller, notamment lorsque nous faisons de la pédagogie auprès de nos concitoyens, à bien distinguer les émissions de CO2 des émissions de polluants. Les ZFE-m visent à lutter contre les émissions de polluants, en particulier d’oxyde d’azote et de particules. Il y a beaucoup de confusion en la matière, et c’est normal – tout le monde n’est pas spécialiste de ces questions.

Il faut évidemment soutenir les innovations, les start-up, et travailler autant que faire se peut sur la compensation carbone et la captation du carbone. Cependant, je commence à observer que beaucoup d’entreprises se soucient davantage de capter le carbone qu’elles produisent que de réduire leurs émissions. Il faudra donc appliquer au carbone le précepte que nous avons mis en œuvre en matière de biodiversité : d’abord éviter, ensuite réduire, enfin compenser. La captation du carbone équivaut, en quelque sorte, à la compensation : elle doit être envisagée en dernier lieu, après que nous nous serons efforcés de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. J’ai parfois l’impression que certaines entreprises considèrent qu’elles peuvent continuer à émettre beaucoup de CO2 – business as usual –, et que ce n’est pas grave puisqu’elles récupéreront et stockeront ce carbone. Je sais que vous être très investie sur ces sujets, madame Petit, et je voulais vous donner mon sentiment général sur la question. Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Je partage le point de vue exprimé par Mme la ministre. Prenons garde que la technologie ne nous empêche de repenser notre modèle de développement ! Je le disais lors de la discussion générale, ce projet de loi souffre d’un manque de travail de fond sur les questions de mobilité contrainte, pour les personnes, et de mobilité désordonnée, pour les marchandises. La France est classée seizième dans le monde et huitième en Europe s’agissant de la performance logistique : nous ne sommes pas bons en la matière. Les experts affirment que nous perdons 20 à 60 milliards d’euros par an du fait d’une mauvaise organisation des flux de marchandises : derrière ce chiffre, il y a de l’énergie consommée et des gaz à effet de serre émis. Nous devons travailler à résoudre ces problèmes de mobilité contrainte et de mobilité désordonnée.

M. Raphaël Schellenberger. Éviter et réduire ne suffiront pas à diminuer visiblement notre empreinte carbone et à relever le défi climatique : il faudra compenser. L’amendement de Mme Petit est bien écrit. Il ne ferme aucune porte mais souligne une ambition. Il montre que nous faisons confiance à notre intelligence, à l’innovation et au progrès pour compenser nos émissions de gaz à effet de serre et gagner notre combat contre le changement climatique.

Mme Frédérique Tuffnell. Vous le savez, je suis attachée à tout ce qui peut contribuer à réduire l’empreinte carbone, notamment par la captation du CO2 – même s’il s’agit de mécanismes artificiels. Il existe plusieurs projets de territoire, auxquels collaborent des entreprises, des collectivités territoriales et des agriculteurs, qui visent à réduire les émissions et à capter le carbone ; je pense notamment à « territoire zéro carbone », en Charente-Maritime, ou aux territoires d’innovation de grande ambition. On ne devrait pas écarter ce genre d’initiatives.

Mme Barbara Pompili, ministre. Mais on ne peut pas inscrire cela dans cet article !

Mme Frédérique Tuffnell. Il faudrait en effet regarder où cela s’insérerait le mieux, mais il convient d’encourager de telles innovations.

Mme Delphine Batho. Le débat sur la compensation, nous l’aurons à l’article 38. Pour l’heure, je tiens à souligner que les ordres de grandeur ne sont pas comparables : en regard de la réduction des émissions de gaz à effet de serre nécessaire pour faire face à l’urgence climatique, tout ce qui ne relève pas de la préservation ou de la régénération des puits de carbone naturels est pur greenwashing.

Mme Valérie Petit. Ce qui est proposé ici n’est pas de la compensation ! Il s’agit d’utiliser une possibilité de dérogation pour développer des pratiques vertueuses visant à réduire la pollution, en prenant pour modèle des solutions existant dans la nature. On s’inscrit complètement dans la ligne de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Mme Bénédicte Peyrol. Comme pour les déchets, la hiérarchisation n’exclut pas la complémentarité des actions. Si la priorité, pour nous, est la réduction des émissions de CO2, nous n’excluons pas pour autant la compensation, monsieur Schellenberger. Il importe d’investir aussi dans des technologies de ce type.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1905 de M. François-Michel Lambert et CS3158 de M. Damien Pichereau.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’objet de ces amendements est d’instaurer une vignette pour les véhicules de collection afin de permettre à ceux-ci de circuler dans les zones à faibles émissions mobilité. Il s’agit d’un élément du patrimoine français, que nous avons tous la volonté de préserver et de valoriser. Néanmoins, la création de telles vignettes relève non de la loi, mais du règlement. Des discussions étant en cours avec diverses associations, il me semble préférable de demander, comme le proposent des collègues des groupes Dem et LaREM, un rapport sur la question afin d’éclairer le débat et de trouver une solution. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Plusieurs possibilités de dérogations existent déjà. Au niveau national, l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi la possibilité de définir par décret les catégories de véhicules concernés par l’interdiction de la circulation dans les ZFE-m. Au niveau local, la réglementation donne la possibilité à l’autorité instaurant la ZFE-m d’accorder des dérogations individuelles. À l’heure actuelle, il existe dans toutes les ZFE-m des dérogations pour les véhicules de collection. Il n’y a donc pas lieu de prévoir une nouvelle disposition législative.

Néanmoins, cette question semble susciter beaucoup d’émotion. Ces véhicules constituent un patrimoine que nous souhaitons tous préserver – même s’il n’y a aucune raison d’autoriser certaines voitures à circuler sans prendre en considération les conséquences que cela peut avoir, surtout s’il s’agit, comme c’est souvent le cas en l’espèce, de moteurs très polluants. Il convient donc d’étudier avec attention l’hypothèse d’une dérogation nationale pour les véhicules de collection, ainsi que les critères qui permettraient d’accéder à ce statut. À l’heure actuelle, on ne prend en effet en considération que l’âge du véhicule, qui doit être supérieur à 30 ans ; or les premières Renault Espace ont plus de 30 ans et les premières Twingo auront bientôt cet âge… Nous sommes en train d’y travailler avec la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE), ainsi qu’à d’autres restrictions éventuelles : concernant les trajets quotidiens, avec par exemple une interdiction des trajets domicile‑travail ; une limitation du nombre de kilomètres pouvant être parcouru ; ou encore une obligation de contrôle technique.

Si le Gouvernement est déterminé à protéger le patrimoine que constituent ces véhicules, il convient de le faire intelligemment, car si l’on met en place des zones de faibles émissions, c’est bien parce qu’il y a de la pollution. C’est pourquoi je suggère le retrait de ces amendements au profit des amendements CS1422 et CS4086, qui tendent à demander un rapport sur le sujet.

M. Jean-Luc Fugit. Au vu des réponses données par le rapporteur et par Mme la ministre, je retire l’amendement CS3158.

M. Yannick Favennec-Bécot. D’abord, ces véhicules polluent peu, tout simplement parce qu’ils roulent peu : en moyenne 1 000 kilomètres par an. Ensuite, il s’agit d’une filière industrielle importante, qui représente quelque 25 000 emplois. Enfin, c’est un patrimoine que nous devons sauvegarder.

Si j’entends vos arguments et salue votre volonté d’avancer en liaison avec la Fédération française des véhicules d’époque, madame la ministre, je rappelle qu’une proposition de loi allant dans le même sens a été adoptée par le Sénat avant-hier. Il y a donc une volonté commune de nos deux assemblées sur ce point. La solution pourrait être d’apposer sur ces véhicules une vignette qui leur permettrait de circuler à titre dérogatoire dans les ZFE‑m.

M. François-Michel Lambert. La France est le berceau de l’automobile, et comme vient de le souligner Yannick Favennec-Bécot, ces véhicules représentent à la fois un patrimoine remarquable et un poids économique. Dans certains territoires, c’est même un facteur d’attractivité, du fait de l’organisation de rallyes de démonstration. Si j’accepte de retirer mon amendement, l’option du rapport m’inquiète. Je préférerais que l’on retienne la proposition de notre collègue Guy Bricout.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS4306 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. L’article 27 impose la création de zones à faibles émissions mobilité dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Cela concrétise – et je m’en réjouis – l’annonce faite le 18 novembre par Mme la ministre devant le Conseil national de l’air, que je préside. Dans un souci de simplification, et pour assurer la continuité géographique des ZFE-m, cet amendement tend à préciser que, dans ces zones, les mesures de restriction de la circulation des véhicules automobiles s’appliquent à tout le territoire de chacune des communes incluses dans l’agglomération concernée, et qu’elles sont prises en concertation avec l’ensemble des autorités compétentes. L’objectif est d’éviter que les ZFE-m soient des gruyères.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le problème, c’est qu’en l’état, cet amendement ne s’appliquerait pas à l’ensemble des ZFE-m.

En outre, on ne peut écrire dans la loi qu’un arrêté est pris en concertation, dans la mesure où il s’agit d’un acte unilatéral : il peut faire l’objet d’un avis, mais il ne peut être pris de façon concertée.

Si je partage l’objectif de l’amendement, il faudrait en retravailler la rédaction en vue d’un dépôt en séance publique. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Si cette proposition va en effet dans le bon sens, elle risque, dans certains cas, d’imposer des contraintes trop fortes aux autorités compétentes. Dans des agglomérations très denses, par exemple, toucher l’ensemble des lieux n’aurait pas vraiment de sens au regard de l’objectif visé, qui est la baisse des émissions à l’endroit où la pollution est la plus forte. Il faudrait rédiger cela différemment. Demande de retrait.

M. Jean-Luc Fugit. Il faut prendre garde aux oxydes d’azote, madame la ministre : du fait de la transformation chimique, la pollution se disperse. C’est l’ensemble de la population de ces zones qui est concernée.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4708 de M. François Pupponi.

Amendements CS1811 de M. François-Michel Lambert, CS626 de M. Guy Bricout et amendements identiques CS625 de M. Guy Bricout, CS2271 de M. Olivier Damaisin et CS4042 de M. Philippe Vigier (discussion commune).

M. Yannick Favennec-Bécot. Les amendements CS626 et CS625 me permettent de revenir sur la question des véhicules de collection. Je voudrais savoir, madame la ministre, sur quels points porte la négociation avec la FFVE. S’agissant par exemple de l’âge minimal des véhicules concernés : souhaitez-vous l’augmenter à 35, voire 40 ans ? Pour ce qui concerne le trajet entre le domicile et le lieu d’exercice professionnel, il me semble que la fédération a fait une avancée importante, en acceptant que l’on exclue cette possibilité. Nous aimerions que le Gouvernement fasse preuve de la même volonté d’aboutir.

En Allemagne, depuis douze ans, des dérogations sont appliquées pour les véhicules de collection dans les cinquante zones de faibles émissions existantes. Pourtant, on ne peut pas dire que les Allemands ne sont pas à cheval sur la qualité de l’air !

Ce que nous proposons, c’est de modifier le code de la route pour aller dans le même sens. Tel est l’objet de la proposition de loi que j’ai déposée sur le sujet, et qui a été reprise et adoptée par le Sénat.

Mme Sandra Marsaud. Il faut vraiment que les négociations avancent, madame la ministre. Les véhicules de collection, non seulement représentent un certain poids économique, mais nourrissent parfois la culture locale. Le circuit des remparts, à Angoulême, est ainsi internationalement connu. On touche là à l’identité et à l’attractivité de nos territoires.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je rappelle que les maires peuvent d’ores et déjà prendre des dérogations pour permettre aux véhicules de collection de circuler. Néanmoins, vous avez raison, ceux-ci sont un élément essentiel de notre patrimoine et participent à l’identité de nos territoires. C’est pourquoi j’émettrai un avis favorable aux amendements CS1422 et CS4086 que nous examinerons après l’article 27. Cela nous permettra d’obtenir un rapport, et d’avancer sur la base des négociations engagées par la ministre. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je tiens à saluer les contributions apportées par les parlementaires de tous bords sur le sujet : M. Favennec-Bécot, M. Haury, Mme Tiegna, M. Damaisin, Mme Marsaud – j’en oublie certainement. Un groupe de travail a été réuni, qui fonctionne bien. Tout le monde a envie d’aboutir, y compris le Gouvernement – je tiens à rassurer la représentation nationale sur ce point. Dès lors que ces véhicules roulent peu, je suis certaine que nous trouverons une solution afin de préserver ce patrimoine vivant, qui nous fait partager, dans tant de territoires, des moments précieux.

Franchement, si la mise en place des ZFE-m ne soulevait que le problème des véhicules de collection, je serais une ministre heureuse ! Il y aura à mon avis des choses un peu plus compliquées à gérer… Néanmoins, je prends le sujet au sérieux, et nous finirons par trouver une issue qui satisfera tout le monde.

M. François-Michel Lambert. Il convient de relativiser l’impact de la circulation de ces voitures, qui est limitée – elles ne parcourent que 1 000 kilomètres par an en moyenne – et s’effectue très rarement en agglomération. Il s’agit plutôt de balades en milieu rural, par exemple dans le Gers cher au rapporteur général. Néanmoins, il arrive que ces véhicules viennent en ville pour des salons ; je pense au salon Rétromobile, le plus grand d’Europe, ou à celui organisé au palais du Pharo à Marseille. Les pièces qui y sont exposées ne sont pas toujours acheminées sur le plateau d’un autre véhicule ou tractées par une camionnette – auquel cas, soit dit en passant, la pollution est probablement plus élevée. Il importe donc que la démarche engagée par Mme la ministre aboutisse. Je retire mon amendement.

M. Yannick Favennec-Bécot. Je note que vous faites preuve de bonne volonté, madame la ministre, mais pourrions-nous avoir des précisions sur le calendrier ? Les négociations avec la FFVE ont commencé en décembre : il serait bon qu’elles aboutissent rapidement. Il y a une forte attente de la part des 500 000 collectionneurs que compte notre pays et une sympathie de l’opinion publique pour eux. C’est tout un patrimoine industriel qui est en jeu, avec des emplois derrière.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les concertations vont se poursuivre dans les prochaines semaines, monsieur Favennec-Bécot, car les difficultés sont de taille. Aujourd’hui, n’importe quel véhicule de plus de 30 ans peut être considéré comme un véhicule de collection. C’est une règle qui s’appliquait depuis longtemps, sans qu’on y trouve à redire, puisqu’il n’y avait pas d’enjeu. Mais avec la mise en place des zones à faibles émissions mobilité, si l’on accorde une dérogation, vous imaginez bien que tous ceux qui ont une voiture de plus de 30 ans vous demander à en bénéficier, quand bien même ce ne serait pas un véhicule de collection. On commence d’ailleurs à recevoir des demandes en ce sens. C’est pourquoi il est nécessaire de travailler avec la FFVE pour déterminer les critères qui permettront de définir avec précision ce qu’est un véhicule de collection afin de ne pas créer un effet d’aubaine.

Mme Sandra Marsaud. Ne pas envoyer sa voiture à la casse, c’est aussi du développement durable, non ?

M. Yannick Favennec-Bécot. Ce que nous proposons, madame la ministre, c’est d’accorder une dérogation aux seuls véhicules munis d’un certificat d’immatriculation de collection, précisément parce que, comme le disait François-Michel Lambert, l’on sait que ces véhicules ne parcourent en moyenne que 1 000 kilomètres par an et circulent de préférence sur les routes de campagne.

L’amendement CS1811 est retiré.

La commission rejette successivement l’amendement CS626 et les amendements identiques.

Amendement CS235 de M. Michel Vialay.

M. Michel Vialay. Laissons les voitures anciennes pour les trains et les bateaux. Les transports ferroviaires et fluviaux sont des alternatives à la route et permettent le développement de l’intermodalité pour le transport des personnes comme pour celui des marchandises. Or certains des véhicules qu’ils utilisent fonctionnent encore avec des moteurs polluants, notamment des diesels – c’est le cas de plus de 3 000 locomotives. C’est pourquoi nous jugeons nécessaire de donner la possibilité d’étendre le dispositif des zones à faibles émissions mobilité aux voies ferroviaires et fluviales.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je crois que l’on touche du doigt la raison pour laquelle notre collègue Jean-Luc Fugit a voulu appeler ces zones « à faibles émissions mobilité ». L’objectif est de travailler sur la mobilité, en particulier celle des véhicules. C’est pourquoi ces zones ne sont pas des outils adaptés aux voies fluviales et ferroviaires. En effet, l’autorité de police compétente en matière de circulation et de stationnement n’est généralement pas compétente en matière ferroviaire et fluviale ; en conséquence, il ne lui sera pas possible d’appliquer des restrictions sur ces voies. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. S’il semble logique d’essayer d’éviter toute forme de pollution et, par conséquent, d’étendre le périmètre des ZFE-m aux voies ferroviaires et fluviales, la mise en œuvre d’une telle disposition serait délicate. À la différence du réseau routier, les réseaux ferroviaires ou fluviaux n’offrent pas nécessairement de possibilités de contournement des ZFE-m. En outre, l’extension obligatoire avant 2025 du périmètre de la ZFE-m au transport fluvial porterait atteinte à la stratégie engagée par le secteur pour réaliser sa transition écologique. En effet, les technologies de verdissement applicables aux transports fluviaux ne disposent pas du même niveau de maturité que celles pratiquées dans le transport routier. Une telle extension paraît prématurée et constituerait une contrainte trop forte pour des secteurs qui sont en pleine transition. Elle pénaliserait le report modal vers un mode de transport alternatif à la route. Avis défavorable.

M. Michel Vialay. Comment expliquer qu’il faille nous séparer des voitures à moteur diesel, mais pas des trains ou bateaux du même type ? Certains de ces moteurs tournent en permanence au cœur de nos villes. On ne peut y rester indifférent ! Si cela pose des problèmes en matière de compétence de police, proposez-nous autre chose.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4298 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. Cet amendement est issu d’un travail réalisé avec les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, auxquelles je voudrais rendre hommage, car elles font un travail remarquable. Il vise à ce que des méthodes soient établies à l’échelon national pour évaluer l’exposition chronique des usagers des établissements recevant les publics les plus sensibles à la pollution atmosphérique, tout particulièrement dans les dix ZFE mobilité créées par suite de l’adoption de la loi d’orientation des mobilités. Je précise que ces établissements comprennent non seulement ceux accueillant des enfants, mais également les établissements de soin et d’accueil des personnes âgées, ainsi que les établissements sportifs. Cela permettrait d’avoir des méthodes d’évaluation comparables d’une agglomération à l’autre, avec des indicateurs incontestables, pour une meilleure acceptation des ZFE-m.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Vous avez raison, les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air font un travail remarquable. Votre amendement me semble néanmoins satisfait par la réglementation en vigueur. D’une part, le contenu de l’étude de mise en place des zones à faibles émissions, qui comprend une évaluation de l’exposition à la pollution, est précisé par décret, conformément à l’article R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales. D’autre part, les normes de surveillance de la qualité de l’air et, surtout, les indicateurs d’exposition moyenne, desquels découlent les obligations en matière de concentration, sont précisés dans la partie réglementaire du code de l’environnement, dans le chapitre consacré à la surveillance de la qualité de l’air et à l’information du public. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je m’associe aux félicitations adressées aux associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, qui accomplissent un travail précieux sur le terrain, en nous transmettant les informations nécessaires pour engager les politiques publiques. Si le Gouvernement partage l’objectif de l’amendement, une disposition législative ne nous semble pas utile puisque les méthodes permettant d’évaluer l’exposition des personnes relèvent du référentiel technique établi par le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air. C’est dans ce cadre-là qu’il convient d’agir. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1334 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. La création de zones à faibles émissions mobilité est une mesure importante ; je le dis en tant que député de la métropole de Strasbourg, qui souffre de la pollution de l’air, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour la ville qui abrite le siège du Parlement européen, cette Europe qui nous pousse très justement à agir de manière plus efficace – et c’est ce à quoi nous nous sommes résolument engagés avec la loi d’orientation des mobilités. Attention cependant à ne laisser personne au bord de la route : il ne faudrait pas que les personnes précaires perdent en mobilité faute de pouvoir financièrement changer de véhicule ; il ne faut pas non plus oublier les personnes en situation de handicap, dont les besoins spécifiques peuvent nécessiter l’utilisation d’une voiture particulière. D’où le présent amendement, qui vise à prévoir, en amont de la création d’une ZFE-m, l’examen des besoins des différents types d’usagers, à commencer par les plus précaires et les personnes en situation de handicap, ainsi que la mise en œuvre de solutions permettant la mobilité de tous – par exemple le développement des transports à la demande dans les zones moins denses des métropoles. Pour ce faire, les collectivités locales doivent savoir qu’elles sont puissamment épaulées par l’État au travers du plan France relance.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous partageons tous, je crois, la volonté de renforcer l’acceptabilité sociale des zones à faibles émissions mobilité. Toutefois, la disposition que vous proposez relève de la compétence des collectivités territoriales et de l’État, et non des pouvoirs de police de la circulation du maire. Or l’amendement tend à modifier les documents préparatoires à l’arrêté de police de la circulation que le maire doit prendre. En outre, de telles mesures d’aide doivent être prises, non par un arrêté de police, mais par une décision de l’organe délibérant de la collectivité. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis.

M. Thierry Michels. Je retire l’amendement pour le retravailler en vue d’un dépôt en séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4290 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. Depuis 2019, je suis ce que font les collectivités territoriales pour préparer la mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité. Le présent amendement vise à prévoir, préalablement à l’adoption de l’arrêté préfectoral de création d’une ZFE-m, une concertation avec les usagers et les acteurs économiques, dont la liste serait fixée préalablement – elle inclurait notamment les chambres des métiers et de l’artisanat et les chambres de commerce et d’industrie (CCI). Cette concertation porterait sur les modalités de déploiement de la ZFE-m, comme les dérogations locales, les zonages, les horaires des restrictions, etc. L’objectif est d’adapter au mieux chaque ZFE-m à la réalité du territoire concerné, afin qu’elle soit mieux acceptée, donc plus efficace.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il importe de consulter le plus largement possible, vous avez raison. Toutefois, l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, tel que nous l’avons modifié dans la loi d’orientation des mobilités, prévoit la consultation des chambres des métiers et de l’artisanat et des CCI. En outre, les zones à faibles émissions mobilité font d’ores et déjà l’objet de nombreuses concertations, notamment dans le cadre des conseils municipaux. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3848 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Nous proposons d’obliger les communes ou les EPCI tenus de mettre en place une ZFE-m à organiser un débat sur l’instauration ou l’extension de « zones 30 », où la vitesse des véhicules est limitée à 30 kilomètres par heure. Ces zones ont des effets très positifs : elles permettent d’apaiser l’espace public et de favoriser le développement des mobilités actives qui concourent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme le vélo. L’adoption de cet amendement serait un beau signal.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Si les zones 30 sont des outils importants, permettant d’avoir une ville apaisée, il est difficile de préciser dans la loi les modalités de consultation par le maire de son propre conseil municipal… Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ajoute que la création d’une ZFE mobilité est sans lien avec celle de zones 30 : l’une n’empêche pas l’autre. Lier les deux calendriers conduirait à retarder la mise en place des ZFE-m, alors qu’il est urgent de retrouver une bonne qualité de l’air.

M. Damien Adam. L’objectif est d’instaurer des zones 30 dans l’ensemble des agglomérations. Il fallait une assise légistique : d’où le lien avec les ZFE. Toutefois, j’entends vos objections et je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4988 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Raphaël Schellenberger. À travers cet amendement, nous soulevons la question des livraisons. Il serait contreproductif que la mise en place des ZFE-m rende difficiles les livraisons en centre-ville et conduise à reporter en périphérie l’acte de consommation. Du point de vue de l’aménagement du territoire, ce n’est pas souhaitable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable : il convient de laisser aux collectivités la liberté d’accorder les dérogations qu’elles jugent nécessaires. Nous souhaitons donner à travers ce texte une certaine souplesse en la matière, ainsi que nous l’avions fait dans la loi d’orientation des mobilités.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis : des possibilités de dérogation existent déjà ; il est inutile d’en ajouter dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1072 de M. Vincent Descoeur, CS4666 de M. Guillaume Kasbarian et CS4957 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Vincent Descoeur. Ces amendements visent à ce que la dérogation inclue les véhicules dont l’usage ne se limite pas au transport de personnes ou de marchandises. Cela va nous permettre de rouvrir le débat sur les véhicules de collection !

M. Raphaël Schellenberger. Débat qui, pour ma part, ne me passionne pas ! La cible de ces amendements est en réalité bien plus large : elle comprend les véhicules des sapeurs‑pompiers, les ambulances… Certes, il convient d’engager la modernisation des flottes publiques, mais il sera difficile d’obtenir une réduction rapide des émissions des gros véhicules d’intervention.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Pas d’inquiétude, cher collègue : ces cas de figure sont traités, puisque l’article R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales, établi par décret, fixe la liste des véhicules ne pouvant pas faire l’objet de restrictions de circulation. Vos amendements sont satisfaits. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous rassure : ceux qui édictent les règles dans ce pays n’ont pas complètement perdu le sens commun ! Je confirme donc que les véhicules de pompiers pourront encore aller sauver des gens si un incendie se déclare au sein d’une ZFE‑m. Cela allait sans dire et, manifestement, cela va encore mieux en le disant.

S’agissant des véhicules de collection, il n’y a pas d’urgence puisqu’il existe à l’heure actuelle des dérogations les concernant. Demande de retrait.

L’amendement CS4666 est retiré.

La commission rejette les amendements CS1072 et CS4957.

14.   Réunion du samedi 13 mars 2021 à 21 heures

Article 27 (suite) (articles L. 2213-4-1 et L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales) : Création et mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité

Amendements CS2517 de Mme Nathalie Sarles, CS4299 de M. Jean-Luc Fugit et sous-amendement CS5376 du rapporteur (discussion commune).

Mme Véronique Riotton. La mobilité propre se développerait davantage si la réglementation était étendue à l’ensemble des véhicules sans tenir compte de leur poids total autorisé en charge (PTAC). La mobilité lourde ne représente que 3 % des véhicules, mais elle est à l’origine de 25 % des émissions de CO2.

L’amendement CS2517 tend à supprimer la mention du PTAC des véhicules et à étendre les mesures de réglementation au transport de marchandises. La visée est autant environnementale que d’équité.

M. Jean-Luc Fugit. L’amendement CS4299 vise à inclure les véhicules utilitaires légers dans le champ des restrictions de circulation défini pour les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Selon le centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA), ces véhicules contribuent davantage que les véhicules particuliers aux émissions d’oxydes d’azote, polluant principal dans les centres urbains.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour le titre III. Je trouve que l’amendement CS4299 est excellent, mais je propose de le sous-amender afin de préciser que le contenu des mesures de restriction applicable sera fixé par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Les mesures prévues aux alinéas 9 à 11 sont, en effet, cohérentes pour des voitures particulières, mais pas directement transposables aux véhicules utilitaires.

Avis défavorable à l’amendement CS2517.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Ces amendements visent à étendre les restrictions minimales que doivent imposer les ZFE-m des agglomérations qui dépassent de façon régulière les normes de qualité de l’air.

Le projet de loi prévoit que ces ZFE-m doivent prendre en compte a minima les véhicules particuliers, premiers émetteurs d’oxydes d’azote. L’amendement CS2517 vise à étendre ces restrictions aux poids lourds et l’amendement CS4299 aux véhicules utilitaires légers, ces derniers étant le deuxième émetteur d’oxydes d’azote, avant les poids lourds.

Le Gouvernement est favorable à l’extension des restrictions aux véhicules utilitaires légers ; en revanche il existe trop peu d’alternatives aux poids lourds à ce jour pour que ces derniers soient systématiquement pris en compte. Demande de retrait de l’amendement CS2517 et avis favorable à l’amendement CS4299 sous-amendé par le rapporteur.

L’amendement CS2517 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement CS5376 et l’amendement CS4299 sous-amendé.

L’amendement CS4301 de M. Jean-Luc Fugit est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2867 de M. Cyrille Isaac-Sibille, l’amendement CS628 de M. Jean-Louis Bricout étant retiré.

Amendement CS4305 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. Cet amendement vise à maintenir la dynamique des restrictions dans les dix ZFE-m rendues obligatoires par la loi d’orientation des mobilités (LOM). Il faut continuer d’y améliorer la qualité de l’air, d’autant que la révision de la directive « air », qui contribuera à atteindre les valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est engagée. À partir de 2022, la France sera donc amenée à revoir ses normes de qualité de l’air.

Cette sécurisation de la dynamique des restrictions interdirait tout retour en arrière, un peu à la manière d’un clapet anti-retour.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’idée d’empêcher tout retour en arrière est intéressante, mais la rédaction de l’amendement exclut des restrictions de circulation dans les ZFE-m créées après le 31 décembre 2020. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable pour la même raison. En outre, je compte sur le bon sens des maires ; après de tels acquis, ils auraient beaucoup de mal à revenir en arrière.

M. Jean-Luc Fugit. Je vais retirer l’amendement, mais je souhaite que l’on puisse retravailler sur ce sujet d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1336 de M. Thierry Michels, CS2051 de M. Gérard Leseul, CS2843 de M. Matthieu Orphelin et CS2907 de M. Dominique Potier.

M. Thierry Michels. Je propose une série d’amendements visant à accélérer le calendrier de mise en place des ZFE-m. Le CS1336 tend à interdire la circulation dans ces zones des véhicules diesel immatriculés avant 2001 et ceux à essence immatriculés avant 1997 dès 2022, alors que le projet de loi prévoit de le faire en 2023. Cet amendement est complété par des dispositions équivalentes dans les amendements CS5338 et CS5337.

Il faut envoyer des signaux clairs pour que les ZFE-m soient efficaces au plus vite. L’État consent un effort substantiel pour soutenir le changement du parc automobile des moins favorisés, et contribue à faciliter les transports publics par le biais de politiques de soutien financier et de dispositifs fiscaux spécifiques. Dans la loi de finances pour 2021, 1,2 milliard d’euros sont consacrés à la prime à la conversion. Nous pourrions cibler les investissements de manière à traiter prioritairement le cas des véhicules les plus anciens.

M. Gérard Leseul. Nous souhaitons également accélérer d’un an le calendrier des mesures de restriction de la circulation des véhicules automobiles les plus polluants – classés Crit’Air 5. L’application la plus rapide de ces mesures permettra de réduire très significativement les émissions polluantes, donc les maladies, voire les décès qui y sont liés.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’échéance de 2022 me semble trop proche : elle interviendrait seulement quelques mois après la promulgation de la loi. Une telle accélération pose également une question d’acceptabilité sociale. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Pour anticiper la trajectoire des restrictions minimales dans les ZFE-m, il faudrait reprendre la concertation avec les collectivités concernées. Nous avons déjà beaucoup discuté avec elles pour obtenir le meilleur calendrier. Celui-ci est bien accepté et permet d’organiser l’installation des dispositifs de contrôle, sans lesquels une ZFE-m ne fonctionnerait pas. Tout changer maintenant enverrait un signal inquiétant à ces collectivités et entraînerait pour elles une perte de visibilité.

Si elles arrivent à mettre en place les ZFE-m plus tôt, tant mieux ; mais ce que prévoit le projet de loi est déjà un défi important. Avis défavorable.

M. Thierry Michels. J’entends vos arguments sur ce point. J’insiste sur l’importance de cibler davantage les aides en faveur des personnes les plus affectées par ces mesures.

L’amendement CS1336 est retiré.

La commission rejette les amendements restants.

Amendements identiques CS2052 de M. Gérard Leseul, CS4292 de M. Jean-Luc Fugit, CS5338 de M. Thierry Michels, CS5342 de M. Matthieu Orphelin et CS5344 de M. Dominique Potier.

M. Gérard Leseul. Il s’agit également d’accélérer d’un an le calendrier des mesures de restriction de la circulation, cette fois, des véhicules automobiles classés Crit’Air 4. J’ai bien entendu la réponse de la ministre sur les amendements précédents. Je conçois qu’il y a eu une concertation, mais il faut prendre des mesures rapidement. Sur le point fondamental de l’accompagnement social, notamment, des décisions telles que des prêts garantis ou, mieux encore, le prêt à taux zéro devront être prises.

M. Jean-Luc Fugit. Interdire les véhicules Crit’Air 5 dès 2022 me paraissait prématuré, puisque nous sommes encore en train d’étudier le projet de loi. En revanche, l’interdiction de circuler pour les véhicules Crit’Air 4 dès 2023 me semble envisageable. À cette date, ces véhicules diesel auraient au moins 17 ans. Les véhicules diesel sont responsables de 96 % des émissions d’oxydes d’azote provenant des transports routiers.

D’après les informations dont je dispose, Paris envisage cette interdiction dès 2021, et Strasbourg et Toulouse en janvier 2023. Une interdiction anticipée à cette date dans les dix agglomérations concernées par une ZFE-m obligatoire signalerait une volonté de baisser la pollution dans les centres urbains.

M. Thierry Michels. Je rejoins les arguments de Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je rappelle les arguments précédents sur la concertation avec les collectivités concernées. Si ces dernières parviennent à aller plus loin, bravo à elles. Elles pourront être mises en avant, notamment dans le cadre de France mobilités. À ce stade, il me semble difficile d’accélérer la trajectoire prévue dans le projet de loi, même si nous pouvons continuer à en discuter en vue de la séance. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les collectivités sont pour la plupart volontaristes : elles veulent mettre en place des ZFE-m le plus tôt possible et de la manière la plus ambitieuse possible. Le projet de loi fixe une limite maximale dans le temps. Si on peut aboutir avant, c’est bien ; mais il n’est pas certain que toutes les collectivités concernées soient en mesure de s’adapter à une accélération du calendrier.

Je rappelle que le principe de base est que personne ne reste sans solution de mobilité, et que chacun puisse continuer à se déplacer correctement dans ces agglomérations de plus de 150 000 habitants, avec un véhicule individuel, des transports collectifs suffisamment développés ou en covoiturage. Si l’assurance est donnée que ces solutions sont présentes, il sera en effet possible d’accélérer le calendrier.

À ce stade je m’en tiens au résultat de la concertation avec les collectivités, ne serait‑ce que pour éviter de rompre le contrat de confiance.

M. Jean-Luc Fugit. L’amendement ne concerne pas les nouvelles collectivités concernées par les ZFE-m, c’est-à-dire les agglomérations métropolitaines de plus 150 000 habitants, mais bien les dix déjà prévues par la LOM au 31 décembre 2020. On ne les prend donc pas par surprise.

Au 1er janvier 2020, 375 000 voitures Crit’Air 4 circulaient dans les métropoles de Paris, Lyon et Marseille. Compte tenu des renouvellements, ce nombre sera de l’ordre de 200 000 en 2023. Paris prévoit d’interdire ces véhicules particuliers dès cette année, Strasbourg, Toulouse et Marseille en 2023. L’idée est donc de dire d’accélérer à celles des dix autres collectivités qui restent, ce qui nous aiderait à un moment où l’Union européenne nous montre du doigt du fait des émissions des oxydes d’azote.

Mme Barbara Pompili, ministre. Encore une fois, parmi les dix collectivités concernées dont nous parlons, toutes ne sont pas prêtes à une accélération. Si l’on ne respecte pas dans ce texte le résultat de la concertation organisée avec elles, les discussions à venir avec les autres collectivités concernées par l’extension des ZFE-m seront plus difficiles.

Plus cela va vite, mieux c’est. Mais je sais aussi qu’il existe des difficultés techniques. L’avis est défavorable tout simplement parce que nous essayons de rester sur un chemin. J’invite, bien entendu, toutes les collectivités concernées par la mise en place d’une ZFE-m à aller le plus vite possible.

M. Gérard Leseul. Vous nous faites part de concertations techniques et je ne doute pas qu’elles ont eu lieu, mais elles ne concernent pas le Parlement. Vous nous proposez un calendrier ; nous proposons de l’accélérer.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS2053 de M. Gérard Leseul, CS5337 de M. Thierry Michels, CS5339 de Mme Jennifer De Temmerman, CS5341 de M. Matthieu Orphelin et CS5343 de M. Dominique Potier.

M. Gérard Leseul. Il s’agit d’avancer d’un an, à 2024, le calendrier des mesures de restriction de la circulation des véhicules automobiles classés Crit’Air 3.

Madame la ministre, vous avez souligné à juste titre l’importance de l’offre de transports en commun pour fournir une alternative. Nous y reviendrons à l’occasion d’un amendement qui propose de ramener à 5,5 % le taux de la TVA pour les réseaux de transport en commun, notamment ferroviaires.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS306 de M. Guy Bricout, CS931 de Mme Jennifer De Temmerman et CS2906 de M. Dominique Potier, et amendements CS2054 de M. Gérard Leseul et CS4294 de M. Jean-Luc Fugit (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS2906 vise à planifier à l’horizon 2025 une interdiction progressive des véhicules diesel dans les agglomérations concernées par l’obligation de mise en place d’une zone à faibles émissions.

M. Jean-Luc Fugit. Le CS4294 tend à restreindre la circulation des voitures diesel Euro 5, classées Crit’Air 2, c’est-à-dire mises en circulation entre le 1er janvier 2011 et le 31 août 2015, au plus tard en 2026. Ces véhicules auront alors plus de 10 ans. En moyenne, leurs émissions d’oxydes d’azote sont trois à six fois plus élevées que celles des autres véhicules.

L’année dernière, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s’est livré à une synthèse des interactions entre pollution de l’air, gaz à effet de serre (GES) et covid-19. Celle-ci montre que la pollution de l’air est un facteur d’affaiblissement de l’organisme face aux virus respiratoires ; cette pollution a donc eu un effet sur la mortalité liée au covid-19. Il faut s’appuyer sur les données scientifiques.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. Interdire la circulation de l’ensemble des véhicules diesel dès 2025, alors que ces véhicules ont pu être achetés récemment, n’est pas socialement acceptable.

En outre, l’année 2015 à laquelle il a été fait référence ne correspond pas à une différence de vignette Crit’Air, mais à une distinction entre véhicules Euro 5 et Euro 6.

Mme Barbara Pompili, ministre. Interdire les véhicules diesel classés Crit’Air 2 dans les ZFE-m en 2025, c’est s’attaquer à la moitié du parc des voitures à moteur diesel, dont certaines seront alors âgées seulement de 5 ou 6 ans. C’est très ambitieux et sans doute excessif. Avis défavorable.

En revanche, restreindre la circulation des véhicules diesel Euro 5 à partir de 2026 mérite réflexion, car il s’agit de véhicules plus anciens. Certaines collectivités l’ont déjà fait, mais il faudra reprendre la concertation avec les autres. Nous pouvons envisager de progresser sur ce sujet d’ici à la séance publique, même si je ne garantis rien.

M. Jean-Luc Fugit. Je tiens à votre disposition l’ensemble des données précises du CITEPA sur les émissions d’oxydes d’azote au kilomètre par type de véhicule.

J’apprécie votre ouverture d’esprit au sujet des restrictions sur les véhicules diesel Euro 5 et je retire donc mon amendement, en restant à votre disposition pour le retravailler d’ici à la séance.

Mme Chantal Jourdan. Il me semble très important d’accélérer le calendrier des restrictions de circulation des véhicules diesel.

Une récente étude a évalué à 97 000 le nombre des décès prématurés attribuables à la pollution de l’air chaque année, soit plus du double de celui de 48 000 décès retenu depuis 2016 par Santé publique France. Cela donne la mesure de l’amplification du phénomène et de l’urgence qu’il y a à agir.

M. Nicolas Turquois. Je comprends parfaitement les arguments de notre collègue Jean-Luc Fugit. Dans ma circonscription, qui n’est pas en zone à faibles émissions, le problème est davantage de trouver des moyens de mobilité. Les seules solutions passent souvent par l’acquisition de véhicules diesel dans des garages solidaires, pour moins de 3 000 euros.

Les deux impératifs de santé publique et d’accès à la mobilité doivent être conciliés. Il faut donc aller vite, mais pas trop.

Mme Barbara Pompili, ministre. Si ce qui est mis en place est socialement inacceptable, on va retrouver des situations de blocage qu’on a pu connaître.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons développer les solutions alternatives, grâce aux primes à la conversion ou aux bonus, qui permettent d’acquérir des véhicules autres que des diesels avec un reste à charge d’un montant aussi modique que celui que vous avez mentionné, les aides portant aussi sur des véhicules d’occasion. Je peux facilement vous faire la démonstration que l’on peut acheter des véhicules non diesel avec un reste à charge de 2 000 euros.

M. Jean-Luc Fugit. Il ne faut pas confondre émissions et concentration. Les premières n’ont pas du tout le même impact selon qu’elles se produisent en milieu rural ou urbain, où elles sont bien plus concentrées.

L’amendement CS4294 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements restants.

Amendement CS3055 de Mme Catherine Osson.

Mme Véronique Riotton. Notre collègue Catherine Osson souhaite que l’autorité compétente en matière d’interdiction de certains véhicules informe obligatoirement, et de manière explicite, les usagers de ce que leurs véhicules seront prochainement interdits. La transparence de l’information des citoyens est primordiale.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il faut effectivement absolument informer au maximum nos concitoyens, et cette proposition est déjà satisfaite, notamment par la loi d’orientation des mobilités, grâce à son rapporteur – à l’époque, Jean-Luc Fugit.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je confirme que cela est déjà prévu : une campagne d’information locale est requise par le code général des collectivités territoriales, pendant une durée d’au moins trois mois. En complément, un dispositif d’information centralisé, assuré par Bison futé, dont l’application mobile offre une carte recensant les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) existantes ainsi que les projets devant se concrétiser cette année, a été développé. Les usagers de la route ont ainsi facilement accès aux catégories de véhicules concernés par les restrictions de circulation, aux vignettes Crit’Air autorisées et, le cas échéant, à la temporalité de ces mesures. Cette carte sera également accessible début mai au plus tard sur le site de Bison futé. D’autres applications proposent un même service. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4296 de M. Jean-Luc Fugit et sous-amendements CS5378 et CS5379 du rapporteur.

M. Jean-Luc Fugit. Il s’agit de s’assurer que les véhicules hybrides rechargeables seront bien exclus des restrictions de circulation proposées à l’article 27. Ces véhicules, s’ils sont correctement et régulièrement rechargés, sont vraiment bénéfiques pour la qualité de l’air en ville. Leur fonctionnement en mode électrique, à vitesse raisonnable, n’émet pas d’oxyde d’azote et ne contribue donc pas à la dégradation de la qualité de l’air.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le premier sous-amendement est purement rédactionnel. Le second vise à supprimer la mention des deux règlements européens, qui peut induire en erreur quant aux modalités de détermination de l’autonomie des véhicules. Celles‑ci pourront être précisées par voie réglementaire.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les véhicules hybrides rechargeables ayant une autonomie suffisante sont classés Crit’Air 1 : ils ne peuvent subir les restrictions. Néanmoins, je ne vois pas d’inconvénient à apporter une telle précision. J’émets donc un avis de sagesse, sous réserve de l’adoption des sous-amendements du rapporteur.

Mme Delphine Batho. Les hybrides rechargeables sont effectivement classés Crit’Air 1, mais s’ils ne sont pas rechargés, ils peuvent devenir un vrai problème compte tenu de leur poids et de la pollution induite.

M. François-Michel Lambert. J’invite à voter contre l’amendement. S’il n’apporte rien de particulier, je crains qu’il ne présente ces véhicules hybrides comme l’alpha et l’oméga de la réponse aux enjeux de pollution atmosphérique et de transition énergétique alors qu’ils n’ont qu’un petit moteur électrique. Pourquoi les mettre en valeur alors que nous souhaiterions en voir un peu moins ?

M. Martial Saddier. Je soutiens l’amendement. Il apporte une clarification bienvenue, car nos compatriotes finissent par se dire que même des véhicules hybrides, il ne faut plus en acheter.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement pour des raisons tenant à la lisibilité et à l’acceptabilité de ces ZFE-m, sous réserve de l’adoption des sous-amendements.

La commission adopte successivement les sous-amendements et l’amendement sousamendé.

Amendement CS1339 de M. Thierry Michels.

M. Thierry Michels. Le projet de loi nous offre une occasion de remédier à certains angles morts de la LOM. On ne peut pas engager la transition écologique sans prendre en considération les personnes précaires ou en situation de handicap, qui risquent de perdre en mobilité faute de pouvoir changer de véhicule. Afin de préserver la possibilité d’un minimum de déplacements pour ces citoyens, l’amendement tend à introduire une dérogation de huit jours au total permettant l’accès à la ZFE, sous certaines conditions et pour certains usages, sur le modèle de celle accordée aux véhicules de collection.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous travaillons à l’acceptabilité sociale des ZFE-m, notamment au travers des surprimes. La vignette ici proposée, qui ne pourrait être utilisée plus de huit jours par an, pose un problème pratique de contrôle. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Outre qu’il serait particulièrement difficile à mettre en œuvre et à contrôler, un tel dispositif ouvrirait un large champ d’exemptions préjudiciables à la qualité de l’air. Il me semble vraiment préférable que le calendrier des restrictions de circulation dans les ZFE-m soit correctement calibré par les autorités compétentes. Avis défavorable.

M. Thierry Michels. Il faut effectivement continuer à travailler pour rendre cette transition acceptable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2134 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. En raison des systèmes de sous-traitance, des dizaines de milliers de véhicules étrangers circulent sur le territoire français sans respecter les clauses environnementales ou les autorisations de circulation, ce qui a pour conséquence de polluer et de créer une concurrence déloyale entre transporteurs français et étrangers. Ainsi, l’entreprise française de transport par véhicules légers Cetup est mise en difficulté dans le cadre des marchés publics, notamment.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’ensemble des dispositifs des ZFE-m s’appliquera aux véhicules étrangers dans les mêmes conditions qu’aux véhicules français. Se posera, bien entendu, par la suite, la question de leur contrôle.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les dispositions en vigueur s’appliquent d’ores et déjà, sans exception, aux véhicules étrangers – près de 1,6 million de certificats de qualité de l’air leur ont été délivrés au 28 février 2021.

Reste la question des contrôles. Afin d’aider les collectivités, nous travaillons à les mettre en place le plus rapidement possible, car les ZFE-m fonctionneront d’autant mieux qu’ils seront automatisés et efficaces.

Mme Émilie Chalas. Les transporteurs français constatent tous les jours que circulent sur le territoire français des véhicules non accrédités.

Existe-t-il un agenda sur lequel fonder notre réflexion en vue d’accompagner les collectivités et la préfecture dans l’organisation du contrôle, crucial à plusieurs égards ? Outre la pollution, se pose en particulier la question du respect du code du travail face à une concurrence déloyale livrée par des entreprises, parfois européennes, hélas !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5127 de Mme Patricia Lemoine.

Amendements CS2752 de M. Thibault Bazin et CS5128 de Mme Patricia Lemoine (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement de notre collègue Thibault Bazin propose, en vue d’accélérer la mise en œuvre des ZFE-m, de clarifier le transfert de compétences entre le maire et le président de l’établissement public de coopération intercommunale.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les amendements nuiraient au déploiement de ces ZFE-m. Or nous devons nous montrer très ambitieux en la matière. Se poserait, en outre, un problème d’harmonisation des critères. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Défavorable également. Ces amendements feraient perdre du temps. Le projet de loi prévoit un transfert automatique, car l’attribution de cette compétence à tous les maires d’une agglomération rend complexe la mise en œuvre des projets et nuit à la cohérence des mesures prises. Ce transfert a, bien sûr, fait l’objet d’une concertation avec toutes les associations de collectivités territoriales concernées, qui sont les premières à le demander.

M. Raphaël Schellenberger. Ces problèmes récurrents naissent de la nécessité de concilier la volonté d’aller vite sur certains sujets en en confiant la mise en œuvre à l’intercommunalité, pour avoir une cohérence à l’échelle d’un territoire pertinent, et le respect d’un certain nombre de processus démocratiques. La nature du pouvoir de police du président d’une intercommunalité n’est pas la même que celle du maire, ce sont deux choses bien distinctes. Malheureusement, le principe de démocratie et celui de l’efficacité de l’action publique s’affrontent parfois.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2129 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. Je souhaite que les seuils de pollution de l’air en vigueur à l’échelle européenne soient alignés sur ceux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), bien plus exigeants, en particulier en matière de particules fines. Dans les villes polluées et concernées par des plans de protection de l’atmosphère (PPA), les seuils à respecter sont souvent européens alors qu’ils sont bien en deçà des seuils de l’OMS en matière de santé publique. Il s’agit d’un amendement d’appel visant à entendre la position du Gouvernement.

M. François-Michel Lambert. Très bon amendement !

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cette bonne idée est déjà satisfaite par l’article L. 211-1 du code de l’environnement qui précise que toutes les normes de qualité de l’air sont définies en conformité avec celles de l’Union européenne et, le cas échéant, de l’OMS.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement donne le sentiment que nous pourrions définir nous-mêmes les seuils communautaires, mais ce n’est pas le cas. Cela étant, la Commission européenne envisage d’ores et déjà un travail de convergence visant à se rapprocher des recommandations de l’OMS. Cela va à la fois dans le sens de votre amendement, et dans le bon sens. Vous pouvez donc le retirer.

Mme Émilie Chalas. S’agissant des particules fines, les seuils européens ne sont pas au niveau de ceux de l’OMS : je persiste donc sur ce point, même si je vais retirer mon amendement.

Mme Delphine Batho. Ayant présenté maints amendements sur l’alignement sur les normes de l’OMS, je me réjouis de voir que des collègues de la majorité qui avaient voté contre adoptent ce point de vue, et regrette le retrait de cet amendement. Ces seuils sont très importants, car ils forment la base de tout l’ordre public environnemental. La France doit s’aligner sur ces normes.

M. Martial Saddier. Cet amendement pertinent est déjà applicable : les commissions locales de l’air peuvent d’ores et déjà appliquer ces normes, et certaines d’entre elles le font, notamment celle de la vallée de l’Arve.

M. Jean-Luc Fugit. Les particules fines ne sont pas le seul problème ; il y a aussi l’oxyde d’azote, pour lequel nous sommes déjà alignés sur les normes de l’OMS.

Les premières ont fait l’objet d’une concertation européenne au début du premier trimestre, en vue de préparer la directive de 2022 qui sera ensuite transposée au niveau national, donc en France. Tout cela va converger, d’ici un ou deux ans. Il n’est donc pas nécessaire d’aller plus loin.

M. François-Michel Lambert. Je voterai cet amendement particulièrement pertinent. Nous avons adopté une précision qui n’était pas nécessaire, mais lorsqu’il s’agit de savoir quel seuil de pollution atmosphérique fixer pour préserver autant que possible la santé de nos concitoyens, il n’en est pas question. Il y a bien deux poids, deux mesures. J’aurais tant préféré que cet amendement soit voté plutôt que l’autre !

Mme Émilie Chalas. Je sais bien que l’on peut appliquer des seuils différents, mais l’idée est d’avoir les mêmes partout sur le territoire. Je sais aussi que le seuil ne peut pas être fixé par la représentation nationale de la France, et c’est pourquoi je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 27 ainsi modifié.

Après l’article 27 

Amendements identiques CS1666 de Mme Véronique Louwagie et CS4975 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement de notre collègue Véronique Louwagie tend à faire entrer dans le mouvement des ZFE-m les transports par voie fluviale et ferroviaire. Le ferroviaire est particulièrement sensible dans les grandes agglomérations, où se trouvent des gares importantes. La SNCF s’est déjà engagée à remplacer, d’ici à 2035, 3 500 de ses véhicules diesel, mais elle doit prendre toute sa part dans la stratégie de décarbonation des mobilités.

M. Jean-Marie Sermier. Mon amendement vise à élargir les catégories de véhicules pouvant être concernés par la ZFE-m à celles des véhicules non routiers circulant sur la voie fluviale.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les ZFE-m ne sont pas l’outil adéquat pour décarboner ces types de transport : l’autorité de police sur laquelle elles s’appuient est compétente en matière de circulation et de stationnement routiers mais n’est pas adaptée pour la régulation fluviale et ferroviaire. Le dispositif serait totalement inopérant. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je redis que l’on ne peut pas étendre le périmètre des ZFE aux domaines ferroviaire et fluvial, tout simplement parce qu’à la différence du réseau routier, leurs réseaux ne disposent pas nécessairement de possibilités de contournement de ces zones. À cette difficulté technique s’ajoute le fait que les technologies de verdissement applicables aux bateaux fluviaux ne possèdent pas encore un niveau de maturité technologique comparable à celui observé dans le transport routier. Cette proposition est donc prématurée et constituerait une contrainte trop forte pour des secteurs aujourd’hui en pleine transition. Elle pénaliserait, en outre, le report modal vers un mode de transport massifié alternatif à la route. Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Je comprends de ces arguments que les amendements sont peut-être trop ambitieux. Ils proposent pourtant toutes les mesures de transition en associant les exploitants des domaines ferroviaires ou fluviaux à la construction des règles qui les concernent, ce qui permettra tout à fait de gérer la question de la maturité technologique.

Par ailleurs, l’exposé sommaire souligne que la SNCF se dit aujourd’hui prête à faire évoluer son parc de diesels. L’amendement déposé tout à l’heure par notre collègue Michel Vialay proposait que de telles dispositions ne s’appliquent d’ailleurs qu’en 2030.

M. Jean-Marie Sermier. Il ne s’agit pas de détourner les péniches ou les trains des ZFE-m, madame la ministre, mais au contraire de les inclure dans la réflexion. Il est heureux qu’à Paris, par exemple, on réfléchisse avec le secteur fluvial pour faire sortir tous les matériaux du Grand Paris Express. Cela se passe tellement bien que l’on pourrait appliquer ce schéma à d’autres ZFE-m où cohabitent ferroviaire et fluvial.

M. François-Michel Lambert. Je crains que nos collègues du groupe Les Républicains ne fassent la confusion entre les véhicules qui accèdent à une ville et ceux qui la traversent. Si l’on crée une contrainte pour les barges qui remontent de Rouen jusqu’à Bonneuil-sur-Marne simplement parce qu’elles traversent la ZFE-m de Paris, sachant qu’une barge équivaut à 220 camions et compte tenu de la densité du trafic sur la Seine, imaginez le nombre de camions qu’il faudrait remettre sur la route !

La stratégie présentée par le Gouvernement est la bonne : travailler sur le fond de la transformation en utilisant différents moyens, dont le rétrofit pour le fluvial. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS161 de M. Jean-Charles Larsonneur, CS629 de M. Guy Bricout, CS2283 de M. Olivier Damaisin, amendements identiques CS1839 de M. Vincent Ledoux et CS3988 de Mme Huguette Tiegna (discussion commune).

Mme Valérie Petit. Le martyr du jour, le véhicule de collection, renaît de ses cendres et aimerait bien qu’on l’exempte des restrictions de circulation de la ZFE-m !

M. Yannick Favennec-Bécot. Je vais retirer l’amendement CS629 et je vous promets que c’est la dernière fois que je vous parle des véhicules de collection ! Je me réjouis à l’avance, madame la ministre, de l’avis favorable que vous allez probablement réserver à l’amendement demandant un rapport sur le sujet. C’est un amendement que nous avons rédigé avec votre cabinet mais que, pour des raisons techniques, mon groupe n’a pas pu déposer. Je remercie mes collègues de La République en Marche et du MoDem de l’avoir repris. J’ai bien noté votre volonté d’aboutir rapidement sur ce sujet, en lien avec la Fédération française des véhicules d’époque, pour le plus grand plaisir des collectionneurs, pour la sauvegarde d’un patrimoine et pour la survie d’une filière économique.

Mme Huguette Tiegna. C’est une demande qui émane des circonscriptions de pouvoir concilier une véritable ambition écologique avec la préservation d’un des derniers plaisirs que l’on trouve en ruralité avec les véhicules de collection. J’ai bien entendu M. le rapporteur évoquer une solution de secours à travers la remise d’un rapport à la suite du travail que la fédération et les ministères sont en train de mener, et je me tiens à disposition pour y participer.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le débat a déjà bien eu lieu. Je vous propose d’en discuter à nouveau quand nous examinerons les amendements relatifs à ce rapport. Je partage votre volonté de préserver l’accessibilité des véhicules de collection, qui sont une richesse du patrimoine français.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’imagine les gens qui nous regardent… Les 500 000 collectionneurs seront contents puisque, dès les premiers amendements, nous avions dit que nous trouverions une solution pour les véhicules de collection. Tout le monde est d’accord et l’affaire est donc réglée.

Eu égard au nombre d’amendements déposés par les parlementaires sur ce sujet, j’en déduis que c’est leur principale préoccupation concernant les ZFE-m et que celles-ci ne posent aucun autre problème. Je m’en réjouis, car cela signifie que nous pourrons très facilement réduire la pollution de l’air dans notre pays…

J’adore les voitures de collection et je vous promets qu’on va régler le problème. Pitié, arrêtons de passer des heures sur ce sujet ! Avis défavorable à ces amendements, mais on va voter le rapport. Tout va s’arranger, et ce sera formidable !

M. Martial Saddier. J’ai moi-même, par le passé, déposé beaucoup d’amendements sur les voitures de collection… J’ai eu l’honneur de présider le Conseil national de l’air pendant une dizaine d’années, et je peux attester que le sujet des véhicules de collection était récurrent, bien que peu important au regard des enjeux de la qualité de l’air – nous avons bien d’autres motifs de préoccupation ! Nous avons toujours réussi à trouver une solution pour les voitures de collection, et ma modeste expérience me donne à penser que nous y parviendrons encore une fois.

L’amendement CS629 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements restants.

Amendement CS3164 de Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Il vise à permettre le transfert à la métropole du Grand Paris des compétences communales nécessaires à la création d’une ou de plusieurs zones à faibles émissions mobilité.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le II de l’article 27 prévoit le transfert de la compétence des ZFE-m aux présidents d’EPCI afin d’harmoniser les mesures au sein d’une même ZFE. Je rappelle que la métropole du Grand Paris est juridiquement un EPCI. Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

Mme Isabelle Florennes. Je transmettrai ces précisions au président de la métropole du Grand Paris.

L’amendement est retiré.

Article 27 bis (nouveau) : Rapport sur la circulation des véhicules de collection dans les zones à faibles émissions mobilité

Amendements identiques CS1422 de M. Olivier Damaisin et CS4086 M. Philippe Vigier.

Mme Frédérique Tuffnell. M. le rapporteur et Mme la ministre se sont engagés à remettre un rapport sur notre patrimoine industriel et culturel, et je les en remercie car les véhicules de collection contribuent à l’économie touristique.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Sans suspense, j’émets un avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Après de longues réflexions, j’émets également un avis favorable à cet amendement. Nous pouvons tous sabrer le champagne !

M. François-Michel Lambert. Il peut paraître futile de consacrer autant de temps aux véhicules de collection, qui n’ont pas tant d’impact que cela. Mais l’attachement aux symboles est fort, et la communauté humaine s’inquiète parfois pour des sujets qui ne posent pas vraiment de problème. La loi reste l’affaire des hommes et des femmes, et pas celle d’une intelligence artificielle. Prendre le temps d’en discuter nous permet en outre de partager un moment de plaisir en ce week-end. Voilà, pour ceux qui nous écoutent, le sens de nos débats.

M. Martial Saddier. Avec mon collègue Jean-Marie Sermier, nous défendons depuis plusieurs années les véhicules de collection, qui n’ont pas un impact colossal sur la pollution. Nous soutenons l’amendement CS1422, qui traduit nos propos.

La commission adopte les amendements.

Après l’article 27

Amendements identiques CS2530 de M. Charles de Courson, CS4673 de M. Guillaume Kasbarian et CS4959 de M. Jean-Marie Sermier. 

M. Guillaume Kasbarian. L’entretien régulier et préventif du véhicule permet d’allonger sa durée de vie et de réduire ses émissions et sa pollution. Cet amendement vise à tenir compte, dans la réglementation des ZFE-m, de la performance écologique réelle des véhicules et donc des émissions réellement observées.

M. Jean-Marie Sermier.  Le contrôle technique, qui mesure le niveau réel des émissions, doit pouvoir être pris en compte pour la délivrance de la vignette Crit’Air.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. D’abord, les certificats de qualité de l’air Crit’Air relèvent du décret et non de la loi. Ensuite, votre proposition pourrait difficilement être appliquée, car il faudrait mesurer très précisément les polluants ciblés par la ZFE-m, ce qui nécessiterait des investissements de la part des organismes de contrôle technique. Enfin, les informations ainsi recueillies devraient être consignées dans un fichier, par exemple le fichier d’immatriculation des véhicules, et là se poserait la question de l’enrichissement de celui-ci. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le contrôle technique ne permet pas de déterminer les émissions réelles des véhicules de façon aussi complète que les tests d’homologation, qui comportent différents parcours représentatifs de la circulation urbaine, de la circulation sur autoroute, etc. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian. Je ne souhaite pas créer une complexité administrative inutile. Je vais retirer mon amendement.

M. François-Michel Lambert. Le propriétaire d’un véhicule qui fait l’effort de l’entretenir, voire de l’améliorer, sera tout autant sanctionné que celui qui ne fait rien. Il faut accompagner les Français qui font le plus d’efforts dans l’entretien de leur véhicule.

L’amendement CS4673 est retiré.

La commission rejette les amendements restants.

Amendements CS1530 et CS1533 de Mme Claire Pitollat (discussion commune).

Mme Véronique Riotton. Selon l’Organisation mondiale de la santé, trois enfants sur quatre respirent un air pollué ; or, les enfants sont bien plus vulnérables à la pollution de l’air que les adultes. Par ailleurs, les forts taux de pollution ambiante dans les villes n’épargnent pas les écoles : les lieux qui accueillent les enfants sont nombreux à être régulièrement exposés à des dépassements de normes. Le premier amendement vise à définir la notion de rue scolaire afin d’interdire la circulation de véhicules à moteur à certaines heures de la journée sur une voie ou portion de voie située à proximité d’un établissement scolaire. Le deuxième est un amendement de repli, qui propose une expérimentation.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous souhaitons tous améliorer la qualité de l’air que respirent nos enfants. Cette proposition est déjà satisfaite par l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, sur lequel des collectivités comme Paris, Lille, Rouen, Orléans ou encore Lyon, commencent à s’appuyer pour adopter de telles mesures, de façon permanente ou à titre expérimental.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 85 de la loi d’orientation des mobilités a introduit un plan d’action Air, qui prévoit des solutions à mettre en œuvre pour améliorer la qualité de l’air et diminuer l’exposition chronique des établissements recevant les publics les plus sensibles à la pollution atmosphérique. Cela concerne en particulier les écoles et les enfants, qui sont particulièrement exposés à la pollution de l’air. C’est ce plan d’action Air qui doit établir s’il y a lieu de renforcer les restrictions de circulation aux abords des établissements scolaires. Demande de retrait.

M. Martial Saddier. Une chose toute simple et pas très chère à faire est d’éviter que les prises d’air dans les écoles donnent sur une rue où il y a de la circulation.

M. François-Michel Lambert. Même si cet amendement est satisfait, j’espère qu’il sera maintenu et surtout adopté, car il est très important. Je rappelle que vous avez adopté un peu plus tôt une disposition confirmant que la circulation des véhicules hybrides était possible dans les ZFE-m, alors que cela était déjà dans la loi.

Mme Véronique Riotton. N’en déplaise à M. Lambert, je retire les amendements de Claire Pitollat en l’invitant à les retravailler d’ici la séance.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CS2742 de M. Thibault Bazin et CS3155 de Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. La loi d’orientation des mobilités a rendu obligatoire l’adoption d’un plan d’action de réduction des émissions de polluants atmosphériques, ou sa mise à jour pour la métropole de Lyon et certains établissements publics de coopération intercommunale, dont la métropole du Grand Paris. Ce plan d’action doit comprendre une étude portant sur la réalisation d’une ou plusieurs zones à faibles émissions mobilité. Compte tenu du non-respect des normes de qualité de l’air et des échéances très brèves que nous avons fixées, le recours à une procédure de modification simplifiée, pourvu que celle-ci ne remette pas en cause l’économie générale du plan, apparaît nécessaire de manière à assurer le respect du calendrier et l’efficacité du dispositif.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’échéance prévue dans votre amendement est déjà dépassée. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous proposez de rallonger le délai fixé dans la LOM pour élaborer les plans d’action de réduction des émissions de polluants de l’air dans le cadre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). Les différents enjeux de santé publique en lien avec la qualité de l’air et les contentieux en cours ne permettent pas à l’État de se positionner en faveur de cette mesure.

Par ailleurs, vous proposez une procédure simplifiée de modification des PCAET dans laquelle la consultation du public se déroule en même temps que celle du conseil régional et du préfet de région. Cette procédure ne tient pas compte de l’Autorité environnementale, ce qui la fragilise juridiquement. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Pour que le plan climat-air-énergie soit opérationnel, il faut le doter des outils qui lui permettent de vivre sur le territoire. À ce titre, la révision simplifiée est incontournable : si les collectivités n’en disposent pas, elles adopteront un plan a minima, afin de ne pas être embêtées par la suite. À l’inverse, quand on donne aux collectivités les moyens de se mobiliser, elles s’en saisissent et se montrent réactives : c’est beaucoup plus efficace.

Mme Isabelle Florennes. Je suis d’accord avec M. Schellenberger : l’adhésion des collectivités est essentielle pour la mise en œuvre de ces actions sur le terrain. C’est encore plus vrai dans la métropole parisienne. Le millefeuille territorial ne nous aide pas, mais il est nécessaire d’écouter les collectivités pour qu’elles adhèrent à ces sujets sans attendre les réformes institutionnelles.

La commission rejette les amendements.

Article 28 : Obligation d’expérimenter la création de voies réservées à proximité des zones à faibles émissions mobilité

Amendement de suppression CS154 de M. Michel Vialay.

M. Michel Vialay. La création de voies réservées à certaines catégories de véhicules est une fausse bonne idée : la voiture est essentielle pour nombre de nos concitoyens, pour qui elle représente parfois le seul moyen de transport possible. Réduire les voies reviendrait à les pénaliser encore plus en augmentant les bouchons, donc les émissions de gaz à effet de serre. C’est déjà le cas à Paris ; essayons de ne pas suivre son exemple.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. La pertinence de ces voies réservées a été démontrée. C’est un outil complémentaire aux zones à faibles émissions qui me semble tout à fait intéressant. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 28 reprend la proposition SD-A2.4 de la Convention citoyenne pour le climat, d’expérimenter des voies réservées aux transports en commun, aux taxis, au covoiturage et aux véhicules à très faibles émissions. Vous avez adopté l’article 25 du projet de loi, qui prévoit que les voitures moins émettrices devront, d’ici au 1er janvier 2030, représenter a minima 95 % des ventes de voitures neuves. Or les véhicules à très faibles émissions, comme les véhicules électriques ou à hydrogène, représentent à ce jour à peine 1 % du parc automobile. L’objectif du Gouvernement est donc d’expérimenter, pour une durée de trois ans, des voies réservées sur les axes routiers structurants et desservant les ZFE-m afin d’inciter à recourir à ce type de véhicules. L’expérimentation, qui vise à évaluer les gains attendus en termes de mobilité, est donc utile. Avis défavorable à cet amendement de suppression.

M. Michel Vialay. Les voies d’autoroute réservées, autrement dit des trajets de longue distance, ne s’adressent pas aux habitants intra-muros ou à proximité immédiate des grandes métropoles. Ceux qui habitent assez loin de Paris n’ont pas les moyens d’y habiter et ce sont souvent les mêmes qui n’ont pas les moyens de changer régulièrement de voiture. En réservant des voies d’autoroute à ceux qui possèdent des véhicules propres, vous pénalisez tous ceux qui habitent loin et ne peuvent faire autrement que d’aller travailler en voiture. Il serait plus judicieux d’accompagner ceux qui n’en ont pas les moyens pour qu’ils puissent se payer des véhicules propres.

Mme Émilie Chalas. La métropole de Grenoble expérimente, sur une route à quatre voies de circulation, deux voies réservées, l’une, aux transports en commun pour l’accès à la grande métropole de Grenoble, l’autre, au covoiturage. Nous attendons les résultats de l’évaluation de cette politique publique. À court terme, cela provoque des embouteillages, c’est certain. Il faut absolument accompagner cette politique d’une offre de transports en commun globale et cohérente, qui rende les alternatives visibles et surtout finançables, pour que les gens puissent laisser leurs voitures chez eux. C’est indispensable pour compenser la contrainte que représente la réduction du nombre de voies standard.

M. François-Michel Lambert. Il me semble que cet article ne traite que de véhicules appartenant à une certaine catégorie. Ne faudrait-il pas y ajouter le covoiturage ? Quoi qu’il en soit, je voterai contre l’amendement de suppression.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous vérifierons la rédaction de l’article mais l’idée est bien d’inclure le covoiturage, afin de donner un avantage à ceux qui partagent leur voiture. J’en ai fait l’expérience dans la métropole lyonnaise, où j’ai partagé le véhicule d’une personne qui s’était mise au covoiturage d’abord par engagement citoyen, puis pour des raisons financières, l’économie pour elle s’élevant à 800 euros en un an. Pour des personnes qui n’ont pas de gros revenus, cela n’est pas négligeable ! Ces mesures, contrairement à ce que certains peuvent croire, ont donc aussi une vocation sociale.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’article 28 renvoie à l’article L. 411-8 du code de la route qui précise bien que les véhicules en covoiturage sont acceptés dans les voies réservées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4962 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Puisque ces voies sont maintenues, autant les utiliser de façon rationnelle. Nous vous proposons d’ouvrir les voies réservées aux véhicules pris en autopartage ou dans le cadre d’une location de courte durée.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’objectif des voies réservées est de massifier le transport de personnes. Accepter l’ensemble des véhicules en autopartage et en location ne garantit pas que ces véhicules seront occupés par plus d’une personne. L’objectif étant de lutter contre l’autosolisme, j’émets un avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Nous précisons qu’il s’agit d’autopartage : il y a donc bien plusieurs personnes dans la voiture.

Mme Barbara Pompili, ministre. Non, ça c’est du covoiturage, c’est différent de l’autopartage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4952 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de permettre aux élus locaux d’aller plus loin que l’expérimentation actuelle.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je me suis interrogé sur ce point lorsque je me suis saisi du texte. Les difficultés qui se sont révélées sur les 8 kilomètres de voie réservée sur l’autoroute A15, en Île-de-France, entre Franconville et le pont de Gennevilliers, montrent à quel point l’expérimentation est nécessaire. Elle constitue un accompagnement des élus dans le déploiement de ces voies réservées. En revanche, les critères censés permettre sa généralisation par la suite doivent être définis dès le début. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’expérimentation est importante pour mettre correctement en œuvre le dispositif et anticiper de futures difficultés. Par ailleurs, l’aménagement de voies réservées sur les autres routes nationales et départementales hors agglomération que celles visées par l’article reste possible : la loi d’orientation des mobilités l’a précisé en créant l’article L. 411-8 du code de la route. Avis défavorable.

Mme Aurore Bergé. L’expérimentation est absolument nécessaire. En Île‑de‑France, par exemple, les voies sont saturées et le recours au véhicule individuel, plutôt qu’un choix, est souvent une contrainte, liée aux problèmes de mobilité, notamment aux difficultés des transports en commun. Imposer de telles dispositions risquerait de fragiliser économiquement et socialement un certain nombre de nos concitoyens. L’expérimentation permet le déploiement en parallèle de solutions alternatives socialement acceptables. De ce point de vue, l’amendement est étonnant.

M. Martial Saddier. L’expérimentation sert également de signal. Parmi les signaux possibles, l’État pourrait aussi donner l’exemple sur ses concessions autoroutières, par la création de voies réservées sur les autoroutes. La société ATMB (Autoroutes et tunnels du Mont-Blanc) a ainsi réservé une voie au covoiturage, y compris lors de l’accès au péage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4554 de Mme Mathilde Panot

Mme Sabine Rubin. Nous souhaitons, pour notre part, généraliser les aménagements de voies réservées aux véhicules partagés et aux transports collectifs sur les autoroutes et voies rapides, comme l’avait demandé la Convention citoyenne pour le climat. Vous défendez les expérimentations, mais il en existe visiblement déjà ; on pourrait donc en faire un bilan en vue de généraliser le dispositif. L’expérimentation visée dans l’article ne vaudrait que pour une durée déterminée et sur les routes desservant des ZFE-m : c’est trop limité. Ce type d’aménagements est pourtant nécessaire à la transition de la voiture individuelle à des modes de transport partagé.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous avons expliqué en quoi il est important d’expérimenter avant de généraliser. L’exemple déjà cité de la voie réservée sur l’A15, en Île‑de-France, sur 8 kilomètres entre Franconville et le pont de Gennevilliers, le confirme. Entre ce que l’on imagine et la réalité, il peut y avoir quelques différences… Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’ai déjà dit que nous privilégiions l’expérimentation et expliqué pourquoi.

Par ailleurs, je le répète, l’aménagement de voies réservées sur les autres routes nationales ou départementales hors agglomération reste possible en application de l’article L. 411-8 précité du code de la route. Il ne me paraît ni facilement envisageable ni nécessairement pertinent de créer des voies réservées sur toutes les routes, y compris celles qui ne subissent pas de congestion ou qui n’ont qu’une voie de circulation dans un sens donné – dans ce cas, cela reviendrait à interdire purement et simplement la circulation des autres véhicules. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5382 du rapporteur

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il s’agit de préciser que les trois ans de l’expérimentation débutent à la promulgation de la loi.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS4180 de M. Pacôme Rupin

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le dispositif des voies réservées n’est pas nouveau et a fait ses preuves dans plusieurs pays. Il encourage les usagers à utiliser des solutions de déplacement à plus faible empreinte carbone en réduisant le temps de trajet.

Notre amendement vise à donner plus de portée à l’expérimentation en supprimant la condition que les routes concernées doivent desservir une zone à faibles émissions mobilité. Ainsi, l’expérimentation pourra avoir lieu sur toutes les autoroutes et routes express du réseau routier national ou du réseau routier départemental hors agglomération.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il faut absolument conserver cette condition. Par ailleurs, les dispositions de la LOM permettant d’aménager des voies réservées satisfont votre demande. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous avons décidé d’en rester à l’expérimentation sur les routes menant aux ZFE-m. Des voies peuvent déjà être réservées sur les autres routes, je l’ai déjà dit. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS2768 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement CS846 de M. Antoine Herth tombe.

La commission adopte l’amendement d’harmonisation rédactionnelle CS2769 du rapporteur.

Amendement CS159 de M. Jean-Charles Larsonneur

Mme Valérie Petit. Il s’agit d’ouvrir les voies réservées aux cyclomotoristes et aux motocyclistes, qui ne les satureraient pas puisqu’ils représentent respectivement 0,3 % et 1,6 % du trafic.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les voies réservées ont pour but d’encourager l’utilisation de véhicules propres. Les scooters et motos électriques y seront bien sûr autorisés, mais il ne me semble pas pertinent de les ouvrir aux véhicules thermiques, malgré toute l’attention que nous portons aux motards.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les deux-roues motorisés occupent moins d’espace sur la voie publique que les voitures, mais ouvrir à tous l’accès aux voies réservées ne permettrait pas d’atteindre notre objectif. En revanche, ceux qui transportent deux passagers pourront les utiliser, de même que les motos électriques. Cela devrait vous satisfaire en partie. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3830 de Mme Valérie Petit

Mme Valérie Petit. Il s’agit de la même demande, cette fois pour les véhicules de transport avec chauffeur (VTC).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. Ne relançons pas le débat que nous avions eu à propos de la LOM. Bien sûr, si ces véhicules transportent plusieurs passagers, ils pourront circuler sur les voies réservées.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cette évolution supposerait au préalable des modifications réglementaires permettant d’identifier spécifiquement les véhicules concernés. Ce n’est ni le moment ni le lieu d’y procéder. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS2776 et CS2771 du rapporteur.

Amendement CS4159 de M. Pacôme Rupin

M. Guillaume Gouffier-Cha. En tant qu’unique autorité organisatrice de la mobilité régionale en Île-de-France, Île-de-France Mobilités agit comme l’organisateur de la stratégie de mobilité à l’échelle régionale, notamment en matière de réduction de la pollution de l’air. Cela passe nécessairement par le développement des facilités de circulation pour les véhicules propres, partagés ou de transport en commun.

Le présent amendement vise donc à ce qu’en Île-de-France, l’autorité de police de la circulation prenne son arrêté après avis d’Île-de-France Mobilités.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il me semblait que l’amendement était satisfait ; mais, à la suite des nombreuses auditions que nous avons menées, et au cours desquelles vous avez fait preuve, comme M. Rupin, d’une implication qui mérite d’être saluée, il m’a paru important de clarifier cet aspect. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Pour moi, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement d’harmonisation rédactionnelle CS2775 du rapporteur.

Amendement CS2777 rectifié du rapporteur

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il s’agit de l’amendement auquel j’ai précédemment fait référence et qui vise à préciser dès le début de l’expérimentation l’ensemble des modalités selon lesquelles elle pourra être généralisée. C’est essentiel compte tenu du nombre d’expérimentations que nous déployons et qui ne seront jamais généralisées malgré l’investissement de nombreux acteurs et de nombreuses entreprises.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS5366 du rapporteur

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement tend à demander au Gouvernement une synthèse des évaluations des voies réservées créées en application de l’article 28, afin que le Parlement puisse en disposer pour décider des modalités de pérennisation de l’expérimentation.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS5094 de M. Jean-Marie Sermier

M. Jean-Marie Sermier. Pour aider le Gouvernement dans son entreprise, cet amendement fixe l’objectif ambitieux de 5 000 kilomètres de voies réservées au 1er janvier 2024.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il me semble difficile de fixer un objectif chiffré en kilomètres alors que l’aménagement des voies réservées dépend des autorités locales et du conseil départemental. Par inspiration girondine, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’aime que l’on soit ambitieux, encore faut-il l’être à bon escient. L’aménagement des voies réservées n’a d’intérêt que sur les axes routiers présentant une congestion récurrente, afin de privilégier la circulation des mobilités partagées et d’inciter à emprunter des véhicules à faibles émissions. Dès lors, l’objectif de réalisation de 5 000 kilomètres de voies réservées apparaît démesuré alors que, sur le réseau routier national, la valeur moyenne du pic de bouchons en semaine, à l’heure de pointe, est comprise entre 400 et 800 kilomètres. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 28 ainsi modifié.

Après l’article 28

Amendement CS4047 de Mme Aude Luquet

M. Nicolas Turquois. Dans les villes où il existe un axe de contournement, parfois payant, certains conducteurs de véhicules de transport préfèrent traverser l’agglomération. Notre amendement vise donc à permettre au maire de les obliger à utiliser l’axe de contournement.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il me semble satisfait par l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales. C’est sur cette base légale que des élus interdisent la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes sur certaines voies de l’agglomération lorsqu’un axe de contournement existe. Si l’application de cette disposition pose un problème, parlons-en ensemble pour, le cas échéant, sensibiliser les services à ce sujet.

Mme Barbara Pompili, ministre. Effectivement, la loi permet déjà aux autorités détentrices du pouvoir de police de la circulation de prendre des mesures restreignant ou interdisant l’accès de certains usagers à certaines voies. En agglomération, ce sont les maires qui sont compétents. Les mesures doivent évidemment être motivées par un objectif d’ordre public caractérisé, proportionné aux principes de libre circulation des personnes et des biens, et prendre en considération le risque de fractionnement des réseaux routiers. Si des difficultés se posent quant à l’application de la loi, voyons comment y remédier. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. Je confirme que la loi permet déjà ce que demande l’amendement ; j’y ai moi-même déjà recouru. La difficulté, ou plutôt la complexité, vient de la nécessité de coordonner les niveaux communal, intercommunal et départemental dont dépendent les voies en jeu.

M. Nicolas Turquois. En effet, on constate parfois une difficulté opérationnelle. Toutefois, j’entends les arguments qui me sont opposés.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS960 de Mme Jennifer De Temmerman, CS1363 de M. Pierre-Yves Bournazel, CS3475 de M. Hubert Julien-Laferrière et CS3586 de M. Régis Juanico

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3475, auquel nous avons travaillé avec la Fédération française des usagers de la bicyclette, vise à créer un plan de hiérarchisation de la voirie afin d’abaisser la vitesse en agglomération et d’apaiser les relations entre usagers.

M. Gérard Leseul. Je précise, à propos de notre amendement CS3586 comme des autres, qu’il s’agit d’obliger les maires à créer ledit plan de hiérarchisation.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. En ce qui concerne les zones 30, l’article L. 2213-1-1 du code général des collectivités territoriales permet déjà d’abaisser la vitesse en ville. Il ne me semble pas pertinent de se donner pour objectif de le faire sur 80 % de la voirie, au nom du respect du principe de libre administration des collectivités. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. J’entends le souhait de permettre une démarche de planification aboutissant notamment à identifier des voies à faible trafic où les modes actifs doivent être privilégiés, par exemple par l’abaissement de la vitesse maximale à 30 kilomètres‑heure. Mais les amendements soulèvent plusieurs difficultés.

D’abord, ils prévoient l’élaboration du plan de hiérarchisation par le maire dans le cadre d’un plan de mobilité ; or ce dernier est de la seule compétence de l’autorité organisatrice de la mobilité. Ensuite, le schéma porterait sur un bassin de mobilité ; or ce périmètre n’est celui ni de la commune, ni de l’autorité organisatrice de mobilité. Enfin, les objectifs indiqués n’ont aucune portée normative. Dans le cas contraire, le Gouvernement n’aurait pas été favorable à la fixation de tels seuils au niveau national, s’agissant d’une mesure qui nécessite de prendre en considération le contexte territorial. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan. Peut-être faut-il revoir l’objectif de 80 %. En revanche, je ne crois pas que la mesure poserait de problème au niveau territorial : elle permet des décisions différenciées qui pourraient être intéressantes pour les collectivités. Les rues scolaires, dont nous avons précédemment parlé, sont un exemple de dispositif qui pourrait être intégré à un plan de hiérarchisation.

M. François-Michel Lambert. Il est possible que les amendements posent un problème de forme. Mais vous avez confirmé par votre vote la possibilité de circuler pour de très gros véhicules type SUV, parce qu’ils sont hybrides et classés Crit’Air 1. Si l’on pouvait adopter les amendements, en pensant cette fois aux vélos plutôt qu’aux gros 4x4, ce serait bien…

Mme Delphine Batho. On ne peut pas se contenter de dispositions relatives aux voiries destinées aux voitures sans penser aux piétons et aux cyclistes. Il existe aujourd’hui une aspiration à ralentir. Or l’espace urbain a été conçu pour la voiture, et pour la voiture qui va vite. Il faut donc prendre des décisions claires. Les collectivités s’orientent vers cette évolution ; elles ont besoin d’aide, mais aussi de règles et de normes. Ce que nous proposons vient de la Convention citoyenne, qui demandait l’abaissement de la vitesse sur autoroute – une mesure qui a fait l’objet d’un joker, alors qu’elle serait efficace pour le climat –, mais aussi en ville.

La commission rejette les amendements.

Elle rejette l’amendement CS1552 de M. Mohamed Laqhila.

Amendements identiques CS157 de M. Jean-Charles Larsonneur et CS1550 de M. Mohamed Laqhila.

Mme Valérie Petit. L’amendement CS157 vise à généraliser la circulation inter-files des deux-roues motorisés, qui a fait l’objet d’une expérimentation du 1er février 2016 au 31 janvier 2021.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avant de généraliser l’expérimentation, attendons les conclusions du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) sur le sujet. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’autorisation de la circulation inter-files relève du domaine réglementaire, et non législatif. En effet, l’expérimentation qui a eu lieu dans onze départements de février 2016 à janvier 2021 a été menée par dérogation aux dispositions d’articles réglementaires du code de la route.

Sur le fond, l’expérimentation a fait l’objet d’un rapport d’évaluation par le CEREMA en janvier 2021, et ses résultats sont mitigés. Ainsi, l’accidentalité a augmenté de 12 % sur les routes où elle était en vigueur, alors qu’elle a baissé de 10 % sur les autres routes des départements concernés. En revanche, l’expérimentation a eu des effets positifs sur le respect progressif des modalités de la circulation inter-files, la formation des jeunes conducteurs et l’acceptation du dispositif par l’ensemble des usagers de la route.

Bref, nous n’y sommes pas encore. Une expérimentation plus approfondie est donc envisagée. Une phase de concertation avec les fédérations professionnelles du monde de la moto est en cours ; à son issue, un projet de décret sera transmis au Conseil d’État. Demande de retrait.

La commission rejette les amendements.

Elle rejette l’amendement CS3757 de Mme Anne-France Brunet.

Amendement CS3286 de M. Matthieu Orphelin

Mme Delphine Batho. Après le temps que nous avons consacré aux véhicules de collection, prenons quelques minutes pour parler du vélo. Le texte doit comporter une disposition de programmation pour le vélo, afin de soutenir, par le fonds vélo, les nécessaires déploiements auxquels procèdent les collectivités territoriales.

Le plan Vélo fixe l’objectif de 9 % de part modale du vélo en 2024. Cela implique son triplement, ce qui, même compte tenu du très fort développement actuel de la pratique, dépend des aménagements, de l’existence de voies cyclables séparées et sécurisées dans les collectivités. Un effort réel a été consenti, mais il faut l’amplifier. Selon une étude de l’Agence de la transition écologique (ADEME) et de la direction générale des entreprises (DGE), aucune évolution significative de la pratique n’est à attendre sans une progression importante des investissements publics et le taux de pratique utilitaire du vélo est clairement corrélé au linéaire d’aménagements cyclables par habitant. Cette étude évalue les besoins à 4 à 5 milliards d’euros par an. Il faudrait donc porter le montant du fonds « vélo » à 500 millions d’euros sur dix ans.

Nous proposons d’inscrire ces objectifs dans la loi et d’y prévoir une trajectoire d’augmentation du mondant du fonds « vélo ».

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous partageons tous la volonté de déployer plus d’infrastructures destinées au vélo et d’œuvrer au développement du forfait mobilités durables, qui permet d’aller au travail à vélo, par une autre mobilité active ou en covoiturage.

Il a été décidé de consacrer au fonds vélo 100 millions d’euros supplémentaires en 2021 et 2022 dans le cadre du plan de relance.

S’y ajoutent plusieurs instruments de soutien aux collectivités : la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui permet de les accompagner dans le développement de services de transport de proximité durables ; les contrats de plan État-région (CPER) – j’appelle les régions à consacrer des financements ambitieux aux infrastructures dédiées aux vélos ; l’appel à projet « vélo et territoires » lancé par l’ADEME en 2019, qui a permis de financer 227 projets à hauteur de 17 millions d’euros.

Enfin, le « coup de pouce vélo » a remis un certain nombre de Français en selle.

Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le « coup de pouce vélo » montre qu’une petite aide peut produire de très grands résultats : ce sont 1,5 million de personnes qui l’ont utilisé pour faire réparer leur vélo.

Je suis tout à fait d’accord pour que l’on parle un peu de vélo, et je partage l’objectif d’accompagner le développement de sa pratique, en cohérence avec les orientations stratégiques de la LOM. Celle-ci prévoit ainsi un fonds « mobilités actives » doté de 350 millions d’euros sur sept ans, mis en avant annuellement par le biais d’appels à projet financés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Ce dispositif connaît un grand succès : 114 millions d’euros ont déjà été mis à la disposition des collectivités lauréates en 2019 et 2020. Le troisième appel à projet vient d’être annoncé ; il permettra d’attribuer 101 millions supplémentaires dès 2021, grâce à l’accélération de la trajectoire compte tenu du contexte. Le prochain appel sera lancé au printemps.

Au niveau territorial, les enveloppes de la DSIL et leur abondement dans le cadre du plan de relance ont également vocation à soutenir les projets d’aménagements cyclables. Par ailleurs, les aménagements contribuant directement à l’augmentation de la pratique du vélo – la sécurité étant essentielle pour faire passer le cap à ceux qui hésitent – figurent parmi les priorités à financer par les 600 millions d’euros mis à la disposition des régions dans le cadre du plan de relance, et j’invite les régions à se saisir de ces fonds à cette fin.

Enfin, le Conseil d’orientation des infrastructures créé en application de la LOM, et qui devrait finir par être installé, est chargé d’éclairer le Gouvernement en vue de l’actualisation de la programmation financière et opérationnelle prévue par la LOM. La place des modes doux sera évidemment importante dans ces travaux s’agissant de la trajectoire pluriannuelle de l’AFITF.

Vous le voyez, nous augmentons les fonds d’investissement de l’État en faveur du développement de la pratique du vélo, et nous continuerons de le faire, car ce développement mérite d’être soutenu. Demande de retrait.

Mme Delphine Batho. Il est tout de même paradoxal que, dans un projet de loi consacré au climat, on parle de la voiture, des zones à faibles émissions, du transport de marchandises, du transport aérien mais pas du mode de déplacement le plus vertueux, à l’égard duquel un changement culturel puissant est en cours dans notre pays. Les outils que vous avez décrits, madame la ministre, sont dépassés par ce succès, qui est encore amplifié par le contexte lié à la pandémie. Il me semble essentiel que nous prévoyions une disposition de programmation, comme le projet de loi le fait sur d’autres sujets. Les collectivités locales font beaucoup d’efforts en la matière. L’État doit leur faire savoir qu’il les accompagnera sur le long terme, de plus en plus étroitement. La demande est forte, et la pénurie de vélos est réelle. Des enjeux économiques, d’emploi et de santé publique s’attachent au développement de ce mode de transport.

M. Martial Saddier. Le développement du vélo représente, en effet, un enjeu majeur pour l’économie et l’emploi. La priorité est que les vélos soient fabriqués en France. Les régions, par exemple Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche Comté, soutiennent, par leurs investissements, les fabricants. Parallèlement, l’État, à travers le plan de relance, favorise la production de bicyclettes électriques en France, afin que nous ne soyons pas dépendants de l’Asie. Je rappelle que, bien souvent, les collectivités territoriales réalisent la grande majorité des investissements concernant l’aménagement des collèges, des lycées, des pôles d’échanges multimodaux, des pistes cyclables. Dans les départements du Jura, de la Haute-Savoie et du Cantal, comme dans beaucoup de ceux qui sont représentés ce soir, 80 % des pistes cyclables sont financées par les collectivités territoriales.

M. François-Michel Lambert. La consolidation d’une offre de déplacement à vélo constitue un élément structurant de la politique que nous devons mener. Au-delà des très bonnes initiatives du Gouvernement, il faut mettre en œuvre une planification, comme on le fait dans d’autres domaines. Par exemple, le déploiement de la fibre n’est pas laissé à la seule initiative des collectivités territoriales. Il est indispensable que nous posions les bases du déploiement structuré de l’offre de déplacement à vélo.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Depuis 2017, des mesures fortes ont été prises en faveur du développement du vélo. Le plan « vélo » de 2018 a défini une programmation, abondée à hauteur de 350 millions d’euros sur sept ans, qui s’applique progressivement. À cela s’ajoutent les mesures de la LOM. Cela étant, il est regrettable que le vélo ne soit pas présent dans le projet de loi, en dehors du logo figurant sur le dossier de presse. Des mesures sont nécessaires pour renforcer l’accès au vélo, comme nous le demandent les citoyens, qu’il s’agisse, par exemple, du renforcement du forfait mobilités durables ou de l’élargissement de la prime à la reconversion automobile à l’acquisition de vélos, éventuellement électriques. Nous devons accroître les crédits qui y sont affectés. Nous devons aussi nous efforcer de lever les freins qui empêchent les collectivités de proposer des projets pluriannuels de développement des infrastructures liées au vélo. Enfin, il est urgent de créer une filière vélo pleinement structurée.

Mme Barbara Pompili, ministre. On me dit que le projet de loi ne contient pas de mesures dans certains domaines, ou que celles-ci sont insuffisantes, par exemple en matière d’énergies renouvelables. Il faut mettre les choses en perspective et rappeler que ce texte est une composante de la politique menée depuis le début du quinquennat.

S’agissant du vélo, je suis heureuse de constater l’engouement récent dont il est l’objet, que la crise de la covid a effectivement accentué. Nous avons pris des mesures pour accélérer le développement du vélo, en renforçant la sécurité –  par le déploiement de pistes cyclables sécurisées, la lutte contre le vol, la création d’emplacements de stationnement sécurisés –, mais aussi en assurant la formation des formateurs en matière de réparation, et d’accueil dans les entreprises, etc.

Pour montrer l’intérêt que nous portons au développement du vélo, nous pourrions regarder, en vue de la séance, des amendements tels que celui qui envisageait la création d’une prime à la conversion permettant d’échanger sa voiture contre un vélo – la faisabilité de cette mesure doit toutefois être vérifiée. De nombreuses autres mesures sont de nature réglementaire et peuvent être facilement appliquées. Même si ce projet de loi ne comporte pas de mesures directes pour le vélo, le Gouvernement continuera à faire beaucoup pour le vélo – c’est une passionnée qui vous le dit !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cette manie de se tourner systématiquement vers l’État est surprenante. Quand une politique publique ne porte pas ses fruits, une telle réaction est légitime : l’État doit donner une impulsion. En l’occurrence, l’État a déjà fait beaucoup, et le succès est au rendez-vous : un nombre croissant de Français choisit ce mode de transport, à telle enseigne qu’on manque de vélos. Les initiatives se multiplient, qu’elles émanent des collectivités territoriales ou qu’elles soient individuelles. Alors que le secteur est en plein boom, il faudrait que l’État en fasse plus. Il y a là une sorte de paradoxe, d’autant plus que les finances des collectivités territoriales sont en bien meilleure santé que celles de l’État.

La commission rejette l’amendement.

Article 29 (articles L. 1241-2 et L. 2121-3 du code des transports) : Mesures de tarification attractive des trains régionaux

Amendement CS417 de Mme Valérie Beauvais.

M. Jean-Marie Sermier. L’article 29 prévoit de modifier le code des transports en précisant que la région définit la politique tarifaire des services d’intérêt régional en vue d’obtenir la meilleure utilisation sur le plan économique, « environnemental » et social du système de transport. Cela témoigne d’une véritable défiance à l’égard des régions. Depuis qu’elles détiennent la compétence transports, depuis 2017, elles ont investi, notamment dans le transport collectif, pour réduire son impact sur l’environnement. C’est pourquoi l’amendement vise à supprimer l’alinéa 2 de l’article.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je crois nécessaire de conserver la mention de l’objectif environnemental. De nombreuses collectivités développent une politique tarifaire attractive et contribuent, ce faisant, à l’objectif environnemental, que la loi consacre.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article L. 2121-3 du code des transports prévoit que les régions tiennent compte des aspects économiques et sociaux dans la définition de la politique tarifaire des services d’intérêt régional. Le Gouvernement souhaite aller plus loin et introduire l’obligation pour les régions de tenir compte également des aspects environnementaux, afin de rendre le ferroviaire plus attractif. Votre amendement vise à supprimer cette obligation, ce qui irait à l’encontre de l’ambition exprimée par la Convention citoyenne pour le climat. Celle-ci souhaite que le train, peu émetteur de gaz à effet de serre, soit plus utilisé et ne soit pas plus coûteux pour les Français que d’autres moyens de transport plus émetteurs. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre, nous sommes parfaitement en phase. Nous souhaitons, comme vous, que les régions mènent une politique tarifaire favorisant le respect de l’environnement, mais il se trouve qu’elles le font depuis 2017. Leur dire aujourd’hui qu’elles doivent s’y employer, cela exprime une forme de défiance vis-à-vis des politiques régionales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2184 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Ce n’est pas à l’État de définir une politique tarifaire attractive à la place de la région, puisque celle-ci est compétente en la matière. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS2782 du rapporteur.

Amendement CS4043 de Mme Aude Luquet.

M. Nicolas Turquois. L’amendement vise à favoriser l’intermodalité.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. C’est une proposition pleinement justifiée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3831 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Je propose, par cet amendement, que la région, comme Île‑de‑France Mobilités, justifient publiquement chaque hausse des barèmes tarifaires. Les citoyens veulent savoir à qui ils doivent ces évolutions.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Votre amendement est satisfait en particulier par le travail que nous avons effectué ensemble et qui a débouché sur la loi pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin 2018. Celle-ci a prévu une consultation des représentants des usagers sur les services ferroviaires organisés par les régions et Île-de-France Mobilités. Cette consultation, qui intervient en amont de la décision de l’autorité organisatrice, porte notamment sur les projets d’évolution de la tarification.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable, car l’amendement est satisfait, même s’il est vrai que cela ne se voit pas tellement. Les consultations ont lieu, mais on ne comprend pas toujours les raisons qui conduisent à l’augmentation des tarifs. Cela mériterait d’être amélioré ; je vais voir si l’on peut y travailler.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3938 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. La personne qui se déplace quotidiennement à vélo ou par une autre mobilité active est tentée, les jours de mauvais temps, de privilégier sa voiture, lorsqu’elle en a une. Une offre d’abonnement « mauvais temps » de la part des régions serait de nature à encourager le report vers les TER. Cette mesure pourrait s’appliquer à l’ensemble des offres de transport en commun.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. Il est vraiment très compliqué d’appliquer ce type de proposition. De surcroît, je suis très respectueux de la libre administration des collectivités, en l’occurrence de la liberté tarifaire des régions.

Mme Barbara Pompili, ministre. En droit, qualifier le mauvais temps n’est pas tâche aisée ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2322 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. C’est un amendement de cohérence avec l’amendement qui visait à renforcer l’intermodalité et qui a été adopté avec vos avis favorables. Il s’agit de charger la région de favoriser la compatibilité des titres de transport pour aboutir à une carte multimodale permettant l’utilisation de tous les types de transport public.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. C’est une proposition intéressante, qui a donné lieu à de longues discussions dans le cadre de l’examen de la loi d’orientation des mobilités. Avec Berangère Couillard, qui était rapporteure du titre III, nous avons institué des dispositifs pour déployer ces mobilités « sans couture », assurer le passage d’un transport à un autre. Votre proposition est pleinement satisfaite par la LOM. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je partage les remarques du rapporteur et émettrai également un avis défavorable. Cela étant, vous avez raison : la création d’une carte donnant accès à toutes les mobilités est importante et il va falloir appliquer vite les mesures qui ont été votées et qui facilitent le développement des transports en commun.

M. Gérard Leseul. Je n’ai pas bien saisi l’ensemble des mesures prises qui permettraient le développement de cette carte multimodale. Nous en reparlerons.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 29 ainsi modifié.

Après l’article 29

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS467 de M. Pierre Vatin.

Amendement CS2148 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Il s’agit d’établir une feuille de route nationale relative à l’accès aux transports ferroviaires dans les territoires ruraux et périurbains. Ce document comporterait, en application de l’article 29 de la présente loi, un volet relatif aux tarifs des services de transport ferroviaire de voyageurs.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je souhaite, comme vous, que nos concitoyens bénéficient d’une bonne desserte ferroviaire et de tarifs accessibles. C’est l’objectif que nous poursuivons avec l’article 29. Nous avons travaillé, dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, sur la régénération du réseau ferroviaire et le maintien des petites lignes. Nous attendons un rapport du Gouvernement sur ces lignes de desserte fine. Je ne doute pas que les travaux que nous mènerons, sur la base de ce document, nous permettront de répondre à votre préoccupation. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’État partage la conviction que le train peut constituer une offre de transport nécessaire pour répondre à des enjeux forts d’aménagement du territoire du fait, notamment, de l’absence d’alternative. Cela se matérialise, d’abord, par l’engagement du Gouvernement de maintenir le conventionnement des deux trains de nuit Paris-Briançon et Paris-Rodez-Toulouse-Latour-de-Carol-Cerbère, et à rénover leur matériel, pour un montant d’environ 44 millions d’euros, financé par l’État. Les conditions de redéploiement d’un réseau de trains de jour et de nuit plus dense et répartis dans toute la France sont également à l’étude. La loi d’orientation des mobilités de 2019 prévoit, à ce sujet, la remise d’un rapport au Parlement devant présenter les conditions d’amélioration de l’offre de trains en France.

Le Gouvernement a, par ailleurs, engagé avec les régions un plan de remise en état des petites lignes ferroviaires afin de permettre le maintien d’un mode de transport ferroviaire à chaque fois que les collectivités le jugeront pertinent au regard des besoins en matière de transport des territoires concernés. Ce plan, qui est en cours de déclinaison région par région, et qui avance de manière satisfaisante, précisera les modalités de financement des investissements de remise en état des infrastructures, qui représenteront un montant de l’ordre de 7 milliards d’euros au cours des prochaines années.

Enfin, il revient à chaque région concernée de définir et d’organiser les services nécessaires pour son territoire, ainsi que les tarifications relatives à ces services.

Pour toutes ces raisons, une feuille de route nationale additionnelle ne s’impose pas. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Gérard Leseul. Quand le rapport sur les trains d’équilibre du territoire (TET) sera-t-il remis ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Dans les semaines à venir.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1081 de M. Jean-Yves Bony et CS1109 de M. Bertrand Pancher, amendements CS2056 de M. Gérard Leseul, CS4464 de Mme Mathilde Panot, CS4463 de M. Loïc Prud’homme et CS2057 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Gérard Leseul. Il faut tout faire pour développer les transports en commun terrestres. À cette fin, nous proposons de leur appliquer un taux de TVA de 5,5 %.

Mme Sabine Rubin. L’amendement CS4464 vise à appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux transports publics de voyageurs du quotidien ; l’amendement CS4463 a pour objet d’appliquer cette mesure aux billets de train, conformément à la proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Ces dispositions constitueraient une incitation, juste socialement, à l’usage des transports en commun.

M. Gérard Leseul. L’amendement CS2057 vise à appliquer un taux de TVA de 5,5 % sur le prix des billets de train. Ils bénéficient déjà d’un taux réduit de 10 %, mais il faudrait consentir un effort supplémentaire. La justice sociale est nécessaire à une bonne acceptabilité des mesures envisagées.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. C’est un débat qui revient chaque année, notamment dans le cadre du projet de loi de finances. Vos propositions présentent un coût élevé, et il n’est pas certain que la baisse de la TVA serait répercutée sur le prix du billet. Un travail substantiel devrait être engagé sur les grilles tarifaires pour s’assurer que la baisse de la TVA profiterait à l’usager. Nous partageons la volonté d’avoir des tarifs attractifs : c’est l’objet de l’article 29. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vos propositions portent sur un périmètre très large et auraient un coût budgétaire élevé, pour un effet très incertain sur le pouvoir d’achat des ménages et l’environnement. Elles seraient inapplicables en pratique. Elles n’auraient aucun effet sur les réseaux multimodaux : en cas de prestation mixte, le taux le plus élevé s’applique même s’il n’est pas majoritaire. Elles introduiraient, en outre, des distorsions entre les collectivités territoriales : plus le subventionnement public est important, moins la mesure est bénéfique ; elles ne profiteraient donc pas aux collectivités qui ont fait le choix de la gratuité des transports. L’approche retenue par le Gouvernement d’une augmentation des versements aux autorités organisatrices pour les aider à passer la crise sans revenir sur leurs engagements de modération tarifaire est plus pertinente pour donner suite à la proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Enfin, ces propositions soulèvent de vives réserves quant à leur application et à la compatibilité avec le droit de l’Union européenne, au regard du principe de neutralité de la TVA. Pour ces raisons, le Gouvernement a un avis défavorable.

Mme Delphine Batho. La proposition de la Convention citoyenne est d’appliquer un taux de TVA à 5,5 % sur les billets de train. C’est le débat central, et c’est là que réside l’urgence.

M. François-Michel Lambert. La baisse de la TVA permettrait à beaucoup d’opérateurs de retrouver l’équilibre économique. Ce serait un signal extrêmement fort adressé à nos concitoyens pour favoriser le transport alternatif à la voiture et le transport public.

M. Gérard Leseul. Delphine Batho a raison. La TVA sur les transports en commun, en particulier ferroviaires, est un sujet essentiel, dont le Sénat va se saisir. Je vous invite à y réfléchir sérieusement.

La commission rejette successivement les amendements.

 


([1]) La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.