N° 3995

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 mars 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]) CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.),

M. Jean-RenÉ Cazeneuve,

Rapporteur général,

 

et

 

M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore BERGÉ,
M. Lionel Causse, Mme CÉlia de Lavergne, Mme Cendra Motin,
M. Mickaël Nogal, et M. Jean-Marc Zulesi,

Rapporteurs thématiques

——

 

 

TOME III
Comptes rendus – volume 2

 

 Voir le numéro : 3875 rect.


La commission spéciale est composée de :

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente ;

M. Antoine Herth, M. Bruno Millienne, M. Jean-Marie Sermier, Mme Huguette Tiegna, viceprésidents ;

M. Julien Aubert, Mme Valérie Petit, M. Dominique Potier, M. Hubert Wulfranc, secrétaires ;

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général ;

M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal, M. Jean-Marc Zulesi, rapporteurs thématiques ;

M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Delphine Batho, M. Thibault Bazin, Mme Valérie Beauvais, M. Thierry Benoit, M. Jean-Yves Bony, Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, M. Guy Bricout, Mme Anne-France Brunet, Mme Émilie Chalas, Mme Sylvie Charrière, M. André Chassaigne, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Bernard Deflesselles, Mme Marguerite Deprez‑Audebert, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, Mme Chantal Jourdan, M. Guillaume Kasbarian, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Yannick Kerlogot, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre, Mme Marie Lebec, Mme Sandrine Le Feur, Mme Nicole Le Peih, M. Gérard Leseul, Mme Aude Luquet, M. Mounir Mahjoubi, Mme Sandra Marsaud, M. Thierry Michels, Mme Mathilde Panot, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Claire Pitollat, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, M. Raphaël Schellenberger, M. Denis Sommer, M. Vincent Thiébaut, M. Stéphane Travert, Mme Frédérique Tuffnell, M. Nicolas Turquois, M. Pierre Vatin, M. Pierre Venteau, M. Michel Vialay.

 


—  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

Travaux de la commission (suite)

1. Réunion du dimanche 14 mars 2021 à 9 heures 30

2. Réunion du dimanche 14 mars 2021 à 14 heures 30

3. Réunion du dimanche 14 mars 2021 à 21 heures

4. Réunion du lundi 15 mars 2021 à 10 heures 30

5. Réunion du lundi 15 mars 2021 à 14 heures 30

6. Réunion du lundi 15 mars 2021 à 21 heures

7. Réunion du mardi 16 mars 2021 à 18 heures

8. Réunion du mardi 16 mars 2021 à 21 heures

9. Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9 heures 30

10. Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 14 heures 30

11. Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 21 heures

12. Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9 heures 30

13. Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 14 heures 30

14. Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 21 heures


—  1  —

   Travaux de la commission (suite)

1.   Réunion du dimanche 14 mars 2021 à 9 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Nous avons déjà examiné 1 653 amendements, à un rythme de trente‑trois amendements à l’heure. Ce n’est pas si mal, mais il faudrait accélérer un peu la cadence car il nous reste 2 186 amendements à discuter.

Chapitre II
Améliorer le transport routier de marchandises et réduire ses émissions

Avant l’article 30

Amendements identiques CS2277 de M. Bertrand Pancher et CS4736 de Mme Nadia Essayan.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour le titre III. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Martial Saddier. Nous examinons les premiers amendements de ce dimanche matin. Nous autres, députés, sommes au travail, mais nous avons été élus pour cela. Je tiens à saluer les collaborateurs de l’ensemble des membres de la commission spéciale, les fonctionnaires de l’Assemblée nationale, ainsi que les collaborateurs des membres du Gouvernement et ceux des groupes politiques. Tous les jours, pendant deux semaines, y compris le samedi soir et le dimanche, ils se trouvent derrière leur écran d’ordinateur et répondent à nos questions. Qu’il me soit permis de leur faire un clin d’œil. (Applaudissements.)

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Et même plus qu’un clin d’œil ! Sans eux, nous ne serions pas là.

La commission rejette les amendements.

Section 1
Dispositions de programmation

Article 30 : Objectif de suppression de l’avantage fiscal dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur le carburant à l’horizon 2030

Amendements de suppression CS165 de M. Vincent Descoeur, CS391 de Mme Valérie Beauvais, CS420 de M. Martial Saddier, CS3173 de Mme Anne-Laure Blin et CS4238 de M. Arnaud Viala.

M. Vincent Descoeur. L’article 30 vise à supprimer la fiscalité différenciée dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises. L’augmentation de la fiscalité qui en découle handicaperait de toute évidence les entreprises françaises de transport, déjà fortement soumises à la concurrence étrangère.

M. Martial Saddier. J’ajoute à l’argument exprimé par M. Descoeur l’incertitude économique liée à l’après-covid, qui nous invite à la prudence.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’article 30 ne vise pas à acter dès à présent la suppression du remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), mais à fixer un objectif de suppression de ce remboursement en 2030, dans le cadre, nous l’espérons, d’une harmonisation européenne. Nous attendons la présidence française de l’Union européenne pour déterminer cette trajectoire. Il ne s’agit pas de taxer le transport routier au lendemain de la crise du covid. Je donne donc un avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je souscris aux propos de M. le rapporteur. L’article 30 poursuit deux objectifs : maintenir la compétitivité du transport routier français, qui subit une concurrence au sein même de l’Union européenne, et organiser et accélérer la transition écologique de ce secteur. Pour ce faire, nous devons mieux organiser la filière et poursuivre les concertations engagées avec elle. Nous sommes en train de conclure un contrat de transition écologique avec le secteur du transport routier de marchandises. Par ailleurs, nous devons accélérer le versement des aides qui lui sont destinées. Je pense notamment à celles que nous avons récemment annoncées pour le renouvellement des poids lourds électriques et à hydrogène, à hauteur de 50 000 euros par camion et de 30 000 euros par bus ou car. De la même façon que nous avons organisé la transition pour les véhicules légers, nous devons veiller à l’existence d’infrastructures adaptées et d’une offre si possible française ou européenne. Il faut évidemment que les mesures soient acceptables pour le secteur. Pour ces raisons tenant à l’équilibre entre transition écologique et compétitivité du secteur, je demande le retrait des amendements de suppression ; à défaut, je leur donnerai un avis défavorable.

M. Martial Saddier. Nous avons bien entendu qu’il s’agissait de tracer une trajectoire. Néanmoins, l’article 30 pose les bases d’une hausse de la fiscalité. Incluez-vous dans cette trajectoire le transport des produits agricoles et des matériaux de travaux publics, comme cela a souvent été le cas par le passé ?

Mme Bénédicte Peyrol. M. Saddier vient d’ouvrir la discussion que je voulais engager à l’occasion de l’examen de l’article 30. La TICPE donne actuellement lieu à vingt‑trois dépenses fiscales, qui sont régulièrement mises en cause, depuis les années 2010, par de multiples rapports, le dernier en date étant le « budget vert ». Nous devons définir des trajectoires de sortie de ces dépenses fiscales ; ainsi, pour le secteur du bâtiment, nous avons voté une telle trajectoire dans le cadre de la loi de finances pour 2020 et d’une loi de finances rectificative ultérieure. L’article 30 propose une bonne méthode de travail, mais c’est dans des lois de finances et dans des lois de programmation des finances publiques qu’il faudra définir ces trajectoires, lesquelles devront faire l’objet de négociations par filière – le Gouvernement a déjà engagé des discussions avec les entreprises de transport routier de marchandises – et prendre en compte les spécificités européennes ainsi que le contexte global de compétitivité qui caractérisent le secteur.

J’insiste sur la méthode : à un moment ou un autre, il faudra définir des trajectoires de sortie pour tous les secteurs. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, j’avais défendu un amendement un peu provocateur visant à mettre fin à ces dépenses fiscales dans un délai de dix ans – ce n’est pas forcément la bonne méthode, car certains secteurs d’activité auront peut-être besoin de beaucoup plus de temps. Quoi qu’il en soit, il faut engager cette discussion. Nous sommes à un tournant. Le plan de relance nous permet de transformer notre industrie : il faut saisir cette occasion, en engageant une concertation avec les filières concernées et en accompagnant ces dernières.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je tiens à rassurer M. Saddier : l’article 30 traite du transport routier de marchandises, et non de la fiscalité agricole.

En outre, je salue le travail réalisé par Bénédicte Peyrol, notamment dans le cadre du « budget vert », qui fait de nous des précurseurs : la France est l’un des seuls pays à avoir mis au point cette méthode, qui permet aussi d’éclairer la représentation nationale. Un grand merci, ma chère collègue !

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS248 de M. Michel Vialay, CS2568 de M. Charles de Courson et CS3221 de M. Jean-Marie Sermier.

Amendements identiques CS166 de M. Vincent Descoeur et CS247 de M. Michel Vialay.

M. Vincent Descoeur. Le ministère des transports a mis en place un groupe de travail chargé d’établir un constat partagé quant aux solutions de décarbonation des véhicules de transport. Nous souhaitons que l’article 30 rappelle la nécessité de tenir compte des conclusions de ce groupe de travail, qui devront s’appuyer sur un état des lieux des différentiels de fiscalité à l’échelle européenne, avant d’envisager toute trajectoire à la hausse de la fiscalité applicable au secteur du transport routier de marchandises. Dans le cas contraire, cette taxation serait purement punitive, dans la mesure où les transporteurs ne pourraient pas disposer de véhicules de substitution.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Même si l’article 30 est avant tout programmatique et que la trajectoire évoquée devra trouver une traduction dans une loi de finances, il n’est pas nécessaire de chercher à en amoindrir la portée. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Nous avons commencé à évaluer les besoins énergétiques du secteur aux horizons 2030 et 2050, en tenant compte de la progression de l’offre de véhicules de mobilité lourde adaptés au transport routier de marchandises. Le rapport relatif à la décarbonation que vous avez évoqué viendra nourrir ce travail de planification que nous menons actuellement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS392 de Mme Valérie Beauvais, CS421 de M. Martial Saddier, CS2511 de M. Pierre Venteau, CS2566 de M. Charles de Courson, CS4236 de M. Arnaud Viala et CS4940 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Martial Saddier. L’enjeu écologique est évidemment important en matière de fiscalité des carburants, mais la compétitivité économique des acteurs concernés par cette nouvelle trajectoire est tout aussi essentielle. Nous devons également investir, en amont, pour trouver des solutions techniques de remplacement – dans l’agriculture et dans le BTP, il n’en existe pas encore. Il va falloir un peu de temps avant d’inventer une pelle mécanique de 100 tonnes fonctionnant à l’énergie électrique !

M. Jean-Marie Sermier. Le camion restera un outil essentiel pour le transport de marchandises. Même si une partie du fret routier est transférée vers les chemins de fer ou les fleuves, il faudra toujours des camions pour transporter les marchandises du nœud ferroviaire ou fluvial où elles seront arrivées jusqu’à leur destination finale.

Quelque 600 000 camions et tracteurs roulent sur nos routes ; ils sont généralement remplacés tous les trois à six ans. Ainsi, dans six ans, les transporteurs auront probablement changé la totalité des camions actuellement en circulation. En quelques années, ils ont déjà fait beaucoup d’efforts, si bien que la plupart des moteurs respectent aujourd’hui la norme Euro 6, mais nous ne sommes pas capables de leur proposer une technologie de remplacement. Le recours à l’hydrogène implique une multiplication des coûts par trois ou quatre, tandis que les moteurs électriques ont une autonomie inférieure à 100 kilomètres. Avant de pénaliser ce secteur, nous devons donc trouver une solution technologique. C’est tout le sens de nos amendements. Dans le cas contraire, les entreprises de transport routier iront s’établir dans d’autres pays, notamment chez nos amis espagnols et allemands.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

Vous avez raison, monsieur Sermier, nous devons œuvrer en faveur d’une convergence de cette fiscalité au niveau européen, avec l’objectif d’un non-remboursement de la TICPE en 2030, comme le prévoit l’article 30. Cette trajectoire sera véritablement fixée au lendemain de la présidence française de l’Union européenne.

S’agissant des solutions de remplacement offertes aux transporteurs routiers, un travail important est mené par le ministère des transports, qui y consacrera les moyens nécessaires, en lien avec l’ensemble des forces vives du secteur.

Le secteur du transport routier, très présent pendant la crise sanitaire, a montré son rôle stratégique pour notre pays. Il ne s’agit pas de tuer la filière, mais de l’accompagner dans sa transition énergétique et écologique. Nous y reviendrons un peu plus tard, lors de l’examen d’autres amendements.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Il y a quelques jours, à l’occasion d’un déplacement dans le nord de la Franche-Comté, j’ai visité un site de l’entreprise Gaussin, qui commercialise depuis cinq ou six ans des camions lourds électriques ou à hydrogène. Il existe donc une offre française. Se posent maintenant la question de la massification de la production, ainsi que celle des investissements, notamment publics – mais les investissements dans la filière de l’hydrogène sont massifs, si bien que la France a tous les atouts pour en devenir un leader. Se pose enfin le problème du prix. Grâce aux effets conjugués des investissements, de la massification de la production, des choix technologiques et énergétiques que nous ferons et des aides et subventions que nous accorderons, nous pourrons obtenir des prix acceptables et assurer la soutenabilité de la filière.

J’en viens à la question du report modal. Dans le cadre du plan de relance, plus de 450 millions d’euros seront investis, en deux ans, en faveur du transport fluvial et maritime. Quant au fret ferroviaire, il fait l’objet d’un plan d’investissement massif comme il n’en a pas existé depuis longtemps.

Enfin, la compétitivité de la filière tient aussi à la protection sociale. Des avancées ont été obtenues, notamment dans le cadre du paquet mobilité. La concurrence étant souvent intra-européenne, il faudra cependant continuer à progresser. Ce que je dis pour le transport routier de marchandises vaut aussi pour le transport aérien et le transport maritime. Sur le plan technique, la task force évoquée par M. Descoeur rendra ses conclusions en juin prochain. Un travail de fond sera également engagé à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne.

M. Jean-Marie Sermier. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, d’avoir cité la Bourgogne-Franche-Comté, qui est effectivement une terre de création de véhicules et qui s’enorgueillit de développer cette technologie d’excellence. Vous l’avez dit vous-même, il faut maintenant massifier la production. J’ai rappelé tout à l’heure que 600 000 camions et tracteurs circulaient sur les routes de France et qu’ils étaient remplacés à peu près tous les six ans. Nous avons donc besoin d’environ 100 000 nouveaux véhicules par an ; or seuls quelques camions électriques ou à hydrogène sont construits chaque année. Si les transporteurs nous demandaient l’année prochaine de leur vendre 100 000 camions, nous serions bien incapables de les produire ! Nous partageons votre objectif – il faut accompagner la transition énergétique et inciter l’ensemble des transporteurs routiers à adopter des systèmes propres, entièrement décarbonés –, mais nous contestons votre calendrier. Nous pouvons faire confiance aux transporteurs routiers français, qui ont déjà réalisé un effort extraordinaire en se conformant à la norme Euro 6, mais nous devons leur laisser du temps.

Mme Bénédicte Peyrol. Faut-il viser l’année 2030 ? Nous ne le savons pas. Des discussions européennes vont s’engager, qui aboutiront ou non. Il y a effectivement un enjeu de compétitivité. Il est envisagé d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission, dit EU ETS, au secteur du transport routier de marchandises : ce serait la meilleure solution. Mais ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit : il conviendra d’étudier les capacités de transformation de la filière avant de décider de supprimer le mécanisme de remboursement de la TICPE. Nous devons nous donner un horizon en fixant une trajectoire : c’est ce que fait l’article 30, donc l’aspect normatif est tout de même assez limité.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS246 de M. Michel Vialay, CS2564 de M. Charles de Courson et CS4939 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Vincent Descoeur. Nous demandons la suppression de l’échéance du 1er janvier 2030.

M. Jean-Marie Sermier. Ces amendements témoignent de notre bonne foi : ils ne remettent absolument pas en cause l’objectif ni la trajectoire, mais visent simplement à supprimer l’échéance du 1er janvier 2030. Nous savons en effet qu’il est impossible d’atteindre notre objectif à cette date. La suppression du reversement d’une partie de la TICPE en 2030 sans qu’il soit techniquement possible de remplacer les modèles de camions existants serait perçue par les transporteurs routiers comme une punition.

M. Denis Sommer. Je m’inscris en faux contre le raisonnement de Jean-Marie Sermier, que je juge totalement contre-productif. Vendredi dernier, j’ai visité avec M. le ministre délégué le centre d’expertise mondial de Faurecia dédié aux systèmes de stockage à hydrogène. Les investissements dans cette filière sont très capitalistiques ; si nous ne fixons pas une échéance relativement brève, à dix ans, les investisseurs ne seront pas au rendez-vous car les conditions de la rentabilité et de l’industrialisation des systèmes ne seront pas réunies. Il faut, au contraire, donner aux investisseurs une perspective et leur dire qu’il y aura, dans dix ans, une demande de 100 000 camions et tracteurs par an. Si nous ne le faisons pas, le marché ne s’organisera pas. C’est pourquoi nous devons maintenir l’échéance de 2030, qui donne de la visibilité à celles et ceux qui croient à ces technologies et ont envie de les développer.

M. Jean-Marie Sermier. M. Sommer est très compétent en matière de véhicules, puisqu’un site majeur de production d’automobiles Peugeot est implanté dans sa circonscription, mais il faut bien savoir de quoi l’on parle. Vous voulez favoriser les investissements dans la filière de l’hydrogène en punissant les transporteurs ; ce n’est pas la solution. Il faudrait mener une action positive en encourageant la filière, comme vous le faites dans le cadre du plan de relance. Il est possible de passer d’un moteur thermique à un moteur à hydrogène grâce au mécanisme du rétrofit. Continuons à avancer dans ce domaine, encourageons la recherche sur le gaz et les biocarburants, mais ne punissons pas les transporteurs, qui n’y sont pour rien dans le fait que l’hydrogène n’avance pas assez vite !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendement CS787 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Certains députés de la majorité ont tenté de rassurer nos collègues qui s’inquiétaient de cette mesure en leur expliquant qu’elle était purement cosmétique et ne changeait strictement rien.

Le principal émetteur de gaz à effet de serre dans le secteur des transports est la voiture individuelle. Il faut encourager l’usage du train, du vélo, des véhicules à faibles émissions et augmenter le nombre de passagers par véhicule ; or le projet de loi ne contient aucune mesure forte allant dans ce sens.

Le transport routier représente, quant à lui, 20 % des émissions du secteur des transports. Il existe des leviers de réduction de ces émissions, qui ne sont pas mobilisés par le présent texte : je pense à la planification de la logistique, qui pourrait être rendue plus efficiente, au ferroutage et à l’utilisation de camions à faibles émissions. J’entends dire que les technologies de remplacement n’existent pas : c’est totalement faux. Le problème réside dans la capacité des PME à supporter la charge financière que représentent les investissements dans le transport propre.

Enfin, le Conseil d’État a souligné que cet article était malheureusement dépourvu de portée normative.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous devons prendre le temps de construire, ensemble, une trajectoire jusqu’à 2030. Il me semble prématuré de supprimer le remboursement de la TICPE dès 2023, a fortiori dans un cadre très concurrentiel. Mme Peyrol l’a rappelé, le secteur du transport routier de marchandises n’est pas un secteur franco-français. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Plus que jamais, nous agissons en faveur du report modal, de l’amélioration de la logistique et du ferroutage. Les chiffres sont éloquents : dans le cadre du plan de relance, près de 5 milliards d’euros sont alloués au secteur ferroviaire, et des investissements massifs sont prévus en faveur de la logistique portuaire, fluviale et maritime.

Le véritable enjeu ne concerne pas la technologie, qui commence à exister, mais plutôt la massification de la technologie, et donc le prix. Au-delà de la trajectoire carbone, nous devons travailler sur les aides, les subventions et les investissements publics à réaliser pour soutenir ces solutions d’avenir. Nous devons aussi améliorer les conditions sociales de ces différents secteurs, fortement fragilisées du fait de la concurrence intra-européenne ; des avancées considérables ont été obtenues récemment, mais elles doivent être poursuivies. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. La Convention citoyenne pour le climat a proposé une trajectoire de sortie des avantages fiscaux sur le gazole d’ici à 2030. Une autre trajectoire avait été proposée par l’Assemblée nationale en 2016. Or le présent projet de loi ne comporte pas de trajectoire : il n’affiche qu’une vague intention et annonce un rapport que le Gouvernement remettra au Parlement.

Par ailleurs, le Haut Conseil pour le climat considère, dans son avis sur le projet de loi, que « ces délais sont manifestement incompatibles avec le rythme attendu de l’action contre le changement climatique et le rattrapage du retard pris par la France dans l’atteinte de ses budgets carbone ».

J’entends ce que nous dit le Gouvernement à propos des questions sociales et économiques ainsi que de la concurrence déloyale qui s’exerce à l’échelle européenne, contre laquelle nous devons mener un combat majeur. Cependant, il aurait dû insérer dans ce texte des dispositions beaucoup plus précises qui auraient envoyé, comme l’a très bien expliqué Denis Sommer, le signal attendu pour la transformation indispensable du secteur du transport routier.

M. François-Michel Lambert. Depuis ce matin, nous sommes arc-boutés sur les camions : nous nous demandons s’il faut supprimer certaines mesures fiscales sur le carburant, nous discutons des évolutions technologiques dont pourraient bénéficier ces véhicules… Cependant, le projet de loi ne comporte aucune disposition visant à remédier à la désorganisation des flux de marchandises. La France est classée seizième dans le monde et huitième en Europe s’agissant de la performance logistique : autant dire que nous ne sommes pas très bons. Un rapport publié en novembre 2012 estime entre 20 et 60 milliards d’euros le montant des pertes que nous subissons du fait de cette mauvaise organisation du système. Malgré la stratégie nationale « France logistique 2025 », je déplore une absence complète de stratégie dans ce domaine, si je mets de côté les mesures de défiscalisation en faveur des camions et des entrepôts.

M. Nicolas Turquois. En proposant d’avancer à 2023 la suppression du remboursement de la TICPE, vous agitez un chiffon rouge. Pensez à tous les blocages qu’ont suscités, depuis dix ans, les contraintes qu’on a voulu imposer trop rapidement aux professionnels de ce secteur. Lors du précédent quinquennat, un mouvement s’était formé contre l’écotaxe. Quant aux gilets jaunes, ils ne protestaient pas contre des mesures relatives aux camions, mais la logique était la même. Lorsqu’on ne prévoit pas assez de temps pour mettre en œuvre une telle réforme, on provoque des blocages et, finalement, on perd plus de temps que si l’on avait tracé une trajectoire plus longue. L’échéance de 2030 est à la fois suffisamment lointaine pour que les professionnels aient le temps de s’adapter et suffisamment ambitieuse s’agissant d’une transformation majeure qui sera réalisée en une dizaine d’années.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Même quand nous travaillons très sérieusement avec les filières, même quand nous nous donnons du temps – car nous savons que la technologie demande du temps –, même quand nous mettons la pression sur l’Europe, même quand nous construisons une trajectoire très précise, avec des dates avec des engagements, nous suscitons des réactions presque caricaturales. Ce phénomène est symptomatique depuis le début de l’examen du projet de loi. Certains nous reprochent systématiquement d’aller trop vite ; d’autres déplorent tout aussi systématiquement que nous allions trop lentement. Ces deux postures assez caricaturales m’encouragent et me font penser que nous avons atteint l’équilibre nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS2284 de M. Bertrand Pancher et CS4742 de Mme Nadia Essayan et amendement CS2500 de M. Pierre Venteau (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. Cet amendement est très loin de la caricature esquissée par le rapporteur général, dont je déplore la tentation de créer des tensions. Nous allons continuer à défendre ardemment nos convictions.

Ici, Bertrand Pancher propose d’ajouter « en encourageant le transport combiné ainsi que le fret ferroviaire et fluvial ». Vous le voyez, monsieur le rapporteur général, nous ne critiquons pas frontalement le projet de loi et mon intervention précédente ne portait pas sur l’amendement de Mme Batho, mais sur l’absence de prise en considération du système organisationnel – ce qu’on appelle la logistique. Je le répéterai aussi souvent qu’il le faudra : la France est toujours seizième au niveau mondial et huitième au niveau européen dans ce secteur. Elle perd entre 20 et 60 milliards d’euros par an du fait de la désorganisation de son système de transport de marchandises.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. Nous partageons votre volonté d’encourager le transport combiné. Des investissements massifs sont nécessaires. Mais votre amendement s’insère dans les dispositions relatives aux aides au verdissement du transport routier de marchandises. Nous débattrons du développement des incitations au transport combiné et au report fluvial et ferroviaire aux articles 31 à 33.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Avis également défavorable. Nous menons trois actions concomitantes en matière de transport combiné : la relance de trois autoroutes ferroviaires – Calais-Sète, Cherbourg-Bayonne et l’axe Perpignan-Rungis que nous souhaitons étendre au sud vers Barcelone et, au nord, vers les ports de Dunkerque et d’Anvers – ; le soutien des opérateurs de fret ferroviaire, qui ont beaucoup souffert pendant la crise ; la subvention de segments de marché particulièrement déficitaires, notamment le transport combiné et celui par wagon isolé. Ce sont des modes de transport stratégiques mais dont la « rentabilité » économique n’est pas assurée. C’est pourquoi nous faisons preuve d’un grand volontarisme politique car ils doivent être fermement soutenus.

Mme Delphine Batho. Monsieur le rapporteur, vous affirmez que le projet de loi propose une trajectoire. C’est un mensonge et nous savons lire. Il y a quelques instants, vous avez d’ailleurs répondu aux collègues qui souhaitaient supprimer les dispositions sans portée normative de l’article 30 « ne vous inquiétez pas, le texte n’a aucune portée normative ».

Monsieur le rapporteur général, il est dangereux de dire que le Haut Conseil pour le climat ou le GIEC sont dans une posture. Ce n’est pas acceptable ! Malheureusement, le constat scientifique est implacable : il faut aller vite. Ce n’est pas une posture politique de le répéter puisqu’il s’agit des conclusions des scientifiques…

M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre, vous n’étiez pas là hier mais, à l’article 29, nous avons adopté l’amendement CS4043 de Mme Luquet, ainsi que d’autres amendements relatifs au transport intermodal de passagers. Aujourd’hui, nous débattons du transport intermodal de marchandises. Si vous préférez les propositions de la majorité, votez l’amendement de M. Venteau plutôt que celui de M. Pancher, mais envoyez un signal fort et clair !

Hier, nous avons aussi envoyé des signaux forts et nets aux gros véhicules avec un tout petit moteur électrique – ils auront parfaitement le droit de circuler dans les zones à faibles émissions (ZFE) et en ville. Mais nous avons envoyé beaucoup moins de signaux aux vélos…

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas beaucoup entendu parler de transport fluvial. Or le report modal ne peut se faire qu’avec le soutien de ce dernier. Élue des Hauts-de-France, je connais bien notre retard en la matière : en Belgique, le transport fluvial est trois fois plus important.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS5255 de Mme Valérie Beauvais, CS5258 de M. Martial Saddier, CS5267 de M. Charles de Courson, CS5273 de M. Arnaud Viala, CS5276 de M. JeanMarie Sermier, CS5347 de M. Vincent Descoeur et CS5350 de M. Michel Vialay.

M. Martial Saddier. Mon amendement est similaire à celui de Mme Beauvais. Nous ne savons pas quels secteurs seront touchés par ces modifications. L’harmonisation européenne est un préalable indispensable avant toute décision afin de ne pas mettre à mal, voire détruire, notre filière transport.

M. Jean-Marie Sermier. Je déplore les propos inutilement provocateurs du rapporteur général qui considère comme caricaturales les propositions des différentes oppositions. Nous ne doutons pas que vous avez travaillé. Mais c’est le cas de tous les groupes, qui ont aussi rencontré les organisations professionnelles, les transporteurs sur le terrain, etc. Vous n’avez pas le monopole de la raison ! Revenons à l’essentiel, c’est-à-dire des propositions constructives.

Notre amendement rappelle qu’il faut tenir compte de la fiscalité européenne. Si la concurrence existe dans toutes les filières, notamment l’industrie et ses usines, l’usine d’un transporteur routier, c’est son camion et il peut passer d’un pays à l’autre très facilement. Nous devons donc être particulièrement attentifs à l’avenir des transporteurs routiers français.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit d’appeler à une convergence de la fiscalité énergétique au niveau européen. Notre amendement rejoint les propos de M. le rapporteur et du ministre et devrait donc les satisfaire.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. Il ne faut pas que la trajectoire que nous souhaitons mener au niveau européen soit conditionnelle. Il convient au contraire de l’affirmer et de la construire dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, afin d’atteindre le non-remboursement de la TICPE en 2030.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je partage les propos du rapporteur. Je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS2790 du rapporteur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Dans le cadre des discussions que nous devrons mener lors de la présidence française de l’Union européenne, la fiscalité à l’échelle européenne est un sujet majeur, mais l’harmonisation et le renforcement de la réglementation sociale du transport routier de marchandises le sont tout autant. En effet, l’actuelle distorsion de concurrence entre les différents acteurs pénalise le transport routier français de marchandises. Mon amendement vise donc à inscrire cet objectif dans le projet de loi.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. J’y suis très favorable pour deux raisons. La distorsion de concurrence est réelle et elle s’exerce dans le transport routier de marchandises depuis plusieurs décennies au détriment du pavillon français. Mais c’est également vrai pour le transport aérien ou maritime. Il est donc urgent de prolonger les avancées liées à l’adoption du Paquet mobilité 2020, dont les conséquences, très pratiques, améliorent la vie quotidienne des routiers, tout en renforçant notre compétitivité.

Ce sera d’autant plus important que la reprise économique pourrait entraîner des stratégies de prédation commerciale ou, a minima, de très forte concurrence de la part de ceux qui ont bénéficié de ce cadre de concurrence inéquitable.

M. Dominique Potier. Nous soutenons l’amendement du rapporteur. La présidence française est l’occasion de recycler l’ensemble des taxes et de les affecter aux filières afin de permettre l’évolution des technologies, mais aussi des modalités de transport. Ainsi, des groupements d’intérêt économique multimodaux pourraient bénéficier de la taxe carbone pour engager des transformations, tout en renforçant notre économie.

M. Martial Saddier. Avec mes collègues Les Républicains, nous avons défendu des amendements appelant à l’harmonisation européenne. Cela inclut bien évidemment l’harmonisation sociale.

J’ajoute qu’en tant que député de Haute-Savoie, je suis proche du tunnel du Mont‑Blanc et, avec ma collègue Véronique Riotton et tous nos amis savoyards, nous subissons les conséquences et les nuisances du transport routier, tout en constatant les excès et les abus de certains transporteurs. Le groupe LR est donc extrêmement favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS5254 de Mme Valérie Beauvais, CS5257 de M. Martial Saddier, CS5266 de M. Charles de Courson, CS5272 de M. Arnaud Viala, CS5275 de M. Jean-Marie Sermier, CS5346 de M. Vincent Descoeur et CS5349 de M. Michel Vialay.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de supprimer la date butoir du 1er janvier 2030 et d’ajouter une clause de rendez-vous. Les différents acteurs concernés établiront ainsi un état des lieux en fonction des données disponibles – offre de véhicules lourds à motorisation alternative ou réseau d’avitaillement, par exemple. Cela permettrait de prendre une décision en toute connaissance de cause.

M. Vincent Descoeur. Il faut attacher de l’importance aux conclusions du groupe de travail concernant les solutions de transition qui pourraient être proposées aux transporteurs.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous partageons votre objectif mais il me semble difficile de préciser dans la loi que de tels groupes de travail doivent être « initiés » par le ministère des transports. Mon avis sera donc défavorable pour des raisons légistiques.

M. Vincent Descoeur. Il s’agissait simplement de saluer cette initiative et de faire plaisir au ministre !

La commission rejette les amendements.

Amendement CS2389 de M. Vincent Ledoux.

M. Antoine Herth. Nous souhaitons préciser que le rapport examine la contribution des dispositifs d’aide publique au développement au verdissement des parcs de véhicules lourds des pays en voie de développement. Quand on modernise le parc de véhicules en Europe, on constate souvent que ceux-ci ont une seconde vie de l’autre côté de la Méditerranée. Or les enjeux climatiques sont planétaires et il faut prendre en considération les besoins de nos partenaires africains.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends l’objectif de votre proposition, mais il n’est pas nécessaire d’inclure des dispositions sur l’aide publique au développement à l’article 30 puisqu’un important projet de loi vient d’être adopté sur cette thématique.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. L’ambition est intéressante, et probablement nécessaire, mais je partage les propos du rapporteur. En outre, les grands projets de coopération géopolitique s’inscrivent dans la filière énergétique, notamment pour la production d’hydrogène vert.

M. Antoine Herth. Avec mon collègue Ledoux, nous allons le retravailler sous un autre angle pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendement CS5367 du rapporteur et sous-amendement CS5380 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il s’agit d’un amendement transpartisan puisqu’il a fait l’objet d’échanges avec M. Potier : il vise à ce que le rapport étudie également les modalités du soutien à la transition énergétique du secteur, notamment par le renouvellement des parcs de véhicules ou leur transformation.

M. Dominique Potier. Je suis très heureux de ce dialogue avec le rapporteur. Mon sous-amendement vise toujours les mêmes objectifs : l’harmonisation sociale et le recyclage d’une taxe affectée, même si je sais que le Gouvernement n’aime généralement pas ce type de taxe. Nous plaidons pour un contrat de filière et défendrons la même option pour les engrais azotés, le BTP, la logistique et la mobilité.

Je souhaiterais également que nous réfléchissions d’ici la séance à l’idée innovante de groupements d’intérêt économique territorialisés. Je ne parle pas de groupements nationaux ou internationaux qui seraient à la main de grands opérateurs, mais d’une gestion des ressources issues de ces taxes à l’échelle territoriale. Ainsi, un opérateur fluvial pourrait s’associer à un opérateur ferroviaire et à des transporteurs routiers afin de trouver, ensemble, des solutions au service de l’industrie et de l’économie.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je suis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé. Je partage l’analyse de M. Potier sur la production décarbonée. Nous portons une attention particulière à la filière du recyclage, au cœur de l’analyse en cycle de vie, fondamentale aux transitions des secteurs.

M. Martial Saddier. Depuis le début de la matinée, avec MM. Sermier et Descoeur, nous sommes souvent intervenus sur l’absolue nécessité d’offrir à la filière des alternatives – c’est-à-dire des solutions techniques. L’amendement du rapporteur est la concrétisation de ce plaidoyer. Nous ne pouvons que le soutenir puisqu’il va dans le même sens que nos propos !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement ainsi sous-amendé.

Amendements identiques CS5253 de Mme Valérie Beauvais, CS5256 de M. Martial Saddier, CS5259 de Mme Danielle Brulebois, CS5265 de M. Charles de Courson, CS5268 de Mme Laurianne Rossi, CS5271 de M. Arnaud Viala, CS5274 de M. Jean-Marie Sermier, CS5345 de M. Vincent Descoeur et CS5348 de M. Michel Vialay.

M. Martial Saddier. Il faudra tenir compte du résultat du groupe de travail et des différents rapports pour élaborer le calendrier d’harmonisation fiscale, afin qu’il ne s’agisse pas que d’affichage – je ne dis pas que c’est l’esprit du Gouvernement. Si c’est jouable techniquement et écologiquement, et qu’il y a consensus, on le fait ; par contre, si la date ne permet pas d’obtenir ce consensus, ne soyons pas dogmatiques sur cette date.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de s’assurer de l’adéquation de l’offre et de la demande. Il va nous falloir 100 000 nouveaux camions ou tracteurs par an. Aurons-nous suffisamment d’hydrogène vert ? Aurons-nous suffisamment de stations d’avitaillement ? Il faut des réponses avant de prendre des décisions.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement fait la synthèse de nos préoccupations : il faut s’assurer d’une offre suffisante et d’une alternative à proposer aux entreprises, mais aussi d’un calendrier soutenable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements car la date de 2030 est importante. En outre, l’article 30 est programmatique et fera donc l’objet de traductions, en particulier dans les projets de loi de finances. Je ne doute pas que nous tiendrons alors compte de l’évolution de la technologie.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Nous travaillons sur l’ensemble du champ – production, distribution, stockage et recyclage – en matière d’électrification des véhicules légers et d’utilisation de l’hydrogène pour la mobilité lourde. Les deux bornes – 2030 et 2050 – nous permettront de vérifier que nos hypothèses sont bien compatibles avec une production décarbonée et des usages massifiés. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer vos amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 30 ainsi modifié.

Section 2
Autres dispositions

Avant l’article 31

Amendement CS4984 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, avant toute autre décision.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Votre amendement est satisfait puisque l’article 30 prévoit justement un rapport pour soutenir le développement de flottes captives d’entreprise plus respectueuses de l’environnement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1766 de Mme Jennifer De Temmerman, CS2849 de M. Matthieu Orphelin, CS4643 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS4815 de Mme Sira Sylla.

Mme Delphine Batho. Le ministre a rappelé la difficulté à évoluer sur la question de la TICPE applicable au transport routier. Il a souligné – à juste titre – que plusieurs gouvernements s’y sont cassé les dents. L’amendement vise donc à prévoir clairement la trajectoire dans le projet de loi, et à faire en sorte qu’elle soit lisible, et légitime. C’est pourquoi il faut s’appuyer sur les propositions de la Convention citoyenne pour entraîner tous les acteurs, et non renvoyer à la loi de finances. Cette dernière option plaçant le débat dans un autre contexte que celui de la lutte contre le changement climatique, vous prenez le risque de l’échec.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends l’objectif de ces amendements : vous voulez acter immédiatement et directement le non-remboursement de la TICPE. J’entends votre critique quant à l’incertitude, mais le secteur du transport routier de marchandises n’est pas franco-français. Nous devons donc absolument mener les discussions à l’échelle européenne. Ensuite, nous réfléchirons à une trajectoire pragmatique et solide. C’est la méthode que nous avons adoptée à l’article 30. Je suis donc défavorable à vos amendements.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Nous l’avons déjà expliqué, l’action suppose un continuum, sur lequel nous allons agir de façon volontaire : alternatives techniques, rééquilibrage modal, harmonisation sociale. Agir uniquement sur la taxation, tel que vous le proposez, reviendrait à aggraver le différentiel de compétitivité, déjà important, et à favoriser les poids lourds étrangers qui dimensionnent leurs trajets pour faire le plein avant notre frontière. En effet, en moyenne, les taxes françaises sont à 45 centimes par litre. Seuls les Allemands sont au-dessus – à 47 centimes – alors que les Espagnols sont à 33 centimes, les Belges à 35 centimes par litre et les Italiens à 0,40.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS606 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le secteur aérien est en dehors des écrans radars de la lutte contre le changement climatique : il n’est pas visé par l’accord de Paris sur le climat, ses émissions ont augmenté de 50 % en trente ans et augmentent toujours au rythme de 5 % par an. L’amendement vise à remettre en cause l’exonération de TICPE sur le kérosène utilisé par les avions. J’espère que nous pourrons avoir un débat approfondi sur ce sujet à l’occasion de l’examen des prochains articles.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Effectivement, nous débattrons du secteur aérien à l’article 35. Comme le secteur routier de marchandises, le transport aérien est européen, voire mondial. Une taxation purement française viendrait percuter de plein fouet la compétitivité de l’aviation nationale et les entreprises seraient rachetées par des compagnies étrangères. Ce n’est pas l’objectif que nous poursuivons. Mon avis sera donc défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Notre philosophie est la même que pour les autres secteurs du transport : il faut agir sur le continuum. Concernant les alternatives technologiques, les choses vont vite, avec le lancement dès cette année d’une filière de biocarburants aéronautiques français durables. Nous réfléchissons également à l’optimisation des trajectoires, à l’électrification des aéroports et je ne parle pas du saut technologique que constitueront l’hybridation et l’hydrogène.

Le pavillon français a été très largement affaibli par la concurrence intra-européenne, mais le secteur a un avantage sur les autres : nous maîtrisons une partie de l’offre, avec une industrie aéronautique d’envergure mondiale. Nous pouvons donc aller beaucoup plus vite et 1,5 milliard d’euros d’investissements sont inscrits dans le Plan de relance pour les trois prochaines années.

Enfin, madame Batho, les prévisions de croissance à venir sont assez largement hypothétiques du fait de la crise. La réalité du secteur, c’est une baisse d’activité de 70 % l’année dernière, de 50 % cette année et des incertitudes.

Mme Delphine Batho. Bien sûr, il ne faut pas uniquement se préoccuper de la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’aviation en France, mais nous légiférons pour la France…

J’espère que nous allons prendre le temps d’un vrai débat. Monsieur le ministre, l’avion à hydrogène, ce n’est pas pour demain matin ! Or c’est entre maintenant et 2030 qu’il faut réduire les émissions. Il va donc bien falloir agir.

Enfin, malgré la situation actuelle, liée à la pandémie, le secteur prévoit une reprise de la croissance du trafic aérien et une nouvelle multiplication par deux du trafic passagers entre maintenant et 2035. Ce n’est assurément pas soutenable pour la planète.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS2852 de M. Matthieu Orphelin, CS2599 de Mme Laurianne Rossi, CS2726 de M. Saïd Ahamada et CS2589 de Mme Laurianne Rossi (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement concerne le transport maritime.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4981 de M. Jean-Marie Sermier, amendements identiques CS1748 de M. Thibault Bazin et CS4982 de M. Jean-Marie Sermier et amendement CS1751 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement CS4981 vise à encourager le développement des biocarburants avancés autres que ceux de type B100. Nous proposons un allégement de la TICPE pour les biocarburants composés d’au moins 60 % d’esters méthyliques d’acides gras.

En guise de repli, l’amendement CS4982 tend à conduire une expérimentation.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends complètement votre objectif, mais il existe déjà des dispositifs permettant d’avoir une fiscalité réduite dans ce domaine, en particulier la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB). Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Nous utilisons, pour l’ensemble du secteur, une taxation incitative et des mandats d’incorporation. Je vous demande de retirer les amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette successivement l’amendement CS4981, les amendements CS1748 et CS4982 et l’amendement CS1751.

Amendements identiques CS670 de Mme Valérie Beauvais, CS1668 de Mme Véronique Louwagie et CS4977 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit d’encourager le déploiement de stations d’avitaillement pour le gaz naturel véhicule (GNV) et le bioGNV.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends, une fois de plus, l’objectif mais ces amendements posent un petit problème juridique. Ils ne modifieraient pas l’article du code général des collectivités territoriales relatif au contenu des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) mais celui qui a trait aux documents avec lesquels ces schémas doivent être compatibles ou qu’ils doivent prendre en compte. Il faudrait apporter une modification en vue de la séance.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je demande le retrait des amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable. Il faut donner aux acteurs un cadre national clair afin de ne pas complexifier le déploiement au niveau territorial.

M. Jean-Marie Sermier. Nous allons retravailler les amendements d’ici à la séance.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS4115 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Nous proposons de lancer une expérimentation relative à l’éco‑combi dans le secteur du transport routier de marchandises – je rappelle qu’il s’agit d’atteler à un camion une semi-remorque supplémentaire, ce qui permet de transporter deux fois plus de marchandises – 66 palettes au lieu de 33 – avec le même véhicule. Il en résulte deux avantages immédiats : réduire le nombre de camions sur les routes et diminuer fortement, jusqu’à 20 ou 25 %, les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur.

Pour la conduite de l’expérimentation, des portions de voies réservées à la circulation de ces véhicules pourraient être identifiées par un arrêté de l’autorité investie du pouvoir de police de la circulation, afin de garantir la sécurité routière.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il me semble que cela pourrait poser quelques problèmes, notamment en matière de sécurité. Je vous propose de retirer cet amendement, le temps d’avoir des précisions sur les risques éventuels.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Plusieurs rapports qui se sont intéressés au bilan coût/bénéfice montrent que la compensation des externalités négatives n’est pas évidente. Je vous demande de retirer et amendement et à défaut j’émettrai un avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. L’amendement demande une expérimentation. Quand la fera-t-on ? Ce serait intelligent.

On a déjà fait certaines expérimentations, par exemple lorsqu’il a fallu évacuer les arbres abattus par la tempête Klaus en utilisant des camions de soixante tonnes – les élus des Landes le savent bien. On a eu recours à des chauffeurs étrangers, car les chauffeurs français ne savaient pas piloter ces engins, qui étaient précédés et suivis par d’autres véhicules.

Pourquoi ne pourrait-on pas laisser une expérimentation se dérouler, afin d’avoir des retours ? Si on ne le fait pas, à quel moment les choses changent-elles ? Est-ce seulement à coups de mesures fiscales et d’interdictions ?

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement est intéressant. Il pourrait s’inscrire dans le cadre d’une réflexion sur les véhicules autonomes : le camion de devant peut entraîner un train de camions derrière lui. C’est une solution respectueuse de l’environnement.

La commission rejette l’amendement.

Article 31 (article L. 3314-1 du code des transports et article 11 de la loi n° 2009‑967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement) : Formation à l’éco-conduite des conducteurs routiers professionnels

Amendement CS2820 du rapporteur et amendement CS4943 de M. Jean-Marie Sermier (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Mon amendement, à caractère rédactionnel, tend à retenir une formulation conforme à ce que prévoient des directives européennes de 2003 et 2018.

M. Jean-Marie Sermier. Nous proposons de retravailler l’article pour le rendre plus précis. J’en profite pour rappeler que l’éco-conduite est déjà répandue : les transporteurs routiers encouragent l’ensemble de leurs salariés à la pratiquer. L’article 31 permettra d’en faire plus mais je tiens à souligner l’engagement de ce secteur en faveur d’une conduite modérée et écologique.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Vous avez raison de mettre en avant l’engagement des transporteurs routiers.

Je propose d’adopter plutôt mon amendement, qui reprend une formulation plus précise, issue des directives européennes.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je suis d’accord avec ce qu’a dit M. Sermier, mais je lui suggère de retirer son amendement au profit de celui du rapporteur.

L’amendement CS4943 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS2820.

Amendements identiques CS167 de M. Vincent Descoeur, CS260 de M. Martial Saddier, CS404 de Mme Valérie Beauvais, CS658 de M. Didier Le Gac, CS3273 de Mme Jacqueline Dubois, CS4350 de M. Arnaud Viala, CS4680 de Mme Nadia Essayan et CS4942 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit toujours de l’éco-conduite, optimisée et économe en carburant, dont les bénéfices écologiques et économiques sont évidents : nous proposons d’inclure le perfectionnement de la capacité à conduire dans le respect de l’environnement dans la formation continue obligatoire (FCO) des conducteurs routiers, qui est d’une durée de cinq jours tous les cinq ans. Cela relaie une préoccupation des chefs d’entreprise de ce secteur.

M. Martial Saddier. Je salue à mon tour les efforts énormes qui ont été réalisés au cours des dix dernières années en matière d’éco-conduite. Cela concerne le transport routier mais aussi les dameuses dans les stations de ski – elles sont équipées de radars – et les tracteurs agricoles.

Dans le secteur routier, cela repose sur des formations particulières pour les chauffeurs et des équipements qui coûtent souvent cher. Il faut reconnaître le travail déjà réalisé et inclure l’éco-conduite dans les formations obligatoires, afin de ne pas alourdir encore la formation des professionnels.

M. Jean-Marie Sermier. Je ne reviens pas sur la formation que nous proposons car elle a déjà été bien défendue.

Les transporteurs français font beaucoup d’efforts. Il serait intéressant qu’il en soit de même pour les camions étrangers qui circulent sur notre sol.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’article 31 ne créera pas une nouvelle formation et n’accélérera pas celle qui est prévue – je tiens à rassurer le secteur des transports, qui s’inquiète un peu sur ce point.

Ces amendements n’incluent la formation à l’éco-conduite que dans la formation continue et non dans la formation initiale, contrairement à ce que prévoit le projet de loi. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS2821 du rapporteur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Comme précédemment, il s’agit d’assurer une harmonisation rédactionnelle avec les directives européennes, cette fois quant à la définition de l’éco-conduite.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 31, ainsi modifié.

Après l’article 31

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3016 de Mme Fiona Lazaar.

Article 32 : Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour mettre en place une contribution régionale sur le transport routier de marchandises

Amendements de suppression CS168 de M. Vincent Descoeur, CS393 de Mme Valérie Beauvais, CS422 de M. Martial Saddier, CS868 de M. Julien Aubert, CS1131 de Mme Danielle Brulebois, CS1352 de M. Jacques Cattin, CS1702 de M. Xavier Breton, CS4240 de M. Arnaud Viala et CS4941 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Vincent Descoeur. Nous voulons supprimer la possibilité qui serait donnée aux régions d’instaurer une écotaxe. Des questions se posent en effet, notamment au sujet de l’assiette de la taxe, des disparités qui verraient le jour entre les régions et des systèmes de perception qu’il faudrait déployer. Surtout, rien ne permet d’affirmer que cette nouvelle taxe et le renchérissement du prix du transport qui en découlera contribueront au report modal.

M. Martial Saddier. Les explications claires et précises de Vincent Descoeur valent aussi pour l’amendement CS422.

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne sommes pas favorables au retour de l’écotaxe au niveau régional. Plusieurs questions se posent.

Je pense tout d’abord à nos amis alsaciens : il y a une taxe de l’autre côté du Rhin et il ne faut pas qu’il y ait un report des camions en Alsace.

Il y a ensuite d’autres problématiques : des camions sortent de l’autoroute sur quelques centaines de kilomètres pour emprunter une route nationale tout aussi efficace mais gratuite. Il faut trouver des solutions pour éviter un report des camions sur les routes départementales et nationales.

L’article 32 nous semble trop flou. On ne peut pas se lancer dans ces conditions dans l’instauration, par les régions, d’une nouvelle écotaxe.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il faut absolument conserver cet article du projet de loi. Il permettra de mieux en prendre les coûts liés à l’utilisation des infrastructures routières, ce qui est essentiel. Il faut en outre que les contributions soient adaptées aux besoins locaux. L’échelle régionale me paraît tout à fait adaptée, et je précise que le dispositif concernera l’ensemble des camions, français et étrangers. J’émets un avis défavorable aux amendements.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Le cas de l’Alsace a été évoqué à juste titre. Cet article permettra d’étendre le dispositif à d’autres régions. C’est une demande de certaines d’entre elles, dans une logique de différenciation. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Vincent Thiébaut. Cet article s’inspire de la disposition que nous avons adoptée dans le cadre de la loi relative aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace. Beaucoup de questions se posent dans la région Grand Est, notamment au niveau du sillon lorrain : cette collectivité a demandé à avoir aussi la possibilité d’instaurer un tel dispositif.

L’article 32 est important dans la logique de différenciation qui a été soulignée par M. le ministre délégué. Il serait dommage de supprimer cette disposition qui apporterait une vraie réponse aux régions qui souhaitent agir.

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne sommes pas contre une réflexion au niveau régional pour trouver des solutions sur le long terme, mais cet article, il faut bien le dire, est en train de récréer l’écotaxe.

M. Dominique Potier. Je remercie notre collègue alsacien d’avoir souligné qu’il était totalement aberrant de donner à la communauté européenne d’Alsace la capacité d’instaurer une taxe, qui conduirait évidemment à un report, sans permettre aux Lorrains d’agir sur leur sillon. C’est vraiment une anomalie.

Nous sommes pour une expérimentation, mais contre cet article. Compte tenu des reports possibles d’une région à l’autre, il faut, à terme, une harmonisation nationale et européenne. J’aimerais que le ministre ou le rapporteur nous dise, à l’occasion, si les expérimentations envisagées visent à établir, au-delà du délai de 24 mois qui est prévu, un schéma national et européen permettant d’assurer une juste taxation et une régulation des transports. Sinon, il y aura en permanence un report.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2832 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS4701 de Mme Sylvie Bouchet Bellecourt.

Amendement CS1297 de Mme Nathalie Bassire.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les véhicules de livraison de colis aux consommateurs sont bien inclus dans la catégorie des véhicules de transport routier de marchandises. L’amendement est donc satisfait.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je demande également son retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS238 de M. Michel Vialay, CS2501 de M. Pierre Venteau et CS2515 de Mme Nathalie Sarles.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. La modulation proposée est déjà prévue, notamment dans le cadre de la directive « Eurovignette ». Ces amendements étant satisfaits, je demande leur retrait.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS5063 du rapporteur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Mon amendement précise que les contributions instaurées par les régions visent à permettre une meilleure prise en compte des coûts liés à l’utilisation des infrastructures routières mais aussi des externalités négatives qui sont générées par le transport routier de marchandises, comme la pollution atmosphérique et sonore.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS1667 de Mme Véronique Louwagie, CS4045 de M. Bruno Millienne et CS4976 de M. Jean-Marie Sermier.

Mme Florence Lasserre. Il s’agit de permettre aux régions de tenir compte du classement Crit’Air pour les contributions spécifiques sur le transport de marchandises. L’article 32 manquerait sa cible si on ne prenait pas en considération les progrès technologiques réalisés pour offrir aux transporteurs des solutions alternatives permettant d’améliorer la qualité de l’air et de réduire les émissions de CO2. Notre amendement est issu d’une proposition de l’Association française du gaz.

M. Jean-Marie Sermier. Nous demandons que la tarification tienne compte de la vignette Crit’Air.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends ces amendements qui visent à préciser l’article 32 mais il me semble important d’avancer dans le cadre d’une concertation. Ce n’est pas, à ce stade, au législateur de définir ces éléments. Je suis certain que l’ensemble des dispositifs nous seront présentés en détail par le Gouvernement, à l’issue d’une concertation, dans le cadre du projet de loi de ratification à venir.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Une modulation est déjà prévue par la directive Eurovignette en fonction des émissions de polluants atmosphériques. Je vous demande de retirer ces amendements qui sont satisfaits.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4989 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement tend à préciser la portée de l’habilitation donnée au Gouvernement et le champ de l’expérimentation afin que celle-ci soit bien en phase avec la proposition faite par la Convention citoyenne pour le climat et l’exposé des motifs du projet de loi.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je crois que nous partageons tous la volonté de reprendre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Ce sera fait dans le cadre des concertations qui seront menées par le Gouvernement au cours des prochaines semaines. Votre amendement sera ainsi satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4944 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. On voit bien que ce texte est encore flou : vous expliquez que les réflexions vont se poursuivre pendant plusieurs semaines.

Nous demandons la suppression de l’alinéa 2 qui montre que, pour vous, la réponse au dérèglement climatique se trouve uniquement dans la taxation.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. À partir du moment où on habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance, pas mal de paramètres restent à définir. Avis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS3948 de M. Alexandre Holroyd.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2834 du rapporteur.

Amendement CS847 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Nous proposons d’exclure du champ d’application de l’article 32 les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui ont été regroupés au sein de la collectivité européenne d’Alsace par la loi du 2 août 2019 : ce texte a déjà prévu que le Gouvernement devait prendre, dans un délai de dix-huit mois, des dispositions permettant de créer la même taxe, la même contribution sur les véhicules de transport de marchandises. Il y a donc une redondance et un risque de report de la mesure prévue pour les départements alsaciens, ce qui serait préjudiciable : ces départements pourraient servir de précurseurs pour les autres régions et collectivités, qui auraient ainsi la possibilité de mieux se positionner par rapport à ce que permet cet article.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement est pleinement satisfait – je pense que Vincent Thiébaut le confirmera. La collectivité européenne d’Alsace pourra, en application de l’ordonnance qui devrait être prise dans les prochains mois sur le fondement de la loi du 2 août 2019, instaurer des contributions spécifiques sur le réseau national qui lui a été transféré. Ce réseau ne sera pas transféré à la région Grand Est et la collectivité européenne d’Alsace ne sera pas concernée par l’article 32.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. S’agissant de l’articulation entre les deux dispositifs, le projet de loi ne remet nullement en cause les dispositions prévues pour la collectivité européenne d’Alsace (CEA). Par ailleurs, des mesures sont nécessaires pour traiter les éventuels reports de trafic vers la CEA. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

M. Dominique Potier. C’est une réponse un peu stupéfiante. C’était une faute de réserver un dispositif à la CEA : il faut absolument harmoniser les choses. Je ne vois pas pourquoi il y aurait une exception pour cette collectivité. Elle doit absolument s’inscrire dans le cadre d’une dynamique générale. Le bon sens l’exige si on veut assurer une simplification et favoriser la construction de grandes et puissantes régions.

M. Vincent Thiébaut. La différence, c’est que la collectivité européenne d’Alsace a la compétence sur l’ensemble des routes entrant dans son périmètre. Ce n’est pas forcément le cas pour toutes les régions, mais je crois que le projet de loi dit « 4D » devrait aborder cette question.

M. Antoine Herth. Je vais retirer l’amendement, mais je vous reposerai la question en séance, monsieur le ministre, afin que vous puissiez faire un point détaillé sur l’état d’avancement des travaux concernant l’application de la loi du 2 août 2019. Elle laissait un délai de dix-huit mois – désormais dépassé – pour prendre une ordonnance.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je propose de vous faire une réponse écrite.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4757 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’amendement vise à faciliter la mise en œuvre du présent article. Il faut laisser un délai de transition aux transporteurs routiers pour leur permettre de trouver un modèle de compétitivité respectueux de l’environnement.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le délai de l’habilitation sera de deux ans à compter de la promulgation du texte. Il me semble que cela permettra d’avancer sur ce sujet. Le délai de cinq ans que vous proposez me paraît trop long. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement rédactionnel CS3389 de Mme Josette Manin.

Amendement CS3113 de M. Philippe Naillet.

M. Dominique Potier. C’est un amendement d’appel concernant les outre-mer, qui sont exposés à des risques non négligeables compte tenu de la concurrence internationale – je pense évidemment à l’Amérique du Sud. Il peut aussi y avoir des opérateurs captifs du fait des situations insulaires. Cela mérite un traitement singulier. Pourra-t-on l’apporter dans le cadre de l’expérimentation qui est prévue ? Pourrez-vous rassurer en séance nos collègues et nos compatriotes d’outre-mer ?

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir au sujet de l’article 32 : il ne s’applique pas du tout à l’outre-mer. Votre amendement n’ayant pas de sens à cet endroit du texte, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Votre appel est entendu : nous pourrons en reparler en séance après concertation avec mon collègue en charge de l’outre-mer. Par ailleurs, je partage l’avis du rapporteur.

L’amendement est retiré.

M. Martial Saddier. Il faut être très clair au sujet de l’article 32, sur lequel nous sommes sur le point de nous prononcer. Alors que l’État a échoué à instaurer l’écotaxe, il propose désormais aux régions d’en porter la responsabilité. Il offre la possibilité de créer un nouvel impôt, au nom de l’environnement mais aussi parce que les régions devront se donner les moyens de financer les nouvelles infrastructures de transport. C’est la réalité de cet article. Il existe un précédent : l’État a supprimé la taxe d’habitation, puis il a offert aux collectivités la possibilité de créer un impôt sur le foncier bâti pour compenser le manque de recettes et de progressivité. Il ne faut pas être dupe, et il y a un moment où il faut assumer.

La commission adopte l’article 32 ainsi modifié.

Après l’article 32

Amendement CS2910 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je demande le retrait de cet amendement. La mise en œuvre d’un mécanisme d’ajustement aux frontières fait partie du programme de travail envisagé lors de la future présidence française de l’Union européenne. Nous partageons l’objectif, mais la question se traite au niveau européen.

M. Dominique Potier. Il y a eu un vote important au Parlement européen, mercredi dernier, sur le devoir de vigilance mais aussi sur le principe d’une taxe carbone aux frontières européennes, qui a été adopté à une très large majorité, de nature transpartisane. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus en séance afin d’éclairer nos débats. C’est un véritable espoir de changement d’échelle.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3261 de Mme Fannette Charvier.

Article 33 (article L. 225-102-1 du code de commerce et article L. 229-25-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Prise en compte des émissions liées au transport dans la déclaration annuelle de performance extra-financière

La commission adopte l’amendement de précision CS2863 du rapporteur.

Amendements CS3944 de M. Alexandre Holroyd et CS4997 de M. Jean-Marie Sermier (discussion commune)

M. Jean-Marie Sermier. Les activités concernées sont celles qui sont placées sous la responsabilité des chargeurs.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il importe de ne pas réduire la portée de cet article et de prendre en compte les émissions internationales, notamment, pour les chaînes de production. Avis défavorable.

Mme Bénédicte Peyrol. Il ne faut pas laisser croire que les transporteurs routiers de marchandises n’ont rien fait. Certains d’entre eux pratiquent depuis longtemps l’éco-conduite, s’inscrivent dans une démarche RSE – responsabilité sociétale des entreprises – et sont pleinement engagés dans la transition écologique.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2864 du rapporteur.

Amendements identiques CS2851 du rapporteur et CS4246 de Mme Carole BureauBonnard.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il s’agit de promouvoir le recours aux modes ferroviaire et fluvial.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CS2280 de Mme Émilie Chalas et CS4992 de M. JeanMarie Sermier. 

M. Jean-Marie Sermier. Amendement d’appel visant à ce que les donneurs d’ordre intègrent des clauses environnementales dans leur déclaration de performance extra‑financière. Cette mesure est issue de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il est satisfait. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Demande de retrait.

Mme Émilie Chalas. Je ne peux qu’entendre une argumentation aussi développée... Je retire donc l’amendement.

L’amendement CS2280 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS4992.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS2860 et CS2861 du rapporteur.

La commission adopte l’article 33 ainsi modifié.

Après l’article 33

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS4247 de Mme Carole Bureau-Bonnard.

Chapitre III
Mieux associer les habitants aux actions
des autorités organisatrices de la mobilité

Article 34 (article L. 1231-5 du code des transports) : Composition et consultation du comité des partenaires des autorités organisatrices de la mobilité

Amendements de suppression CS155 de M. Michel Vialay, CS1914 de M. Thibault Bazin et CS4945 de M. Jean-Marie Sermier

M. Jean-Marie Sermier. Cet article permettant d’installer des citoyens tirés au sort au sein du comité des partenaires doit être supprimé, des concertations étant d’ores et déjà en cours entre élus, citoyens et associations comme la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il s’agit d’une proposition importante de la Convention citoyenne pour le climat. Avis défavorable.

Je tiens toutefois à souligner le travail accompli par les élus locaux et les associations comme la FNAUT.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Le comité des partenaires intègre déjà des citoyens et le tirage au sort ne déstabilisera ni son fonctionnement ni ses équilibres. Le Gouvernement, de plus, a souhaité reprendre scrupuleusement la mesure prévue par la Convention citoyenne pour le climat. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Cela n’a absolument pas été le cas avec un amendement à l’article précédent !

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS783 de M. Gérard Menuel, CS2334 de M. Fabien Di Filippo, CS3222 de M. Jean-Marie Sermier et CS4750 de M. Bruno Millienne.

M. Jean-Marie Sermier. Puisque vous n’avez pas voulu supprimer cet article, je propose de supprimer le deuxième alinéa.

Mme Florence Lasserre. La loi d’orientation des mobilités (LOM) a instauré le comité des partenaires associant a minima des représentants des employeurs, des associations d’usagers ou d’habitants. Rien n’empêche une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) d’inviter des citoyens tirés au sort à y participer.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable car il convient de garder à cet article toute sa portée.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Monsieur Sermier, on peut être scrupuleux sans être systématique !

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS4946 de M. Jean-Marie Sermier et CS2694 rectifié de Mme Patricia Lemoine (discussion commune)

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de corriger certains biais résultant du tirage au sort.

Lors de la création de la Convention citoyenne pour le climat, 250 000 numéros de téléphone ont été tirés au sort pour retenir 150 volontaires. Une correction a donc bien été opérée à partir de certains critères. Nous nous devons donc de réfléchir à ce tirage au sort.

M. Antoine Herth. J’ajoute qu’il s’agit d’une proposition de l’Assemblée des communautés de France.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les collectivités, les AOM peuvent en effet inclure dans ces structures des habitants tirés au sort mais ce sera désormais une obligation et je tiens à cette avancée. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS990 de M. Bertrand Pancher et CS3690 de Mme Fabienne Colboc (discussion commune).

Amendements CS1115 de M. Bertrand Pancher et CS418 de Mme Valérie Beauvais (discussion commune)

M. Jean-Marc Zulesi. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Demande de retrait.

M. François-Michel Lambert. Pourquoi une demande de retrait ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Ces amendements visent respectivement à permettre la désignation des habitants selon une procédure déterminée localement et à rendre facultatif le tirage au sort, or, selon la Convention citoyenne pour le climat, il est nécessaire de renforcer l’association des habitants aux actions des AOM. En retenant le principe du tirage au sort, le Gouvernement s’attache à suivre cette recommandation, d’où la demande de retrait et, à défaut, un avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Maintenant, nous avons une base de discussion.

Je note une certaine verticalité puisque le tirage au sort est imposé aux AOM et pas seulement recommandé.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS4816 de Mme Sira Sylla

L’amendement CS5096 de Mme Patricia Lemoine est retiré.

Amendements identiques CS4948 de M. Jean-Marie Sermier et CS5377 de Mme Patricia Lemoine

M. Martial Saddier. Il convient de supprimer l’alinéa 3.

M. Antoine Herth. Cet alinéa substitue un objectif de travail, d’évaluation et de consultation sur tous les projets de mobilité à une clause de rendez-vous annuelle, or, j’aimerais bien connaître les conséquences d’une telle opération.

Les usagers sont plus intéressés par le service rendu que par la façon dont l’AOM envisage un projet, qui plus est souvent complexe, avec des enjeux considérables et un nombre d’intervenants qui ne l’est pas moins.

En tant qu’ancien participant à des comités d’usagers, je peux vous dire que ce rendez-vous était fort à propos. De grâce, ne demandons pas à des citoyens tirés au sort de se prononcer sur le montage d’un projet de rénovation d’une infrastructure ferroviaire ! Ce serait leur rendre un très mauvais service.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Sans doute cet article doit-il être en effet amélioré, notamment lors des travaux au Sénat, mais à ce stade il ne me paraît pas pertinent de limiter sa portée. Les citoyens doivent être encore plus associés à ce comité des partenaires afin de comprendre la politique des transports menée mais, aussi, de se rendre compte du niveau d’implication de nombreux élus.

Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Avant les travaux du Sénat, il y a ceux de la séance publique de l’Assemblée nationale.

Il est tout à fait possible de respecter l’esprit de la Convention citoyenne pour le climat sans en suivre la lettre. La Commission nationale du débat public (CNDP), sans tirage au sort, est capable d’organiser de vrais débats démocratiques : ne prenons pas le risque de la démagogie !

J’ajoute que le Plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT) me paraissent des cadres tout aussi pertinents que les AOM pour organiser une concertation citoyenne.

M. Antoine Herth. Je ne suis pas sûr qu’il faille garder cette question au frigo jusqu’à la discussion du texte au Sénat. Peut-être la séance publique de notre assemblée serait‑elle l’occasion de s’y pencher ? Je fais confiance à M. le ministre et à ses excellents conseillers pour nous apporter des éléments de réponse d’ici là. En attendant, je retire l’amendement.

L’amendement CS5377 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS4948.

Amendements identiques CS1117 de M. Bertrand Pancher, CS1411 de Mme Valérie Beauvais et CS1915 de M. Thibault Bazin

M. François-Michel Lambert. Nous proposons que le comité des partenaires se réunisse au moins une fois par an « sur tout projet de mobilité structurant ».

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le terme « structurant » est difficilement définissable sur un plan juridique. Avis défavorable, même si je comprends votre souci.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Donnons-nous rendez-vous en séance pour parvenir à un dispositif simple et opérationnel.

M. François-Michel Lambert. Je retire mon amendement mais soyons en effet au rendez-vous de la séance publique.

L’amendement CS1117 est retiré.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4947 de M. Jean-Marie Sermier

M. Jean-Marie Sermier. À l’alinéa 3, cet excellent amendement vise à substituer aux mots « sur tout projet de mobilité » les mots : « deux fois par an ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS4950 de M. Jean-Marie Sermier

M. Jean-Marie Sermier. Il convient de supprimer l’alinéa 4. Lors des discussions de la LOM, il n’a jamais été question de créer un énième organisme chargé d’évaluer les politiques publiques.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS2699 rectifié de Mme Patricia Lemoine, amendements identiques CS1123 de M. Bertrand Pancher et CS1917 de M. Thibault Bazin, amendements identiques CS1120 de M. Bertrand Pancher, CS1412 de Mme Valérie Beauvais et CS1916 de M. Thibault Bazin, amendement CS2503 de M. Pierre Venteau (discussion commune)

M. Antoine Herth. Compte tenu des transferts de compétences et des modifications de périmètre des AOM, il convient de compléter l’alinéa 4 en précisant l’objet de la consultation et la base sur laquelle s’exerce la participation des citoyens. Je vous soumets cette piste de réflexion, monsieur le ministre délégué, en vue de la séance publique.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit, d’une part, de renforcer la place et le rôle des parties prenantes et, d’autre part, d’offrir au comité des partenaires la possibilité d’émettre un avis sur la politique de mobilité plutôt que de le transformer en instance d’évaluation, ce dont il n’a pas les moyens.

M. Martial Saddier. Je tiens à saluer le travail accompli par nos collègues Mme Beauvais et M. Bazin.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le comité des partenaires est consulté pour émettre un avis sur l’offre de mobilités, la politique tarifaire et la qualité des services et de l’information à l’endroit des usagers.

Nous proposons avec cet article de lui confier un nouveau rôle d’évaluation qu’il conviendra, dans un second temps, de préciser. Cette proposition est issue de la Convention citoyenne pour le climat.

Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Pour évaluer, il faut des moyens. Le Gouvernement en donnera-t-il à cette instance ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS4949 de M. Jean-Marie Sermier et CS5097 de Mme Patricia Lemoine

M. Jean-Marie Sermier. Il convient de repousser l’application de cette mesure de 2022 à 2024. Les citoyens tirés au sort seront sans doute de bonne volonté mais ce ne seront pas forcément des usagers, lesquels sont représentés par des associations locales et la FNAUT. Ce n’est sans doute pas la meilleure solution pour bénéficier des retours de ceux qui empruntent chaque jour les transports.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable, même s’il conviendra d’apporter un certain nombre de précisions. J’ai certes évoqué le Sénat mais je tiens beaucoup aux débats qui s’ouvriront bientôt ici même pour redéfinir, éventuellement, certaines modalités. La date de 2022 me semble pertinente.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Le Gouvernement souhaite que ces mesures soient appliquées le plus rapidement possible. Avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous savons ce que le tirage au sort peut apporter et nous en connaissons aussi les limites. Des citoyens qui ne seraient pas des usagers des transports peuvent apporter une vision complémentaire qu’il ne faut pas craindre. Les membres de ce comité de partenaires ne seront pas seuls à formuler des avis et peut-être qu’une modification marginale de cet article suffirait à s’assurer de son bon fonctionnement. Une telle expérience mérite d’être lancée.

M. Jean-Marie Sermier. Cet article n’est pas encore voté que vous en évoquez les limites ! Vous allez donc dans notre sens. Sans doute aurait-il été préférable de s’appuyer un peu plus sur les usagers.

M. François-Michel Lambert. Nous aurions préféré que M. le rapporteur intervienne au début de la discussion des amendements à cet article afin d’apporter peut-être d’utiles modifications.

L’alinéa 4, qui n’a pas été modifié puisque l’amendement CS1120 n’a pas été adopté, dispose que « Ce comité des partenaires évalue au moins une fois par an les politiques de mobilité mises en place sur le territoire relevant de l’autorité organisatrice de la mobilité. » Je le répète : comment une évaluation est-elle possible sans moyens adéquats ? Un amendement analogue à celui que j’ai défendu devra être adopté en séance publique.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je ne suis pas intervenu d’emblée pour pouvoir entendre, notamment, les propositions de l’opposition visant à améliorer le texte. Nous devrons avancer en séance publique sur un certain nombre de points.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 34 sans modification.

Après l’article 34

Amendements CS2601 de Mme Laurianne Rossi et CS1214 de M. Benoit Simian (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Demande de retrait.

Je vous voudrais revenir sur des amendements qui ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution après l’article 34 pour dire qu’ils visaient à permettre à un pôle métropolitain de devenir AOM, qu’il s’agit aujourd’hui de sécuriser juridiquement cette prise de compétence et que le Gouvernement soutiendrait une telle disposition, dès lors qu’une telle mesure est consensuelle et demandée, par ailleurs, par un grand nombre d’élus locaux, et que la charge liée serait couverte.

M. François-Michel Lambert. Le ministre demande encore une fois de retirer un amendement sur lequel le rapporteur a émis un avis défavorable. D’ordinaire, la demande de retrait signifie que l’amendement est satisfait. S’il l’était, je le retirerais, mais aucun argument n’a été donné. Je suis prêt à retirer l’amendement mais je veux des arguments.

Par ailleurs, le ministre nous invite à redéposer des amendements. Nous en avions en effet déposé sur les périmètres des AOM et les métropoles, mais ils ont été jugés irrecevables car ils créent une charge que le Gouvernement devra couvrir. Je suggère un procédé plus simple : que le Gouvernement ou le rapporteur dépose un amendement.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. La logique que nous avons suivie lors du vote du pacte ferroviaire était d’avoir un comité de desserte pour assurer le suivi des dessertes qui font l’objet de transports ferroviaires régionaux. Il n’a jamais été envisagé, et il n’est pas prévu, de créer des comités de desserte pour les services librement organisés et les dessertes internationales. Nous avons donc une opposition de fond sur le sujet. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Sur le sujet de la création de pôles métropolitains devenant AOP, je le redis ici, le Gouvernement serait prêt à lever l’irrecevabilité, dès lors que la mesure est consensuelle ; je crois que nous aurons la séance pour en débattre.

La commission rejette successivement les amendements.

Chapitre IV
Limiter les émissions du transport aérien
et favoriser l’intermodalité entre le train et l’avion

Avant l’article 35

Amendement CS3855 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. « Favoriser l’intermodalité entre le train et l’avion » est un enjeu essentiel. C’est pourquoi je n’envisage pas de supprimer ces mots dans l’intitulé du chapitre. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. L’objectif poursuivi par le Gouvernement est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble des transports, d’agir en complémentarité et de permettre ou de faciliter l’intermodalité entre le train et l’avion. Après avoir exposé cette philosophie générale, je vous demanderai de retirer l’amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Section 1
Dispositions de programmation

Article 35 : Objectif de fixation d’un prix du carbone suffisant pour le transport aérien à l’horizon 2025

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement l’amendement de suppression CS3856 de M. Jean-Luc Lagleize et l’amendement CS3857 du même auteur.

Amendements CS788 de Mme Delphine Batho et CS3858 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’avion est sans conteste le mode de transport le plus climaticide. La Convention citoyenne pour le climat a fait un ensemble de propositions très précises à ce sujet. Dans son avis, le Conseil d’État souligne que l’article 35 revient pour le Gouvernement à écarter la proposition de la Convention citoyenne sur le rehaussement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, afin que le transport aérien acquitte le coût de son empreinte sur le climat, comme le font d’autres moyens de transport.

L’amendement CS788 dénonce la disposition de l’article 35, qui n’a aucune portée normative. En matière de lutte contre le changement climatique, il y a parfois pire que de ne pas faire : c’est de faire semblant de faire. On doit envisager le fait que le transport aérien s’acquitte d’un prix du carbone suffisant à partir de 2022. On peut ensuite discuter de la trajectoire, des modalités – des propositions précises avaient été mises sur la table. Tout le verbiage de l’article 35 revient à dire que l’on verra plus tard.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’article 35 vise une nouvelle fois à travailler pour élaborer des dispositifs européens. Vous le savez, le secteur aérien dépend énormément du territoire européen. Une forte concurrence est à l’œuvre. À ce stade, il ne paraît pas pertinent de fixer un prix du carbone suffisant à partir de 2022, car le secteur ne connaîtra pas un niveau d’activité assez élevé à cette date. En revanche, l’échéance de 2025 permettra de disposer d’une trajectoire claire, avec un niveau d’activité proche de celui que nous avons connu, notamment en 2019, comme le mentionnait l’amendement CS3858.

Pour ces deux raisons, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Madame Batho, vous avez parlé du transport aérien comme étant le mode de transport le plus « climaticide », avec 4 % des émissions de gaz à effet de serre, alors que, vous l’avez dit plus tôt, la route pèse pour plus de trois quarts des émissions de gaz à effet de serre. Cela paraît un peu incohérent sur le fond.

S’agissant de la décarbonation du transport aérien, nous avons deux champs d’action, non rhétoriques, mais pratiques : les alternatives technologiques et le signal prix.

La filière s’est engagée dans un plan massif de décarbonation. Nous avons une filière industrielle d’envergure mondiale, autour d’Airbus, de Safran et de quelques autres entreprises. Nous avons défini des phases dans le travail, en ayant à la fois des filières de court terme – les biocarburants aéronautiques, la compensation – et des sauts technologiques de moyen terme, tels l’hybridation des moteurs ou les nouveaux sauts vers l’hydrogène.

La filière des biocarburants aéronautiques concerne des projets très pratiques, territorialisés. Nous parlons de transformer des huiles et des graisses usagées, des déchets agricoles et forestiers et, plus tard, des combustibles solides de récupération en biocarburants pour l’aviation. Les volumes nécessaires pour satisfaire les objectifs que nous avons fixés sont de l’ordre de 160 000 tonnes en 2025 et 430 000 tonnes en 2030. La capacité française estimée serait de 170 000 tonnes dès 2024, au-delà des engagements pris, et de 470 000 tonnes en 2030. Je ne parle là que des biocarburants aéronautiques, en dehors de toute autre mesure, pour montrer que nous menons une transition écologique et une décarbonation du secteur très pratiques, fondées sur des engagements réalisables et territorialisés, en France.

Quant au sujet du signal prix, il est traité de façon diverse. Il existe déjà une écocontribution kilométrique renforcée, qui a été votée l’an dernier. Le rapporteur a également mentionné la TIRIB, qui facilite à la fois l’incorporation et l’incitation par la taxation. D’une manière générale, il existe des cadres de compensation au niveau français – nous en débattrons à l’article 36 –, le système d’échange de quotas d’émissions européen (ETS, Emissions Trading System) ainsi qu’un cadre international, voté en 2016, qui a constitué une première mondiale. Le secteur du transport aérien est donc largement dans sa transition, au travers d’outils et de dispositifs pratiques.

M. Dominique Potier. Il y a deux modalités de régulation du transport aérien : le signal prix et l’interdiction de certains trajets, lorsqu’il existe une autre offre. Comme pour toutes les filières concernées, le groupe Socialistes et apparentés est sensible à la dimension humaine de la situation que vivent les ouvriers, les ingénieurs, et tous ceux qui constituent l’excellence aéronautique française. Il n’y a aucune désinvolture dans nos propos. En revanche, l’urgence écologique ne doit pas s’opposer à une révision de notre doctrine en la matière. C’est ce à quoi le Haut Conseil pour le climat, les ONG, les citoyens nous invitent.

Vous dites que le transport aérien, qui représente 4 % des émissions en France, n’est pas un choix de même nature que le transport routier, pour tous ceux qui sont dépendants de la voiture et n’ont pas d’autre solution pour remplir des fonctions qui sont tout aussi vitales. Il y a là une réflexion philosophique et politique à mener sur ce qui est prioritaire ou non. On ne peut pas échapper à ce débat.

Sur les biocarburants, je ne peux pas entendre votre argument. Les ressources en biomasse ou toute autre ressource d’énergie renouvelable sont elles-mêmes totalement mobilisées pour d’autres usages, et devront l’être indéfiniment. Si elles sont utilisées dans l’aviation civile, elles ne le seront pas ailleurs. Il y aura bien une compétition sur l’énergie. Il faut la réguler et faire des choix courageux, en organisant la transition des filières à la fois vers ce que vous appelez la révolution technologique, et vers une révolution des usages.

Mme Delphine Batho. Pour expliquer le terme de climaticide, je rappelle qu’au kilomètre, il n’y a pas photo. À titre d’exemple, le trajet Paris-Marseille en avion, c’est 50 ou 60 fois le bilan carbone du même trajet en train. Je veux vous faire préférer le train, monsieur le ministre. Il n’y a pas de débat sur le caractère climaticide de l’avion par rapport à d’autres modes de transport.

Pour ce qui concerne les chiffres sur les émissions du secteur, que vous avez cités, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) invite à les multiplier par trois, à cause d’une donnée fondamentale, le forçage radiatif. L’émission en haute atmosphère d’oxyde d’azote, de particules et de vapeur d’eau triple leur empreinte sur le climat. Le secteur aérien est donc un vrai sujet. J’espère que nous pourrons débattre de la situation économique de cette filière industrielle, la deuxième au monde. Nous sommes confrontés à un enjeu majeur pour transformer ces compétences, ces savoir-faire. Pourtant, le caractère climaticide du transport aérien et le fait que ce secteur ne peut être exonéré des taxes, comme il l’est aujourd’hui, ne sont pas discutables. Outre la taxation, je propose de diminuer le trafic aérien, et je l’assume. Nous en discuterons tout à l’heure.

M. Guillaume Kasbarian. Le mot « climaticide » me choque s’agissant de l’aérien. Il faut remettre les chiffres en perspective. Selon l’étude du Boston Consulting Group (BCG), la part des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien s’établit entre 1,12 % et 2,65 % de l’ensemble des émissions. Si vous supprimez tous les avions, vous réduirez donc peu ces émissions. C’est un fait, non un propos politique.

Il y a quelques semaines, j’ai effectué un trajet Toulouse-Paris en avion. Le pilote avait calculé que son avion consommait trois litres de kérosène aux cent kilomètres, par passager. Il expliquait toutes les mesures prises par le secteur pour réduire les émissions, notamment en économisant du carburant en vol et au sol.

Le mot « climaticide » me choque aussi car les salariés de l’aérien sont désespérés, que ce soit chez Air France, dans les autres entreprises de l’aéronautique, ou chez les sous‑traitants. Les culpabiliser avec un terme qui les fait passer pour des criminels me heurte.

Nous pouvons nous accorder pour reporter les trajets sur d’autres modes de transport plus vertueux, mais accuser les salariés, les dénoncer avec des termes qui les heurtent, ne me convient pas. Nous pouvons avoir une discussion sur l’aérien – nous y reviendrons – sans utiliser des mots que des centaines de milliers de salariés entendront. Ils sont aujourd’hui dans une situation impossible, et ne savent ni quand ils s’en relèveront, ni comment. Mesurons les propos que nous tiendrons aujourd’hui sur l’aérien : les personnes qui travaillent dans l’aérien ne sont pas des criminels.

M. Nicolas Turquois. J’aurais pu signer des deux mains la déclaration de mon collègue Guillaume Kasbarian. Le mot « climaticide » est très fort pour ceux qui travaillent dans cette filière et en vivent. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. Kasbarian a cité des chiffres, qui vont de 1,12 % à 2,65 %. Admettons même que les émissions du secteur aérien représentent 4 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Sachant que la France produit 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, la proportion totale n’est donc que de 4 % de 1 % : on joue à la marge, alors qu’Airbus fabrique près de 50 % de la flotte mondiale d’avions. Allons-nous conforter la filière, pour réduire de 25 % la consommation sur la moitié de la flotte mondiale ou continuer de mettre à terre une filière gravement touchée par la situation actuelle ? Mieux vaut, avec nos ingénieurs, avec les hommes et les femmes qui font cette filière, améliorer de manière substantielle ses performances, plutôt que d’agir de façon franco-française, donc ne régler que 4 % de 1 % du problème.

M. Jean-Marie Sermier. Nous l’avons dit au début de l’examen du projet de loi, nous pouvons partager les objectifs et l’état des lieux. Il faut toutefois faire attention à ce que l’on dit. S’agissant du transport routier, il a été dit qu’il ne fallait pas casser la filière. Il convient de donner les moyens d’aller tranquillement – le plus rapidement possible, sans doute – vers un transport décarboné. C’est la même chose pour le transport aérien. Pourtant, il semble vous préoccuper davantage que le transport routier. Nous sommes cependant au même niveau, solidaires de l’ensemble des filières et de tous leurs salariés. Aucun d’entre eux ne pose lui-même un problème pour l’environnement. Il faut donner des moyens pour évoluer. À ce titre, monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les avancées technologiques que l’on peut attendre à l’horizon 2030 ou 2035 sur les avions économes en CO2, notamment les avions à hydrogène ?

M. François-Michel Lambert. Nous devons éviter d’entrer dans un tel débat, pour plusieurs raisons. Nous respectons naturellement tous ceux qui participent à l’industrie aéronautique, quelle que soit leur place. Mais nous avons aussi une double responsabilité, celle de ne pas empêcher la mobilité d’une très grande partie de la population mondiale, qui a besoin d’avions. La mobilité de l’avion est aussi un progrès social. La France le démontre avec les outre-mer ou la Corse : sans l’avion, on isolerait des pans entiers de la population française.

Nous devons aussi nous reposer la question des mobilités inutiles, dont on ne parle jamais. Je veux insister sur ce point, qui requiert un travail important. Il y a trop de facilités dans certaines mobilités, qui utilisent notamment l’avion. Elles pourraient être évitées. Or ce sujet n’est que peu, voire pas, abordé dans le projet de loi climat et résilience. Ce travail est donc devant nous, peut-être dans un autre texte, par exemple le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la décomplexification, dit projet de loi « 4D ».

Voilà les éléments sur lesquels nous devrions nous fonder. Laissons la date de 2025 et travaillons à diminuer nos besoins de mobilité, à renforcer notre expertise et notre technologie s’agissant des avions, pour servir des territoires, des pays, des continents enclavés, qui ont véritablement besoin d’une réponse aérienne.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je ne sais pas qualifier les mobilités inutiles. Partir en vacances avec la SNCF l’été est-elle une mobilité inutile ? Vous avez raison, c’est un débat philosophique, dont les conséquences et les aspects techniques ne peuvent être traités dans cette commission.

Sur le fond, madame Batho, vous avez raison sur le sujet des émissions hors CO2. Il y a quelques mois, nous avons lancé une chaire universitaire, en lien avec l’Institut Pierre Simon Laplace, pour objectiver ce phénomène physique et évaluer le forçage radiatif. Nous y travaillons de façon concrète.

Vous disiez vouloir faire préférer le train à l’avion. La moitié des financements du plan de relance sont destinés au secteur ferroviaire – 5 milliards d’euros sur les 11 milliards. Si un gouvernement a préféré le train, c’est bien le nôtre. Depuis 2017, 35 milliards d’euros de dettes ont été repris, 3 milliards ont été consacrés à la régénération du réseau ferroviaire, que nous avons trouvé dans un état de vétusté assez avancé. En moyenne, notre réseau ferroviaire a deux fois l’âge de celui de nos voisins allemands. Contre tous les pronostics, c’est cette majorité qui a relancé les petites lignes ferroviaires, avec un plan de 6,5 milliards d’euros pour sauver 9 000 kilomètres de petites lignes. S’agissant de la préférence pour le train, nous nous sentons en accord avec ce que nous disons.

Et si nous comparons les modes de transport, faisons-le jusqu’au bout. Vous les comparez tantôt avec les kilomètres parcourus tantôt par kilomètre par passager. Ce travail est complexe. Faisons-le !

La philosophie de ce Gouvernement est bien la complémentarité, non la concurrence entre les modes. Dans le Massif central, vous avez besoin de trains – et d’ailleurs, d’un réseau ferroviaire amélioré – et d’avions, pour préserver l’emploi. Il faut agir et être animé de cette philosophie positive de complémentarité entre les modes. Au travers de travaux d’aménagement du territoire et d’incitations bien pensés, on peut arriver à cette cohésion et cette complémentarité des modes.

Des résultats rapides doivent être obtenus, notamment pour l’électrification des opérations au sol – les tracteurs, les flottes captives dans les aéroports. S’agissant des biocarburants, j’ai évoqué quelques filières d’avenir, sur le court terme. Une autre filière, les carburants synthétiques, réalisés à partir d’hydrogène et de CO2, posent la question de la massification de la production. Ces deux filières sont déjà compatibles avec les moteurs existants. Lorsque l’on recherche des gains rapides, on peut parvenir à des résultats très tangibles en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, si l’on parvient à massifier suffisamment ces productions.

Le saut technologique réside dans l’avènement d’une filière hydrogène, décarbonée dans sa production et massifiée dans ses usages. Le transport aérien a la capacité de mobiliser une filière industrielle d’envergure mondiale et complète. Nous avons investi 1,5 milliard d’euros de fonds publics, en complément de ce qu’investissent les filières, avec des volumes d’investissement considérables, notamment des grands donneurs d’ordres aéronautiques. Nous sommes convaincus de pouvoir être les premiers à décarboner ce secteur, en concurrence avec deux blocs, qui avancent très vite, les Chinois et les Américains. C’est un sujet qui a trait non seulement au climat mais au rayonnement et à la puissance industrielle. Il y a là aussi une forme de complémentarité. Nous nous donnons les moyens d’agir à la fois contre le dérèglement climatique et pour préserver une filière industrielle française d’exception.

La commission rejette successivement les amendements CS788 et CS3858.

2.   Réunion du dimanche 14 mars 2021 à 14 heures 30

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, il nous reste à examiner 153 amendements pour terminer la discussion du titre III et 1992 amendements pour achever celle du projet de loi. Nous devons donc examiner en moyenne 35 amendements par heure pour pouvoir clore nos travaux vendredi prochain, à minuit.

Article 35 (suite) : Objectif de fixation d’un prix du carbone suffisant pour le transport aérien à l’horizon 2025

Amendement CS2225 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour le titre III. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3859 de M. Jean-Luc Lagleize.

Amendement CS4050 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Nous proposons que le Gouvernement étudie également, dans le rapport prévu à l’article 35, les conséquences que pourrait avoir l’objectif mentionné au premier alinéa sur la préservation des emplois et la capacité d’investissement dans la transition écologique. En effet, une augmentation du tarif de la taxe de solidarité risque d’avoir un impact délétère sur le niveau de l’emploi dans le secteur aérien et sur la capacité des acteurs de ce secteur à investir massivement dans la transition écologique et énergétique.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis favorable. Il me paraît essentiel que la représentation nationale soit également éclairée sur les aspects liés à la préservation de l’emploi et aux capacités d’investissement du secteur aérien dans la transition écologique.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. L’objectif du Gouvernement est bien de décarboner « en dur » l’ensemble des secteurs du transport, dont le transport aérien, en préservant à la fois l’emploi et les compétences, la compétitivité des entreprises françaises et européennes et la connectivité des territoires. Avis favorable, donc.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3861 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis favorable à cet amendement qui a pour objet d’inclure le désenclavement des territoires parmi les éléments étudiés dans le rapport du Gouvernement.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Avis favorable. Encore une fois, décarboner, préserver la compétitivité de nos entreprises et la cohésion des territoires sont les trois piliers de notre action en la matière.

Mme Delphine Batho. Tout d’abord, on peut désenclaver un territoire autrement que par une liaison aérienne. Ensuite, même si, je l’ai dit, l’article 35 n’a guère de portée normative, le fait de donner un avis favorable à ces amendements revient à dire : « On ne va rien faire ».

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS226 de Mme Souad Zitouni.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2882 du rapporteur.

Amendement CS3114 de M. Philippe Naillet.

M. Dominique Potier. Cet amendement est hautement symbolique puisqu’il vise à substituer au mot : « métropolitain », qui nous ramène au temps des colonies, le mot : « hexagonal ».

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais il convient, par souci de cohérence, de conserver la formulation utilisée dans le code des transports. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Avis défavorable, pour des raisons de clarté légistique.

M. Dominique Potier. Dans ce cas, seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à accepter, en séance publique, un « amendement balai » qui modifierait le code des transports ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Cela ne me poserait aucun problème : voyons ce qui peut être fait. Mais je crains que la tâche ne soit homérique, car ce travail de balayage impliquerait la mise en cohérence globale d’autres textes.

M. François-Michel Lambert. Je me permets d’insister, monsieur le ministre.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3860 de M. Jean-Luc Lagleize.

Amendement CS3550 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Il s’agit, à l’alinéa 2, d’envisager l’application d’une taxe de solidarité à partir du moment où le trafic aérien retrouverait non pas le niveau de passagers de l’année 2019 mais celui qu’il était avant le 31 décembre 2022.

Il n’est pas souhaitable que le nombre des passagers retrouve le niveau enregistré en 2019 : la multiplication des lignes low-cost ne saurait être un objectif de politique publique. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur aérien, il faut apprendre à consommer autrement. Il est donc symboliquement délicat de faire de cet élément le point de départ d’une nouvelle trajectoire du prix du carbone pour l’aérien. Au demeurant, le nombre de passagers n’est pas en lui-même un critère suffisant pour apprécier la reprise de l’activité du secteur aérien. Enfin, le président du Groupe ADP nous a indiqué que le nombre de passagers, de 110 millions en 2019, était tombé à 30 millions à peine en 2020 : comment retrouver le niveau de 2019 ?

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement vise à fixer à 2022 la date à partir de laquelle un mécanisme alternatif au mécanisme européen, notamment une augmentation de la « taxe Chirac », pourrait être mis en œuvre. Je rappelle que cette taxe a déjà été augmentée dans la loi de finances pour 2020. Par ailleurs, le délai proposé me paraît trop court. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Même avis, pour les raisons exposées ce matin. J’ai évoqué la trajectoire de décarbonation suivie par les exploitants, les opérateurs et l’industrie aéronautique, les objectifs de compétitivité, le besoin de connectivité ainsi que les efforts entrepris en matière d’harmonisation sociale –  car certaines des compagnies low-cost, dont vous avez évoqué le développement désordonné, ont profité des zones grises du droit européen. Ces différents éléments devraient être de nature, dans un contexte où beaucoup d’entreprises connaîtront des difficultés financières, à assainir le secteur et à en contrôler la croissance.

M. Dominique Potier. Je soutiens l’amendement de M. Pahun, car il soulève le problème de fond, que nous repoussons depuis le début de l’examen du texte : celui de la juste part que doit prendre chaque mode de vie ou de consommation. Ramener le secteur aérien à sa juste part, ce n’est pas revenir à la situation d’avant-crise ; c’est adopter d’autres pratiques de mobilité, promouvoir un autre équilibre entre les modes de transport, voire renoncer à certains déplacements qui produisent une émission de carbone trop importante, au nom de l’intérêt général et du partage des ressources. C’est pourquoi la référence proposée dans l’amendement me paraît très judicieuse.

Mme Delphine Batho. Je soutiens, moi aussi, cet amendement. L’enjeu n’est pas de ralentir la hausse du trafic aérien ou de faire en sorte que celui-ci retrouve un niveau comparable à ce qu’il était avant la pandémie, mais bien de réduire ses émissions de CO2.

M. François-Michel Lambert. Le Gouvernement choisit-il de retenir comme référence le trafic de 2019 par facilité ou parce qu’il est établi que les besoins structurels en matière de déplacements aériens correspondent au volume atteint cette année-là ? Ne pourrait‑on pas estimer qu’un niveau égal à 80 % du trafic de 2019 constituerait un point d’équilibre, dans la mesure où il permettrait d’exclure les vols superflus qui pouvaient exister en 2019 ?

Mme Cendra Motin. N’oublions pas que le transport aérien est un marché européen, et non franco-français. Dès lors, retenir la date de 2022 reviendrait à taxer l’aérien français à un moment où le trafic, qui a chuté de 70 % en 2020, n’aura pas retrouvé son niveau d’avant‑crise puisque celui-ci pourrait être atteint au mieux en 2023.

Faut-il pour autant attendre qu’il ait retrouvé le niveau de 2019 ? Je suis d’accord avec vous, on peut se poser la question. Quoi qu’il en soit, il faut profiter de ce temps pour aboutir à la création d’une taxe, de préférence à l’échelle européenne, et obtenir la baisse des quotas gratuits. J’ajoute que nous adopterons tout à l’heure une mesure de compensation carbone des vols intérieurs, qui devrait faire baisser mécaniquement le trafic, de sorte que nous ne sommes pas près de retrouver le niveau de 2019.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Si nous avons choisi pour référence le trafic de l’année 2019, c’est notamment parce qu’il sert de base au mécanisme de régulation internationale Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA).

En fait, nous avons là un débat politique qu’il faut assumer en tant que tel et qui porte sur le choix entre la décroissance ou une décarbonation du secteur qui s’accompagne d’éléments de régulation sociale et économique et de la volonté de préserver la compétitivité de nos entreprises. N’avançons pas masqués !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4723 de Mme Souad Zitouni.

M. Jean-Luc Fugit. Les députés du groupe LaREM estiment fondamental que l’État joue son rôle d’accompagnateur en aidant le secteur aérien – qui est le premier à s’être assigné des objectifs de réduction de son empreinte carbone – à réaliser sa transition.

À cet égard, le développement des biocarburants à destination du secteur aérien constitue une piste d’avenir, qui n’est pas encore mature. La substitution progressive de carburants moins émetteurs de carbone doit être accompagnée et amplifiée. C’est pourquoi nous proposons de demander au Gouvernement de présenter au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur la stratégie française de promotion d’une filière de biocarburants afin de respecter les objectifs de la stratégie nationale bas‑carbone.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. La demande me semble tout à fait pertinente. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Nous avons lancé, en février 2020, avec Élisabeth Borne, un appel à projets portant sur les biocarburants aériens, de sorte que nous avons d’ores et déjà la capacité de développer une filière française autour des huiles et graisses usagées, des déchets agricoles et forestiers ou des carburants de synthèse. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission mais, depuis un an, nous avons progressé dans ce domaine.

M. Dominique Potier. Nous défendrons de manière très claire, en séance publique, la position suivante : les consommations superflues, qui grèvent les capacités de survie de la planète, ne peuvent pas être justifiées par le recours aux biocarburants ou à des énergies renouvelables. Un tel choix remettrait en cause les équilibres alimentaires et ne serait supportable pour la planète qu’au détriment d’autres mobilités, indispensables à des personnes qui cherchent à survivre.

Mme Delphine Batho. Le débat sur la décroissance du secteur aérien est en effet capital. Je partage les réserves exprimées par Dominique Potier. À ce propos, dans le système CORSIA, l’huile de palme est admise parmi les agrocarburants. Je souhaiterais donc savoir si le plan annoncé par le Gouvernement, qui concerne notamment Air France, porte sur les huiles de récupération et exclut explicitement les ressources liées à la déforestation importée ou à une concurrence d’usages des terres agricoles en France.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Lorsque nous avons créé la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB), nous avons explicitement exclu les carburants composés d’huile de palme.

Monsieur Potier, il n’y a pas de concurrence entre la filière des biocarburants durables destinés à l’aviation et la production agricole. Je rappelle que les moteurs peuvent recevoir, dès aujourd’hui, jusqu’à 50 % de biocarburants et qu’il n’y a pas d’obstacle technologique à ce que ce taux soit porté à 100 % demain. Le recours aux biocarburants permet donc de décarboner très rapidement « en dur », sans concurrence avec les terres agricoles. J’ajoute qu’il est transitoire : il permet de faire la jonction avec le saut technologique que constituent l’hydrogène et l’hybridation.

M. Jean-Luc Fugit. Les biocarburants ne créent pas une concurrence d’usages des terres agricoles. À l’instar de la méthanisation, ils peuvent être vus comme un complément lié à la valorisation des déchets. Par ailleurs, n’oublions pas la recherche sur les biocarburants de deuxième génération. Je pense, par exemple, aux travaux que mène l’Institut français du pétrole (IFP) Énergies nouvelles dans ce domaine, notamment au projet Futurol ; auquel je vous invite à vous intéresser. Laissons donc faire la recherche et encourageons l’État à jouer un rôle de stratège ! L’objet du rapport que nous demandons est d’évaluer les différents aspects de la question, de déterminer ce que l’on doit faire dans ce domaine et comment le faire, et non d’opérer des choix.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 35 ainsi modifié.

Section 2
Autres dispositions

Avant l’article 36

Amendements identiques CS2634 de Mme Émilie Cariou, CS2826 de Mme Jennifer De Temmerman et CS4568 de M. Loïc Prud’homme, amendements CS2156 de M. Gérard Leseul et CS2655 de Mme Laurence Vichnievsky (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2634 a pour objet de reprendre la proposition de la Convention citoyenne d’augmenter la taxe dite « Chirac », c’est-à-dire l’éco‑contribution sur les billets d’avion. Je rappelle que de nombreux pays européens vont plus loin que la France dans ce domaine. La mesure proposée rapporterait 4 milliards d’euros à l’État.

Mme Sabine Rubin. L’article 35 donne l’illusion que l’on va faire quelque chose, mais il est assorti d’un si grand nombre de conditions qu’en vérité, on ne fera rien ! Si l’aérien est un enjeu majeur de la lutte contre le changement climatique, il faut mobiliser tous les moyens disponibles, et l’éco-contribution sur les billets d’avion en est un, pour diminuer le trafic.

M. Dominique Potier. L’amendement CS2156 a pour objet de renforcer la taxation sur les billets d’avion en classe affaires et en première ainsi que sur les trajets en jet privé. Cette démarche peut paraître symbolique, mais elle traduit notre volonté de faire en sorte que l’empreinte carbone soit partagée.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Vous proposez d’augmenter la fameuse « taxe Chirac », dont j’ai rappelé que nous l’avions déjà augmentée dans les lois de finances précédentes. Certes, durant la pandémie, son rendement a été nul. Mais, selon les scénarios les plus optimistes, il pourrait atteindre 91 millions d’euros en 2022, 126 millions en 2023 et 164 millions en 2024. Il ne me semble donc pas pertinent de l’augmenter outre mesure, eu égard à la situation dans laquelle se trouvera le transport aérien à l’issue de la crise sanitaire. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Dans beaucoup de pays, le niveau de la taxation est très inférieur à celui de notre pays. Je pense notamment à un pays que l’on cite souvent en exemple, la Suède, où il est deux fois moindre qu’en France. Quant au Royaume‑Uni, il a récemment annoncé une baisse de sa fiscalité sur les billets d’avion. D’où l’importance de progresser – et nous aimerions que vous soyez à nos côtés – dans le domaine de l’harmonisation sociale, car définir des règles sociales au niveau européen est un moyen de réguler par le prix.

Vous voulez renchérir le transport aérien pour en organiser la décroissance. Nous voulons, quant à nous, décarboner le secteur et préserver les libertés : c’est un choix de société différent.

M. Guillaume Kasbarian. Je ne suis pas adepte de l’augmentation des taxes, surtout lorsqu’elle crée une concurrence déloyale. De fait, les compagnies aériennes sont soumises à une concurrence qui, par définition, se moque des frontières nationales. Dès lors, à quoi bon décider une augmentation qui aurait pour seule conséquence de rendre plus attractives les compagnies des pays voisins – Alitalia, easyJet, Swissair, Lufthansa… – ou plus lointains – Qatar Airways, Emirates, Etihad Airways, Royal Air Maroc ou Turkish Airlines ? Dans ce domaine, il nous faut absolument avancer de manière coordonnée au niveau européen, faute de quoi non seulement on ne réduit pas d’un gramme les émissions de CO2, mais on offre le marché aux compagnies étrangères.

Mme Delphine Batho. Comprenons-nous bien : le prix du billet et les taxes sont loin d’être le seul levier utilisable. En revanche, le transport aérien bénéficie depuis des années d’exonérations – taxe sur le kérosène, TVA – qui ne peuvent pas être maintenues. Par ailleurs, je tiens à le rappeler, la situation dans laquelle se trouve le secteur aéronautique n’est pas due à la transition écologique ou à des décisions relevant de la lutte contre le changement climatique, mais à une pandémie qui, sans vouloir rouvrir le débat, pourrait avoir pour origine les activités humaines.

Nos désaccords doivent être extrêmement clairs : nous pensons, quant à nous, qu’il faut agir sur le prix des billets d’avion.

Mme Sabine Rubin. Nous examinons bien un projet de loi visant à lutter contre le changement climatique, n’est-ce pas ? Alors, pourquoi nous parle-t-on de concurrence ? Le secteur aérien, qui, faut-il le rappeler, est la première source de croissance des émissions de CO2, bénéficie de nombreux avantages fiscaux et de mesures importantes du plan de relance. Il faudrait savoir ce que l’on veut !

M. Dominique Potier. La logistique du dernier kilomètre, comme les voyages à 2 000 kilomètres en classe affaires ou en jet privé, illustre les limites du modèle libéral. Je ne suis pas du tout favorable à un système administré, mais on peut admettre qu’eu égard à l’enjeu climatique, certaines régulations sont indispensables. Pour ce qui est du dernier kilomètre, le jeu de la concurrence a conduit à multiplier le coût carbone des livraisons, qui est reporté sur les producteurs et contribue à diminuer la chaîne de valeur. Les rares Français concernés par la mesure que nous proposons appartiennent à coup sûr au 1 % des personnes les plus aisées du monde qui émettent plus de CO2 que la moitié de l’humanité. Si à chaque fois que nous proposons une mesure de régulation, on la refuse au prétexte que ces personnes iront à l’étranger, on se retrouve dans une impasse !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS685 de Mme Delphine Batho et CS4165 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

Mme Delphine Batho. En 2016, 53 % des cadres supérieurs déclaraient avoir pris l’avion au cours de l’année précédente tandis que seulement 28 % des employés et 19 % des ouvriers avaient utilisé ce moyen de transport. Par ailleurs, 20 % des Français n’ont jamais pris l’avion – je ferme la parenthèse.

Selon le Gouvernement, il n’y pas de débat sur l’empreinte carbone du secteur aérien…

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je n’ai jamais dit cela !

Mme Delphine Batho. … dont je rappelle qu’il représente pourtant 22 % du budget carbone. Votre stratégie consiste, premièrement, à renouveler la flotte : les progrès réalisés en la matière, même s’ils ont été effacés par la croissance du trafic aérien au cours des dernières années, sont réels – les procédés développés dans une usine aéronautique située dans ma circonscription permettent de réduire de 10 % les émissions de CO2 des avions. Deuxièmement, à miser sur la recherche et développement concernant l’avion à hydrogène : celui-ci ne figure pas dans le calendrier du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – il ne verra pas le jour avant 2030…

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Merci, madame Batho.

Mme Delphine Batho. Je n’ai pas encore présenté mon amendement !

Madame la présidente, c’est un sujet qui mérite une véritable discussion. Comment nous proposez-vous de procéder ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Vous avez une minute pour présenter votre amendement, puis je vous redonnerai la parole pour en débattre, comme je l’ai fait jusqu’ici. Votre amendement est donc défendu, n’est-ce pas ?

Mme Delphine Batho. Je n’ai pas pu le soutenir, non, mais disons qu’il est défendu. On ne peut pas aller au fond des sujets.

M. Damien Adam. On peut saluer l’action menée par la majorité et le Gouvernement pour inciter le secteur aérien à se transformer ; je pense notamment à l’augmentation de la « taxe Chirac ». Nous devons néanmoins faire un effort supplémentaire en portant, à moyen terme, le taux de TVA sur les billets des vols domestiques, qui est actuellement de 10 % – ce qui correspond à un avantage fiscal important –, à 20 %. On sait que l’impact des taux de TVA réduits est très faible sur les prix mais très fort sur les pertes de recettes fiscales, qui empêchent de mettre en œuvre des mesures de transition écologique plus fortes.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le secteur aérien ne se portant pas bien en cette sortie de crise, l’État est présent pour soutenir l’emploi. Les arguments des auteurs des amendements sont tout à fait pertinents et il faudra sans doute réfléchir un peu plus tard à la mesure qu’ils proposent mais, dans le contexte actuel, il ne me paraît pas judicieux d’augmenter le taux de TVA sur les billets d’avion.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Il faut, en effet, tenir compte du contexte. Ensuite, on observe que, lorsqu’une ligne TGV est ouverte, le report de l’avion vers le train est très important. Ainsi, il n’existe pratiquement plus de liaisons aériennes entre Strasbourg et Paris, et le TGV est un concurrent de l’avion sur la liaison Paris-Bordeaux. Par ailleurs, le poids de la fiscalité est déjà l’un des plus élevés d’Europe.

M. Dominique Potier. L’un des plus favorables !

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Non, la fiscalité globale est, en France, dans ce secteur, comme dans pratiquement tous les autres du reste, l’une des plus élevées d’Europe. Enfin, nous avons évoqué la décarbonation technique.

Encore une fois, nous avons un débat sur l’objectif politique que nous visons.

Mme Delphine Batho. Dans le contexte actuel, il faudrait baisser le taux de TVA sur les billets de train – c’était l’objet d’un amendement que nous avons examiné hier – et appliquer un taux normal sur les billets d’avion. C’est une question de cohérence, dans un contexte d’urgence climatique.

M. François-Michel Lambert. Hier, nous avons autorisé les très gros SUV équipés d’un très petit moteur électrique à entrer dans les zones à faibles émissions (ZFE). Cette mesure a été qualifiée de superfétatoire par Mme la ministre, mais elle a été adoptée en raison de son caractère symbolique. Quand allons-nous différencier les fiscalités applicables respectivement au train et à l’avion ?

M. Damien Adam. Je suis contre toute baisse de TVA, y compris dans le secteur ferroviaire, car j’estime que ce n’est pas la bonne solution pour inciter notamment les ménages les plus modestes à prendre davantage le train. Je suis favorable à une application uniforme du taux de TVA de 20 %.

Je comprends les arguments du ministre et du rapporteur : peut-être le moment n’est‑il pas propice à une augmentation du taux de TVA sur les billets d’avion, d’autant que l’industrie aéronautique représente une part importante du PIB de notre pays. Toutefois, j’observe que le projet de loi définit une trajectoire de suppression progressive de l’avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont bénéficie le secteur du transport routier. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si vous êtes prêt à vous engager à supprimer, à moyen terme, le taux réduit de TVA sur les billets d’avion des vols domestiques ?

La commission rejette les amendements.

Article 36 A (nouveau) : Demande de rapport au Gouvernement sur la tarification des billets d’avion

Amendement CS5065 du rapporteur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je propose qu’à l’issue de la présidence française de l’Union européenne, en 2022, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif aux moyens de lutter contre la vente à perte de billets d’avion. Cela me semble primordial pour corriger les distorsions de concurrence dans le secteur aérien.

M. Martial Saddier. Je crains que les gens qui nous écoutent n’aient le sentiment que nous discutons à partir d’une photographie de 2019 : cette année-là, 22 % des émissions de CO2 étaient liées au transport aérien ; on prévoyait une explosion des achats d’avions et du développement du secteur aérien. L’aéroport de mon département, la Haute-Savoie, est celui de Genève. Alors qu’il s’agit de l’aéroport le plus dynamique d’Europe, son trafic est actuellement compris entre 5 % et 8 % de ce qu’il était il y a deux ans. Cela nous invite, je crois, à l’humilité. Qui, parmi nous, peut avoir une idée du nombre de passagers qu’accueillera le secteur aérien dans l’après-covid, du nombre d’avions achetés, d’emplois industriels maintenus ? Nous avons peu pris la parole sur ces amendements, car la situation actuelle et à venir du secteur aérien nous inspire beaucoup de respect.

M. Dominique Potier. On bute sur des questions de concurrence européenne, qui ruinent tout effort national de régulation du transport aérien par rapport aux autres modes – je ne parle pas de décroissance. Pour la fiscalité européenne, Gabriel Zucman a imaginé un système de compensation qui permettrait aux États de récupérer une taxation minimale ; j’aimerais que, dans le rapport, on intègre à la réflexion cette hypothèse de capacité d’une régulation nationale sur un évident dumping environnemental et social à l’échelle européenne.

Mme Delphine Batho. Martial Saddier a bien posé les termes du débat : le secteur aérien subit la crise la plus violente qu’il ait jamais connue. Soit on considère que c’est un trou d’air et on espère que le secteur va repartir de la même façon, sans en être sûr – le tourisme international, les voyages d’affaires vont-ils reprendre, après la découverte de la visioconférence ? Soit on considère que ce n’est pas souhaitable pour des raisons climatiques.

Notre industrie aéronautique est la deuxième du monde ; son coefficient multiplicateur, de 4,8, est le plus élevé de France, et elle occupe la deuxième place nationale pour la R&D. L’enjeu industriel est donc majeur. Notre propos est de regarder les choses en face : puisque la lutte contre le changement climatique impose de réduire le trafic aérien, transférons les compétences et les savoir-faire des ingénieurs, des ouvriers, des PME, des ETI et des grands groupes vers d’autres secteurs industriels.

M. Antoine Herth. Je salue l’initiative du rapporteur. Son amendement rappelle l’engagement très fort qui est pris dans l’optique de la présidence française de l’Union européenne, en 2022, et la perspective de la régulation de la concurrence au sein de l’Union.

M. Nicolas Turquois. Je pourrais reprendre à mon compte tout l’argumentaire de Mme Batho, mais pas sa conclusion. L’activité de notre industrie très puissante, de nos ingénieurs très performants s’exerce sur 50 % de la flotte mondiale. S’ils se consacraient à réduire de 25 % la consommation de cette part de la flotte, l’effet serait bien plus fort que par la limitation de l’avion en France. La consommation d’un A340 – de l’ordre de 4 litres aux 100 kilomètres par passager ­ est du même ordre de grandeur que celui d’une voiture individuelle. Gardons un outil productif puissant en France pour pouvoir influer durablement sur ce que sera l’aviation civile de demain et en réduire ses impacts environnementaux.

M. Guillaume Kasbarian. Je ne pense pas qu’il faille transférer les salariés de l’industrie aéronautique dans d’autres secteurs industriels. L’aéronautique produit des avions pour le marché mondial, qui comporte peu d’acteurs : Boeing, Airbus – et leurs sous‑traitants – et peut-être des acteurs chinois en train d’émerger. Les salariés français doivent être en mesure d’assumer cette mission. Par ailleurs, notre aéronautique produit des équipements militaires. Si l’on transférait tous les savoir-faire et l’ensemble de la R&D vers d’autres secteurs industriels, nous n’aurions plus aucune compétence pour garantir notre souveraineté militaire et la sécurité nationale et européenne. Le secteur aéronautique français est une fierté et doit perdurer.

La commission adopte l’amendement.

Avant l’article 36

Amendement CS4678 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. L’article 58 de la loi de finances de 2021 prévoit l’obligation d’incorporation de 1 % de biocarburants de nouvelle génération dans les carburéacteurs aéronautiques au 1er janvier 2022. Je ne suis pas certain que la production de biocarburants de nouvelle génération soit assez forte et structurée pour répondre à la demande. Si tel n’était pas le cas, la disposition que nous avons votée constituerait, en réalité, une nouvelle taxe sur les compagnies françaises. Il paraît donc nécessaire d’obtenir, d’ici au prochain projet de loi de finances, des informations pour s’assurer que l’on va dans la bonne direction. D’où cette demande de rapport.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Votre demande me semble satisfaite par l’adoption, à l’article 35, de l’amendement CS4723 de Mme Zitouni. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Si l’on gardait les mandats d’incorporation actuels, nos besoins s’élèveraient à 160 000 tonnes en 2025, tandis que les capacités de production françaises atteindraient 170 000 tonnes dès 2024. On doit pouvoir étendre les mandats d’incorporation fixés pour 2022, 2025 et 2030, au gré du développement de la filière française et européenne.

Mme Delphine Batho. L’enjeu n’est pas de réduire de 25 % la consommation en carburant des avions et, ce faisant, de polluer moins vite : c’est en valeur absolue qu’il ne faut pas ajouter de CO2 dans l’atmosphère. Je vous invite tous à lire l’appel des 700 étudiants du secteur de l’aéronautique et les prises de position des salariés et des syndicats de cette filière, qui plaident l’urgence à diversifier et montrent que notre situation de mono-industrie nous rend extrêmement vulnérables.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Le rapport, publié il y a quelques jours, du collectif SUPAERO-DECARBO a ceci d’intéressant qu’il démontre les compétences techniques du secteur aéronautique. Soit on croit au progrès technique – pour les vaccins, pour l’aéronautique, pour tout –, soit on n’y croit pas, pour tout.

L’industrie aéronautique est tournée vers la défense et 60 % de ses métiers sont spécifiques : il n’y a pas de transfert aisé vers des industries telles que le ferroviaire ou les télécommunications.

Par ailleurs, le secteur du numérique pèse d’ores et déjà plus que celui de l’aéronautique, et sa croissance est beaucoup plus forte. De 4 % actuellement, la part des émissions de gaz à effet de serre dont il est responsable devrait monter à 9 % d’ici à 2025 et doubler d’ici à 2030. Si l’on appliquait votre philosophie d’interdiction et de régulation de l’exercice de libertés fondamentales, quel sort serait réservé au numérique, sachant que les vidéos en ligne représentent 60 % des pratiques du secteur ? Comment finirait l’histoire avec ce quota carbone individuel défendu par Thomas Piketty et d’autres ? On commence par interdire aux gens de se déplacer, puis on régule leur bande passante en ligne… Comment cela finit-il ?

Nous avons des compétences extraordinaires pour transformer les secteurs. Nous bénéficions, dans le domaine aéronautique, d’une industrie d’envergure mondiale, qui dispose de compétences extrêmement spécialisées, d’un niveau très élevé. Par le progrès technique et par des incitations et des régulations économiques, sociales et politiques, nous assurerons cette transformation globale. J’ai du mal à voir la cohérence entre ce que vous prônez pour le secteur aéronautique et ce que vous proposeriez pour d’autres secteurs.

M. François-Michel Lambert. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et, en particulier, depuis le début de la Ve République, nous avons bâti notre souveraineté autour du nucléaire, conçu une organisation territoriale, construit des villes nouvelles… À aucun moment n’a été posée la question des mobilités contraintes – pour ne pas dire inutiles – des passagers ou des mobilités désordonnées des marchandises. On gagnerait énormément à les faire disparaître.

M. Martial Saddier. Nous aurions intérêt à discuter collectivement de la situation actuelle et des perspectives d’avenir d’une filière dont la majorité des acteurs ne se demandent pas s’ils représenteront la principale source de pollution en 2035 mais, tout simplement, s’ils vont survivre.

L’amendement est retiré.

Article 36 (article L. 6412-3 du code des transports) : Interdiction des vols réguliers en cas d’alternative en train d’une durée de moins de deux heures trente

Amendement de suppression CS3862 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Nicolas Turquois. L’article 36 prévoit d’interdire l’exploitation de services aériens sur des liaisons intérieures, dès lors que le recours à un autre moyen de transport collectif moins émetteur de CO2 assure un trajet de moins de deux heures trente. Or la filière aéronautique a les deux genoux à terre ; elle ne survit que grâce aux subsides publics. Dans ma seule circonscription, 250 emplois sont déjà perdus et 250 autres sont menacés chez Thales, qui a toutefois les moyens d’assurer la reconversion des salariés.

On voit apparaître, à l’heure actuelle, des modèles de développement de l’avion électrique, qui a vocation à accueillir quelques dizaines de personnes pour un vol d’une ou deux heures. Ce type d’expérimentation pourrait être intéressant pour l’avenir.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je suis opposé à la suppression de l’article, car il est nécessaire de poser le cadre des deux heures et demie lorsqu’existe une possibilité d’emprunter le train. La France sera le premier pays à prendre cette mesure qui constitue un élément essentiel de régulation du trafic aérien, mais aussi de problématiques industrielles et de désenclavement des territoires. L’équilibre ainsi établi me semble satisfaisant. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. La philosophie du Gouvernement est d’assurer un service utile aux usagers, de leur permettre d’exercer leur liberté – fondamentale – de déplacement, tout en décarbonant le secteur et en assurant la cohésion des territoires. Par exemple, le grand Massif central a besoin d’une connectivité aérienne, en complément du train. Les entreprises, le secteur des déplacements touristiques ont, par ailleurs, des besoins spécifiques. Au regard des exigences d’aménagement du territoire, des capacités technologiques, de la desserte ferroviaire, la limite de deux heures trente paraît adaptée. Elle est de nature à assurer la cohésion territoriale tout en augmentant d’un cran la décarbonation du secteur des transports.

M. Nicolas Turquois. Vous avez raison de parler du grand Massif central. De manière plus générale, considérez les avantages que présente, pour certaines villes, la présence d’un aéroport de taille adaptée au développement de vols d’affaires, nécessaires à la venue d’industriels et d’investisseurs. Alors que le modèle de l’avion électrique commence à montrer son intérêt et qu’il faut pérenniser, il pourrait être menacé par cet article. Je suis défavorable à une interprétation trop stricte des deux heures et demie.

M. Dominique Potier. Nous sommes favorables au principe posé par l’article, mais nous vous proposerons, par des amendements d’appel, de discuter de la possibilité d’instituer des seuils différents. Une autre voie que nous explorons, sur laquelle je travaille depuis quelques années, est la suppression de la différence de taxation entre les billets de train et les billets d’avion. Ce principe me paraît le plus intéressant, car il introduit un critère de justice dans la prise en compte des externalités.

Monsieur Turquois, nous devons nous dire que, dans le monde d’après, si on sait organiser les transitions de manière solidaire, il y aura plus d’emploi partagé qu’il n’en existe aujourd’hui.

Monsieur le ministre, vous évoquez l’exercice d’une liberté fondamentale ; nous parlons, pour notre part, d’équilibre des libertés entre les uns et les autres.

Mme Delphine Batho. Je suis opposée à cet amendement. Monsieur le ministre, nous avons déposé de nombreux amendements sur la sobriété numérique : tous été repoussés.

Je suis favorable à ce qu’on supprime l’usage inutile de l’avion quand une autre possibilité existe, à la régulation de l’usage de l’avion et à l’application de quotas carbone sur les billets d’avion. Je n’ai jamais dit qu’il fallait interdire l’avion.

M. François-Michel Lambert. Si l’on adopte cette interdiction, ne risque-t-on pas d’enclaver des territoires situés à moins de deux heures et demie de train, dans le cas où ils seraient frappés par une catastrophe naturelle qui bloquerait les voies ferrées ? J’ai le souvenir d’inondations qui, durant une semaine, ont rendu l’autoroute impraticable entre Montpellier et Nîmes. Ce sont des réalités qui ne doivent pas être oubliées.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Le contexte est que, concomitamment à la crise, un plan de réorganisation du groupe Air France-KLM produira ses effets jusqu’en 2022. Non seulement des lignes fermeront, mais d’autres ne rouvriront pas : on parle de plus de onze lignes partout en France. Cela entraînera une diminution de la connectivité.

En cas d’urgence, le droit autorise beaucoup de choses ; des dispositions réglementaires ne sauraient entraver notre capacité d’action.

M. Martial Saddier. Après quatre interventions sur la situation dramatique du transport aérien restées sans réponse, je commençais à m’interroger. Je tiens donc à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir déclaré que le Gouvernement n’est pas insensible à la situation du secteur aérien.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS600 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il s’agit d’une proposition de réécriture de l’article 36.

Lorsque j’ai proposé, en 2019, la suppression des liaisons aériennes inutiles – celles qui assurent des liaisons avec des villes parfaitement bien desservies par le TGV –, j’ai entendu beaucoup de cris : proposition pas très sérieuse, pour le ministre François de Rugy, manifestement contraire à la liberté d’entreprendre et à celle d’aller et venir, et certainement inconstitutionnelle, pour la ministre Élisabeth Borne. Je me réjouis donc qu’une disposition aille dans ce sens

Cependant, votre rédaction est très éloignée de la proposition de la Convention citoyenne, qui visait une alternative ferroviaire possible en moins de quatre heures. Cette solution éviterait 33 % des émissions des vols, quand la vôtre n’en concernerait que 2,2 %
– 6,6% des vols métropolitains. Je précise que ma rédaction prend en considération la qualité de la desserte ferroviaire, ce qui exclut, par exemple, une ville comme Clermont-Ferrand, qui ne dispose pas d’une gare TGV.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous préférons nous en tenir aux deux heures et demie de trajet, non seulement pour des raisons d’aménagement du territoire, mais aussi pour parer au risque de report du trafic aérien, par exemple de l’aéroport de Lyon sur celui de Genève

Vous souhaitez que les créneaux horaires libérés par l’interdiction de l’exploitation de certaines lignes aériennes ne soient pas attribués aux compagnies pour d’autres liaisons. Cette proposition semble pertinente mais, après analyse, n’est pas conforme à la réglementation européenne : le règlement (CEE) n° 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, ne rend possible l’inutilisation des créneaux qu’à des conditions très restrictives. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Même avis. Je respecte votre point de vue, madame Batho, mais nous défendons des projets différents. Vous voulez obstinément organiser la décroissance du secteur ; nous entendons résolument le décarboner tout en préservant nos libertés. Je crains que nous ne puissions rapprocher nos positions. Avis défavorable.

Mme Marie Lebec. Lorsque le Président de la République a reçu les membres de la Convention citoyenne pour le climat, le 29 juin 2020, il leur a indiqué que le texte qui serait présenté au Parlement retiendrait la limite des deux heures trente. Nous suivons une logique de décarbonation et engageons les moyens nécessaires, au travers du plan de relance. Nous plaçons ainsi la France dans une position de leader mondial en matière de transition écologique. Ce texte est aussi marqué par une volonté de changer la société. La dynamique des deux heures trente est un moyen de faire évoluer les mentalités et de faire comprendre que le train peut constituer une solution de remplacement. Elle constitue un point d’équilibre.

M. Martial Saddier. Je remercie M. le ministre de ne pas oublier que la France est un pays frontalier et que, de part et d’autre de Biarritz et Lille, par exemple, il y a des aéroports internationaux. Merci de ne pas condamner le transport aérien du côté français au profit de celui qui se trouve à quelques centaines de mètres de la frontière – en Haute-Savoie, l’aéroport de Genève est même à 50 mètres de celle-ci.

Mme Delphine Batho. À ma connaissance, la liaison ferroviaire Lille-Biarritz prend plus de quatre heures !

Monsieur le ministre, votre schéma de l’avion du futur ne s’inscrit dans aucun scénario d’élévation de la température moyenne terrestre de 2 degrés compatible avec la nécessité, affirmée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45 % entre 2010 et 2030. Le temps nécessaire à la recherche et à la certification de l’avion à hydrogène ne permet pas d’espérer des résultats demain matin. En attendant, on est obligé de prendre des dispositions sérieuses de réduction du trafic aérien. L’adoption de mon amendement conduirait à éviter l’émission de 0,4 million de tonnes de CO2 par rapport au dispositif du Gouvernement.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. À mon tour de vous renvoyer au remarquable rapport de SUPAERO-DECARBO, qui étudie les trajectoires et les conditions permettant d’atteindre – ou pas – les objectifs de neutralité carbone en 2050. N’oublions pas que l’histoire connaît des accélérations : l’année dernière, le consensus scientifique tablait sur un vaccin élaboré en sept ans. J’aborde donc tous ces sujets avec beaucoup d’humilité. Certains disent aujourd’hui que les objectifs de limitation des émissions de CO2 d’ici à 2050 sont inatteignables, alors même que l’on ne sait pas ce que produira le progrès technologique dans les dix ans à venir. Ce que je sais, en revanche, c’est que pour décarboner le transport aérien, nous avons toutes les cartes en main : une industrie d’envergure mondiale, des écoles de tout premier plan, des opérateurs extrêmement compétents, des exploitants aéroportuaires qui ont déjà largement engagé la transition. Si un pays doit y arriver, c’est bien le nôtre. Permettez-moi d’afficher l’optimisme de la volonté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1570 de M. Pierre Vatin.

M. Pierre Vatin. Les passagers ne sont pas les seuls qui pourraient prendre le train. En matière de fret, un gros travail reste à faire pour rediriger les marchandises vers le rail.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les enjeux du transport de passagers et du fret ne sont pas les mêmes, et la représentation nationale a besoin d’être éclairée sur ces problématiques. Jean-Luc Fugit présentera un amendement demandant un rapport sur ce sujet, auquel je donnerai un avis favorable. J’émets, en revanche, un avis défavorable au vôtre.

M. Pierre Vatin. Depuis les renoncements de François Hollande, on n’avance toujours pas sur le sujet.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS2893 du rapporteur.

Amendements identiques CS599 de Mme Delphine Batho, CS1300 de Mme Nathalie Bassire, CS2635 de Mme Émilie Cariou, CS2866 de M. Matthieu Orphelin et CS4667 de Mme Nadia Essayan.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de demander des clarifications au rapporteur sur le sens des mots « sans correspondance » à l’alinéa 4 : parle-t-on bien de l’absence de correspondance de la liaison ferroviaire ?

Monsieur le ministre, le rapport de SUPAERO-DECARBO met en avant, à juste titre, la question de la temporalité, qui est au cœur de notre divergence. Mes propositions sont dictées par l’urgence, qui commande de réduire le trafic sans attendre la réussite de paris technologiques. On a le droit d’investir sur ces derniers mais les solutions se font encore attendre.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les termes « sans correspondance » concernent effectivement le train. Avis défavorable.

Au passage, il faut absolument que l’ensemble des opérateurs ferroviaires, à commencer par la SNCF, mais aussi Air France travaillent à des billets permettant d’articuler des trajets à la fois par train et avion. Ils ont commencé, mais plusieurs aspects doivent être approfondis, telle la prise en charge des bagages lors des correspondances.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Cette nécessaire complémentarité entre l’avion et le train, nous sommes en train de l’organiser. Cela nécessitera d’améliorer les infrastructures pour accroître la fluidité, notamment, en effet, s’agissant du transfert des bagages. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Je retire mon amendement si j’ai confirmation que les mots « sans correspondance » concernent le train.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Absolument.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je suis prêt à travailler avec vous, madame Batho, à la rédaction d’un amendement de clarification.

L’amendement CS599 est retiré.

La commission rejette les amendements restants.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS3864 de M. Jean-Luc Lagleize.

Amendement CS601 de Mme Delphine Batho, amendements identiques CS2167 de M. Gérard Leseul, CS2200 de M. Frédéric Reiss, CS4481 de M. François Ruffin, CS5356 de Mme Émilie Cariou et CS5359 de M. Matthieu Orphelin, amendements identiques CS1372 de M. Luc Lamirault, CS2169 de M. Gérard Leseul et CS2656 de Mme Laurence Vichnievsky, et amendement CS3863 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Cet amendement correspond à la proposition SD-E2 de la Convention citoyenne relative à l’alternative ferroviaire en moins de quatre heures. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil pour le climat a souligné que « L’article 36 portant sur la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs là où il existe une alternative bas-carbone en moins de deux heures trente concerne huit liaisons qui ne représentaient en 2019 que 10 % du trafic de passagers aérien métropolitain. Cette limite fixée à deux heures trente est beaucoup trop basse, et une partie de ce trafic pourrait par ailleurs être maintenue lorsqu’il s’agit de transporter des passagers en correspondance. Parce qu’elles ne s’appliquent qu’à une faible proportion des pratiques émettrices, l’ambition de ces mesures pourrait être largement rehaussée en élargissant leur périmètre d’application. » Tel est l’objet de l’amendement.

M. Dominique Potier. Je voudrais avoir deux clarifications. Premièrement, quelle est la différence en termes d’émissions de CO2 entre un trajet en train de trois à quatre heures et son équivalent en avion ? Deuxièmement, quel est le temps réel que l’on gagne en prenant l’avion, compte tenu du temps d’embarquement, et quel est le coût carbone de ces minutes grappillées ?

Mme Sabine Rubin. L’amendement CS4481 tend, lui aussi, à rétablir la durée de trajet fixé par la Convention citoyenne pour l’alternative bas-carbone, qui était de quatre heures et non de deux heures trente.

Au collègue qui demandait humblement comment va survivre le secteur aérien, je réponds, tout aussi humblement : comment allons-nous vivre ? Comment les jeunes vont-ils pouvoir continuer à respirer ? Il faut privilégier les secteurs qui permettent de respirer correctement, c’est-à-dire, tout simplement, de vivre.

On nous dit qu’il existerait un modèle économique de décarbonation du secteur, qui serait viable et dont la mise en place pourrait s’accélérer. La loi ne peut-elle pas précisément accélérer la recherche et le développement ? Ce que la Convention citoyenne propose, c’est d’organiser « progressivement » la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs concernés d’ici à 2025. Cela laisse trois ans !

Mme Delphine Batho. En l’état, le projet de loi ne s’appliquerait pas aux liaisons Paris-Marseille et Paris-Montpellier, qui prennent trois heures en TGV. Ces amendements, c’est du concret !

M. Antoine Herth. Dans ma vie de parlementaire, j’ai déjà connu la bascule de l’aérien vers le train, avec la mise en service de la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg, qui a provoqué un effondrement du trafic de l’aéroport de Strasbourg. Pour ce qui me concerne, j’ai économisé beaucoup de trajets en automobile. C’est d’une efficacité remarquable, et c’est ce qui explique le seuil de durée de trajet retenu par le Gouvernement.

L’objet de l’amendement CS1372 est néanmoins de prendre aussi en considération les lignes intercités et de fixer en conséquence ce seuil à trois heures trente.

M. Dominique Potier. Une telle durée de trajet permettrait, en outre, de couvrir les liaisons Paris-Montpellier et Paris-Marseille.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements. Au risque de me répéter, il convient de mesurer les conséquences que chacune de ces options aurait sur l’enclavement des territoires. Cela risque, en outre, de provoquer un report non sur le train, mais sur d’autres aéroports, par exemple de l’aéroport de Lyon vers celui de Genève, ce qui aurait des conséquences graves sur l’emploi sans contribuer en rien à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Même avis. Les calculateurs existent, monsieur Potier, même s’ils sont encore imparfaits. Si l’on compare, pour le trajet Paris-Bordeaux, les émissions des CO2 de l’avion, du train et de la voiture, elles sont respectivement de 2 kilogrammes, de 70 kilogrammes et de 113 kilogrammes – le faible bilan carbone du train provenant du fait qu’il tire son énergie de la production nucléaire : tout est dans tout !

Nous assumons totalement d’exclure du dispositif les trajets en correspondance. Quand on prend l’avion pour aller de Marseille à Roissy-Charles-de-Gaulle, c’est dans 80 % des cas parce qu’on est en correspondance vers des destinations internationales. Nous ne souhaitons pas imposer à ces passagers de prendre la route et encombrer davantage encore le périphérique.

M. Martial Saddier. Tout en respectant le travail de la Convention citoyenne pour le climat, je voudrais rappeler trois dates : 4 octobre 2019, installation de la Convention citoyenne ; 17 mars 2020, premier confinement ; aujourd’hui, 14 mars 2021, discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. N’oublions pas qu’entre le 4 octobre 2019 et le 14 mars 2021, il s’est passé quelque chose sur la planète Terre.

Mme Huguette Tiegna. Je voudrais revenir sur la question des intercités. Ce qui joue aussi pour l’accès aux grandes villes, c’est l’état des trains. Or, aujourd’hui, hormis sur les lignes desservies par des TGV, celui-ci ne permet pas de s’engager plus avant dans la réduction du trafic aérien. L’État a annoncé la rénovation de plusieurs lignes, dont la ligne Paris‑Orléans‑Limoges-Toulouse, dite ligne POLT ; celle de petites lignes sont prévues dans le cadre de contrats de plan État-région. Vu la crise que nous traversons, peut-être serait-il nécessaire d’attendre un peu avant de prendre de nouvelles mesures.

Mme Delphine Batho. Premièrement, il n’y a aucune raison de maintenir les liaisons aériennes Paris-Marseille et Paris-Montpellier.

Deuxièmement, ce que vous dites, monsieur Saddier, n’est pas tout à fait exact. D’abord, les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été rendues publiques en juin, soit bien après le début de la pandémie. Ensuite, ce que la Convention citoyenne a dit au sujet de cette pandémie, c’est qu’elle devait être un motif d’accélération, et non de ralentissement de la transition écologique dans un esprit de justice sociale. En particulier, des propositions très fortes ont été formulées sur l’écoconditionnalité des aides en faveur du secteur aérien ou du secteur automobile, dont nous ne pouvons malheureusement pas débattre dans le cadre de ce projet de loi en raison de l’irrecevabilité dont ont été frappés nombre d’amendements.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis tout à fait en phase avec M. Saddier. Du fait de la crise, des dizaines de milliers de familles se trouvent dans une situation extrêmement difficile, ainsi que des milliers d’entreprises, de sous-traitants et de territoires. Ils ont la tête sous l’eau. Il est inconcevable de les laisser ainsi. Il faut impérativement les aider. La solidarité nationale doit s’exprimer. Nous devons accompagner cette filière et nos concitoyens, afin qu’ils retrouvent un minimum de stabilité.

Je trouve les solutions proposées par certains collègues d’une violence incroyable. Je suis désolé, mais on ne peut pas transformer du jour au lendemain des dizaines de milliers d’emplois d’ingénieurs et de techniciens. Si un patron avait dit cela, on en aurait entendu des vertes et des pas mûres ! C’est d’une violence sociale, d’un cynisme qui me surprend.

Il ne faudrait surtout pas minimiser la portée de la mesure incluse dans le projet de loi. Je crois que nous sommes le premier pays en Europe, voire dans le monde, à la prendre. Non seulement elle aura un réel impact sur le bilan carbone, mais elle envoie aussi un message extrêmement fort aux Français, et contribue à l’évolution des mentalités. Néanmoins, pour qu’elle s’applique, il faut qu’il existe une alternative crédible : un trajet de deux heures trente en train en est une ; un trajet de quatre heures, non. De plus, la loi donne une direction, mais les Français peuvent décider d’eux-mêmes d’aller plus loin.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5368 de M. Jean-Luc Lagleize.

Amendements CS4964 et CS3223 de M. Jean-Marie Sermier (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. Il convient de demander aux collectivités territoriales concernées leur avis sur la suppression des liaisons aériennes. On ne peut imaginer que les collectivités ne soient pas consultées.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous partageons votre souci de concertation avec les élus locaux, et c’est d’ailleurs ce qui est fait. Ainsi, lors de la fermeture par Air France de la ligne Orly-Bordeaux Mérignac, le préfet a-t-il réuni l’ensemble des acteurs et des élus concernés afin de travailler sur des solutions alternatives. Avis défavorable, les amendements étant satisfaits.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. J’anime, pour ma part, un conseil ministériel consacré à la desserte et nous avons installé, avec Joël Giraud, un comité dédié à la transformation du groupe Air France-KLM et à la desserte des territoires dans la complémentarité entre transport aérien et transport ferroviaire. En outre, Jean-Marc Zulesi l’a indiqué, des concertations ont lieu sous l’égide des préfets. Enfin, les opérateurs ont largement consulté les élus locaux, afin d’aborder cette grande transformation de la manière la plus harmonieuse possible. Demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Que le préfet soit consulté, c’est bien, mais ce que nous demandons, c’est que nos concitoyens le soient aussi, par le truchement de leurs élus.

M. François-Michel Lambert. Ces amendements m’apparaissent dans la continuité de l’intervention de M. le rapporteur général, qui a versé quelque peu dans la caricature. Il serait bon d’avoir un débat plus constructif. Au groupe Libertés et territoires, ce que nous cherchons, c’est à supprimer les mobilités qui ne seraient pas nécessaires, grâce notamment au télétravail et à une stratégie d’aménagement du territoire, une dimension qui manque cruellement à ce projet de loi – mais peut-être est-ce volontaire, dans l’attente du projet de loi dit 4D ? Les enjeux liés à la mobilité, ce ne sont pas que des interdits et des emplois à sauver ; ce sont aussi des équilibres à trouver entre les territoires.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Chers collègues, je vous demande de vous recentrer sur les amendements en discussion.

Mme Delphine Batho. Il faut quand même noter qu’à chaque fois que le rapporteur général prend la parole, c’est pour dire qu’il ne faut pas aller trop vite, alors que nous nous trouvons dans une situation d’urgence climatique.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS603 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre, je vous signale que le rapport SUPAERO-DECARBO, que vous avez pris comme référence, promeut l’arrêt des vols intérieurs dès lors qu’une alternative ferroviaire existe en moins de quatre heures trente !

L’amendement CS603 vise trois objectifs. Il s’agit d’abord de s’assurer que les créneaux aéroportuaires libérés ne seront pas attribués à d’autres. Ensuite, il convient de supprimer la dérogation générale accordée aux vols en correspondance ; à défaut, le bénéfice en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre serait considérablement réduit, puisque, sans exonération, la mesure toucherait 11,2 % des émissions des vols métropolitains contre 6,6 % avec exonération. Enfin, il importe de supprimer la dérogation fondée sur le mensonge selon lequel il y aurait des services aériens qui pourraient être considérés comme assurant un transport majoritairement décarboné : cela ouvre une brèche pour la compensation carbone des vols et la non-suppression des liaisons inutiles.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable. On peut le regretter, mais, du fait de la réglementation européenne, il est impossible d’interdire l’attribution à d’autres compagnies aériennes des créneaux non utilisés.

Mme Cendra Motin. La gare de Lyon Saint-Exupéry se trouve juste à côté de chez moi ; je m’y rends chaque semaine. Ce que je pourrais faire, s’il n’y a plus de vols en correspondance pour Paris, c’est tout simplement prendre la voiture pour aller à Genève ou à Francfort, dont l’aéroport international est très chouette : comme ça, il y aura un report sur la route, plus un report du trafic aérien sur un autre aéroport et on finira par planter Roissy. Il faut faire attention à ce que l’on dit : comme le soulignait Martial Saddier, nous ne sommes pas tout seuls !

Mme Delphine Batho. Pardon, mais vu les chiffres fournis par le Gouvernement dans l’étude d’impact concernant le nombre de liaisons liées aux vols en correspondance, on bascule dans le cosmétique !

D’ailleurs, comment cette exonération va-t-elle s’appliquer ? Considérera-t-on qu’à partir du moment où un avion est rempli à 51 % de passagers en correspondance, la liaison doit être maintenue ? Ce qu’on nous propose d’adopter, c’est une mesure de pur affichage, sans aucun effet sur le climat !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS4599 de Mme Nadia Essayan.

Amendements identiques CS2331 de M. Gérard Leseul, CS2636 de Mme Émilie Cariou, CS5354 de Mme Nathalie Bassire et CS5358 de M. Matthieu Orphelin.

M. Dominique Potier. L’enjeu est de savoir si l’interdiction que l’on prend est purement symbolique, et que c’est, comme le dit le rapporteur général, aux Français de faire le reste, ou si elle est significative – et, disant cela, je n’ai pas l’impression d’être cynique. Je ne pense pas qu’un trajet de trois ou quatre heures bouleversera la vie des gens. On ne va pas changer de civilisation, ni même porter atteinte aux libertés ; il s’agit simplement de partager l’effort de réduction de l’empreinte carbone.

Par ailleurs, dès lors qu’il existe une liaison alternative par voie ferrée ou des transports en commun performants, il n’y a aucune raison que les correspondances fassent l’objet d’une dérogation.

La décision que nous avons à prendre n’est pas anodine : souhaitons-nous remettre l’avion à sa juste place ou continuer comme avant, ou presque ?

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendement CS3115 de M. Philippe Naillet.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable : l’article ne concerne ni les outre-mer ni la Corse.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Même avis : l’amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3147 du rapporteur et CS3865 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je propose de supprimer l’adverbe « majoritairement » avant « décarboné ». Cela permettrait de répondre aux critiques qui ont été émises et de clarifier l’article.

En conséquence, j’émets un avis défavorable sur l’amendement CS3865.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Avis favorable sur l’amendement CS3147 et demande de retrait de l’amendement CS3865.

Mme Delphine Batho. On en vient à se demander à qui le Gouvernement compte appliquer la disposition… L’alinéa 5 ouvre tant de brèches, il y a tellement de possibilités de contournement qu’on se demande qui, en définitive, va être concerné ! « Décarboné », c’est quand il n’y a pas de carbone du tout, ce n’est pas quand il y a un peu moins d’émissions de CO2.

Je souhaiterais donc connaître le nombre exact de vols concernés. Dans l’étude d’impact, on dit que la mesure pourrait concerner huit liaisons, mais, sur certaines d’entre elles, la part des vols en correspondance atteint 70 % : il est donc probable qu’elles ne seront pas supprimées.

L’amendement CS3865 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS3147.

Amendements identiques CS5353 de Mme Nathalie Bassire, CS5357 de M. Matthieu Orphelin, CS5364 de M. Gérard Leseul et CS5365 de Mme Émilie Cariou.

Mme Delphine Batho. L’objectif de l’interdiction étant d’obtenir un effet bénéfique sur le climat, il convient de veiller à ce que les créneaux aéroportuaires libérés ne soient pas réaffectés à d’autres liaisons. Il s’agit d’un point capital. J’ai bien entendu ce qu’a déclaré tout à l’heure M. le rapporteur, mais je serais curieuse de savoir ce que M. le ministre a à dire sur le sujet.

M. Dominique Potier. Je n’arrive pas à comprendre ce que pourrait être un avion décarboné. Pourriez-vous nous donner une explication technique, notamment par comparaison avec les autres moyens de transport que vous avez mentionnés ?

On a parlé de cynisme. Dans un autre domaine, cela fait plusieurs années qu’en cas de sécheresse, on interdit le remplissage des piscines et l’arrosage des gazons afin de réserver l’eau à l’agriculture. Eh bien, pour l’aviation, il s’agit de définir, dans une période de crise aiguë, la juste émission de carbone. Il n’y a aucun cynisme dans cette approche.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je le répète : ce que vous proposez n’est tout simplement pas conforme à la législation européenne. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Les collectivités territoriales qui verront leurs lignes supprimées – il y en aura onze cette année – ne trouvent pas que cette mesure soit anecdotique ou symbolique. Quand une dizaine d’aéroports régionaux, tous à vocation généraliste et qui n’ont pas de modèle économique soutenable, vont être conduits soit à se rapprocher, soit à trouver, avec notre aide, des synergies, on est pour le coup dans une réduction sèche de la connexion aérienne entre les territoires. Pour ceux-ci, la décroissance est d’ores et déjà une réalité.

Une aviation décarbonée, monsieur Potier, c’est un avion qui consomme des biocarburants, et c’est aussi une électrification des opérations aéroportuaires, des trajectoires optimisées en vol, en montée et en descente, bref, tout un continuum qui permettra d’émettre moins de carbone.

Mme Delphine Batho. C’est du greenwashing, ça ! Décarboné, cela veut dire neutre en carbone, aucune énergie fossile, et non 1 % d’agrocarburants !

Par ailleurs, je n’accepte pas que les décisions ayant trait à la transition écologique soient à chaque fois rapportées à la situation du secteur, de ses salariés, des collectivités territoriales, des personnels des aéroports etc. Cela n’a rien à voir ! Nous assumons les transformations à engager, mais il ne faut pas mettre les difficultés actuelles sur le dos de l’écologie.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS813 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il convient que l’évaluation de la mesure soit réalisée par le Haut Conseil pour le climat.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il importe de saluer le travail réalisé par le Haut Conseil pour le climat, et je crois que Mme la présidente de la commission a d’ailleurs déposé un amendement visant à renforcer son rôle. Néanmoins, une telle mission n’entre pas dans ses prérogatives. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3866 de M. Jean-Luc Lagleize.

Amendement CS816 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil pour le climat, dont le rapporteur vient de louer les qualités, indique que « des précisions sont attendues sur la cohérence globale de la stratégie du Gouvernement sur l’encadrement du secteur aérien national, quand une vingtaine de nouvelles lignes intérieures sont prévues pour ouverture en 2021 par la filiale low-cost d’Air France. » Peut-être M. le ministre nous indiquera-t-il que l’ouverture de ces lignes, prévue avant la pandémie, n’est plus d’actualité ? Quoi qu’il en soit, l’objet du présent amendement est, dès lors qu’on décide de privilégier le train et de mettre fin à un certain nombre de liaisons aériennes, de faire en sorte qu’on n’en ouvre pas de nouvelles.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Il y a eu quelques confusions sur ce sujet, Air France ayant transféré des lignes à Transavia. Il reste que le solde net de ces opérations est la fermeture de onze lignes du groupe Air France-KLM. Cela représente une très forte réduction, donc une moindre liaison aérienne entre les territoires, et cela indépendamment des effets de la crise.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS4316 de M. Jean-Luc Fugit et CS4712 de M. François Pupponi et sous-amendements CS5384 et CS5383 du rapporteur.

M. Jean-Luc Fugit. L’article 36 ne concerne que le transport de personnes. Or de nombreuses lignes intérieures sont utilisées pour le transport de marchandises. Mon amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur la possibilité d’étendre l’interdiction aux vols de fret entre l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et les métropoles situées à moins de deux heures trente en train. La France dispose d’infrastructures de transport de marchandises au sol bien moins polluantes et tout aussi rapides, pour des distances courtes, que le transport aérien, notamment les voies ferroviaires et fluviales, qui sont sous-exploitées.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le sous-amendement CS5384 est rédactionnel. Quant au CS5383, il vise à supprimer la mention du projet Carex (Cargo Rail Express), de sorte que le rapport ait une portée beaucoup plus large.

Avis favorable sur les amendements identiques, sous réserve que les sous‑amendements soient adoptés.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Avis de sagesse sur les amendements, sous réserve de l’adoption des sous-amendements.

M. Pierre Vatin. Par cohérence, je voterai en faveur de ces amendements, en formant le vœu que l’on s’intéresse réellement au ferroviaire et que l’on trouve une autre alternative au transport en camion que l’avion.

M. François-Michel Lambert. Je suis assez étonné par ces amendements, même si je vais voter en leur faveur, puisqu’il s’agit d’une simple demande de rapport. Les réponses, il me semble qu’on les connaît déjà. Le volume concerné ? Probablement limité. La complication ? Probablement importante : vous allez invoquer des ruptures de charges, l’aéroport Charles-de-Gaulle étant l’un des plus importants d’Europe pour le fret. Enfin, certains produits sont transportés par avion pour des raisons de sécurité, afin de les protéger du vol.

Mme Delphine Batho. Les demandes de rapports me laissent toujours circonspecte. Néanmoins, il me semble nécessaire de s’intéresser au fret aérien, d’autant que celui-ci augmente fortement du fait du développement du e-commerce. C’est un débat que nous aurons à l’article 52.

La commission adopte successivement les sous-amendements et les amendements identiques sous-amendés.

Amendement CS602 de Mme Delphine Batho, CS3668 et CS3867 de M. Jean-Luc Lagleize, et CS427 de M. Martial Saddier (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Initialement, l’entrée en vigueur de l’interdiction avait été fixée au 31 octobre 2021. Pourquoi l’avoir reportée au printemps 2022 ?

M. Martial Saddier. L’amendement CS427 est défendu. J’ajoute que la représentation nationale ayant, de par la Constitution, la mission de contrôler l’action du Gouvernement, je demande que, pour la séance, le Gouvernement nous délivre un certain nombre d’informations, notamment un état des lieux précis du transport aérien en France, avec le nombre de salariés en chômage partiel et le nombre de personnes qui ont déjà perdu leur travail. Je le dis encore une fois sans aucune volonté polémique, mais avec respect et beaucoup d’humilité : je crains que nos discussions ne soient en total décalage avec ce que vivent les employés du secteur. Et je pense qu’en formulant cette demande, je vous rends d’une certaine manière service, monsieur le ministre.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je comprends l’objectif de vos amendements. Toutefois, il faut absolument laisser à la Commission européenne le temps de travailler et de remettre à l’État son avis sur ce sujet. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Le report de la date répond à des considérations pratiques : l’examen par le Parlement, la publication et l’exécution des décrets, le fait que l’aéronautique fonctionne par saison – la négociation des programmes de services se fait plusieurs mois à l’avance –, tout cela nous emmène mécaniquement au printemps 2022.

Je reste à votre disposition pour répondre à vos interrogations sur les effets des mécanismes d’amortissement et de relance que nous avons créés pour faire face à la crise, ainsi que sur l’impact très concret que celle-ci a eu sur l’emploi – pour l’instant, cela tient parce que les dispositifs sont importants, mais il sera nécessaire de faire le bilan très concret de l’impact profond et durable que la crise aura eu sur le secteur.

M. Nicolas Turquois. La question de la date de mise en œuvre est très pertinente. J’ai peur qu’elle soit trop précoce. J’entends que c’est la crise sanitaire, et non la transition écologique, qui met la filière en difficulté. Toutefois, demander à celle-ci de s’adapter alors qu’elle est à terre lui fait courir un risque majeur. Pour situer les ordres de grandeur, en Occitanie, elle représente 300 000 employés et 40 % de l’emploi industriel. Nous avons intérêt à avoir une filière forte et qui fera réaliser des économies de consommation de carbone à la flotte mondiale, plutôt que de la remettre en difficulté en voulant régler un problème franco‑français. Nous allons trop vite dans l’application de cette mesure.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 36 ainsi modifié.

Après l’article 36

À la demande du rapporteur, les amendements CS3760 et CS3761 de Mme AnneFrance Brunet sont retirés.

Article 37 (article L. 122-2-1 [nouveau] du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) : Impossibilité de déclaration d’utilité publique en cas de construction ou d’extension d’aérodrome

Amendement de suppression CS3869 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Nicolas Turquois. L’article 37 n’est pas pertinent, car il n’est pas possible de définir à l’avance si l’on aura besoin de revenir sur un aménagement d’aéroport à l’avenir.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je considère, au contraire, que cet article est pertinent. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS679 de Mme Delphine Batho et CS2868 de M. Matthieu Orphelin, et amendements identiques CS1262 de M. Loïc Dombreval et CS4482 de Mme Mathilde Panot (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il s’agit de traduire la proposition de la Convention citoyenne de mettre fin à la construction de nouveaux aéroports ou à leur extension. Le dispositif du Gouvernement, en ne visant que les projets ayant besoin d’être reconnus d’utilité publique, exclut tous les projets en cours qui n’ont pas besoin de déclaration d’utilité publique (DUP), tels que Marseille, Lille, Rennes ou Montpellier. De plus, la rédaction du Gouvernement autorise des extensions et des créations sous couvert de greenwashing – ou écoblanchiment.

La décision de mettre fin à ces projets d’extension d’aéroports relève du bon sens, pour des raisons écologiques mais aussi par réalisme : la pandémie oblige en effet à remettre à plat toutes les projections de croissance du secteur aérien, sur lesquelles étaient fondés ces projets d’extension.

Mme Sabine Rubin. Cette proposition issue du Réseau Action Climat tend à interdire les nouvelles constructions ou les agrandissements d’aéroports. En l’état, le texte limite l’impact de cette interdiction.

Je tenais à dire que l’expression « cynisme social » employée un peu plus tôt m’a choquée. Toute mutation, comme le numérique, apporte son lot de cynisme social – il n’est pas là où vous pensez.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il est nécessaire de conserver les dispositifs d’encadrement proposés dans le cadre de l’article 37, à la fois ambitieux et pragmatiques. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Ce dispositif met fin à des projets comme la deuxième piste à Bordeaux ou le doublement des pistes à Lyon. Nombre d’aéroports régionaux devront trouver des synergies ou fermer. Nous avons préservé les projets ayant bénéficié d’une DUP et purgé tous les recours. Par ailleurs, les projets d’extension-création feront l’objet d’un bilan coût-bénéfice sur le plan économique, social et environnemental, de manière à préserver l’équilibre de cet article indispensable. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Pour que tout soit bien clair, il n’y aura donc pas d’arrêt des projets d’extension d’aéroports en France. Monsieur le ministre, pourriez-vous commenter la déclaration du président du Groupe ADP, qui a indiqué que le Gouvernement lui avait demandé un projet de futur terminal, alors que le T4 devait être abandonné ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Il n’a pas dit cela ; ce n’est pas le verbatim de sa déclaration. Nous avons parlé pendant deux heures de la transition énergétique du secteur et nous avons défini un cadre permettant, le cas échéant, de mener des projets aéroportuaires axés sur la transition énergétique du secteur, par exemple pour accueillir le futur avion décarboné à hydrogène. Il me semble donc nécessaire de préserver cette possibilité.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2939 du rapporteur.

Amendement CS2170 de M. Gérard Leseul.

M. Dominique Potier. Pour ramener l’aviation à sa juste place, il faut redimensionner les aéroports. Nous proposons de substituer à la déclaration d’utilité publique la délivrance d’un permis d’aménager.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Dans cette logique, il faut absolument préserver les plateformes existantes. Or l’absence de sécurité juridique ne permet pas d’assurer le maintien de la totalité des plateformes en France. Il faudra probablement combler cette lacune en séance.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5308 de Mme Zivka Park.

Amendements CS673 de Mme Delphine Batho et CS5309 de Mme Zivka Park (discussion commune).

Mme Delphine Batho. La mention de la compensation des émissions de gaz à effet de serre à l’article 37 autorise potentiellement tous les projets de création ou d’extension d’aéroport à voir le jour, sous couvert de greenwashing. C’est une remise en cause manifeste de la proposition SD-E3 de la Convention citoyenne pour le climat.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS815 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il vise à prendre en compte dans le bilan carbone les effets liés au forçage radiatif résultant de l’aviation.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je trouve la proposition tout à fait intéressante. Plusieurs études soulignent les effets négatifs du forçage radiatif, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, nous devons être éclairés sur ce point avant de travailler à une proposition sur le sujet. En l’état, j’émets un avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Nous avons lancé, il y a trois ou quatre mois, un travail scientifique avec l’institut Pierre-Simon Laplace et l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) visant à objectiver scientifiquement les effets CO2 et hors CO2, et à étudier ainsi la totalité du forçage radiatif. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Tant mieux s’il y a ces travaux, mais le GIEC a déjà remis un rapport relativement clair et précis sur le sujet. Par ailleurs, je déplore le dispositif de compensation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4051 de Mme Aude Luquet.

Mme Florence Lasserre. Il vise à interdire les projets de travaux et d’ouvrages ayant pour objet la création ou l’augmentation des capacités d’accueil des aéronefs, des passagers ou du fret d’un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique, s’ils ont pour effet d’entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement est satisfait, car une déclaration d’utilité publique est délivrée après une enquête publique qui permet d’étudier les conséquences du projet sur la biodiversité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2937 du rapporteur.

Amendement CS3773 de M. Alain Perea.

Mme Sandra Marsaud. Il s’agit de permettre le maintien de services de transport de voyageurs par avion pour des impératifs d’aménagement du territoire.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous souhaitons tous une politique ambitieuse en matière d’aménagement du territoire, mais je ne veux en aucun cas dénaturer la portée de l’article 37. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Demande de retrait, car l’amendement est satisfait. L’État soutient déjà les lignes d’aménagement du territoire dans un objectif de désenclavement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5310 de Mme Zivka Park.

Mme Marie Lebec. Il vise à exclure du champ de l’interdiction les projets rendus nécessaires par des raisons sanitaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS3871 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Nicolas Turquois. L’objectif est d’autoriser la modification du périmètre d’un aéroport pour des motifs tenant à la transition écologique ou à la décarbonation du transport aérien. Modifier les pistes peut avoir des effets positifs sur le bruit et la consommation de carburant.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Cet amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4052 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. La filière aéronautique française est la seule, avec celle des États-Unis, à pouvoir développer et construire les avions de demain. Elle a besoin pour cela des aéroports. L’amendement vise à étendre la dérogation prévue à l’article 37 aux impératifs de souveraineté économique et stratégique, dans le but d’assurer le développement économique de cette filière d’excellence qu’est l’aéronautique.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je ne souhaite pas allonger la liste des dérogations, d’autant que votre amendement est en partie satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3870 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Nicolas Turquois. Il faut pouvoir adapter les aéroports pour réduire les nuisances sonores, principale source de critiques dans leur voisinage.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les travaux visant à réduire les nuisances sonores n’entraînent pas d’augmentation de la capacité d’accueil des aéroports, qui pourrait conduire à une augmentation du trafic. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS683 et CS5375 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il me paraît surréaliste de ne pas envisager l’arrêt des extensions d’aéroports, non seulement pour des raisons écologiques et climatiques, mais aussi en raison de la situation du secteur. C’est faire comme s’il n’y avait pas de pandémie, comme si les projections de multiplication par deux du trafic aérien d’ici à 2035 étaient maintenues. Ce n’est pas du tout réaliste. Il est donc proposé de supprimer différentes mentions qui organisent un contournement manifeste de la proposition de la Convention citoyenne et de faire référence, pour ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, au budget carbone et à la stratégie bas-carbone.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. La complémentarité du dispositif – compensation, fiscalité, réglementation, normes – permet d’atteindre l’objectif de décarbonation. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Tous les projets d’extension d’aéroports étaient fondés sur la projection de multiplication par deux du trafic aérien d’ici à 2035. C’est impensable au regard de l’urgence climatique ; de plus, cela ne correspond pas à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Vous écrivez que l’on prendra en considération les émissions de gaz à effet de serre en fonction de l’évolution prévisionnelle à moyen terme du trafic aérien, en fonction des émissions des aéronefs, en fonction des compensations. Ce n’est donc pas l’arrêt des projets d’extension d’aéroports – je voulais que cela soit bien clair.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS5311 de Mme Zivka Park et CS4412 de Mme Fiona Lazaar.

Amendements CS680 de Mme Delphine Batho et CS3872 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).

M. Nicolas Turquois. En cherchant à bloquer l’évolution des aéroports, on raisonne à technologie constante. Or nous ne savons pas ce que sera la mobilité dans dix ou vingt ans. Il est contre-productif de fixer des dates aussi proches que 2022.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Je suis formellement opposé au report de la date d’entrée en vigueur de cet article. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4485 de Mme Mathilde Panot.

Mme Sabine Rubin. Il s’agit d’inscrire dans la loi l’annonce du Gouvernement en date du 11 février dernier d’arrêter le projet de terminal 4, dit T4, de l’aéroport Charles‑de‑Gaulle, afin de garantir qu’il ne s’agit pas que d’un effet d’annonce.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le projet d’extension de l’aéroport de Roissy‑Charles-de-Gaulle a été annulé en concertation avec l’ensemble des acteurs, en particulier les collectivités territoriales. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Notre objectif est de préserver la connectivité en France – les hubs européens se font concurrence entre eux –, tout en s’assurant que les projets aéroportuaires sont compatibles avec nos engagements sur le climat. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Le message est clair : les annonces fracassantes et tapageuses que le Gouvernement avait faites sur l’abandon du T4 ne sont pas confirmées.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 37 ainsi modifié.

Après l’article 37

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1319 de Mme Frédérique Meunier.

Amendements identiques CS4317 de M. Jean-Luc Fugit et CS4714 de M. François Pupponi.

M. Jean-Luc Fugit. L’objectif est de réduire, dans les zones aéroportuaires, les émissions de gaz à effet de serre et de polluants de proximité issus des moteurs des groupes auxiliaires de puissance et des engins de pistes nécessaires à l’exploitation des aéroports. Il serait fait obligation aux exploitants aéroportuaires et aux sociétés d’assistance en escale de réaliser les investissements nécessaires et de faire l’acquisition d’engins plus propres d’ici à 2024. La qualité de l’air que respirent les personnels travaillant dans les aéroports s’en trouverait significativement améliorée. Beaucoup de pays ont avancé sur ces sujets ; il est temps que la France en fasse autant.

Je propose l’échéance de 2024 parce que je souhaite que nous soyons exemplaires pour l’accueil des Jeux olympiques en France – j’aurais préféré proposer 2023 pour la Coupe du monde de rugby, mais cela ne sera sans doute pas possible.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous partageons tous la volonté d’améliorer la qualité de l’air que respire le personnel travaillant à proximité des avions. Toutefois, renouveler l’ensemble du matériel roulant pour accueillir des véhicules moins lourds et plus propres en seulement deux ans semble difficile. Demande de retrait en vue d’un retravail pour la séance ; sinon, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Les opérations d’électrification et de décarbonation des opérations au sol sont déjà très largement en cours. L’objectif de neutralité carbone est fixé pour les aéroports à 2030, et beaucoup s’y sont attelés. Je vous propose d’y retravailler d’ici à la séance pour étudier quelques hypothèses et voir si ces dates sont tenables.

M. Jean-Luc Fugit. J’ai omis de préciser que j’avais travaillé avec l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). Je suis tout à fait disposé à rendre mon amendement un peu plus réaliste en termes de calendrier en vue de la séance.

Les amendements sont retirés.

Article 38 (section 7 [nouvelle] du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement) : Mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien à l’intérieur du territoire national

Amendements de suppression CS604 de Mme Delphine Batho, CS869 de M. Julien Aubert, CS3873 de M. Jean-Luc Lagleize, CS4486 de M. Loïc Prud’homme et CS4985 de M. Jean-Marie Sermier.

Mme Delphine Batho. La compensation emporte beaucoup d’idées fausses, notamment celle que l’on peut continuer à émettre si l’on plante des arbres. Seulement, pour 179 millions de passagers aériens en France en une année, il faudrait en planter 1,8 milliard, et, pour compenser nos émissions en excès à l’échelle planétaire, il faudrait recouvrir d’arbres la totalité des terres cultivées du monde. De plus, un arbre ne pousse pas instantanément et ne stocke pas le carbone de façon permanente. Je suis pour les arbres, mais je suis aussi pour la réduction des émissions de CO2.

Le dispositif du Gouvernement a été très critiqué par le Haut Conseil pour le climat ; il n’est pas fidèle non plus à la proposition de la Convention citoyenne, qui n’envisageait la compensation que pour les vols résiduels, en particulier les vols obligatoirement maintenus pour l’outre-mer et pour la Corse. La compensation du secteur aérien relève avant tout d’une stratégie de greenwashing.

M. Nicolas Turquois. Nous souhaitons la suppression de cet article, mais pour des raisons opposées à celles de Mme Batho. Certes, on ne part pas d’une situation idéale, mais le but est de supprimer progressivement les émissions de gaz à effet de serre. Il existe déjà la mesure de compensation des émissions de CO2 CORSIA pour les vols internationaux et un système similaire européen d’échange de quotas. Nous trouvons donc cette mesure supplémentaire inutile, voire contreproductive pour l’aviation française.

Mme Sabine Rubin. La compensation carbone est une illusion qui ne repose sur aucune base scientifique solide. De plus, ce dispositif ne prévoit qu’une compensation de 50 %, alors que la Convention citoyenne demandait une compensation intégrale. Nous souhaitons donc la suppression de cet article inefficace, illusoire et limité.

M. Pierre Vatin. Plutôt que de surpénaliser et taxer les constructeurs d’avions, mieux vaudrait leur permettre d’investir leur argent dans les nouveaux modes de transport en avion afin de lutter contre les gaz à effet de serre.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il faut analyser l’article 38 à l’aune de toutes les dispositions que nous avons adoptées depuis hier pour réduire, éviter et compenser les émissions dans le secteur de l’aviation. Nous devons pouvoir en discuter, car c’est l’occasion d’évoquer les mécanismes de séquestration du carbone développés par certaines entreprises et de financer ces projets essentiels pour nos territoires. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Planter des arbres me paraît être l’une des grandes politiques de l’État, indépendamment des objectifs de compensation. Celle‑ci n’est d’ailleurs pas restrictive : elle recouvre certes la plantation d’arbres, mais aussi l’utilisation de matériaux bas-carbone dans la construction ; c’est un continuum de dispositifs qui, cumulés, permettent d’atteindre les objectifs de neutralité carbone du secteur.

Mme Sabine Rubin. D’un côté, vous défendez l’idée de décarboner le secteur et, de l’autre, vous parlez de séquestrer le carbone. Il faudrait savoir ! Je ne suis pas une spécialiste mais j’essaye de comprendre la logique.

Mme Delphine Batho. Les dispositions de l’article 38 sur la prétendue compensation doivent se lire avec celles des articles 36 et 37. Dans la mesure où les liaisons pourront être maintenues et les aéroports pourront être étendus sous couvert de compensation, on voit bien, en fait, le sens de cet article 38.

M. Dominique Potier. Je soutiens ces amendements en raison de l’existence d’un risque d’accaparement des terres motivé par ces compensations carbone, qui ont un effet très néfaste sur la sécurité alimentaire des communautés paysannes concernées. Nous pourrons approfondir ce sujet en séance, mais il faudrait que le ministre nous renseigne sur les effets pervers des compensations carbone.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Si je comprends que la pertinence des compensations soit un point de désaccord entre nous, l’alinéa 9 de l’article 38 n’en prévoit pas moins qu’à compter du 1er janvier 2024, les exploitants compensent 100 % de leurs émissions. Par ailleurs, nous avons discuté hier, avec nos collègues Valérie Petit et Frédérique Tuffnell, des puits de carbone. Le dispositif de l’article 38 nous permettra de financer ces initiatives ; il est donc tout à fait pertinent.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Les puits de carbone permettent d’éviter les émissions de CO2 et de créer des carburants de synthèse pour l’aviation. Cela suppose notamment la création, en amont, de la filière hydrogène.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1257 de Mme Maina Sage.

M. Antoine Herth. Cet amendement tend à exonérer les vols intérieurs depuis et vers l’outre-mer de l’obligation de compensation carbone.

Les outre-mer n’ont pas d’alternative au transport aérien, hormis le bateau. De plus, nos concitoyens devront consentir d’importants efforts pour préserver la richesse de l’extraordinaire biodiversité de ces territoires. Il s’agit donc en quelque sorte d’éviter une double peine.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’amendement est pleinement satisfait puisque les vols effectués entre l’Union européenne et les territoires d’outre-mer ne sont pas soumis aux obligations de la directive européenne, afin de préserver la continuité territoriale.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4686 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Il s’agit d’éviter une double compensation des émissions de gaz à effet de serre. Ce risque important, évoqué page 24 de l’avis du Conseil d’État, a aussi été soulevé par la Confédération française démocratique du travail (CFDT) dans son avis, par Air France et par le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Le mécanisme de compensation institué par cet article et le système communautaire d’échanges des quotas d’émissions (SEQE-UE ou EU ETS en anglais) constituent deux mécanismes distincts, visant des objectifs différents. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Il n’y a pas de double compensation. Il existe, d’une part, le programme CORSIA de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale, pour les vols internationaux et, d’autre part, le système EU ETS mis en œuvre pour les vols au sein de l’Union européenne, destinés à maîtriser le volume global des émissions. Il n’y a pas de difficulté opérationnelle ou juridique dans l’articulation des deux dispositifs. Demande de retrait.

M. Guillaume Kasbarian. J’ai tendance à faire confiance aux analyses juridiques du Conseil d’État. Nous sommes, en outre, sollicités par les syndicats de pilotes, qui nous alertent à ce sujet. Je retire mon amendement, mais je souhaite que l’on y travaille d’ici à la séance afin de rassurer les acteurs. Je serai très vigilant.

L’amendement est retiré.

Amendements CS3875 et CS3874 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).

M. Nicolas Turquois. La filière aérienne est en grande difficulté. L’idée de ces deux amendements est de ne pas fixer des objectifs avant qu’elle se soit relevée. Le premier vise à décaler l’entrée en vigueur de cet article au 1er janvier 2025, le second à partir du moment où le trafic aérien aura retrouvé, en nombre de passagers, le trafic de l’année 2019. N’ajoutons pas de la crise à la crise.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2945 du rapporteur.

Amendement CS3876 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Nicolas Turquois. Cet amendement relève de la même philosophie que les précédents, en décalant l’entrée en vigueur du dispositif selon un échéancier beaucoup plus progressif.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Les objectifs définis par l’article 38 me semblent très pragmatiques. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS425 de M. Martial Saddier.

M. Michel Vialay. M. Saddier a rappelé précédemment que le secteur aéronautique traverse une crise économique sans précédent liée à la covid-19. Dans ce contexte, ajouter des contraintes supplémentaires aux compagnies aériennes en les obligeant à compenser les émissions de carbone des vols intérieurs leur mettrait la tête sous l’eau. Dans son avis, le Conseil d’État a relevé qu’« aucune analyse du caractère soutenable des mesures projetées dans le contexte de crise sanitaire n’apparaît dans l’étude d’impact ».

C’est pourquoi cet amendement propose de décaler l’entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier 2025.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2946 du rapporteur.

Amendement CS4716 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Il s’agit d’intégrer une référence au programme labellisé CORSIA.

Compte tenu de l’avis défavorable du rapporteur, l’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS2948 du rapporteur.

L’amendement CS5103 de M. Guillaume Kasbarian est retiré.

La commission adopte successivement les amendements CS2949, rédactionnel, et CS2955, de précision, du rapporteur.

L’amendement CS5104 de M. Guillaume Kasbarian est retiré.

Amendements CS3877 de M. Jean-Luc Lagleize et CS4855 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).

M. Nicolas Turquois. Par cohérence avec l’objectif poursuivi par cet article, l’amendement CS3877 vise à préciser que les projets d’absorption du carbone doivent obligatoirement être situés sur le territoire français, ou à défaut sur celui des autres États membres de l’Union européenne.

Mme Sandrine Le Feur. Il s’agit d’introduire des quotas minimaux de projets de compensation carbone sur les territoires français et européen, à raison d’un minimum de 30 % pour le premier et de 50 % pour les autres États membres de l’Union européenne.

La France possède de beaux dispositifs de cofinancement de projets bas-carbone, tels que le label Bas-carbone. L’introduction de quotas français est une garantie de viabilité économique des projets.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il ne revient pas au législateur de fixer avec autant de précision des proportions en pourcentages pour déterminer les territoires sur lesquels devront être réalisés les projets de compensation. Demande de retrait.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Ces mesures sont d’ordre réglementaire, mais je souhaite pouvoir échanger avec Mme Le Feur sur les questions relatives à ces projets de séquestration d’ici à la séance publique.

Mme Delphine Batho. J’ai déjà fait part de mon opinion sur le principe même de la compensation, mais je souhaiterais que le Gouvernement nous dise comment il envisage que ce dispositif fonctionne. Le HCC a pointé le fait qu’il n’était même pas obligatoire d’effectuer la compensation sur le territoire national. Nous avons déjà débattu hier, pas assez longuement, des puits de carbone et des forêts. Je ne suis pas certaine d’avoir saisi l’argumentation du ministre sur les plantations de forêts et la production d’agrocraburants. Pourriez-vous préciser votre conception des choses ?

M. Nicolas Turquois. Il est important de s’assurer que tout ou partie de la compensation interviendra sur le territoire national, même si celle-ci est en effet, d’une certaine manière, un moindre mal.

Les amendements sont retirés.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2504 de M. Pierre Venteau.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS2958 du rapporteur.

Amendement CS4578 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Véronique Riotton. L’amendement vise à s’assurer qu’une part significative des moyens issus de la nouvelle compensation des émissions de CO2 générées par les compagnies aériennes bénéficie bien au secteur bois et agroforesterie français et européen.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Comme cela a été indiqué lors de la discussion de l’amendement de Mme Le Feur, travaillons ensemble d’ici à la séance à l’élaboration d’un dispositif plus large permettant de financer des projets de compensation en France. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2376 de M. Vincent Ledoux.

M. Antoine Herth. Cet amendement vise à ce que les compagnies aériennes puissent satisfaire à leurs obligations de compensation en finançant des projets d’absorption du carbone situés dans les États éligibles à l’aide publique au développement, dès lors qu’ils s’inscrivent dans le cadre de projets de coopération.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Nous pourrions y retravailler d’ici à la séance, pour étudier les liens possibles avec le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3167 rectifié du rapporteur.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il me semble nécessaire que le Gouvernement publie annuellement un bilan des programmes de compensation entrepris et des résultats de leur mise en œuvre. Cela permettra aussi de mettre en avant les projets conduits en France.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS3176 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS3878 et CS3879 de M. Jean-Luc Lagleize

Amendements rédactionnels CS3178, CS3179, CS3182, CS3181, CS3184 et CS3185 du rapporteur.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je suis favorable à l’ensemble de ces amendements, à l’exception du CS3185 dont je demande le retrait dans la mesure où la rédaction proposée n’améliore pas la lisibilité de l’alinéa 17.

L’amendement CS3185 est retiré.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement CS1258 de Mme Maina Sage.

M. Antoine Herth. Il s’agit de préciser que la compensation volontaire est également possible pour les vols intérieurs depuis et vers l’outre-mer.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur ce point. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4214 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Cet amendement vise à obliger les compagnies aériennes opérant des vols au départ et ou à l’arrivée de la France de rendre public le bilan carbone de ces vols. Il semble essentiel de connaître l’impact des vols de chaque compagnie ayant une activité en France.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Les compagnies publient déjà de tels bilans. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3880 de M. Jean-Luc Lagleize

M. Nicolas Turquois. Il faut donner à la filière aéronautique le temps de s’adapter, en raison des effets de la crise actuelle. L’amendement vise donc à décaler l’entrée en vigueur de ce dispositif de 2022 à 2025.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. L’échéance de 2025 me semble trop éloignée et celle de 2022 pertinente.

M. Nicolas Turquois. Je souligne l’impact de la crise, par exemple sur une entreprise de la taille de Thales avionics, un des géants de l’aéronautique française, sans même parler des sous-traitants, qui ne disposent pas des mêmes moyens. Il convient donc d’être extrêmement vigilant sur la pérennité de la filière française, faute de quoi il ne nous restera que les yeux pour pleurer.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3280 de Mme Aude Luquet.

Elle adopte l’article 38 ainsi modifié.

Après l’article 38 

Amendements identiques CS605 de Mme Delphine Batho, CS1301 de Mme Nathalie Bassire et CS2917 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Delphine Batho. Dans son rapport de 2019, le HCC recommande d’intégrer les émissions de CO2 du transport international, notamment aérien, dans l’objectif de neutralité carbone. L’amendement vise à intégrer dans le budget carbone de la France les émissions de gaz à effet de serre issues du transport aérien international.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur. Avis défavorable.

Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Dans l’attente d’éclaircissements sur ce qui est souhaité et pour réfléchir avec vous sur ces sujets de bilan carbone par filière d’ici à la séance : demande de retrait.

Mme Delphine Batho. Le budget carbone détermine comment nous allons nous organiser pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le transport aérien international français n’est, à ce stade, pas pris en compte, alors qu’il contribue à l’empreinte carbone mondiale. C’est donc une recommandation importante du HCC.

La commission rejette les amendements.

TITRE IV
SE LOGER

Chapitre Ier
Rénover les bâtiments

Avant l’article 39 

Amendement CS3226 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. L’amendement tend à instaurer une loi de programmation pluriannuelle pour la rénovation énergétique des bâtiments, qui devrait regrouper l’ensemble des dispositifs budgétaires, fiscaux et financiers et prévoir leur évolution pour une période de cinq ans.

Concernant les aides publiques à la rénovation des bâtiments privés, cette programmation permettrait de garantir les financements des différents dispositifs, de façon à assurer une meilleure diffusion de ceux-ci, à permettre la concrétisation de projets et à sécuriser les professionnels du bâtiment pour l’adaptation de leur outil de production, en particulier en matière de formation et de recrutement. Concernant l’investissement de l’État et des collectivités territoriales pour la rénovation de leurs bâtiments, cette programmation permettrait d’envisager plus facilement la rénovation d’un parc dont la complexité peut nécessiter des campagnes de travaux pluriannuels.

Une programmation pluriannuelle aurait également le mérite de permettre une véritable coordination entre les objectifs arrêtés par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et les moyens dédiés à la réalisation de ces derniers.

Visibilité, investissements et stabilité sont les objectifs poursuivis par cet amendement.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour les chapitres Ier et II du titre IV. Les documents de planification que constituent la PPE, la SNBC et le plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) offrent déjà la visibilité que vous souhaitez. En outre, le principe d’une nouvelle loi de programmation pluriannuelle de l’énergie figure dans la loi relative à l’énergie et au climat. Demande de retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. En matière de programmation, nous disposons déjà de la PPE, de la SNBC et de l’avancée que constitue le principe d’une loi de programmation de l’énergie tous les cinq ans, dont la première doit intervenir en 2023.

Sur le plan budgétaire, les engagements pris dans le cadre du plan de relance couvrent les exercices 2021 et 2022. La cinquième période d’obligation des certificats d’économies d’énergie est prévue pour quatre ans, de 2022 à 2025. Cela donne aussi de la visibilité. Demande de retrait.

M. Vincent Descoeur. Le rapport de la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments a démontré qu’il existe un fossé entre les objectifs affichés et les moyens disponibles. Rien dans ce projet de loi ne permet de s’assurer que nous sommes bien en ligne avec les objectifs bâtiments basse consommation (BBC) à l’horizon 2050. D’où l’intérêt d’une programmation pluriannuelle qui permettrait d’identifier des paliers pour y parvenir.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS3228 de M. Vincent Descoeur et CS4836 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit de mettre en place une programmation pluriannuelle, cette fois pour la rénovation du parc de logements sociaux, afin d’établir des priorités avec les bailleurs sociaux, car leurs investissements s’inscrivent dans le temps long.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Ces propositions concernant une loi de programmation sont issues des conclusions de la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments. Les bailleurs sociaux ont fait part de leurs difficultés de planification face aux changements de cap ou de modèle. Une disposition de ce type pourrait les aider à faire mieux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Les travaux de cette mission d’information ont été particulièrement utiles pour préparer l’examen du projet de loi. Les amendements sont satisfaits. Des échanges fréquents ont lieu entre l’État et les bailleurs sociaux, qui élaborent une programmation pluriannuelle de travaux et le plan stratégique de patrimoine. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’ajouter d’autres outils. Demande de retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je tiens à remercier Vincent Descoeur et Marjolaine Meynier-Millefert pour leur travail dans le cadre de la mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments, qui constituera un fil rouge pendant nos travaux.

Pour compléter les propos du rapporteur au sujet de la rénovation énergétique du parc de logements sociaux, nous disposons de tous les outils avec la convention d’utilité sociale, tous les six ans, et l’engagement du mouvement HLM d’effectuer 125 000 rénovations de logements par an, dans le cadre du pacte d’investissements conclu avec l’État. Demande de retrait.

La commission rejette les amendements.

Article 39 (article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation [nouveau]) : Assise législative donnée aux étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE)

Amendement CS5166 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il s’agit de remplacer le mot « climatique », un peu flou, par la notion de performance en matière d’émission de gaz à effet de serre (GES).

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est un amendement très utile qui précise bien que la performance énergétique s’analyse en fonction de la consommation d’énergie et des émissions de GES.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS3394 de Mme Chantal Jourdan, CS2870 de M. Matthieu Orphelin et CS4785 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert (discussion commune).

M. Dominique Potier. L’amendement CS3394 vise à préciser que le niveau de performance est exprimé en kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an s’agissant de la consommation énergétique, et en kilogramme de CO2 par mètre carré et par an pour les émissions de gaz à effet de serre induites.

Au moment d’entamer les discussions sur cet article, il est important d’être au clair sur les unités de mesure dont nous parlons.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il est nécessaire de fixer dans la loi les seuils de performance énergétique et climatique, en précisant les niveaux de consommation d’énergie primaire et ceux d’émission de CO2. S’ils sont déterminés par des textes réglementaires, le Parlement n’aura pas son mot à dire lors de modifications ultérieures.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis favorable à l’amendement de Mme Jourdan, qui apporte une précision utile ; demande de retrait pour les autres.

Le projet de loi s’inscrit dans une démarche de simplification, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de calculer les seuils précis. Par ailleurs, l’amendement CS4785 ne permet pas de prendre en compte le fonctionnement du système de double seuil prévu par la réforme du DPE.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le contenu de l’amendement CS3394 correspond bien à ce qui est prévu pour les unités de mesure du DPE. Je ne suis pas persuadée que cette définition relève de la loi ; j’émets donc un avis de sagesse.

Avis défavorable aux deux autres amendements, l’amendement CS4785 allant beaucoup plus loin en précisant les seuils dans la loi. Le fait que les seuils retenus diffèrent entre cet amendement et l’amendement suivant CS4793 montre que cet exercice n’est pas facile à réaliser dans un cadre législatif.

Mme Delphine Batho. Il faut rappeler que la rédaction du décret du 11 janvier 2021 n’est pas du tout satisfaisante et explique le dépôt de ces amendements. Les critères retenus en énergie finale, et non pas en énergie primaire, permettent qu’un logement chauffé par convecteurs électriques et générant des factures deux fois et demi plus élevées qu’avec la grande majorité des autres combustibles ne soit plus considéré comme une passoire énergétique.

La commission adopte l’amendement CS3394.

En conséquence, les amendements CS2870 et CS4785 tombent.

Amendement CS4793 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Cet amendement vise également à fixer dans la loi des seuils précis. Pour cela, il reprend le critère de consommation énergétique qui figurait dans la définition législative précédente des seuils du DPE. L’amendement CS4785 prévoyait, quant à lui, d’y associer l’émission de GES, second critère prévu par la réforme du DPE.

Une inquiétude se manifeste au sujet d’un risque d’oubli de la logique de sobriété énergétique au profit de celle de réduction des émissions de carbone. Même s’il n’est pas facile de fixer ces seuils, cela ne signifie pas qu’il faut faire l’économie d’un débat entre nous.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Simplifier la loi ne veut pas dire limiter les échanges. On l’a bien vu lors de la réforme du DPE, qui a fait l’objet d’une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Tout d’abord, fixer les seuils en valeur absolue dans la loi n’est pas adapté. Ensuite, la commission vient d’adopter l’amendement du rapporteur qui précise que le DPE repose sur le double critère de la consommation d’énergie primaire et des émissions de GES. Or votre amendement ne retient que le premier.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS916 de M. Paul-André Colombani et DC687 de Mme Delphine Batho (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. L’amendement CS916 a pour objet d’attirer l’attention sur le risque de distorsion que présente la réforme des DPE s’ils ne sont plus exprimés en énergie primaire mais en énergie finale, ce dont, je pense, le Gouvernement et le rapporteur ont conscience.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS687 est défendu.

Je profite de mon temps de parole pour souligner que nous entrons dans le chapitre crucial du projet de loi. D’abord, parce que ce ne sont pas moins de 13,9 millions de tonnes de CO2 que l’ensemble de nos amendements permettrait d’économiser d’ici à 2030, ce qui rendrait le texte bien plus efficace. Ensuite, parce que l’enjeu des bâtiments, et parmi eux des passoires thermiques, recouvre un enjeu de justice sociale qui est décisif. Enfin, le débat qui s’ouvre est capital compte tenu de l’avis du Haut Conseil pour le climat sur le projet de loi, qui montre combien les dispositions du présent chapitre sont insuffisantes.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il est exact que s’attaquer à la question du bâtiment est déterminant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le dérèglement climatique.

Les amendements en discussion sont satisfaits, notamment par l’adoption de l’amendement CS3394. Je rappelle le grand changement introduit par le nouveau DPE : avec le double seuil, désormais, une seule étiquette au lieu de deux exprimera à la fois la consommation énergétique et l’émission de gaz à effet de serre. Ainsi, l’impact environnemental du bâtiment sera mieux pris en compte et nous lutterons plus efficacement contre le dérèglement climatique.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je vous rejoins concernant l’importance du présent chapitre : le bâtiment représente un quart de nos émissions de gaz à effet de serre. En outre, il y va de la précarité énergétique. Il faut donc accompagner tout le monde, y compris les ménages modestes, pour mettre fin aux passoires thermiques, fléau climatique et social.

En ce qui concerne l’ambition des mesures proposées, ce que nous faisons par le projet de loi, le plan de relance et d’autres dispositions d’ordre réglementaire telles que la récente amélioration du DPE va vraiment nous permettre de passer un cap et d’atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone.

Les amendements sont satisfaits par l’amendement CS3394 qui vient d’être voté. Demande de retrait ou avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS5167 du rapporteur

M. Mickaël Nogal. Il s’agit de clarifier la dénomination des classes du DPE, car la rédaction initiale évoquait la consommation énergétique, mais pas les émissions de gaz à effet de serre.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable : cela rend la présentation des classes plus homogène, plus lisible et plus simple.

M. Dominique Potier. Nous ne nous opposons pas à la nouvelle classification, mais nous demandons à la ministre et au rapporteur de bien vouloir répondre aux amendements qui vont suivre et qui se fondent sur l’ancienne classification.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS4751 de M. Bruno Millienne tombe.

La commission adopte l’amendement de coordination juridique CS5363 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement CS917 de M. Paul-André Colombani tombe.

Amendements CS3396 et CS2248 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Dominique Potier. Ces deux amendements – le second étant un amendement de repli – tendent à fixer une trajectoire par étapes, de 2030 à 2050, pour que les bâtiments très peu à moyennement performants énergétiquement soient progressivement considérés comme à consommation d’énergie excessive. Ils visent à fixer un objectif clair permettant de respecter la SNBC dans le secteur du bâtiment. Aux enjeux énergétique et social, j’ajouterai celui de la création d’activité : peu de secteurs se prêtent comme celui-là au récit d’une épopée ; il faut la raconter comme telle.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Vous proposez d’intégrer en 2030 la classe E aux bâtiments à consommation d’énergie excessive, ce qui implique notamment l’interdiction d’augmenter le loyer, puis de louer le logement. Si je partage votre ambition, je souhaite que nous adoptions une approche pragmatique. Les logements classés E représentent 25 % du parc. La filière ne sera pas prête à franchir cette étape en 2030. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Ces amendements importants traitent de sujets essentiels.

Je ne suis pas du tout défavorable à l’idée d’une trajectoire à moyen et long terme en la matière, qui nécessiterait que nous y travaillions d’ici à la séance. Mais le jalon ici proposé implique l’interdiction de la location des logements classés E en 2030, outre celle, déjà prévue, des logements F et G en 2028. Cela ne me paraît ni possible ni souhaitable.

Pas possible, car ces logements sont 2,7 millions à la location, contre 1,8 million pour les logements F et G. Or mon objectif n’est pas que les logements sortent du parc locatif, mais qu’ils soient rénovés : je souhaite qu’ils restent occupés par des locataires, mais cessent d’être des passoires thermiques pour devenir de bonne qualité. Rénover 1,8 million de logements d’ici à 2028, cela représente 300 000 rénovations de vraies passoires chaque année pendant six ans. Nous ne pourrons pas en rénover 2,7 millions supplémentaires en seulement deux ans de plus.

Pas souhaitable, car la priorité, c’est le reste des passoires. Il existe 1,8 million de passoires locatives, mais 4,8 millions de passoires en tout ; le solde concerne des propriétaires occupants, auxquels je ne souhaite pas imposer d’obligation ni d’interdiction – nous y reviendrons, car c’est le sujet de beaucoup d’amendements –, mais pour lesquels il s’agit de simplifier et d’améliorer le financement des aides, celui du reste à charge et l’accompagnement. À cet égard, les conclusions de la mission Sichel nous permettront d’enrichir le texte.

Si l’on doit rénover 600 000 ou 700 000 logements par an, alors il faut commencer par les passoires locatives, soit 300 000 dans l’année, et leur ajouter autant, voire davantage, de passoires occupées par leur propriétaire. C’est la grande priorité des cinq à dix ans qui viennent. Le secteur est probablement capable d’absorber cette quantité, mais cela ne sera pas facile. Nous avons encore beaucoup de travail concernant la formation, le recrutement, le pilotage de la qualité des chantiers.

Dans ce contexte, l’interdiction à la location des logements classés E dès 2030 ne me paraît pas l’objectif de politique publique à privilégier.

Avis défavorable aux deux amendements : au premier, qui propose une trajectoire globale dont nous pourrons rediscuter, comme au second, qui se borne à cette mesure pour 2030.

M. Dominique Potier. Il me semble que nous ne serions pas à la hauteur de l’une des ambitions de la loi si nous ne fixions pas une trajectoire. Peut-être faut-il la revoir ; je suis bien sûr disponible pour en reparler d’ici à la séance et y réfléchir de façon transpartisane.

Nous sommes très sensibles à la question de la main-d’œuvre, dont l’absence peut donner lieu à des dévoiements tels que le dumping social ou une mauvaise qualité des réalisations. On se heurte là au principe de réalité.

En la matière, l’ambition du Gouvernement et les moyens qu’il déploie sont-ils suffisants ? Peut-on agir à moyens constants ?

S’agissant des moyens consacrés à la rénovation elle-même, certains disent qu’ils sont moindres qu’à l’époque de la crise de 2008-2009 et du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Que pouvez-vous répondre à cette mise en cause ?

Mme Delphine Batho. Je m’inquiète des propos du rapporteur : à peine a-t-on dit que ce chapitre est capital pour la justice sociale et du point de vue de notre action concrète qu’il nous met en garde, nous enjoint d’être pragmatiques, etc. Je vous lis donc l’avis du Haut Conseil pour le climat : « Dans le secteur des bâtiments, l’analyse des mesures du projet de loi montre une valeur ajoutée très marginale [par rapport] aux orientations de la SNBC » et « le premier budget carbone sur la période 2015-2018 a été dépassé de 8,1 % ». « Le projet de loi n’introduit aucune mesure incitative ou contraignante visant explicitement à décarboner le mix énergétique du chauffage des bâtiments. Concernant la rénovation thermique, les mesures contenues dans le projet de loi ne permettent pas de renforcer substantiellement l’efficacité du dispositif législatif et réglementaire existant. »

J’espère que, lorsque nous examinerons les amendements tendant à rendre le texte beaucoup plus ambitieux, vous montrerez un peu d’ouverture envers les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Vincent Descoeur. Je ne suis pas favorable à l’interdiction de location des logements D et E, mais notre collègue Potier soulève une vraie question : celle de la trajectoire. On ne peut se contenter de travailler sur les logements F et G. Cela confirme l’intérêt d’une programmation pluriannuelle. Sinon, nous n’atteindrons jamais le niveau BBC pour l’ensemble du parc en 2050.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le plan de relance consacre 2 milliards d’euros supplémentaires à la rénovation par l’intermédiaire de MaPrimeRénov’. Nous pouvons créditer Mme la ministre de cette belle avancée. Il s’agit de rénover 1,8 million de logements d’ici à 2028 – c’est demain ! Pour atteindre cet objectif ambitieux, nous ne pouvons pas être en deçà de ce qui est fait dans le cadre du plan de relance.

Monsieur Potier, je partage entièrement l’idée de la nécessité d’une trajectoire d’ici à 2050, compte tenu des objectifs élevés de la stratégie nationale bas-carbone, et je ne suis pas défavorable à ce que l’on grave dans le marbre la fin des passoires E. Nous devrons en discuter d’ici à la séance. Mais faisons-le à partir d’éléments concrets, madame Batho, et des nouveaux outils de financement qui pourront être proposés par la mission Sichel, en plus de l’accompagnement visé à l’article 43. N’inscrivons pas dans la loi des obligations que nous ne serions pas capables d’honorer. Nous avons la même ambition, et je suis prêt à travailler avec tous les collègues pour fixer l’objectif à long terme.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4056 de Mme Sophie Mette

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Les matériaux biosourcés peuvent être utilisés comme matière première dans des produits de construction. Il est essentiel de leur faire une place importante au sein du projet de loi. Nous proposons donc que chaque niveau de performance énergétique défini à l’article 39 soit accompagné d’un indice « + » si le bâtiment est fait, au moins en partie, de matériaux biosourcés.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Les matériaux biosourcés, que nous avions évoqués dans le cadre de la loi ÉLAN, occupent une place très importante dans la RE2020. Toutefois, le principe du classement résultant du DPE est de déterminer un niveau de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre ; il ne s’agit pas d’indiquer la manière dont les travaux doivent être faits. Le DPE est une source d’information permettant de déterminer ensuite une stratégie de rénovation. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. En effet, le DPE indique le niveau de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre.

Mais les matériaux biosourcés sont bien un sujet à propos duquel le Gouvernement se bat pour avancer. Après un débat assez vif entre les différentes filières, nous avons imposé leur inclusion dans la RE2020, qui en soutient nettement l’utilisation. Par ailleurs, nous sommes en train d’élaborer un label d’État Bâtiment biosourcé, pour la rénovation ; il permettra de donner une indication lors des processus de rénovation et pourra être utilisé et diffusé dans le cadre de l’accompagnement renforcé. Ce sera un outil plus efficace.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS918 de M. Paul-André Colombani et 1040 de M. Vincent Descoeur

M. François-Michel Lambert. L’amendement CS918 tend à compléter l’article par l’alinéa suivant : « Le classement mentionné au premier alinéa est défini au regard des objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments et des émissions de gaz à effet de serre, du droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif, notamment aux énergies renouvelables, ainsi que des exigences de décence et de salubrité des logements. » Il permet d’affirmer la portée politique de notre action.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit de rappeler, au-delà des objectifs essentiels de réduction de la consommation énergétique des bâtiments et des émissions de gaz à effet de serre, les enjeux sociaux, en particulier la lutte contre la précarité énergétique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je l’ai dit, le DPE a un rôle d’information ; la dimension sociale n’en relève pas à proprement parler.

Par ailleurs, les amendements, qui traduisent une préoccupation légitime que je partage, sont satisfaits par le code de l’énergie, qui dispose que la politique énergétique doit lutter contre la précarité énergétique et garantir à tous les ménages l’accès à l’énergie sans coût excessif, et par le code de la construction et de l’habitation, aux termes duquel la politique de rénovation énergétique permet de limiter la consommation, donc de préserver les ressources et le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. L’article 39 est un article très opérationnel, qui définit concrètement le DPE et son calcul, alors que les amendements sont beaucoup plus larges, portant sur les finalités mêmes des politiques publiques de l’énergie, de la rénovation et de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous n’avons pas de désaccord de principe, mais ils ne sont pas au bon endroit. Le DPE lui‑même ne traite pas directement du droit d’accès des ménages à l’énergie, notamment aux énergies renouvelables.

M. Vincent Descoeur. Je retire mon amendement, le temps de chercher un meilleur endroit.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le rapporteur, vous étiez là, hier, quand nous avons confirmé l’autorisation faite aux gros SUV dotés de petits moteurs électriques de circuler dans les zones à faibles émissions mobilité, pourtant déjà inscrite dans la loi, selon la ministre Barbara Pompili. Un amendement peut sembler redondant alors que le message politique qu’il contient est important.

Cependant, Mme la ministre a apporté une précision notable en indiquant que les amendements n’étaient pas au bon endroit. J’estime qu’ils devront être votés, mais, comme Vincent Descoeur pour le sien, je chercherai au mien une meilleure place avant de le défendre à nouveau en séance.

Les amendements sont retirés.

Amendements CS3281 de Mme Aude Luquet et CS3706 de Mme Sophie Mette (discussion commune)

Mme Florence Lasserre. L’amendement CS3706 s’inspire de l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) adopté en janvier 2021, qui souligne que la rénovation des bâtiments doit non pas se limiter à la performance énergétique mais inclure la performance climatique, c’est-à-dire l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre. D’autres paramètres sont ainsi importants à prendre en compte, parmi lesquels le recours aux matériaux biosourcés.

Il est essentiel de faire à ces derniers une place importante au sein du projet de loi, en suivant la dixième préconisation de l’avis du CESE. Celle-ci « recommande que les catégories de performance des bâtiments mettent au même plan les deux étiquettes qui composent le diagnostic de performance énergétique : l’étiquette énergie pour informer sur la consommation d’énergie, et l’étiquette climat pour connaître la quantité de gaz à effet de serre émise ».

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. J’ai indiqué que le nouveau DPE correspondra à une étiquette couplant consommation énergétique et émissions de gaz à effet de serre, mais il faut préciser qu’il permettra aussi de donner aux usagers une estimation du coût annuel de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’amendement CS3281 est satisfait pour les raisons que vient d’indiquer le rapporteur. Quant au CS3706, il fixe un objectif quasi impossible à atteindre en demandant que le DPE tienne compte des émissions de gaz à effet de serre du processus de construction. C’est ce que nous faisons dans la RE2020 – la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs – et qui a suscité de nombreux échanges avec les milieux professionnels concernés ; en revanche, s’agissant du parc existant, on peut étudier les émissions liées à la consommation mais non, a posteriori, celles de la période de construction du bâtiment. Avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS2479 de Mme Claire Pitollat

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je salue l’engagement de Claire Pitollat, comme de Jean-Luc Fugit, en faveur de la qualité de l’air. Simplement, la question des labels me semble relever non de la loi, mais du règlement et des initiatives des acteurs. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Nous en reparlerons à propos de l’amendement CS1548, qui me paraît la meilleure manière de répondre à la question.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 39 ainsi modifié.

Après l’article 39

Amendement CS4830 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Comme l’a dit le rapporteur, 2028, c’est demain, et 2050, après-demain. Si la priorité accordée aux passoires thermiques est indiscutable, il nous faut aussi donner de la lisibilité jusqu’en 2050. Nous proposons donc un échelonnement possible des obligations jusqu’à cette date.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Défavorable. Je le répète, je suis très ouvert à ce que nous discutions en vue de la séance d’une nouvelle trajectoire que nous inscririons dans la loi, mais je ne souhaite pas que nous le fassions avant de disposer des conclusions de la mission Sichel, qui devraient nous parvenir dans les prochains jours et qui nous éclaireront tous.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis, moi aussi, d’accord pour que nous discutions d’une trajectoire qui donnerait un peu plus de lisibilité que n’en procure le seul jalon de 2028. Mais notre choix est de créer, pour les biens mis en location, une obligation de rénovation sous peine d’interdiction de location, et de privilégier un système d’incitation à l’intention des propriétaires occupants.

Leur situation, en effet, n’est pas la même que celle des propriétaires bailleurs, qui accomplissent un acte économique impliquant une transaction, parfaitement légitime, dont il est normal que nous protégions les deux parties, notamment le locataire. Le propriétaire occupant, lui, est le premier à subir l’inconfort lié au fait d’habiter une passoire thermique et le coût des factures qui en résultent. L’incitation, l’accompagnement, le financement du reste à charge composent ici le bon système pour stimuler la rénovation.

D’ailleurs, nous avons reçu 200 000 dossiers MaPrimeRénov’ l’année dernière et 130 000 entre le 1er janvier et le 10 mars, sachant que le dispositif est, pour l’instant, réservé aux propriétaires occupants ; c’est considérable et cela laisse présager un net dépassement de notre objectif initial de 400 000 à 500 000 dossiers cette année. Le dispositif d’incitation et d’accompagnement fonctionne donc déjà bien pour les propriétaires occupants.

Sous réserve de maintenir cette distinction entre propriétaires bailleurs et propriétaires occupants, nous pourrons retravailler la trajectoire à moyen terme d’ici à la séance. Pour l’heure, avis défavorable.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je vais retirer l’amendement.

M. Vincent Descoeur. Nous touchons là un point sensible : la capacité à décréter des obligations, qui appelle, de mon point de vue, la question du financement du reste à charge, que ce soit pour les propriétaires occupants ou pour les bailleurs. Le problème est que nous travaillons sans savoir quelles seront les conclusions de la mission Sichel et ce que vous allez proposer à leur suite.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le calendrier est tendu, c’est vrai, mais tout est fait pour que ces conclusions puissent être présentées avant l’examen en séance, donc que le débat soit possible avant le vote.

Les orientations de la mission confiée à M. Olivier Sichel, qui comprend deux parlementaires, Jean-Charles Colas-Roy et Bénédicte Peyrol – consistent d’abord à travailler sur l’accompagnement pour aboutir à un système plus efficace pouvant être étendu à toutes les rénovations significatives à partir d’un seuil qui reste à fixer, et qui sera défini, encadré, certifié le cas échéant et mieux financé. Il s’agit, ensuite, d’étudier le financement du reste à charge, c’est-à-dire de déterminer le reste à charge acceptable par catégorie de ménage – MaPrimeRénov’ permet un financement de 90 % pour les plus modestes – et la manière de le financer. Cela implique de mobiliser le secteur bancaire et de voir comment adosser un financement sur les économies d’énergie et, éventuellement, sur le bien.

Le rapport sera rendu public en début de semaine prochaine, ce qui permettra au travail parlementaire de se poursuivre : tous les parlementaires pourront en prendre connaissance avant la séance et améliorer le texte sur ce fondement.

L’amendement est retiré.

Article 39 bis (nouveau) (articles L. 126-26 et L. 126-33 du code de la construction et de l’habitation) : Coordinations juridiques tirant les conséquences de la réforme du DPE

La commission adopte l’amendement de coordination CS5170 du rapporteur.

Après l’article 39

Amendement CS4054 de M. Bruno Millienne

Mme Florence Lasserre. L’article 39 vise à introduire pour les bâtiments à usage d’habitation un classement en fonction du niveau de performance énergétique et climatique, mais n’est pas cohérent avec le DPE défini à l’article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 29 janvier 2020.

L’amendement propose de rétablir cette cohérence en redéfinissant clairement les éléments que doit comporter le DPE.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il est satisfait par la rédaction que nous avons adoptée. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4752 de M. Bruno Millienne

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le DPE contient déjà des informations sur les énergies d’origine renouvelable. L’amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1669 de Mme Véronique Louwagie, CS1731 de M. Thibault Bazin et CS4978 de M. Jean-Marie Sermier

M. Michel Vialay. L’amendement CS1669 vise à s’assurer que la méthode de calcul du facteur de conversion en énergie primaire de l’électricité est conforme au mix énergétique de la France et aux règles européennes.

Le rapporteur et la ministre ont dit à plusieurs reprises que la rénovation permettrait des gains de pouvoir d’achat. J’appelle leur attention sur le fait que le changement du système de chauffage peut entraîner une hausse non négligeable de la facture énergétique. Prenons garde de faire ainsi basculer un ménage fragile dans la précarité. Il faut pouvoir évaluer cet aspect avant que les travaux soient engagés.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. La question visée par les amendements ne relève pas de la loi : la méthode de calcul est fixée dans ses grands principes par le droit européen et sa déclinaison s’opère au niveau réglementaire.

Sur le fond, le coefficient de conversion est calculé en fonction des prévisions de mix énergétique : inscrire ces éléments dans la loi, c’est s’aventurer dans l’inconnu alors qu’il faut pouvoir changer d’avis en fonction des progrès et des évolutions que nous connaîtrons. Enfin, le délai de quatre ans entre chaque révision du coefficient paraît trop court. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Le cadre général est fixé au niveau communautaire par des directives ; quant au calcul technique qui s’ensuit, fondé sur les hypothèses d’évolution du mix énergétique, il est retranscrit par voie réglementaire.

La commission rejette les amendements.

Article 39 ter (nouveau) (article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation) : Définition de la rénovation performante

Amendements CS5360 rectifié du rapporteur, CS4908 de Mme Marjolaine MeynierMillefert, CS2871 de M. Matthieu Orphelin, CS3392 de Mme Chantal Jourdan, amendements identiques CS3643 de M. Matthieu Orphelin et CS4790 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, amendements identiques CS2872 de M. Matthieu Orphelin, CS3391 de Mme Chantal Jourdan, CS4055 de Mme Florence Lasserre, CS4904 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et CS5118 de Mme Mathilde Panot, et amendement CS4798 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert (discussion commune)

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Mon amendement contient une définition de la rénovation performante, tandis que les autres amendements proposent soit une rénovation globale et performante, soit une obligation de rénovation généralisée, soit une obligation de rénovation conditionnelle, inspirée par des ONG avec lesquelles j’ai moi aussi beaucoup travaillé.

Ma définition de la rénovation performante intègre deux critères cumulatifs : le passage à un niveau au moins égal à la classe C et un saut d’au moins deux classes. L’idée est d’aller vers une logique de résultat et non plus de moyens en vue de supprimer l’ensemble des passoires énergétiques.

Pourquoi ne suis-je pas favorable à une obligation pure et simple, ni à une obligation conditionnelle ? D’abord, comme l’a dit Mme la ministre, il faut distinguer les propriétaires bailleurs, qui effectuent un acte commercial, des propriétaires occupants, qui habitent le logement, en proposant à ces derniers un meilleur accompagnement – sur ce point, je renvoie une fois de plus aux conclusions de la mission Sichel.

Ensuite, l’essentiel est de fixer un cap dans le marbre de la loi. Le passage de deux classes est déjà très significatif et l’atteinte de la classe C me semble pouvoir être un élément de la trajectoire permettant de respecter la stratégie nationale bas-carbone en 2050.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. L’amendement CS4908, qui résulte du travail du collectif « Rénovons ! », a pour objectif de rendre obligatoire la rénovation globale des maisons individuelles lors de leur mutation, à deux conditions : l’existence d’une solution technique et d’une solution financière. À ces conditions, la rénovation sera dans l’intérêt des ménages.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2871, très important à nos yeux, est incompatible avec la conception de la rénovation performante au rabais que vient d’exposer le rapporteur. Il définit la rénovation performante, la rénovation globale et crée une obligation de rénovation globale des bâtiments à usage d’habitation assortie d’un échéancier pour 2030, 2040 et en cas de mutation.

Les travaux du Haut Conseil pour le climat et de l’ADEME alertent sur l’inefficacité d’une approche par gestes isolés de travaux et sur les risques qui en découlent. La Convention citoyenne pour le climat a appelé à structurer la stratégie nationale de rénovation pour l’orienter vers les rénovations dites globales, également appelées complètes et performantes, qui traitent l’ensemble des postes de travaux de manière coordonnée pour s’assurer de l’atteinte du niveau BBC ou équivalent en moyenne nationale.

Comme le rappelle le Haut Conseil pour le climat, « en omettant de traduire légalement l’objectif BBC de long terme, le projet de loi laisse craindre la réalisation de rénovations énergétiques insuffisamment ambitieuses, et susceptibles de bloquer des logements à des niveaux de performance énergétique insuffisants ».

La logique de la fin des passoires n’est pas du tout celle qu’il faut choisir pour assurer la justice sociale, de vraies économies d’énergie, l’efficacité climatique et le bénéfice économique afférent.

M. Dominique Potier. Je vais regarder ce que proposent le rapporteur et la ministre dans un esprit d’ouverture : la commission est en effet là pour coconstruire la loi.

Vous affirmez créer une obligation de résultat plutôt que de moyens : si cela est séduisant sur le plan intellectuel, je n’en vois pas tout à fait l’intérêt. Notre amendement CS3392 propose une définition qui me paraît performante, car claire, et plus pédagogique puisqu’évoquant les six compartiments importants à traiter. Tous les acteurs chercheront en effet à faire du global.

Mme Delphine Batho. J’espère que le rapporteur et le Gouvernement apporteront une réponse à chacune de nos propositions.

L’amendement du rapporteur est contre-productif puisqu’il considère que la classe C traduit une rénovation performante alors qu’il s’agit d’un recul et d’un très mauvais signal. Notre amendement CS3643, issu d’une proposition de l’initiative « Rénovons ! », vise à mettre en place, à partir du 1er janvier 2024, une obligation conditionnelle de rénovation performante lors des ravalements de façade des immeubles.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Mon amendement identique CS4790 prévoit le même mécanisme de rénovation globale sous conditions pour les maisons individuelles que pour les copropriétés, l’élément déclencheur étant le ravalement de façade.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2872 propose une autre rédaction pour la définition d’une rénovation performante. J’insiste : en aucun cas la classe C ne peut être considérée comme représentative d’une telle rénovation.

Mme Florence Lasserre. Nous devons tout mettre en œuvre pour faciliter les méthodes de rénovation permettant d’aboutir à la performance globale des bâtiments. Les récents travaux du Haut Conseil pour le climat et de l’ADEME alertent sur l’inefficacité d’une approche par gestes isolés. Face à ce constat, la Convention citoyenne pour le climat a appelé à structurer la stratégie nationale de rénovation autour des rénovations dites globales, également appelées complètes et performantes.

L’amendement identique CS4055 propose d’intégrer dans la loi deux définitions : celle de la rénovation performante et celle de la rénovation dite globale ou complète et performante, qui est une rénovation performante réalisée en une seule étape de travaux.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il s’agit de définir les termes distinguant la rénovation globale par étapes compatibles, et la rénovation globale en une fois, l’objectif final étant que tout le monde en bénéficie. Il existe aujourd’hui un flottement dans les termes entre ce que les gens entendent aujourd’hui par rénovation, les chiffres affichés et ce que la stratégie nationale bas-carbone ou le Haut Conseil pour le climat définissent comme telle. Ne parlant pas de la même chose, il nous est impossible de mesurer et de comparer des stratégies.

Mme Sabine Rubin. La proposition du rapporteur de s’en tenir à la classe C est moins-disante, et je ne comprends pas en quoi elle s’oppose à l’inscription d’une définition de la rénovation performante réalisée en une seule étape qui fasse consensus.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. L’amendement CS4798 propose une obligation de rénovation globale pour les copropriétés classées en F ou en G, puisque les retours sur investissement des travaux sont très souvent bénéfiques aux ménages.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je ne suis pas d’accord avec vous, madame Batho, sur le manque d’ambition de la définition proposée. Relisez l’amendement CS5360 rectifié, les deux conditions sont cumulatives : un gain d’au moins deux classes plus l’atteinte de la classe A, B ou C. Pour faire passer un logement de classe E, F ou G en C, il faut engager un nombre considérable de travaux et le coût est énorme.

Je trouve donc que, partant de très loin, nous allons très loin. Ce sont 2 millions de passoires énergétiques que nous allons faire passer en logements de classe A, B ou C, c’est‑à‑dire extrêmement performants, très performants et assez performants au regard de la loi. On peut considérer que les Français vivront mieux dans leur logement. C’est donc positif et je suis très fier de cette nouvelle définition.

Je n’ai pas souhaité, étant dans une logique de résultat, y intégrer la question des moyens – il ne faut pas brider les initiatives qui permettraient d’atteindre les objectifs. Mais s’il est plus simple pour tout le monde qu’on intègre, pour la séance, les six grands travaux dont M. Potier a dressé la liste, je suis très ouvert à ce que l’on précise la rédaction.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. S’agissant de la définition de la rénovation performante, je suis très favorable à l’amendement du rapporteur, qui en donne une extrêmement ambitieuse : un saut de deux classes et l’atteinte au moins du niveau C, dont il est absolument faux de dire qu’il serait sans ambition.

D’abord, si l’on amène tout le parc ancien au niveau C et qu’on y ajoute les logements neufs construits conformément à la RE2020 et classifiés A ou B, en 2050, on atteindra l’objectif de la SNBC de 27 millions de tonnes de CO2 évitées par an.

Ensuite, contrairement à l’effet d’optique qu’elle produit, la définition de la rénovation performante proposée par les amendements de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et de Mme Delphine Batho n’est pas plus ambitieuse : soit le bâtiment atteint le niveau BBC, soit il contribue à l’atteinte de cet objectif en moyenne nationale, ce qui revient à ramener en moyenne le parc ancien à la classe C par la mise en œuvre d’une combinaison de travaux – en gros, soit on atteint BBC, soit on fait ce qu’on peut, en faisant la moyenne sur les six postes de travaux. La définition de la rénovation performante du rapporteur est plus exigeante.

Je ne suis pas hostile à considérer une rénovation comme complète si les six postes ont été diagnostiqués. Nous pouvons effectivement y travailler en vue de la séance, sachant qu’il n’est pas toujours nécessaire de tout refaire.

Pour ce qui est de l’obligation, je ne souhaite pas la faire peser sur les propriétaires occupants. Vous la prévoyez, pour les maisons individuelles, au moment des mutations et, pour les copropriétés, sous une forme différente. Dans le premier cas, je ne suis pas convaincue qu’elle soit pleinement opérante compte tenu de la complexité des démarches qu’elle implique. En outre, il s’agit d’une obligation sans sanction, alors que, s’agissant de l’interdiction de location, nous avons prévu que le « décret Décence » permette d’aller rechercher la responsabilité du propriétaire s’il n’a pas effectué les travaux.

S’agissant des copropriétés, le bon mécanisme est de rendre plus opérationnel un excellent article de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015. Il prévoit que les travaux de ravalement de façade ou de réfection de toit doivent intégrer, si nécessaire, des travaux d’isolation. Sans doute parce qu’il n’est pas assez contraignant, il est insuffisamment appliqué. Je suis prête à travailler à son amélioration d’ici à la séance, mais pas dans la logique d’une obligation générale, qui est trop lourde eu égard à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel sur le sujet.

En conclusion, je suis favorable à l’amendement CS5360 rectifié et défavorable aux amendements suivants. Un dernier mot sur l’amendement de Mme Marjolaine Meynier‑Millefert, qui rend obligatoire la rénovation de tout lot de classe F ou G faisant l’objet d’une cession au sein d’une copropriété. Cela ne me paraît pas possible non plus et j’y suis également défavorable.

M. Vincent Descoeur. Nous souscrivons plutôt à l’idée d’introduire la notion de performance, car nous avons bien vu, au cours de la mission, combien la question de l’efficacité des travaux, en termes de gain d’énergie, se posait.

Si l’on rend obligatoires des travaux de rénovation pour des propriétaires, il faut s’assurer de leur capacité à les supporter. La question de leur financement est reportée à l’examen en séance, mais il faut trouver une solution, car une rénovation globale à 50 000 euros pour une maison individuelle pose le problème du reste à charge. Or les propriétaires de passoires thermiques ne sont pas les plus argentés de nos concitoyens.

Par ailleurs, une rénovation performante peut-elle être atteinte par étapes ?

Mme Sabine Rubin. Pourquoi ne pas aller jusqu’à A ?

Monsieur le rapporteur, vous avez donné une définition de résultat, donc de performances. Pourquoi ne pas la compléter par la notion de chantier global, c’est-à-dire qui prenne en compte les six postes que vous avez évoqués ?

Mme Delphine Batho. Comme au moment du Grenelle de l’environnement, du débat national sur la transition énergétique ou de la LTECV, il y a, d’un côté, ceux qui veulent juste la fin des passoires, et, de l’autre, ceux qui veulent la rénovation performante. L’histoire a tranché : il faut mener à bien cette rénovation. Trop de temps a été perdu, on ne peut plus se contenter d’investir massivement dans des rénovations au rabais, qui vont figer les logements dans des catégories incompatibles avec les objectifs de la SNBC et les positions du HCC. On peut discuter d’un horizon de temps, mais il n’est pas possible de définir le logement performant comme appartenant à la classe C. Ce serait perçu comme un grave recul du projet de loi.

M. Dominique Potier. Il semble qu’existe un accord sur la nécessité de faire une rénovation globale ; que la question clé de l’accompagnement en termes d’ingénierie financière et d’assistance à maîtrise d’ouvrage sera résolue in extremis par un rapport qui va arriver la veille de la séance – ce ne sera pas le premier et mieux vaut tard que jamais. Il reste deux points.

Le premier concerne les financements, sachant que le groupe Socialistes et apparentés avait bâti un système fondé sur des prêts à taux zéro et une hypothèque récupérée à la vente des biens, qui dégageait des moyens à peu près dix fois supérieurs à ce qui est mis en œuvre.

Pour le deuxième, je note, monsieur le rapporteur, que l’adoption de votre amendement fera tomber les autres, mais que vous êtes prêt à coconstruire quelque chose de plus pédagogique reprenant les six grands travaux. Nous y sommes prêts aussi.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. La définition de la rénovation performante était très attendue. Celle que vous proposez correspond à un effort très ambitieux pour changer l’existant et aller vers l’étape d’après. Toutefois, on ne sait plus très bien, aujourd’hui, quel est l’objectif à atteindre.

Je comprends le choix de la classe C, en raison de la refonte du DPE qui, avec l’intégration du carbone, conduira au déclassement d’anciens BBC – on va donc plus loin que l’ancien DPE. Mais quel est l’objectif final fixé ? Faudra-t-il amener tout le monde au niveau A, ou se satisfera-t-on, en fonction des typologies des bâtiments, d’atteindre les niveaux B ou C, celui-ci correspondant à l’ancien BBC ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le DPE nouvelle génération, en intégrant et en mixant à la fois la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, est mieux disant que le précédent, car ce sera l’étiquette la moins valorisante des deux qui sera retenue. C’est là une avancée dans la prise en compte de l’impact environnemental du bâtiment. Les faits sont là, cette loi est plus ambitieuse que tout ce qui a été fait auparavant.

La rénovation performante par étapes est possible. Je suis d’ailleurs ouvert à ce que nous inscrivions une durée pour de réalisation – dix-huit ou vingt-quatre mois, à discuter –, l’intérêt étant, d’ici à 2025 ou 2028, de sortir des passoires énergétiques.

Madame Batho, vous insistez pour présenter ce que nous proposons comme une rénovation au rabais, mais mon amendement CS5306 rectifié précise bien qu’il s’agit d’atteindre « un gain d’au moins deux classes » et « la classe A, B ou C ». On parle de logements extrêmement performants, très performants et assez performants, ce qui va dans le sens que vous souhaitez. Je ne comprends pas votre opposition sur ce point.

Les travaux nécessaires pour passer de la classe G à la classe C sont énormes et représentent des dizaines de milliers d’euros de travaux. Se posera effectivement la question du reste à charge pour les Français, qui devra être supportable.

En tout cas, le texte fixe une ambition.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je comprends votre frustration, madame Batho. Effectivement, cela fait des années, dont celles où vous étiez aux responsabilités, que cela n’a pas été fait et que la rénovation énergétique ne décolle pas. Depuis deux ans, elle décolle.

Le budget de soutien à la rénovation énergétique des ménages s’élève à 5 milliards d’euros, dont 2,5 milliards inscrits au budget de l’État et 2,5 milliards de certificats d’économie d’énergie fléchés sur cette rénovation. C’est plus que ce qui y a été jamais consacré, même à la grande époque du CITE. Dans sa dernière phase, celui-ci finançait à 50 % les 20 % de ménages les plus aisés, et à 50 % de simples changements de fenêtre. Désormais on finance non seulement des gestes simples, mais aussi de la rénovation globale ; on finance en proportion des revenus et en proportion des travaux faits. C’est un véritable progrès.

L’objectif que nous fixons à travers la définition de la rénovation performante – un saut d’au moins deux classes et l’atteinte au moins du niveau C – est extrêmement ambitieux, en tout cas plus que ce que font les programmes les plus ambitieux de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), Habiter mieux et Habiter serein, ou le forfait rénovation globale de MaPrimeRénov’, qui est à 55 % d’économie d’énergie, alors qu’avec le nouveau dispositif on se situera aux alentours de 60 % ou de 65 %. Dans beaucoup de bâtiments, il ne sera pas possible d’atteindre les classes A ou B. Il me semble donc que nous faisons ce que beaucoup auraient souhaité voir fait précédemment.

La possibilité de procéder à une rénovation performante par étapes pourra effectivement être précisée.

Enfin, cette définition de la rénovation performante servira, non pas à fixer une obligation sans sanction, mais à rendre plus explicites les audits et l’accompagnement.

La commission adopte l’amendement CS5360 rectifié.

En conséquence, tous les autres amendements tombent.

3.   Réunion du dimanche 14 mars 2021 à 21 heures

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Après l’article 39 (suite)

Amendement CS4796 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour les chapitres Ier et II du titre IV. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Article 39 quater (nouveau) (article L. 300-3 du code de la construction et de l’habitation) : Ajout de données sur les rénovations énergétiques dans le rapport biannuel sur la situation du logement

Amendements identiques CS185 de M. Vincent Descoeur et CS4795 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, sous-amendement CS5415 du rapporteur.

M. Vincent Descoeur. L’un des freins identifiés par la mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments est l’absence de données fiables. Aussi ces amendements visent-ils à ce que le Gouvernement publie tous les deux ans un document recensant toutes les données relatives à la rénovation énergétique, qui comportera en particulier des chiffres précis tant sur le nombre de rénovations partielles que sur le nombre de rénovations globales.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Ces amendements visent effectivement à ce que le Gouvernement présente tous les deux ans un document contenant l’ensemble des données relatives à la rénovation énergétique. Nous avons constaté, dans le cadre de notre mission d’information, qu’il était très difficile de rassembler ces informations. Nous voudrions donc en simplifier le suivi, de même que le travail de ceux qui s’intéresseront par la suite à la rénovation.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je salue les efforts de Marjolaine Meynier-Millefert et de Vincent Descoeur ; ils vont être récompensés, car je suis favorable à ces amendements, sous réserve de l’adoption du sous-amendement CS5415. Celui-ci vise simplement à garantir une cohérence avec la définition de la rénovation performante que nous avons donnée par ailleurs. Pour ce faire, il ajoute une référence à l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je partage le souhait de Vincent Descoeur et de Marjolaine Meynier-Millefert : il faut disposer d’informations précises et de chiffres à propos des rénovations. Avis favorable à l’amendement tel que M. le rapporteur propose de le sous-amender.

Mme Delphine Batho. À partir du moment où l’on intègre les logements de catégorie C, cela fausse l’ensemble des données. Je renvoie notamment à l’étude de Carbone 4, qui montre bien, dans la procédure pour carence fautive contre l’État, que la rénovation performante est le levier majeur pour atteindre les objectifs dans le secteur du bâtiment.

Madame la ministre, puisque vous avez mal compris certains de mes propos, je précise que je mettais en cause l’action des gouvernements précédents, et que je soulignais que vous vous inscriviez dans la continuité. Par ailleurs, vous avez bien fait de rappeler que j’ai été ministre : effectivement, j’en connais un rayon en matière d’arbitrages avec l’Élysée et Matignon, et je sais le poids des lobbies. On ne me la raconte pas !

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sousamendés.

Après l’article 39

Amendement CS2794 de Mme Florence Lasserre.

Mme Florence Lasserre. Il rend obligatoire, à compter de 2026, la rénovation des bâtiments privés résidentiels relevant du statut de copropriété classés dans les catégories F et G. De plus, afin de ne pas pénaliser les jeunes propriétaires, qui s’endettent de plus en plus pour acheter un bien immobilier, l’amendement demande au Gouvernement de rendre un rapport sur les bénéfices qu’il y aurait à ce que l’État prenne intégralement en charge les travaux de rénovation des copropriétés concernées, de manière à ce que le reste à charge pour les copropriétaires soit nul.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons déjà débattu tout à l’heure de la question des obligations. Par ailleurs, la politique menée combine le diagnostic de performance énergétique (DPE) collectif, un projet de plan pluriannuel de travaux – c’est l’objet de l’article 44 –, l’interdiction de location des passoires thermiques en 2028 et le blocage de l’augmentation des loyers.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Vous souhaitez instaurer une obligation de rénovation de tous les logements en copropriété de catégories F et G d’ici à 2026. Le calendrier ne me paraît pas tenable. Par ailleurs, dans le dispositif, le fait générateur serait une mutation individuelle ; or la rénovation doit être faite au niveau de la copropriété. Enfin, je ne suis pas sûre qu’il faille envisager une prise en charge à 100 % pour toutes les copropriétés : tous les copropriétaires n’ont pas des moyens limités. Quant aux modalités de l’accompagnement, nous y reviendrons en séance. Un reste à charge supportable, éventuellement modulé en fonction des moyens des copropriétaires, me paraît être un bon objectif.

La commission rejette l’amendement.

Article 39 quinquies (nouveau) (article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation) : Informations relatives aux conditions d’aération ou de ventilation dans le DPE

Amendement CS1548 de Mme Claire Pitollat et sous-amendement CS5416 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’amendement vise à prendre en compte la qualité de l’air intérieur. Si le DPE doit effectivement informer quant aux conditions d’aération et de ventilation, il ne faut pas aller trop loin dans la contrainte, au risque notamment de voir le coût du diagnostic augmenter. Il convient donc de trouver un équilibre. Tel est l’objet de mon sous‑amendement. Je suis donc favorable à l’amendement de Mme Pitollat, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’amendement ainsi sous-amendé trouve effectivement un point d’équilibre qui permet de bien prendre en compte dans le DPE la question de la qualité de l’air intérieur. C’est une première étape utile.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Après l’article 39

Amendement CS4039 de M. Mohamed Laqhila.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Il s’agit de mener une expérimentation dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), dont le réseau électrique est saturé : il est urgent de libérer de la puissance électrique. Or certaines mesures peuvent être mises en œuvre immédiatement. Il convient, par exemple, de favoriser le mix énergétique 100 % vert – électricité verte et gaz vert, issu de la méthanisation des déchets, notamment des boues de stations d’épuration. L’expérimentation proposée s’inscrirait dans une démarche d’économie circulaire, puisque la conversion de nouveaux logements stimulerait l’offre de gaz vert, donnant des débouchés plus importants pour les déchets des collectivités locales et créant de l’emploi non délocalisable.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. Toutes les constructions neuves seront soumises à la réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui a fait l’objet, au cours des derniers mois, de longues concertations avec l’ensemble des acteurs. Je ne souhaite pas que l’on mette en place des conditions différentes selon les régions.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. D’abord, la RE2020 entrera en vigueur le 1er janvier 2022 : mener une expérimentation dans l’intervalle ne me paraît pas utile. Ensuite, il convient d’être prudent car le gaz vert est beaucoup plus cher que l’énergie classique. Développer son emploi dans des logements sociaux ou dans d’autres bâtiments occupés par des personnes en difficulté risque d’avoir des conséquences en termes de pouvoir d’achat.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1823 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit de disposer d’un avis du Haut Conseil pour le climat « sur les facteurs d’émission de gaz à effet de serre utilisés comme référence pour chaque source d’énergie de chauffage pour l’ensemble des réglementations applicables ». Cet avis aura notamment pour objet de « comparer les différentes méthodes de calcul » et de « formuler des préconisations sur les valeurs de référence à utiliser dans une logique de traitement équitable des différentes solutions de chauffage ». Pour le dire autrement, il s’agit de s’assurer que nous faisons les bons choix au regard des réalités scientifiques. Cet amendement plaira très certainement à Jean-Luc Fugit.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Nous avons déjà évoqué la question du facteur de conversion de l’énergie finale en énergie primaire, qui a d’ailleurs évolué, passant de 2,53 à 2,3. De même que la RE2020, ce paramètre fait l’objet de longues discussions : il ne me semble pas nécessaire d’inscrire dans la loi un nouvel avis du Haut Conseil pour le climat.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS197 et CS3233 de M. Vincent Descoeur (discussion commune).

M. Vincent Descoeur. L’amendement CS197 vise à ce que le Gouvernement fixe un taux annuel de rénovation globale et performante. Cela permettra d’avoir une idée précise de la trajectoire qui doit nous mener, en 2050, à l’objectif visé.

Avec l’amendement CS3233, je propose de fixer un échéancier, de manière à s’assurer que toutes les catégories de logements sont concernées.

Dans mon esprit, ces demandes relevaient de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, mais elles n’ont pas été jugées recevables car elles avaient des conséquences financières : d’où ces propositions de rapport, même si, comme vous, je n’en suis pas friand. Il me semblait plus judicieux que nous débattions de ces questions au Parlement : dans le droit fil de ce que vous préconisez, il conviendrait d’étudier tous les ans le taux et de s’intéresser au respect de l’échéancier.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. J’entends votre souhait, mais nous aurons l’occasion d’examiner la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Par ailleurs, des objectifs ont déjà été fixés dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Enfin, s’agissant de la trajectoire de la rénovation énergétique, je suis ouvert à l’idée d’inscrire « en dur » dans la loi des étapes supplémentaires jusqu’en 2050, mais il faut y travailler. Un rapport sur la question arriverait nécessairement trop tard : ce n’est donc pas l’instrument le plus pertinent. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La trajectoire de long terme est déjà connue : elle va jusqu’en 2050. La stratégie nationale bas-carbone définit quant à elle des objectifs pour 2030. En outre, le prochain débat législatif sur la question aura lieu à propos du projet de loi visant à valider la prochaine période de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui s’ouvrira en 2023. Les outils législatifs existent donc déjà. Par ailleurs, de manière générale, le Gouvernement n’est pas très favorable aux demandes de rapport. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. Le rapport n’est pas le vecteur adapté ; je l’ai reconnu moi‑même. L’enjeu n’en est pas moins important : le bâtiment représente 45 % de la consommation d’énergie et 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Il serait donc normal que l’on fasse régulièrement le point pour savoir si les objectifs sont atteints. C’est d’autant plus vrai que le rapport de notre mission d’information a fait la démonstration que l’on était très loin du compte : le taux de rénovation globale est de 0,2 %. À ce rythme, il faudra plusieurs siècles pour atteindre l’objectif.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Fixer un pourcentage de rénovation globale permettrait d’orienter le marché. C’était d’ailleurs l’objet de mon amendement CS4796. Les acteurs ne comprennent pas que l’on est en train de s’orienter massivement vers la rénovation globale. Celle-ci, qui est encore l’exception, doit devenir la règle. Cela suppose d’envoyer un signal très fort en ce sens en inscrivant un objectif en dur, car moins la perspective est claire, moins le marché s’organise. Si le marché n’est pas organisé, on ne fait pas de rénovation globale, et comme on ne fait pas de rénovation globale, le marché ne s’organise pas : il faut casser ce cercle vicieux.

Mme Delphine Batho. Les interventions précédentes montrent qu’il pourrait y avoir un consensus national en faveur de la rénovation globale et performante. Moi non plus je ne suis pas adepte des rapports, mais M. Descoeur a raison de demander des chiffres, si l’on en juge d’après l’avis du Haut Conseil pour le climat sur le projet de loi. Son constat à propos de l’impact des dispositions est sans appel : s’agissant de l’assise donnée aux DPE, « Non estimé » ; de l’obligation d’audit énergétique, « Non estimé » ; de l’interdiction de l’augmentation des loyers, « Non estimé » ; de l’interdiction de location des passoires énergétiques, « Pas d’impact additionnel » ; du déploiement d’un réseau harmonisé de guichets uniques, « Non estimé » – et ainsi de suite. Cela veut dire que la perspective d’un respect de la stratégie nationale bas-carbone s’éloigne encore, de même que la possibilité pour les ménages de réaliser des économies d’énergie dans de brefs délais.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS871 et CS870 de M. Julien Aubert.

Amendement CS182 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Les aides publiques à la rénovation sont réparties dans différents programmes budgétaires, ce qui nuit à la lisibilité des financements disponibles ainsi qu’à celle de l’effort public consenti. L’amendement vise donc à les regrouper dans un programme budgétaire spécifique. Comme je n’ai pas la possibilité de le proposer directement, je demande la remise d’un rapport.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. La question relève de la loi de finances. L’enjeu de la rénovation énergétique sera pris en compte. D’ores et déjà, le plan de relance a défini une trajectoire ambitieuse en consacrant 2 milliards d’euros à l’objectif, et les efforts se poursuivront.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable, car la question devrait figurer en loi de finances, mais je suis d’accord pour retravailler sur la présentation des documents budgétaires. Le budget vert comporte une rubrique qui regroupe l’ensemble des aides relatives à la rénovation énergétique, mais on peut sûrement la rendre plus lisible en mettant mieux en évidence ce qui relève, entre autres, du programme 135 et du programme 174, de manière à ce que l’effort consenti devienne plus clair.

La commission rejette l’amendement.

Article 40 (articles L. 126-28, L.126-8-1 [nouveau], L. 126-29, L. 126-31, L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation, article 24-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, articles 17, 20 et 22 de la loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, article 179 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) : Généralisation du DPE collectif et simplification des obligations d’audits énergétiques

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5171 du rapporteur.

Amendement CS5172 du rapporteur, amendement CS3398 de Mme Chantal Jourdan, amendement CS4753 de M. Bruno Millienne et amendement CS2250 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’amendement CS5172 est rédactionnel. Avis défavorable sur les autres amendements en discussion commune.

M. Dominique Potier. L’amendement CS3398 vise à substituer aux mots « extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie » les mots « des bâtiments ou parties de bâtiments à consommation d’énergie excessive ». Cette terminologie correspond à celle que nous proposions dans un autre amendement pour les futurs DPE ; entre‑temps, une autre taxonomie a été retenue.

L’amendement CS2250 procède du même esprit : il s’agit d’étendre le dispositif à d’autres catégories de bâtiments, pour lesquels les préconisations adossées au diagnostic sont également nécessaires.

M. Nicolas Turquois. L’amendement CS4753 vise à prendre en compte, dans les critères de performance, l’aspect climatique des rénovations, et non pas seulement l’aspect énergétique. Par ailleurs, il s’agit d’imposer l’élaboration d’une proposition de travaux permettant de passer uniquement au statut « performant », correspondant à la classe B.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable sur l’amendement CS5172, qui est rédactionnel. Je le préfère à l’amendement CS3398, qui poursuit le même objectif.

La première partie de l’amendement CS4753 est satisfaite ; la seconde, qui se rapporte à la trajectoire de l’audit, le sera également par l’amendement CS5381 du rapporteur. Avis défavorable.

L’amendement CS2250 vise à imposer l’audit pour les bâtiments de catégorie E. Pour l’instant, nous préférons limiter le dispositif aux catégories F et G, afin de privilégier la sortie des passoires thermiques. À ce stade, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CS5172.

En conséquence, tous les autres amendements tombent.

Amendement CS1405 de M. Raphaël Gérard.

Mme Sandra Marsaud. Il vise à prendre en compte plus largement, dans l’audit, les enjeux environnementaux, climatiques et socio-économiques liés au bâti existant. Pour ce faire, nous proposons de renommer le dispositif « audit écologique ». Ce terme, plus extensif, permettra de s’intéresser aussi à la qualité architecturale, à des éléments de confort d’usage, à l’adaptation aux risques climatiques et à la qualité de l’air intérieur – autant d’éléments qui sont de nature à susciter une adhésion à l’égard des travaux de rénovation.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Un travail considérable a été réalisé pour aboutir au DPE nouvelle génération, qui entrera en vigueur à partir du 1er juillet. Il faut se concentrer sur son déploiement. Du reste, des contraintes supplémentaires se traduiraient par des coûts supérieurs pour les ménages. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Qui plus est, le dispositif inclurait la qualité architecturale, domaine dans lequel il est assez difficile de définir des normes.

M. Dominique Potier. Une interrogation me vient à la lecture de cet amendement : le diagnostic sur les bâtiments de catégorie E ne pourrait-il pas relever de l’action sociale et être supporté par les organismes compétents, plutôt que de répondre à une logique de marché, avec une facturation à l’occupant ? Autrement dit, ne pourrait-on pas concevoir une autre manière de le financer ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5381 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il vise à apporter des précisions concernant les propositions de travaux formulées dans l’audit énergétique. Il s’agit d’assurer une cohérence avec la définition de la rénovation performante, dont il a été question précédemment.

L’audit doit s’inscrire dans un parcours de travaux débouchant sur une rénovation performante. À cette fin, l’amendement précise que la première étape devra permettre d’atteindre à tout le moins la classe E, tout en sachant que l’objectif est bien, à terme, de parvenir à une rénovation performante, correspondant aux niveaux A, B et C.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis très favorable à cet amendement qui parfait l’objectif poursuivi, c’est-à-dire arriver au niveau B, soit directement, soit à travers un parcours de travaux. Pour ce faire, il relie la définition de la rénovation performante à l’audit : ainsi, la disposition s’appliquera forcément aux mutations des biens classés F et G.

Mme Delphine Batho. Madame la présidente, je souhaite que nous puissions présenter dès maintenant les autres amendements portant sur le même alinéa, car ils tomberont du fait de l’adoption de celui du rapporteur. C’est le cas notamment de l’amendement CS2873, dont je suis signataire.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’adoption de l’amendement du rapporteur ferait effectivement tomber les amendements CS3399, CS2873, CS2249, CS3954 et CS4487.

Vous pouvez présenter votre amendement, ma chère collègue.

Mme Delphine Batho. L’amendement CS2873 vise donc, à l’inverse de ce qui vient d’être exposé, à proposer systématiquement des solutions de rénovation globale dans le cadre de l’audit énergétique pour les logements extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie.

Les membres de la Convention citoyenne pour le climat proposent de mettre en place une obligation de rénovation globale. C’est une mesure incontournable si l’on veut réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. L’objectif est de mettre fin aux rénovations énergétiques par petits gestes pour les remplacer par des rénovations dites globales, en une seule opération, permettant d’atteindre les classes A ou B. Actuellement, 1 % seulement des opérations réalisées au titre de MaPrimeRénov’ combinent plus de trois gestes.

M. Nicolas Turquois. Autant l’amendement que vient de présenter Mme Batho me semble trop ambitieux – car il est très difficile, pour des bâtiments anciens, d’atteindre les catégories A ou B –, autant celui du rapporteur, qui donne pour objectif à l’audit de proposer des travaux permettant d’arriver à la classe E, ne l’est pas assez. Il faudrait trouver un juste milieu.

Je souhaite quelques explications sur ce point, car l’adoption de l’amendement du rapporteur viendra clore la discussion.

Mme Danièle Obono. Afin de privilégier une approche globale de rénovation, nous proposons, par l’amendement CS4487, d’intégrer deux définitions dans la loi, celle d’une rénovation performante et celle d’une rénovation dite globale, réalisée en une seule étape de travaux.

D’après le Haut Conseil pour le climat, la France possède le parc de logement le moins performant sur le plan énergétique de toute l’Europe, puisque 36 millions de logements y représentent 28 % des émissions de gaz à effet de serre. Alors que la précarité énergétique frappe 6,7 millions de Français, le rythme des rénovations demeure trop lent et les émissions de gaz à effet de serre du secteur ne baissent pas suffisamment. Nous souhaitons reprendre une proposition de la Convention citoyenne pour le climat pour contraindre les propriétaires occupants et les bailleurs à rénover de manière globale.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. La première étape de ce parcours devra permettre a minima d’atteindre la classe E, mais ce parcours de travaux présentera également les travaux nécessaires pour atteindre la classe B. L’objectif n’est pas d’en rester au E mais d’atteindre le niveau le plus performant possible.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous parlons des travaux que l’audit énergétique doit proposer lorsqu’un bien classé F ou G est proposé à la vente. Dans la version initiale du texte, il était prévu de proposer des travaux pour sortir a minima du statut de passoire énergétique. Dans une version plus ambitieuse, il était proposé d’atteindre le niveau B. L’amendement du rapporteur vise à proposer les deux solutions, sachant que le niveau de performance peut être atteint par étapes, en commençant par sortir du statut de passoire. L’audit, dès lors, propose d’atteindre la classe B ou, au moins, C. En soi, l’objectif ne diffère guère de celui poursuivi par Mme Batho, d’atteindre la classe A ou C, les classes A et B ayant toujours été considérées comme homogènes. Simplement, dans certains cas, il sera indispensable de prévoir une étape, celle de la sortie du statut de passoire. Non seulement cette rédaction est plus ambitieuse que la rédaction initiale mais surtout, elle a le mérite de synthétiser les différentes solutions proposées pour réduire le nombre de passoires.

Quant à la proposition de Mme Obono, j’ai bien compris l’intention mais elle reste moins précise que celle du rapporteur.

La commission adopte l’amendement CS5381.

En conséquence, les amendements CS3399 de Mme Chantal Jourdan, CS2873 de M. Matthieu Orphelin, les amendements identiques CS2249 de Mme Chantal Jourdan et CS3954 de M. Alexandre Holroyd, ainsi que l’amendement CS4487 de Mme Mathilde Panot tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5175 du rapporteur.

Amendement CS3893 de M Philippe Chassaing.

M. Yannick Kerlogot. L’amendement vise à rendre obligatoires les audits énergétiques pour l’ensemble des propriétaires afin d’informer un maximum de propriétaires des capacités de leur logement, des travaux les plus pertinents à réaliser et des aides auxquelles ils sont éligibles. Un décret pris en Conseil d’État fixerait les modalités d’entrée en vigueur de cette disposition, notamment l’année de construction à partir de laquelle un bâtiment est soumis à l’obligation d’audit énergétique. Il préciserait également la régularité à laquelle seraient réalisés ces audits énergétiques.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Rendre obligatoire l’audit énergétique pour tous les logements hors A et B aurait un coût très élevé pour les propriétaires. Cette mesure me semble disproportionnée, dans un contexte où le DPE est déjà obligatoire et en passe d’être fiabilisé, dans le cadre de sa réforme qui sera effective au 1er juillet 2021. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Un audit énergétique coûte 800 euros et il serait compliqué de ne pas le corréler à un projet de mutation ou de travaux. Il me semble difficile d’en imposer la réalisation régulière.

M. Yannick Kerlogot. J’ai oublié de préciser que cette mesure aurait nécessité de mobiliser des crédits supplémentaires pour les foyers les plus modestes.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS2875 de M. Matthieu Orphelin et CS3401 de Mme Chantal Jourdan. 

Mme Delphine Batho. Je reviens quelques instants sur l’amendement du rapporteur précédemment adopté : présenter la classe E comme un horizon ne me semble pas correspondre à nos objectifs.

L’amendement vise à instaurer un audit énergétique pour les maisons individuelles et immeubles en monopropriété extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie, faisant l’objet d’une mise en location. L’article 40 du projet de loi prévoit d’instaurer un audit énergétique de la même manière pour les bâtiments offerts à la vente mais omet d’étendre cette obligation à la mise en location.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’audit énergétique a du sens en cas de vente car il doit inciter le propriétaire à réaliser des travaux. Il en a beaucoup moins en cas de location où le DPE semble suffisant. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable car les logements classés F et G seront interdits à la location à compter de 2028, ce qui est une mesure plus sévère que l’audit énergétique.

Mme Delphine Batho. À quel article est-il prévu de les interdire à la location ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Article 42, alinéa 5.

L’amendement CS3401 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS2875.

Amendements identiques CS3360 de M. Cédric Villani et CS4320 de M. Jean-Luc Fugit.

M. Jean-Luc Fugit. L’amendement vise à établir des diagnostics de performance air intérieur, en complément des diagnostics de performance énergétique des bâtiments, qui comportent les résultats d’un audit des systèmes de ventilation et de la qualité de l’air intérieur. Une isolation qui ne prendrait pas en compte la qualité de l’air intérieur pourrait entraîner une dégradation de l’air que l’on y respire et altérer la santé des occupants en raison de taux élevés d’humidité, du développement de moisissures ou de concentrations significatives de polluants chimiques.

La pollution de l’air intérieur a un coût estimé à près de 20 milliards par an et serait à l’origine de 20 000 décès prématurés, selon une étude menée par l’ANSES et le centre scientifique et technique du bâtiment.

Par ailleurs, une mauvaise qualité de l’air intérieur d’un bâtiment peut accélérer sa dégradation patrimoniale et imposer la réalisation de travaux importants.

Ce diagnostic ne saurait se limiter au seul contrôle de la ventilation. Il faut des traceurs pour mesurer la qualité de l’air intérieur

Cet amendement est soutenu par l’association française de la ventilation, créée le 27 janvier dernier, sous le parrainage de Mme Meynier-Millefert et de moi-même.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Nous avons adopté un amendement de Mme Pittolat pour préciser que le DPE doit contenir des informations relatives à l’aération et à la ventilation. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En effet, l’adoption de l’amendement de Mme Pittolat représente déjà un progrès. L’établissement d’un véritable diagnostic d’air intérieur imposerait de rechercher les sources de pollution, qui ne sont pas forcément liées au bâtiment mais aux conditions d’occupation, d’usage. À ce stade, avis défavorable.

M. Jean-Luc Fugit. Je retire l’amendement mais je vous propose de mener une expérimentation auprès des établissements qui reçoivent des publics sensibles à la pollution de l’air, en particulier les écoles ou les EHPAD. Un lien a en effet été démontré entre la pollution et la résistance d’un organisme face aux virus respiratoires, notamment la covid-19. Nous devons aller plus loin car le sujet est de taille. Il serait important de mettre en place des traceurs pour prendre la mesure de la réalité. Pensons à nos enfants et à nos anciens.

Mme Émilie Chalas. Il me semble, pour avoir été directrice générale au sein d’une mairie, que les diagnostics de qualité de l’air intérieur sont obligatoires dans les crèches et les écoles.

M. Jean-Luc Fugit. C’est une blague ! Ce n’est pas suffisant !

Mme Delphine Batho. Je l’avais rendu obligatoire mais mes successeurs l’ont supprimé.

L’amendement CS4320 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS3360.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS5176 et CS5177 du rapporteur.

Amendements identiques CS1892 de M. Thibault Bazin, CS3298 de M. François Pupponi et CS3505 de Mme Sylvia Pinel. 

M. François-Michel Lambert. L’objectif du renouvellement des DPE tous les dix ans, introduit par cet article, est de favoriser la programmation et la réalisation de travaux de rénovation énergétique du patrimoine existant en permettant aux propriétaires d’évaluer périodiquement la qualité thermique de leur patrimoine. Cet amendement a été travaillé avec l’Union sociale pour l’habitat.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le DPE collectif doit concerner le parc privé et le parc social, sans exception. Il permet en effet d’établir un diagnostic clair et indépendant. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’adoption de ces amendements conduirait à supprimer l’obligation d’établir un diagnostic tous les dix ans dans le parc social, ce qui ne serait pas compréhensible car le parc social doit, lui aussi, être rénové. Certes, les bailleurs sociaux programment des travaux mais il n’est pas inutile de leur imposer un diagnostic de performance énergétique tous les dix ans.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5178 du rapporteur.

En conséquence, les amendements identiques CS3992 de M. Philippe Chassaing, CS5228 de M. Thibault Bazin, CS5229 de M. François Pupponi et CS5230 de Mme Sylvia Pinel tombent.

Amendement CS5179 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. C’est un amendement de coordination juridique.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’adoption de cet amendement ferait tomber tous ceux qui suivent ; aussi leurs auteurs peuvent-ils prendre la parole, s’ils le souhaitent. Je ne suis pas tenue de vous le proposer, car ils ne sont pas en discussion commune mais si nous en avons le temps, je l’accepte bien volontiers, afin de préserver la sérénité de nos débats.

Mme Delphine Batho. Par l’amendement CS2877, nous voulions proposer de rendre obligatoire le diagnostic de performance énergétique dès le 1er janvier 2023 pour les bâtiments de logements collectifs au lieu de 2024. Il serait important, en effet, d’envoyer un signal clair pour changer le rythme de la rénovation.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Si nous retenions cette date, il ne resterait que six mois entre l’arrivée du nouveau DPE et l’entrée en vigueur de cette obligation. Restons-en à la date de 2024.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous avons besoin de temps pour généraliser le DPE et le rendre obligatoire dans les copropriétés. Le nombre de DPE sera très important puisque nous comptabilisons un million de ventes par an pour 8 000 professionnels, dont 2 000 certifiés. L’échéance de 2024 suffira pour envoyer un signal clair.

Mme Émilie Chalas. J’aurais voulu, par mon amendement CS2145, proposer au rapporteur de compléter le dossier de diagnostic technique annexé au cahier des charges lors de la vente d’un bien équipé d’un appareil de chauffage au bois, par un certificat de conformité de moins de trois ans de cet appareil aux normes d’installation et d’émissions fixées par le préfet dans le cadre du plan de protection de l’atmosphère. Ce serait une manière de sensibiliser les régions les plus polluées au problème des particules fines et du chauffage au bois. Nous sommes aujourd’hui huit et, si le projet de loi est adopté, nous serons trente-cinq.

Mme Delphine Batho. La possibilité qui nous est offerte de présenter nos amendements qui risquent de tomber participe à la sérénité des débats, sinon nous serions contraints de sous-amender l’amendement en question, ce qui ne nous ferait pas gagner de temps.

La commission adopte l’amendement CS5179.

En conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 11 à 26 tombent.

La commission adopte l’article 40 ainsi modifié.

Après l’article 40

Amendement CS3935 de M. Philippe Chassaing. 

M. Yannick Kerlogot. Les personnes morales qui réalisent des objectifs de performance énergétique les transmettent à l’ADEME qui les tient à la disposition des collectivités territoriales. L’amendement tend à élargir cet échange de données aux audits énergétiques, qui présentent l’avantage de préconiser les travaux pour atteindre les objectifs visés.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Les DPE sont déjà transmis à l’ADEME et le traitement qui en est fait suffit. En revanche, en raison de leur niveau de précision, la transmission des audits énergétiques ne présenterait aucun intérêt. Retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 41 (articles 17, 17-1, 17-2, 18, 25-3, 25-9 et 25-12 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986, article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) : Interdiction de la hausse des loyers des passoires énergétiques

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2337 de M. Fabien Di Filippo. 

Amendements CS5188 du rapporteur, CS4057 de M. Bruno Millienne et CS3402 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Cet amendement rédactionnel de clarification tend à faire directement référence aux classes du DPE.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’article 41, tel qu’il est rédigé, ne concerne que la consommation d’énergie des logements et laisse subsister la possibilité de donner en location, sans contrainte, des bâtiments dont les émissions de gaz à effet de serre sont excessives. L’interdiction doit permettre de parvenir, selon un échéancier à préciser par voie réglementaire, à un parc locatif libéré des bâtiments dont la classe de performance énergétique et climatique serait très peu performante ou extrêmement peu performante – classes F ou G.

Notre amendement CS4057est issu d’une proposition de l’association Équilibre des énergies.

M. Dominique Potier. L’amendement CS3402 vise au même objectif de réduire le nombre de passoires énergétiques.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’amendement CS4057 est satisfait par mon amendement et je vous invite à retirer l’amendement CS3402 par cohérence.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis favorable à l’amendement de clarification du rapporteur. Les deux autres sont satisfaits.

Les amendements CS4057 et CS3402 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CS5188.

Amendements CS4817 de Mme Sira Sylla et CS3403 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

M. Dominique Potier. Cet amendement, proposé par la Fondation Abbé Pierre, tend à plafonner le loyer des logements dont la performance énergétique est en classe F ou G, en dessous des prix du marché lors d’une nouvelle location, en prévoyant que le nouveau loyer ne peut excéder le dernier appliqué au précédent locataire, diminué de 10 %.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le projet de loi, en prévoyant de geler les loyers, ce qui est une première étape avant l’interdiction de louer ce type de bien, est équilibré. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable également : une baisse de 30 % ou même de 10 %, comme le proposent ces amendements, ne serait probablement pas conforme à la Constitution puisque ce serait une baisse forfaitaire qui s’appliquerait à des situations différentes. Nos propositions de gel des loyers pour ces biens immobiliers, puis d’interdiction à la location à travers le mécanisme de la décence, que l’on trouve à alinéa 5 de l’article 42, pour reprendre ma réponse à Mme Batho, me semblent être les bonnes.

M. Dominique Potier. Si vous prenez les amendements de suppression de la droite pour faire un point d’équilibre et la Constitution comme recours… C’est dommage, ces 10 % seraient l’accélérateur d’un processus qui se terminera par une interdiction.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Baisser les revenus locatifs des propriétaires à qui en même temps on demandera de faire des efforts pour financer la rénovation, c’est un peu contradictoire aussi. Outre qu’En marche est le juste équilibre, je dirais que votre amendement ne va pas dans le sens d’une rénovation globale et performante.

Mme Delphine Batho. Pour moi, madame la ministre déléguée, l’alinéa 5 de l’article 42 n’interdit rien : il se contente de dire ce qui est indécent. Nous y reviendrons.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4759 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Cet amendement plaide pour la ruralité. Quand on regarde attentivement la localisation des biens classés F et G dans le pays, on en trouve très peu dans les grandes villes, sur la Méditerranée, en Gironde, au pays basque, dans les zones touristiques. En revanche, leur part peut monter jusqu’à 40, voire 50 % dans les départements ruraux. En effet, les travaux y sont assez onéreux, puisque les superficies sont généralement plus importantes qu’en ville, et ne se retrouvent pas dans le prix de vente puisque le marché de l’immobilier y reste bien plus bas. Je ne voudrais pas que les obligations qui vont être imposées aux propriétaires bailleurs conduisent à un retrait du marché locatif de tous les biens dont le propriétaire n’aura pas les moyens de faire les travaux. Cet amendement propose donc que l’obligation de rénovation soit différenciée pour les biens loués dans les zones détendues, afin de prendre en compte cette spécificité rurale.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je salue l’engagement de Guillaume Kasbarian sur ces sujets, mais l’article 41 pose juste le principe de la non-augmentation des loyers : de ce point de vue, il n’y a pas beaucoup de différence entre les zones et je ne suis pas favorable à l’idée d’exclure une région mais pas une autre. En revanche, il est vrai que certains propriétaires bailleurs ne pourront pas faire face aux coûts de rénovation, qui seront parfois supérieurs à la valeur du bien. C’est une question qui exige une grande attention de notre part, que nous traiterons à l’article 42 et que nous avions déjà abordée pour la loi énergie climat. La réponse n’est pas d’exonérer, mais d’accompagner davantage, et encore plus dans les territoires qui en ont le plus besoin.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. C’est une question d’équité territoriale : du point de vue du locataire qui habite une passoire thermique, il n’y a pas de raison que le loyer puisse augmenter dans une zone détendue s’il ne le peut pas en zone tendue. Par ailleurs, dire qu’il n’y a plus d’augmentation de loyer possible est le premier message qui fera prendre conscience aux propriétaires qu’il faut faire des travaux. Ce qui nous amène aux moyens de les y aider : nous avons ouvert MaPrimeRénov’ aux propriétaires bailleurs cette année, et nous présenterons en séance des propositions d’amélioration de l’accompagnement et du financement du reste à charge. Mais pour moi il s’agit d’une politique nationale, et il me paraît compliqué de circonscrire les obligations aux zones tendues.

Mme Delphine Batho. Les ruraux aussi ont droit à l’efficacité énergétique et au blocage des loyers des logements indécents ! Oui, il y a besoin d’aide et d’accompagnement, d’investissement de la puissance publique, mais il serait franchement catastrophique d’acter un système à deux vitesses.

M. Vincent Descoeur. Notre collègue souligne à juste titre la spécificité des territoires ruraux, qui concentrent les passoires thermiques et connaissent des loyers ou des prix de l’immobilier bas. Sans réponse différenciée, qu’en tant qu’élu rural je serai prêt à appliquer, se pose très clairement la question du financement du reste à charge et de l’accompagnement des propriétaires modestes. On nous annonce une réponse pour la séance : je pense qu’il faudra aller jusqu’au bout, c’est-à-dire être sûrs qu’au lendemain du vote un propriétaire même modeste pourra engager les travaux, sans quoi nous manquerons la cible.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Dans les zones rurales, on cumule les charges : outre la charge énergétique liée au chauffage et au logement, il y a la charge énergétique liée aux déplacements, puisqu’on n’a généralement pas accès aux mobilités partagées ou collectives. Cela y accentue la précarité. Alors oui, il faut accompagner davantage les zones rurales, mais pas les priver de biens de meilleure qualité.

M. Dominique Potier. Je ne partage pas la philosophie de Guillaume Kasbarian, mais il a soulevé un sujet important. Les logements sont plus grands en zone détendue, et on connaît les situations dramatiques de précarité que vivent certains propriétaires occupants qui ont acheté un bien pas très cher et n’arrivent pas à le rénover. C’est une cause majeure de misère. Il faut des solutions, et pas seulement pour le reste à charge. On peut chercher du côté de la technologie du bâtiment, de l’inventivité en matière de conception. Sur les parcelles à bâtir, on sait aujourd’hui réorganiser une densification. De la même façon, à l’intérieur des gros bâtiments, des fermes anciennes, des surfaces à rénover, on doit réinventer des modes de logement plus économes. Au-delà des travaux que vous avez engagés, madame la ministre déléguée, sur les modèles économiques et sociaux de la rénovation, avez-vous lancé une série de recherches pour une économie de la rénovation énergétique en milieu rural et dans le gros bâtiment ?

M. Guillaume Kasbarian. Je comprends les difficultés que pose l’amendement en termes d’égalité, mais n’oublions pas que les territoires ruraux ont aussi besoin d’équité. C’est une vraie question d’aménagement du territoire qui est posée. Voyez cet amendement comme un plaidoyer pour un traitement différencié des zones rurales, un appel à ne pas oublier ceux qui n’ont pas les moyens de faire des travaux. Il faut faire très attention aux conséquences de ce que nous sommes en train de faire en milieu rural.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels ou de coordination juridique CS5182, CS5183, CS5184, CS5185 et CS5186 du rapporteur.

Amendements CS3404 et CS3405 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Dominique Potier. Ces amendements sont proposés par la Fondation Abbé Pierre. Ils prévoient, dans les zones d’encadrement des loyers, de fixer le loyer des logements classés F au loyer médian et celui des logements classés G au loyer de référence minoré. Ces logements F et G sont en effet des logements de très mauvaise qualité, ayant vocation à être qualifiés d’indécents. On sait combien ils sont dangereux pour la santé.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable, j’ai expliqué pourquoi précédemment.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En effet, il y a vraiment un problème de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a fini par valider l’encadrement des loyers, avec beaucoup de réserves, mais cet amendement n’est pas dans ce cadre et apparaît juridiquement comme une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle.

M. Dominique Potier. Si vous mettez tant en avant l’argument constitutionnel, madame la ministre, c’est peut-être que philosophiquement vous êtes intéressée par cette proposition de la Fondation Abbé Pierre ! Je vous invite à vérifier s’il n’y aurait pas une justification du point de vue de la protection de la santé qui pourrait s’opposer au droit de propriété et à la liberté contractuelle.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS5187 et CS5181 du rapporteur.

Amendements identiques CS694 de Mme Delphine Batho et CS919 de M. Paul-André Colombani.

Mme Delphine Batho. Ils proposent que le dispositif de l’article 41 s’applique dès l’entrée en vigueur de la loi, et non après un an, comme vous l’avez prévu, et même deux ans pour ce qui est de l’outre-mer. Je ne comprends pas pourquoi vous avez prévu ces délais.

M. François-Michel Lambert. Plus personne en France n’ignore que les détenteurs de ce type de logements vont devoir agir, et la loi est encore loin d’être promulguée. Pourquoi leur donner encore un an en plus, alors qu’il s’agit d’extraire des gens de la précarité énergétique ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur. J’ai déjà dit pourquoi le délai d’un an était justifié. Quant aux outre-mer, l’ensemble des bailleurs sociaux ainsi que le ministère des outre-mer nous ont dit que le diagnostic de performance énergétique (DPE) mettrait plus de temps à y devenir un outil fiable qu’en métropole, où il va s’appliquer à partir du 1er juillet. Il s’agit donc d’une demande des territoires d’outre-mer à laquelle il faut accéder.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Sur l’outremer, je confirme qu’on ne pourra pas avancer tant que le diagnostic de performance énergétique n’aura pas été fiabilisé. Les problématiques énergétiques ne sont pas du tout les mêmes qu’en métropole et il faudra un travail approfondi pour rendre le DPE opposable. Ce ne sera pas possible pour le 1er juillet. Quant à l’entrée en vigueur différée en métropole, l’idée est que les propriétaires puissent effectuer les travaux durant cette période, afin de pouvoir remettre leur bien en location pour de nouveaux baux – car pour les autres, les augmentations sont encadrées.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5180 du rapporteur.

Amendement CS4495 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Danièle Obono. De nouveau, nous souhaitons que l’approche globale soit privilégiée dans l’obligation de rénovation énergétique. C’était un souhait de la Convention citoyenne pour le climat, et ce n’est pas encore suffisamment le cas.

Douze millions de personnes sont encore en situation de précarité énergétique en France, et les prix de l’énergie sont amenés à augmenter. Acter un droit pour tous à un logement à la facture d’énergie abordable est donc essentiel. Ce chantier de la rénovation n’est pas seulement capital pour le climat, mais aussi pour l’économie, puisqu’il fait baisser la facture énergétique, pour l’emploi, avec des centaines de milliers de créations de postes non délocalisables, et pour faire reculer la pauvreté et améliorer la santé de la population – la France compte 3,8 millions de passoires thermiques, occupées par des ménages appartenant aux quatre premiers déciles de revenus.

Les 7,4 millions de logements classés F ou G doivent faire l’objet d’une rénovation globale. C’est pourquoi notre amendement oblige les propriétaires à effectuer la rénovation énergétique à partir de 2022.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Nous avons expliqué la trajectoire que nous défendions. Par ailleurs, imposer cette obligation pour le 1er janvier, dans huit mois, n’est tout bonnement pas possible d’un point de vue opérationnel. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous en avons déjà largement parlé : prévoir la date du 1er janvier 2022 pour tous les logements locatifs concernés, c’est impossible. Il y a 4,8 millions de passoires thermiques en France et non 7,4, mais c’est tout de même trop.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 41 ainsi modifié.

Après l’article 41

Amendement CS1820 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il vise à intégrer un critère de performance énergétique exprimé en kilowattheure d’énergie primaire par an dans les critères de définition d’un logement décent, et fixe des seuils et des dates d’application. Le but est de définir précisément les logements qui doivent être rénovés pour être loués et le niveau de performance à atteindre. Il ne s’agit pas de retirer du marché locatif des logements en cours de location, mais de développer progressivement la réalisation des travaux d’amélioration qui sont indispensables pour réduire la précarité énergétique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je souhaite moi aussi aller plus loin et peut-être inscrire des dates dans la loi, 2025 pour les logements classés G, 2028 pour les F et G et éventuellement E plus tard. Mais je préfère attendre, tout en étant désolé de renvoyer sans cesse à la mission Sichel, d’avoir une vue globale sur la politique d’accompagnement et les nouveaux outils de financement à mettre en œuvre pour décider de notre trajectoire jusqu’à 2050.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En termes de technique juridique, c’est l’alinéa 5 de l’article 42 qui fait le lien entre la définition d’un logement décent et des seuils de performance. Ces seuils sont ceux du diagnostic de performance énergétique, dont nous avons discuté, et s’expriment à la fois en consommation d’énergie et en émissions de gaz à effet de serre.

S’agissant de la trajectoire, l’alinéa 5 exclut des logements décents les étiquettes F et G au 1er janvier 2028. Comme l’a dit le rapporteur, on peut sans doute arriver d’ici à la séance à une trajectoire un peu plus échelonnée dans le temps, mais nous n’y sommes pas prêts maintenant. Par ailleurs, la rédaction de cet amendement n’est pas cohérente avec celle que vous avez adoptée concernant le DPE. Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Si j’ai bien compris, Mme la ministre laisse ouverte la possibilité de retravailler la rédaction pour être en cohérence avec ce que nous avons voté, dont nous n’avions pas connaissance au moment du dépôt de l’amendement, mais aussi de revoir l’échelonnement dans le temps. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4827 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Le parc social est globalement le plus vertueux du secteur résidentiel en termes de consommation énergétique, mais n’a pas encore épuisé les travaux à effectuer. Or les modifications du DPE vont requalifier en passoires un nombre non négligeable de logements. Cet amendement vise donc à augmenter les moyens à la disposition des bailleurs sociaux pour rénover énergétiquement leur parc, en introduisant la possibilité de réclamer une contribution solidaire au titre de l’amélioration thermique du parc social aux locataires aisés dont les revenus correspondent aux critères ouvrant droit à la perception d’un surloyer

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Cet amendement est déjà en partie satisfait par le droit en vigueur, avec les possibilités de droit commun d’augmentation des loyers en cas de travaux de réhabilitation, ainsi que la contribution pour partage d’économie de charges prévue à l’article L. 442-3 du code de la construction et de l’habitation. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le cas général est en effet réglé par l’article L. 442-3. Par ailleurs, les locataires assujettis à un supplément de loyer solidarité, ou surloyer, représentent de mémoire 3 % des locataires du parc social, ce qui est négligeable au vu de ce que les bailleurs devront investir dans la rénovation énergétique.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. S’il est satisfait, je retire l’amendement, mais j’aimerais que le rapporteur me communique par la suite l’argumentation technique.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3406 de Mme Chantal Jourdan.

M. Dominique Potier. On a entendu le rapporteur vanter la recherche du juste équilibre. Nous cherchons à faire levier sur des propriétaires de passoires énergétiques tout en évitant les effets d’aubaine. Le présent amendement vise à encadrer l’augmentation des loyers dans l’hypothèse où le propriétaire a bénéficié d’une aide publique représentant au moins 25 % de la valeur des travaux. Cela évite qu’il profite d’un double gain : d’une part un patrimoine valorisé, et d’autre part un loyer excessivement augmenté, pour récupérer en quelque sorte auprès du locataire les économies d’énergie réalisées.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Effectivement il faut veiller à ce que l’argent public dépensé pour aider aux travaux ne serve pas à augmenter les loyers de façon excessive. Mais l’expérimentation de l’encadrement des loyers lancée par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ÉLAN) doit selon moi être décorrélée de la rénovation énergétique des bâtiments. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que le signal envoyé aux propriétaires soit positif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 42 (articles 6 et 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Renforcement de la lutte contre les passoires énergétiques en intégrant à compter de 2028 les passoires énergétiques dans le dispositif « logement indécent »

Amendement de suppression CS485 de M. Pierre Vatin.

M. Pierre Vatin. Cet article est superfétatoire, car la législation en vigueur permet déjà à la ministre de fixer des seuils de performance thermique des logements.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. Je détaillerai tout à l’heure la stratégie posée dans cet article 42, qui exclut des logements décents les logements classés F et G, et expliquerai, pour répondre à l’observation de Mme Batho, pourquoi le droit tel qu’il sera après le vote du présent projet de loi interdira bien les passoires thermiques.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je voudrais préciser l’esprit général de cet article. L’article 6 de la loi de 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs est la première base légale de la notion de logement décent ou indécent. Cette loi a été précisée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) en 2000. Le premier décret sur la décence n’est sorti qu’en 2002, et a été progressivement amélioré.

L’article 42 indique qu’à partir de 2028, on ne pourra pas considérer comme décent un logement étiqueté F ou G, autrement dit une passoire thermique. Cela aurait pu être fait par la voie réglementaire, mais, alors, les gouvernements successifs pourraient faire varier à leur gré les seuils de la décence. Passer par la loi fait une réelle différence : le pouvoir réglementaire ne pourra pas revenir en-dessous des logements F et G. En ce sens, ce texte a une valeur normative. Avis défavorable

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3407 de Mme Chantal Jourdan.

M. Dominique Potier. Comme le groupe Socialistes l’avait déjà proposé dans sa proposition de loi pour la création d’une prime climat et la lutte contre la précarité énergétique, cet amendement vise à interdire la première mise en location ou le renouvellement de bail des logements à consommation d’énergie excessive à compter du 1er janvier 2030, soit dans neuf ans – je rappelle que nous sommes dans la décennie capitale pour atteindre les objectifs de développement durable. Cette mesure est assortie d’une amende administrative dissuasive de 100 euros par jour de retard. Cette police de l’habitat, cette borne, bien plus que les perspectives de non-augmentation des loyers et que tous les signaux auxquels le rapporteur est très attentif, permettra d’enclencher un véritable plan de rénovation. Je m’interroge à ce propos sur la sociologie et le profil des propriétaires concernés.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Votre dernier point, sur la sociologie des propriétaires, s’inscrit dans la réflexion que nous devons mener sur l’accompagnement. La mission de M. Olivier Sichel – je devrais verser un euro chaque fois que je prononce son nom – va nous y aider. Comme le suggère Guillaume Kasbarian, il faut identifier les propriétaires bailleurs qui ont besoin d’être accompagnés.

Votre amendement est moins ambitieux que le projet de loi. Celui-ci vise à incorporer les logements aux étiquettes F et G à la catégorie des logements indécents, codifiée dans l’article L. 173-2 du code de la construction et de l’habitation. Vous proposez d’appliquer cette mesure en 2030, nous voulons le faire dès 2028. Le décret sur la décence permet d’interdire la location de ces logements, ce qui répond à votre souhait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Nous souhaitons atteindre le même objectif : interdire la location des passoires thermiques, soit les catégories F ou G à la fin de la décennie. Nous fixons l’échéance au 1er janvier 2028, votre amendement propose le 1er janvier 2030. Vous n’utilisez pas le même mécanisme juridique, mais nous aboutissons au même résultat, et notre disposition s’applique deux ans plus tôt. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. Que la définition de la décence d’un logement tienne compte du caractère de passoire thermique me convient parfaitement, mais il est difficile d’examiner des articles portant sur des interdictions sans avoir réglé préalablement la question du financement.

M. Dominique Potier. Je maintiens mon amendement car l’avis du Conseil d’État jette un trouble sur l’effectivité de votre solution. Prévoyez-vous une sanction administrative ? Je suis convaincu que nous partageons le même objectif, mes réserves portent sur l’effectivité des mesures proposées.

Guillaume Kasbarian m’a fait réfléchir à la sociologie des propriétaires – au sein de cette commission nous pouvons échanger sans partager les mêmes idées. Dans tous les territoires, on trouve des propriétaires qui ont hérité un bien qui n’a pas une grande valeur, qu’ils louent bon an, mal an, alors qu’ils vivent ailleurs, parfois dans des conditions tout aussi précaires. Ils sont incapables de procéder à sa rénovation, et cela crée des chaînes de pauvreté, qu’il faut rompre. Nous sommes loin de la stratégie d’un marchand de sommeil ou d’un multipropriétaire spéculateur : il s’agit de pauvres qui louent à des pauvres. Il faut donc prévoir des mécanismes d’accompagnement puissants, pas uniquement des sanctions.

Votre « super rapporteur », M. Sichel, doit absolument prendre en compte la typologie, la sociologie et le niveau économique des propriétaires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’avis du Conseil d’État ne porte pas sur l’effectivité de la loi, mais sur les éléments qui doivent faire l’objet d’une codification dans la loi et ceux qui relèvent du domaine réglementaire.

Je comprends que la rédaction puisse prêter à confusion, car c’est l’article 6 de la loi de 1989 qui créé la notion de logement décent, et l’article 22 de la loi énergie climat, codifié dans l’article L. 173-2 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit le principe général d’interdiction des passoires thermiques. Dans cet article 42, nous nous appuyons sur le principe d’indécence prévu dans la loi de 1989.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous ne sommes pas dans le domaine de la sanction administrative, mais judiciaire. Le locataire doit mettre en demeure le propriétaire ; si ce dernier refuse de procéder aux améliorations requises, une commission de conciliation est saisie, et en cas d’échec, il faut saisir le tribunal qui pourra contraindre le propriétaire à faire des travaux. Il faut recourir au juge judiciaire, et les commissions de conciliation jouent un rôle important.

La commission rejette l’amendement.

Amendement rédactionnel CS5189 de M. Mickaël Nogal, rapporteur.

Mme Delphine Batho. Selon moi, il ne s’agit pas d’un amendement rédactionnel. Il supprime la référence à l’article L. 173-1-1 du code. L’article ainsi modifié ne renvoie plus à la définition précise.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je vous assure que cette disposition est purement rédactionnelle, je tiens les détails à votre disposition.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS699 de Mme Delphine Batho et CS4498 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Les propos de la ministre établissent clairement que ce projet de loi n’interdit pas de louer les logements indécents. Ils pourront être mis à la location, le locataire devra payer le loyer, mais il aura le droit de se plaindre et de se tourner vers un juge. Je rappelle que le nombre de procédures de cette nature est faible au regard du nombre de logements indécents.

Nos amendements prévoient clairement d’interdire la mise en location des logements indécents. Définir un logement indécent ne signifie pas en interdire la location.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons également que la location des passoires thermiques soit interdite à partir de 2028, conformément à la demande de la Convention citoyenne sur le climat. L’article 42 n’est pas efficace de notre point de vue, car il ne prévoit pas d’interdiction directe, ni de sanction pour les loueurs qui transgresseraient cette règle. Les logements aux étiquettes F et G ne seraient plus considérés comme décents en 2028, mais les logements pourraient rester en location, sans obligation de rénovation thermique. Les locataires, souvent précaires, auraient alors la charge de faire valoir leurs droits et de poursuivre les propriétaires.

Le décret du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent met à mal la notion de passoire thermique. Nous proposons, conformément aux préconisations du réseau pour la transition énergétique, de fixer une réelle interdiction.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. J’ai l’impression de ne pas avoir été compris, je pensais que ma réponse à M. Potier avait levé les incertitudes.

L’article 6 de la loi de 1989 interdit aux propriétaires bailleurs de mettre en location des logements indécents. En assimilant les logements des catégories F et G à des logements indécents, de fait, nous en interdisons la location.

Les procédures évoquées par la ministre déléguée sont des recours supplémentaires qui s’offrent aux locataires : la loi interdit la location de logements indécents, mais en plus, le locataire a la possibilité de se retourner contre son propriétaire. Par l’effet combiné de l’article 6 de la loi de 1989 et de l’article L. 173-2 du code de la construction et de l’habitation, issu de l’article 22 de la loi énergie climat, nous instaurons l’interdiction formelle de louer des passoires énergétiques.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La loi de 1989 prévoit : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent (…) », ce qui signifie qu’il n’a pas le droit de louer un logement indécent. Ce sont les droits réels qui m’intéressent, pas les droits formels. Ces dispositions ont des conséquences. Une procédure permet au locataire de solliciter le propriétaire, puis de saisir les commissions de concertation et le juge. Le loyer peut être mis sous séquestre, ainsi que l’APL, afin de forcer le propriétaire à réaliser les travaux.

Le mécanisme que nous proposons pose une interdiction aussi claire que le vôtre, mais tandis que vous ne précisez pas du tout les conséquences de l’interdiction que vous prévoyez, nous cherchons à instaurer une interdiction opérationnelle et efficace. D’ailleurs, il y a moins de logements de neuf mètres carrés proposés à la location depuis l’instauration de ce mécanisme de décence. De plus, les agents immobiliers sont tenus de respecter l’obligation faite au propriétaire de louer un logement décent. Notre mécanisme s’appliquera, et il prévoit une vraie interdiction des passoires thermiques à compter de 2028.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Une note de jurisprudence de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) datée de 2016 indique que peu de recours sont faits par les locataires sur le fondement de la non-décence du logement. Le plus souvent, les locataires tentent de se faire eux-mêmes justice en interrompant le paiement du loyer, et la plupart du temps, les jugements ne leur sont pas favorables.

Dans ce cas particulier, l’indécence est établie sur des données chiffrées qui figurent dans le diagnostic énergétique, ce qui garantit l’impossibilité de mettre le logement en location.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En tout cas, les agences immobilières ne pourront plus publier d’annonces de location si les étiquettes sont F ou G, leur responsabilité professionnelle serait engagée.

Sur le marché de particulier à particulier, l’État a moins de prise. La loi protégeant les plus faibles, ceux-ci ont des droits, encore faut-il qu’ils les fassent valoir. Il en va de même pour le non-recours aux prestations auxquelles les allocataires ont droit. Il faut donc mieux faire connaître ces mécanismes, faire monter en puissance le travail réalisé par l’ANIL et les ADIL, les espaces info énergie et les points Faire. Les caisses d’allocations familiales doivent également mieux informer. Beaucoup de droits au bénéfice des personnes les plus fragiles ne sont pas toujours exercés.

Le DPE deviendra opposable au 1er juillet 2021, donc il n’y aura plus de DPE vierges. Les diagnostics seront systématiques et engageront la responsabilité des diagnostiqueurs et des propriétaires.

Mme Delphine Batho. « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent » ne veut pas dire que le bailleur n’a pas le droit de louer un logement indécent, car le contrat de location n’est pas nul. Dans le droit de la consommation, dans beaucoup de situations, un comportement interdit entraîne la nullité du contrat, et le locataire n’est pas tenu de payer les loyers.

Le mécanisme que vous décrivez repose en effet sur la notion de logement décent, et on ne peut pas dire que ces dispositions aient éradiqué les logements indécents en France. Ces dispositions sont insuffisantes et renvoient le locataire à un mécanisme compliqué.

Vous avez raison à propos des agences immobilières, mais beaucoup de locations ne passent pas par les agences, en particulier celles qui portent sur des logements indécents. L’interdiction de la location sera claire de votre point de vue, mais elle imposera de recourir à un avocat, de saisir un tribunal. Or nous savons très bien que très peu de procédures sont intentées chaque année, et très peu de décisions sont rendues.

Mme Danièle Obono. Je ne suis pas spécialiste, mais j’ai entendu les explications et je maintiens que ce qui est proposé n’est pas suffisant. Le dispositif fait reposer l’ensemble des démarches sur les locataires, qui sont ceux qui ont le moins de capital juridique et le moins de moyens de faire valoir leurs droits. On sait que ces dispositifs, y compris le droit opposable au logement, sont malheureusement très peu utilisés et qu’ils ne garantissent pas l’effectivité des droits. Nous pensons, comme les spécialistes de la question, qu’il faut éclaircir ce point.

M. Dominique Potier. Madame la ministre, vous êtes plus favorable aux droits réels qu’aux droits formels – nous aussi. Une de nos propositions, sur laquelle j’aimerais recueillir votre avis, serait de permettre au maire de prendre un arrêté de péril sanitaire et énergétique, sur le modèle de l’arrêté de péril. Le doter de ce pouvoir paraît cohérent avec les compétences des collectivités en matière d’opérations programmées de l’habitat, d’amélioration de l’habitat ou d’attribution des aides à la pierre. Cette arme de dissuasion renforcerait les droits réels.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. M. Potier anticipe un amendement après l’article 42 qui permettrait aux maires de prendre un arrêté de précarité énergétique. On ne peut mettre sur le même niveau juridique des passoires énergétiques qui nécessitent des travaux de rénovation et des immeubles en péril, lorsque le danger est imminent.

Nous sommes tous d’accord sur un point : si la DGCCRF contrôle les professionnels de l’immobilier et les administrateurs de biens qui gèrent le parc intermédiaire, il est plus difficile de contrôler le parc privé géré par les particuliers, qu’il s’agisse de décence des logements ou de toute autre règle régissant les rapports locatifs et les baux d’habitation. Or c’est là que les logements indécents sont les plus nombreux. Nous pourrions travailler, de façon transpartisane, à renforcer l’information ainsi que les capacités de contrôle et de sanction.

Mme Emmanuelle Wagon, ministre déléguée. D’abord, il faut savoir qu’on ne laisse pas les locataires seuls : les associations à vocation sociale peuvent se substituer aux locataires pour attaquer ; les caisses d’allocations familiales peuvent s’autosaisir. En outre, la puissance publique – le maire, par exemple – peut entamer les démarches et identifier les propriétaires des logements déjà loués qui apparaissent dans les bases comme classés F à G.

Je ne suis pas sûre que prévoir la nullité du bail au cas où un logement serait considéré comme indécent soit de nature à protéger les locataires : ils pourraient se retrouver dehors du jour au lendemain, sans solution de relogement. Mon objectif est qu’ils puissent au contraire obtenir de leur propriétaire qu’il effectue les travaux.

Enfin, le permis de louer est un mécanisme qui pourrait permettre aux maires de reprendre la main, surtout dans les quartiers où les passoires thermiques sont nombreuses : il s’agirait d’intégrer le DPE dans les pièces justificatives.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS696 de Mme Delphine Batho, CS3017 de Mme Fiona Lazaar, CS4829 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et CS4896 de M. Buon Tan.

Mme Delphine Batho. Je remercie le rapporteur et la ministre pour leurs réponses. Il a été dit à plusieurs reprises qu’il sera interdit de louer les logements indécents, mais on sait que les choses seront plus compliquées dans la pratique, notamment dans le parc privé. J’entends les arguments sur la nullité du bail, mais il faut un mécanisme opérationnel qui ne contraigne pas les locataires à effectuer des démarches compliquées. Nous verrons d’ici à la séance s’il y a des évolutions.

Cet amendement vise à prévoir que les logements classés F à G seront considérés comme indécents à compter à compter du 1er janvier 2025, et non du 1er janvier 2028.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5190 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3912 de M. Dimitri Houbron.

Elle adopte l’amendement CS5191 du rapporteur.

Amendement CS4058 de Mme Aude Luquet.

Mme Florence Lasserre. Face à l’explosion des prix de l’immobilier et des loyers, de nombreux ménages peinent à se loger convenablement. Le logement social est alors pour eux une chance, sauf lorsqu’il s’agit d’une passoire thermique. Compte tenu de la précarité des locataires, les logements sociaux doivent être considérés comme prioritaires dans la politique de rénovation énergétique ; ils ne devraient pas être loués ou reloués avant d’être mis aux normes. Il convient donc d’interdire la location de passoires thermiques dans le parc social à compter du 1er janvier 2025.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Permettez-moi de rappeler le calendrier prévu : les logements dont le seuil dépasse 450 kilowattheures par mètre carré et par an seront considérés comme indécents à compter du 1er janvier 2023. Puis à compter du 1er janvier 2028, les logements classés F à G seront considérés comme indécents. Je comprends votre impatience et je ne suis pas opposé à ce que l’on puisse introduire une étape supplémentaire en prévoyant, par exemple, que les logements classés G seront considérés comme indécents dès 2025 – j’y travaille pour la séance. Pour l’heure, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wagon, ministre déléguée. Même avis. En séance, il pourrait être proposé que la classe G soit considérée comme indécente dès 2025, puis la classe F en 2028.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2267 de Mme Sylvia Pinel.

Amendement CS3234 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. On ne peut que partager l’objectif de cet article, l’éradication des passoires thermiques. Il serait néanmoins souhaitable que le Gouvernement réalise une étude d’impact afin d’évaluer le nombre de logements susceptibles de sortir du parc locatif parce que leurs propriétaires n’auraient pas la possibilité financière de faire réaliser les travaux nécessaires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je tiens à saluer votre inventivité qui consiste à ne pas proposer un rapport, mais une étude d’impact ! Vous soulignez ainsi la nécessité de prévoir les outils financiers d’accompagnement – c’est précisément l’un des objets de la mission Sichel.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il faudrait s’assurer que les propriétaires qui souhaitent retirer leur bien du parc locatif connaissent pourtant les aides auxquelles ils ont droit pour effectuer la rénovation thermique.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 42 ainsi modifié.

4.   Réunion du lundi 15 mars 2021 à 10 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous avons examiné 2 145 amendements, au rythme de 36 amendements par heure ; il en reste environ 1 700.

Après l’article 42

Amendements CS4799 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et CS1880 de M. François-Michel Lambert (discussion commune).

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il s’agit de reverser au débat une proposition dont nous avions discuté au moment de la loi Énergie climat : le mécanisme de consignation à la vente, par lequel 5 % du prix de vente seraient consignés chez le notaire et que l’acheteur pourrait débloquer en vue de réaliser les travaux. Il présente l’avantage d’être à la fois souple et suffisamment contraignant pour que les travaux se fassent.

M. François-Michel Lambert. L’amendement porte également sur le séquestre, sous une rédaction différente. De même que nous avons créé des obligations ou des interdictions de location de passoires thermiques, il s’agit ici de créer une dynamique positive afin de permettre la réalisation des travaux nécessaires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour les chapitres Ier et II du titre IV. Avis défavorable. Ces amendements vont trop loin au regard du droit de propriété. Sur ce point, nous évoluons sur un fil : l’interdiction de mise en location est une chose, mais créer une obligation de rénovation pourrait soulever une question de constitutionnalité. Je suis convaincu que cette idée de séquestre serait jugée inconstitutionnelle.

J’y vois, en outre, un vrai risque de sortie de logements du marché, alors que, jusqu’à présent, nous sommes parvenus à maintenir un équilibre entre incitation et coercition.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Avis également défavorable, car le séquestre me paraît trop contraignant. Alors que la position du Gouvernement est de bien différencier les propriétaires bailleurs des propriétaires occupants, une telle obligation pèserait sur l’ensemble de ceux-ci, y compris s’agissant de biens n’ayant pas vocation à être mis en location. Elle pourrait également bloquer une partie des transactions et donc le parcours résidentiel.

M. François-Michel Lambert. L’argument de l’inconstitutionnalité étant à géométrie variable, serait-il possible d’arrêter d’en user dans le reste de nos débats ?

Sur le fond, nous parlons de 5 %, soit 5 000 euros sur 100 000 euros. Notre objectif premier est de lutter contre l’impact du réchauffement climatique : il faut avancer, quitte à adopter une certaine forme de coercition.

M. Loïc Prud’homme. Nous sommes sur un registre connu : M. le rapporteur estime trop forte une contrainte qu’il faut concilier avec l’atteinte des objectifs climatiques qui sont aujourd’hui un impératif indépassable. Souhaitez-vous ou non les atteindre ?

Une fois de plus, vous vous en remettez à la main invisible du marché pour régler le problème mais, plutôt que de bloquer les ventes, on peut tout aussi bien supposer qu’un tel séquestre aurait pour effet d’inciter les personnes projetant de vendre un bien à réaliser des travaux par anticipation pour l’éviter. Et cela accélérerait les rénovations de logements.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il me semble que ce mécanisme a été proposé, dans un rapport commun, par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’inspection générale des finances. Je ne pense pas que cela aurait été le cas s’il n’avait pas semblé solide et susceptible d’être mis en œuvre.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3408 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Les mécanismes comme le permis de louer permettent déjà d’atteindre un objectif de lutte contre la précarité énergétique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 42 bis (nouveau) (article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Possibilité pour le locataire d’effectuer des travaux de rénovation énergétique

Amendements identiques CS189 de M. Vincent Descoeur et CS4826 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

M. Vincent Descoeur. Près de quatre ménages sur dix résident dans des biens en location dont la rénovation dépend seulement de la volonté du bailleur, le locataire n’ayant pas le droit de réaliser des travaux importants sans une autorisation explicite. Cet amendement ambitieux, s’inspirant des possibilités existantes pour les travaux d’accessibilité ou d’autonomie, tend à simplifier la réalisation, sous certaines conditions, de travaux d’économie d’énergie dans ces logements par les locataires.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Alors qu’ils subissent les charges énergétiques, les locataires doivent demander l’autorisation du propriétaire pour faire des travaux d’économie d’énergie. Il s’agit, pour éviter qu’ils ne soient coincés en cas de refus, de le leur permettre, sur le modèle de l’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. À la première lecture des amendements, cela m’a semblé une bonne idée, notamment pour les locataires restant très longtemps dans le même logement. Puis je me suis demandé si cette possibilité ne se retournerait pas finalement contre eux, le propriétaire pouvant y voir une occasion de se décharger de sa responsabilité en la matière. J’émets donc un avis de sagesse et reste disponible pour en rediscuter afin de mieux encadrer cette louable intention.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis un tout petit peu plus allante que M. le rapporteur. Ce mécanisme, qui marche pour l’adaptation au handicap, pourrait fonctionner également pour la rénovation énergétique, sachant qu’il y a des garde‑fous. Avis favorable à ces amendements issus de la mission d’information.

La commission adopte les amendements.

Article 43 (articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de l’énergie) : Extension des missions attribuées au service public de la performance énergétique de l’habitat et déploiement d’un réseau harmonisé de guichets

La commission adopte l’amendement de coordination CS5192 du rapporteur.

Amendement CS4059 de M. Bruno Millienne.

Mme Florence Lasserre. Il s’agit d’affirmer que l’objet du service public ne se limite pas à l’amélioration de la performance énergétique mais inclut également celle de la performance climatique, toutes deux devant désormais former les composantes de la performance des bâtiments.

L’amendement est issu d’une proposition de l’association Équilibre des énergies.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) à double seuil, intégrant à la fois la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre (GES), répond à l’intention. En revanche, la « rénovation climatique » ne me paraît pas être une expression adéquate. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet amendement est très largement satisfait puisque la définition de la rénovation performante est liée au DPE avec ses deux critères, la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendements CS2714 de Mme Patricia Lemoine, CS3409 et CS3410 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Antoine Herth. Selon l’Assemblée des communautés de France (ADCF), qui est à l’origine de cet amendement, le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) peut contribuer à encourager l’ambition des projets de rénovation énergétique des ménages en leur fournissant un accompagnement technique et financier et en les mettant en relation avec des professionnels.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CS2714 et demande de retrait pour les autres.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis également favorable à l’amendement CS2714, qui permet de gagner en cohérence puisqu’après avoir défini la rénovation performante, on affirme que le service public a vocation à l’encourager. Demande de retrait pour les autres amendements.

La commission adopte l’amendement CS2714.

En conséquence, les amendements CS3409 et CS3410 tombent.

Amendement CS4801 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il s’agit de fixer une date de fin au déploiement du SPPEH, qui a démarré en 2013 et n’est pas encore terminé, certains territoires n’étant pas ou étant peu couverts à ce stade. À cette date, il devra être parfaitement opérationnel.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. Inscrire dans la loi la date du 1er janvier 2023 constituerait un recul dans la mesure où le déploiement devrait déjà être achevé – il l’est à 97 %. La question est plutôt d’inciter à l’accélérer dans les territoires encore non couverts.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Il n’est pas besoin de légiférer sur ce sujet. Je m’emploie, depuis un an et demi, à faire en sorte que ce déploiement soit complet, à travers un programme de partenariat avec les régions, les départements et les établissements de coopération intercommunale (EPCI), dénommé SARE (service d’accompagnement à la rénovation énergétique), qui finance le SPPEH. Avec 97 % du territoire couverts du point de vue de l’information, le déploiement est quasi complet, et la couverture en accompagnement croît très vite. Il serait donc décalé de voter un objectif en 2023 alors que j’espère bien voir le dispositif totalement monté en charge d’ici à la fin de 2021.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je serais ravie que vous sous-amendiez mon amendement avec une date plus proche.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2704 de Mme Patricia Lemoine.

M. Antoine Herth. Voilà encore un amendement issu de l’ADCF. Au fil de la progression de la réflexion sur la rénovation thermique, diverses structures se sont mises en place dans les territoires sans se conformer à un modèle unique. Il s’agit d’en confier la coordination aux EPCI afin d’offrir aux ménages un accompagnement fluide sur tous les territoires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’amendement vise à faire des EPCI le niveau obligatoire de déploiement des guichets : j’y suis défavorable. Le projet de loi prévoit qu’ils soient mis en place prioritairement à cette échelle, sans en faire une obligation. Il est bon de maintenir cette liberté pour l’ensemble des collectivités et des territoires, qui connaissent le niveau le plus pertinent pour eux.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Si l’EPCI représente le niveau prioritaire et de référence, de nombreux territoires sont en partie couverts par d’autres acteurs. Dans l’Aube, par exemple, seule l’agglomération de Troyes est couverte par l’EPCI, le guichet pour le reste du département étant piloté directement par le conseil départemental, à la satisfaction générale. Imposer systématiquement l’EPCI va à l’encontre de la capacité à couvrir de façon équilibrée tout le territoire.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CS3945 de M. Alexandre Holroyd.

Amendement CS3133 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Chaque EPCI rayonnant sur un bassin de vie de 50 000 habitants doit disposer, au 31 décembre 2022, d’au moins un guichet d’accompagnement de la rénovation énergétique de façon à déployer un réseau de proximité en ligne avec les objectifs d’accélération de la rénovation énergétique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. La mise en œuvre de ce service public doit conserver une certaine souplesse, ce qui exclut d’en déterminer le nombre précis de guichets ou l’échelle à laquelle ils sont déployés. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. En dehors de la métropole du Grand Paris (MGP), il faut laisser libre l’organisation territoriale, tout en accordant la priorité à l’EPCI. La MGP a signé le protocole SARE de développement des guichets. Elle est organisée autour de huit espaces FAIRE (faciliter, accompagner, informer pour la rénovation énergétique) qui rayonnent sur la MGP. L’important est le dimensionnement des guichets en nombre de conseillers, pas forcément le nombre d’espaces FAIRE liés aux établissements publics territoriaux (EPT).

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1682 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. L’amendement tend, à la demande de l’Association des petites villes de France (APVF), à supprimer l’alinéa 5 afin de laisser une certaine souplesse dans la mise en œuvre des guichets.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il est satisfait : l’adverbe prioritairement n’a pas un caractère d’obligation. Tous les territoires peuvent s’organiser comme ils l’entendent, et il appartient aux élus locaux de déterminer la granularité la plus pertinente.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. L’amendement va à l’encontre de notre volonté de ne pas systématiquement mettre en œuvre les guichets à l’échelle des EPCI, mais d’en faire la maille prioritaire. Il me semble que l’alinéa 5 est équilibré.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4060 de Mme Florence Lasserre.

Mme Florence Lasserre. Dans l’attente des conclusions du rapport commandé à M. Sichel, l’amendement vise à inscrire dans la loi que le SPPEH est obligatoirement intégré au sein des maisons France Services, dès lors qu’il en existe une au sein de l’EPCI.

Cette solution s’inscrit dans le droit-fil des conclusions du récent rapport d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, qui préconise de démultiplier les accueils physiques pour toucher un public le plus large possible.

En outre, l’intégration du SPPEH au sein des maisons France Services permettrait d’étendre le champ des services et des informations que celles-ci proposent.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je souhaite également que le lien soit fait entre les maisons France Services et le déploiement du SPPEH, en sachant tout de même qu’elles n’ont pas forcément vocation à l’accueillir en leur sein. En revanche, elles pourraient assurer la mise en relation entre les citoyens et celui-ci.

Je vous propose de retirer votre amendement au profit de l’amendement CS4725 de notre collègue Fannette Charvier, dont la rédaction me paraît plus adéquate.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis d’accord avec la philosophie de l’amendement visant à rapprocher les guichets de la rénovation énergétique des maisons France Services ou de services au public, en trouvant la bonne articulation pour fournir l’information de premier niveau dont on a besoin. 

Tel qu’il est rédigé, l’amendement propose une sorte de fusion, qui obligerait les nombreux espaces Info Énergie (EIE) qui sont déjà implantés ailleurs et fonctionnent tout à fait efficacement à déménager dans les maisons France Services, ce qui, je pense, n’est pas le but. En revanche, on a besoin de permanences telles qu’en assurent les espaces Info Énergie d’une commune à une autre, à l’échelle d’un EPCI.

L’amendement CS4725 permettant d’atteindre le même objectif avec une rédaction plus ouverte, je vous demande de vous y rallier et de retirer votre amendement.

M. Jimmy Pahun. Le président de l’Agence locale de l’énergie et du climat de Bretagne Sud (ALOEN) de Lorient m’a envoyé un SMS m’indiquant que les techniciens conseils sont totalement débordés par l’afflux des dossiers. Il est vraiment important de disposer d’un guichet pour accueillir facilement tout le monde.

M. Vincent Descoeur. L’un de mes amendements, le CS1313, qui se trouve un peu plus loin, dit exactement la même chose. Cette proposition découle d’une certaine logique et est cohérente par rapport aux objectifs affichés par l’État. S’agissant d’une priorité nationale, il faut lui donner de la visibilité. Si l’on veut massifier la rénovation, un guichet de premier recours s’avère nécessaire.

M. Loïc Prud’homme. Je suis d’accord sur la nécessité de simplifier au maximum les démarches : quelle que soit la porte que l’on pousse, il faut pouvoir trouver le conseil pertinent et les soutiens financiers. Dans les maisons France Services, il faudra du personnel qualifié pour donner des conseils et monter les dossiers. Madame la ministre, le projet de loi de finances à venir prévoira-t-il des recrutements à la hauteur des objectifs que nous fixons en matière de rénovation thermique des bâtiments ?

Mme Florence Lasserre. Il est important que les maisons France Services assurent ce premier niveau d’information et orientent correctement, et que cela se sache.

L’amendement est retiré.

Amendement CS999 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise, à l’alinéa 5, à supprimer le mot : « prioritairement » et à fixer un délai afin de garantir que le déploiement soit effectif.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Défavorable. Je le répète, le mot : « prioritairement » n’empêche rien.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Si on le supprime, cela signifie que les guichets ne seront mis en œuvre qu’à l’échelle des EPCI. Or il me semble que nous venons de discuter d’un autre de vos amendements qui disait exactement le contraire : nous avons donc atteint le point d’équilibre.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4061 de M. Bruno Millienne.

Mme Florence Lasserre. Cet amendement tend également à remplacer « prioritairement » par « obligatoirement ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS4725 de Mme Fannette Charvier et sous-amendement CS5417 du rapporteur.

Mme Marie Lebec. Cet amendement du groupe La République en Marche vise à favoriser l’intégration du service public de la performance énergétique de l’habitat aux maisons de services au public. Dans la continuité de la labellisation des maisons France Services, il paraît souhaitable que ce service public puisse, lui aussi, être incorporé au guichet unique, afin d’en améliorer la visibilité.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Allant dans le sens de Mme Lasserre, je souhaite que les maisons France Services soient désormais considérées comme le premier relais. Mon sous-amendement donnera toute leur place aux maisons France Services dans le déploiement du SPPEH.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avoir suffisamment de points de contact en France où trouver des conseillers formés, capables d’apporter à la fois une information sur les travaux et un accompagnement, cela en lien avec les maisons France Services, sont deux préoccupations que je partage.

Depuis deux ans, nous nous attachons à pouvoir disposer d’un nombre suffisant de conseillers. Nous sommes ainsi passés d’un cofinancement des espaces Info Énergie, gérés par l’Agence de la transition écologique (ADEME), au programme SARE, qui repose sur les certificats d’économies d’énergie (CEE). Alors que l’ADEME cofinançait les guichets à hauteur de 20 millions d’euros par an, le programme SARE représente 200 millions sur trois ans : on a donc multiplié par trois les financements de l’État fléchés vers les guichets de la rénovation énergétique. Et quand l’État met de l’argent, que ce soit à travers l’ADEME ou des certificats d’économies d’énergie, les régions et les collectivités qui accueillent ces guichets – les EPCI et les départements, par exemple – le font également. Résultat, en un an, on est passé de 750 à 1 000 conseillers.

Ce programme permet donc de répondre à l’interpellation bretonne de M. Pahun et d’accroître le nombre de conseillers. Autrefois, il était très difficile d’augmenter le nombre d’équivalents temps plein (ETP) ; désormais, si la demande explose, on peut recruter – c’est le principe même du programme. À ma demande, les préfets, avec les présidents de région, réuniront dans les semaines qui viennent des comités de pilotage régionaux pour bien expliciter cette possibilité de montée en charge. Le nouveau système est beaucoup plus souple et favorisera les recrutements.

Dans cette organisation, les maisons France Services doivent être des relais de premier niveau, d’information sur les aides existantes et les moyens d’y accéder, et d’orientation vers les espaces Info Énergie et les points conseils. Il est donc indispensable qu’elles accueillent des permanences. Le guichet pourra se trouver physiquement dans la maison France Services ou ailleurs, s’il lui préexiste, mais il faudra instaurer une liaison avec elle.

Je suis donc favorable à l’amendement CS4725, tel que le rapporteur propose de le sous-amender, car il garantit cette liaison. On a à la fois un réseau de fond de bonne qualité, qui monte en puissance et en nombre de conseillers, et une meilleure articulation avec les maisons France Services.

Mme Delphine Batho. L’aspect quantitatif est important, mais il ne faut pas oublier le qualitatif. Je ne vois pas d’inconvénient à ce que les guichets s’installent dans les maisons France Services, mais il ne faudrait pas que les agents de ces dernières se transforment en conseillers de rénovation énergétique – j’espère que ce n’est pas l’esprit de cet amendement. Ne confondons pas les points contact et les vrais conseils sur la stratégie à adopter pour mener des travaux de rénovation. Attention au « tout est dans tout ».

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Nous étions nombreux à souhaiter faire le lien entre les maisons France Services et ce service public, et je me réjouis de cette avancée. Cet ancrage physique local, avec des « vrais gens », est vraiment préférable au virtuel : nos concitoyens sauront vers qui se tourner. Ce dispositif permettra aussi de faire le lien avec d’autres services comme la caisse d’allocations familiales (CAF) ou la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), qui proposent également des aides à la rénovation, ainsi qu’avec La Poste, qui peut distribuer l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). L’écosystème s’enrichit intelligemment.

J’ai une seule question : il est écrit que l’offre de maisons de services au public « peut » intégrer ces services. J’aimerais savoir s’il s’agit seulement d’une possibilité ou d’une obligation.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les maisons France Services constituent un formidable réseau de proximité : il y en aura dans chaque canton, c’est un engagement.

Deux types de prestations seront proposés, qui me paraissent tout à fait complémentaires : en premier guichet, des agents permanents, très polyvalents, qui orienteront les gens ; des permanences assurées par des experts d’agences ou de services de l’État une fois par mois. Avec ces deux leviers, on répond de façon satisfaisante au besoin de conseil.

M. Vincent Descoeur. C’est un premier pas, mais il ne faut pas abandonner l’idée d’un guichet de premier recours qui orienterait les gens vers des experts.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Les Bretons sont-ils satisfaits ?

M. Jimmy Pahun. Tout à fait !

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendements identiques CS2190 de M. Frédéric Reiss et CS3254 de M. Vincent Thiébaut, amendements CS2889 de Mme Florence Lasserre et CS3411 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Vincent Thiébaut. Le projet de loi encourage, à juste titre, l’instauration d’un service public de la performance énergétique de l’habitat. Les communes et les EPCI ne sont pas les seules collectivités à déployer des dispositifs de cet ordre ; certains pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR), les anciens pays, ont développé des dispositifs qui sont déjà opérationnels. Je pense, par exemple, au service Oktave dans la région Grand Est. Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui ont été créés récemment, peuvent, eux aussi, être portés par les PETR. Il ne faudrait pas déstabiliser les dispositifs existants et qui fonctionnent bien.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Vos amendements sont satisfaits, puisque le guichet est « prioritairement » mis en œuvre à l’échelle des EPCI, ce qui n’interdit pas à d’autres collectivités ou groupements de s’organiser comme ils le souhaitent. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Confier le déploiement « prioritairement » aux EPCI, c’est laisser d’autres possibilités, y compris les regroupements à l’échelle du pays.

Mme Delphine Batho. Cette précision apporterait de la clarté et faciliterait la lecture de la loi sur le terrain.

L’amendement CS3254 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements restants.

Amendement CS2711 de Mme Patricia Lemoine.

M. Antoine Herth. Cet amendement, toujours inspiré par l’audition de l’ADCF, propose que le service public de la performance énergétique s’articule avec les stratégies politiques locales et les documents réglementaires en vigueur, comme les plans locaux de l’habitat (PLH) et les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), afin que les projets de rénovation thermique s’inscrivent dans leur contexte local.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CS3953 de M. Alexandre Holroyd.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. J’en profite pour répondre à Mme Meynier-Millefert : l’amendement que vous avez voté rend bien obligatoire, et non facultative, la coordination avec les maisons France Services.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1313 de M. Vincent Descoeur et amendements identiques CS180 de M. Vincent Descoeur et CS4890 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert (discussion commune).

M. Vincent Descoeur. J’ai déjà défendu mon amendement CS1313 ; le CS180 le complète. Les maisons France Services étant souvent régies par des conventions avec l’État, il serait souhaitable que l’État finance une partie de la formation des personnes qui auront à remplir la mission de premier recours et d’orientation vers des experts.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il importe que l’État s’engage davantage dans le financement de ce service public, et de manière pérenne, à travers une ligne budgétaire en projet de loi de finances, en plus du financement assuré par les certificats d’économies d’énergie. Un double financement serait une double sécurité.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Ces amendements me semblent satisfaits. Je laisse Mme la ministre apporter des précisions sur le déploiement du SARE.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La question de l’articulation avec les maisons France Services a été bien traitée par les amendements précédents.

S’agissant du financement, il faut faire une distinction entre le financement des maisons France Services, qui ne fait pas l’objet de cette discussion, et celui des guichets et des conseillers chargés de l’information et de l’accompagnement. Je rejoins Delphine Batho : ces conseillers devront être des professionnels et il faudra effectivement faire une distinction entre l’accueil et l’orientation, d’une part, et l’information plus professionnelle, associée à un accompagnement, d’autre part. Tout cela est financé par le programme SARE d’une manière qui me paraît satisfaisante. Avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. L’instauration d’un lien obligatoire et solide avec les maisons France Services est une très bonne chose. Cela signifie qu’en finançant les maisons France Services, on financera aussi ce premier contact.

L’amendement CS4890 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements restants.

Amendements identiques CS272 de M. Martial Saddier, CS400 de Mme Valérie Beauvais, CS633 de M. Vincent Descoeur, CS1448 de M. Thibault Bazin et CS3412 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Nous proposons d’insérer un alinéa précisant que chaque guichet consacre une partie de ses services et de ses compétences à l’accompagnement des copropriétés dans leurs projets de rénovation et assure un suivi de l’état de performance énergétique et de rénovation de ce parc de logements. 

M. Jean-Yves Bony. Il s’agit d’encourager et de faciliter la rénovation énergétique des copropriétés en leur donnant accès à un accompagnement personnalisé pour réaliser leurs projets.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je vous invite à retirer vos amendements au profit du mien, le CS5361, qui a le même objectif mais laisse davantage de souplesse.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les guichets de la rénovation énergétique conseilleront évidemment les copropriétés. L’alinéa 6, dans sa rédaction actuelle, précise bien que ces guichets proposent un service d’information aux locataires et aux propriétaires. Je serai favorable à l’amendement CS5361 du rapporteur, qui explicite que les copropriétaires sont également visés.

Les amendements en discussion confient également aux guichets le soin d’assurer un suivi de l’état de performance énergétique et de rénovation de ce parc. Or le suivi et l’observation ne sont pas les missions prioritaires de ces guichets, qui ont avant tout un rôle d’information et d’accompagnement. D’autres outils de suivi existent. Vous avez notamment adopté un amendement qui prévoit la publication d’un rapport tous les deux ans. Avis défavorable sur ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement de clarification CS5361 du rapporteur.

Amendement CS745 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. La massification des travaux de rénovation énergétique est indispensable à l’atteinte des objectifs environnementaux de notre pays. Dès lors, il convient de sécuriser les consommateurs sur ce marché en leur fournissant toutes les informations nécessaires à la réalisation de leurs travaux de rénovation thermique. Les guichets de la rénovation énergétique doivent permettre aux consommateurs d’accéder aisément aux tarifs pratiqués localement pour les prestations et les équipements les plus courants.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. Ces guichets ont précisément pour rôle de guider les ménages en les orientant vers des artisans labellisés « Reconnu garant de l’environnement » (RGE). Cela doit garantir que les travaux seront de bonne qualité et que nos concitoyens seront accompagnés d’A à Z dans ce chantier complexe de la rénovation énergétique.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Une telle disposition serait trop prescriptive. En outre, vous retenez l’échelle de l’EPCI, alors que nous avons indiqué que ce ne sera pas nécessairement l’échelle retenue. Je comprends votre préoccupation, mais demander aux guichets de produire une grille tarifaire paraît trop contraignant.

M. Vincent Descoeur. Ce que je voulais rappeler, c’est que la méconnaissance du coût des opérations de rénovation est l’un des principaux freins à la décision d’entreprendre des travaux. Informer nos concitoyens sur les prix pratiqués serait utile.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il pourrait être intéressant de travailler à un argus des prix de la rénovation énergétique. L’intérêt en serait double. Cela permettrait de lutter, d’abord, contre ceux qui cassent les prix et poussent tous les acteurs du secteur à réduire la qualité de leurs prestations pour rester concurrentiels ; ensuite, contre l’envolée des prix que peut favoriser la méconnaissance des prix moyens, et que l’on constate au moment des foires ou des opérations pseudo-promotionnelles, où les prix sont augmentés de 25 %. Donner des indications sur les prix moyens à l’échelle d’un territoire – par exemple, le département – pourrait avoir un effet vertueux sur les prix moyens constatés. Tout le monde s’y retrouverait.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le guichet a aussi vocation à accompagner les ménages dans le choix de leurs artisans, à les orienter vers des artisans fiables. Le texte proposé par le Gouvernement répond donc à la préoccupation de M. Descoeur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2155 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. Cet amendement de précision ne mange pas de pain, mais il a le mérite de la clarté. Nous proposons que chaque guichet centralise les aides nationales et locales à la rénovation. Selon les guichets, selon la situation politique des territoires, on constate que certains dispositifs sont favorisés par rapport à d’autres. Il faut une unicité de l’offre d’accompagnement, aussi bien nationale que locale.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le verbe « centralise » ne me semble pas très bien choisi. Après discussion avec la ministre, je vous propose de rectifier votre amendement de la manière suivante : « Chaque guichet présente les aides nationales et locales à la rénovation ».

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. On ne peut pas dire que chaque guichet « centralise » les aides, si vous entendez par là qu’il y donne accès. MaPrimeRénov, par exemple, dépend d’un site national et on n’imagine pas de modifier ce dispositif pour qu’il soit désormais possible d’y accéder à partir d’un guichet local. Si vous proposez, en revanche, que l’on puisse, dans chaque guichet, être informé de toutes les aides disponibles, aussi bien nationales que locales, alors nous sommes d’accord.

M. Loïc Prud’homme. Il faut aller plus loin que la seule possibilité d’être informé sur les aides existantes. Les acteurs, sur le terrain, veulent pouvoir actionner eux-mêmes les dossiers de financement à tous les niveaux. Ce qu’il faudrait, c’est qu’une personne qui souhaite faire des travaux de rénovation ait un seul interlocuteur, capable de monter un dossier avec tous les financements existants. Ce serait une manière d’arriver au plus petit reste à charge possible.

Mme Émilie Chalas. Je suis évidemment d’accord pour que le mot « centralise » soit remplacé par le terme « présente », puisque l’objectif de mon amendement a bien été compris.

Je ne partage pas le point de vue de notre collègue Loïc Prud’homme, selon lequel chaque lieu doit donner accès à l’ensemble des offres. Le guichet unique doit permettre aux gens de s’orienter et de savoir à qui s’adresser. Le problème, sur le terrain, c’est que tout le monde parle de tout, de manière non exhaustive, si bien que les gens sont perdus et qu’ils abandonnent après deux rendez-vous. Il faut un guichet qui propose l’ensemble des offres, et non une multiplicité de guichets.

La commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement l’amendement CS4664 de M. Jean-Charles Colas-Roy et les amendements identiques CS1406 de M. Raphaël Gérard et CS1908 de M. Thibault Bazin.

Amendement CS5195 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’amendement vise à ce que les guichets d’accompagnement, en particulier ceux des maisons France Services, puissent assurer leurs missions de manière itinérante, par exemple à bord de bus. Il faut pouvoir aller vers tous les Français, répondre aux besoins des personnes âgées, particulièrement dans les zones rurales.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je félicite notre rapporteur de cette excellente initiative, qui renforce la proximité de l’action publique.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS2878 de M. Matthieu Orphelin, CS4570 de M. Loïc Prud’homme et CS4649 de M. Jean-Charles Colas-Roy.

Mme Delphine Batho. L’information sur les aides doit mettre en avant le reste à charge nul ou limité à 10 % du montant des travaux pour les ménages très modestes.

M. Loïc Prud’homme. Des pays voisins de la France ont développé avec succès des dispositifs permettant de financer les travaux grâce aux économies futures. Ce mécanisme, qui nécessite de trouver des tiers financements, permettrait aux ménages les plus modestes, qui ne disposent pas d’un capital suffisant ou ne peuvent pas le mobiliser sur une période très courte, de réaliser des travaux de rénovation thermique. L’effort financier peut être étalé dans le temps.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je ne souhaite pas qu’on mentionne un pourcentage précis ou un reste à charge nul, car cela serait trop contraignant. La mission Sichel travaille sur ce sujet. Nous débattrons en séance des nouveaux outils de financement qu’on pourrait mobiliser. Pour ce qui concerne le financement de la rénovation des copropriétés, par exemple, les établissements bancaires ne jouent pas forcément le jeu. Il faut déverrouiller ces sujets pour accélérer la rénovation dans tous les domaines. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Ces amendements visent avant tout à susciter un débat sur le financement du reste à charge et des travaux. L’article a trait à la mission d’information des guichets d’accompagnement à la rénovation énergétique, ce qui n’est pas tout à fait le même sujet.

Je ne suis pas très favorable au reste à charge nul, tel que les amendements le proposent ; on a vu les problèmes que posaient les offres à 1 euro, dont on ralentit l’attribution et auxquelles on mettra fin en douceur. Rappelons que notre gouvernement a modifié le barème du CITE qui, je le rappelle, se caractérisait par un taux proportionnel de 33 % de la dépense remboursée fiscalement. À présent, avec MaPrimeRénov’, les barèmes sont beaucoup plus favorables pour les ménages les plus modestes ; pour certains types de travaux, le reste à charge peut être plafonné à 10 %. Nous aurons une discussion globale en séance sur les moyens, l’accompagnement et le financement du reste à charge bancaire, une fois les travaux de la mission Sichel terminés. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. Le financement du reste à charge est une question centrale. Que le débat soit reporté à la séance rend nos travaux difficiles, car on ne peut pas définir les modalités de l’accompagnement des propriétaires, en particulier des plus modestes, qui, occupants ou bailleurs, ne font pas le choix d’avoir des passoires thermiques.

Il faudra répondre à deux questions : le gain sur la facture aura-t-il un effet déclencheur ? Proposera-t-on des outils qui permettent d’étaler la charge financière dans le temps, pour la rendre supportable ? C’est la clé de tout le projet de loi. Tout ce qu’on a dit n’aura aucune valeur si on n’est pas capable de régler cette question. Reste à charge zéro, peut‑être pas ; à partir de 1 euro, je suis ouvert…

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. C’est effectivement un amendement d’appel. On sent une forme de dogmatisme chez certains, qui souhaitent que les ménages précaires assument un reste à charge, apportent une contribution. Or, même minime, le reste à charge peut bloquer l’opération. Vous dénonciez à juste titre les dérives des offres à 1 euro, mais la possibilité de proposer un reste à charge nul, assorti d’un accompagnement, aurait vraiment du sens pour les plus précaires. Les groupes qui ont déposé des amendements partagent ce point de vue.

Mme Delphine Batho. L’article 40 de la Constitution nous contraint à déposer ce type d’amendements. Il ne s’agit pas de proposer un reste à charge très faible ou nul pour tout le monde, mais seulement pour des catégories de ménages pour qui les travaux sont inaccessibles. MaPrimeRénov’ n’est utilisée que pour 1 % des travaux avec trois gestes mais concerne 72 % des renouvellements de chaudière ; elle ne sert donc pas à la réalisation de travaux de rénovation performante.

L’amendement a non seulement pour objet de susciter le débat mais vise également à ce que l’information permette aux ménages de trouver une solution adaptée à leurs besoins, parmi la multitude d’aides proposées, et de bénéficier d’un reste à charge nul ou limité à 10 %.

M. Bruno Millienne. Cette question est une source de préoccupation pour l’ensemble des groupes parlementaires. Loin de moi l’idée de dire qu’il ne faut pas de reste à charge ; il faut surtout que ce dernier soit versé a priori. Depuis plus de vingt-cinq ans qu’on fait de la rénovation énergétique, les dispositifs proposés ne sont pas utilisés pour faire disparaître les passoires thermiques, parce que les gens n’ont pas les moyens de rénover correctement leur logement. On attend beaucoup du rapport de M. Olivier Sichel. Je sais que le coût de ces dispositifs pour l’État est élevé, mais, considérant les milliards qu’on a dépensés en pure perte, on peut faire un effort budgétaire en faveur de la rénovation des logements des classes F et G pour qu’enfin les passoires thermiques soient de l’histoire ancienne.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5196 du rapporteur.

Amendement CS2164 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. L’amendement vise à compléter le champ de la mission d’accompagnement des guichets uniques afin de ne promouvoir que des appareils de chauffage performants, dans une visée environnementale, sociale et de santé publique. Il nous semble important qu’en matière de chauffage, les guichets orientent clairement les ménages dans le cadre de la rénovation de leur patrimoine.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il ne me semble pas nécessaire que la loi entre dans ce degré de détail. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2159 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. Dans le même esprit, il s’agit de compléter les missions des guichets d’accompagnement à la rénovation énergétique pour renforcer la sensibilisation des ménages aux bonnes pratiques en matière de sobriété énergétique et à une utilisation adaptée des appareils de chauffage.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS2738 de Mme Florence Lasserre.

Mme Florence Lasserre. Il s’agit de rendre obligatoire le recours à un service public de performance énergétique de l’habitat dans le cadre de la rénovation énergétique de son bien immobilier pour bénéficier des aides publiques.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il ne me paraît pas souhaitable de rendre obligatoire le passage par un guichet public. Des ménages peuvent effectuer une rénovation sans avoir recours à ce service public. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Une partie des rénovations aidées, tel les changements de chaudière, sont utiles, car l’installation d’une chaudière très performante permet de cumuler des économies d’énergie et d’entretien. En revanche, d’autres opérations n’ont pas besoin d’être conditionnées au recours à un conseil ou à un guichet. La mission Sichel fera des propositions concernant l’accompagnement obligatoire de certains types de rénovation. C’est un sujet dont nous débattrons en séance.

M. Erwan Balanant. Les propos de Mme la ministre sont rassurants. À partir du moment où une aide – massive – est apportée, il faut contrôler l’utilisation des fonds publics.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5197 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS3413 de Mme Chantal Jourdan et CS3983 de M. Philippe Chassaing.

Amendement CS2743 de Mme Florence Lasserre.

Mme Florence Lasserre. Il semble qu’au 1er janvier 2020, on ne dénombrait encore, parmi 1 254 établissements de coopération intercommunale, que 400 plateformes du SPPEH. L’objectif de couverture complète du territoire français paraît loin d’être atteint. Afin de déterminer la meilleure façon d’agir, il faut connaître précisément le nombre et la localisation des plateformes en activité. Tel est l’objet de cette demande de rapport, qui vise à appeler l’attention du Gouvernement sur l’urgence qui s’attache à la densification du service public de la performance énergétique de l’habitat.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Nous avons débattu tout à l’heure du déploiement du SPPEH, qui est en train de monter en puissance. Des budgets supplémentaires sont couplés à une participation accrue des collectivités. Un rapport ne me semble pas nécessaire. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le financement des guichets est unifié à travers le programme SARE. L’ADEME, qui met en œuvre ce programme, dresse un bilan annuel mentionnant des données telles que le montant financé, le type de plateformes ou le nombre de conseillers. Ce document sera établi sans qu’il soit besoin d’une base législative. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 43 ainsi modifié.

Après l’article 43

Amendement CS3327 de Mme Valérie Beauvais.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Les intercommunalités urbaines et les métropoles sont en première ligne en matière de politique du logement. Que ce soit en matière de rénovation ou de réhabilitation, elles sont les mieux à même de conjuguer les efforts indispensables à la rénovation énergétique et l’impératif républicain de lutte contre les fractures sociales. Il est nécessaire que la composition du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) reflète cette spécificité urbaine en réservant des représentations dédiées aux grandes intercommunalités et métropoles, aux côtés des représentants désignés par l’Assemblée des départements de France (ADF), l’ADCF et l’Association des maires de France (AMF).

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. La composition du conseil d’administration de l’ANAH étant du ressort du Gouvernement, je laisse Mme la ministre s’exprimer sur ce point.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. La diversité de la représentation des collectivités territoriales au sein du conseil d’administration de l’ANAH forme un équilibre satisfaisant. Elle comprend des membres de l’AMF, de l’ADCF et de l’ADF, ainsi que de deux parlementaires, et accorde une part équilibrée aux zones urbaines et rurales. Si l’on suivait votre proposition, il faudrait augmenter les deux autres collèges, pour maintenir un équilibre entre les collèges, ce qui ferait passer les effectifs du conseil d’administration de quarante-huit à cinquante-quatre personnes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3326 de Mme Valérie Beauvais.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Cet amendement vise à ce que le conseil d’administration de l’ADEME comprenne des représentants d’intercommunalités de plus de 250 000 habitants.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. Je ne pense pas que cela relève de la loi.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. L’ADCF étant présente au conseil d’administration, elle peut choisir le type d’intercommunalités représenté.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1169 de Mme Émilie Bonnivard et CS1237 de M. Vincent Descoeur.

M. Jean-Yves Bony. À des fins de clarification, l’amendement réaffirme le rôle d’autorité coordinatrice de la région dans la mise en œuvre du service public de la performance énergétique de l’habitat, mission de coordination qui inclut celle du réseau des guichets d’accompagnement à la rénovation énergétique.

M. Vincent Descoeur. Il est logique de reconnaître le rôle de coordination des régions, que la loi charge de déployer les plateformes de rénovation dans le cadre des espaces conseil FAIRE associés au programme SARE.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable. L’article L. 222-2 du code de l’environnement précise déjà le rôle des régions.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Le rôle des régions a en effet été précisé dans la loi de 2015 et est à présent effectif, puisque la coordination des guichets monte en puissance sous leur égide. Cette précision n’est pas nécessaire.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Les régions éprouvent parfois des difficultés à travailler de concert avec les EPCI. Certaines régions estiment qu’il est trop difficile de contractualiser directement avec chacun des EPCI, dont on espère pourtant qu’ils constitueront l’échelon de proximité de ce service public. Elles délèguent parfois le rôle de coordination au département.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4800 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. À l’heure actuelle, les régions sont chefs de file et fixent des objectifs de rénovation énergétique, mais on ne vérifie pas que les résultats sont atteints et les bilans ne sont pas toujours transmis. Il n’est pas aisé d’obtenir des informations régulières sur ce qui se passe dans les territoires, comme nous l’avons constaté dans le cadre de la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments. Aussi l’amendement vise-t-il à ce que le président du conseil régional fasse, tous les deux ans, un compte rendu des travaux qu’il mène à l’échelle régionale. Cela permettrait de soutenir son rôle de coordinateur et de chef de file, de faire remonter les informations au niveau national, d’approfondir le travail de vérification des données auquel procédera le Gouvernement, tout en agrégeant les données de chaque région qui, aujourd’hui, suivent leurs propres indicateurs.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je partage votre analyse, mais la remise d’un rapport du président du conseil régional au représentant de l’État dans la région me paraît une procédure un peu lourde. Dans le cadre du déploiement du SPPEH et de l’application du SARE, il faudrait tisser un lien plus direct avec les régions et faire en sorte qu’elles fassent remonter l’information de manière plus précise que ce n’est le cas aujourd’hui. Avis défavorable.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Puisque vous êtes d’accord sur le fond, peut‑être pourrait-on travailler à une nouvelle rédaction ?

M. François-Michel Lambert. J’appuie la proposition de Mme Meynier-Millefert.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il faut sans doute renforcer le partenariat entre les régions et l’État, et améliorer la transmission de l’information, mais cela peut se faire sans passer par la loi. Je ne veux pas prendre d’engagement pour la séance, mais je suis prêt à ce qu’on en rediscute. Il faudra déterminer le véhicule juridique le plus approprié.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le partenariat entre l’État et les régions au titre du financement des guichets fait avancer les choses. Les comités de pilotage régionaux, coprésidés par la collectivité et le préfet, qui se mettent en place dans chaque région, permettent de dresser un état des lieux du déploiement des guichets et de discuter des difficultés. Nous partageons la volonté que ces mécanismes deviennent opérationnels et que les régions assument ces compétences avec le soutien de l’État. Il ne me semble pas nécessaire de produire un rapport, et je ne suis pas certaine que cela relève de la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS181 de M. Vincent Descoeur et CS4903 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

M. Vincent Descoeur. L’amendement vise à ce que l’État incite les collectivités territoriales, dans le respect de leur libre administration, à recourir à des contrats de performance énergétique dans le cadre des opérations de rénovation thermique, en particulier en faisant reposer les appels d’offres sur des objectifs de performance. Cette proposition répond aux besoins de sécuriser les investissements dans le domaine des économies d’énergie. Cet outil permettrait de s’assurer de l’efficacité des travaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je partage votre volonté d’encourager le recours aux contrats de performance énergétique. Votre rapport d’information montre bien qu’ils peuvent être davantage exploités. Toutefois, la disposition proposée n’est pas du domaine de la loi. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les amendements sont déjà satisfaits par l’action de l’État, puisque nous avons fait évoluer le code des marchés publics pour rendre possibles les contrats de performance énergétique (CPE) dans le champ des collectivités publiques. Nous avons également publié des cahiers de clauses-types pour faciliter leur appropriation par les collectivités. Nous avons défini des bonifications de certificats d’économies d’énergie lorsqu’elles sont dans le cadre d’un contrat de performance énergétique. Par ailleurs, le décret tertiaire, qui impose à tous les bâtiments tertiaires, y compris publics, de réaliser 40 % d’économies d’énergie d’ici à 2030, met le système sous tension. Enfin, nous avons accompagné l’Association des maires de France par le biais de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) avec un programme d’accompagnement spécifique aux économies d’énergie et à la rénovation – le programme ACTEE – qui permet à chaque collectivité d’avoir accès à de l’ingénierie pour lancer des rénovations avec des travaux ou dans des contrats de performance énergétique. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur. J’entends vos arguments. Mais notre intention était louable, puisqu’il s’agissait de vous aider à accompagner les collectivités.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4650 de M. Jean-Charles Colas-Roy, amendements identiques CS156 de M. Michel Vialay, CS327 de M. Thibault Bazin, CS2880 de M. Matthieu Orphelin, CS3479 de M. Hubert Julien-Laferrière, CS3596 de Mme Sylvie Charrière et CS4326 de M. Jean-Luc Fugit (discussion commune).

M. Jean-Luc Fugit. L’amendement vise à définir les missions et le statut juridique des agences locales de l’énergie et du climat (ALEC), qui sont très engagées, particulièrement dans les services de la performance énergétique de l’habitat. Nous souhaiterions préciser la vocation non concurrentielle des quarante agences réparties sur le territoire. En effet, leur statut juridique, introduit par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte étant peu précis, il les expose à des risques, notamment fiscaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’article L. 211-5-1 du code de l’énergie offre déjà les garanties juridiques nécessaires aux agences locales de l’énergie et du climat. Je ne souhaite pas faire une liste de l’ensemble des missions qu’elles pourraient exercer. Le projet de loi vise à simplifier le droit en vigueur et à définir un cadre commun. Auparavant, on mentionnait directement dans le droit la présence des agences départementales pour l’information sur le logement (ADIL) et la présence d’organismes intervenant dans le domaine de la rénovation énergétique. Le fait de ne pas les mentionner ne veut pas dire qu’elles ne pourront plus exercer leurs missions ni qu’elles ne sont pas importantes. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Les ALEC ont déjà un statut législatif. Leurs missions ne sont pas précisément définies dans le code de l’énergie, mais je ne suis pas sûre qu’il faille le faire. Le rôle des ALEC consiste essentiellement à accompagner, à informer et à conseiller les particuliers. C’est aux observatoires régionaux que revient, par définition, le rôle d’observateurs. Définir avec une grande précision le rôle des ALEC reviendrait à leur donner une place prééminente au sein du service public de l’efficacité énergétique, alors que d’autres structures à but non lucratif ont le même type de rôle : les ADIL, l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) ou encore les opérateurs sans but lucratif de l’ANAH. De fil en aiguille, il faudrait citer la totalité des structures intervenant dans ce domaine. Enfin, les missions d’accompagnement seront pour partie dans un champ concurrentiel, au fur et à mesure de leur expansion. Il faut donc séparer les rôles de chacune des structures et leur intervention, qui, dans un certain nombre de cas, sera concurrentielle. Si la question est fiscale, il faut la traiter en droit de la concurrence et en droit fiscal. Pour toutes ces raisons, je pense que le statut des ALEC est sécurisé et qu’adopter ces amendements ouvrirait des questions relatives au positionnement de certaines structures les unes par rapport aux autres.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Les définitions sont en effet peut-être trop précises et risquent de limiter le rôle des ALEC. En revanche, elles sont inquiètes à l’idée d’être classées dans le domaine concurrentiel par l’administration fiscale. La frontière est difficile à définir entre l’accompagnement relevant du service public et celui appartenant au secteur marchand. Or les ALEC sont dans cet entre-deux. Nombre d’entre elles nous ont alertés. Elles craignent des rattrapages fiscaux qui les mettraient en difficulté. Je vous invite à vous pencher sur ce sujet. Il faut sécuriser leur situation.

M. Jean-Luc Fugit. Qu’autant d’ALEC nous aient alertés et que nous soyons aussi nombreux à avoir déposé ces amendements montre bien que quelque chose ne va pas. Pourquoi n’auraient-elles pas un statut similaire à celui des agences d’urbanisme ? Elles ont besoin d’être rassurées.

Mme Delphine Batho. Les dispositions existantes sont de telles généralités que des problèmes se posent en pratique. Il faut clarifier leur situation, tout en conservant de la souplesse et des capacités d’adaptation. Il s’agit aussi d’une question de reconnaissance et de clarté quant à leurs missions.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Dans la mesure où vous êtes plusieurs à avoir relayé les inquiétudes des ALEC, nous allons examiner cette question avec le Gouvernement pour la séance. Concernant le régime fiscal, cela se fait avec Bercy. Il faut creuser le sujet. Je vous rappelle néanmoins la définition des ALEC dans le code de l’énergie : « Des organismes d’animation territoriale appelés “agences locales de l’énergie et du climat” peuvent être créés par les collectivités territoriales et leurs groupements. Leur objet consiste à conduire en commun des activités d’intérêt général favorisant, au niveau local, la mise en œuvre de la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre des objectifs définis au plan national. Ces agences travaillent en complémentarité avec les autres organismes qui œuvrent pour la transition énergétique. » Cela me paraît satisfaire leur assise juridique.

La commission rejette successivement les amendements.

Mme Delphine Batho. Les collègues n’ont pas tous levé la main. Les amendements auraient dû être adoptés !

Amendement CS3905 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Je suis d’accord avec Delphine Batho. Les votes doivent éviter toute ambiguïté.

L’amendement, proposé par Enedis, vise à récupérer des données, de façon anonymisée, notamment pour permettre aux opérateurs de s’assurer que le gain en performance énergétique est réel après rénovation. Nous souhaitons à la fois faire baisser les émissions de CO2 et la consommation d’énergie, et redonner de facto du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Les consommateurs devant pouvoir s’adresser au professionnel de leur choix, je ne suis pas à l’aise avec cet amendement. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable, dans la mesure où votre amendement ne permet plus aux consommateurs de disposer librement de leurs données et de s’adresser au professionnel de leur choix pour certifier la performance de la rénovation énergétique, puisqu’il donne une prééminence à Enedis. Cela me paraît disproportionné.

M. François-Michel Lambert. Vous semble-t-il intéressant, monsieur le rapporteur, de travailler d’ici à la séance sur la question de l’anonymisation des données pour s’assurer de l’efficacité des travaux énergétiques ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Notre rapport soulignait l’intérêt que pouvaient avoir des structures comme Enedis pour suivre ces données dont on manque. Peut‑être faut-il regarder dans le détail comment Enedis, qui est le distributeur de la majorité des Français, pourrait nous apporter la garantie que les travaux se traduisent bien par une diminution de la circulation de l’énergie dans le réseau.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Monsieur Lambert, votre amendement ajoute une mission aux gestionnaires de réseaux de distribution. Je ne souhaite pas aller dans ce sens. Quant à l’anonymisation des données, elle doit être abordée dans un autre cadre.

La commission rejette l’amendement.

Article 44 (articles 10, 14-1, 14-2, 14-2-1 [nouveau], 18, 18-1 A, 19-2, 24-4, 29-1 A, 41-15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, articles L. 253-1-1, L. 443‑14-2, L. 721-2, L. 731-1, L. 731-2, L. 731-3 [abrogé] du code de la construction et de l’habitation, article 31 du code général des impôts, article 2374 du code civil, article 3 de la loi n° 70‑9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce) : Obligation de réalisation d’un projet de plan pluriannuel de travaux et modifications apportées au fonds de travaux

Amendement CS4823 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Il vise à rattacher, dans les copropriétés, les cotisations du fonds de travaux non plus au lot mais à la personne. Actuellement, les copropriétaires ne sont pas incités à verser plus que le minimum de 5 % en vigueur, puisque, lorsqu’ils partent, ils perdent l’argent mis dans la cagnotte.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Si le plan pluriannuel de travaux (PPT) de l’article 44 permettra de répondre à votre objectif de favoriser les travaux, en revanche, je ne suis pas d’accord avec l’idée de lier les cotisations à la personne et non plus au lot. Il faut préserver la continuité et la visibilité du fonds de travaux. Le rattacher à la personne créerait de l’instabilité. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. C’est le fait d’attacher le fonds de travaux au lot qui permet de solvabiliser les travaux dans une copropriété. Si chaque fois qu’un copropriétaire vend son bien, il récupère son budget travaux, le nouveau copropriétaire devra payer le budget travaux correspondant, ce qui est assez dissuasif, alors que toute l’idée est de parvenir à provisionner à l’échelle d’une copropriété des travaux en les répartissant dans le temps.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Dans le cadre du suivi de notre rapport, je m’étais engagée à soumettre ce sujet à nos débats. Il est donc important d’avoir pu obtenir des réponses.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS1407 de M. Raphaël Gérard et CS1909 de M. Thibault Bazin.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5198 du rapporteur.

Amendements identiques CS256 de Mme Claire Pitollat et CS631 de M. Vincent Descoeur, et sousamendement CS5418 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le sous‑amendement vise à faire préciser que le projet de PPT doit donner une estimation du niveau de performance énergétique de l’immeuble que les travaux envisagés doivent permettre d’atteindre.

M. Vincent Descoeur. Notre amendement vise également à s’assurer que les travaux de rénovation énergétique se traduisent par une baisse significative de la facture d’énergie, en fixant un objectif plancher d’amélioration de la performance énergétique du bâtiment. Nous nous sommes en effet rendu compte, au cours de notre mission, que l’un des freins aux travaux de rénovation est la crainte qu’il n’y ait pas de retour sur investissement.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous‑amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sousamendés.

Amendement CS371 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Je défends également l’amendement CS376.

La rénovation des copropriétés représente un enjeu majeur pour la transition énergétique de l’habitat. Les copropriétés représentent à elles seules 28 % du parc total français. Or de nombreuses études ont démontré que l’acceptabilité d’un diagnostic ou du plan pluriannuel de travaux par des copropriétaires ne dépend pas simplement de la pertinence technico-économique du projet. Les lacunes techniques des copropriétaires constituent un frein objectif à la prise de décision au sein des assemblées. C’est pourquoi il me paraît essentiel, dans le cadre du plan pluriannuel, d’informer davantage les copropriétaires lors de la réalisation du diagnostic technique global de leur bâtiment.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Vous confiez aux diagnostiqueurs des missions dépassant largement leur rôle et leurs compétences. Au cours du débat, je me suis toujours opposé à un alourdissement des dispositifs, qui conduirait à une augmentation des coûts pour les Français. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Le diagnostic technique global (DTG) est un sujet de techniciens. Il y a d’ailleurs une estimation du coût des travaux. Quant au plan de financement, c’est au syndic, au moment de l’assemblée générale, de le présenter, avec les possibilités d’aides. Il ne faut pas demander aux diagnostiqueurs techniques de devenir des spécialistes des aides.

Par ailleurs, vous souhaitez imposer aux professionnels réalisant le document technique d’associer et de consulter les copropriétaires. Une fois encore, je pense qu’il ne faut pas mélanger les deux. Cette consultation se fait avec le syndic et le conseil syndical, lors de l’assemblée générale, mais pas au moment du diagnostic technique, sans quoi les coûts seront plus lourds.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5199 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS376 de Mme Stéphanie Do

Amendements identiques CS401 de Mme Valérie Beauvais et CS3414 de Mme Chantal Jourdan.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée.  Pour engager des travaux lourds, on ne peut pas s’en tenir à la majorité des seuls copropriétaires présents. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5200 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3443 de Mme Ramlati Ali.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5202 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS5115 de Mme Chantal Jourdan.

Amendement CS3720 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Il vise à lever un frein majeur au développement de la mobilité électrique. Depuis la loi d’orientation des mobilités (LOM), nous sommes nombreux à avoir identifié le problème de l’installation de bornes de recharge dans les copropriétés. Il est toujours compliqué d’installer une borne dans son parking de copropriété, bien que la LOM ait grandement assoupli la procédure. L’amendement vise ainsi à modifier la majorité requise pour le vote de l’installation d’une borne de recharge. Actuellement, les décisions sont soumises à deux règles différentes de majorité : majorité des présents ou majorité absolue, selon que la décision à prendre concerne les travaux relatifs aux installations électriques ou à l’équipement des places de parking. Il est donc proposé de retenir la règle de la majorité des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée générale, qui est la règle de droit commun. Cet amendement faciliterait grandement le vote sur les bornes de recharge en copropriété qui concernent seulement un financement personnel.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Il faut tenir compte du fait que le droit de la copropriété est assez restrictif. L’installation de la borne doit être adoptée à la majorité simple, et la modification des installations électriques à la majorité qualifiée. Demande de retrait ou avis défavorable. En revanche, je souhaite discuter avec vous pour savoir comment accélérer le déploiement de ces bornes dans les copropriétés.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Il faudrait en effet mener un travail complémentaire pour trouver une solution concernant la partie relative aux installations électriques.

M. Damien Adam. Je vais retirer l’amendement. J’espère néanmoins que nous pourrons progresser sur le sujet. Notre objectif de développement des véhicules électriques est très ambitieux, alors que le rythme actuel de déploiement des bornes est largement insuffisant.

M. Erwan Balanant. C’est dommage de retirer votre amendement, parce que nous l’aurions soutenu. Je suis l’heureux propriétaire d’une voiture électrique depuis trois semaines et M. Adam soulève un vrai sujet. Si nous voulons favoriser leur développement, il faudra œuvrer en faveur du développement des bornes dans les copropriétés, dans la mesure où les véhicules électriques sont particulièrement adaptés aux déplacements urbains. Il est ressorti de mes discussions avec des propriétaires de voitures électriques ou avec des gens qui songent à en acheter qu’ils n’ont pas la possibilité de les charger chez eux. Or le nombre de bornes est limité. Il faut que M. Adam, M. le rapporteur et Mme la ministre travaillent activement pour qu’on puisse charger ces voitures facilement.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. M. Adam précisait qu’il n’y avait pas de coût supplémentaire. S’il n’y en a pas lorsque l’on installe une borne sur une partie privative, en revanche, la modification des installations électriques relève de la copropriété et induit donc un coût pour les copropriétaires.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS5116 de Mme Chantal Jourdan.

Elle adopte successivement l’amendement CS5203 du rapporteur, les amendements identiques CS5204 du rapporteur et CS257 de Mme Emmanuelle Anthoine, les amendements identiques CS5205 du rapporteur et CS258 de Mme Emmanuelle Anthoine, et l’amendement CS5206 du rapporteur, tous de coordination.

La commission adopte l’article 44 ainsi modifié.

5.   Réunion du lundi 15 mars 2021 à 14 heures 30

Article 44 bis (nouveau) (section 6 [nouvelle] du chapitre II du titre IV du livre II du code civil) : Instauration d’un droit de surplomb pour l’isolation thermique extérieure

Amendement CS5331 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour les chapitres Ier et II du titre IV. Cet amendement a pour objet de faciliter l’isolation thermique des immeubles par l’extérieur. Celle-ci est obligatoire depuis 1er janvier 2017 à l’occasion d’un ravalement de façade. Mais en pratique elle très difficile pour les bâtiments construits en limite de propriété. C’est la raison pour laquelle il est proposé d’instaurer un droit de surplomb, permettant de créer une servitude.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Avis favorable.

L’amendement est adopté.

Après l’article 44

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3263 de Mme Fannette Charvier.

Article 45 : Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l’harmonisation des références de classes de DPE ainsi que les mesures nécessaires pour créer une police administrative du contrôle des règles de la construction

Amendement CS5208 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’article 45 prévoit deux habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnance, l’une destinée aux mesures de coordination nécessaires liées à la création d’une assise législative pour les classes de DPE, l’autre à réformer le régime de police administrative de contrôle des règles de construction.

L’amendement a pour objet de supprimer la première habilitation, un autre amendement proposant plus loin d’inscrire les mesures prévues par cette ordonnance directement dans le projet de loi.

M. Bazin souhaite pour sa part supprimer la seconde habilitation dans l’amendement CS2744 qui suit. Compte tenu de la technicité des sujets à traiter et des délais de rédaction, ce recours à une ordonnance me paraît justifié. En revanche, je proposerai dans un autre amendement de réduire son délai de dix-huit mois à douze mois.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je remercie le rapporteur car nos discussions ont permis de réintégrer dans le projet de loi les dispositions qu’il était prévu d’adopter par ordonnance au titre du I de l’article. Cela améliore significativement le texte et contribue à sa lisibilité. Avis favorable.

Pour anticiper sur la discussion de l’amendement suivant : nous avons besoin de l’habilitation pour la seconde ordonnance, qui porte sur les sujets de police de la construction.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2744 de M. Thibault Bazin.

Amendement CS5362 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Cet amendement vise à réduire le délai d’habilitation pour la seconde ordonnance à douze mois.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’entends le souhait du rapporteur d’aller vite, mais compte tenu de la complexité du sujet ce délai constitue un défi. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 45 ainsi modifié.

Article 45 bis (nouveau) (article L. 173-2 du code de la construction et de l’habitation, articles 18 et 23-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, article 5 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 25 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat) : Transcription « en dur » des dispositions de coordination liées aux nouvelles classes de DPE

Amendement CS5209 du rapporteur.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Cet amendement permet d’inscrire directement dans l’article les dispositions qu’il était envisagé d’adopter par ordonnance.

La commission adopte l’amendement.

Article 45 ter (nouveau) : Ratification de l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020

Amendement CS3913 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet amendement est le seul qui sera proposé par la Gouvernement sur cette partie. Il procède à la ratification de l’ordonnance du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

L’habilitation figurait dans la loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC). La ratification de l’ordonnance avec des ajouts était prévue en juillet 2020. Compte tenu de l’urgence et du fait du calendrier parlementaire chargé, il est proposé de procéder à cette ratification dès à présent et sans ajout ; les mesures de coordination nécessaires seront traitées par des amendements à ce projet de loi ou à d’autres.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis favorable.

Mme Delphine Batho. Pourrait-on avoir un exposé précis démontrant qu’il ne s’agit pas d’un cavalier législatif ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est une réécriture du code de la construction et de l’habitation, qui a toute sa place dans un projet de loi qui traite dans cette partie des règles applicables à la construction et dans la suivante des règles d’urbanisme. En outre, il s’agit de règles qui facilitent la construction, en passant d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. Cela correspond bien dans l’esprit du texte.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 45

Amendement CS4550 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement répond à une demande de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) visant à prévoir une trajectoire ambitieuse pour les bâtiments du secteur tertiaire, avec des mesures à même de réduire fortement leur consommation d’énergie. L’amendement renforce l’obligation de rénovation thermique de ces bâtiments.

Par ailleurs, il réintroduit la distinction entre consommation d’énergie finale et primaire, ainsi que la référence à la consommation de l’ensemble du parc en valeur absolue. Leur suppression par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN) a introduit des marges d’interprétation très importantes qui constituent un recul par rapport au texte antérieur, et que vous tentez d’exploiter dans ce projet de loi.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je suis assez surpris par cet amendement. Il est satisfait par la loi ÉLAN votée en 2018, qui prévoit déjà cette ambition pour le secteur tertiaire avec la même trajectoire que celle figurant dans votre amendement, soit moins 40 % en 2030, moins 50 % en 2040 et moins 60 % en 2050.

Cela me donne l’occasion de dire que nous n’avons pas attendu ce projet de loi pour avoir des ambitions environnementales. Ce texte est une pierre supplémentaire ajoutée à l’édifice que nous construisons depuis plusieurs années. La preuve avec cet amendement qui est déjà pleinement satisfait.

Je précise aussi que l’amendement suivant de M. Thiébaut prévoit d’étendre l’obligation de réduction de consommation d’énergie à l’ensemble des bâtiments tertiaires, et non plus seulement à ceux existants à la date de publication de la loi ÉLAN.

Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je vois un écart important entre le texte de l’amendement et son exposé des motifs. Ce dernier dit souhaiter aller plus loin, mais ce n’est pas du tout le cas.

La loi ÉLAN prévoit déjà la trajectoire de rénovation des bâtiments tertiaires et de réduction de leur consommation d’énergie de 2030 à 2050. Elle raisonne en énergie finale, comme dans votre amendement.

En revanche vous rajoutez la mention « certains bâtiments » ; les débats plus tôt dans la journée sur la valeur de la langue française ont montré que ce type d’ajout change le sens d’une phrase. « Certains bâtiments » ne veut pas dire « tous les bâtiments ».

Les obligations concernant les bâtiments tertiaires ayant déjà été votées dans la loi ÉLAN, nous sommes beaucoup plus avancés, avec un dispositif réglementaire opérationnel.

Cet amendement n’est pas un progrès mais une régression. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 45 quater (nouveau) (article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation) : Élargissement du champ d’application des obligations de rénovation énergétique applicables au secteur tertiaire

Amendement CS4724 de M. Vincent Thiébaut.

Mme Marie Lebec. Cet amendement élargit le champ d’application de l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit l’obligation de réduction des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires. L’un des objectifs recherchés est de supprimer l’inégalité de traitement en appliquant cette obligation aux bâtiments les plus récents, mis en service après l’entrée en vigueur de la loi ÉLAN.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 45

Amendement CS1825 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. En préambule, je m’interroge sur les risques de la réglementation environnementale des bâtiments neufs (RE2020), dont il faudra que nous débattions.

Il me semble que l’analyse du cycle de vie (ACV) dynamique simplifiée introduit un biais qui ne correspond pas aux modalités de calcul retenues par la directive européenne. Une note de l’université Gustave Eiffel l’a d’ailleurs bien fait remarquer.

Cet amendement vise donc à garantir l’indispensable conformité avec la directive européenne.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’amendement propose que la performance énergétique des bâtiments tertiaires soit mesurée en énergie primaire et finale.

Ce débat a eu lieu lors de l’examen de la loi ÉLAN. L’ensemble du décret relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire – dit décret « tertiaire » –  repose sur le calcul en énergie finale ; il faut en rester là. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’utilisation du critère de l’énergie finale dans le décret tertiaire et la RE2020 ne présente pas de difficulté au regard de la directive communautaire. Ce critère figure dans la loi ÉLAN, qui constitue la base législative des textes réglementaires en vigueur.

Les filières des matériaux traditionnels considèrent que le calendrier de décarbonation retenu est trop rapide et s’insurgent contre la méthode en ACV dynamique. Ceux qui la contestent sont donc ceux qui veulent aller plus lentement ; je ne crois pas que ce soit votre cas.

M. François-Michel Lambert. Je comprends que mon amendement est satisfait. Cela étant, je précise qu’il s’agit bien que la difficulté relevée découle de la simplification de l’ACV dynamique.

Les inquiétudes qui se manifestent renvoient aussi à la croissance attendue de la consommation de bois. L’utilisation de 20 millions de mètres cubes supplémentaires présente le risque d’un prélèvement de carbone biogénique dans les forêts. En outre, il ne s’agirait pas de bois français, ni d’un bois valorisé en France.

Beaucoup de questions sont posées sur la RE2020 et nous aurons l’occasion d’en reparler.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1826 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à s’assurer que le décret tertiaire conduit à une réelle diminution des besoins en énergie, tout en traitant de manière équitable les différents vecteurs de chaleur renouvelable. Pour faire face aux craintes de déséquilibre, plafonner la part d’économie d’énergie réalisée lors du changement de l’installation de chauffage permettrait de s’assurer que des actions sont également réalisées sur l’enveloppe du bâtiment ainsi que sur les autres usages.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. En permettant de déduire des objectifs de réduction de consommation la part de la chaleur renouvelable, cet amendement conduirait à être moins disant et moins ambitieux que dans le droit actuel. Je ne crois pas que ce soit votre intention. On sait que la meilleure énergie est encore celle que l’on ne consomme pas. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour préciser l’argumentation du rapporteur : quand il s’agit de récupération d’énergie – chaleur fatale produite sur site –, le décret tertiaire en prévoit déjà la déduction.

En revanche, l’objectif que nous poursuivons est bien de diminuer la consommation d’énergie en valeur absolue et d’aller vers une sobriété énergétique ; même les énergies renouvelables ne sont pas infinies. Tel est bien l’objectif du décret tertiaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3947 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement concerne l’exemplarité de l’État en matière de rénovation thermique.

Sa philosophie est simple. Pour effectuer la rénovation thermique des bâtiments publics, il faut un point de départ mis à jour de manière régulière – d’où la proposition d’un audit énergétique renouvelé tous les dix ans – et un point d’arrivée – nous l’avons déjà : c’est l’objectif fixé par la stratégie du Gouvernement.

Il faut ensuite des responsabilités claires et mesurables. C’est la raison pour laquelle l’amendement propose que les engagements en matière de réduction de consommation énergétique figurant dans un bilan annuel soient ventilés par ministère. Cela permettra d’en analyser l’évolution de manière très précise et de responsabiliser les ministres, afin qu’ils poussent leurs administrations à atteindre les objectifs fixés.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. J’estime que cet amendement est déjà satisfait par le décret tertiaire. L’État dispose des outils lui permettant d’évaluer le niveau de mise en œuvre des objectifs de rénovation thermique. La priorité n’est donc pas d’ajouter un audit énergétique supplémentaire, mais bien d’agir pour mettre le parc en conformité.

Je laisse Mme la ministre répondre sur l’engagement de l’État à rénover ses propres bâtiments. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Dans le plan de relance, 2,7 milliards d’euros sont consacrés à la rénovation des bâtiments de l’État, dont il faut bien reconnaître qu’ils sont parfois les derniers à être rénovés. Ce montant permet de financer environ 4 200 opérations, dont une moitié dans le parc universitaire et l’autre dans tous les autres bâtiments. C’est un effort budgétaire sans précédent.

Le décret tertiaire vise tous les bâtiments, qu’ils soient privés ou publics, y compris ceux appartenant aux collectivités territoriales. Pour une fois, ce ne sont pas les seuls bâtiments privés qui supportent les obligations. L’Agence de la transition écologique (ADEME) élabore la plateforme OPERAT (observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire), qui permettra de suivre annuellement la consommation d’énergie des bâtiments tertiaires par type de propriétaire.

Demande de retrait.

M. Alexandre Holroyd. Je souhaiterais connaître la réponse de la ministre sur la ventilation précise par ministère et la responsabilité des ministres. Pour simplifier, dans le secteur privé, la responsabilité de la rénovation énergétique et de la réduction des émissions de GES relève du conseil d’administration. Faut-il appliquer cette logique à l’État, en confiant la responsabilité à chaque ministre ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les travaux dans les bâtiments de l’État sont réalisés par la direction de l’immobilier de l’État, mais un suivi précis de leur réalisation sera disponible par ministère.

M. Julien Aubert. La question de M. Holroyd est intéressante. Ce n’est pas la même chose pour un ministère d’avoir un bâtiment moderne, comme Bercy, ou d’avoir à entretenir le château de Versailles ou l’hôtel de Brienne.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1037 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. L’engagement de travaux de rénovation énergétique requiert de forts investissements de la part des consommateurs et ils doivent entraîner une baisse significative de la dépense énergétique du logement pour être rentables. Nous en avons déjà longuement parlé ce matin, donc je m’en tiens là.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. La nouvelle version du diagnostic de performance énergétique (DPE) prévoit une estimation de l’amélioration de la performance énergétique. Il est difficile pour un professionnel de s’engager au-delà car, après travaux, l’effet sur la consommation énergétique peut être amenuisé par une évolution des usages des ménages. Il serait très périlleux de s’engager dans la voie proposée par l’amendement, en particulier en raison des évaluations systématiques du résultat des travaux qu’il prévoit. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1413 de Mme Valérie Beauvais, CS4653 de M. Jean-Charles ColasRoy, CS4990 de M. Jean-Marie Sermier et CS2811 de Mme Florence Lasserre (discussion commune).

Mme Florence Lasserre. Les pratiques peu scrupuleuses de certaines entreprises mettent en réel danger la politique gouvernementale de rénovation énergétique dans son ensemble, et donc ses bénéfices pour les Français.

Il y a urgence à assainir ce marché.

L’amendement vise ainsi à imposer au moins 30 % de contrôles aléatoires par des bureaux indépendants pour les chantiers les moins onéreux, et jusqu’à 100 % des chantiers contrôlés dès lors qu’ils bénéficient de plus de 7 000 euros d’aides.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Ces amendements traitent tous de l’importante question des contrôles.

L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a considérablement augmenté le volume des contrôles sur les travaux financés par MaPrimeRénov’. Le contrôle sur les certificats d’économies d’énergie (CEE) a été renforcé. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) y participe également.

Pour lutter contre la fraude dans ce secteur, il faut aussi travailler sur les labels. Le label reconnu garant de l’environnement (RGE) doit encore être amélioré, car trop souvent les travaux réalisés par des entreprises labellisées RGE ne donnent pas satisfaction.

Avis défavorable à l’amendement CS2811 : les quotas de contrôles proposés ne sont pas réalistes. Les bureaux indépendants reconnus par le comité français d’accréditation (COFRAC) ne seraient pas en mesure de répondre à un objectif aussi ambitieux.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Depuis 2019, le ministère de la transition écologique a mis en place un dispositif de coordination des contrôles sur les chantiers de rénovation. Cela passe tout d’abord par la réforme du label RGE – avec le renforcement des audits de chantiers, notamment sur les travaux identifiés comme critiques –, ensuite par le développement du pôle de contrôle des CEE et, enfin, par l’augmentation des contrôles réalisés par l’ANAH, les services instructeurs y procédant eux-mêmes. Tout cela en lien avec l’action menée par la DGCCRF.

On évalue à un million le nombre de ménages qui ont procédé l’an dernier à des travaux de rénovation. Il ne serait pas possible de réaliser 500 000 contrôles ; on bloquerait toute la chaîne de la rénovation. Mieux vaut poursuivre la politique de contrôles ciblés, qu’ils soient effectués directement par l’État ou par les obligés sous son contrôle.

Mme Delphine Batho. Je soutiens l’intention de l’amendement de Mme Lasserre, sans être nécessairement convaincue par son dispositif.

La DGCCRF manque de moyens. Avec les associations de défense des consommateurs, on s’arrache les cheveux pour essayer de régler la situation de particuliers. Que ce soit pour les travaux d’efficacité énergétique ou pour l’installation de systèmes d’énergies renouvelables en autoconsommation, il y a beaucoup d’arnaques et cela affecte de manière considérable l’envie des Français de réaliser des travaux.

Par-delà les contrôles, il faut surtout engager les poursuites judiciaires nécessaires pour mettre hors d’état de nuire les entreprises aux pratiques trompeuses et déloyales.

M. Julien Aubert. Les réponses du rapporteur et de la ministre sous-entendent que soit on se satisfait du niveau actuel des contrôles, soit on ne peut pas en accroître le nombre. C’est difficile à entendre car on sait, d’une part, que des aigrefins profitent de l’argent public et, d’autre part, que des pans entiers de l’activité des organismes chargés de collecter les CEE font l’objet de contrôles très réduits.

Comme l’a relevé Mme Batho, le bouche-à-oreille joue un rôle important dans la décision d’engager des travaux de rénovation. Si votre voisin a été victime d’une fraude, c’est une publicité négative.

Même si je ne suis pas forcément d’accord avec les seuils retenus, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas en discuter. Entre tout et rien, il est possible de trouver une solution praticable.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. La demande de renforcement des contrôles émane également des obligés des CEE, qui y voient une manière de gagner en crédibilité à un moment où ils sont débordés par des acteurs moins vertueux. Ils seraient disposés à prendre eux-mêmes en charge financièrement les contrôles, plutôt que de subir le risque de voir se gripper l’ensemble de la mécanique. Car c’est bien ce qui est en train de se produire.

Certes, les diagnostics à un euro ont acquis une réputation négative, mais initialement ils paraissaient intéressants pour les consommateurs en permettant une massification des diagnostics et un reste à charge pratiquement nul.

Un contrôle systématique a donc du sens, mais la filière n’est pas capable de les réaliser dans l’immédiat. Il pourrait être envisagé de déterminer un échéancier progressif, voire d’augmenter le nombre de personnes à même de contrôler.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS1414 de Mme Valérie Beauvais, CS1745 de M. Thibault Bazin et CS2812 de Mme Florence Lasserre (discussion commune).

Mme Valérie Beauvais. L’amendement prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur l’efficacité des politiques de rénovation énergétique et en particulier sur l’opportunité d’imposer aux entreprises chargées de travaux de rénovation énergétique un contrôle de leurs chantiers par des bureaux indépendants attestés par le COFRAC, dès lors que ces chantiers bénéficient de plus de 10 000 euros d’aides publiques.

Il en va de l’efficacité de la dépense publique. Mettons un terme aux fraudes aux subventions d’argent public par des entreprises, et il y en a tout de même quelques-unes, qui ne respectent pas leurs engagements et plongent chaque année de très nombreux Français dans le désespoir.

Mme Florence Lasserre. Cet amendement poursuit l’objectif d’assainissement du marché de la rénovation énergétique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je partage l’intention des auteurs des amendements.

Comme les difficultés sont bien identifiées, ce qui importe désormais, c’est de dégager des ressources pour la réalisation des contrôles plutôt que de demander un nouveau rapport. Il s’agit donc d’un sujet à étudier dans le cadre d’un projet de loi de finances.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Ces amendements abordent deux points : le premier est de savoir si l’on peut effectuer un bilan de l’efficacité de la politique énergétique, le second porte sur les contrôles.

Le plan de rénovation énergétique a permis l’établissement d’un bilan chiffré, avec une première publication intervenue en septembre 2020. La mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, qui est à l’origine d’amendements de M. Vincent Descoeur, de Mme Marjolaine Meynier-Millefert – dont certains ont été adoptés –, apporte aussi des éléments. Nous sommes donc bien outillés pour l’analyse de l’efficacité de ces politiques.

Pour que la politique de rénovation énergétique marche, il faut que les ménages aient confiance dans les artisans et la possibilité de faire des travaux de bonne qualité. Les contrôles montent en puissance, avec une action accrue de la DGCCRF et de l’ANAH, mais aussi des obligés des CEE. Ceux-ci préféreraient en effet que la puissance publique fasse la totalité des contrôles, mais payer des contrôles sur la chaîne d’utilisation des CEE relève bien de leur responsabilité.

Un ciblage plus efficace et une meilleure coordination des organismes de contrôle sont nécessaires, notamment sur signalement, pour empêcher le plus vite possible les escrocs de sévir. S’y ajoutent le soutien au label RGE, lui-même objet de contrôles, la fin des offres à un euro et celle du démarchage téléphonique, puisque vous venez de voter la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux

Je partage l’avis du rapporteur : c’est aussi une question de moyens. Je ne crois pas que l’on puisse fixer des seuils aussi abrupts que ceux figurant dans les amendements. L’essentiel est de réaliser les bons contrôles aux bons endroits, ce à quoi nous nous employons. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme. Aujourd’hui les aigrefins prospèrent sur l’obligation de moyens. C’est la raison pour laquelle je défends l’obligation de résultat, en conditionnant le versement des aides à son atteinte. Cela permettrait un assainissement rapide du marché.

M. Jimmy Pahun. Il y a un consensus total sur ces bancs pour trouver une solution.

Peut-être faut-il suivre la suggestion de Mme Meynier-Millefert, pour que les obligés des CEE prennent en charge ces contrôles.

Apportons d’ici à la séance une réponse à nos concitoyens, sans renvoyer le sujet à l’examen du projet de loi de finances. Profitons de l’occasion offerte par ce projet de loi pour trouver une solution claire, de la même manière que nous avons su le faire ce matin avec les maisons de services au public, qui deviennent la première porte d’entrée pour toutes ces rénovations.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4824 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. L’objectif est de faire en sorte que les bénéficiaires du chèque énergie, qui sont donc en situation de précarité énergétique, soient les premiers bénéficiaires des aides à la rénovation énergétique existantes. C’est du bon sens social, car il vaut mieux aller vers ces personnes plutôt qu’attendre qu’elles viennent vers nous. C’est également du bon sens économique car 840 millions d’euros sont consacrés chaque année au chèque énergie, alors que des travaux permettraient d’aider les gens à sortir durablement de la précarité. Les chèques énergie sont mal utilisés car ils ne permettent pas de repérer ces ménages et de leur apporter les bonnes réponses.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le Gouvernement mène déjà des actions de sensibilisation et d’information à destination des publics recevant le chèque énergie. L’amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Depuis trois ans, à chaque campagne du chèque énergie, tous les bénéficiaires reçoivent une lettre individuelle signée par le ou la ministre de la transition écologique expliquant l’existence des aides à la rénovation. En outre, nous avons fait récemment une campagne MaPrimeRénov’ ciblée sur le fichier des bénéficiaires du chèque énergie, et nous pourrons encore intensifier le rapprochement des fichiers pour promouvoir les aides à la rénovation. Avis défavorable.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Je suis ravie que cette passerelle existe ; cela relève du bon sens. Pourrez-vous nous communiquer un bilan de l’efficacité de ces campagnes, en précisant le nombre de personnes qui ont ainsi pu sortir de la précarité ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS242 de M. Michel Vialay et CS3323 de Mme Valérie Beauvais.

M. Michel Vialay. La loi ÉLAN a instauré une obligation de réduction des consommations d’énergie dans le secteur tertiaire. Pour autant, les énergies renouvelables produites et autoconsommées dans les bâtiments ne sont pas considérées comme des actions de réduction de la consommation d’énergie. L’amendement vise donc à corriger cette inégalité de traitement en proposant de soustraire les consommations d’énergie couvertes par la production d’énergie renouvelable.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’énergie la plus vertueuse est celle qui n’est pas consommée. Adopter ces amendements reviendrait à encourager la consommation d’énergie alors que nous souhaitons aller dans le sens inverse. Avis défavorable.

M. Michel Vialay. Le problème, c’est que cela désavantage ceux qui sont les plus vertueux.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3007 de Mme Fiona Lazaar.

Amendement CS4834 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Les aides publiques à la rénovation énergétique étant réparties dans différents programmes budgétaires, il est difficile d’en dresser une synthèse en vue de rendre un avis parlementaire sur leur utilisation. Il est donc proposé de demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de les regrouper au sein d’un programme budgétaire unique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. J’en profite pour demander au ministère de l’économie, des finances et de la relance de faciliter l’accès aux informations des parlementaires. À chaque mission d’information, on « galère » pour trouver des informations. Quand le législateur aspire à obtenir des chiffres, il serait utile et pertinent qu’on lui facilite la tâche. Avis défavorable car votre rapport sur le sujet est déjà très éclairant. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen de la loi de finances, dans quelques mois.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le budget vert est un outil qui permet de tout regrouper. Nous nous y attellerons avec vous et avec l’appui du ministère du logement et de la transition écologique. Avis défavorable.             

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2795 de Mme Florence Lasserre.

Mme Florence Lasserre. Il s’agit d’une demande de rapport visant à faire le point sur l’opportunité de permettre aux salariés de débloquer de manière anticipée leur épargne salariale pour financer des travaux de rénovation énergétique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je vous renvoie vers la mission de M. Olivier Sichel, qui devrait rendre très bientôt ses conclusions. Nous aurons également l’occasion d’aborder ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances, plus indiqué pour évoquer la mobilisation de l’épargne salariale. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cela relève du niveau réglementaire car c’est un décret en Conseil d’État qui définit les usages autorisés pour le déblocage de l’épargne salariale. Le ministère de l’économie, des finances et de la relance est prêt à travailler sur la question des différents usages de l’épargne salariale, à un moment où l’épargne des Français est assez élevée, mais cela ne se fera pas dans le cadre d’un rapport. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS743 de M. Vincent Descoeur et CS1732 de M. Thibault Bazin.

M. Vincent Descoeur. Il est proposé que l’Agence de la transition écologique remette un rapport permettant d’évaluer la qualité des travaux dispensés par les professionnels disposant du label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE). Il convient en effet de s’assurer de la qualité des travaux et de leur contribution à l’atteinte des objectifs nationaux. Rappelons que, dans la période 2014-2016, 75 % des travaux n’avaient pas permis de saut de classe – c’est édifiant !

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’amélioration du label RGE a démarré dès 2019 et une évolution réglementaire est intervenue au 1er janvier dernier. Parallèlement, des groupes de travail sur la formation des entreprises RGE aboutiront à quelques évolutions réglementaires complémentaires début 2022. Nous ferons alors un point d’étape en nous appuyant sur le travail de l’ADEME et des organismes certificateurs. Avis défavorable à un rapport demandé par le législateur, mais je m’engage à communiquer des éléments sur l’évolution du label RGE.

M. Vincent Descoeur. Il me semble urgent d’avoir un retour, quelle que soit sa forme. J’avais imaginé l’astuce de confier ce rapport à l’Agence de la transition écologique parce que j’avais déjà tenté d’en confier beaucoup au Gouvernement, lequel n’apprécie pas particulièrement...

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Votre astuce n’était pas très cohérente avec les missions de l’ADEME car cela n’entre pas dans le champ de ses compétences.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS3492 et CS3491 de Mme Nathalie Bassire.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il s’agit d’une demande de rapport au Gouvernement dressant une liste positive de pays et de produits pour lesquels est reconnue une équivalence avec les normes françaises et européennes de certification de matériaux de construction, afin d’en faciliter l’emploi. En effet, la dépendance aux importations européennes de produits de construction est très importante dans l’ensemble des outre-mer. La Martinique, par exemple, importe environ 60 % des matériaux de construction utilisés pour l’habitat et la totalité des produits pour les corps d’état secondaires, essentiellement depuis l’Union européenne. Afin d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre des importations fixé par le code de l’environnement, il convient de réduire le volume d’importations de matériaux de construction vers les territoires ultramarins – il représente une part non négligeable du trafic entre l’Hexagone et les zones non interconnectées (ZNI) – en privilégiant l’import de matériaux présentant des caractères similaires depuis l’environnement régional.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Plusieurs rapports sur ce sujet ont déjà été publiés par le Sénat et par l’Autorité de la concurrence. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La définition d’une liste positive de pays est déjà traitée dans le plan logement outre-mer et sera opérationnelle d’ici à la fin de ce plan, en 2022. L’équivalence des normes et la possibilité de déroger au marquage CE relèvent quant à elles du règlement européen sur les produits de construction, dont la révision n’aboutira pas avant deux ans. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Chapitre II
Diminuer la consommation d’énergie

Avant l’article 46

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS4651 de M. Jean-Charles Colas-Roy.

Article 46 (article L. 2122-1-1A [nouveau] du code général de la propriété des personnes publiques) : Diminuer la consommation d’énergie superflue

Amendements de suppression CS872 de M. Julien Aubert et CS1524 de M. Jacques Cattin.

M. Julien Aubert. Cet article vise à donner une assise législative à l’interdiction des terrasses chauffées et climatisées pour les bars, les brasseries, les restaurants et même les buralistes. D’un point de vue économique, il faut se montrer raisonnable en cette période où beaucoup ont dû fermer. Par ailleurs, les terrasses chauffées ne représentent que 0,48 million de tonnes de CO2 par an, alors que la France en émet 43,1 gigatonnes chaque année. C’est donc tout à fait minime au regard de la lutte contre le réchauffement climatique. Je vous propose d’être modestes et de revenir sur cette interdiction.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le Gouvernement, par la voix de sa ministre de la transition écologique, Mme Barbara Pompili, a pris l’engagement, l’été dernier, d’interdire le chauffage en extérieur pour les terrasses présentes sur le domaine public. Ce choix figure à l’article 46 car il nécessite une assise législative. Je vous rejoins sur l’argument concernant les difficultés que traverse le secteur des cafés et restaurants. Le fonds de solidarité, doté de plusieurs milliards d’euros, vise justement à accompagner l’ensemble des acteurs de ce secteur particulièrement sinistré en raison de la crise. Dans l’amendement que nous examinerons juste après, je propose de réécrire cet article pour leur accorder un délai supplémentaire : l’interdiction des chauffages extérieurs n’entrerait en vigueur qu’au 31 mars 2022, période qui devrait être plus favorable à ce secteur.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Sur le fond, c’est une bonne idée d’interdire les terrasses chauffées. Nous venons de passer plusieurs heures à discuter de l’éradication des passoires thermiques, qui chauffent l’extérieur en même temps que l’intérieur. Or, le principe de la terrasse chauffée, c’est de chauffer directement l’extérieur : d’un point de vue écologique, c’est un non-sens absolu. Dans les pays froids, la situation se règle avec des plaids et non avec des calorifères.

Par ailleurs, on parle d’un demi-million de tonnes de CO2 économisées chaque année : ce n’est pas anecdotique ! D’ailleurs, en matière d’énergie, il n’y a pas de petites économies. La programmation pluriannuelle de l’énergie, la stratégie nationale bas-carbone sur la totalité du secteur du bâtiment, ce sont 26 millions de tonnes évitées chaque année – un million de tonnes, ça fait une différence ! Cette mesure est donc soutenue et assumée par le Gouvernement.

En revanche, la question du calendrier est importante. Compte tenu de l’engagement que nous avons pris d’accompagner les restaurateurs dans cette crise, je me rallie à l’amendement du rapporteur qui prévoit de décaler l’entrée en vigueur au 31 mars 2022, afin de ne pas pénaliser ce secteur. Avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.

Mme Delphine Batho. Nous avons là l’exemple d’une annonce faite avec tapage par le Gouvernement mais qui n’est pas concrétisée. Avant l’amendement du rapporteur, elle n’était même pas inscrite dans le texte.

Nous devons changer de rapport à la consommation énergétique. On ne peut pas prétendre que cette mesure soit déterminante dans la lutte contre le changement climatique, mais elle est importante pour le changement culturel dans le rapport à la consommation énergétique. Ce raisonnement vaut pour bien d’autres choses. Il aurait dû valoir hier, lorsque nous avons débattu des écrans vidéo publicitaires numériques, qui représentent, eux aussi, une dépense énergétique totalement inutile.

Enfin, quand cette décision a été annoncée par le Gouvernement, nous étions déjà en pleine pandémie. La situation du secteur de la restauration est grave mais je ne pense pas que le maintien des terrasses chauffées soit la principale mesure attendue par les restaurateurs.

M. Julien Aubert. Tout d’abord, comparer une terrasse chauffée à une passoire thermique, c’est faire preuve de mauvaise foi, parce qu’on ne vit pas dans la terrasse chauffée : ce n’est pas du tout le même type d’activité.

Ensuite, il faut regarder le bilan coût-avantage : pour économiser un demi-million de tonnes de CO2, qu’est-ce que cela coûte en termes d’emplois, quel est l’impact sur la filière des bars et brasseries ? On ne peut pas se contenter de regarder les avantages, sans tenir compte des inconvénients ; c’est bien à cette aune-là qu’on prend une décision.

Par ailleurs, un mélange est fait entre les économies d’énergie et la lutte contre le dérèglement climatique. Économiser de l’énergie, c’est bien, mais si c’est de l’énergie décarbonée, cela n’a pas d’impact. Une terrasse chauffée à l’électricité, on pourrait considérer que c’est totalement neutre pour la lutte contre le dérèglement climatique.

Enfin, je suis ravi d’entendre de la part du rapporteur que la crise sanitaire se terminera en mars 2022, et qu’il fera donc de ces terrasses chauffées un sujet de prédilection pour la future présidentielle. J’espère que l’hiver ne sera pas trop rude !

M. François-Michel Lambert. Ce sont de ces décisions emblématiques qui nous laissent croire qu’un petit effort sauvera la planète. Autant interdire les jet-skis ! Cela évitera de s’amuser l’été, au large du Fort de Brégançon… Les jet-skis produisent beaucoup plus de gaz à effet de serre que les terrasses chauffées. De plus, les personnes à faibles revenus ne peuvent pas se payer ce genre de loisirs, alors qu’elles peuvent prendre un café sur une terrasse chauffée avant de commencer leur journée de travail. Le seul argument qui est juste, madame la ministre, est celui du gaspillage énergétique. En revanche, sur la question du climat, il suffit d’interdire les chauffages au gaz, par exemple. Nous aurions pu recourir à la fiscalité pour éviter un usage exagéré de ces terrasses chauffées.

Mme Marie Lebec. La proposition du rapporteur me paraît équilibrée. Chacun comprend que chauffer une terrasse, c’est chauffer l’extérieur, ce qui pose question d’un point de vue écologique. Toutefois, cela permet aux restaurateurs, au vu de la situation qu’ils traversent depuis plusieurs mois, de bénéficier de leur terrasse encore un hiver et d’avoir le temps de s’adapter aux évolutions de la situation. Les restaurateurs sont accompagnés depuis le début de la crise, et cet amendement s’inscrit dans la dynamique d’accompagnement que nous avons installée depuis plusieurs mois pour les aider à faire face aux difficultés.

Par ailleurs, Madame Batho, vous avez dit que nous aurions dû traiter également les écrans numériques, mais je vous rappelle que nous l’avons fait : avec l’amendement sur la réglementation de la publicité numérique dans les vitrines des commerçants, nous avons adopté des normes plus contraignantes. Nous menons donc bien une action globale sur ce sujet.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS5352 du rapporteur et CS972 de Mme Delphine Batho (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur. C’est l’occasion de clarifier certains points. Dans le titre « Se loger » comme dans les chapitres sur la rénovation énergétique et la consommation d’énergie, l’objectif est de réduire la consommation. La meilleure énergie est celle qui n’est pas consommée. Nous n’interdisons à personne de prendre du bon temps en terrasse ; il s’agit juste d’interdire les systèmes de chauffage en extérieur, en accordant un délai supplémentaire au secteur. Cela signifie simplement qu’après le 31 mars 2022, on se mettra en terrasse avec un petit plaid. Il n’est pas nécessaire d’en faire tout un pataquès ! Nous continuerons à accompagner les professionnels dans cette crise. Chaque mois, nous prenons en charge 20 % du chiffre d’affaires des restaurateurs et des cafés, l’indemnisation pouvant aller jusqu’à 200 000 euros – c’est sans précédent ! Nous sommes parvenus à un juste équilibre entre un accompagnement pragmatique et l’ambition de préserver l’environnement.

Mme Delphine Batho. Le jour où les restaurants et les cafés pourront rouvrir, il n’y aura pas besoin de chauffer les terrasses pour que tout le monde s’y précipite et soit heureux de se retrouver et de pouvoir partager des moments de convivialité.

Le dispositif que propose le rapporteur oublie toutefois, au-delà du problème du chauffage, celui du rôle de la consommation énergétique liée au refroidissement. L’amendement que je propose, conforme à l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, concerne aussi bien le chauffage que la climatisation en extérieur, cette dernière étant tout aussi inappropriée.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Étant soucieux de réduire la consommation énergétique, j’entends votre alerte concernant les systèmes de refroidissement. Toutefois, si je connais l’existence de brumisateurs en terrasse, qui répondent à un enjeu de santé publique – ils sont les bienvenus en été, par exemple à Toulouse, quand il fait 40 degrés à l’extérieur –, je n’ai jamais vu de climatisation en extérieur. Je ne suis pas fermé à la discussion si ce problème existe vraiment, mais je n’ai pas connaissance de tels systèmes. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’émets un avis favorable sur l’amendement du rapporteur, qui inscrit dans la loi l’interdiction des terrasses chauffées, avec une date d’entrée en vigueur fixée au 31 mars 2022, et un avis défavorable sur l’amendement de Mme Batho, qui n’a pas la même date d’application. Nous verrons s’il y a un problème avec la climatisation à l’extérieur d’ici à la séance.

M. Antoine Herth. Il me paraît difficile de définir ce qu’est une climatisation : outre les brumisateurs, l’utilisation d’un ventilateur permet de mieux supporter la chaleur grâce à la circulation de l’air. Or les ventilateurs consomment de l’électricité : faut-il les interdire ? D’autre part, je rappelle que cette question peut toucher nos concitoyens d’outre-mer de façon très importante : nous devons donc faire attention à ce que nous écrivons dans la loi.

M. Michel Vialay. Je précise au rapporteur qu’il existe de véritables climatisations sur certaines terrasses. Si j’entends l’argument relatif aux territoires ultramarins, je pense tout de même que cela ne mange pas de pain de les interdire, parce qu’il y a une différence entre un ventilateur et un vrai système de climatisation, ce dernier étant fortement consommateur.

Mme Delphine Batho. Chaque été, depuis 2015, nous connaissons des vagues de canicule. Quand on prend au sérieux les scénarios de Météo France sur les plus 6 degrés l’été à l’horizon 2100, on voit qu’il y a urgence à lutter sérieusement contre le changement climatique.

La climatisation ne peut pas être considérée comme une mesure d’adaptation. Au‑delà du débat sur la climatisation en extérieur, qui est vraiment une hérésie, j’appelle votre attention sur le fait que les systèmes de climatisation contribuent au réchauffement. Une climatisation – et je ne parle pas de celles qui sont installées en extérieur – rejette de la chaleur en ville : quand on installe des climatiseurs pour lutter contre le changement climatique, on augmente en fait de 1 à 2 degrés la température ressentie dans les villes. Nous allons donc devoir nous intéresser de près à la question de la climatisation.

M. François-Michel Lambert. Il serait incohérent d’interdire les terrasses chauffées mais pas la climatisation à outrance, qui se développe de plus en plus – portes ouvertes dans les magasins climatisés, rideau d’air glacé à l’entrée… Que fait-on de cela, madame la ministre ? Avez-vous des bilans comparatifs de la consommation d’énergie des terrasses chauffées et de ces climatisations absurdes ? Si notre préoccupation est de lutter contre la consommation énergétique, il ne faut pas privilégier l’un par rapport à l’autre, mais interdire les deux.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur et je souhaite ensuite étudier, d’ici la séance et avec les députés qui le souhaitent, la question des dispositifs de refroidissement, qui consomment beaucoup d’énergie. De mon point de vue, on n’a pas suffisamment expertisé ce point pour proposer des modifications à ce stade.

La climatisation et le confort d’été sont des sujets dont nous nous préoccupons. La réglementation environnementale des bâtiments neufs, dite RE2020, tient compte du confort d’été, avec comme objectif d’avoir recours non pas à la climatisation, mais à la ventilation, au brassage d’air, à une orientation du bâtiment permettant de se passer de climatisation, à des parois qui peuvent couper l’arrivée du soleil sur des surfaces vitrées trop exposées. La prise en compte du confort d’été, et pas seulement du bilan carbone de la construction, est l’une des innovations de la RE2020. Nous devrons nous occuper de la question de la climatisation, qui pose un problème de consommation énergétique important. Je tiens à rassurer les députés : c’est un sujet que le ministère traite.

La commission adopte l’amendement CS5352.

En conséquence, l’article 46 est ainsi rédigé et les amendements CS972 de Mme Delphine Batho et CS3840 de Mme Valérie Petit tombent.

Après l’article 46

Amendements identiques CS848 de M. Antoine Herth et CS2196 de M. Martial Saddier.

M. Antoine Herth. J’ai travaillé avec des entreprises locales de distribution pour rédiger cet amendement. Le projet de texte organisant la cinquième période des certificats d’économies d’énergie (CEE), actuellement en consultation, prévoit d’abaisser progressivement le seuil de vente à partir duquel les fournisseurs sont soumis aux obligations d’économies d’énergie, fixées type d’énergie par type d’énergie. L’objectif de cette démarche est d’éviter des stratégies de scission évasive par création de filiales dans le seul but d’échapper à ces obligations d’économies d’énergie. Néanmoins, cela a des impacts collatéraux pour les entreprises locales de distribution. Leur couverture des coûts de l’activité de fourniture au tarif réglementé de vente d’électricité ne pourra plus être assurée pour certaines d’entre elles, en raison de la méthodologie de construction de ces tarifs, qui repose sur les coûts de l’opérateur national.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. La question de la cinquième période des CEE ne relève pas de la loi mais du règlement. Au niveau législatif, en revanche, la question des CEE sera traitée dans la loi quinquennale de programmation de l’énergie, prévue pour 2023, avec l’idée de fixer une trajectoire. Pour ce qui est des seuils, je laisserai la ministre compléter puisque cela relève du pouvoir réglementaire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cette question relève en effet du pouvoir réglementaire. Sur le fond, nous ne sommes pas d’accord sur la trajectoire : je vous confirme l’intention du Gouvernement de baisser ce seuil en cinquième période des certificats d’économies d’énergie parce que c’est un seuil d’exemption, qui fait peser de façon différenciée le poids des certificats d’économies d’énergie sur certains fournisseurs plutôt que sur tous, alors que ces certificats montent en puissance et qu’ils sont l’un des grands financeurs de la politique de rénovation énergétique. Le seuil actuel de 400, que vous souhaitez sanctuariser dans la loi, est trop élevé ; il sera ajusté à la baisse dans la cinquième période, à un niveau qui n’est pas encore totalement déterminé et qui sera négocié. Il sera d’ailleurs plus facile de le modifier en fonction des événements s’il est fixé par voie réglementaire. Avis défavorable.

M. Antoine Herth. Je retire mon amendement au profit d’un autre que je défendrai un peu plus loin.

L’amendement CS848 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS2196.

Amendements identiques CS3229 de M. Vincent Descoeur et CS4906 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.

M. Vincent Descoeur. Inspirés des travaux de la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, ils proposent que les orientations des certificats d’économies d’énergie soient établies dans le cadre d’une loi de programmation pluriannuelle. La question de l’efficacité de ces certificats se pose, ainsi que celle de leur gouvernance. Il semble indispensable d’assurer un pilotage qui garantisse une stabilité dans le temps et qui concentre le dispositif sur les gestes les plus performants – l’expérience a prouvé que c’est loin d’être toujours le cas.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Les acteurs du terrain nous interpellent souvent au sujet du dispositif des certificats d’économies d’énergie, sur lequel le Parlement a finalement très peu de prise. Nous avons le sentiment qu’il est géré par quelques-uns et que les parlementaires n’y ont pas vraiment leur place. Comment travailler de façon plus collégiale pour faire plus de transparence, comment mieux associer les parlementaires, peut‑être même en amont du texte prévu pour 2023 ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Mme Meynier-Millefert et M. Descoeur ont très bien présenté le sujet dans leur rapport d’information sur la rénovation thermique des bâtiments. Mais une loi de programmation pluriannuelle ne me semble pas être le bon véhicule : le rendez-vous de la loi quinquennale de programmation de l’énergie est plus adéquat. Avis donc défavorable sur ces amendements, mais la discussion sera bienvenue pour la suite.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La loi quinquennale de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui se penche sur la trajectoire énergétique tous sujets confondus, me paraît en effet être le bon vecteur s’agissant des certificats d’économies d’énergie, qui financent en partie la rénovation énergétique des logements et des bâtiments, mais qui ont aussi d’autres utilisations dans le champ de l’énergie. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Le problème de fond, c’est quand même qu’un ministre puisse fixer une obligation liée à des certificats d’économies d’énergie, qui se traduit par une taxe qui ne dit pas son nom, payée par l’ensemble de nos concitoyens, à 50 % par exemple sur le prix du carburant. Cette taxe n’est donc pas votée par le Parlement. Cela soulève un vrai problème politique : on voit bien que les gaziers sont mécontents de la cinquième période d’obligation d’économies d’énergie, que des distorsions peuvent se créer quant au pouvoir d’achat. Le Parlement ne peut pas accepter qu’une quasi-taxe soit décidée en toute opacité par le ministre, aussi bon soit-il.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Le bon véhicule est effectivement la loi de 2023, mais cela reste loin. Peut-on trouver une manière d’associer les parlementaires plus tôt ?

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1195 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit de favoriser l’approche de l’économie circulaire dans la rénovation énergétique. La démonstration est faite que l’économie circulaire permet de mieux consommer les ressources : on recycle, on utilise la bonne ressource pour le bon usage, on cherche l’efficience, ce qui fait à chaque fois moins d’énergie consommée car produire une ressource, c’est brûler de l’énergie. Une stratégie d’économies d’énergie dans le bâtiment qui intègre une approche d’économie circulaire est donc doublement gagnante.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Pour renforcer l’efficacité des CEE, l’objectif actuel est de limiter les mécanismes de bonification. Par ailleurs, les niveaux de CEE sont du domaine réglementaire. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour répondre à Mme Meynier‑Millefert, on peut sûrement trouver des mécanismes pour accroître la concertation avec les parlementaires au moment de la discussion de la cinquième période. Les textes qui y ont trait ont été soumis à consultation publique et sont connus de tous. L’objectif de la cinquième période est plutôt de réduire le volume des bonifications pour que les certificats d’économies d’énergie financent un maximum d’opérations de travaux. Je ne peux donc pas être favorable à cet amendement qui par ailleurs est de nature réglementaire.

M. François-Michel Lambert. J’ai bien compris votre orientation : que les CEE financent les travaux. Je pense que cela n’aura pas un impact majeur. L’amendement tel qu’il est construit n’impose rien, mais demande au Gouvernement de tenir compte d’un thème dans les décrets qu’il prendra par la suite. C’est purement le rôle des parlementaires que de demander à l’exécutif d’agir dans le sens souhaité, en l’occurrence d’utiliser des produits de l’économie circulaire plus que des produits qui gaspillent beaucoup d’énergie.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS849 de M. Antoine Herth, CS2199 de M. Martial Saddier, CS2482 de M. Richard Lioger et CS4262 de Mme Barbara Bessot Ballot.

M. Antoine Herth. J’ai bien entendu que le volume de ventes serait inférieur à 400 millions de kilowattheures. Cet amendement renvoie d’ailleurs à un arrêté ministériel. Cependant, envisagez-vous le principe d’une part réservée pour les entreprises locales de distribution ?

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Il s’agit d’ajouter l’alinéa suivant : « Des volumes de certificats d’économies d’énergie délivrés dans le cadre des programmes sont dédiés aux entreprises locales de distribution chargées de la fourniture aux tarifs réglementés de vente, dans leur zone de desserte, en vertu des obligations de service public qui leur sont conférées par les articles L. 121‑5 et L. 121‑32 du code de l’énergie. Les volumes dédiés par programme sont définis par arrêté du ministre chargé de l’énergie. »

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Dans l’amendement précédent, vous nous demandiez d’exonérer les entreprises locales de distribution (ELD) du financement des CEE. Vous demandez maintenant qu’elles bénéficient des CEE au travers de programmes qui seraient ciblés sur un certain type d’entreprises. Ce n’est pas possible du point de vue du respect de la concurrence et de l’équité entre les obligés. Avis défavorable au fond.

M. Antoine Herth. Mais, madame la ministre déléguée, la concurrence est déjà faussée. Prenons l’exemple des compteurs linky : une entreprise comme ENEDIS a une force d’achat autrement plus importante qu’une entreprise locale de distribution. Cela a d’ailleurs été utilisé pour mettre la pression sur certaines ELD et essayer de les faire disparaître. Pourtant elles rendent un service incomparablement supérieur, en termes de relation client, à celui des plus grands distributeurs, sans parler de ceux qu’on ne connaît que par internet. L’objet de mon amendement est que vous preniez en compte l’attachement de nos concitoyens aux entreprises de distribution locales lorsque vous écrirez vos décrets et vos arrêtés ministériels. Mais j’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas avancer sur le sujet aujourd’hui, et je le retire. Nous en reparlerons peut-être en séance.

L’amendement CS849 est retiré.

La commission rejette les trois autres amendements.

Amendements CS709 et CS716 de Mme Delphine Batho (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il s’agit d’économies d’énergie plus substantielles que celles liées aux terrasses chauffées : beaucoup de bâtiments professionnels, notamment tertiaires, continuent d’être chauffés même quand ils sont vides, la nuit par exemple. Cela représente un gisement d’économies d’énergie très important, que la Convention citoyenne pour le climat avait signalé. Baisser le chauffage de 1 degré permet de diminuer la consommation énergétique de 7 %. Chauffer dix heures par jour pendant cinq jours plutôt qu’en permanence permet de réaliser 22 à 26 % d’économies d’énergie. C’est le sens de ces amendements qui prônent aussi un changement culturel assumé pour ce qui est de la consommation énergétique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Le code de l’énergie, dans ses articles R. 241-26 et R. 241-27, précise les limites de températures moyennes de chauffage en période d’inoccupation du bâtiment, qui sont de 16 degrés lorsque la durée d’inoccupation est supérieure à vingt-quatre heures et 8 degrés lorsqu’elle est supérieure à quarante-huit heures. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable, puisque ces amendements sont satisfaits par les articles réglementaires R. 241-25 à R. 241-29 du code de l’énergie.

Mme Delphine Batho. Il me semble que le périmètre des bâtiments concernés n’est pas le même. Si ces amendements sont satisfaits, tant mieux, mais je ne pense pas que ce soit le cas, et la Convention citoyenne non plus.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Effectivement, le périmètre est différent : votre disposition s’appliquerait aussi aux bâtiments industriels et agricoles, qui peuvent avoir des contraintes de maintien en température et auxquels il paraît donc difficile d’imposer une obligation générale. Mais pour le tertiaire, nous sommes d’accord, c’est utile et c’est déjà fait.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS4321 de M. Jean-Luc Fugit, CS4652 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS2193 de Mme Émilie Chalas (discussion commune).

M. Jean-Luc Fugit. Nous abordons là le chauffage au bois non performant dans le secteur résidentiel, qui est le premier contributeur à la pollution aux particules fines en France, celles qu’on appelle PM2.5. Il représente plus de 50 % des particules fines en France et plus de 67 % en Auvergne-Rhône-Alpes en 2019, alors que la mobilité n’atteint pas 20 %.

La ministre de la transition écologique a demandé au Conseil national de l’air, que je préside, de travailler sur la question. La feuille de route est en cours d’élaboration, et je pense qu’il faudra un volet législatif. En effet, les concentrations que l’on mesure sont supérieures aux valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit 10 microgrammes par mètre cube. Afin d’atteindre ces valeurs, et sachant qu’il y aura une nouvelle directive relative à l’air en 2022, cet amendement demande aux préfets, dans les zones couvertes par un plan de protection de l’atmosphère (PPA), donc les plus polluées, de prendre des mesures adaptées d’ici au 1er janvier 2023 de manière à diminuer les particules fines de 50 % entre 2020 et 2030. Il permet d’enclencher la dynamique qui va être imposée par les valeurs guides de l’OMS.

Mme Émilie Chalas. Députée de Grenoble, les particules fines m’intéressent de près, puisque nous faisons partie des neuf agglomérations visées par le Conseil d’État pour dépassement trop régulier des seuils en la matière. J’ai déposé plusieurs amendements qui sont soutenus par les préfets de l’Isère et de la Haute-Savoie – et donc de la vallée de l’Arve – ainsi que par Grenoble Alpes Métropole, qui a validé un vœu à ce sujet vendredi dernier. La représentation nationale doit se saisir du sujet et donner aux acteurs locaux, préfets, collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) les moyens d’œuvrer.

Ce premier dispositif permet aux préfets non seulement de réguler l’usage du chauffage au bois dans les périmètres des PPA, comme c’est le cas aujourd’hui, mais aussi d’interdire l’installation d’équipements qui ne seraient pas performants.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. J’adhère sur le fond à ce qui a été dit, mais le Gouvernement a travaillé à un plan d’action sur le chauffage au bois, qui compte cinq grands axes. Je vous propose de retirer vos amendements afin de travailler à une rédaction qui s’accorde avec ce plan d’action, l’objectif étant d’inscrire dans la loi ce qui est nécessaire sans qu’il y ait de doublon. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le sujet est important, et je partage la préoccupation des auteurs des amendements. Le Gouvernement est en train de finaliser un plan d’action contre le chauffage au bois non performant pour améliorer la qualité de l’air, qui comprend cinq grands axes : la sensibilisation du grand public à l’impact sur la qualité de l’air du chauffage au bois avec des appareils peu performants, avec une campagne de communication nationale, une information dans le cadre du diagnostic de performance énergétique (DPE), et un ramonage rendu obligatoire une fois par an ; le renforcement et la simplification des dispositifs d’accompagnement visant à accélérer le renouvellement des appareils de chauffage au bois ; l’amélioration de la performance des nouveaux équipements ; la promotion d’un combustible de qualité ; et enfin, ce qui rejoint vos préoccupations, la possibilité d’encadrer le chauffage au bois dans les zones de PPA en prenant des mesures adaptées au territoire pour réduire les émissions.

Je vous demande donc de retirer l’ensemble des amendements qui ont été déposés sur le sujet et de les retravailler avec le Gouvernement afin d’être prêts pour la séance, car ce que vous proposez est en train de télescoper ce que fait le Gouvernement – et vous savez que Mme Barbara Pompili est très attachée au sujet. C’est une problématique qui est connue dans le bassin de Grenoble, dans la vallée de l’Arve ou ailleurs et que nous devons traiter, mais nous avons besoin de quelques jours de plus pour finaliser les choses afin que des amendements puissent être adoptés en séance. Demande générale de retrait.

Mme Émilie Chalas. Le chauffage au bois permet certes des économies de gaz à effet de serre, mais augmente la production de particules fines, Dans le plan d’action du Gouvernement, il ne s’agit donc pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul ; le résultat serait très néfaste pour la santé publique.

Mon amendement prévoit effectivement d’interdire l’utilisation des équipements les moins performants, comme c’est fait par exemple dans la vallée de l’Arve avec l’interdiction des cheminées à foyer ouvert au 1er janvier 2022. Ce dispositif se retrouve dans le plan d’action du Gouvernement, comme un certain nombre d’autres que je présenterai dans les amendements qui suivent. Je prendrai le temps de défendre chacun d’eux, d’abord pour faire progresser l’acculturation sur ce sujet, parce que beaucoup de bêtises sont dites autour des pics de pollution – l’hiver notamment, ils sont beaucoup moins dus à la voiture qu’au chauffage au bois – et ensuite pour savoir s’il est possible d’avancer d’ici à la séance et d’obtenir quelques garanties si je les retire, parce que c’est un sujet de santé publique. En attendant, je retire ce premier amendement.

M. Jean-Luc Fugit. Samedi, nous avons travaillé sur la mobilité et le docteur en pollution de l’air que je suis a beaucoup parlé de qualité de l’air. Le Conseil national de l’air travaille avec le Gouvernement, à sa demande, sur la feuille de route. Nous y reviendrons en séance. En attendant, je vais retirer mon amendement CS4321 et aussi le CS4325 qui devait suivre. J’y proposais d’y interdire à compter de 2022 toute installation, dans les constructions neuves individuelles ou collectives, de cheminées à foyer ouvert, qui constituent un véritable problème : en région Île-de-France, c’est la première contribution aux émissions de particules fines. Il y a quatre sources de pollution aux particules fines : l’agriculture, l’industrie, le chauffage au bois non performant et la mobilité. Je n’entrerai pas dans le détail, car ce sont des choses assez complexes, qui dépendent de la taille des particules et aussi de leur nature chimique. Bref, je continue le travail avec la ministre sur le sujet et je pense qu’un volet législatif sera inévitable, que nous verrons en séance. En revanche je suis d’accord avec la ministre déléguée pour dire que s’agissant de la sensibilisation par exemple, il n’y a pas besoin de mesure législative.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CS4652 est également retiré pour être retravaillé en vue de la séance.

Les amendements sont retirés.

L’amendement CS4325 de M. Jean-Luc Fugit est retiré.

Amendement CS2234 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. C’est un autre dispositif dont j’espère qu’il pourrait aboutir en séance. Il soulève l’enjeu de la labellisation du chauffage au bois. Aujourd’hui les mesures sur lesquelles se fonde la labellisation sont prises lorsque le poêle est chaud, bien allumé, et utilisé de façon optimale. Or on sait tous qu’il y a bien d’autres conditions d’utilisation. Il faut donc que les labels prennent l’ensemble des usages en considération et qu’ils soient harmonisés, afin de constituer des sources fiables et d’aider à un usage éclairé du système de chauffage. Le label « Flamme verte » s’exprime en nombre d’étoiles, qui augmente en même temps que la performance. Je vous propose donc d’interdire à la vente les appareils inférieurs à la classe 5 étoiles, sachant qu’il y a encore deux classes au-dessus. Ce sont donc des appareils performants qui seront distribués sur tout le territoire.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Je donne un avis défavorable à cet amendement qui ne me semble pas relever du domaine législatif. Quant à l’objectif que vous poursuivez, il y a une réglementation européenne qui conduit à généraliser le niveau 7 de la Flamme verte. Elle s’applique à notre pays et il me semble que c’est suffisant. Pour le reste, je m’en remets au Gouvernement et à sa feuille de route sur le chauffage au bois.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En première orientation, nous sommes favorables à tout ce qui fait monter en qualité les appareils de chauffage au bois, mais j’ai effectivement la même interprétation que le rapporteur : le règlement européen écoconception rend obligatoires dès 2022 des normes équivalentes au label Flamme verte 7 étoiles, alors que votre amendement en reste à 5 étoiles. Il me semble donc qu’il est déjà satisfait. Néanmoins, nous devons vraiment aller au bout du travail technique d’ici à la séance pour être sûrs que nous avons la même compréhension des réglementations qui s’appliquent. En tout cas, je suis favorable à l’idée qu’on augmente progressivement le seuil d’exigence pour éviter des appareils qui émettraient trop de particules.

M. Dominique Potier. Je soutiens la proposition de la ministre déléguée de retravailler la question, mais j’appelle l’attention du Gouvernement sur la sensibilité du sujet dans la population. Le bois est une des sources d’énergie mobilisées en milieu rural ; il y a une civilisation rurale de l’affouage, une tradition de l’exploitation des communs, il y a une pratique de reconnexion à la nature qui est très recherchée aujourd’hui ; sa performance énergétique et ses conditions sanitaires ne sont pas discutées. Il faut progresser donc, mais la manière de procéder – je ne rappelle pas que ce sont les gilets jaunes qui nous amènent indirectement ici – fera l’objet d’une extrême sensibilité. Les personnes qui en milieu rural font leur bois ont beaucoup de mérite. Elles représentent une forme d’écologie qui doit peut‑être être mieux normée et accompagnée, mais qui est aussi un élan extrêmement vertueux. Donner l’impression de mépriser ces aspects, ce qui n’est pas du tout votre intention j’en suis sûr, serait une erreur majeure. Oui, il faut progresser, mais avec beaucoup de délicatesse et de respect des personnes.

Mme Émilie Chalas. J’entends votre remarque, Monsieur Potier, le sujet a été largement soulevé dans les auditions. D’ailleurs, l’ambition du Gouvernement et de la majorité est bien de passer de 7 à 9 millions de foyers chauffés par le bois : la dynamique est au développement, à n’en pas douter. De surcroît, ceux qui font leur bois sont ceux qui savent le mieux comment faire en sorte qu’il ne pollue pas. Le problème que je vise est plutôt la consommation urbaine, dans les cheminées haussmanniennes qu’on a vaguement fait ramoner une fois par an parce que c’est obligatoire pour les assurances, et où l’on met du mauvais bois mal allumé.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2287 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. Si j’en étais restée à 5 étoiles dans mon amendement précédent, c’est parce que celui-là rend le label Flamme verte plus exigeant. Mais j’ai entendu vos remarques et je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendements CS2246, CS2302, CS2226, CS2136 et CS2275 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. En France, il y a ceux qui connaissent bien l’enjeu de la pollution aux particules fines ou qui ont l’expérience de l’usage du bois comme énergie de chauffage, et il y a ceux, nombreux, qui pensent que du moment que le bois est naturel, le chauffage au bois est plutôt vertueux. Or quand on s’en sert mal, ce ne l’est plus du tout. L’amendement CS2246 propose donc une campagne de sensibilisation nationale chaque année à l’approche de la période hivernale, à la hauteur de ce que les gouvernements successifs ont su faire pour la lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme ou les accidents de la route. Quand le Gouvernement veut faire connaître un sujet, il sait s’en donner les moyens.

L’amendement CS2302 indique que les professionnels en charge de l’entretien des équipements de chauffage au bois sont responsables du contrôle des équipements et de la transmission du certificat de conformité à l’autorité compétente. L’amendement CS2226 prévoit que l’entretien des équipements de chauffage biomasse est obligatoire et réalisé chaque année, et que tout défaut de conformité est signalé sans délai par le professionnel à l’administration compétente. L’amendement CS2136 a trait à la stratégie d’accompagnement de la filière et le CS2275 crée un chapitre spécifique dans le présent projet de loi, intitulé « Développer et encadrer le chauffage biomasse » – entendez, Monsieur Potier, « développer le chauffage au bois ».

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Un des sujets pour moi les plus importants, celui de la sensibilisation du public, fait partie des cinq axes du plan d’action que Mme la ministre déléguée a présentés. L’amendement CS2246 est donc satisfait. Je pense qu’il en va de même pour le CS2302, sous réserve de ce que dira Mme la ministre déléguée. L’amendement CS2226 sur l’entretien est lui aussi déjà satisfait par le code de l’environnement, puisque les chaudières au fioul, gaz, bois, charbon ou multicombustibles dont la puissance est comprise entre 4 et 400 kilowatts doivent déjà faire l’objet d’un entretien annuel. Sur le plan d’action demandé par l’amendement CS2136, je me tourne vers Mme la ministre déléguée car je ne connais pas le calendrier, mais en tout état de cause l’inscription dans la loi ne me paraît pas nécessaire. Enfin l’amendement CS2275 qui introduit un titre sur le chauffage au bois devient caduc puisque nous n’adoptons pas de nouvelle mesure en la matière. Je suggère donc le retrait de tous ces amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La campagne annuelle de sensibilisation fait bien partie du plan d’action, comme je le disais tout à l’heure. Je suis d’accord pour y travailler d’ici à la séance : je ne suis pas sûre que ce soit du domaine législatif, mais l’important, c’est l’action. La responsabilité des professionnels en charge de l’entretien est aussi un des axes du plan d’action sur lesquels nous pourrons retravailler.

Il me semble que l’amendement portant sur l’obligation d’entretien est déjà satisfait également, principalement par le code des assurances, mais nous sommes prêts à vérifier avec vous que l’intégralité de la question est traitée. S’agissant des stratégies d’accompagnement des filières, le volet rénovation et efficacité énergétique est déjà assez largement couvert par la stratégie nationale bas-carbone, la programmation pluriannuelle de l’énergie et le plan de rénovation énergétique des bâtiments, et ce qui concerne la qualité de l’air est traité dans le suivi du plan de qualité de l’air. Je ne sais pas si nous avons besoin d’un document spécifique à la frontière des deux, nous allons regarder cela. Enfin le dernier amendement n’a plus lieu d’être si les précédents ne sont pas adoptés. Avis défavorable sur l’ensemble.

Mme Émilie Chalas. Au vu de ces réponses et du travail qui nous attend d’ici à la séance, je retire ces amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS2281 de Mme Sylvia Pinel.

M. François-Michel Lambert. Merci à Mme Chalas pour l’énorme travail qu’elle a accompli, qui nous permettra d’avancer sur ce sujet complexe, entre la réalité des impacts qu’a rappelés M. Fugit et la réalité sociale qu’il ne faut pas oublier. Le groupe Libertés et Territoires saura soutenir les amendements qui seront présentés.

L’amendement CS2281 de Sylvia Pinel demande au Gouvernement de remettre en 2021 au Parlement un rapport visant à améliorer la recherche de solutions décarbonées dans le secteur du bâtiment.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. L’ensemble des concertations qui ont été menées dans le cadre de la réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2022, répondent à ce besoin, ainsi que le programme d’investissements d’avenir. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. On a déjà dépassé le stade du rapport : la réglementation arrive, et toutes les filières professionnelles de la construction vont avoir à travailler sur la réduction de leur empreinte carbone. Nous les accompagnons bien sûr, avec le Centre scientifique et technique du bâtiment, avec la disposition de la loi pour un État au service d’une société de confiance qui permet aux maîtres d’ouvrage d’utiliser des solutions d’effet équivalent, et avec des crédits du programme d’investissements d’avenir s’agissant de la mixité des matériaux, des matériaux innovants et des suites à donner aux travaux qui ont été rendus récemment par MM. Rivaton et Michel sur l’industrialisation de la construction du bâtiment. Nous en sommes donc déjà aux travaux pratiques. Avis défavorable.

M. François-Michel Lambert. Mme Pinel, qui a exercé les mêmes responsabilités que vous, madame la ministre déléguée, a utilisé l’outil qui est donné aux parlementaires pour aborder un sujet : la demande de rapport. Ce dont elle parle en réalité, c’est de l’opportunité de créer un fonds de soutien équivalent à celui qui existe dans l’aéronautique, notamment pour la transition vers l’hydrogène. Nous avons des transitions, des changements technologiques à négocier, qui nécessitent des moyens.

M. Loïc Prud’homme. Dans le secteur du bâtiment, contrairement à celui de l’aviation, c’est plutôt la low-tech qui nous permettra d’atteindre des objectifs ambitieux. J’apporte mon soutien au secteur de la construction BTP, bois-terre-paille, dont les performances techniques et énergétiques sont remarquables et qui apportera sans doute, à l’avenir, la solution pour le stockage du carbone, sans parler du gisement d’emplois qu’il représente. Inutile de courir après des procédés technologiques qui n’ont pas encore été inventés alors que nous avons des moyens à portée de main. Il suffit de se baisser pour ramasser de la paille ou de la terre.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS3991 de Mme Huguette Tiegna et CS3490 de Mme Nathalie Bassire.

M. Mickaël Nogal, rapporteur. Nous venons d’achever l’examen des chapitres dont j’avais l’honneur d’être le rapporteur. Je remercie mes collègues de tous les bancs : ce fut un plaisir d’avoir ces débats. Nous les poursuivrons en séance, et je compte sur la participation de tous. Ce fut un plaisir aussi de travailler avec vous, madame la ministre déléguée, vos collaborateurs et vos services, en particulier la direction de l’habitat, de l’urbanisme et de paysages, que je salue également en tant que président du Conseil national de l’habitat. Merci enfin aux équipes qui siègent comme nous le samedi et le dimanche jusqu’à minuit.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous remercie à mon tour, monsieur le rapporteur, pour avoir été à nos côtés pour examiner cette partie du texte.

Chapitre III
Lutter contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles d’urbanisme

Section 1
Dispositions de programmation

Article 47 : Programmation nationale de l’effort de réduction de l’artificialisation

Amendements CS496 et CS497 de M. Pierre Vatin, CS3162 de M. Guillaume Gouffier-Cha et CS4764 de M. Guillaume Kasbarian (discussion commune).

M. Jean-Yves Bony. Il s’agit de proposer une nouvelle rédaction de l’article 47. En effet, il ne semble pas opportun d’intégrer des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) en raison de l’absence de territorialisation de l’objectif. En effet, les SRADDET viennent d’être approuvés et le bloc local détient les compétences « planification locale et urbanisme ». Il est donc en responsabilité directe sur la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Il est proposé de reformuler l’objectif européen de zéro artificialisation nette par la formulation « neutralité nette d’artificialisation des sols », et l’objectif national issu de la CCC de division par deux de la consommation foncière.

Cette rédaction est le fruit d’échanges avec la Fédération nationale des agences d’urbanisme, la FNAU.

M. Guillaume Kasbarian. L’amendement vise à décliner une trajectoire nationale de la lutte contre l’artificialisation des sols. Plutôt que de parler d’objectifs quantifiables, qu’il sera difficile d’évaluer quantitativement, nous préférons raisonner en termes de trajectoire de prévention de l’artificialisation des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. Monsieur Vatin, vous proposez de ne pas introduire d’objectif chiffré de lutte contre l’artificialisation et de ne pas décliner d’objectif national dans les SRADDET pour en charger directement le bloc local. Vous proposez donc plutôt de contractualiser les objectifs à l’échelle locale, comme M. Gouffier-Cha. Je ne suis pas hostile à la contractualisation des objectifs pour lutter contre l’artificialisation et nous aurons l’occasion d’en débattre à l’article 49, mais nous avons choisi cette organisation pour impulser une direction à l’échelle nationale en fixant un objectif de 50 % de réduction à toutes les régions. À l’échelle régionale, les collectivités et leurs groupements délibéreront pour mieux partager l’effort entre elles. Pour beaucoup d’entre elles, cet effort ne fera que poursuivre et amplifier une trajectoire déjà engagée. Pour l’heure, l’article 47 a prévu de fixer de manière programmatique, à l’échelle nationale, notre objectif pour les prochaines décennies : ne pas consommer plus de la moitié des sols consommés pendant la décennie écoulée. L’objectif, simple et compréhensible, est une première étape vers l’objectif de l’absence de toute artificialisation nette en 2050.

M. Kasbarian propose de réécrire l’article de manière plus générale, et en appelle à la pédagogie pour conduire à la sobriété foncière. Il est important de maintenir un objectif chiffré. La pédagogie, en matière d’urbanisme et de consommation d’espaces, existe depuis de nombreuses années. La plupart des élus et de nos concitoyens comprennent la nécessité d’une telle limitation, comme en témoignent les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat. L’objectif de 50 % de réduction est ambitieux mais réaliste. Je vous invite à retirer ces amendements, sinon j’y serai défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les deux premiers amendements, de M. Vatin, visent à décliner l’objectif programmatique fixé à l’article 47. Nous y reviendrons à l’article 49. Le Gouvernement, contrairement aux signataires de ces amendements, est favorable à l’introduction d’objectifs chiffrés. En revanche, il est ouvert à toutes les propositions pour organiser le mieux possible la déclinaison de ces objectifs chiffrés entre les différents documents et dans le temps. Il serait dommage de supprimer le principe même de la programmation dans cet article. Je suis donc défavorable à ces amendements.

Concernant l’amendement CS3162, je préfère les termes « absence de toute artificialisation nette des sols » plutôt que « la neutralité nette d’artificialisation » car cette dernière rédaction renverrait à la seule mise en œuvre de ce droit par les collectivités alors que cet article programmatique vise l’ensemble des acteurs, de l’État à l’ensemble des personnes publiques ou privées. Prenons garde, par ailleurs, à ne pas confondre la consommation foncière avec l’artificialisation des sols. L’objectif du Gouvernement est de lutter contre l’artificialisation, à savoir la modification de l’usage des sols – nous verrons ensuite la déclinaison dans les documents d’urbanisme. La rédaction actuelle de l’article est plus claire.

Quant à l’amendement CS4764, il pose la question du chiffrage de la trajectoire. Par l’article 47, nous voulons inscrire notre ambition de lutter contre l’artificialisation mais aussi la chiffrer. Je vous invite à le retirer.

Les amendements CS3162 et CS4764 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CS496 et CS497.

Amendement CS4766 de M. Guillaume Kasbarian. 

M. Guillaume Kasbarian. L’article 47 prévoit d’inscrire dans la loi l’objectif programmatique de réduction par deux du rythme d’artificialisation pour les dix prochaines années par rapport à la décennie précédente. Or, cette période me semble trop restreinte. Les dix dernières années ont pu voir s’implanter une zone industrielle, commerciale ou résidentielle, comme il a pu ne rien se construire. Nous proposons, par conséquent, de lui substituer un délai de trente ans, afin de ne pas faire injustement peser sur les jeunes générations l’effort de la lutte contre l’artificialisation des sols, alors qu’elles ne sauraient être tenues responsables des conséquences des choix des générations précédentes.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je comprends votre intention mais nous souhaitons fixer un objectif général, à charge pour les collectivités de déterminer à l’échelle régionale ou infrarégionale les efforts à réaliser en fonction des besoins et des efforts de chacun. Laissons nos élus régionaux et locaux décider de la répartition des efforts. Je vous invite à retirer votre amendement, sinon j’y serai défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le délai de trente ans n’est pas précisé dans l’amendement CS4766 qui vise simplement à préserver les équilibres intergénérationnels et à tenir compte des différences entre les territoires. Sur le fond, je suis favorable à la différenciation par territoire. Nous y reviendrons à l’article 49. En revanche, l’article 47 est programmatique et votre amendement n’y apporterait rien. Je vous invite à le retirer.

Mme Delphine Batho. Afin de respecter les équilibres intergénérationnels, j’invite M. Kasbarian à penser aux générations futures. Nous ne pouvons continuer à artificialiser les sols à ce rythme. Je salue le travail de la Convention citoyenne pour le climat à ce sujet qui contribuera sans doute à sensibiliser nos concitoyens et à faire évoluer notre rapport culturel à la consommation d’espace. Nous devons sortir de la logique vorace des zones d’activité ou pavillonnaires. En revanche, je regrette le manque de portée normative de cet article. L’horizon de 2050 paraît lointain.

M. Julien Aubert. Je soutiendrai cet amendement. Vous le renvoyez à d’autres articles, mais quand nous y arriverons, vous aurez plutôt envie de le supprimer. L’objectif est clairement indiqué : ne pas dépasser la moitié de la consommation d’espaces observée sur les dix années précédentes. Le sujet de la déclinaison locale, tel que le rapporteur l’a soulevé, est sans effet sur cette mention. Porter la durée à trente ans est une invitation à réfléchir au temps long de l’urbanisation, en englobant plusieurs mandats électoraux, plusieurs majorités et donc plusieurs stratégies d’urbanisation. Dix ans, à Paris, c’est Mme Hidalgo. Trente ans, on remonte à M. Chirac. Les différences sont claires, ne serait-ce que pour ce qui concerne la piétonisation.

M. Guillaume Kasbarian. Vous avez raison, madame la ministre : la référence aux trente ans figure dans un autre amendement. Je retire mon amendement en espérant avoir appelé votre attention sur l’importance de ne pas pénaliser les générations futures.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3881 de M. Jean-Luc Lagleize et sous-amendement CS5411 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Le sous-amendement tend à préciser l’échéance de 2050.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’amendement de M. Lagleize vise à clarifier le projet de loi. Si nous nous fixons un objectif, c’est pour l’atteindre et non pour « tendre » vers lui. Grâce au sous-amendement du rapporteur, nous pouvons fixer la date à laquelle nous souhaitons avoir atteint l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols. Il est logique de fixer une date limite à notre objectif, qui soit cohérente avec la stratégie nationale bas-carbone et les grandes échéances internationales que nous nous sommes assignées. Ce sera donc 2050, avec une première étape à l’issue des dix années qui suivront la date de promulgation de la loi pour diviser par deux le rythme d’artificialisation par rapport à la période précédente. Lorsque nous arriverons aux trente ans, nous verrons quel type de division il faut retenir pour conserver la même ambition.

L’adoption de l’amendement et de son sous-amendement améliorerait le texte qui, sinon, resterait théorique. L’échéance de 2050 est éloignée mais elle est l’aboutissement d’une trajectoire jalonnée d’étapes. L’objectif de mettre fin à l’artificialisation des sols, extrêmement ambitieux, n’avait jamais été inscrit dans la loi jusqu’à présent alors qu’il permet de lutter contre le réchauffement climatique et de préserver la biodiversité. Avis favorable.

M. Julien Aubert. En fixant une échéance à 2050, vous montrez que vous avez bien une vision sur le long terme. Par conséquent, pourquoi prendre pour référence l’artificialisation des sols durant les seules dix dernières années ?

Par ailleurs, je suis toujours gêné quand on ne s’occupe que des dix premières années d’une trajectoire, le reste étant laissé dans le brouillard. Admettons que l’on parle de limitation de vitesse plutôt que d’artificialisation des sols : on roule à 80 km/h – ne voyez dans cet exemple aucune référence à une quelconque politique gouvernementale –, puis vous prévoyez de diminuer par deux la vitesse dans les dix prochaines années, ce qui nous amène à 40km/h, mais ensuite, vous laissez dans le flou les vingt années qui suivent ! Entre 40 km/h et zéro, il ne restera plus grand-chose ! Et je laisse de côté le concept d’artificialisation nette, dont il faudrait discuter. En tout cas, une large vision de l’urbanisation dans nos territoires, pour les soixante prochaines années, serait préférable.

M. Dominique Potier. Nous soutiendrons cet amendement et son sous-amendement, qui sont pertinents. En 2050, notre planète comptera 10 milliards d’êtres humains, qu’il faudra nourrir, tout en diminuant le quota carbone. L’effort que nous ferons sur le foncier n’est qu’un détail par rapport à tous ceux que nous devrons consentir. Ne fléchissons pas et fixons-nous des objectifs solides.

Je n’idéalise pas la Convention citoyenne pour le climat. Comme le ministère de l’écologie, elle a trop souvent méprisé l’autre enjeu du sol : l’accaparement des terres, qui pèse bien plus dans le réchauffement climatique.

Mme Delphine Batho. L’artificialisation des terres est une cause majeure de l’effondrement de la biodiversité. Elle est également responsable en partie des émissions de gaz à effet de serre. Elle concourt à aggraver les conséquences du changement climatique, comme en témoignent les inondations provoquées par l’imperméabilisation des sols. L’horizon de 2050 est bien trop lointain. Les scientifiques sont unanimes : c’est dans les dix prochaines années qu’il faut tout changer. Bien évidemment, il vaut toujours mieux atteindre que tendre vers un objectif mais nous restons dans le registre du proclamatoire, sans portée normative.

M. Lionel Causse, rapporteur. La période de dix ans est déjà celle qui sert de base aux élus locaux pour élaborer un plan local d’urbanisme (PLU) ou un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). Cette durée, déjà prise en référence, répond aux attentes des élus locaux. Je suis attaché à cette périodicité.

La commission adopte successivement le sous-amendement du rapporteur et l’amendement sous-amendé.

Amendements identiques CS108 de M. Dino Cinieri, CS356 de M. Martial Saddier, CS486 de M. Pierre Vatin, CS698 de Mme Émilie Bonnivard, CS761 de M. Gérard Menuel, CS1140 de Mme Danielle Brulebois, CS1397 de M. Hervé Pellois, CS1495 de M. Thibault Bazin, CS2570 de M. Charles de Courson, CS2719 de M. Mohamed Laqhila, CS2796 de Mme Florence Lasserre, CS3020 de M. Alain Perea et CS4288 de M. Arnaud Viala. 

M. Michel Vialay. Le projet de loi ne définit pas la notion d’« absence de toute artificialisation nette », en particulier ce que l’on entend par « nette ». Nous ne savons rien de l’espace, du périmètre, du temps. Ainsi, comment une commune s’acquitterait-elle des obligations que lui impose la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) si rien ne lui est précisé ? Nous proposons donc de remplacer cette notion par celle de « sobriété foncière », juridiquement et techniquement plus claire.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ces amendements visent à remplacer la notion de lutte contre l’artificialisation des sols par celle de sobriété foncière, à laquelle je suis favorable, en un sens. Nous y reviendrons lorsque nous en serons aux contrats de sobriété foncière.

Vous aurez remarqué que l’article 47 prévoit d’articuler l’objectif d’absence d’artificialisation des sols aux grands principes déjà en vigueur. La réduction de l’artificialisation n’est pas un nouveau principe général mai un outil concret qui doit nous aider à instaurer un nouveau modèle d’urbanisme foncier sobre. Elle est le cadre de l’action des élus. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous créons une nouvelle section dans l’article. La notion de réduction de l’artificialisation revêt une véritable valeur ajoutée pour les collectivités, les élus et les citoyens qui veulent s’assurer que les objectifs fixés dans la loi et les documents d’urbanisme sont respectés. Alors que beaucoup de vœux bien intentionnés ont émergé, dans le passé, sous l’étiquette de la sobriété foncière, nous proposons un instrument concret pour atteindre l’objectif que nous partageons quasiment tous, ici. Qu’il soit relativement complexe de concevoir un outil si ambitieux, nul n’en doute. Nous devons résoudre une équation difficile : comment concevoir un instrument qui nous permette, collectivement, d’atteindre notre objectif sans bloquer les moyens de développement pour les élus, sur le terrain ? Cette complexité nécessite une période de transition pour donner le temps, aux acteurs locaux, de s’adapter. J’ai travaillé avec la ministre et ses services à un amendement qui permette d’aménager cette période. Parce que l’artificialisation correspond à une réalité et non à un principe, nous avons besoin de cette période de transition. L’artificialisation est d’abord un outil pragmatique. Sa mise en œuvre doit l’être tout autant. Je suis donc défavorable à votre proposition de remplacer en bloc cette notion par celle de sobriété foncière. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La sobriété foncière est une notion que l’on retrouve plus communément dans les documents d’urbanisme que celle d’absence d’artificialisation des sols. Son objectif est, pour une fonction, une activité, un développement donnés, d’utiliser le moins d’espace possible. L’artificialisation nette est une notion plus large. Elle part de celle de sobriété foncière – utiliser le moins de terre possible pour une action donnée – mais elle inclut d’autres dimensions, comme celle de renaturation. Comment rendre à la nature un terrain artificialisé et redonner au sol ses différentes fonctions, qu’il s’agisse de stocker du carbone, drainer de l’eau, ou assurer la biodiversité ? Réduire l’artificialisation à la sobriété foncière, c’est accepter que, pour chaque opération donnée, on consomme le moins de terrain possible, mais c’est refuser de se préoccuper de la consommation des sols dans sa globalité. En effet, la consommation perdurera puisque la première étape de la trajectoire est de réduire l’artificialisation par deux. Le volume des sols artificialisés ces dix dernières années est estimé à 280 000 hectares, ce qui signifie que seuls 140 000 hectares pourront continuer à l’être. En revanche, le principe de l’artificialisation nette suppose que la sobriété foncière s’accompagnera d’autres opérations qui permettront de rendre ces sols à la nature et d’atteindre un objectif net.

Par ailleurs, on ne peut quantifier une trajectoire de sobriété foncière puisqu’il s’agit d’économiser des moyens dans un objectif de consommation. Au contraire, vous venez d’adopter une trajectoire qui nous conduira à zéro artificialisation nette en 2050. Cette notion est nouvelle. L’article 47, du reste, n’est pas un article codifié mais programmatique. Nous verrons, grâce aux amendements du rapporteur, comment le décliner dans les documents d’urbanisme, durant la première période de dix ans, pour le rendre le plus opérationnel possible. En tout cas, si on passait directement à la sobriété foncière, nous perdrions une bonne partie des enjeux du zéro artificialisation nette (ZAN). Surtout, nous ne pouvons pas définir un objectif clair de sobriété foncière, dans dix, vingt ou trente ans. La cible doit demeurer autour de la fin de l’artificialisation. Les opérations d’artificialisation se poursuivront parce que nous en avons besoin, notamment pour construire des logements en zone SRU, mais en parallèle seront menées des opérations pour ramener des sols à la nature. Le retour à la nature est très important, surtout en milieu urbain. Avis défavorable.

M. Michel Vialay. Si on doit construire des logements dans une commune, au sein d’une communauté urbaine, et compenser par la renaturation des sols dans une autre commune, comment arbitrer, surtout si les intérêts sont contradictoires ? Je pense en particulier au département des Yvelines où des zones pauvres côtoient des zones riches.

M. Hubert Wulfranc. Je comprends vos arguments, madame la ministre, mais il faudra nous expliquer les enjeux de ces deux dimensions, la sobriété foncière d’un côté, l’artificialisation nette de l’autre, dans le cadre de la loi SRU, des grandes opérations de renouvellement urbain, en particulier à l’échelle des EPCI.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3553 de M. Jimmy Pahun. 

M. Jimmy Pahun. L’amendement tend à fixer l’échéance de la ZAN à 2035. Le président de la région Bretagne avait tiré la sonnette d’alarme lors des vœux de l’année dernière : si nous continuons à ce rythme, il n’y aura plus un brin d’herbe en Bretagne, dans 240 ans.

J’en profite pour présenter un amendement déposé plus loin dans le texte, qui vise à supprimer les mots « tend » et « à terme », dans un souci de clarification.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons fixé un objectif à l’horizon 2050, conformément aux engagements pris devant l’Union européenne, échelonné en trois périodes de dix ans. Le ramener à 2035 représenterait une contrainte pour les collectivités et mettrait en péril leur développement. Retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Nous devons commencer par inverser la tendance d’artificialisation, atteindre un premier objectif de réduction de moitié dans les dix prochaines années, conformément à une préconisation de la Convention citoyenne pour le climat qui n’a, du reste, pas fixé de date pour atteindre le zéro artificialisation nette. L’échéance de 2050 reste ambitieuse et réaliste.

M. Dominique Potier. Je soutiendrai cet amendement. On aurait tout aussi bien pu fixer l’échéance à 2030. Le problème principal est celui des moyens que l’on se donne pour atteindre les objectifs visés. Rappelons-nous la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, ou la loi SRU : nous n’avons pas eu le courage politique d’inscrire dans la loi les moyens d’atteindre nos objectifs. C’est la même chose pour ce texte. Nous pouvons toujours nous payer de mots – artificialisation nette, sobriété – mais je ne vois nulle part les moyens qui permettront aux acteurs locaux d’appliquer cette loi. Il aurait fallu prévoir des schémas de cohérence territoriale (SCOT) pour tout le territoire, un calendrier prescriptif, des SRADDET articulés avec les SCOT, eux-mêmes articulés avec les PLUi. Il aurait encore fallu reconnaître les zones agricoles protégées, instaurer une fiscalité qui décourage les plus‑values sur le changement d’usage des sols. Aucun de ces instruments ne figure dans la loi. Que ceux qui souhaitent que tout continue comme avant se rassurent ! Je ne doute pas une seconde de la sincérité de la ministre, du rapporteur et de la majorité mais j’ai suffisamment d’expérience en ce domaine pour vous assurer que nous sommes loin d’avoir les instruments pour incarner votre volonté.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS109 de M. Dino Cinieri, CS298 de M. Guy Bricout, CS355 de M. Martial Saddier, CS762 de M. Gérard Menuel, CS926 de M. Paul-André Colombani, CS1104 de Mme Danielle Brulebois, CS1465 de M. Thibault Bazin, CS1637 de M. Hubert Wulfranc, CS3028 de M. Alain Perea, CS3235 de M. Julien Aubert, CS4293 de M. Arnaud Viala, CS4856 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Valérie Beauvais. Afin de rendre possible la différenciation territoriale dans l’atteinte de l’objectif, nous proposons de préciser que l’objectif est à l’échelle nationale.

M. Julien Aubert. Afin de rendre possible la différenciation territoriale, l’amendement tend à préciser que l’objectif de zéro artificialisation nette est à l’échelle nationale. Certains territoires, en effet, subissent une pression démographique plus forte que d’autres. Le pilotage peut être exercé en fonction du sol ou de l’effort à fournir. La sobriété foncière se mesure à l’aune de l’effort à fournir. C’est le terme « nette » qui fait la différence entre la sobriété foncière et l’artificialisation. Comme pour le carbone, certains veulent faire de gros efforts sur le numérateur, d’autres préfèrent compenser par le dénominateur. Une nouvelle fois, vous faites l’impasse sur la stratégie à mener.

M. Lionel Causse, rapporteur. Les dispositions s’appliquent à l’échelle nationale. L’article 47 prévoit de fixer un objectif programmatique national de réduction de l’artificialisation pour les dix prochaines années. L’article 48 prévoit d’intégrer la réduction de l’artificialisation dans le code de l’urbanisme pour en faire un cadre de l’action des collectivités. Enfin, l’article 49 prévoit de territorialiser les objectifs en déterminant comment répartir l’effort à l’échelle régionale, puis à celle des SCOT, des intercommunalités et des communes. Il n’est pas nécessaire de préciser davantage l’article. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur. L’article programmatique, par définition, couvre tout le territoire national. L’objectif est bien de réduire le rythme d’artificialisation de 50 % dans les dix prochaines années, puis d’atteindre zéro artificialisation nette en 2050. La territorialisation sera discutée aux articles suivants, notamment l’article 49. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3728 de Mme Frédérique Tuffnell.

Amendement CS5152 du rapporteur et amendements identiques CS1893 de M. Thibault Bazin, CS3038 de Mme Sylvia Pinel, CS3301 de M. François Pupponi et CS3601 de M. Stéphane Peu (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. Je propose un amendement rédactionnel pour clarifier la relation entre le flux d’artificialisation et le stock. Sur une période donnée – dix ans – un certain rythme d’artificialisation aboutit à la consommation totale d’une certaine quantité de sol. Cette rédaction permet de comprendre le mode de décompte de l’artificialisation, qui sera encore précisé à l’article 49.

M. Hubert Wulfranc. Il n’existe pas de définition précise de l’artificialisation des sols, et les outils de mesure restent à construire. Il pourra se révéler impératif d’introduire une approche différenciée selon que les projets de construction se situent dans l’enveloppe urbaine existante ou constituent une pure extension urbaine.

Il ne faudrait pas que la définition retenue dans la loi empêche une densification du tissu urbain existant alors que le droit de l’urbanisme prévoit déjà des outils de protection de la nature en ville. Nous proposons que l’objectif de réduction de l’artificialisation tienne compte de manière précise de l’état d’urbanisation des espaces concernés.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’adoption de mon amendement rédactionnel fera tomber les autres, auxquels je donne un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur et défavorable aux autres. La définition précise de l’artificialisation appliquée aux documents d’urbanisme, par voie réglementaire, va prendre du temps. Nous prévoirons d’autres dispositions à appliquer pendant la première période de dix ans, pour ne pas tout bloquer.

Par ailleurs, je ne suis pas sûre qu’il faille adapter la définition à la densité du tissu urbain. C’est par la territorialisation au sein des régions, dans les SCOT et les PLUi, que doivent se définir les stratégies de mobilisation optimale des espaces. Il n’y a pas besoin de décider par la loi que certains espaces seront plus mobilisés.

La commission adopte l’amendement CS5152 du rapporteur.

En conséquence, les amendements CS1893, CS3038, CS3301 et CS3601 tombent.

Amendement CS4504 de Mme Mathilde Panot, amendements identiques CS1106 de Mme Danielle Brulebois et CS2171 de Mme Émilie Chalas, amendements identiques CS1132 de Mme Émilie Bonnivard, CS1209 de M. Jacques Cattin, CS1362 de Mme Valérie BazinMalgras, CS3745 de M. Philippe Meyer et amendement CS4291 de Mme Nicole DubréChirat (discussion commune).

Mme Émilie Chalas. Nous proposons une trajectoire plus ambitieuse. Au cours des dix prochaines années, au lieu de nous autoriser à consommer l’équivalent de la moitié des surfaces artificialisées lors des dix dernières années, nous pourrions nous contenter du quart.

Cet amendement d’appel invite à repenser les contours de la définition de l’artificialisation et souligne l’importance de la lutte contre le réchauffement climatique au cœur des villes. J’y reviendrai dans d’autres amendements consacrés à la désartificialisation des sols, pour que la nature reprenne droit dans la ville. La ville-nature doit être un enjeu d’architecture et d’aménagement des espaces publics pour rafraîchir les cœurs des centres‑villes.

M. Lionel Causse, rapporteur. La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a proposé de réduire le rythme d’artificialisation lors des dix prochaines années à 25 % des surfaces consommées au cours des vingt dernières années. Nous avons décidé de nous référer aux dix dernières années, et d’abaisser le rythme d’artificialisation à 50 %. Notre engagement est plus ambitieux que celui de la CCC. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Au cours des années 2009-2010, le rythme d’artificialisation des sols était de plus de 30 000 hectares par an. En 2013 et 2014, il se situait autour de 26 500 hectares par an, et pour les dernières années connues, en 2017 et 2018, il s’élève à 23 000 hectares par an.

Réduire le rythme d’artificialisation au quart de la consommation d’espace constatée au cours des vingt dernières années représente un effort moindre que de l’abaisser à la moitié de la consommation d’espace des dix dernières années, l’artificialisation ayant été plus rapide lors de la période récente. L’amendement CS4504 est donc moins ambitieux que le projet de loi.

En revanche, les amendements suivants imposent de faire 75 % ou 80 % du chemin en dix ans. Or réduire le rythme d’artificialisation nette à 5 000 hectares par an en dix ans paraît impossible. D’autant que l’application de cette disposition suppose d’adopter des mesures contraignantes dans les SRADDET et les PLUi. Les délais de mise en cohérence figurant dans le texte sont très ambitieux – le rapporteur va vous proposer de les assouplir – et une partie des dix prochaines années y sera consacrée. Prévoir de faire les trois quarts de l’effort pendant que nous mettons en cohérence les documents stratégiques et les documents d’urbanisme n’est pas réaliste. Avis défavorable.

Mme Émilie Chalas. Le temps de parole autorisé pour présenter les amendements – une minute – ne permet pas d’exposer tous les enjeux. Je propose de réduire encore la part d’artificialisation car nous devons concevoir la ville différemment. Le débat sur la verticalité et l’innovation architecturale doit être reposé, pour pousser au développement de la ville‑nature. Le rôle des architectes des bâtiments de France doit également être repensé, car ils ont tendance à muséifier la ville, ce qui nous empêche de penser la ville-nature de demain. Un équilibre doit être trouvé entre la préservation du patrimoine et l’innovation technologique et architecturale.

M. Julien Aubert. Je comprends les grandes ambitions, mais comme nous l’avons vu à propos des objectifs de production électrique, elles se heurtent au mur de la réalité.

La réalité, c’est que certaines communes rurales connaissent un fort développement démographique. Comment permettre aux gens de rester dans les villages ? Comment empêcher les fermetures de classes d’école en raison de l’exode urbain ? Ces questions devraient être au cœur de nos débats, au lieu d’une bataille de chiffres qui donne l’impression d’être plus ou moins ambitieux, alors que l’ambition doit être corrélée à ce qui est réalisable compte tenu de la pression démographique.

Mme Sandra Marsaud. Je suis d’accord avec M. Aubert, nous devons considérer les aspects opérationnels et sortir des injonctions et des grands principes. Nous devons débattre des modalités d’application des objectifs.

La loi SRU a permis de planifier l’urbanisme au cours des vingt dernières années. Dans ma carrière d’urbaniste, j’ai élaboré beaucoup de documents d’urbanisme dans des territoires qui n’avaient jamais fait de planification. Il y a eu des erreurs, mais un bon travail a été réalisé.

Que voulons-nous exactement ? Si nous voulons moins étaler les villes, mais aussi réduire leur densité, où allons-nous installer la population française qui croît ? Laissons les injonctions contradictoires et les grands principes pour entrer dans le détail. Nous pourrons étudier plusieurs propositions intéressantes, les miennes comme d’autres.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS1088 de M. Vincent Descoeur, CS1762 de M. Thibault Bazin, CS2238 de M. Pierre Vatin, CS2297 de M. Maxime Minot, CS2575 de Mme Véronique Louwagie.

M. Vincent Descoeur. Nous souhaitons clarifier la rédaction en remplaçant l’expression consommation d’espace, parfois employée, par celle d’artificialisation.

Mme Valérie Beauvais. Cet amendement vise également à clarifier le référentiel d’observation de l’artificialisation au cours des dix dernières années, afin d’élaborer un diagnostic objectif. Ainsi, nous pourrons atteindre l’objectif de diviser par deux le rythme d’artificialisation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Votre volonté de clarification est satisfaite par l’amendement rédactionnel que nous avons adopté. Je propose le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous allons naviguer entre les concepts d’artificialisation et de consommation d’espace.

Notre objectif est de fixer une trajectoire portant sur l’artificialisation nette. C’est la notion employée dans l’article 47, et elle est bonne pour l’avenir. Elle permet de nous fixer une première échéance à dix ans, puis de viser zéro artificialisation nette en 2050.

Mais pour juger du passé, cette notion est mal définie, notamment dans le code de l’urbanisme. Sa définition requiert un décret en Conseil d’État, qui sera adoptée après une longue concertation et le recueil d’avis techniques indispensables. Pour faire référence au passé, nous devons donc utiliser la notion de consommation d’espace, non que le concept soit meilleur, mais parce que la référence est robuste. Dans un second temps, lorsque nous aurons une définition de l’artificialisation, nous pourrons nous y référer.

C’est pourquoi l’article 47 est ainsi rédigé : nous devons nous référer à ce que nous pouvons mesurer. Je partage l’avis de M. Julien Aubert et de Mme Sandra Marsaud, il faut rechercher des solutions opérationnelles, et cela impose d’utiliser des références que nous pouvons calculer. Avis défavorable.

Mme Émilie Chalas. L’artificialisation est une notion très juste, qui permettra d’y voir clair dans les années à venir. Elle inclut notamment l’emprise au sol. Je vous proposerai une définition en ce sens d’ici à la séance. Le débat ne porte pas sur la densification – qui fait horreur à de nombreux Français – mais sur la hauteur, et le rapport entre les surfaces bâties et les surfaces non bâties. Ce sont des considérations très opérationnelles, car les surfaces non bâties ne seront pas artificialisées.

M. Julien Aubert. Je sais bien qu’en faisant du vélo, on peut apprendre à pédaler, mais en termes de méthodologie, nous aurions pu commencer par définir précisément ce que nous voulons faire à l’article 47, puis nous fixer une trajectoire fondée sur la définition retenue.

J’ai du mal avec la méthode qui consiste à fixer un objectif, renvoyer à une définition incomplète pour l’atteindre, et en cours d’effort, réfléchir à la définition de ce que nous sommes censés mesurer.

Dans l’artificialisation, c’est l’imperméabilisation des sols qui me préoccupe. Un petit pavillon avec des arbres et un grand jardin constitue peut-être une artificialisation, mais il y a des arbres. Le débat sur la définition des notions est intéressant, et il est dommage de le renvoyer à un décret.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Ma formulation était imprécise : la définition sera précisée par un décret, mais elle figure à l’article 48. Nous essayons d’installer une nouvelle notion tout en commençant à agir sur la base des outils robustes dont nous disposons. C’est la logique de l’emboîtement des définitions dans les articles 47, 48 et 49.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3842 de M. Julien Ravier.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2884 de M. Matthieu Orphelin.

Amendement CS5117 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Nous en revenons à la période de référence. Je propose de nous fixer pour objectif de ne pas dépasser la moitié de la consommation d’espace observée au cours des trente années précédentes, et non des dix dernières.

Je partage les réflexions de Julien Aubert et Sandra Marsaud à propos des injonctions contradictoires. Nous demandons aux élus de construire des logements pour répondre à la croissance démographique, et en quantité suffisante pour que l’offre soit grande et qu’ils soient ainsi moins chers, mais nous fixons aussi des objectifs très ambitieux de lutte contre l’artificialisation dans la loi.

Certains souhaitent aller plus loin, plus vite et plus fort, mais il ne faudrait pas placer les élus dans une impasse. L’artificialisation est majoritairement due au logement : pensons aux élus qui devront appliquer les dispositions que nous votons.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Retenir pour période de référence les trente dernières années revient à diviser notre ambition par trois. En effet, si 280 000 hectares ont été artificialisés au cours des dix dernières années, nous pouvons extrapoler qu’en trente ans, la surface concernée atteint 1 million d’hectares. Or l’artificialisation de la moitié au cours des dix prochaines années représenterait 500 000 hectares. Nous changerions alors d’ordre de grandeur, et je ne peux pas être d’accord.

En revanche, je partage le reste de vos propos : l’enjeu est de concilier la lutte contre l’artificialisation avec les besoins des populations, notamment en matière de logement. Il est exact que le logement est responsable d’environ 60 % de l’artificialisation, mais c’est le fait des logements peu denses et de l’étalement urbain, particulièrement l’habitat pavillonnaire.

Nous devons proposer des formes nouvelles de logement ou de division parcellaire permettant de répondre aux besoins de logement tout en consommant moins de foncier. Il me semble que le texte propose un bon équilibre entre une ambition forte et la nécessité de laisser le temps à la transition. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Nous pourrions attendre que la définition soit claire pour faire courir le délai d’artificialisation.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Il y a urgence à agir !

M. Julien Aubert. Êtes-vous prête à en discuter d’ici à la séance ? Il sera de toute façon nécessaire de réviser les documents d’urbanisme. Nous laisser deux ans pour affiner la définition permettrait d’éviter les problèmes de méthode et d’apporter les modifications nécessaires aux documents.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est bien ce qui est prévu : nous posons le principe dans un premier temps, puis nous calculons la base de référence avec un outil robuste. Un amendement du rapporteur à l’article 49 prévoit que pendant la première période, l’artificialisation sera assimilée à la consommation d’espace naturel. Les documents d’urbanisme pourront être revus à l’aide d’une notion déjà connue, le temps nécessaire pour préciser la nouvelle définition. Ne rien faire pendant dix ans, ou attendre que toutes ces modifications soient adoptées, c’est se résoudre à l’inaction complète. Ce n’est pas possible.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2721 de Mme Patricia Lemoine.

M. Antoine Herth. Cet amendement, travaillé avec l’Association des communautés de France, apporte le regard des élus du terrain sur l’artificialisation nette. Il faut prendre en considération la diversité des territoires, les documents d’urbanisme existants et les problèmes de densification.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’objectif est fixé au niveau national, mais la territorialisation est bel et bien prévue. Nous en débattrons à l’article 49, et elle se déclinera dans les documents d’urbanisme. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2231 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

Amendement CS3417 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement peut sembler technique, mais pour avoir conduit avec Anne-Laurence Petel la mission d’information sur le foncier agricole, sous la présidence de Jean-Bernard Sempastous, il m’est apparu évident que nous devions disposer d’un instrument de mesure commun, pour que Geosud, l’INRAE, CORINE Land Cover et TERUTI-LUCAS puissent réaliser une comptabilité nationale et territoriale fine de l’artificialisation.

Je n’ai aucun prérequis sur la nature d’un tel outil, mais il faut un langage commun, en France, pour mener ce combat que nous partageons.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’Observatoire national de l’artificialisation fait déjà un excellent travail. Il dispose de nombreuses données et travaille avec le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Nous avons déjà les outils qui permettent de répondre aux questions que vous soulevez. Votre amendement est satisfait, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’observatoire du CEREMA sera l’outil de référence au niveau national. Mais il n’a pas une vocation universelle, les observatoires locaux vont continuer à exister. Ils devront partager la définition que nous allons élaborer à l’article suivant. Il ne s’agit donc pas d’un outil universel, mais d’un outil national qui peut colliger tout ce qui existe en laissant les observatoires locaux chercher des informations plus précises. Cet amendement est satisfait, je demande son retrait.

M. Dominique Potier. Vous convenez que le ministère de l’agriculture n’utilise pas le même indicateur que le ministère de l’écologie. Je prends acte de votre explication. Lorsque nous aurons adopté une définition, ces différents outils s’aligneront.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3841 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Il s’agit de préciser que la loi permet l’expérimentation et la mise en œuvre de mécanismes de compensation pour atteindre l’objectif d’artificialisation nette.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. L’article a pour objet de travailler à la réduction et à la limitation de l’artificialisation. Votre projet d’expérimentation n’est pas d’actualité.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le mécanisme de compensation ne peut se penser isolément. Il s’inscrit nécessairement dans la séquence « Éviter, réduire, compenser ». La prise en compte de la compensation dans le calcul de l’artificialisation nette n’intervient qu’une fois que le besoin d’artificialisation a été validé, après avoir étudié s’il était possible de construire sur des terrains déjà artificialisés – beaucoup de friches commerciales ou industrielles ont malheureusement été imperméabilisées. Ensuite, nous devons étudier s’il est possible de réduire le besoin, ce qui soulève la question du modèle foncier et de construction de la ville que nous souhaitons promouvoir.

Prévoir un alinéa directement consacré à la compensation ne me semble pas transmettre le bon message. Nous retrouverons la compensation parmi les éléments qui permettront d’élaborer les documents d’urbanisme et de décliner l’objectif à l’échelon inférieur au SRADDET, dans les SCOT et les PLUi. Il ne faut pas faire de la compensation une solution à la tension entre le besoin de construire et l’artificialisation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3852 de M. Alain Perea.

Mme Sandra Marsaud. Cet amendement anticipe sur l’article 48 pour préciser la notion d’artificialisation nette.

M. Lionel Causse, rapporteur. C’est bien à l’article 48 que nous discuterons d’une définition des sols artificialisés.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 47 ainsi modifié.

Après l’article 47

Amendement CS3843 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Nous proposons justement de préciser que la notion de compensation sera détaillée dans les SRADDET et les SCOT.

M. Lionel Causse, rapporteur. Pour les raisons citées précédemment, je demande le retrait, ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous ne pouvons traiter de la compensation de manière séparée. Nous en discuterons avec tous les autres éléments qui seront intégrés dans les SRADDET et les PLUi. Il s’agit d’un outil parmi d’autres, ce ne peut pas être la seule solution.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1774 de Mme Anne-Laurence Petel.

Amendement CS3836 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Notre collègue Valérie Petit a travaillé à plusieurs expérimentations.

Elle propose d’étudier l’instauration d’un marché des droits à artificialiser. Le sol va devenir une denrée rare ; autant créer un marché permettant à ceux qui ont des disponibilités de les mettre à disposition. Une deuxième expérimentation concerne la compensation locale des émissions de gaz à effet de serre.

Le Gouvernement serait invité à remettre un rapport au Parlement sur les résultats de ces expérimentations, qui pourraient constituer un « marché vert » par région, en vue d’une généralisation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je ne suis pas convaincu qu’il soit pertinent de créer un marché de droits à artificialiser et de titriser ces droits. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Il faut s’attacher à l’esprit du texte. Le sol n’est pas un bien marchand, c’est un bien commun qui rend des services en matière de protection de la biodiversité, de protection de la ressource en eau, de lutte contre le réchauffement climatique, et il faut que nous en consommions le minimum possible. Notre objectif est de ne plus en consommer du tout – la trajectoire du zéro net. Cela implique d’aménager, d’urbaniser et de construire différemment, pour envisager une manière d’habiter qui consomme toujours moins de sol, pour en rendre toujours plus à la nature.

Cet amendement n’emprunte pas cette direction. La titrisation instaure une forme de marchandisation du sol, la compensation de l’artificialisation devenant une question d’argent. Ce n’est pas du tout la philosophie de notre projet.

Bien sûr, nous nous référons à l’artificialisation nette, et nous continuerons à artificialiser certains endroits pour en renaturer d’autres. Mais cette compensation doit se faire à l’échelle d’une communauté de communes ou d’une agglomération. Cette réflexion devra d’abord se faire à l’échelle de la région avant de la décliner au niveau inférieur.

N’étant pas d’accord avec la philosophie, je ne le suis pas avec l’amendement.

M. Antoine Herth. Ne soyons pas borgnes, madame la ministre. Tout le monde est en retard sur la neutralité carbone et comme les émissions ne sont pas freinées, il faut réfléchir à la compensation ; je sens monter une pression à l’endroit des agriculteurs, à qui l’on dit de faire comme ci, de compenser comme cela. Sauf que cela ne s’accompagne pas d’espèces sonnantes et trébuchantes, et que cette nouvelle fonction n’est tout bonnement pas rémunérée. J’ai du mal à l’accepter et il semble qu’en matière d’artificialisation, on prenne le même chemin.

M. Dominique Potier. Je pourrais montrer à Antoine Herth comment, dans la région qui est la nôtre, des communautés de communes volontaristes redonnent une seconde vie à des terrains artificialisés. En aucun cas il ne faut financiariser les compensations ! Les effets seraient délétères sur la production agricole et catastrophiques pour l’organisation du foncier agricole. Cela contribuerait à accélérer un processus que nous condamnons par ailleurs, celui de la financiarisation des terres agricoles, fort éloigné de l’idéal commun de l’après-guerre. Il faut privilégier les accords locaux qui n’entraînent pas de spéculation ou de conséquences néfastes pour le reste de l’économie rurale.

M. Julien Aubert. Dans le marché carbone, qu’importe le flacon – l’entreprise, ou le pays –, pourvu qu’on ait l’ivresse. Ici, on ne tient pas assez compte de l’aménagement du territoire, puisqu’on considère que le marché distribuera de façon optimale l’activité économique sur le territoire. Mais je ne suis pas certain qu’à l’échelle d’une région, les grosses entreprises ne se fassent pas prédatrices, ce qui entraînera un déséquilibre territorial et accentuera la scission entre territoires ruraux et territoires urbains.

L’amendement est retiré.

Section 2
Autres dispositions

Avant l’article 48

Amendement CS3418 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement vise à inscrire les sols parmi les éléments du patrimoine commun de la nation, à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

Il revient à l’État, au nom de l’intérêt général, de fixer un cadre normatif clair visant l’arrêt de la dégradation des terres. Les territoires doivent être le creuset des solutions qui permettent l’application de cet impératif. La démocratie foncière suppose des instruments de mesure communs et modernes pour éclairer le débat citoyen. Les nombreuses règles d’urbanisme doivent être cohérentes et prescriptives ; la fiscalité doit décourager la rente foncière. Les politiques publiques doivent être réinventées autour d’un nouveau pacte entre le monde urbain et les espaces ruraux, lesquels ne doivent plus être considérés comme des périphéries.

Cette recommandation de la mission d’information sur le foncier agricole est inspirée d’une proposition présentée en mars 2018 à Poitiers par Benoît Grimonprez lors d’un colloque sur la réforme du droit foncier rural qui a fait date. Cette inscription serait un acte politique fort qui ferait honneur à notre assemblée.

M. Lionel Causse, rapporteur. Cette déclaration de principes, bien qu’importante, est très peu concrète et n’affecte pas directement le droit de l’urbanisme. Il me semble important que nous dotions les élus et les collectivités d’instruments pratiques, déclinables, compréhensibles, qui leur permettent de favoriser un urbanisme maîtrisé et cohérent. Pour avoir participé en tant que maire à l’élaboration de PLU et de SCOT, je ne pense pas qu’il soit souhaitable de perturber l’interprétation par les élus locaux du code de l’urbanisme. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’article L. 110-1 du code de l’environnement mentionne bien les sols mais en son alinéa 2 : « Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine. » Il me semble que votre amendement est satisfait.

M. Dominique Potier. C’est une querelle d’interprétation, madame la ministre. Monsieur le rapporteur, nous venons de passer plus de douze heures dans l’hémicyle à débattre d’une réforme constitutionnelle qui n’a pas davantage de portée normative sur le climat que l’inscription des sols dans le code de l’environnement ! Mais comme il existe une hiérarchie du droit, cette mention à l’alinéa premier de l’article L. 110-1 nous aiderait à faire passer d’autres avancées législatives.

La commission rejette l’amendement.

Article 48 (article L. 101-2 du code de l’urbanisme) : Intégration parmi les principes généraux du droit de l’urbanisme d’un objectif de réduction de l’artificialisation des sols

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3447 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

Amendements CS5156 du rapporteur, CS3882 de M. Jean-Luc Lagleize et CS3554 de M. Jimmy Pahun (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. Je propose d’écrire que l’action des collectivités publiques « limite » l’artificialisation des sols et non « tend à limiter ». Je suis en effet convaincu que les collectivités doivent toutes, dès maintenant, participer à l’objectif de réduction de l’artificialisation et de l’étalement urbain. Demande de retrait des amendements en discussion commune.

M. Bruno Milienne. Nous retirons nos amendements.

Les amendements CS3882 et CS3554 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CS5156.

En conséquence, l’amendement CS3845 de Mme Valérie Petit tombe.

La commission rejette l’amendement CS3361 de M. Cédric Villani.

Amendements CS5120 de M. Jimmy Pahun et CS3736 de Mme Frédérique Tuffnell (discussion commune).

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CS110 de M. Dino Cinieri, CS487 de M. Pierre Vatin, CS763 de M. Gérard Menuel, CS1121 de Mme Danielle Brulebois, CS1420 de M. Hervé Pellois, CS1496 de M. Thibault Bazin, CS2572 M. Charles de Courson, CS2686 de M. Didier Le Gac, CS2797 de Mme Florence Lasserre, CS4408 de M. Arnaud Viala, et amendements identiques CS354 de M. Martial Saddier, CS700 de Mme Émilie Bonnivard, CS5106 de M. Thibault Bazin, CS5110 de M. Charles de Courson et CS5112 de M. Mohamed Laqhila (discussion commune).

Mme Florence Lasserre. Nous proposons de remplacer les mots « absence d’artificialisation nette » par les mots « sobriété foncière ». Mais nous avons déjà eu cette discussion et nous connaissons la réponse.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4063 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Florence Lasserre. Aux termes de l’article 48, l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme limite l’artificialisation des sols et recherche l’équilibre entre la maîtrise de l’étalement urbain, le renouvellement urbain et l’optimisation de la densité des espaces urbanisés, la qualité urbaine ainsi que la préservation et la reconquête de la biodiversité et de la nature en ville et la protection des sols naturels, agricoles et forestiers. Nous proposons d’ajouter à cette liste la surélévation des bâtiments existants.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je partage votre ambition quant à la densification des espaces, notamment par la surélévation des bâtiments. Votre amendement sera satisfait par l’amendement CS5087 portant article additionnel après l’article 51.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2209 de M. André Chassaigne.

M. Hubert Wulfranc. La politique de limitation de l’artificialisation des sols doit tenir compte des enjeux d’adaptation aux territoires ruraux les moins dynamiques au niveau démographique, en particulier les communes rurales situées en zone de revitalisation rurale (ZRR) ou ayant perdu des habitants au cours des vingt dernières années.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’article 48 modifie l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme pour inscrire parmi les objectifs généraux le « zéro artificialisation nette ». L’équilibre entre populations urbaines et rurales, la lutte contre l’étalement urbain, et bien d’autres encore figurent déjà parmi les principes généraux du titre préliminaire. Il me semble que, sur cet aspect, votre amendement est satisfait. Nous pourrons discuter de la déclinaison opérationnelle de cet objectif à l’article 49.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4064 de M. Jean-Luc Lagleize.

Mme Florence Lasserre. Il s’agit cette fois d’ajouter à la liste la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement est satisfait car l’alinéa 6 mentionne explicitement le renouvellement urbain.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS111 de M. Dino Cinieri, CS764 de M. Gérard Menuel, CS875 de M. Julien Aubert, CS1497 de M. Thibault Bazin, CS2690 de M. Didier Le Gac, CS3031 de M. Alain Perea et CS4413 de M. Arnaud Viala.

M. Julien Aubert. Il s’agit de préciser que la qualité urbaine, visée à l’alinéa 7, est assurée en privilégiant les formes innovantes et durables d’aménagement et de requalification urbaine. Ce débat sur la qualité urbaine devrait être plus large – n’était-il pas interdit, dans certaines villes, que les bâtiments dépassent telle ou telle hauteur ? – et les divers principes énumérés à l’article 48 devront être équilibrés. Je ne suis pas certain que le débat parlementaire le permette ; nous en discuterons à l’article 49.

M. Lionel Causse, rapporteur. Le code de l’urbanisme contient déjà un grand nombre de considérations sur les formes d’aménagement et d’urbanisme. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La qualité urbaine est déjà un principe, mentionné à l’alinéa 7. Les formes urbaines innovantes et la requalification sont un sous-ensemble. Retrait.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5154 du rapporteur

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2603 de M. Charles de Courson.

Amendements identiques CS1134 de Mme Émilie Bonnivard, CS1185 de M. Jacques Cattin, CS1366 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CS1415 de Mme Valérie Beauvais, CS1912 de M. Thibault Bazin, CS3722 de M. Philippe Meyer, CS4219 de M. Florent Boudié et CS4336 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Valérie Beauvais. L’article 48 prévoit que l’objectif de « zéro artificialisation nette » suppose de rechercher l’équilibre entre plusieurs principes, lesquels concernent presque tous l’espace urbain. En outre, il place sur un même plan, à l’alinéa 8, la protection des sols naturels, agricoles et forestiers. Ces espaces peuvent pourtant se trouver en concurrence. Chacun d’eux a ses mérites dans la lutte contre le changement climatique : préserver l’espace agricole afin de ne pas importer les denrées alimentaires permet de préserver le climat. L’agriculture n’est pas le problème mais la solution.

Nous proposons donc de consacrer un alinéa à la protection des espaces agricoles en général et des aires parcellaires délimitées en appellation d’origine contrôlée (AOC) viticole en particulier. Il est nécessaire d’afficher un objectif spécifique de protection de l’espace viticole AOC et de limiter le phénomène d’extension urbaine par vagues successives. L’espace viticole ne cesse de reculer, pris en étau entre la protection des espaces naturels et l’extension de l’urbanisme et des réseaux. Or il se distingue par une délimitation à la parcelle qui sélectionne les terrains aptes à la culture d’un vignoble de qualité. L’ensemble du vignoble AOC représente environ 1,5 % de la surface agricole utile et mérite une protection durable car les plantations sont pérennes. Enfin, préserver les paysages viticoles constitue un élément essentiel de l’attractivité des territoires.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il revient au décideur local en matière d’urbanisme de donner un statut spécial aux terres viticoles. Cela ne doit pas être inscrit dans la loi. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’article 48 donne une définition de l’artificialisation des sols. Il importe de conserver cette notion et de ne pas y substituer celle d’« espace ».

La commission rejette les amendements.

Amendements CS3039 de M. Alain Perea et amendements identiques CS112 de M. Dino Cinieri, CS353 de M. Martial Saddier, CS488 de M. Pierre Vatin, CS765 de M. Gérard Menuel, CS1118 de Mme Danielle Brulebois, CS1498 de M. Thibault Bazin, CS2693 de M. Didier Le Gac et CS4416 de M. Arnaud Viala (discussion commune).

Mme Sandra Marsaud. L’amendement CS3039 vise à intégrer la notion de fonction écologique des sols à l’alinéa 8, étrangère pour l’heure au code de l’urbanisme.

M. Pierre Vatin. Nous proposons pour notre part de substituer au mot « sols » le mot « espaces ».

M. Lionel Causse, rapporteur. La rédaction du premier amendement est trop complexe, voire difficilement compréhensible. Je demande le retrait. Les amendements identiques suivants sont satisfaits. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les fonctions des sols sont mentionnées à l’alinéa 9. Identifier la fonction écologique, c’est prendre le risque d’un a contrario sur d’autres fonctions, comme celle de stockage carbone ou de régulation hydraulique. Il me semble que l’amendement CS3039 est satisfait dans son esprit.

L’avis sera défavorable sur les amendements suivants puisque parler d’espaces plutôt que de sols, c’est ignorer toutes les fonctions que remplissent précisément les sols.

M. Julien Aubert. Très concrètement, lorsque l’on parle d’espaces agricoles, on englobe le sol. Que signifie pour vous la notion de « sols naturels » ? Doit-on l’opposer à celle de « sols artificiels », de « sols artificialisés » ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La notion est plus précise. Lorsqu’on parle des espaces, on a tendance à réfléchir en mètres carrés. Lorsqu’on parle des sols, on s’intéresse à la surface mais aussi aux apports du sol en matière de stockage du carbone, de préservation de la biodiversité, d’agronomie. Il est plus ambitieux de vouloir protéger les sols que de vouloir protéger les espaces.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS665 de M. Didier Le Gac, CS676 de Mme Valérie Beauvais, CS2230 de M. Bertrand Pancher, CS2538 de M. Charles de Courson et CS3419 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Valérie Beauvais. La France s’est dotée, avec la loi « énergie-climat », d’objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables, déclinés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. L’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme, pour limiter l’artificialisation, doit rechercher l’équilibre avec la production énergétique à partir de sources renouvelables.

M. Lionel Causse, rapporteur. La production des énergies renouvelables (EnR) n’est pas un principe urbanistique ; il n’est pas prévu de lister l’intégralité des principes de développement. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Parmi les objectifs qu’assigne l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme à l’action des collectivités publiques figurent, au 7°, « la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’économie des ressources fossiles, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables ». Il n’est pas utile de le mentionner à nouveau dans la partie qui viendra compléter cet article.

M. Julien Aubert. Pour atteindre les objectifs ambitieux que la France s’est fixés en matière de production d’énergie solaire et éolienne, il faudra faire des kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques et construire des parcs éoliens, qui supposent de couler du béton dans le sol. Une commune qui adhérerait à votre démarche et consacrerait plusieurs hectares à un parc éolien ne serait plus autorisée à construire des logements.

M. Antoine Herth. J’ai une lecture très prosaïque de ces amendements : il suffira de poser des panneaux solaires sur des parkings pour que leur surface ne soit pas considérée comme artificialisée. C’est inacceptable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Tout à fait ! La pose de panneaux solaires ne doit pas être source d’artificialisation ; d’ailleurs, les projets visant à installer des parcs solaires sur des sols agricoles ou naturels sont refusés par le préfet. Les parcs de panneaux solaires peuvent être installés sur des zones déjà artificialisées – je pense à l’un d’entre eux qui occupe un ancien circuit automobile. Certes, le fait de planter un mât d’éolienne artificialise le sol, mais pas dans les mêmes proportions et, souvent, les éoliennes sont installées dans des zones préalablement artificialisées.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS1017 de Mme Frédérique Meunier, CS1089 de M. Vincent Descoeur, CS1765 de M. Thibault Bazin, CS2240 de M. Pierre Vatin, CS2295 de M. Maxime Minot, CS2577 de Mme Véronique Louwagie, CS2829 de M. Xavier Batut, CS3199 de Mme Pascale Boyer et CS3839 de M. Julien Ravier.

M. Vincent Descoeur. La recherche de l’équilibre, pour atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette », doit intégrer le développement économique local, ainsi que la satisfaction des besoins quantitatifs et qualitatifs en logements.

M. Pierre Vatin. Cela va mieux en le disant !

M. Lionel Causse, rapporteur. Une nouvelle fois, je pense qu’il est inutile de lister tous les principes de développement. Tenons-nous en aux principes qui doivent diriger l’action visant à limiter l’artificialisation des sols. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je rappelle que l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme énumère les principes que toute action en matière d’urbanisme doit concilier. Il est inutile de les répéter dans cette partie consacrée à l’artificialisation des sols.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1877 de M. François-Michel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. Cet amendement fait suite à des échanges avec M. Carlos Moreno. Parmi les principes sur lesquels doit s’appuyer toute action visant à limiter l’artificialisation des sols, nous proposons d’ajouter « la diversité, la proximité et la disponibilité de l’habitat, des services publics, des espaces commerciaux et artisanaux, des lieux culturels et des infrastructures sportives ». Cela permettra d’amorcer une réflexion globale sur les politiques d’aménagement afin de réduire les temps de trajet et améliorer la qualité de vie.

M. Lionel Causse, rapporteur. Même si je partage ce souhait, j’estime votre amendement satisfait. La lutte contre l’artificialisation des sols participe de cette action puisqu’elle limite l’étalement urbain. Dans ce domaine, les réponses relèvent des décideurs locaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS4203 de Mme Sandra Marsaud, CS3732 de M. Jean-Bernard Sempastous ; amendements identiques CS594 de Mme Delphine Batho, CS1302 de Mme Nathalie Bassire, CS2944 de Mme Jennifer De Temmerman et CS3847 de Mme Valérie Petit ; amendement CS1225 de M. Vincent Rolland (discussion commune.)

Mme Sandra Marsaud. Il arrive que des bâtiments relevant de régimes mentionnés au code de l’environnement et soumis à ce titre à évaluation environnentale soient contraints de s’installer à l’extérieur de l’enveloppe urbaine ou en extension de celle-ci. Ces exigences ne doivent pas entrer en concurrence avec le principe de maîtrise de l’étalement urbain. Il faut en tenir compte car il peut s’agir d’activités économiques stratégiques, créatrices d’emplois. Il va de soi que tous les secteurs doivent s’efforcer de réduire la consommation d’espaces mais il importe de ne pas obérer le développement économique, surtout lorsqu’il est raisonné. Cet amendement, d’apparence complexe, permet d’intégrer les projets soumis à diverses procédures, notamment à la séquence « éviter, réduire et compenser ».

Mme Véronique Riotton. L’amendement de M. Sempastous vise à préciser la définition de l’artificialisation des sols. Il reprend la définition de l’observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF), fréquemment utilisée pour les expertises statistiques d’analyse de changement d’affectation des sols. Il fait suite à la demande formulée par plusieurs représentants du monde agricole lors des auditions préalables.

Mme Delphine Batho. La définition de l’artificialisation aura des conséquences sur l’ensemble des dispositions du texte. Celle proposée par le Gouvernement pourrait être sujette à caution en raison de l’emploi du mot « durablement ». Nous proposons une rédaction claire, sans flou juridique : « Est considéré comme artificialisé un sol dont l’occupation ou l’usage affecte tout ou partie de ses fonctionnalités naturelles, sa capacité à abriter une certaine biodiversité, ses fonctions de cycles naturels ou encore ses qualités biogéochimiques. »

Mme Jennifer De Temmerman. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » ! De nombreuses associations approuvent cette définition.

M. Antoine Herth. Je voudrais insister sur la notion de « cycles naturels », car l’une des conséquences de l’artificialisation est l’imperméabilisation des sols – que l’amendement de M. Rolland mentionne expressément. Celle-ci entraîne un report des masses d’eau sur d’autres territoires et des inondations. Le phénomène est encore aggravé par le changement climatique et les événements extrêmes.

M. Lionel Causse, rapporteur. Madame Marsaud, je peux comprendre les difficultés que vous soulevez mais votre amendement conduit à modifier la définition de l’artificialisation. Les décideurs locaux pourront, au niveau des SRADDET, affecter ou non les parties artificialisées à ces activités ; il n’appartient pas au législateur d’intégrer ces cas dans la définion et d’ajouter ainsi une contrainte aux choix de développement locaux.

La définition proposée par M. Sempastous est intéressante mais elle conduit, parce qu’elle n’est pas suffisamment précise, à considérer pareillement décharges et espaces verts urbains.

Madame Batho, il sera difficile pour les collectivités d’apprécier en quoi un sol est affecté dans ses « fonctions de cycles naturels » ou ses « qualités biogéochimique ». En outre, je crains que votre définition ne porte atteinte à la classification de certains sols agricoles, lesquels ne peuvent, selon moi, être considérés comme des sols artificialisés.

Enfin, l’amendement de M. Rolland ne caractérise pas suffisamment l’imperméabilisation non réversible. Il est satisfait par le texte actuel qui permet de tenir compte de la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF).

Je suggère le retrait de ces amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En excluant systématiquement les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) de la définition de l’artificialisation de sols, l’amendement CS4203 va trop loin. Cette disposition amoindrit l’ambition de l’article 48. Ces installations consomment en effet des sols. Le Gouvernement est défavorable à cette redéfinition.

Reprendre la définition de l’artificialisation des sols de l’observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF) obligerait à comptabiliser à l’identique des processus d’artificialisation des sols différents, sans distinguer, par exemple, la transformation d’une terre agricole en parc urbain de son imperméabilisation complète. Le Gouvernement est défavorable à cette précision.

S’agissant des amendements identiques, qui visent à supprimer complètement la notion d’atteinte durable aux fonctions des sols, nous avons un point de dissensus. Il faut conserver une proportionnalité, selon que les installations sont réversibles ou non. Le décret en Conseil d’État permettra de préciser l’échelle d’atteinte et de réversibilité, sur la base de la classification établie par le Conseil national de l’information géographique. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, ainsi qu’à l’amendement CS1225, qui exclut la notion d’atteinte à la fonctionnalité du sol.

M. Guillaume Kasbarian. J’apporte mon plein soutien à l’excellent amendement CS4203 de notre collègue Mme Marsaud, pour lequel je serai heureux de voter si elle ne le retire pas.

Monsieur le rapporteur, vous dites qu’il faut laisser aux élus locaux une certaine flexibilité. Or nous leur fixons bon nombre d’axes, de trajectoires et d’objectifs. En la matière, le décret en Conseil d’État prévu par l’amendement CS4203 permet de le faire de façon encadrée.

S’agissant des ICPE, elles relèvent depuis 2017 de l’autorisation environnementale unique, qui ne laisse de côté aucun aspect de la protection de l’environnement. Les dispositions de l’amendement à leur sujet ne me semblent pas excessives.

Mme Delphine Batho. Monsieur le rapporteur, je ne considère pas les surfaces agricoles comme des sols artificialisés, soit dit pour lever tout malentendu.

Madame la ministre, le recours à l’adverbe « durablement » pose problème. Il suffira, pour considérer qu’un sol n’est pas artificialisé, de dire que son usage est potentiellement réversible. Il peut en résulter des situations complexes, sources de jurisprudence. J’aimerais savoir ce que vous entendez par « durablement ».

Quant au mot « fonctions », il ne dit rien des fonctions du sol visées. Je formule cette observation en vue de l’examen du texte en séance publique, dans une démarche constructive. Ne faudrait-il pas introduire une précision, telle que « relatives au cycle naturel » ?

M. Julien Aubert. La formulation proposée par le Gouvernement – « Un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions » – me semble trop large. Il faudrait dresser la liste de ces fonctions. Là réside la plus-value des amendements. L’artificialisation des sols soulève la question du cycle de l’eau et celle, connexe, de leur imperméabilisation, ainsi que celle de la biodiversité préexistante, du cycle naturel et de l’érosion des sols.

L’usage du pluriel indique que ces fonctions sont au moins au nombre de deux ; il serait souhaitable que vous en donniez la liste, madame la ministre, afin que nous comprenions de quoi il s’agit. Tel qu’il est rédigé, l’article 48 confie cette tâche au Conseil d’État, qui aura toute latitude pour dire ce qu’il considère comme un sol artificialisé. Nous retrouvons ici l’ambiguïté relevée au sujet de la notion de sobriété foncière. Vous introduisez une forme de technicité par rapport à l’usage des sols ou à son objectif. Tout cela demeure très flou.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En dépit de l’application aux ICPE du régime de l’autorisation environnementale unique, je maintiens que l’amendement CS4203, qui prévoit qu’elles sont « réputées ne pas affecter de manière pérenne les fonctions du sol » avant toute évaluation, va trop loin. Il peut s’agir aussi bien de carrières, qui finiront par être renaturées, que d’usines, qui ne le seront probablement pas, du moins avant que nous ne mobilisions ensemble le fonds pour le recyclage des friches, déployé dans le cadre du plan de relance en vue de les recycler ou de les rendre à la nature, dans une démarche volontariste.

L’adverbe « durablement » indique que nous visons les situations transitoires, telles que les chantiers et les bâtiments temporaires. Il est peut-être nécessaire de le préciser d’ici à l’examen du texte en séance publique. Il ne s’agit pas de se placer dans la perspective d’un retour à la nature des sols concernés dans 200 ans, mais de viser les installations temporaires, au sens classique du mot.

S’agissant de l’énumération des fonctions du sol, qui est un point d’accord entre Mme Batho et M. Aubert, je suis incapable de m’y livrer maintenant, mais nous pouvons y travailler d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Mme Sandra Marsaud. Je suis consciente que le spectre très large des ICPE ne convient pas au niveau de définition recherché. Toutefois, je tiens à donner l’alerte. Il faut trouver une solution au problème des équipements et des constructions, dont certains sont d’intérêt public, qui doivent être bâtis hors de l’enveloppe urbaine. Par-delà la péréquation territoriale à laquelle il faut parvenir, j’aimerais que nous y réfléchissions ensemble d’ici à l’examen du texte en séance publique. S’il s’agit de réduire la consommation d’espace pour les dix ans à venir, j’y souscris. Toutefois, l’objectif « zéro artificialisation nette » prévoit une compensation consistant à renaturer certains espaces. Dans certains territoires, de tels espaces n’existent pas. Je retire l’amendement.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je tiens à rassurer notre collègue Sandra Marsaud : par le biais des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et des documents d’urbanisme, les élus locaux pourront choisir d’accueillir plus ou moins d’ICPE, plus ou moins de logements, plus ou moins de services. Ils feront donc des choix en matière d’artificialisation des sols. La meilleure adaptation des objectifs aux territoires ne doit pas forcément être recherchée au niveau législatif. Surtout, et même si nous pouvons retravailler l’amendement, il ne faudrait pas remettre en cause les objectifs et l’ambition de la définition de l’artificialisation des sols.

Mme Véronique Riotton. Je prends note que M. le rapporteur considère que l’amendement CS3732 présente un intérêt. Je le retire, et inviterai notre collègue M. Sempastous à le retravailler en vue de son examen en séance publique.

Les amendements CS4203 et CS3732 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements identiques et l’amendement CS1225.

Amendements identiques CS707 de Mme Émilie Bonnivard, CS1469 de M. Thibault Bazin et CS1492 de M. Hervé Pellois ; amendements identiques CS94 de M. Dino Cinieri, CS747 de M. Gérard Menuel et CS3236 de M. Julien Aubert ; amendements identiques CS1483 de M. Thibault Bazin, CS1638 de M. André Chassaigne, CS2462 de Mme Nathalie Sarles, CS4419 de M. Arnaud Viala, CS4857 de Mme Sandrine Le Feur et CS4993 de M. Jean-Marie Sermier et amendement CS4065 de Mme Florence Lasserre (discussion commune).

M. Julien Aubert. L’amendement CS3236 est issu du groupe Les Républicains. Il s’agit de fonder la définition de l’artificialisation des sols sur la réduction des espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF), et sur une appréciation qualitative de l’imperméabilisation des sols. L’adoption d’une approche qualitative de l’artificialisation des sols nous semble être une priorité. Dans cette perspective, il nous semble essentiel de tenir compte du cycle de l’eau en matière de développement urbain. Ne pas le faire n’est pas sans conséquences, comme on le constate dans certains départements fortement bétonnés.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CS2462 s’inspire d’une proposition de la fédération nationale des SCOT.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CS4857 vise à fonder la définition de l’artificialisation des sols sur la réduction des espaces agricoles, naturels et forestiers, conformément à l’objectif fixé dans le projet de loi, et sur un objectif qualitatif en matière de réduction de l’imperméabilisation des sols.

Mme Florence Lasserre. Dans le projet de loi, la définition de l’artificialisation des sols repose sur des critères qui ne sont pas encadrés. Elle ne permet pas de distinguer l’artificialisation en extension, qui consomme des espaces NAF, de l’artificialisation dans l’enveloppe urbaine, qui imperméabilise certes les sols, mais permet de remplir des objectifs de densification urbaine et de renforcement de centralité.

Afin de pallier ces difficultés, l’amendement CS4065 vise à fonder cette définition sur la notion de réduction des espaces agricoles, naturels et forestiers, conformément à l’objectif fixé dans le projet de loi, et sur un objectif qualitatif en matière de réduction de l’imperméabilisation des sols. Une telle définition, fondée sur deux critères cumulatifs, respecte l’esprit du texte sans pénaliser la création de jardins ou d’espaces verts dans les secteurs ouverts à l’urbanisation, ni la mobilisation d’enclaves en secteur urbain, appelées « dents creuses ».

M. Lionel Causse, rapporteur. Ces trois ensembles d’amendements identiques ont en commun l’objectif d’intégrer la notion d’imperméabilisation dans la définition de l’artificialisation des sols, en sus de celle de réduction des espaces NAF. Sans nier que l’imperméabilisation des sols est un véritable problème qu’il faut résoudre rapidement, j’estime qu’un tel ajout compliquerait le travail des élus locaux, déjà soumis à des objectifs et des ambitions élevés. La lutte contre l’artificialisation des sols, telle qu’elle est prévue à l’article 49, s’en tient à la limitation de la consommation d’espace, ce qui me semble compréhensible pour les élus locaux. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’ai été convaincue par la discussion précédente sur la nécessité de définir les fonctions des sols que nous cherchons à protéger, notamment leur capacité à absorber l’eau et à la drainer, ce qui suppose de lutter contre leur imperméabilisation, ainsi que leur capacité à héberger la biodiversité et à stocker le carbone. Les amendements mettent en valeur la première au détriment des autres. Je m’en tiens à la précision, d’ici à l’examen du texte en séance publique, des fonctions des sols que nous souhaitons protéger. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Les amendements fondent la définition de l’artificialisation des sols sur deux notions. Madame la ministre déléguée, vous avez raison de rappeler que l’imperméabilisation des sols est une définition trop étroite. Dès lors, pourquoi ne pas l’élargir ?

Seconde notion, l’artificialisation est la consommation de sols affectés autrefois à l’agriculture et à la forêt. Cela permettrait d’exclure de l’artificialisation des sols la construction dans les « dents creuses » des agglomérations, qui va précisément à l’encontre de l’étalement urbain. On peut être d’accord ou non, mais il sera difficile d’imposer un objectif de lutte contre l’artificialisation des sols tout en interdisant de densifier le tissu urbain et de l’étendre, à moins d’encourager la construction de galeries souterraines.

M. Dominique Potier. Dès lors que Mme la ministre déléguée admet qu’il faut définir les fonctions des sols faisant l’objet d’une artificialisation, je suggère, afin de nous placer au bon niveau et d’éviter les querelles corporatistes d’usage, que nous nous inspirions de la définition élaborée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Mme Anne-Laurence Petel et moi-même l’avons reprise dans notre rapport d’information sur le foncier agricole, car elle permet de répondre à de nombreuses questions que nous nous sommes posées. Madame la ministre déléguée, je vous invite à puiser dans ce travail parlementaire, mené assez finement et de façon consensuelle. Sa dimension holistique et planétaire me semble pertinente compte tenu de l’esprit qui nous anime.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3075 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Jennifer De Temmerman. Il vise à proposer une définition alternative de l’artificialisation des sols.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS666 de M. Didier Le Gac, CS2540 de M. Charles de Courson et CS3420 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Dominique Potier. En matière d’impact des énergies renouvelables sur l’artificialisation des sols, la doctrine de l’État n’est pas établie. S’agit-il d’installations irréversibles ou non ? Si le dialogue entre parties prenantes privées est une bonne chose, il serait bon que l’État énonce une doctrine en la matière, susceptible d’être déclinée dans les territoires. À défaut, les risques de dégradation du potentiel de nos sols en matière de production alimentaire et de biodiversité sont élevés. Il est possible de donner une juste place aux installations éoliennes et photovoltaïques.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Dans la discussion précédente, je me suis engagée à préciser la notion d’atteinte durable aux fonctions des sols. Le débat ouvert par cet amendement pourra prendre place dans ce cadre lors de l’examen du texte en séance publique. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3919 de M. Alain Perea.

Amendement CS885 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il s’agit de considérer l’occupation d’un sol, même réversible, comme une artificialisation. Il est difficile d’admettre que l’installation d’un parc éolien, qui suppose de bétonner le sol, est sans conséquence sur leur cycle naturel et sur la biodiversité qu’il héberge.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement est satisfait par la rédaction du texte, qui recourt à l’adverbe « durablement », lequel n’implique pas une occupation permanente des sols. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Julien Aubert. Monsieur le rapporteur, votre interprétation du texte est intéressante. Elle autorise à considérer, par exemple, que l’occupation d’un sol pour quinze ou vingt ans n’est pas durable, dès lors qu’il pourra être végétalisé à l’issue. D’autres interprétations de l’adverbe « durablement » que la vôtre sont défendables devant les juridictions. Je serais rassuré s’il était associé à une durée bien définie. Il me semble qu’il faut y réfléchir. Si vous avez adopté une position à ce sujet, je suis preneur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2994 de M. Vincent Descoeur, amendements identiques CS819 de M. Julien Dive, CS851 de M. Antoine Herth, CS1206 de M. Stéphane Travert, CS1737 de M. Thibault Bazin, CS2813 de Mme Florence Lasserre, CS3421 de M. Dominique Potier, CS4770 de M. Jean-Baptiste Moreau ; amendements identiques CS1016 de Mme Frédérique Meunier, CS1763 de M. Thibault Bazin, CS2239 de M. Pierre Vatin, CS2296 de M. Maxime Minot, CS2576 de Mme Véronique Louwagie, CS2767 de M. Xavier Batut, CS3203 de Mme Valérie Boyer (discussion commune).

M. Vincent Descoeur. Dans un souci de précision de la définition de l’artificialisation des sols, l’amendement CS2994 vise à exclure expressément les surfaces non bâties à vocation ou usage agricole, naturel ou forestier de la définition des sols artificialisés.

M. Stéphane Travert. L’amendement CS1206 est un amendement de précision soutenu par la profession agricole, qui vise à indiquer clairement que les surfaces non bâties à usage agricole ou forestier ne sont pas considérées comme artificialisées.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il ne semble pas nécessaire de préciser que les surfaces NAF ne sont pas considérées comme artificialisées. Cette précision a pour effet d’alourdir le texte. Le décret en Conseil d’État prévu au dernier alinéa de l’article 48 fixera précisément la nomenclature des sols, en fonction de leur usage et de leur état d’affectation. Nous pourrons alors envisager des précisions. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je considère sans ambiguïté que les surfaces NAF ne sont pas des sols artificialisés. Mais leur définition relève du réglementaire et est donc renvoyée à un décret en Conseil d’État. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4791 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Guillaume Kasbarian. Nous avons adopté la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), qui a été promulguée le 7 décembre 2020. Elle vise à faciliter et à accélérer les implantations et les extensions de sites industriels. J’aimerais être certain que les dispositions du présent article n’auront pas l’effet inverse.

L’amendement vise à éviter que l’article 48 ne soit utilisé pour entraver l’extension ou l’aménagement d’un site économique à l’intérieur de parcelles présentant des réserves d’espace constructible, en complétant l’alinéa 9 par la phrase suivante : « Doivent être considérés comme d’ores et déjà artificialisés les espaces libres de toute construction ou artificialisation situés au sein d’une unité foncière d’ores et déjà partiellement construite ou artificialisée ». Ainsi, nous pourrions nourrir en même temps deux ambitions : faciliter et accélérer les implantations et les extensions de sites industriels, et lutter contre l’artificialisation des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je partage les objectifs visés par l’amendement, qui est satisfait par deux de mes amendements. L’amendement CS5241 à l’article 49 vise à transformer le décompte en calcul de la consommation des espaces NAF pour la première décennie d’application de la loi, ce qui garantit que les zones déjà constructibles ne seront pas concernées. L’amendement CS5087 portant article additionnel après l’article 51 vise à renforcer les outils de la densification urbaine. Monsieur Kasbarian, je vous suggère de retirer vos amendements au profit des miens, ce qui ne nous empêchera pas de poursuivre le débat d’ici à l’examen du texte en séance publique, afin de vous garantir que vos attentes sont satisfaites.

M. Guillaume Kasbarian. La clarté des propos de M. le rapporteur, ainsi que l’engagement qu’il vient de prendre, m’incitent à retirer l’amendement au profit des siens, dont je suivrai attentivement l’examen.

Mme Delphine Batho. L’amendement n’est pas sans danger. S’agissant des extensions d’aéroports, les surfaces foncières qui ne sont pas artificialisées seraient considérées comme artificialisés. Autrement dit, de vastes surfaces qui ne sont pas artificialisées seraient comptabilisées comme telles, ce qui équivaut à modifier les règles et les objectifs de la lutte contre l’artificialisation des sols.

M. Julien Aubert. Ma lecture de l’amendement est inverse de celle de Mme Batho, comme cela arrive souvent. Le bois de Boulogne, par exemple, comporte des constructions. Si nous adoptions l’amendement, les surfaces qui n’en comportent pas pourraient être artificialisées. S’il s’agit de préserver la possibilité de bâtir dans les « dents creuses », une formulation plus précise s’impose. Il ne faudrait pas ouvrir à l’artificialisation les espaces verts des villes.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le travail de réécriture de l’amendement qui sera mené d’ici à l’examen du texte en séance publique devra tenir compte de l’unité de mesure retenue. L’unité foncière, sur laquelle il se fonde, est potentiellement très large, dès lors qu’elle peut être composée d’une ou plusieurs parcelles appartenant à un même propriétaire. L’unité de mesure utilisée dans la lutte contre l’artificialisation des sols est la parcelle. Le bois de Boulogne n’est pas une parcelle, mais la réunion de plusieurs parcelles, dont certaines sont bâties et d’autres non.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1470 de M. Thibault Bazin, CS1514 de M. Hervé Pellois, CS2800 de Mme Florence Lasserre et CS3129 de M. François-Michel Lambert.

Mme Florence Lasserre. Le projet de loi pénalise directement la densification urbaine par la mobilisation des enclaves, appelées « dents creuses », en secteur urbanisé. Il s’agit de faire en sorte que tel ne soit pas le cas.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je proposerai de modifier l’article 49 afin de ménager une période de transition au cours de laquelle l’artificialisation des sols est comptabilisée dans la consommation des espaces NAF. Ainsi, aucune ambiguïté n’est possible. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3362 de M. Cédric Villani.

Amendement CS877 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement d’appel vise à préciser le périmètre exact de la définition de l’artificialisation des sols. L’objectif est de favoriser un habitat consommant peu de foncier, en excluant de la définition des sols artificialisés les parcelles dont la taille est inférieure à un certain seuil, distinct selon qu’il s’agit d’habitat collectif ou d’habitat individuel. Il s’agit d’affirmer que l’artificialisation des sols est largement due au logement, et de poser la question de savoir quel type de logements nous voulons, sachant que nous vivons une époque où chacun souhaite vivre dans son pavillon avec jardin, surtout à l’heure de la covid-19.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement vise à faire en sorte que la construction d’habitat individuel ou collectif ne soit pas considérée comme une artificialisation des sols. Il est contraire aux dispositions du présent article. Il ne suffit pas de densifier le bâti pour freiner fortement l’étalement urbain. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Nous ne lutterons pas contre l’artificialisation nette en excluant de la définition de l’artificialisation des sols des opérations d’urbanisme qui méritent d’y figurer. L’objectif est de demander aux collectivités locales de délibérer, à l’échelon régional et lors de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU), pour déterminer les opérations qui nécessitent d’artificialiser des sols, notamment la construction d’habitat suffisamment dense, afin d’en réduire le nombre et, le cas échéant, de mener des opérations de renaturation à la même échelle. Il ne s’agit pas d’une question de définition, mais de politique publique. L’amendement est satisfait par l’article 49, qui fixe des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4602 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. La stricte notion d’artificialisation n’est pas suffisante dans l’appréciation de la dégradation des sols due à l’activité humaine, s’agissant notamment des terres agricoles, dont la qualité peut varier significativement selon le mode d’agriculture utilisé et la gestion des espaces adjacents. De nombreux amendements visent à rétrécir la portée de l’objectif ZAN ; nous proposons de l’élargir. Dans le rapport d’information précité, nous chérissons particulièrement l’idée de contribuer à un principe de neutralité dans la dégradation des sols, au sein d’une vision excédant le cadre de leur simple artificialisation, quand bien même celle-ci sera bientôt définie précisément.

M. Lionel Causse, rapporteur. La préservation du sol figure parmi les principes généraux de l’urbanisme inscrits à l’article L. 101-2, modifié par le présent article. La lutte contre l’artificialisation des sols contribue fortement à atteindre l’objectif de préservation de leur neutralité nette, afin de mettre un terme à la perte de terre saine. Cette démarche sera confortée par la réduction de la consommation de nouvelles terres. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. La définition, dans le code de l’urbanisme, de la lutte contre l’artificialisation des sols, par le biais de la protection de leurs fonctions, est une étape importante.

M. Dominique Potier. Votre raisonnement s’inscrit dans le cadre de la cible visée par le texte. Nous souhaitons élargir la portée de l’objectif ZAN. Nous souhaitons notamment faire en sorte que les SCOT puissent inclure des prescriptions en matière d’organisation du foncier agricole pour en prévenir la dégradation, qui pose des problèmes plus graves, à la puissance dix, voire à la puissance cent, que ceux induits par l’artificialisation des sols.

La commission rejette l’amendement.

6.   Réunion du lundi 15 mars 2021 à 21 heures

M. Bruno Millienne, président. Chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Nous avons examiné à ce stade 2 497 amendements, au rythme de 37 par heure en moyenne.

Article 48 (suite) (article L. 101-2 du code de l’urbanisme) : Intégration parmi les principes généraux du droit de l’urbanisme d’un objectif de réduction de l’artificialisation des sols

Amendements identiques CS74 de M. Michel Vialay, CS1303 de Mme Nathalie Bassire, CS1786 de M. François-Michel Lambert et CS3932 de M. Thibault Bazin.

M. Michel Vialay. Il reviendra au Conseil d’État d’établir une nomenclature des sols artificialisés, en fonction de l’occupation et de l’usage. La définition de l’artificialisation doit tenir compte du degré d’atteinte à la fonctionnalité des sols – régulation hydraulique, préservation de la biodiversité ou encore fertilité agronomique –, et non s’en tenir à une logique binaire.

Limiter l’artificialisation des sols suppose de chercher un équilibre entre, notamment, la maîtrise de l’étalement urbain, d’un côté, et le renouvellement urbain et l’optimisation de la densité des espaces urbanisés, de l’autre. À cet égard, certains sols situés en zone urbaine mais dont les fonctionnalités écologiques n’ont été que faiblement affectées pourraient être considérés comme déjà artificialisés.

M. Thibault Bazin. Il est important de déterminer l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée. Il faut également tenir compte du fait que certaines opérations de densification et de renouvellement urbain produisent des fonctionnalités diverses, répondant à un équilibre subtil. Parfois, les sols peuvent apparaître comme non artificialisés, mais cela résulte de la volonté de les maintenir dans cet état. Dans d’autres cas, des sols artificialisés conservent un certain potentiel. Il vous est proposé, à travers ces amendements, de prendre en compte la variété des atteintes à la fonctionnalité des sols et la diversité des occupations et usages possibles.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. Ces amendements visent à modifier les dispositions relatives au décret en Conseil d’État. Vous proposez de préciser que la nomenclature établie par le Conseil d’État tient compte « de la diversité et de la combinaison » des usages et des atteintes. C’est d’ores et déjà le sens de l’article : la nomenclature aura notamment pour objectif de préciser les actions décomptées dans le calcul des terres artificialisées. Il n’est donc pas nécessaire de surdéterminer dans la loi chacun des items qui seront détaillés dans le décret. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Même avis. L’alinéa visé comporte l’adverbe « notamment », ce qui me paraît de nature à satisfaire la demande. De même, la prise en compte de l’échelle à laquelle l’artificialisation est appréciée figure explicitement dans l’article.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS113 de M. Dino Cinieri, CS1468 de M. Thibault Bazin, CS2695 de M. Didier Le Gac, CS2903 de Mme Florence Lasserre, CS3137 de M. Alain Perea, CS4319 de M. Arnaud Viala, CS4859 de Mme Sandrine Le Feur, amendements identiques CS352 de M. Martial Saddier, CS489 de M. Pierre Vatin, CS702 de Mme Émilie Bonnivard, CS766 de M. Gérard Menuel (discussion commune).

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1468 vise à préciser le dispositif en le rédigeant de la manière suivante : « afin d’assurer un suivi de l’artificialisation par les collectivités compétentes en urbanisme et en aménagement », en cohérence avec les termes de l’article 50, qui prévoit un rapport sur l’artificialisation. Dans ce domaine, la planification et la gestion sont organisées à plusieurs échelles.

La collectivité dont j’ai eu la charge participe à un schéma de cohérence territoriale (SCOT), dans la version du dispositif issue du Grenelle de l’environnement. C’est d’ailleurs le plus grand SCOT de France : il rassemble plus de 400 communes. Son élaboration a demandé un énorme travail considérable. Or, il a fallu mettre les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) en conformité. Il ne faudrait pas que le nouveau dispositif provoque un bouleversement total du champ territorial et de l’échelle de temps : certaines collectivités ont déjà adopté une logique vertueuse et engagé de nombreux projets.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par les articles 49 et 50, qui mettent en avant le rôle des collectivités territoriales en ce qui concerne tant l’application des dispositions que le suivi de l’artificialisation : ce sont bien les collectivités qui réaliseront le rapport que vous évoquiez, Monsieur Bazin. Je demande donc le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. D’abord, les rédactions proposées supprimeraient toutes les deux la référence à « l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée », qui est pourtant utile. Ensuite, les amendements sont satisfaits par les articles 49 et 50, qui donnent toute leur place aux collectivités. L’État mettra en place un observatoire, mais les collectivités assureront leur propre suivi, sur la base de définitions communes.

M. Thibault Bazin. Vous nous assurez donc, Madame la ministre déléguée, que c’est bien à l’échelle de la collectivité compétente en matière d’urbanisme – c’est-à-dire, très souvent, la communauté de communes – que le suivi de l’artificialisation des sols sera effectué, et qu’il ne sera pas renvoyé au niveau du département ou de la région ? Il est important de le savoir, car les différents niveaux de collectivités traitent du sujet ; il y aura des schémas régionaux, qui seront ensuite déclinés.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La principale question est de savoir à quel échelon sera déterminée la stratégie de lutte contre l’artificialisation. La réponse est : à tous les niveaux. Il y aura d’abord un objectif national, qui vient d’être adopté par votre commission. Ensuite, l’article 49 précisera les modalités de la déclinaison dans les différents d’orientation : à l’échelon régional, dans les SCOT, les PLUI et les PLU.

Le suivi sera réalisé à la fois par l’État, à travers l’observatoire national – qui existe déjà mais sera amélioré pour tenir compte des définitions données dans la loi –, et par chaque collectivité. Le décret en Conseil d’État précisera ce point si cela paraît nécessaire, parmi les autres modalités d’application du dispositif. À cet égard, vous demandiez précédemment que l’on tienne compte de l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols devait être appréciée. Or, la rédaction proposée dans ces amendements supprimerait cet élément, qui serait remplacé par le suivi. Au demeurant, ces deux dimensions seront couvertes par le décret.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS4145, CS4116 et CS4089 de M. Alain Perea, amendements identiques CS114 de M. Dino Cinieri, CS767 de M. Gérard Menuel, CS1122 de Mme Danielle Brulebois, CS1501 de M. Thibault Bazin, CS1639 de M. Hubert Wulfranc, CS2700 de M. Didier Le Gac, CS4330 de M. Arnaud Viala (discussion commune).

M. Guillaume Kasbarian. L’amendement CS4145 a pour objet de ne pas considérer comme contribuant à l’artificialisation les projets de construction ou d’extension d’équipements qui toucheraient aux intérêts stratégiques ou à la souveraineté de la nation, enjeu auquel la majorité est particulièrement attentive.

M. Thibault Bazin. Il arrive, dans les zones déjà urbanisées – et donc considérées comme artificialisées –, que l’on démolisse une maison de petite taille installée sur une parcelle pour construire à la place un immeuble, ce qui contribue à densifier le bâti. Mon amendement vise à faire en sorte que les opérations de densification de ce type ne soient pas décomptées dans l’artificialisation nette, puisqu’elles répondent à une logique vertueuse.

M. André Chassaigne. Nous estimons que l’article 48 n’est pas assez précis : il convient d’indiquer que la nomenclature est établie « afin de ne pas imputer à l’artificialisation nette d’un territoire l’artificialisation résultant d’une optimisation de la densité d’une zone urbaine ».

M. Lionel Causse, rapporteur. La nomenclature établie par le Conseil d’État précisera notamment les actions décomptées dans le calcul des terres artificialisées. Il n’est pas nécessaire de surdéterminer dans la loi chacun des items qui seront détaillés dans le décret, sous peine de limiter à l’excès le champ de celui-ci.

Par ailleurs, la densification ne sera pas décomptée dans l’artificialisation, dès lors que nous prenons pour référence la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) – nous le verrons plus en détail à l’article 49. De surcroît, je vous soumettrai, à l’article 51, un amendement visant à renforcer les dispositifs en faveur de la densification.

Selon moi, ces amendements sont donc satisfaits ; j’en demande le retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les amendements CS4145 et CS4116 visent à exclure du calcul, compte tenu de leur destination stratégique, un certain nombre d’activités. Or la notion d’activité économique stratégique recouvre potentiellement un champ très large : on peut aller jusqu’à y inclure les transports et le logement.

L’artificialisation peut être légitime pour toute une série d’activités. L’objet du texte est simplement de limiter son volume total. Il s’agit de faire la somme des opérations d’artificialisation et de déduire les retours à la nature. La trajectoire est établie à chaque échelon – nous y reviendrons à l’article 49. Exclure par nature certaines activités, ce serait aller trop loin. Je demande le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement CS4089 et les amendements identiques, je rejoins l’avis du rapporteur. Nous nous fonderons effectivement sur la consommation de terres naturelles, agricoles ou forestières. La première période de dix ans permettra de régler le problème. Ensuite, on en restera à l’échelle de la parcelle. Or la densification à cette échelle ne sera pas comptée dans l’artificialisation. Ces amendements me semblent donc satisfaits. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Les amendements de M. Perea sont très intéressants.

L’amendement CS4116, consacré à l’agriculture, soulève un problème dirimant : il ne faudrait pas, au prétexte de lutter contre l’artificialisation des sols, empêcher certaines exploitations de s’étendre et de se moderniser.

Je suis également favorable à l’amendement CS4145, à une nuance près : le dispositif permettrait de construire des extensions de parcs éoliens. Toutefois, je fais confiance aux représentants de l’État dans les départements : ils sauront déterminer ce qui est stratégique et ce qui ne l’est pas.

Certaines communes n’arrivent pas à se développer sur le plan économique, voire perdent des entreprises en l’absence de terrains où celles-ci pourraient s’installer.

M. Guillaume Kasbarian. J’entends les réticences liées au fait que le champ de l’amendement CSCS4145 pourrait être trop large, mais rien ne nous empêche de « cranter » cette avancée dès maintenant, quitte à préciser le dispositif en séance. Le décret relatif aux investissements étrangers en France (IEF), par exemple, comporte une liste des secteurs considérés comme stratégiques, ce qui permet à la sous-direction de la politique commerciale, de l’investissement et de la lutte contre la criminalité financière – dite MULTICOM – d’agir. Madame Lebec et moi-même connaissons bien le sujet pour avoir travaillé sur la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Nous pourrions tout simplement ajouter une référence à ce décret.

Mme Delphine Batho. Les secteurs stratégiques et les activités liées à la sécurité nationale bénéficient déjà de régimes particuliers. Il s’agit ici de l’artificialisation des sols : certes, on peut envisager des exceptions, mais se référer à la notion de secteurs stratégiques n’a pas de sens.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Si nous multiplions les exceptions, comme le proposent un certain nombre de collègues, nous n’allons pas nous en sortir. Le texte pose une règle simple mais ambitieuse ; il serait dommage de la détourner, fût-ce pour de bonnes raisons.

Je voudrais vous rassurer, Monsieur Aubert : l’application du dispositif ne se fera pas au détriment des agriculteurs, bien au contraire, car la réduction de l’artificialisation permet avant tout de sauver des terres agricoles.

Tout à l’heure, certains disaient aussi que la définition de l’artificialisation durable était trop étroite : ce sont autant de tentatives de limiter l’impact du texte. Je ne crois pas que ce soit une bonne stratégie.

M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur général, vos propos contredisent ceux du rapporteur et de la ministre, qui nous disaient que plusieurs de nos amendements étaient satisfaits.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS1151 de Mme Danielle Brulebois.

Amendement CS5007 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il prévoit que « les sols qui, par la nature des activités qu’ils accueillent, ont vocation à être transformés en étendues d’eau ne soient pas considérés comme des sols artificialisés ». J’entends déjà M. le rapporteur général nous dire que nous continuons à multiplier les exceptions. Mais il faut bien comprendre que c’est la conséquence du choix du Gouvernement : s’il n’avait pas émis une règle imprécise et proposé une définition aussi large, englobant tous les territoires, nous ne serions pas obligés de prévoir, par mesure de précaution, des exceptions destinées à protéger les activités les plus sensibles ou à éviter les situations litigieuses. Nous vous protégeons donc contre votre propre formulation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Même argument que précédemment : la nomenclature sera définie par le Conseil d’État. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je crois me souvenir, Monsieur Aubert, que vous demandiez tout à l’heure que l’on prenne en compte le fait que certaines activités produisaient bel et bien de l’artificialisation, même si celle-ci était réversible. Or c’est exactement le cas des carrières, visées par cet amendement : pendant qu’elles sont exploitées, il s’agit de terrains artificialisés. Par ailleurs, j’ai pris l’engagement de travailler avec M. le rapporteur sur la notion d’atteinte durable. Le cas particulier que vous traitez dans l’amendement s’inscrit dans cette question et ne nécessite pas la création d’une exception. À ce propos, je rejoins M. le rapporteur général : à force d’ajouter des exceptions sectorielles, on en sera réduit à tout reprendre à zéro.

Mme Émilie Chalas. L’amendement de M. Aubert permet de souligner, s’il en était encore besoin, à quel point il est important de définir l’artificialisation, dont les enjeux incluent la perméabilité des sols et les atteintes à la biodiversité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1135 de Mme Émilie Bonnivard, CS1216 de M. Jacques Cattin, CS1367 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CS1416 de Mme Valérie Beauvais, CS3752 de M. Philippe Meyer, CS4409 de Mme Nicole Dubré-Chirat, amendement CS5008 de M. Julien Aubert (discussion commune).

Mme Valérie Beauvais. La création de zones de transition entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés vise à prévenir les conflits d’usage liés à l’activité agricole. Il est d’autant plus indispensable de créer de tels espaces que la population a été sensibilisée à l’utilisation des pesticides. Par ailleurs, l’implantation de haies ou d’espaces de transition arborés favoriserait la biodiversité.

M. Julien Aubert. Ces amendements invitent à réfléchir à la notion de zone de transition, c’est-à-dire l’espace qui n’est pas encore la ruralité mais n’est plus tout à fait la ville. En effet, des conflits d’usage surgissent sur cette « ligne de front » de l’urbanisation. Le fait d’inclure dans tout projet de construction en limite de zone ou de parcelles agricoles la création d’un espace de transition végétalisé permettrait de réfléchir à la manière d’articuler ces territoires.

M. Lionel Causse, rapporteur. Même si je trouve l’idée très intéressante, je ne suis pas d’accord avec le caractère obligatoire du dispositif : on imposerait aux élus locaux de créer ces espaces de transition, sans tenir compte de leur pouvoir de décision et des enjeux locaux. Je vous propose de retirer ces amendements pour travailler à un autre mécanisme correspondant davantage aux attentes des élus locaux. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Les amendements CS1416 et CS5008 sont retirés.

La commission rejette les amendements CS1135, CS1216, CS1367, CS3752 et CS4409.

Amendement CS2886 de M. Matthieu Orphelin.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’amendement vise à ajouter une trame brune au dispositif de trames verte et bleue. Or il en existe d’autres, notamment la trame noire pour les espèces nocturnes et la trame turquoise pour les espaces faisant le lien entre les milieux terrestre et aquatique. Il convient donc de retravailler le dispositif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CS5123 de Mme Sandra Marsaud est retiré.

La commission adopte l’article 48 ainsi modifié.

Après l’article 48

Amendement CS2657 de Mme Laurence Vichnievsky, amendements identiques CS143 de M. Dino Cinieri, CS1060 de M. Emmanuel Maquet, CS1264 de M. Loïc Dombreval, CS2061 de M. Dominique Potier, CS2887 de M. Matthieu Orphelin, CS4066 de M. Nicolas Turquois, CS4228 de M. Denis Sommer, CS4858 de Mme Sandrine Le Feur, amendement CS214 de M. Éric Girardin (discussion commune).

M. Dominique Potier. Il s’agit, lors des demandes d’autorisation de défrichement, de privilégier l’utilisation de sols déjà artificialisés.

Mme Delphine Batho. On ne doit pas accorder l’autorisation de défrichement quand un projet peut être réalisé sur un terrain déjà artificialisé.

M. Nicolas Turquois. Il convient effectivement de privilégier l’utilisation de terrains déjà artificialisés.

M. Denis Sommer. Une illustration pour compléter les propos de mes collègues : dans le département voisin du mien, on a créé une nouvelle route sans tenir compte de l’existant. Ainsi, des hectares de forêt ont été détruits et, quand on va se promener en forêt, on retrouve l’ancienne route, avec son enrobé, qui ne sert plus à rien ! Le gaspillage est double, la nouvelle route ayant été réalisée dans des conditions très discutables alors que l’ancienne aurait dû être démantelée pour laisser place à la forêt. Notre amendement vise à éviter de telles pratiques.

M. Lionel Causse, rapporteur. Comme vous le soulignez dans vos amendements, une attention particulière doit être portée à l’usage des sols forestiers et à leur affectation. En l’état actuel du droit, le code forestier le prévoit déjà puisque nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. Ainsi, tout nouvel usage d’un sol non-artificialisé est juridiquement encadré. Il est inutile d’insérer cet alinéa puisque vos amendements sont satisfaits.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Conseil d’État a eu l’occasion de se pencher sur les autorisations de défrichement et considère que le défrichement doit être apprécié sans qu’il ait lieu de prendre en considération les fins en vue desquelles les opérations sont entreprises.

Le sujet doit donc être traité dans l’autorisation de défrichement, qui existe déjà, et la préservation des espaces et des sols naturels, agricoles et forestiers est un objectif lié à la lutte contre l’artificialisation. L’application de ce principe permettra donc de définir les zones artificialisables et, en conséquence, de lutter contre ce type d’artificialisation. Je suis défavorable aux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS4603 et CS4605 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Dominique Potier. La mesure est révolutionnaire puisqu’il s’agit d’étendre au niveau national un dispositif existant, celui des zones agricoles protégées. En classant l’ensemble des zones agricoles en zones agricoles protégées, la Nation les protégera de l’artificialisation.

Le deuxième amendement est de repli et renforce la capacité des maires ou, par délégation, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à classer des zones de leur territoire en zone agricole protégée, dans le cadre des PLUI ou des SCOT. Nous nous sommes inspirés du Canada où seul un tribunal autorise le déclassement des sols agricoles en vue de leur artificialisation. Ces mesures très restrictives visent à limiter les enveloppes d’urbanisation dans la planification urbaine.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CS4603 propose de préserver des zones agricoles en faisant de leur protection la règle, et non plus l’exception, en matière d’urbanisme. C’est une idée intéressante afin de protéger les surfaces agricoles, mais la mesure me semble trop forte, et de nature à stopper complètement le développement urbain, ce qui n’est pas l’objectif de l’article.

L’amendement CS4605 remonterait les procédures relatives aux zones agricoles protégées vers les seuls EPCI. Je suis très attaché à ce que les maires puissent conserver cette compétence.

Mon avis sera donc défavorable sur les deux amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je partage l’avis du rapporteur. Votre premier amendement aboutirait, à l’inverse de tous les autres, à ce que, « par nature », il ne soit plus possible de toucher ou d’artificialiser aucune terre agricole. C’est trop restrictif : certaines terres agricoles doivent pouvoir être recyclées, sous réserve de respecter la trajectoire de réduction de l’artificialisation.

Comme le rapporteur, je trouve dommage d’interdire aux maires de prendre l’initiative de créer des zones agricoles protégées. Or, en réservant cette possibilité aux seuls établissements publics compétents en matière de PLU ou de SCOT, c’est ce que vous faites.

M. Dominique Potier. Je peux revoir les amendements pour la séance, mais je souhaiterais que cette faculté soit rappelée dans la loi car elle est encore trop méconnue et considérée comme marginale dans les zones agricoles à fort enjeu pour certaines filières ou dans les zones très sensibles. Or elle pourrait devenir la règle, sauf dans les zones ciblées à cinq ou dix ans dans les plans d’urbanisation. On sanctuariserait ainsi le foncier agricole.

S’agissant du deuxième amendement, je le dis sans concession et sans démagogie, il faut ôter cette capacité aux maires en conservant leur avis, en subsidiarité. Moi aussi, Monsieur le rapporteur, j’ai connu ces fonctions et, pour sortir des conflits d’intérêts, l’EPCI et le PLUI sont le bon niveau.

Mme Émilie Chalas. En l’état actuel du droit, les zones agricoles protégées ciblent déjà les territoires qui font l’objet de ces servitudes d’utilité publique. En conséquence, l’outil existe, si les élus le souhaitent.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3423 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Dans la même philosophie, il s’agit de faire des SCOT les schémas directeurs de l’usage des sols naturels et agricoles afin qu’ils fixent le cahier des charges de l’usage des terres agricoles, en lien avec les commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA). Il s’agirait d’une réforme institutionnelle majeure. Ainsi, sur un territoire donné, cela permettrait de connaître le sort réservé aux prairies, aux vergers, aux sols en agriculture biologique ; cela aiderait également à promouvoir des systèmes les plus vertueux et à définir un cahier des charges clair en matière de politique d’installation, de maintien de la biodiversité et de prix. Dans le cadre de ce nouveau paradigme, les citoyens et le territoire reprendraient ainsi la main sur l’orientation du foncier agricole.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. De nombreux SCOT se sont déjà emparés de ces thématiques. D’autres outils, comme les projets alimentaires territoriaux (PAT), et d’autres structures, comme les pôles d’équilibre territorial et rural (PETR), sont plus adaptés pour évoquer les enjeux agricoles du territoire. Intégrer automatiquement ces derniers dans les SCOT n’est pas la meilleure solution.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur. Les SCOT sont déjà articulés autour de trois piliers : la structuration des lieux de vie, la transition écologique et les activités économiques – dont l’agriculture. Ils ont donc une vocation plus large et ne sont pas le bon outil. Le rapporteur en a cité d’autres et on pourrait éventuellement prévoir une planification de l’usage des sols agricoles dans le code rural.

M. Dominique Potier. Cela revient à dire que, dans 70 % du territoire national, on ne peut protéger que quelques hectares de l’urbanisation folle – c’est ce que nous avons fait en Meurthe-et-Moselle en divisant par deux les surfaces allouées aux activités économiques, en réduisant le nombre de lotissements, etc. Que fait-on pour le reste ? Laisse-t-on les agriculteurs et l’État se battre en duel, les deux ayant parfois abandonné la partie ? Les désordres que cela engendre ont des conséquences dramatiques. Il faut donc remettre les territoires et les citoyens dans le jeu, avec le monde paysan, l’État restant garant des biens communs.

M. Julien Aubert. Je partage votre objectif, Monsieur Potier, celui de protéger les espaces naturels, mais je suis dubitatif sur la méthode car je ne saisis pas comment les SCOT – qui sont plutôt la chose, assez lointaine, des élus – permettraient d’associer les citoyens.

En outre, cela revient à ajouter une couche de normes sur des agriculteurs et un monde rural déjà presque asphyxiés… Je veux bien que l’on cherche à tout quantifier, paramétrer, prévoir mais l’humain ne rentre pas dans ces trajectoires et les Français nous demandent plutôt de les laisser vivre et d’arrêter de voter des lois qui s’empilent, créant un mille-feuille profondément indigeste.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette aussi l’amendement CS2505 de M. Pierre Venteau.

Amendements CS2745 de M. Mohamed Laqhila et amendements identiques CS115 de M. Dino Cinieri, CS768 de M. Gérard Menuel, CS878 de M. Julien Aubert, CS1502 de M. Thibault Bazin, CS4295 de M. Arnaud Viala et CS4860 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable, ils sont déjà satisfaits.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur, ces informations figurant dans les principes généraux des documents d’urbanisme.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 49 (articles L. 4251-1, L. 4424-9 et L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales ; articles L. 123-1, L. 141-3, L. 141-8, L. 151-5, L. 151-9 et L. 161-3 du code de l’urbanisme) : Insertion dans les documents d’urbanisme régionaux et territoriaux d’un objectif de réduction de moitié de l’artificialisation des sols et conditionnement de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs

Amendement de suppression CS2146 de M. Sébastien Jumel.

M. André Chassaigne. Il s’agit d’affirmer notre opposition à la régionalisation de la lutte contre l’artificialisation des sols et aux modalités de son application sur les territoires. Placer ces objectifs à l’échelle régionale viendrait une nouvelle fois réduire les compétences réelles des maires et des présidents d’EPCI dans l’aménagement de leur territoire, alors que le bloc local dispose des compétences directes de mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et qu’il est l’échelle de référence pour la planification locale et l’urbanisme.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous reviendrons sur le fond. L’article 49 étant important, je suis défavorable à sa suppression.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’y suis également défavorable, d’autant que l’article ne vise pas, stricto sensu, à de régionalisation, mais prévoit l’articulation entre les différents niveaux de compétences.

En outre, certains amendements en discussion permettront de territorialiser et donc de différencier en fonction des réalités territoriales, des efforts déjà fournis, etc.

L’article 49 rendra opérationnel les objectifs et définitions prévus aux articles 47 et 48, dont nous venons de discuter. Dans le cas contraire, nous en resterons à une pétition de principe, alors même que nous sommes attachés à la réalité de la lutte contre l’artificialisation.

M. Dominique Potier. À ce sujet, j’ajoute que les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) sont fondamentaux pour atteindre le « zéro artificialisation » à terme – et les 50 % dans dix ans. Sinon, les efforts des uns vont être ruinés par la désinvolture des autres et une forme de compétition déloyale risque de s’instaurer. Dans ce rôle, la région ne se substitue pas à la liberté d’initiative et à l’inventivité des territoires.

M. Thibault Bazin. L’amendement d’appel de nos collègues communistes est très intéressant car il pose la question de la place de la région dans le dispositif, alors que l’État doit assurer un aménagement équitable du territoire. Nous attendons d’ailleurs toujours une telle politique, où les normes ne pèsent pas plus sur certains que sur d’autres et où ceux qui ont été vertueux par le passé ne sont pas pénalisés.

Les SCOT visent à mettre les élus autour d’une table afin qu’ils trouvent ensemble des solutions pour maîtriser la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Quelle va être la place de la région dans le dispositif, entre l’État et les émanations des communes ? Qui arbitrera, l’État ou la région ?

M. André Chassaigne. Je n’ai pas la pugnacité de Sébastien Jumel mais j’ajouterai que ces dispositions contreviennent au principe de libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEM) a rendu un avis très sévère sur ces dispositions, en critiquant la verticalité de la décision prise, ainsi que le risque que fait peser une intégration de force au sein des documents d’urbanisme d’une telle définition.

En outre, le Conseil d’État a relevé des contraintes normatives qui imposent une révision lourde des documents d’urbanisme.

En conséquence, même s’il est d’appel, cet amendement soulève de véritables problèmes.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS1773 de Mme AnneLaurence Petel.

Amendement CS3424 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement, suggéré par Green Lobby, vise à intégrer les trames vertes, bleues et brunes dans les SRADDET à des fins de déploiement.

M. Lionel Causse, rapporteur. Le SRADDET est déjà un document très lourd à élaborer et à réviser. Je ne pense pas qu’il faille l’alourdir davantage.

En outre, il inclut déjà des objectifs de protection et de restauration de la biodiversité, définissant les enjeux régionaux en matière de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques. L’état actuel du droit me semble donc suffisant.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS96 de M. Dino Cinieri, CS289 de M. Guy Bricout, CS749 de M. Gérard Menuel, CS1103 de Mme Danielle Brulebois, CS1480 de M. Thibault Bazin, CS1579 de M. Hervé Pellois et CS2618 de M. Charles de Courson, amendement CS3449 de M. Guillaume Gouffier-Cha, amendement CS4216 de M. Alain Perea et amendements identiques CS95 de M. Dino Cinieri, CS288 de M. Guy Bricout, CS730 de Mme Émilie Bonnivard, CS748 de M. Gérard Menuel, CS1156 de Mme Danielle Brulebois, CS1479 de M. Thibault Bazin, CS1578 de M. Hervé Pellois, CS2616 de M. Charles de Courson, CS2626 de M. Didier Le Gac et CS2942 de M. Mohamed Laqhila (discussion commune).

M. Thibault Bazin. Il s’agit de ne pas pénaliser les territoires vertueux, qui ont déjà réduit leur consommation foncière. Il faut prendre en considération le travail réalisé.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le SRADDET fixe les objectifs de réduction de la consommation foncière sur le territoire régional. À ce jour, l’objectif de 50 % de réduction de la consommation foncière est déjà inscrit dans la plupart des schémas régionaux.

L’amendement propose que le fascicule du SRADDET fixe les objectifs territorialisés de réduction de la consommation foncière, tenant compte des dynamiques territoriales, ainsi que des efforts déjà réalisés par les territoires en termes de réduction de la consommation foncière.

M. Alain Perea. Notre amendement va un peu plus loin que celui de notre collègue Gouffier-Cha. En l’état actuel du droit, le SRADDET est un document d’information générale et seule la partie contenant les règles spécifiques est opposable. Nous souhaitons la déclinaison des choix stratégiques et objectifs du SRADDET sous forme de règles prescriptives, ainsi qu’un lien juridique clair entre SRADDET et SCOT. En outre, comme M. Gouffier-Cha, nous plaidons pour la territorialisation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Le SRADDET existe précisément pour décliner des règles générales, qui peuvent varier entre les différentes zones du territoire régional.

En outre, la territorialisation, pour laquelle vous plaidez, sera bien une réalité grâce à l’amendement CS3169 de notre collègue Perea, qui suit. Je vous propose donc de retirer vos amendements identiques CS96 à CS2618, ainsi que l’amendement CS4216.

S’agissant des autres amendements, visant à la prise en compte des efforts de réduction de la consommation du foncier déjà effectués, je comprends tout à fait le sens de ce souhait, qui relève du bon sens. Ils me semblent satisfaits par le projet de loi, qui sera en outre complété sur ce point par l’amendement CS4212 présenté par notre collègue Sandra Marsaud. Ce dernier précisera les modalités de prise en compte par les SCOT des efforts passés dans l’élaboration de la stratégie de diminution de l’artificialisation. Je vous demanderai donc de bien vouloir également les retirer.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Mon avis est similaire à celui du rapporteur. Effectivement, le premier groupe d’amendements identiques est satisfait par l’amendement CS3169 de M. Perea, sous-amendé par le rapporteur.

L’amendement CS3449 est très largement satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi.

L’amendement CS4216 est également satisfait par le CS3169.

Quant aux amendements identiques qui proposent d’inscrire l’objectif de lutte contre l’artificialisation uniquement dans le document d’objectifs, et non dans les règles générales du SRADDET, ils en amoindriraient très fortement la portée. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. En cours de route, vous substituez l’artificialisation à la consommation foncière. Les SRADDET devront-ils demain aborder à la fois la consommation foncière et l’artificialisation ? Ou s’agira-t-il d’une substitution ? Quelle sera la marge de manœuvre à l’échelon communal ? À l’échelon intercommunal ? À l’échelon du SCOT ? Quel schéma souhaite-t-on ?

Vous évoquez des amendements à venir ; c’est tout le problème de ces discussions hachées… Cette opération à plusieurs mains rend la stratégie illisible. On aurait pu commencer par faire un premier bilan des SRADDET et de leur impact effectif sur l’urbanisation. Je pense qu’on y trouverait à redire…

L’amendement CS4216 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette également les amendements CS701 de Mme Émilie Bonnivard, CS2528 de M. Charles de Courson et CS5107 de M. Thibault Bazin.

Amendement CS2961 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Par le biais d’une modélisation, France Stratégie suggère que, pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette dès 2030, il faudrait que nous réduisions de 70 % l’artificialisation brute et renaturions 5 500 hectares de terre artificialisées par an. Si aucune mesure n’est prise, les espaces naturels supplémentaires qui seront artificialisés d’ici 2030 représentent la superficie du Luxembourg.

Nous proposons donc de redéfinir l’objectif à l’horizon 2040 et de prévoir un premier palier de réduction ambitieux – de - 50 %.

M. Lionel Causse, rapporteur. Même avis défavorable que pour l’amendement à l’article 47 qui souhaitait fixer l’objectif à 2035.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable, l’horizon à 2050 me paraît pertinent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5121 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Florence Lasserre. Nous connaissons tous les conséquences très négatives de l’imperméabilisation des sols. Le présent amendement découle de l’action 21 de la feuille de route issue des Assises de l’eau. Il s’agit de permettre aux élus de mieux intégrer les enjeux liés au grand cycle de l’eau dans les documents d’urbanisme en rappelant que les PLU peuvent établir des règles visant à encadrer ou à compenser toute nouvelle imperméabilisation et ainsi à inciter à la désimperméabilisation des sols, sans mettre en difficulté le secteur de la construction.

La durée des périodes prévues serait modifiée – elle ne serait plus de dix mais de cinq ans – en cohérence avec ce que nous avons proposé pour les articles 47 et 48 – zéro artificialisation nette dans dix ans et non à terme – afin d’accélérer les changements.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’ai déjà répondu lorsque nous avons examiné l’article 47. Avis défavorable pour les mêmes motifs que précédemment.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Vous souhaitez que l’on travaille par périodes de cinq ans. Or le bilan des SCOT a lieu tous les six ans et celui des PLU tous les neuf ans. On a besoin de temps pour adapter ces documents. Il me semble donc qu’une durée de dix ans est préférable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2210 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet amendement part de mon vécu d’élu local et rural. Je constate depuis de nombreuses années qu’il est quasiment impossible de construire dans des petits villages, pour des raisons tenant à l’application de règles d’urbanisme qui font qu’on ne peut pas obtenir de permis de construire si on change la destination d’une grange dans un hameau ou si c’est une dent creuse qui est concernée. Compte tenu des zones urbanisables qui sont retenues dans le cadre des PLU intercommunaux, souvent à l’issue d’une concertation insuffisante avec les communes, on ne peut pratiquement plus obtenir de permis de construire dans certaines communes.

Or le texte prévoit de s’appuyer sur l’artificialisation au cours des dix dernières années. Cela signifie qu’on subira une forme de double peine là où on n’a pas pu construire et que tout sera beaucoup plus facile là où il y a eu beaucoup de constructions et d’urbanisation, notamment dans les zones périurbaines et les métropoles – il y a une volonté de tout tirer vers ces dernières. J’appelle votre attention sur les conséquences qui peuvent en résulter. On est en train d’écrire la chronique de la mort de nos petits villages.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous évoquez le cas des communes, notamment celles qui sont inscrites en zone de revitalisation rurale, qui font face à un déclin de leur population. En effet, ces éléments démographiques sont importants. Le texte mentionne à cet égard qu’ils seront pris en compte lors des délibérations qui auront lieu à l’échelle régionale pour répartir l’effort de réduction de l’artificialisation entre les territoires. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Ce que l’article 49 prévoit, c’est un principe de réduction par deux à l’échelle de chaque région et, en dessous, une territorialisation.

En réponse à une interpellation précédente, je précise que les SCOT seront probablement le lieu de la synthèse entre toutes les considérations. On pourra avoir une différenciation entre territoires à l’échelle régionale tout en gardant une cohérence afin d’atteindre l’objectif de réduction de 50 %. Le texte, complété par les dispositions qui ont été évoquées, devrait permettre de ne pas avoir une trajectoire linéaire partout.

Je rappelle aussi que la Convention citoyenne pour le climat a demandé une réduction de 50 % dans le cadre de chaque PLU. Ce n’est pas la rédaction que nous avons retenue, parce que nous avons considéré qu’il fallait tenir compte du fait que certains territoires ont beaucoup artificialisé précédemment et d’autres très peu. La possibilité de modulation sera renforcée par l’amendement CS3169 et son sous-amendement.

M. André Chassaigne. Votre réponse confirme le risque lié à la régionalisation. La vie réelle est différente. Les élus des métropoles et des zones urbanisées ont du poids dans les territoires. Les petites communes situées aux alentours souffriront de choix imposés par ceux qui compteront le plus au niveau de l’intercommunalité et on accentuera, en fin de compte, la désertification rurale : on ne pourra pas accueillir de nouvelles populations, qui iront dans les villes, et les problèmes continueront à se multiplier.

M. Thibault Bazin. Je soutiens André Chassaigne : les problèmes qu’il a évoqués correspondent à ce qu’on observe déjà dans des territoires qui se sont inscrits dans des dynamiques vertueuses – en tant que maire, j’ai diminué de 75 % les zones à urbaniser. Certains petits villages, où les projets peuvent se limiter à un seul logement, ne peuvent pas se développer. Ils subissent un chantage aux documents.

Vous avez répondu, Madame la ministre déléguée, que l’on travaillera à l’échelle des SCOT : on voit bien que ceux qui ont été vertueux seront pénalisés, alors que les autres pourront continuer sur la base de leur mauvaise gestion. Je trouve que c’est injuste.

M. Bruno Millienne, président. Le sujet étant important, je vais donner la parole à deux autres membres du groupe Les Républicains – au lieu d’un seul.

M. Martial Saddier. Je vous remercie, Monsieur le président.

Je rejoins ce qui a été dit. Qu’observe-t-on dans le cadre des SCOT depuis dix ou quinze ans ? Les préfets successifs ont eu pour consigne de dessiner des SCOT énormes et de faire des regroupements afin qu’il y ait un pôle urbain au cœur de chacun d’eux. Les préfets ont été notés en conséquence.

Si on applique ce que vous proposez, il se passera ce qu’André Chassaigne a expliqué. Dans les SCOT immenses qui comptent un pôle urbain extrêmement puissant, celui-ci prendra pour lui la constructibilité et considérera que le reste du SCOT constitue un espace devant être protégé à 100 %. C’était déjà la tendance qu’on observe avec la cavalcade de lois qui ont été adoptées depuis quinze, et ce que vous proposez va l’accentuer.

M. Julien Aubert. La ruralité n’est pas pensée. Il existe des projets urbains, et l’avenir, la trajectoire de bon nombre d’espaces ruraux se dessine uniquement par rapport au développement du pôle urbain. On assiste à une délocalisation de certains services publics et d’entreprises, à un appauvrissement démographique, à des fermetures de classes, etc.

C’est une erreur de croire qu’une négociation dans le cadre du SCOT permettra une bonne intégration des enjeux ruraux. Souvent, les villages et les autres communes sont déjà dans la main du pôle central sur le plan politique. On le voit dans les intercommunalités, où la ville-centre a la moitié des sièges. On va donc obtenir une diagonale du vide, faute d’avoir pensé l’aménagement du territoire. Ce sera le pot de terre contre le pot de fer.

Le même problème se pose au niveau régional, qui est marqué par une métropolisation avancée, ce qui est l’inverse de ce que nous devrions faire. Le pire qui pourrait nous arriver, en effet, c’est d’avoir un pays tout vide, avec des centres ultra-peuplés et ultra‑pollués.

Mme Sandra Marsaud. Je suis également très sensible à la crainte d’une non‑concertation entre l’échelon régional et les échelons situés en dessous, ou d’une non‑péréquation régionale, qui s’est fortement exprimée lors des auditions. Les différences entre le point de vue des régions, même si leurs représentants n’étaient pas tous d’accord, et celui des collectivités à l’origine des SCOT et des PLU m’ont alertée.

Des outils existent, notamment dans le cadre de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) qui a procédé à une nouvelle refonte des collectivités. Je pense en particulier aux conférences territoriales de l’action publique (CTAP), qui sont des « machins » ne fonctionnant pas très bien – ce sont de grandes réunions au niveau régional. Je vous proposerai de les réactiver et de les réformer pour qu’une péréquation ait lieu.

Mme Émilie Chalas. Je voudrais pondérer un peu les propos tenus par nos collègues du groupe Les Républicains.

S’agissant des énormes économies en foncier qui ont été réalisées depuis dix ans, je rappelle que la loi a limité le recours aux réserves foncières réalisées à des fins d’aménagement, et qu’on a déclassé des terrains précédemment ouverts à urbaniser. Par ailleurs, il n’y a pas que des pôles urbains dans les SCOT : il existe aussi des pôles secondaires et des pôles de proximité. Ne tombons pas dans la caricature.

Enfin, l’équation ne se résume pas à la question du droit à construire. Il y a l’enjeu du niveau des services publics : les gens vont dans les métropoles parce qu’il y a plus de services publics, c’est une réalité. Leur niveau ne pourra jamais être le même dans un petit village que dans une métropole. Il y a aussi les coûts de déplacement, qui augmentent, et la question de l’accès à l’emploi.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais vous rassurer. Non, nous ne voulons pas figer la ruralité. Non, nous ne voulons pas empêcher une commune ou une intercommunalité de saisir une opportunité de développement économique importante.

Vous nous reprochez souvent, chers collègues, d’être centralisateurs, de tout décider et de prévoir les mêmes règles pour tout le monde en France. On vous a écoutés et là on fait le contraire : cela devrait répondre à vos attentes. On fait de la territorialisation et on fait confiance aux élus. Cela me paraît partir d’un bon sentiment…

Oui, il y aura des négociations compliquées entre les régions et le niveau en dessous – celui des SCOT et des intercommunalités – mais rien ne dit qu’il y aura une déclinaison uniforme, ni que ceux qui ont été vertueux auront des objectifs plus stricts à suivre que les autres. Rien ne le dit : ce sera l’objet de la négociation.

Au niveau des SCOT, des discussions un peu sévères sur la répartition de l’objectif auront lieu, mais c’est déjà le cas aujourd’hui – il n’y a rien de nouveau sous le soleil.

Nous parions sur la territorialisation et sur les collectivités.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5085 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je vous propose un paquet de modifications constitué des amendements CS5085, CS5321, CS5322, CS5323, CS5324 et CS5320 dont les objectifs sont d’adapter la lutte contre l’artificialisation aux besoins et aux capacités des élus et d’aménager une transition en douceur. Ce saucissonnage permet de ne pas faire tomber d’un coup tous les autres amendements.

Je propose de redéfinir le mode de calcul de l’artificialisation des sols lors de la première tranche de l’effort. L’artificialisation sera mesurée en fonction de la consommation des espaces NAF par l’extension d’espaces urbanisés. Cela permettra de répondre à plusieurs préoccupations qui se sont exprimées au cours des auditions et de nos débats, en particulier la volonté de ne pas compter la densification comme une artificialisation et de protéger les espaces NAF.

Ce mode de calcul servira à titre transitoire lors de la première période décennale. Des méthodes d’observation et de décompte de l’artificialisation seront alors mises au point en vue d’une mise en œuvre à partir de la période suivante.

Un décret en Conseil d’État déterminera les conditions d’application en veillant notamment à ce que les objectifs territorialisés soient intégrés dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et à ce que la réduction de la consommation des espaces NAF déjà réalisée soit prise en compte.

S’agissant des documents stratégiques de planification et d’urbanisme qui sont déjà vertueux et conformes aux futurs SRADDET, vous verrez qu’un amendement de notre collègue Sandra Marsaud leur réserva un traitement particulier – je réponds ainsi à M. Bazin.

Par ailleurs, les opérations de revitalisation du territoire (ORT) qui ont été créées par l’État sont de véritables outils pour les petits pôles et les petites communes. Vous pourrez demander à vérifier leur efficacité.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis favorable à l’amendement CS5085 et à la logique globale que le rapporteur propose. Cela permettra de rendre la première tranche de réduction de l’artificialisation, lors des dix prochaines années, la plus opérationnelle possible.

Le présent amendement tend à mettre en cohérence la rédaction concernant les objectifs et le mode de calcul pour la première décennie.

M. Bruno Millienne, président. L’adoption de cet amendement ferait tomber les suivants, jusqu’au CS2890 – inclus – de M. Orphelin.

M. Julien Aubert. Je voudrais répondre au rapporteur général à propos de la décentralisation. Vous connaissez cette citation célèbre : « C’est le même marteau qui frappe mais on en a raccourci le manche ». Négocier dans le cadre d’une centralisation régionale ou d’une centralisation parisienne, c’est à peu près la même chose quand on est dans une périphérie.

Si je comprends bien vos amendements, après avoir passé une demi-journée à discuter des mérites de l’artificialisation nette, vous nous expliquez que, comme on n’a pas de définition, on va surtout raisonner en termes de consommation foncière lors des dix prochaines années. On parlera dans la loi de l’artificialisation mais sa définition viendra plus tard, et elle s’appliquera dans dix ans.

C’est une reculade heureuse, parce que j’avais des incertitudes quant à votre définition, cela montre votre pragmatisme mais aussi le fait que le texte n’était pas vraiment bouclé. Vous êtes obligés de reconnaître que la loi s’appliquera dans dix ans, en réalité, quand on aura une définition. Dans ce cas, pourquoi avoir passé autant de temps sur les articles précédents, dans une danse linguistique sur la notion d’artificialisation nette ? C’est une méthodologie un peu compliquée…

Mme Delphine Batho. Je voudrais parler de l’amendement CS2890 puisqu’il risque de tomber. Pourquoi ne mentionnez-vous pas explicitement les espaces naturels, agricoles et forestiers à l’alinéa 4, comme nous le proposons ? Votre amendement parle de « consommation d’espace ».

J’ajoute qu’un « objectif de réduction du rythme de l’artificialisation » n’est pas tout à fait la même chose qu’une division par deux et un objectif de zéro artificialisation nette. Cela ne figurera pas à l’article 49.

M. Dominique Potier. On arrive au moment où on va voir comment les différents niveaux de planification que sont les SRADDET, les SCOT et les PLUI vont s’articuler. Je voudrais des réponses très précises de M. le rapporteur ou de Mme la ministre afin d’éclairer le débat.

Où en est la couverture des SCOT, par rapport à ce que prévoit la loi, sur le plan national ? Y a-t-il des SCOT partout, et à la bonne échelle ?

Qu’en est-il du rythme d’adoption des PLUI et que prévoyez-vous pour atteindre un taux de couverture de 100 % ?

S’agissant de l’objectif de réduction de 50 %, quelle est l’articulation prévue ? En matière de planification, les SCOT seront-ils plus prescriptifs et quel sera le rapport avec les PLUI ? Un principe de subsidiarité jouera-t-il ? Y aura-t-il simplement un objectif chiffré ou bien dessinera-t-on sur la carte des zones à protéger ?

M. Lionel Causse, rapporteur. J’aurais de toute façon émis un avis défavorable à l’amendement CS2890, Madame Batho. Il sera satisfait par l’alinéa 15, qui parle des « sols naturels, agricoles ou forestiers » – je proposerai de remplacer « sols » par « espaces ».

Je vais vous donner, Monsieur Potier, les éléments dont je dispose. Actuellement, 80 % du territoire français est couvert par un SCOT, ce qui représente 90 % de la population. Je n’ai pas de données concernant les PLUI. Néanmoins, je peux vous dire que les trames vertes et bleues établies par les régions sont déclinées dans les SCOT, à une échelle beaucoup plus fine, et ensuite dans les PLU ou PLUI, au niveau des parcelles.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La logique du projet de loi et des amendements du rapporteur consiste à faire rentrer dans les textes et surtout dans les pratiques un travail sur la véritable notion d’artificialisation, telle que vous l’avez définie dans les articles 47 et 48.

Comme elle est assez différente de la notion actuelle de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, nous acceptons une période de transition pendant laquelle, pour le démarrage de la logique de réduction prévue à chaque échelle, d’une manière territorialisée – dans le cadre des régions et potentiellement des SCOT et des PLUI –, on passera par la notion de consommation d’espaces. Ce ne sera pas pour l’éternité mais pendant une première phase de dix ans. On précisera la définition de l’artificialisation par décret – il faut qu’elle soit bien appropriée – et on l’utilisera lors des phases ultérieures.

Il n’y a donc pas de contradiction : nous voulons, pragmatiquement, faire en sorte que la dynamique s’enclenche grâce à des outils connus et qu’il y ait ensuite une prise de relais avec des outils plus ambitieux.

L’alinéa 26 continuera à faire référence à un rythme de diminution de 50 % à l’échelle régionale, Madame Batho. Le fait de remplacer « rythme » par « objectif » à l’alinéa 4 ne changera donc rien.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS2024 de M. Charles de Courson, CS1019 de Mme Frédérique Meunier, CS1091 de M. Vincent Descoeur, CS1761 de M. Bertrand Pancher, CS1882 de M. Thibault Bazin, CS2242 de M. Pierre Vatin, CS2301 de M. Maxime Minot, CS2579 de Mme Véronique Louwagie, CS2839 de M. Xavier Batut, CS3014 de Mme Agnès Thill, CS3198 de Mme Pascale Boyer, CS3828 de M. Julien Ravier et CS2890 de M. Matthieu Orphelin tombent.

Amendement CS4067 de Mme Florence Lasserre, amendement CS3169 de M. Alain Perea et sous-amendement CS5413 du rapporteur (discussion commune).

Mme Florence Lasserre. L’amendement CS4067 prévoit de territorialiser à l’échelle des SCOT l’objectif de zéro artificialisation nette inscrit dans les fascicules des SRADDET. L’objectif de réduction de la consommation du foncier devra être décliné à l’échelle infrarégionale en évitant de pénaliser les territoires vertueux qui ont déjà réduit leur consommation foncière.

M. Alain Perea. S’agissant de la territorialisation, dont nous parlons depuis un moment, les régions n’auraient pas d’obligation dans la rédaction actuelle du projet de loi, et on pourrait imaginer qu’elles répercutent l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation d’une manière systématique. L’objectif de mon amendement est que les régions conduisent une véritable réflexion sur la question de la territorialisation. Il faudra qu’il y ait une répartition en fonction d’objectifs choisis par les élus.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je demande à Mme Lasserre de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui de M. Perea, qui fait l’objet d’un sous-amendement que j’ai déposé. Il s’agit de préciser que les règles générales en matière d’artificialisation des sols seront territorialisées. Il reviendra à chaque région d’organiser la territorialisation dans le cadre d’une concertation avec les territoires, selon les modalités qu’elle jugera les plus pertinentes – on peut notamment penser aux CTAP.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis favorable à l’amendement CS3169 modifié par le sous-amendement CS5413. Cela permettra de répondre assez largement à la question de la différenciation à l’échelle infrarégionale, et je suis prête à ce qu’on ouvre le même type de réflexion s’agissant des SCOT et des PLUI.

La région ne pourra pas se contenter de prévoir une réduction de 50 % partout : l’amendement de M. Perea précise que « [les] règles générales sont territorialisées entre les différentes parties du territoire régional. » Cela veut dire qu’il faudra prendre en compte les efforts déjà réalisés et la réalité territoriale à l’échelle régionale. Cela me semble une réponse importante aux objections qui ont été faites tout à l’heure, notamment par le président Chassaigne.

On pourra y revenir plus tard, dans le cadre des débats en commission ou d’ici à la séance publique, mais je ne suis pas hostile à ce que l’on écrive la même chose au sujet des SCOT, si on considère que les dispositions actuelles ne permettent pas de faire en sorte que la négociation entre les petits et les gros – je reprends les termes qui ont été employés – soit équilibrée et que ceux qui ont peut-être moins de pouvoir de négociation puissent faire entendre leur voix.

On pourrait ainsi prévoir que les SCOT doivent prendre en compte, dans la démarche de lutte contre l’artificialisation, les besoins de différents territoires. Je ne doute pas que s’il est question des ruraux et des urbains, le littoral et la montagne seront aussi sur la table, mais on verra quelle rédaction pourrait raisonnablement être adoptée.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, s’il n’y a qu’un amendement en discussion, on peut comprendre qu’il n’y ait qu’un intervenant par groupe, mais quand un amendement du rapporteur en fait tomber une quinzaine, dont un tiers déposé par l’opposition, il serait préférable que plusieurs d’entre nous puissent s’exprimer.

M. Bruno Millienne, président. Je l’ai permis tout à l’heure alors qu’un nombre encore plus important d’amendements pouvaient tomber.

M. Martial Saddier. On a voulu créer de grandes régions et, de fait, la Bourgogne‑Franche-Comté compte 3 millions d’habitants, Auvergne-Rhône-Alpes 8,5 millions et l’Île-de-France près de 11 millions. Par ailleurs, si le site du ministère est à jour, 95 % de la population française vit dans des SCOT : il en existe 354, couvrant 189 000 habitants en moyenne.

Ce sont des mastodontes. On ne peut pas vraiment parler de décentralisation en matière d’urbanisation. Je souhaite bon courage aux assemblées régionales – je suis conseiller régional – s’il leur revient, demain, de répartir la constructibilité, qui serait ensuite déclinée dans d’immenses SCOT.

Il faut absolument envoyer un signal d’ici à la séance, comme l’a proposé Mme la ministre déléguée. Sinon, il est sûr et certain qu’il ne restera pas grand-chose pour la ruralité dans ces immenses SCOT.

M. Dominique Potier. La territorialisation à l’échelle des SRADDET et des SCOT n’est qu’une régulation visant à tenir compte de phénomènes extraordinaires, d’un potentiel de développement ou d’un handicap naturel.

Mon expérience d’un des plus grands SCOT de France, dans la Meurthe-et-Moselle, c’est que les règles absolument équitables et républicaines qui s’appliquent ont permis à tout le monde de se retrouver et que les votes ont lieu à l’unanimité. Les taux de croissance – du périurbain, de l’urbain, etc. – ont fait l’objet d’une négociation, et ils sont appliqués.

Ne refaisons pas de la sous-territorialisation : laissons les EPCI dotés de PLUI assurer d’une manière subsidiaire et intelligente la mise en œuvre des contraintes fixées par les SCOT dans un esprit républicain et, les trois quarts du temps, à l’unanimité. Ne compliquons pas la situation en établissant une liste à la Prévert des zones territorialisées. Les outils existent déjà.

M. André Chassaigne. Les règles établies par les SRADDET sont fixées au niveau des conseils régionaux. Il y a une discussion, certes, mais elle se déroule dans le cadre des grandes régions constituées à la suite de la loi NOTRE, qui date de la législature précédente et que, pour ma part, je n’ai pas votée. Il y aura intérêt à ce que le contenu des SRADDET, qui sera opposable aux SCOT et aux documents d’urbanisme, ne consacre pas le déséquilibre dont j’ai parlé tout à l’heure. Compte tenu de la domination exercée par les métropoles dans les grandes régions et de la volonté de métropolisation extrêmement forte qui existe, je redoute vraiment les effets pervers qui risquent de se produire.

L’amendement CS4067 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement CS5413 et l’amendement CS3169 sous-amendé.

Amendements identiques CS116 de M. Dino Cinieri, CS301 de M. Guy Bricout, CS351 de M. Martial Saddier, CS491 de M. Pierre Vatin, CS769 de M. Gérard Menuel, CS1108 de Mme Danielle Brulebois, CS1503 de M. Thibault Bazin, CS2798 de Mme Florence Lasserre et CS4323 de M. Arnaud Viala.

M. Martial Saddier. L’objectif de zéro artificialisation nette disparaît d’un seul coup, mais je ne reviens pas sur ce point.

Je rappelle, en revanche, qu’on a adopté depuis vingt ans les lois Grenelle, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), la loi portant engagement national pour l’environnement, la loi relative au développement des territoires ruraux, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ainsi que la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

On sort seulement de la dernière révision des PLU, dans lesquels tout cela a été imposé, y compris une réduction de 50 % de la constructibilité. Dans certains départements, qui font partie des plus dynamiques de France, la consommation de l’espace a été divisée par trois au cours des quinze dernières années. C’est le cas, par exemple, en Haute-Savoie, qui a la plus grosse démographie de France, ­avec la ville de Montpellier.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer les efforts, mais il faut être conscient de ce qu’on va encore imposer et on ne doit pas oublier tout ce qui a été fait durant les quinze dernières années par l’ensemble des élus locaux et des représentants de l’État dans les départements.

M. Pierre Vatin. L’autonomie et la liberté d’action, dans un cadre libéral, seront toujours préférables. Par ailleurs, la « sobriété foncière » à laquelle ces amendements font référence et dont la Haute-Savoie a su faire preuve, par exemple, sera toujours meilleure que l’absence de toute artificialisation nette des sols, qui serait une contrainte ingérable dans beaucoup de situations.

Amendement CS1503 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Plus nous avançons, plus j’ai le sentiment que la définition est floue et le mode opératoire confus, ce qui risque d’entraîner des injustices : je n’ai aucune envie que nous écrivions une loi pour les forts et les bien portants alors que l’aménagement du territoire doit être équitable.

Comment, en effet, les régions arbitreront-elles entre les SCOT vertueux, qui auront « consommé » du foncier et qui bénéficieront en théorie d’une enveloppe plus importante, et les autres ? Quel rôle l’État jouera-t-il ? Les SCOT émanent du bloc communal et sont élaborés par des représentants, légitimes et responsables, des communautés de communes capables de les co-construire dans le cadre des contraintes fixées par l’État. Demain, la région répartira « le gâteau » et le risque est grand d’avoir une urbanisation – en quelque sorte, des zones « Zéros artificialisation nette » (ZAN) – à plusieurs vitesses.

Amendement CS2798 de Mme Florence Lasserre. 

Mme Florence Lasserre. J’insiste : il importe de remplacer « l’absence de toute artificialisation nette des sols » par « la sobriété foncière ».

M. Lionel Causse, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur ces amendements : avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement, à moyen terme, tient à utiliser la formule d’« artificialisation nette » et accepte, pendant la première tranche de dix ans, de parler de « consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers ». Avis défavorable, donc.

Je suis rassurée qu’après avoir discuté de la libre administration des collectivités locales vous vous interrogiez sur le rôle de l’État et sur sa capacité à soutenir tous les territoires. Avec la collectivité régionale et l’ensemble des collectivités territoriales associées, il devra vérifier que les SRADDET ont bien territorialisé les objectifs de lutte contre l’artificialisation et, ainsi, il accompagnera les efforts des régions.

M. Alain Perea. La territorialisation, Monsieur Bazin, vise précisément à ce que la région ne procède pas mécaniquement à une répartition injuste mais raisonne en termes d’aménagement du territoire en déterminant les zones où le foncier est nécessaire pour le développement économique, l’habitat et l’habitat social. Ne parlons donc pas de « gâteau » qui serait réparti mais de véritables stratégies d’aménagement du territoire !

M. Jean-Marie Sermier. Je me demande sur quelle planète vivent certains d’entre nous.

J’ai eu l’occasion de réaliser deux SCOT et deux PLUI, dont un valant SCOT, dans une collectivité plutôt rurale et je peux vous assurer que c’est un vrai travail. Le problème, c’est que nos concitoyens ne comprennent plus rien. Parfois, un PLUI transforme un terrain constructible en un terrain qui ne l’est plus, ce qui revient d’une certaine façon à bafouer le droit de propriété.

De plus, le scrutin proportionnel, dans les conseils régionaux, favorise plutôt la représentation des élus urbains. Donner aux régions la possibilité de raisonner à l’échelle de l’ensemble d’un territoire revient en l’occurrence à ne plus faire confiance aux élus ruraux, voire, à favoriser la spoliation des citoyens, ce qui est très grave. Nous sommes en train de revenir sur le droit de propriété, consacré par la Révolution et fondamental pour notre République.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il faut savoir raison garder et faire montre de prudence. Certaines situations sont sans doute regrettables mais il ne faut pas généraliser.

Nous faisons confiance aux décideurs territoriaux, locaux. Je suis convaincu que la région est à même de définir un plan d’aménagement global que déclineront ensuite les SCOT, les PLU et les PLUI. Ce sont d’ailleurs les régions qui ont imposé les Trames verte et bleue dans les documents d’urbanisme. Croyez-vous que leur tracé fait plaisir aux communes ?

Enfin, l’État s’assurera que les objectifs de limitation de la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers seront atteints.

M. André Chassaigne. L’État a en effet vocation à approuver le SRADDET par arrêté et pourra vérifier le bon déroulement des procédures mais, compte tenu du poids politique des régions, je vois mal un préfet de région « retoquer » ce dernier. Votre optimisme fait fi d’une réalité plus complexe que vous ne le pensez.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1742 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin. Madame la ministre déléguée, je réponds à vos souhaits en distinguant les « territoires communaux ou métropolitains urbains, littoraux, ruraux ou montagnards ainsi que les pourcentages de réduction exigés par rapport à la surface de zone constructible pour chacun de ces types de territoires. »

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Vous proposez une distinction à l’échelle nationale alors que la question était de savoir si elle devait l’être à celle des SCOT.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CS3285 de M. Alain Perea est retiré.

M. Bruno Millienne, président. Les deux prochains amendements du rapporteur, s’ils sont adoptés, en feront tomber de nombreux autres. Je vous laisserai donc vous exprimer plus longuement.

Amendement CS5321 du rapporteur.

M. Lionel Causse. Par coordination, il convient de préciser pour la première période le nouveau mode de calcul de la quantité des espaces consommés.

M. Julien Aubert. Nous avons discuté d’une distinction subtile entre sols et espaces, or, selon l’exposé des motifs de cet amendement, « cette notion de consommation d’espaces, mieux maîtrisée par les acteurs, est cependant insuffisante pour tenir compte de l’atteinte à la fonctionnalité des sols ou à la biodiversité. » Est-ce à dire que la notion d’espace disparaît ? Je souhaiterais comprendre jusqu’à quel point vous tenez à modifier la disposition du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La position du Gouvernement est la même : à terme, l’artificialisation, donc, les sols mais, pour la première période, la consommation, donc les espaces naturels, agricoles et forestiers. Les amendements de M. le rapporteur vont en ce sens.

M. André Chassaigne. Après le marteau, la faucille, puisque l’alinéa 13 est supprimé. Au final, nous avons un couteau sans lame auquel ne manque que le manche.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS2211 de M. André Chassaigne, CS1485 de M. Thibault Bazin, CS2466 de Mme Nathalie Sarles, CS2468 de M. Didier Le Gac, CS3192 de M. Alain Perea, CS 3238 de M. Julien Aubert, CS4332 de M. Arnaud Viala, CS97 de M. Dino Cinieri, CS291 de M. Guy Bricout, CS750 de M. Gérard Menuel, CS1155 de Mme Danielle Brulebois, CS117 de M. Dino Cinieri, CS302 de M. Guy Bricout, CS350 de M. Martial Saddier, CS492 de M. Pierre Vatin, CS770 de M. Gérard Menuel, CS1504 de M. Thibault Bazin, CS1641 de M. André Chassaigne, CS3193 de M. Alain Perea et CS 4334 de M. Arnaud Viala tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5134 du rapporteur.

En conséquence, les amendements CS3883 de M. Jean-Luc Lagleize, CS128 de M. Dino Cinieri, CS311 de M. Guy Bricout, CS362 de M. Martial Saddier, CS2725 de M. Didier Le Gac, CS5231 de M. Pierre Vatin, CS5232 de M. Gérard Menuel, CS5233 de Mme Danielle Brulebois, CS5234 de M. Thibault Bazin et CS5235 de Mme Florence Lasserre tombent.

Amendement CS880 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Dans le rapport de présentation du schéma de cohérence territoriale, l’objectif de réduction du rythme d’artificialisation doit tenir compte de l’évolution démographique récente des intercommunalités concernées.

On ne peut pas dire qu’avoir passé une partie de la journée à définir des notions et une stratégie pour voter ensuite un amendement du rapporteur qui détricote l’ensemble et revient peu ou prou à la situation antérieure pour les dix prochaines années constitue un modèle méthodologique… Je ne sais pas ce que voulaient les « Conventionnels » mais, pour filer la métaphore de M. Potier, la Révolution n’est pas encore au rendez-vous.

M. Lionel Causse, rapporteur. C’est la raison même des SCOT de tenir compte des évolutions, notamment démographiques, des territoires. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

Le Gouvernement visait d’emblée l’artificialisation, sans période de transition, et était prêt à « faire la Révolution », mais après avoir écouté les différentes parties prenantes, nous avons accepté le principe de la consommation pendant une décennie de transition.

M. Julien Aubert. Le SCOT prend certes en compte la question démographique mais mon amendement vise à moduler le rythme d’artificialisation en fonction de l’évolution démographique. Sans doute conviendrait-il de procéder ainsi, par exemple, pour un territoire qui connaîtrait une forte progression démographique.

Enfin, Madame la ministre, la Restauration est postérieure à la Révolution.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5130 du rapporteur.

Amendements identiques CS98 de M. Dino Cinieri, CS292 de M. Guy Bricout, CS365 de M. Martial Saddier, CS751 de M. Gérard Menuel, CS1486 de M. Thibault Bazin, CS1575 de M. Pierre Vatin, CS1640 de M. Hubert Wulfranc, CS3200 de M. Alain Perea et CS4338 M. Arnaud Viala. 

M. Martial Saddier. Dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale, cet amendement rend facultative et non obligatoire la subordination de l’ouverture de nouveaux secteurs à urbaniser à certaines conditions particulières.

M. Pierre Vatin. Cela relève tout simplement de la libre administration des communes.

M. Alain Perea. Les communes sont en effet obligées de justifier cette ouverture, or si, dans certains cas, le SCOT peut faire état de règles particulières, aucun systématisme ne s’impose faute de quoi la procédure en serait considérablement alourdie alors même que de nombreux recours sont d’ores et déjà possibles.

M. Lionel Causse, rapporteur. Cela reviendrait à ne rien changer au droit. Je rappelle que les règles d’urbanisation conditionnelle ont été introduites en 2000 par la loi SRU relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Depuis, le document d’orientation et d’objectifs (DOO) peut, de manière facultative, subordonner l’ouverture à l’urbanisation aux secteurs nouveaux ou aux secteurs à urbaniser à moyen terme – 1AU (« à urbaniser ») – et à long terme – 2AU – à deux conditions non cumulatives : l’utilisation prioritaire des friches urbaines de terrains situés en zones urbanisées desservies par les réseaux de distribution d’eau et d’électricité et des équipements d’assainissement, ainsi que des zones déjà ouvertes à l’urbanisation ; la réalisation d’une étude de densification des zones déjà urbanisées permettant d’apprécier la capacité de densification des territoires. Cette possibilité étant insuffisamment appliquée, nous devons aller plus loin en la rendant contraignante.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5322 du rapporteur.

Amendements CS2212 de M. André Chassaigne et CS1920 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. André Chassaigne. Il convient de tenir compte de l’existence de besoins liés aux évolutions démographiques, notamment de « celles des communes situées en zone de revitalisation rurale ou ayant connu une perte de population sur les dix années précédentes », autrement, cela reviendrait à acheter un âne dans un sac.

M. Thibault Bazin. Ce serait une erreur de perspective de croire que les zones détendues n’auraient pas besoin de nouveaux logements : à population constante, le vieillissement de la population peut entraîner un besoin de logements supplémentaires dès lors que de plus en plus de personnes veuves vivent plus longtemps dans leur logement.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorables. L’analyse stratégique territoriale du SCOT définit les enjeux territoriaux et nul mieux que les élus locaux ne sauraient le faire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS3248 de M. Alain Perea, amendements identiques CS118 de M. Dino Cinieri, CS771 de M. Gérard Menuel, CS881 de M. Julien Aubert, CS1505 de M. Thibault Bazin et CS4330 de M. Arnaud Viala (discussion commune). 

M. Alain Perea. J’entends répéter que les élus locaux décident mais ils ont face à eux les services de l’État et ils peuvent se retrouver devant un tribunal. Il convient donc de leur laisser la possibilité d’organiser leur territoire en tenant compte notamment des évolutions démographiques mais, aussi, des évolutions des typologies de logements et du desserrement des ménages.

Le président du SCOT d’Épinal, qui préside également la Fédération des SCOT – que je co-préside – a besoin de logements alors que la démographie est plutôt en baisse. Si l’on s’en tient au seul critère démographique, il ne pourra pas défendre son projet de territoire.

M. Jean-Marie Sermier. Il convient de prendre en compte le desserrement des ménages parmi les conditions subordonnant l’ouverture de nouveaux secteurs à urbaniser dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale. Les familles sont en effet de moins en moins nombreuses et la situation diffère grandement selon les régions.

M. Julien Aubert. La réflexion sur l’artificialisation et la consommation devrait être l’occasion d’affiner les méthodologies. La démographie, en effet, n’est pas le seul critère : les familles évoluent – je pense par exemple à l’explosion du nombre de familles monoparentales –, ce qui soulève des questions évidentes en termes de logement.

M. Thibault Bazin. Nous nous inscrivons pleinement dans la logique développée par André Chassaigne.

Si le nombre de logements d’une commune est gelé, que la population vieillit et que l’on assiste à un desserrement des ménages, le nombre d’habitants diminuera inexorablement. Si nous voulons que chaque territoire ait un avenir, y compris les communes qui souhaitent conserver le même nombre d’habitants, il faudra que des logements puissent être construits, et pas forcément à travers l’artificialisation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous soulevez un problème important mais vos amendements sont satisfaits par l’alinéa 16 puisque l’ouverture à l’urbanisation est subordonnée à « L’existence de besoins liés aux évolutions démographiques ou bien à l’accueil ou la relocalisation d’activités économiques. »

J’ajoute, Monsieur Bazin, que ce projet de loi ne gèle en rien le développement d’une commune.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La démographie ne concerne pas uniquement le nombre d’habitants : elle inclut l’évolution de la pyramide des âges, des couples et des modes de vie, autant de points que vous avez justement mentionnés et que recouvre cette formule d’« évolutions démographiques », mais aussi d’autres points dont il serait difficile de faire la liste.

Mme Sandra Marsaud. La question des besoins des habitants en logements, avec le vieillissement de la population, l’évolution démographique à la baisse, le besoin de nouveaux types de logements, le desserrement des ménages, que l’on corrèle à un besoin d’espace supplémentaire, donc à un obstacle pour lutter contre l’artificialisation des sols, est une vraie difficulté. En tant qu’urbaniste, je n’ai pas pu la surmonter dans de nombreux documents d’urbanisme. D’ailleurs, c’est davantage en amont qu’elle doit être résolue, avec les documents de planification des politiques locales de l’habitat.

Le groupe Les Républicains a posé la question de la couverture du territoire dans les SCOT et les PLU. Je m’interroge aussi sur cette couverture dans les plans départementaux de l’habitat et les programmes locaux de l’habitat (PLH). Si, en amont des documents d’urbanisme, on avait cette politique bien établie qui permettrait d’avoir une gouvernance locale et une gestion du besoin, on consommerait moins d’espace, et les outils d’aide à la pierre de l’État fonctionneraient. Tentons de rentabiliser les outils de planification qui existent déjà, en amont, et qui aient à lutter contre le gaspillage de l’espace.

M. Jean-Marie Sermier. Dans ma région de Bourgogne-Franche-Comté, en vingt‑et-un ans, on est passé de 2,5 à 2,2 occupants par logement. Il faut donc 15 % de logements en plus. Cette pression ne s’exerce pas de la même façon dans les métropoles et dans les zones rurales. Le nombre d’occupants par logement est beaucoup plus faible dans les métropoles, qui concentrent par exemple les logements universitaires ou les appartements de jeunes couples. Il faut y veiller, car les résultats se traitent différemment.

La commission rejette successivement l’amendement CS3248 et les amendements identiques.

Amendement CS1642 de M. Hubert Wulfranc.

M. André Chassaigne. Je ne suis pas étonné que les amendements précédents aient été considérés comme satisfaits car ils utilisaient tous la même forme de métalangage. Que signifient « typologie des logements » ou « desserrement des ménages » ? Je reviendrai à ce que j’appellerai le réalisme socialiste, en étant beaucoup plus clair. Je demande donc d’ajouter à l’alinéa 16 les mots « à la réalisation de programmes de logements sociaux ou d’accession sociale à la propriété ».

M. Lionel Causse, rapporteur. J’entends ce que vous voulez faire et suis d’accord avec vous sur le fond. Je reste toutefois convaincu que l’évolution démographique et économique doit répondre à la préoccupation qu’exprime votre amendement. De plus, à travers les règlements du PLU, les élus locaux ont les outils pour imposer des logements sociaux, des logements intermédiaires ou d’accession à la propriété.

Mme Emmanuelle Wagon, ministre, déléguée. Chacun le sait, je soutiens fortement la loi SRU, son application, sa prolongation, la nécessité de produire des logements sociaux partout en France et, par ailleurs, l’accession sociale à la propriété. L’alinéa 16 traite cependant du besoin des territoires, qui n’est pas corrélé à la réalisation de programmes de logements sociaux. Cette réalisation, que je soutiens, est plutôt une réponse au besoin.

L’amendement n’est pas pleinement adapté à l’objectif que vous recherchez, Monsieur le président Chassaigne. Au fond, vous pouvez compter sur mon soutien au logement social.

M. Martial Saddier. L’inquiétude des députés est qu’il faudra choisir, à terme, entre le logement social et le parcours résidentiel.

Par ailleurs, Mme la ministre disait que tout avait été prévu dans la loi. Je n’ai pas de raison de remettre en cause ses propos mais, avec plus de 430 millions de nuitées, la France est la première destination touristique au monde. Dans les zones très touristiques, dont l’Île‑de‑France, le littoral, la montagne et certaines zones très rurales, ne risquera-t-on pas de devoir choisir entre les logements sociaux, le parcours résidentiel et l’hébergement de touristes, donc de continuer d’être la première destination touristique au monde ?

M. Lionel Causse, rapporteur. En Espagne, pays touristique, à population équivalente, l’artificialisation est 50 à 60 % moindre qu’en France. Cela n’empêche pas le pays d’accueillir des touristes et de loger ses habitants. La France doit renforcer sa volonté s’agissant d’aménagement et d’urbanisme, dans tous ses territoires.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La question est traitée par l’alinéa 16, qui prévoit « l’existence de besoins liés […] à l’accueil […] d’activités économiques », dont le tourisme fait partie. Je sais que le tourisme en montagne vous est cher, Monsieur Saddier. La question est aussi celle de l’occupation des lits touristiques existants, la fameuse question des lits froids. La capacité à rénover et à mettre à niveau l’offre existante peut être une réponse positive pour les stations et la lutte contre l’artificialisation.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5131 du rapporteur.

Amendements identiques CS119 de M. Dino Cinieri, CS772 de M. Gérard Menuel, CS1110 de Mme Danielle Brulebois, CS1507 de M. Thibault Bazin, CS4346 de M. Arnaud Viala et CS4355 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. L’amendement CS4355 me tient à cœur car il traite d’une question à laquelle je suis souvent confronté, puisque ma circonscription s’étend sur tout le littoral audois. Du fait de la loi littoral et de la diminution de l’artificialisation, nous nous posons la question du retrait stratégique. Tous les jours, un élu différent me contacte à ce sujet. Ce matin, encore, le maire de Fleury-d’Aude m’a dit, en me remettant le plan de sa commune, qu’entre loi SRU – nous la défendons, Madame la ministre, nous sommes d’accord sur ce point –, retrait stratégique et artificialisation, il ne savait que faire. L’urbanisme est mon métier – nous sommes plusieurs dans ce cas ici –, mais je ne sais pas faire non plus.

L’objet de l’amendement CS4355 est de donner au Gouvernement la possibilité de travailler dans l’ordonnance sur les stratégies de relocalisation pour toutes ces communes du littoral touchées par la montée des eaux.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’invite mon collègue Alain Perea à travailler avec moi sur l’article 58. Nous avons déjà certaines réponses. Peut-être pourrons-nous affiner les amendements que j’ai déposés ou que d’autres collègues présenteront, pour répondre à vos interrogations.

J’émets un avis défavorable sur tous ces amendements, considérant qu’ils ne sont pas suffisamment précis et qu’ils ajoutent encore des conditions à l’alinéa 16.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La problématique de résilience est importante. Nous la traiterons plus loin dans le texte, avec toutes les mesures sur le trait de côte. Je vous demanderai donc de retirer les amendements au bénéfice des mesures spécifiques sur cette problématique.

M. Thibault Bazin. La problématique est réelle à Saint-Pierre-la-Mer, où se trouve le trait de côte pour la commune de Fleury-d’Aude. Les études engagées localement posent problème eu égard aux différents schémas et aux descentes. Il y a des incompréhensions sur les règles, qui sont parfois incohérentes. Je ne voudrais pas qu’en voulant lutter contre le réchauffement climatique, on se retrouve à geler totalement certains logements. Notre pays n’a pas besoin d’un afflux de lits froids.

Mme Delphine Batho. Je ne connais pas la situation spécifique de cette commune, mais s’il existe un problème de trait de côte, c’est peut-être en raison d’une élévation du niveau de la mer, parce que le climat se réchauffe. Ces discussions sont très intéressantes, mais nous discutons d’un texte sur le climat. Le sens général des propositions de la Convention citoyenne pour le climat sur l’artificialisation des sols est d’appeler à un changement culturel. Elle ne préconise pas de ne plus construire un logement, ou de ne plus créer une activité économique en France.

Au contraire, elle incite à préserver les espaces naturels, les espaces agricoles, les forêts et, lorsque l’on a besoin de construire quelque chose, de chercher d’abord à le faire dans ce qui est généralement laissé à l’abandon, par exemple les friches artificialisées. Il faut arrêter la logique de voracité de l’espace, qui est destructrice et aggrave les problèmes liés au changement climatique. Cette logique produit aussi de l’étalement urbain, qui a des conséquences sur la mobilité, la pollution, le coût de la vie pour les citoyens et la dépendance à la voiture. C’est une vision d’ensemble. J’entends les réticences et les résistances, mais il faut changer le modèle de conception de l’urbanisation des territoires en 2021.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS720 de Mme Émilie Bonnivard, CS1473 de M. Thibault Bazin, CS1544 de M. Hervé Pellois, CS2610 de M. Charles de Courson et CS2854 de M. Mohamed Laqhila.

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1473 vise à supprimer l’alinéa 17, qui prévoit « la justification, au moyen d’une étude de densification des zones déjà urbanisées […] de l’impossibilité de répondre aux besoins mentionnés au 1° dans les espaces déjà urbanisés ou les zones ouvertes à l’urbanisation ou sur des terrains déjà artificialisés, en particulier des friches ».

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable aux amendements. Je suis attaché à l’alinéa 17, qu’il serait dommage de supprimer.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je partage l’attachement de M. le rapporteur à l’alinéa 17. Avant d’ouvrir de nouvelles zones à urbaniser, il s’agit de regarder si les zones déjà urbanisées ou définies comme étant à urbaniser pourraient permettre de répondre aux besoins. Si l’étude répond par la négative, l’urbanisation est toujours possible. L’alinéa prévoit une simple justification que les espaces déjà urbanisés ou les zones à urbaniser, y compris des zones ouvertes à l’urbanisation, ne répondent pas aux besoins, quitte à se dire que les zones à urbaniser que l’on n’urbanisera pas pourraient être sorties de cette catégorie. Cela permettra d’atteindre l’objectif de baisse de l’artificialisation qui, sinon, restera lettre morte.

M. Thibault Bazin. Le nouveau monde fait comme s’il n’y avait pas eu d’ancien monde auparavant : il semble qu’à l’an zéro, on a découvert que l’on devait mener des études de densification. (Sourires.) J’étais maire jusqu’en 2017. Je peux attester que ces études ont été menées car, une fois que des SCOT devenaient applicables, nous devions mettre en cohérence nos PLU, et faire ce travail fin de déterminer les espaces qui pouvaient encore être à urbaniser, y compris dans les zones déjà urbanisées. Tout cela a été mené. La disposition de l’alinéa 17 paraît superfétatoire par rapport au travail qui a déjà été réalisé.

Certains espaces ne parviennent pas à être sortis des zones à urbaniser. Il s’agit par exemple des friches, qui ne sont pas nécessairement industrielles – il en existe différents types. Le fonds friches est bien insuffisant par rapport à l’ensemble des friches qu’il faudrait utiliser. Je vous lance donc un appel, Madame la ministre, pour que vous mobilisiez plus de fonds pour conquérir davantage de friches.

Mme Sandra Marsaud. S’il y a un alinéa majeur dans l’article, c’est bien l’alinéa 17. Les documents d’urbanisme demandent d’établir un diagnostic et de décrire le besoin. Les urbanistes et les élus locaux n’en ont pas toujours les moyens car les bases de données, notamment sur les logements vacants, ne sont pas fiables. Mais nous devons tous nous concentrer sur ce besoin, que ce soit l’État, avec l’Observatoire national, qui sera créé, ou les collectivités, avec les documents de planification sur les besoins en habitat, qui ne sont pas fournis dans un peu moins d’une moitié de la France. Je le dis très souvent aux services de Mme la ministre.

Si nous réalisions ces études en amont, nous pourrions déterminer si nous pouvons nous étaler. On ne dit pas qu’on ne s’étalera plus du tout, on réduit l’étalement. On doit définir le besoin et utiliser les bons outils. Le code de l’urbanisme en est rempli. Il manque certainement des choses. L’État a lancé les territoires pilotes de sobriété foncière, où l’on étudie dans une vingtaine de territoires en France ce qu’il est possible de faire en matière de mutation des espaces. Les urbanistes ne sont pas payés pour cela, et n’en ont pas le temps.

L’alinéa 17 est donc un alinéa majeur pour reconquérir l’existant, et le faire muter, car, partout en France, nous ne savons pas bien le faire.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3884 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Demande de retrait. L’amendement est satisfait par l’étude mentionnée à l’alinéa 17.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1895 de M. Thibault Bazin, CS3195 de Mme Sylvia Pinel, CS3308 de M. François Pupponi et CS3605 de M. Stéphane Peu.

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1895 est constructif, dans tous les sens du terme. (Sourires.) Nous proposons de compléter l’alinéa 17 par un alinéa qui, lui, serait majeur puisqu’il introduit la démarche « bimby » pour Build in my Backyard, littéralement « construisez dans mon jardin ». Elle offre la possibilité aux propriétaires de logement en zone pavillonnaire de vendre une partie de leur terrain pour construire un nouveau logement. Parfois, cela se fait naturellement : la parcelle est découpée pour permettre à un membre de la famille de construire une maison à côté. C’est une forme de densification intelligente, qui permet des sociabilités traditionnelles. Parfois, cela est plus compliqué car des règlements de lotissement ou des documents d’urbanisme ne le permettent pas. Il vous est donc proposé une démarche de densification positive, volontaire, qui serait conciliable avec le plan local d’urbanisme et le programme local de l’habitat (PLH).

M. André Chassaigne. L’amendement identique CS3605 a été très bien défendu par mon collègue, Thibault Bazin.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je vous propose de retirer ces amendements au profit de l’amendement CS5087 après l’article 51, qui vise également à renforcer les capacités dont nous disposons pour encourager les actions de densification urbaine. À défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis très favorable à la démarche « bimby » car c’est l’une des approches qui permettra d’obtenir une densité acceptable, sans opposer les zones pavillonnaires aux zones très denses.

En revanche, les amendements ne règlent pas les questions juridiques qui sont posées. S’agissant du PLUI, nous avons déjà les outils nécessaires. La difficulté réside parfois dans les règlements des lotissements. Je suis prête à retravailler, pour déterminer les facteurs bloquants et voir si la question juridique sous-jacente peut être traitée d’ici à la séance. À mon avis, les amendements n’atteindront pas l’objectif. C’est pourquoi, je vous suggère de les retirer.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS1136 de Mme Émilie Bonnivard, CS1218 de M. Jacques Cattin, CS1368 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CS1417 de Mme Valérie Beauvais, CS1576 de M. Pierre Vatin, CS3846 de M. Philippe Meyer, CS4221 de M. Florent Boudié et CS4574 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

M. Martial Saddier. Lorsque j’étais maire, j’ai pu constater que la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) n’était pas compétente pour nous aider à préserver les terrains en zone d’appellation d’origine contrôlée (AOC). L’amendement CS1136 de Mme Bonnivard vise à compléter l’article pour que la CDPENAF devienne compétente et puisse protéger les terrains en zone AOC.

Mme Valérie Beauvais. La CDPENAF a le pouvoir d’émettre un avis sur l’opportunité de certaines décisions d’urbanisme, dans le but de préserver des terres agricoles, notamment les terres viticoles sous AOC. L’introduction de sa saisine est dans le droit-fil de sa création par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, de 2014. L’amendement CS1417 prévoit l’obligation d’une motivation renforcée pour passer outre l’avis de la CDPENAF. Cette obligation répond au souci de transparence de la décision publique.

M. Pierre Vatin. Je ne doute pas que le réchauffement climatique permette d’avoir prochainement des vignes dans l’Oise. (Sourires.)

M. Lionel Causse, rapporteur. Je n’ai peut-être pas bien compris ces amendements. Vous proposez de rendre l’avis de la CDPENAF contraignant pour l’ouverture d’un nouvel espace à urbaniser. Monsieur Saddier, vous avez dit qu’en tant que maire, vous n’aviez pas été obligé de consulter la commission, mais vous pouviez ne pas ouvrir ces zones à urbaniser, puisque cette décision relève bien du maire ou du président de l’intercommunalité. Les maires ou les présidents d’intercommunalités, en fonction de qui a les compétences d’urbanisme, ont les cartes en main et peuvent répondre à ce besoin, sans rendre contraignant l’avis de la CDPENAF.

Si j’ai mal compris les amendements, je suis prêt à en rediscuter avec vous avant la séance. Dans le cas contraire, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les amendements sont satisfaits par les compétences actuelles de la CDPENAF qui, par ailleurs, entrent non dans le code de l’urbanisme, mais dans le code rural. Si une subtilité nous a échappé, je vous propose de regarder ce point d’ici à la séance.

M. Martial Saddier. Je n’ai pas dit qu’on était obligé de consulter la CDPENAF quand on rédige un PLU. Lorsqu’il y a des terres sous AOC, c’est l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) qui est saisi et qui donne un avis. La CDPENAF n’a pas de compétence précise, pour appuyer un maire qui souhaiterait préserver ses terres. Son rôle mériterait d’être conforté d’ici à la séance. Je parle là sous l’autorité de mon collègue Jean-Marie Sermier, viticulteur.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3302 de M. François Pupponi.

M. Lionel Causse, rapporteur. Défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les SCOT et les PLU prévoient déjà la possibilité d’une densité minimale. Compte tenu de la sensibilité du sujet, dire que les SCOT et les PLU doivent en imposer une paraît disproportionné. De facto, ils imposeront une densité minimale très basse, ce qui ne permettra pas d’atteindre l’objectif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

7.   Réunion du mardi 16 mars 2021 à 18 heures

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

À ce stade de notre discussion, je souhaite vous communiquer quelques éléments statistiques.

Notre commission a déjà siégé pendant soixante-huit heures ; si nous voulons achever nos travaux vendredi à minuit, nous disposons encore de trente-sept heures trente de réunion.

Nous avons examiné 2 711 amendements ; il en reste 1 121 à étudier, ainsi répartis : 665 sur la fin du titre IV, 280 sur le titre V, 172 sur le titre VI et quatre sur le titre du projet de loi lui-même. Nos travaux ayant connu une accélération sensible hier, grâce au vice-président Millienne, il nous faudra maintenir le rythme d’au moins trente amendements à l’heure pour les achever dans les délais convenus.

Par ailleurs, sur les 5 476 amendements déposés – un record pour l’examen d’un texte en commission –, 1 399 ont été déclarés irrecevables pour divers motifs : 292 ont été écartés au titre de l’article 40 de la Constitution, relatif à l’irrecevabilité financière, soit 5,3 % des amendements déposés ; 107 étaient contraires à d’autres dispositions constitutionnelles, en particulier à l’article 38, qui interdit aux parlementaires d’étendre le champ d’une habilitation à légiférer par ordonnance ; enfin, 1 000 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45, relatif aux cavaliers législatifs, soit 18,2 % de l’ensemble des amendements déposés. Ce taux, très éloigné de ceux qui ont pu être annoncés à de multiples reprises – sans doute par erreur –, est en réalité très proche de celui constaté lors de l’examen du projet de loi dit « énergie-climat », en 2019, puisque 25,9 % des amendements avaient été déclarés irrecevables, dont 16,2 % au titre de l’article 45 – sachant que 737 amendements avaient été déposés sur ce texte, soit sept fois moins que sur le projet de loi « climat et résilience ».

M. Sébastien Jumel. Madame la présidente, je vous remercie pour ce point d’étape. Toutefois, la politique, ce n’est pas que des mathématiques. J’avais cru comprendre que l’objet du texte était de transcrire dans la loi les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Or, lorsque nous avons transformé en amendements celles d’entre elles qui avaient été rayées d’un trait de plume par le Gouvernement, vous nous avez opposé l’article 45 de la Constitution, au motif que ces amendements n’avaient pas de lien avec le projet de loi. Ainsi, notre amendement relatif au service public de proximité de l’école a été balayé d’un revers de main. Je ne peux pas ne pas dénoncer cette turpitude. Vos explications mathématiques ne sont pas convaincantes au plan politique.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes explications mathématiques découlent de l’application de la Constitution, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du règlement de l’Assemblée nationale, que vous ne manquez pas d’invoquer fréquemment au cours de nos débats dans l’hémicycle.

Mme Delphine Batho. Nous continuons de contester l’irrecevabilité de nos amendements. D’abord parce que nous estimons que l’ensemble des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, issues de la démocratie délibérative, auraient dû être soumises à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire à la démocratie représentative. Ensuite, parce qu’ont été ainsi écartées beaucoup de propositions efficaces pour lutter contre le dérèglement climatique, en particulier celles relatives à l’abandon des énergies fossiles. Enfin, parce que plusieurs de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 alors qu’ils nous semblaient avoir un lien, même indirect avec le texte, lien qui a par ailleurs été admis pour d’autres amendements, déposés, ceux-là, par des collègues ou par le Gouvernement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Plutôt que de laisser planer le doute, vous pouvez, comme je vous y ai invitée à de multiples reprises, nous interroger par écrit sur les raisons pour lesquelles vos amendements ont été déclarés irrecevables. Nous vous répondrons, comme nous sommes en train de répondre à Mme Forteza, par exemple.

M. Thibault Bazin. Madame la présidente, les chiffres que vous avez cités sont-ils définitifs ? Il me semble qu’il y a quelques heures, certains amendements étaient encore en cours d’examen par les services. Par ailleurs, le nombre d’amendements était, je crois, plus important sur le projet de loi instituant un système universel de retraite que sur celui-ci. Enfin, il est dommage que plusieurs de nos amendements n’aient pas été déclarés recevables, car cela empêche notre groupe de présenter son projet d’une écologie positive, notamment dans des domaines sur lesquels le texte fait l’impasse.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. S’il existe des impasses dans le texte, le Parlement ne peut que s’efforcer d’y remédier en déposant des amendements qui respectent le cadre défini par la Constitution.

Mme Véronique Riotton. Je suis ravie que de nouveaux collègues nous rejoignent pour participer aux travaux de notre commission. Moi qui suis présente depuis le début de la discussion, je vous remercie, madame la présidente, pour les éléments factuels que vous nous avez communiqués et je salue la qualité des débats ainsi que le climat dans lequel ils se déroulent. Les nombreux amendements que nous avons à examiner nous permettent de discuter, et des propositions de la Convention citoyenne et des nôtres.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Monsieur Bazin, certains sous-amendements sont peut-être en effet encore en cours d’examen, mais ils sont très peu nombreux.

M. François-Michel Lambert. On ressent tout de même une certaine frustration. Peut-être nos amendements peuvent-ils faire l’objet de critiques mais ce projet de loi est probablement le dernier grand texte consacré au climat que nous examinons avant 2023 ou 2024, et ce, quel que soit le résultat des élections de l’an prochain. Aussi les amendements que nous déposerons en séance pourraient-ils faire l’objet d’une interprétation moins restrictive, moyennant quoi nous en déposerions moins – je m’y engage, en tout cas, au nom du groupe Libertés et Territoires. Il serait dommage que, faute de pouvoir défendre des amendements constructifs, nous soyons contraints, pour nous exprimer sur certaines questions, de demander des rapports au Gouvernement.

M. Dominique Potier. Pour sa part, le groupe Socialistes et apparentés n’a jamais idéalisé la Convention citoyenne ni considéré qu’il fallait reprendre l’intégralité de ses propositions ; cela ne nous paraît pas souhaitable du point de vue de l’équilibre des institutions. Mais il est vrai, et ce fut sans doute une erreur de communication, qu’on avait promis à ses membres qu’il en serait ainsi.

Quoi qu’il en soit, madame la présidente, nous ne contestons pas l’irrecevabilité des amendements : nous ne remettons en cause ni votre présidence ni les services de l’Assemblée, dont les choix sont à coup sûr techniquement irréprochables. En revanche, nous reprochons au Gouvernement d’avoir fait le choix de laisser dans le projet de loi de nombreux angles morts, car ce choix nous empêche de défendre des propositions, issues non seulement de nos groupes mais aussi de think tanks ou d’entrepreneurs, que nous aurions tant aimé vous soumettre.

Je salue néanmoins la qualité de nos débats qui, sur certains sujets, m’ont fait changer d’avis ; ils nous permettent de faire de tout petits pas. Toutefois, leur périmètre est si restreint que le texte, même s’il obtient une meilleure note que 3,5 à la fin de la discussion, n’atteindra pas la moyenne, car il ne sera pas à la hauteur des enjeux.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous remercie. Conservons le bel état d’esprit dans lequel nous avons débattu jusqu’à présent, et avançons dans nos travaux en respectant les temps de parole dont nous sommes convenus.

Article 49 (suite) (articles L. 4251-1, L. 4424-9 et L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales ; articles L. 123-1, L. 141-3, L. 141-8, L. 151‑5, L. 151-9 et L. 161-3 du code de l’urbanisme) : Insertion dans les documents d’urbanisme régionaux et territoriaux d’un objectif de réduction de moitié de l’artificialisation des sols et conditionnement de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs

Amendements identiques CS752 de M. Gérard Menuel, CS1482 de M. Thibault Bazin, CS2620 de M. Charles de Courson, CS2947, de M. Mohamed Laqhila et CS4861 de Mme Sandrine Le Feur.

M. Thibault Bazin. Il est bien beau de se fixer des objectifs – nous pouvons du reste être d’accord sur certains d’entre eux –, encore faut-il se donner les moyens d’y parvenir. Ainsi, la planification n’est possible que si l’on se dote des outils appropriés et de l’ingénierie nécessaire. Nous proposons donc que la stratégie fasse l’objet d’une contractualisation, de manière à accompagner les territoires pour qu’ils puissent mobiliser le foncier avec l’ensemble des outils à leur disposition.

M. Charles de Courson. Afin d’engager à court terme un travail sur la lutte contre l’artificialisation, il est proposé que la stratégie territoriale à vingt ans prévue dans le schéma de cohérence territoriale (SCOT) fasse l’objet d’une déclinaison à six ans qui sera le support d’un contrat d’aménagement et de développement incluant un volet de lutte contre l’artificialisation, dont les projets opérationnels, les études et l’ingénierie feraient l’objet d’une contractualisation avec l’État et la région. Cette contractualisation pourrait s’inscrire dans les démarches en cours, par exemple dans le cadre du contrat unique de l’État avec les collectivités du bloc local, dans le volet territorial du contrat de plan État-région et dans les programmes de fonds européens.

Tel est l’objet de cet amendement, car fixer un objectif sans expliquer la manière dont on l’atteint n’a pas beaucoup d’intérêt !

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. Je vous demanderai de bien vouloir retirer ces amendements au profit du CS3450 de M. Gouffier-Cha, que nous examinerons ultérieurement. À défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. L’ordonnance du 17 juin 2020 relative à la modernisation des SCOT a renforcé la faculté pour les établissements d’élaborer un programme précisant les actions destinées à mettre en œuvre la stratégie, les orientations et les objectifs du schéma. Or le projet de loi permet d’intégrer la lutte contre l’artificialisation des sols dans ces objectifs. Il me semble donc que les amendements sont satisfaits par la combinaison des deux dispositions. C’est pourquoi je demande leur retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Sandrine Le Feur. Les arguments du rapporteur et de la ministre m’ont convaincue ; je retire mon amendement.

L’amendement CS4861 est retiré.

La commission rejette les amendements CS752, CS1482, CS2620 et CS2947.

Amendement CS5323 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Cet amendement de coordination avec l’amendement CS5320, que nous avons adopté hier soir, a pour objet d’assurer la cohérence interne des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) en liant les prévisions établies dans le diagnostic, d’une part, et les dispositions du projet d’aménagement et de développement durable (PADD), d’autre part.

Lorsque l’on conçoit un PLU, il faut, vous le savez, établir au préalable un diagnostic afin d’évaluer les besoins économiques et démographiques, notamment en matière de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d’aménagement de l’espace, de transport, de commerces et d’équipements. Nous proposons de préciser que les observations faites dans le diagnostic doivent être prises en compte dans le plan d’aménagement et de développement durable. Ce faisant, nous assurons la cohérence entre les objectifs et les différentes projections ou analyses établies dans le cadre du diagnostic.

M. Julien Aubert. Dans l’exposé sommaire de l’amendement, vous indiquez que les données d’occupation du sol à grande échelle, qui permettront une observation précise de l’artificialisation, seront disponibles en 2024. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le délai est si long et, surtout, puisque vous fixez un objectif à dix ans, pourquoi elles ne seront pas utilisées avant 2031 ?

M. Sébastien Jumel. Nous sommes évidemment favorables à la lutte contre l’artificialisation des sols, mais nous souhaitons que la ruralité vivante ne soit pas qu’un slogan. À ce propos, nous regrettons que vous ne nous donniez pas les moyens de lutter contre l’artificialisation commerciale, qui défigure nos paysages et démantèle l’économie réelle. En tout état de cause, je crains que le principe de la libre administration des communes ne soit mis en miettes par des objectifs très techniques tels que celui de mise en conformité des PLU, des PLUi des SCOT et, demain, du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Comptez sur moi pour veiller à ce que les maires ruraux puissent continuer à s’occuper de l’avenir de leurs communes !

M. Lionel Causse, rapporteur. Monsieur Aubert, l’Observatoire national de l’artificialisation des sols utilise les données sur l’artificialisation et la consommation de l’espace que lui fournit le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Ces données sont composées, soit de fichiers fonciers transmis par les collectivités, soit d’études, comme des relevés topographiques ou des photographies aériennes. À partir de 2024, il pourra disposer de données beaucoup plus fines, issues de photographies satellite.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS2285 de Mme Sylvia Pinel.

M. Lionel Causse, rapporteur. Défavorable.

M. Julien Aubert. Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à la deuxième partie de ma question : que se passera-t-il entre 2024 et 2031 ? Par ailleurs, quel est le niveau de précision des données beaucoup plus fines que vous évoquez ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Si notre objectif à moyen terme est bien de mesurer l’artificialisation, nous avons accepté que, lors de la première tranche de dix ans, soit mesurée la consommation des espaces naturels agricoles ou forestiers (NAF). En effet, l’historique de données connues dont nous disposons dans ce domaine nous permet d’engager la démarche de réduction de l’artificialisation. Entre-temps, l’Observatoire national de l’artificialisation sera installé et les futures données seront disponibles, en 2024, de sorte que la tranche suivante pourra être construite à partir de données déjà anciennes puisqu’elles auront été collectées entre 2024 et 2030. Quant à la taille de la maille, elle correspondra, pour l’observation, à un carreau de 200 mètres sur 200 mètres mais, in fine, le travail sera effectué à partir de la parcelle.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CS5324 du rapporteur.

En conséquence, les amendements identiques CS1475 de M. Thibault Bazin, CS1557 de M. Hervé Pellois, CS2612 de M. Charles de Courson et CS2899 de M. Mohamed Laqhila tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5225 du rapporteur.

Amendements identiques CS1474 de M. Thibault Bazin, CS2611 de M. Charles de Courson et CS2876 de M. Mohamed Laqhila.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’un amendement d’appel. Aux termes de l’alinéa 21, la collectivité devra justifier que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés, qui comprennent notamment les friches. Or, nous avons tous, dans nos circonscriptions, des friches qui nécessitent un désamiantage, une dépollution, voire un remembrement foncier. L’application de cette disposition risque ainsi d’être problématique dans certains territoires. Je vous propose donc, sinon d’accepter l’amendement, du moins de trouver une solution d’ici à la séance.

M. Charles de Courson. Le projet de loi tend à imposer aux collectivités locales souhaitant ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation de démontrer que la capacité de construire ou d’aménager est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés, en particulier les friches. Le texte risque donc de provoquer un phénomène de surenchère sur les terrains qui demeureraient ouverts à l’urbanisation et par conséquent une augmentation du prix du foncier. Au surplus, le financement actuellement sous-dimensionné du fonds « friches », eu égard au prix à l’hectare du recyclage et de la dépollution – 60 à 80 euros par mètre carré selon l’étude d’impact du projet de loi –, se traduira par le délaissement de nombreuses parcelles non traitées, les zones d’activités économiques représentant à elles seules 450 000 hectares, toujours selon l’étude d’impact. Or, leur seule existence suffirait à s’opposer à l’ouverture à l’urbanisation.

Nous proposons donc de modifier cette disposition afin de ne pas restreindre les projets d’urbanisation aux espaces urbanisés existants et aux friches.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’analyse des besoins économiques et démographiques, qui est l’un des critères de l’ouverture à l’urbanisation, fournit un début de réponse. J’émets donc un avis défavorable. Néanmoins, je suis prêt, monsieur Bazin, à rediscuter de cette question d’ici à la séance.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Tout d’abord, je me félicite du succès du fonds « friches », qui permet, pour la première fois, de consacrer 300 millions d’euros à cette question qui a occupé de nombreux gouvernements successifs. On nous dit que les crédits du fonds ne sont pas suffisants ; nous examinerons cette question dans le cadre des redéploiements possibles au sein du plan de relance. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une action concrète au service de la politique que nous souhaitons mener.

Dans l’alinéa 21, que vos amendements tendent à supprimer, il est prévu de tenir compte de la capacité à mobiliser « effectivement » les locaux vacants, les friches ou les espaces déjà urbanisés. Si la mobilisation effective d’une friche n’est pas possible, faute, le cas échéant, de pouvoir boucler le financement, la condition est réputée remplie. Les amendements me semblent donc satisfaits dans leur esprit ; demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Tout d’abord, les différentes mises en conformité – PLU, PLUi, SCOT, SRADDET – coûtent très cher aux collectivités – il serait d’ailleurs intéressant qu’une étude d’impact évalue ce coût.

Si l’on veut éviter l’étalement urbain, il faut permettre aux maires ruraux de construire des logements, éventuellement des logements sociaux, sur les friches, et de boucher les « dents creuses ». Mais si les maires de villes moyennes disposent de l’ingénierie nécessaire pour mobiliser le fonds « friches » ou l’établissement public foncier de la région et pour mener des opérations complexes en bouclant le financement grâce à des contrats de territoire ou d’agglomération, tel n’est pas le cas du maire d’une commune rurale, qui n’a pas un rond et partage son secrétaire de mairie avec la commune voisine. La loi ne doit pas l’oublier !

Mme Valérie Petit. Je soutiens les amendements de mes collègues. Je salue la création du fonds « friches », mais il ne faudrait pas que celles-ci deviennent en quelque sorte les martyrs de la lutte contre l’artificialisation : n’oublions pas de prendre aussi en considération la biodiversité et la nature !

M. Charles de Courson. Reconnaissez que l’alinéa 21 pose un vrai problème. Imaginez qu’une collectivité dispose d’un espace assez restreint, comportant de nombreuses friches dont la réhabilitation serait très coûteuse, malgré l’aide apportée par le fonds « friches ». Dans mon département, le coût de dépollution de certaines friches atteint dix à vingt fois le prix du marché : ces terrains sont alors neutralisés. Dans des cas pareils, les dispositions de l’alinéa 21 entraîneront nécessairement une forte augmentation du prix des terrains, hors friches. La situation française est très diverse. Mme la ministre déléguée et M. le rapporteur ont fait une ouverture, mais existe-t-il une solution différente de celle proposée par des députés de toutes sensibilités pour essayer de faire baisser la pression sur le prix du foncier ?

M. Dominique Potier. Permettez-moi d’exposer deux propositions que je développais dans des amendements déclarés irrecevables – ce que je ne conteste pas.

Nous pourrions tout d’abord dresser un inventaire national des biens de l’État – incluant notamment ceux de la SNCF, de Voies navigables de France (VNF) et de l’armée – susceptibles d’être confiés aux établissements publics fonciers et créer un fonds spécifique destiné à leur réallocation au vu des besoins des territoires, dans des conditions financières à déterminer. Cette tâche, qui n’a encore jamais été effectuée, s’inscrirait dans un temps long et serait assurée par l’État, lequel pourrait trouver dans une telle mesure un moyen de réduire ses frais de fonctionnement tandis que les collectivités obtiendraient un espace de respiration. Tout le monde y gagnerait.

Au-delà du fonds « friches », dont je salue la création, il convient de trouver des ressources plus pérennes. Entre l’instauration d’une taxe sur le changement d’affectation assise sur la valeur du sol et la remise sur le marché de terres anthropisées et lourdement polluées, il y a une équation à trouver. Nous y travaillerons en vue de la séance.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS667 de M. Didier Le Gac, CS677 de Mme Valérie Beauvais, CS2541 de M. Charles de Courson et CS3425 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Valérie Beauvais. Si les pouvoirs publics promeuvent l’implantation de systèmes de production d’énergie renouvelable dans des espaces déjà urbanisés tels que les toitures des bâtiments, les ombrières de parking ou les sites dégradés, la répartition de ces installations est également guidée, par nature, par la disponibilité de la ressource énergétique. Or, bien souvent, cette ressource ne se trouve pas ou n’est pas disponible en quantité suffisante dans ces espaces déjà urbanisés. Nous proposons de tenir compte de cette réalité physique en prévoyant explicitement que l’absence ou l’insuffisance d’une ressource nécessaire à l’activité considérée constitue une justification suffisante pour que le plan local d’urbanisme ouvre droit à l’urbanisation des sols naturels, agricoles ou forestiers.

M. Charles de Courson. On privilégie l’implantation de fermes éoliennes ou photovoltaïques dans des espaces non agricoles comme les friches industrielles ou les espaces aquatiques pour des systèmes flottants. Ainsi, dans ma circonscription, nous avons mobilisé de vieilles carrières et d’anciennes tuileries. Or certaines collectivités ne disposent pas de tels espaces et ne peuvent donc pas développer ce type de projets. Doivent-elles s’y résoudre ? La mauvaise répartition de ces installations sur le territoire pose problème. C’est pourquoi nous proposons d’ouvrir droit à l’urbanisation des sols naturels, agricoles ou forestiers « en raison de la rareté des espaces urbanisés disposant de la ressource naturelle nécessaire à l’activité considérée ou en permettant l’exploitation ».

M. Lionel Causse, rapporteur. Il est important que les collectivités développent les énergies renouvelables avec les outils existants en matière d’urbanisme. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En vertu des principes généraux du droit de l’urbanisme, la nécessité de développer les énergies renouvelables figure parmi les considérations dont les règles d’urbanisme doivent tenir compte. Il s’agit donc déjà d’un élément important d’appréciation.

Par ailleurs, tous les territoires ne sont pas égaux devant la possibilité de développer tel ou tel type d’énergie renouvelable. Il est vrai que le Gouvernement n’est pas favorable à ce que la pose de panneaux solaires au sol artificialise de nombreux hectares de terres naturelles ou agricoles. Il existe déjà, en France, différents endroits où l’on peut poser des panneaux photovoltaïques au sol – je pense à d’anciennes carrières, à d’anciennes friches industrielles ou à d’anciens circuits automobiles, par exemple. Dans les territoires comptant moins de surfaces de ce type, il faut privilégier les toitures des bâtiments. M. de Courson a aussi évoqué l’énergie éolienne : là encore, tous les territoires ne sont pas égaux car dans certaines régions, il n’y a pas de vent.

La contrainte de la consommation d’espaces naturels doit être prise en compte dans la stratégie de développement territorial des énergies renouvelables. Je ne suis donc pas favorable à ces amendements, d’autant que le critère de la rareté de la ressource ne peut pas toujours s’apprécier à l’échelle du PLU puisque ce document est communal ou intercommunal.

M. Raphaël Schellenberger. Un élément n’est absolument pas pris en compte dans le débat sur les énergies renouvelables : la production d’énergie solaire photovoltaïque ou éolienne consomme énormément de foncier. Rapportée à l’hectare consommé pour installer ces systèmes, l’énergie produite est très faible.

Nous nous trouvons donc confrontés à des conflits d’usage. On utilise des terrains déjà urbanisés comme d’anciennes carrières ; c’est la moins mauvaise des solutions, mais ces terrains pourraient aussi être rendus au milieu naturel ou agricole. Ainsi, dans ma circonscription, l’État vient de valider un projet de production d’énergie photovoltaïque sur l’ancienne piste de délestage de la base aérienne 132. On va installer des panneaux solaires sur une piste en macadam. Mais on aurait très bien pu décider d’enlever le macadam et de rendre cet espace à l’agriculture ou à la biodiversité. Il y a toujours des conflits d’usage à trancher. Quoi qu’il en soit, les énergies renouvelables sont d’abord et avant tout de grandes consommatrices de foncier.

M. Charles de Courson. Madame la ministre déléguée, vous avez évoqué les éoliennes, qui consomment peu d’espace.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est parce que vous les avez citées au début de votre intervention.

M. Charles de Courson. Ma langue a dû fourcher, car le problème concerne surtout l’énergie photovoltaïque. Dans ma circonscription, la question s’est posée au sujet d’une base de l’OTAN créée en 1955 qui n’a jamais fonctionné. Pour rendre cet espace à la nature, il aurait fallu dynamiter les pistes : c’est alors que nous avons envisagé d’en faire une ferme photovoltaïque. Nos amendements sont tout à fait raisonnables, à moins que vous ne vouliez renoncer au développement de certaines énergies renouvelables.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS1779 de Mme Anne-Laurence Petel.

M. Jean-Luc Fugit. Il vise à clarifier la rédaction de l’alinéa 21, qui dispose que le PADD « tient compte de la capacité à mobiliser effectivement les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés existants pendant la durée comprise entre l’élaboration, la révision ou la modification du plan local d’urbanisme et le bilan prévu à l’article L. 153-27 » du code de l’urbanisme. Cette formulation n’est pas suffisamment prescriptive pour prévenir les dérives ; il convient donc de préciser que l’ouverture à l’urbanisation de sols naturels, agricoles ou forestiers est une exception, nécessairement justifiée par une étude démontrant l’impossibilité de mobiliser les solutions existantes. Cette proposition n’entrave nullement la capacité d’un territoire à répondre à une croissance démographique ou à développer son économie.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’étude de densification prévue à l’alinéa 17 répond en grande partie à vos attentes. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Je comprends tout à fait votre préoccupation, mais votre demande est satisfaite par l’alinéa 17.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3295 de M. Alain Perea ; amendements identiques CS1113 de Mme Danielle Brulebois, CS1508 de M. Thibault Bazin, CS1643 de M. Hubert Wulfranc et CS4352 de M. Arnaud Viala ; amendements identiques CS120 de M. Dino Cinieri, CS303 de M. Guy Bricout, CS373 de M. Martial Saddier, CS493 de M. Pierre Vatin et CS773 de M. Gérard Menuel ; amendement CS3933 de M. Alain Perea (discussion commune).

M. Alain Perea. L’alinéa 21 dispose que les communes ne pourront ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation que lorsqu’elles auront apporté la preuve de leur incapacité à mobiliser les friches et autres dents creuses de leur territoire. Je partage tout à fait cette vision ; toutefois, il me paraît important de prendre en compte les difficultés rencontrées par certaines communes et intercommunalités dans ce domaine. J’ai été maire d’une commune de 500 habitants, dont le budget s’élevait à 250 000 euros. Quand on apprend qu’une friche située au centre du village vaut 150 000 euros, on sait qu’on ne pourra jamais mobiliser ce terrain, à moins d’élaborer des montages financiers complexes, sans parler des problèmes juridiques soulevés. L’amendement CS3295 vise donc à préciser que sera prise en compte la capacité « juridique et financière » des collectivités à utiliser le foncier urbanisé disponible.

Mme Danielle Brulebois. J’appelle moi aussi l’attention de notre commission sur les difficultés que l’alinéa 21 pourrait poser à certaines communes et intercommunalités rurales, qui devraient mobiliser des moyens juridiques et financiers importants pour justifier de leur droit à l’urbanisation. Alors que nous avons adopté de nombreuses mesures en faveur de la ruralité, nous devons veiller à maintenir la possibilité, pour ces communes, de renouveler leur population et faire en sorte que les jeunes nourrissant un intérêt grandissant pour la campagne aient toujours le droit de s’y installer. Quand un jeune ménage s’établit dans une commune rurale, aménage un jardin et installe un poulailler, peut-on vraiment parler d’artificialisation des sols ?

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1508 rejoint celui de M. Perea et va même plus loin. En promouvant le développement durable, nous devons à la fois poursuivre une véritable ambition environnementale et adopter une approche économique réaliste. Ainsi, il faut tenir compte non seulement des surcoûts qui pourront incomber à la collectivité à l’occasion, par exemple, de la dépollution ou du désamiantage de la friche, mais également des capacités économiques de la population locale pour l’accès au logement, dans la mesure où les rénovations nécessaires et le raccordement aux réseaux d’énergie peuvent coûter très cher.

M. Sébastien Jumel. M. Perea, qui a été maire, nous a parlé de la vraie vie des communes rurales. Son amendement est plein de bon sens. Nous devons tenir compte des moyens financiers et des outils juridiques à la disposition des communes pour restructurer les friches et les dents creuses présentes sur leur territoire. Par ailleurs, si l’État a effectivement augmenté la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et constitué un fonds « friches », il conditionne souvent le versement des différentes aides à la dimension intercommunale du projet.

Si nous n’y prenons pas garde, la ruralité va mourir. Certes, il ne faut pas toucher aux terres agricoles, mais une commune qui ne construit pas voit ses écoles menacées – le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) procède bien souvent à des regroupements pédagogiques surréalistes – et ses commerces de proximité fermer les uns après les autres. Pour notre part, nous sommes pour une ruralité vivante.

M. Jean-Marie Sermier. Notre amendement CS4352 est empreint d’écologie solidaire et sociale. Il introduit à l’alinéa 21 un principe de réalisme afin de permettre aux communes rurales de mobiliser des terrains situés à l’intérieur des villages plutôt que de chercher des zones à bâtir complètes plus éloignées.

M. Thierry Benoit. Il a été rappelé, à juste titre, que les collectivités ne sont pas toutes égales en termes de moyens financiers. Cela vaut aussi, malheureusement, pour les populations. Comme vous, madame la présidente, je connais un peu le département de l’Ille-et-Vilaine et les différences de revenu médian – et donc de capacité financière – des populations selon qu’elles habitent la première, la deuxième, la troisième ou la quatrième couronne de Rennes, qui est, par ailleurs, une métropole régionale dynamique. Dans un contexte d’accentuation de ces fractures territoriales, notre amendement CS303 soulève un vrai sujet d’égalité.

M. Julien Dive. Le fait que ces amendements aient été déposés par tant de groupes différents doit vous conduire à leur accorder une certaine attention. De nombreux villages n’ont pas adopté de PLU ; certains ont une carte communale, d’autres sont même soumis au règlement national d’urbanisme (RNU). Les municipalités ayant fait l’effort d’adopter un PLU ont vraiment l’ambition d’organiser leur village. Ceux d’entre nous qui ont été maires et sont encore membres d’un conseil municipal savent que l’élaboration d’un tel document nécessite un vrai travail de fond, qui coûte d’ailleurs beaucoup d’argent, ainsi qu’une enquête publique. Un PLU n’est pas gravé dans le marbre : il a vocation à être révisé en fonction des évolutions de la population, des services implantés sur le territoire de la commune et des projets des uns et des autres. Il est important d’en tenir compte.

M. Alain Perea. On parle beaucoup de l’aptitude des territoires à accueillir des populations, mais l’expérience montre que ces dernières se décident surtout en fonction de leur capacité à acheter un bien. Ceux qui en ont les moyens achètent un logement au centre‑ville ; ensuite, moins les ménages ont des revenus importants, plus ils s’éloignent. L’amendement CS3933, qui est plutôt un amendement d’appel, vise donc à inclure à l’alinéa 21 les « capacités économiques de la population locale à accéder au logement ». Ne suscitons pas des mécontentements qui finiront par s’exprimer sur les ronds-points.

M. Charles de Courson. Je soutiens ces différents amendements, qui permettront de faire baisser la pression foncière. On nous dit que les zones déjà urbanisées comportent des dents creuses, mais ces dernières sont-elles mobilisables ? Si nous n’adoptons pas ces amendements, nous risquons de faire monter le prix du foncier et d’encourager la rétention foncière.

M. Lionel Causse, rapporteur. Tous ces amendements visent à desserrer, en fonction de certains critères, les contraintes à l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs. Dans le cadre du PLU, le PADD a déjà vocation à déterminer les règles que la collectivité se fixe en matière de développement et d’aménagement ; bien entendu, il tient compte de ses capacités financières, économiques et juridiques. C’est à ce niveau que le sujet doit être abordé : il n’est nul besoin d’intégrer explicitement ces aspects dans le projet de loi. Les amendements étant déjà satisfaits, j’en demande le retrait, faute de quoi je leur donnerai un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Revenons à la logique du texte. L’alinéa 21 vise simplement à préciser que les SCOT et les PLUi peuvent toujours ouvrir des zones à urbaniser ou artificialiser certains sols, à condition toutefois d’avoir examiné au préalable les autres solutions qui s’offrent à la collectivité. La même disposition figure à l’alinéa 23 s’agissant des cartes communales, dont M. Dive a rappelé l’existence.

Aux termes de l’alinéa 21, les documents d’urbanisme doivent donc prendre en compte « la capacité à mobiliser effectivement les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés ». Vos amendements visent à préciser de quelle capacité il s’agit. Ainsi, l’amendement CS3295 évoque la capacité « juridique et financière » de la collectivité ; on pourrait tout aussi bien parler de sa capacité technique, de sa capacité administrative, ou encore de sa capacité en termes de ressources humaines. L’adverbe « effectivement » a toute son importance : s’il n’est pas possible de mobiliser les terrains concernés pour des raisons juridiques, financières ou tenant à la complexité de l’opération, alors l’artificialisation de nouvelles zones reste permise, dans le cadre général de l’objectif de réduction d’au moins 50 % du rythme d’artificialisation des terres, qui se décline territorialement. Aussi, les mots « capacité » et « effectivement » me paraissent suffisants pour couvrir toutes vos exigences et répondre à vos interrogations légitimes. Je me réjouis en tout cas que le débat ait permis de clarifier ce point.

Vous dites que les communes rurales ont besoin d’accueillir de nouvelles populations pour continuer à vivre. Or, accueillir de nouvelles populations, c’est dans certains cas construire, dans d’autres rénover, dans d’autres encore redonner vie à d’anciens bâtiments situés au cœur du village, ce qui permet en outre d’attirer de l’activité économique. À travers les programmes « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain », nous soutenons beaucoup ce retour à l’attractivité. Par ailleurs, nous donnons de plus en plus d’importance aux aides à la rénovation – je ne reviens pas sur cette question, qui était l’objet du chapitre précédent – afin de rendre ces opérations économiquement intéressantes et de permettre aux ménages qui le souhaitent d’acheter des maisons anciennes auxquelles ils redonneront de la valeur. Pour accueillir de nouvelles populations, construire sur des terres naturelles ou agricoles est donc le dernier recours, après s’être assuré qu’on ne pouvait pas faire autre chose. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Il faut effectivement examiner la capacité d’une collectivité à aménager les zones urbanisées existantes en tenant compte de toutes les contraintes. En cela, l’alinéa 21 va dans le bon sens, mais il n’est pas suffisant. Il arrive que les contraintes inhérentes au site, qui peut être une friche, un terrain en pente ou une construction nécessitant des fondations spéciales, soient telles que le coût final de l’opération dépasse les moyens financiers de la population locale. À mon sens, il convient d’ajouter cet élément à l’alinéa 21 afin de conjuguer la capacité des habitants à acheter et rénover de manière exemplaire avec la capacité des collectivités à mobiliser ces terrains.

M. Sébastien Jumel. Lorsque j’étais maire, ma ville a mené neuf opérations programmées d’amélioration de l’habitat : en mobilisant l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), nous avons restructuré et rénové des bâtiments, y compris d’un point de vue thermique. Je connais donc bien ce sujet. La première difficulté à laquelle sont confrontées les collectivités rurales est la mobilisation des moyens financiers. La réhabilitation d’une friche, d’un logement insalubre ou d’une dent creuse est non seulement coûteuse, mais elle se heurte également à des contraintes que ce projet de loi renforce – je pense, entre autres, au schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR), au plan de prévention des risques naturels (PPRN), ou encore au plan de prévention du risque inondation (PPRI). Même lorsqu’on connaît bien le fonctionnement des collectivités locales, on se demande si les gens qui pondent ces dispositifs ne cherchent pas à étouffer la vitalité des zones rurales ! En somme, tous ces amendements visent à rendre vos objectifs légitimes compatibles avec la réalité et la vitalité des communes rurales.

M. Dominique Potier. La démographie de la Meurthe-et-Moselle n’est pas celle de l’Ouest ou de l’Occitanie. Sur le temps long, la Lorraine perd des habitants. Pour autant, les maires demandent toujours la possibilité de construire pour accueillir de nouvelles populations. Il faut donc accomplir une révolution culturelle. Penser l’urbanisme à l’échelle d’un grand territoire, celle du SCOT ou du PLUi, nous oblige à concevoir des outils de planification ou de programmation de l’action publique qui permettront aux communes de résoudre des équations impossibles. Après avoir adopté un SCOT ou un PLUi, il faut créer des établissements publics fonciers beaucoup plus puissants qu’ils ne le sont actuellement, des bailleurs sociaux capables d’agir dans des zones détendues, ainsi que des agences organisées sur le modèle de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) en milieu rural. Faisons preuve d’inventivité, sans renoncer pour autant à préserver les terres agricoles.

M. Nicolas Turquois. Je partage le point de vue de M. Potier. Lorsque j’étais maire d’une toute petite commune rurale, j’ai pu constater que mes prédécesseurs avaient l’habitude d’acheter de grandes surfaces de terrain agricole pour construire des lotissements en veux-tu en voilà – c’était, pour eux, une solution de facilité. Or les services de l’État peuvent accompagner les communes et leur permettre de trouver d’autres solutions. Il faut changer notre état d’esprit : certaines opérations telles que la restructuration d’une ancienne ferme pour y créer des logements peuvent s’avérer complexes, tant sur le plan technique que sur le plan financier, mais elles sont tout à fait réalisables. Ne voyons pas des problèmes partout et arrêtons de dire que ce n’est pas possible : il suffit parfois de se prendre par la main et de solliciter les services de l’État, qui disposent de toute l’expertise nécessaire.

M. Alain Perea. Hormis à une certaine époque durant laquelle la construction s’apparentait davantage à une opération financière qu’à autre chose, en France, on ne construit pas des logements pour qu’ils restent vides. Si les maires construisent, c’est pour accueillir de nouveaux habitants dans leur commune.

Je ne voudrais pas laisser croire qu’au travers de ces amendements, on veut aller à l’encontre de l’objectif de limitation de l’artificialisation des sols. Le message que j’essaie de faire passer, c’est que dans de nombreux endroits, contrairement à ce qui vient d’être dit, il y a des blocages. Certes, il arrive que les services de l’État apportent leur aide, mais samedi dernier, à Floure, qui a dépensé 35 000 euros pour son PLU, la réunion a duré trente secondes ; les services de l’État ont dit – alors que le présent texte n’a même pas été encore adopté : « Non, vous artificialisez trop ». Il faut laisser des espaces de respiration aux élus !

M. Lionel Causse, rapporteur. M. Potier l’a dit : d’un territoire à l’autre, la situation est très différente. Cela fonctionne aussi par cycles. Pendant longtemps, la ville de Bayonne s’est dépeuplée : les personnes qui avaient des moyens la quittaient – ce sont souvent elles qui contribuent à l’étalement urbain. Aujourd’hui, le phénomène inverse se produit. Dax se dépeuple. Je connais, dans les Landes, des petites communes qui ont construit des logements sociaux qui restent vides.

Il importe donc de prendre en considération les stratégies locales. Ce n’est pas nous, ici, qui pouvons savoir ce qui est bon pour chaque territoire ; c’est aux acteurs locaux de le définir. C’est pourquoi j’en reviens toujours à la nécessité de mettre en avant les SCOT, les PADD et toute cette ingénierie territoriale capable de s’adapter aux conditions locales. Certes, tous les SCOT ne se valent peut-être pas, mais il y a tout de même de très belles réussites. Faisons confiance aux décideurs locaux : je suis persuadé qu’ils trouveront les bonnes réponses.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3885 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Lionel Causse, rapporteur. Cet amendement traite de la surélévation des bâtiments. Nous en avons déjà parlé hier. Mon amendement CS5087 après l’article 51 apportera une réponse à cette question. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3891 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Je propose de préciser la notion de « friches » en ajoutant « urbaines et industrielles ».

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable : si je comprends votre souci de précision, cet amendement risque d’avoir des conséquences négatives. Il convient d’inclure tous les types d’espaces délaissés dans cette catégorie. Nous aurons l’occasion de définir la friche par un amendement que nous examinerons sous peu.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis : une telle rédaction risquerait d’exclure les friches commerciales ou administratives. Néanmoins, je suis prête à en rediscuter ultérieurement.

M. Charles de Courson. Je trouve cet amendement dangereux : on pourrait comprendre a contrario que le texte ne concerne que les friches urbaines « et » industrielles.

M. Thibault Bazin. Je suis moi aussi opposé à l’amendement. En milieu rural aussi, il existe des friches, notamment scolaires et agricoles. Le bâti peut avoir divers usages, et c’est de changer d’usage qui est le plus compliqué. Si l’on veut favoriser le renouvellement, qu’il soit urbain ou rural, il faut retenir une définition large de la friche.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5132 du rapporteur.

Amendement CS2062 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il importe que nous disposions d’un outil public de gestion des espaces forestiers, qui représentent environ un tiers de la surface nationale. C’est pourquoi nous appelons, à travers cet amendement, au renforcement du budget et des missions de l’Office national des forêts (ONF).

La forêt joue un rôle important dans l’économie de notre territoire. Elle doit faire l’objet d’une gestion et d’une planification intelligentes, eu égard à ses usages concurrents, à des fins énergétiques ou de biodiversité, ainsi qu’aux risques d’artificialisation par l’habitat ou par des infrastructures. Cet amendement est par conséquent un plaidoyer en faveur de ce grand organisme de gestion à long terme et de protection de notre patrimoine forestier commun qu’est l’ONF.

M. Lionel Causse, rapporteur. Si je partage votre volonté de protéger et de développer l’ONF, qui est un acteur essentiel dans tous nos territoires, l’article 49 vise précisément à limiter la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. C’est l’objectif même de l’ONF : autant en rester là. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’entends votre plaidoyer en faveur de l’ONF, monsieur Potier, mais il me semble que ce que vous proposez dépasse largement l’objet de l’article. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Dominique Potier. Il est tellement difficile d’élargir l’objet du texte – au moins aurais-je essayé ! (Sourires.)

Nous avons besoin d’une vision à long terme, susceptible de défendre l’intérêt général. L’ONF a été créé pour cela, et il doit être renforcé pour qu’il puisse continuer à jouer son rôle.

Mme Valérie Petit. Il n’y a pas que l’ONF qui joue ce rôle, monsieur Potier, il y a aussi l’Office français de la biodiversité (OFB) – qui est lui aussi un peu déplumé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4068 de Mme Frédérique Tuffnell.

M. Nicolas Turquois. Chaque été, il y a un problème de remplissage des nappes phréatiques, et les agriculteurs – dont je suis – ont leur part de responsabilité dans ce phénomène, ayant arraché des haies et creusé des fossés pour que l’eau s’écoule plus rapidement.

Il se passe la même chose en milieu urbain : on imperméabilise les sols en goudronnant et en bétonnant. Un certain nombre de villages en zones humides ont disparu au profit de l’urbanisation. Il faudrait donc pouvoir tenir compte dans le PLU de l’imperméabilisation et de la « désimperméabilisation » – si vous me passez ce néologisme – des sols. Cela permettrait de préserver des milieux humides à côté de nos villes et de nos villages et favoriserait le remplissage des nappes phréatiques.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement est en grande partie satisfait, puisque le code de l’urbanisme prévoit déjà que le règlement du PLU peut imposer une part minimale de surface non imperméable ou aménageable. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis : votre préoccupation est parfaitement légitime, mais l’amendement est satisfait.

M. Nicolas Turquois. La prise en considération du problème ne me semble pas à la hauteur des enjeux. On a tendance à essayer de faire partir l’eau au plus vite, soit dans le caniveau, soit par des tuyaux vers les fossés. D’un point de vue symbolique, il serait important d’adopter cet amendement. Je le maintiens.

M. Julien Dive. Je voterai en faveur de l’amendement, quand bien même il serait satisfait. Nous avons déjà adopté tant de dispositions qui étaient en réalité satisfaites !

Nicolas Turquois a raison d’insister sur ce point. Tout à l’heure, on laissait entendre que les maires étaient des fous dangereux qui ne pensaient qu’à bétonner. Je ne crois pas que ce soit le cas. Il faut impérativement faire confiance aux élus locaux. Nombre d’entre eux font beaucoup d’efforts en sens inverse, par exemple en cassant les trottoirs en macadam pour les remplacer par des espaces de stationnement végétalisés. Il faut encourager cette dynamique, et il me semble important de le faire dans le cadre des PLU.

M. Charles de Courson. Je trouve l’amendement excellent. Prenons, mes chers collègues, l’exemple de la vallée de la Marne. Depuis une cinquantaine d’années, le niveau des précipitations n’a pas changé. En revanche, si l’écoulement se faisait autrefois en cloche, il suit désormais une progression logarithmique et le volume des eaux de ruissellement s’accroît. Pourquoi ? Parce que dans toutes les villes, tous les villages, on a goudronné, on a bétonné et l’on a fait des réseaux d’eaux pluviales. Appeler l’attention sur ce point dans la loi me semble plein de sagesse.

Mme Chantal Jourdan. Le groupe socialiste soutient lui aussi cette proposition. L’enjeu est important et cela permettrait d’amener à une prise de conscience du problème par l’ensemble de la population.

Mme Delphine Batho. Moi aussi, je voterai en faveur de l’amendement. Pourriez‑vous, madame la ministre ou monsieur le rapporteur, nous indiquer les références des textes qui le satisferaient ?

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit de l’article L. 151-22 du code de l’urbanisme.

Mme Valérie Petit. J’appuie moi aussi cet amendement, qui permettrait, comme l’a dit notre collègue Dive, de soutenir le volontarisme dont certains élus font preuve.

La commission adopte l’amendement.

Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS3303 de M. François Pupponi et CS5006 de M. Julien Aubert.

Amendements identiques CS3056 de Mme Sylvia Pinel et CS3306 de M. François Pupponi.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ces amendements visent à introduire dans le PLU des servitudes de mobilisation foncière permettant de procéder à une expropriation simplifiée dans deux cas de figure : en cas de non-occupation d’un bien pendant plus de cinq ans ou en cas de construction insuffisante par rapport aux droits à construire. Même si je partage la volonté de leurs auteurs de densifier le tissu urbain, je ne suis pas convaincu que la mesure d’expropriation proposée soit la bonne solution, surtout vu les délais retenus. Je proposerai, à travers l’amendement CS5087 déposé après l’article 51, une autre voie pour atteindre le même objectif. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. J’ajoute que le Gouvernement a engagé un chantier en vue d’accélérer le recours à la procédure d’acquisition des biens sans maître ; ce travail trouvera son aboutissement dans le projet de loi dit « 4D ».

M. Raphaël Schellenberger. Tous ces amendements sont inutilement bavards, à l’image d’ailleurs du texte. Il semblerait que le Gouvernement n’ait pas encore compris qu’on n’en était plus au plan d’occupation des sols (POS), mais qu’on était passé au PLU. Les documents d’urbanisme étant des instruments de planification à long terme, il faut du temps avant qu’ils ne produisent leurs effets. Le temps du foncier est calé sur celui de la construction. En réalité, la totalité des objectifs que vous fixez sont déjà présents dans les différents documents d’urbanisme. Bref, on est dans un concours de bavardage !

M. Charles de Courson. Tous ceux qui ont été maires – notamment, mais pas seulement, en zone rurale – ont été confrontés au problème des dents creuses, lesquelles donnent lieu à des débats homériques. Le mécanisme proposé dans ces amendements me semble plutôt respectueux du droit de propriété : il s’agirait de créer une servitude dite de mobilisation foncière permettant une expropriation simplifiée si un bien est inoccupé depuis plus de cinq ans ou une propriété insuffisamment bâtie ; en retour, le propriétaire aurait le droit d’obliger la commune ou la communauté de communes à lui acheter son bien après un certain temps. Ce dispositif, équilibré, permettrait de résoudre nombre de problèmes – par exemple, celui posé par les jardins ou vergers délaissés dont on ne peut pas faire grand-chose. Cette mesure de simplification est d’ailleurs préconisée par l’Union sociale pour l’habitat.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3305 de M. François Pupponi.

Amendements identiques CS1111 de Mme Danielle Brulebois, CS1509 de M. Thibault Bazin et CS4354 de M. Arnaud Viala.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de lever un certain nombre de contraintes, en tenant compte de la capacité des communes à mobiliser les espaces déjà urbanisés.

M. Thibault Bazin. C’est parfaitement cohérent avec ce que nous avions proposé précédemment.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons déjà eu le même débat au sujet des SCOT : avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis : c’est la suite de la discussion précédente, appliquée à la carte communale.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS668 de M. Didier Le Gac, CS2521 de Mme Valérie Beauvais, CS2545 de M. Charles de Courson et CS3627 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Charles de Courson. Parallèlement à l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols, la France s’est dotée, à travers la loi relative à l’énergie et au climat, d’objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables, objectifs qui sont déclinés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Si des outils de politiques publiques promeuvent le développement d’installations renouvelables dans des espaces déjà urbanisés – toitures des bâtiments, ombrières de parking, sites dits dégradés –, la répartition des installations de production d’énergies renouvelables est également guidée, par nature, par la disponibilité de la ressource sur le territoire national. Or, bien souvent, cette ressource ne se situe pas dans les espaces déjà urbanisés, ou elle n’y est pas disponible en quantité suffisante.

Le présent amendement vise à tenir compte de cette réalité physique en prévoyant que l’absence ou l’insuffisance d’une ressource nécessaire à l’activité considérée est une justification suffisante pour que le plan local d’urbanisme ouvre droit à l’urbanisation des sols naturels, agricoles ou forestiers.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat : avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Il s’agit du même débat que sur le PLU, appliqué à la carte communale. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS121 de M. Dino Cinieri, CS304 de M. Guy Bricout, CS370 de M. Martial Saddier et CS774 de M. Gérard Menuel.

M. Jean-Marie Sermier. Il convient de tenir compte de la capacité financière des communes à mobiliser les espaces déjà urbanisés.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS3335 de M. Alain Perea et CS4356 de M. Arnaud Viala, amendements identiques CS293 de M. Guy Bricout, CS753 de M. Gérard Menuel et CS1487 de M. Thibault Bazin, et amendements identiques CS100 de M. Dino Cinieri et CS364 de M. Martial Saddier (discussion commune).

Mme Sandra Marsaud. Il s’agit de fixer pour les documents d’urbanisme locaux des calendriers propres afin de tenir compte des réalités du terrain.

M. Jean-Marie Sermier. Il convient en effet d’être pragmatique dans la lutte contre l’artificialisation des sols.

M. Thibault Bazin. Ce sont des amendements très importants. Il faut plusieurs années pour concevoir un SCOT, un PLU ou un PLUi, et leur révision aussi prend du temps. Du fait de l’évolution de la législation, de nouvelles études d’impact et de nouveaux diagnostics sont demandés à chaque fois. Ce sont des démarches coûteuses. Il convient que les délais fixés soient réalistes. Je ne suis même pas sûr qu’il faille, comme le proposent MM. Perea et Viala, arrêter une date butoir, parce qu’on ne sait pas quand la loi sera promulguée : vu la longueur des discussions, cela peut prendre encore beaucoup de temps !

M. Lionel Causse, rapporteur. J’entends la préoccupation des auteurs des amendements. Il convient de laisser aux élus locaux des délais suffisants pour mettre à jour leurs documents, et ceux fixés dans le texte seraient peut-être difficiles à respecter. C’est pourquoi je proposerai ultérieurement des amendements – qui, je l’espère, recevront votre approbation – en vue de les modifier. En conséquence, avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Faut-il allonger les délais fixés pour la modification des documents stratégiques ? Sur ce sujet, je suis ouverte à la discussion. M. le rapporteur a d’ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens, notamment les CS5251, CS5252 et CS5241.

Cela étant, si l’on fixe le point de départ à 2026, comme cela est proposé dans les amendements CS3335 et CS4356, il ne sera pas possible de respecter l’objectif de lutte contre l’artificialisation que nous avons fixé pour les dix prochaines années, alors même que nous venons de débattre d’un éventuel avancement de celui de zéro artificialisation nette. Il me semble préférable de desserrer la contrainte de mise en cohérence des documents les uns par rapport aux autres.

Toutefois, si, comme M. Bazin le suggère, le point de départ varie en fonction de la date d’approbation de chacun des documents, ceux-ci n’offriront plus du tout de cohérence entre eux. Une date glissante me paraît en total décalage avec les objectifs du projet de loi.

M. Thibault Bazin. Votre position, madame la ministre, serait pertinente si rien n’avait été fait avant. Or, à travers notamment les SCOT, un certain nombre de territoires se sont déjà engagés dans des démarches extrêmement vertueuses, par exemple de renouvellement urbain ou rural. Il serait dommageable de leur imposer de nouveaux objectifs, donc de nouvelles contraintes en matière de PLU ou de PLUi. Aujourd’hui, on a aussi besoin de logements. Or, à chaque fois qu’on modifie la donne, cela gèle les projets. Il serait bon de faire « dans la dentelle », de manière à tenir compte du fait que certains territoires ont déjà intégré dans leurs documents stratégiques des objectifs de limitation ou de maîtrise de l’artificialisation des sols.

La commission rejette successivement les amendements identiques CS3335 et CS4356, les amendements identiques CS293, CS753 et CS1487, et les amendements identiques CS100 et CS364.

8.   Réunion du mardi 16 mars 2021 à 21 heures

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Chers collègues, nous poursuivons l’examen du titre IV du projet de loi, dont le rapporteur est M. Lionel Causse.

Nous avons examiné 2776 amendements, à un rythme moyen de 39 amendements par heure.

Article 49 (suite) (articles L. 4251-1, L. 4424-9 et L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales ; articles L. 123-1, L. 141-3, L. 141-8, L. 151-5, L 151-9 et L. 161-3 du code de l’urbanisme) : Insertion dans les documents d’urbanisme régionaux et territoriaux d’un objectif de réduction de moitié de l’artificialisation des sols et conditionnement de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs

Amendement CS5320 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V. J’avais annoncé cet amendement hier et Mme la ministre l’a évoqué à plusieurs reprises. Il vise à redéfinir le mode de calcul de l’artificialisation des sols pour la décennie à venir.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Avis favorable. Nous avons longuement débattu de la définition de l’artificialisation et cet amendement introduit une définition pour la première période de dix ans.

M. Martial Saddier. J’aimerais savoir si l’adoption de cet amendement en fera tomber d’autres.

Ce serait une bonne chose, pour le grand public, et par respect pour les élus d’hier et d’aujourd’hui, que l’on ait, d’ici à la séance, une vision précise des efforts qui ont déjà été faits pour diminuer la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les collectivités territoriales.

Par ailleurs, votre amendement prévoit que les modalités d’application du dispositif à l’intérieur des régions seront fixées par un décret en Conseil d’État. Cela signifie que le Parlement n’aura pas son mot à dire là-dessus. Pourriez-vous, madame la ministre, comme c’est la tradition dans cette maison, nous éclairer d’ici à la séance, sur les grandes lignes de ce décret ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’adoption de cet amendement ne ferait tomber que l’amendement CS5129 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous trouverez les données relatives à l’évolution de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sur le site internet de l’Observatoire national de l’artificialisation des sols. On est passé de 30 000 hectares par an entre 2009 et 2012 à 22 000 ou 23 000 hectares au cours des dernières années.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS5129 du rapporteur tombe.

Amendements identiques CS101 de M. Dino Cinieri, CS294 de M. Guy Bricout, CS360 de M. Martial Saddier, CS754 de M. Gérard Menuel, CS1159 de Mme Danielle Brulebois, CS1488 de M. Thibault Bazin, CS2468 de Mme Nathalie Sarles, CS4357 de M. Arnaud Viala, CS4994 de M. Jean-Marie Sermier, et amendement CS882 de M. Julien Aubert (discussion commune).

M. Martial Saddier. D’après les chiffres que vous donnez, monsieur le rapporteur, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers a donc diminué d’un tiers à l’échelle nationale au cours des dernières années. Mais tous les départements n’ont pas fait les mêmes efforts et il faudrait que ceux qui ont déjà fait des efforts énormes ne soient pas soumis aux mêmes contraintes que ceux qui en ont fait moins – cela pourrait être précisé dans le décret.

M. Jean-Marie Sermier. Il importe en effet de tenir compte des efforts déjà consentis. Si une collectivité ne consomme plus du tout d’espace depuis plusieurs années, ce peut être, soit le signe d’une déprise foncière, soit le résultat d’une volonté politique. Dans les deux cas, il faut en tenir compte.

M. Julien Aubert. Il faut tenir compte de l’effort déjà réalisé par les différents territoires, en faisant en sorte que la déclinaison régionale ne s’applique pas de manière uniforme à toutes les communes. L’un des points faibles de votre texte tient au fait que vous ne prenez en compte que les dix dernières années. Nous craignons que ce choix ne se retourne contre les communes qui ont fait des efforts importants par le passé.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous souhaitez tenir compte de l’effort de réduction de consommation du foncier déjà réalisé. Nous avons déjà débattu de cette question hier soir et je vous ai indiqué que je serais favorable à l’adoption de l’amendement CS4212 de Mme Sandra Marsaud, qui va dans ce sens. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit du sien.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous partageons votre objectif : il faut que la trajectoire de réduction de l’artificialisation – ou de la consommation – des espaces naturels tienne compte des efforts déjà réalisés et de la situation spécifique de chaque territoire. Il importe en effet de ne pas pénaliser les territoires qui se sont déjà engagés dans une démarche de réduction de l’artificialisation.

Deux amendements qui viennent d’être adoptés le garantissent. Le premier, c’est l’amendement CS3169 de M. Alain Perea, qui pose le principe qu’à l’échelle régionale, les règles générales des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) seront territorialisés entre les différentes parties du territoire. Le second, c’est l’amendement CS5320 du rapporteur, qui précise que le décret en Conseil d’État tient compte de « la réduction de la consommation de ces espaces déjà réalisée dans les différentes parties du territoire régional ». Je m’engage d’ailleurs, monsieur Saddier, à vous exposer les grandes lignes de ce décret en séance publique. Vos amendements me paraissent totalement satisfaits.

M. Thibault Bazin. Vous avez imaginé une déclinaison qui, à partir du SRADDET, s’appliquera aux schémas de cohérence territoriale (SCOT), puis aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Mais certaines communes ont déjà, dans leur plan local d’urbanisme (PLU), fait des efforts considérables. Ce que votre texte ne prend pas en compte, ce sont les éventuelles situations conflictuelles. Si des conflits apparaissent au sein d’une région, d’un EPCI ou d’un SCOT, qu’est-ce qui arrivera aux communes qui ont déjà fait des efforts pour réduire leur consommation d’espaces naturels ? Certaines d’entre elles ont réduit leur consommation par dix : c’est le cas de Dombasle-sur-Meurthe, dans ma circonscription. Elles ont droit à un avenir !

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement de coordination CS5241 du rapporteur.

Amendement CS5242 du rapporteur et sous-amendement CS5427 de Mme Sandra Marsaud.

M. Lionel Causse, rapporteur. Cet amendement, que je vous avais annoncé, accorde un délai supplémentaire aux SRADDET pour intégrer l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation. Le délai de réalisation des documents d’aménagement, de stratégie, de planification et d’urbanisme se verra ainsi allongé.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

Mme Sandra Marsaud. Comme nombre de mes collègues, je pense qu’il est très important de tenir compte des efforts déjà réalisés, mais aussi d’accompagner et de responsabiliser tous les échelons, du national au local. Afin de garantir une territorialisation équilibrée, je propose que la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) soit réunie pour définir une répartition cohérente sur l’ensemble du territoire des efforts en matière d’artificialisation des sols. Je défendrai d’autres amendements après l’article 49 pour préciser le rôle de la CTAP, mais il me paraissait important de la mentionner dès l’article 49. On nous a dit, au cours des auditions, que cette conférence ne fonctionnait pas bien parce qu’elle était trop large. Puisqu’il existe une sous-commission à la culture et une commission au foncier, je propose de créer une conférence du foncier au niveau régional, afin de favoriser la territorialisation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Même si je comprends votre objectif, ce sous‑amendement me semble un peu trop directif, puisqu’il prévoit la réunion systématique de la CTAP. Je vous invite à le retirer pour le retravailler. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je comprends la logique de votre sous-amendement, mais prévoir la consultation systématique de la CTAP, sachant que tous les SRADDET qui n’ont pas un objectif satisfaisant de réduction de l’artificialisation vont être modifiés, impliquerait un surcroît de travail considérable pour elle. Nous examinerons d’autres amendements relatifs à la CTAP un peu plus tard. Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Mme Sandra Marsaud. Il me semblait important de mentionner la CTAP à l’article 49, mais je vais le retirer.

M. Julien Aubert. Les grandes régions regroupent des territoires très hétérogènes. Dans ce contexte, il peut être compliqué de faire du SRADDET le vaisseau amiral, surtout si l’objectif est d’être au plus près du terrain.

Par ailleurs, l’amendement prévoit que si la région ne fait rien, les documents de rang inférieur n’auront que deux ans, après la promulgation de la loi, pour se mettre en ordre de bataille. J’aurais préféré un dispositif qui épouse le renouvellement naturel des documents d’urbanisme, car celui que vous proposez risque de provoquer une vraie pagaille : on sera à la main de ce que décidera la région. Je ne suis pas certain que ce soit le choix le plus pragmatique pour obtenir une montée en gamme, surtout sachant que vous vous donnez dix ans pour atteindre votre objectif.

Le sous-amendement est retiré.

L’amendement est adopté.

En conséquence, l’amendement CS4204 de Mme Sandra Marsaud et les amendements identiques CS1239 de M. Vincent Descoeur et CS736 de Mme Émilie Bonnivard, et les amendements CS1085 de Mme Stéphanie Do et CS3264 de Mme Fannette Charvier tombent.

Amendement CS5243 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit d’adapter l’amendement précédent à la situation particulière de la Corse et du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS5244 et CS5086 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ces amendements adaptent les dispositions de l’amendement CS5242 relatives aux SRADDET aux schémas d’aménagement régional (SAR) en outre-mer et au schéma directeur de la région Île‑de‑France (SDRIF).

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement CS5246 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit de permettre à la collectivité d’engager la procédure d’évolution de son document d’urbanisme selon la procédure de la modification simplifiée, qui est plus rapide, sans fermer la possibilité de recourir à la procédure de révision. Cet amendement devrait satisfaire tous les collègues qui ont déposé des amendements relatifs au mode de révision des documents d’urbanisme, puisque nous laissons le choix entre la modification et la révision.

La commission adopte l’amendement.

Elle rejette l’amendement CS104 de M. Dino Cinieri.

Amendements CS5247 du rapporteur et CS883 de M. Julien Aubert (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. Afin de permettre une meilleure intégration des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme, cet amendement propose une adaptation des délais imposés pour leur évolution. Je suis très attaché aux SCOT, vous le savez, et nous avons longuement discuté avec Mme la ministre et ses services pour trouver une solution susceptible de convenir à tout le monde. Cet amendement en fera tomber quarante-six portant sur l’alinéa 32 : vingt de la majorité et vingt-six de l’opposition.

La première partie de l’amendement concerne le délai d’intégration de l’objectif de réduction de l’artificialisation dans le SCOT. Le projet initial fixait un délai de quinze mois, à compter de la promulgation de la loi – douze mois pour le SRADDET, et trois mois d’adaptation. Cette évolution devait avoir lieu avant le 1er juillet 2024, c’est-à-dire moins de trois ans à compter de la promulgation de la loi. Je propose de porter ce délai à cinq ans, ce qui satisfait la totalité des amendements déposés. Je proposerai d’autres amendements permettant d’allonger les délais d’adaptation – par exemple un allongement de six mois pour les SRADDET.

M. Julien Aubert. Tous les articles sont réécrits, les uns après les autres : nous sommes pleinement dans notre rôle de législateur, certes, mais cela témoigne aussi d’un problème de rédaction du texte initial. Et toutes ces modifications rendent l’ensemble peu lisible.

La philosophie de mon amendement est beaucoup plus simple, puisque je propose d’intégrer les nouveaux objectifs relatifs à l’artificialisation des sols au moment du renouvellement naturel des documents d’urbanisme. Une telle disposition me paraît beaucoup plus lisible que la vôtre, qui prévoit que « les documents de rang inférieur seront mis en compatibilité dès leur première révision, au moment de leur bilan, et au plus tard, dans un délai de cinq ou six ans suivant l’adoption du schéma régional intégrant les objectifs de la loi, ou à défaut, deux ans après l’entrée en vigueur de la présente loi ».

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je n’ai pas eu le temps de m’exprimer sur l’amendement CS104 : il supprime purement et simplement tous les mécanismes contraignants d’intégration de l’objectif général posé au plan national, puis régional, dans le SCOT et le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). L’adoption d’un tel amendement supprimerait les outils opérationnels qui doivent nous permettre d’atteindre notre objectif, puisque ce sont ces documents d’urbanisme qui définissent les zones à urbaniser.

Je suis favorable à l’amendement du rapporteur qui, sans supprimer les mécanismes d’obligation, laisse plus de temps pour mettre en cohérence les différents documents les uns avec les autres. Le délai est porté à cinq ans, alors que le projet de loi avait initialement retenu l’échéance de juillet 2024, qui était probablement trop optimiste.

Vous proposez, monsieur Aubert, une évolution au fil de l’eau des différents documents d’urbanisme. Le problème, c’est qu’une telle disposition n’assurera pas la cohérence territoriale et la différenciation dont on a besoin. Si tout se fait au fil de l’eau, c’est le dernier document révisé qui sera obligé de faire tout ce qui n’aura pas été fait à l’échelle régionale. Il importe que la déclinaison se fasse de manière coordonnée dans le temps. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Le rapporteur propose de laisser du temps au temps pour tenir compte de la complexité de l’ingénierie territoriale. Or ce n’est malheureusement pas compatible avec le calendrier de l’urgence climatique et de la lutte contre l’effondrement de la biodiversité…

L’objectif qui consiste à diviser par deux le rythme de l’artificialisation des sols en dix ans est déjà modeste, et on va encore allonger les délais. Quand va commencer cette période de dix ans : en 2025 ou en 2026 ?

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, votre amendement va dans le bon sens, puisque les délais prévus dans la rédaction initiale n’étaient pas réalistes. Toutefois, je ne suis pas certain que l’aménagement que vous proposez sera suffisant. J’aimerais aussi avoir une précision : vous évoquez un délai de « cinq ans ou six ans » : pouvez-vous préciser quel sera le délai pour les SCOT et pour les PLU ? On sait qu’il faut en moyenne trois à quatre ans pour réviser un SCOT et un PLU, qu’il soit communal ou intercommunal. Il faut articuler clairement la mise en cohérence des SCOT et celle des PLU.

Par ailleurs, vous introduisez une sanction en cas de non-respect des nouvelles règles. Elle me semble injuste pour les secteurs déjà urbanisés, où on travaille à réaménager les friches.

M. Martial Saddier. Environ 95 % du territoire français est couvert par des SCOT : on en compte 354, qui regroupent en moyenne 200 000 habitants. Ce projet de loi introduit un vrai bouleversement et quatre ou cinq ans ne seront pas de trop pour réviser tous nos SCOT et nos PLU, d’autant plus que les amendements que nous avons adoptés depuis hier soir ont introduit de nouvelles obligations, qui vont représenter un coût de plusieurs centaines de milliers d’euros – je pense notamment aux études préalables qui devront être réalisées.

Compte tenu du bouleversement qu’il impose, le Gouvernement reconnaît-il qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter à cela une modification tous azimuts du périmètre des SCOT ? Je vous le demande, parce que certains préfets rêvent que leur département ne soit plus couvert que par un ou deux SCOT. Si, aux bouleversements que vous introduisez, s’ajoute une division par deux ou trois du nombre de SCOT, il sera absolument impossible de réaliser tout cela en quatre ou cinq ans.

M. Yannick Kerlogot. L’amendement CS1564 de M. Hervé Pellois, qui risque de tomber, nous a été soumis par l’Union nationale des aménageurs (UNAM) et il relaie la préoccupation de nombreux élus, qui s’inquiètent de ne pouvoir atteindre l’objectif ambitieux qui a été fixé dans un délai qui leur paraît très court.

Vous avez proposé un allongement des délais, mais j’aimerais avoir une précision sur la sanction prévue en cas de non-respect de ceux-ci. Si j’ai bien compris, l’entrée en vigueur d’un SCOT modifié devra se faire dans un délai de cinq ans, sous peine d’une suspension de toute possibilité d’ouverture à l’urbanisation. Les élus s’inquiètent du fait que cette suspension est sans limite de temps. Nous sommes tous favorables à une limitation de l’artificialisation des sols, mais faut-il aller jusqu’à une suspension définitive du droit à urbaniser ?

Mme Sandra Marsaud. Soyons un peu positifs et saluons cet effort pour prendre en compte ce qui a déjà été réalisé. Le rapporteur a été, comme nous, alerté par les acteurs de terrain. Certains collègues font comme si rien n’avait été fait depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de 2000. Certains territoires ont fait un travail remarquable au cours des dernières années et se sont montrés plus vertueux que d’autres. Il faut en tenir compte, et c’est ce que fait le rapporteur. Il a pris la mesure de cette question et peu importe, dans ces conditions, que nos amendements tombent, puisqu’ils sont satisfaits. Si nombre de documents d’urbanisme ont déjà modifié leur trajectoire dans le bon sens, c’est que les urbanistes et les bureaux d’étude, qui sont souvent critiqués, ont bien travaillé depuis vingt ans.

M. François-Michel Lambert. Il faut saluer le travail du rapporteur, mais la suspension des ouvertures à l’urbanisation est effectivement problématique. Il ne faudrait pas que cette disposition favorise la spéculation immobilière. Nous sommes sur la bonne voie, mais il faut encore travailler cette question.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’ai tenu compte des auditions auxquelles nous avons procédé et des échanges que j’ai pu avoir avec nombre d’associations, mais aussi avec nombre d’entre vous. C’est d’ailleurs pourquoi je vous ai dit que mes amendements satisfaisaient la totalité de ceux qui ont été déposés sur ce sujet.

Nous avons allongé les délais et laissé la possibilité de procéder à des modifications simplifiées, qui sont moins lourdes que la révision. En contrepartie, il paraît normal de formuler des exigences de réussite et d’introduire des sanctions en cas de non-respect de celles-ci.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour répondre à la question de Mme Batho, la date de la promulgation de la loi constitue le point de départ de la période de dix ans.

Des délais maximaux sont prévus pour l’intégration des modifications du SRADDET dans les documents d’urbanisme. Dans l’amendement du rapporteur, ce délai est fixé à cinq ans pour le SCOT. Pour le PLU, il est prévu un délai de six ans par l’amendement CS5249 du rapporteur, qui sera examiné par la suite.

La question du périmètre du SCOT est en effet importante ; une réflexion sur l’accompagnement du processus de modification par les préfets est en cours, afin d’éviter un bouleversement des périmètres qui rendrait les choses beaucoup plus difficiles.

Les sanctions ne sont pas prévues pour l’éternité. S’il n’y a pas eu de modifications à l’expiration de ces délais de cinq ou six ans – période de transition sans sanction – aucune ouverture à l’urbanisation ne sera possible tant que les documents d’urbanisme n’auront pas été modifiés. C’est aux élus de décider du rythme de modification de ces documents, pour les mettre en cohérence.

Les délais initialement prévus par le Gouvernement étaient très volontaristes, puisque tout aurait dû être terminé en juillet 2024. Les amendements du rapporteur laissent davantage de temps.

M. Thibault Bazin. Des communes se sont parfois inscrites dans une démarche vertueuse en termes de consommation d’espace en procédant déjà à la révision de leurs documents d’urbanisme, ce qui leur a coûté plusieurs dizaines de milliers d’euros. On sait qu’il faut plusieurs années pour réviser un PLU. Vous allez donc les obliger à lancer à nouveau des démarches de modification avant 2026, c’est-à-dire avant la fin du mandat en cours, faute de quoi elles se retrouveraient dans une impasse urbanistique au début du prochain. Il faut prévoir des délais spécifiques pour ces communes.

M. François-Michel Lambert. Vous savez que le groupe Libertés et territoires considère que la place et le rôle de l’État ne doivent pas être trop prééminents dans les territoires. Mon intervention pourra donc paraître un peu décalée par rapport à nos positions habituelles.

Ne peut-on pas envisager le retour du rôle du préfet dans des communes qui organiseraient l’inflation des prix de l’immobilier et du foncier en bloquant toute modification des documents d’urbanisme, et donc toute urbanisation supplémentaire ? Connaissant bien ma Provence, et sans vouloir la dénigrer, j’ai quelques inquiétudes à son sujet.

La commission adopte l’amendement CS5247.

En conséquence, l’amendement CS883 tombe ainsi que tous les amendements se rapportant à l’alinéa 32.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS126 de M. Dino Cinieri.

Amendements CS884 de M. Julien Aubert et CS5249 du rapporteur (discussion commune).

M. Julien Aubert. Cet amendement repose sur une philosophie consistant, comme dans la nature, à laisser les choses se faire au bon moment, et non pas à recourir à la coercition et à l’accélération du calendrier.

Il est, pour cela, proposé d’intégrer le fameux objectif de division par deux du rythme d’artificialisation nette des sols dans le PLU et la carte communale lors de l’évolution naturelle de ces documents, à savoir lors de leur prochaine révision. Une période de dix ans étant fixée par l’article 47, il est tout à fait possible d’atteindre l’objectif recherché avec cette méthode.

M. Lionel Causse, rapporteur. Mon amendement satisfait celui de M. Aubert. Comme cela a déjà été évoqué, il prévoit un délai de six ans pour l’entrée en vigueur du PLU intégrant, par le biais d’une modification simplifiée, les objectifs en matière d’artificialisation des sols.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée.  Sans surprise, s’agissant de la déclinaison au niveau du PLU de l’amendement précédent concernant les SCOT, je suis favorable à l’amendement du rapporteur et donc défavorable à la solution alternative de M. Aubert.

M. Thibault Bazin. C’est dommage, car l’amendement de M. Aubert est très pertinent.

Bien entendu, il faut intégrer ces objectifs ; la question est : dans quels délais et comment ?

Vous avez mis en avant le fait que les délais seront un peu rallongés et que l’intégration des objectifs en matière d’artificialisation des sols passera par une modification simplifiée et non par une révision. Mais vous savez parfaitement qu’un PLU fait l’objet de fréquentes modifications à la marge pour tenir compte de petits projets. Il ne faudrait pas qu’une de ces modifications soit utilisée pour imposer immédiatement l’intégration des objectifs, avec toute la lourdeur que cela comporte. Et ce d’autant plus que cela supposerait que les modifications en amont des documents de planification régionale et du SCOT aient bien eu lieu, ce qui ne sera pas forcément le cas.

M. Martial Saddier. Comme le texte est réécrit, je souhaiterais obtenir une confirmation du rapporteur et de la ministre : vous parlez bien d’un délai de cinq ans pour le SCOT et de six ans pour le PLU ?

Pour faire partie de ceux qui connaissent la manière dont cela fonctionne, j’estime qu’une fois qu’un SCOT aura été modifié conformément aux objectifs de ce projet de loi, il sera impossible d’achever dans un délai d’un an la modification de tous les PLU et plans locaux d’urbanisme intercommunaux relevant de son périmètre et qui en sont la déclinaison.

M. Thibault Bazin. Il a raison !

M. Lionel Causse, rapporteur. Monsieur Bazin, vous reconnaissez bien qu’il y a souvent des modifications du PLU. C’est en effet un document qui évolue en permanence, avec parfois plusieurs modifications par an. Lors d’une de ces modifications, les élus locaux auront la possibilité de le mettre à jour en y intégrant les objectifs en matière d’artificialisation des sols.

Le délai de modification du PLU à la suite de celle du SCOT sera d’un an si cette modification du SCOT a pris cinq ans. Mais nous espérons que la modification des SCOT ira plus vite.

En tout état de cause, en un an on peut réaliser plusieurs modifications de PLU.

M. Thibault Bazin. Vous marchez à la schlague. Nous organisons des concertations.

Mme Sandra Marsaud. Pourriez-vous nous éclairer sur le recours à la procédure de modification simplifiée ? Elle est très encadrée, sans enquête publique. Lorsque des communes qui n’ont pas été vertueuses en matière de consommation d’espace auront à réviser leurs documents d’urbanisme, elles devront procéder à une réduction des surfaces constructibles – ce que je trouve bien entendu souhaitable. Assurons-nous que le recours à la procédure de modification simplifiée est le bon instrument et qu’on ne fragilise pas juridiquement ces documents. Je m’excuse de poser cette question mais je la considère importante.

M. Thibault Bazin. Ne vous excusez pas, vous avez raison madame Marsaud.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je vous confirme qu’il est bien prévu la possibilité d’utiliser la procédure de modification simplifiée, qui comprend une enquête publique électronique. Je suis disposée à étudier avec vous, d’ici à la séance publique, les tenants et les aboutissants du recours à cette procédure.

M. Thibault Bazin. Mme la ministre, le rapporteur réécrit tout le texte !

Successivement, la commission rejette l’amendement CS884 et adopte l’amendement CS5249.

En conséquence, tous les amendements se rapportant à l’alinéa 33 tombent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS127 de M. Dino Cinieri.

Amendement CS5250 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement poursuit la déclinaison, en prévoyant que l’entrée en vigueur de la carte communale intégrant les objectifs en matière d’artificialisation des sols doit intervenir dans un délai de six ans.

M. Jean-Marie Sermier. Je souhaite revenir sur le recours à la procédure de modification simplifiée.

Celle-ci ayant lieu sans véritable enquête publique, les propriétaires ne disposent pas du même niveau d’information que lors d’une révision globale. Nous avons tous l’occasion de recevoir dans nos permanences électorales des propriétaires, parfois non-résidents, qui découvrent après-coup des changements de règles d’urbanisme qui ne sont pas anodins pour leur patrimoine.

Avec la démarche proposée par le projet de loi, une réduction significative des zones constructibles interviendra dans les communes dont le PLU ou la carte communale, jugés peu vertueux en termes de consommation d’espace, seront devenus incompatibles avec le SCOT modifié. Le faire dans le cadre d’une procédure simplifiée est un abus notoire vis-à-vis des propriétaires fonciers.

M. Martial Saddier. Le texte change le statut de la modification simplifiée. Auparavant, cette procédure ne devait pas affecter l’équilibre général du document d’urbanisme, et il était effectivement possible de la mettre en œuvre en six mois. Avec le dispositif que vous proposez sa portée est accrue, puisqu’elle pourra modifier l’équilibre général du document en rendant des terrains inconstructibles. Dans ce cas, cela ne pourra pas être fait en un an.

Je remercie la ministre d’avoir esquissé la possibilité d’une discussion d’ici à la séance, car il est absolument nécessaire de s’assurer du réalisme des délais entre la modification du SCOT et la mise en conformité du PLU.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, tous les amendements se rapportant à l’alinéa 34 tombent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS4417 de M. Alain Perea.

Amendements CS5251 du rapporteur, CS1767 de Mme Anne-Laurence Petel, CS738 de Mme Émilie Bonnivard, CS3518 et CS3515 de M. Alain Perea (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je voudrais apporter des précisions s’agissant de la procédure de modification simplifiée. Deux cas de figure sont possibles.

Dans le premier, un travail sur les documents d’urbanisme a été largement fait par des élus que l’on peut qualifier de vertueux, et la mise en cohérence de ceux-ci avec le schéma régional sera aisée ; la procédure de modification simplifiée pourra alors être utilisée.

Dans le deuxième cas, un tel travail n’a pas été effectué et il faudra donc bouleverser l’économie générale de ces documents. Personne ne dit qu’on peut le faire au travers d’une procédure de modification simplifiée : le droit commun s’applique.

Si je voulais être un peu provocatrice je dirais que, pour se ménager un délai supplémentaire pour la mise en conformité des PLU, il faudrait déposer en séance un amendement ramenant à quatre ans le délai maximal pour l’adaptation des SCOT.

Les délais retenus de cinq ans pour les SCOT et de six ans pour les PLU sont des délais maximaux. Là où le travail à réaliser est le plus grand du fait du retard pris, il faudra probablement préparer en parallèle les travaux d’adaptation des deux catégories de documents.

Telle est la philosophie retenue par le rapporteur s’agissant des délais.

Mme Véronique Riotton. Cet amendement propose de réduire les délais d’adaptation des documents d’urbanisme aux nouvelles dispositions prescrivant les objectifs de réduction d’artificialisation des sols, en fixant à douze mois le délai d’adaptation du SRADDET et au 31 décembre 2022 la date limite pour l’adaptation des documents communaux.

M. Martial Saddier. Je remercie la ministre pour la précision de sa réponse sur le champ d’application de la procédure de modification simplifiée. C’est un point très important, car des gens suivent nos débats et notamment des élus.

Vous savez comme moi qu’il s’écoule nécessairement plus d’une année entre la délibération lançant une procédure de révision et la délibération finale adoptant le PLU ou le PLUi modifié. Il y a donc un problème à régler d’ici à la séance s’agissant de l’écart d’un an entre les délais maximaux d’adaptation du SCOT et du PLU.

Par-delà nos différences d’opinion, il faut veiller à ce que le dispositif retenu fonctionne.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable à tous ces amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable à l’amendement du rapporteur.

M. Julien Aubert. Les maires n’ont pas pour seule tâche d’attendre l’arme au pied que le législateur ait bien voulu modifier les règles en matière d’urbanisme. De nombreuses communes ont déjà beaucoup de mal à répondre à toutes les obligations, qu’elles portent sur la mise en œuvre de la loi SRU ou sur l’établissement de plans de prévention des risques naturels.

Réduire les délais d’adaptation des documents d’urbanisme représente un coût administratif, mais c’est aussi prendre le risque de ne pas pouvoir résoudre une équation devenue insoluble. Les maires auxquels j’ai parlé de ce que propose le projet de loi m’ont dit en avoir ras la casquette qu’on change les règles et qu’on alourdisse leurs charges. On ne les aide pas.

La commission adopte l’amendement CS5251.

En conséquence, les amendements CS1767, CS738, CS 3518 et CS3515 tombent.

Amendements identiques CS1478 de M. Thibault Bazin, CS1564 de M. Hervé Pellois, CS2615 de M. Charles de Courson et CS2938 de M. Mohamed Laqhila.

M. Thibault Bazin. Dans le monde idéal que vous décrivez, on révise les SCOT – certains étaient déjà en cours d’adaptation et c’est très bien, d’autres viennent d’être adoptés et c’est un peu moins bien. Ensuite, les PLU ou PLUi doivent être mis en conformité, par le biais de la procédure de modification simplifiée s’il n’y a quasiment rien à changer dans ces documents.

En réalité, même si une commune a été vertueuse en limitant la consommation d’espace, justifier que la capacité de construire ou d’aménager est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés afin d’obtenir l’ouverture à l’urbanisation ne constitue pas une modification simplifiée – il ne faut pas être hypocrite. C’est une démarche beaucoup plus lourde que par le passé et qui va prendre du temps.

Madame la ministre, avez-vous prévu des financements pour aider ces communes à financer les études nécessaires, alors qu’elles viennent d’en payer à l’occasion de l’actualisation récente de leurs documents d’urbanisme ?

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable, car ces amendements suppriment la disposition prévoyant qu’il n’est pas possible d’obtenir l’ouverture à l’urbanisation tant que les documents d’urbanisme n’ont pas été modifiés. Ils ne correspondent donc pas à la démarche retenue par le projet de loi.

Joël Giraud a récemment annoncé que les services fournis par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), et donc l’ingénierie, seront gratuits pour toutes les communes de moins de 3 500 habitants et pour les EPCI de moins de 15 000. C’est une première marche et on pourra en franchir d’autres.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4549 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. En complément de nos autres amendements contre l’artificialisation des sols, cet amendement vise à respecter la proposition SL3.1 de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Celle-ci demande de rendre les PLUi et PLU conformes aux SCOT.

L’article 49 ne prévoit qu’un simple lien de compatibilité avec le SCOT, ce qui est beaucoup moins contraignant.

M. Lionel Causse, rapporteur. La notion de compatibilité exige que les dispositions d’un document ne fassent pas obstacle à l’application d’un document de rang supérieur.  Celle de « prise en compte » implique qu’il est possible d’inscrire dans un document une disposition qui serait contraire à une disposition figurant dans un document supérieur, mais que cette contradiction doit être dûment motivé.

Le Conseil d’État a précisé les modalités de compatibilité du PLU avec le SCOT et l’étendue des modalités de son contrôle. Il est acquis depuis longtemps qu’un document est compatible avec un document de portée supérieure lorsqu’il n’est pas contraire aux orientations ou principes fondamentaux de ce dernier et qu’il contribue, même partiellement, à sa réalisation. Si le SCOT érige une obligation de réduction par deux de l’artificialisation des sols, le PLU doit contribuer à la réalisation de cet objectif. Il est donc légitime de prévoir une sanction si le PLU évite délibérément de mettre en œuvre cette disposition.

À mon sens, cette notion de compatibilité est un instrument parfait pour contraindre dans une certaine direction, sans forcément gommer les différences. Tout en imposant un objectif commun, elle permet de s’ajuster en fonction des situations locales. Quand elle est assortie d’une sanction, comme dans cet article, elle est très efficace. Je suis donc défavorable au remplacement de la compatibilité par la conformité.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Ce point a été étudié très tôt lors des discussions entre les membres de la CCC et le Gouvernement. Nos analyses juridiques l’établissent de manière certaine : conformément au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, il n’est pas possible de prévoir un lien de conformité entre un document d’une collectivité et celui d’une autre de rang inférieur. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour la compatibilité.

M. Jean-Marie Sermier. L’établissement de documents compatibles nécessitera une forte ingénierie.

On ne peut pas laisser croire aux maires que l’ANCT règlera ce problème. Ce n’est pas vrai. Elle n’est pas prévue pour cela, et elle n’en a ni la compétence ni les moyens en personnel. En revanche, on va faire la part belle aux cabinets d’urbanisme.

Mme Sandra Marsaud. Ces débats autour de la conformité ou de la compatibilité reviennent souvent. C’est trop facile. Qui vote les SCOT ? Ce sont bien des élus, qui ont par la suite la responsabilité d’appliquer des PLU ou des cartes communales dans les collectivités de rang inférieur. Ils sont cohérents et ne vont pas se tirer une balle dans le pied.

M. Hubert Wulfranc. L’objectif de réduction de l’artificialisation est un véritable bouleversement sur le terrain. Les élus locaux vont devoir faire face à un travail d’arbitrage et d’expertise considérable : j’entends tout à fait leurs observations à propos des délais et de la nécessité d’arbitrages démocratiques sur les choix politiques territoriaux. Ils sont donc très attentifs aux conditions dans lesquelles cette révolution en matière d’aménagement du territoire va être conduite.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS2432 de M. Thibault Bazin, CS2454 de M. Maxime Minot et CS2787 de Mme Véronique Louwagie.

M. Thibault Bazin. Je lance un cri d’alerte au nom des territoires, et notamment des communes à faibles revenus, qui ont d’ores et déjà fait de lourdes dépenses pour mettre à jour leurs documents d’urbanisme par rapport au SCOT.

Des élections municipales auront lieu en juin 2026, horizon que vous donnez pour sa révision. Imaginons qu’un autre covid impose de les reporter de quelques mois. Il faudrait alors prévoir un certain délai : tel est le sens de l’amendement, qui amène à 2027.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous proposez de limiter dans le temps l’application de la sanction, ce qui permettrait de ne jamais mettre à jour les documents ni atteindre les objectifs. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis également défavorable aux amendements.

Je reviens sur le financement et sur l’accompagnement des collectivités. Les prestations d’ingénierie financées par l’ANCT seront désormais gratuites, comme Joël Giraud vient de l’annoncer, pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les intercommunalités de moins de 15 000 habitants. La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) peut également être mobilisée, tout comme les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) qui couvrent la majeure partie des territoires et dont 98 % des prestations sont gratuites.

La base de données PLU indique que le coût moyen de révision d’un PLU est de l’ordre de 30 000 euros pour une commune de moins 10 000 habitants, et de l’ordre de 50 000 euros pour des communes de taille moyenne, tout cela se mutualisant en cas de PLU intercommunal. Pour les communes petites ou moyennes, ces frais peuvent donc être financés par des aides de l’État.

M. Thibault Bazin. J’imagine que les règlements de DETR prévoiront des interventions au bénéfice des communes qui ne seront pas prises en compte par l’ANCT.

Pourquoi obliger des communes qui n’ont pas de projet, donc pas d’artificialisation, à des dépenses d’études inutiles ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La seule sanction étant l’impossibilité d’ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation, si ces communes n’en ont pas l’intention, elles peuvent attendre tranquillement la révision naturelle.

M. Dominique Potier. La question des coûts constitue tout d’abord un encouragement à ce que se montent sur les territoires métropolitains des agences d’urbanisme à la hauteur des enjeux. Par ailleurs, le bénéfice des SCOT ou des PLUi va bien au-delà de simples instruments de planification et amène bien d’autres économies. L’ingénierie est donc un investissement public dans l’intelligence du territoire, la bonne planification créant de la programmation coopérative et innovante.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS5252 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination consistant à remplacer l’échéance de 2025 pour l’application de la sanction par un délai de six ans accordé au PLU et à la carte communale pour intégrer les objectifs.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS4211 et CS4212, de Mme Sandra Marsaud, et sous-amendement CS5426 du rapporteur (discussion commune).

Mme Sandra Marsaud. Toujours pour prendre en compte ceux qui ont déjà une trajectoire de lutte contre l’artificialisation ou l’imperméabilisation des sols et qui l’ont déjà appliquée, en pourcentage de réduction et dans le temps, dans des documents approuvés, qu’il s’agisse de SCOT ou de PLU, je propose d’exclure de cette révision pour les dix ans ces documents d’urbanisme.

L’amendement CS4211 fixe des objectifs chiffrés et datés, travaillés avec la Fédération nationale des SCOT, selon laquelle plus 50 % des SCOT appliquent déjà ces réductions de consommation d’espace. L’amendement CS4212 est de repli. En tout cas, il se passe des choses dans les territoires.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je ne suis pas favorable à l’amendement CS4211, considérant que les 30 % mentionnés ne correspondent pas à l’objectif de 50 % que nous nous sommes fixé.

Il faut des documents conformes à ceux de niveau supérieur. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’amendement CS4212, que j’ai sous-amendé pour tenir compte du délai de dix ans.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. L’amendement ainsi sous-amendé répondrait à la préoccupation de Mme Marsaud d’équilibre de la loi.

Mme Delphine Batho. J’entends la logique visant à prendre en compte les collectivités ayant déjà fait énormément d’efforts en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. En revanche, je crois comprendre qu’il suffirait d’inscrire dans un document d’urbanisme un objectif chiffré, par exemple 5 %, de moindre consommation d’espaces pour être dédouané de toute action pour les dix prochaines années. Sait-on combien de territoires cette disposition va concerner ?  Si elle crée une dérogation pour la plupart des SCOT, des PLU et des cartes communales, cela va poser un problème.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’objet de l’amendement de notre collègue est que ceux qui sont déjà vertueux ne se trouvent pas dans l’obligation de réviser leurs documents. Quant à savoir combien ils sont, c’est une question à laquelle on ne peut pas répondre.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Est ici visé le cas particulier, je l’espère exceptionnel, d’une région n’ayant pas mis à jour son SRADDET, c’est-à-dire où la territorialisation à l’échelle régionale ne s’est pas faite. Si des SCOT ont fixé des objectifs chiffrés, ils peuvent alors s’y tenir pendant les dix années suivantes. L’expérience montre qu’en général, les objectifs chiffrés dans les SCOT sont ambitieux : 58 % d’entre eux ont des objectifs de réduction de la consommation de foncier supérieurs à 50 %, et 74 % des objectifs supérieurs à 35 %.

M. Julien Aubert. Je réagis aux chiffres du Gouvernement, à savoir 30 000 euros pour une révision dans des villes de moins de 10 000 habitants, qui sont très nombreuses : le coût n’est pas anodin.

Je ne comprends pas votre préférence pour l’amendement CS4212, beaucoup plus large, car avec ses 30 % de réduction de consommation d’espace, le CS4211 traduit une forme d’ambition. S’agissant des dix ou des quinze ans, il faut prévoir de la flexibilité, l’enjeu étant que la transition se fasse de la manière la plus douce possible.

M. Lionel Causse, rapporteur. Assorti du délai de dix ans que je considère important, le CS4212 est nettement plus adapté aux objectifs que l’on se fixe.

Mme Delphine Batho. La simple mention d’objectifs chiffrés et datés me semble insuffisante ; il faut préciser en donnant une référence.

M. Dominique Potier. Certains SCOT ont été baptisés « SCOT Grenelle », car ils allaient plus loin que les autres. Cette appellation va-t-elle survivre à la loi ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. C’est une bonne question, à laquelle je vous répondrai en séance.

La commission rejette l’amendement CS4211.

Elle adopte successivement le sous-amendement et l’amendement CS4212 sousamendé.

La commission adopte l’amendement de coordination CS5240 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS3521 de M. Alain Perea.

Amendement CS3574 de M. Alain Perea.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je m’en remets, s’agissant de cet amendement qui porte sur l’adaptation des outils fiscaux, à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 49 ainsi modifié.

Après l’article 49 

Amendement CS4198 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud. J’aborde, à travers quelques amendements, la politique locale de l’habitat, complètement liée à la lutte contre étalement urbain : comment accompagner et responsabiliser ? Il s’agit d’encourager très fortement la mise en place des programmes locaux de l’habitat (PLH) afin de donner aux collectivités des outils permettant d’atteindre leurs objectifs en matière de sobriété foncière. Faute de tels documents, les territoires ruraux notamment n’ont pas une vision assez large des besoins en logements et la gouvernance locale est inexistante.

Ce premier amendement tend à offrir la possibilité aux collectivités de moins de 30 000 habitants de bâtir des PLH, ce qui ne constitue aujourd’hui pas une obligation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je partage votre objectif de définir des stratégies territoriales en matière d’habitat à travers des PLH, toutefois je vous demande de retirer l’amendement au profit des CS4196 et CS4197, plus adaptés à la situation.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je vais suivre le rapporteur dans sa grande sagesse.

L’amendement est retiré.

Article 49 bis (nouveau) (article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation, articles L. 132-6, L. 321-1 et. L. 324-1 du code de l’urbanisme, article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, article 16 de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989) : Création obligatoire d’observatoires de l’habitat et du foncier dans les intercommunalités dotées d’un programme local de l’habitat

Amendements CS5351 du rapporteur et CS4207 de Mme Sandra Marsaud (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit de renforcer les dispositions existantes en matière d’observation foncière. L’action vigoureuse de réduction de l’artificialisation des sols exige des outils de connaissance foncière à la hauteur des objectifs ambitieux que nous nous fixons.

Je propose de capitaliser sur les dispositifs d’observation foncière existants là où existe un PLH afin de créer des observatoires de l’habitat et du foncier, qui doivent notamment permettre l’identification des gisements fonciers pouvant faire l’objet d’une identification urbaine – projets de renouvellement urbain, de surélévation, opérations de démolition‑reconstruction, utilisation des dents creuses en secteur déjà urbanisé. Ces observatoires auraient pour mission le recensement des friches constructibles, des surfaces réalisables en surélévation des constructions existantes et des espaces de densification potentielle et de nature en ville, des surfaces non imperméabilisées ainsi que des trames verte et bleue. Ils seraient mis en place dans un délai de deux ans après que le PLH ait été rendu exécutoire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis très favorable. Nous avons effectivement besoin de renforcer le dispositif d’observation pour déterminer comment élaborer tous les documents dont nous parlons.

Mme Sandra Marsaud. L’amendement CS4207 regroupe tous les amendements suivants, de repli. Il tend à modifier l’article L. 302‑1 code de la construction et de l’habitation pour faire des PLH des plans opérationnels au service du projet de territoire, car on sait que l’habitat est très consommateur d’espace en matière d’artificialisation des sols.

Je propose notamment une déclinaison départementale de la commission régionale « Habitat et hébergement », grand-messe devant laquelle sont présentés les PLH, ce qui rejoint vraisemblablement l’amendement du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement CS4207 et lui préfère le CS4196.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée.  Même avis.

M. Martial Saddier. L’amendement du rapporteur oblige à la création d’un observatoire dans les deux ans à compter de la promulgation de la loi. À quel niveau de collectivité territoriale sera-t-il rattaché ? Peut-on envisager un observatoire départemental ? Les grandes agglomérations disposent aujourd’hui de ce type d’observatoires : seront-ils considérés comme valables ?

M. Julien Aubert. Il s’agit d’un sujet juridique. Vous faites référence au III de l’article L. 302‑1 au code de la construction et de l’habitation. Or il ne porte pas sur des observatoires mais sur un diagnostic sur le fonctionnement des marchés, ce qui pose un problème légistique. Comment passez-vous de l’un aux autres ?

En outre, une telle création signifie-t-elle des fonctionnaires, des structures, des coûts fixes ? Doit également être traitée la question du bon niveau.

M. Lionel Causse, rapporteur. Le niveau du PLH est celui de l’intercommunalité. Pourquoi pas un observatoire départemental ? Il faudra y travailler.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Ces dispositions sont issues du travail du rapporteur mais également de celui de Jean-Luc Lagleize dans le cadre de sa mission sur la maîtrise du coût du foncier dans les opérations de construction.

Les dispositifs d’observation prévus au III de l’article L. 302‑1 du code de la construction et de l’habitation ont nécessité la mise en place de structures qui constituent de facto des observatoires. L’idée est de transformer des structures disparates en clarifiant leurs objectifs et en précisant leurs méthodes de travail. Il s’agit donc plutôt d’une mise en cohérence de structures existantes que de création ex nihilo. Nous pourrons préciser ce point d’ici à la séance.

L’amendement CS4207 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS5351.

Article 49 ter (nouveau) (article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation) : Renforcement de l’effectivité des programmes locaux de l’habitat

Amendements CS4196 et CS 4197 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud. Il s’agit d’encourager fortement la mise en place de programmes locaux d’habitat afin de donner des outils aux collectivités en vue d’atteindre des objectifs ambitieux en matière de sobriété foncière.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CS4196 et à l’amendement CS4197, puisqu’il s’agit d’une coordination avec l’amendement CS4196.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Après l’article 49

Amendement CS4199 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud. Le PLH n’est pas qu’un outil de programmation de logements neufs ; il doit être mis au service d’un projet de territoire, afin notamment de reconquérir les centres-villes. L’amendement CS4199 tend à le rappeler à l’article L. 302-1.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement CS4199.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je ne suis pas favorable à cet amendement, il me semble que la mention « […] au service du projet de territoire » est contenue dans l’idée même de PLH et de document programmatique, et qu’il est de surcroît dommage de perdre la notion de performance énergétique de l’habitat.

L’amendement CS4199 est retiré.

Amendements CS4200 et CS4202 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud. J’insisterai sur l’amendement CS4202, qui pourrait répondre aux questions de M. Aubert et ses collègues. Au-dessus des PLH, les plans départementaux de l’habitat (PDH) sont importants pour les territoires ruraux. Ils sont obligatoires sur tout le territoire national mais ne le couvrent pas encore en totalité. Sans modifier le code de la construction et de l’habitation, l’amendement vise à fixer une date à laquelle chaque territoire devra avoir son PDH. Je trouve que les PDH constituent de bons lieux de gouvernance et d’échanges sur les questions d’habitat et de foncier.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je suis défavorable aux amendements CS4200 et CS4202, puisque l’obligation relative aux PDH figure déjà dans la loi.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis défavorable aux amendements CS4200, qui crée une convention supplémentaire, et CS4202, qui fixe une échéance difficile à tenir.

M. Julien Aubert. Ce dernier amendement renvoie au débat que nous avons eu sur les observatoires. La réponse relative à leurs moyens a été un peu gazeuse : pouvez-vous nous expliquer ce qu’il en est avant la séance ?

L’amendement CS4200 est retiré.

La commission rejette l’amendements CS4202.

Article 49 quater (nouveau) (article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales) : Inclusion des présidents des syndicats mixtes pilotant les SCOT dans la conférence territoriale de l’action publique

Amendements CS4185, CS4190 et CS4188 Mme Sandra Marsaud (discussion commune).

Mme Sandra Marsaud. Cette série d’amendements revient sur les SRADDET avec un objectif de territorialisation de la stratégie à l’échelon infrarégional. Ils proposent d’appuyer celle-ci sur un organe existant qui ne fonctionne pas bien, la CTAP, en créant, d’une part, une commission dédiée au foncier et, d’autre part, une déclinaison de celle-ci, organisée par la région, à l’échelon départemental.

L’amendement CS4185 est celui qui reprend l’ensemble de mes idées ; les autres sont des amendements de repli.

L’amendement CS4188 modifie la composition de la CTAP en ajoutant les présidents des syndicats mixtes ou des EPCI pilotant les SCOT. J’ai également réfléchi à la société civile, qu’il s’agisse du monde économique ou des associations citoyennes.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je comprends votre volonté de faire évoluer les CTAP. Toutefois, la création d’une commission thématique traitant du foncier est déjà rendue possible à l’échelon régional par le code général des collectivités territoriales (CGCT) et en vertu de la libre administration des collectivités. Il faut laisser la main aux régions et non pas l’imposer dans la loi, quitte à leur présenter directement ces bonnes idées. Avis défavorable sur cette série d’amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’amendement CS4185 me paraît trop restrictif et prescriptif pour les régions. Je n’y suis pas favorable.

À l’amendement CS4190, la désignation de représentants des conseils de développement me paraît excessive. En revanche, je m’en remets à votre sagesse pour l’amendement CS4188, qui ajoute à la conférence territoriale de l’action publique les présidents des syndicats mixtes qui pilotent les SCOT.

M. Julien Aubert. Je salue l’intelligence des amendements qui nous sont proposés, car ils permettent de contourner le problème de la hiérarchie des collectivités locales que vous souhaitez mettre en place. Une région qui, pour des raisons politiques, élaborerait un SRADDET dans le but d’embarrasser certains territoires pourrait le faire si l’on ne prévoit pas de déclinaison territoriale. Il faut absolument appliquer le principe de subsidiarité.

Je n’ai pas eu de réponse du Gouvernement sur la question des observatoires. Il serait plus simple d’en créer un par département, soit une centaine, plutôt qu’un par EPCI, soit 1 250 observatoires. Pouvez-vous nous dire en quoi cela consistera ? S’agit-il juste d’un nom, ou est-ce une structure dotée d’un directeur, de quelques agents et d’un siège ? On ne peut pas, au détour d’un amendement, créer 1 250 structures en considérant que c’est anodin. Cela engendre des coûts substantiels.

Mme Sandra Marsaud. Ce que je propose est déjà possible. On sait tous que les lois sont souvent bavardes ou pas appliquées. La CTAP a été très critiquée lors des auditions. Elle ne fonctionne pas parce qu’elle n’est pas suffisamment fléchée.

Nous avons une responsabilité nationale avec ce texte, mais nous exerçons aussi une responsabilité territoriale – ce n’est pas un gros mot. Nous devons responsabiliser davantage les régions en leur fixant un cap, sans remettre en cause la libre administration des collectivités locales.

La commission rejette successivement les amendements CS4185 et CS4190 et adopte l’amendement CS4188.

Après l’article 49

Amendements CS4187, CS4189 et CS4186 de Mme Sandra Marsaud (discussion commune).

Mme Sandra Marsaud. Je les ai déjà défendus. De la même façon qu’il y avait un débat sur la possibilité de confier la politique en faveur de la culture au sein de cette CTAP qui ne fonctionne pas, je propose de lui confier le foncier.

M. Lionel Causse, rapporteur. Demande de retrait, sinon avis défavorable aux trois amendements.

M. Thibault Bazin. Je suis très inquiet des conséquences qu’auront les amendements que nous votons au niveau local. Certains PLH sont indispensables parce qu’ils reposent sur des délégations des aides à la pierre, d’autres ont été élaborés par des communautés de communes de manière très volontaire, alors qu’elles n’y étaient pas contraintes. Vous ajoutez de nouvelles contraintes non négligeables au regard des coûts, impositions et procédures, alors qu’il n’y a pas forcément d’enjeu en termes de volume. Je vous invite à examiner si, en étant généralisé, ce dispositif est bien proportionné ; cela m’inquiète très fortement. Sinon, le Sénat corrigera.

M. Thierry Benoit. Je reconnais à Mme Marsaud sa haute technicité dans ce domaine. Toutefois, nous devons être au quotidien des acteurs de la simplification. J’aimerais pouvoir voter ce projet de loi Climat et résilience mais je suis préoccupé par les conséquences des amendements que nous avons adoptés, dont la grande complexité ne sera pas simple à expliquer aux élus locaux quand nous retournerons dans nos circonscriptions. Je compte sur vous, monsieur le rapporteur et madame la ministre, pour œuvrer, d’ici à la séance, à la simplification de la vie de nos collègues élus dans les territoires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS4206, CS4195 et CS4194 de Mme Sandra Marsaud (discussion commune).

Mme Sandra Marsaud. Les politiques de l’habitat apparaissent dans le CGCT et dans le code de la construction et de l’habitation sous deux appellations différentes : d’un côté, on parle de politique du logement, de l’autre, de politique de l’habitat. Pour ma part, je ne propose pas de nouveau « machin », mais de simplifier. Or faire simple, c’est compliqué. Quand les enjeux sont aussi importants et que quarante ans de décentralisation ont créé un véritable millefeuille, on se doit d’être un peu complexe pour forcer la gouvernance locale à fonctionner.

En tout cas, la différence entre le CGCT et le code de la construction n’est pas normale parce qu’elle gêne les élus localement. Depuis que je suis élue, je me bats avec les préfets successifs de mon département pour leur faire faire un PDH. Eh bien, on n’en fait pas ! Je retire mes amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CS821 de M. Julien Dive, CS853 de M. Antoine Herth, CS2815 de Mme Florence Lasserre et CS3428 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. La mobilisation des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) peut constituer une voie complémentaire pour réduire l’artificialisation des sols. Nous proposons qu’elles soient systématiquement saisies pour les projets d’artificialisation des sols naturels ou agricoles, et que leur avis devienne prescriptif et non plus seulement consultatif. C’est une voie que nous voulions explorer avec Laurence Petel, dans notre rapport sur la protection des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous souhaitez élargir les compétences de la CDPENAF alors que nous venons de parler de simplification. Il faut être logique ! La CDPENAF peut déjà émettre des avis dans certaines situations ; il n’est pas nécessaire d’en faire une obligation pour tous les projets. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Étendre autant les compétences de la CDPENAF est une décision lourde. Ce sujet avait fait l’objet de longs débats lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture en 2014. Il n’est pas suffisamment mûr pour que l’on opère une extension aussi massive dans ce texte. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Quand elle est saisie, la question de la nature de son avis, consultatif ou prescriptif, peut vraiment se poser. Peut-être faudrait-il mieux définir sa complémentarité, car nous sommes actuellement dans une zone intermédiaire, flottante. Le rôle de cette institution mérite d’être clarifié compte tenu des modifications que nous avons adoptées, notamment sur la hiérarchie entre les régions, les SCOT et les EPCI.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3291 de M. Pierre Venteau.

Amendements CS4773 de M. Jean-Baptiste Moreau et amendements identiques CS820 de M. Julien Dive, CS852 de M. Antoine Herth et CS2814 de Mme Florence Lasserre (discussion commune).

M. Julien Dive. Dans l’optique de préserver les terres agricoles, qui sont cruciales du point de vue tant de la protection de l’environnement que de notre souveraineté agricole et alimentaire, la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014, renforcée par décret en 2016, a instauré la compensation collective agricole, dont le but est de limiter la perte des surfaces arables en demandant une contrepartie par la recréation de valeur à un porteur de projet lorsqu’il demande un permis de construire, par exemple. La compensation n’est pas contraignante ; dans les faits, certains s’en affranchissent sans difficulté et sans être inquiétés.

L’amendement CS820 vise à conditionner la délivrance d’un permis de construire à un porteur de projet d’urbanisme à la réalisation d’une étude préalable et à une compensation effective.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2747 de M. Thibault Bazin. 

M. Thibault Bazin. Cet amendement a pour objet la contractualisation dans le cadre d’un contrat de sobriété foncière, sur le modèle des opérations de revitalisation du territoire (ORT). Cela permettrait de donner une priorité d’accès aux fonds, notamment le fonds friches, ou à des mesures de défiscalisation, parce qu’il sera compliqué pour les territoires d’atteindre les objectifs fixés dans cette loi si on ne leur en donne pas les moyens. Nous formons donc des vœux en vue du projet de loi de finances.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’entends votre souhait de recourir à la contractualisation pour atteindre les objectifs de sobriété foncière. Comme je vous l’ai indiqué hier, je vais donner un avis favorable à l’amendement qui sera défendu par notre collègue Guillaume Gouffier-Cha. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui-ci.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Permettre la signature de contrats de sobriété foncière entre l’État et les collectivités territoriales est une bonne idée, mais il se trouve que l’amendement CS3450 de M. Gouffier-Cha fait explicitement référence à la lutte contre l’artificialisation des sols, qui me semble être le sujet de ce chapitre. C’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement au profit du CS3450 ; à défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin. C’est la méthode du nouveau monde : quand les amendements viennent de l’opposition, ils ont du mal à passer, sauf s’ils sont rédactionnels ! J’aurais préféré que vous sous-amendiez mon amendement pour l’améliorer, monsieur le rapporteur ; c’eût été courtois. Le mien s’inscrit dans le code de l’urbanisme, tandis que le sien se contente d’ajouter une mention. Je vais donc maintenir mon amendement parce que je ne suis pas sûr que celui de M. Gouffier-Cha passe !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS99 de M. Dino Cinieri.

Amendements CS1645 et CS1644 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Dans un ouvrage de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) publié en 2008, Les nouvelles ruralités à l’horizon 2030, plusieurs scénarios sont envisagés, dont l’un, que j’avais rejeté a priori, s’intitule « Les campagnes au service de la densification urbaine ». J’ai l’impression de le vivre, car il décrit ce qui est en train de se passer aujourd’hui : « […] l’augmentation du coût de l’énergie fossile a […] produit une concentration de la population et des activités dans les villes. Cela a donné naissance à de grands ensembles métropolitains régionaux […]. La mise en œuvre des politiques s’effectue à l’échelle métropolitaine mais dans le cadre de politiques publiques concernant de grandes régions européennes. […] Cependant de fortes tensions sociales subsistent car les populations rurales sont de plus en plus marginalisées sur le plan économique et social ; le fossé entre ruraux et urbains se creuse, tandis que les difficultés de logement et de déplacement dans les métropoles aggravent la situation des populations défavorisées, accroissant les inégalités et les tensions sociales. » Cette parabole « à la Potier » permet de comprendre le sens de mon amendement.

Quant à l’amendement CS1644, il vise à autoriser des exceptions, notamment pour procéder à un changement de destination dans une zone qui a été définie comme non constructible, ou pour des équipements collectifs : il faut desserrer l’étau si l’on souhaite éviter le scénario décrit en 2008.

M. Lionel Causse, rapporteur. Selon l’article 49 que nous avons voté, les documents supra communaux, notamment les SRADDET et les SCOT, devront tenir compte des contraintes locales et de l’historique de la consommation d’espaces des territoires pour fixer des objectifs cohérents aux communes et aux intercommunalités. Cela devrait répondre à certaines de vos inquiétudes. Demande de retrait de ces deux amendements ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 49 quinquies (nouveau) : Création des contrats de sobriété foncière

Amendement CS3450 de M. Guillaume Gouffier-Cha et sous-amendement CS5414 du rapporteur.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Pour viser une politique de sobriété foncière efficace, les documents d’urbanisme sont nécessaires mais pas suffisants. Avec cet amendement, rédigé après des échanges avec la Fédération nationale des agences d’urbanismes (FNAU), je vous propose de créer un contrat de sobriété foncière permettant de conjuguer planification et action opérationnelle, approche quantitative et qualitative, coercitive et incitative.

M. Lionel Causse, rapporteur. Si je comprends tout à fait l’objectif de la contractualisation, celle-ci ne doit pas remplacer le dispositif que nous avons prévu pour intégrer les objectifs aux documents d’urbanisme. C’est pourquoi je vous propose ce sous‑amendement précisant que cette contractualisation ne pourra se substituer à l’intégration des objectifs déterminés par la loi. Avis favorable à l’amendement de CS3450 sous réserve de sa modification par mon sous-amendement CS5414.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable à l’amendement sous-amendé. La contractualisation est une bonne manière d’articuler la volonté des collectivités locales avec la capacité de l’État à les accompagner à l’aide de différents outils : le fonds friches, les agences comme l’ANCT ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), ainsi que divers outils de contractualisation comme les projets partenariaux d’aménagement. Les contrats de sobriété foncière sont le cadre naturel dans lequel ce partenariat peut s’exercer. Je suis favorable à la précision que cela ne se substitue pas à l’intégration des objectifs dans la trajectoire, et je trouve important que l’objectif de lutte contre l’artificialisation soit bien à la base de ces contrats. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. C’est le jeu des sept erreurs ! Je me demande pourquoi on a refusé mon amendement : c’est le même ! De plus, le mien définit le contrat de sobriété foncière ; il précise que la convention devra fixer sa durée, son calendrier ; il détaille les actions qui pourront être menées, comme la mise en place d’un système d’observation foncière ou la réalisation d’un programme d’études. Ce n’est pas fair-play, madame la ministre ! Où est la co-construction, quand les bonnes idées, plus complètes, viennent de l’opposition ?

M. Lionel Causse, rapporteur. Pour que vous ne vous sentiez pas frustré, je vous signale que j’ai sous-amendé l’un de vos amendements, que nous examinerons ce soir ou demain : cela vous arrivera donc, à vous aussi !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous allons passer au vote.

M. Julien Aubert. Madame la présidente, j’ai demandé la parole.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous entendons un orateur par groupe, comme nous le faisons depuis plusieurs jours.

M. Julien Aubert. Je suis l’orateur de mon groupe sur cette partie du texte. Quelle est la base réglementaire de votre décision, madame la présidente ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. C’est une décision prise par consensus.

M. Julien Aubert. Nous sommes le premier groupe d’opposition ! Nous avons accepté cette règle pour que les débats aillent plus vite…

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. C’est la règle fixée dans le règlement de l’Assemblée nationale : un pour, un contre, et une prise de parole par groupe pour chaque amendement.

M. Julien Aubert. Cette règle vaut pour la séance, pas en commission !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. C’est exactement la même chose en commission ! Ce n’est pas discutable.

M. Julien Aubert. Dans ce cas, nous n’avons qu’à appliquer les règles qui s’appliquent pendant le confinement : les membres d’un groupe défendent tous leurs amendements ! C’est compliqué quand vous êtes orateur sur une partie d’un texte et que vous ne pouvez pas prendre la parole !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Tous les amendements des députés sont défendus par leur groupe, même si les cosignataires sont absents. On ne peut pas mieux faire !

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Après l’article 49

Amendement CS886 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à compenser l’artificialisation au niveau de la parcelle : si quelqu’un bâtit une petite construction, il pourra prévoir d’en désartificialiser une partie à titre de compensation. Cela permet plus de flexibilité et de ne pas compter ces parcelles dans l’artificialisation générale.

Pour en revenir à la défense des amendements, le groupe Les Républicains n’est pas d’accord avec cette façon de fonctionner. Le consensus, par définition, suppose l’accord de tout le monde.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Si vous êtes l’orateur de votre groupe, je vous prie de bien vouloir vous coordonner avec vos collègues. Nous n’avons pas rencontré ce problème avec M. Sermier.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Défavorable, notamment parce que l’exposé des motifs cite la petite artificialisation, alors que le corps de l’amendement lui-même vise des travaux soumis à permis de construire, qui sont d’une autre ampleur. Je ne suis pas opposée à ce principe, mais à la rédaction proposée. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Si nous n’avions évoqué que la petite artificialisation dans le dispositif de l’amendement, auriez-vous donné un avis favorable ? Si vous déposez un permis de construire pour votre maison, vous pouvez compenser votre impact carbone en plantant quatre ou cinq arbres. Seriez-vous d’accord pour procéder de la même façon à un niveau plus important ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’artificialisation telle qu’on la conçoit se mesure à l’échelle de la parcelle. Si votre amendement a pour objet de préciser que le fait de construire une cabane et de planter trois arbres à l’intérieur d’une parcelle n’a pas d’impact, alors je suis d’accord sur le principe. En réalité, votre amendement serait même déjà satisfait par la rédaction que nous proposons.

En revanche, si votre objectif est d’appliquer ce même principe à des travaux d’une autre ampleur, nécessitant un permis de construire et dépassant l’échelle de la parcelle, alors je ne suis pas d’accord. Mais comme je ne suis pas totalement sûre d’avoir compris le sens de votre amendement, je ne peux pas lui donner un avis favorable. De plus, je ne sais pas quelles seraient les conséquences de ce nouveau régime ; il serait donc nécessaire d’y travailler pour en préciser les termes.

La commission rejette l’amendement.

Article 50 (article L. 2231-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Présentation d’un rapport local annuel sur l’artificialisation des sols

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS4794 de M. Guillaume Kasbarian.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5135 du rapporteur.

Amendements CS1683 de M. François-Michel Lambert, CS3734 de M. Jean-Bernard Sempastous et CS5153 du rapporteur (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. Cet amendement est issu de l’Association des petites villes de France (APVF), présidée par notre ancien collègue Christophe Bouillon. Il vise à ce que le rapport soit remis, non pas à un rythme annuel mais trisannuel, cette fréquence paraissant adaptée à l’objectif visé.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CS3734 vise à permettre aux petites communes d’élaborer un rapport de suivi du rythme d’artificialisation des sols tous les trois ans et non annuellement, comme le propose le projet de loi. La rédaction de ce rapport constituera une contrainte pour nombre d’entre elles, dans la mesure où elles n’ont pas l’expertise et les moyens suffisants pour analyser l’artificialisation de leurs sols. L’amendement reflète le souhait de plusieurs acteurs du monde agricole auditionnés sur le texte.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ce sujet constitue une source de préoccupation pour les élus locaux, comme l’ont montré les échanges que nous avons eus lors des auditions. À la suite du travail approfondi que j’ai mené avec Mme la ministre et son cabinet, je vous propose, par cet amendement, que les communes de moins de 3 500 habitants établissent le rapport tous les deux ans et que celles de plus de 3 500 habitants le publient annuellement. Cela me paraît une avancée notable et un bon compromis. Je vous demande de retirer vos amendements au profit du CS5153.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le projet de loi prévoit une remise annuelle, les deux premiers amendements, une publication trisannuelle, et celui du rapporteur, une parution bisannuelle pour les communes de moins de 3 500 habitants. Cette dernière proposition me paraît une solution de compromis, à laquelle je me rallie. Avis défavorable sur les amendements CS1683 et CS3734, et favorable sur l’amendement CS5153.

M. François-Michel Lambert. La rédaction que je propose a le mérite de la simplicité, ce qui, me semble-t-il, répond aux attentes des élus locaux. Le seuil des 3 500 habitants entraînera des effets injustifiés. Des communes de 3 501 habitants n’ont quasiment pas d’espace foncier, tandis que d’autres, moins peuplées, peuvent être les plus vastes de leur département. Essayons de faire simple.

M. Dominique Potier. L’essentiel est qu’une évaluation soit faite à mi-mandat. Monsieur Lambert, l’effet de seuil sera neutralisé si l’EPCI se voit reconnaître la compétence, ce qui se produira, dans les années à venir, dans 99 % des cas. Le rythme biennal me convient, car il permet un bilan d’étape.

Je reviens sur un débat que nous avons eu précédemment. Il est à souhaiter que l’instrument comptable proposé par le CEREMA soit retenu, afin que les communes et les intercommunalités disposent d’un outil commun leur permettant d’établir des comparaisons et de communiquer. À défaut, la confusion risque de s’installer.

L’amendement CS3734 est retiré.

Successivement, la commission rejette l’amendement CS1683 et adopte l’amendement CS5153.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5136 du rapporteur.

Amendements identiques CS1526 de Mme Claire Pitollat, CS2894 de M. Matthieu Orphelin et CS3429 de M. Dominique Potier.

Mme Delphine Batho. Il s’agit d’insérer dans le texte, au côté de l’artificialisation, la notion d’imperméabilisation, sujet sur lequel un amendement a été adopté tout à l’heure.

M. Dominique Potier. L’amendement vise à faire figurer à l’alinéa 5 la notion d’imperméabilisation conjointement à celle d’artificialisation.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’imperméabilisation est un enjeu important, mais cet ajout constituerait une difficulté supplémentaire pour les exécutifs locaux. Nous leur demandons déjà des efforts substantiels en leur imposant des délais et des contraintes liés à la gestion de l’artificialisation au cours des dix années à venir.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’artificialisation, à mon sens, est une notion globale, qui inclut plusieurs composantes, dont l’imperméabilisation. Je ne suis pas sûre qu’il faille mettre en exergue l’imperméabilisation dans un rapport sur l’artificialisation. Elle pourra faire partie des indicateurs communs. Avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. L’artificialisation peut se faire à l’aide de matériaux poreux. La question, ici, est de savoir comment le sol peut se gorger d’eau, de quelle manière les nappes phréatiques seront alimentées. Il me paraît important d’introduire d’ores et déjà la notion d’« imperméabilisation » dans notre droit, parce qu’elle complète celle d’artificialisation et que, demain, l’eau sera véritablement un enjeu – il est déjà prégnant dans les territoires. Toutes les communes se demandent quels matériaux poreux utiliser, par exemple dans les cours d’école.

M. Dominique Potier. En matière de rénovation énergétique, si on décide d’épaissir une couche d’isolant de 2 centimètres afin de passer de la classe C à la classe B, cela ne représente pas un coût très élevé. En revanche, lorsqu’on s’est lancé dans la voie de la limitation de l’artificialisation, engager une réflexion sur les moyens de limiter les désordres dans le cadre de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI) est une démarche supplémentaire. Je suis d’accord pour une rédaction rendant facultatif le travail d’analyse de l’imperméabilisation, mais ce serait une erreur de faire l’impasse sur le sujet, alors qu’il existe plusieurs modalités d’artificialisation dont les effets sur le réseau hydraulique sont variables.

M. François-Michel Lambert. Si vous estimez que l’ajout de ce terme complexifierait le rapport, il me semble d’autant plus opportun de prévoir sa remise tous les trois ans. Je préfère un rapport triennal qui permette de comprendre précisément ce qui est fait dans le domaine foncier à un rapport annuel limité à l’artificialisation stricto sensu, décrivant la construction de places de stationnement gazonnées ou en couches de goudron pouvant atteindre quarante ou cinquante centimètres d’épaisseur. La stratégie à suivre doit être de garder le sol vivant, voire de rendre possible un retour du foncier.

M. Martial Saddier. À mon sens, il faudrait employer le terme de « désimperméabilisation ». Compte tenu de ce qu’on a voté, et de l’état des connaissances, du travail des bureaux d’études, des architectes, je pense qu’on ne goudronnera plus et qu’on n’imperméabilisera plus un parking comme on le faisait jusqu’à présent. L’enjeu majeur, dans les années à venir, sera la désimperméabilisation. Le mot n’est peut-être pas entré dans le dictionnaire, mais il apparaît dans le onzième programme des agences de l’eau voté dans le cadre des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

Mme Delphine Batho. Nous avons adopté tout à l’heure l’amendement CS4068 de Mme Tuffnell, qui me paraît plus pertinent que celui-ci – au passage, le sujet qu’il abordait n’est pas véritablement traité par le code de l’urbanisme. L’artificialisation et l’imperméabilisation, ce n’est pas la même chose. Il faut arrêter l’artificialisation, pas seulement au regard de l’enjeu de l’eau, mais aussi pour des raisons tenant au stockage du carbone ou à la biodiversité, pour ne citer que celles-ci. L’imperméabilisation ou désimperméabilisation constitue un autre enjeu essentiel, qui renvoie à la question de l’eau mais aussi, par exemple, aux îlots de chaleur. Il n’est pas certain, cela dit, qu’il faille traiter ce problème dans le rapport établi par les collectivités.

M. André Chassaigne. Je me noie dans ce débat ! Je pensais naïvement qu’un texte de loi était précisé par des décrets d’application. Dans mon esprit, l’adoption du rapport annuel sur l’artificialisation des sols donnerait lieu à un décret stipulant les points à aborder dans celui-ci.  Je ne vois pas comment on peut définir exhaustivement le contenu du rapport dans la loi.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le décret doit, en effet, préciser le contenu du rapport. Cela étant, le débat est légitime. Quand on imperméabilise, il est certain qu’on artificialise ; lorsqu’on artificialise, on peut éventuellement utiliser des matériaux poreux. Peut-être serait-il intéressant de faire la différence. Il peut être utile de savoir, par exemple, qu’une cour d’école a fait l’objet de travaux pour être rendue poreuse. Je vous propose qu’on y réfléchisse, et je m’engage à ce que le décret respecte l’esprit de notre discussion en définissant les types d’artificialisation et en prévoyant un sous-ensemble pour suivre l’imperméabilisation.

La commission rejette les amendements.

9.   Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous poursuivons l’examen des articles.

Nous avons déjà examiné 2 946 amendements, à un rythme de quarante amendements à l’heure, ce qui est plutôt bien.

Article 50 (suite) (article L. 2231-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Présentation d’un rapport local annuel sur l’artificialisation des sols

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CS410 de Mme Valérie Beauvais et CS445 de M. Pierre Vatin ainsi que, successivement, les amendements CS3886 et CS3887 de M. Jean-Luc Lagleize.

Amendement CS1878 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 5 par la phrase suivante : « Il rend compte de son action en matière d’urbanisme pour favoriser la proximité et la diversité des fonctions urbaines et rurales ». La densité de population est essentielle pour assurer la présence et la vivacité du tissu économique et social de proximité. Elle offre aux commerces de proximité une voie de développement. L’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols participe de cette densification du tissu urbain et para-urbain.

Toutefois, afin de lutter contre le phénomène de spécialisation fonctionnelle de quartiers et recréer des bassins de vie, il est nécessaire que l’objectif de lutte contre l’artificialisation s’accompagne d’une réflexion sur la nécessité de rapprocher services publics, espaces commerciaux, artisanaux, lieux culturels, infrastructures sportives des lieux d’habitation. En ce sens, nous proposons que le rapport présenté par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sur l’artificialisation des sols fasse état de son action en matière d’urbanisme, pour favoriser cette proximité.

L’amendement a été travaillé en lien avec la chaire entrepreneuriat territoire innovation (ETI) de l’université Panthéon Sorbonne, dirigée par le professeur Carlos Moreno, bien connu pour ses travaux portant notamment sur la ville du quart d’heure.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. L’amendement vient surcharger le rapport que doivent rédiger les maires et présidents d’EPCI. Hier soir, nous avons discuté de ce travail, qui n’est ni évident ni facile, et échangé sur sa fréquence de réalisation. Nous devons être prudents, à chaque fois que nous alimentons ce rapport. Un décret en Conseil d’État viendra préciser les indicateurs utilisés. L’objectif n’est pas de recréer des documents qui peuvent exister par ailleurs, dans les intercommunalités ou les schémas de cohérence territoriale (SCOT). J’émets un avis défavorable à l’amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Même avis. À ce stade, nous n’avons pas besoin de préciser dans la loi le contenu du rapport annuel avec ce degré de détail.

M. François-Michel Lambert. Nous en revenons à nos débats d’hier. Fixer un délai de réalisation moins serré – l’Association des petites villes de, France recommandait un rapport tous les trois ans – visait à donner le temps de structurer la réflexion sur l’urbanisation, l’artificialisation et l’imperméabilisation. Une vraie réflexion doit en effet être menée sur ce sujet. En imposant un rapport annuel aux communes de plus de 3 500 habitants, conformément à l’amendement du rapporteur adopté hier, on diminue la qualité des informations que l’on peut espérer recueillir.

Je maintiens donc l’amendement, et m’interroge sur la volonté de construire des outils, qui dépassent le seul indicateur du taux d’artificialisation des sols.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5158 du rapporteur.

Amendements CS1770 de Mme Anne-Laurence Petel, CS5226 de Mme Patricia Lemoine et CS4070 de M. Bruno Duvergé (discussion commune).

M. Jean-Luc Fugit. L’amendement CS1770 vise à compléter l’alinéa 6 en insérant un recensement des friches agricoles et industrielles ainsi que des locaux commerciaux et bureaux vides dans le rapport annuel de lutte contre l’artificialisation prévu par le présent projet de loi. Les élus locaux n’ont pas nécessairement une information exhaustive sur l’occupation réelle des locaux commerciaux et des bureaux dans l’ensemble de leur territoire. Pourtant, il s’agit d’un élément essentiel pour mener une politique d’urbanisme à la fois efficace pour répondre aux enjeux économiques et sociaux, et respectueuse de l’environnement.

M. Bruno Duvergé. L’amendement CS4070 a pour objet d’aider les communes rurales à ne pas mourir. On est tous d’accord sur le fait qu’il faut non pas étendre les villages vers l’extérieur mais densifier leur centre. De nombreux maires ne sont pas conscients des friches, notamment agricoles, qui s’y trouvent. Au centre des villages, il y a des bâtiments agricoles, souvent de belle facture, qui pourraient être transformés en habitations. Réaliser un inventaire de tels bâtiments aiderait les maires à se rendre compte de ce que peut devenir le centre du village, et de la manière dont on pourrait le densifier.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je partage la préoccupation de ces amendements. Néanmoins, nous parlerons à l’article 53 des inventaires des zones d’activité qui seront réalisés et donnerons, après l’article 53, une définition des friches. Ces réponses seront plus adaptées. Je vous demande donc de retirer les amendements. À défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Le rapport annuel – pour les petites communes, il est bisannuel – a vocation à renseigner quelques indicateurs chiffrés. On peut préciser que ces indicateurs visent l’artificialisation, et, pour revenir au débat d’hier soir, qu’ils traitent de l’imperméabilisation, à l’intérieur de l’artificialisation. Ces indicateurs chiffrés ne sont pas un recensement.

Le recensement des friches se fait ailleurs, dans les bases que nous avons lancées avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), notamment la fameuse base Cartofriches. Le rapport donne quelques indicateurs de base, qui aident à la décision. L’analyse plus précise est réalisée par d’autres outils, y compris les observatoires.

C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements. L’amendement CS4070, notamment, prévoit un inventaire beaucoup plus ambitieux, qui est actualisé tous les six ans : il n’a pas de rapport direct avec le simple rapport sur l’artificialisation.

M. Jean-Luc Fugit. Sur le fondement des explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je retire l’amendement CS1770.

M. Michel-François Lambert. Sur ce sujet, j’ai dû faire une erreur technique car un de mes amendements a été jugé irrecevable. Le propre de la discussion en commission est de permettre un échange avec le rapporteur, ou la rapporteure, et le ministre, ou la ministre. Seriez-vous prêts à travailler sur le taux d’occupation des bâtiments publics, indépendamment du taux de vacance ? C’est un des enjeux : certaines collectivités disposent de nombreux bâtiments dont le taux d’occupation n’est que de 5 % ou 10 %. Ils sont donc considérés comme non vacants. Ces taux très faibles posent pourtant la question d’une intensification d’usage, dans la stratégie de maîtrise de l’artificialisation des terres. Un amendement retravaillé d’ici à la séance pourra-t-il bénéficier d’un regard positif du rapporteur et de la ministre ?

M. Bruno Duvergé. Je me permets d’insister sur les friches agricoles. Tous les articles qui mentionnent les inventaires de friches traitent des friches industrielles, artisanales ou commerciales, jamais des friches agricoles. Il faut un dispositif complet pour aider les maires ruraux à densifier le centre de leur village. Cet inventaire des friches agricoles serait une première étape. Il faudrait ensuite des dispositifs fiscaux, notamment des taux réduits de TVA, qui permettraient de transformer les bâtiments agricoles en habitations.

Je maintiens donc l’amendement CS4070.

M. Martial Saddier. Je ne pensais pas intervenir ce matin, mais je dois souligner qu’un éventuel débat sur les friches agricoles dans les dents creuses devra aborder, très calmement, la question des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), de leur droit de préemption et du coût de l’ancien bâti agricole et du foncier agricole.

En zone de montagne, nous connaissons parfaitement la question. D’anciens villages agricoles, où personne ne voulait habiter il y a un siècle, sont devenus des stations de ski. Je vous laisse imaginer l’évolution du prix du foncier… On se retrouve effectivement avec d’anciennes friches agricoles comme dents creuses, au cœur du village. Si vous ajoutez la suppression des coefficients d’occupation des sols (COS) dans ces zones, vous voyez que le sujet mériterait une expertise particulière, si vous vous y attaquez.

L’amendement CS1770 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS5226 et CS4070.

Amendement CS4192 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Véronique Riotton. Cet amendement précise que le rapport annuel sur l’artificialisation indiquera les besoins à venir en matière non seulement d’habitat mais aussi d’activités économiques, commerciales ou industrielles.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous l’avons dit, le rapport n’a pas besoin d’être alourdi. Les éléments que vous demandez sont déjà compris dans d’autres documents, à d’autres niveaux, plus appropriés, qu’il s’agisse du SCOT ou du plan local d’urbanisme (PLU). Contentons-nous du décret en Conseil d’État qui sera publié sur le contenu de ce rapport.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. On peut poser le principe de ce rapport dans la loi. Le décret précisera ensuite les différents champs qu’il couvre. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

Pour répondre à M. Lambert, une réflexion sur l’occupation des bâtiments est en effet nécessaire. Il faut évidemment mobiliser les logements et bureaux vacants. La question se pose également quand les bâtiments sont très peu utilisés. La stratégie foncière, territoriale des collectivités doit y répondre. La limitation des possibilités d’artificialisation conduira naturellement à ces débats. Si des outils supplémentaires paraissent nécessaires, je suis prête à y travailler. La question juridique est cependant posée différemment selon que les bâtiments sont vacants ou non. Elle ne sera pas entièrement traitée au travers d’un rapport. Nous partageons en tout cas la philosophie selon laquelle les bâtiments sous-utilisés doivent être mieux mobilisés.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1883 de M. Thibault Bazin.

Elle adopte les amendements rédactionnels CS5159 et CS5160 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CS2897 de M. Matthieu Orphelin, CS2975 de Mme Jennifer De Temmerman et CS3364 de M. Cédric Villani.

Amendement CS4205 de Mme Sandra Marsaud.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons répondu hier soir à cet amendement, en prévoyant de nouveaux délais de présentation du rapport. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons, je vous demande de retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3002 de M. Vincent Descoeur.

Amendement rédactionnel CS5161 du rapporteur.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Martial Saddier. Nous venons d’adopter l’amendement CS5160, présenté comme rédactionnel, du rapporteur. Il vise à compléter l’alinéa 7, qui dispose : « Ce rapport est présenté au plus tard le 31 mars de chaque année pour l’année civile précédente. Il donne lieu à un débat devant le conseil municipal ou l’assemblée délibérante. » Or la phrase ajoutée indique : « Le débat est suivi d’un vote. » Un amendement qui ajoute que le débat d’un conseil municipal est suivi d’un vote, n’est pas rédactionnel.

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous avez de nombreux administrateurs. Les députés, qui plus est dans l’opposition, découvrent le texte réécrit de A à Z par le rapporteur. Je le dis avec beaucoup d’amitié et de respect, ce n’est pas bien. Un amendement qui rajoute que le débat est suivi d’un vote n’est pas rédactionnel.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CS5160 est bien rédactionnel puisque l’alinéa 8 évoque « le rapport et l’avis du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante ». L’ajout fait le lien entre l’alinéa 7 et l’alinéa 8.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je confirme ce que dit M. le rapporteur. L’alinéa suivant prévoit que l’avis du conseil municipal fait l’objet d’une publication. Cela signifie bien que le conseil municipal a rendu un avis, à travers un vote. L’amendement CS5160 est donc une explication.

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas la première fois. Il faut une grande vigilance. Un amendement rédactionnel est un amendement qui ne change pas une virgule aux conséquences juridiques du texte. Il faut y faire attention.

Mme Émilie Chalas. J’entends l’argument de mes collègues, mais il faut garder raison. Lorsqu’un conseil municipal débat sans émettre un avis délibératif, il prend acte. Donner un avis dans un conseil municipal, c’est bien délibérer.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je prends note d’accorder une plus grande vigilance aux amendements rédactionnels.

M. Martial Saddier. Le débat n’est pas de savoir s’il s’agit d’un avis ou d’un vote. Sur le fond, sous la Cinquième République, quand le rapporteur ou la ministre au banc annonce un amendement rédactionnel, tous les députés peuvent le voter les yeux fermés. Soit on continue dans cet état d’esprit, soit on a peur que l’amendement ne soit pas tout à fait rédactionnel. À la vitesse à laquelle vont les débats et à laquelle vous réécrivez le texte, ce n’est pas la peine que nous restions car il n’est pas possible de suivre. Je suis d’ailleurs persuadé que cela est valable pour tous les députés de la commission. Nous devons marcher en confiance et respecter quelques traditions, qui ont plus de cinquante ans d’âge.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Absolument, j’y veillerai par la suite.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS2724 de Mme Patricia Lemoine et sous-amendement CS5419 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’émettrai un avis favorable à l’amendement, si le sous-amendement est voté. Le sous-amendement précise que seule la première occurrence du terme « l’établissement public de coopération intercommunale » sera remplacée.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement CS2770 de M. Mohamed Laqhila.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Favorable, c’est la rectification d’une erreur matérielle.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS887 de M. Julien Aubert et amendements identiques CS124 de M. Dino Cinieri, CS349 de M. Martial Saddier, CS713 de Mme Émilie Bonnivard, CS777 de M. Gérard Menuel, CS1471 de M. Thibault Bazin, CS2764 de M. Mohamed Laqhila, CS2801 de Mme Florence Lasserre, CS3587 de M. Alain Perea et CS4421 de M. Arnaud Viala (discussion commune).

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1471 est un amendement de cohérence, pour que les rapports réalisés dans chaque collectivité soient bien transmis au président de l’établissement public de coopération intercommunale, porteur du schéma de cohérence territoriale. On l’imagine, mais cela va encore mieux en l’écrivant.

M. Alain Perea. J’avais prévu de défendre l’amendement CS3587 en disant qu’il était quasiment rédactionnel, mais étant donné ce qui a été dit, je dirai seulement « défendu ».

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement CS4421, similaire à celui de M. Perea, n’est pas rédactionnel.

M. Lionel Causse, rapporteur. La transmission du rapport est un sujet important. J’émets un avis favorable aux amendements identiques, et je vous demande de retirer l’amendement CS887. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les amendements ne sont pas rédactionnels, puisqu’il s’agit de préciser que le président de l’établissement public en charge du SCOT se voit transmettre le rapport annuel. C’est une question importante. Je suis favorable à la série d’amendements identiques, et défavorable à l’amendement CS887.

M. Thibault Bazin. Mon collègue Julien Aubert, mobilisé par le projet Hercule, à Matignon, acceptera que je retire l’amendement CS887 au profit des amendements de ses collègues du groupe Les Républicains, qui ont reçu un avis favorable.

L’amendement CS887 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CS124, CS349, CS713, CS777, CS1471, CS2764, CS2801, CS3587 et CS4421.

Amendements identiques CS125 de M. Dino Cinieri, CS778 de M. Gérard Menuel, CS888 de M. Julien Aubert, CS1707 de M. Thibault Bazin et CS3611 de M. Alain Perea et CS4327 de M. Arnaud Viala, et amendements CS1646 de M. Hubert Wulfranc et CS4863 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement CS778 précise que l’État transmet les données de l’Observatoire national de l’artificialisation des sols aux collectivités responsables de la rédaction du rapport sur ce thème. Nous avons longuement évoqué l’observatoire hier, et nous ne savons toujours pas s’il comprendra 1 250 structures ou une centaine, soit une par département. C’est à partir de ses données que les collectivités rédigent leur rapport.

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1707 traite d’une question fondamentale. On peut se fixer des objectifs mais il faut se donner les moyens de les atteindre. Or certaines communautés de communes ne disposent pas de système d’information apte à formaliser ces données, ce qui est nécessaire pour rédiger un rapport sérieux. L’État doit s’engager à transmettre les données, pour que les rapports puissent être réalisés en bonne et due forme. Imaginez la situation d’une communauté de communes de 6 000 ou 15 000 habitants ! L’État a les moyens, notamment par les directions départementales des finances publiques (DDFIP) de connaître certaines des évolutions qui peuvent être constatées.

M. Alain Perea. L’histoire de l’urbanisme dans notre pays a toujours été caractérisée par un échange entre les services de l’État et les collectivités territoriales. Avant de commencer un document d’urbanisme, il y a le processus du « porter à connaissance » de l’État, à partir duquel les collectivités élaborent leur stratégie. De même, pour le rapport sur l’artificialisation des sols, il serait bon que les services de l’État fournissent des informations.

Par ailleurs, cette majorité a toujours voulu mettre en avant l’État-conseil, non l’État‑censeur. L’État-conseil pourrait fournir des éléments, afin que ce rapport soit discuté et éventuellement voté, comme cela vient d’être décidé.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire que nous adoptions ces amendements, où l’État fournit des éléments aux communes, quelle que soit leur taille.

M. Hubert Wulfranc. Je rejoins ce qui vient d’être dit, en y ajoutant la dimension de sécurisation des données. Il y a un enjeu de taille pour sécuriser l’élaboration des documents par le porter à connaissance de l’État, comme mon collègue Alain Perea l’a rappelé.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CS4863 vise à ce que l’État transmette les données de l’Observatoire national de l’artificialisation des sols aux collectivités responsables de la rédaction du rapport annuel sur l’artificialisation des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous avez raison de rappeler l’importance du lien entre l’État et les collectivités territoriales. Ce lien existe déjà, de manière concrète : si une commune se lance dans un PLU, elle ira chercher les données auprès de l’observatoire, et celui-ci recherchera de quoi alimenter sa base de données auprès des permis de construire et des documents d’urbanisme. Le décret en Conseil d’État pourra éventuellement le préciser, si la ministre en est d’accord. Je ne suis pas persuadé qu’il faille inscrire cette disposition dans la loi, puisqu’elle se pratique déjà et doit être renforcée.

C’est pourquoi je vous demande de retirer les amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les données sont en effet déjà disponibles. Depuis peu, une base du CEREMA, qui est nationale mais avec une maille très fine, fournit ces données, avec une cartographie. Il suffit de cliquer sur le site pour obtenir la carte et connaître la consommation des espaces naturels, forestiers ou agricoles. Le CEREMA retravaillera la base pour passer à la notion d’artificialisation telle que nous l’avons définie, dans le délai prévu par le texte. Pour la première tranche de dix ans, les calculs se feront sur la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, qui est déjà couverte par le CEREMA.

Les amendements semblent donc satisfaits car les données annuelles sont déjà disponibles. On peut préciser la nature des données mises à disposition par le CEREMA dans le décret.

M. Thibault Bazin. Il est vrai que les données accessibles sont de plus en plus fournies. Elles permettent d’élaborer des cartes très intéressantes sur les évolutions, par exemple de la forêt, ou des terres agricoles, qui sont d’ailleurs parfois utilisées dans l’enseignement.

Ce n’est pourtant pas la même chose d’aller chercher des informations pour les traduire dans un rapport, ou de disposer d’un livrable de l’État, avec des totaux de surfaces. Dans un cas, on accède à une carte ; dans l’autre, on dispose des données avec les différentiels dans les évolutions, année après année. Il faut se mettre à la place des fonctionnaires territoriaux, qui devront collecter ces données. Ils doivent pouvoir accéder très simplement, en un clic, aux surfaces exactes.

M. Alain Perea. J’entends que ces données puissent être fournies par ailleurs. Cependant, le rapport pourra faire l’objet de recours et de débats : il doit avoir une base fiable. Si l’on n’inscrit pas la base légale de discussion et de réflexion dans la loi ni dans le décret, chaque maire pourra donner les mesures qu’il a réalisées lui-même, avec son décamètre.

Par ailleurs, j’ai compris que ces données avaient vocation à être agglomérées au niveau national, pour avoir une vision nationale. Si l’on n’a pas la même base de calcul au départ, on agglomérera des tomates et des carottes.

M. Hubert Wulfranc. Mon collège Alain Perea a raison. Si le maire n’a pas un écrit du préfet lui indiquant les données, si aucun document ne fait foi – il peut être réglementaire, vous faites comme vous voulez – l’élu local décide ce qu’il veut. Il faut que les maires aient un document sécurisé car il y va de leur responsabilité.

M. Dominique Potier. Je l’ai demandé dans des amendements il y a quelques jours, il faut un langage commun, stabilisé, qui permette d’avoir des statistiques solides. Je suis rassuré par le fait que la base est celle du CEREMA. Sur le plan interministériel, les autres outils utilisés à l’heure actuelle seront-ils abandonnés, pour parvenir à une unification de la comptabilité des sols ?

M. Lionel Causse, rapporteur. J’entends ce que vous dites. Ce fonctionnement des relations me paraissait être une évidence. Peut-être faut-il le préciser et le garantir, dans la loi ou le décret, comme je le propose. Le sujet pourrait être rediscuté ou la rédaction de l’amendement modifiée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je veux rassurer Alain Perea sur la réalité et la solidité de ce qui existe : il n’aura pas besoin de sortir son décamètre pour mesurer les terres. (Sourires.) Il est important que les données soient fiables. Celles du CEREMA croisent différents fichiers, dont des fichiers fiscaux. L’utilisateur entre le code postal d’une commune, pour connaître la consommation exacte des terres naturelles et agricoles, à l’échelle de la commune.

Par la suite, nous pourrions retravailler pour préciser le décret – les amendements ne sont pas rédigés en ce sens, mais nous avons du temps d’ici à la séance. Le décret précisera les modalités d’application des décisions et celles selon lesquelles l’État met à disposition des données car il est important que les données soient mises à disposition.

Je ne suis pas sûre que votre demande concerne la transmission des données, commune par commune, ou intercommunalité par intercommunalité. Il s’agit plutôt de fiabiliser la manière dont l’État met à disposition les données qui permettent de le faire. Je suis prête à retravailler le texte, et plus précisément l’alinéa sur le décret. Le système sera alors verrouillé. On pourra préciser la manière dont l’État met à disposition les données nécessaires à l’élaboration du rapport. C’est dans cet esprit que je vous propose de retravailler d’ici à la séance.

M. Thibault Bazin. Nous maintenons l’amendement CS1707, pour vérifier les éléments d’ici à la séance.

Les amendements CS3611 et CS4863 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements identiques CS125, CS778, CS888, CS1707 ainsi que CS4327, et l’amendement CS1646.

La commission adopte l’article 50 ainsi modifié.

Après l’article 50

Amendement CS3896 de Mme Valérie Petit et CS444 de M. Pierre Vatin (discussion commune).

Mme Valérie Petit. L’amendement CS3896 vise à expérimenter à l’échelle régionale un marché permettant d’échanger des droits à artificialiser, contre renaturation. La proposition procède de deux constats. Tout d’abord, nous constatons dans nos territoires le besoin d’offrir des projets plus nombreux en faveur de la biodiversité. Deuxième constat : nous ne sommes pas capables d’offrir aux collectivités, comme aux entreprises, des mécanismes de compensation réellement efficaces et transparents. Il s’agit d’expérimenter une forme de marché régional d’échange de titres, qui permettront de soutenir de nombreux projets en faveur de la biodiversité.

L’amendement CS3896 découle d’une proposition faite par France stratégie en 2019. Il a été travaillé avec la Caisse des dépôts, l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’Union nationale des entreprises du paysage. Il vise à améliorer les mécanismes de compensation, tout en renforçant la biodiversité. C’est un amendement innovant, que je vous conseille de soutenir.

M. Jean-Marie Sermier. Notre collègue Pierre Vatin propose un amendement similaire, que nous avons cosigné. La discussion sur l’article 50 a montré que les objectifs pouvaient être largement partagés mais que, depuis certaines années, voire des décennies, ils ne sont pas atteints et l’on constate une artificialisation galopante.

Avec l’amendement CS444, pour la première fois, à l’issue de ce constat partagé, on crée un outil pour permettre de combattre l’artificialisation. Il s’agit d’ouvrir une expérimentation dans cinq bassins de vie, pour instaurer un marché de droits à imperméabiliser, contre de la renaturation. Cela oblige localement à mener un débat sur les friches commerciales ou industrielles, et sur les lieux imperméabilisés, qu’on laisse tels quels. Or il peut exister des demandes dans un territoire, y compris dans des zones rurales. Une compensation entre des zones urbaines qui disposent de lieux imperméabilisés ou qui ne servent plus, et des petites communes, pour les aider à étendre leur zone habitable, peut permettre de soutenir efficacement la renaturation et de sensibiliser les élus, au travers un débat.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons commencé à discuter de ces expérimentations lundi soir. Je suis gêné par la notion de marché de droits à artificialiser. Aujourd’hui, la proposition n’est pas suffisamment précise. J’émettrai un avis défavorable, mais je suis prêt à en rediscuter avec vous, à un stade ultérieur.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet article, ainsi que les modifications que vous y apportez, réduira les possibilités d’artificialiser. Les outils de compensation vont donc arriver naturellement dans le débat, à l’échelle régionale, puis infrarégionale, à l’échelle des SCOT et des PLU. Ces discussions seront importantes, et utiles, et les débats passionnés : où peut-on continuer à artificialiser ? Si on continue, comment réduire le rythme et comment compenser ?

Mais il me semble précoce de parler de marché de droits à artificialiser, les schémas n’ayant pas encore été révisés. Vous prenez l’exemple de la compensation en matière de biodiversité. Je connais bien le sujet puisque j’ai participé à la création de l’Office français de la biodiversité et j’ai soutenu les opérations de renaturation et de compensation de la Caisse des dépôts – dont des opérations intéressantes en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Mais le processus était déjà bien avancé.

En l’espèce, la notion de compensation arrive après « éviter », puis « réduire ». Il faut donc d’abord essayer d’éviter l’artificialisation, puis tenter de la réduire, avant de réfléchir à la meilleure façon de la compenser. En ouvrant en parallèle une expérimentation sur un marché de droits, on ne passe pas forcément le bon message. C’est trop tôt. Il faut que la compensation trouve d’abord sa place à l’échelle de la planification. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Valérie Petit. J’aimerais qu’on se détende un peu à propos du « marché ». Ce n’est pas un gros mot ! Il peut rendre des services. La France est en pointe sur le marché européen du carbone – il s’agit pourtant bien d’un « marché » comprenant un mécanisme de compensation. Mon amendement ne fait que décliner cette philosophie, qui me semblait intégrée, y compris par la majorité. C’est pourquoi je maintiens le terme de « marché » et l’assume pleinement.

Avant d’être un mécanisme de compensation, c’est surtout une façon de stimuler les projets en faveur de la biodiversité et donc, in fine, de réduire et même d’éviter l’artificialisation puisque cela permettra aux entreprises d’enclencher plus rapidement une transition vertueuse et de soutenir des projets, aujourd’hui insuffisamment nombreux, en faveur de la biodiversité. Être en avance n’est pas un problème car nous devrions innover et, pour innover, il faut inventer et expérimenter. Je maintiens mon amendement.

M. Dominique Potier. Je partage l’analyse de la ministre déléguée, le risque de titrisation d’un marché de compensation est manifeste. Cela pourrait se substituer au nécessaire effort de planification et au renforcement des instruments à la disposition de la puissance publique.

J’en ai fait l’expérience localement : en réarmant un établissement public foncier ou une SAFER, nous créons des instruments publics de désartificialisation et de désimperméabilisation des sols. La compensation ne doit intervenir qu’en dernier recours et être financée de façon pérenne par des instruments publics. Dans le cas contraire, au vu des bénéfices extraordinaires engendrés par l’artificialisation dans certaines zones, le recours au marché peut conduire à pervertir l’attente écologique et à nous distraire de l’objectif de réduction. La puissance publique ne peut pas être corrompue par l’appât du gain.

Mme Delphine Batho. L’artificialisation est une drogue dure, dont il est difficile de se sevrer. La compensation et les mécanismes de marché ne sont que des subterfuges. Je m’oppose radicalement à ces amendements. Ces mécanismes sont un échec patent dans la lutte contre le changement climatique ou la préservation de la biodiversité, dont il convient de tirer les conséquences.

Vous avez pris l’exemple du marché du carbone : il ne fonctionne pas et le prix du carbone est extrêmement bas. C’est une vue de l’esprit que d’imaginer que la main invisible du marché permet la régulation naturelle et une réduction de la pollution ou de la destruction de la nature. Ce n’est pas ce qui se passe depuis trente ans.

Le débat doit se centrer sur la régénération de la nature et les modalités de désartificialisation, et non sur la compensation des destructions !

Mme Frédérique Tuffnell. J’appuie la demande de rapport de Valérie Petit, qui permettrait de faire un état des lieux et un bilan des nombreux dispositifs et outils, tant réglementaires que financiers, qui existent, dont un que nous n’avons pas cité : l’obligation réelle environnementale (ORE). Elle explose en termes de compensations, à un niveau bien supérieur à l’objectif fixé lors de sa création. Avec l’aide d’un opérateur, elle permet par exemple d’organiser la compensation nécessaire à une friche agricole dans un site naturel sur plusieurs années – jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans.

De même, les territoires d’innovation de grande ambition (TIGA) peuvent mener des expérimentations. Dans ce cadre, La Rochelle veut devenir un territoire zéro carbone. Ce type d’expérimentation s’appuie sur des échanges de contrats carbone, en fonction des émissions et des modalités de captation du carbone.

Mme Sandra Marsaud. Je partage l’analyse de la ministre déléguée et soutiens les modifications proposées par le rapporteur à l’article 48. Il faut bien dix ans pour y voir plus clair.

Effectivement, il faut se détendre. Mais nous sommes tous détendus car nous savons que, depuis vingt ans, de nombreuses et belles expériences ont produit des résultats. À cet égard, je salue le travail des architectes et des urbanistes.

Pour finir, j’évoquerai les vingt-cinq territoires pilotes de sobriété foncière, suivis par la ministre et ses services, en liaison avec le Plan urbanisme construction architecture (PUCA). Cela va nous donner de la latitude.

Mais, au regard de notre évolution démographique, que fait-on si on ne peut ni artificialiser ni compenser ?

M. François-Michel Lambert. Hormis Mme Marsaud, personne n’a évoqué la croissance démographique soutenue qui attend la France d’ici 2050 : on parle de 200 000 à 250 000 nouveaux habitants par an, soit un million par mandat parlementaire, ce qui représente plus d’habitants que la deuxième ville de France, Marseille. En outre, en Guyane, à Mayotte ou même dans l’Hexagone, la croissance ne sera pas équitablement répartie et il faudra donc l’accompagner, sans imaginer qu’on ne touchera plus un seul mètre carré d’espaces naturels, mais en réfléchissant aux meilleurs moyens de retrouver un équilibre. L’amendement de Valérie Petit est prévu pour durer un an, cela ne me semble pas particulièrement dangereux…

M. Loïc Prud’homme. Vous avez raison, madame Petit, le mot « marché » m’inquiète, et m’interroge. C’est l’organisation économique qui nous a conduits dans l’impasse climatique et environnementale actuelle, organisation dans laquelle la finance est prépondérante, et vous prétendez résoudre nos problèmes avec les mêmes outils. C’est un non‑sens absolu. Le marché du carbone en est l’illustration : il ne fonctionne pas ; c’est une chimère du capitalisme.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre déléguée, vous êtes une adepte d’Edgar Faure qui estimait que c’est un grand tort d’avoir raison trop tôt. Nous avons peut‑être raison à peine trop tôt, mais l’avenir nous confirmera la nécessité de disposer d’outils permettant de réduire l’artificialisation.

Vous souhaitez une réflexion préalable sur les documents d’urbanisme. Ce système de compensation, sans doute perfectible, ne tient pas du marché, mais bien d’une réflexion sur un territoire afin de trouver des équivalents artificialisation-renaturation. Le marché, grâce aux compensations, permettrait de fluidifier le système. À l’inverse, si nous attendons chaque renouvellement des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI), nous prendrons du retard.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Personne ici ne parle de déroger à l’objectif ou de rabattre nos ambitions en matière de réduction de l’artificialisation. La proposition de Mme Petit est prématurée même si elle soulève un sujet intéressant que nous devrons traiter, le moment venu. En effet, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) vont se décliner dans les SCOT et dans les PLUI, mais que se passera-t-il dans six à huit ans ? Il faudra peut-être alors apporter de la souplesse au dispositif, par le biais d’un système de réserve ou de compensation, sans déroger à l’objectif global.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Hier, nous avons longuement débattu des risques que le dispositif de réduction de l’artificialisation fait peser sur le développement des communes rurales. Vous avez raison, c’est une des questions de fond : comment trouver un équilibre à l’intérieur du périmètre d’un SCOT, afin de ne pas privilégier les zones les plus urbanisées, qui sont aussi celles qui ont les plus gros besoins démographiques, au détriment aux communes plus rurales ?

Vous avez été très nombreux, y compris du côté des Républicains, à attirer notre attention sur ce point. Or, tel qu’il est rédigé, l’amendement impose de démarrer l’expérimentation avant le 31 décembre 2022, en identifiant des bassins de vie – qui risquent d’être des bassins de vie ruraux – qui pourraient être candidats à la renaturation, c’est-à-dire à la désartificialisation. Ils deviendront donc, de fait, la réserve foncière de l’artificialisation d’autres zones, ce qui est l’exact opposé de ce que vous souhaitiez hier.

Je ne suis pas contre la compensation – elle viendra de toute façon dans la discussion – et je suis d’accord pour travailler dans l’esprit de la question posée pour la séance publique mais, tel qu’il est rédigé, cet amendement risque d’inciter les bassins peu artificialisés à renoncer à toute forme de développement. La discussion doit avoir lieu à l’échelle régionale, puis à celle des SCOT et des PLUI, avant toute expérimentation. Sinon, on prend un gros risque.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1506 de M. Dino Cinieri, amendements identiques CS443 de M. Pierre Vatin, CS925 de M. Paul-André Colombani et CS3892 de Mme Valérie Petit., amendement CS1049 de M. Emmanuel Maquet et CS5155 du rapporteur (discussion commune).

Mme Valérie Petit. Mon amendement précédent promet des débats extrêmement stimulants ! Dans la continuité, je propose ici un rapport sur les dispositifs existants.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous partageons votre préoccupation mais l’échéance prévue dans votre amendement est bien trop proche pour une politique de long terme. L’amendement CS5155, qui suit, propose un rapport à plus longue échéance pour évaluer la mise en œuvre de la stratégie dans cette première tranche décennale, afin de pouvoir préparer la deuxième période de dix ans. Je suis défavorable aux autres amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Vous connaissez l’appétence naturelle du Gouvernement pour les rapports. Je suis favorable à la demande de rapport du rapporteur, en fin de première période, afin de disposer d’un bilan, et défavorable aux autres amendements.

M. Martial Saddier. Ce rapport est absolument indispensable.

Je reviens sur notre débat concernant les précédents amendements : même si je comprends parfaitement les arguments de notre collègue Petit, évoquer des « droits à artificialiser » risque de déclencher un tollé. Ne serait-il pas préférable de s’intéresser à la nature du projet ? Ce n’est pas la même chose de rechercher dix ou quinze hectares de terrain pour un hôpital ou un projet d’intérêt général ou d’intérêt public, ou pour un autre type de projet. Ne serait-ce pas une porte d’entrée beaucoup plus acceptable ?

M. Dominique Potier. Je suis favorable au rapport que propose Mme Petit car on ne peut attendre dix ans pour envisager les différents scénarios ! En outre, pourquoi ne pas étudier le scénario suivant, que nous aimerions privilégier – c’était une des propositions de la mission d’information commune sur le foncier agricole ? L’augmentation significative de la taxe sur la cession à titrer onéreux de terrains nus à bâtir effacerait l’effet spéculatif du changement de destination des sols, et alimenterait un fonds public à destination des SAFER et des établissements publics fonciers (EPF). Cela permettrait de remettre sur le marché des terres polluées ou anthropisées – ce qu’on ne sait financièrement pas faire actuellement – ainsi que des dents creuses, tout en renaturant les terres qui peuvent l’être, en compensation des artificialisations indispensables. Par le biais d’un fonds et d’opérateurs publics, on créerait ainsi un lien entre l’acte d’artificialiser et la compensation.

Mme Valérie Petit. Mon rapport est prospectif, et non rétrospectif. J’ai beaucoup d’amitié pour le rapporteur mais, dix ans, ce n’est pas sérieux si nous voulons anticiper ! En outre, il convient d’évaluer les initiatives des collectivités, et d’en débattre, M. Potier a raison. Cela permettrait de disposer de scénarios documentés et d’une vision claire des innovations et des différentes options pour l’avenir. Ouvrons le champ des possibles, sans attendre dix ans.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le rapporteur, imaginez nos collègues en 2011 : auraient-ils demandé un rapport pour 2020 ? Entre 2011 et 2020, notre pays a connu plusieurs Présidents de la République et plus de deux législatures. Ce n’est pas réaliste…

Je défends l’amendement CS925 de M. Colombani car nous avons besoin de ce travail prospectif, Valérie Petit a raison. Le bilan, les services de l’État le feront. Travaillons sur l’amendement que nous proposons, ou sous-amendons celui du rapporteur.

Mme Frédérique Tuffnell. Je soutiens également l’amendement de mes collègues car ce travail prospectif est indispensable, dès maintenant.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Deux sujets différents émergent de notre discussion. D’une part, il faut un rapport d’évaluation, qui précise les orientations à adopter après la première décennie. Un tel bilan de l’évolution des SRADDET, des SCOT et des PLUI sera utile à nos successeurs. C’est l’amendement du rapporteur et j’y suis favorable.

D’autre part, vous soulevez la question prospective, celle de l’analyse critique des outils existants et de leur mise en valeur. Je veux bien réfléchir à ce point d’ici à la séance. Nous allons d’abord faire l’inventaire des rapports et bilans déjà publiés, puis nous ferons le lien avec l’amendement de M. Perea adopté hier, qui prévoit un rapport sur les outils fiscaux à la disposition des collectivités locales pour favoriser la lutte contre l’artificialisation. Ensuite, nous trouverons ensemble une date réaliste pour la remise de ce rapport. Dans l’attente, je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements.

Mme Valérie Petit. Je remercie la ministre déléguée pour cette ouverture. Je lui fais confiance pour que l’amendement que nous allons rédiger intègre tous les éléments. Étant donné que nous avons eu le courage de voter un rapport sur les voitures de collection, je ne doute pas que nous serons capables de voter un rapport sur ce sujet important !

L’amendement CS3892 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CS1506, CS443 et CS925, CS1049.

Article 50 bis (nouveau) : Institution d’une période décennale pour la production d’un rapport relatif à l’évaluation de la stratégie de lutte contre l’artificialisation

La commission adopte l’amendement CS5155 du rapporteur.

Article 51 (article L. 312-4 du code de l’urbanisme) : Insertion d’une densité minimale de constructions dans les grandes opérations d’urbanisme

La commission adopte l’article 51 sans modification.

Après l’article 51

Amendement CS4546 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Loïc Prud’homme. Il s’agit d’alerter sur la composition des géotextiles utilisés pour la stabilisation des sols, qui ne sont soumis à aucune norme. Ces applications végétales sont largement répandues sur les berges des cours d’eau, pour les confortements des digues, des talus et même pour limiter l’érosion des pistes de ski. Or ils ne font l’objet d’aucun marquage CE. Ce sont souvent des filets à base de fibres de coco qui sont utilisés. Tissés manuellement en Asie, les traitements chimiques qu’ils subissent sont intraçables. Nous plaidons pour une réglementation de l’utilisation de ces textiles tissés en fibres naturelles.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je comprends le sens de l’amendement puisqu’il s’agit de développer une filière plus écoresponsable. Mais le délai que vous indiquez – janvier 2022 – est trop court et le secteur risque de ne pas être en mesure d’évoluer aussi rapidement. Il pourrait alors être difficile d’effectuer les travaux de restauration des sols. Je sollicite le retrait de l’amendement afin de vérifier les enjeux économiques.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Ces filières ne sont pas suffisamment matures pour basculer au 1er janvier 2022.

M. Loïc Prud’homme. Madame la ministre déléguée, il ne s’agit pas de rendre obligatoire les fibres naturelles alternatives, mais plutôt d’assurer la normalisation de ces matériaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS3206 de Mme Sylvia Pinel, CS3309 de M. François Pupponi et CS3606 de M. Stéphane Peu.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement est porté par Sylvia Pinel, en lien avec l’Union sociale pour l’habitat (USH). Au-delà de la maîtrise de l’artificialisation, par celle de l’étalement, la croissance démographique à venir impose de densifier l’habitat. Mais cette densification doit se faire dans des îlots situés à proximité des transports collectifs. C’est le sens de notre amendement.

M. Hubert Wulfranc. Les règlements des PLU imposent déjà une densité minimale de construction dans certains secteurs. Il s’agit de l’imposer plus largement.

M. Lionel Causse, rapporteur. À proximité des infrastructures de transports collectifs, les PLU peuvent déjà prévoir des densités minimales de construction. En outre, l’amendement CS3898 de Valérie Petit prévoit que toute action ou opération d’aménagement impliquant une évaluation environnementale – cela concerne notamment les zones d’aménagement concerté (ZAC) – doit également faire l’objet d’une étude sur l’optimisation de la densité des constructions. Enfin, mon amendement CS5087 vise à encourager la densification des constructions.

Votre demande me semble donc satisfaite. Je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis sensible à la question de l’optimisation du foncier dans les PLU. En effet, si nous souhaitons moins artificialiser, tout en continuant à accueillir des habitants, il faut à la fois rénover le bâti existant et construire. Je n’oppose pas les deux.

L’amendement CS3898 vise le même résultat que les vôtres, mais avec un mécanisme plus opérationnel autour des ZAC. Il complète utilement le CS5087 du rapporteur qui inverse la charge de la preuve et permet d’accéder à tous les boni de constructibilité en cas de densification.

M. François-Michel Lambert. Les approches sont différentes puisque nous souhaitons inscrire une obligation dans la loi, alors que ces amendements proposent des incitations. Il faut rattraper notre retard en matière de taux de l’occupation des sols – en Europe, la France est, de très loin, le pays qui a le pire ratio de consommation foncière par habitant. Si nous ne consommions plus aucune terre jusqu’en 2050, nous ne rattraperions même pas le pire second, l’Allemagne. Les incitations ne sont plus suffisantes.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS5087 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Mon amendement répondra probablement aux préoccupations qui se sont exprimées depuis lundi soir sur l’importance de la densification urbaine. Pour favoriser une densité plus élevée, il propose d’étendre les dérogations aux règles des plans locaux d’urbanisme en matière de construction de logements. Il élargit aussi les possibilités de dérogations qui existent déjà pour les constructions en zones tendues, sous conditions.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis très favorable. L’amendement du rapporteur est très important car il inverse la charge de la preuve et permet d’accéder, de droit, à tous les boni de constructibilité en cas de densification. En l’état actuel du droit, ces boni sont accessibles si le PLU le prévoit. Si ce n’est pas le cas, il faut le réviser ou le modifier.

Demain, si vous adoptez cet amendement, la densification sera de droit à proximité des transports, sauf si les collectivités s’y opposent en inscrivant une disposition spécifique dans le PLU. Cela répond mieux à votre préoccupation que les amendements précédents, qui prévoyaient que le PLU fixe un niveau minimal de densité dans ces zones, sans plus de précision sur ce niveau.

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, vous êtes le champion olympique de ce projet de loi avec un tel amendement ! Franchement, déroger aux règles générales du PLU, aux dispositions relatives à la hauteur des bâtiments, aux limites séparatives, aux 50 % de boni de construction, au nombre de places de parking, ça décoiffe ! Ça décoiffe d’autant plus que vous prévoyez l’inversion de la charge de la preuve pour les élus locaux : en l’état actuel du droit, ils refusent un permis de construire non conforme au PLU ou au SCOT ; demain, l’autorisation sera quasi-automatique et c’est le maire qui devra justifier son refus !

C’est une remise en cause du code de l’urbanisme et de celui de la construction et de l’habitation ! J’espère que vous mesurerez les conséquences de telles dispositions d’ici la séance. Que va-t-il se passer dans les zones où la pression foncière est extrêmement forte ? Je vous laisse imaginer l’incidence de ces mesures sur le coût du foncier et la qualité de vie dans nos centres urbains.

Mme Delphine Batho. Bien sûr, on peut débattre de la densification, tout en réfléchissant à l’adaptation des villes aux changements climatiques, en prenant en compte les îlots de chaleur et la nécessaire végétalisation. Mais cet amendement est une bombe et la porte ouverte à la bétonisation et aux promoteurs ! Vous prévoyez ainsi une dérogation de 30 % aux règles du PLU sur le gabarit des immeubles.

De telles dispositions auraient dû figurer dans le projet de loi initial, afin que nous puissions correctement les étudier et les amender, d’autant qu’elles ont des lourdes conséquences sur la libre administration des collectivités territoriales, dont nous avons déjà beaucoup débattu.

M. François-Michel Lambert. Je vais peut-être être désagréable mais nous faisons l’effort de sourcer nos amendements – le dernier que j’ai défendu était issu de discussions avec l’USH. Je n’ose imaginer que votre amendement n’a pas fait l’objet d’une influence extérieure, monsieur le rapporteur.

Je reviens sur notre amendement précédent : nous souhaitions que le taux minimal soit défini dans le code de l’urbanisme et non dans le PLU. Il s’agissait donc bien d’un choix politique national, madame la ministre déléguée, et non de celui du pouvoir politique local. Nous divergeons profondément : doit-on laisser la liberté de surdensifier aux acteurs ou prévoir une stratégie nationale ? Nous plaidons pour la deuxième solution.

Mme Émilie Chalas. Monsieur le rapporteur, cet amendement me surprend. Il implique de multiples et considérables modifications et nous venons de les découvrir ! Cela mériterait des débats bien plus poussés et, surtout, des explications sur les enjeux liés au renversement de la responsabilité. J’ai porté des PLU, analysé des permis de construire et je suis extrêmement surprise : qu’en est-il des limites séparatives ? La règle des quatre mètres implique des enjeux sanitaires. Comment octroyer d’office 50 % de bonus à une opération et, dans le même temps, demander au maire de se justifier s’il souhaite les refuser ?

Je voterai contre cet amendement. Mesurez-vous la portée opérationnelle de telles modifications dans l’instruction des permis de construire ? Qu’en sera-t-il du pouvoir des maires de dire « non » à des permis de construire ?

Depuis vingt ans, je plaide pour une ville mieux insérée dans la nature, y compris dans les tissus périurbains. Je vous rejoins sur les enjeux de hauteur et la nécessité de ne pas tout artificialiser. Mais là, c’est une bombe !

M. Loïc Prud’homme. Monsieur le rapporteur, vous semblez très avenant et très sympathique et, en sifflotant tranquillement, vous remettez en cause la libre administration des collectivités territoriales ! Les maires seront tenus d’accepter tous les permis de construire ; c’est hallucinant ! Les élus locaux apprécieront… Vous faites sauter toutes les digues, à l’exact opposé de ce pour quoi nous plaidons tous : la maîtrise de la construction et de l’artificialisation du foncier.

Le présent projet de loi n’est pas là pour servir la soupe à Vinci, à Bouygues ou aux géants du BTP ! Je partage l’interrogation de mon collègue Lambert : qui a tenu votre plume ? Pourquoi cet amendement, qui est une véritable bombe atomique, arrive au milieu de nos discussions ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Ne forcez pas le trait, monsieur Prud’homme. Restons sur le fond.

M. Loïc Prud’homme. La parole est libre ! Je pose des questions et c’est mon droit.

M. Hubert Wulfranc. Cet amendement nous renvoie aux projets d’urbanisme des années soixante-dix, à une époque où les règles d’urbanisme étaient imposées, sous couvert, déjà, de construction de logements sociaux…

Votre amendement me heurte ; il est particulièrement attentatoire aux pouvoirs des maires ; il remet en cause la ville à échelle humaine. Vous allez réunir à nouveau toutes les conditions pour créer des cages à lapins, et non plus des logements sociaux ! Il est absolument inadmissible de prévoir une telle trajectoire dans le cadre de ce projet de loi !

Mme Chantal Jourdan. Je souscris aux arguments déjà avancés par mes collègues. L’amendement du rapporteur n’est pas du tout cohérent avec l’objectif de rééquilibrage entre les zones urbaines et rurales que ce projet de loi est censé poursuivre. Il entraînera, au contraire, un assèchement important des territoires ruraux, ce qui rend de plus en plus crédible la réalisation du scénario n° 3 exposé dans l’étude de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) intitulée Les nouvelles ruralités françaises à l’horizon 2030, que le président Chassaigne a évoquée hier soir.

Mme Frédérique Tuffnell. Le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés votera contre cet amendement. Nous en comprenons le sens : puisque nous voulons réduire de moitié le rythme d’artificialisation des terres, il faudra nécessairement construire plus densément. Toutefois, cet amendement présente un danger, notamment pour les communes de moins de 3 500 habitants qui n’arrivent déjà pas à respecter les exigences de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) s’agissant du nombre de logements sociaux. Si l’on ajoute de nouvelles contraintes à celle de l’éloignement du lieu de travail, la situation de ces petites communes deviendra très compliquée. Cet amendement doit, sans aucun doute, être retravaillé.

Mme Valérie Petit. Je remercie M. le rapporteur qui, en présentant cet amendement, a ouvert un débat très stimulant. Cependant, nous avons besoin de temps pour discuter de cette proposition. Le groupe Agir ensemble rejoint donc la position exprimée par Mme Chalas, M. Saddier et Mme Tuffnell.

M. Thierry Benoit. Je m’étonne de l’avis « très favorable » donné par Mme la ministre déléguée à cet amendement déposé par le rapporteur à ce moment précis du débat. J’aimerais donc en savoir plus sur la philosophie du Gouvernement s’agissant d’un sujet aussi fondamental.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je vous remercie toutes et tous de vos contributions au débat. Depuis lundi, nous avons examiné beaucoup d’amendements portant sur les enjeux de la densification. M. Lagleize, en particulier, en a déposé de nombreux à la suite de la mission temporaire que lui a confiée le Gouvernement sur la thématique du foncier. Il s’agit d’un sujet important, et je pense que certains éléments de mon amendement permettent de répondre à nos préoccupations. Lorsque nous travaillerons sur ces questions en séance, nous ne pourrons pas faire l’économie d’y apporter un certain nombre de réponses. J’entends cependant que l’inversion de la charge de la preuve, qui me semblait, à titre personnel, constituer une solution intéressante permettant d’atteindre nos objectifs, peut paraître un peu violente, voire difficile à mettre en œuvre pour les élus locaux. Nous devons à la fois avancer sur les questions de densification et nous assurer que le maire trouve toute sa place dans ce dispositif. Dans cette perspective, je retire mon amendement, sur lequel je retravaillerai en vue de la séance publique.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Merci, monsieur le rapporteur. Je salue votre sagesse.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je pense, comme Mme Petit, que cet amendement a le mérite d’ouvrir un débat important, qui rejoint d’ailleurs la question de la densité minimale de construction à proximité des transports collectifs. Dès lors que nous voulons consommer le moins de foncier possible, comment pouvons-nous utiliser au mieux le foncier déjà urbanisé ? Ce débat reviendra en séance, où nous examinerons probablement de nouveaux amendements sur ce sujet. Ainsi, les amendements CS3206, CS3309 et CS3606 évoquaient une « densité minimale » : je n’avais pas compris qu’elle serait fixée par l’État.

L’amendement du rapporteur inverse la charge de la preuve. Il prévoit la possibilité de déroger à la densité prévue dans le PLU, à travers des boni de densité de constructibilité, dans trois cas qui me semblent d’intérêt général : la proximité des transports en commun, la transformation d’immeubles existants de bureaux en immeubles d’habitation, et la présence d’espaces extérieurs dans la continuité des habitations. Ce dernier cas me semble correspondre à un enjeu actuel, puisqu’on invoque souvent la nécessité d’améliorer la qualité des logements en leur adjoignant des espaces extérieurs. Le rapporteur n’a pas inventé ces boni : ils sont déjà prévus par le code de l’urbanisme et peuvent être obtenus par un promoteur avec l’accord du maire. L’amendement du rapporteur prévoit simplement que ces boni s’appliquent désormais de droit, à moins que le maire s’y oppose. Je conviens que ce n’est pas tout à fait la même chose.

Il s’agit effectivement d’un sujet important, dont l’impact sur le code de l’urbanisme n’est pas négligeable. Je salue donc la sagesse de M. le rapporteur, qui retravaillera sur cette question d’ici à la séance. Nous n’échapperons pas à ce débat. Quelle densité de construction faut-il prévoir à proximité des transports publics ? Comment peut-on encourager la transformation de bureaux en logements ? Nous convenons tous que la présence de bureaux vides dans les secteurs où il manque des logements pose un problème. Les règles de constructibilité sont importantes dans la mesure où elles permettent l’équilibre économique des opérations foncières. Il ne s’agit pas de favoriser tel ou tel intérêt particulier, mais d’optimiser la consommation du foncier. Nous ne sommes pas favorables à l’étalement urbain quand il existe d’autres solutions. Si je suis très favorable à cet amendement, c’est parce que la question qu’il soulève est légitime et que la réponse qu’il apporte me paraît proportionnée. Quoi qu’il en soit, nous en reparlerons en séance.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Le débat n’est évidemment pas clos.

L’amendement est retiré.

Article 51 bis (nouveau) (article L. 300-1 du code de l’urbanisme) : Instauration d’une étude sur la densification dans le cadre d’opérations d’aménagement

Amendement CS3898 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Je remercie Mme la ministre déléguée de ses explications très claires.

Mon amendement prévoit que les opérations de revitalisation du territoire (ORT) sont vertueuses en matière de consommation foncière. Ainsi, la convention délimitant le périmètre des secteurs d’intervention et précisant les conditions de l’ORT doit fixer un seuil minimal de densité, éventuellement décliné par secteurs. Cette mesure rejoint celle que nous avons votée à l’article 49 s’agissant des grandes opérations d’urbanisme.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Après l’article 51

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS4138 de M. Aurélien Taché et CS1408 de M. Raphaël Gérard.

Amendement CS2004 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement reprend les recommandations du rapport de France Stratégie intitulé Objectif « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ? La France est très mal classée, par rapport aux autres pays européens, en matière d’artificialisation des sols rapportée au nombre d’habitants. Il est donc proposé de porter le COS à 0,3 en 2023, 0,35 en 2027 et 0,4 en 2030. Mais vous trouverez tous les détails dans le rapport de France Stratégie, un think tank libéral de gauche. (Sourires.)

M. Lionel Causse, rapporteur. Cet amendement me semble très directif. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Cet amendement, qui vise à réintroduire le COS qu’avait supprimé la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), ne permet pas d’aller au bout du débat relatif à la densité des constructions aux bons endroits.

M. Martial Saddier. La question de la densité ne doit pas faire oublier celle de la qualité. Dans les zones tendues, notamment dans les zones touristiques, toutes les décisions prises depuis dix ou quinze ans telles que la suppression des COS se sont traduites par une explosion du prix du foncier au mètre carré et par une dégradation très nette de la qualité des constructions. Il y a un an, aux élections municipales, beaucoup de maires sortants ont dû leur défaite à ce problème tandis que de nombreux candidats élus ont dû leur victoire à leur promesse de ne pas réaliser certaines constructions. Justement, dans beaucoup de villes, les premières décisions des nouveaux élus ont été d’annuler des dizaines de permis de construire. Aussi le législateur doit-il faire preuve de prudence.

Mme Émilie Chalas. Je souscris en partie aux propos de M. Saddier. Nos concitoyens refusent l’étalement urbain ; ils attendent avant tout de retrouver, dans leur quotidien, un peu de nature. Pourtant, ils ont besoin de logements, puisque les ménages s’éclatent. Ces deux demandes peuvent sembler contradictoires, mais le paradoxe peut être résolu par une double décision. D’une part, nous devons débattre à nouveau de la hauteur autorisée des constructions. D’autre part, au lieu de réintroduire des COS, nous pourrions créer un coefficient de non-artificialisation des sols – c’est en tout cas ce que je proposerai en séance. Les gens ne veulent plus d’une ville dense et hyperartificialisée. Nous devons construire une ville-nature, acceptable par tous.

M. François-Michel Lambert. Le COS est une notion d’urbanisme, qui ne vise pas à traduire un sentiment d’espace ou de verdure. Par ailleurs, je propose que cette mesure puisse faire l’objet de dérogations préfectorales : elle impliquera donc un dialogue entre l’État et les élus. Enfin, je reconnais que de nombreux maires sortants ont perdu l’élection en raison de programmes immobiliers, mais si la loi impose un COS, tout élu local devra nécessairement l’appliquer, et un nouveau maire ne pourra pas défaire aussi simplement qu’il le souhaiterait ce que ses prédécesseurs auront fait.

La commission rejette l’amendement.

Article 52 (article L. 752-6 du code de commerce) : Encadrement des modalités d’octroi de l’autorisation d’exploitation commerciale des projets engendrant une artificialisation des sols

Amendements identiques CS1305 de Mme Nathalie Bassire, CS4087 de Mme Huguette Tiegna, CS4656 de M. Jean-Charles Colas-Roy et CS4562 de M. Loïc Prud’homme ; amendements identiques CS3431 de M. Dominique Potier et CS3769 de Mme Anne-France Brunet ; amendements CS4663 et CS4662 de M. Jean-Charles Colas-Roy ; amendement CS2406 de M. Thierry Benoit (discussion commune).

M. Jean-Charles Colas-Roy. L’article 52 traite du sujet important de la lutte contre l’artificialisation des sols et prévoit un moratoire sur certains nouveaux projets de grandes surfaces commerciales.

Nous devons absolument soutenir les petits commerces de proximité. Nous le faisons déjà dans le cadre du plan de relance et des programmes « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain », mais nous devons aller encore plus loin. Les commerces physiques sont fortement concurrencés par le commerce en ligne, le e-commerce, qui implique le développement d’entrepôts géants souvent situés dans des zones périphériques ou rurales.

L’amendement CS4656 vise à assujettir les entrepôts de e-commerce aux mêmes règles que les surfaces commerciales. Il s’agit là d’un enjeu d’équité et de justice sociale. Certes, ces grands entrepôts de e-commerce créent des emplois – encore faudrait-il regarder la qualité et la pérennité de ces derniers –, mais ils en détruisent énormément dans les petits commerces qui périclitent et dans les centres-villes qui se paupérisent. Il s’agit également d’un enjeu de développement durable car, derrière les clics, il y a aussi des consommations superflues, du fret aérien et de l’artificialisation de terres.

Je vous invite donc à soutenir nos commerces de proximité et à écouter les membres de la Convention citoyenne pour le climat, qui nous demandent d’inclure le e-commerce et ses grands entrepôts dans le moratoire prévu à l’article 52.

M. Loïc Prud’homme. L’amendement CS4562, proposé par Les Amis de la Terre, vise à soumettre les entrepôts de e-commerce au régime de l’autorisation commerciale. Il s’agit d’une mesure d’équité basique. La lutte contre l’artificialisation des sols est un enjeu crucial de la bifurcation écologique, et les immenses entrepôts de e-commerce sont souvent les plus dévastateurs pour l’environnement.

Par ailleurs, ces grands entrepôts comme ceux d’Amazon ne sont pas souhaitables d’un point de vue économique. La descente aux enfers des petits commerçants, du fait de la crise que nous traversons, bénéficie aux grandes firmes transnationales comme Amazon qui, de surcroît, ne paient pas leurs impôts – nous pourrons d’ailleurs revenir sur ces questions d’équité fiscale. Les données de l’INSEE relatives au commerce non alimentaire révèlent que le e-commerce a détruit 80 000 emplois, en solde net, en France, entre 2009 et 2018. Au-delà de l’enjeu de la protection des sols, il est donc urgent de relocaliser la production et de favoriser le petit commerce.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’application de l’article 52 aux commerçants des centres-villes, des zones commerciales et aux acteurs du e-commerce est en effet un sujet important. Tout au long de l’examen de ces amendements, je rappellerai que le chapitre III vise à lutter contre l’artificialisation des sols et que les dispositions que nous adopterons doivent s’inscrire dans cet objectif.

Les amendements défendus jusqu’à présent ont deux objets.

Vous demandez, d’une part, que les entrepôts de e-commerce soient soumis au régime de l’autorisation commerciale, auquel ils échappent aujourd’hui. En effet, les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) statuent notamment en fonction des transports collectifs et des moyens de mobilité douce disponibles pour permettre à la clientèle de se rendre dans une zone commerciale. Les nombreux aspects examinés ne concernent pas les entrepôts logistiques, quels qu’ils soient ; il ne me semble donc pas utile de soumettre l’implantation de ces entrepôts à l’autorisation des CDAC.

Vous demandez, d’autre part, la suppression de l’exemption d’autorisation d’exploitation commerciale dans le cadre des ORT. Or nous sommes très attachés au développement de ces opérations, et nous pensons que le e-commerce peut contribuer au dynamisme des zones concernées.

Pour ces deux raisons, je donne dès à présent un avis défavorable à ces amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’article 52 traite de l’impact de l’implantation des centres commerciaux sur l’artificialisation des sols. Derrière cet enjeu, c’est aussi la question de notre modèle commercial et de nos modes de consommation qui est posée. Je suis sensible à cette problématique, qui est également un sujet important d’aménagement du territoire et qui nous conduit à nous interroger sur la façon dont nous protégeons les commerces de centre-ville – vous savez que le Gouvernement est très actif en la matière, notamment dans le cadre du programme « Action cœur de ville ». Sont aussi posées des questions d’équité entre le commerce physique et le e-commerce, ainsi que des questions relatives à la logistique et aux transports. Le débat que nous aurons sur les surfaces commerciales et les entrepôts de e-commerce se situe donc bien au cœur de ce projet de loi.

Vous proposez de soumettre les entrepôts de e-commerce au régime d’autorisation prévu dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation des sols. Or, à mon sens, la question de l’équité entre le commerce physique et le e-commerce se pose d’abord en termes économiques et fiscaux. Il convient de s’interroger sur la contribution de ces différentes activités économiques à la richesse nationale, sur la façon dont elles financent les biens communs, sur leur niveau de cotisation et sur l’équité de leur taxation. Toutes ces questions dépassent le cadre du projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Elles touchent à des sujets communautaires. Je pense notamment à l’évolution de la TVA intracommunautaire, qui sera discutée l’année prochaine. Ce sujet sera traité lors de la présidence française de l’Union européenne, dans laquelle nous entrerons de façon offensive. Le Gouvernement est sensibilisé à ces problématiques d’équité fiscale, dont nous pourrons d’ailleurs rediscuter dans le cadre d’un projet de loi de finances.

Si l’on sort de la question fiscale, on arrive à une question d’aménagement du territoire. À ce propos, je souligne d’ores et déjà l’importance de l’amendement CS5149 du rapporteur portant article additionnel après l’article 52, qui prévoit la possibilité d’introduire dans les SCOT un document spécifique consacré à l’aménagement et à la localisation des constructions logistiques et entrepôts. La plupart du temps, ces entrepôts sont mixtes, c’est-à‑dire qu’ils servent à la fois au commerce physique et au e-commerce – il existe peu d’entrepôts entièrement dédiés au e-commerce. Où convient-il d’implanter ces entrepôts ? Comment la législation peut-elle permettre à la fois de lutter contre l’artificialisation des sols et de promouvoir un aménagement du territoire responsable, tant en termes de concurrence commerciale que de gestion des flux de transport ? À mon sens, l’amendement CS5149 correspond assez bien à la philosophie sous-jacente aux amendements en discussion commune.

Le régime de l’autorisation d’exploitation commerciale concerne en réalité les surfaces accueillant du public ; il sert à réguler la concurrence directe entre les commerces de centre-ville et les surfaces commerciales situées en périphérie. Ce n’est donc pas le bon outil. La réponse doit plutôt être trouvée dans une planification de l’aménagement et de la localisation de ces entrepôts, qu’ils servent au commerce physique ou au e-commerce, lesquels sont par ailleurs soumis à d’autres autorisations nécessitant une évaluation environnementale. C’est dans le cadre des autorisations existantes et de la planification stratégique dont nous reparlerons tout à l’heure que nous pourrons répondre à la question posée par ces amendements, auxquels je donne d’ores et déjà un avis défavorable.

M. Dominique Potier. Les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre déléguée ne m’ont pas convaincu. Planifier, c’est déterminer ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas – on a expliqué, par exemple, qu’il existait un type d’habitat plus économe de l’espace que les autres. C’est donc, dans l’absolu, une atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, au nom de l’intérêt général et du bien commun qu’est la terre. De même, pour implanter un hôpital à un endroit pertinent, il faut parfois artificialiser quelques terrains et compenser cette opération. En l’occurrence, est-il utile de créer des surfaces commerciales supplémentaires en empiétant sur des espaces naturels ou agricoles ? Nous répondons très clairement par la négative, et nous en devons en tirer toutes les conséquences. Or l’article 52 ne fait que de l’affichage, car il n’interdit pas les entrepôts.

Par ailleurs, cet article prévoit beaucoup de dérogations pouvant être justifiées, selon l’exposé des motifs, « au regard des caractéristiques du territoire » – nous nous demandons ce que cela peut bien vouloir dire –, en particulier « d’une vacance commerciale constatée » – c’est stupéfiant – « du type d’urbanisation du secteur et de la continuité du projet avec le tissu urbain existant, ou d’une éventuelle opération de revitalisation du territoire, ainsi que des qualités urbanistiques et environnementales du projet présenté, notamment si celui‑ci introduit de la mixité fonctionnelle ». Il y a tellement de dérogations qu’il vaudrait mieux ne pas voter d’article !

Mme Anne-France Brunet. L’amendement CS3769, qui reprend les préconisations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), vise à durcir la possibilité de déroger au moratoire sur les exploitations commerciales en périphérie, afin que la mesure produise les effets escomptés en matière de lutte contre l’artificialisation des sols, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de préservation des emplois dans le commerce et de revitalisation des centres-villes. Le seuil de 10 000 mètres carrés ouvre une possibilité de déroger au moratoire trop importante, puisque 80 % des surfaces commerciales se situent en dessous de cette limite ; il convient donc de l’abaisser significativement. En outre, chacun des critères de dérogation énoncés peut être contourné très facilement ; aussi ces conditions devraient-elles être au moins cumulatives.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Mme Brunet vient de le dire, le plafond de 10 000 mètres carrés nous semble très élevé, d’autant qu’un grand nombre de projets d’implantation de surfaces commerciales sont très en deçà de cette limite. Les amendements CS4663 et CS4662 visent donc respectivement à ramener ce plafond à 5 000 et 3 000 mètres carrés.

M. Thierry Benoit. L’amendement CS2406 est issu des travaux de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, que j’ai présidée et dont M. Grégory Besson-Moreau était le rapporteur. Parmi les quarante et une propositions que nous avions formulées figurait celle d’un moratoire strict sur l’augmentation des surfaces de vente dans la grande distribution. Depuis les années soixante-dix, la France vit au rythme de la grande distribution : en périphérie des villes, les centres commerciaux s’étendent à tout-va. La dérogation prévue à l’article 52 pour les surfaces de vente inférieures à 10 000 mètres carrés est facilement accessible. Si nous voulons vraiment que ce projet de loi soit opérationnel en matière de maîtrise du foncier et de changement des comportements des consommateurs, nous devons orienter ces derniers vers les circuits locaux et les circuits courts. Nous pourrions ainsi expérimenter, pendant un certain temps, un moratoire strict qui ne serait que l’application d’une mesure annoncée par l’ancien premier ministre Édouard Philippe.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je rappelle que l’article 52 s’inscrit dans un chapitre consacré à la lutte contre l’artificialisation des sols ; or les entrepôts logistiques et de e‑commerce ne représentent que 0,5 % de ce phénomène dans notre pays. Pour autant, je ne dis pas qu’il n’y a pas de sujet ni de réponses à apporter. C’est la raison pour laquelle je défendrai tout à l’heure un amendement CS5149 visant à permettre aux collectivités de travailler sur la stratégie et la planification territoriales à adopter en la matière dans le cadre d’un document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL), qui pourra lui-même être décliné dans les documents d’urbanisme. Je crois en effet que c’est dans le cadre des PLU que beaucoup de réponses peuvent être apportées.

S’agissant du seuil de 10 000 mètres carrés, que certains veulent ramener à 5 000 ou 3 000 mètres carrés, je serai très prudent car j’entends lutter contre un phénomène affreux qui est celui des « boîtes à chaussures ». Plus nous ferons petit, plus nous trouverons une multitude de « boîtes à chaussures » le long de nos routes départementales et nationales. Peut-être vaut-il mieux, parfois, regrouper des commerces qui pourront mutualiser leurs parkings et certains de leurs services, quitte à ce que les CDAC se montrent plus exigeantes lorsqu’elles examinent ces dossiers.

Je réitère mon avis défavorable à tous ces amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En complément de ma première réponse, qui portait plutôt sur l’opportunité – ou non – de traiter des entrepôts de e-commerce à l’article 52, j’aimerais réagir à la question des seuils. L’article 52 ne dit pas du tout qu’il est possible d’artificialiser des sols pour créer de nouvelles surfaces commerciales inférieures à 10 000 mètres carrés. Au contraire, il pose un principe général d’interdiction de création de surfaces commerciales entraînant une artificialisation des sols, tout en prévoyant des possibilités de dérogation que M. le rapporteur proposera d’encadrer encore plus strictement. Au-delà de 10 000 mètres carrés, aucune dérogation ne sera possible. En dessous de 10 000 mètres carrés, la dérogation devra être justifiée, notamment par des besoins spécifiques ou par la proximité de zones déjà urbanisées. La question de la compensation se posera également. Quoi qu’il en soit, l’article 52 instaure un mécanisme restrictif, à la main des CDAC qui, le plus souvent, n’accorderont pas de dérogation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Pour être très précis, je défendrai ultérieurement deux amendements majeurs : l’amendement CS5325 rectifié visera à préciser les conditions de la dérogation prévue par l’article 52, tandis que l’amendement CS5149, que j’ai déjà évoqué, portera sur le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL).

M. Julien Aubert. Il est très difficile de s’exprimer en une minute sur des sujets aussi complexes : je devrai donc faire des choix.

Le e-commerce pose moins un problème d’artificialisation des sols qu’un problème d’émissions de CO2. Si nous voulons lutter efficacement contre le dérèglement climatique, nous devons faire comprendre à nos concitoyens qu’aller chercher au bout du monde des marchandises que l’on pourrait trouver dans un rayon plus étroit a forcément un coût écologique. En l’absence de taxe carbone, nous devons nous pencher sur les questions de logistique ; c’est pourquoi je suis favorable aux amendements qui viennent d’être défendus. Je ne comprends pas que le rapporteur, après nous avoir expliqué que les CDAC, constituées à l’échelle du département, représentaient un niveau trop local pour régler ce problème, propose à présent d’agir dans le cadre des SCOT qui, dans ma circonscription, sont élaborés à un niveau infradépartemental. Je ne vois pas pourquoi ces questions de logistique ne pourraient pas être discutées au niveau du département. Il ne faut pas régler un problème purement économique de concurrence déloyale entre la grande distribution, les petits commerces de centre-ville et le e-commerce en mettant en avant de fallacieux prétextes environnementaux ; pour autant, nous devons rester fermes sur ces sujets.

M. Guillaume Kasbarian. Je soutiens la position de M. le rapporteur et de Mme la ministre déléguée. Permettez-moi de citer quelques chiffres illustrant le poids des entrepôts logistiques dans l’artificialisation des sols. Selon Eurostat et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), la surface artificialisée par l’ensemble des entrepôts logistiques de France représente 230 kilomètres carrés, soit 0,78 % des 29 373 kilomètres carrés artificialisés dans notre pays. Si nous considérons maintenant la surface bâtie, les 76 kilomètres carrés des entrepôts logistiques correspondent à 0,93 % des 8 159 kilomètres carrés bâtis en France. Autrement dit, ces entrepôts représentent moins de 1 % du problème. Aussi débattons-nous d’un sujet purement symbolique.

Mme Delphine Batho. La position du rapporteur et du Gouvernement s’éloigne radicalement de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat, qui était la suivante : « prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace ». En réalité, l’article 52 pose deux problèmes : outre les multiples dérogations qu’il prévoit, il ne s’applique pas au e-commerce alors même que le droit européen ne distingue pas le commerce en ligne du commerce physique.

L’empreinte carbone du e-commerce est catastrophique, comme le confirme un rapport commandé par le Gouvernement. Ce mode de consommation contribue par ailleurs à la délocalisation de l’économie ; en cette période de pandémie, un consensus national aurait dû se former autour de la nécessité de défendre le commerce de proximité et d’organiser la relocalisation de l’économie. Enfin, toutes nos propositions visant à assurer une équité fiscale entre le commerce physique et le commerce en ligne ont été repoussées.

Pour toutes ces raisons, je soutiens ces amendements visant à rendre les dérogations exceptionnelles et à étendre le champ d’application de l’article 52 au e-commerce.

Mme Marie Lebec. Ce débat est fondamental et très intéressant.

Nos collègues proposent d’aligner le régime des entrepôts sur celui des zones commerciales. Or les entrepôts ne sont pas des zones commerciales, mais des zones industrielles ; à ce titre, la plupart d’entre eux sont soumis à la réglementation applicable aux installations classées protection de l’environnement (ICPE), et donc à des obligations environnementales très contraignantes.

On a tendance à considérer qu’en s’attaquant aux entrepôts, on favorisera les commerces de proximité. C’est méconnaître la filière logistique que de tenir ce discours. En effet, les entrepôts de stockage ont de multiples fonctions : ils servent à la fois au commerce traditionnel et au commerce en ligne.

Alors que nous sommes censés discuter de la lutte contre l’artificialisation des sols, certains essaient de dévier le débat vers la question du e-commerce. Or, dans le cadre de la crise sanitaire, on a beaucoup insisté sur la nécessaire digitalisation du commerce de proximité, qui aura donc besoin de ces entrepôts logistiques. Ne mélangeons pas tout : lutter contre l’artificialisation des sols ne consiste pas à lutter contre la présence d’entrepôts sur notre territoire.

Mme Aude Luquet. Les collectivités, qui sont en concurrence pour accueillir les entrepôts de e-commerce, seront libres de restreindre ou non ces implantations, d’autant qu’une ordonnance de 2020 permet déjà de les intégrer dans le volet commercial des SCOT, lesquels ne seront révisés que dans trois ans. Il faut certainement trouver un moyen d’encadrer ces implantations, mais l’autorisation commerciale d’exploitation n’est pas le bon outil pour le faire.

M. Dominique Potier. L’article 52 ne concerne pas 80 % des implantations futures : c’est donc un article pour presque rien. Pire, c’est un article qui fait semblant au lieu de faire, car notre expérience de terrain nous conduit à penser que la dérogation sera accordée quasi systématiquement, sous l’effet des pressions financières et des pressions pour l’emploi.

Le modèle commercial dont le déploiement est permis par cette désinvolture détruit des sols – 1 % des sols artificialisés, c’est énorme au regard des futurs besoins d’aménagement du territoire – et des emplois. Ce modèle de développement est contraire à nos valeurs. À écouter certains collègues de la majorité, je me dis que le monde d’après n’aura pas passé l’hiver. Vous préparez le retour au monde d’avant, mais en pire.

M. François-Michel Lambert. Il faut distinguer les zones commerciales, pour lesquelles nous demandons un abaissement du seuil des 10 000 mètres carrés, et les entrepôts logistiques.

Qui osera contester que notre gestion des espaces commerciaux et des espaces logistiques est un échec – qui n’est évidemment pas imputable à la majorité actuelle – quand on compare la situation française à celle des Pays-Bas, de la Belgique ou de l’Allemagne ? Cet échec est dû à une absence de planification. Cependant, l’amendement CS5149 défendu par M. le rapporteur ne nous permettra pas d’agir à la bonne échelle. En mars 2016, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique avait présenté en conseil des ministres la stratégie nationale « France Logistique 2025 », qui a complètement disparu depuis que M. Macron est devenu Président de la République. Peut-être devrons-nous engager une nouvelle réflexion quant à la stratégie à appliquer en la matière, à sa déclinaison dans les territoires et à la façon dont elle pourrait soutenir le développement économique, notamment celui des commerces de proximité.

Mme Huguette Tiegna. Je vous remercie, madame la ministre déléguée, de nous avoir donné quelques éléments d’information. Toutefois, l’article 52 m’inspire deux inquiétudes.

Tout d’abord, l’ordonnance de 2020 relative à la modernisation des SCOT a déjà intégré les entrepôts logistiques dans le volet commercial de ces schémas. Comment concilier la volonté d’instaurer un moratoire sur l’implantation de certaines grandes surfaces commerciales, issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, avec la révision de ces SCOT, qui interviendra dans trois ans ?

Par ailleurs, la crise sanitaire a entraîné une flambée des ventes en ligne, notamment sur Amazon. Cette entreprise de commerce en ligne continuera, dans les années à venir, d’avoir besoin d’entrepôts. Comment pouvons-nous nous assurer que ces entrepôts seront toujours situés en zone urbanisée et qu’ils n’occasionneront pas une nouvelle artificialisation des sols ?

Mme Émilie Chalas. En associant trois sujets – l’artificialisation des sols, l’équilibre commercial au sein des territoires et une critique du système de consommation, ces deux derniers ne relevant pas du texte – la première série d’amendements identiques est spécieuse et je ne la soutiendrai pas.

S’agissant de la seconde, je rappelle qu’en 2020, seuls huit projets ont excédé les 10 000 mètres carrés. Le problème du seuil se pose donc. J’ai entendu les arguments de M. le rapporteur sur la multiplication des « boîtes à chaussures » mais si les CDAC et les SCOT, donc, les élus locaux, ont en l’occurrence leur mot à dire, la loi se doit quant à elle de pointer les projets qui entraînent une artificialisation des sols beaucoup trop importante. Je rappelle également qu’au titre du code de l’urbanisme, seule la destination des sols compte. Nous devons nous montrer exigeants et je soutiens donc les amendements visant à réduire le seuil ouvrant droit aux dérogations.

Mme Valérie Petit. Mme la ministre déléguée a fort bien posé le débat. Il ne faut pas se saisir de la question de l’artificialisation pour poser celles de la solidarité entre les différents types de commerces et de l’aménagement du territoire – sur ce dernier point, il convient de renforcer la responsabilité et le rôle des élus locaux.

Le groupe Agir ensemble, comme Mme Chalas, considère que nous devons nous montrer plus exigeants en matière de seuils – je suis l’élue d’un département, le Nord, qui a été le berceau des expérimentations pour la grande distribution… – et, comme M. Potier, je considère qu’il faut se méfier des pourcentages, qui masquent souvent une grande concentration sur certains territoires, ce dont je peux là encore témoigner.

M. Erwan Balanant. La question de l’artificialisation est celle-là même du modèle que nous voulons. Élu depuis 2008, je constate l’enlaidissement de nos paysages périphériques, la dévitalisation de nos centres-villes et, parallèlement, combien l’État patine pour débloquer des moyens afin que ces derniers continuent de vivre.

Nous sommes confrontés à un problème quasiment identitaire de modèle : quelle société voulons-nous ? Des villes vides et des périphéries surchargées où il faut se rendre en voiture ou des villes où il faut bon vivre, avec des commerces de proximité ? Si nous ne réagissons pas avec ce texte, nous ne le ferons jamais. La loi de modernisation de l’économie promulguée en 2008 était censée mettre un terme aux situations que nous connaissons, or, il n’en a rien été.

Mme Christine Hennion. Cette diabolisation du e-commerce me gêne beaucoup alors que, pendant la crise sanitaire, c’est grâce à lui que des magasins ont pu augmenter leurs ventes de plus de 53 %.

Il importe donc de réfléchir à la façon de mieux gérer ces surfaces du e-commerce et de la grande distribution, la concurrence s’exerçant beaucoup plus entre le premier et la seconde, avec les grandes enseignes, les grandes surfaces et les « hyper », qu’avec les commerces de centres-villes, pour qui le e-commerce peut être une solution.

Ouvrons les yeux et concentrons-nous sur le cœur de cet article !

M. Loïc Prud’homme. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. Balanant : vous saucissonnez le débat pour nier les implications de ce mode de commerce. Il est certes possible de se cacher derrière des chiffres fallacieux, monsieur Kasbarian…

M. Guillaume Kasbarian. Les chiffres du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et d’Eurostat sont tout à fait exacts !

M. Loïc Prud’homme. Le e-commerce entraîne une artificialisation des sols trois fois plus importante que le commerce classique.

J’ajoute que la construction de trente-cinq entrepôts est en projet, or, ce texte est aussi pour l’avenir.

Enfin, je vous rappelle que vous avez considérablement assoupli la règlementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) dans la loi ASAP d’accélération et de simplification de l’action publique.

Ce type de commerce nous interroge sur le modèle que nous voulons. Livrer à J + 1 suppose des émissions de gaz à effet de serre et entraîne la désertification des centres-villes. Si les Commerçants de France (CDF) s’en alarment, c’est bien qu’un problème se pose.

M. Matthieu Orphelin. Un article a-t-il vocation à faire changer les choses ou à ne rien changer ?

Je m’associe aux propos de trois collègues de la majorité. M. Balanant a raison : ce qui se joue, ici, c’est un modèle de développement et de consommation. Mme Chalas a également raison : le seuil de 10 000 mètres carrés est évidemment trop élevé, 80 % des projets étant d’environ 2 000 mètres carrés. Mme Petit, enfin, a raison : les dérogations sont trop nombreuses et il importe d’évaluer les situations localement.

M. Thierry Benoit. Cet article pose le principe d’une interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales périphériques précisément parce qu’un problème se pose. L’artificialisation des sols gagne sans qu’il soit pour autant répondu aux attentes des consommateurs, lesquels veulent des circuits courts et locaux, de la proximité.

Soit cet article est un leurre, compte tenu de la multitude de dérogations qu’il autorise, soit nous prenons le taureau par les cornes et nous considérons qu’il n’est plus possible de continuer comme nous le faisons depuis plus de cinquante ans. De toute façon, CDAC ou CNAC sont toujours l’occasion d’artifices pour aboutir, que ce soit pour vendre des aliments, des meubles, des chaussures ou des hamburgers. À un moment, on doit dire « stop ! ». Fût-ce temporairement, nous devons parvenir à un moratoire.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. D’un point de vue fiscal, les élus sont souvent leurrés puisque la base foncière des surfaces de stockage représente 50 % de celle des bâtiments industriels. Il me paraît donc préférable, pour les communes, de privilégier la production par rapport au stockage.

Mme Sandra Marsaud. Je rêve d’un aménagement du territoire adapté à la société et aux modes de consommation. Je rêve à un équilibre grâce auquel, sur l’ensemble du territoire, chaque département, chaque secteur ou chaque EPCI bénéficierait, rationnellement, d’un cloud sécurisé et d’un site logistique. Il serait ainsi possible, par exemple, de vendre comme aujourd’hui les ouvrages qu’écrivent ceux qui critiquent ce modèle tout en l’utilisant, y compris sur Amazon. Il ne faut pas se tromper de sujet. Quel est le modèle de société que ceux qui critiquent cet article veulent nous vendre ? Proposent-ils un retour en arrière ? Je reviendrai sur cette question en séance publique.

M. Nicolas Turquois. La suppression des entrepôts ne supprimera pas le e‑commerce. Vivant dans une campagne reculée, je suis le premier à savoir combien il est difficile de faire une heure de route, le samedi, pour aller faire les boutiques – même si je m’y rends chaque fois que je le peux –, et si nous voulons que les campagnes accueillent de nouvelles familles, il faut aussi pouvoir profiter de ce mode-là. Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Vincent Thiébaut. Je vois très bien qui est visé par ces amendements mais je rappelle que la définition du e-commerce est très large et que des artisans et des petits commerçants l’utilisent pour faire venir des clients dans leur boutique.

De la même manière, qui vise-t-on avec ces entrepôts ? La Poste, avec le service colissimo, fait de la logistique pour le e-commerce, mais pas uniquement.

M. François-Michel Lambert. Ce n’est pas la question.

M. Vincent Thiébaut. Enfin, nous devons certes nous poser la question du modèle économique que nous voulons mais si vous voulez vraiment changer celui du e-commerce, arrêtez de poster des vidéos sur You Tube, de publier des statuts sur Facebook et de tweeter !

Mme Aurore Bergé. Un débat aussi binaire m’étonne : pour ou contre le commerce de proximité, pour ou contre le e-commerce, comme si l’un devait entraîner la disparition de l’autre.

M. François-Michel Lambert. Nous sommes des Amish !

Mme Aurore Bergé. Je ne caricature personne mais évitez de vous caricaturer vous‑même !

Je note que vous ne vous référez jamais aux marques françaises du e-commerce, qui sont puissantes, qui paient leurs impôts en France et qui créent des emplois dans notre pays. La marque bien connue qui commence par un A est quant à elle la deuxième préférée des Français. Vous pouvez vous en désoler mais vous pouvez aussi considérer qu’elle crée des emplois et que plus de 10 000 entreprises sont référencées grâce à elle.

Si vous voulez que, demain, ces entrepôts logistiques soient construits juste au-delà de nos frontières, ce sera la triple peine : les emplois seront délocalisés, les produits de la fiscalité nous échapperont toujours mais pas la pollution liée aux transports.

Il est possible de soutenir le commerce de proximité, nos PME et nos TPE, tout en créant des emplois en France avec les entrepôts logistiques dont nous avons besoin.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Même si cet article est en-deçà des attentes d’un certain nombre d’acteurs, il n’en constitue pas moins une avancée en passant du moratoire à l’interdiction et, sous le seuil de 10 000 mètres carrés, en instaurant des dérogations très spécifiques.

Il me paraît également normal de distinguer grande surface périphérique et entrepôt logistique. Dans le premier cas, nos centres-villes sont dévitalisés ; dans le second, le e‑commerce est loin d’être le seul mode concerné. En France, les activités du « top 10 » des acteurs du e-commerce sont mixtes, à la fois physiques et virtuelles. Il n’est pas possible de casser cette dynamique économique, qui finance la transition énergétique.

Il convient également de noter un paradoxe : plus les entrepôts se multiplient, plus les émissions de CO2 diminuent.

M. François-Michel Lambert. Ce n’est pas tout à fait vrai.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Bien sûr que si ! Des entrepôts installés juste après nos frontières augmenteraient considérablement le trafic de camions, de même qu’un seul entrepôt, en France, desservant un très grand nombre de clients.

D’un point de vue fiscal, nous sommes confrontés à un double problème de concurrence déloyale entre les pure players du e-commerce et les commerces physiques. Il est toujours possible de faire des reproches à cette majorité mais, en votant la taxe « Gafa », elle a joué un rôle moteur en Europe. Le dispositif fonctionne, d’ailleurs, puisque certains Gafa ont répercuté celle-ci sur leurs produits. Par ailleurs, les commerces de proximité s’acquittent de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE), ce qui nécessite un travail de fond mais qui relève des lois de finances.

Enfin, je soutiens les propositions du rapporteur : le rôle des élus doit être renforcé.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Notre débat a été ouvert et passionnant mais nous reviendrons aux règles de discussion que nous nous sommes fixées dès après l’article 52, où il sera également question de ces sujets.

La commission rejette successivement les amendements.

10.   Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 14 heures 30

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous avons examiné 3 017 amendements.

Article 52 (suite) (article L. 752-6 du code de commerce) : Encadrement des modalités d’octroi de l’autorisation d’exploitation commerciale des projets engendrant une artificialisation des sols

Amendement CS934 Mme Jennifer De Temmerman.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. Il est proposé de supprimer l’exemption d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) dont bénéficient les projets réalisés dans le cadre d’une opération de revalorisation de territoire (ORT). Or ce dispositif est important pour la revitalisation de nos communes. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Même avis. En fait, l’amendement faciliterait plutôt l’artificialisation.

L’amendement est retiré.

Amendement CS592 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’article 52 pose le principe selon lequel l’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui entraînerait une artificialisation des sols, sauf si le projet s’insère dans le secteur d’intervention d’une ORT ou d’un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), s’il est en continuité avec le tissu urbain existant, et ainsi de suite : cela fait beaucoup d’exceptions !

Nous proposons donc d’abroger l’article du code du commerce qui exempte d’autorisation d’exploitation commerciale les projets réalisés sur le territoire d’une ORT. Je précise que les ORT concernent les cœurs de ville et qu’elles n’ont donc pas pour objet de créer de nouvelles zones d’activités commerciales en périphérie.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes très attachés aux opérations de revalorisation de territoire et à la revitalisation des centres-villes, à laquelle peut contribuer l’implantation d’une activité commerciale.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. L’article du code de commerce visé par l’amendement dispose que les commerces qui souhaitent s’installer dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire comprenant un centre‑ville ne sont pas soumis à autorisation d’exploitation commerciale. Cette disposition a donc pour objet de favoriser la réimplantation de commerces en centre-ville ; sa suppression ne concourrait pas aux objectifs visés par le texte.

Mme Delphine Batho. Ce qui est dit est faux. Si l’article du code de commerce fait référence au « secteur d’intervention d’une ORT », il ne précise pas que la surface commerciale doit être située en centre-ville, de sorte qu’il permet, dans les territoires, de plus en plus nombreux, bénéficiant d’une ORT, la poursuite de l’artificialisation en périphérie.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CS4998 de M. Jean-Marie Sermier est retiré.

Amendement CS2173 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. Premièrement, je souhaiterais que l’on me confirme que la règle des 10 000 mètres carrés s’applique bien dans les zones urbaines et les zones à urbaniser des plans locaux d’urbanisme (PLU).

Deuxièmement, cette règle soulève la question de la désartificialisation des sols en zone urbaine. Je pense, par exemple, à une friche industrielle dans laquelle l’espace séparant les bâtiments a été goudronné dans les années 1950 et que l’on réhabilite en y construisant, parce que le sol y est entièrement artificialisé, un grand bâtiment du type mall américain. Face à ce type de situation, ne faudrait-il pas instaurer un coefficient de non-artificialisation des sols, notamment dans les centres urbains, qui souffrent particulièrement du réchauffement climatique ?

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous proposez de limiter les constructions, y compris en zone urbaine ou à urbaniser, à 10 000 mètres carrés d’emprise au sol. Une telle règle serait trop restrictive. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. Que ce soit dans une zone urbanisée ou à urbaniser, tout dépend du caractère artificialisé ou non du sol : s’il ne l’est pas, le mécanisme s’applique.

Par ailleurs, si le sol a été artificialisé il y a longtemps, la question de savoir s’il faut créer ou non une surface commerciale à cet endroit relève d’une problématique classique d’aménagement du territoire. La commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) se prononce sur l’opération ; le mécanisme de limitation de l’artificialisation ne s’applique pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS595 de Mme Delphine Batho et CS3899 de Mme Valérie Petit (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il s’agit de rappeler que le principe « Éviter, réduire, compenser » (ERC) énoncé dans le code de l’environnement doit être en tout état de cause respecté.

Mme Valérie Petit. Nous proposons également de réaffirmer le nécessaire respect de la séquence ERC.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous sommes tous très attachés à la séquence « Éviter, réduire, compenser », inscrite dans le code de l’environnement ; elle s’applique à tous les projets dont nous parlons. Les amendements sont donc satisfaits. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis que M. le rapporteur. Les principes de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, auxquels nous sommes tous très attachés, s’appliquent de manière systématique à tous les projets.

Mme Frédérique Tuffnell. Dans un avis portant notamment sur l’artificialisation des sols, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime que la séquence ERC est un peu bafouée dans la mesure où, constate-t-il, on s’attache à compenser sans avoir cherché au préalable à éviter et réduire. Il est d’autant plus intéressant de réaffirmer, comme le font ces deux amendements, l’importance de cette séquence que le projet de loi est consacré au climat et traite notamment de la résilience des territoires et des sols.

Mme Delphine Batho. Mme Tuffnell a brillamment dit ce qu’il y avait à dire. Comme elle l’a indiqué, la séquence ERC fait l’objet d’une observation du CESE dans son avis sur le projet de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS5325 rectifié du rapporteur et sous-amendements CS5464 et CS5461 rectifié de Mme Delphine Batho, sous-amendements identiques CS5459 de Mme Delphine Batho, CS5471 de M. Loïc Prud’homme et CS5478 de M. Dominique Potier, sous-amendement CS5460 de Mme Delphine Batho, sous-amendements identiques CS5462 de Mme Delphine Batho, CS5472 de M. Loïc Prud’homme et CS5476 de M. Dominique Potier, sous-amendements CS5463 et CS5465 de Mme Delphine Batho, et amendements identiques CS484 de M. Pierre Vatin et CS3432 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CS5325 rectifié tend à clarifier la philosophie de l’article 52 en précisant les modalités d’obtention par dérogation d’une autorisation d’exploitation commerciale pour l’implantation ou l’extension d’un projet commercial inférieur à 10 000 mètres carrés.

En effet, la CDAC ne peut pas décider librement d’accorder ou non une dérogation sur le fondement d’un vague faisceau d’indices, comme le propose le Gouvernement ; elle doit être liée par une liste limitée de critères définis dans la loi et dont elle ne peut en aucun cas s’affranchir. Ainsi, je propose que tout projet soit soumis à trois conditions obligatoires : il doit s’insérer en proximité avec le tissu urbain existant, être implanté dans un secteur au type d’urbanisation adéquat à l’environnement bâti et, comme dans le texte du projet de loi, répondre aux besoins économiques et démographiques du territoire.

À ces trois conditions s’en ajoute une quatrième, qui correspond à l’un des quatre critères suivants : l’insertion du projet dans le secteur d’une opération de revitalisation du territoire ou d’un quartier prioritaire de la politique de la ville ; la compensation de l’artificialisation par transformation du sol artificialisé en sol non artificialisé ; l’insertion dans un secteur d’implantation périphérique ou une centralité urbaine établis par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou dans une zone d’activité commerciale établie par le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) avant l’entrée en vigueur de la présente loi ; l’insertion dans un projet d’aménagement qui se situe au sein d’un espace déjà urbanisé.

Ces quatre critères seraient alternatifs : il faut qu’au moins l’un d’entre eux, en plus des trois conditions nécessaires, soit rempli pour obtenir l’autorisation. Nous faisons ainsi confiance aux stratégies territoriales d’aménagement définies par les décideurs et les élus locaux.

Mme Delphine Batho. L’adoption de l’amendement du rapporteur ferait tomber l’ensemble des amendements suivants à l’article 52.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Non, pas tous : un certain nombre.

Mme Delphine Batho. En effet, madame la présidente. Quoi qu’il en soit, il me paraît important que notre commission se prononce sur la mécanique des dérogations qui revient à vider de son sens la proposition de la Convention citoyenne, qui était d’« interdire toute artificialisation des terres tant que des réhabilitations ou friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante ».

Le sous-amendement CS5464 vise à rappeler, conformément à l’avis du Conseil économique, social et environnemental, que les motifs de dérogation doivent respecter strictement la doctrine ERC.

Le CS5461 rectifié tend à préciser que le projet « ne peut être réalisé que sur des terrains déjà artificialisés » : on doit s’assurer qu’aucune friche n’est disponible

Enfin, en proposant de retenir la condition extrêmement floue et dangereuse de « proximité avec le tissu urbain existant », l’amendement du rapporteur marque un recul par rapport au texte du projet de loi qui, lui-même, ne respecte pas la proposition de la Convention citoyenne. Aussi le CS5469 vise-t-il à substituer à cette condition celle de « continuité avec le tissu urbain existant ».

M. Loïc Prud’homme. L’amendement du rapporteur vise à assouplir les modalités de dérogation au moratoire concernant les zones commerciales.

Le texte retient déjà pour la délivrance de ces dérogations un plafond de 10 000 mètres carrés en deçà duquel se situent 80 % des projets. Pour rappel, en 2019, la moyenne des surfaces commerciales soumises à l’autorisation de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) était de 2 000 mètres carrés. Ainsi, il sera toujours possible d’obtenir plusieurs dérogations pour des unités commerciales de moins de 10 000 mètres carrés et de les accumuler pour réaliser un centre commercial excédant cette surface sur des terres agricoles. Or l’amendement du rapporteur aggrave considérablement ce risque en introduisant des critères d’exemption non cumulatifs et laxistes. Ainsi, il propose de retenir la notion de « proximité » avec le tissu urbain existant au lieu de celle de « continuité » du bâti. La notion de proximité, qui n’est pas définie au plan juridique, ouvre la voie à toutes les interprétations possibles, surtout les pires.

Nous pourrions évoquer les autres conditions, qui sont autant de tours de passe-passe destinés à affaiblir la portée du texte : existence d’une ORT ou localisation dans des zones d’implantation commerciales définies par un SCOT ou un PLU antérieurs au texte.

M. Dominique Potier. La notion de continuité n’a pas d’incidences que sur le paysage : elle permet également, dans une logique d’économie globale, de limiter notamment les coûts carbone liés aux déplacements effectués pour accéder aux centres commerciaux. Le moins que l’on puisse faire est donc de substituer la condition de continuité à celle de proximité.

Mme Delphine Batho. Le sous-amendement CS5460 a pour objet de substituer à la condition, là encore très imprécise, selon laquelle l’opération doit s’insérer dans un secteur au type d’urbanisation « adéquat » celle d’un type d’urbanisation « répondant aux mêmes caractéristiques ».

Quant au CS5462, il a trait à un élément capital. En effet, l’amendement du rapporteur vise à faire des critères cumulatifs, dont le texte du Gouvernement impose le respect pour bénéficier d’une dérogation, des critères alternatifs. C’est un recul extrêmement grave. Nous proposons donc, sur ce point, de maintenir le texte du Gouvernement.

M. Loïc Prud’homme. Que le rapporteur propose de remplacer des critères cumulatifs par des critères alternatifs pose un problème majeur et témoigne de sa volonté de faciliter l’artificialisation des sols, à l’encontre des objectifs du projet de loi.

M. Dominique Potier. Si les critères sont non plus cumulatifs mais alternatifs, ce ne sont pas 80 % mais 100 % des projets qui passeront entre les mailles du filet. L’expérience montre que trois ou quatre critères suffiraient, pourvu qu’ils soient cumulatifs, pour que le filtre soit efficace. Enfin, permettez-moi, chers collègues de la majorité, de retourner l’argument que nous a opposé M. Kasbarian tout à l’heure : ne gâchez pas 100 % de l’objectif politique louable que vous poursuivez pour 1 % des sols !

Mme Delphine Batho. Le sous-amendement CS5463 vise à supprimer deux critères permettant d’obtenir une dérogation. Le premier concerne les opérations s’insérant dans une ORT ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville : dans ces zones, le taux de vacance des centres commerciaux est considérable et, comme l’a démontré le mouvement des gilets jaunes, on y attend de la vie et des commerces de proximité plutôt que des ronds-points et des grandes surfaces supplémentaires. Le second concerne les projets s’insérant dans une opération d’aménagement plus vaste, car c’est la porte ouverte à des projets du type EuropaCity.

Enfin, le CS5465 tend à supprimer le VII de l’amendement, qui vide de leur substance les dispositions de l’article 52 puisqu’il renvoie leur entrée en vigueur aux futurs SCOT et PLU, autrement dit aux calendes grecques.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS3432, proposé par Green Lobby, tend à conditionner les dérogations au potentiel de réversibilité du bâtiment commercial, la réversibilité permettant, je le rappelle, de programmer un ouvrage neuf en anticipant ses futurs changements d’usage. Cette mesure permettrait de limiter les déchets du secteur de la construction et l’artificialisation des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur. Permettez-moi tout d’abord de rappeler la proposition de la Convention citoyenne, que Mme Batho n’a pas citée intégralement tout à l’heure : « Pour les zones commerciales et zones artisanales, prendre une mesure au niveau national d’interdiction de nouvelles surfaces artificialisées, sauf dans les zones où la densité de surfaces commerciales et artisanales par habitant est très inférieure à la moyenne départementale. » La Convention citoyenne elle-même propose donc des ouvertures.

Nous sommes, quant à nous, beaucoup plus stricts car, plutôt que de nous référer à la moyenne départementale, nous conditionnons les stratégies d’aménagement territorial décidées par les acteurs locaux. J’y tiens beaucoup ! Ainsi, je propose que les conditions mentionnées dans le projet de loi au titre de faisceau d’indices soient obligatoires. Oui, je crois aux ORT et aux QPV : dans ces zones en difficulté, où la question de l’emploi est essentielle, le commerce est un acteur important de l’insertion professionnelle. La rédaction que je propose est donc beaucoup plus contraignante que celle du Gouvernement.

Sur les deux premières conditions, à savoir la notion de proximité et celle de type d’urbanisation adéquat, un travail est en cours avec Mme la ministre et ses services. Je vous invite donc à retirer ceux de vos sous-amendements qui ont trait à ces conditions pour que nous puissions y retravailler d’ici à la séance et approfondir les aspects juridiques. Sur tous les autres sous-amendements, j’émets un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Dans le projet de loi, le Gouvernement reprend la méthode retenue pour la délivrance des AEC, à savoir celle du faisceau d’indices. Les quatre critères qui figurent à l’article 52 ne sont donc pas cumulatifs mais alternatifs. De ce fait, l’amendement du rapporteur durcit le texte du Gouvernement, puisqu’il définit trois critères cumulatifs et en ajoute un quatrième, à choisir dans une liste de quatre. Je suis favorable à cet amendement, qui aura pour conséquence de rendre plus difficiles les dérogations pour artificialisation en dessous de 10 000 mètres carrés.

En ce qui concerne le sous-amendement CS5464, la séquence « éviter, réduire, compenser » s’applique de toute façon. De même, j’estime que CS5461 rectifié est satisfait par le IV de l’article L. 752-6 du code de commerce.

Sur les sous-amendements CS5459 et identiques, je partage l’avis du rapporteur : nous devons poursuivre notre réflexion sur les avantages et inconvénients respectifs des notions de proximité et de continuité. Nous sommes prêts à y retravailler d’ici à la séance. Demande de retrait, donc.

S’agissant du CS5460, le mot « adéquat » me paraît plus juste que les mots « aux mêmes caractéristiques », car il s’agit de vérifier que l’implantation de la nouvelle surface commerciale a un sens par rapport à l’urbanisation dans laquelle elle prend place. Avis défavorable.

Quant aux sous-amendements CS5462 et identiques, ils visent à rendre cumulatifs les quatre critères que le rapporteur définit comme alternatifs. Ainsi, dès lors que les trois premières conditions sont déjà cumulatives, tout projet d’artificialisation devrait remplir sept critères ! Ces sous-amendements ne sont pas conformes à l’équilibre que nous avons retenu. Avis défavorable.

Enfin, je suis également défavorable aux sous-amendements CS5463 et CS5465 ainsi qu’aux amendements CS484 et CS3432.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Monsieur Aubert, la parole est à M. Saddier. On avance ! C’est dans l’intérêt de tout le monde !

M. Martial Saddier. Nous sommes nombreux à souhaiter nous exprimer sur l’urbanisme commercial, qui est un vrai sujet. On pourrait gagner du temps un peu plus tard et en prendre plus maintenant.

Nous ne sommes pas convaincus par la démonstration du rapporteur et de la ministre. Vous avez dit, madame la ministre, avant la présentation de l’amendement du rapporteur, qui récrit complètement la législation de l’urbanisme commercial, que la séquence « éviter, réduire, compenser » était satisfaite. Mais nous ne devons pas lire la même chose, puisqu’il est clairement écrit que le projet « obéit à l’un des trois » critères. Ce n’est pas la même chose qu’obéir aux trois critères ! Il comprend aussi toute une palanquée de dérogations. C’est pourquoi nous ne sommes pas du tout convaincus. Le contraste est très fort entre hier soir et ce matin : vous parliez de maîtriser strictement l’artificialisation des sols, mais on a le sentiment que, pour les surfaces commerciales, ça restera open bar !

M. Matthieu Orphelin. L’amendement, tout comme l’article, pose le problème du seuil et des dérogations. Vont-ils permettre de stopper les projets qui sont dans les cartons ? Je suis loin d’en être persuadé. Pourrions-nous voir d’ici à la séance, madame la ministre, monsieur le rapporteur, comment votre article et votre amendement permettent ou non de mettre fin, par exemple, au projet de la ZAC du Brochet, à Vallet, en Loire‑Atlantique, en plein cœur du vignoble nantais, alors qu’il y a tous les commerces qu’il faut en centre‑ville ?

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame Batho, M. Orphelin vient de prendre la parole, vous ne pouvez donc pas parler. Deux prises de parole de non‑inscrits, ce n’est pas possible.

M. Julien Aubert. Cet amendement, c’est un Rubik’s cube et un labyrinthe ! Vous avez fait de votre deuxième critère – le type d’urbanisation du secteur et la continuité du projet avec le tissu urbain existant – un critère dirimant. Mais vous avez transformé la « continuité » en « proximité », ce qui ne veut rien dire. Vous nous dites que c’est plus strict. Ce n’est pas vrai, puisque le projet ne doit plus respecter que l’un des trois critères. En réalité, c’est très hypocrite. Vous affichez une lutte contre l’artificialisation et les grandes surfaces commerciales, alors que, dans les faits, vous faites en sorte que tout change pour que rien ne change. Il y aura tellement de dérogations dans le système final que ce sera open bar, comme disait mon collègue. Soit il faudra être dans une opération de revitalisation, soit dans une opération d’aménagement plus vaste, avec du bâti déjà constitué, etc. Cela ne sert à rien d’afficher de tels objectifs si c’est pour vider la loi !

Mme Aude Luquet. En lisant l’amendement rectifié du rapporteur, nous nous sommes posé les mêmes questions. Le terme de « proximité » nous semble également trop flou. Mais nous avons été ravis d’apprendre que la rédaction serait retravaillée. Il faut éviter l’accumulation d’unités commerciales de moins de 10 000 mètres carrés. Nos territoires doivent être rassurés.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Que l’on se mette bien d’accord : M. Orphelin n’est pas membre de la commission spéciale. Vous êtes deux non‑inscrits. Mme Batho a déposé des amendements. M. Orphelin prend la parole. Je ne peux pas vous donner la parole à chaque fois.

Mme Delphine Batho. Comme le rapporteur m’a demandé de retirer mes sous‑amendements, je voudrais dire qu’il n’y a pas de règle implicite selon laquelle aucun des amendements ou sous‑amendements que je propose ne pourrait être voté. Si les collègues préfèrent la continuité à la proximité et qu’ils souhaitent supprimer le mot « adéquat », ils votent mes sous‑amendements. Madame la ministre, nous savons lire : il y a bien écrit « l’un des trois » critères. Ils ne s’additionnent donc pas !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je reprends rapidement la parole, car il est important que nous comprenions tous bien ce que nous sommes en train de faire. L’article 52 applique la procédure du code du commerce, qui prévoit que la commission départementale d’aménagement commercial prend en considération toute une liste de critères. Selon la rédaction du rapporteur, une autorisation d’exploitation commerciale peut être délivrée si le pétitionnaire démontre, « à l’appui de l’analyse d’impact mentionnée au III, que son projet s’insère en proximité avec le tissu urbain existant, dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, qu’il répond aux besoins du territoire et qu’il obéit à l’un des trois » critères suivants. Obéir à des critères, c’est plus fort que « prendre en considération ». Par ailleurs, « et qu’il obéit à l’un des trois » arrive après la définition de trois critères. Soit dit en passant, il y a une coquille, puisque l’amendement du rapporteur définit quatre critères en réalité. On passe donc d’un système de faisceau général d’indices – la prise en considération – à un système beaucoup plus restrictif.

Tout cela se faisant en CDAC avec les élus, la question est aussi de savoir si on leur fait confiance pour appliquer le droit.

M. Martial Saddier. La CDAC, ça ne sert à rien !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Alors que, pendant tout le début du débat, vous nous avez répété qu’il fallait faire confiance aux élus, tout d’un coup, ils ne seraient plus capables d’appliquer un droit plus restrictif.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Elle adopte l’amendement CS5325 rectifié du rapporteur.

En conséquence, les amendements identiques CS484 et CS3432 tombent, ainsi que les amendements CS588 de Mme Delphine Batho et CS2408 de M. Thierry Benoit, les amendements identiques CS589 de Mme Delphine Batho et CS1002 de Mme Jennifer De Temmerman, les amendements identiques CS1003 de Mme Jennifer De Temmerman et CS1266 de M. Loïc Dombreval, l’amendement CS3916 de Mme Valérie Petit, et les amendements identiques CS368 de Mme Stéphanie Do, CS590 de Mme Delphine Batho, CS1004 de Mme Jennifer De Temmerman, CS1268 de M. Loïc Dombreval, CS2622 de M. Charles de Courson et CS2902 de M. Matthieu Orphelin.

Amendement CS3451 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

M. Lionel Causse, rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Demande de retrait.

M. Martial Saddier. Madame la ministre, d’ici à la séance, pourriez-vous nous dire combien les CDAC ont rejeté de décisions et combien d’entre elles ont été cassées par la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) ? Cela serait intéressant, pour connaître le véritable pouvoir et le rôle de la CDAC par rapport à la CNAC.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5138 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS1265 de M. Loïc Dombreval.

Amendements identiques CS105 de M. Dino Cinieri, CS296 de M. Guy Bricout, CS758 de M. Gérard Menuel, CS2672 de M. Didier Le Gac, CS3621 de M. Alain Perea et CS4410 de M. Arnaud Viala.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement vise à donner aux entrées de ville une vocation autre que commerciale et à permettre des implantations dans d’autres secteurs, notamment périphériques. Il offre une grande souplesse pour que les élus puissent améliorer leurs entrées de ville qui commencent à être détériorées par les innombrables surfaces commerciales.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous souhaitez insérer un nouveau critère de dérogation, pour les projets se trouvant dans un secteur d’implantation périphérique autorisé par les documents d’aménagement artisanal et commercial du SCOT. Dans la mesure où il est pris en compte dans ma nouvelle rédaction de l’article 52, je vous suggère de le retirer.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je pense également que l’amendement est satisfait par la nouvelle rédaction.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5326 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS1491 de M. Thibault Bazin et CS3709 de Mme Sophie Mette.

Amendement CS3902 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Il vise à inclure un critère relatif à la nécessité de résorber la vacance commerciale.

M. Lionel Causse, rapporteur. N’étant pas certain de comprendre votre amendement, je donne un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Demande de retrait. D’après la rédaction de l’amendement, je comprends que la vacance commerciale autorise plus d’implantations, ce qui me semble contraire à votre intention.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4349 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

M. Damien Adam. Faisant suite à la mission que j’ai conduite avec ma collègue Stéphanie Kerbarh sur les friches industrielles, il vise à ajouter à la liste des dérogations à l’interdiction de créer de nouvelles surfaces commerciales entraînant une artificialisation la réhabilitation d’une friche, y compris anciennement polluée, lorsque le projet est économiquement raisonnable.

M. Lionel Causse, rapporteur. Votre piste est intéressante. Néanmoins, puisque nous mènerons un peu plus tard une réflexion spécifique sur les friches, je vous suggère à ce stade de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1375 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CS1418 de Mme Valérie Beauvais, CS3897 de M. Philippe Meyer, CS4222 de M. Florent Boudié, CS4596 de Mme Nicole Dubré-Chirat et CS5009 de M. Julien Aubert.

Mme Valérie Beauvais. Je réitère ma proposition de préserver les surfaces dédiées à la vigne, qui ne font que reculer au profit de l’artificialisation des sols. C’est pourquoi je propose d’ajouter après l’alinéa 7 : « 5° Les autorisations accordées ne sauraient affecter des parcelles classées au titre d’une appellation d’origine contrôlée viticole. »

M. Julien Aubert. Il s’agit également d’exclure de l’artificialisation 1,5 % de la surface agricole utile consacrée à la vigne. Il y a des polémiques sans fin lors des épandages phytosanitaires. Dès lors qu’il commence à y avoir une urbanisation, il devient de plus en plus difficile pour les agriculteurs de traiter leurs vignes. Par ailleurs, contrairement à d’autres cultures, qui peuvent s’adapter à tous types de sols, la vigne a besoin d’un entretien particulier et ne peut pas s’installer partout. Or, dans les plaines, il y a de plus en plus de concurrence et, malheureusement, on assiste à un recul très net des terres consacrées à une filière d’exportation très importante pour notre pays.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons déjà débattu sur des amendements identiques concernant les AOC. C’est tout le sens des articles que nous sommes en train de voter : consommer moins d’espace, dans les espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) en particulier. La nouvelle place donnée aux élus locaux dans les documents de planification et d’urbanisme leur permettra de protéger les espaces qu’ils souhaitent protéger.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS5237 de M. Loïc Prud’homme, CS3239 de M. Julien Aubert, CS3708 de Mme Sophie Mette, CS3907 et CS5236 de Mme Valérie Petit (discussion commune).

M. Loïc Prud’homme. Il s’agit, pour moi aussi, d’AOC : un amendement d’origine conventionnelle, qui propose de revoir l’article 52, interdisant de créer de nouvelles surfaces commerciales donnant lieu à une artificialisation des sols, uniquement au‑delà de 10 000 mètres carrés. Une telle possibilité de dérogation fait perdre toute effectivité au principe général, puisque 80 % des projets de surfaces commerciales se situent en dessous de ce seuil. Dès lors, si l’on souhaite réellement limiter l’artificialisation à des fins commerciales, il est nécessaire de l’abaisser. Nous proposons de retenir un plafond de 1 000 mètres carrés et d’y inclure les entrepôts de stockage du e-commerce, en les soumettant au même régime de l’autorisation commerciale, conformément à la volonté de la Convention citoyenne.

M. Julien Aubert. L’amendement CS3239 vise à trouver un équilibre concernant les surfaces commerciales. Nous proposons un moratoire de trois ans sur tous les projets commerciaux supérieurs à 4 000 mètres carrés, surfaces de vente et de stationnement comprises – ce qui n’est pas le cas avec votre plafond de 10 000 mètres carrés qui exclut les stationnements. Ce moratoire permettrait de faire un état des lieux et de voir comment la situation évolue. Après trois ans, pour les projets de moins de 10 000 mètres carrés, c’est la dérogation de l’article 52 qui serait prise en compte, en intégrant toutefois les parcs de stationnement – il est en effet assez hypocrite de ne pas les comptabiliser, alors qu’ils sont tout autant bétonnés que les surfaces de vente. Enfin, nous proposons aussi de faciliter le remembrement des zones commerciales pour permettre leur densification et les moderniser face à la concurrence du commerce en ligne.

Mme Valérie Petit. L’amendement CS3907 vise à conditionner l’octroi de la dérogation à la réversibilité des bâtiments.

M. Lionel Causse, rapporteur. Monsieur Prud’homme, votre seuil de 1 000 mètres carrés n’est pas réaliste : avis défavorable. Monsieur Aubert, même si je me réjouis que vous souhaitiez limiter la surface des centres commerciaux, le seuil de 4 000 mètres carrés est beaucoup trop bas. Concernant votre remarque sur les parkings, je pense en effet que nous devons travailler sur cette question d’ici à la séance. D’autres amendements ont également été déposés sur le même sujet. Nous devrions parvenir à proposer quelque chose qui réponde aux attentes de tous. Madame Petit, nous avons parlé de la réversibilité tout à l’heure. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Monsieur Prud’homme, je ne pense pas que la procédure d’accord en CDAC soit la bonne pour les entrepôts, qui sont des installations industrielles et non pas des surfaces ouvertes au public. Le seuil de 1 000 mètres carrés est vraiment trop bas, puisqu’il ne permet plus aucune modification, sachant que les grosses opérations dont on ne veut plus sont des opérations à caractère régional ou plus grandes encore, de 40 000 ou de 80 000 mètres carrés. Le plafond fixé à 10 000 mètres carrés est le bon niveau. Il comprend les extensions – toute extension qui conduirait la surface de vente à passer au‑dessus de 10 000 mètres carrés sera désormais interdite.

Monsieur Aubert, je vous fais la même réponse pour les 4 000 mètres carrés. Quant au moratoire, je ne sais pas pourquoi commencer par un moratoire, alors que notre objectif est de mettre en place un dispositif pérenne, dans lequel on arrête de donner des autorisations, à l’exclusion de cas de dérogation précis, et on retrouve la possibilité de remettre des commerces en centre‑ville.

Sur le sujet « éviter, réduire, compenser », je partage l’avis du rapporteur. La séquence générale du code de l’environnement s’applique bien dans ces cas-là et la compensation complémentaire prévue comme l’un des critères alternatifs est une compensation d’artificialisation qui s’ajoute à la compensation générale, au sens du code.

Quant à la réversibilité, avis défavorable également.

M. Loïc Prud’homme. Nous serions les utopistes, et vous les réalistes, monsieur le rapporteur. Ce qui n’est pas réaliste, ce n’est pas notre seuil, c’est de continuer cette fuite en avant au regard de l’urgence climatique. Madame la ministre, vous refusez aussi le moratoire pour avancer, mais quand on a discuté de la vacance commerciale ou des friches industrielles, en revanche, il fallait reporter et attendre. Quiconque se promène dans son territoire voit bien à quel point les surfaces commerciales sont omniprésentes, à quel point nous sommes suréquipés et qu’il convient désormais de les limiter drastiquement. C’est bien notre rôle de dessiner une trajectoire et non pas seulement de se laisser guider par la volonté de puissances financières qui ne servent en rien l’emploi local ni les objectifs de préservation du climat.

M. Julien Aubert. Il faut être clair. Alors que l’on n’arrête pas de gloser sur la mort des centres‑villes, nous avons là la possibilité d’agir sur les surfaces commerciales. On ne dit pas qu’il faut les interdire, mais nous proposons un moratoire de trois ans pour faire le point, pour arrêter un processus qui, de toute évidence, est en train de gangréner notre économie à un moment particulièrement compliqué. Le moratoire ne concernerait pas tout le monde, puisque les petites et moyennes surfaces pourraient continuer à bénéficier de dérogations. Après cette expérience de trois ans, qui aurait également permis de l’améliorer, le dispositif du Gouvernement s’appliquerait. Vous dites qu’il n’y a pas besoin d’un moratoire, alors même que vous faites évoluer votre dispositif en commission. On découvre en cours de réunion que les critères sont modifiés, à la façon d’un Rubik’s cube dont on ne comprend pas toujours l’ordonnancement des couleurs.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Un, ce que nous faisons à travers cet article, c’est rendre les implantations commerciales plus difficiles, et non le contraire.

Deux, nous ne touchons pas à l’objectif global de réduction de l’artificialisation des sols. À vous entendre, on a l’impression que ce sera open bar et qu’on ouvrira les vannes ! Pas du tout : l’objectif reste très élevé.

Trois, faisons confiance aux élus locaux ! Ce sera à eux d’opter entre l’extension d’une zone commerciale ou un autre projet de territoire.

Mme Delphine Batho. Ce qui aiderait les élus locaux, monsieur le rapporteur général, c’est qu’on fixe des règles et qu’on adopte une loi juste.

Par ailleurs, on a délivré pour 3,9 millions de mètres carrés de permis de construire en 2019. Même si l’urbanisme commercial s’est ralenti, le problème persiste.

Enfin, du fait de l’adoption de l’amendement CS5325 rectifié du rapporteur, on pourra réaliser des projets dans les zones dédiées à l’urbanisme commercial dans les SCOT et les PLU en vigueur. Il n’y a donc pas de moratoire. Vous pouvez toujours prétendre le contraire, nous savons lire !

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5139 du rapporteur.

Amendements identiques CS591 de Mme Delphine Batho et CS2904 de M. Matthieu Orphelin, amendements identiques CS1005 de Mme Jennifer De Temmerman, CS1270 de M. Loïc Dombreval et CS1647 de M. André Chassaigne, amendements identiques CS2407 de M. Thierry Benoit, CS3117 de M. Philippe Naillet et CS3906 de Mme Valérie Petit (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Fixer un plafond à 10 000 mètres carrés ouvrirait des possibilités de dérogation extrêmement importantes, puisque cela concerne 80 % des surfaces commerciales aujourd’hui portées à l’appréciation de la Commission nationale d’aménagement commercial. En commission départementale, le taux de validation des dossiers est de 86 %, pour des projets d’une surface moyenne de 2 000 mètres carrés. Mon amendement tend donc à abaisser le plafond de 10 000 à 2 000 mètres carrés.

M. Thierry Benoit. Avec un plafond à 10 000 mètres carrés, seuls quelques projets à travers le territoire métropolitain ou ultramarin seraient concernés par l’interdiction. Vous imaginez bien que l’on va s’empresser de déposer des projets d’une taille juste inférieure, afin de passer à travers les mailles du filet !

Je le répète, la question est la suivante : laisse-t-on se poursuivre ce qui se fait depuis cinquante ans, à savoir la construction de surfaces commerciales en périphérie des villes, ou inverse-t-on la tendance en se fondant sur la mobilisation des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat, relayée par nos travaux, en vue de réorienter les activités commerciales vers les centres-villes ?

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS3117 vise à réduire à 5 000 mètres carrés le plafond pour les dérogations afin de soutenir les commerces de proximité.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je redis ma crainte qu’en réduisant le plafond, on multiplie les « boîtes à chaussures ». En outre, cela compliquera les mutualisations et la construction de parties communes. On risque d’avoir des projets moins cohérents et moins bien intégrés dans les territoires. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. J’ajoute que ce plafond inclut les extensions de surfaces existantes ; si l’on veut que celles-ci puissent être correctement réaménagées, éventuellement avec une compensation, il faut fixer le plafond à un niveau raisonnable de surface consolidée.

M. Julien Aubert. Vous fixez ce plafond à 10 000 mètres carrés, ce qui n’est quand même pas très bas, vous multipliez les dérogations, vous renoncez à lutter contre le e‑commerce et vous prétendez agir contre le développement des zones commerciales ? C’est de l’affichage politique ! Et après, vous allez pleurer sur les centres-villes… De surcroît, vous faites de l’exception la règle. Ce texte est un véritable gruyère.

Et pour finir, vous nous renvoyez aux élus locaux. Mais c’est la Commission nationale d’aménagement commercial qui rendra les décisions ! En outre, la concurrence et la cannibalisation, ça existe : si je suis à la tête d’une commune et que la ville voisine possède une zone commerciale qui attire mes administrés, que vais-je faire ? Construire ma propre zone commerciale ! Et c’est ainsi qu’à la fin, tout est bétonné. Voyez à la périphérie d’Avignon : dans un rayon de 15 à 20 kilomètres, on ne trouve que du béton !

M. Loïc Prud’homme. Il a raison !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS3116 et CS5119 de M. Philippe Naillet.

Mme Chantal Jourdan. Il convient de réduire le champ des dérogations possibles. L’impact au sol des nouvelles constructions doit être considéré dans son ensemble, et pas uniquement en termes de surface de vente. Les parkings, en particulier, représentent en général une surface au moins équivalente à la surface de vente.

M. Lionel Causse, rapporteur. C’est toujours de la surface de vente qu’il est tenu compte dans les dossiers et documents administratifs. Si je suis prêt à travailler d’ici à la séance publique sur la question des parkings, je suis défavorable à la substitution de « surface au sol » à « surface de vente ».

La commission rejette les amendements.

Amendement CS890 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il s’agit d’un amendement de repli s’inscrivant dans notre ambition de lutter contre le déclin des activités économiques en centre-ville. Il faut, bien évidemment, que le parc de stationnement affecté à un local commercial entre dans la surface à prendre en considération. Quelle hypocrisie que de prétendre qu’il ne s’agit pas d’artificialisation des sols ! Soyons sérieux !

La formulation que je vous propose est claire, nette, précise. Peut-être a-t-on l’habitude de parler de « surface de vente », monsieur le rapporteur, mais l’enjeu ici étant l’artificialisation des sols, c’est le sol, tout le sol et rien que le sol qui doit être pris en considération.

Par ailleurs, c’est dès son examen en commission que nous devons améliorer le texte. Nous renvoyer à la séance limite l’intérêt de nos travaux ici.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je le répète, les parkings posent un vrai problème, et je suis à votre disposition pour essayer de trouver une solution, mais je suis opposé à ce que l’on confonde les surfaces de vente et les espaces de stationnement. Depuis plus d’une semaine, et même avant, nos travaux ont permis de beaucoup enrichir le texte. Nous ne jouons pas au Rubik’s Cube, monsieur Aubert !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Les CDAC prennent en considération les surfaces de vente. Il faut traiter la question des parkings séparément.

M. Julien Aubert. Un parking bétonné, c’est bien de l’artificialisation des sols, n’est-ce pas ? Eh bien, dans ce cas, il faut inclure les parcs de stationnement dans la surface à considérer. C’est du bon sens ; nul besoin de rédiger une thèse pour arriver à cette conclusion. Au demeurant, les possibilités d’enrichissement du texte ont été très limitées pour le groupe LR et inexistantes pour ce qui me concerne, puisqu’aucun de mes amendements n’a été accepté !

Quant au Rubik’s Cube, ce que je voulais dire par là, c’est que vous multipliez les dérogations et qu’à force, la disposition finit par ne plus présenter aucun intérêt.

M. Bruno Millienne. Cet amendement, ainsi que les précédents, soulève une vraie question. Julien Aubert a raison, il n’y a pas trente-six solutions : si un parking, c’est de l’artificialisation des sols, il faut qu’il soit inclus dans la surface considérée – ou bien il faut rendre obligatoires les parkings végétalisés. Cela, nous pouvons fort bien le décider dès maintenant, sans attendre la séance publique.

M. Guillaume Kasbarian. Je voudrais abonder dans le sens du rapporteur et de la ministre : il faut tenir compte de la manière dont les choses fonctionnent aujourd’hui. D’une part, tous les parkings ne sont pas bétonnés : il existe des parkings végétalisés, des parkings drainants, des écoparkings, etc. D’autre part, tous les parkings ne se situent pas à l’extérieur des surfaces commerciales : certains sont souterrains ou en terrasse. Or l’amendement mentionne les parcs de stationnement « affectés au local commercial », sans distinction. Mélanger les surfaces commerciales et les parkings ne me semble pas une bonne chose.

M. Dominique Potier. On atteint des sommets ! Ce matin, on a voulu distinguer artificialisation et imperméabilisation ; maintenant, on nous explique qu’un parking peut être souterrain. Mais dans ce cas, cher collègue, les surfaces ne se cumulent pas !

Ces amendements proviennent, pour les deux premiers, d’un collègue de La Réunion, où chaque parcelle de terre a son prix, pour le troisième, de M. Aubert, élu du sud de la France – soit deux territoires où la sensibilité sur le sujet est particulièrement vive. Il faut les entendre ! Le bon sens, l’honnêteté intellectuelle et le respect du Parlement veulent que cette question ne soit pas balayée d’un revers de la main. Comment peut-on raisonnablement soutenir que l’on doit traiter séparément le parc de stationnement et la surface de vente ? On prend les parlementaires pour des imbéciles !

M. Julien Dive. Vous avez déjà sous-amendé beaucoup d’amendements, monsieur le rapporteur. Pourquoi ne pas procéder de même ? Presque tout le monde est d’accord pour dire qu’un parking correspond à une artificialisation des sols et que l’amendement de Julien Aubert est conforme à l’esprit du texte. Il vous suffirait d’exclure les parkings végétalisés, les parkings drainants du dispositif. De surcroît, cela permettrait de rappeler qu’un espace de stationnement peut aussi s’accommoder avec la réalité territoriale.

Mme Émilie Chalas. Sur le fond, il me semble difficile d’assimiler les espaces de stationnement aux surfaces commerciales, tout simplement parce que cela ne serait pas conforme au code de l’urbanisme : dans l’instruction des autorisations liées au droit des sols, on doit distinguer les deux. Je vous renvoie plutôt, chers collègues, à mon amendement CS2304, qui vise à ce que les parkings, dès qu’ils dépassent vingt places de stationnement, soient perméables sur la moitié au moins de leur surface et ombragés dans la même proportion. Ce serait une manière de répondre au problème que vous soulevez, car il est vrai que les espaces de stationnement participent à l’imperméabilisation, donc à l’artificialisation des sols et au réchauffement climatique.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’objectif de ce chapitre est de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Certaines contraintes s’appliqueront à tous les types d’urbanisation, parkings inclus.

Si je propose de nous laisser encore du temps pour la réflexion, c’est que des amendements assez différents ont été déposés sur le sujet. Le vôtre, monsieur Aubert, ne me convient pas parce qu’il ne tient pas compte des enjeux liés à la perméabilisation et à la végétalisation des espaces. Nous avons beaucoup d’amendements à traiter, et je n’ai pas eu le temps de préparer des sous-amendements sur tous – vous m’en voyez désolé. J’ai néanmoins identifié le problème, et je suis prêt à travailler avec ceux qui le souhaiteront en vue de formuler une proposition pour la séance. Si vous voulez participer, vous êtes le bienvenu.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1273 de M. Loïc Dombreval, CS5421 de M. Guy Bricout, CS5422 de M. Thibault Bazin, CS5423 de Mme Émilie Bonnivard, CS5424 de M. Paul-André Colombani et CS5425 de M. Pierre Vatin.

M. Thierry Benoit. Ces amendements s’inscrivent dans le prolongement de la réflexion que nous avons entamée ce matin. S’agissant de la consommation foncière, il convient de soumettre le e-commerce aux règles applicables en matière de création de nouvelles surfaces commerciales.

M. Thibault Bazin. Cela répond à une volonté d’équité et c’est aussi un enjeu fiscal – nous avions eu de longs débats sur le sujet à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. À l’époque, nous n’avions pas réussi à trouver une solution satisfaisante. Néanmoins, nous avons besoin de garanties de la part du Gouvernement. L’adoption de ces amendements aurait le mérite de permettre une avancée.

Mme Émilie Bonnivard. L’objectif est d’instaurer une concurrence libre et non faussée entre le e-commerce et les commerces de centre-ville. Cela contribuerait, en outre, conformément à l’esprit du projet de loi, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en limitant, à travers le e-commerce, le transport des produits.

J’insiste sur la situation difficile des commerces de centre-ville. Ils se trouvent fragilisés par la concurrence extrêmement forte du e-commerce et nous n’arrivons pas, malgré tous nos efforts, à remédier à l’inégalité fiscale entre les deux formes de commerce.

Mme Jennifer De Temmerman. De fait, il est nécessaire de traiter du e-commerce dans cet article.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ce qui est visé à travers ces amendements, c’est en effet la logistique et le e-commerce, bien que la rédaction ne soit pas très claire… Vous souhaitez que ces structures soient soumises à une autorisation d’exploitation commerciale. Or, je le répète, pour délivrer ces autorisations, les CDAC se fondent sur des critères qui ne concernent pas nécessairement la logistique. C’est pourquoi je vous propose plutôt de faire évoluer le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) afin de s’assurer que les projets sont compatibles avec les orientations stratégiques d’aménagement des territoires, telles qu’elles s’expriment par exemple à travers les SCOT. Cela me paraît à la fois plus opérationnel et mieux correspondre à l’esprit du texte. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. On propose à travers ces amendements d’assimiler à des surfaces commerciales des surfaces de stockage à des fins de livraison au client final. Cela peut inclure des surfaces de stockage qui servent à alimenter les magasins en centre-ville ou des enseignes qui fonctionnent à la fois en physique et en digital. L’outil ne me semble pas adéquat.

Je confirme la volonté du Gouvernement de chercher les instruments qui permettraient d’assurer une plus grande équité fiscale entre le commerce physique et le e-commerce. Néanmoins, nombre de rapports montrent une forme de complémentarité entre les deux. Beaucoup d’enseignes relèvent à la fois de l’un et de l’autre. On ne peut donc pas assimiler les entrepôts aux surfaces de vente, que nous souhaitons par ailleurs restreindre.

Cela étant, l’objet du chapitre est de réduire l’artificialisation des sols en limitant notamment la capacité d’artificialiser. Les entrepôts et sites de stockage participant à cette artificialisation, ils se verront appliquer les dispositions qui traduisent cette volonté à travers les schémas régionaux, les SCOT, les PLUI et les PLU. De plus, le rapporteur a déposé un amendement visant à introduire, à l’intérieur du SCOT, un document relatif à l’organisation de la logistique. Il me semble que tout cela est de nature à répondre à vos préoccupations d’aménagement du territoire.

Mme Delphine Batho. Je soutiens ces amendements. Je rappelle que, pour l’Autorité de la concurrence, il y a une identité d’activité entre le e-commerce et le commerce physique et que même les drive sont assujettis à l’obligation de disposer d’une autorisation d’exploitation commerciale. Il n’y a aucune raison que les acteurs dominants du e-commerce y échappent.

M. Erwan Balanant. J’entends vos arguments, madame la ministre, mais il s’agit tout de même d’une artificialisation des sols et, de surcroît, le problème possède une dimension sociale, ce que l’on a tendance à oublier. On n’est pas loin du plan massif de suppression d’emplois dans les commerces du centre-ville ! Des études maintenant anciennes, et pourtant dues à des auteurs américains très libéraux, ont montré que le transfert des commerces du centre à la périphérie des villes a été destructeur d’emplois et que pèse une menace réelle sur la survie des commerces en centre-ville. Il faut trouver une solution : il ne s’agit pas que d’une question fiscale !

M. Vincent Thiébaut. Madame la ministre a raison, je peux en témoigner. J’ai à l’esprit le cas d’un commerçant de ma circonscription qui possède plusieurs magasins et qui fait aussi du commerce en ligne. Son entrepôt lui sert pour tout. Ne nous trompons pas de sujet.

Quant à la plateforme Amazon, puisque c’est elle qui est la cible de ces amendements, je rappelle qu’elle ne fabrique pas de produits, mais qu’elle stocke et livre ceux provenant de TPE, de PME et d’artisans. Elle offre une solution logistique à des entreprises qui n’ont pas les moyens de disposer d’espaces de stockage – ce qui leur permet, tout simplement, de se développer. Avant d’attaquer un modèle, renseignez-vous !

M. Julien Dive. Appelons un chat un chat : ce sont des amendements Amazon, qui portent sur des bâtiments d’une superficie de 10 000 mètres carrés – un hectare –, qui ne sont pas que des entrepôts logistiques mais bien, en réalité, des centres commerciaux qui n’en portent pas le nom.

L’article 52 aura juste quinze ans de retard parce qu’en fait les grands centres commerciaux sont aujourd’hui concurrencés par le e-commerce, comme les petits commerçants de centre-ville, qui ne dégagent plus aucune marge, qu’il s’agisse de prêt‑à‑porter ou, bientôt, de produits alimentaires.

M. Vincent Thiébaut. Attaquez La Redoute et Les 3 Suisses !

M. Loïc Prud’homme. Je veux bien que nous soyons des ignorants et des imbéciles, et que nous disions n’importe quoi, mais vous-même avez affirmé une contre-vérité, cher collègue Thiébaut, à propos des TPE et des PME : ce n’est qu’un faux nez pour Amazon, qui compte moins de 5 % de fournisseurs français ; le reste est constitué d’acteurs qui importent majoritairement des produits du monde entier, participant ainsi au réchauffement climatique.

À qui ces plateformes de e-commerce font-elles concurrence ? À notre tissu économique de proximité, qu’elles mettent à mal : si vous ne le voulez pas le voir, ses acteurs sauront s’en rappeler.

M. Lionel Causse, rapporteur. Le e-commerce est un sujet important dans la mesure où nous constatons tous qu’il concurrence et le commerce de centre-ville et les centres commerciaux.

Quelle pourrait être la meilleure force de frappe du e-commerce à l’avenir ? Nos petits commerçants de centre-ville, avec lesquels certaines de nos start-up, comme Trezam, qui ont des centaines de clients, font du e-commerce ! Ils pourraient ainsi proposer des millions de références sur tout le territoire pour tous les Français et pour toutes les Françaises. Il nous faudra également en débattre lorsque nous en examinerons la fiscalité, et donc l’avenir du e‑commerce en France.

La commission rejette les amendements.

L’amendement CS4822 de M. Guillaume Kasbarian est retiré.

Amendement CS3908 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Cet amendement vise, si l’autorisation commerciale est délivrée, à ce que l’aménagement d’un parking se fasse toujours en sous-sol afin de réduire l’artificialisation.

M. Lionel Causse, rapporteur. Même s’il s’agit d’une bonne idée qui peut enrichir notre réflexion en vue de la séance, nous devons avoir une vision globale de la question. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1137 de Mme Émilie Bonnivard et CS1221 de M. Jacques Cattin.

Mme Émilie Bonnivard. La surface consacrée à la viticulture en appellation d’origine contrôlée (AOC) se réduit d’année en année. Il s’agit de limiter l’artificialisation du foncier viticole, qui nous est très précieux.

M. Jean-Marie Sermier. Les traitements des parcelles viticoles, même en bio, nécessitent un retrait, ce qui divise par deux la surface de production du viticulteur, à la différence des éleveurs dont les bêtes peuvent paître jusqu’en limite de zone artificialisée. Il faut prêter une attention toute particulière aux vignes de notre pays.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Il serait utile, dans le même sens, de demander un avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) sur ces zones exploitées en AOC ou en Indication géographique protégée (IGP), compte tenu des enjeux en termes de valeur ajoutée, d’identité et de paysages.

Nous pourrions déposer des amendements communs et y travailler avec le rapporteur et la ministre.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3735 de M. Jean-Bernard Sempastous.

M. Jean-Bernard Sempastous. L’amendement vise à soumettre le bénéfice de la dérogation prévue à l’article à un avis conforme de la CDPENAF dans les zones agricoles ou à vocation agricole et à un avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) en zone naturelle. Dans un souci de renforcement de la concertation locale, il est important de les associer aux décisions d’autorisation de projets menant à une artificialisation de sols.

L’amendement suit les recommandations de plusieurs acteurs du monde agricole auditionnés en amont de l’examen du projet de loi en faveur de l’intervention des CDPENAF dans les zones dédiées.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je ne pense pas utile d’élargir les compétences de la CDPENAF jusqu’à la délivrance d’un avis conforme sur les autorisations d’exploitation commerciale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4414 de Mme Fiona Lazaar.

Mme Fiona Lazaar. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement EuropaCity. La décision du Gouvernement de mettre un coup d’arrêt, légitime au regard des exigences écologiques, à ce projet, a été assez brutale. Depuis cette décision, M. Francis Rol-Tanguy a rendu un rapport qui n’a pas été rendu public. Il nous faut apprendre à mieux gérer à l’avenir les projets de ce type. L’amendement vise à améliorer les conditions de l’abandon d’un tel projet, qui doit s’accompagner d’une concertation avec les élus locaux et les acteurs du territoire qui travaillaient dessus depuis de longues années, afin de définir avec eux une stratégie territoriale.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je partage votre souhait de voir menée une indispensable concertation avec tous les acteurs locaux, mais elle existe. Aussi ne suis-je pas sûr qu’il faille le préciser. Considérant votre amendement comme satisfait, je vous demande le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Que les projets prospèrent ou qu’ils soient abandonnés, la consultation, la concertation et la coconstruction avec les habitants est vraiment nécessaire. Cela fait partie de nos principes fondamentaux. Il serait bizarre de placer cette disposition à cet endroit du texte qui traite des autorisations commerciales. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3707 de Mme Sophie Mette.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons déjà adopté un amendement concernant un rapport à l’article 50.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4536 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. Après l’annonce de l’abandon factice du projet EuropaCity, son abandon immédiat et définitif doit être inscrit dans la loi afin de laisser libres les terres du triangle de Gonesse. Cette zone où sont cultivés 280 hectares, située entre l’aéroport Charles‑de-Gaulle et celui du Bourget, devait accueillir la construction, à l’initiative d’Auchan et de l’entreprise chinoise Wanda, d’un immense complexe de commerces et de loisirs censé attirer 30 millions de visiteurs par an. Pour quel coût ? 3 milliards d’euros et l’artificialisation de 80 hectares de cultures céréalières !

Une fois le projet abandonné, nous pensions sauvées ces terres agricoles : c’était sans compter les promoteurs et les spéculateurs qui n’ont rien compris à l’urgence environnementale et climatique. Si le Gouvernement a confirmé l’abandon du complexe, il ne renonce en rien à l’urbanisation partielle des 700 hectares. Ainsi est-il encore prévu d’y construire, d’ici à 2027, une gare de la ligne 17 du Grand Paris Express ainsi qu’une zone de bureaux. La société du Grand Paris veut à tout prix bétonner les terres parmi les plus fertiles d’Europe alors que, sans EuropaCity, cela n’a plus de raison d’être.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’avoue avoir du mal à saisir ce que vous souhaitez, cher collègue, dans la mesure où le projet global de Gonesse couvre 700 hectares, dont 400 ont d’ores et déjà été sanctuarisés en zone agricole. Restent effectivement les 280 hectares auxquels vous avez fait référence.

Des projets de transport collectif, mais aussi de services et d’enseignement existent en vue de relier Gonesse à Paris, dans la région la plus jeune de France qui a besoin de développement économique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le conseil de défense écologique du 7 novembre 2019 a permis au Gouvernement d’annoncer l’abandon par l’État du complexe EuropaCity. Des travaux ont effectivement été confiés à Francis Rol-Tanguy, et sur leur base, le Premier ministre a demandé au préfet du Val-d’Oise un rapport, en cours de concertation avec les élus et avec les habitants, en vue de l’élaboration d’un plan d’action et de développement durable économique et humain de ce territoire de l’est de ce département qui associe l’État, l’opérateur et les collectivités.

Les conclusions de ce rapport sont en cours d’expertise, avec différentes hypothèses d’aménagement qui sont dictées par la recherche de réponses aux besoins du territoire – le désenclavement et l’emploi – et par la lutte contre l’artificialisation. Ces scénarios sont effectivement liés à la gare du triangle de Gonesse sur la ligne 17 du Grand Paris Express, qui a été confirmée par Élisabeth Borne lors de l’annonce de l’abandon d’EuropaCity en novembre 2019.

Je vous confirme que ce projet est bien abandonné et que des projets alternatifs sont à l’étude, en veillant à préserver les sols contre l’artificialisation. Une zone agricole protégée a été créée sur une grande partie du triangle de Gonesse.

S’agissant de l’amendement, je ne vois pas de raison de mentionner dans la loi un projet plutôt qu’un autre : on pourrait également citer celui de Montagne d’or. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Nous avons parlé de Montagne d’or, mais nos amendements ont tous été rejetés ! Alors que l’enjeu est la préservation des terres agricoles, la politique du fait accompli est très préoccupante : le maintien d’un projet de gare au milieu des champs signifie que l’on veut urbaniser cet espace. Je vais donc voter pour cet amendement. J’en ai moi-même un sur ce sujet après l’article 57.

M. Loïc Prud’homme. Vous parlez des besoins du territoire, madame la ministre. L’autonomie alimentaire n’en est-elle pas un, impérieux, à l’heure où la crise sanitaire que nous traversons nous a montré que nous en étions bien loin ? Préserver le triangle de Gonesse dans son entièreté est bien un impératif en matière de besoins du territoire.

Nous déposerons pour l’examen en séance des amendements sur chacun des grands projets inutiles que vous voulez imposer depuis quatre ans.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 52 ainsi modifié.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi.

Article 52 bis (nouveau) (article L. 141-6 du code de l’urbanisme) : Planification obligatoire, dans le document d’aménagement artisanal et commercial du SCOT, de l’implantation d’entrepôts logistiques

Amendements CS5149 du rapporteur et sous-amendements CS5433 et CS5434 de Mme Delphine Batho, amendement CS2914 de M. Matthieu Orphelin, amendements identiques CS2748 de M. Thibault Bazin et CS3328 de Mme Valérie Beauvais, amendement CS826 de Mme Delphine Batho, amendements identiques CS3430 de M. Dominique Potier et CS3768 de Mme Anne-France Brunet, amendements identiques CS4071 de Mme Florence Lasserre et CS4324 de M. Damien Adam, rapporteur thématique, amendement CS3695 de M. Erwan Balanant, rapporteur thématique, amendements identiques CS329 de M. Guy Bricout, CS519 de M. Thibault Bazin, CS662 de Mme Émilie Bonnivard et CS932 de M. PaulAndré Colombani, amendements identiques CS200 de M. Guy Bricout et CS1276 de M. Loïc Dombreval, amendements CS2912 de M. Matthieu Orphelin, CS498 de M. Pierre Vatin, CS1062 de M. Emmanuel Maquet, CS4516 de M. Loïc Prud’homme, CS3901 de Mme Valérie Petit, CS5227 de M. Guillaume Gouffier-Cha, CS596 de Mme Delphine Batho, amendements identiques CS609 de M. Bertrand Bouyx, CS1306 de Mme Nathalie Bassire, CS1771 de Mme Anne-Laurence Petel et CS4328 de M. Jean-Luc Fugit, et amendements CS1152 de Mme Danielle Brulebois et CS2792 de Mme Florence Lasserre (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CS5149 propose de faire évoluer le document d’aménagement artisanal, commercial de DAAC en DAACL (document d’aménagement artisanal, commercial et logistique), qui permettra de déterminer les conditions d’implantation des constructions commerciales et logistiques en fonction de leur surface, de leur impact sur les équilibres territoriaux, notamment au regard du développement du commerce de proximité, de la fréquence d’achat et des flux générés par les personnes ou les marchandises.

Il s’agit de revenir à une stratégie de définition à la fois du commerce et de la logistique sur les territoires. Ce DAACL est intégré aux SCOT, et il revient aux acteurs locaux d’en définir les besoins de développement sur le périmètre de chacun d’entre eux.

Mme Delphine Batho. Le dispositif proposé par le rapporteur ne change rien au fait qu’alors qu’Amazon compte en France dix-huit implantations, il est prévu d’en créer trente-cinq de plus dans les trois prochaines années.

Le sous-amendement CS5433 vise à insérer la précision « en proscrivant toute artificialisation des sols » puisqu’il s’agit d’assujettir les entrepôts des grandes multinationales du e-commerce a minima aux règles dont nous venons de débattre. Le sous-amendement CS5434 propose, dans l’attente de la modification très lointaine des SCOT, un moratoire sur l’extension, la transformation et la création d’entrepôts logistiques de plus de 3 000 mètres carrés destinés au e-commerce.

Le Haut Conseil pour le climat estime que 47 % de l’empreinte carbone de la France sont liés à des émissions importées, c’est-à-dire à la nature de notre consommation intérieure : elles ont augmenté de 78 % entre 1995 et 2015. On voit bien que le combat pour l’écologie et celui pour la relocalisation de l’économie ne font qu’un.

L’amendement CS826 vise, compte tenu de « l’Amazonisation » de la France, à appliquer aux entrepôts logistiques des grands acteurs dominants du e-commerce les règles de l’autorisation d’exploitation commerciale. La ministre a fait valoir que la défense du commerce physique en centre-ville et l’acceptation de la position dominante d’Amazon étaient tout à fait compatibles : c’est totalement faux, ce que prouve d’ailleurs le rapport de l’inspection générale des finances (IGF), de France Stratégie et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

La livraison par fret aérien, la multiplication de camions de livraison et la réduction des délais de livraison aggravent considérablement, selon l’IGF, le bilan carbone et celui en matière d’oxydes d’azote (NOx) du commerce en ligne, qui a par ailleurs des positions très fortes s’agissant de produits importés qui contribuent à l’artificialisation des terres. Ce même rapport appelle à des décisions rapides et indispensables et évoque des signes de rupture préoccupants. Il est temps que l’Assemblée nationale prenne des décisions !

M. Dominique Potier. Cette demande de moratoire, combat ancien en ce qui nous concerne, ne s’apparente pas au conservatisme mais à un temps démocratique capital visant à éviter qu’une forme de bulldozer vienne transformer nos pratiques commerciales et notre économie. Il faut prendre le temps de réfléchir au modèle économique qui doit être le nôtre. Je ne vais pas refaire le procès d’une certaine forme de commerce électronique et de certains opérateurs qui concentrent les pouvoirs, détruisent des emplois, du carbone, des sols et de la valeur dans l’économie de production, tout en concentrant les bénéfices au profit du capital et de certains salariés. Il s’agit de redevenir souverains dans nos décisions en matière de modèle de développement économique et commercial.

Mme Anne-France Brunet. L’amendement CS3768 identique propose un moratoire sur les entrepôts de logistique et de e-commerce d’une surface supérieure à 3 000 mètres carrés. Compte tenu des dégâts que cause leur développement massif sur l’environnement et les commerces de proximité, cela me paraît urgent, d’autant qu’ils échappent totalement au projet de loi. Le moratoire y remédiera parce qu’il renforcera les mesures de lutte contre l’artificialisation ainsi que contre les émissions de gaz à effet de serre liées aux importations et au transport de marchandises.

Mme Aude Luquet. L’amendement CS4071 vise à modifier directement l’article L. 752‑1 du code de commerce, de manière à intégrer dans la liste des projets commerciaux les entrepôts d’e-commerce.

Monsieur le rapporteur, le DAACL jugulera-t-il la concurrence entre collectivités ? Quid également de cette fameuse réforme de 2020 qui fait que les entrepôts logistiques et commerciaux sont déjà intégrés dans le SCOT qui ne sera révisé que dans trois ans ? Comment fait-on vivre tous ces documents ? Cela sera-t-il efficace ?

M. Damien Adam. Mon amendement, identique, vise à mettre fin à la concurrence déloyale entre le commerce physique et le commerce en ligne, notamment en matière de taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) : il prévoit, dès lors qu’un entrepôt logistique consacre plus de 60 % de son activité au e-commerce, qu’il soit soumis aux mêmes règles fiscales que le premier.

Nous avons à plusieurs reprises depuis 2017 essayé d’avancer sur ces thématiques sans réussir à trouver la manière de le faire. Le rapport de France Stratégie publié il y a quelques jours formule quinze propositions extrêmement pertinentes.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, il faut vraiment que vous donniez un avis favorable à ceux de nos amendements qui complètent votre proposition, notamment en soumettant les implantations d’entrepôts de e-commerce à autorisation. Surtout, le temps que cela soit mis en place, il faut décider un moratoire sur ces implantations, de sorte à enrayer la machine à artificialiser les sols qui est en marche, si j’ose dire.

Madame la ministre, si le projet de loi de finances nous offrira, au travers du code général des impôts, des solutions fiscales dans le sens d’une plus grande équité, faut-il néanmoins prévoir un certain nombre de chevaux de Troie dans le code de l’urbanisme pour permettre de tels aménagements ?

Mme Jennifer De Temmerman. L’amendement identique CS932 vise également à soumettre les entrepôts de e-commerce au régime de l’autorisation commerciale.

Cette question n’est pas nouvelle dans cette assemblée. Or, à chaque fois que nous l’abordons, on la renvoie à plus tard, prétendant qu’il y aura un autre moyen de faire. Quel meilleur moment, donc, que celui de l’examen de cette loi, qui émane d’une volonté du Président de la République ?

M. Loïc Prud’homme. C’est toute la chaîne du e-commerce qui va à l’encontre des objectifs climatiques en raison de l’organisation qu’elle implique, en termes de transport comme d’aménagement du territoire. Le rapporteur général nous a dit que nous n’avions rien compris au modèle et qu’il fallait des entrepôts de proximité, raison pour laquelle il fallait favoriser leur implantation en France. Or nous constatons que les entrepôts s’implantent dans l’est de la France pour desservir l’Allemagne, laquelle a adopté des mesures très restrictives pour les empêcher d’artificialiser exagérément les sols et de détruire les emplois locaux et le tissu économique local. Nous servons de base arrière à ces géants pour détruire le reste de l’Europe.

Mme Delphine Batho. Les sujets sur lesquels nous avons des convergences, par-delà les sensibilités politiques, ne sont pas si fréquents. Il y a là un enjeu d’intérêt national, pour des raisons écologiques et économiques. Le rapport de France Stratégie et de l’inspection générale des finances (IGF) fait état de signaux de rupture préoccupants, avec des destructions d’emplois importantes dans le commerce de proximité mais aussi dans la grande distribution. Il y a donc urgence à agir.

Par ailleurs, concernant l’artificialisation des sols, et contrairement à ce qui vient d’être dit, certains pays européens ont adopté des mesures beaucoup plus restrictives que les nôtres s’agissant des entrepôts. Ainsi, l’Allemagne impose la densification des entrepôts existants et l’utilisation de friches afin de lutter contre l’imperméabilisation totale des sols, la perte de terres agricoles et la réduction de la séquestration du carbone. Il faut donc voter de toute urgence un moratoire en France.

M. Jean-Luc Fugit. Nous sommes nombreux à avoir été sensibilisés à ce sujet par des associations comme Les Amis de la Terre. Nous nous appuyons également sur un avis du CESE, qui recommande d’inclure les entrepôts du e-commerce dans l’interdiction et de les soumettre à une autorisation formelle des CDAC. Je partage la remarque faite sur l’Allemagne par Delphine Batho.

L’amendement CS4328 vise à intégrer les entrepôts de e-commerce dans les constructions soumises à une autorisation d’exploitation commerciale, afin de traiter équitablement les commerces physiques et le e-commerce. Il permet ainsi l’alignement de ces entrepôts sur les autres zones commerciales. Cela rentre donc bien dans le champ de la lutte contre l’artificialisation des sols.

M. Lionel Causse, rapporteur. Mon amendement va beaucoup plus loin que ceux qui donnent la possibilité aux SCOT d’intégrer la logistique à partir d’avril 2021, puisqu’il leur fait obligation de la prendre en compte dans le DAACL. Il me semble, en effet, intéressant d’avoir dans un même document une analyse globale et stratégique de développement sur le territoire de l’aménagement commercial et de la logistique.

Madame Batho, vous souhaitez proscrire toute artificialisation ; vous comprendrez que je n’y sois pas favorable. Vous nous parlez de e-commerce alors que votre amendement traite de logistique : il me semble que les deux notions sont souvent mélangées, en fonction du message que l’on a envie de faire passer. Les entrepôts logistiques peuvent servir aux EHPAD, aux hôpitaux, aux artisans locaux ; de nombreux secteurs y ont recours et l’entreprise que vous citez régulièrement n’est pas la seule à faire de la logistique en France. Le secteur est beaucoup plus important que cela et il rapporte beaucoup plus à nos territoires que ce que vous sous-entendez. Avis défavorable à tous les amendements, à l’exception du CS5149.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je voudrais repartir du rapport déjà cité de France Stratégie, de l’inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur le commerce en ligne et les différents types de commerces. Dans sa synthèse, ce rapport souligne que le bilan en gaz à effet de serre dépend essentiellement des étapes de production des biens vendus. Ceux-ci sont‑ils produits sur le territoire national ou pas ? C’est toute la question des émissions importées. La mission n’a pas mis en évidence de différences fondamentales dans les modes de production entre les biens vendus en magasin et ceux qui sont vendus en ligne. Le principal effet environnemental du commerce en ligne tient à la logistique du dernier kilomètre, c’est‑à‑dire à la manière dont les produits achetés en ligne sont livrés.

Le rapport propose d’améliorer l’équité en matière de fiscalité, de protection du consommateur et de concurrence. Je vous confirme que le Gouvernement continuera à y travailler et que le sujet sera traité en loi de finances.

Ensuite, le rapport propose d’intégrer la logistique dans la planification de l’aménagement territorial ; c’est précisément l’objet de l’amendement du rapporteur. Les entrepôts, indissociables de la logistique, sont dans leur quasi-totalité utilisés à la fois par des lieux de distribution physique et par l’e-commerce. La question se pose alors de leur positionnement global, des circuits de logistique que cela implique, de l’optimisation de ces circuits, notamment du point de vue des transports. Il faut faire entrer tout cela dans une procédure d’aménagement territorial. Ces entrepôts sont soumis à la règle de réduction de l’artificialisation qui s’imposera aux schémas régionaux, aux SCOT et aux PLUI. Une planification ciblée sur la logistique et les entrepôts permettra de répondre à la problématique.

Enfin, la dernière proposition consiste à améliorer le bilan environnemental du commerce en ligne, ce qui pose une nouvelle fois la question de la logistique du dernier kilomètre, des modes de livraison, de la tarification de la livraison par rapport à la tarification du produit. On commence à s’éloigner du sujet de l’artificialisation – le rapport confirme d’ailleurs que les entrepôts liés au e-commerce représentent moins de 1 % de l’artificialisation. C’est un sujet qui a du sens mais il concerne autant les entrepôts de e‑commerce que ceux liés au commerce physique : c’est un ensemble qui doit être traité dans le cadre de la planification.

Par conséquent, j’émets un avis favorable à l’amendement du rapporteur, qui s’inscrit dans cette stratégie de planification, et un avis défavorable à tous les autres amendements.

M. Guillaume Kasbarian. Je ne reviendrai pas sur le fait que les entrepôts de e‑commerce représentent moins de 1 % de l’artificialisation. Interdire les entrepôts en France n’empêcherait pas la commande en ligne. Les 22 millions de Français qui achètent chaque année en ligne continueront à le faire ; en revanche, les produits seraient livrés à partir d’entrepôts lointains, aux frontières du pays. La preuve en est que lorsque les entrepôts français d’Amazon ont été fermés, le 14 avril 2020, en raison de la crise du covid-19, l’entreprise a immédiatement réorganisé ses flux logistiques et a continué de livrer ses millions de produits à partir de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie. Ce n’était pas mieux du point de vue des émissions de CO2, car cela faisait rouler plus de camions sur des distances beaucoup plus longues. En logistique, l’entrepôt ne crée pas les flux : il les optimise. Si vous faites disparaître des entrepôts, les flux ne vont pas disparaître par magie mais, au contraire, se réorganiser et augmenter.

Mme Delphine Batho. La portée juridique de nos débats est de savoir si l’on doit ajouter trente-cinq nouveaux entrepôts Amazon en France. Pour moi, la réponse est clairement non, pour des raisons tenant à l’artificialisation des sols : contrairement à ce qui vient d’être dit, le rapport de l’IGF souligne l’impact local significatif sur l’artificialisation des sols, notamment des terres agricoles. Le schéma d’implantation d’Amazon est de faire de la France sa plaque tournante pour livrer les autres pays en Europe. Elle bénéficie d’une situation de concurrence déloyale scandaleuse, tant en termes d’autorisation d’exploiter et d’urbanisme qu’en termes de fiscalité.

Monsieur le rapporteur, vous renvoyez au niveau local ce qui relève d’un enjeu d’intérêt national. À chaque SCOT de se débrouiller – et encore s’agit-il du prochain SCOT, dans un futur extrêmement lointain. Entre-temps, le mal sera fait ! Aucun des amendements que j’ai proposés, contrairement à ce que vous avez dit, ne porte sur les entrepôts en général. Je vise un problème précis, un processus particulier qui est en cours, une situation de fait accompli qui va à l’encontre de la relocalisation de l’économie.

Madame la ministre, cela fait au moins cinq débats parlementaires sur ce sujet que le Gouvernement renvoie sa réponse à plus tard, annonce un rapport, une commission, etc. Nous sommes dans une situation d’urgence concernant le commerce de proximité, l’emploi dans le commerce en France, la relocalisation de l’économie et la lutte contre les émissions importées.

Mme Émilie Chalas. Nous assistons à un réquisitoire contre le e-commerce. Je rappelle que ce n’est pas le sujet du texte ! Ces considérations renvoient à la stratégie économique de la France et à la culture de consommation, qui relève d’enjeux mondiaux. Adopter ce type de mesures dans la loi n’empêcherait pas le e-commerce de prospérer. Nous devons donc nous recentrer sur notre sujet et éviter de penser que le e-commerce pourrait se développer partout sauf en France. Cela aura lieu ; il faut donc l’organiser à l’échelle sinon mondiale, du moins européenne.

Notre sujet, c’est l’artificialisation des sols, qui concerne tous les entrepôts et toutes les autres constructions. Depuis ce matin, nous ne parlons que du e-commerce, qui représente 1 %. Occupons-nous des 99 % restants, qui grignotent nos terres année après année. L’enjeu est de stopper l’artificialisation des sols et même de désartificialiser les centres urbains. Revenons à l’essentiel !

M. Dominique Potier. Tout est lié : autour de l’usage des sols, de leur partition, de la planification se jouent des choix de modèle de développement. Or le e-commerce bénéficie d’un privilège fiscal maintes fois dénoncé, d’un privilège urbanistique, puisqu’il n’est pas soumis aux mêmes autorisations, et même d’un privilège global de rapport de force léonin qui écrase les prix payés aux producteurs. Il n’y a peut-être pas plus de carbone importé sur les plateformes d’Amazon que sur celles de Carrefour, mais l’Inspection ne dit pas comment la valeur est détruite dans les chaînes de production par rapport à d’autres modèles beaucoup plus vertueux.

J’ai beaucoup appris au cours de nos débats. Il y a un modèle allemand, dont nous pouvons nous inspirer pour bâtir le nôtre, mais cela ne se fera pas d’ici à la séance. De même, définir la planification dans le SCOT prendra quelques années, tout comme la révision des SCOT, des SRADDET et des PLUI. Nous devons donc décider un moratoire afin de bien définir la part du e-commerce que nous voulons.

M. Julien Aubert. Je suis favorable à un moratoire, de la même manière que je l’étais pour les entreprises commerciales, mais je comprends les arguments consistant à dire qu’on ne doit pas mettre dans un texte environnemental un sujet essentiellement économique.

J’aimerais toutefois souligner quelques points. Tout d’abord, le e-commerce ne représente que 1 % de l’artificialisation, mais 10 % du commerce de détail. Il y a donc bien un sujet quand 1 % de l’artificialisation pèse autant dans le commerce.

Ensuite, si on bloque l’installation d’entrepôts, ces acteurs agiront en effet depuis l’étranger, mais cela aura quand même un coût sur le dernier kilomètre. Du point de vue de la concurrence, cela entraînera un renchérissement des coûts et donc un équilibrage. Ce n’est pas forcément ce que je plaide, mais on ne peut pas nier que cela aura cet effet-là.

Enfin, nous devrions plutôt discuter du CO2 et de l’augmentation des émissions de gaz liées à la densification du transport, qui sont néfastes du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique. Il n’est pas forcément pertinent d’aborder ce sujet sous l’angle de l’artificialisation. Pourquoi, monsieur le rapporteur, ne pas avoir proposé que les entreprises d’e-commerce aient une obligation de compenser le CO2 qu’elles émettent du fait de leur transport, par exemple en ayant recours à des véhicules propres ? Cela renchérirait leurs coûts et permettrait ainsi de répondre au problème de la concurrence et celui du CO2.

Mme Marie Lebec. Sans vouloir refaire le débat de l’article 52, ne nous lançons pas dans une bataille de chiffres sur la question de l’artificialisation. Notre majorité ne pense pas que construire des entrepôts entraîne une importante artificialisation. Si nous n’acceptons pas les entrepôts, ils iront s’implanter à nos frontières et nous perdrons en attractivité. Ayons plutôt une logique de planification : c’est cela qui a du sens, et c’est la logique de l’amendement du rapporteur. Par ailleurs, il n’y a pas que le petit commerce qui crée de l’emploi : la logistique en crée également. Refuser l’installation des entrepôts, c’est refuser des emplois dans les transports et la logistique.

Mme Jennifer De Temmerman. Je suis toujours dubitative quand j’entends invoquer nos partenaires européens pour justifier qu’on ne prenne pas de décision en France. Alors que nous assurerons la présidence de l’Union européenne l’année prochaine, j’invite la France à montrer l’exemple dès maintenant, sans attendre, comme sur tant d’autres sujets, que l’Allemagne prenne des décisions.

Mme Frédérique Tuffnell. Je suis favorable à la planification dans le SCOT mais également à un moratoire dans l’installation de ces grandes surfaces, qui sont très problématiques. Pour en revenir au débat principal, la transformation numérique sera au service de nos territoires, des petites villes, et permettra de remettre du commerce dans les centres-villes. Il y a une économie commerciale à recréer de façon numérique, on le voit bien en cette période de crise du covid-19. Après la dépréciation des centres-villes dans les années 1970-1980, il faut créer une nouvelle forme urbaine. À nous de prévoir les moyens et de créer les outils pour transformer les centres-villes, car des emplois sont en jeu.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements, adopte l’amendement CS5149 et rejette tous les autres amendements.

Après l’article 52

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CS1304 de Mme Nathalie Bassire et CS3914 de Mme Valérie Petit.

Amendements identiques CS3694 de M. Erwan Balanant, rapporteur thématique, et CS3767 de Mme Anne-France Brunet, amendements CS823 de Mme Delphine Batho, CS4734 de M. Guillaume Garot, CS518 de M. Thibault Bazin, CS1769 de Mme Anne-Laurence Petel, CS4344 de Mme Aina Kuric et CS2005 de M. François-Michel Lambert (discussion commune).

Mme Anne-France Brunet. Les surfaces de vente dématérialisées du e-commerce lui avaient permis jusqu’ici de ne pas être soumis aux mêmes règles d’implantation que les autres entrepôts. Il est important d’adopter un moratoire spécifique portant sur l’installation d’entrepôts et de soumettre ceux-ci à la délivrance d’une autorisation commerciale par la CDAC. L’amendement vise à mettre fin à cette inégalité de traitement et à restaurer la concurrence libre et non faussée entre ces deux formes de commerce.

Mme Delphine Batho. Je propose également un moratoire. Le débat n’est pas pour ou contre le e-commerce : il existe un e-commerce tout petit, qui permet aux consommatrices et aux consommateurs de faire le choix du local, du made in France, de l’origine des produits, et qui permet à des petites ou moyennes entreprises françaises de se développer. Le problème, c’est qu’un acteur dominant est en train de prendre toutes les parts de marché, dont le commerce est très fortement émetteur de gaz à effet de serre. Ses produits d’électronique, d’habillement et ses jouets étant importés, les émissions de carbone sont importées. Il s’agit donc bien d’un sujet relatif au climat.

Enfin, il y a 3 millions d’actifs dans le commerce de proximité, représentant 20 % du PIB et 600 000 entreprises, dont 95 % sont des TPE. Le poids économique de ce secteur doit être pris en considération autant que son rôle dans la qualité de vie et la convivialité de nos territoires.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de demander un moratoire sur la délivrance des autorisations d’urbanisme pour l’extension ou la transformation des bâtiments d’une surface supérieure à 3 000 mètres carrés. L’objectif est de redonner un sens à la vie économique et sociale, en maintenant le e-commerce dans des proportions raisonnables – il ne s’agit pas d’interdire cette activité, qui est nécessaire.

Nous devons aussi nous appuyer sur le pilier social. Si nous débattons de ce projet de loi, c’est parce que nous devons traiter les conséquences de nos activités humaines, qui détériorent l’économie et la fonction sociale. Nous devons faire attention à nos choix et avons besoin d’une puissance publique forte pour contrôler le développement de demain.

M. Thibault Bazin. Mon amendement est très intéressant, car il permet de faire la synthèse des différentes positions. Il est un peu subtil mais il présente une certaine cohérence avec votre soutien affirmé au commerce local. D’une certaine manière, il s’agit d’un amendement sélectif du e-commerce vertueux, qui supporte le commerce local. On peut commander par voie électronique, mais certains acteurs ont des points de vente physiques. S’il vous faut un peu de temps pour évaluer l’intérêt de la notion de point de vente physique, nous pouvons adopter cet amendement dès maintenant et étudier ce point d’ici à la séance.

M. Jean-Luc Fugit. L’amendement CS1769 propose d’instaurer un moratoire sur l’installation de nouveaux entrepôts logistiques de e-commerce de plus de 3 000 mètres carrés. Ce n’est pas un amendement contre le e-commerce.

Dans la foulée de ce moratoire, il faudrait organiser une concertation des élus, des commerçants, des entreprises de e-commerce et des aménageurs afin de réduire l’impact sur l’environnement tout en prenant en considération l’emploi. La question posée est en fait celle du modèle souhaitable pour le e-commerce, avec un équilibre à penser en associant trois dimensions : l’ambition environnementale, la pertinence économique et la justice sociale.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je suis opposé à un moratoire pour les entrepôts de plus de 3 000 mètres carrés. Je vous invite tous à vérifier dans vos circonscriptions et, comme dans la mienne, vous en trouverez qui assurent la fourniture d’EHPAD, de maisons de retraite, d’établissements de santé et d’artisans. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’une des raisons pour lesquelles ce débat se prolonge est que nous traitons dans ce chapitre de la lutte contre l’artificialisation des sols. Or les questions posées par ces amendements portent soit sur le e-commerce, soit sur les liens entre celui-ci, la logistique et les émissions de gaz à effet de serre (GES), soit directement sur Amazon. On ne peut pas y répondre au travers du seul prisme de l’artificialisation des sols.

L’un des éléments intéressants du rapport rédigé par France Stratégie, le CGEED et l’IGF est qu’il montre que les conditions d’implantation des entrepôts sont en effet plus strictes en Allemagne qu’en France, mais que la part de marché d’Amazon dans le e-commerce y est de 50 %, contre 20 % en France. Il n’y a donc pas de relation de proportionnalité entre les comportements d’achat des consommateurs et l’implantation de ces entrepôts.

S’attaquer à leur création au motif de l’artificialisation ne prend pas en considération le fait que certains d’entre eux sont installés sur des friches industrielles. Le faire par l’intermédiaire de l’interdiction des permis de construire se heurte à une réalité : il n’est pas facile de faire la distinction entre les entrepôts du e-commerce ou du multicanal, sachant que beaucoup travaillent pour les deux. En fin de compte, on s’aperçoit qu’on ne peut pas traiter la question des entrepôts d’Amazon dans un texte général destiné à lutter contre l’artificialisation des sols.

La véritable réponse figure dans les conclusions du rapport précité : équité économique et fiscale ; meilleure prise en compte de la logistique, de ses entrepôts et de ses flux dans l’aménagement territorial ; traitement spécifique du sujet des émissions de GES. Avis défavorable.

Mme Émilie Bonnivard. Il s’agit aussi de rééquilibrer une fiscalité inéquitable. Je suis membre de la commission des finances et cela fait trois ans qu’on en parle ; mais ce n’est jamais le moment ni le bon texte.

Quel modèle commercial souhaitons-nous pour les centres-villes ? Le coût des loyers et les effets de la crise sont connus. On peut tous partager le constat de l’inéquité fiscale. Tant que les commerces de centre-ville souffriront, nous reviendrons à la charge. Il y va du modèle d’activité commerciale, d’aménagement du territoire et de vie sociale. La liberté d’entreprendre doit être protégée et bénéficier à tous, y compris aux entrepreneurs individuels.

Mme Delphine Batho. Tout d’abord, je remercierais le rapporteur de bien vouloir répondre au texte des amendements. Ceux-ci concernent un moratoire sur les entrepôts du e‑commerce pour le stockage de produits destinés au consommateur final à la suite d’une commande en ligne. Ne nous parlez pas des livraisons destinées aux EHPAD.

Ensuite, il semble que nous n’avons pas lu le même rapport, madame la ministre. Il y est écrit : « Une tendance à la hausse de la taille des entrepôts semble se dessiner […]. Des effets locaux très significatifs liés à des processus d’imperméabilisation totale des sols […]. Des entrepôts à l’origine d’une perte de terres agricoles et d’une réduction de séquestration de carbone […]. Un projet comme celui d’Amazon à Senlis représente 5,5 hectares de surface de plancher sur une parcelle de 16,5 hectares […] ; [cette activité] se traduit par des cessions foncières importantes, surtout au détriment des terres agricoles […] ; la [surface agricole utile] a baissé de 1 % entre 2000 et 2010, soit près de 3 800 hectares retirés à l’agriculture […] », etc. Il s’agit bien aussi d’un sujet d’artificialisation des sols.

M. Vincent Thiébaut. Le sujet dont nous nous occupons est celui de l’artificialisation des sols, pas celui d’Amazon. Et d’ailleurs Amazon ne fait pas de l’e‑commerce : cette entreprise gère des flux et se rémunère sur eux. C’est un nouveau modèle économique, et c’est au fond le même métier que celui de Google et de Facebook. C’est sous ce prisme-là qu’il faudra traiter la question. Le débat sur la logistique est un faux débat. Avec ces amendements, on s’en prend à l’e-commerce, qui est aussi très utile aux commerçants comme on a pu le voir au cours de la crise actuelle. Je ne suis pas forcément favorable au modèle d’Amazon, mais soyons vigilants sur la manière d’aborder le problème. Et ce n’est pas dans ce texte qu’il faut le faire.

La commission rejette successivement les amendements. 

Amendement CS3993 de Mme Huguette Tiegna.

Mme Huguette Tiegna. Cet amendement propose que la CNAC puisse être saisie par toute personne intéressée. L’article L. 752-17 du code de commerce dispose actuellement que l’introduction d’un recours devant cette commission contre l’avis d’une CDAC ne peut être effectuée que par « le demandeur, le représentant de l’État dans le département, tout membre de la commission départementale d’aménagement commercial, tout professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet ou toute association les représentant ». La modification proposée permettrait aux riverains d’introduire un recours.

M. Lionel Causse, rapporteur. Cet amendement pose une question qui ne pourra pas trouver sa réponse dans ce projet de loi. La quasi-totalité des recours administratifs préalables obligatoires formés devant la CNAC contre les décisions et avis des CDAC fait par la suite l’objet d’une procédure contentieuse. Peut-être faut-il s’interroger sur le fonctionnement de ces commissions. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La loi prévoit déjà la liste des personnes ayant un intérêt à agir pour former un recours devant la CDAC. Les particuliers ont, quant à eux, vocation à utiliser la voie de la contestation du permis de construire devant la justice administrative. Avis défavorable.

Mme Émilie Chalas. Je reviens un instant sur les débats précédents. Il ne faudrait pas réécrire l’histoire et faire un faux procès à la majorité. Dire que ce projet de loi n’a pas vocation à faire le procès du e-commerce ne signifie pas que nous ne défendons pas le commerce de centre-ville et le petit commerce. Ceux-ci ne souffrent pas seulement depuis l’apparition du e-commerce. L’installation des grandes surfaces en périphérie dans les années 1960 a déjà porté atteinte à l’attractivité des centres-villes. D’autres aspects compromettent l’avenir de ces commerces, parmi lesquels l’accès aux centres-villes ou la sécurité et la propreté de ces derniers. Les commerçants ont réagi en développant les livraisons et en faisant le choix de la qualité.

Mme Delphine Batho. Sauf erreur de ma part, je signale un grave problème : j’avais déposé un amendement similaire à celui de Mme Tiegna qui a été déclaré irrecevable. Il avait exactement le même objet et visait le même article du code de commerce. C’est un fait.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Pourriez-vous fournir le numéro de cet amendement pour vérification ?

M. Julien Aubert. Je suis plutôt favorable à l’amendement de Mme Tiegna.

Je voudrais réagir à ce qui vient d’être dit par Mme Chalas. Bossuet aurait dit que « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. » Cela fait quatre ans que vous vous plaignez de la mort des centres-villes et des petits commerces ; quatre ans que vous avez l’opportunité d’agir pour changer les choses, mais ce n’est jamais le bon moment. Il y a toujours un rapport, une commission ou une enquête qui vient. Un jour mon prince viendra...

Malheureusement, un jour mon quinquennat s’est terminé ; et à la fin on comptera les résultats. Dans le grand bocal de la Macronie, on ne trouvera rien, sinon de belles paroles qui auront permis à la situation de prospérer et au petit commerce de crever.

La commission rejette l’amendement.

Mme Delphine Batho. Madame la présidente, il ne peut pas y avoir une irrecevabilité pour les uns et une recevabilité pour les autres !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je pense que c’est une erreur. Admettez que sur 5 400 amendements il puisse y en avoir.

Mme Delphine Batho. La question n’est pas là. La Constitution garantit le droit d’amendement des parlementaires !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il y a eu d’autres erreurs et on a essayé de les rectifier au mieux. Il est possible que l’amendement de Mme Tiegna ait été irrecevable.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements identiques CS72 de M. Michel Vialay et CS342 de M. Jean-Louis Bricout ainsi que l’amendement CS4173 de M. Pacôme Rupin.

Amendement CS892 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Voici enfin un amendement que vous allez pouvoir voter, chers collègues de la majorité, parce qu’il propose que les ensembles commerciaux présentent un programme de végétalisation et de désartificialisation de 20 % de leurs surfaces, hors surface de vente. Cela s’applique, par exemple, aux parkings. C’est une mesure qui va dans le sens du projet de loi et qui permet de responsabiliser les centres commerciaux. Elle correspond parfaitement au souhait de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Je vous propose d’adopter ce compromis.

M. Lionel Causse, rapporteur. C’est une idée intéressante qui pourra enrichir la réflexion plus globale concernant les parkings. Demande de retrait.

M. Julien Aubert. Je souffre d’avoir parfois d’excellentes idées. Mais au moment de leur traduction pratique, pour quitter la caverne de Platon et entrer dans le monde réel, se présente souvent une difficulté technique…

Je pense que la commission est le lieu où l’on peut débattre. Adopter cet amendement n’obèrerait en rien une réflexion plus générale sur les surfaces de stationnement, ou plus largement sur la végétalisation d’autres surfaces commerciales, comme par exemple les toits. Si vous êtes favorables à l’amendement, rien n’empêche d’enrichir le texte de la commission. Nous pourrons ensuite voir en séance si l’on peut articuler cette disposition avec une avancée qui serait intervenue lors de la réflexion sur les parkings. Cela rendrait l’exercice plus collectif.

Mme Émilie Chalas. Je partage entièrement l’objectif de cet amendement. Comme vous le savez, j’attache une importance toute particulière à la lutte contre l’artificialisation des sols. L’amendement a pour objet de programmer l’avenir et il fait écho à celui que je présenterai en séance, qui proposera un coefficient de non-artificialisation des sols afin de prévenir leur artificialisation excessive dans les futurs projets d’urbanisme commercial.

L’amendement CS892 vise, quant à lui, à traiter le parc existant, tout comme je propose de le faire avec l’amendement que nous étudierons ensuite.

M. Julien Aubert. Bossuet et Platon vous remercient.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2304 de Mme Émilie Chalas.

Mme Émilie Chalas. Cet amendement prévoit que, pour tout parking de plus de vingt places, 50 % minimum de la surface doivent être perméables et la même proportion doit être ombragée. C’est nécessaire pour la perméabilité des sols et pour lutter contre le changement climatique.

M. Lionel Causse, rapporteur. Même réponse que précédemment : la réflexion en cours doit permettre de trouver une rédaction consensuelle d’ici la séance.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les surfaces imperméabilisées sont déjà soumises aux dispositions de la loi sur l’eau prévoyant que l’autorité préfectorale fixe des prescriptions en faveur de la gestion des eaux à la parcelle. Les documents d’urbanisme peuvent prévoir des règles sur la perméabilité des sols et la végétalisation au travers du coefficient de biotope. On peut continuer à travailler sur le sujet, en s’interrogeant sur le point de savoir si les règles doivent être nationales ou locales. Avis défavorable.

Mme Émilie Chalas. J’entends bien vos réponses, mais en pratique on constate que les parkings sont très souvent réalisés en goudron imperméable et qu’on se contente d’installer à côté une mare aux canards ou un espace vert, qui n’est rapidement plus entretenu et certainement pas ombragé. D’où l’importance d’imposer une perméabilité de la nappe de goudron elle-même.

Cela étant, je me rapprocherai de mon collègue Aubert pour travailler à un nouvel amendement en séance.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement CS4068 que j’avais proposé avec mon groupe et qui a été adopté hier peut répondre à cette interrogation très juste. Sa rédaction est plus large, car il prévoit des règles de limitation de l’imperméabilisation des sols, de désimperméabilisation de ceux-ci et de compensation de toute imperméabilisation nouvelle.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS3145 de Mme Anne-Laurence Petel et CS1308 de Mme Nathalie Bassire.

Article 53 (articles L. 318-8-1 [nouveau], L. 318-8-2 [nouveau], L. 300-1 et L. 300‑8 [nouveau] du code de l’urbanisme ; article 6 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de copropriétaires) : Enrichissement des moyens de connaissance des zones d’activité économique et d’intervention dans les zones d’activité en obsolescence urbaine

Amendements identiques CS1898 de M. Thibault Bazin, CS3256 de Mme Sylvia Pinel et CS3312 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Cet amendement vise à faciliter la programmation de logements en remplacement de friches commerciales, en donnant la possibilité d’instituer des emplacements réservés dans le règlement du PLU. Cette servitude ouvre aux propriétaires un droit de délaissement, leur permettant d’exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu’il soit procédé à son acquisition.

Mme Jennifer De Temmerman. L’amendement CS3256 a été travaillé avec l’Union sociale pour l’habitat (USH).

M. Lionel Causse, rapporteur. Je partage votre opinion : la mutation de ces zones en périphérie est un levier important contre la construction en extension urbaine. Mais le droit actuel prévoit déjà ce que vous proposez, puisque l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme permet, dans le règlement du PLU, de définir des emplacements réservés pour la création de logements. Cet article est applicable aux zones d’activité économique (ZAE). Demande de retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis : ces amendements sont déjà satisfaits.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5163 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2728 de Mme Patricia Lemoine.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5140 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS2731 de Mme Patricia Lemoine et CS3292 de M. Pierre Venteau.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5141 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS4831 de M. Guillaume Kasbarian.

Amendement CS2303 de M. Bertrand Pancher.

Mme Jennifer De Temmerman. L’amendement porte sur l’emprise routière. Il propose de saisir l’occasion de l’inventaire des ZAE prévu par l’article 53 pour identifier les opportunités de création d’installations terminales embranchées à même de favoriser une desserte non-routière de ces zones.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’inventaire prévu porte sur les ZAE et il convient de ne pas l’alourdir, même si le sujet des dessertes logistiques est important.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS5142, CS5143, CS5162 et CS5145 du rapporteur.

Amendement CS5289 du rapporteur, amendement CS2750 de M. Thibault Bazin et sous-amendement CS5432 du rapporteur (discussion commune).

M. Lionel Causse, rapporteur. Mon amendement propose d’allonger le délai d’adoption de l’inventaire, tout en s’assurant que l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) le réalise dans un délai de deux ans au lieu d’un.

M. Thibault Bazin. La mise en place d’un tel outil, dont le niveau de détail serait la parcelle, suppose de mener un travail de recensement et d’enquête extrêmement important. Tous les territoires concernés ne disposent pas des moyens techniques, humains et financiers nécessaires pour le faire dans le délai prévu. Je propose de porter celui-ci à cinq ans.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement qui allonge le délai, sous réserve de porter celui-ci à deux ans.

L’amendement CS5289 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement CS2750 sous-amendé.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5146 du rapporteur.

La commission adopte l’article 53 ainsi modifié.

Après l’article 53

Amendements identiques CS3620 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CS3979 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit d’une préconisation du rapport de la mission d’information commune sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives.

Au vu de la longueur et de la complexité des opérations de réhabilitation des friches, il n’est pas rare qu’un transfert d’un aménageur à un autre soit envisagé. Or, dans le droit actuel, ce transfert n’est pas possible dans le cadre du dispositif du tiers demandeur, et il faut alors recommencer l’ensemble de la procédure. Afin que les établissements publics fonciers (EPF) puissent mobiliser plus largement ce dispositif, nous proposons de permettre, en cours de réhabilitation, le transfert d’un tiers demandeur à un autre tiers demandeur. Ce serait un approfondissement du dispositif introduit par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

M. Lionel Causse, rapporteur. Le dispositif du tiers demandeur permet à un tiers, qui est en général un aménageur, de se substituer, après accord du préfet, à l’ancien exploitant d’un site pour assurer sa remise en état, principalement en vue de l’usage futur qui est envisagé. Il faut reconnaître que ce dispositif, très adapté aux zones moyennement tendues, reste insuffisamment connu et utilisé, notamment par les établissements publics fonciers et d’aménagement.

Vous souhaitez enrichir les moyens disponibles en permettant le transfert d’un tiers demandeur à un autre. Il s’agit déjà d’un dispositif assez dérogatoire, qui permet de faire beaucoup de choses. Il faut, avant qu’on pense à l’étendre, que les acteurs se l’approprient. Par ailleurs, le transfert que vous proposez d’autoriser pourrait fragiliser encore plus des situations juridiques qui sont déjà complexes. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Il me semble que le V de l’article 512-21 du code de l’environnement permet déjà de substituer au tiers demandeur auquel l’autorisation a été accordée un autre tiers demandeur intéressé. Je vous demande de retirer les amendements afin que nous puissions vérifier si cette possibilité est déjà effective.

L’amendement CS3979 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS3620.

Amendements identiques CS73 de M. Michel Vialay, CS345 de M. Guy Bricout et CS1750 de M. François-Michel Lambert.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. Un délai d’un mois me paraît trop court.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS2235 et CS2232 de M. François-Michel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. Les amendements CS2235 et CS2232 sont assez proches. Ils tendent à agir sur la fiscalité pour mobiliser le foncier déjà artificialisé.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. Il existe déjà des obligations de remise en état des sites, par exemple pour les usines, les ateliers, les chantiers et les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cela me paraît suffisant.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 53 bis (nouveau) (article L. 111-26 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Définition de la friche

Amendement CS3976 de Mme Stéphanie Kerbarh et sous-amendement CS5456 du rapporteur.

Mme Stéphanie Kerbarh. Cet amendement qui fait suite à la même mission d’information tend à inscrire dans le code de l’urbanisme une définition officielle des friches.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je propose de supprimer la durée de deux ans que vous prévoyez, car cela rétrécirait trop le champ d’action.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Inscrire directement dans la loi une définition des friches est un exercice complexe, car les friches couvrent en réalité beaucoup de situations différentes. Compte tenu de tout le travail qui a été fait, notamment par la mission d’information que vous avez conduite, et du sous-amendement du rapporteur, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Martial Saddier. L’amendement concerne des biens immobiliers bâtis ou non bâtis : il est donc question des terrains. Par ailleurs, un délai de deux ans me paraît déjà court, notamment pour du foncier dans une zone d’activité mais aussi pour un bâtiment fermé. Si vous supprimez le délai, que se passera-t-il ? Un terrain viabilisé mais non occupé dans une zone d’activité deviendrait de droit, sans délai, une friche ?

Mme Delphine Batho. Il faudra peut-être perfectionner la définition d’ici à la séance, en précisant ce qu’on entend par l’expression « sans une intervention préalable ». Les causes des friches peuvent être très différentes : lorsque les sols sont pollués, il faut une intervention, mais, dans certains cas, c’est un blocage juridico-financier qui est en cause. On pourrait prévoir un décret.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il serait bon d’avancer en ce qui concerne la définition des friches. C’est pourquoi j’émets un avis favorable à l’amendement sous réserve de ce que je vous propose. On pourra peut-être compléter le dispositif en séance, en retravaillant sur la durée et sur le point soulevé par Mme Batho.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Après l’article 53

Amendement CS3977 de Mme Stéphanie Kerbarh.

Mme Stéphanie Kerbarh. Il est nécessaire d’intégrer l’identification des friches et les éventuelles voies de traitement dans les documents de planification urbaine à l’échelle locale afin de mieux anticiper les actions de réhabilitation. C’est l’objet du présent amendement, qui concerne les SCOT.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’inventaire qui est prévu a vocation à identifier les parcelles vacantes des zones d’activité économique. Je considère donc que votre amendement est satisfait et vous demande de le retirer. Sinon, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements CS2901 de M. Matthieu Orphelin et CS3363 de M. Cédric Villani (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3363 demande la réalisation par les EPF d’un inventaire des friches – mais nous avons déjà parlé de cette question.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’article 53 que nous venons d’adopter prévoit en effet qu’un inventaire des zones d’activités économiques et des friches est réalisé, à échéances régulières, par les EPCI. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS71 de M. Michel Vialay et CS1764 de M. FrançoisMichel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. L’amendements est également relatif aux friches industrielles.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS69 de M. Michel Vialay et CS1755 de M. François-Michel Lambert.

Amendement CS2247 de M. François-Michel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. Cet amendement permettra aux collectivités territoriales, en cas d’inaction en matière de dépollution ou d’aménagement conduisant à artificialiser des terres agricoles, de majorer la part de la taxe d’aménagement qui leur revient.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CS4802 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud. D’autres secteurs que les zones d’activité, sur lesquelles porte l’article 53, présentent des enjeux dans le domaine de la lutte contre l’artificialisation, en particulier les lotissements anciens. Il faut réfléchir à la fois à la mutation des espaces et à celle des usages.

Nous proposons de modifier le code de l’urbanisme en ce qui concerne les règlements de lotissements afin de permettre une densification, raisonnable, dans le cadre d’un renforcement de ce qu’on appelle la démarche BIMBY (build in my backyard), qui a été testé dans plusieurs territoires français et qui est très intéressante.

L’appel à projets « territoires pilotes de la sobriété foncière » que j’ai déjà évoqué portera notamment sur cette question. Il faut trouver une évolution à la française pour ces espaces.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous soulevez une véritable question. Néanmoins, les règlements de lotissements relèvent du droit privé, et je m’interroge sur les risques de ce que vous proposez. Il faut continuer à travailler sur ce sujet : je vous invite à retirer, pour le moment, votre amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même position. Je partage les objectifs de l’amendement, mais je crois que sa rédaction pose un problème juridique : je vous propose de la retravailler d’ici à la séance.

Mme Sandra Marsaud. J’ai oublié de dire que nous avons travaillé sur cet amendement avec le think tank The Shift Project – beaucoup de monde s’intéresse à ce sujet.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS76 de M. Michel Vialay.

Amendement CS2245 de M. François-Michel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. L’amendement tend à instaurer une aide fiscale pour favoriser la reconversion des sites pollués.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 54 (articles L. 122-1-1 [nouveau] et L. 126-35-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Institution de deux études du potentiel de changement de destination et d’évolution futurs du bâtiment

Amendements de suppression CS1020 de Mme Frédérique Meunier, CS1092 de M. Vincent Descoeur, CS1884 de M. Thibault Bazin, CS2243 de M. Pierre Vatin, CS2300 de M. Maxime Minot, CS2386 de Mme Sylvia Pinel, CS2580 de Mme Véronique Louwagie, CS3008 de Mme Agnès Thill, CS3314 de M. François Pupponi, CS3824 de M. Julien Ravier et CS4905 de M. Guillaume Kasbarian.

M. Pierre Vatin. Cet article conduirait à une complexification inutile de la réglementation existante.

M. Guillaume Kasbarian. Je précise, en toute transparence, que l’amendement CS4905 fait suite à une rencontre avec la Fédération française du bâtiment (FFB). On a du mal à voir quel serait vraiment l’apport d’une étude de réversibilité des bâtiments neufs. N’est-on pas sur le point de compliquer les choses en ajoutant une contrainte administrative et en alourdissant les coûts ? Je suis sensible aux arguments des artisans et j’aimerais entendre ceux de M. le rapporteur et de Mme la ministre afin de bien comprendre ce qu’il en est et éventuellement de rassurer nos interlocuteurs.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’article 54 est important. Il fait suite aux propositions de la Convention citoyenne et il permettra de mener dès le départ une réflexion sur la vie des bâtiments à moyen et long termes. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet article, qui prévoit simplement la réalisation d’une étude sur les possibilités d’évolution des bâtiments lorsqu’une démolition, une rénovation ou une construction est prévue, traduit la volonté de la Convention citoyenne pour le climat de privilégier les rénovations aux démolitions suivies de reconstructions.

Le Gouvernement propose une rédaction incitative dont l’objectif est de sensibiliser les maîtres d’ouvrage à la conception de constructions neuves qui anticipent et facilitent les rénovations futures et de limiter les démolitions de bâtiments existants au profit de rénovations, quand elles sont possibles. Cette disposition me paraît tout à fait d’actualité : deux architectes français dont toute l’œuvre tourne autour l’idée de construire sur ce qui est déjà là, et donc d’éviter d’avoir à démolir, ont reçu hier le prix Pritzker.

Les études que nous proposons de réaliser permettront également de regarder comment on peut réduire la production de déchets et la consommation de ressources naturelles dans le secteur de la construction. Il y aura une incitation à s’emparer de ces questions et à réaliser des analyses, mais nous n’irons pas plus loin à ce stade. Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Bruno Millienne. Cet article est effectivement intéressant, non pas pour l’existant, car il est très difficile de transformer des bâtiments de bureaux en habitations – les contraintes sont beaucoup trop fortes et cela coûterait beaucoup plus cher qu’une destruction et une reconstruction. Pour les constructions neuves, en revanche, on a raison d’envisager leur réversibilité : cela permettra de leur donner plus tard une autre destination, notamment dans le contexte du développement du télétravail.

M. Guillaume Kasbarian. Je vais retirer l’amendement CS4905.

M. Pierre Vatin. Je suis surpris et déçu : vous aviez bien défendu, avec beaucoup de conviction, les artisans. Ce n’est pas pour les grosses entreprises qu’il y aura une difficulté – elles sauront toujours tenir compte, dans leurs devis, de leurs obligations légales. Pour les petites entreprises, en revanche, cet article entraînera des charges considérables et des difficultés techniques auxquelles ces acteurs ne sont pas nécessairement préparés. Le créateur d’un projet n’envisage pas forcément sa fin, dix, vingt ou trente ans plus tard : dans son esprit, il construit pour toujours, comme nous le faisons tous.

Les amendements CS3314 et CS4905 sont retirés.

La commission rejette les amendements restants.

Amendements identiques CS1409 de M. Raphaël Gérard et CS1910 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’amendement CS1910 demande, à titre de repli, que la conception ou la rénovation d’un bâtiment prenne en considération les enjeux écologiques et les possibilités d’évolution de son environnement et de ses fonctions.

Ce serait une mesure plus pragmatique. L’intérêt et la finalité des études que vous demandez restent flous et contestables. L’article 54 irait à l’encontre des objectifs de simplification et d’allègement des procédures. Par ailleurs, ces études risquent de ne pas suffire à constituer une véritable aide à la décision, et il n’y aura pas vraiment d’effets réels sur la consommation de ressources naturelles.

Vous souhaitez, madame la ministre, qu’on construise plus et mieux, mais je ne suis pas sûr que cet article soit opérationnel, même s’il part d’une bonne intention. Il existe des techniques qui font appel à des piliers et à des poteaux-poutres mais elles ne sont pas utilisables pour toutes les constructions.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. La rédaction plus souple que vous proposez n’est pas suffisamment précise. Cela sèmerait le doute.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Ce serait paradoxalement plus ambitieux et plus difficile.

Le fait de se poser des questions peut conduire à une rénovation lourde là où une déconstruction-reconstruction était initialement prévue. J’ai visité, à Clermont-Ferrand, le siège d’une grande banque qui a été totalement désossé et refait. Il est important de s’interroger avant. Ensuite, la décision sera prise en fonction de l’équation écologique et économique.

M. Martial Saddier. Quelque chose m’échappe. L’article 54 prévoit que le maître d’ouvrage transmet avant le dépôt du permis de construire un document attestant la réalisation de l’étude. Or il serait plus logique que l’attestation soit intégrée à la demande de permis de construire. Il me paraît un peu compliqué de demander aux maîtres d’ouvrage de penser avant le dépôt de la demande de permis de construire à la démolition du bâtiment.

Par ailleurs, je souhaite bon courage au ministre en charge de la construction. Si je comprends bien, c’est à lui que l’attestation serait transmise pour tous les projets. Il y a quand même des échelons entre le maire et le ministre…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis prête à regarder cette question, monsieur le député.

M. Martial Saddier. Vous pourrez même donner un avis favorable, en séance, à l’amendement que je déposerai.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS1772 de Mme Anne-Laurence Petel, CS3710 de Mme Sophie Mette et CS5147 du rapporteur (discussion commune).

M. Jean-Luc Fugit. L’amendement CS1772 propose d’inclure dans l’étude du potentiel de changement de destination et d’évolutions futures du bâtiment, qui serait réalisée au préalable, une étude du potentiel de réemploi des matériaux de construction.

Cela concerne le recyclage et l’écoconception mais je n’entrerai pas davantage dans les détails à ce stade. Vous savez que la journée mondiale du recyclage aura lieu demain, comme tous les 18 mars. Nous pourrions adopter l’amendement dans cette perspective.

M. Lionel Causse, rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.

Le potentiel de réemploi des matériaux, qui est une question essentielle, est déjà traité dans le cadre du diagnostic « produits, matériaux et déchets » avant la démolition ou la réhabilitation significative d’un bâtiment. C’est à ce stade que la réflexion sur les déchets doit être menée. Je vous demande donc de retirer vos amendements ; sinon, avis défavorable.

Les amendements CS1772 et CS3710 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CS5147.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS3888 de M. Jean-Luc Lagleize, CS1278 de M. Loïc Dombreval et CS3201 de Mme Pascale Boyer.

Amendement CS3889 de M. Jean-Luc Lagleize.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Bruno Millienne. C’est la deuxième fois que vous donnez un avis défavorable sur cette question de la surélévation. Pouvez-vous nous en donner la raison ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour moi, le potentiel de surélévation est clairement inclus dans le potentiel de réversibilité, mais si vous pensez qu’il faut l’expliciter, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Bruno Millienne. Je pense que c’est très important et que cela ne va pas de soi.

M. Thibault Bazin. La question de la surélévation n’est pas évidente : il faut tenir compte des normes incendie, de l’usage que l’on veut faire du bâtiment, des contraintes qui peuvent exister. Nous rêvons tous de faire des opérations à tiroirs pour densifier l’habitat, mais de nombreux paramètres sont à prendre en compte. Parler de réversibilité à propos de volumes qui ne font pas partie du bâtiment a priori, c’est compliqué.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS3433 et 3434 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

M. Jean-Louis Bricout. Après les maires bâtisseurs, voici les députés déconstructeurs. Nous pensons qu’il est préférable de déconstruire, en privilégiant le désassemblage et le réemploi des matériaux, plutôt que de démolir pour reconstruire. Les matériaux non directement réemployables doivent être valorisés par leur recyclage.

Le premier amendement propose que le maître d’ouvrage soit tenu de fournir un document présentant les modalités de déconstruction envisagées en termes de réemploi des matériaux et de tri sélectif, et que cette étude soit jointe au diagnostic.

Le second propose que le maître d’ouvrage réalise une étude évaluant le potentiel de réversibilité et d’évolution du bâtiment.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vos amendements sont satisfaits par le diagnostic « produits-matériaux-déchets ». Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Selon l’article 51 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) adoptée en 2020, le diagnostic déchets pré-démolition sera remplacé par le diagnostic « produits-matériaux-déchets » à compter du 1er juillet 2021. Vos amendements sont donc satisfaits.

M. Guillaume Kasbarian. Évitons de multiplier les contraintes pour ne pas avoir, ensuite, à multiplier les lois de simplification.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS3489 de Mme Nathalie Bassire.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit d’introduire, à titre expérimental, des dérogations pour les territoires ultramarins. Chacun comprendra qu’on ne peut pas demander les mêmes normes de construction dans ces territoires et en métropole.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais je ne pense pas que cet article soit le bon pour aborder la question des normes de construction, ni des dérogations à celles-ci. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les deux ordonnances prévues par la loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC) de 2018, l’une publiée en 2018, l’autre en 2020, qui permettent la mise en œuvre de solutions innovantes, répondent, selon moi, à votre préoccupation. Votre amendement me paraissant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Bruno Millienne. Ces dernières années, on a imposé dans les territoires ultramarins, par exemple en Guyane, que je connais bien, des normes de construction complètement inadaptées à la géographie, au climat ou à l’hygrométrie de ces régions. Au bout de quatre ou cinq ans, les bâtiments sont totalement délabrés et ne répondent absolument plus aux normes sanitaires initialement exigées. Je voudrais être certain que ce que nous avons voté dans la loi ESSOC prend bien en compte la spécificité des territoires ultramarins. J’apporte donc mon soutien à mon collègue Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Je maintiens cet amendement, dans la mesure où plusieurs collègues ultramarins l’ont cosigné.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 54 ainsi modifié.

Article 54 bis (nouveau) (articles L. 126-34, L. 126-35 et L. 181-1 du code de la construction et de l’habitation) : Dispositions de coordination avec les dispositions de la loi AGEC

Amendements identiques CS3980 de Mme Stéphanie Kerbarh et CS4728 de Mme Véronique Riotton. 

Mme Stéphanie Kerbarh. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la loi AGEC.

Mme Véronique Riotton. Dans l’excellente loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dont Stéphanie Kerbarh et moi-même étions rapporteures, nous avons introduit plusieurs dispositions relatives au secteur du bâtiment, notamment à la démolition, dont un diagnostic « produits-matériaux-déchets ».

Cet amendement de coordination vise à intégrer ces dispositions dans le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Après l’article 54

Amendements identiques CS3294 de Mme Sylvia Pinel et CS3315 de M. François Pupponi.

Mme Jennifer De Temmerman. Face aux grandes disparités observées sur le territoire national, il est indispensable de fournir à toutes les collectivités les moyens de se saisir de la question foncière pour qu’elles soient en capacité de bâtir une véritable stratégie dans ce domaine.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous souhaitez systématiser les démarches de veille et d’action foncière. Je suis favorable à cette démarche : c’est d’ailleurs pour cela que nous avons voté l’amendement CS5351 qui renforce les observatoires de l’habitat et du foncier. Votre amendement me paraissant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement CS3315 est retiré

La commission rejette l’amendement CS3294.

Amendements CS482 et CS483 de M. Pierre Vatin et amendement C3426 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. Cet amendement, proposé par Green Lobby, vise à promouvoir une conception des bâtiments nouveaux intégrant les possibilités de réversibilité de ceux-ci, c’est-à-dire leurs changements d’affectation ou les possibilités d’usages hybrides. Cette réversibilité des bâtiments prévient l’obsolescence des immeubles, leur démolition financièrement et énergétiquement coûteuse, ainsi que l’artificialisation des sols.

Les amendements CS482 et CS483 sont retirés.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3426.

Article 55 : Habilitation à prendre une ordonnance pour adapter les outils d’urbanisme dans le sens de la rationalisation de l’utilisation des sols

Amendements de suppression CS1911 de M. Thibault Bazin, CS2366 de Mme Sylvia Pinel, CS3118 de M. Philippe Naillet et CS4548 de M. Loïc Prud’homme.

M. Thibault Bazin. Encore un article qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances ! Vous voulez privilégier les habitations plus denses afin de limiter l’étalement urbain, mais vous privez le Parlement d’un droit de regard sur des modifications substantielles du droit de l’urbanisme.

Quand nos concitoyens viennent dans nos permanences nous parler de leurs problèmes, nous devons pouvoir leur répondre en responsabilité. Il ne faut pas nous priver de ce droit de regard ; c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Il serait préférable, madame la ministre, que vous nous présentiez, lors de l’examen en séance, un article détaillant les mesures que vous comptez prendre, plutôt que de renvoyer à une ordonnance. D’ailleurs, le Conseil d’État estime dans son avis que l’ordonnance n’est pas suffisamment encadrée et qu’elle ne répond pas aux exigences fixées par le Conseil constitutionnel pour l’application de l’article 38 de la Constitution.

Mme Jennifer De Temmerman. Je rejoins totalement M. Bazin sur ce point : nous ne pouvons pas accepter de nous départir sans cesse de notre droit à légiférer.

Mme Chantal Jourdan. Plutôt que de recourir aux ordonnances, il faudrait consulter les collectivités locales.

Mme Mathilde Panot. Le champ de l’habilitation laissée au Gouvernement est énorme et nous n’acceptons pas que tout un pan de l’urbanisme échappe au contrôle du Parlement. En outre, les dérogations au PLU et la rationalisation des autorisations peuvent entraîner de graves reculs environnementaux, le développement rapide de projets artificialisants rendant difficile l’opposition à ceux-ci ou le retour en arrière.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Vous reconnaîtrez que, dans ce chapitre, nous n’avons pas abusé des demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance. Permettez-moi de détailler ce que nous souhaitons faire à travers cette ordonnance.

Premièrement, nous souhaitons faciliter la mise en œuvre, dans les PLU et les SCOT, des objectifs de lutte contre l’artificialisation qui ont été introduits dans cette loi, en articulant toutes les dispositions votées avec le bilan des PLU et en approfondissant la question du phasage dans le temps – notamment sur la question des mutualisations intercommunales.

Deuxièmement, nous voulons inverser la charge de la preuve pour les boni de constructibilité. Nous avons débattu de cette question lors de l’examen d’un amendement du rapporteur et je me suis engagée, à votre demande, à revenir sur ce sujet en séance. En attendant, il me semble utile de maintenir l’habilitation à légiférer par ordonnance.

Troisièmement, nous avons eu une discussion avec Mme Sandra Marsaud sur l’importance d’articuler la logique du logement et celle de l’artificialisation, en définissant des stratégies plus coordonnées entre les deux. J’espère que le Gouvernement sera en mesure de faire des propositions sur cette question en séance.

Enfin, il paraît nécessaire de réfléchir à la manière d’accélérer et de faciliter la réalisation de projets importants, à condition qu’ils n’entraînent pas d’artificialisation, et tout en préservant le droit de recours et le droit à l’environnement.

Telle est la philosophie de cette habilitation à légiférer par ordonnance. Elle s’inscrit dans le prolongement de ce qui a déjà été adopté dans ce texte et il me semble qu’elle est relativement bien cadrée. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Delphine Batho. Sans parler du recours même aux ordonnances, je note un écart important entre ce que vous venez de nous exposer et ce qui est effectivement écrit dans le projet de loi. Vous dites vouloir respecter le code de l’environnement mais l’article 55 vise à le « rationaliser » pour accélérer les projets. De même, l’alinéa 3 donne l’impression que vous allez autoriser les PLU à déroger à toutes les règles relatives à l’artificialisation des sols que nous venons de voter. Je voterai ces amendements et je crois qu’il faudrait, d’ici à la séance, préciser le périmètre de l’ordonnance et clarifier certaines choses.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En séance, nous serons en mesure, soit de préciser la portée des différents alinéas de l’habilitation, soit – encore mieux – d’inscrire tout cela dans « en dur » dans la loi. Je m’engage, en tout cas, à une clarification.

M. Martial Saddier. Hormis l’allergie que nous avons pour les ordonnances, l’article 55 nous semble présenter un certain nombre de contractions. L’alinéa 3 étend les possibilités de dérogation, alors que d’autres alinéas entendent favoriser la sobriété foncière. Surtout, je m’étonne que l’ordonnance ne concerne pas seulement l’habitat, mais aussi la « mobilité », ce qui peut ouvrir sur bien des choses. Il faut aussi que la représentation nationale soit éclairée, d’ici à la séance, sur les intentions du Gouvernement, s’agissant de cette question de la mobilité.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3119 de M. Philippe Naillet.

Mme Chantal Jourdan. Cet amendement de repli vise à instaurer a minima une consultation des collectivités dans le cadre de la modification par ordonnances de compétences qui les concernent directement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS106 de M. Dino Cinieri, CS361 de M. Martial Saddier, CS759 de M. Gérard Menuel, CS1493 de M. Thibault Bazin, CS3624 de M. Alain Perea et CS4256 de M. Arnaud Viala.

M. Martial Saddier. L’amendement de repli CS361 tend à supprimer les alinéas 2 à 4, notamment la référence à la mobilité.

M. Thibault Bazin. Madame la ministre, vous venez vous-même de reconnaître qu’il est nécessaire de préciser la portée de cette habilitation, voire d’y renoncer. Vous dites vouloir compléter les articles précédents, mais nous avons eu des débats nourris sur ces articles. Il y a une vraie question de méthode et j’appelle à un travail constructif, et même à une concertation parlementaire, en vue de la séance. Il serait intéressant que vous nous communiquiez, avant la date limite de dépôt, les amendements que vous comptez présenter en séance, afin que nous puissions préparer nos sous-amendements.

M. Alain Perea. Le recours aux ordonnances ne me pose aucun problème et je fais totalement confiance au Gouvernement. Mais, souvent, nos amendements reçoivent un avis défavorable au motif qu’ils sont satisfaits ou qu’ils rendent la loi bavarde. Or les alinéas 2 à 4 me semblent bavards : je crois qu’ils sont déjà satisfaits, soit par le présent projet de loi, soit par d’autres lois. C’est le cas de l’alinéa 4, qui prévoit que les documents d’urbanisme liés à l’habitat ou à la mobilité doivent être compatibles avec les SCOT, les PLU ou les SRADDET. Compte tenu de vos explications et des engagements que vous venez de prendre, madame la ministre, je vais toutefois retirer mon amendement.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis que sur les amendements précédents. Je m’engage à être plus précise et plus exhaustive en séance.

L’amendement CS3624 est retiré.

La commission rejette les amendements restants.

Amendement CS4073 de M. Jean-Luc Lagleize. 

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit de préciser que ces objectifs comprennent également la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je rappelle que l’article 53 prévoit la création d’un inventaire des zones d’activité, qui vise notamment à identifier les friches. C’est sur le terrain, au niveau des EPCI ou des autres collectivités, que cet inventaire pourra être réalisé de la meilleure manière. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Cet amendement est satisfait par le deuxième alinéa.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3452 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’article créant le contrat de sobriété foncière.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le contrat de sobriété foncière ayant été introduit par amendement, il ne me paraît pas nécessaire de légiférer par ordonnance sur ce sujet. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1282 de M. Loïc Dombreval, CS1867 de M. FrançoisMichel Lambert et CS4322 de Mme Annie Chapelier.

Mme Jennifer De Temmerman. L’alinéa 3 nous inquiète. Il introduit une dérogation large, aux contours mal définis, qui risque de nuire à la biodiversité. Pour toutes ces raisons, nous demandons sa suppression.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je rappelle qu’il s’agit d’inverser la charge de la preuve. Cette question faisait déjà l’objet d’un amendement du rapporteur, qu’il a retiré pour nous laisser le temps de la retravailler. Je veillerai à préciser les choses d’ici à l’examen en séance.

La commission rejette les amendements.

Suivant les avis du rapporteur, elle adopte l’amendement CS3853 de M. Jean-Luc Lagleize et rejette l’amendement CS4135 de M. Aurélien Taché. 

Amendement CS893 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je propose de supprimer l’alinéa 4. Notez que, contrairement à certains de mes collègues, je ne m’oppose pas, par principe, au recours aux ordonnances, puisqu’elles font partie de la Constitution gaulliste que nous défendons tous. Cela étant, les programmes locaux de l’habitat et les plans de mobilité doivent déjà tenir compte des orientations du SCOT ; il n’est donc pas nécessaire de modifier leur contenu par ordonnance.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements CS1283 de M. Loïc Dombreval et CS1868 de M. François-Michel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. Il s’agit de préciser l’objectif flou de diminution de l’artificialisation en introduisant des objectifs chiffrés dans les documents de planification relatifs à l’habitat et à la mobilité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendement CS1870 de M. François-Michel Lambert.

Mme Jennifer De Temmerman. Il tend à supprimer l’alinéa 5, qui pourrait être une source d’insécurité juridique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS1520 de M. Hervé Pellois et CS3711 de Mme Sophie Mette.

Elle adopte l’article 55 ainsi modifié.

Après l’article 55

Amendement CS5010 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La lutte contre l’artificialisation des sols nécessite de faciliter la réutilisation des friches ou des sites en voie de cessation d’activité. Je propose donc de limiter à un mois certains délais que doit fixer le décret en Conseil d’État dans la procédure de tiers demandeur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La procédure de tiers demandeur prévoit effectivement un délai de consultation pour recueillir l’avis du dernier exploitant, du propriétaire et de l’autorité compétente, en vue de fixer la nature des usages. Réduire ces délais administratifs peut apparaître louable, mais en s’assurant que les acteurs directement impliqués puissent examiner sérieusement les propositions et leurs effets. J’ai réuni, en 2020, des groupes de travail sur la réhabilitation des friches et aucun des participants, dont beaucoup utilisent la procédure de tiers demandeur, n’a fait cette demande. Je ne suis donc pas favorable à ce que la loi vienne contraindre ces délais, qui sont réglementaires. Si, à l’occasion d’une prochaine modification réglementaire, une demande est faite, je l’examinerai, mais le délai d’un mois que vous proposez me semble vraiment trop court. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Vous m’avez convaincu !

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement l’amendement CS1307 de Mme Nathalie Bassire et les amendements CS2254, CS2257 et CS2006 de M. François-Michel Lambert.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous avons terminé l’examen des articles qui vous concernent, madame la ministre déléguée. Merci infiniment. C’était un marathon, sur des sujets complexes mais passionnants. Nous aurons le plaisir de vous retrouver en séance publique.

Chapitre IV
Lutter contre l’artificialisation des sols pour la protection des écosystèmes

Article 56 (article L. 110-4 [nouveau] du code de l’environnement) : Intégration dans le code de l’environnement de la stratégie nationale décennale des aires protégées

Amendements identiques CS993 de M. Bertrand Pancher et CS3397 de M. Dominique Potier, et amendement CS1517 de Mme Maina Sage (discussion commune).

Mme Jennifer De Temmerman. Cet article donne une valeur législative à la stratégie nationale pour les aires protégées 2021-2030, présentée le 18 janvier 2021 par le Gouvernement, et l’inscrit dans la durée. L’amendement CS993 confirme l’objectif de 10 % d’espaces à protection forte et l’ambition de constituer un réseau robuste d’aires protégées résilient aux changements globaux.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement CS3397 est identique. La stratégie nationale prévoit de protéger 30 % du territoire, dont 10 % fortement. Il convient d’adapter ces objectifs à chacune des catégories de territoire identifiées, afin de garantir une protection suffisante de la biodiversité. Les objectifs sont bons, mais il faut aussi disposer des moyens humains et financiers suffisants pour les atteindre. Par ailleurs, outre la restauration de la biodiversité, il y a deux autres enjeux majeurs : les espaces agricoles, que nous traiterons demain, et les espaces forestiers. Ces derniers sont, eux, une lacune de ce projet de loi.

M. Lionel Causse, rapporteur. Les amendements identiques veulent décliner les objectifs de protection de la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées en terre, mer, métropole et outremer. Ils introduisent ainsi huit objectifs dans une approche qui se veut globale. La stratégie procure, pour la première fois, une vision intégrée pour l’ensemble du territoire, visant le déploiement des aires protégées en fonction des enjeux écologiques mais aussi, et j’y tiens beaucoup, de la concertation et de l’acceptabilité locale. Avis défavorable donc.

Quant au troisième amendement, il renforce un objectif et apporte des précisions sur la nature du réseau d’aires protégées. J’adhère à l’idée, mais je demande son retrait au profit de l’amendement CS4729 de M. Pieyre-Alexandre Anglade qui sera bientôt examiné, et dont la rédaction est moins risquée.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La stratégie pour les aires protégées que nous avons présentée en janvier prévoit effectivement des objectifs de 30 % de protection pour la terre et la mer, dont 10 % de protection forte. Je suis défavorable aux amendements identiques qui nous enferment dans une logique comptable, plus quantitative que qualitative. La diversité et la richesse biologiques ne sont pas les mêmes selon les régions, en métropole et outremer, et il faut conserver de la souplesse. Qui plus est, nous devons mener des concertations locales pour nous assurer de l’acceptabilité des actions.

Le troisième amendement soulève la question des moyens. Je rappelle l’effort sans précédent qui vient d’être fait : vous avez bien voulu consacrer 11 millions supplémentaires aux aires protégées dans le cadre de la loi de finances pour 2021, et 60 millions dans le plan de relance. Pour notre part, nous avons très récemment renforcé les moyens humains dédiés aux aires protégées, avec 40 ETP (équivalents temps plein) supplémentaires : 20 pour les parcs nationaux, dont 10 pour le nouveau Parc national de forêts, et 20 pour les parcs nationaux marins. Je suggère, moi aussi, le retrait de cet amendement au profit de celui de M. Anglade.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS2734 de Mme Patricia Lemoine.

Amendements identiques CS1685 de M. François-Michel Lambert et CS2619 de M. Gérard Leseul.

Mme Jennifer De Temmerman. Ils visent à garantir que la stratégie nationale des aires protégées fasse l’objet d’une concertation de l’État avec les représentants des élus locaux.

M. Jean-Louis Bricout. Ces amendements ont été proposés par l’Association des petites villes de France.

M. Lionel Causse, rapporteur. Comme pour les amendements précédents, avis défavorable. Je ne pense pas qu’on puisse dans la loi citer toutes les personnes qui feront partie de la concertation. Le décret entrera plus dans le détail.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Avis défavorable. Des concertations ont déjà lieu, dans un cadre établi. Nous ne serions pas exhaustifs si nous commencions à en énumérer les parties prenantes.

M. Martial Saddier. Cet article, ce n’est pas rien : un objectif de 30 % du territoire national protégé, dont 10 % fortement, contre 6,4 % ou 6,5 % du territoire artificialisé aujourd’hui. Il faut que la représentation nationale se rende compte que ce n’est pas une mince affaire. Toute la série d’amendements qui ont trait à la concertation vous montre que c’est une vraie préoccupation, madame la secrétaire d’État. Nous avons eu ce débat avec votre collègue du logement : à trop vouloir faire les choses, on a fini par faire détester la construction dans les villes. Il ne faudrait pas en arriver au même ici. Nous voulons donc vraiment nous assurer que les projets soient acceptés. D’ici à la séance, il faudrait nous éclairer sur la manière dont vous allez associer de la façon la plus exhaustive possible les partenaires sur les territoires, pour plus d’acceptabilité.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS3012 de M. Vincent Descoeur, CS3319 de Mme Valérie Beauvais et CS4828 de M. Xavier Breton.

Mme Valérie Beauvais. Les chambres d’agriculture, qui sont présentes aux échelons départementaux et régionaux et connaissent parfaitement les territoires, doivent être impliquées dans la gouvernance afin de pouvoir maintenir les activités agricoles au sein des nouvelles aires protégées. Elles sont un partenaire essentiel dans l’optique développée par Martial Saddier.

M. Lionel Causse, rapporteur. Comme précédemment, avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Même avis. Je tiens à confirmer que les chambres d’agriculture sont présentes dans les réflexions. Pour avoir vécu de nombreuses concertations locales, je sais que les associations représentant le monde agricole y sont présentes, y compris dans les territoires où nous instaurons les protections les plus fortes.

M. Julien Aubert. L’amour c’est bien, les preuves d’amour c’est mieux ! Puisqu’on ne cesse de dire que les agriculteurs sont les premiers écologistes, les premiers acteurs de la vie rurale, les premiers à prendre soin de la nature, il faudra bien, à un moment donné, leur reconnaître un rôle particulier. N’opposons pas, dans la stratégie nationale des aires protégées, environnement et agriculture. Proposons aux chambres d’agriculture, qui ont été un peu malmenées ces dernières années, d’en être un acteur. Ce ne sont pas des amendements révolutionnaires, ils montreront simplement aux chambres d’agriculture que nous les aimons vraiment.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4729 de M. Pieyre-Alexandre Anglade et sous-amendements CS5454 du rapporteur et CS5481 de M. Jimmy Pahun.

M. Lionel Causse, rapporteur. C’est l’amendement dont nous venons de parler. Mon sous-amendement vise à préciser que l’objectif de 10 % s’entend à l’échelle nationale.

M. Jimmy Pahun. Mon sous-amendement a pour objet d’introduire deux échéances, par cohérence avec la stratégie nationale pour les aires protégées : elles seront labellisées en 2022 et effectivement gérées en 2030.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable, car l’objectif de 2022 ne semble pas réalisable. Avis favorable à l’amendement sous-amendé comme je le propose.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je suis évidemment très favorable à l’amendement. Les 10 % du territoire sous protection forte sont un objectif ambitieux, mais parfaitement atteignable dans le calendrier que nous nous sommes fixé. Nous avons suffisamment de projets matures et de concertations en cours pour savoir que nous allons atteindre cet objectif, avec la réserve apportée par le sous-amendement du rapporteur, sur lequel j’ai donc un avis favorable.

Quant au sous-amendement de M. Pahun, je pense que cette étape que représente 2022 est une cible intermédiaire dans laquelle il ne serait pas opportun de nous enfermer. Ce sont des actes réglementaires qui classent les aires protégées. Les définir, les dessiner, mener les concertations à l’horizon 2022 pour qu’elles soient toutes opérationnelles d’ici à 2030 est notre objectif, mais il ne faut pas l’inscrire dans la loi. Avis défavorable.

Successivement la commission adopte le sous-amendement CS5454 et rejette le sousamendement CS5481.

Elle adopte l’amendement sous-amendé.

En conséquence, les amendements CS994 de M. Bertrand Pancher et CS3395 de M. Dominique Potier tombent.

Amendement CS3365 de M. Cédric Villani.

Mme Delphine Batho. Les 30 % d’aires protégées doivent être réparties entre toutes les régions, et non pas être concentrées dans certains endroits du territoire.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. C’est surtout une cohérence globale sur tout le territoire qu’il faut rechercher, et l’Office français de la biodiversité (OFB) en sera le garant.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Les enjeux écologiques, environnementaux et de diversité biologique peuvent être beaucoup plus élevés dans certains territoires que dans d’autres. Il peut aussi être nécessaire de prioriser certaines zones, comme les « hotspots » de biodiversité, qui doivent être préservés plus rapidement et peuvent se concentrer dans certaines parties du territoire. La logique quantitative de cet amendement qui répartit les surfaces uniformément ne me semble pas correspondre à l’objectif, mais je partage votre souci de ne pas oublier d’espace à protéger, pour avoir la représentativité la plus complète possible. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Les amendements CS1872 de M. François-Michel Lambert, CS3282 de Mme Aude Luquet et CS3926 de Mme Valérie Petit sont tombés du fait de l’adoption de l’amendement CS4729 de M. Pieyre-Alexandre Anglade.

Mme Jennifer De Temmerman. Pour la clarté de nos débats, il serait préférable de bien signaler par avance lorsque l’adoption d’un amendement peut en faire tomber d’autres.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. J’en conviens.

Amendement CS4315 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Cette stratégie des aires protégées, que je défends, est souvent vécue dans les territoires ruraux ou ultramarins, en dépit de toutes les concertations, comme quelque chose d’imposé. Je propose donc d’ajouter que la stratégie nationale, au-delà de ses objectifs en matière d’environnement et de biodiversité, vise aussi à la reconnaissance et à la protection des cultures, des traditions et des savoir-faire des hommes et des femmes vivant dans ces territoires. Cela me paraît important pour envoyer un message à nos populations, mais aussi à l’étranger. On sait en effet, Delphine Batho la première, que cette stratégie des aires protégées est internationale et que dans certains pays les populations concernées ne sont pas forcément considérées correctement. Cette précision serait donc bénéfique pour l’image de la France.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’entends bien ces arguments. Sagesse.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Vous décrivez exactement la façon dont je promeus ces aires protégées en France. La protection ne s’envisage plus du tout comme cette mise sous cloche qui a malheureusement marqué certains esprits. Si nous conservons, par exemple en cœur de parc, de petites zones de réserve intégrale, qui ont vocation à être des espaces d’observation scientifique, l’essentiel des aires protégées, dans la haute ambition de protection que nous avons en France, veut associer l’activité humaine, dans un équilibre retrouvé entre certaines pratiques et la nature. Cette volonté est très forte et c’est vraiment en ce sens que je défends la stratégie pour les aires protégées, dans une démarche à la française où nous trouvons des équilibres beaucoup plus que nous n’excluons.

Je ne crois donc pas nécessaire d’apporter cette précision, que je considère comme satisfaite, dans le texte, et qui rendrait la loi bavarde. Demande de retrait ou avis défavorable donc, mais sachez bien que votre volonté est partagée.

M. Julien Aubert. Les députés Les Républicains ne peuvent que saluer cet amendement qui va dans le sens de ce que j’appelle une écologie humaniste, autrement dit d’une écologie qui ne nie pas le rôle de l’homme comme réponse aux problèmes qui se posent et qui fait de lui une partie intégrante de l’environnement, par opposition à une autre écologie qui fait de l’homme le principal problème, jusqu’à parfois proposer qu’il disparaisse tout simplement, en contrôlant les naissances par exemple. Cet amendement bien rédigé remet l’homme au cœur de la stratégie nationale des aires protégées et permet de concilier économie et environnement. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous irez jusqu’à rétablir la chasse à la glu, qui fait partie de ces cultures et traditions que l’amendement défend et qui, pratiquée dans cinq départements dont le Vaucluse, a été érigée en totem par les écologistes, comme pour ce qui est des animaux de cirque. Voilà l’écologie humaniste qu’il faut préserver.

M. Alain Perea. Il y a des soutiens dont on se passerait presque, monsieur Aubert ! Il n’est pas dans mon intention de défendre cette pratique, qui d’ailleurs échappe au droit français, et la question de la chasse n’est pas du tout en jeu dans cet amendement.

En revanche, dans mon ancien métier de directeur de parc naturel régional, je rencontrais tous les jours des gens qui se plaignaient d’être mis sous cloche. Nous leur répondons toujours comme vous venez de le faire, madame la secrétaire d’État, mais ils ne le vivent, ils ne le sentent pas comme ça. Le rôle du législateur est d’envoyer un signal clair à l’ensemble de nos populations. Et ce serait aussi, dans la perspective de l’Union internationale pour la conservation de la nature, une très belle façon de dire à l’ensemble de la planète que la France a une vision en matière de protection de la biodiversité et de l’environnement mais aussi des peuples que dans certains pays on appelle autochtones. Même si cet amendement est bavard, il devrait être voté.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS4898 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. L’article 56 du projet de loi donne une base législative à la stratégie nationale pour les aires protégées, dont l’objectif est de couvrir 30 % du territoire national. Aucune échéance cependant n’est prévue pour son déploiement effectif. Cet amendement la fixe au 1er janvier 2030. Cette échéance montre l’ambition élevée de la France en matière de protection des espaces naturels, tout en laissant au Gouvernement le temps de mise en œuvre nécessaire. Elle est également cohérente avec la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité, qui doit elle aussi être déployée d’ici à 2030.

M. Lionel Causse, rapporteur. La stratégie doit être actualisée tous les dix ans, et elle est déjà mise en œuvre : l’échéance de 2030 sera forcément atteinte. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Même avis. Cet amendement est effectivement satisfait. C’est tout l’objet, affirmé et réaffirmé, de cette stratégie.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3366 de M. Cédric Villani.

Mme Delphine Batho. La logique d’une actualisation tous les dix ans de la stratégie n’est pas du tout compatible avec l’effondrement actuel de la biodiversité. Il faut donc supprimer ce délai de dix ans pour la clause de rendez-vous. J’ajoute que la phrase suivante du texte me paraît étrange : « La surface totale atteinte par le réseau d’aires protégées ne peut être réduite entre deux actualisations. » Encore heureux ! Quel est le sens de cette phrase, dans une logique de progression constante ?

M. Lionel Causse, rapporteur. Il est justement important d’inscrire dans la loi ce délai de dix ans. C’est une stratégie de long terme que nous sommes en train de lancer, mais il est bon de se donner aussi un objectif à dix ans : c’est le bon délai pour éventuellement modifier la trajectoire.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Cette vision de long terme, cet horizon est nécessaire. Il est partagé, ou en tout cas nous le défendons au niveau européen et international : c’est un cadre commun dans lequel d’autres pays nous rejoignent.

La stratégie a nécessité un long temps de concertation. Or l’amendement tend à une actualisation annuelle, ce qui paraît parfaitement ingérable. Je rappelle que la stratégie intègre trois plans d’action triennaux, dont le premier est déjà publié. La clause de rendez-vous est donc en réalité de trois ans, avec une évaluation et un suivi qui seront réalisés par l’Office français pour la biodiversité selon des indicateurs définis dans le cadre des plans triennaux. Bref, le cadre est déjà bien établi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS1559 de Mme Maina Sage et CS3556 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Il s’agit de rendre l’interdiction de réduire la surface totale couverte par les aires protégées plus claire en retirant la référence aux actualisations de la stratégie.

M. Lionel Causse, rapporteur. On ne peut pas exclure que des adaptations aient lieu entre deux actualisations. Certains secteurs pourront provisoirement ne plus correspondre aux objectifs, le temps qu’une nouvelle zone remplace celle qui serait sortie des aires protégées. Avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Cet amendement figerait les situations et pourrait avoir un effet pervers, celui de nous priver d’outils, par exemple pour demander l’amélioration d’une gestion qui montrerait un manque d’ambition. Sans compter les cas évoqués par le rapporteur où une évolution des périmètres peut être rendue nécessaire entre deux actualisations, par exemple pour cause de changement climatique ou de migration de certaines espèces. Il n’est donc pas souhaitable de figer ces cadres. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS2008 de Mme Maina Sage.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. C’est une gymnastique intéressante qui est proposée, mais qui existe déjà dans le cadre du label bas-carbone. Des projets locaux sont en passe d’être financés, qui prévoient la création de crédits carbone, sous réserve qu’ils soient additionnels. Des méthodologies sont en cours de développement pour des écosystèmes côtiers et marins qui pourraient se voir attribuer un label bas-carbone. Ce sera le cas demain pour les aires marines protégées. Des expérimentations sont parfaitement envisageables, et mes services se tiennent prêts à étudier celles que les rédacteurs de cet amendement souhaiteraient voir mener. Mais en l’état, l’amendement me semble satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4899 de M. Buon Tan.

M. Buon Tan. Il y a une lacune dans l’ambition du Gouvernement : rien n’est prévu pour l’information du Parlement ni des citoyens. C’est pourtant une démarche qui les intéressera fortement et qu’ils souhaiteront suivre au quotidien. Cet amendement prévoit donc la remise d’un rapport au Parlement tous les cinq ans afin de faire le point sur le déploiement de la stratégie nationale pour les aires protégées.

M. Lionel Causse, rapporteur. La stratégie nationale prévoit des bilans tous les trois ans et un bilan global en 2030. Je considère donc que votre demande est satisfaite. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Cet amendement est plutôt moins exigeant que ce que nous avons prévu avec les plans d’action triennaux. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Buon Tan. S’il s’agit bien d’une information accessible à tous les citoyens et aux parlementaires, je le retire.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Ces bilans d’étape feront évidemment l’objet d’une publication.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 56 ainsi modifié.

11.   Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 21 heures

M. Bruno Millienne, président. Chers collègues, nous avons examiné 3 285 amendements, au rythme moyen de quarante amendements à l’heure. Il en reste cent sur le titre IV. L’examen du titre V commencera demain matin.

Article 56 bis (nouveau) (chapitre III du titre IV du livre III du code de l’environnement) : Création d’un arrêté de limitation de l’accès aux aires protégées

Amendement CS5333 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. Nous sommes tous conscients du problème posé par l’hyperfréquentation de certains espaces.

Je propose de permettre aux maires et aux préfets de prendre des arrêtés pour réglementer ou interdire l’accès aux aires protégées lorsqu’une fréquentation excessive peut porter atteinte à leurs caractéristiques écologiques, forestières, paysagères ou esthétiques.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Avis très favorable. Je tiens à saluer le travail du sénateur M. Jérôme Bignon, du député M. Jimmy Pahun, et de nombreux autres qui connaissent dans leurs circonscriptions les problèmes d’hyperfréquentation des aires protégées. Je me suis rendu dans le parc national des Calanques avec Mme Claire Pitollat et M. Saïd Ahamada il y a quelques semaines, et j’ai pu y constater que l’hyperfréquentation met en danger la résilience de ces espaces sensibles.

M. Jimmy Pahun. Merci, madame la secrétaire d’État. Cet amendement répond à une forte demande des maires des îles du Ponant, très fréquentées. La loi d’orientation sur les mobilités a permis de réduire le nombre de véhicules faisant la traversée ; il sera maintenant possible de réguler le nombre de passagers.

M. Martial Saddier. Cet amendement renvoie à un décret en Conseil d’État. Conformément à l’usage, nous aimerions connaître les grandes lignes de ce décret avant la séance.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Ce sera fait.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 56

Amendement CS3928 de Mme Valérie Petit.

Mme Valérie Petit. Je vous propose un très bel amendement sur les forêts, en particulier celles qui ceinturent nos villes. Elles représentent de véritables poumons verts pour les habitants, ce sont des lieux où – quand nous ne sommes pas confinés – nous nous échappons pour nous reconnecter à la nature. Ces forêts rendent des services innombrables, elles nous protègent, et je suggère que nous les protégions à notre tour.

Je propose de classer les bois et forêts périurbains en forêts de protection. Ce serait un très bel objectif à nous fixer pour 2030, et j’espère susciter votre adhésion.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous proposez de classer tous les bois et forêts périurbains en forêt de protection. L’un des motifs de classement prévu par le code forestier concerne justement les forêts périurbaines. Il me semble que votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Avis défavorable. Le classement en forêt de protection ne doit pas être généralisé, les situations doivent être étudiées au cas par cas. De plus, la notion de forêt périurbaine n’est pas définie dans la loi.

Mme Valérie Petit. Je retiens la proposition du rapporteur et je retire l’amendement pour le retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS2658 de Mme Laurence Vichnievsky et CS3567 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Il s’agit d’encourager la philanthropie foncière pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale des aires protégées : 30 % du territoire national sous protection, et 10 % sous protection forte.

M. Lionel Causse, rapporteur. Vous souhaitez exempter les gestionnaires d’espaces naturels protégés du droit de préférence bénéficiant aux propriétaires d’une parcelle boisée en cas de vente.

Je considère que l’équilibre actuellement prévu dans le code forestier en matière d’exemption au droit de préférence doit être préservé. Je vous invite donc à retirer ces amendements, sinon avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Créer une nouvelle exemption, quel qu’en soit le bénéficiaire, risque de fragiliser l’équilibre actuel du régime forestier. Je partage néanmoins votre diagnostic sur la nécessité d’un outil pour les gestionnaires d’espaces naturels – le Conservatoire du littoral, les conservatoires d’espaces naturels.

Je vous invite donc à retirer ces amendements pour y retravailler car il faut trouver des réponses à ce problème.

L’amendement est retiré.

Article 56 ter (nouveau) : Prorogation de certains décrets de classement de parcs naturels régionaux

Amendement CS5489 du Gouvernement.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Par dérogation à l’article L. 333‑1 du code de l’environnement, nous proposons que les décrets de classement des parcs naturels régionaux dont le terme vient à échéance avant le 31 décembre 2022 soient prorogés de six mois.

Pour chaque parc naturel régional concerné, tout décret de renouvellement de classement pris en application de l’article L. 333‑1 avant l’échéance des six mois emporte le terme anticipé de la prorogation.

Cette mesure facilitera le travail de ces parcs, contraints par des délais très resserrés, et dont le travail de concertation avec les parties prenantes a été perturbé par la crise sanitaire. Nous proposons de leur laisser six mois supplémentaires.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je remercie Mme la secrétaire d’État de proposer une solution à ce problème qui avait été porté à notre connaissance lors des auditions. Vous apportez une réponse positive aux nombreux amendements de députés qui soulevaient cette difficulté, avis très favorable.

Mme Delphine Batho. L’amendement part d’une bonne intention, mais il ne règle que la situation de deux parcs naturels régionaux. Pourquoi ne pas reprendre le délai de dix‑huit mois ? Beaucoup d’autres démarches administratives ont été reportées en raison de la pandémie, et nous sommes tous attachés à la Chartreuse, aux Grands Causses, au Massif des Bauges, au Verdon, au parc Normandie-Maine, au parc Loire-Anjou-Touraine, au Vercors, à la Forêt d’Orient, à la Montagne de Reims, au Queyras, au Luberon, aux Pyrénées Ariégeoises, au Pilat – la liste est longue ! Il n’y a pas de raison de ne pas proroger le délai de dix-huit mois, et j’espère que tous les collègues seront d’accord.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Les cinq parcs naturels régionaux concernés par cette disposition font état d’un retard entre cinq et six mois, il nous semble correct de retenir ce délai. Nous ne souhaitons pas créer un précédent trop important, car malgré le contexte difficile, nous ne pouvons pas laisser glisser le calendrier.

M. Martial Saddier. L’adoption de cet amendement ferait tomber le mien – CS274 – qui me paraît pourtant mieux correspondre à la réalité de l’ensemble des parcs concernés.

M. Jean-Louis Bricout. Notre amendement CS2978 propose également de porter le délai supplémentaire à dix-huit mois, et concerne vingt-cinq parcs. Je demande à la secrétaire d’État de retirer son amendement au profit du nôtre. (Sourires).

M. Bruno Millienne, président. Excellente suggestion, Monsieur Bricout, mais les représentants des parcs concernés, qui ont été interrogés, estiment pouvoir régler le problème dans les six mois.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je confirme que c’est le délai qui a été demandé lors des auditions.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS2978 de Mme Cécile Untermaier, CS169 de M. Vincent Descoeur, CS170 de M. Vincent Rolland, CS231 de M. Patrick Hetzel, CS274 de M. Martial Saddier, CS330 de M. Dino Cinieri, CS640 de M. Guy Bricout, CS1048 de M. Emmanuel Maquet, CS1284 de M. Loïc Dombreval, CS2233 de Mme Laurence TrastourIsnart et CS426 de M. Jean-Michel Mis tombent.

Après l’article 56

Amendement CS4154 de M. Aurélien Taché.

M. Cédric Villani. C’est un sujet crucial. Il semble partir d’une situation particulière, mais il a une grande portée générale. Dans le cadre du projet de développement de l’Université Paris-Saclay, qui entraîne la construction de bâtiments et de routes, le souci de préservation de terres extraordinairement précieuses, d’une grande qualité agricole et abritant une importante biodiversité, a poussé l’État à adopter un dispositif inédit de protection : la zone de protection naturelle, agricole et forestière (ZPNAF). Elle protège cet espace de toute évolution réglementaire.

Dans le contexte de grande défiance des citoyens et des associations, je pense qu’une « zone à défendre » (ZAD) aurait déjà été installée sur ce territoire sans ce dispositif.

Il est temps de le renforcer, et de l’étendre partout où c’est nécessaire. Il peut être renforcé en garantissant par la loi l’existence d’une charte et d’un comité de pilotage. Ce dispositif doit être adopté partout où il s’impose, selon des diagnostics établis, ou chaque fois que des terres précieuses devront être protégées de grands projets de développement – je pense en particulier au célèbre Triangle de Gonesse, dont la richesse des terres n’est pas à démontrer.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il existe déjà deux dispositifs qui peuvent être engagés à l’initiative des collectivités : les zones agricoles protégées (ZAP) et les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains. Avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La préservation de long terme est assurée par les deux dispositifs cités par le rapporteur. Ils assurent une forte protection réglementaire.

Une zone agricole protégée a déjà été constituée sur une superficie de quatre cents hectares dans le Triangle de Gonesse, et je suis favorable au classement de cent soixante-dix hectares dans sa partie sud. Mais cela doit se faire à l’initiative des collectivités locales.

M. Cédric Villani. Le niveau de protection apporté par une ZAP n’est pas comparable à la protection apportée par une ZPNAF. Si le périmètre d’une ZPNAF est décidé par décret, son existence est prévue par la loi, ce qui lui offre une protection supérieure.

L’inscription de la charte et du comité de pilotage dans la loi contribuera à rassurer. Il ne s’agit pas de mégoter : sur le plateau de Saclay, les associations mettent en doute la capacité d’une loi à protéger un site des puissances à l’œuvre en matière d’urbanisation. Il est urgent de protéger davantage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4062 de Mme Florence Lasserre.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Il s’agit de placer les terres agricoles sous la sauvegarde de la nation pour les faire bénéficier d’une protection similaire à celle reconnue aux forêts françaises. Le meilleur moyen de lutter contre l’artificialisation sera toujours de renforcer la protection des espaces naturels agricoles et forestiers.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons étudié un amendement identique, présenté par M. Potier, à l’article 48.

Limiter l’artificialisation répond déjà au problème des espaces naturels agricoles et forestiers. Il est important de trouver un équilibre entre sols naturels agricoles et forestiers. C’est l’objet de ce projet de loi.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Mettre les terres agricoles sous la sauvegarde de la nation pourrait conduire à les sanctuariser, interdisant tout projet innovant.

Les nouvelles dispositions pour lutter contre l’artificialisation prévoient la possibilité de compenser l’artificialisation dans certains lieux par des renaturations d’espaces agricoles. Le projet de loi est fondé sur une logique de flux ; avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS3564 de M. Jimmy Pahun.

Amendement CS1776 de Mme Anne-Laurence Petel.

Mme Véronique Riotton. Il est proposé d’élargir le champ de compétence de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) en lui confiant la prérogative de formuler un avis conforme pour la réalisation de constructions et de projets d’aménagement nouveaux. Cet élargissement vise à renforcer la politique de lutte contre la réduction des surfaces situées en dehors des espaces urbanisés.

L’agriculture occupe plus de la moitié du territoire français, mais les pertes de surfaces agricoles utiles sont conséquentes. L’amendement propose donc de confier à la CDPENAF davantage de pouvoir pour la préservation des terres agricoles.

M. Lionel Causse, rapporteur. Nous avons déjà débattu d’un amendement identique, auquel j’avais rendu un avis défavorable. Élargir les compétences de la CDPENAF requiert au minimum une consultation des acteurs locaux. Demande de retrait, ou avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La modification proposée des compétences de la CDPENAF est vraiment importante. Même si nous souhaitons limiter les constructions conduisant à la consommation d’espaces ou au mitage, nous devons respecter l’équilibre entre les projets qui relèvent d’un avis conforme et ceux qui relèvent d’un avis simple. Les projets soumis à avis simple sont, pour la plupart, directement liés à l’exercice d’une activité agricole ou à la réutilisation du bâti existant. Il n’est pas souhaitable de séparer ces deux conditions, avis défavorable.

Mme Véronique Riotton. Je retire l’amendement, et je proposerai à son auteure d’améliorer la précision de sa rédaction.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4655 de M. Jean-Charles Colas-Roy.

M. Lionel Causse, rapporteur. Cette proposition a été discutée aux articles 48 et 49, avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La trame verte, la trame brune et la trame bleue, dont il est question dans l’amendement, sont des concepts de travail. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS2662 de Mme Laurence Vichnievsky et CS3565 de M. Jimmy Pahun.

Mme Frédérique Tuffnell. Nous préconisons de permettre la constitution d’obligations réelles environnementales (ORE) sur le domaine public. Cet instrument novateur existe pour le domaine privé, mais pas pour le domaine public. Il permettrait à l’État et aux collectivités de garantir la vocation environnementale de ses propriétés en cas de revente, afin de contribuer durablement à l’atteinte des objectifs fixés dans la stratégie nationale des aires protégées.

M. Lionel Causse, rapporteur. Permettre la signature d’obligations réelles environnementales sur le domaine public serait intéressant pour privilégier une gestion favorable à l’environnement des terrains concernés sur le long terme. Mais ces amendements doivent être retravaillés avant les débats en séances. Je vous invite donc à les retirer, à ce stade.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je comprends tout l’intérêt de rendre possible la signature d’obligations réelles environnementales sur le domaine public, mais cette exception contrevient aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité du domaine public. Cette mesure devant faire l’objet d’une réflexion approfondie avant la séance, je vous propose de retirer ces amendements.

Mme Delphine Batho. Je soutiens le point de vue du Gouvernement : l’obligation réelle environnementale est censée s’imposer aux propriétaires privés. La gestion favorable à la biodiversité du domaine public est un vrai problème, mais je ne suis pas sûre que les obligations réelles environnementales soient l’outil approprié pour y répondre.

De plus, l’amendement comporte un biais : il permettrait d’utiliser les ORE sur le domaine public en contrepartie d’une réduction des ORE sur le domaine privé. Il faut être prudent, et chercher d’autres solutions aux questions soulevées par ces amendements.

Mme Valérie Petit. Une bonne loi sur l’adaptation au changement climatique doit aussi savoir s’adapter, ce qui implique d’imaginer des solutions inédites. Je crains à nouveau de devoir pousser à être innovants, à ouvrir les opportunités plutôt que de les fermer. Cet amendement de grande qualité ouvre la discussion et mérite notre soutien.

Mme Frédérique Tuffnell. Je suis disposée à retravailler cet amendement, qui est déjà issu d’un travail avec les conservatoires des espaces naturels. Il est vrai qu’il faut innover, et je suis tout à fait prête à le faire d’ici la séance.

Les amendements sont retirés.

Article 57 (article L. 215-4-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Rétablissement de la possibilité pour le département d’exercer le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles sur les périmètres sensibles et validation des actes réglementaires intervenus dans ce sens depuis 2016

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS5148 et CS5164 du rapporteur.

Elle adopte l’article 57 ainsi modifié.

Article 57 bis (nouveau) (article L. 215-14 du code de l’urbanisme) : Octroi d’un droit de visite au titulaire du droit de préemption des ENS

Amendement CS3563 de M. Jimmy Pahun, sous-amendements CS5474 et CS5475 de M. Paul Christophe.

M. Jimmy Pahun. Il est proposé que le titulaire du droit de préemption des espaces naturels sensibles bénéficie d’un droit de visite des biens. Cette mesure a été élaborée avec le Conservatoire national du littoral, dont la qualité du travail est reconnue.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Avis défavorable. Cette disposition prévoit également une suspension du délai d’instruction qui n’est pas souhaitable. De plus, s’agissant d’espaces naturels, une visite est moins déterminante que pour des espaces bâtis.

Mme Frédérique Tuffnell. Je ne comprends pas bien le motif de ces avis défavorables. Nous octroyons un droit de visite des biens aux titulaires du droit de préemption, conformément à une demande de leur part. Pourquoi le refuser ?

M. Martial Saddier. Cet amendement me semble excellent. Un droit de visite est toujours adossé au droit de préemption, personne n’achète un bien sans le voir. Dans de grands espaces naturels sensibles, une visite permet de savoir s’il y a une décharge ou de vérifier l’état du sous-sol ; c’est utile.

Si un droit de visite est prévu pour tous les autres droits de préemption publique, je ne comprends pas pourquoi il ne serait pas accordé dans cette situation.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je comprends l’intérêt d’un droit de visite du bien. C’est le II de l’amendement qui me pose problème, car il prévoit une suspension des délais d’instruction.

Je vous propose de rectifier l’amendement CS3563 pour supprimer cette suspension du délai et prévoir uniquement un droit de visite.

La commission rejette les sous-amendements CS5474 et CS5475

Elle adopte l’amendement CS3563 rectifié.

Après l’article 57

Amendement CS3740 de M. Jean-Bernard Sempastous.

Mme Véronique Riotton. Notre collègue M. Sempastous a déposé plusieurs amendements visant à encourager la remise en valeur des terres incultes et à favoriser les communes dans le cadre de la procédure de préemption. Quatre d’entre eux ont été « sauvés », dont celui-ci, relatif au fichier immobilier.

L’absence d’entretien des biens laissés à l’abandon favorise la fermeture des milieux qui nuisent aux écosystèmes. La procédure d’appréhension des biens sans maître ou présumés tels contribue à remettre en valeur ces sites. Toutefois, elle présente un écueil : les qualités de « successibles présentés » et de propriétaires connus sont incertaines, car difficiles à vérifier, voire invérifiables. L’inscription au fichier immobilier, tenu par les services de publicité foncière, constitue un critère objectif de vérification des actes publiés.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement vise à faire en sorte que les biens faisant partie d’une succession ouverte depuis plus de trente ans soient reconnus sans maître si aucun héritier ne figure dans le fichier immobilier. D’après le droit en vigueur, un bien sans maître est un bien faisant partie de la succession d’une personne décédée sans héritier, ou dont les héritiers n’ont pas accepté la succession dans les trente ans suivant le décès.

Pour qu’un bien immobilier soit considéré comme sans maître, il faut apporter la preuve que personne n’en est l’héritier. Or l’absence d’inscription au fichier immobilier n’en est pas une, car les héritiers d’un bien en deviennent propriétaires le jour du décès de la personne dont ils héritent. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement, même s’il vise à accélérer et à simplifier la procédure d’appréhension.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Qu’un bien soit recensé au fichier immobilier comme dépourvu d’héritiers ne signifie pas qu’il l’est. Par exemple, des héritiers ayant omis de faire effectuer au notaire l’attestation permettant sa mise à jour n’en demeurent pas moins propriétaires du bien concerné. Avis défavorable.

Mme Véronique Riotton. Je retire l’amendement et inviterai notre collègue à le retravailler en vue de son examen en séance publique. Il faut trouver une solution au problème.

L’amendement est retiré.

Amendement CS1316 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de créer une zone de protection naturelle, agricole et forestière (ZPNAF) du Triangle de Gonesse, en Île-de-France, afin de protéger les 170 hectares de terres agricoles situés sur cette commune. En dépit de l’annonce de l’abandon du projet EuropaCity, la construction d’une gare en plein champ, à plus de deux kilomètres de toute habitation, se poursuit.

La présentation de cet amendement me permet d’insister sur la nécessité de concevoir autrement les ceintures maraîchères des grandes villes dans le cadre d’une stratégie de lutte contre le changement climatique, de relocalisation et de proximité. En ce qui concerne Paris et l’Île-de-France, l’autonomie alimentaire est probablement réduite à un jour. Les terres agricoles visées par l’amendement sont donc d’une valeur considérable pour aujourd’hui et pour demain et doivent être valorisées comme telles.

M. Lionel Causse, rapporteur. Le projet EuropaCity porte sur une superficie d’un peu moins de 700 hectares, dont 400 classés en zone agricole protégée (ZAP). Les 280 hectares restants font l’objet d’études. Avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La réflexion sur l’avenir de ce territoire se poursuit, en lien avec les acteurs locaux. La concertation avec les acteurs concernés et l’appropriation des enjeux qui en résulte sont indispensables. Il n’est pas nécessaire d’adopter une disposition législative. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. Adopter une disposition législative est nécessaire, puisque, pendant que l’on débat du rapport Rol-Tanguy, les travaux de construction de la gare continuent, faisant fi du projet de coopérative pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir (CARMA) et de la mobilisation de la société civile pour valoriser ces terres et développer autour de nombreuses activités. Il y a donc un problème.

La commission rejette l’amendement.

Article 57 ter (nouveau) (articles L. 161-10 et L. 161-10-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime et article L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques) : Interdiction de la désaffection d’un chemin rural par décision administrative et précision des conditions de l’échange des parcelles sur lesquelles sont sis les chemins ruraux

Amendements identiques CS842 de M. Antoine Herth et CS5005 de M. Julien Aubert.

Mme Valérie Petit. Il s’agit d’empêcher la disparition de chemins ruraux qui, en étant considérés comme affectés à l’usage public, ne pourront pas être vendus. Il s’agit d’interdire la désaffectation par décision administrative d’un chemin utilisé, même de façon irrégulière, par le public.

M. Lionel Causse, rapporteur. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Les amendements visent à protéger le patrimoine rural des communes, en faisant en sorte que le conseil municipal ne puisse désaffecter un chemin rural s’il est emprunté par le public. Cette démarche est légitime. Toutefois, la qualification de chemin rural englobe une grande diversité de situations, dont certaines se prêtent à des initiatives des communes visant à réorganiser l’espace rural. Sagesse.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir émis un avis de sagesse. En quarante ans, les chemins ruraux ont perdu 50 % de leur linéaire. Outre leur fonction de desserte des parcelles, ils constituent un patrimoine qui appartient à tout le monde.

S’agissant des chemins ruraux appartenant aux collectivités locales, il n’y a pas de problème. S’agissant de ceux qui sont des propriétés privées, s’ils sont moins ou plus utilisés – ce qui ne signifie pas qu’ils ne le seront pas à nouveau un jour, pour la randonnée ou la pratique du vélo –, le risque existe qu’ils soient repris. Les amendements permettent de sanctuariser l’avenir des chemins ruraux, au bénéfice du monde rural mais aussi du monde urbain, dont les habitants s’y promènent.

M. Thierry Benoit. Je partage l’avis de notre ami jurassien Jean-Marie Sermier. J’ajoute que certains chemins ruraux, notamment les plus anciens, qui sont des chemins creux, abritent une faune et une flore dont la protection est l’un des objectifs du présent texte. Monsieur le rapporteur, je vous pense sensible à la cause environnementale. Peut-être pourriez-vous reconsidérer votre avis sur les amendements, s’agissant d’un texte emblématique du quinquennat ? L’avis de sagesse du Gouvernement me convient à merveille. Les amendements permettent de conserver le patrimoine, tout en s’inscrivant dans une démarche de protection de la faune et de la flore.

M. Dominique Potier. Je remercie notre collègue Jean-Marie Sermier d’avoir abordé la question des chemins ruraux, qui recoupe en partie les enjeux de la biodiversité.

J’ajoute qu’il faut ouvrir une réflexion sur le financement des travaux connexes. Un problème d’équilibre financier se pose entre l’accès à l’alimentation et à l’énergie, la préservation de la biodiversité et la récréation écologique. Les communes rendent souvent des arbitrages malheureux, faute de moyens pour satisfaire la desserte de certains espaces.

La question de l’économie rurale et des chemins ruraux qui permettent de la faire prospérer doit être posée. J’avoue ne pas avoir de solution. Les financements traditionnels, par le biais des associations foncières de remembrement (AFR), semblent dépassés, corporatistes et inadaptés aux communes d’aujourd’hui. Notre collègue aborde un sujet méritant l’ouverture d’une mission d’information parlementaire. Le problème est tout sauf négligeable.

M. André Chassaigne. Je soutiens les amendements. La désaffectation d’un chemin n’est jamais durable, de nombreux exemples en attestent – j’habite un village de 500 habitants, dont j’ai longtemps été maire. Un chemin est désaffecté, faute d’usage agricole, jusqu’au jour où des habitants férus de randonnée décident qu’il mérite d’être rouvert, et souvent participent à son nettoyage. Un chemin désaffecté pendant dix, vingt ou trente ans peut, un beau jour, répondre à un besoin des populations.

Par ailleurs, dans le cadre de l’ouverture de corridors écologiques, il arrive – j’ai récemment eu l’occasion de le constater – que les pires difficultés se posent, car les chemins ont disparu, ce qui oblige à passer par des propriétés privées, avec toutes les contestations qui en résultent.

Mme Valérie Petit. Je remercie notre collègue M. Potier d’avoir escamoté mon amendement !

J’aimerais ajouter deux arguments. Comme l’a rappelé notre collègue M. Benoit, les chemins ruraux rendent service à la biodiversité, tout autant que les haies, qui font l’objet d’un plan de gestion durable (PGDH). Il serait dommage de s’en priver. Par ailleurs, pensons aux jeunes, qui font preuve d’un fort désir de reconnexion avec la nature. Ne les privons pas de la possibilité de redécouvrir les chemins ruraux et de les réinvestir !

M. Bruno Duvergé. Je soutiens les amendements. Dans cette période où on ne peut aller ni au restaurant, ni au spectacle, se balader le samedi et le dimanche dans nos campagnes est très apprécié par nos concitoyens, qui redécouvrent ces chemins. Ils sont très empruntés. Ma circonscription, qui est très rurale, compte 294 communes, dont 108 ont élu un nouveau maire aux dernières élections. La plupart d’entre eux s’intéressent aux chemins ruraux, pour en faire des voies dédiées aux mobilités douces, notamment le vélo.

Mme Sandrine Le Feur. Je soutiens les amendements. Les chemins ruraux sont très importants. Or leur préservation n’est pas toujours facile. Dans la zone légumière du Léon, où la terre est chère, certains agriculteurs les mettent en culture, ce qui a pour effet de les faire disparaître. Et les promeneurs qui empruntent le GR34 débouchent parfois sur un champ.

M. Lionel Causse, rapporteur. Compte tenu de ce débat, et même si j’ai toujours des doutes sur l’intérêt que présente, pour les communes, la possibilité de faire évoluer les chemins ruraux, j’émets un avis de sagesse.

La commission adopte les amendements.

Amendements CS2507 de M. Pierre Venteau et CS2992 de M. Yannick Kerlogot (discussion commune).

M. Lionel Causse. Sagesse.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Sagesse.

La commission adopte l’amendement CS2507. En conséquence, l’amendement CS2992 tombe.

Après l’article 57

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CS2506 de M. Pierre Venteau et CS3140 de M. Yannick Kerlogot.

Amendement CS3163 de M. Loïc Dombreval.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. J’aimerais savoir pourquoi l’amendement fait l’objet d’avis défavorables. Il vise à faire en sorte que le Gouvernement remette annuellement au Parlement un rapport sur la mise en œuvre des dispositifs d’obligations réelles environnementales (ORE) et de paiements pour services environnementaux (PSE) réalisés sur le territoire national.

Il me semble important de montrer que nous voulons valoriser les terres agricoles, et qu’un service rendu à la nature doit être rémunéré, d’autant plus que les ORE peuvent être utilisées au titre de la compensation d’atteintes à l’environnement. En dresser le bilan permettrait d’étendre leur application à d’autres domaines. La bonne compréhension et l’évaluation de ces outils me semblent nécessaires.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Madame Tuffnell, je tiens à vous éclairer sur ce point très important. Ces deux outils innovants sont opérationnels, ce dont nous pouvons nous féliciter. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit un rapport sur la mise en œuvre des ORE. Il sera publié dans les jours à venir, après validation par le secrétariat général du Gouvernement (SGG). Je recommande cette saine lecture !

S’agissant des PSE, ils sont en cours de déploiement, grâce notamment à un budget de 150 millions d’euros sur trois ans. Le ministère de la transition écologique publiera un bilan de cette expérimentation, qui a vocation à inspirer la prochaine réforme de la politique agricole commune (PAC), ce à quoi nous serons très attentifs.

L’amendement est donc satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre V
Adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique

Article 58 A (nouveau) (article L. 125-5 du code de l’environnement, articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l’habitation et article 3-3 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Adaptation du dispositif d’information acquéreur locataire pour les biens exposés au déplacement du trait de côte

Amendement CS5051 du rapporteur, sous-amendement CS5373 de Mme Sophie Panonacle.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je voudrais, avant de vous présenter mes amendements, remercier ceux qui m’ont aidé à les rédiger, en particulier les députés Sophie Panonacle, Stéphane Buchou et Jimmy Pahun, mais aussi Mme la ministre.

Nous abordons le problème du trait de côte, provoqué par l’érosion et l’élévation du niveau de la mer. Pas moins de 20 % des côtes françaises sont concernées. Les territoires littoraux étant plus denses que la moyenne, de nombreux logements sont concernés par les variations territoriales : entre 5 000 et 50 000, d’ici à 2100, pour une valeur estimée entre 800 millions et 8 milliards d’euros, selon les estimations du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Or, les outils actuels ne permettent pas de répondre aux besoins exceptionnels engendrés par la nécessité de se replier vers les zones littorales non exposées à l’érosion côtière. Il nous a donc semblé nécessaire de faire évoluer les outils dont disposent ces territoires.

Ainsi, l’amendement CS5048 tend à ce qu’un décret identifie les territoires les plus exposés au recul du trait de côte. Le CEREMA et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ont été chargés de cette mission, afin de mieux informer les habitants du recul du trait de côte. Les communes identifiées devront établir une cartographie à intégrer dans leur document d’urbanisme. Des zonages de l’exposition pourront être réalisés par les collectivités elles-mêmes sur la base des données des observatoires locaux du littoral, en s’appuyant sur le CEREMA et le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

L’amendement CS5051 vise à améliorer le dispositif d’information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers situés dans les zones exposées. L’information sera délivrée dès la visite des lieux et non plus lors de la signature de la promesse de vente ou du contrat de location. Elle intégrera l’information relative au recul du trait de côte ainsi que les conséquences pour le marché immobilier.

L’amendement CS5044 tend à ce que le zonage de l’exposition au recul du trait de côte, ainsi intégré au document d’urbanisme, distingue entre l’exposition à l’érosion de court et moyen terme à l’horizon de trente ans et celle à long terme, à l’horizon de cent ans.

Enfin, l’amendement CS5049 vise à accorder un droit de préemption spécifique afin de faciliter la maîtrise foncière dans le cadre des biens menacés d’érosion côtière. Ce droit, institué par la commune ou l’intercommunalité compétente, devra faciliter la réduction du nombre de constructions en zones très exposées et permettra d’installer des constructions non pérennes ailleurs.

Mme Sophie Panonacle. Le sous-amendement vise à compléter ainsi l’amendement : « Les annonces publicitaires pour la vente et la location des biens doivent obligatoirement porter la mention : bien exposé au risque de l’érosion côtière. » Les personnes intéressées pourraient ainsi être informées avant même la première visite. Aujourd’hui, un tiers des transactions se font entre particuliers et il importe de ne pas les mettre en danger.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’adoption de l’amendement permettra de délivrer, à temps, une information suffisamment complète. Votre sous-amendement n’est pas inintéressant. Nous pourrions peut-être réfléchir à en revoir la rédaction mais, en attendant, je vous invite à le retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. L’amendement CS5051 vise à améliorer l’information du dispositif d’information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers car, aujourd’hui, il ne contient aucun élément relatif au recul du trait de côte. Qui plus est, vous proposez de transmettre l’information dès la première visite du bien, ce qui améliore l’efficacité du dispositif tout en aidant l’acquéreur ou le locataire à prendre sa décision. Enfin, vous prévoyez l’usage du numérique, ce qui s’inscrit dans le plan de transformation numérique de l’action publique. Pour toutes ces raisons, avis favorable.

Quant au sous-amendement, je partage l’avis du rapporteur. L’important est d’informer pour que chacun puisse prendre une décision en connaissance de cause mais insérer cette mention dans les annonces publicitaires pourrait représenter une contrainte excessive susceptible de freiner le marché immobilier. En rester au stade de la première visite me semble un bon compromis entre la nécessaire information des acquéreurs ou locataires et la fluidité du marché immobilier. Je vous invite à le retirer.

Mme Sophie Panonacle. Je comprends vos arguments mais je pensais plus particulièrement à la visite entre particuliers. Comment prouver que le particulier a bien informé l’acquéreur ou le locataire, si un conflit survient par la suite ?

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement.

Article 58 B (nouveau) (article L. 321-15 [nouveau] du code de l’environnement) : Identification par décret des communes exposées à l’érosion littorale

Amendement CS5048 du rapporteur, sous-amendements CS5428 de M. Jimmy Pahun, CS5370 de Mme Sophie Panonacle, CS5442 de M. Stéphane Buchou, CS5371 de Mme Sophie Panonacle, CS5443 et CS5444 de M. Stéphane Buchou.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement tend à ce que les territoires les plus exposés au recul du trait de côte soient identifiés par décret. Ce travail serait réalisé par le CEREMA et les DREAL.

M. Jimmy Pahun. Le sous-amendement tend à intégrer les décharges, sauvages ou non, à la cartographie de communes concernées par l’évolution du trait de côte.

Mme Sophie Panonacle. Il s’agit d’associer le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) à l’élaboration de la liste des communes les plus menacées par le recul du trait de côte. Il serait légitime à remplir cette fonction en raison des missions qui lui sont déjà assignées. En effet, il assure l’élaboration, le suivi et l’évaluation de la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Il contribue, par ses avis et ses propositions, à orienter et coordonner les actions publiques en mer et dans les territoires littoraux.

M. Stéphane Buchou. Depuis près de dix ans, suite à la tempête Xynthia, la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC) est le socle des réflexions et projets menés autour de l’érosion côtière. Nous proposons d’inscrire dans le code de l’environnement cette stratégie afin de définir les orientations locales de gestion du trait de côte.

Mme Sophie Panonacle. Il s’agit de permettre à toute commune dont le territoire est en contact avec le rivage maritime d’être inscrite sur cette liste sans en attendre la révision, prévue tous les neuf ans, afin de profiter des dispositifs qui en découlent.

M. Stéphane Buchou. Je vous propose de transformer le comité national de suivi et de gestion intégrée du trait de côte, que je préside, pour lui donner une existence juridique. Deux programmes d’action ont été adoptés, 2012-2015 et 2017-2019, mais depuis, il est difficile de le faire vivre.

Je vous propose par ailleurs de le renommer « comité national de l’aménagement littoral ».

Enfin, le dernier sous-amendement tend à créer des commissions régionales de gestion de la dynamique littorale, chargées du suivi, de l’élaboration et de la labellisation de l’application des stratégies locales.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ces sous-amendements sont tous intéressants, mais certains pourraient être revus d’ici à la séance publique. C’est le cas de ceux de M. Buchou qui pourraient être retravaillés avec le CNML. J’émets donc un avis favorable au sous‑amendement CS5370 qui vise justement à associer le CNML à l’élaboration de la liste, et un avis défavorable aux autres.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement du rapporteur, auquel je suis favorable, répond à la volonté du Gouvernement d’anticiper la prise en compte de l’érosion afin de permettre aux territoires d’adapter la recomposition spatiale, tout en concentrant leur action sur les zones prioritaires.

Monsieur Pahun, le Gouvernement, sensible au problème des décharges sauvages, a pris des décisions, cette année, dans le cadre du comité interministériel de la mer. Ainsi, sur la base de la cartographie des décharges historiques en cours de réalisation par le BRGM, à partir des données fournies par les collectivités territoriales, une expérimentation sera lancée afin de dépolluer les décharges prioritaires. Je vous invite à retirer le sous-amendement.

Madame Panonacle, le CNML joue un rôle particulier dans l’élaboration des politiques d’aménagement, de protection et de mise en valeur de la mer et des littoraux, notamment la gestion intégrée des activités liées à la mer et au littoral. Sa proposition est une bonne idée et je suis favorable au sous-amendement CS5370.

Monsieur Buchou, vous proposez d’accorder aux stratégies locales une valeur juridique en les inscrivant dans la loi. Aujourd’hui, la dynamique est plutôt bien engagée, comme en témoignent les stratégies qui se mettent en place dans tous les territoires, même si ce n’est pas toujours au même rythme. Ces stratégies locales ont d’autant plus de force et d’influence qu’elles sont élaborées avec les acteurs locaux. C’est beaucoup plus important que leur inscription dans la loi. Je fais confiance aux acteurs du territoire pour se mobiliser et construire ensemble ces stratégies. Je vous invite à retirer votre sous-amendement CS5442 qui est satisfait.

J’en viens au sous-amendement CS5371 de Mme Panonacle. Nous avons décidé de dresser par voie réglementaire la liste des communes exposées au recul du trait de côte et devant intégrer dans leur document d’urbanisme une cartographie. Nous voulons diriger l’action publique vers les zones prioritaires en incitant les collectivités à s’emparer de ce sujet. Toutefois, l’article L. 321-15 du code de l’environnement, que l’amendement du rapporteur vise à insérer, devrait prévoir de réviser cette liste au moins tous les neuf ans, ce qui signifie qu’elle pourra être actualisée chaque fois que nécessaire, afin de tenir compte des évolutions locales. Une commune qui souhaitera être intégrée à cette liste pourra l’être si les phénomènes en cause le justifient. Je vous invite à retirer le sous-amendement.

Enfin, j’invite M. Buchou à retirer ses sous-amendements. Je comprends qu’il souhaite renforcer l’efficacité de la gouvernance, mais la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte s’est dotée, dès 2012, d’un comité national de suivi afin de sensibiliser les acteurs nationaux, locaux, aux problématiques de l’érosion côtière. Présidé par un parlementaire, il constitue une instance de concertation avec les représentants des parties prenantes et il n’a pas d’existence légale. Cependant, la création d’une nouvelle instance obligatoire dans le champ des problématiques littorales contredirait l’esprit de simplification, de souplesse et d’adaptabilité qui doit nous animer et qui est facteur de résilience. Enfin, la notion de gestion intégrée du trait de côte, issue du Grenelle de la mer, et employée par la sphère académique, est bien acceptée par tous les acteurs. Il serait dommage de modifier la terminologie.

Par ailleurs, ni la loi, ni le règlement, n’imposent aux territoires de se doter d’une instance dédiée au suivi des problématiques de gestion intégrée du trait de côte. Elles sont débattues au sein des instances locales existantes, comme les conseils maritimes de façade, le parlement de la mer en Occitanie ou encore la conférence régionale de la mer et du littoral en Bretagne ou dans les Pays de la Loire.

L’instauration de commissions dédiées aux problématiques du littoral aurait également pour conséquence de complexifier la gouvernance locale, ce qui n’irait pas dans le sens de la simplification.

Mme Frédérique Tuffnell. Le sous-amendement de M. Pahun relève du bon sens. Les décharges sauvages, fréquentes en bord de mer, ont des conséquences très graves pour l’écologie en cas d’érosion, comme en témoigne le cas de la décharge du quartier de Dollemard, au Havre. Il serait dommage de s’en remettre à une simple expérimentation. Je suis choquée de voir des décharges se déverser dans la mer. L’érosion n’a pas pour seule conséquence de déloger des gens, elle peut également polluer la mer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les problématiques sont différentes. Nous avons besoin d’une cartographie des communes concernées par le recul du trait de côte pour mener des politiques de prévention. Le problème des décharges ne concerne pas ces seules communes. Nous ne pouvons pas nous occuper prioritairement, de ce point de vue, de certaines communes alors que les dangers que représentent ces décharges ne sont pas forcément liés au recul du trait de côte. Le BRGM travaille à la conception de la cartographie de ces lieux. Rassurez-vous : votre préoccupation, légitime, est entendue.

M. Stéphane Buchou. C’est vrai, de plus en plus de stratégies locales sont mises en place sur le littoral, mais le vrai sujet reste celui de l’opposabilité. Le rapporteur, qui connaît bien la région de la Nouvelle Aquitaine, ne me contredira pas. Si on n’inscrit pas les stratégies locales dans la loi, certains particuliers ou professionnels continueront à faire n’importe quoi dans les territoires littoraux. Je ne pense pas, malheureusement, que si l’on en reste là, nos territoires littoraux deviennent véritablement résilients.

Les sous-amendements CS5428, CS5371, CS5443 et CS5444 sont retirés.

La commission rejette le sous-amendement CS5442.

Elle adopte le sous-amendement CS5370 et l’amendement du rapporteur sousamendé.

Article 58 C (nouveau) (article L. 562-4-1 du code de l’environnement) : Articulation des documents d’urbanisme avec les dispositions des plans de prévention des risques littoraux (PPRL)

Amendement CS5050 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement vise à prévoir dès à présent l’articulation avec les plans de prévention des risques. Ces dispositions ont pour objet de préciser les modalités de mise en cohérence des plans de prévention des risques littoraux intégrant des dispositions relatives à l’érosion, lorsque des documents d’urbanisme ont intégré la prise en compte du recul du trait de côte.

M. Jean-Marie Sermier. Nous sommes surpris de la manière dont se déroule la discussion autour de cet article qui n’existait pas, il y a encore quelques instants. Ce sont neuf amendements du rapporteur qui visent à reposer la problématique du trait de côte et non un amendement du Gouvernement. Ce n’est pas sérieux. Depuis longtemps, nous dénonçons les conditions de travail de cette commission spéciale, qui mettent à mal notre pouvoir d’amendement. Nous ne pouvons pas proposer quoi que ce soit de précis pour améliorer un texte rédigé par amendement et que l’on découvre au dernier moment ! Le problème du recul du trait de côte concerne plus de 1 000 communes et pose de graves difficultés aux propriétaires lorsqu’ils veulent vendre leurs biens mais aussi aux élus pour l’élaboration de schémas de protection. Nos collègues, qui ne siègent pas dans notre commission, mais sont plus sensibilisés que moi à ce problème, puisque je suis élu d’un des départements les plus éloignés de la moindre côte, le Jura, auraient pu travailler sur ce sujet. Ils n’ont pas pu le faire dans de bonnes conditions, ce que nous dénonçons.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les parlementaires travaillent depuis très longtemps sur le problème du trait de côte, ceux de la majorité comme ceux qui siègent dans des groupes d’étude. Ce travail a donné lieu à de nombreux échanges, notamment avec les élus représentant les communes concernées, qui se sont réjouis de l’arrivée de ce texte. Le Gouvernement a proposé des mesures par ordonnance pour proposer plus rapidement aux territoires les mesures qu’ils attendent depuis longtemps. Le rapporteur en a repris différents aspects, à la suite d’un travail avec le Gouvernement et de nombreuses concertations, pour aboutir à la meilleure rédaction possible et en débattre avec vous. Nous y sommes. En tant que membre du Gouvernement, je suis ravie que le travail parlementaire mené depuis de nombreuses années aboutisse enfin. Bien sûr, le texte est perfectible, c’est pourquoi nous en discutons à présent.

M. Lionel Causse, rapporteur. Depuis 2017, je préside le groupe d’études Littoral et nous travaillons avec tous les députés qui en sont membres pour apporter des réponses aux différents enjeux. Depuis décembre, nous avons augmenté le nombre d’auditions car nous pensions que le projet de loi dit « 4D » s’emparerait du problème du recul du trait de côte. Beaucoup de députés ont pu y participer, quelle que soit leur appartenance politique. La dernière réunion s’est tenue jeudi dernier et nous avons pu valider le dépôt de ces amendements. Lorsque nous avons appris que des mesures seraient prises par voie d’ordonnance, nous avons négocié avec le Gouvernement pour enrichir cet article 48 par nos amendements.

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne remettons pas en cause le travail qui a été fait par Mme la ministre, par M. le rapporteur et par l’ensemble des collègues concernés par la question. Le recul du trait de côte est effectivement un problème considérable, qui fait l’objet de réflexions depuis 2017.

Vous nous dites, Madame la ministre, que ce travail a déjà beaucoup avancé. S’il avait trouvé une traduction dans le projet de loi, cela nous aurait permis de travailler normalement : nous aurions pu déposer des amendements, et ceux de nos collègues qui ne sont pas membres de la commission spéciale auraient pu prendre connaissance du dispositif.

Nous sommes dans une situation où le rapporteur coconstruit avec la ministre, alors que celle-ci devrait coconstruire avec l’ensemble des parlementaires. Sur ce point comme sur d’autres, nos remarques ne sont pas entendues.

La commission adopte l’amendement.

Article 58 D (nouveau) (article L. 4433-7-2 du code général des collectivités territoriales) : Dispositions de coordination pour les communes exposées au recul du trait de côte dans les régions d’outre-mer

Amendement CS5045 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il concerne l’adaptation des territoires littoraux ultramarins au recul du trait de côte.

La commission adopte l’amendement.

Article 58 E (nouveau) (articles L. 121-19 et L. 121-21, paragraphe 3 [nouveau] de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier et article L. 121-45 du code de l’urbanisme) : Adaptation des documents d’urbanisme et des règles d’utilisation des sols des communes les plus exposées à l’érosion littorale et dispositions relatives à la réalisation et au financement de travaux d’office

Amendement CS5238 du rapporteur, sous-amendements CS5431 du Gouvernement et CS5455 de Mme Sophie Panonacle.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CS5238 concerne l’adaptation des documents d’urbanisme et des règles d’utilisation des sols des communes qui seront les plus exposées à l’érosion. Le premier zonage correspondra à la survenance du recul à un horizon proche, c’est-à-dire moins de trente ans ; le second prendra en compte l’exposition des enjeux humains au recul du trait de côte à plus long terme, entre trente et cent ans.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le sous-amendement CS5431 vise à préciser les modalités de financement de l’obligation de démolition mise en place par le nouvel article L. 121-22-5 du code de l’urbanisme créé par l’amendement CS5238.

Le financement sera à la charge du propriétaire du bien qui souhaite construire dans une zone d’exposition au recul du trait de côte à long terme prévue dans les communes les plus exposées. Il passera par un mécanisme de consignation : au moment où la démolition du bâtiment sera ordonnée par le maire, la somme retenue sera déconsignée et assortie d’intérêts. Je suis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

Mme Sophie Panonacle. La culture du risque est très peu développée dans notre pays. Pour contribuer à y remédier, le sous-amendement CS5455 vise à ajouter à la cartographie réalisée par la commune un document destiné à porter à la connaissance de tous – élus, techniciens et habitants – le phénomène de l’érosion côtière et à mettre en évidence la vulnérabilité des biens et des personnes. L’information est en effet le moteur essentiel pour faire progresser la culture du risque. Développer cette culture, c’est améliorer l’efficacité de la prévention et de la protection. Le CEREMA a consacré d’excellents rapports à la question.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je suis défavorable au sous-amendement CS5455 mais favorable au sous-amendement CS5431.

Mme Barbara Pompili, ministre. En évoquant la culture du risque, Mme Panonacle parle à mon cœur ; nous devons effectivement la faire progresser. Toutefois, la solution proposée ne me paraît pas la plus efficace : l’ajout d’un document consacré à cet enjeu risque de noyer l’information.

J’ai lancé il y a deux mois une mission, animée par M. Frédéric Courant – connu notamment pour l’émission « C’est pas sorcier » –, qui rassemble notamment des scientifiques et des sociologues. Elle est chargée de réfléchir à la manière de développer la culture du risque, qu’il s’agisse de risques naturels ou technologiques. Je vous donnerai bientôt des nouvelles de ses travaux. J’espère qu’elle permettra de nous doter d’outils efficaces.

Le sous-amendement CS5455 est retiré.

La commission adopte successivement le sous-amendement CS5431 et l’amendement sous-amendé.

Article 58 F (nouveau) (articles L. 133-1, L. 133-2, L. 133-4, L. 141-13, L. 151-5, L. 151-7, L. 151-41 et L. 153-27 du code de l’urbanisme) : Adaptation des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme des communes exposées à l’érosion littorale

Amendement CS5044 du rapporteur, sous-amendement CS5451 de M. Jimmy Pahun.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CS5044 vise à décliner le dispositif dans les documents d’urbanisme. Il prévoit l’intégration dans le géoportail de l’urbanisme des cartes de préfiguration des zones exposées au recul du trait de côte à horizon de trente ans et de trente à cent ans.

Je demande le retrait du sous-amendement CS5451 ; à défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis favorable à l’amendement. En ce qui concerne le sous-amendement, j’en demande le retrait : s’il était adopté, tous les schémas de cohérence territoriale (SCOT) littoraux devraient identifier de tels secteurs, y compris ceux qui ne sont pas concernés par le recul du trait de côte.

M. Martial Saddier. Le rapporteur nous présente neuf amendements, comptant environ 800 lignes de texte au total, à quoi s’ajoute un sous-amendement du Gouvernement. Ils réécrivent en totalité les règles d’urbanisme en zone littorale pour le siècle à venir. Il y est question d’un droit de préemption – sauf, notamment, en cas de donation entre ascendants et descendants ou entre collatéraux jusqu’au sixième degré –, ou encore de la mise en place d’une redevance. Il est tout bonnement impossible de digérer aussi rapidement toutes ces informations : les citoyens qui nous écoutent ne doivent nous en vouloir si nous ne nous prononçons pas sur ce dispositif. Nous n’avons pas des services comparables à ceux du Gouvernement. Nous nous exprimerons probablement en séance, une fois que nous aurons analysé de près la question.

La commission rejette le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement.

Article 58 G (nouveau) (article L. 210-1 et chapitre IX [nouveau] du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme) : Création d’un droit de préemption spécifique et prioritaire pour les biens exposés à l’érosion littorale

Amendement CS5049 du rapporteur, sous-amendements CS5369 de Mme Sophie Panonacle et CS5429 de M. Jimmy Pahun.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CS5049 vise à instaurer, au profit des communes et intercommunalités compétentes, un droit de préemption spécifique afin de faciliter la maîtrise foncière dans les zones menacées par l’érosion côtière. Ce mécanisme permettra de réduire le nombre de constructions situées dans les zones très exposées et de mettre en œuvre des affectations et des usages non pérennes.

Mme Sophie Panonacle. Le sous-amendement CS5359 a pour objet de garantir le rôle éminent des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER).

Le droit de préemption de ces organismes a été renforcé par la loi du 20 mai 2019 pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale, ce qui leur permet de préserver des espaces et des activités agricoles et conchylicoles. Le sous‑amendement vise à exclure les biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, au sens de l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime, du champ d’application du nouveau droit de préemption prévu par l’amendement du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je demande le retrait de ce sous-amendement, ainsi que celui du sous-amendement CS5429. Les SAFER devraient se retrouver en second rang, derrière les établissements publics fonciers (EPF), mais nous n’avons pas eu le temps de nous en assurer. Nous le ferons d’ici à la séance.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis favorable à l’amendement et demande le retrait des sous-amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Selon notre analyse, et sous réserve de vérifications plus approfondies, le droit de préemption créé par l’amendement du rapporteur prévaut sur celui des SAFER mais ne l’exclut pas : ces organismes devraient pouvoir appliquer ce droit en second rang pour tous les biens soumis au droit de préemption relatif au trait de côte, de la même façon que les autres droits de préemption prévus par le code de l’urbanisme.

Le sous-amendement CS5429 vise à limiter la mise à bail des terrains acquis au titre du droit de transmission spécifique au recul du trait de côte à une durée de quinze ans et pour un motif d’intérêt général avant qu’ils ne soient renaturés. L’objectif de l’amendement du rapporteur est évidemment la renaturation des biens ainsi acquis, mais celle-ci doit être progressive. Par ailleurs, la proposition ne permet pas de tenir compte de l’évolution de l’érosion côtière, du niveau d’exposition et de l’imminence de la disparition des biens.

Mme Sophie Panonacle. Je retire mon sous-amendement, à condition que nous y retravaillions avec M. le rapporteur en vue de la séance.

M. Jimmy Pahun. Si la proposition de Mme Panonacle n’était pas retenue, c’est toute la loi « Pahun » qui tomberait : son objectif était justement de faire passer de cinq ans à vingt ans le délai dont dispose la SAFER pour exercer son droit de préemption.

Je retire mon sous-amendement.

Mme Delphine Batho. Le Conseil d’État a-t-il émis un avis sur ces amendements qui, si je comprends bien, consistent à inscrire d’ores et déjà dans la loi une partie du contenu de la future ordonnance ?

Comme mes autres collègues, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ces dispositions sans les avoir étudiées de façon approfondie.

Mme Barbara Pompili, ministre. Comme il s’agit d’amendements, qui plus est d’origine parlementaire, le Conseil d’État n’a pas émis d’avis, Madame Batho.

M. Martial Saddier. Je vous laisse imaginer l’incidence financière de cette mesure pour les collectivités. La question, encore une fois, n’est pas de savoir s’il faut ou non créer ce droit de préemption : nous ne pouvons pas nous prononcer sur un dispositif que nous découvrons à l’instant.

Prévoir la préemption par les EPF peut sembler sympathique, mais cela ne fait que reporter la charge : au final, ce sont toujours les collectivités territoriales qui devront payer. Il serait bon que, d’ici à la séance, nous ayons un ordre d’idées des conséquences de la disposition.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ces amendements ont été élaborés en étroite concertation avec l’Association nationale des élus du littoral (ANEL). Tout n’est pas réglé, évidemment, mais le travail de concertation a bien eu lieu, et le dispositif répond à une demande des collectivités : celles-ci ont besoin d’outils pour agir.

M. Lionel Causse, rapporteur. Je confirme que ces mesures sont très attendues par les élus locaux, surtout dans les territoires qui ont d’ores et déjà avancé sur cette question – Stéphane Buchou parlait de la Nouvelle-Aquitaine, où des stratégies locales ont été élaborées, notamment pour préserver les plages. Cela dit, vous avez raison : le financement est un enjeu important. Cela fait partie des points que nous devrons aborder avec le Gouvernement.

Mme Delphine Batho. Pour éviter tout malentendu, je précise que le débat ne porte pas sur la nécessité d’agir : ce que nous mettons en cause, c’est la méthode employée, qui ne nous permet pas d’étudier la proposition et de nous prononcer en connaissance de cause.

Les sous-amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement.

Article 58 H (nouveau) (articles L. 321-1 et L. 324-1 du code de l’urbanisme) : Intégration aux compétences des établissements publics fonciers de la contribution à la politique de protection contre le recul du trait de côte

Amendement CS5052 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il vise à élargir le champ de compétence des établissements publics fonciers, afin qu’ils puissent intervenir dans le cadre de l’adaptation des territoires au recul du trait de côte.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

M. Martial Saddier. Comprenons-nous bien : nous ne remettons pas en cause le dispositif en lui-même. Nous soulignons un problème de méthode.

Si le dispositif fonctionne, on dira, dans dix ans, que c’est grâce à une concertation entre M. le rapporteur, Mme la ministre et l’ANEL ; mais si ce n’est pas le cas, ou s’il manque de l’argent, on dira que c’est à cause des parlementaires – soit parce qu’ils n’étaient pas là le soir où le texte a été voté, soit parce qu’ils n’ont rien dit pour s’y opposer.

Nous sommes ravis d’entendre qu’une concertation a été organisée en amont avec les élus du littoral, mais c’est à nous qu’il revient de voter la loi de la République. Or, pour ce faire, nous devons disposer de toutes les informations.

La commission adopte l’amendement.

Article 58 I (nouveau) (articles L. 421-5-1 [nouveau], L. 421-6-1 [nouveau], L. 421‑8, L. 421-9, L. 424-1, L. 425-15-1 [nouveau], L. 462-1, L. 462-2 et L. 480-4 du code de l’urbanisme) : Régime dérogatoire applicable aux constructions et démolitions dans les zones exposées au recul du trait de côte

Amendement CS5046 du rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit de prévoir dès maintenant le régime applicable aux constructions dans les zones exposées au recul du trait de côte délimitées par le plan local d’urbanisme ou la carte communale en application de l’un des amendements précédents. Ces dispositions tirent donc les conséquences des règles de constructibilité ainsi créées sur le régime des autorisations d’urbanisme.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable. Cet amendement, comme les autres, est le fruit d’un travail de concertation. Celle-ci n’est d’ailleurs pas finie, car les débats en séance permettront d’enrichir encore le texte. Il s’agit d’inscrire dans la loi, après en avoir débattu avec vous, des mesures initialement prévues dans l’ordonnance.

M. Jean-Marie Sermier. Les députés d’opposition n’ont pas pu déposer des amendements ni participer pleinement au débat sur un texte très attendu. Pendant la semaine qu’il nous reste avant l’examen en séance, nous allons l’étudier d’arrache-pied, notamment en recueillant l’avis de nos collègues des Républicains dont la circonscription est située en bordure de littoral – je pense à MM. Dumont, Therry, Maquet, Gosselin, Bourgeaux, Le Fur et Quentin. Même si le Gouvernement n’a pas souhaité nous associer au débat, nous nous efforcerons d’y prendre part.

M. Lionel Causse, rapporteur. Jusqu’en septembre 2020, je coprésidais avec M. Gilles Lurton le groupe d’études relatif au littoral. Nous avons beaucoup travaillé ensemble. Je regrette qu’il n’ait pas été remplacé après son départ de l’Assemblée nationale : cela aurait peut-être permis de faire le lien avec vous. Cela dit, ces propositions ont fait l’objet, depuis 2017, d’une concertation avec tous ceux qui voulaient y participer.

La commission adopte l’amendement.

Article 58 : Habilitation à prendre une ordonnance pour adapter les territoires littoraux aux effets du déplacement du trait de côte

Amendements de suppression CS107 de M. Dino Cinieri, CS309 de M. Martial Saddier, CS760 de M. Gérard Menuel, CS1494 de M. Thibault Bazin, CS2251 de Mme Laurence Trastour-Isnart, CS4077 de Mme Florence Lasserre et CS4260 de M. Arnaud Viala.

M. Martial Saddier. Le Parlement se sent dessaisi de la question. Ces amendements sont un appel à ce que, d’ici à la séance, le Gouvernement fasse montre de transparence quant à ses intentions.

M. Thibault Bazin. Madame la ministre, votre collègue Mme Wargon nous a dit qu’elle essaierait de préciser les habilitations proposées, voire d’en supprimer certaines s’agissant des articles dont elle a la charge. J’espère que vous ferez de même pour l’article 58.

Nous parlons de certaines des questions abordées ici depuis la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN). Dès cette époque, je pensais que nous aboutirions ; or, même dans ce texte, ce n’est pas encore le cas. Il faut s’adapter aux effets du dérèglement climatique, mais en concertation avec les collectivités locales, car ce sont elles qui sont en première ligne pour gérer les problèmes. Les parlementaires concernés doivent être associés eux aussi. Quant au Parlement dans son ensemble, il ne saurait être privé de la possibilité d’exprimer son avis sur ces questions. Pourriez-vous nous communiquer vos amendements avant la séance, madame la ministre, de façon à ce que nous puissions préparer nos sous-amendements ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Le recul du trait de côte est un phénomène de grande ampleur : il concerne 197 communes, hors Guyane. Nous pensons que l’ordonnance n’est pas le véhicule idoine : cette question touchant à l’aménagement du territoire doit être abordée dans un projet de loi dédié.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis moi aussi défavorable à ces amendements de suppression.

Notre objectif est tout simplement de préciser les dispositions relatives à l’adaptation des territoires littoraux, en nous appuyant sur les dix années de réflexion qui ont eu lieu sur la question – souvent avec le soutien des parlementaires. Cela dit, je vous garantis que nous vous transmettrons les éléments dont nous disposons, même si tout n’est pas encore finalisé. Les collectivités et les parlementaires seront étroitement associés. Comme vous le savez, je suis très attachée au travail parlementaire.

M. Thibault Bazin. Je connais votre attachement à l’Assemblée nationale. Il n’en demeure pas moins que le texte comporte beaucoup de demandes d’habilitation. Si les ordonnances sont déjà écrites, pourriez-vous nous les communiquer ? Cela nous permettrait de mieux appréhender vos intentions.

Le recul du trait de côte n’est pas sans conséquence : il affecte les projets des habitants. Si nous voulons éviter de consommer des terres supplémentaires, nous devons ouvrir des perspectives aux communes concernées.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS5015 du Gouvernement, sous-amendements CS5436, CS5438, CS5439 et CS5437 de Mme Sophie Panonacle, CS5450 du rapporteur.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous avons anticipé vos demandes et fait en sorte que le plus de mesures possible soient inscrites dans le texte issu de la commission. Dans la mesure où les amendements du rapporteur ont été adoptés, l’amendement CS5015 vise à réduire le champ de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour ce qui concerne les dispositions du chapitre V du titre IV.

M. Bruno Millienne, président. Je précise que l’adoption de cet amendement ferait tomber l’ensemble des amendements à l’article 58.

Mme Sophie Panonacle. Face à l’urgence climatique et aux effets du dérèglement sur le trait de côte, les communes concernées attendent avec une légitime impatience l’adoption de dispositions législatives. Je propose, avec le sous-amendement CS5436, de réduire de douze à six mois le délai durant lequel le Gouvernement est autorisé à prendre ces mesures par voie d’ordonnance.

L’absence de préconisations en matière de financement de l’adaptation des territoires littoraux au dérèglement climatique fragilise le dispositif. Déplafonner la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), affecter une partie des droits de mutation aux régions, créer un fonds assurantiel sur le modèle du fonds Barnier sont des pistes que le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 devra ouvrir. Il est indispensable, pour l’heure, que le Gouvernement s’engage à prévoir des financements spécifiques, faisant appel à la solidarité locale, régionale et nationale. Tel est l’objet du sous-amendement CS5438.

Les projets d’adaptation des territoires littoraux qui passent par une stratégie de relocalisation prendront du temps. En attendant leur mise en œuvre, il est indispensable de poursuivre l’entretien des ouvrages de protection existants, voire de créer de nouveaux dispositifs de lutte contre l’élévation du niveau de la mer. L’identification de ces ouvrages est particulièrement importante. Tel est l’objet du sous-amendement CS5439.

Dans le cas où des projets de relocalisation d’habitations et d’activités économiques nécessiteraient la mise à disposition de nouveaux espaces fonciers, le sous-amendement CS5437 précise les conditions dans lesquelles il peut être accordé une dérogation à la loi « Littoral ».

M. Lionel Causse, rapporteur. Le sous-amendement CS5450 vise à réduire de douze à neuf mois le délai durant lequel le Gouvernement est autorisé à légiférer par voie d’ordonnance pour ce qui concerne les dispositions du chapitre V.

Je vous suggère, Madame Panonacle, de retirer le sous-amendement CS5436 au profit du présent sous-amendement.

L’adaptation des territoires littoraux pourrait se chiffrer en milliards d’euros – les enjeux financiers, vous avez raison de le rappeler, sont très lourds. Je vous invite à continuer de travailler sur les voies de financement possibles et à retirer l’amendement CS5438.

Je partage votre inquiétude : il convient de préciser qu’il est nécessaire de prendre en compte l’état des ouvrages de protection. J’émets donc un avis favorable au sous-amendement CS5439.

Je considère que le sous-amendement CS5437 est satisfait.

Enfin, j’émets un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

Mme Barbara Pompili, ministre. La concertation demande un peu de temps et le Gouvernement doit disposer d’un délai raisonnable pour prendre les mesures par voie d’ordonnance. Je vous demande, Madame Panonacle, de retirer le sous-amendement CS5436 au profit du sous-amendement du rapporteur, sur lequel j’émets un avis favorable.

L’accompagnement financier des projets d’adaptation constitue un sujet très important et il est vrai que les collectivités concernées ont besoin d’une réponse. Je suis bien consciente de leur impatience, mais nous travaillons actuellement à des propositions qui soient pérennes. Je vous suggère de retirer le sous-amendement CS5438 car il est inutile d’inscrire une telle précision dans ce projet de loi : le dispositif financier qui sera retenu devra de toute façon être transcrit dans une loi de finances – le PLF pour 2022, j’espère.

J’émets un avis favorable sur le sous-amendement CS5439.

Je demande le retrait du sous-amendement CS5437, qui est satisfait.

M. Martial Saddier. Je ferai la même remarque que sur l’amendement du rapporteur. Nous allons autoriser le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures permettant la relocalisation des biens exposés au recul du trait de côte, la définition de nouveaux outils financiers pour accompagner les projets d’adaptation ou encore la création d’une redevance foncière en lien avec le nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée. Il sera nécessaire d’éclairer la représentation nationale en séance !

Mme Sophie Panonacle. J’ai bien entendu que nous retravaillerons sur les dispositifs financiers d’accompagnement dans le cadre du PLF pour 2022. Il est important d’apporter, avant la fin de la législature, les financements que les collectivités attendent depuis de nombreuses années.

Les sous-amendements CS5436, CS5438 et CS5437 sont retirés.

La commission adopte successivement les sous-amendements CS5439 et CS5450.

Elle adopte l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’article 58 est ainsi rédigé et tous les autres amendements portant sur cet article tombent.

M. Stéphane Buchou. Du fait de l’adoption de l’amendement du Gouvernement, de nombreux autres amendements ne pourront être discutés ce soir. Permettez-moi d’exprimer ma surprise et ma déception car ils reflétaient le travail effectué depuis des années.

L’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance concerne les mesures permettant de définir ou d’adapter les outils d’aménagement et de maîtrise foncière, des outils attendus depuis de nombreuses années par les territoires littoraux. Cela aurait mérité que nous entrions dans le détail. Il en va de même pour le financement des dispositifs, un sujet essentiel. Nous aurions aussi pu évoquer les questions relatives à la préemption et à la constructibilité. J’espère que nous aurons l’occasion d’en débattre en séance.

Après l’article 58

Amendement CS3422 de Mme Josette Manin.

Mme Chantal Jourdan. Mme Manin propose par cet amendement de mieux encadrer les cessions de parcelles dans la zone des cinquante pas géométriques aux Antilles. L’État doit veiller à ce que la décote préconisée dans le rapport de janvier 2020 du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ne donne pas lieu à des abus fonciers et à des enrichissements sans cause. Il convient de se prémunir du risque d’effet d’aubaine lié aux opérations de régularisation, d’autant que les communes et les agences des cinquante pas géométriques exercent rarement le droit de préemption dont elles disposent. Par ailleurs, l’État doit privilégier une cession au prix du marché réel, en fonction des ressources du foyer domicilié sur place, dans une limite impérative de 500 mètres carrés de parcelle, afin de lutter contre l’artificialisation effrénée de ces zones ultramarines.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les occupants de la zone des cinquante pas géométriques peuvent bénéficier d’une décote car ils ne disposent souvent pas des revenus suffisants pour acquérir les terrains déclassés du domaine public. De plus, les agences des cinquante pas géométriques ont pour objet de trouver des solutions de logement pour les occupants, tout en préservant le domaine public. Le risque de voir céder des parcelles trop étendues est donc très faible, voire inexistant. En outre, le droit de préemption dont disposent les agences des cinquante pas géométriques – pour éviter tout phénomène de revente immédiate avec plus-value – sera rénové et aligné sur le droit de préemption urbain. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4777 de Mme Liliana Tanguy.

Mme Nicole Le Peih. Il est proposé que, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les mesures d’accompagnement et d’adaptation prévues pour les collectivités concernées par le recul du trait de côte.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il faut trouver des solutions de financement le plus rapidement possible pour pouvoir les inscrire dans le prochain PLF. La rédaction d’un rapport nous ferait perdre trop de temps.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

12.   Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous avons examiné 3 383 amendements, à un rythme de 40 amendements par heure. Il nous reste à examiner 472 amendements sur les titres V et VI.

TITRE V
SE NOURRIR

Chapitre Ier
Soutenir une alimentation saine et durable pour tous peu émettrice de gaz
à effet de serre

Avant l’article 59

Amendement CS5290 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour le titre V. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle du titre.

La commission adopte l’amendement.

Article 59 (articles L. 230-5-6 et L. 230-5-6-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Expérimentation d’un choix végétarien quotidien dans la restauration collective publique

Amendements de suppression CS3030 de M. Vincent Descoeur et CS3204 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Jean-Marie Sermier. L’État n’est pas là pour penser à la place de nos concitoyens mais pour assurer leur liberté de choix, dès lors que celui-ci est responsable. Il faut arrêter l’« agribashing » et le « viande bashing ». Notre pays compte des éleveurs de grande qualité, qui travaillent sur des races de bovins, d’ovins et de porcins d’aussi grande qualité : il faut leur faire confiance. Nous devons expliquer aux jeunes qu’on a besoin de protéines, et aussi probablement de réduire la consommation de viande. Tout est dans l’explication, dans la formation, quelquefois dans la dégustation, en tout cas pas dans la suppression !

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Force est de constater que nos régimes alimentaires ont évolué. De plus en plus de Français mangent végétarien – 5 % de la population, 12 % chez les 18-25 ans ; surtout, ils sont de plus en plus nombreux à introduire une alternative végétarienne dans leur alimentation, près de 30 % se disant délibérément flexitariens. Les attentes de nos concitoyens ont évolué, pour des raisons environnementales mais pas uniquement. Ils attendent plus d’alternative végétarienne dans nos cantines et de la viande de meilleure qualité, à l’heure où 50 % de la viande servie dans nos cantines est importée. L’aspiration à « moins mais mieux », qui doit nous guider, anime aussi les éleveurs que nous avons auditionnés.

Le projet de loi nous donnera les moyens d’y répondre. Nous allons aborder de nombreuses questions sur l’expérimentation obligatoire d’un menu végétarien hebdomadaire, prévue dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (ÉGALIM), sur l’alternative quotidienne lorsqu’il existe un choix multiple de menus, et sur les conséquences du menu végétarien dans la restauration scolaire comme dans l’ensemble de la restauration publique et privée.

Le repas végétarien est bon pour l’environnement : il émet 20 % à 30 % de gaz à effet de serre de moins qu’un repas carné moyen. Il a donc sa place dans le présent projet de loi dédié au climat. Pour autant, nous n’avons pas à dire aux gens quoi manger, ce qui implique de conduire notre réflexion selon deux axes : la liberté de choisir son régime alimentaire – force est de constater que nous avons du retard dans ce domaine –, et la qualité. Notre boussole doit nous guider vers le « moins mais mieux », pour ne plus donner à nos enfants de la viande hachée mixée avec des os et des poils et d’une qualité nutritionnelle réduite, mais bien de la viande de qualité à forte valeur nutritionnelle.

Loin de moi l’idée de vous décevoir aujourd’hui, mais nous devrons encore faire preuve de patience, car il nous manque une brique essentielle pour légiférer : l’évaluation de l’expérimentation prévue par la loi ÉGALIM d’un menu végétarien hebdomadaire dans nos cantines ne sera disponible que d’ici à la séance. Je remercie le ministre M. Denormandie, qui s’est engagé à accélérer cette évaluation, initialement prévue pour fin avril, afin que nous disposions des résultats à temps pour légiférer en toute connaissance de cause. On sent bien que cette expérimentation a fait bouger les lignes, parfois significativement, mais il est indispensable pour nous d’avoir des données consolidées. D’ici là, je m’en tiendrai strictement à l’expérimentation sur la base du volontariat, telle que proposée dans l’article 59.

Les amendements de suppression s’opposent à une expérimentation volontaire des collectivités proposant un menu végétarien quotidien. Je n’y suis pas favorable.

M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

Dans ce débat, les deux maîtres mots sont la liberté de choix et la qualité. L’un des défis dans nos cantines, c’est évidemment la montée en qualité, qui sera bénéfique à tous. L’expérimentation que vous aviez décidée dans la loi ÉGALIM d’au moins un menu végétarien par semaine devait initialement être évaluée pour le mois de mai. Pour pouvoir en analyser avec précision les premiers résultats, lever les incertitudes et les a priori, et avoir un débat éclairé sur cette question, je me suis engagé à en avancer le planning.

M. André Chassaigne. J’avais déposé trois amendements avant l’article 59 qui visaient à limiter l’importation de viande. Je regrette que ces trois amendements aient « sauté » – comme je suis sanguin, cela aurait tendance à mettre en colère !

Le problème de l’expérimentation d’un repas végétarien par semaine, c’est sa dimension idéologique en ce qu’elle vise à démontrer que la viande aurait des effets néfastes sur l’environnement. Or cela est contesté par des scientifiques.

Autre problème, beaucoup plus personnel, j’ai une petite fille qui, à l’âge de 8 ans, a fait le choix de devenir végétarienne. Pas une seule fois, pendant sa scolarité dans le primaire et au collège, elle n’a pu déjeuner de façon correcte, car il n’y avait pas d’alternative compatible avec son choix. Ma sensibilité de grand-père me dicte qu’il faut donc se montrer ouvert sur cette question. J’ai ressenti comme une blessure que quelqu’un de ma famille ne puisse pas avoir un repas correct à midi. Cela existe dans beaucoup de familles, mais toutes ne peuvent pas forcément compenser lors du repas du soir.

M. Bruno Millienne. Chers collègues du groupe Les Républicains, il n’est pas question de supprimer ou d’imposer des choix aux citoyens. Il faut, au contraire, permettre à tous, enfants comme adultes, de manger ce qu’ils veulent dans la restauration collective.

Je crains cependant que la discussion ne prenne un tour dogmatique, le terme « végétarien » évoquant encore, pour nombre de Français, des mangeurs de brocolis. Ce n’est pas tout à fait le cas, et nous devons nous expliquer sur ce point. Il est compliqué de trouver d’autres termes – « flexitarien » me plaît bien, mais il donne l’impression qu’il s’agit seulement de mangeurs de viande, ce qui n’est pas le cas non plus.

J’aimerais que l’on axe le débat sur les pourcentages de protéines animales et de protéines végétales qu’il faut manger pour avoir un repas équilibré, sachant qu’ils peuvent évoluer au fur et à mesure de la croissance des enfants. Cela relève des nutritionnistes qui établissent les repas avec les parents d’élèves, notamment dans les collèges et les lycées. Encore faudrait-il que ces nutritionnistes ne soient pas à la solde des grands fournisseurs de repas collectifs tels que Sodexo. Ça, c’est un problème.

M. Jean-Marie Sermier. Il n’est pas raisonnable de changer les choses avant d’avoir les résultats de l’expérimentation. Nous maintenons donc nos amendements.

Je partage avec le ministre et la rapporteure l’idée qu’il faut laisser le choix aux gens, et surtout qu’il faut « mieux de viande ». Le message clair que nous devons adresser aux éleveurs de notre pays, c’est que nous comptons sur eux pour produire de la viande de grande qualité.

M. Guillaume Garot. Je regrette que nombre d’amendements n’aient pas passé le filtre de la recevabilité dans ce chapitre.

Concernant l’article 59, il faut sortir des caricatures. Tout le monde ne mange pas de la viande deux fois par jour et tout le monde n’est pas vegan ou végétarien. La question est de savoir ce que serait une feuille de route pour une alimentation durable : une alimentation qui permette de nourrir les enfants correctement, avec la meilleure qualité possible, que ses conditions de production rendraient respectueuse du climat, et qui permette de lutter contre le gaspillage alimentaire. Telle est la feuille de route que nous défendrons. Nous voulons tout concilier, car nous pensons que cela est possible.

M. Thierry Benoit. Vous vous fourvoyez en vous concentrant exclusivement sur la démarche végétarienne. Je m’étonne que, depuis le début de cette législature, l’on ne propose pas d’offrir systématiquement le choix entre de la viande, du poisson, des légumes, des fruits et du laitage, c’est-à-dire de tout, un peu, comme on le propose dans le cadre d’une rééducation nutritionnelle. Voilà ce que l’on devrait proposer dans les écoles. En vous concentrant uniquement sur le végétarien, vous alimentez une polémique entre les végétariens et celles et ceux qui veulent continuer de manger de la viande. C’est malsain.

M. Stéphane Travert. Je salue le travail de notre rapporteure et l’équilibre auquel nous pourrions parvenir dans cet article 59 qui est fondé sur la liberté de choix. Je fais partie de ceux qui défendent les filières de la viande, mais la raison pour laquelle j’avais refusé tous les amendements obligeant les écoles à proposer un menu végétarien quotidien, lors de l’examen de la loi ÉGALIM, était précisément cette liberté de choix que je voulais laisser s’exprimer à travers l’expérimentation dont nous devrions avoir les résultats pour la séance. Nous devons travailler pour parvenir à une alimentation sûre, saine et durable pour nos enfants, sans rien imposer à qui que ce soit.

Mme Delphine Batho. La restauration collective doit répondre à trois exigences. La première est que ce qu’elle sert, en particulier dans les cantines, soit bon et que les enfants aient envie de le manger. La deuxième est qu’elle participe à la défense de l’élevage français – l’élevage à l’herbe, celui du bocage, celui qui préserve les haies dans nos paysages – en renonçant à toutes les viandes importées, qui posent des problèmes environnementaux d’une autre ampleur. La troisième exigence est d’assurer l’égalité sociale dans l’accès aux légumes et aux légumineuses.

Je ne comprends pas ces amendements de suppression. Si le sens des propositions de la Convention citoyenne, c’est de manger moins de viande, mais d’en manger mieux, en y mettant plus de valeur, les dispositions de l’article du projet de loi en sont très éloignées. Les collectivités qui sont volontaires peuvent déjà faire le choix du repas végétarien ; elles n’ont pas besoin d’un article de loi pour cela. De plus, le périmètre de cette disposition est réduit à la seule restauration scolaire, là où la Convention citoyenne visait l’ensemble de la restauration collective.

M. Julien Dive. Je ne sais pas dans quelle caricature notre collègue du MoDem souhaite nous enfermer, mais je tiens à signaler que l’un des amendements de suppression a été déposé par des membres de la majorité.

Comme Stéphane Travert, je défends les filières agricoles, y compris la filière végétarienne, essentielle en termes de débouchés pour les acteurs agricoles. N’opposons pas les agriculteurs aux consommateurs, ni les consommateurs entre eux : chacun est libre de manger de la viande ou non. La question est précisément celle du choix. L’expérimentation me convient à la condition qu’elle n’impose rien. Si une commune souhaite proposer un menu végétarien chaque jour, elle doit laisser la possibilité aux enfants de consommer autre chose.

M. Antoine Herth. Je souscris aux propos de la rapporteure, en mettant l’accent sur le choix. Celui-ci recouvre deux dimensions importantes : la liberté et la responsabilité. Cette dernière doit faire l’objet d’un accompagnement, d’une pédagogie pour assurer une alimentation diversifiée. Nous connaissons tous des jeunes gens, souvent des jeunes filles, qui s’imposent des régimes très stricts parce qu’ils veulent se conformer à des canons de beauté, mettant ainsi leur santé en danger. L’école doit, au travers de cette expérimentation, apprendre aux jeunes à s’alimenter correctement.

Il n’est pas question de faire le procès de la viande à travers l’article 59. J’aurai bientôt l’occasion de donner des éléments d’information à ceux que l’impact sanitaire et environnemental de la viande bovine intéresse, car je dois présenter une note à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur cette question, le 1er avril prochain.

M. Éric Coquerel. En dépit du fait que cet article ne va pas suffisamment loin et que nous attendons toujours le bilan de l’expérimentation prévue dans la loi ÉGALIM, je m’opposerai à ces amendements de suppression.

Tout d’abord, les enfants auront le choix, ils ne seront pas contraints. Il faut sortir de l’idée qu’un menu végétarien ne permettrait pas d’avoir une alimentation riche et équilibrée : on sait parfaitement le faire et certains pays comme le Portugal le pratiquent déjà. En revanche, nous devons assumer qu’il est nécessaire de manger moins de viande, dans l’intérêt des individus et pour améliorer le bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la planète. Manger moins de viande n’est pas contradictoire avec la défense de notre filière viande, au contraire, car 60 % des viandes consommées dans la restauration collective sont importées, dans des conditions insupportables du point de vue tant de l’écologie que de l’élevage de ces bêtes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il faut aborder ce débat sans passion, sans rompre le bon esprit qui règne dans cette commission depuis douze jours. Nous proposons un double choix, d’une part, aux élus, qui pourront décider ou non de faire cette expérimentation et, d’autre part, aux enfants, qui auront systématiquement un choix dans leurs menus.

Par ailleurs, personne ici ne nie l’importance de la viande dans notre mode d’alimentation, et même dans notre culture. En revanche, un peu moins de viande peut, et c’est tout l’enjeu, nous permettre de donner une viande de meilleure qualité à nos enfants. Cela signifie que la viande sera probablement davantage d’origine française.

Enfin, que les menus comportent de la viande ou qu’ils soient végétariens, ils assurent dans tous les cas des débouchés pour les agriculteurs.

M. Julien Denormandie, ministre. Les cantines sont des lieux de la République où on lutte contre l’inégalité sociale alimentaire, à laquelle j’ai été confronté lorsque j’étais ministre de la ville. Il faut les accompagner dans ce rôle avec des financements dédiés, comme nous l’avons fait dans le plan de relance. Il faut aussi s’opposer à toute idéologie : nous ne devons rien imposer mais, au contraire, garantir la liberté de choix.

L’enjeu impérieux, sur lequel il y a consensus, est la qualité, pour les légumes comme pour la viande. Il faut garder à l’esprit que la moitié de la viande est importée, et un fruit et légume sur deux, dans toute la restauration hors domicile, y compris les cantines. Comment faire pour monter en qualité ? Comment s’assurer que les viandes servies à nos enfants proviennent d’élevages du territoire, d’élevages de qualité, d’élevages sous label, etc. ? Les jeunes bovins sont une viande parfaite pour nos enfants, mais nous en consommons très peu et les exportons. Parallèlement, nous importons de la viande d’autres pays. Nous devons donc agir avec beaucoup de force sur la question des origines.

Enfin, s’agissant de l’alimentation durable et saine, mon rôle de ministre n’est pas de dire à quiconque d’adopter tel ou tel régime alimentaire. En revanche, ma responsabilité est d’assurer le caractère sain et durable de son alimentation : c’est tout l’enjeu de l’arrêté de 2011, qui fixe les règles nutritionnelles dans notre pays.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS2470 de M. Mohamed Laqhila, CS4496 de M. Loïc Prud’homme, CS1310 de Mme Nathalie Bassire, CS4869 de Mme Sandrine Le Feur et sous-amendements CS5484 et CS5485 de M. Guillaume Garot, amendements CS2918 de M. Matthieu Orphelin, CS3081 de Mme Nicole Dubré-Chirat, amendements identiques CS221 de M. Stéphane Testé et sous-amendements CS5487 et CS5488 de M. Guillaume Garot, CS1344 de M. Richard Ramos, CS2469 de M. Mohamed Laqhila et C4657 de M. Jean-Charles Colas-Roy, amendements CS4910 de M. Philippe Chalumeau et CS3015 de Mme Fiona Lazaar (discussion commune).

M. Éric Coquerel. Le temps n’est plus aux expérimentations dans les collectivités volontaires. Même si nous attendons toujours le bilan de l’expérimentation de la loi ÉGALIM, nous savons désormais que l’alimentation végétarienne assure les apports nutritionnels nécessaires et qu’elle est adaptée à tous les âges de la vie.

De plus, il y a urgence à limiter toutes les émissions possibles de gaz à effet de serre, dont l’élevage est responsable pour 14,5 %. Donner aux élèves le choix d’un menu végétarien permettrait une baisse de 14 % à 19 % de ces émissions. Au-delà du choix laissé aux élèves, il faut également proposer à ceux-ci une viande élevée dans notre pays et dans de bonnes conditions.

M. Jean-Marie Sermier. L’amendement de Mme Bassire a pour objet de garantir une meilleure qualité nutritionnelle des repas dans la restauration collective.

Mme Sandrine Le Feur. Dans l’objectif de favoriser la liberté de choix et pour faire écho à l’histoire partagée par notre collègue M. Chassaigne, cet amendement propose de rendre l’expérimentation obligatoire, mais uniquement dans les établissements proposant un choix de menus. À défaut, il est à prévoir que seuls les établissements déjà volontaires poursuivraient en ce sens, ce qui n’aurait pas d’effet significatif.

Le choix sera toujours donné à celles et ceux qui préfèrent la viande. Il s’agit de permettre aux comportements alimentaires d’évoluer en douceur, sans stigmatiser et surtout en limitant drastiquement l’empreinte environnementale de notre alimentation. Cette possibilité de choix est une forte demande de la part de nos jeunes, qui ne se considèrent pas nécessairement comme végétariens mais qui souhaitent ne pas consommer de viande à certains repas.

Je vous demande de penser à vos enfants et à vos petits-enfants, à l’urgence climatique, et donc de voter en faveur de mon amendement.

M. Guillaume Garot. Le sous-amendement CS5484 vise à insister sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, nécessaire pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Il est indispensable que ces objectifs soient inclus dans les dispositions concernant les restaurants scolaires pour aboutir à une alimentation de meilleure qualité. Plus de qualité dans l’assiette, c’est moins de gaspillage ; moins de gaspillage, c’est moins de gaz à effet de serre.

Quant au sous-amendement CS5485, il vise à insister sur le choix du convive.

Mme Delphine Batho. L’article ne prévoit qu’une expérimentation – les collectivités n’en ont donc pas besoin – et il ne s’applique qu’à la restauration scolaire. Nous proposons d’étendre cette disposition à tous les restaurants collectifs publics, qui devront proposer une fois par semaine un repas végétarien composé de protéines végétales ou animales, sans viande ni poisson. Il est proposé d’étendre, dans un deuxième temps, l’option végétarienne à chaque repas dans toutes les cantines servant déjà quotidiennement plusieurs menus.

M. Guillaume Garot. Comme les précédents sous-amendement, ceux-ci visent, pour le CS5487, à ce que l’on respecte les objectifs nationaux de lutte contre le gaspillage alimentaire adoptés dans la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), et, pour le CS5488, à donner un choix au convive.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Le ministre s’est engagé à nous présenter l’évaluation de l’expérimentation ÉGALIM d’ici à la séance, alors qu’elle était prévue pour fin avril, début mai, pour nous permettre de légiférer sur l’aménagement ou la généralisation de la mesure.

Le débat adopte un profil distinguant entre menus à choix multiples et menus uniques. Indépendamment de leur appartenance partisane, des maires ont décidé, dans un certain nombre de villes, telles Lille, Chartres et Valence, d’offrir le choix entre un menu carné et un menu végétarien, parfois quotidiennement. De manière générale, cela fonctionne bien et permet de réduire le gaspillage alimentaire. Nous ne devons pas opposer les solutions mais voir l’intérêt que recèle, en cas de menus à choix multiples, la proposition végétarienne. D’autant que les jeunes sont de plus en plus nombreux – 12 % des 18-25 ans – à vouloir pratiquer un régime végétarien. Plutôt que de les contraindre à renoncer à la viande quitte à déséquilibrer leur repas, mieux vaut leur proposer un menu pensé pour assurer un équilibre nutritionnel végétarien, qui apporte les composants nécessaires à une bonne santé.

Les auditions l’ont montré, nous n’avons pas encore trouvé la solution pour que les collectivités ne subissent pas de contraintes ou de surcoûts excessifs dans l’hypothèse où elles proposent systématiquement un menu végétarien à côté du menu unique. C’est tout le sens de l’expérimentation de l’article 59, qui vise à tester, entre autres choses, l’inscription préalable et les menus mixtes, et qui doit nous permettre de réfléchir à des solutions.

Pour apprécier les options proposées par vos amendements, il nous manque une brique essentielle : le retour précis, consolidé, chiffré de l’évaluation d’ÉGALIM. En attendant de voir comment les collectivités se sont approprié l’expérimentation, je vous demande de retirer vos amendements. Nous pourrons statuer en séance.

M. Julien Denormandie, ministre. Je demande également le retrait des amendements en attendant la transmission de l’évaluation, dont je me suis engagé à ce qu’elle intervienne plus tôt que le 1er mai pour vous permettre de légiférer en toute connaissance de cause. Elle nous parviendra avant que vous ne votiez sur cet article dans l’hémicycle.

M. Julien Aubert. Quand j’étais petit, on vivait dans un monde « avec » : on me disait que, pour faire un bon repas, il fallait manger une viande, un laitage, un fruit... On est maintenant dans un monde « sans » : sans gluten, sans sel, sans poisson, sans viande. C’est déjà un changement dans la manière d’aborder les choses.

S’agissant de la possibilité qui est donnée de choisir un menu végétarien, je trouve étrange qu’on ne fasse pas la distinction entre l’écolier, le collégien et le lycéen, comme si, à tout âge, on était capable de choisir son repas. Quand j’étais enfant, je n’avais pas du tout envie de manger de la viande, et pas forcément pour de bonnes raisons.

De surcroît, le végétal fait le bonheur de l’industrie de la viande synthétique. Comme par hasard, ceux qui ont poussé en faveur d’un référendum sur la cause animale étaient de grands investisseurs dans le domaine de la fausse viande, in vitro ou végétale. Ne soyons pas naïfs : ce n’est pas seulement une affaire de CO2, c’est aussi une affaire d’argent.

Mme Sandrine Le Feur. Je précise que j’ai défendu tout à l’heure l’amendement CS4867 en lieu et place du CS4869.

Quoi qu’il en soit, l’ambition d’introduire des menus végétariens et de pérenniser les mesures faisant l’objet de l’expérimentation d’ÉGALIM est essentielle pour la majorité des membres du groupe LaREM. Je retire l’amendement, madame la rapporteure, et vous donne rendez-vous en séance pour concrétiser cette volonté.

M. Dominique Potier. Ces questions ont donné lieu à des débats très documentés, en présence de tous les acteurs concernés, lors des états généraux de l’alimentation (EGA), dont j’ai présidé les ateliers « De la fourche à la fourchette ». Le choix de l’alimentation durable est l’horizon à suivre. Les EGA ont montré l’importance du rééquilibrage entre protéines animales et végétales, l’enjeu essentiel étant que les protéines animales soient issues de modes de production qui valorisent le végétal et l’autonomie protéique de notre pays. Cela répond à des exigences liées à l’agroécologie mais aussi à la souveraineté alimentaire. La santé de la terre de France et d’Europe dépend des modèles agroécologiques qu’elles suivront. Elle conditionne la santé des hommes, au-delà de la part des menus végétariens dans les cantines. Prenons de la hauteur sur ces sujets !

Mme Jennifer De Temmerman. Ayant été gestionnaire au sein d’un collège où j’avais en charge la cantine, les obligations me mettent très mal à l’aise. Déjà, le projet de loi n’impose des règles qu’à la restauration scolaire, qui dépend des collectivités, et non aux services de restauration pris en charge par l’État.

Je rejoins l’avis de la rapporteure : l’obligation ferait peser de fortes contraintes sur les établissements. Le menu unique risquant d’entraîner des problèmes de désertion, notamment dans les lycées qui sont déjà confrontés au phénomène – 12 % seulement des élèves seraient intéressés par les menus sans viande –, il faudrait mettre en place deux menus, ce qui renchérirait les coûts pour la collectivité.

Mme Delphine Batho. Une collectivité désireuse de procéder à une expérimentation, d’instituer un choix quotidien entre plusieurs menus peut d’ores et déjà le faire. Je ne vois pas l’utilité de l’article. Par ailleurs, pourquoi se limiter à la restauration scolaire, alors que la Convention citoyenne proposait de viser l’ensemble de la restauration collective publique ?

Mme Frédérique Tuffnell. Quand j’étais enfant, les légumineuses étaient considérées comme la viande du pauvre. Les médecins nous encourageaient à manger plus de viande. La consommation de viande a été multipliée par quatre, et la consommation de légumineuses divisée par dix au cours du XXe siècle. Aujourd’hui, nous connaissons une période de transition nutritionnelle, marquée par un retour vers les légumineuses, qui apportent de nombreuses protéines. Pour produire 15 grammes de viande, il faut cultiver 100 grammes de protéines végétales. Une partie de celles-ci peut servir à la consommation du bétail, et l’autre partie à l’alimentation humaine. Je suis plutôt favorable à des menus mixtes dans les cantines, car cela permet un équilibre entre les protéines animales et végétales.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Monsieur Aubert, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide ; le menu sans viande ni poisson ou bien avec protéines végétales, produits laitiers ou œufs. Les gens qui pratiquent un régime végétarien ou flexitarien ne le voient pas comme « sans » mais, au contraire, comme un choix offrant un goût différent et de nouvelles saveurs. Connaissant votre intérêt pour celles-ci, je ne doute pas vous avoir convaincu qu’il s’agit d’un menu « avec ».

Madame Batho, un travail aura lieu en vue de la séance pour améliorer la rédaction de l’article. J’aimerais toutefois qu’on ne dénigre pas les expérimentations institutionnalisées par la loi. Celles-ci donnent lieu à des évaluations qui nous permettent d’identifier les problématiques, de fixer un cadre, de chiffrer les avancées et de mieux légiférer, soit pour généraliser une mesure, soit pour aménager la législation.

Madame Tuffnell, je partage votre point de vue concernant les protéines. Nous avons dit qu’un de nos critères serait la qualité des produits proposés dans les cantines. Qui dit plats végétariens dit qualité des ingrédients. Je tiens à souligner l’effort considérable que nous avons fait avec le plan « protéines végétales », qui est unanimement reconnu. Il nous permettra à la fois d’être plus autonomes en matière d’alimentation animale, d’améliorer l’empreinte carbone de l’élevage français, et de fournir nos cantines pour l’alimentation humaine.

M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur Aubert, la viande cellulaire, que j’appelle aussi « viande paillasse », autrement dit un gigot sans agneau, un blanc de poulet sans poulet, est, à mes yeux, une perte de repères totale de notre société. Seule une science sans conscience pourrait envisager la viande de laboratoire, d’éprouvette comme une solution.

Le rôle de l’information est essentiel. Elle doit être évidemment adaptée à l’âge de l’enfant.

Monsieur Potier, notre pays est en effet importateur net de protéines végétales, tels le soja ou le colza. Nous importons ce faisant la déforestation et la dégradation de la biodiversité. C’est tout l’enjeu du plan de soutien aux protéines végétales que d’y remédier et de regagner notre souveraineté en la matière.

Madame Batho, la situation n’est pas du tout la même selon qu’on se trouve en milieu scolaire ou extrascolaire, en présence d’enfants ou d’adultes. On peut lire, dans le rapport de la Convention citoyenne : « La notion de menu végétarien a peut-être moins de sens pour la restauration collective extrascolaire, dans la mesure où les adultes peuvent choisir de ne pas prendre la viande ou le poisson proposés et où, de plus en plus souvent, existe une offre diversifiée. »

L’enjeu est de parvenir à un équilibre alimentaire. On sait qu’on a des carences en fer et en vitamines et que l’on a besoin de diversification. Nos enfants ne mangent pas assez de légumineuses. Il faut améliorer la qualité de l’ensemble des produits.

L’amendement CS4869 est retiré et les sous-amendements CS5484 et CS5485 tombent.

La commission rejette successivement les amendements et sous-amendements restants.

Amendements CS2083 et CS2084 de M. Guillaume Garot (discussion commune).

Mme Chantal Jourdan. Ces amendements visent à établir une feuille de route pour atteindre une assiette durable en 2050, c’est-à-dire une alimentation composée de moitié moins de viande, deux fois plus de légumineuses, davantage de légumes et de fruits. Ce rééquilibrage répondrait aux enjeux sanitaires et procurerait une alimentation de qualité à l’ensemble des citoyens. Cette feuille de route s’appliquerait à la restauration collective. Elle conférerait une visibilité aux producteurs agricoles, tant sur le plan de l’élevage que de la production de légumineuses, fruits et légumes. Elle permettrait aux agriculteurs de vivre de leur travail.

Il nous semble important que les comportements alimentaires évoluent et que la production agricole se sente sécurisée au regard de l’objectif de 2050. À cette échéance, en effet, il incombera à l’agriculture de répondre à des enjeux sanitaires et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’assiette durable que vous évoquez est déjà promue par le programme national pour l’alimentation (PNA). Créé par la loi ÉGALIM à l’initiative de M. Travert, celui-ci définit trois axes thématiques – la justice sociale, la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’éducation alimentaire –, ainsi que deux axes transversaux : les projets alimentaires territoriaux (PAT) et la restauration collective. Cela satisfait votre demande. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme Chantal Jourdan. Il me paraît essentiel que l’on ait cette visibilité. Cela rejoint l’objectif, communément partagé, de manger moins de viande, mais mieux.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CS4924 de M. Philippe Chalumeau et CS2355 de Mme Michèle Crouzet.

Amendement CS3240 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Cet amendement vise à ce que, dans le cadre de l’expérimentation d’un menu végétarien journalier, la liberté des usagers de manger un repas non végétarien soit garantie. On respecterait ainsi la liberté de choix que vous avez défendue, Madame la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. La liberté de choix existe. Les cantines proposent systématiquement des repas carnés aux élèves. En tant que législateurs, il nous appartient de rattraper le retard pris par rapport aux attentes sociétales. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Il me semble que la bonne approche est celle de l’arrêté du 30 septembre 2011 que j’ai évoqué. Ce texte détermine la périodicité de la présentation des aliments dans les menus scolaires en laissant une liberté de choix. Je précise que sa rédaction est en train d’être revue.

M. Julien Dive. Un arrêté n’est pas la loi, et la périodicité de présentation des aliments ne serait en rien entravée par la précision que nous proposons d’ajouter – ou alors, elle le serait également par l’adoption de l’article. Si je suis vos arguments, Madame la rapporteure, une collectivité pourrait, à titre expérimental, proposer un menu végétarien unique, chaque jour, à la cantine, au nom du principe du rattrapage – comment, jusqu’à quand ? – par rapport à ce qui a été fait jusqu’à présent. Ce n’est pas un argument recevable ! Mais peut-être vous opposez-vous à la liberté de choix que vous aviez pourtant défendue tout à l’heure ?

Mme Delphine Batho. En fait, l’amendement de M. Dive vise la mairie de Lyon, dont le ministre avait dit que la décision était une « honte » – heureusement que la ministre de la transition écologique était là pour dénoncer un « débat préhistorique » ! Je rappelle que Lyon propose un choix quotidien de menus depuis le moment où Gérard Collomb en est devenu le maire. Dans le contexte particulier de la covid, la municipalité est passée au menu unique pour gagner dix minutes par service. Ce système temporaire, dicté par des raisons sanitaires, ne devrait pas susciter un scandale national. La mairie de Lyon est en train de passer au 100 % bio et 100 % local, y compris pour la viande.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS2993 de Mme Fiona Lazaar et CS4867 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement vise à expérimenter l’introduction d’un menu végétarien quotidien dans les établissements de restauration collective proposant un choix de menus.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je souhaite attendre les résultats de l’évaluation d’ÉGALIM avant de me prononcer sur votre amendement, auquel je porterai une attention particulière. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Julien Aubert. Lorsqu’on invoque le principe de la liberté de choix dans un établissement public, il est difficile d’expliquer pourquoi on propose un menu végétarien mais pas un menu hallal.

L’amendement CS4867 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS2993.

Amendement CS895 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’amendement vise à ce que l’expérimentation du menu quotidien végétarien, que vous appelez de vos vœux, privilégie des produits locaux. Cela favoriserait les circuits courts et réduirait les émissions de CO2.

Pour revenir sur mon propos précédent, il y a beaucoup plus d’établissements scolaires où on souhaite manger hallal que végétarien. Il est difficile de proposer un menu répondant aux attentes d’une partie des élèves tout en le refusant à d’autres, au motif que la laïcité s’oppose à ce qu’on serve un menu hallal. À partir du moment où on diversifie les menus, on crée nécessairement des frustrations.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’amendement témoigne de la volonté, partagée par l’ensemble des parlementaires, de privilégier des produits locaux. C’est le sens des projets alimentaires territoriaux, qui sont notamment financés dans le cadre du plan France relance. D’un point de vue juridique, il n’est toutefois pas possible d’introduire la référence aux « produits issus d’une production locale ». Le choix a donc été fait de privilégier le critère de la qualité, au travers des signes officiels de qualité. Nous examinerons, à l’article 60, une liste de produits éligibles. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Nous cherchons, depuis de très nombreuses années, à introduire la notion de circuit court, qui offre, à nos yeux, une qualité supérieure à celle proposée par d’autres systèmes, mais la législation européenne ne nous permet pas d’écrire les choses ainsi. Les PAT me paraissent une piste de travail intéressante, sans pour autant être certain que les produits issus des PAT peuvent être inclus dans les objectifs que vous aviez fixés dans la loi ÉGALIM.

En tout état de cause, votre amendement n’est pas conforme aux principes qui régissent les marchés publics. Je vous propose que l’on travaille sur cette question, afin de déterminer si on pourrait faire la part belle à des produits issus des PAT, qui favoriseraient les circuits courts, notamment dans la restauration collective scolaire.

M. Julien Aubert. J’ai une approche juridique différente de la vôtre. D’une part, dire que cette disposition n’est pas conforme à la législation européenne tout en cherchant à contourner cette dernière n’est pas forcément plus clair. D’autre part, privilégier des produits issus d’une production locale ne signifie pas qu’on achèterait uniquement ces produits mais qu’on leur accorderait la priorité. S’approvisionner en produits locaux réduit les émissions de CO2. Par conséquent, on peut spécifier, dans un marché public, que l’on privilégie les produits végétaux dont le transport émet le moins de CO2, autrement dit, les plus proches. Cela me semble parfaitement compatible avec le texte.

Mme Delphine Batho. Je soutiens l’amendement. Nous pourrions reconnaître, de manière consensuelle, que nous devons passer au 100 % local – et j’ajouterais au 100 % bio – pour les produits végétaux mais aussi pour la viande, dans la restauration collective.

M. Julien Denormandie, ministre. Je m’emploie, depuis ma prise de fonctions, à défendre les produits frais et les produits locaux, mais on ne peut pas faire référence à un critère géographique dans la réglementation européenne. La décision du Conseil d’État dans l’affaire Lactalis fait directement référence à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur la question du critère géographique. Or les PAT n’ont pas nécessairement un caractère géographique : ils peuvent désigner une démarche, des caractéristiques liées au produit ou au producteur. C’est pourquoi je souhaite qu’on travaille dans cette direction.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2216 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je reviens à mon vécu familial : au repas du dimanche où sont servis un poulet label rouge ou une viande de production locale, on sert bien souvent à la personne végétarienne une galette ou une boulette achetée au supermarché, et cela ne gêne personne. Cela me semble transposable au collectif, en soumettant toutefois le menu végétarien à certaines conditions. Je les ai inscrites, dans l’amendement, en négatif – sans additif, sans colorant, sans stabilisant ou autres émulsifiants – mais on pourrait les envisager en positif, en imposant le respect du règlement européen sur l’agriculture biologique, les écolabels et les certifications exigeantes. En tout cas, il faut inscrire de telles conditions dans la loi, faute de quoi le végétarien peut-être tout et n’importe quoi.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. J’ai à cœur de ne pas stigmatiser systématiquement l’assiette végétarienne par rapport à l’ensemble des repas servis dans nos cantines. La question se pose davantage au regard des additifs, des colorants, des stabilisants et des émulsifiants d’une part, et de la transformation d’autre part, les deux enjeux étant souvent liés.

La France a démontré son leadership sur la question des additifs : ainsi a-t-elle été précurseur en interdisant le dioxyde de titane, ce que cette assemblée a voté dans le cadre de la loi ÉGALIM. Les études de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) alimentent ce travail de manière continue.

Avec les 50 % de produits locaux et durables, et les 20 % de bio, cette même loi nous tire vers le haut, les produits sous signe de qualité étant des produits non transformés. Nous visons, en atteignant cet objectif, 50 % de produits non transformés dans nos cantines, ce qui représente un premier pas vers l’abandon des réflexes d’ultra-transformation, qui je l’espère appartiennent au passé.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis également défavorable à l’amendement, même si je comprends pleinement le sens des propos du président M. Chassaigne.

Sur cette question, il peut y avoir une double approche : celle dont Mme la rapporteure vient de faire état, qui est essentielle, et celle qui porte sur l’origine. Si l’on prend le poulet, par exemple, les standards de production en Europe n’ont rien à voir avec ceux d’autres États à l’extérieur de celle-ci. La moitié de la viande consommée dans la restauration hors domicile (RHD) est importée. Comment donc, informer sur son origine ? Grâce à un amendement à la loi ÉGALIM que vous avez adopté, on devrait, d’ici à l’été, pouvoir imposer qu’elle soit renseignée dans l’ensemble de cette restauration.

M. Éric Coquerel. Je voterai cet amendement, même si je suis d’accord avec la rapporteure sur le fait que cette préoccupation ne devrait pas concerner les seuls repas végétariens. On voit bien qu’au travers de cet article, on aborde le manger mieux, qui implique des repas non transformés et le retour, dans toute la restauration collective, à des cuisines internes, les repas livrés étant rarement de qualité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3676 de Mme Yolaine de Courson.

Mme Yolaine de Courson. Il faut certes que les collectivités territoriales s’engagent à se fournir au sein de leurs projets alimentaires territoriaux (PAT), mais également auprès d’autres PAT, dans une démarche démocratique et d’échange, faute de quoi, en Bourgogne, les petits bourguignons ne mangeront plus que de la charolaise et jamais de poisson breton, ni d’asperges de l’Est ou de fruits du Sud.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je comprends votre préoccupation, la question étant de savoir dans quelle mesure nous facilitons l’approvisionnement des cantines par les PAT. Je ne pense pas que votre amendement dédié au menu végétarien soit le bon moyen pour cela. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis pour les mêmes raisons, même s’il nous faut, d’ici à l’examen dans l’hémicycle, trouver comment inclure les produits issus des PAT.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3747 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement vise, d’une part, à rendre la rédaction plus rigoureuse en supprimant la référence au choix d’un menu, qui ne correspond pas à la réalité de l’école maternelle ni à celle de l’école élémentaire ; d’autre part, à faire référence à des menus mixtes, riches en céréales et légumineuses, associant davantage de protéines végétales que de protéines animales, plutôt qu’un menu végétarien, qui fait débat.

L’appellation protéines végétales, beaucoup plus pertinente, doit, en outre, être préférée au menu végétarien, qui comprend les œufs et les produits laitiers même s’il s’agit de protéines animales.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’ANSES doit rendre en septembre 2021 une évaluation portant sur l’équilibre nutritionnel des repas végétariens pour les différents publics. Si votre idée est judicieuse, et pourrait faire partie de l’expérimentation figurant à l’article 59, je vous demande de retirer votre amendement car il ne semble pas judicieux de l’ajouter ainsi.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Bruno Millienne. Nous nous focalisons sur la sémantique, ce qui provoque de la dissension entre nous puis entre nos concitoyens, et qui risque de conduire à une hystérisation du débat autour du menu de nos enfants. Or la seule chose qui compte est le pourcentage de protéines d’origine végétale par rapport à celles d’origine animale. La définition proposée par ma collègue Frédérique Tuffnell est frappée au coin du bon sens.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5291 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS2255 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

Amendements CS5307 de la rapporteure et CS4868 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’amendement, en phase avec l’objet du projet de loi, vise à mesurer l’impact sur le climat de l’expérimentation du repas végétarien dans nos cantines.

Mme Sandrine Le Feur. Mon amendement vise à introduire, au sein des critères d’évaluation de l’expérimentation, des métriques relatives à l’impact climatique et environnemental de la mesure, de manière explicite et précise. Sans introduire de pondération ni de hiérarchie dans l’échelle des critères déterminant sa réussite ou son échec, l’objectif premier est bien la diminution des émissions de gaz à effet de serre et de l’ensemble des impacts environnementaux liés à notre alimentation.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Mon amendement me semble plus large que le CS4868 : la méthodologie pour mesurer l’impact sur le climat de tels repas doit s’appuyer sur des bases existantes. Vous mentionnez des critères, que je vous suggère d’ailleurs de transmettre au ministère afin qu’ils soient pris en compte, dont certains me semblent très difficiles à évaluer, comme « l’évolution du coût de dépollution des eaux lié aux activités agricoles permettant l’approvisionnement des établissements concernés ». Il y en a d’autres qui permettront d’évaluer l’impact sur le climat. Demande de retrait.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suggère le retrait de l’amendement CS4868 au profit du CS5307 de la rapporteure, auquel j’émets un avis favorable.

L’amendement CS4868 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS5307.

Amendement C1376 de M. Sylvain Templier.

M. Sylvain Templier. Il s’agit d’introduire parmi les critères majeurs d’évaluation de l’expérimentation la cartographie du dispositif. Une analyse géographique précise permettrait de savoir quels territoires sont en difficulté ou éprouvent des réticences et de procéder à une analyse au cas par cas pour proposer des solutions. Elle permettrait également d’analyser les profils des populations concernées.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’idée est très intéressante. J’aimerais que nous puissions collectivement disposer d’éléments d’évaluation de la répartition territoriale de ces repas, à la fois en termes de taille et de type de collectivité, ainsi que de nature de territoire. Je vous demande, cependant, de retirer votre amendement en vue de le redéposer en séance afin qu’il puisse toucher l’ensemble des dispositifs que nous voterons alors, et pas uniquement cette expérimentation volontaire.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. L’évaluation est compliquée dans la mesure où elle se fait sur une base volontaire. Les collectivités ne renseignent que si elles le souhaitent.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2217 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’amendement vise à ce que l’expérimentation porte également sur l’origine et le caractère transformé des produits servis ainsi que sur la consommation d’additifs alimentaires. Il élargirait son champ de manière très intéressante.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Pour les mêmes raisons, je crois nécessaire de ne pas stigmatiser le repas végétarien. Je vous propose donc de retirer l’amendement afin d’avoir un débat plus large à l’article 60, en vue de la séance.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. André Chassaigne. Vous me décevez ! Vous aviez une petite fenêtre de tir pour sortir nos amendements, qui sont systématiquement rejetés, du confinement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5292 de la rapporteure.

Amendement CS5294 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise également à rendre publics les résultats de l’évaluation afin de progresser collectivement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CS1207 de M. Stéphane Travert, CS2833 de M. Dino Cinieri et CS824 de M. Julien Dive (discussion commune).

M. Stéphane Travert. Mon amendement vise à accompagner l’expérimentation d’un dispositif construit en collaboration avec les diététiciens et les nutritionnistes, et avec un maximum d’acteurs, notamment les gestionnaires de restauration collective scolaire.

M. Julien Dive. Il s’agit effectivement de renforcer l’expérimentation au travers d’un dispositif impliquant les diététiciens et les nutritionnistes, à la fois pour permettre une meilleure compréhension par les citoyens des modes de production et de transformation agricoles et agroalimentaires, mais également des éléments nécessaires pour atteindre l’équilibre alimentaire. Cela leur permettrait d’orienter la diversification protéique vers des produits bruts locaux de bonne qualité et de limiter le recours aux produits très transformés, généralement importés, peu tracés et moins coûteux, censés se substituer aux produits carnés.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Vous abordez le repas végétarien d’une manière qui pourrait laisser croire qu’une assiette végétarienne n’est pas équilibrée. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail dit pourtant le contraire. De surcroît, l’équilibre alimentaire de nos enfants se construit certes à la cantine, où ils prennent quatre à cinq repas sur les quatorze de la semaine, mais aussi à la maison.

Nous ne pouvons pas laisser prospérer cette idée reçue que le repas végétarien serait déséquilibré. Le travail avec les diététiciens et les nutritionnistes se fait, à l’échelle de la restauration scolaire, sur tous les types de repas, et c’est l’objet tant de l’évaluation que l’ANSES rendra en septembre 2021 que de l’arrêté de 2011 sur l’équilibre nutritionnel des repas, qui est en cours de révision. Je demande le retrait des amendements, sinon j’y serai défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. J’ajoute que la question de la formation est essentielle.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5293 de la rapporteure.

Amendements CS4780 et CS4779 de Mme Liliana Tanguy, CS3480 et CS3481 de M. Hubert Julien-Laferrière, CS3770 de Mme Anne-France Brunet, CS1378 de M. Sylvain Templier et CS4329 de M. Jean-Luc Fugit (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3480 de Hubert Julien-Laferrière vise à ce qu’une fois par semaine soit servi dans la restauration collective privée un menu sans viande ni poisson, composé de protéines animales ou végétales.

L’amendement CS3481 vise à ce que cette même restauration, lorsqu’elle propose déjà plusieurs menus, soit tenue de proposer une option composée de protéines animales ou végétales.

Mme Anne-France Brunet. L’amendement vise à ce qu’à partir du 1er janvier 2023, les restaurants collectifs proposent une option sans viande ni poisson. Il s’agit d’une liberté de choix pour tous ceux qui passent à table autant qu’une façon de découvrir les différentes sources de protéines végétales au travers d’un menu équilibré.

Mme Véronique Riotton. L’amendement de notre collègue Jean-Luc Fugit, auteur du rapport intitulé « L’agriculture face aux défis de la production d’énergie », et qui reçoit ce matin le ministre Joël Giraud en circonscription, propose d’obliger les cantines en self-service à proposer au moins un choix végétarien par jour.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Tous les amendements requièrent, pour statuer, de disposer des résultats de l’évaluation de l’expérimentation prévue par la loi ÉGALIM afin que nous puissions décider ou non de sa généralisation ainsi que d’éventuels aménagements, notamment un élargissement à la restauration privée. Je demande donc le retrait des amendements afin que nous puissions travailler ensemble en vue de la séance.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Mme Delphine Batho. Une telle option existe dans la restauration collective, à l’Assemblée nationale. Quid de l’État, c’est-à-dire de la restauration collective publique, qui constitue un levier extrêmement important mais qui pose problème en s’approvisionnant en viande importée au détriment des filières françaises ?

M. Julien Dive. Il ne me semble pas que les amendements soient dénués de sens. Je note, pour répondre à l’argument de l’attente des résultats de l’évaluation prévue par la loi ÉGALIM, que si nous avions attendu tous les résultats, l’article n’aurait jamais vu le jour. L’argument ne tient donc pas.

Madame Batho, au même titre qu’un repas végétarien, un repas carné peut aussi être équilibré. Ne tombons pas dans la caricature inverse !

L’amendement CS4329 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements restants.

Amendements CS3721 et CS3724 de Mme Yolaine de Courson (discussion commune).

Mme Yolaine de Courson. Le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) de cuisinier compte vingt-cinq recettes de base dans lesquelles les légumes ne sont présents qu’à titre d’accompagnement. Les produits végétaux doivent avoir une place dans cette formation, car aujourd’hui les cuisiniers ne savent pas les traiter. Les cuisiniers recrutés dans les cantines doivent également être formés dans ce sens afin que l’accessoire devienne essentiel.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il s’agit d’un sujet essentiel. Pour faire du repas végétarien un succès dans nos cantines, il faut qu’il soit bon au goût mais également pour la santé, ce qui demande un changement des pratiques de nos cuisiniers.

Depuis l’expérimentation d’ÉGALIM, le Conseil national de la restauration collective s’est organisé afin de proposer un guide pour la conception d’un tel repas, qui comprend des recettes. En outre, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) met en place, pour le 1er septembre, une formation pour cuisiniers.

Les choses étant en train de se mettre en place, je demande le retrait des amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. La dynamique est en cours et doit être consolidée, mais je ne suis pas sûr que cela passe par un article de loi qui impose la nature des formations.

Mme Yolaine de Courson. Un guide ne suffit pas. Il faut que cette dimension soit présente dans le CAP et exigée des cuisiniers au moment de leur embauche dans les différentes structures scolaires.

M. Mounir Mahjoubi. S’il faut mieux de viande, il faut aussi mieux de végétaux. Après avoir fait un tour de France des cantines avec de nombreux collègues, et étant moi‑même titulaire d’un CAP cuisine, je confirme qu’il y a un grave défaut de formation sur ces sujets, même si ce qui a été annoncé par la rapporteure et par le ministre va dans la bonne direction.

J’espère que l’évaluation qui nous sera présentée d’ici à l’examen du projet de loi dans l’hémicycle comprendra des éléments sur les critères de succès des cantines qui ont mis en place le repas végétarien.

Mme Jennifer De Temmerman. Je soutiens les amendements de Yolaine de Courson. Dans le collège où j’étais gestionnaire avant de devenir députée, lors du changement de chef de cuisine, la part de produits locaux a baissé de 60 % à 10 %, le nouveau n’étant pas formé.

La commission adopte l’amendement CS3721.

En conséquence, l’amendement CS3724 tombe.

Amendement CS2085 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Il s’agit de faire le point sur les moyens de la restauration collective, en particulier sur ceux des petites unités qui, plus que d’autres, ont besoin d’être bien accompagnées dans la durée. Des crédits ont bien été débloqués dans le cadre du plan de relance, mais ce dernier ne durera que deux ans. Or, sur ces sujets, l’efficacité c’est la durée.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je ne suis pas favorable à un nouveau rapport. D’ailleurs, en tant que président du Conseil national de l’alimentation, vous avez les moyens de mener les enquêtes nécessaires.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis du même avis, et rappelle que la loi ÉGALIM a créé le Conseil national de la restauration collective.

M. Guillaume Garot. Ici, on ne mélange pas les casquettes, Madame la rapporteure. Par ailleurs, si nous soutenons cet amendement, c’est parce que tous les autres ont été déclarés irrecevables.

M. Thierry Benoit. J’appuie l’amendement de notre collègue Guillaume Garot. Au terme de l’examen de l’article 59, qui porte sur l’expérimentation du menu végétal, je m’étonne qu’aient été rejetés à la fois l’amendement de notre collègue André Chassaigne sur l’origine et le caractère transformé des produits servis, comme ceux de Stéphane Travert et de Julien Dive visant à s’adjoindre les compétences de nutritionnistes et de diététiciens. On refuse enfin de dire quels moyens seront consacrés à son évaluation qui devra être précise, transparente et objective.

M. André Chassaigne. Je suis, moi aussi, très favorable à cet amendement. Une évaluation précise des moyens mobilisés est nécessaire. Vous nous dites : « Il faut faire des omelettes », mais vous voudriez qu’on ne comptabilise pas le nombre d’œufs utilisés !

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Nous venons de décider qu’une évaluation de l’expérimentation serait rendue publique. J’imagine que le Gouvernement évaluera à cette occasion les moyens mobilisés pour mettre en œuvre l’expérimentation. D’une certaine manière, l’amendement est satisfait.

Je ne souhaite pas qu’il y ait un deuxième rapport ; il est préférable de traiter cette question dans le premier.

M. Julien Denormandie, ministre. Je ne suis en aucune manière défavorable à un renforcement de la formation ni à la prise en compte de l’origine des produits, Monsieur Benoit. Bien au contraire, je pense que nous devons aller plus loin et continuer à travailler sur ces sujets d’ici à l’examen du texte dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 59 ainsi modifié.

Après l’article 59

Amendement CS2142 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Cet amendement vise à interpeller le Gouvernement sur l’urgence d’un accès universel à une alimentation saine, locale et durable. Aujourd’hui, 2,5 millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire : c’est inadmissible. Il existe des réponses d’urgence grâce aux associations caritatives ; diverses idées émergent : mettre en place un chèque alimentaire, créer des « territoires zéro faim »… Nous proposons de créer un comité scientifique afin d’engager une réflexion sur le sujet et concevoir une forme de protection universelle contre la faim, une « sécurité sociale de l’alimentation ».

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis défavorable. Vous proposez de créer un comité scientifique pour évaluer l’expérimentation mentionnée à l’article 59 alors que ce dernier prévoit déjà qu’un rapport d’évaluation sera remis.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Julien Aubert. Pourquoi créer un comité scientifique ? D’abord, cela ferait une autorité administrative indépendante supplémentaire. Ensuite, c’est un facteur d’opacité. C’est une bonne chose d’avoir mentionné que les fonctions étaient exercées à titre bénévole, mais il eût été bon d’avoir un développement sur les éventuels conflits d’intérêts et les déclarations de transparence à la Haute Autorité. C’est tout le problème du codex alimentarius : on découvre après coup que certains des experts qui s’expriment sur les questions alimentaires sont liés à des groupes industriels.

Si nous pouvons tous partager l’objectif d’instaurer une sécurité sociale de l’alimentation, une idée qui date de 1946, je ne vois pas pourquoi on aurait besoin de scientifiques pour le faire.

Mme Chantal Jourdan. Il est inadmissible que tant de Français et de Françaises aient recours à l’aide alimentaire, et il me semble qu’on ne peut pas se passer d’une réflexion sur le sujet. Comment faire en sorte que tout le monde accède, d’abord, à l’alimentation, ensuite, à une alimentation saine et durable, selon la définition que nous en avons donnée ? Divers organismes ont commencé à travailler sur la question. Il faut continuer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS897 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il convient de prévoir l’interdiction de servir un menu uniquement végétarien pour les services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico‑sociaux et d’autres types d’établissements. Il ne me semble pas bon de raisonner de manière globale, quels que soient les cantines ou les modes de restauration. On ne peut pas accepter qu’on serve à des enfants de moins de 6 ans, en pleine croissance, un menu unique végétarien. Il importe que nous ayons un débat sur les établissements qui pourraient être soumis à une expérimentation de ce type.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat, Monsieur Aubert, et par solidarité avec la petite-fille du président M. Chassaigne, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 59 bis (nouveau) (article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime) : Exclusion, en restauration publique, des denrées alimentaires issues de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d’animaux

Amendement CS896 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il s’agit peut-être de l’amendement auquel je tiens le plus. Il va nous permettre de clarifier les positions.

Il tend à interdire expressément que l’on introduise dans les menus des denrées alimentaires qui se composent de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d’animaux, c’est‑à-dire de la viande artificielle. Si vous êtes de bonne foi, si votre objectif est vraiment de proposer des menus végétariens, avec éventuellement de la viande végétale, mais pas de la viande synthétique, alors vous n’aurez aucun problème à adopter cet amendement. C’est urgent, car certains investissent massivement dans la viande artificielle. Il ne faudrait pas que dans quelques années, un maire qui aurait reçu certains fonds ou bénéficié de mécénat décide de tester ce type de denrées dans une des cantines placées sous son autorité.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je partage votre préoccupation, Monsieur Aubert. Voulons-nous avoir un jour de la viande de synthèse dans nos assiettes ? C’est une question que nous devrions nous poser pour l’ensemble de notre alimentation, et pas seulement à propos de la restauration collective publique.

Il se trouve qu’elle est traitée au niveau européen : les nouveaux aliments sont régis par le règlement européen 2015/2283. C’est la Commission européenne qui autorise et inscrit une denrée sur la liste des nouveaux aliments autorisés, sous réserve qu’elle remplisse les conditions suivantes : qu’elle ne présente aucun risque pour la santé, compte tenu des données scientifiques disponibles ; que sa consommation n’entraîne pas un déséquilibre nutritionnel. Pour l’heure, la Commission n’a été saisie d’aucune demande. Je considère donc que votre amendement est satisfait et en demande le retrait.

M. Julien Denormandie, ministre. Que les choses soient claires : je m’oppose formellement à la consommation de viande cellulaire – cette viande de paillasse, de laboratoire.

À l’heure actuelle, la Commission européenne ne l’autorise pas. Si elle venait un jour à le faire – mais la France marquerait son opposition –, quelle solution légistique pourrions‑nous trouver ? Il faudrait que, sur la base d’autres considérants, la loi française émette une interdiction.

Votre amendement, tel qu’il est rédigé, ne tient donc pas compte de la compétence européenne sur le sujet. Si le Parlement tenait à anticiper la décision de la Commission européenne, il faudrait le retravailler en fonction de la procédure que je viens d’indiquer.

M. Antoine Herth. Sur le fond, je suis d’accord, mais qu’est-ce que la notion de « culture cellulaire ou tissulaire dérivée d’animaux » englobe exactement ? Il ne faudrait pas que cela touche les produits d’origine animale utilisés, par exemple, en œnologie ou dans d’autres processus de production.

M. Julien Aubert. Les mots ont bien évidemment été pesés pour qu’ils correspondent à la cible, c’est-à-dire la viande artificielle, cher collègue. S’il m’arrive de le critiquer, le principe de précaution doit pouvoir s’appliquer aussi dans un sens positif.

Ensuite, on invoque souvent l’Europe pour dire qu’une disposition n’est pas conforme au droit européen ou que c’est à l’Union européenne de la mettre en œuvre. Mais ce n’est pas à la seule Commission européenne de décider de notre modèle de vie ! Si nous sommes tous d’accord au sein de cette commission pour refuser que l’on autorise un jour ce type de viande, eh bien, inscrivons-le dans la loi ! Vous savez bien que des lobbies agiront en sens inverse. Le jour où la question sera examinée à Bruxelles, le gouvernement français sera en mesure de dire que la France a formellement interdit ces denrées. Nous serions de surcroît le premier pays européen à le faire : ce serait un symbole fort.

Cela étant, si la rapporteure ou le ministre veulent sous-amender en ajoutant une précision sur la Commission européenne, je n’y suis pas opposé – même si je pense que cela ne sera d’aucune utilité.

M. André Chassaigne. La référence à l’Europe est en effet toujours à géométrie variable… Ne serait-ce que dans ce texte, quand nous discutions de la publicité, on nous disait que cela concernait la législation française, et qu’il fallait que nous prenions nos propres décisions sans nous laisser enfermer dans l’Union européenne !

Cet amendement est extrêmement important. Il convient d’être attentif à la question de la viande cellulaire : il y a des intérêts financiers derrière, qui alimentent les campagnes antiviande. Il existe en outre des lacunes au niveau de l’Union européenne : dans notre récent rapport sur la sécurité alimentaire au sein de l’Union européenne, Catherine Osson et moi avons souligné que l’Autorité européenne de sécurité des aliments n’étudiait pas assez attentivement ce type de denrées.

M. Erwan Balanant. Je pense qu’il faut acter le fait que notre pays refuse ce type de viande – j’aime bien l’expression « viande de paillasse », cela fait penser à de la viande plastique…

M. Julien Aubert. Comme dans L’aile ou la cuisse !

M. Erwan Balanant. …et aussi à « paillasson ». L’idée qu’on puisse un jour nous proposer de la nourriture de synthèse me terrorise. Cela commencera par la viande et un jour, on finira, comme dans les livres de science-fiction, par se nourrir de pilules !

Le ministre paraît ouvert à la discussion. Essayons de concevoir, d’ici à la séance, une disposition juridiquement plus carrée : si nous voulons manger plus équilibré et plus végétal, il faut refuser la viande de synthèse !

Mme Delphine Batho. Nous devons refuser la malbouffe, quels qu’en soient les atours. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’un Français mange en moyenne 45 % de protéines en trop. La réponse n’est pas dans l’artificialisation.

Cet amendement interroge notre rapport au vivant, et j’invite ses auteurs à étendre leur raisonnement aux additifs de synthèse, aux organismes génétiquement modifiés (OGM) et aux pesticides de synthèse. Là aussi, on trouve derrière de puissants intérêts financiers – comme le soulignait, à juste titre, M. Chassaigne.

M. Éric Coquerel. Au pire, cet amendement ne servira à rien. C’est un amendement de principe, un amendement de précaution – pour ma part, je trouve que c’est utile, surtout quand on connaît les dérives de l’agrobusiness. Je voterai pour.

Mme Huguette Tiegna. À l’occasion de l’examen de ce projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, nous définissons notre rapport avec la nature pour les années à venir. Si je comprends que la perspective de consommer de la viande cellulaire puisse choquer, je ne suis pas du tout d’accord pour qu’on parle à son sujet de « paillasson ». Derrière les paillasses, mes chers collègues, il y a des chercheurs ; et cette viande de paillasse que vous dénoncez n’est qu’un des nombreux aboutissements de la recherche scientifique. À travers ces techniques, on cherche aussi des solutions pour les êtres humains – non pour la consommation, mais pour lutter contre des maladies. Merci donc de ne pas insulter les chercheurs.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Que décidez-vous, Monsieur Aubert ?

M. Julien Aubert. Je maintiens mon amendement « L’aile ou la cuisse », Madame la présidente.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de la commission – étant entendu que le débat devrait être étendu à l’ensemble de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre. Il serait tout de même préférable d’y retravailler d’ici à la séance, pour une plus grande sécurité juridique.

La commission adopte l’amendement.

M. Erwan Balanant. Eh bien, voilà ! Un de vos amendements a été adopté, Monsieur Aubert !

Après l’article 59

Amendement CS1676 de M. Sylvain Templier.

M. Sylvain Templier. Dans une étude de 2020 portant sur 25 000 produits alimentaires étiquetés, quatre auteurs de Siga et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) ont démontré que lorsqu’un produit comporte plus de cinq ingrédients, il est dans plus de 75 % des cas ultra-transformé – ce même seuil étant aussi retenu par les fondateurs de la classification NOVA. Ces aliments ont l’avantage d’être peu chers, mais à quel prix ! En 2019, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a démontré que la consommation de ces produits était associée à un risque plus élevé de surpoids, d’obésité, d’hypertension artérielle ou de dyslipidémie, porte d’entrée vers des maladies plus graves ; cela a été confirmé par près de trente-cinq études épidémiologiques menées depuis 2010. De plus, deux chercheurs de l’INRAE ont montré que ces produits étaient néfastes pour la planète : déforestation, élevage intensif, suremballage… L’étude de Siga et de l’INRAE fixe comme seuil de précaution de ne pas consommer plus d’un à deux aliments ultra-transformés par jour. Alors que manger de manière saine apparaît comme un impératif pour la planète et pour notre santé, la restauration collective ne saurait être une porte d’entrée aux produits ultra-transformés.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. La question est déjà traitée par les dispositions de la loi ÉGALIM, notamment celle imposant 50 % de produits de qualité et durables dans la restauration collective, ainsi qu’à travers la formation des cuisiniers, notamment dans le cadre du plan France relance, et l’ensemble des dispositifs d’amélioration de la restauration collective.

De plus, l’arrêté du 30 septembre 2011, en cours de révision, préconise de servir moins de quatre repas avec une préparation à base de viande, poisson ou œuf contenant moins de 70 % de ces produits. Il existe d’autres moyens que celui que vous proposez pour lutter contre la transformation. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis – j’ai une pensée pour la salade niçoise.

M. Sylvain Templier. Par amour pour la salade niçoise, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS898 de M. Julien Aubert et sous-amendement CS5466 de M. Thibault Bazin.

M. Julien Aubert. Il est proposé qu’à compter du 1er janvier 2022, dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge, on serve au moins une fois par semaine un menu inspiré de la tradition culinaire de la région dans laquelle l’établissement est implanté. Il s’agit, là encore, de mieux prendre en considération l’environnement local, ainsi que nos traditions.

M. Thibault Bazin. Comme je crains que vous ne soyez pas très sensibles à l’excellente idée de mon collègue M. Aubert, mon sous-amendement est de repli : il s’agirait de servir – pour commencer – un repas par mois. Il importe de transmettre ce patrimoine culinaire aux nouvelles générations. Dans ma région, en Lorraine, on a vraiment de très bons plats !

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Si je défends le patrimoine culinaire français, j’émettrai un avis défavorable au sous-amendement et à l’amendement : une telle mesure ne comporte aucun enjeu climatique et ferait peser sur les gestionnaires une contrainte supplémentaire importante. En outre, comment définir la « tradition culinaire régionale » ?

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Erwan Balanant. Ce qui serait plus intéressant, c’est qu’on fasse découvrir le patrimoine culinaire des autres régions…

M. Julien Aubert. Ne souhaitiez-vous pas sauver la salade niçoise, Monsieur le ministre ?

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Article 59 ter (nouveau) (article L. 534-1 [nouveau] du code de l’éducation) : Modulation des tarifs de restauration scolaire

Amendements CS4415 et CS4422 de M. Gaël Le Bohec, et CS2683 de M. Guillaume Garot (discussion commune).

M. Gaël Le Bohec. Il ne saurait y avoir de résilience sans solidarité. Vous avez souligné tout à l’heure, Monsieur le ministre, le rôle essentiel des cantines dans notre société. Ce projet de loi pouvant avoir des effets de bord, il importe de veiller à ce que ceux-ci n’aient aucune répercussion sur la solidarité entre nos concitoyens.

Il convient, d’abord, de combattre les inégalités territoriales. Dans son rapport, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) mentionne que 75 % des communes de moins de 10 000 habitants, c’est-à-dire la grande majorité des communes françaises, pratiquent une tarification fixe dans les cantines scolaires. Il faut, ensuite, engager la lutte contre la pauvreté : les enfants des familles les plus pauvres sont deux fois moins nombreux à manger à la cantine. Il y a aussi des enjeux de santé publique. Enfin, la cantine est un instrument de cohésion sociale.

Notre objectif est la généralisation de la cantine à 1 euro. Comment inciter l’ensemble des communes à mettre en place une tarification sociale ? Avec 130 collègues, nous avions ouvert ce chantier, il y a deux ans ; certains des cosignataires de la proposition de loi sont entre-temps entrés au Gouvernement. J’espère donc que celui-ci examinera mes deux amendements avec bienveillance.

M. Guillaume Garot. On ne peut parler de climat et d’alimentation sans évoquer la précarité alimentaire. Nombre de nos amendements sur le sujet ont été jugés irrecevables, mais celui-ci a passé le filtre. L’idée est d’expérimenter des « territoires zéro faim », car cela devrait être un objectif de politique publique. Concrètement, il s’agit, premièrement, d’affirmer le principe qu’aucun enfant ne doit être empêché d’accéder à la cantine pour des raisons financières ; deuxièmement, d’instaurer une tarification progressive et solidaire dans l’ensemble des restaurants scolaires ; troisièmement, d’envisager la création de chèques d’accompagnement personnalisés permettant à ceux qui ont faim d’accéder à des produits frais ou locaux de qualité ; enfin, de proposer, en liaison avec les producteurs, une offre commerciale de qualité à l’échelle du territoire considéré.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je suis très favorable à l’amendement CS4415. Il s’agit d’un enjeu important de ce projet de loi : améliorer la qualité des produits servis dans les cantines peut en faire augmenter le tarif, et cela ne doit pas être un frein pour certaines familles. Vivant en zone rurale, je connais des mères qui ne travaillent pas parce que, tous les midis, elles vont chercher leurs enfants pour le déjeuner, les frais de cantine représentant un budget trop lourd pour elles. La tarification sociale que vous proposez, Monsieur Le Bohec, non seulement contribuerait à améliorer la qualité de la restauration scolaire, mais aussi contribuerait à l’égalité entre les femmes et les hommes et à l’équité entre les territoires.

Les deux autres amendements, qui visent, pour l’un à lancer une expérimentation, pour l’autre, à demander un rapport, me semblent moins concrets. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

Si le Gouvernement partage la préoccupation de leurs auteurs – comme le prouve le lancement en avril 2019 de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui inclut un soutien financier pour les communes rurales –, imposer la tarification sociale dans les cantines ne me semble pas souhaitable pour au moins deux raisons : d’une part, parce que cela contreviendrait au principe fondamental de libre administration des collectivités territoriales ; d’autre part, parce que, selon une étude de 2014, près de 80 % des communes de plus de 10 000 habitants ont déjà instauré cette tarification. Il me semble préférable d’aider financièrement les communes de plus petite taille, pour lesquelles le coût d’une telle mesure serait trop important.

Mme Jennifer De Temmerman. Sur le principe, je ne suis pas opposée à la généralisation de la tarification sociale. Néanmoins, comment l’État pourrait-il y apporter une contribution financière ? Pour les calculs, on a tendance à ne considérer que le prix de l’assiette, qui est en général inférieur à 3 euros ; on imagine donc que la tarification à 1 euro, c’est faisable. Or, si l’on ajoute les frais de personnels, le coût du matériel etc., un repas coûte en réalité 8,60 euros – je le sais, parce que j’ai dû déterminer le prix d’un repas pour une personne extérieure dans l’établissement dont j’étais la gestionnaire. Dans le département du Nord, on a réussi à mettre en place une tarification exemplaire – certains élèves ne payent rien pour la restauration scolaire –, mais il faudrait quand même examiner comment l’État pourrait accompagner les collectivités territoriales dans cette démarche.

M. Gaël Le Bohec. Notre objectif, c’est la généralisation de la cantine à 1 euro, avec une augmentation de 2 euros à 3 euros de l’abondement de l’État pour toutes les communes. Les actuelles inégalités territoriales sont difficilement acceptables. Le ministre l’a dit : aujourd’hui, dans 80 % des communes de plus de 10 000 habitants, on a droit à la tarification sociale, alors que ce n’est pas le cas dans 75 % des communes de moins de 10 000 habitants. Il est impératif d’aller vers une plus grande justice territoriale.

L’argument concernant la libre administration des collectivités ne tient pas. Prenez les activités périscolaires : partout en France, leur tarification est calée sur le quotient familial, ce que personne ne remet en cause ; au contraire, si la collectivité territoriale ne pratique pas de tarification sociale, elle ne bénéficie d’aucune aide de la part de la caisse d’allocation familiale. Pourquoi cela ne serait-il pas possible pour la tarification de la cantine ?

M. Guillaume Garot. Les commissaires du groupe SOC voteront en faveur de l’amendement CS4415. Toutefois, nous signalons que nous avions déposé un amendement sur la tarification sociale dans les restaurants scolaires, qui, étonnamment, a été déclaré irrecevable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il l’a été en application de l’article 40 de la Constitution, Monsieur Garot.

M. Guillaume Garot. Dont acte, mais c’est difficilement compréhensible.

Je le répète, on ne peut pas parler d’alimentation sans évoquer la précarité alimentaire. Il faut que nous prenions position en faveur de l’accès de tous les enfants à la cantine.

M. Nicolas Turquois. Je partage les interrogations de Mme De Temmerman. J’ai exercé des responsabilités dans une commune rurale, et essayé d’atteindre l’objectif de « faim zéro ». Mais on nous demande en parallèle d’améliorer la qualité des repas, ce qui signifie qu’il faut acheter des produits locaux, plus chers. Si l’on veut tout faire – ce qui est louable –, in fine, ce sont des difficultés financières supplémentaires pour la commune. C’est une équation difficile à résoudre.

La commission adopte l’amendement CS4415.

En conséquence, l’amendement CS4422 tombe.

Elle rejette l’amendement CS2683.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je dois dire que je suis heureuse que l’amendement CS4415 ait été adopté, car j’avais cosigné votre proposition de loi, monsieur Le Bohec. C’est l’aboutissement d’un beau travail.

Article 59 quater (nouveau) : Expérimentation, en restauration collective publique, d’une solution de réservation des repas

Amendements CS4754 de M. Bruno Millienne, CS1585 de Mme Nicole Le Peih, CS4755 de M. Bruno Millienne, CS2102 et CS2103 de M. Guillaume Garot (discussion commune).

Mme Nicole Le Peih. Quatre milliards de repas sont préparés par la restauration collective française chaque année. Selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), le gaspillage représente une dépense inutile de 2,7 milliards d’euros et un impact en termes d’émissions proche de quatre millions de tonnes de gaz à effet de serre. Les enquêtes montrent que l’inadéquation entre l’offre et la demande est l’une des premières causes de ce gaspillage. Il appartient au législateur d’intervenir.

L’amendement propose d’accélérer le déploiement des systèmes de réservation pour tous les acteurs de la réservation collective. Il prévoit qu’en 2023, les restaurants collectifs dont le service moyen dépasse 100 couverts par jour doivent disposer d’une solution de réservation de repas ; la solution de réservation en ligne devra représenter au minimum 50 % des repas servis en 2025 et 70 % en 2030.

M. Guillaume Garot. Madame la présidente, je vous précise que l’amendement que j’avais déposé sur le principe de la tarification sociale a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45, et non pas de l’article 40. Et ce n’est pas le premier.

Mme Delphine Batho. Il y a un problème.

M. Guillaume Garot. Je poursuis sur la réservation des repas, dont je suis convaincu qu’elle est l’un des leviers de lutte contre le gaspillage alimentaire. Plus nous allons vers la liberté de choix des menus, plus il faut être responsable. C’est à chacun, et aux familles pour leurs enfants, de l’être. L’amendement propose donc que des collectivités territoriales expérimentent la réservation préalable des repas dans les restaurants scolaires. Il faut concilier lutte contre le gaspillage alimentaire et diversité de choix ; c’est à notre portée.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CS4755, défavorable aux autres.

Nous avons besoin d’expérimenter pour mesurer l’impact de ces solutions de réservation de repas sur le gaspillage alimentaire et pour évaluer les modalités de réservation de repas en fonction de l’âge de l’enfant et de l’accès au numérique – dont je rappelle qu’il n’est pas assuré partout. Restons-en au stade d’une expérimentation assez large.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis de sagesse à l’amendement CS4755, avis défavorable aux autres.

Mme Jennifer De Temmerman. Le secteur de la restauration scolaire n’utilise que des logiciels fournis par le secteur privé. Il serait intéressant pour l’État de développer des logiciels publics, sur le modèle de ce qui est utilisé pour la gestion comptable et financière.

Mme Frédérique Tuffnell. Au nom de mon collègue Bruno Millienne, je remercie la rapporteure et la ministre pour leur avis.

Successivement, la commission rejette les amendements CS4754 et CS1585, adopte l’amendement CS4755 et rejette les amendements CS2102 et CS2103.

Après l’article 59

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS4284 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Amendement CS2099 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Nous avons adopté des dispositions très importantes pour la restauration collective à l’article 59. Il est tout aussi important de les évaluer. L’amendement propose donc la mise en place d’un comité scientifique chargé d’évaluer leur impact sur le gaspillage alimentaire.

Allons plus loin : ce comité pourrait aussi déterminer les conditions permettant d’expérimenter une prime « anti-gaspi » dans la restauration collective universitaire, destinée à responsabiliser les usagers. Il faut se fixer une ambition pour cette restauration collective universitaire grâce à un travail cohérent, global et durable portant sur la formation des cuisiniers et sur la qualité des produits.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis défavorable. Mettre en place un comité scientifique uniquement pour une expérimentation sur une prime « anti-gaspi » dans la restauration collective universitaire me paraît disproportionné. Par ailleurs, ce sujet n’a pas directement de lien avec l’article 59.

Il est dommage que votre groupe ait retiré de l’ordre du jour de sa journée réservée la proposition de loi pour une nouvelle étape contre le gaspillage alimentaire que vous avez déposée.

M. Julien Dive. Je soutiens cet amendement. Nous savons combien le gaspillage alimentaire est prégnant dans notre société, même si un travail réel a été effectué ces dernières années – auquel notre collègue Guillaume Garot a contribué. La France s’inscrit donc dans une bonne dynamique, mais il reste encore beaucoup à faire.

Aborder la question du gaspillage alimentaire dans la restauration universitaire a du sens. J’avais, pour ma part, déposé un amendement prévoyant la mise à disposition de doggy bags dans les restaurants collectifs universitaires, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

M. Guillaume Garot. Je précise à la rapporteure que mon amendement n’a pas seulement trait à la restauration universitaire – qui malheureusement constitue un angle mort dans l’article 59. Il vise aussi à évaluer les conséquences en termes de gaspillage alimentaire de ce que nous avons voté pour la restauration collective. Cela me paraît relever du bon sens pour le législateur.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’article 59 prévoit déjà que le rapport au Parlement évaluant l’expérimentation du choix d’un menu végétarien aborde son impact sur le gaspillage alimentaire

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS3482 de M. Hubert Julien-Laferrière et CS967 de Mme Jennifer De Temmerman (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3482 est un amendement « top chef ». Il propose que les certificats, les brevets, les diplômes et les concours relatifs à la cuisine intègrent dans leurs référentiels des modules de formation permettant de tenir compte des recommandations nutritionnelles du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et de l’ANSES. Il s’agit aussi de faire évoluer les enseignements pour améliorer la connaissance des recettes végétariennes.

Mme Jennifer De Temmerman. J’avais déposé cet amendement lors de la discussion du projet de loi ÉGALIM, et je l’avais retiré à la suite d’engagements pris à l’époque par le Gouvernement. Trois ans après je le dépose à nouveau, ce qui donne une idée de la manière dont a évolué la situation.

La formation préalable des cuisiniers est une condition du succès de la mise en place d’une expérimentation permettant le choix d’un menu végétarien. L’amendement propose donc d’intégrer dans les formations des enseignements sur les menus végétariens, sur les produits transformés, sur le gaspillage alimentaire et sur les recommandations nutritionnelles, mais aussi sur les projets d’accueil individualisé (PAI) – très importants dans la restauration scolaire, notamment pour mieux accueillir les diabétiques.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit sur la nécessité d’adapter la formation initiale et continue, afin que les menus végétariens proposés dans la restauration scolaire soient de qualité, équilibrés et réalisés à partir de produits locaux issus de l’agriculture durable. Néanmoins, d’un point de vue juridique, les dispositions proposées par les amendements n’ont pas leur place dans la loi, car il n’appartient pas à celle‑ci de déterminer le contenu des programmes d’enseignement.

Grâce au Conseil national de la restauration collective (CNRC), un bouquet de ressources pour accompagner la mise en œuvre de la loi, élaboré en partenariat avec le CNFPT, sera diffusé à la rentrée. C’est un premier pas. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis absolument convaincu qu’il faut renforcer les formations.

Il revient à la loi de déterminer si un type de formation est nécessaire pour pallier un manque. Ces amendements détaillent le contenu même des enseignements, et je ne suis pas certain que cela relève du domaine de la loi. En tout état de cause, ils montrent qu’il appartient au Gouvernement de préciser la manière dont il entend améliorer le contenu des enseignements. Demande de retrait.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS2090 de M. Guillaume Garot et CS2361 de Mme Graziella Melchior, amendement CS2091 de M. Guillaume Garot (discussion commune).

M. Guillaume Garot. La taille des portions servies aux convives est l’un des facteurs de gaspillage alimentaire. Les acheteurs des denrées et les cuisiniers se réfèrent à des recommandations de grammage établies par le groupement d’étude des marchés en restauration collective et de nutrition (GEMRCN). L’amendement prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant l’effet en matière de gaspillage alimentaire de ces recommandations. Il faut actionner tous les leviers pour lutter contre celui‑ci.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Au travers de ces amendements d’appel, vous interpellez le ministre sur la révision de l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, qui prévoit la taille adaptée des portions. Je le laisse répondre sur l’état d’avancement des travaux. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je me suis engagé à ce que cette révision intervienne d’ici à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Les travaux sont en cours, qu’il s’agisse du rapport de l’ANSES ou de ceux du groupe chargé de la nutrition au sein du GEMRCN.

Mme Jennifer De Temmerman. J’avais déposé le même amendement lors de la discussion du projet de loi ÉGALIM ; la même réponse sur l’imminence de la révision de l’arrêté du 30 septembre 2011 avait alors été faite. Plus de trois ans après, il n’en est toujours rien. J’invite donc à voter les amendements identiques afin de mettre un coup de pression pour accélérer le travail.

M. Guillaume Garot. J’entends bien la réponse du ministre et je l’en remercie sincèrement. Mais les travaux de révision en cours n’empêchent en aucun cas que le Parlement soit informé par un rapport. Voter ces amendements contribuerait à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 60 (articles L. 230-5-1, L. 230-5-2, L. 230-5-3 et L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime) : Extension à la restauration collective privée de l’obligation d’améliorer la qualité des repas servis

Amendements CS4870 de Mme Sandrine Le Feur et CS2066 de M. Dominique Potier (discussion commune).

Mme Sandrine Le Feur. Mon amendement vise à garantir un approvisionnement de la restauration collective en produits de la mer issus de la pêche durable.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. La loi ÉGALIM prévoit que la restauration collective devra proposer au moins 50 % de produits de qualité et durables. Sa philosophie est de fixer un objectif d’ensemble, et non par filière.

De nombreux amendements similaires portant sur la viande ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Nous reviendrons sur le sujet en séance. Demande de retrait.

La commission rejette successivement les amendements.

13.   Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 14 heures 30

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du titre V du projet de loi, dont la rapporteure est Mme Célia de Lavergne, en présence de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

À ce stade, nous avons examiné 3 474 amendements, au rythme de 40 amendements à l’heure. Il nous en 380 à examiner sur les titres V et VI.

Article 60 (suite) (articles L. 230-5-1, L. 230-5-2, L. 230-5-3 et L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime) : Extension à la restauration collective privée de l’obligation d’améliorer la qualité des repas servis

Amendements CS854 de M. Antoine Herth, CS894 de M. Julien Aubert, CS2913 de M. Dominique Potier et amendement identiques CS5303 de la rapporteure, CS193 de M. Patrice Anato, CS448 de M. Pierre Vatin, CS843 de M. Antoine Herth, CS1393 de M. Mohamed Laqhila, CS1512 de Mme Emmanuelle Anthoine, CS2067 de M. Dominique Potier, CS2256 de Mme Laurence Trastour-Isnart et CS2674 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Antoine Herth. Je propose que les produits du commerce équitable puissent rejoindre la liste de ceux qui, depuis la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ÉGALIM), sont éligibles aux 50 % de produits durables et de qualité servis dans la restauration collective.

M. Dominique Potier. Je propose d’ajouter à cette liste les produits issus de projets alimentaires territoriaux (PAT), même s’il ne s’agit pas de les considérer comme équivalents aux produits certifiés haute valeur environnementale (HVE) de niveau 3 ou aux produits issus de l’agriculture biologique (AB).

Je défends par ailleurs, comme Antoine Herth, le commerce équitable : c’est l’objet de mon amendement CS2067. Ces deux combats sont liés : la relocalisation par les PAT dans des écosystèmes locaux et le commerce équitable sont deux outils qui doivent nous permettre de réaliser notre ambition alimentaire et sociale.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour le titre V. Je propose d’inclure les produits du commerce équitable dans les 50 % de produits durables et locaux définis dans la loi ÉGALIM.

M. Pierre Vatin. Je retire mon amendement au profit de celui de M. Julien Aubert.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Cette série d’amendements soulève trois questions distinctes.

La première, qui fait l’unanimité, consiste à inclure les produits issus du commerce équitable dans la liste des produits éligibles aux 50 % de produits durables et de qualité, définis dans la loi ÉGALIM. J’émettrai donc un avis favorable sur tous les amendements identiques à mon amendement CS5303.

La deuxième proposition est d’intégrer à cette liste les produits issus des projets alimentaires territoriaux. J’y travaille et je recherche actuellement, avec le ministre, la meilleure rédaction possible ; nous vous ferons des propositions en séance. J’invite donc les auteurs des amendements CS894 et CS2913 à les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement CS854 d’Antoine Herth, enfin, propose d’ajouter une liste de produits beaucoup trop large. J’y suis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je suis favorable à l’amendement CS5303 de la rapporteure et aux amendements identiques, qui concernent les produits du commerce équitable. J’ai la même position que la rapporteure à propos de l’amendement CS854.

S’agissant des amendements CS894 et CS2913, je suis très favorable à l’introduction des produits issus des PAT dans les critères de la loi ÉGALIM mais cela pose des problèmes juridiques que nous avons déjà évoqués ce matin, puisqu’il est difficile d’introduire des critères relatifs à une zone géographique dans les règles de la commande publique. Nous sommes en train de rechercher la meilleure solution. Par ailleurs, il nous faudra aussi trancher une autre question : les produits issus des PAT devront-ils être inclus dans les 50 %, ou bien s’y ajouteront-ils ? Nous en débattrons en séance publique.

M. Thierry Benoit. J’aimerais avoir un avis plus détaillé de la rapporteure et du ministre sur l’amendement CS854 de M. Antoine Herth.

Vous l’avez dit, madame la rapporteure, cette série d’amendements concerne trois sujets distincts.

Le premier, c’est le commerce équitable, que l’on associe aux notions de solidarité et de durabilité.

Le deuxième, ce sont les projets alimentaires territoriaux, qui touchent à la nutrition, la qualité, la sécurité sanitaire, la proximité et les circuits courts.

Le troisième volet, c’est tout ce qui touche au climat, et seul l’amendement d’Antoine Herth l’aborde. Dans son exposé sommaire, il fait référence à la démarche Bleu‑Blanc-Cœur, qui vise à réduire les émissions de méthane, mais aussi les importations de soja, puisqu’elle promeut les protéines végétales produites en France et en Europe. On ne peut pas mettre tous ces amendements sur un pied d’égalité : celui d’Antoine Herth doit faire l’objet d’un avis spécifique de la part de la rapporteure et du ministre.

M. Nicolas Turquois. Je souscris totalement aux propos de notre collègue Thierry Benoit. L’intégration des PAT dans les 50 % de produits de la loi ÉGALIM me semble être une évidence : cela n’aurait pas de sens de développer des productions locales et de ne pas les valoriser. Mais ce projet de loi a surtout vocation à diminuer notre impact sur le climat. J’ai découvert, en tant que député, la démarche Bleu-Blanc-Cœur, que je ne connaissais pas en tant qu’agriculteur, et je l’ai expertisée. Elle mériterait peut-être d’être validée par la puissance publique, mais elle intègre en tout cas dans son cahier des charges l’impact environnemental et la substitution des protéines d’origine extra-européenne par des protéines produites localement. Quand on connaît l’énergie – c’est-à-dire les gaz à effet de serre – nécessaire pour produire des protéines, on ne peut que saluer une telle initiative : elle semble tout à fait en phase avec l’objet de ce projet de loi. Je suis donc tout à fait favorable à l’amendement de notre collègue Antoine Herth.

M. Antoine Herth. J’ai indiqué, dans mon amendement CS854, un certain nombre de pistes qui sont encore en cours d’exploration. Je propose par exemple d’intégrer les exploitations en cours de conversion à l’agriculture biologique, avant l’obtention du label. C’est du « work in progress », comme on dit en Alsace.

Sur le commerce équitable, en revanche, on travaille depuis longtemps : en 2005, déjà, j’avais participé à une mission parlementaire, qui a débouché sur plusieurs travaux législatifs. Je veux bien retirer mon amendement CS854, compte tenu des explications du ministre, mais je maintiens mon amendement CS843.

M. Dominique Potier. Nous avons tous des aspirations nobles mais le diable est souvent dans les détails. La loi ÉGALIM avait retenu les certifications HVE3, AB et signes de l’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) : on savait à quoi s’en tenir. D’autres candidats frappent aujourd’hui à la porte : même s’ils sont tout à fait estimables, ils n’ont pas forcément le même niveau d’exigence et cela peut créer une confusion dans la taxonomie.

Deux chantiers nous attendent, monsieur le ministre. Il conviendra, à terme, de réviser les labels AB et HVE pour y intégrer le carbone et le commerce équitable : il vaut mieux réviser les labels existants que les multiplier. Sur le commerce équitable, ensuite, il faut réfléchir de façon globale, en s’appuyant à la fois sur la loi dite « Hamon » et la loi de 2005, à ce qui pourrait être stabilisé : les acteurs du commerce équitable attendent une certification publique, tout en s’en méfiant. Une clarification est nécessaire.

M. François-Michel Lambert. On progresse, mais je voudrais revenir sur la question du vrac, dont nous avons débattu au début de l’examen de ce projet de loi. En imposant une surface minimale dédiée au vrac dans les commerces, le risque est de voir les grands groupes évincer les autres acteurs : il faudrait qu’une part du vrac que nous installons dans les supermarchés leur soit réservée.

Mme Sandrine Le Feur. Lors de l’examen de la loi ÉGALIM, nous avions insisté sur le fait que les labels privés devaient absolument faire l’objet d’une certification extérieure, ce qui n’est pas toujours le cas. Qu’ils rentrent dans les 50 % de productions biologiques et locales, je n’y vois pas d’inconvénient a priori, mais il faut s’assurer qu’ils ont reçu une vraie certification.

M. André Chassaigne. La difficulté, c’est de trouver une définition claire, compte tenu de la multiplicité des textes et des règles. J’ai notamment recensé : le règlement (CE) n° 834-2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ; les mentions prévues à l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ; l’écolabel prévu à l’article L. 644-15 du même code ; le symbole graphique prévu à l’article 21 du règlement (UE) 228/2013 ; les différentes certifications ; l’article L. 611-6 du code rural qui définit la « haute valeur environnementale » ; la directive 2014/24/UE ; le fait que 80 % des productions doivent être réalisées en autonomie sur une exploitation ; le fait que les animaux doivent accéder à un pâturage pendant une période d’au moins cinq mois. On se perd dans cette jungle…

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je vais revenir en détail sur l’amendement CS854 de M. Antoine Herth.

La référence à des « critères de développement durable » est satisfaite par le premier alinéa de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, qui mentionne les « produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ».

Sur le projet alimentaire territorial, nous vous avons déjà répondu et nous pourrons poursuivre notre discussion en vue de la séance.

La mention des « animaux nés, élevés, abattus, découpés sur un même territoire » risque de porter atteinte au marché européen. Il existe aujourd’hui des outils qui permettent aux acheteurs publics de s’orienter : je pense notamment au guide d’achat Localim ; il indique par exemple la race des viandes, ce qui facilite les achats de proximité.

La question des démarches collectives, comme la démarche Bleu-Blanc-Cœur, pose celle des labels privés, face auxquels nous devons être très vigilants, comme Mme Le Feur l’a rappelé. Si nous intégrons le commerce équitable dans cet article, c’est parce que nous ferons un pas en avant, à l’article 66, sur la labellisation du commerce équitable. Nous devons avoir une vraie réflexion sur les autres labels privés et je défendrai d’ailleurs, après l’article 66, l’amendement CS5477, relatif à l’encadrement des labels privés.

M. Julien Denormandie, ministre. Ce débat est essentiel. Le choix fait dans la loi ÉGALIM a été de miser sur des produits issus de labels publics, qu’ils soient européens – SIQO, bio – ou nationaux, avec la certification HVE. Ces labels sont un gage de qualité – même si l’on peut débattre pour savoir s’ils prennent suffisamment en compte la donnée climatique.

Nous voulons aussi valoriser les produits du territoire. Mais le problème, c’est qu’il n’y a pas d’équivalence entre les produits du territoire et les produits issus d’une labellisation publique. En Normandie, par exemple, il existe plusieurs labels privés de viande issue de vache normande qui ne rentrent pas dans les dispositifs ÉGALIM. La démarche Bleu‑Blanc‑Cœur, que vous avez évoquée, ne rentre pas non plus dans le dispositif ÉGALIM, parce qu’elle est privée.

La question qui se pose est la suivante : si l’on veut promouvoir les produits du territoire dans le dispositif ÉGALIM, doit-on passer uniquement par des labellisations publiques, ou par une transformation des labellisations privées ? Vous voyez que nous faisons le grand écart entre deux objectifs. Si nous voulons faire du « tout label », alors nous excluons les produits du territoire ; il faudrait trouver un moyen de concilier les deux, mais cela pose un vrai problème d’écriture, car les deux objectifs ne sont pas totalement conciliables. Nous en débattrons en séance.

M. Antoine Herth. Je retire mon amendement mais j’aimerais que nous ayons ce débat dans le cadre de l’article 1er.

Les amendements CS854, CS2913 et CS448 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CS894 et adopte les amendements CS5303 et identiques.

Amendement CS4345 de Mme Aina Kuric et amendements identiques CS725 de Mme Delphine Batho et CS4866 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Nous proposons de ne retenir que les produits de niveau HVE3 parmi les 50 % de produits de qualité et durables.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Ces amendements tendent à exclure dès maintenant du dispositif ÉGALIM, et non en 2030, les exploitations qui bénéficient d’une certification HVE de niveau 2 et qui s’orientent vers le niveau 3. Or l’idée est de créer un appel d’air pour nos filières agricoles et de leur donner accès à ces marchés. Nous voulons accompagner cette transition et il nous semble qu’un changement du jour au lendemain serait contre-productif, compte tenu des efforts déjà réalisés.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Le fait de retenir des producteurs bénéficiant d’une certification de niveau 2 permet d’inclure des productions et des entreprises du territoire. Il importe maintenant de transformer l’essai et c’est la raison pour laquelle nous avons créé un crédit d’impôt HVE, pour accélérer le passage du HVE2 au HVE3. Sur cette question également, il convient de trouver le juste équilibre.

M. Julien Dive. Il importe effectivement de ne pas décourager les producteurs qui sont engagés dans cette conversion. Il faut que les productions qui bénéficient d’une certification de niveau 2 restent éligibles.

Mme Delphine Batho. Je pense exactement l’inverse. Ne retenir que les productions de niveau HVE3 inciterait les producteurs à passer à ce niveau de certification plus rapidement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2064 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je crois, madame la rapporteure, que mon amendement propose la solution équilibrée que vous recherchez. Dans nos territoires, la dynamique est plus rapide que la loi : les grandes filières, les coopératives agricoles les plus traditionnelles, sont engagées dans la transition vers la haute valeur environnementale. Les territoires qui ont des contrats de transition écologique ont un objectif de deux tiers d’ici à 2030, en incluant le carbone, grâce à une collaboration avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Il ne faudrait pas que la loi soit en retard sur les réalités du terrain. Nous avons été très prudents au moment de la loi ÉGALIM, avec le ministre M. Stéphane Travert, parce que la certification HVE était une nouveauté, mais la graine HVE est en train d’éclore et tout le monde s’en saisit. Il ne faut pas que la loi soit en retard par rapport au marché. Avançons de cinq ans la date de conversion à la norme HVE, tout le monde sera prêt.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je pense comme vous qu’il faut accélérer les choses, et nous avons entamé des concertations pour trouver la bonne échéance. Mais je ne suis pas certaine que celle que vous proposez soit la bonne : je vous propose donc de retirer votre amendement pour que nous puissions y travailler ensemble d’ici à la séance.

M. Julien Denormandie, ministre. Je vous invite également à retirer votre amendement. La dynamique est lancée, c’est vrai, mais il n’y a pas, à l’heure actuelle, plus de 5 % d’exploitations certifiées HVE3. Beaucoup sont dans la phase de transition et toute la question est de savoir s’il faut pousser ou tirer. Pour ma part, je crois davantage à la deuxième solution et le crédit d’impôt est un outil essentiel. Les certifications HVE2 et HVE3, ce n’est pas zéro ou un ; les certifications HVE2 présentent déjà des garanties et il faut les accompagner vers le niveau supérieur.

M. Dominique Potier. Les socio-démocrates sont des hommes et des femmes de compromis. J’accepte donc de retirer mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS432 de Mme Valérie Beauvais, CS650 de M. Vincent Descoeur, CS830 de M. Julien Dive et CS1077 de M. Jean-Yves Bony.

Mme Valérie Beauvais. Le critère d’accès au pâturage est l’un des principaux indicateurs de la durabilité des systèmes d’élevage.

Les viandes d’importation représentent encore 48 % des approvisionnements en restauration collective. Je propose une disposition qui devrait permettre d’atteindre l’objectif de 50 % d’approvisionnement en produits durables.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Vous posez la question de l’importation, mais le critère que vous introduisez – l’accès de l’animal au pâturage pendant une période d’au moins cinq mois – ne règle pas la question, puisqu’un animal ayant été élevé dans ces conditions peut très bien être importé depuis l’autre bout de la planète. Surtout, ce critère de l’accès au pâturage pendant au moins cinq mois paraît difficile à contrôler pour un gestionnaire de restauration collective. Il faut plutôt encourager les démarches de qualité garantissant cet accès au pâturage. Avis défavorable.

M. Antoine Herth. De surcroît, il y aurait une contradiction entre ces amendements, qui me conviennent sur le fond, et la décision qui a été prise à l’article 1er – à mon grand regret – de ne pas corriger le système « analyse du cycle de vie » pour l’adapter aux animaux en pâturage.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS1287 de M. Loïc Dombreval et CS3368 de M. Cédric Villani (discussion commune).

Mme Delphine Batho. L’amendement CS3368 concerne la qualité des volailles consommées : il vise à exclure celles qui ne satisfont pas certaines caractéristiques du règlement européen.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis défavorable. Vous renvoyez au niveau européen, alors que la législation française est exigeante en la matière.

M. Julien Denormandie, ministre. Vous posez la question de la qualité des volailles dans la restauration hors domicile (RHD). Je caricature un peu, mais il est vrai qu’il y a beaucoup de volailles issues de l’élevage français dans la grande distribution et les commerces et beaucoup de volailles importées dans la RHD. Et ces importations proviennent en grande partie de pays extra-européens : je pense en particulier à l’Ukraine et au Brésil, qui n’ont pas du tout les mêmes normes que nous. Pour faire face à cela, des règles s’appliquent au niveau européen. Ces règles sont ce qu’elles sont, il faut faire bouger les lignes en introduisant des clauses miroir : ce sera la priorité de la présidence française dans le domaine agricole.

Par ailleurs, à partir de cet été, un décret imposera d’indiquer l’origine des viandes, notamment des volailles, dans la restauration hors domicile. Il faudra indiquer si la volaille vient de France, d’Europe, ou d’un pays extérieur à l’Union européenne. Nous attendions l’aval de la Commission européenne et nous l’avons obtenu : le décret devrait donc être pris d’ici à l’été.

M. André Chassaigne. Mon amendement CS2215, qui avait le même objet, a été déclaré irrecevable, au titre de l’article 45 – comme nombre de mes amendements, du reste. Je ne l’avais peut-être pas déposé au bon endroit, mais j’aimerais savoir précisément pourquoi il a été jugé irrecevable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Monsieur Chassaigne, on m’indique que votre amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 : c’est donc à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, qu’il faut demander des explications.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS431 de Mme Valérie Beauvais, CS649 de M. Vincent Descoeur, CS829 de M. Julien Dive et CS1075 de M. Jean-Yves Bony.

Mme Valérie Beauvais. Les professionnels de la filière de l’élevage et des viandes françaises et les organisations non gouvernementales (ONG) environnementales avec lesquelles ils travaillent en concertation depuis plusieurs années, partagent plusieurs consensus en matière de durabilité du système de production des viandes rouges en France. Ils considèrent notamment que l’un des principaux critères de durabilité d’une exploitation d’élevage est sa capacité à fonctionner en autonomie, donc à limiter au maximum les achats d’intrants, notamment pour l’alimentation du troupeau.

En France, 60 % de l’alimentation fournie aux bovins est produite par l’éleveur, sur son exploitation. Ce taux s’élève même à 80 % pour les cheptels allaitants. C’est donc pour valoriser cet atout du modèle d’élevage français, mais aussi pour engager largement les éleveurs dans une amélioration de leurs pratiques sur ce plan, et dans une logique de transition agroécologique, que le présent amendement vise à intégrer ce critère d’autonomie des exploitations dans la liste des critères d’éligibilité aux 50 % d’approvisionnement en produits durables des restaurants collectifs publics, fixés par la loi ÉGALIM.

M. Julien Dive. J’aimerais revenir sur la question de la qualité de l’alimentation de nos élevages, notamment bovins, que nous avons déjà évoquée ce matin. À l’importation de protéines végétales destinées à l’alimentation animale, comme le soja, il faudrait privilégier les protéines végétales produites en France ; il existe d’ailleurs un plan « protéines végétales », qui concerne à la fois l’alimentation humaine et animale.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je partage votre préoccupation de soutenir les filières d’élevage françaises. Toutefois, je ne suis pas certaine que votre proposition favoriserait les exploitations nationales. Sur le fond, la définition de l’autonomie me semble poser un problème, puisqu’elle recouvre à la fois la question du fourrage, de l’alimentation des animaux, des intrants, mais aussi du personnel. Le caractère imprécis de cette définition risque de poser un problème juridique. Par ailleurs, je me demande comment les responsables de la restauration collective pourront évaluer ce critère. Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CS433 de Mme Valérie Beauvais, CS651 de M. Vincent Descoeur, CS831 de M. Julien Dive, CS1078 de M. Jean-Yves Bony, amendements identiques CS1746 de M. Thibault Bazin et CS4983 de M. Jean-Marie Sermier (discussion commune).

Mme Valérie Beauvais. Il s’agit de concrétiser la proposition de la Convention citoyenne pour le climat qui consiste à intégrer un nouveau critère d’attribution dans les règles de la commande publique, relatif au nombre de kilomètres parcourus par le produit.

M. Julien Dive. Monsieur le ministre, vous avez rappelé que la majorité des volailles consommées en restauration hors domicile – leur proportion oscille entre 60 et 80 % selon les années – sont importées. Nous nous battons tous, depuis plusieurs années, pour valoriser la production française. J’ai repris l’exemple de la production de volailles, mais je pourrais parler aussi de la viande bovine ou des plats végétariens, dont il a été question ce matin. Les critères d’attribution des marchés publics sont très nombreux – ils concernent le prix, la qualité, etc. – mais il est très difficile de valoriser les produits français. Le critère du nombre de kilomètres parcourus permettrait de valoriser les productions nationales et locales.

M. Jean-Marie Sermier. Il convient aussi de considérer la part que représente le transport dans le prix d’un produit – pour le Kiri, fromage fabriqué dans le Jura, elle est de 20 % ! – ainsi que les conditions dans lesquelles il a été acheminé.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Vous le savez, le critère de distance maximale parcourue porterait atteinte au droit de la concurrence et au marché unique européen. Toutefois, l’ancrage territorial de l’alimentation est une préoccupation partagée, au fondement des PAT ; par ailleurs, la distance et le mode de transport entrent en ligne de compte dans l’analyse du cycle de vie (ACV), qui figure au 1° de la liste des produits durables et de qualité visés par la loi ÉGALIM.

M. Julien Denormandie, ministre. De telles dispositions devraient passer sous les fourches caudines de la réglementation européenne et, si elles venaient à être appliquées, introduiraient de la complexité : faut-il priver les petits métropolitains de bananes ou les écoliers des Hauts-de-France de côtes d’agneau du Quercy ? Ce sont de fausses bonnes idées. La proximité est prise en compte dans les PAT ainsi que dans le cahier des charges des gestionnaires des cantines.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Je rappelle que l’article 15 impose aux acheteurs publics de prendre en compte dans les marchés publics les critères environnementaux, qui incluent l’analyse du cycle de vie des produits. Le prix n’est plus le seul critère et je suis heureuse que cela s’applique aussi à la restauration collective.

M. François-Michel Lambert. Cela renvoie à un sujet dont nous débattrons dans l’hémicycle : l’étiquetage des produits finis, notamment agro-alimentaires, en sortie du centre de production, peut être trompeur sur l’origine.

M. Jean-Marie Sermier. Il est certain que l’Union européenne ne nous permettrait pas de distinguer entre les produits selon leur provenance. En revanche, il faut que le consommateur soit informé.

M. Nicolas Turquois. Ces amendements relèvent de démarches positives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et préserver la biodiversité. Il serait bon que le Gouvernement accompagne ces initiatives et que nous progressions sur ces sujets !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS3367 de M. Cédric Villani.

Mme Delphine Batho. Compte tenu du coût plus élevé des produits d’origine animale, il est fort probable que, pour atteindre les 50 % de produits durables et de qualité, les produits d’origine végétale seront privilégiés. M. Villani propose qu’un décret fixe la part minimale en volume que les produits d’origine animale devront représenter.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. La rédaction pose problème : d’une part, elle précise que le décret fixe la part minimale en volume et non en valeur d’achat, comme le prévoit l’article L. 230-5-1 ; d’autre part, elle ne vise que les produits transformés d’origine animale. Plus généralement, cet amendement renvoie au débat sur la qualité et la provenance de la viande servie dans les cantines, sujet qui pourrait faire l’objet d’un amendement collectif en séance. Retrait.

M. Dominique Potier. Le diagnostic est exact : on nous alerte sur le fait que les gestionnaires ont déjà tendance à rechercher des coûts moindres pour les 50 % de produits restants afin de compenser le prix des produits durables et de qualité. Il faudra un jour prévoir une qualité minimum pour 100 % des produits servis en restauration collective.

Pour notre part, nous ne suivrons pas les amendements qui pourraient conduire à dégrader l’exigence de produits certifiés HVE de niveau 3, SIQO ou bio ; la banalisation des 50 % ne doit pas faire oublier que la RHD ne représente qu’un petit segment de l’alimentation. Les 50 % de produits durables et de qualité doivent être achetés auprès des petits producteurs qui ont fait le choix de la transition.

Mme Delphine Batho. Je remercie la rapporteure de sa réponse : elle plaide pour l’adoption de l’amendement CS724, que je défendrai ultérieurement ! Il n’y a, dans cet amendement, aucune intention de dégrader la commande ; il s’agit au contraire de préciser que dans les 50 % de produits durables et de qualité, il doit y avoir de la viande et des laitages. Il est vrai que la part fixée par décret devrait être en valeur et que le terme « transformé » est peut-être inapproprié, mais l’intention de l’amendement est bonne : il s’agit d’encourager des menus comportant de la viande en moindre quantité, mais de meilleure qualité et produite localement. Tant mieux si cette idée peut progresser lors de l’examen en séance.

M. Julien Denormandie, ministre. Le mieux est parfois l’ennemi du bien. C’est déjà un défi pour les gestionnaires que de mettre en place les 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bios, n’imposons pas une nouvelle part dans cette catégorie !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de conséquence CS5312 de la rapporteure.

Amendement CS801 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. On se souvient que le premier confinement en 2020 a provoqué un phénomène de surstockage des denrées alimentaires, certaines filières de production se retrouvant sans débouchés. Pour éviter ce gaspillage, nous proposons que les restaurants collectifs prennent en compte des considérations relatives à l’environnement, notamment sur l’approvisionnement et le délai de livraison, de façon à promouvoir les acteurs locaux.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Votre amendement est satisfait par l’article 15, tel qu’il a été adopté par votre commission.

L’amendement est retiré.

Amendements CS724 de Mme Delphine Batho et CS2373 de M. Pierre-Alain Raphan (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Il s’agit de porter à 100 % la part des produits locaux, dont 50 % de produits bios. Je suis consciente de la charge que représente déjà l’application de l’article L. 230-5-1 pour les gestionnaires des cantines et je comprendrais que la date limite fixée par l’amendement, le 1er janvier 2025, soit repoussée. Je demeure cependant convaincue que c’est le sens de l’histoire.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Certes, l’ambition du 100 % doit nous guider, mais gardons à l’esprit qu’en 2019, la part des produits durables et locaux servis dans les cantines n’était que de 15 %, dont 7 % de produits bios. Même si l’épidémie de covid‑19 a provoqué une prise de conscience chez les Français et les gestionnaires des cantines, la situation économique a freiné la progression vers l’objectif, déjà ambitieux, que nous avons fixé. Attendons les bilans statistiques prévus en 2023 pour légiférer plus avant.

M. Julien Denormandie, ministre. J’appelle votre attention sur le fait que l’article L. 230-5-1 ne vise pas les produits locaux, mais les produits sous certification européenne ou française. Nous allons travailler sur les PAT mais je sais déjà que votre assemblée se divisera sur cette question : certains considéreront qu’il faut ouvrir aux produits locaux, d’autres que cela entraîne une dégradation de la qualité car ils ne sont pas forcément certifiés.

M. Dominique Potier. En effet, le piège serait que, sans exigence de certification, on ouvre le marché à des producteurs locaux irrespectueux de l’environnement, ou prédateurs fonciers. Cependant, l’exigence de certification ne doit pas nous conduire à ignorer l’enjeu de la proximité. Dans les marchés publics, les critères liés à l’environnement et aux transports doivent être insérés pour privilégier, après les produits certifiés, les produits locaux.

Mme Delphine Batho. Je prône le bio et le local – cela finira par s’imposer.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS1289 de M. Loïc Dombreval.

Amendements CS4783 de Mme Liliana Tanguy, CS 4079 de Mme Frédérique Tuffnell, amendements identiques CS1522 de Mme Marie Silin et CS2065 de M. Dominique Potier, amendements CS2996 de Mme Fiona Lazaar, CS1523 de Mme Marie Silin (discussion commune).

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit d’avancer à 2024 l’harmonisation des régimes applicables aux personnes morales ayant la charge d’un restaurant collectif, beaucoup de gestionnaires privés y étant déjà prêts.

M. Dominique Potier. La dynamique est heureuse, pourquoi attendre encore, au‑delà de 2023 ? Le marché, la société évoluent, ne soyons pas en retard sur eux !

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. En effet, cela fait déjà quelque temps que la restauration collective privée a engagé des travaux sur la question de l’approvisionnement en produits durables et locaux, notamment parce que certaines entreprises travaillent à la fois pour la restauration collective publique et pour la restauration collective privée. L’extension du champ d’application de l’article L. 230-5-1, prévue en 2025, semble donc un peu éloignée ; il convient de ne pas trop l’avancer non plus, afin de tenir compte des difficultés économiques du secteur, qui a vu son chiffre d’affaires réduit de 30 % l’année passée.

J’émets donc un avis favorable à l’amendement CS4079 et suggère le retrait des autres amendements.

M. Julien Denormandie, ministre. Je m’en remets pour ma part à la sagesse de votre assemblée sur l’amendement CS4079.

M. Dominique Potier. Nous voterons avec plaisir en faveur de cet amendement. Monsieur le ministre, afin d’éclairer nos débats et de remettre les choses en perspective, pourriez-vous faire un point sur la part exacte de la RHD dans le secteur de l’alimentation ?

L’amendement CS2065 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS4783.

Elle adopte l’amendement CS4079.

En conséquence, les amendements CS1522, CS2996 et CS1523 tombent.

Amendement CS1918 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Si le surcoût entraîné par les dispositions prévues à l’article L. 230-5-1 sera pris en charge par les collectivités pour la restauration publique, les parents des enfants scolarisés dans les établissements privés sous contrat devront payer la différence. Pour que tous les élèves soient concernés par l’amélioration de l’alimentation, je propose que ces dispositions ne s’appliquent que si les établissements d’enseignement privé bénéficient d’une aide de l’État.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Par principe, je suis défavorable à un amendement visant à créer une dérogation pour les établissements d’enseignement privé, car il introduirait une inégalité.

M. Julien Denormandie, ministre. L’amendement conditionne la mise en œuvre d’une disposition à l’apport d’une aide financière. Si l’on devait faire de même pour toutes les obligations qui incombent aux établissements publics et privés, il faudrait revoir intégralement le modèle économique de l’enseignement privé. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je rappelle que les deux tiers des établissements d’enseignement agricole sont privés. Les agriculteurs, s’ils veulent leur transmettre leur exploitation, n’ont souvent d’autre choix que de placer leurs enfants dans le privé. Au-delà de la question du modèle économique, il existe bien un problème d’équité. Lorsque je l’avais soulevé, dans le cadre de l’examen de la loi ÉGALIM, M. Travert m’avait indiqué qu’il y réfléchirait. Je ne désespère pas !

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS1577 de Mme Nicole Le Peih et CS4658 de M. Jean-Charles ColasRoy (discussion commune).

Mme Nicole Le Peih. La cantine d’un des collèges de Pontivy réussit à s’approvionner toute l’année en denrées fraiches, produites dans un rayon correspondant à une heure trente de route. C’est donc possible ! Je propose par cet amendement de fixer comme nouvel objectif, à horizon 2030, une part de 70 % de produits durables et de qualité.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. C’est vrai, il faudra aller plus loin. Mais je rappelle que la part de ces produits était encore de 15 % en 2019, et que cette moyenne recouvre des disparités régionales. Nous manquons de données statistiques pour fixer de nouveaux objectifs. J’espère que nous disposerons bientôt d’un bilan – j’ai déposé un amendement en ce sens. Je vous suggère de retirer les amendements.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Nous pourrons en rediscuter en séance, notamment lorsque nous aborderons la question des PAT.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS965 de Mme Jennifer De Temmerman.

M. François-Michel Lambert. Le Conseil national de l’alimentation doit être chargé de veiller au respect de l’article L. 230‑5‑1.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. C’est précisément l’objet du Conseil national de la restauration collective, créé dans la continuité de la loi ÉGALIM.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS2995 de Mme Jennifer De Temmerman.

Amendement CS2101 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Conformément à la préconisation formulée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), nous proposons de créer, à destination des restaurants, une mention « qualité durable » qui s’ajouterait à la mention « fait maison », née en 2014. Cette nouvelle mention protégée par les pouvoirs publics introduirait cohérence et visibilité dans le paysage des nombreux labels privés et réseaux de restaurants qui ont émergé ces dernières années.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Vous souhaitez lier ce label à l’utilisation des produits listés dans la loi ÉGALIM. Je ne pense pas qu’un tel mélange des genres soit souhaitable. En outre, il convient d’encourager la démarche des restaurateurs qui sont nombreux à utiliser le « fait maison » ou la certification « bio » et à mettre en avant des labels privés.

M. Julien Denormandie, ministre. Oui, trop de labels tuent le label !

M. Guillaume Garot. Il ne s’agit pas de rajouter encore un label mais au contraire de clarifier les choses, car la profusion de labels peut introduire une confusion dans l’esprit du consommateur. Il serait bienvenu que l’État garantisse ce label comme il l’a fait avec le « fait maison », désormais reconnu. Je vous recommande la lecture du rapport passionnant du CESE sur l’alimentation durable, dont est issue cette proposition. Adopter cet amendement serait une façon de faire confiance aux acteurs de la société civile, lesquels nous encouragent à aller de l’avant.

M. François-Michel Lambert. L’amendement de Mme De Temmerman relevait de la même logique. Créer un tel label permettrait d’éviter la profusion de labels sans grande signification.

M. Julien Denormandie, ministre. Plutôt que de créer une nouvelle mention « qualité durable », efforçons-nous de faire connaître des labels existants, comme la certification HVE, créée en 2015 et pourtant ignorée de beaucoup de consommateurs.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS2218 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. C’est ce que j’appellerais l’amendement puissance 365. Il est question d’un affichage une fois par an. Mais encore faut-il aller prendre son repas le bon jour ! Quelles sont les informations que l’on doit afficher une fois par an ? La part des produits définis au I de l’article L. 230-5-1, soit les produits labellisés, certifiés ou de proximité, et les démarches que les personnes morales en charge des restaurants collectifs ont entreprises pour développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable. On peut concevoir qu’il y ait une affiche annuelle, qui reste plusieurs jours. On pourrait concevoir aussi qu’il y en ait une déclinaison quotidienne, pour savoir un peu mieux ce qui est consommé.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Une fois par an, des données sur la quantité de produits durables doivent être rendues accessibles. Votre amendement est ambigu, puisque nous ne savons pas si vous voulez qu’on affiche la composition quotidienne du repas ou sa moyenne annualisée. Je vous suggère de le retirer, afin d’en proposer une nouvelle rédaction en séance.

M. Julien Denormandie, ministre. Demande de retrait. Je suis favorable à votre amendement mais je pense que, dans sa rédaction actuelle, il revient à faire le calcul tous les jours. Ce n’est donc pas tant l’amendement 365 que l’amendement 1/365e... Il faut faire la moyenne de l’année et l’afficher tous les jours. C’est impossible de demander aux gestionnaires de refaire le calcul tous les jours sur la base de ce qui a été consommé depuis le premier jour de l’année.

M. André Chassaigne. J’étais persuadé qu’il allait y avoir cette ambiguïté, que j’ai moi-même ressentie en lisant l’amendement… Cela étant, je me demande quand même si en plus de cet affichage quotidien d’une moyenne annuelle, il ne pourrait pas y avoir une information relative au repas du jour.

M. Julien Denormandie, ministre. C’est tout l’objet du fameux décret que j’évoquais tout à l’heure et que je souhaite prendre d’ici à l’été, pour que l’origine de la viande dans la RHD soit affichée. Ce serait une sacrée avancée.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS5295 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS2112 de Mme Michèle Crouzet.

Amendement CS5446 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il est important de disposer d’un bilan statistique régulier sur la mise en œuvre de l’article, aussi bien pour la restauration publique que privée. C’est pourquoi je demande que le Gouvernement transmette au Parlement ce document et le rende public.

M. Julien Denormandie, ministre. Sagesse.

M. Martial Saddier. J’ai eu l’occasion de travailler, il y a pas mal de temps, sur l’agriculture biologique et toutes ces questions. Je voudrais rendre hommage à M. Philippe Vasseur, qui restera le premier des ministres de l’agriculture à avoir travaillé sur ces sujets. Depuis lors, tous les ministres se sont engagés dans cette voie. J’appelle l’attention du législateur et du Gouvernement : peut-être pourrait-on ajouter dans le rapport un bilan annuel sur l’évolution des moyens de production au regard de ce que nous exigeons dans les cantines. Par le passé, quand le législateur a voulu tirer trop vite la charrette, comme la nature a horreur du vide et qu’il faut bien mettre quelque chose dans les assiettes, cela a parfois eu pour conséquence de favoriser les importations.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 60 ainsi modifié.

Après l’article 60

Amendement CS4871 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Il vise à doter la stratégie « protéines végétales » d’un volet alimentaire. Cela est notamment important dans le cadre de la promotion de menus végétariens composés de produits locaux.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il me semble que la mise en œuvre du plan « protéines végétales » est conforme à votre souhait et ne nécessite pas une inscription dans la loi. En outre, la référence à France Relance pose question, notamment pour ce qui est du financement et des moyens financiers. Demande de retrait.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Le programme national pour l’alimentation, qui est codifié, fait déjà référence à cette stratégie nationale « protéines végétales » à laquelle vous me savez attaché.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4157 de M. Philippe Naillet.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Sagesse.

M. Julien Denormandie, ministre. Demande de retrait. Il est satisfait, puisque les consultations relatives au décret concerné viennent de s’achever.

La commission rejette l’amendement.

Article 60 bis (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur l’instauration d’un « chèque alimentation durable »

Amendements CS4730 de M. Mounir Mahjoubi et CS3660 de Mme Yolaine de Courson (discussion commune).

M. Mounir Mahjoubi. Le chèque alimentation durable, c’est pour maintenant ! Depuis la proposition de la Convention citoyenne pour le climat et l’annonce du Président de la République, nous avons été très nombreux sur tous les bancs à travailler sur ce sujet. Je défends cet amendement au nom de tous les collègues du groupe de La République en Marche.

Ce chèque est d’abord un outil de relance économique et de souveraineté agricole. Il permettra de soutenir nos agriculteurs, tout en stimulant la demande en produits frais et locaux. C’est aussi un accélérateur de la transformation environnementale, qui produira de véritables changements dans les habitudes de consommation des familles. Mais c’est également un outil de solidarité, qui permettra aux jeunes et aux plus modestes d’accéder à une alimentation plus qualitative et meilleure pour la santé.

Ce dispositif viendra en complément du travail exceptionnel réalisé par les associations d’aide alimentaire et leurs bénévoles. Il sera au bénéfice de très nombreuses personnes. Nous avons envisagé de nombreux scénarios. Nous avons fait émerger des solutions opérationnelles très diverses, parmi lesquelles il ne reste maintenant plus qu’à choisir. Il faut agir vite, parce que de nombreuses personnes, des agriculteurs, des jeunes nous attendent. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement de s’engager et lui offrons l’occasion de présenter les modalités de la création de ce chèque alimentaire.

Mme Yolaine de Courson. Le chèque alimentaire, c’est maintenant, comme l’a dit mon collègue, même si mon approche est un peu différente. Pour moi, le chèque alimentaire n’est pas une question d’aide alimentaire ni de conjoncture de crise. En soixante‑quinze ans, nous avons révolutionné notre agriculture, qui est devenue plus intensive, plus spécialisée, plus industrielle et plus chimique. Cela a été très dur pour la profession. La mutation de notre agriculture vers une agriculture régénératrice et réparatrice peut énormément contribuer à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il faut un levier puissant, et le chèque alimentaire en est un.

C’est pourquoi je propose que ce soit un chèque universel pour tous les Français, en fonction de leur quotient familial, de sorte à créer un grand marché pour nos agriculteurs, soit une bonne raison de s’adapter à de nouvelles pratiques. Nous devenons ainsi, par notre consommation, solidaires et acteurs du nécessaire changement. C’est une idée anti‑agribashing, pour une ruralité beaucoup plus inclusive. La mauvaise alimentation coûte chaque année environ 27 milliards d’euros à la sécurité sociale, sans compter les obésités enfantines. Le rapport que nous demandons viendrait présenter les voies et moyens pour établir un calendrier.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Devant le plaidoyer de mon collègue M. Mahjoubi, je reconnais l’importance de la question, qui devra faire l’objet de travaux parlementaires puis de débats. Il me semble important que nous donnions suite à sa demande de rapport. Son amendement CS4730 crante deux délais, à deux mois et six mois, pour montrer l’urgence de ce dispositif permettant de structurer les filières agricoles mais aussi d’offrir aux ménages modestes un accès à des produits de qualité. Il me semble plus exigeant que l’amendement CS3660 sur lequel j’émets un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis favorable à l’amendement CS4730, qui est la conclusion d’un énorme travail, incroyablement utile, notamment mené par les rapporteurs, M. Mounir Mahjoubi, Mme Sandrine Le Feur, Mme Yolaine de Courson et tant d’autres. Vous connaissez mon attachement au chèque alimentation. Cela fait des mois et des mois que nous travaillons à vos côtés pour essayer de proposer le meilleur dispositif possible. Il faut avoir une approche nutritionnelle, en effet, mais l’un n’empêche pas l’autre. Le Président de la République s’est engagé très fortement en faveur de la mise en œuvre de ce dispositif, dont les critères sont en cours de définition au sein du Gouvernement.

M. André Chassaigne. Ce rapport est une bonne chose. Il permettra de répondre à plusieurs questions, notamment à celles que pose la fédération française des banques alimentaires. Comment définir et choisir les produits ciblés par les chèques alimentaires ? Quels seront les bénéficiaires ciblés par le dispositif ? Comment pourrait-on utiliser un chèque alimentaire pour acheter des produits agricoles en milieu urbain ? Comment assurer la distribution entre l’exploitation agricole et le bénéficiaire du chèque alimentaire ? Est-ce qu’en zone rurale le bénéficiaire osera utiliser son chèque alimentaire chez l’agriculteur voisin ou ne préférera-t-il pas, par discrétion, aller le dépenser au supermarché ? Quelle sera l’assurance que le chèque alimentaire sera utilisé pour des aliments dits de qualité ? Autant de questions auxquelles il faut apporter des réponses.

M. Guillaume Garot. Tout à l’heure, nous vous proposions un amendement, balayé d’un revers de main, sur les « territoires zéro faim », qui suggérait l’idée d’un chèque d’accompagnement pour les personnes les plus en difficulté. Mais, formidable, lorsque c’est un député de la majorité qui le propose, l’amendement trouve grâce à vos yeux. Il faudrait un peu de cohérence… Je partage les propos d’André Chassaigne : le sujet mérite un débat de fond. Quels publics sont concernés ? Quels produits seront délivrés ? Quelle utilisation sera possible ? Avec quels partenaires économiques et commerciaux ? C’est à ces questions qu’il faut commencer par répondre avant d’envisager la mise en œuvre de ces chèques.

Mme Frédérique Tuffnell. Nous soutenons les deux demandes de rapport, car le sujet est complexe.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Monsieur Garot, vous abordiez la question du chèque alimentaire sous l’angle d’une aide alimentaire augmentée, c’est-à-dire une sorte de bon, qui pourrait d’ailleurs être stigmatisante. Mounir Mahjoubi l’aborde d’une autre façon. Ce chèque alimentaire pourrait, par exemple, vous être donné par votre entreprise. Il pourrait également être acheté par n’importe quel citoyen. C’est un dispositif plus large que celui de la seule aide alimentaire.

La commission adopte l’amendement CS4730.

En conséquence, l’amendement CS3660 tombe.

Après l’article 60

Amendement CS1153 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois. Il reprend l’article 26 de la loi ÉGALIM, qui avait instauré une expérimentation de trois ans, autorisée par l’État, pour les collectivités territoriales volontaires, visant à rendre transparents les menus en restauration collective, grâce à un affichage d’icônes correspondant à des catégories simples : « fait maison », « produit surgelé », « produit en boîte », « origine biologique », par exemple. De nombreux cuisiniers sont engagés dans cette démarche dans la restauration collective, mais de grands chefs la soutiennent également, comme les Cuisiniers de la République française ou Euro‑Toques. Cet affichage existe déjà dans de nombreux établissements, en particulier dans le Jura. C’est une réponse forte à la demande des parents qui veulent savoir ce que mangent leurs enfants et comment leurs repas sont fabriqués. C’est aussi une manière de reconnaître le travail des cuisiniers, qui se donnent beaucoup plus de mal en épluchant des carottes qu’en ouvrant une boîte de conserve. C’est enfin une éducation quotidienne pour les enfants. Les bonnes habitudes alimentaires se prennent dès le plus jeune âge. N’oublions que ce seront eux les futurs consommateurs des bons produits de nos agriculteurs.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Nous avons déjà partiellement répondu à votre amendement, qui est légitime sur le fond. Mais il y a déjà une obligation d’affichage annuel. Le ministre vient également de prendre à l’instant des engagements concernant la publication d’un décret sur la provenance des viandes. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Mme Danielle Brulebois. Ce n’est pas du tout la même chose ! Il s’agit, dans mon amendement, de la fabrication des repas. L’amendement reprend un article de la loi ÉGALIM, disposant qu’un rapport devait être publié au mois de janvier 2020. Or il n’en a rien été.

M. Jean-Marie Sermier. Ne voyez dans mon intervention aucune solidarité jurassienne, mais ma collègue a raison ! Nous avons pu faire progresser un certain nombre de restaurateurs sur cette question. Mais il me semble que, si nous ne leur en donnons pas les moyens et que nous n’apportons pas de précisions, cela enrayerait la mécanique. Nous voterons l’amendement.

M. Julien Denormandie, ministre. Je vous propose, madame Brulebois, d’être favorable à votre amendement, si le rapport prévu par la loi ÉGALIM n’est pas publié avant la séance.

L’amendement est retiré.

Article 61 (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime et article L. 3231-1 du code de la santé publique) : Codification d’une stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat

Amendement CS5332 de la rapporteure, sousamendements identiques CS5453 de Mme Yolaine de Courson et CS5482 de Mme Valérie Petit, et sousamendements CS5490 et CS5491 de M. Guillaume Garot et CS5492 de M. Dominique Potier.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Cet amendement a une double portée : de clarification rédactionnelle, en reformulant la rédaction de l’article, et sur le fond, puisqu’il ajoute l’enjeu de la souveraineté alimentaire à la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat et au programme national pour l’alimentation (PNA). Par ailleurs, les auditions ont montré qu’on avait besoin de voir plus clair dans la gouvernance de cette stratégie qui se développera à partir de 2023.

M. Antoine Herth. Le sous-amendement CS5482 vise à mettre en avant la biodiversité.

M. Guillaume Garot. Le sous‑amendement CS5490 vise à intégrer à la stratégie nationale, pour plus d’efficacité, l’approche « Une seule santé » : la santé de la planète, la santé humaine et la santé animale sont intimement liées.

Quant au sous-amendement CS5491, nous souhaitons mettre en cohérence la stratégie nationale et les stratégies régionales et, partant, locales, dans le même souci d’efficacité.

M. Dominique Potier. Le sous-amendement CS5492 vise à rappeler qu’on ne lutte pas contre le climat sans lutter contre la pauvreté.

Par ailleurs, je résiste à la pensée commune sur les chèques alimentaires, qui me semblent être typiquement une fausse bonne idée. Pour en avoir parlé avec ATD Quart Monde et pour travailler avec les agriculteurs, c’est une double stigmatisation. La justice sociale est un combat qui doit rejoindre la lutte pour la transition écologique. Mélanger les deux par le biais d’un artifice ne me paraît cependant pas la meilleure voie. Je peux changer d’avis, mais je ne peux pas ne pas dire qu’il s’agit d’une fausse bonne idée. Un chèque alimentaire universel me semblerait beaucoup plus intéressant, et forcément moins stigmatisant.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis favorable aux sous-amendements identiques CS5453 et CS5482 : la meilleure protection de la biodiversité est à prendre en compte. Sagesse, concernant le sous‑amendement CS5490. Avis défavorable au sous‑amendement CS5491. Quant au sous-amendement CS5492, la lutte contre la pauvreté est déjà intégrée dans les thématiques du programme national pour l’alimentation : demande de retrait.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis favorable à l’amendement CS5332. Avis favorable aux sous-amendements identiques. Je suis très gêné, en revanche, par le sous‑amendement CS5490 du ministre M. Garot, parce que, si je suis un fervent défenseur de l’approche One Health, nous avons deux stratégies différentes : celle dédiée à l’alimentation, à la nutrition et au climat, qui reprend le PNA et le programme national nutrition santé (PNNS) et celle relative à l’environnement et à la santé. Pour moi, l’approche One Health relève de cette dernière, même s’il existe des ramifications avec la stratégie alimentaire. Il faudrait, en réalité, presque monter d’un cran et dire qu’il n’y a plus qu’une seule stratégie alimentation, nutrition, environnement et santé. Je vous propose, monsieur le ministre, de vous donner tous les éléments d’ici à la séance pour que nous puissions en reparler en détail. L’approche One Health est en effet un guide précieux, mais il faut l’intégrer à la bonne stratégie. Avis défavorable aux sous-amendements CS5491 et CS5492.

Mme Yolaine de Courson. Je suis complètement d’accord avec les propos de Dominique Potier sur le chèque alimentaire. Soit il est une assistance et relève de la charité, soit il est un droit à une alimentation saine et durable pour tous les Français en fonction de leurs moyens. C’est cette deuxième conception qui est la moins stigmatisante et la plus solidaire envers nos agriculteurs.

M. Guillaume Garot. Je ne suis pas d’accord avec M. le ministre, parce que je pense que l’approche One Health doit inspirer l’ensemble de nos politiques publiques, en particulier en matière alimentaire. Il faut indispensablement inscrire cette stratégie sous l’égide de ce paradigme, ce qui ne s’oppose d’ailleurs pas à ce que vous avez dit, monsieur le ministre. Ce n’est pas parce qu’on l’intègre au volet alimentation que cela nous empêche de le mettre « en même temps » dans la stratégie environnement et santé. Les deux se confortent.

M. Dominique Potier. One Health reviendra plus loin dans le texte. On peut l’intégrer aux deux stratégies, la nourriture étant aussi l’un des media de cette approche. Il n’y a pas de contradiction.

Je retire mon sous-amendement, ce qui me permet de corriger mes propos. J’ai parlé de chèque alimentaire universel, alors que je pensais aux tickets restaurant. Une réforme du ticket restaurant me paraît une voie beaucoup plus heureuse que la création d’un objet spécifique.

Le sous-amendement CS5492 est retiré.

La commission adopte les sous-amendements identiques CS5453 et CS5482.

Elle rejette successivement les sous-amendements CS5490 et CS5491.

Elle adopte l’amendement CS5332 ainsi sous-amendé.

En conséquence, tous les amendements portant sur les alinéas 1 à 4 tombent.

Amendement CS4084 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit d’assigner aux PAT un objectif de soutien des produits locaux issus de l’agroécologie. L’amendement vise à insérer, après l’alinéa 4, l’alinéa suivant : « 3° À la fin de la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation » sont remplacés par les mots : « l’agroécologie sur les territoires pour favoriser des approvisionnements en alimentation saine, durable, régionale et accessible » ».

L’inscription dans la loi de la notion d’accessibilité vise à favoriser un approvisionnement direct, afin de garantir l’acceptabilité du PAT, ainsi que la solidarité locale et régionale. Compte tenu des débats qui précèdent, ne faut-il pas retravailler la notion de territoire utilisée pour les PAT ? Dans la rédaction de l’amendement, je ne suis pas opposée, si nécessaire, au remplacement du mot « régionale » par le mot « territoriale ».

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Chère collègue, je partage votre ambition. Toutefois, je suggère le retrait de votre amendement et émets à défaut un avis défavorable.

Vous proposez de modifier la définition des PAT au moment où nous les structurons. Ils viennent de répondre à un appel à projets dans le cadre de France relance. Nous avons besoin de continuité. Par ailleurs, le mot « régionale » induit une régionalisation de l’approche adoptée dans le cadre des PAT, qui n’est pas souhaitable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suggère le retrait de l’amendement en vue de le retravailler et émets à défaut un avis défavorable. Nous avons eu le débat tout à l’heure : faut-il promouvoir les produits locaux ou s’engager dans une démarche de certification ? Le point d’équilibre ne sera pas facile à trouver. Nous devons y travailler d’ici à l’examen du texte en séance publique. En tout état de cause, l’amendement tel qu’il est rédigé ne peut être adopté, car il donne aux PAT une dimension régionale, alors même qu’ils peuvent être intercommunaux et départementaux, selon les réalités territoriales.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CS2078 de M. Dominique Potier et CS1314 de M. Loïc Dombreval.

Amendement CS3369 de M. Cédric Villani.

Mme Delphine Batho. Il reprend la proposition SN 5.2.1 de la Convention citoyenne pour le climat, qui vise à assurer la cohérence entre le programme national de l’alimentation et de la nutrition (PNAN) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Il s’agit de faire en sorte que le programme national nutrition santé (PNNS) tienne compte du climat.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je remercie Mme Batho, qui m’offre l’occasion de mettre en avant l’effort consenti par cette majorité pour aller au-delà des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. L’amendement vise à inclure le climat dans le PNNS. Le Gouvernement propose de fusionner le PNA et le PNNS en y ajoutant l’objectif « climat », dans le cadre d’une stratégie globale intégrant l’alimentation, la nutrition, la santé et le climat. Une telle vision d’ensemble est plus ambitieuse que celle dont procède l’amendement, auquel j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CS5296 de la rapporteure et les amendements rédactionnels identiques CS5313 de la rapporteure et CS290 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Amendement CS4875 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Dans le cadre de l’approche « One Health » défendue par M. le ministre, je propose, par le biais de cet amendement, de demander au Gouvernement de s’exprimer sur le caractère opportun d’une sécurité sociale de l’alimentation. Les mesures de confinement ont fortement aggravé la précarité alimentaire. Les associations auxquelles a été déléguée l’aide alimentaire ont fourni des efforts colossaux, et le soutien public a été massif.

Nous devons dès à présent articuler des réponses structurelles pour assurer la mise en œuvre du droit à l’alimentation, qui ne se réduit pas à l’assurance d’être à l’abri de la faim, mais inclut un accès régulier, permanent et non restrictif à une alimentation saine, durable et choisie. À l’autre bout de la chaîne, une crise profonde affecte, depuis de longues années, le monde agricole.

Cette double crise, agricole et alimentaire, invite à remettre en question le modèle agricole hérité de l’après-guerre, qui ne permet pas aux agriculteurs de vivre dignement, n’est pas soutenable écologiquement, et dont l’inadéquation avec les attentes des consommateurs va croissant. On ne peut pas envisager une réforme agricole sans véritable politique alimentaire. Comme nos collègues le savent, j’ai longuement travaillé sur la « sécurité sociale de l’alimentation », qui me semble répondre à ces enjeux.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Chère collègue, je salue le travail considérable que vous avez mené à ce sujet. Je ne suis pas certaine que demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur une idée qui est la vôtre soit la bonne façon de progresser. De surcroît, l’exposé sommaire de l’amendement s’inscrit dans une réflexion sur l’aide alimentaire, alors que votre ambition va au-delà. Le principe de la sécurité sociale, c’est de cotiser selon ses moyens et de recevoir selon ses besoins.

J’émets donc un avis défavorable, d’autant plus que vous seriez sans doute très déçue par le rapport demandé. Je vous invite à trouver d’autres voies et moyens pour faire progresser l’idée d’une sécurité sociale de l’alimentation, qui trouve un écho assez large parmi les députés.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Madame Le Feur, je salue votre travail et votre engagement, mais je doute qu’un rapport du Gouvernement en soit le prolongement adéquat.

Mme Bénédicte Peyrol. Ce débat m’offre l’occasion d’en évoquer un autre, plus large, sur la redistribution des richesses destinée à accompagner la transition écologique. Il doit s’inscrire dans le cadre des réflexions sur la fiscalité environnementale, qui est anti‑redistributive par principe. Il s’agit d’une réflexion très générale pour les dix ou vingt prochaines années. Le Parlement doit y travailler. Recettes et redistribution doivent être pensées en même temps.

Mme Sandrine Le Feur. Monsieur le ministre, il s’agit d’une attente forte des associations d’aide alimentaire, qui voient dans un tel rapport le moyen d’institutionnaliser le débat. Je retire l’amendement pour déterminer avec vous comment progresser en la matière.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3750 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Par le biais de cet amendement, nous prenons acte de l’alerte générale lancée par le Haut Conseil pour le climat, selon laquelle le rythme de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre n’est pas à la hauteur de nos engagements. Nous proposons d’avancer l’entrée en vigueur de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) au 1er juillet 2022.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’idée est séduisante. Le programme national pour l’alimentation 2019-2023 (PNA3) et le PNNS ont été rassemblés au sein du PNAN lors du comité interministériel du 25 mars 2019. La SNANC prendra le relais de ces deux programmes en 2023. L’inscription de cette échéance dans la loi ne vise pas à lui faire perdre du temps, mais à la rendre cohérente avec ce calendrier. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. J’ajoute que l’échéance de 2023 figure dans le rapport final de la Convention citoyenne pour le climat.

L’amendement est retiré.

Amendements CS4876 de Mme Sandrine Le Feur et CS2111 de M. Guillaume Garot (discussion commune).

Mme Sandrine Le Feur. Il s’agit d’ouvrir une concertation territoriale au sujet de la sécurité sociale de l’alimentation, comme le demandent les associations travaillant depuis longtemps sur ce sujet. Les réflexions progressent. Il serait intéressant d’ouvrir une concertation, en vue de procéder à une expérimentation sur un territoire donné.

M. Dominique Potier. L’amendement de Guillaume Garot prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la mise en œuvre d’une couverture alimentaire universelle. Cette notion présente l’intérêt d’élargir le débat. Je connais les milieux intellectuels, plutôt marqués à gauche, où a été élaboré le projet de sécurité sociale alimentaire, ainsi que ceux, d’inspiration libérale, qui sont à l’origine du chèque alimentaire. À mes yeux, l’un et l’autre sont des impasses.

Nous disposons d’instruments de justice sociale, au premier rang desquels la redistribution des revenus, qu’il faut renforcer. Je souscris pleinement aux propos tenus à l’instant par Mme Peyrol à ce sujet. Par ailleurs, nous devons œuvrer à la montée en gamme, pour tous, de l’alimentation. Confondre les deux, c’est faire des gadgets ou jouer les dames patronnesses. Nous devons mener des réformes sociales, démocrates permettant la transition écologique. Le reste est de la distraction.

Nous proposerons en séance publique d’expérimenter des tickets-restaurants universels, sur des bases de ressources innovantes, afin de ne pas stigmatiser leurs bénéficiaires et de leur permettre, ainsi qu’au monde agricole, de progresser. Je me méfie des fausses bonnes idées, qui nous distraient de l’essentiel.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. J’émets un avis défavorable à l’amendement CS4876, relatif à la sécurité sociale de l’alimentation, pour les raisons précédemment avancées. S’agissant de l’amendement CS2111, nous avons prévu la remise au Parlement d’un rapport sur la création d’un chèque alimentaire. Je suggère donc son retrait et émets à défaut un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Monsieur Potier, je ne considère vraiment pas le chèque alimentaire comme une fausse bonne idée. Adopter une approche nutritionnelle permet de concilier tous les aspects de la question.

Le produit frais, local et de qualité est le meilleur du point de vue nutritionnel comme du point de vue environnemental. Il constitue aussi un moyen de lutter contre les inégalités sociales, qui sont également d’ordre nutritionnel. La démarche du groupe majoritaire, inspirée du travail de M. Mounir Mahjoubi sur le chèque alimentaire, consiste à adopter cette approche nutritionnelle pour emporter le tout sans produire aucun effet stigmatisant, tout en satisfaisant les objectifs des uns et des autres. Nous en reparlerons dans l’hémicycle.

Mme Sandrine Le Feur. Les acteurs du secteur, que j’ai réunis dans le cadre du travail mené sur la sécurité sociale de l’alimentation, demandent avec insistance une expérimentation nationale en la matière. Monsieur le ministre, je retire l’amendement à ce stade. Je vais poursuivre ma réflexion sur cette question, essentielle à mes yeux, de la précarité alimentaire.

L’amendement CS4876 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS2111.

La commission adopte l’article 61 ainsi modifié.

Mme Delphine Batho. Afin de prévenir tout malentendu et toute interprétation, j’indique que, pour une raison personnelle imprévue, je suis obligée de m’absenter. J’espère revenir dans les meilleurs délais.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Merci pour votre assiduité et votre participation active à nos travaux.

Après l’article 61

Amendements CS2127 et CS2128 de M. Guillaume Garot (discussion commune).

M. Dominique Potier. Afin d’assurer la montée en puissance des PAT, qui sont polymorphes et visent des objectifs divers, dans des périmètres géographiques et sous le contrôle d’autorités distincts, l’amendement CS2127 prévoit la formation d’un comité scientifique chargé d’étudier la possibilité de confier aux comités régionaux de l’alimentation (CRALIM) l’animation du réseau des PAT, non pour les uniformiser, mais pour les tirer vers le haut, notamment en les incluant dans les cahiers des charges de la commande publique.

L’amendement CS2128 vise à intégrer les plans régionaux de l’agriculture durable (PRAD) au sein des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), dans une logique de planification stratégique permettant d’articuler entre eux les divers programmes et d’inscrire les objectifs que nous visons dans le champ du droit.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Les CRALIM, qui sont les parlements régionaux de l’alimentation, ne me semblent pas être l’instance la plus indiquée pour animer un collectif de PAT. Surtout, ces derniers s’inscrivent dans une démarche ascendante et de long terme. Faire évoluer leur structuration et leur organisation territoriale me semble prématuré. Nous pourrons peut-être avancer autrement, en examinant d’autres amendements, rédigés autrement. S’agissant de l’amendement CS2128, je laisse M. le ministre répondre précisément. J’émets un avis défavorable aux amendements.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. S’agissant de l’organisation des PAT par les CRALIM, je rappelle que les PAT ne sont pas nécessairement élaborés à l’échelle régionale, et qu’ils disposent de leurs propres réseaux d’animation. Faire des CRALIM le lieu de définition de la gouvernance des PAT, qui est parfois exercée à l’échelle des intercommunalités, lui ajoute un maillon supplémentaire qui n’est pas nécessaire, et qui aurait pour effet de la rigidifier.

L’amendement CS2128, qui vise à associer PRAD et SRADDET, pose problème. Même si ces deux objets ont des liens, ils sont bien distincts. Les SRADDET sont des plans d’aménagement, les PRAD des plans d’alimentation durable. De surcroît, les SRADDET sont juridiquement opposables, contrairement aux PRAD. Ces documents n’ont ni le même objet ni la même valeur juridique ; ils ne peuvent être associés.

Les amendements sont retirés.

L’amendement CS4782 de Mme Liliana Tanguy est retiré.

Amendement CS2104 de M. Guillaume Garot.

M. Dominique Potier. Il reprend une idée que nous développons de projets de loi de finances en véhicules législatifs divers : généraliser les PAT. Cette démarche ascendante et facultative, visant à donner à cette généralisation un horizon, consiste à confier leur pilotage aux communautés de communes, aux pays, aux intercommunalités et pourquoi pas aux départements, sur le modèle de l’évolution des schémas de cohérence territoriale (SCOT) dont nous avons débattu il y a deux jours.

À terme, les collectivités territoriales entameront un processus plus directif et moins ascendant. Pour l’heure, il semble intéressant de favoriser le bouillonnement des idées et la recherche de solutions, tout en leur donnant un horizon s’agissant d’une compétence relative à la santé du sol et des gens, exercée au nom de l’intérêt général.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Choisir une option de gouvernance des PAT plutôt qu’une autre, dans le cadre de leur éventuelle généralisation, me semble prématuré. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. La généralisation des PAT, je suis à fond pour. Au cours des quatre dernières années, le Gouvernement a investi 6 millions d’euros dans les PAT. Dans le cadre de France relance, j’ai obtenu que nous investissions 80 millions d’euros en deux ans, pour atteindre l’objectif d’au moins un PAT par département, voire plusieurs. Je suis un immense défenseur des PAT. Si je ne suis pas toujours à l’aise avec le déploiement de nouveaux plans dans les territoires, je n’ai jamais entendu quiconque décrier les PAT, au contraire : la structuration locale des filières est systématiquement saluée. Un appel à projets est en cours, à l’issue duquel 85 % des départements devraient être couverts.

Toutefois, les définir dans un cadre régional pose problème. Cela équivaut à les figer dans un cadre géographique et un mode de gouvernance, alors même qu’ils fonctionnent diablement bien lorsqu’ils partent des initiatives locales – agriculteurs, restauration hors domicile, élus locaux –, à diverses échelles. Il faut laisser cette liberté aux PAT.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS2094 de M. Guillaume Garot et CS2359 de Mme Graziella Melchior.

M. Dominique Potier. Guillaume Garot demande la remise au Parlement d’un rapport sur l’impact des dates de durabilité minimale (DDM) sur le gaspillage alimentaire.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’impact des DDM sur le gaspillage alimentaire est régi par le droit européen, par le biais de l’étiquetage obligatoire des denrées prévu par le règlement INCO. Par ailleurs, la stratégie « De la ferme à la table » de la Commission européenne prévoit une révision des règles de consommation, notamment une mention complémentaire à la DDM. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3772 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Il tend à réserver 15 % de la surface de vente des grandes et moyennes surfaces aux produits issus des PAT. Il s’inspire des dispositions de l’article 11 relatives aux produits vendus en vrac dans les grandes surfaces. Il vise deux objectifs : favoriser les produits de proximité, les circuits courts et la qualité des produits pour les consommateurs ; garantir localement le débouché de notre agriculture et les revenus des agriculteurs.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’amendement vise à développer la vente des produits issus des territoires. Toutefois, comme l’indique l’échéance de 2030 qu’il propose, nous manquons encore de visibilité sur les produits issus des PAT, qui sont en construction. Il n’existe ni label spécifique ni moyen de les identifier précisément. L’idée est bonne, mais il est prématuré de l’inscrire dans la loi. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS1594 de Mme Nicole Le Peih et CS4887 de Mme Sandrine Le Feur, amendement CS3681 de M. Cédric Villani (discussion commune).

Mme Nicole Le Peih. Les villes concentrent 80 % de la population française. Leur densification pose des problèmes d’équilibre territorial et de complexité des systèmes logistiques, à l’heure où nous recherchons toujours plus de proximité et d’autonomie dans nos organisations. La crise de la covid-19 a mis en évidence l’importance du tissu associatif local et la résilience de ses réseaux en cas de crise, s’agissant notamment de la fourniture de biens alimentaires.

Dans ce contexte, la réhabilitation des terres entourant les villes en ceintures maraîchères aurait des conséquences positives à plusieurs niveaux. Elle permettrait de rééquilibrer l’organisation de nos villes au profit des espaces verts et naturels, qui pourraient contribuer au développement d’une agriculture urbaine. Ces travaux pourraient être menés en réseau avec les acteurs éducatifs, au profit de l’éducation alimentaire de nos enfants dans les cantines scolaires et d’une économie locale et durable, en nourrissant l’ambition de limiter les fractures territoriales.

Le présent amendement prévoit la remise au Parlement d’un rapport pour approfondir les réflexions à ce sujet, leur donner de la cohérence et en accélérer la diffusion.

M. Cédric Villani. Pour développer les circuits courts et l’agroécologie, ce qui favorise l’économie locale et la réduction de l’empreinte carbone, nous devons travailler à l’installation de ceintures maraîchères agroécologiques autour des pôles urbains, qui concentrent emplois et population. L’amendement CS3681 ne s’en tient pas à la remise d’un rapport. Il prévoit également une expérimentation, en définit le protocole et énumère les acteurs associés à sa gouvernance. Il a été travaillé avec les experts du « Shift Project » et avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Certes, favoriser les approvisionnements locaux suppose le développement de ceintures maraîchères autour des villes. Les amendements prévoient un rapport de l’ADEME à ce sujet.

J’ai travaillé dans une collectivité locale : en pareil cas, on fait appel à une agence d’urbanisme, au conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) ou à un bureau d’études, afin d’évaluer le potentiel de la ceinture maraîchère envisagée dans le cadre des projets d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Au demeurant, l’amendement CS3681 détaille par avance la gouvernance de l’expérimentation proposée. J’invite les auteurs des amendements à se mettre en rapport avec les collectivités locales afin d’identifier les expérimentations possibles, sachant que les potentiels en la matière sont plutôt territorialisés et non nationaux.

M. Julien Denormandie, ministre. Je vois bien l’objet politique et l’intérêt sociétal des ceintures maraîchères. Ces initiatives me semblent néanmoins relever des acteurs locaux. Si la loi prévoit la détermination à l’échelon national, par l’ADEME, du potentiel des ceintures maraîchères à l’échelle du pays sans tenir compte de la volonté des acteurs locaux, il s’agira d’une planification, que les élus locaux ne s’approprieront pas.

L’inscription à l’ordre du jour du conseil d’administration de l’ADEME, par les représentants des élus locaux qui y siègent, de l’accompagnement des études menées par les collectivités territoriales en vue de développer des ceintures maraîchères, dont il existe des exemples très réussis, me semble être une meilleure approche. Je propose aux auteurs des amendements de les retirer pour les retravailler en ce sens et émets à défaut un avis défavorable.

M. Cédric Villani.  Il s’agit d’un sujet politique majeur, sur lequel il serait bon que l’État tienne un discours fort, qui puisse être entendu dans tous les territoires. Disposer d’un rapport de l’ADEME, qui donne une vision globale, tout en menant des expérimentations dans quelques territoires sélectionnés – pourquoi pas ceux des représentants des élus siégeant au conseil d’administration de l’agence – permettra de donner un coup d’accélérateur.

Il y a urgence. À un moment donné, nous devons dire tous ensemble : « Réveillons‑nous ! ». Le sujet a beau être consensuel, il faut que la puissance politique donne un véritable top départ. Depuis le temps qu’on parle de ces ceintures maraîchères agroécologiques, il faut maintenant s’y mettre !

M. André Chassaigne. Je souscris aux propos de notre collègue M. Villani. Monsieur le ministre, il ne suffit pas d’afficher une volonté politique, encore faut-il déterminer le véhicule pour la mettre en œuvre. L’amendement vaut ce qu’il vaut, mais il a au moins le mérite d’indiquer une direction pour s’attaquer au problème.

Tout ce qui est relatif au maraîchage de proximité des villes doit être pris en considération. De nombreux pays de l’Union européenne en ont d’ailleurs fait une priorité. J’ai eu l’occasion, dans le cadre d’un déplacement à Copenhague pour la préparation d’un rapport de la commission des affaires européennes, de voir le film Demain et d’en débattre avec des responsables danois, ce qui m’a démontré que leur pays, comme bien d’autres, en fait une priorité.

Mme Sandrine Le Feur.  Je reste persuadée qu’une information à l’échelle nationale est nécessaire avant de territorialiser les mesures, notamment pour diffuser les bonnes pratiques et les rassembler dans un guide national. À défaut, nous risquons de procéder à un essaimage trop lent à l’aune de l’urgence climatique. Nous risquons également de laisser patauger les territoires, qui ont besoin d’un socle commun de connaissances et d’une direction. L’ADEME possède l’expertise nécessaire et pourrait les inspirer en la matière. Je maintiens mon amendement.

M. Dominique Potier. Je comprends l’esprit des amendements et prends note des réponses de Mme la rapporteure et de M. le ministre, qui considèrent que les outils d’aménagement du territoire dont nous disposons permettent de les satisfaire.

Surtout, j’appelle l’attention de nos collègues sur un point : l’artificialisation des sols et les ceintures maraîchères sont un peu des « tartes à la crème », produisant un effet lampadaire terrible. Ces sujets nous distraient de l’essentiel du problème, qui est l’accaparement du foncier agricole dépourvu de repreneur. Nous parlons abondamment des ceintures maraîchères et des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), ce qui nous distrait de l’essentiel, qui est le maintien du foncier agricole. La loi foncière est l’horizon qui doit nous réunir.

M. Raphaël Schellenberger. Cette discussion me surprend un peu, comme si nous tentions d’apprendre à ceux qui savent faire comment ils doivent faire. Les élus locaux n’ont pas attendu qu’on leur demande de rédiger des documents de planification stratégique pour le faire. La plupart de ces documents, notamment les SCOT et les plans locaux d’urbanisme (PLU), tiennent compte de ces enjeux.

Par ailleurs, les amendements manquent leur cible. Développer des ceintures écologiques autour des pôles urbains, oui, trois fois oui ! Le maraîchage est-il l’unique possibilité pour ce faire ? Pas nécessairement. Ces amendements sont hors-sol. Seuls peuvent les voter des gens qui n’ont jamais mis les pieds à la campagne, ni constaté par eux-mêmes à quoi ressemble un pourtour urbain compatible avec les enjeux de la biodiversité !

M. Julien Denormandie, ministre. J’aimerais proposer une motion susceptible de rassembler tout le monde. Lorsque j’étais ministre chargé de la ville et du logement, peut-être mû par mes amours déjà prégnantes pour le monde agricole, j’ai lancé, dans le cadre de l’Agence de la rénovation urbaine (ANRU), un appel à projets intitulé « Quartiers fertiles », pour développer l’agriculture urbaine. Ce programme cartonne. Ses financements ont d’ailleurs été renforcés dans le cadre de France relance.

Nous lançons plus de cent fermes consacrées aux cultures maraîchères, parmi lesquelles une bergerie dans les quartiers nord de Marseille et une champignonnière dans les parkings desaffectés de certains quartiers. Nous y sommes parvenus grâce aux importants financements apportés par l’ANRU, en lien avec les collectivités locales. Je soutiens pleinement cette démarche, que nous renforçons. En revanche, je suis moins convaincu de l’efficacité d’une planification confiée à l’ADEME. Il faut laisser leur liberté aux collectivités locales.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS2388 de Mme Justine Benin.

M. Martial Saddier. Je vais devoir vous quitter : je préside demain matin une réunion du comité de bassin Rhône Méditerranée. Je ne voudrais pas partir sans vous avoir remerciée, madame la présidente, ainsi que l’ensemble de nos collègues et les membres du Gouvernement : la qualité de nos travaux, marqués par des échanges extrêmement techniques, a fait honneur au Parlement.

Il est dommage que cela ne se reflète pas sur certains sites internet. Je pense en particulier à ceux qui prétendent informer le public sur notre présence et nos interventions en commission et dans l’hémicycle. Il est tout à fait normal que nous rendions des comptes. Toutefois, cela suppose aussi que ces sites internet fassent correctement leur travail. Or, depuis un an, les travaux des membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ne sont plus du tout pris en compte. Ces sites internet doivent se garder de publier seulement les statistiques de certains commissaires ou de certaines commissions. J’espère que nous ferons collectivement, au-delà des sensibilités, les démarches nécessaires dans ce sens.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Depuis un an, du fait de la crise sanitaire, les travaux de contrôle de la commission du développement durable, que je préside, s’organisent uniquement par visioconférence. Or la participation des députés sous cette forme n’est absolument pas prise en compte par les sites internet établissant un « scoring » des députés, selon des méthodes d’ailleurs très controversées. Le public doit en avoir conscience.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Chers collègues, nous nous sommes mis d’accord pour finir le titre V en accélérant quelque peu le rythme. Pour ce faire, nous adopterons la méthode qui prévaut dans l’hémicycle : après la présentation de l’amendement par l’un de ses auteurs et l’avis de la rapporteure et du ministre, je ne donnerai la parole qu’à un orateur pour et un orateur contre, après quoi nous passerons au vote. Nous reprendrons nos habitudes lors de l’examen du titre VI.

Chapitre II
Développer l’agroécologie

Section 1
Dispositions de programmation

Avant l’article 62

Amendement CS2069 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit d’indiquer que le « relèvement du niveau de l’ambition écologique de la politique agricole commune dans le cadre de sa mise en œuvre à partir de 2023, ainsi que l’harmonisation des standards environnementaux de l’agriculture au niveau européen, figurent parmi les principaux objectifs de la présidence française de l’Union européenne », au premier semestre 2022. Considérer que l’harmonisation écologique peut être source de performance, c’est aussi une manière indirecte d’ouvrir le débat sur les engrais azotés, et plus largement sur le plan stratégique national (PSN). Il n’y a pas d’agroécologie sans harmonisation et sans justice.

Nous défendrons par ailleurs l’idée selon laquelle le produit de toute nouvelle taxe environnementale doit être recyclé dans les filières concernées afin d’encourager les mutations nécessaires tout en maintenant le pouvoir d’achat et en veillant à ce que le niveau de charges reste constant.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Votre amendement vise plutôt à interpeller le Gouvernement sur les enjeux de la présidence française de l’Union européenne qu’à insérer des dispositions dans le projet de loi ; je laisse donc à M. le ministre le soin de vous répondre. Dans cette attente, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. En effet, ces propositions ne relèvent pas du domaine de la loi.

L’ambition écologique et la transition agroécologique font l’objet de discussions régulières au niveau du Conseil européen des ministres de l’agriculture, en particulier dans le cadre de l’élaboration du Pacte vert et de la stratégie « Farm to Fork » – « De la ferme à la table ». La question de l’agroécologie est abordée notamment sous l’angle des émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation d’un certain nombre de produits. Ces enjeux sont donc traités au niveau européen. Lundi prochain, je participerai d’ailleurs à une nouvelle réunion du Conseil.

M. André Chassaigne. L’Assemblée nationale a adopté en juillet 2018, sur l’initiative d’Alexandre Freschi et moi-même, une résolution européenne prenant clairement position contre la proposition de règlement créant des plans stratégiques nationaux. Le projet « confère aux États membres des compétences en matière de PAC dont le volume et la substance contreviennent à la marge d’adaptation nationale que permettent les traités », notamment l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’un des considérants de la proposition de résolution était libellé de la manière suivante : « Considérant qu’une telle réforme pourrait entraîner une distorsion de concurrence entre les États membres et une compétition intra-européenne en matière agricole ». Nous avions donc décidé à l’unanimité qu’il fallait s’opposer aux plans stratégiques nationaux, qui sont contraires au principe de subsidiarité.

La commission rejette l’amendement.

Article 62 : Présentation d’un rapport relatif à l’instauration d’une redevance sur les engrais azotés minéraux conditionnée à la trajectoire de réduction des émissions de protoxyde d’azote (N2O) et d’ammoniac (NH3)

Amendements de suppression CS1738 de M. Thibault Bazin, CS2165 de M. Julien Dive, CS2836 de M. Dino Cinieri, CS3032 de M. Vincent Descoeur et CS4775 de M. JeanBaptiste Moreau.

M. Jean-Marie Sermier. Le groupe LR s’oppose à une écologie punitive, et donc à la création de toute nouvelle taxe qui aurait notamment pour effet de créer une distorsion de compétitivité entre nos agriculteurs et ceux des autres États membres. Il faut réfléchir au niveau européen pour faire avancer ensemble les propositions en matière d’environnement.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’article 62 ne met pas en place une écologie punitive : il dessine le chemin que nous devons parcourir pour réduire l’utilisation d’engrais azotés minéraux. Le protoxyde d’azote libéré par ces engrais représente 42 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture. Il s’agit donc d’un enjeu considérable pour le climat. Les agriculteurs eux-mêmes en sont conscients, comme nous l’avons constaté lors des auditions. Il existe des outils pour opérer la transformation – M. le ministre s’exprimera certainement sur ce point.

Si la trajectoire de réduction de l’ammoniac et du protoxyde d’azote n’est pas respectée deux années de suite, une redevance pourra être mise en place. Nous ouvrirons alors le débat sur la question. Nous laissons donc deux ans aux agriculteurs pour réduire leur utilisation de ces produits, voire transformer leurs pratiques culturales.

M. Julien Denormandie, ministre. Je partage les propos de Mme la rapporteure et suis donc moi aussi défavorable à ces amendements. Un travail important a été fait pour parvenir à l’équilibre qu’elle vient de décrire : nous commençons par inciter les agriculteurs à réduire leurs émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote, l’instauration de la redevance n’étant envisagée que si la dynamique n’est pas respectée. Du reste, nous sommes d’ores et déjà engagés dans cette dynamique au niveau européen.

M. Nicolas Turquois. Je regrette que vous vouliez passer aussi rapidement sur cette partie du texte, consacrée à la production agricole, laquelle est trop souvent assimilée aux émissions de gaz à effet de serre. C’est un très mauvais signal.

Je comprends la logique de l’article 62, mais l’outil n’est pas adapté. En effet, vous voulez envoyer un signal prix sur l’azote. Or, on observe une hyperconcentration du foncier agricole – dans mon département, certaines fermes avoisinent les 2 000 hectares, en exploitation directe ou en travail à façon. L’augmentation à la marge d’une taxe n’aura aucun effet sur ce modèle d’exploitation, qui s’appuie sur un écrasement des charges de structure. En revanche, elle viendra accroître les difficultés que rencontrent déjà les fermes moyennes. Les agriculteurs qui les exploitent, âgés en moyenne de 50 à 55 ans, ne changeront pas leurs pratiques : ils préféreront confier leur ferme à leur voisin, ce qui accélérera la concentration. On choisit donc un mauvais système de régulation, alors même que l’agriculture est en souffrance.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Monsieur Turquois, les responsables de groupe et moi-même avons décidé par consensus d’accélérer pour finir le titre V. Nous n’en sommes pas moins tous extrêmement concernés par les enjeux liés à l’agriculture.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS3372 de M. Cédric Villani, amendement CS4491 de M. Loïc Prud’homme, amendements identiques CS1312 de Mme Nathalie Bassire et CS3021 de Mme Jennifer De Temmerman (discussion commune).

M. Cédric Villani. Les effets néfastes de la surutilisation de l’azote ne sont plus à démontrer : pollution, acidification des sols ou encore émissions de gaz à effet de serre. La France a été rappelée à l’ordre à plusieurs reprises par la Commission européenne pour non‑respect de la directive « nitrates ».

L’article 62 fait donc bien d’aborder le problème, sauf qu’il le fait d’une façon étrange : « il est envisagé de mettre en place », y lit-on. Face à un problème aussi sérieux et urgent, il faut agir dès maintenant. L’amendement CS3372 vous propose ainsi de créer une redevance de 27 centimes d’euro par kilogramme d’azote. La date d’entrée en vigueur du dispositif paraît raisonnable. Pour déterminer son montant, nous nous sommes fondés sur des modèles économétriques et sur une étude réalisée par des chercheurs de l’INRAE. Il faut se bouger : les citoyens nous y engagent – du reste, nous avons travaillé avec eux sur cet amendement.

Mme Mathilde Panot. L’article 62 traduit un renoncement inacceptable au regard de ce que demandait la Convention citoyenne pour le climat et de ce que l’on sait des risques que présentent les engrais azotés.

Mme la rapporteure le rappelait : l’utilisation massive des solutions azotées fait de l’agriculture industrielle le premier secteur d’émissions de protoxyde d’azote, gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant 298 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, dont la durée de vie est plus longue de cent vingt ans et qui participe à la destruction de la couche d’ozone. En outre, il faut 1 tonne de pétrole pour obtenir et acheminer 1 tonne d’azote : sa production est donc fortement consommatrice d’énergie fossile. Le protoxyde d’azote a de multiples effets néfastes sur l’environnement : recours accru aux pesticides, pollution aux nitrates de la ressource en eau, pollution de l’air. Ses conséquences sur le plan sanitaire sont tout aussi désastreuses : suspicions de cancers – en particulier de la thyroïde – et malformations congénitales. Enfin, il provoque des accidents mortels : chacun se souvient de l’explosion d’AZF et de celle qui s’est produite l’été dernier dans le port de Beyrouth.

Quant au nitrate d’ammonium, les plus petits stocks se trouvent chez les agriculteurs. Comme ils sont en dessous du seuil, il y a peu de contrôles. C’est extrêmement dangereux pour les agriculteurs : au contact du produit, un incendie peut provoquer une détonation. C’est ce qui s’est passé le 2 octobre 2003 à Saint-Romain-en-Jarez, quand l’incendie d’un entrepôt frigorifique dans une ferme a provoqué l’explosion de 35 tonnes de nitrate d’ammonium, blessant dix-sept pompiers, dont trois grièvement. C’est la raison pour laquelle l’Irlande a interdit ce produit. Par ailleurs, l’exemple de l’Autriche a montré qu’une taxe sur les engrais azotés fonctionnait.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je ne souhaite pas que nous mettions en place immédiatement une redevance : cela reviendrait à punir d’emblée les agriculteurs. Je crois dans leur capacité à changer leurs pratiques. Je crois également dans les outils dont nous disposons – j’interrogerai tout à l’heure M. le ministre, à travers un amendement, sur ceux que nous pouvons mettre à la disposition des agriculteurs pour les aider à réduire les intrants. Je pense notamment à l’agriculture de précision et au séquençage des apports. Il existe donc un certain nombre de moyens relativement abordables pour les deux premières années de la trajectoire ; sur le temps long, on peut envisager des changements de pratiques culturales, avec l’introduction de légumineuses ou encore des rotations de cultures.

Il vaut mieux définir une trajectoire descendante plutôt qu’instaurer immédiatement une redevance punitive. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je partage totalement la position exprimée par Mme la rapporteure. Surtout, il ne faut pas laisser croire que l’on découvre le problème : cela fait des années, Madame Panot, que le monde agricole connaît les difficultés liées à l’utilisation de ces produits. C’est d’autant plus vrai que ce sont les agriculteurs qui habitent à côté des stocks que vous évoquiez.

Mes prédécesseurs, y compris d’autres sensibilités politiques, ont d’ailleurs pris des engagements au niveau européen : les émissions de protoxyde d’azote doivent diminuer de 15 % d’ici à 2030 par rapport à 2015, celles d’ammoniac de 13 % d’ici à 2030 par rapport à 2005. Ces objectifs sont inscrits dans le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) – en ce qui concerne l’ammoniac – et dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), pour le protoxyde d’azote.

M. Turquois a mille fois raison : si l’on imposait une taxation dès maintenant, on pourrait même observer l’effet inverse de celui qui est visé. C’est la raison pour laquelle il vaut mieux accompagner les agriculteurs. C’est ce que nous faisons au niveau national avec France Relance. Nous agissons aussi au niveau européen, à travers la négociation de la politique agricole commune (PAC), pour éviter toute distorsion de concurrence entre États membres, ainsi qu’au niveau international, au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), car on ne changera rien au problème si l’on ne met pas en œuvre un système interdisant l’entrée de produits issus de modes d’exploitation trop éloignés des nôtres.

Nous agissons donc avec force et méthode, en privilégiant les incitations et en évitant la stigmatisation. Ne caricaturez pas le monde agricole : il est le premier concerné par ces difficultés. L’azote est aussi une charge ; on n’en met pas pour se faire plaisir.

M. Nicolas Turquois. Faisons un peu d’agronomie : quel que soit le mode de culture – bio ou traditionnel –, il faut trois unités d’azote pour produire 100 kilos de blé. L’apport en azote peut se faire sous forme minérale ou sous forme d’effluents. Tous les apports produisent du nitrate et celui-ci se transforme en protoxyde d’azote. C’est particulièrement sensible avec le lisier : l’odeur qu’il dégage est liée à l’évaporation, lors de laquelle est produit le protoxyde d’azote. Ce qu’il faut juger, ce n’est pas la quantité d’azote apportée, c’est le bilan de la production de protoxyde d’azote.

Il reste 300 000 fermes en France, et toutes stockent des ammonitrates – c’est le cas de la mienne. Or il n’y a pas 300 000 explosions par an ! L’utilisation de ces produits est raisonnée. Certaines pratiques peuvent se révéler dangereuses et doivent donc évoluer, mais arrêtons de diaboliser les agriculteurs : ce n’est pas ainsi qu’il faut s’y prendre.

Mme Mathilde Panot. Monsieur le ministre, Monsieur Turquois, vos réponses étaient parfaitement caricaturales.

J’ai pris la peine de dire que les agriculteurs étaient les premiers concernés par le danger. Par ailleurs, je n’ai jamais prétendu que l’on venait de découvrir le problème. Au contraire, j’ai dit que l’on connaissait les risques depuis longtemps. Il ne s’agit pas non plus de stigmatiser les agriculteurs : je souhaite qu’ils soient accompagnés. Si l’on instaurait une taxe assortie d’un fonds, on pourrait utiliser celui-ci pour proposer un accompagnement.

Vous considérez qu’il faut procéder par incitation. On en connaît le résultat. La stratégie nationale bas-carbone, à laquelle vous vous êtes référé, requiert une réduction de 30 kilos d’engrais synthétiques par hectare sur les terres agricoles entre 2010 et 2035. Or, entre 2007 et 2017, on a observé un accroissement de l’usage des produits visés : il est passé de 80,6 kilos à 83,9 kilos d’azote par hectare. L’incitation n’est donc pas la bonne solution. L’Autriche, qui a créé une taxe et a dédié l’ensemble du fonds abondé par ce moyen à l’accompagnement des agriculteurs, a obtenu des résultats bien plus probants. Il ne s’agit pas de stigmatiser les agriculteurs : il y va de la maîtrise du risque et de la capacité à faire bifurquer le modèle agricole, ce qui est absolument impératif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS857 de M. Antoine Herth et amendement CS4882 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).

M. Antoine Herth. Je ne suis pas d’accord avec l’un des chiffres que vous avez cités, madame la rapporteure : d’après une étude de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), la part du protoxyde d’azote dans les 109 millions de tonnes équivalent CO2 qui résultent de l’activité agricole est de 34 %. Ce chiffre inclut d’ailleurs l’élevage – je note au passage qu’en ciblant les engrais minéraux, on ne s’attaque donc qu’à une partie du problème.

L’amendement CS857 vise à changer de logique. À la suite du Grenelle de l’environnement, il a été décidé de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires ; j’ai passé beaucoup de temps à chercher un moyen d’y arriver – Dominique Potier également. Lors de la précédente législature, il a été décidé de supprimer les néonicotinoïdes ; cette décision a eu des effets collatéraux et nous avons été obligés récemment de légiférer de nouveau. De la même façon, il a été décidé de supprimer le glyphosate, et nous avons mis quatre ans pour trouver une solution. Je propose donc, cette fois, de mettre les bœufs avant la charrue, c’est-à-dire de commencer par mobiliser la recherche fondamentale, les instituts techniques et les fermes du réseau de démonstration, d’expérimentation et de production de références de systèmes économes en phytosanitaires (DEPHY) pour trouver un moyen d’améliorer les pratiques, plutôt que de créer une taxe ex nihilo. Cet amendement modifie fondamentalement la logique de l’article 62, je l’avoue.

Mme Sandrine Le Feur. L’amendement CS4882 est un amendement de repli par rapport au CS4884, déclaré irrecevable – j’y retravaillerai en vue de la séance. Il s’agit ici d’intégrer les engrais azotés minéraux à la liste des produits phytosanitaires soumis à la redevance pour pollutions diffuses.

L’utilisation d’engrais azotés minéraux est un mal sanitaire, climatique et environnemental. Comme vous l’avez souligné, Monsieur le ministre, on le sait depuis longtemps. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a voté la directive « nitrates » en 1991, puis celle relative aux plafonds d’émission nationaux en 2001. C’est également pour cela que la France a inclus la question dans sa stratégie nationale bas-carbone – aussi bien dans la première, en 2015, que dans la seconde, en 2020 – ainsi que dans le volet agricole du plan « économie circulaire ». Par ailleurs, nous avons mis en place une réduction de TVA pour les engrais organiques. Enfin, l’enjeu figure dans le plan « protéines végétales ».

Or, tout cela ne fonctionne pas. C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi‑même avons travaillé à l’élaboration d’une redevance équitable qui, sans acculer les producteurs, permette de répondre à l’urgence climatique avec fermeté. Au nom de cette urgence, je vous demande de bien vouloir étudier ces amendements avec le sérieux qu’ils méritent.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Au fond, nous partageons le même objectif – c’est celui qui est inscrit dans le projet de loi ainsi que dans le PREPA et dans la SNBC. Nos avis divergent en revanche quant aux moyens pour y arriver. En ce qui me concerne, je suis persuadée que le chemin pévu par le Gouvernement est le bon.

Monsieur Herth, vous proposez une expérimentation supplémentaire. On mène une expérimentation quand on considère qu’un sujet n’est pas mûr, qu’il faut se donner deux ans pour tester un dispositif avant de le généraliser. Or nous avons déjà des outils pour réduire les intrants azotés de synthèse dans l’agriculture, par exemple l’agriculture de précision et le séquençage des apports d’azote dans les champs. Certes, des outils de plus long terme restent à mettre en place – notamment une évolution des pratiques culturales –, mais nous sommes prêts à commencer la réduction. Je crains donc que votre amendement ne soit interprété comme une manière de vouloir gagner du temps, ce qui n’est pas notre intention. Le délai de deux ans qui est prévu paraît peut-être long à certains de nos collègues, mais il est en réalité très court pour enclencher un changement des pratiques. Je pense que nous avons trouvé le bon rythme et le bon chemin, et suis donc défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne la nature de la redevance, Madame Le Feur, c’est tout l’objet du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement. Je proposerai également des amendements pour en préciser le contenu : le rapport devra nous dire quel sera le montant de la redevance, si celle-ci peut être différenciée suivant l’émissivité de l’engrais utilisé et quels seront les outils mis à disposition des agriculteurs pour réduire leur consommation, de manière à ce qu’ils ne la paient pas.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis défavorable.

Le débat porte effectivement sur les moyens, pas sur les finalités. L’article 62 fixe les objectifs et le rythme de la diminution, tout en prévoyant que, si la trajectoire définie n’est pas respectée deux années de suite, et sous réserve que la Commission européenne n’ait pas elle‑même mis en place un tel dispositif, la question de la redevance serait posée. Cette approche me paraît très vertueuse. On n’opère vraiment une transition que si l’on accompagne les personnes concernées. S’il suffisait pour le faire de taxer, beaucoup de transitions auraient déjà été accomplies dans notre pays ; or ce n’est pas ce que l’on constate.

La démarche proposée ouvre toutes les options, de manière méthodique, tout en posant la nécessité d’accompagner les agriculteurs. Il faut également prendre en compte le fait que nous appartenons à un marché commun : introduire une taxation suppose de se battre au niveau européen pour que les autres États membres fassent de même, faute de quoi on créerait des distorsions considérables dans les coûts de production. Ce sont les agriculteurs qui en seraient victimes : ils verraient leur compte de résultat se dégrader. Cela mettrait en péril notre souveraineté agricole.

Mme Bénédicte Peyrol. Je regrette que, dans ces débats autour de la fiscalité environnementale, on ne regarde pas le tableau d’ensemble, en particulier en prenant en considération la totalité des charges fiscales qui pèsent sur une exploitation.

Par ailleurs, nous avons voté une augmentation de la trajectoire de la redevance pour pollutions diffuses dans le projet de loi de finances pour 2019. Il faudra vérifier si l’argent est bien arrivé jusqu’aux agriculteurs, à travers les agences de l’eau. C’est l’objet du travail des rapporteurs de la commission des finances.

S’agissant de la méthode, celle qui est proposée est la même que celle qui a été retenue pour les hydrofluorocarbures (HFC). Or il s’avère que la réforme en question, votée en loi finances pour 2018, a porté ses fruits : la taxe n’a pas été appliquée car un travail considérable a été fait avec la profession. J’espère qu’il en ira de même. Reste la question de la mise en œuvre du dispositif à l’échelon européen, car nous ne pouvons imposer une taxe à nos agriculteurs si les autres Européens agissent différemment.

Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons fait avec la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), il faut fixer des objectifs si l’on veut transformer vraiment les comportements.

M. Nicolas Turquois. Je conçois que l’on ait choisi ce chemin. Toutefois, je répète que, pour produire 1 kilo de blé, il faut ajouter exactement la même quantité d’azote, quel que soit le mode de production, soit en le puisant dans le sol, soit sous forme d’effluents, soit à travers des engrais.

Indiquer un chemin suppose d’offrir des solutions alternatives aux engrais azotés. Or, sur le plan agronomique, il n’y a que les légumineuses : ce sont les seules plantes capables d’absorber l’azote de l’air grâce aux rhizobiums, des bactéries situées dans leurs racines. Quant aux effluents, on les trouve en Bretagne et en Normandie, alors que les plaines céréalières sont dans le Poitou et dans la Beauce. Faire du bio, chez moi, c’est donc transporter par camion de l’eau récupérée à 300 kilomètres.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS2855 de Mme Cécile Delpirou, CS1381 de M. Sylvain Templier (discussion commune).

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Sandrine Le Feur. L’article 62 n’est pas contraignant. Aucune obligation n’est prévue dans la loi d’ici à deux ans, contrairement à ce qui a prévalu pour la stratégie relative aux hydrofluorocarbures, évoquée par Mme Peyrol, puisqu’une taxe avait été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2019, avant d’être retirée dans le PLF pour 2021 en raison des efforts réalisés. Je vous propose aujourd’hui d’inscrire dans la loi le principe de la redevance, quitte à la retirer dans deux ans si les acteurs ont consenti des efforts significatifs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4900 de M. Buon Tan. 

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’article 62 prévoit de créer une redevance ou taxe si les objectifs annuels de réduction des émissions ne sont pas respectés deux années de suite. Or, cela peut se produire en 2026 et 2027, ce qui imposerait de créer cette taxe en 2028. Votre amendement, en imposant une date, empêcherait de le faire. Je vous invite à le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CS855 de M. Antoine Herth, CS1208 de M. Stéphane Travert et CS3036 de M. Vincent Descoeur. 

M. Antoine Herth. Nous débattons d’un sujet essentiel pour lequel je me battrai, jusque dans l’hémicycle. Mme Peyrol vient de nous parler des hydrofluorocarbures. Une personne de Bercy m’a raconté le même scénario. J’attends que le Gouvernement nous apporte des garanties pour l’avenir de l’industrie des engrais en France. M. Turquois l’a dit, la production céréalière, en particulier celle du blé, est particulièrement sensible aux engrais azotés, tant en termes de quantité que de qualité – je pense à la qualité boulangère. En lançant un tel message, nous pourrions perdre les marchés à l’export, notamment en direction des pays du Maghreb. Les enjeux géopolitiques sont cruciaux. Attention à ce que nous faisons ! Je serais à Alger, je pourrais croire que la France a décidé de saborder sa production de blé et je me retournerais alors illico vers M. Poutine pour garantir mon approvisionnement. Le sujet n’est pas mince et les conséquences seraient terribles. D’ici à la séance, je souhaite que nous approfondissions la question avant de prendre quelque décision que ce soit.

M. Stéphane Travert. Je partage les préoccupations des auteurs des amendements de suppression, notamment M. Jean-Baptiste Moreau. Une fois de plus, une taxation franco‑française des engrais azotés minéraux ne permettrait pas d’atteindre notre objectif. J’espère que nous saurons actionner d’autres leviers, notamment au niveau européen, et que nous mesurerons les conséquences d’une taxation des engrais azotés minéraux avant de prendre une décision, ce qui impose de consulter l’ensemble de nos partenaires.

M. Jean-Marie Sermier. Une taxation uniquement française serait néfaste pour nos agriculteurs, notre balance commerciale mais aussi pour l’environnement car nous devrions alors faire véhiculer d’un lieu à un autre des quantités importantes de céréales, ce qui augmenterait nos émissions de gaz à effet de serre. Beaucoup de contre-vérités ont été dites, hélas, en particulier par Mme Panot. Quand on produit des céréales, les quantités d’azote doivent correspondre aux besoins de la plante. Les agriculteurs ont travaillé au niveau des quantités mais aussi des apports, pour ne donner de l’azote à la plante que lorsqu’elle en a besoin, ce qui permet de réduire la pollution. Les agriculteurs ont fourni beaucoup d’efforts, ne leur donnons pas l’impression de les punir. Au contraire, aidons-les.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Vous posez la question essentielle d’un taux différencié en fonction de l’émissivité des différentes formes d’engrais puisque l’urée est sept fois plus émissive que l’ammonitrate, par exemple. Cela devrait faire partie des éléments sur lesquels portera le rapport que le Gouvernement est invité à remettre au Parlement.

Vous proposez par ailleurs d’inverser la logique de l’article 62 en conditionnant la mise en place d’une telle taxe à une harmonisation fiscale au niveau européen. Sur ce point, nous sommes en désaccord. En effet, nous sommes en retard au niveau des émissions d’ammoniac puisque la France a réduit ses émissions de 2 % entre 2005 et 2018 contre 5 % en moyenne dans l’Union européenne. Ce mauvais résultat s’explique par l’utilisation croissante d’urée, que nous importons, par rapport à l’ammonitrate. Nous devrons relever ce défi.

Enfin, Monsieur Herth, les solutions alternatives d’avenir sont dans les produits de biocontrôle et toutes les nouvelles substances qui doivent permettre aux agriculteurs de se transformer. Ils l’ont bien compris. De nouveaux marchés plus vertueux s’ouvrent à eux.

Je vous invite à retirer ces amendements.

M. Julien Denormandie, ministre. Il faut affronter avec courage la réalité agronomique. Quoi qu’on en pense, on nourrit la plante avec de l’engrais mais au bout d’un moment, le système sature. Ce n’est pas parce que vous apporterez dix fois plus d’engrais à une plante qu’elle sera dix fois plus grande. Nous devons donc nous demander comment accompagner les agriculteurs dans cette transition. Tout d’abord, il faut donner à la plante exactement ce dont elle a besoin. Ainsi, le plan de relance finance des matériaux et des agroéquipements qui permettent d’atteindre cet objectif. Ils donnent de très bons résultats mais on en arrive parfois à se demander s’il ne faudrait pas plutôt financer des matériaux de substitution. En l’espèce, le financement de ces matériaux de précision vaut la peine. Il est important de donner à la plante ce dont elle a exactement besoin, même si cela à un coût en termes d’argent et d’accompagnement.

Par ailleurs, M. Turquois a raison, il faut réfléchir aux pratiques agricoles.

Enfin, le plan « protéines » doit s’élaborer en fonction de ce que les plantes captent ou rétrocèdent. Ainsi, certaines légumineuses, comme la luzerne, parviennent à fixer l’azote. Nous devrons adopter une approche globale, comme le préconise d’ailleurs la Convention citoyenne pour le climat.

Pour avoir vécu en Égypte, j’ai eu l’occasion de travailler sur ces sujets. Si les Égyptiens nous achètent du blé, c’est parce que notre blé leur permet de préparer le pain d’une certaine façon, contrairement au leur. Si nous cessons de leur vendre du blé, les Ukrainiens prendront notre place, ce qui n’améliorera pas forcément le bilan carbone. Le sujet est complexe et nous devons procéder avec méthode.

M. Nicolas Turquois. M. Herth avait proposé d’agir ensemble avec méthode. C’était un jeu de mots.

Pour ce qui est des enjeux, je vous renvoie à l’histoire de France. Jusqu’au Moyen‑âge, notre pays a alterné périodes de disette et de prospérité du fait des variations de la production. Au XVIIIe siècle, révolution agronomique, les légumineuses ont été introduites dans la rotation. Elles ont permis de fixer l’azote et de nourrir les plantes qui suivaient. Elles ont été largement cultivées en France. Mais, après la guerre, la France et l’Europe ont massivement importé des États-Unis des céréales et des légumineuses, comme le soja américain. À la fin des années 1950, l’Europe décide de mettre en place la politique agricole commune. Les Américains sont d’accord, à condition que nous produisions les céréales et eux, les légumineuses, à savoir le soja. Ce sont les accords du Dillon round, qui a soixante ans cette année. Depuis, nous avons arrêté de produire des légumineuses et nous avons besoin d’apporter massivement des engrais azotés.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous demande de ne pas intervenir plus d’une minute, monsieur le député, sinon je ne vous donne plus la parole.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS5298 et CS5299 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CS3243 de M. Julien Dive. 

Amendements CS5297 de la rapporteure et CS4901 de M. Buon Tan (discussion commune).

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Cet amendement prévoit que le rapport relatif aux conditions dans lesquelles la redevance sur les engrais azotés peut être mise en œuvre, doit être remis au Parlement par le Gouvernement dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi. Avis défavorable à l’amendement CS4901 car le mien est mieux-disant.

La commission adopte l’amendement de la rapporteure.

En conséquence, l’amendement CS4901 tombe.

Amendement CS4331 de M. Jean-Luc Fugit. 

Mme Véronique Riotton. Cet amendement tend à s’assurer que les recettes d’une éventuelle redevance sur les engrais azotés soient bien affectées à l’accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique. Autrement dit, la redevance doit être pensée pour ne pas pénaliser les agriculteurs mais pour les accompagner dans leur transition vers une agriculture moins consommatrice d’engrais azotés.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je partage votre préoccupation. S’il existe une solution technique qui permette, sans contrevenir à la Constitution et aux principes généraux qui régissent notre droit fiscal, en particulier les principes d’universalité budgétaire et de non-affectation des recettes, de flécher ces recettes pour s’assurer qu’elles reviennent bien aux agriculteurs pour accompagner la transition agroécologique, il faut le faire. Le rapport me paraît le moyen idéal d’approfondir cette question. Avis favorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Dès lors qu’il sera constaté que, malgré les efforts réalisés pour promouvoir les bonnes pratiques et si aucun dispositif équivalent n’est mis en place au niveau européen, la redevance s’avère nécessaire, le Gouvernement devra accompagner les agriculteurs dans leur changement de pratique afin de lutter contre les pollutions. Je vous invite à retirer l’amendement, sinon avis défavorable.

M. André Chassaigne. J’avais déposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable, pour que l’intégralité des recettes résultant de cette redevance soit affectée à un programme de soutien à la recherche, à la diffusion et à la mise en pratique par les agriculteurs de méthodes et de techniques qui permettent de limiter le recours aux engrais azotés minéraux.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. En effet, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Mme Bénédicte Peyrol. Un accord politique avait été conclu en 2019 pour que cet argent soit versé aux agriculteurs. Le dispositif n’est pas très transparent, il faut s’adresser aux agences de l’eau. Par ailleurs, il convient de s’assurer que cette redevance ne représente pas une charge supplémentaire pour les agriculteurs, quitte à en supprimer une autre si l’on considère que la priorité est bien de réduire les engrais azotés.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS5301 et CS5300 de la rapporteure.

Amendement CS814 de M. Julien Dive. 

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de porter au niveau européen le débat sur les engrais azotés minéraux.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je laisserai le ministre répondre à cette invitation. Pour ma part, je vous invite à le retirer.

M. Julien Denormandie, ministre. Vous connaissez mon attachement à la souveraineté agricole, qui vise en premier lieu à mettre fin à toute distorsion de concurrence au sein du marché commun. Rien ne ressemble plus à un concombre qu’un autre concombre sur nos étals, mais celui dont la production fut la plus vertueuse est souvent pénalisé. Nous devons porter ces sujets au niveau européen, voire à celui de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

M. Turquois nous a résumé l’organisation du système international commercial des légumineuses et des céréales. Il dure depuis cinquante ans, et c’est pour cette raison que nous avons élaboré le plan « protéines », mené certaines négociations au niveau de la PAC, et que je négocierai prochainement les clauses miroir au niveau international.

M. Jean-Marie Sermier. On compte sur le ministre pour qu’il agisse au niveau européen, tout en prenant garde aux clauses des traités internationaux.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2081 de M. Dominique Potier. 

M. Dominique Potier. Vous aurez remarqué, madame la présidente, la sobriété de mon propos dans nombre de domaines qui, pourtant, me passionnent et pour lesquels j’aurais beaucoup à dire : plan « protéines », agroécologie, politique d’installation, régulation du foncier, etc…

En l’espèce, je vous propose de nous inspirer d’un mécanisme innovant, celui des certificats d’économies d’énergie, dont les résultats sont très bons et qui sont hors budget – je le signale à Mme Peyrol. Ils permettent de récompenser les efforts des uns par rapport au retard des autres, par le jeu du « B to B » – business to business : la loi fixe un objectif aux entreprises, elles l’atteignent. Nous l’avions expérimenté, lors de la dernière mandature, sur les certificats d’économies de produits phytopharmaceutiques. Malheureusement, ce n’est pas l’option que le Président de la République a choisi de retenir. J’ai perdu, à mon grand regret, le recours déposé devant le Conseil d’État en ma qualité de député, pour des raisons non de fond mais de forme.

Je vous invite à utiliser cet outil pour offrir aux paysans une alternative qui ne se traduise pas par des charges supplémentaires.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. La création d’un mécanisme inspiré des certificats d’économies de produits phytopharmaceutiques fait partie des pistes envisagées par le Gouvernement, comme en témoigne l’étude d’impact, et figurera dans le rapport qu’il remettra au Parlement. Il ne me semble pas nécessaire, par conséquent, de prévoir un rapport spécifique, visant à déterminer l’impact économique de la mise en œuvre de certificats de réduction d’émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote et de leur conformité avec la trajectoire de réduction de ces émissions. Je vous invite à retirer l’amendement.

M. Julien Denormandie, ministre. Je prends bonne note de votre recommandation, d’autant plus que je connais votre attachement à ce mécanisme. Je me tiens à votre disposition pour en discuter. La liste des sujets sur lesquels le Gouvernement se penchera n’est pas figée.

M. Dominique Potier. Je le maintiens. S’il n’est pas adopté, je le transformerai en sous-amendement pour que ce mécanisme figure dans le rapport. Le sujet de la réversibilité des taxes qui peuvent peser sur le monde paysan et celui de leur efficacité sont majeurs. Cette voie mérite d’être explorée. En tout cas, l’INRAE y est très favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5448 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il s’agit de préciser que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement étudie l’opportunité de fixer des taux différenciés pour tenir compte de l’émissivité des engrais minéraux. L’urée et la solution azotée ont, en effet, un potentiel émissif d’ammoniac très supérieur à celui de l’ammonitrate, avec un facteur de 1 à 7.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Monsieur Turquois, je vous donne la parole à condition que vous respectiez votre temps et que vous vous adressiez à moi sur un ton correct.

M. Nicolas Turquois. Passer en cinquième vitesse le titre V, qui s’adresse aux agriculteurs, n’est pas respectueux.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Tout le monde était d’accord pour procéder ainsi.

M. Nicolas Turquois. Les enjeux pour le climat, en matière agricole, sont cruciaux. Nous devons prendre le temps d’y réfléchir. Prenons le cas de l’urée : Mme la rapporteure a raison mais les effluents d’élevage, comme le lisier, sont apportés sous forme uréique. On ne pourra donc pas distinguer un apport d’engrais minéral sous forme d’urée d’un apport de lisier sous forme uréique. L’impact sera le même. Je voulais juste appeler votre attention sur cette incohérence agronomique.

M. Jean-Marie Sermier. Je ne supporte pas que certains laissent entendre que nous examinons ce titre dédié à l’agriculture en cinquième vitesse. C’est ridicule. Chacun est maître de ses propos et nous travaillons dans des conditions conformes au règlement de l’Assemblée nationale. Mme la rapporteure et le M. le ministre répondent à nos questions et nous nous exprimons normalement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous confirme que nous ne bâclons aucun sujet. Par consensus, nous nous sommes tous mis d’accord sur notre manière de travailler. Rien n’est laissé à l’abandon dans ce domaine essentiel.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS5467 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’amendement tend à préciser que le rapport prévu au deuxième alinéa de l’article 65 éclaire le Parlement sur les financements publics et les outils d’aide à la décision permettant de favoriser une réduction et une utilisation plus raisonnée des engrais azotés minéraux. L’accompagnement des agriculteurs est la condition essentielle à l’atteinte des objectifs fixés aux articles 62 et 63 et, plus largement, à la transition écologique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS2457 de M. Raphaël Schellenberger. 

M. Raphaël Schellenberger. Il s’agit de compléter l’amendement de la rapporteure que nous venons d’adopter car, s’il élargit le champ du rapport aux aides accordées aux agriculteurs, il fait l’impasse sur les technologies qui existent déjà pour réduire les émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote. Je pense en particulier aux inhibiteurs de la nitrification ou d’uréase, qui sont mis en avant par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Notre amendement vise à réparer cet oubli. Il est peut-être envisagé de mettre fin à l’usage de ces procédés à terme mais, en attendant, il serait intéressant de se pencher sur les technologies intermédiaires susceptibles de réduire les conséquences de ces épandages, qui font l’objet de recherches approfondies en France, et qui peuvent produire de très bons résultats rapidement.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’amendement que nous avons adopté est similaire puisqu’il permet d’élargir le rapport du Gouvernement aux travaux de recherche, investissements publics et aides à la décision qui permettent de réduire l’utilisation des engrais azotés. Ce serait le meilleur moyen de marcher sur nos deux jambes : réfléchir à la redevance qui devrait être mise en place si, au bout de deux ans, nous n’avions pas tenu notre trajectoire, mais aussi aux moyens de court terme, comme les outils d’aide à l’exploitation, de moyen terme, comme les outils d’aide à la décision, ou de long terme, comme le soutien à la recherche publique, que nous pouvons mobiliser pour aider nos agriculteurs. Ce rapport doit remettre l’agriculteur au cœur de l’enjeu de la transformation. Avis défavorable car il est satisfait.

M. Raphaël Schellenberger. Je reconnais que votre amendement a permis certaines avancées mais je voudrais que, d’ici à la séance, nous fassions en sorte de ne pas oublier ces technologies, d’autant plus que la recherche publique n’est pas la seule à s’y intéresser. Nous devons aussi encourager les initiatives privées.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS3120 de M. Philippe Naillet. 

La commission adopte l’article 62 ainsi modifié.

Après l’article 62

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS2073 de M. Dominique Potier.

Section 2
Autres dispositions

Article 63 : Définition par décret d’une trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac du secteur agricole

Amendement CS856 de M. Antoine Herth. 

M. Antoine Herth. Afin de permettre la mise en oeuvre des dispositions de l’article 62, je voulais proposer qu’un décret définisse une trajectoire annuelle. Que la rapporteure se rassure, je ne cherche ni à gagner du temps ni à m’opposer au principe, mais simplement à changer de méthode. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendement CS5468 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Cet amendement, essentiel pour assurer le contrôle du Parlement sur l’action du Gouvernement, vise à ce que nous disposions, chaque année, de l’état d’avancement de la trajectoire de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote. Ainsi pourrons-nous, chaque année, débattre de notre capacité à tenir cette trajectoire et des outils susceptibles de nous y aider – redevances, budgets dédiés à la recherche ou aux plans de transformation agricole. Il s’agit d’un élément fondamental de l’équilibre que nous avons trouvé à ces deux articles.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS3121 de M. Philippe Naillet.

M. Gérard Leseul. Il demande simplement une approche adaptée et progressive de la diminution de l’importation d’intrants chimiques, notamment pour les départements d’outre-mer.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Les objectifs de réduction sont nationaux : il ne paraît pas évident de prévoir une déclinaison différente selon les territoires. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que le décret précise nécessairement les objectifs fixés par région. En outre, sur un plan plus formel, cet amendement ajoute un décret à l’article 63 qui en prévoit déjà un, ce qui ne me semble pas approprié. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Effectivement, les objectifs ne sont absolument pas territorialisés. L’objectif est national et à ce titre les spécificités des territoires pourront de facto être prises en compte.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 63 ainsi modifié.

Article 63 bis (nouveau) (article L. 110‑5 [nouveau] du code de l’environnement) : Codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée

Amendement CS5469 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je vous propose de codifier la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, qui est une grande avancée de cette majorité, fruit d’un travail qui a duré plusieurs mois et qui doit nous permettre de porter des exigences similaires au niveau européen : une loi est en cours de préparation qui pourrait aboutir lors de la présidence française de l’Union européenne. Nous avons besoin de donner corps à cette stratégie dans nos codes, cet amendement y pourvoit.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Nous reviendrons sur cette stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Je suis favorable à cette proposition de l’intégrer dans le code de l’environnement.

M. François-Michel Lambert. Je n’ai cessé ces derniers jours de rappeler qu’un massacre est en train de commencer sur nos propres côtes, de la frontière espagnole à la frontière italienne, avec un projet de mégacentrale biomasse de 800 000 tonnes dans ma ville, à Gardanne, qui centralisera tout le bois disponible sur cette étendue pour un rendement énergétique extrêmement faible. En attendant, on importe énormément de bois de l’étranger, sans se demander si c’est soutenable. Il va falloir trouver une cohérence dans nos travaux, du premier article au dernier. Pour ce qui est de cet amendement, je remercie Mme la rapporteure de l’avoir déposé.

M. Dominique Potier. J’appelle la secrétaire d’État et le ministre de l’agriculture à se coordonner avec M. Jean-Yves Le Drian, qui a refusé un amendement allant dans le même sens alors qu’il était conforme à ce qu’Édouard Philippe disait en matière de stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette situation était pour moi assez incongrue. Votre amendement, que je soutiens mille fois, mériterait d’être intégré au Sénat. Vu son ampleur et sa portée, il serait dommage qu’il n’y ait pas de coordination.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 63

Amendement CS4081 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Je le dis posément, mais j’aurais aimé que la séance se déroule autrement. Ce sont des sujets complexes, sur lesquels il aurait mieux valu une seule explication longue, et pas d’interventions par la suite.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Prenez ma place, Monsieur Turquois, si vous voulez organiser la séance. Vous ne parlez pas si posément que cela. Présentez votre amendement, s’il vous plaît.

M. Nicolas Turquois. La seule façon de diminuer les apports azotés est de cultiver des légumineuses. Ce sont les seules plantes qui captent l’azote. Selon le cycle de l’azote, ce sont des cultures, les effluents d’élevage, les effluents de la population qui font la fertilisation, donc à un niveau très bas. Pour réduire l’utilisation des engrais azotés, cet amendement propose un minimum de 10 % de cultures en légumineuses pour chaque exploitation. J’ai évoqué, voilà un instant, la raison historique qui explique qu’il n’y a pas de légumineuses dans les exploitations céréalières. Mais il est impossible d’aller au fond d’un sujet pareil en si peu de temps.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Tout le monde est soumis à la même contrainte, Monsieur le député, j’en suis désolée.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il sera en effet essentiel sur le plan environnemental et nutritionnel d’accroître les légumineuses dans les assolements. Néanmoins je trouve contraignante l’idée d’imposer uniformément un minimum de 10 % de surface. Notre objectif dans le cadre du plan « protéines » est de 8 % à l’horizon 2030. Nous voyons bien que votre amendement demanderait une étude d’impact très aboutie avant d’être imposé à l’ensemble des exploitations françaises. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Pour ce qui est de la réalité agronomique, nous sommes d’accord. Nous avons eu cinquante années de scandale dans l’organisation du commerce international. Les Américains ont clairement dit au moment du traité de Rome que l’Europe pouvait bien faire ce qu’elle voulait, mais qu’elle devait être dépendante de leurs protéines. Tout ce qui est fait au niveau national, avec le plan « protéines », ou au niveau européen va donc dans le bon sens. C’est autant de déforestation importée qu’on arrête, autant de lutte pour la biodiversité qu’on mène.

Cela étant dit, il faut trouver, d’un point de vue agronomique, comment soutenir la production de légumineuses. Le plan de relance consacre 100 millions d’euros à la stratégie protéines végétales, dont une grosse partie tournée vers la production de légumineuses. Il y a des exemples magnifiques, comme celui du département de la Marne qui s’est tourné tout entier il y a trente ans vers les légumineuses. Reste que tout dépend évidemment des sols : certains par exemple n’acceptent pas la luzerne, qui est pourtant une plante fabuleuse. C’est pourquoi je pense que cet amendement est principalement un amendement d’appel : il serait difficile d’imposer 10 % de légumineuses à tous les agriculteurs. En revanche, la question qu’il pose doit être résolue dans les toutes prochaines semaines : faut-il, dans le cadre de la politique agricole commune et du plan stratégique national, des aides couplées « protéines » pour accompagner les agriculteurs dans le financement et le développement des assolements en légumineuses ?

Mme Sandrine Le Feur. Je trouve cet amendement très intéressant. Ce qui me gêne, c’est de poser une obligation de 10 % pour toutes les exploitations. Mais l’amendement devrait être retravaillé pour la séance, car il présente des avantages du point de vue à la fois de la production de protéines à destination de l’alimentation humaine et du point de vue des engrais azotés. Par ailleurs, des rotations beaucoup plus longues sont nécessaires pour les fermes en grandes cultures, ce qui fait aussi le lien avec la problématique des néonicotinoïdes pour les betteraves.

M. André Chassaigne. C’est en effet un excellent amendement, quoi qu’on pense de cette obligation des 10 %. Il est urgent de développer les protéines végétales. Je sais que c’est une priorité nationale, et que cela va en devenir une au niveau européen. Il y a cependant un dysfonctionnement : l’Europe ne donne pas d’aides pour les mélanges entre légumineuses et graminées alors que chez nous, ces mélanges sont indispensables dans beaucoup de sols. Ces cultures couplées devraient être aidées, comme la culture des graminées seules.

M. Julien Denormandie, ministre. C’est en effet un sujet très important que soulève M. Chassaigne. J’ai obtenu cette modification des aides au Conseil, au niveau des ministres donc. J’ai maintenant bon espoir que le trilogue valide la position exprimée par le Conseil.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je mets cet amendement aux voix : qui est pour ? qui est contre ?

Il n’est pas adopté.

M. Bruno Millienne. Il me semblait, madame la présidente, que selon nos règles, la personne qui présentait un amendement avait le droit de reprendre la parole pour le défendre.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Pas nécessairement : après la présentation, il y a un orateur pour et un orateur contre.

Chacun doit rester dans le cadre de nos débats. S’il vous plaît, revenez à un état d’esprit dépassionné : vous aurez tout le loisir de prendre la parole, il y aura un pour et un contre pour chaque amendement. Il y a d’autres agriculteurs dans cette commission spéciale, et la question tient à cœur aussi à tous ceux qui ne le sont pas. Je vous demande de bien vouloir calmer vos propos.

M. Nicolas Turquois. Je suis franchement scandalisé de la façon dont les choses se passent. Il s’agit d’un enjeu majeur, et vous envoyez au monde agricole un signal lamentable. Qu’on prenne le temps nécessaire, quelques minutes auraient suffi ! Vous prétendez que la commission a rejeté l’amendement, mais je n’ai même pas eu le temps de lever la main.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Alors refaisons le vote.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS1835 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il est vrai que les conditions du débat sont difficiles sur ce sujet majeur qui met en jeu non seulement les personnes mais aussi les grands équilibres, qu’il s’agisse de souveraineté alimentaire, d’enjeux géopolitiques, de climat ou de fertilité des sols. Nous nous sommes donné tout à l’heure des contraintes qui auraient pu être évitées. Je les ai acceptées, et j’ai peut-être eu tort.

Cet amendement demande à l’État de remettre un rapport sur la fertilité des sols, car la souveraineté commence par là.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il existe de nombreux dispositifs pour étudier ce sujet de la fertilité, ainsi que des réseaux de suivi. Je citerai le réseau d’expérimentation et de veille à l’innovation agricole, l’INRAE ou encore l’observatoire européen qui a permis à des comités d’agriculteurs et de producteurs d’améliorer la qualité des sols au moyen de capteurs, d’une application et de données satellitaires. Je ne prétends pas à l’exhaustivité mais j’ai le sentiment que ce sujet bien suivi ne nécessite pas de rapport. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis défavorable. Plus qu’un rapport, vous demandez la création d’un observatoire. Déjà beaucoup de monde s’essaye à analyser la fertilité du sol. La réalité est que c’est très complexe, et encore plus de disposer de données précises parcelle par parcelle, de les collecter et d’en faire une utilisation agronomique. Cela a été fait sur le sous-jacent géologique, ce qui a été une grande force de notre pays. Sur la fertilité des sols, qui se modifie de surcroît dans un temps court, c’est beaucoup plus complexe. Nos agences travaillent déjà sur le sujet, un observatoire me paraît inopportun.

M. Nicolas Turquois. D’abord, pour diminuer la déforestation importée, il faut limiter l’importation de palme et de soja. Pour compenser, il faut développer des cultures riches en protéines : la luzerne, le soja, car on peut en produire sur notre territoire, le lupin, qui sont toutes des légumineuses.

Ensuite, nous souhaitons remplacer certaines protéines animales par des protéines végétales. Là encore, ce sera par des légumineuses.

Voilà toute la cohérence de la démarche. Ma proposition de 10 % des cultures en légumineuses était évidemment un amendement d’appel, et je recourais au décret parce que cela doit se planifier, pas s’imposer du jour au lendemain. Mais il y a une vraie réflexion à mener pour développer les légumineuses, qui sont les premières à restaurer la fertilité des sols à laquelle M. Lambert est attaché.

M. François-Michel Lambert. Vous avez bien compris le sens de mon amendement, Monsieur le ministre. Je vais le réécrire pour la séance. Mme la rapporteure nous a très justement rappelé tous les outils existants, mais je permets de signaler que nous sommes la représentation nationale, qu’il est question de souveraineté alimentaire et qu’ici personne n’est en mesure de savoir où en est la France dans ce domaine. En séance, je vous demanderai de nous présenter l’état de cette souveraineté fertile de la France, les outils qui permettent de la connaître et ceux qui seraient éventuellement nécessaires. Tout le sens de notre commission est de dialoguer pour être beaucoup plus constructifs dans l’hémicycle, je le constate encore aujourd’hui. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3931 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Il me semble que cet amendement est en partie satisfait par le CS5468 de la rapporteure qui demande un rapport sur le même sujet, mais il précise cependant que nous devrons en tirer les conséquences par un acte législatif.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Oui, la moitié de cet amendement est satisfaite. Le reste pose un problème de formulation puisque vous proposez une clause de revoyure par le biais d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, laquelle relève d’une initiative parlementaire et non gouvernementale. Je vous demande de retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

Article 64 (article 59 quindecies [nouveau] du code des douanes) : Instauration d’un partage des données sur la politique nationale de lutte contre la déforestation importée

Amendement CS5470 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. C’est un amendement de coordination consécutif à la codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS4339 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, cet amendement propose de compléter l’article 64 afin de permettre l’échange des données d’importation sur les matières premières à risque entre les agents de la direction des douanes et ceux du ministère chargé de l’environnement, dans la perspective d’un mécanisme d’alerte au sein de la plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée.

La France est particulièrement dépendante de certains pays pour son approvisionnement en produits de base. Suivre les flux de ces importations présentant un risque pour les forêts tropicales et les écosystèmes naturels, depuis l’origine en passant par les intermédiaires jusqu’aux pays consommateurs, permettra de réaliser des analyses de risques et opportunités des chaînes d’approvisionnement.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’objectif de cet article est bien d’instaurer ce mécanisme d’alerte, mais l’inscrire en tant que tel dans la loi n’est pas la bonne solution, car cela deviendrait trop rigide. Ce mécanisme est une des actions de la stratégie. Or chaque action n’a pas à figurer dans la loi, seulement les grands principes.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Cet amendement vise à faciliter l’échange de données que nous sommes en train d’organiser pour éclairer les choix en matière d’importation, mais il serait trop restrictif. La liste que vous proposez n’est pas exhaustive compte tenu des différentes sources auxquelles nous sommes susceptibles d’avoir recours. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement précise bien que c’est un décret qui détermine la liste des matières premières concernées, il ne donne aucune liste exhaustive.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 64 ainsi modifié.

Article 64 bis (nouveau) : Exemplarité des approvisionnements de l’État en matière de lutte contre la déforestation importée

Amendement CS5452 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. La persévérance paye ! Nous avions, à l’article 49 de la loi ÉGALIM, demandé à l’État d’être exemplaire en prévoyant que « L’État se donne pour objectif, à compter de 2022, de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée, dans des conditions définies par décret. » Cet article avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Je vous propose de le voter de nouveau aujourd’hui, sachant que l’objet de l’article 64 le sécurise.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Le guide de l’achat public « zéro déforestation » est paru. Il faut se rendre compte qu’il concerne potentiellement 10 % du PIB, au travers des acheteurs publics. C’est donc une saine lecture à mettre en toutes les mains, sachant que cet engagement sera renforcé dans le cadre du partenariat de la déclaration d’Amsterdam. La France, lors de sa présidence au deuxième semestre de cette année, pourra promouvoir cet outil bien au-delà de ses frontières. Avis très favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 64 ter (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée

Amendements identiques CS4731 de Mme Nicole Le Peih et CS4741 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Nicole Le Peih. Cet amendement du groupe LaREM complète l’article 64, qui permet un échange de données entre les agents de la direction des douanes et ceux du ministère chargé de l’environnement pour lutter contre la déforestation importée. Il demande au Gouvernement un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée à destination des entreprises.

Cette plateforme aura plusieurs objectifs : fournir des connaissances sur les importations à risque et sur leurs flux ainsi que sur l’évolution du couvert forestier, favoriser le partage d’informations, notamment entre pairs, encourager et assurer le suivi des engagements « zéro déforestation » des acteurs privés, et enfin faciliter le travail de traçabilité et d’analyse de risque des chaînes d’approvisionnement.

Cette plateforme va devenir un outil essentiel de notre stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée : d’où l’importance d’en évaluer rapidement la bonne mise en œuvre.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis favorable. Il serait intéressant, je le dis au Gouvernement, que ce mécanisme d’alerte s’adresse aux acheteurs publics à terme. Cela pourra se préciser en séance, ce qui permettra de répondre à l’inquiétude de Mme Tuffnell sur l’effectivité réelle du mécanisme.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous sommes très favorables à cet effort de transparence quant à la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Cet article 64 est nécessaire, mais pas suffisant pour atteindre l’objectif. Il est essentiel de nous inscrire dans un esprit de convergence avec les politiques menées par l’Union européenne. Les représentants de la direction générale des douanes que nous avons auditionnés ont signalé que l’échelon européen serait le plus pertinent pour ce mécanisme. Les pérégrinations que connaissent la palme ou la viande bovine à travers les pays de l’Europe avant d’arriver en France rendent leur traçabilité très difficile pour nos autorités douanières. Pour qu’un mécanisme visant à limiter la déforestation ait une efficacité réelle, un dispositif européen est indispensable. Le contexte y est particulièrement favorable, puisque l’Union a annoncé une révision de sa politique commerciale. Il faut également garantir un cadre de concurrence équitable aux ports français. Le but est d’éviter que les importateurs finissent par délocaliser leurs activités dans d’autres pays européens dont les normes en matière de déforestation importée seraient moins contraignantes.

La commission adopte les amendements.

Article 65 (article L. 4 du code rural et de la pêche maritime) : Compatibilité du plan stratégique national avec les stratégies nationales en matière d’environnement

Amendements CS1778 de Mme Anne-Laurence Petel et CS3934 de Mme Valérie Petit (discussion commune).

M. Antoine Herth. L’amendement CS3934 vise à ajouter la stratégie nationale des aires protégées à l’énumération des documents auxquels le futur plan stratégique national découlant de la PAC doit être compatible.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’esprit de cet article, qui est très puissant, est que la déclinaison nationale de la PAC sera compatible avec quatre grandes stratégies structurantes : la SNBC et les stratégies biodiversité, santé et environnement, et lutte contre la déforestation importée. Notre volonté est de conserver ces quatre axes majeurs et de ne pas démultiplier les références. Beaucoup d’amendements visent à inclure divers plans et stratégies proposés à raison par les députés chacun dans son domaine, mais je pense que l’équilibre a été trouvé. C’est celui que les conventionnels nous ont proposé, et qui me semble d’autant plus judicieux depuis la codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. La stratégie nationale des aires protégées est d’ailleurs incluse dans la stratégie nationale pour la biodiversité, l’une des quatre évoquées par Mme la rapporteure. Ces amendements sont donc presque satisfaits.

M. Antoine Herth. Connaissant l’attachement de Valérie Petit à la biodiversité, je considère cet amendement comme satisfait et je le retire.

L’amendement CS3934 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS1778.

Amendement CS1875 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Il s’agit d’ajouter la stratégie nationale sur les protéines végétales dans le futur plan stratégique national.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Pour les mêmes raisons, demande de retrait ou avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. La stratégie nationale protéines n’est en outre pas codifiée : il n’est donc pas possible juridiquement d’y faire référence. Mais je ne saurais assez répéter mon attachement à produire plus de protéines dans notre pays. C’est un combat pour lequel vous pouvez être assuré de mon plein engagement.

L’amendement est retiré.

Amendements CS1874 de M. François-Michel Lambert et CS2923 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. Mon amendement visait à ajouter le prochain plan Ambition bio, mais il présente le même problème de construction.

M. Dominique Potier. Mon amendement associe la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée avec le plan Ambition bio. Je ne reviens pas sur l’enjeu de l’autonomie en matière de protéines, c’est pour moi un très vieux combat et une réalité personnelle et professionnelle.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis défavorable : ce plan non seulement n’est pas codifié, mais sera défini en 2022, ce qui n’est pas compatible avec le calendrier du PSN qui doit être transmis à Commission fin 2021 pour être validé en 2022.

M. Julien Denormandie, ministre. Non seulement le plan n’est pas codifié, mais le PSN prend déjà en compte la perspective bio, puisqu’une de ses conditionnalités est qu’il fixe l’objectif de surface agricole utile en bio d’ici à 2027. Demande de retrait.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS1887 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Nous avons très peu parlé de la stratégie « 4 pour 1 000 », ou 4 ‰ de croissance des stocks de carbone dans le sol par an. L’objectif de cette stratégie, issue de la COP21 et défendue par le ministre de l’agriculture de l’époque Stéphane Le Foll, est que l’agriculture prenne en charge la captation et la fixation dans le sol d’une partie du CO2 aérien. Les ministres successifs ne m’ont pas semblé s’engager pleinement en la matière, et je présente cet amendement d’appel pour que nous réfléchissions à un moyen d’encourager un peu cette stratégie en séance.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable. Il s’agit d’une stratégie internationale qui n’est pas codifiée en droit français.

M. Julien Denormandie, ministre. J’ai la profonde conviction qu’il y a quinze ans, le monde agricole a subi une OPA de la forêt. Et c’est un amoureux des forêts qui le dit ! Si vous demandez où est capté le CO2 dans la nature, tout le monde vous répond : dans la forêt. La réalité est que le premier réservoir de carbone est la mer, le deuxième est le sol. Dans les mécanismes de compensation carbone, volontaires ou obligatoires, aucune création de valeur n’est prévue pour la captation de carbone dans le sol de nos agriculteurs, alors que c’est le cas pour la forêt ou l’agroforesterie.

La stratégie « quatre pour mille » est née d’une intuition et d’une volonté politique fabuleuse, lancée par la COP21 et reprise par Stéphane Le Foll, qui est aujourd’hui président de cette initiative. Je le félicite ; il faut continuer et je suis un ardent défenseur de cette cause. Nous avançons rapidement. La labellisation carbone permettra de déposer des certificats de compensation carbone pour créer de la valeur par la captation de carbone et accélérer massivement ce processus. Il s’agit de sujets agronomiques, comme en attestent nos propos sur la luzerne et les protéines.

Les jeunes agriculteurs ont par ailleurs la volonté de travailler ardemment sur cette question. Dans le cadre de France relance, nous consacrons précisément 10 millions d’euros pour financer des bilans carbone à l’échelle des exploitations. Nous pourrons ainsi identifier les moyens de captation.

C’est un sujet essentiel sur lequel je suis pleinement mobilisé. Il n’est pas codifié dans l’article 65, mais je vous remercie de l’évoquer.

M. Nicolas Turquois. Il s’agit d’un enjeu important, qui n’est pas visible. L’adaptation des pratiques agronomiques permettrait en effet de réaliser une part substantielle de l’effort nécessaire. Je soutiens cette démarche, sachant qu’il s’agit d’un amendement d’appel qui n’a pas vocation à se traduire en obligation réglementaire.

M. François-Michel Lambert. Nous ne pouvons pas nous contenter de cet entre‑deux, Monsieur le ministre. Il serait judicieux de présenter en séance des propositions fortes et visibles. Tout le monde partage le souhait que la stratégie « quatre pour mille » trouve sa place dans la loi qui sera votée après les allers-retours avec le Sénat, pour permettre un retour vers les agriculteurs, une quinzaine d’années après la bataille perdue par le monde agricole face à la forêt.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2916 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il porte sur la lutte contre la déforestation importée. Puisque le sujet a été traité, je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4886 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Il est proposé de mettre en conformité le plan stratégique national (PSN) avec les stratégies environnementales européennes et françaises.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’équilibre trouvé avec les quatre grandes stratégies est bon. La conformité de la PAC avec le Pacte Vert a été confirmée lors des auditions. Votre amendement est satisfait, je propose le retrait, sinon avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

Pour en revenir à la stratégie « quatre pour mille », si vous relisez les débats sur la compensation carbone dans le secteur aérien, c’est toujours le domaine forestier qui est évoqué. Introduire les compensations dans le domaine agricole est probablement le meilleur moyen d’accélérer cette transition.

L’amendement est retiré.

Amendement CS2074 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons d’ajouter que les objectifs du futur plan stratégique national favorisent une meilleure structuration des filières, notamment par le renforcement des organisations de producteurs et de leurs associations. Les conditions de réalisation du PSN doivent inclure une dimension sociologique.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Nous savons l’importance de l’équilibre trouvé dans la loi ÉGALIM entre le titre Ier, portant sur la rémunération, et le titre II, portant sur la transition écologique. Votre amendement est satisfait, car le document programmatique national devra se structurer autour de neuf objectifs spécifiques, dont deux portent sur la structuration des filières : l’objectif tendant à assurer un revenu équitable aux agriculteurs, et celui de rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Par nature, le PSN répondra aux questions que vous soulevez. Je demande le retrait de votre amendement.

M. Julien Denormandie, ministre. Votre amendement revient à savoir si les nouveaux dispositifs que nous appelons « programmes opérationnels » seront intégrés dans le PSN. Les discussions sont en cours. Je suis convaincu que dans la branche agricole, de la valeur est créée au sein des filières.

M. Dominique Potier. Au sein des filières, et aussi au sein des territoires quand les paysans s’organisent, mutualisent et économisent ensemble.

Je reviendrai en séance sur la question de l’agriculture de groupe et les appellations d’origine protégée (AOP). J’en parlais ce matin avec François Purseigle ; la rénovation de l’actif agricole et des organisations de producteurs – groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), coopératives d’utilisation du matériel agricole (CUMA) – doit être à l’ordre du jour d’une réforme systémique adaptée aux temps modernes. Il faut retrouver l’esprit des pionniers des années soixante et l’adapter aux défis contemporains.

Sur le « quatre pour mille » et « One health », je propose qu’avec François-Michel Lambert et tous ceux qui le souhaitent, nous préparions en vue de la séance un court chapitre qui donne une perspective, au-delà de l’échelle territoriale ou nationale, afin de donner du corps au PSN.

L’amendement est retiré.

Amendements CS2075 et CS2077 de M. Dominique Potier, amendement CS2139 de M. Guillaume Garot.

M. Dominique Potier. Nous proposons que les objectifs du PSN favorisent la structuration de filières contribuant de manière positive à la lutte contre le changement climatique et à la protection de la biodiversité – nous en revenons à la logique des filières coopératives et d’innovation.

L’amendement CS2077 évoque la déclinaison des stratégies nationales dans le cadre des plans de structuration et d’accompagnement des filières, à l’instar du plan sur les filières protéines végétales, dont je suis un défenseur de longue date.

L’amendement CS2139 vise à valoriser le don des pertes agricoles, notamment grâce aux conventions de glanage.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je me suis déjà exprimée sur la structuration des filières, Monsieur Potier. Je suis donc défavorable aux amendements CS2075 et CS2077.

Quant aux conventions de glanage, il s’agit d’un mécanisme vertueux qui doit être encouragé. Mais ce niveau de détail n’a pas sa place dans cet article stratégique. Les mesures d’aides mises en œuvre dans le cadre de la PAC font l’objet d’une liste restrictive dans le projet de règlement européen, il n’est pas possible de favoriser les conventions de glanage ou les dons de pertes agricoles sans y contrevenir. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Le PSN est en cours de discussion, la première ébauche doit être élaborée d’ici à l’été, et le document définitif sera finalisé avant la fin de l’année. Tous ces sujets sont pris en compte pour établir ce document stratégique.

M. Dominique Potier. Ma question porte sur l’organisation de nos futurs débats en séance. Allons-nous déposer un catalogue d’amendements sur tous les sujets, ou déciderons-nous d’une discipline commune pour que les parlementaires soient vraiment entendus ? Nous pourrions trouver un accord amiable pour éviter d’y passer deux heures en séance, alors que quelques prises de parole fortes permettraient à chacun de faire savoir ce qu’il attend du PSN.

Il y a un déficit démocratique sur le PSN. Ce projet de loi nous donne l’opportunité d’y remédier à condition que nous évitions le verbiage au profit de prises de paroles structurées, et que la réponse du ministre en séance soit forte

J’aimerais savoir comment nous allons procéder avant de déposer mes amendements.

M. Julien Denormandie, ministre. On ne peut pas dire qu’il y ait de déficit démocratique sur le PSN : une énorme consultation citoyenne a été organisée, et un travail colossal est encore en cours. Il est très important que le Parlement n’en discute pas en isolant chaque sujet, la PAC est trop souvent appréhendée comme un ensemble d’outils alors que c’est d’abord une vision politique. La question posée est celle de l’agriculture que nous voulons en 2027.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS3700 de Mme Yolaine de Courson et amendement CS5302 (3e rectification) de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’objectif de l’amendement CS3700 est de permettre le débat démocratique autour du PSN, notamment au sein du Parlement, et sa mise à disposition du public.

Nous ne connaissons pas encore la liste des documents du PSN, mais nous savons qu’il comprendra un document de programmation, un plan d’action et des indicateurs de performance. La Commission prévoit la transmission du document de programmation et de ses modifications, ainsi que du plan d’action, tous les deux ans. Nous demandons sa transmission au Parlement, ainsi que la mise à disposition du grand public. S’agissant des indicateurs de performance et du rapport annuel de performances, nous en demandons la transmission chaque année au Parlement et sa mise à disposition du grand public.

C’est l’objet de l’amendement CS5302 (3e rectification), qui précise la rédaction de l’amendement CS3700, dont je demande le retrait.

L’amendement CS3700 est retiré.

Puis la commission adopte l’amendement CS5302 (3e rectification).

Amendement CS2920 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit pratiquement de la même demande qu’à l’amendement précédent, pour permettre un vrai suivi de la politique majeure de l’agriculture.

En 2013, une mission d’information a travaillé pendant six mois. Antoine Herth et Germinal Peyro avaient réalisé un travail de fond qui a alimenté le débat parlementaire. Nous n’avons rien d’équivalent cette année. Je n’ai pas été convié au débat citoyen sur le foncier, ni aucun des collègues qui ont travaillé sur ce sujet. Je n’idéalise pas les débats citoyens, et je considère que le Parlement est sous-équipé pour aborder la PAC. Mon amendement aurait pu faire l’objet d’un consensus.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je ne vous avais pas cité, mais je sais que vous avez fait cette proposition et que vous souhaitez que nous débattions de ces sujets. Nous connaissons votre engagement. Votre amendement est satisfait par l’adoption du CS530 (3e rectification), j’espère que vous ne nous en tiendrez pas rigueur.

M. Julien Denormandie, ministre. Le texte impose déjà de transmettre un rapport au Conseil économique, social et environnemental (CESE) et au Parlement. Je soutiens votre demande, mais elle ne porte pas sur le rapport, elle concerne l’organisation du débat parlementaire en amont de la finalisation du PSN. Je ne peux m’engager sur ce point, mais je me tiens à l’entière disposition des parlementaires pour répondre à toutes les questions et organiser tous les travaux nécessaires. Le PSN est une vision politique, les parlementaires doivent en discuter, et le Gouvernement est à votre entière disposition pour en débattre.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 65 ainsi modifié.

Après l’article 65

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CS3703 de Mme Yolaine de Courson.

Amendement CS4082 de M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Sur des sujets agricoles, comme l’interdiction du glyphosate ou des néonicotinoïdes, j’ai souvent appelé à tenir compte des pratiques existantes pour tracer le chemin vers l’interdiction. On m’a reproché de promouvoir une agriculture productiviste. Quand nous replaçons l’agronomie au centre du débat, qu’il s’agisse des légumineuses ou de la plantation des haies, nous dégageons des marges aux agriculteurs.

Je propose que pour toute surface de cent hectares, un kilomètre de haies bocagères soit planté. Leur intérêt pour la biodiversité et l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques est attesté. Or nos plaines en sont trop dépourvues.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Il faut en effet encourager la plantation de haies. Nous avons d’ores et déjà prévu, d’ici à 2022, dans le cadre du plan France relance, 7 000 kilomètres de haies, pour une surface agricole utile de 29 millions d’hectares. Une étude d’impact me semble nécessaire avant d’imposer d’en planter un kilomètre pour cent hectares. Retrait ou avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis un fervent défenseur de la plantation de haies. Je me suis battu pour que le plan France relance consacre 50 millions d’euros pour créer 7 000 kilomètres de haies. Mais restons modestes : depuis le début du remembrement, la France a détruit 700 000 kilomètres de haies. Aujourd’hui, la PAC interdit toute destruction de haies, et les haies qui sont détruites ne sont plus celles des agriculteurs.

Vous souhaitez aller plus vite pour le replantage. Je propose une solution dans le cadre du plan France relance. La difficulté vient du fait que, dans certaines exploitations, il n’y a jamais eu de haies. Faut-il prévoir une obligation de cette nature ? Je suis défavorable à votre amendement, tout en étant très volontaire sur le sujet.

M. Nicolas Turquois. Un kilomètre de haies pour cent hectares, ce n’est pas grand‑chose. C’est très facile à faire. Pour avoir planté des haies, je sais que cela représente quelques heures de travail la première année, et qu’ensuite ce n’est pas une charge. Il faut évidemment anticiper l’application de cette mesure, c’est pourquoi je prévois un décret d’application.

Nos concitoyens sont sensibles à leur environnement visuel. Planter une haie est d’ailleurs un facteur de pacification très fort dans les relations avec les habitants des villages qui ne travaillent pas dans le domaine agricole. Sans créer de multiples petites parcelles, l’objectif que je propose est tout à fait accessible d’ici à 2030.

Mme Sandrine Le Feur. C’est une bonne mesure. Un kilomètre pour cent hectares est effectivement un objectif atteignable. En Bretagne, des programmes comme Breizh bocage accompagnent la plantation de haies. La région fait un travail important, sous l’impulsion du vice-président Olivier Allain. Je voterai cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3068 de M. Julien Dive.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit d’une demande de rapport pour attribuer un label bas-carbone à l’agriculture de conservation des sols. Ce type d’agriculture ne pratique pas le labourage, et n’utilise donc pas de carburant pour retourner le sol avec des tracteurs. Alors qu’elle commence à avoir de l’importance, lui attribuer ce label lui donnerait un coup de pouce utile.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je partage votre volonté de soutenir l’agriculture de conservation des sols, mais le label bas-carbone est attribué à des projets, et non à des acteurs. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Le label bas-carbone pour l’agriculture de conservation est en cours de validation. L’amendement est en partie satisfait.

L’amendement est retiré.

Article 66 (article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises) : Réforme du fonctionnement du label « équitable »

Amendement CS2070 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons d’engager une réforme des labels « agriculture biologique » (AB) et « haute valeur environnementale » (HVE). Ils ont été conçus à une époque où la consommation de carbone n’était pas essentielle. Et la question sociale n’était pas un sujet : les pionniers étaient imprégnés de l’esprit coopératif et de l’éthique du partage de la valeur.

Aujourd’hui, des dérives menacent ces labels. Les transports d’intrants ou le chauffage des serres montrent que la sobriété en carbone n’est plus une évidence pour l’agriculture biologique. Il peut même devenir indispensable de la mesurer. Il en va de même pour la haute valeur environnementale : on mesure – mal – le recours aux produits phytosanitaires, mais on ne dit rien du carbone.

Plutôt que de faire des labels sur le carbone sans prendre en compte les enjeux de biodiversité ou de maîtrise de la phytopharmacie, il serait bon de rénover ces deux cahiers des charges. L’existence d’un cahier des charges AB propre à la France ouvre la possibilité d’adopter une réforme nationale qui puisse inspirer l’Europe. Quant au label HVE, il est à notre main.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Je ne crois pas que ce projet de loi soit approprié pour cette mesure. Le label agriculture biologique est européen. Par ailleurs, un audit de la certification environnementale est en cours, notamment HVE. Il pourra alimenter nos travaux. Retrait ou avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Beaucoup de travaux sont menés sur le label agriculture biologique. Il est très important de mener la revue de ce label au niveau européen, notamment pour nous assurer qu’il n’y ait pas de concurrence entre des labels bio de différents pays.

Le label HVE est défini, quant à lui, au niveau national. Nous venons de finaliser toutes les actions du plan écophyto, et nous y avons inscrit un point d’étape sur HVE. Je suis prêt à vous communiquer le cahier des charges de l’étude pour que vous y apportiez des modifications si vous le souhaitez.

M. Dominique Potier. Près de 90 % des consommateurs français connaissent le label bio français, mais pas le label européen. Il existe une marge d’expérimentation, et les acteurs de la filière le réclament, notamment l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique.

Quant au label HVE, si une demande de rapport sur ce que fait le Gouvernement n’a plus de place dans la loi, nous aurons été de vagues lanceurs d’alerte. C’est un peu décevant.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 66 sans modification.

Après l’article 66

Amendement CS2043 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Nous souhaitons proposer une TVA à taux réduit pour les biens issus du commerce équitable ainsi que l’ensemble des biens composés à 100 % de matériaux recyclés ou biosourcés.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Cette mesure a plutôt sa place dans un projet de loi de finances.

Favoriser le commerce équitable – et d’autres modes de production très éloignés des sujets qui nous occupent – sans étude d’impact n’est pas la bonne démarche. Retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 66 bis (nouveau) (article L. 640-2-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Définition des labels privés pour les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer

Amendement CS5477 de la rapporteure.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Les membres de la Convention citoyenne ont proposé de supprimer les labels privés, avant de reconnaître qu’il ne s’agissait sans doute pas de la bonne façon de procéder car ces labels sont souvent des engagements de qualité volontaires.

Nous nous sommes penchés sur la définition d’un label agricole et alimentaire, qui n’existe pas aujourd’hui. Je propose de donner une définition de la notion de label, afin de bien distinguer les signes de qualité et les allégations commerciales, qui ne sont pas certifiées.

M. Julien Denormandie, ministre. Je pense que cet amendement doit encore être travaillé. La qualité peut passer par la labellisation mais il ne faut surtout pas décourager les bonnes volontés et ralentir une dynamique. Nous devons nous assurer que les labels privés sont bien certifiés – ils pourraient être inclus dans ÉGALIM, par exemple. Avis de sagesse.

M. Antoine Herth. L’amendement devrait préciser qu’il est nécessaire de passer par une tierce certification. C’est ce qui a permis d’assurer la robustesse des démarches s’agissant du commerce équitable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 66

Amendements CS3749 de Mme Frédérique Tuffnell et CS1025 de M. Loïc Dombreval (discussion commune).

Mme Frédérique Tuffnell. Les signes de qualité existants devraient inclure des critères spécifiques portant sur l’empreinte écologique et le bien-être animal. Ces éléments sont facultatifs dans le cahier des charges, il faudrait qu’ils fassent partie de l’instruction de la candidature.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons voté le renforcement des exigences environnementales des signes d’identification de qualité et d’origine (SIQO) à l’article 48 de la loi ÉGALIM. Le décret d’application n’a pas encore été publié, mais il me semble que c’est le meilleur moyen de progresser sur ce sujet.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis. Je vous apporterai toutes les informations sur le décret d’ici à la séance publique.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS3771 de Mme Anne-France Brunet.

Mme Anne-France Brunet. Tous les établissements de plus de quatre cents mètres carrés qui pratiquent la vente alimentaire au détail devraient afficher la signification des différents labels alimentaires. Cela permettrait d’améliorer l’information du consommateur, qui se pose souvent des questions, et de valoriser les produits labellisés.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. L’idée est vertueuse mais votre proposition ne porte que sur les SIQO. Or nous commençons à définir les labels. Il n’est donc pas possible, à ce stade, de voter votre amendement. Je vous propose d’en discuter, et de réfléchir à l’enjeu de l’affichage. Si celui-ci est apposé en caisse, le consommateur aura déjà mis dans son panier les produits. Nous devons réfléchir à un dispositif plus déterminant sur l’acte d’achat.

Mme Anne-France Brunet. En effet, placer l’affichage à la sortie des caisses n’est pas la meilleure solution. Mais nous devons au moins prévoir un affichage. La demande en a été faite par les douze participants à la convention citoyenne que j’ai organisée dans ma circonscription. Je suis prête à retravailler à cet amendement d’ici à la séance.

M. Gérard Leseul. Je soutiens cet amendement de bon sens, peut-être faudrait-il simplement prévoir l’affichage à l’entrée des caisses.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CS2080 de M. Dominique Potier et CS2258 de Mme Laurence Trastour-Isnart, amendement CS1385 de M. Mohamed Laqhila et amendement CS447 de M. Pierre Vatin (discussion commune).

M. Dominique Potier. Nous souhaitons renforcer la structuration du commerce équitable. Beaucoup d’initiatives sur le partage de la valeur ont été proposées par des consommateurs, et la rapporteure a émis l’idée d’un « rémunéra-score », qui a suscité l’intérêt du ministre. Je partage cet intérêt. Mais faut-il multiplier les allégations, ou devrions-nous faire du commerce équitable ou de l’économie sociale et solidaire un indicateur de RSE permanent, comme l’ont proposé à de multiples reprises les députés socialistes ? Cela permettrait de clairement identifier les entreprises qui partagent la valeur à toutes les étapes, plutôt que de multiplier les indicateurs dans tous les sens. Le renforcement de l’économie sociale et solidaire est peut-être la vraie solution.

M. Pierre Vatin. La structuration et le déploiement des filières françaises de commerce équitable ne bénéficient d’aucun soutien public. Des actions transversales structurées doivent être mises en place pour les aider.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure. Monsieur Potier, la question est davantage celle de la rémunération des producteurs et des efforts qui peuvent être faits à ce niveau. Nous connaissons l’engagement du ministre dans les négociations commerciales, pour faire progresser les rémunérations. Le « rémunéra-score » permettrait de donner une information immédiate et lisible au consommateur pour qu’il prenne ses responsabilités vis-à-vis du producteur lors de l’acte d’achat.

Monsieur Vatin, le collectif commerce équitable France s’organise tout seul. Je laisse le ministre s’exprimer sur l’opportunité d’un plan d’action.

M. Julien Denormandie, ministre. L’inclusion des produits issus du commerce équitable dans les obligations ÉGALIM, que vous avez votée, va induire une restructuration très forte de la filière.

Monsieur Vatin, le plan France relance prévoit une dotation de 50 millions d’euros pour la structuration de la filière, et la production équitable peut répondre à l’appel à projets en cours.

M. Antoine Herth. Je ne suis pas favorable à ces amendements. Il faut réserver le concept de commerce équitable aux relations Nord-Sud, pour qu’il soutienne l’aide au développement. Je regrette qu’on l’ait appliqué à des produits issus de filières nationales, pour lesquelles nous disposons d’autres outils, comme les SIQO et les démarches de l’économie sociale et solidaire.

Cette généralisation affaiblit la notion de commerce équitable et brouille l’esprit du consommateur.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS2071 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je propose de dresser le bilan de ce qui a été décidé dans l’article 66 pour nourrir la dimension sociale des labels HVE et AB.

Il faudrait que nous ayons peu de certifications, mais qu’elles soient globales. Par exemple, la rémunération ne concerne pas que les agriculteurs, Madame la rapporteure : je suis très sensible aux faibles salaires des travailleurs dans l’industrie agroalimentaire ou les services à l’agriculture. Si nous trouvions des modèles de construction du prix qui permettent de rémunérer justement à toutes les étapes de la filière, nous aurions un indicateur solide.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis défavorable. Le sujet mérite des heures de débat. Nous avons abordé la question des labels AB et HVE ; la rémunération est un enjeu très important et nous pourrons discuter en séance de l’opportunité d’aller au-delà des dispositions de la loi ÉGALIM.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous avons terminé l’examen du titre V.

14.   Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 21 heures

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous reprenons nos travaux avec Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et M. Erwan Balanant, rapporteur pour le titre VI. Cent-quatre-vingt-deux amendements restent en discussion. Peut‑être pourrons-nous terminer ce soir l’examen du texte ?

Titre VI
Renforcer la protection judiciaire de l’environnement

Avant l’article 67

Amendement CS2445 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Il s’agit de compléter le III de l’article L. 110‑1 du code de l’environnement en y intégrant la protection des limites planétaires, notion définie à la page 638 de l’étude d’impact, afin de donner de l’ambition à notre politique environnementale.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour le titre VI. Nous avons tous conscience que les limites planétaires sont parfois atteintes mais cette notion, encore fluctuante, doit être scientifiquement précisée. De plus, son application en France supposerait d’établir des critères relativement complexes. Demande de retrait.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Cette question a été soulevée notamment par les membres de la Convention citoyenne pour le climat et devra être approfondie. La notion de limites planétaires est en effet encore juridiquement trop floue et lui conférer la même importance que des principes généraux aux implications concrètes rendrait l’application de la loi problématique. Enfin, la question des modalités de la prise en compte des limites planétaires dans le droit de l’environnement fait partie des thèmes de réflexion de la mission temporaire que le Premier ministre a confiée à Cécile Muschotti. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à voir s’il est possible d’avancer dans ce cadre.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS2446 de M. Gérard Leseul et CS737 de Mme Delphine Batho (discussion commune).

M. Gérard Leseul. La question des limites planétaires doit être au cœur de nos travaux mais je participerai volontiers à ceux de la mission. Cet amendement définit explicitement cette notion, qui doit être prise en compte si nous voulons vivre dans un environnement plus sain.

M. Cédric Villani. Il est en effet urgent d’intégrer cette notion dans le code de l’environnement. Ces dernières années, la question des limites planétaires s’est invitée dans le débat scientifique et sociétal. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le budget carbone de la Stratégie nationale bas-carbone se réduit comme peau de chagrin, de même que les terres rares, les ressources en cuivre, la biodiversité – les mammifères sauvages ne représentent plus que 4 % de l’ensemble de la population des mammifères ; on compte les ressources agricoles qui permettront de nourrir l’humanité, on compte les forêts…

Il va de soi, par ailleurs, que les limites planétaires sont définies en l’état actuel des connaissances scientifiques.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Mais qui définira ce qu’elles sont pour nous, sur notre territoire ? Sans doute le rapport de Mme Muschotti sera-t-il l’occasion d’avancer sur ce point. À cela s’ajoute qu’une inscription dans la loi emporterait des conséquences juridiques qui compliqueraient la donne. Avis toujours défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il importe que ce concept soit au cœur du débat public pour mieux faire comprendre ce à quoi nous sommes exposés et ce que doivent être les limites de notre action mais sa définition juridique en vue de son application concrète relève de l’étape suivante, que nous ne sommes pas prêts à franchir. Enfin, une inscription juridique des limites planétaires dans le droit de l’environnement, à laquelle je suis favorable à terme, risque d’entraîner à ce stade un grand nombre de contentieux, d’où une demande de retrait.

M. Cédric Villani. Je maintiens cet amendement essentiel et je me permets d’insister. Nous nous demandons tous les jours quelles décisions notre société doit prendre compte tenu de ce que sont les limites planétaires. Il y a pléthore d’instances scientifiques, en France et dans le monde, qui s’attachent à les définir : l’Académie des sciences, le GIEC, de nombreuses Hautes autorités. Le consensus existe sur leur nature et sur les devoirs qu’elles nous imposent.

M. Gérard Leseul. Je remercie M. Villani pour son amendement très complémentaire et je regrette votre refus de cette disposition, tant dans sa version courte, qui renvoie à des décrets et à des discussions, que dans sa version détaillée. L’important, c’est l’inscription du principe du respect des limites planétaires.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 67 (article L.173‑3‑1 [nouveau] du code de l’environnement et article L. 1252‑5 du code des transports) : Création d’un délit de mise en danger de l’environnement

Amendements de suppression CS2448 de M. Gérard Leseul et CS3244 de M. Julien Aubert.

M. Gérard Leseul. Nous débattons de la question de l’écocide depuis les années 1970, notion que nous avons reprise dans une proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide en 2019 et qui figure dans la Convention citoyenne pour le climat. Ou on en parle sérieusement, ou on se rabat sur le plan délictuel, comme le dispose cet article et, dans ce cas-là, nous prenons le risque d’être inefficaces.

M. Julien Aubert. Les articles à venir déploient un arsenal d’écologie punitive mais celui-ci est rédigé d’une manière un peu particulière puisqu’il vise une exposition « à un risque immédiat d’atteinte grave et durable » pour l’environnement. Cette définition, un rien confuse, sera précisée par les juges mais si elle permettra de sanctionner de vrais pollueurs, elle pénalisera également des gens de bonne foi, visés par des associations qui ne cherchent pas tant à lutter contre la pollution qu’à éradiquer les industries dans notre pays.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Monsieur Leseul, il n’est pas question, ici, de l’écocide mais d’un délit de mise en danger de l’environnement. Je vous trouve d’ailleurs un peu sévère sur ce qui constitue une avancée notable. La preuve : M. Aubert juge que nous allons beaucoup trop loin !

Monsieur Aubert, il n’est pas non plus question d’écologie punitive : les entreprises sont protégées et bénéficient d’un certain nombre d’autorisations mais il est normal que, si elles ne les respectent pas, elles soient sanctionnées.

Mme Barbara Pompili, ministre. Ceux qui essaient de promouvoir une politique de transition écologique aussi équilibrée que possible connaissent bien ce genre de discussion : pour les uns, on en fait trop, pour les autres, pas assez.

Cet article constitue une avancée non négligeable pour notre droit en créant une circonstance aggravante de mise en danger de l’environnement pour les infractions communes applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les infractions aux règles du transport de marchandises dangereuses lorsqu’elles « exposent directement la faune, la flore, ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable ». J’ajoute que « sont considérés comme durables (…) les atteintes susceptibles de durer au moins dix ans » et qu’il n’est pas question d’attaquer ceux que M. Aubert appelle les « gens de bonne foi ».

Enfin, cette circonstance aggravante est définie sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui prévu par l’article 223-1 du code pénal afin de favoriser la répression de comportements illicites créant un risque d’atteinte à l’environnement et de renforcer la prévention. Ces infractions aggravées sont punies « de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction » en raison de l’ampleur du risque, qui peut concerner des espaces importants, et du caractère potentiellement lucratif de cette prise de risque.

En respectant le principe de la proportionnalité des peines, cet article permet d’assurer un équilibre entre la répression des atteintes à l’environnement et la nécessaire sécurité juridique mais, aussi, une meilleure articulation avec la police administrative.

Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Si une entreprise commet ce type d’infraction, les personnes qui vivent autour du sinistre pourront de toute façon invoquer la mise en danger de la vie d’autrui. Par ailleurs, contaminer des êtres humains ou des tortues ne relève pas à mon sens de la même échelle juridique.

Enfin, quid de l’intentionnalité, qui vise précisément à justifier l’alourdissement des peines ? Il n’en est pas question dans cette rédaction, sinon à considérer qu’elle repose sur cette finalité que serait la nature. Une entreprise qui, involontairement, dépasserait tel ou tel seuil réglementaire tomberait automatiquement sous le coup de ce délit.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CS2472 de Mme Delphine Batho, CS2930 de M. Matthieu Orphelin, CS2449 de M. Gérard Leseul et CS2950 de Mme Naïma Moutchou (discussion commune).

M. Cédric Villani. Cet article part certes d’un bon sentiment mais ses dispositions ne sont pas opérationnelles. Il convient de mieux définir ce dont il est question et de le réécrire.

M. Gérard Leseul. Il convient en effet de compléter sa rédaction pour créer un véritable délit général de mise en danger de l’environnement autonome du droit administratif. La création d’une infraction de risque suppose de distinguer, d’une part, l’imprudence ou la négligence et, d’autre part, la réalisation du dommage. Le champs d’application de cet article doit être précisé – milieux physiques et biodiversité – en particulier dans la définition du risque.

Mme Naïma Moutchou. Cet article constitue une avancée que je considère comme historique et je salue le courage politique qui a présidé à sa rédaction mais je considère que celle-ci pourrait être clarifiée.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il est vrai, madame Moutchou, que cet article constitue une avancée et peut-être pourrons-nous en effet améliorer encore sa rédaction, conformément à notre vocation de parlementaires.

Je suis néanmoins défavorable à l’adoption de ces amendements. La définition d’un champ d’infraction beaucoup plus large ne me paraît pas pertinente car il convient d’être précis et d’en rester à un nombre de cas précis qui concernent notamment les ICPE et les IOTA, sinon, le risque de contentieux sera immense alors même que nous avons des difficultés à régler ceux qui sont en cours.

Mme Barbara Pompili, ministre. La mention d’un « risque immédiat d’atteinte grave et durable » nous semble plus précise et plus adaptée que celle d’un « risque immédiat de dégradation substantielle », comme le prévoit l’amendement défendu par M. Villani.

De plus, l’application du régime de la criminalité organisée nous paraît excessive pour un délit pour lequel ce régime ne présente aucun intérêt – perquisitions dérogatoires, procédures d’infiltration, etc.

L’amendement soutenu par M. Leseul prévoit que « Le tribunal peut en outre condamner la personne poursuivie aux peines complémentaires prévues par le code pénal », or, il implique une indétermination juridique des peines complémentaires encourues pour cette nouvelle infraction.

Enfin, madame Moutchou, je vous remercie pour vos propos mais nous préférons la rédaction actuelle afin de maintenir l’équilibre de la nouvelle incrimination, qui vise non un comportement ayant entraîné un dommage à l’environnement mais « un risque immédiat d’atteinte grave et durable », ce qui permet de ne réprimer que les comportements les plus dangereux.

Avis défavorables.

M. Julien Aubert. Mme Moutchou a raison : ce texte est perfectible. C’est même un euphémisme et des gisements de productivité inexploités nous attendent. Je préfère d’ailleurs la rédaction qu’elle propose, qui mentionne « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence… », ce qui inclut l’intentionnalité et qui constitue comme tel un pas supplémentaire vers une plus grande rationalité.

M. Cédric Villani. Il est clair que le compte n’y est pas. Parmi ces amendements, plusieurs se fondent sur les recommandations du rapport Une justice pour l’environnement de l’Inspection générale de la justice et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Il n’y a aucune raison de douter de leur bien-fondé.

Mme Bénédicte Peyrol. La recommandation n° 12 invite précisément à l’élargissement de ce délit et ce rapport préconise la constitution d’un groupe de travail « afin de répondre à l’urgence de refonder le droit pénal de l’environnement » mais, aussi, de travailler à la lisibilité du droit de l’environnement, que certains juristes appellent « le droit des ingénieurs », tant la sécurité juridique des entreprises est essentielle. Il en va aussi de l’acceptabilité de ce nouveau droit.

Enfin, monsieur Aubert, la mise en danger de l’environnement est précisément la novation de ce texte…

M. Julien Aubert.  J’avais compris…

Mme Bénédicte Peyrol. …ce qui nous permet d’aller beaucoup plus loin qu’avec la mise en danger de la vie d’autrui.

M. François-Michel Lambert. Une usine de production d’alumine de Gardanne, après dix ans d’investissements, pouvait stocker à terre les déchets de bauxite, les « boues rouges » ; or, rachetée avec la bénédiction de l’État par une société installée dans les Îles Vierges, ces déchets seront désormais rejetés au large des côtes africaines, délit que permettrait de sanctionner l’amendement de M. Leseul, que je soutiens.

Mme Cécile Untermaier. Cet article constitue en effet une avancée en dissociant la commission de faits et le risque mais j’ai le sentiment qu’il demeure insatisfaisant d’un point de vue juridique.

Les amendements de M. Leseul et de Mme Moutchou introduisent la notion de violation d’une obligation. Qu’elle soit « manifestement délibérée », « délibérée » ou non – nous devrons toutefois y réfléchir tant la notion de « bonne foi » est importante – la « mise en danger de l’environnement » gagne en lisibilité dès lors qu’elle est juridiquement concrétisée. Sans doute faudrait-il réfléchir à la rédaction d’un amendement pour la séance publique.

Mme Naïma Moutchou. Je retire mon amendement mais le caractère intentionnel doit être juridiquement pris en considération.

L’amendement CS2950 est retiré.

M. Alexandre Holroyd. Le rapporteur et la ministre pourraient-ils nous donner quelques explications sur cette notion d’intentionnalité ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS4112 de Mme Annie Chapelier.

M. Antoine Herth. Mme Chapelier est actuellement à Mayotte, pour deux semaines. Elle a enfilé sa blouse d’infirmière-anesthésiste pour renforcer une équipe de sapeurs‑pompiers de Marseille, partis prêter main-forte aux soignants dans une situation sanitaire compliquée. Nous lui souhaitons beaucoup de succès dans sa lutte pour la vie. (Applaudissements.)

L’amendement est défendu.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement vise à supprimer la notion d’immédiateté du risque. Elle peut certes représenter une contrainte supplémentaire, qui nuit à l’effectivité. Mais s’il n’est pas immédiat, par définition, le risque n’existe plus. C’est pourquoi je vous demanderai de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même avis. L’article concerne les entreprises qui ont déjà subi une mise en demeure. Si elles ne la respectent pas, l’intentionnalité est clairement établie. C’est pourquoi, selon l’ensemble des juristes que nous avons interrogés, la définition de l’intentionnalité ne pose pas problème.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS3895 de Mme Frédérique Tuffnell et CS1325 de M. Loïc Dombreval (discussion commune).

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement CS3895 revient sur la notion d’atteinte « grave et durable ». Il est en général impossible de dire en amont que le risque d’atteinte à la faune, à la flore ou à la qualité de l’eau est susceptible de perdurer pendant au moins dix ans. C’est la raison pour laquelle il est proposé de prévoir un risque d’atteinte « non négligeable » à l’environnement, comme l’article 1247 du code civil le prévoit pour le dommage écologique.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La remarque est intéressante, et pose certaines questions. Ce nouveau délit, s’il est créé, doit pouvoir concerner un certain nombre d’acteurs. Nous avions pensé écrire « substantielle » au lieu de « grave et durable », mais le mot était déjà employé à l’article L. 173-3. Pour qualifier une forme de circonstance aggravante, nous avons donc opté pour « grave et durable ». Je proposerai par la suite un amendement qui revoit la question de la durabilité, telle qu’elle a été fixée, à dix ans. Nous en discuterons tout à l’heure. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CS3895 et CS1325.

Amendement CS902 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La formulation « de l’avantage tiré de la commission de l’infraction » semble un peu molle. L’amendement vise à la remplacer par les mots : « du gain retiré par l’auteur de l’infraction du fait de la commission de celle-ci, qu’il s’agisse d’un gain financier d’ordre direct ou indirect », afin que les auteurs puissent être punis même si le lien n’est pas établi.

M. Erwan Balanant, rapporteur. On connaît votre rigueur juridique, monsieur Aubert, mais votre rédaction semble un peu tirée par les cheveux, si j’ose dire. L’expression « l’avantage tiré de la commission de l’infraction » est déjà employée, et fonctionne très bien, notamment pour caractériser un avantage financier, qu’il soit direct ou indirect.

L’amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. La notion d’« avantage » est bien définie et ne comprend aucune indétermination. Elle n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune remarque de la part du Conseil d’État. Vous pouvez être rassuré sur ce point, monsieur Aubert.

Par ailleurs, l’expression « gain financier » est trop restrictive car, la plupart du temps, les infractions sont commises non pour en retirer un gain mais pour éviter une dépense. Ce n’est pas tout à fait la même chose. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. François-Michel Lambert. L’amendement renvoie à la situation que j’ai évoquée, celle d’une société qui vient de racheter une entreprise française au tribunal administratif, qui a obtenu l’autorisation d’en fermer la moitié, avec les conséquences sociales que vous pouvez imaginer, et qui relargue en Guinée les fameuses boues rouges. Relève-t-elle de ce sur quoi nous travaillons à l’article 67, à savoir un écocide ? Je pense que vous avez bien compris ce que je voulais dire.

M. Julien Aubert. Vous dites qu’il est sous-entendu que l’avantage tiré de la commission de l’infraction peut être direct ou indirect. Je vous propose de l’écrire noir sur blanc dans l’article. Ainsi, on saura ce que l’on vise – c’est mieux en le disant.

Par ailleurs, il ne faut pas jouer sur les mots : quand vous évitez une dépense, vous retirez un gain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS900 de M. Julien Aubert et amendements identiques CS3336 de M. Thibault Bazin et CS4914 de M. Guillaume Kasbarian (discussion commune).

M. Julien Aubert. L’amendement CS900 vise à insérer après l’alinéa 2, l’alinéa suivant : « Lorsque ces faits peuvent faire l’objet d’une mise en demeure prononcée par l’autorité administrative compétente, l’infraction ne peut être constituée qu’après l’expiration du délai de mise en conformité prévue par cette mise en demeure pour satisfaire à l’obligation particulière de sécurité et de prudence mentionnée au premier alinéa. »

Certaines entreprises peuvent ne pas se rendre compte qu’elles ont violé un seuil réglementaire, alors qu’elles sont encore dans le champ administratif. Avant irruption du juge, une autorité administrative compétente peut les prévenir du dépassement. Pour une centrale nucléaire, par exemple, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) indique à l’entreprise si les seuils ont été dépassés. Si l’entreprise ne tient pas compte de cet avertissement ou de la mise en demeure, et poursuit son action, ce qui rejoint notre discussion sur le côté délibéré, le juge intervient. Au contraire, si on recourt d’emblée au juge, on bascule immédiatement dans le pénal. Il faut sérier les deux étapes. Cela a d’ailleurs été une demande lors des auditions, M. le rapporteur s’en souvient. Une telle disposition n’est pas disproportionnée eu égard à la lourdeur des peines requises.

M. Guillaume Kasbarian. Mon argumentation rejoint celle de Julien Aubert. Mme la ministre, en réponse aux questions de Mme Moutchou et Mme Untermaier, pour caractériser l’intentionnalité, a précisé que l’entreprise avait reçu une mise en demeure, et s’y était éventuellement conformée. Dans la même logique, l’amendement CS4914 permet de sécuriser le principe d’une mise en demeure préalable à la déclaration du délit, afin que l’autorité administrative compétente puisse contraindre l’entreprise à mettre en conformité ses installations dans une période de temps définie. Il serait de nature à mieux caractériser l’intentionnalité. Le principe de mise en demeure permet ainsi de sécuriser le dispositif.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Tels qu’ils sont rédigés, les amendements, notamment les amendements identiques CS3336 et CS4914, comportent un fort risque. Par exemple, si une autorité administrative ne procède pas à la mise en demeure de l’entreprise, ou si un préfet prend une mesure dilatoire – cela n’arrive jamais !  – la pollution s’accroîtra. Dans l’intentionnalité, il y a la mise en demeure, ainsi que le non-respect d’une règle existante. Quand vous êtes au volant en voiture, la règle est de ne pas dépasser 130 kilomètres à l’heure sur les autoroutes ou 80 kilomètres à l’heure sur les voies départementales. Les amendements posent donc problème. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous invite à lire les articles L. 173-1 et L. 173‑2 du code de l’environnement, mentionnés à l’article 67. Il est fait mention des mises en demeure et de leur non-respect, dans presque tous les cas, sauf à l’article L. 173-1, ceux qui traitent d’une exploitation illégale, par définition intentionnelle. Les amendements sont satisfaits. J’en demande le retrait. À défaut, j’émets un avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Que M. Bazin et M. Kasbarian déposent le même amendement me rend attentif. Par ailleurs, je l’ai dit au début de la discussion, la rédaction du texte pose problème, au-delà du fait de savoir si nous sommes d’accord ou pas.

Enfin, je ne partage pas votre lecture, madame la ministre. Les deux articles avant lesquels nous comptons insérer le nouvel article L. 173-3, font effectivement référence à des mises en demeure. Mais l’article L. 173-3 rappelle les faits cités aux articles, non les mises en demeure. Vous venez créer une forme de circonstance aggravante, pour des faits qui sont déjà punis par ailleurs, lorsqu’ils sont commis « en exposant directement la flore, la faune, à un risque immédiat d’atteinte grave et durable ». Vous ne vous insérez pas dans la procédure des articles précédents.

M. Guillaume Kasbarian. Je suis très inquiet qu’en l’absence de mise en demeure, on puisse poursuivre une entreprise et considérer qu’il y a eu intentionnalité. Que se passe-t‑il si le préfet ne fait pas de mise en demeure ? On considérera que l’entreprise est dans une situation d’intentionnalité alors qu’il n’y a pas eu de mise en demeure. J’ai peur que l’on ne mette en insécurité certaines entreprises car je ne vois pas comment on s’assurera de l’intentionnalité.

M. Nicolas Turquois. Je me joins aux propos de mon collègue, Guillaume Kasbarian. J’ai rencontré des chefs d’entreprises au sujet de process complexes : M. le rapporteur a cité la règle des 130 kilomètres par heure, qui est connue et simple à vérifier, mais certains dispositifs de production sont beaucoup plus subtils. J’ai entendu une appréhension particulière des entrepreneurs de se trouver en situation de risque aggravé eu égard à la pollution, du fait de cet alinéa. La notion de mise en demeure a un aspect compréhensible, que je ne retrouve pas dans ce texte.

M. Alexandre Holroyd. Mme la ministre et M. le rapporteur semblent ne pas avoir exactement la même interprétation du texte. Celle de Mme la ministre est limpide ; M. le rapporteur a émis un doute sur le fait que la mise en demeure était automatique. La différence d’interprétation que vous semblez avoir du texte crée l’inquiétude sur ces bancs.

M. Erwan Balanant, rapporteur. La lecture intégrale de l’article L 173-1 vous permettrait de comprendre à quoi l’article dont nous parlons fait référence. Monsieur Schellenberger, vous êtes un brillant membre de la commission des lois, nous le savons : lisez l’article, vous comprendrez.

Le texte mentionne bien qu’il est question des « faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 ». Il suffit de les lire pour comprendre l’articulation. Cette mise en danger est une circonstance aggravante de ce que prévoient les articles L. 173-1 et L. 173-2.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il me semble que l’on crie avant d’avoir mal, et que l’on se fait peur pour se faire peur. L’article L. 173-1 traite de plusieurs cas. Premier cas : l’exploitation illégale, avec une intentionnalité et des sanctions, qui sont aggravées. Ce cas ne pose problème à personne.

Deuxième cas : la violation d’une « mesure d’arrêt de suspension ou d’interdiction prononcée par le tribunal » ou d’une mesure de retrait d’une autorisation. Cela signifie qu’un acte administratif demande l’arrêt de l’activité. Sinon, l’intentionnalité est caractérisée.

Troisième possibilité, au 5° du II. : le non-respect d’une mise en demeure c’est-à-dire d’un acte administratif. Il est question non d’entreprises qui ne seraient pas au courant d’un dépassement mais de structures qui, soit font une entreprise illégale, en toute connaissance de cause, soit poursuivent l’exploitation alors qu’on leur a demandé de l’arrêter, soit ont reçu une mise en demeure et ne l’ont pas respectée.

Quant à l’article L. 173-2, il prévoit clairement les sanctions pour une mise en demeure non respectée.

Il s’agit donc de cas précis d’entreprises qui ne jouent pas le jeu alors qu’elles ont été alertées et ont reçu des actes administratifs. Ce n’est pas celles qui ne seraient pas sûres de bien respecter la loi. Il faut arrêter de faire peur aux entreprises : une entreprise ne risque rien à partir du moment où elle respecte la loi et ne se trouve pas dans ces cas. On est en train de faire monter une mousse, qui n’a aucun sens. Restons sur les faits, cela rassurera tout le monde. Nous essayons de rédiger un dispositif bien encadré, caractérisé, proportionné, qui va dans le sens de ce que nous souhaitons tous.

La commission rejette successivement l’amendement CS900 et les amendements identiques CS3336 et CS4914.

Amendements identiques CS5493 du rapporteur, CS1326 de M. Loïc Dombreval et CS2628 de Mme Cécile Untermaier, et amendement CS3018 de Mme Fiona Lazaar (discussion commune).

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement CS5493 fera sûrement débat. Je propose de supprimer l’alinéa 3 de l’article 67 : « Sont considérées comme durables, au sens du présent article, les atteintes susceptibles de durer au moins dix ans ». Tous les acteurs que nous avons auditionnés ont dit que cette phrase rendait le dispositif ineffectif. Un grand nombre d’atteintes ne durent pas dix ans, tout en étant durables et graves pour l’écosystème. Il vaut mieux laisser au juge la capacité de décider ce qui sera grave et durable, au cas par cas, selon les situations. Si l’on veut que l’article 67 fonctionne et punisse ceux qui trichent, il faut le clarifier, en supprimant l’alinéa 3.

Mme Cécile Untermaier. Je me range à l’analyse du rapporteur. La notion de « risque grave » n’est pas précisée ; curieusement, celle de durabilité l’est. Cette absence de parallélisme des formes me gêne pour un texte qui sera ajouté à un code. Par ailleurs, le juge sera gêné d’avoir à apprécier une durabilité de dix ans.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis favorable aux amendements CS5493, CS1326 et CS2628. L’amendement CS3018 est un peu moins clair : je lui donne un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Une fois n’est pas coutume, je vous demanderai de retirer ces amendements. On a besoin de définir ce qui est durable. Si on laisse le juge entièrement libre d’apprécier la durabilité, on risque d’avoir des difficultés à établir une jurisprudence. C’est pourquoi nous considérons qu’il est important d’inscrire dans la loi que les atteintes durables sont celles susceptibles de durer au moins dix ans. Cela permet de donner une base, sur laquelle le juge pourra se fonder. Le caractère durable sera naturellement établi par des expertises de personnes compétentes. En gardant l’alinéa 3, on garantit une sécurité juridique des dispositions. On en évite une lecture par le juge, qui rendrait le délit inopérant.

C’est pourquoi je vous demande de retirer les amendements.

M. Antoine Herth. Je suis dubitatif sur l’amendement CS5493 du rapporteur. L’ambiguïté réside dans la question de savoir si l’atteinte est la cause ou la conséquence. Si on se focalise sur la conséquence, on peut considérer qu’une atteinte qui s’étale sur dix ans est très grave et qu’il faut sévir en conséquence. Le rapporteur semble considérer la cause, pour dire qu’elle n’a pas besoin de se répéter pendant dix ans pour être grave. L’atteinte peut survenir en une semaine, une journée, un mois. Il y a là une ambiguïté qu’il faudra clarifier en séance.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je me rangerai du côté de la ministre. En ne précisant pas la durée de dix ans, on crée une incertitude juridique importante pour les entreprises, ce que nous ne souhaitons pas. L’article 67 crée une vraie gradation entre les peines : pour une atteinte ni grave ni durable, on encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Nous créons une gradation supplémentaire, qu’il faut qualifier. Cette atteinte « grave et durable » est punie de trois ans d’emprisonnement, et de 300 000 euros d’amende. Nous respectons la gradation de la peine. Il faut absolument préciser ce que l’on entend par « durable ».

M. Julien Aubert. Il faut se demander s’il revient aux juges ou au Parlement de déterminer ce qui est durable c’est-à-dire si nous sommes plus ou moins compétents qu’un juge en la matière. Si nous n’inscrivons pas de durée, le juge la déterminera. On ne peut pas se plaindre du « gouvernement des juges », et ne pas jouer notre rôle.

Par ailleurs, il y a une différence entre les durées, par exemple, dans le cas du nucléaire, entre des doses ponctuelles et la radioactivité calculée sur une année. La radioactivité de Tchernobyl, qui dure plusieurs années, n’est pas la même chose qu’une brusque augmentation de la dose. L’exposition à une dose ponctuelle de 100 microsieverts suscite des risques de cancer, mais celle d’une radiothérapie atteint 2 000 microsieverts. Les marges d’interprétation peuvent être très variées. Il faut y faire attention, et garder la notion de durée.

M. Nicolas Turquois. J’entends les arguments de mes collègues. J’apparais parfois en retrait sur les questions environnementales, mais, là, je m’interroge sur l’image que nous renvoyons à nos concitoyens avec une durée aussi longue : dix ans c’est une éternité ! C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement CS5493 du rapporteur.

M. Cédric Villani. M. Turquois l’a bien dit, dix ans, c’est une éternité. Il faut une loi qui soit efficace. Lorsque le préjudice surviendra, bien souvent, il sera impossible d’en établir la durée. Une durée uniforme de dix ans, par rapport à des environnements qui peuvent être de nature très variable, n’a guère de sens scientifique, le rapporteur l’a bien dit. Lors des auditions, les experts ont appelé l’attention sur le fait que les dix ans n’étaient pas adaptés à la nature de ce délit.

M. François-Michel Lambert. Si on retient la durée de dix ans, que se passe-t-il à neuf ans trois-quarts ? Par ailleurs, le cabinet Huglo Lepage a alerté sur le fait que les délais de prescription couraient souvent sur six ans seulement. Il semble donc qu’il ne faille pas mettre de bornes. Je soutiens donc les amendements CS5493, CS1326 et CS2628.

Mme Cécile Untermaier. La question du seuil est toujours complexe : on pense faciliter le travail du juge, mais ce n’est pas le cas. Le juge passera son temps en expertises et contre-expertises pour savoir si la durée de dix ans est atteinte ou non. Le texte évoque une atteinte « grave et durable ». Un équilibre se trouve : quand l’atteinte est grave, on peut penser qu’elle est durable, et parce qu’elle est grave, elle est durable. On se rassure à bon compte avec une durée qui n’aura pas de caractère opérant pour le juge.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’alinéa 3 vise à préciser la durée d’une mise en danger, c’est-à-dire d’un événement qui n’a pas lieu. Bon courage aux juges !

Par ailleurs, combien de préjudices écologiques détectés ces dernières années ont duré plus de dix ans ? Si une atteinte à l’environnement détruit la faune et empêche un cycle de reproduction, sa durée pourra être estimée à deux ans, comme dans le cas du naufrage de l’Erika ; or je considère, pour ma part, qu’il s’agit d’un préjudice très grave et durable. Il se peut ainsi qu’un événement très grave soit bref, mais que ses effets soient durables. Tout cela est compliqué.

À l’origine, je n’étais pas opposé à ce seuil de dix ans, mais les nombreux spécialistes que j’ai auditionnés m’ont alerté quant au risque de créer du contentieux. Mme Untermaier l’a bien dit, nous allons nous perdre en expertises et contre-expertises, et la belle avancée que nous nous apprêtons à voter ne sera pas effective.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis désolé, monsieur Balanant, de ne pas être tout à fait d’accord avec vous – c’est la première fois depuis que nous avons commencé l’examen de ce texte, il y a plus de dix jours. Vous sous-entendez que lorsqu’une atteinte à l’environnement ne remplit pas les critères lui permettant d’être qualifiée de grave et durable, il ne se passe rien. C’est faux : de tels faits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Admettez que c’est déjà beaucoup ! L’article 67 crée une gradation ; pour que l’infraction plus grave soit constituée, il faut que son intentionnalité soit caractérisée. Ces deux niveaux de peine me paraissent proportionnés.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5390 de Mme Annie Chapelier.

Amendement CS5494 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le I de l’article L. 541-3 du code de l’environnement prévoit que, lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement et des règlements pris pour leur application, à l’exception des prescriptions prévues au I de l’article L. 541-21-2-3, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut mettre en demeure le producteur ou détenteur des déchets d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation. La complexité des références que je viens de citer nous amène à nous interroger sur l’opportunité d’une recodification de toutes ces dispositions – nous y reviendrons plus tard.

Mon amendement vise à compléter l’article L. 541‑46 du code de l’environnement pour prévoir que, lorsque le non-respect de cette mise en demeure expose directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable, il est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

Des faits tels que l’enterrement de fûts en forêt, commis par des bandits se livrant à des trafics de déchets, pourront ainsi être réprimés plus efficacement. Il s’agit là d’une belle avancée.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est effectivement une très belle avancée, à laquelle je suis tout à fait favorable. Cet amendement renforce utilement la répression contre les comportements de certains réseaux mafieux qui enterrent des fûts de produits chimiques dans des terrains vagues ou en forêt. Nous avons besoin de renforcer l’arsenal judiciaire en la matière et de créer cette circonstance aggravante.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS4114 et CS5388 de Mme Annie Chapelier.

Amendement CS5391 de Mme Frédérique Tuffnell ; amendements identiques CS1338 de. M. Loïc Dombreval et CS5409 et CS5447 de Mme Souad Zitouni (discussion commune).

Mme Frédérique Tuffnell. L’amendement CS5391 vise de nouveau à remplacer les mots « grave et durable » par les mots « non négligeable », cette fois à l’alinéa 7. En conséquence, il conviendrait de supprimer l’alinéa 8.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements, pour les mêmes raisons qu’à l’alinéa 2.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5449 de M. Julien Aubert.

Amendements identiques CS5495 du rapporteur, CS348 de Mme Souad Zitouni, CS1346 de M. Loïc Dombreval, CS2629 de Mme Cécile Untermaier et CS5392 de Mme Souad Zitouni.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement CS5495 est le pendant de l’amendement CS5493, que la commission a rejeté tout à l’heure. Cette fois, je vous invite à voter dans le bon sens : il me suffira alors de déposer un amendement de coordination en séance. (Sourires.)

Mme Barbara Pompili, ministre. Bien tenté, monsieur le rapporteur ! Le Gouvernement reste défavorable à la suppression de la mention de la durée de l’atteinte.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 67 ainsi modifié.

Après l’article 67

Amendement CS1014 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à permettre une sanction adaptée des comportements qui mettent en danger l’environnement, pour éviter qu’un dommage ne se produise.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous avons déjà débattu tout à l’heure d’amendements similaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS997 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à permettre aux victimes d’infractions environnementales d’adresser directement une plainte aux fonctionnaires et agents de l’administration chargés de certaines fonctions de police judiciaire. Il s’agit d’une mesure de simplification, tant pour le bureau d’ordre du parquet que pour les victimes, puisque toutes les plaintes relatives à la même infraction seront regroupées dans une seule procédure. Les victimes identifiées, souvent oubliées à l’issue de l’enquête, pourront être davantage invitées à participer aux procédures alternatives aux poursuites ou aux poursuites pour demander réparation. Nous améliorons ainsi l’accès à la justice pénale et faisons œuvre de simplification en évitant qu’une nouvelle procédure soit engagée, plus tard, devant la juridiction civile. Puisque cette disposition dépasse le cadre de la police de l’environnement, nous devons l’introduire dans le code de procédure pénale.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Dans la pratique, les fonctionnaires et agents que vous avez mentionnés reçoivent déjà des plaintes. Une mesure législative n’est donc pas nécessaire, bien qu’une disposition similaire ait été prévue pour d’autres types d’agents. Par ailleurs, l’adoption de cet amendement pourrait fragiliser le mécanisme existant et laisser penser que les fonctionnaires et agents ayant déjà recueilli des plaintes n’étaient pas en droit de le faire, ce qui risquerait de remettre en cause certaines procédures en cours. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Si les inspecteurs de l’environnement ne peuvent pas recevoir de plaintes, ils peuvent en revanche recueillir des déclarations et en dresser un procès-verbal en application de l’article L. 172-8 du code de l’environnement. Depuis la promulgation, il y a trois mois, de la loi relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, certains d’entre eux exercent même des compétences renforcées. Pour cette raison et celles développées par le rapporteur, je donne à cet amendement un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS1392 de Mme Souad Zitouni.

Amendement CS2943 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Cet amendement vise à créer des assimilations, au regard de la récidive, entre certaines infractions environnementales afin d’en renforcer la répression.

Le principe de la récidive est que la personne condamnée deux fois pour la même infraction encourt des peines plus lourdes. L’assimilation fonctionne à peu près de la même manière, à ceci près qu’elle ne concerne pas des infractions identiques, mais similaires. Ainsi, en droit pénal général, un individu ayant commis un vol puis une escroquerie, ou un vol puis un abus de confiance, est considéré comme un récidiviste, en vertu du principe d’assimilation.

Je propose de faire de même pour un certain nombre d’infractions environnementales, en prévoyant que les délits définis à un même livre du code de l’environnement sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. Cet amendement a été élaboré en lien étroit avec le ministère de la justice, lors de l’examen du projet de loi relatif au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, dont j’ai été la rapporteure à l’Assemblée nationale.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Votre explication est claire, nette et précise. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Cette proposition intéressante a effectivement fait l’objet de discussions lors de l’examen du projet de loi relatif au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Cependant, des consultations complémentaires ont été menées et il nous semble désormais un peu excessif de prévoir des assimilations de façon aussi systématique, d’autant que certaines infractions ont peu de rapport les unes avec les autres. Il en résulterait une insécurité juridique trop importante. Je vous demande donc de retirer votre amendement, afin que nous ayons le temps d’en rediscuter un peu plus précisément.

Mme Naïma Moutchou. Je ne vous cache pas ma déception. Cet amendement, élaboré avec la chancellerie, dont vous connaissez l’implication sur les sujets de justice environnementale, avait obtenu l’aval du Gouvernement il y a deux mois. J’ai du mal à comprendre cette évolution. Je maintiens mon amendement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends l’intention de Mme Moutchou, de même que l’avis de M. Balanant. Cependant, cet amendement est excessif, dans la mesure où une entreprise risque d’être considérée comme récidiviste après avoir commis deux infractions n’ayant rien à voir. J’émets, pour ma part, un avis défavorable.

Mme Frédérique Tuffnell. Le principe de l’assimilation est intéressant. Si les deux infractions sont différentes, elles ont toutefois le même objet, à savoir l’atteinte à l’environnement.

M. Julien Aubert. Quand une infraction est commise sur deux sites différents d’une même entreprise, ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont en cause. On considérera pourtant que l’entreprise est en état de récidive. Cela pose un vrai problème. Par ailleurs, les délits assimilés ne sont pas forcément de même niveau. Il est nécessaire de mieux analyser toutes les conséquences d’un tel amendement, qui pourrait rapidement se transformer, pour les grosses entreprises implantées un peu partout sur notre territoire, en un piège mortel.

La commission rejette l’amendement.

Article 68 (articles L. 172-1, L. 173‑3 et L. 173‑8 et titre III [nouveau] du livre II du code de l’environnement) : Renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution et création du délit d’écocide

Amendements de suppression CS1499 de M. Dino Cinieri, CS2450 de M. Gérard Leseul et CS5011 de M. Julien Aubert.

M. Gérard Leseul. Il convient de supprimer l’article 68 en vue de le réécrire. Tel qu’il est rédigé, il ne couvre en effet que les atteintes indirectes aux espèces, omettant les atteintes directes à la biodiversité. En d’autres termes, il ne s’applique aux atteintes aux espèces que par le biais de la pollution d’un milieu. Il serait préférable de généraliser le nouveau délit en plaçant le dispositif dans le livre Ier du code de l’environnement. D’autres dispositions mériteraient d’être ajoutées dans cet article qui, par ailleurs, ouvre la porte aux refus d’indemnisation des victimes directes et indirectes.

M. Julien Aubert. Vous dites que cet article est issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, mais les membres de cette dernière le rejettent en lui accordant la note la plus basse. Ils considèrent que les dispositions proposées ne correspondent pas à leurs souhaits.

Imagine-t-on un délit d’homicide ? C’est ridicule ! Si une infraction environnementale est très grave, c’est un crime, que vous pouvez qualifier d’écocide. Si ce n’est qu’un délit, vous ne pouvez pas l’appeler ainsi. À mon sens, l’article 68 relève de la politique spectacle. Vous faites mine d’intervenir en utilisant des grands mots, mais les dispositions proposées sont assez bancales. Nous reviendrons ultérieurement sur la notion d’intentionnalité et sur la question des déchets.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Monsieur Aubert, votre parallèle avec l’homicide n’est pas opérant, car un homicide involontaire est un délit.

J’ai du mal à comprendre pourquoi le groupe Socialistes et apparentés demande la suppression de cet article, qui est sans doute perfectible – j’admets que certaines formulations sont à revoir – mais qui n’en constitue pas moins une avancée majeure.

Nous pourrions passer des heures à débattre de la création du délit d’écocide. Nous n’en avons malheureusement pas le temps ; je propose donc que nous y revenions en séance publique. Pour ma part, je propose une réécriture partielle de l’article, que je vous présenterai dans quelques instants. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article 68 renforce significativement la protection judiciaire de l’environnement, à laquelle le Gouvernement est très attaché.

Tout d’abord, il renforce la répression des infractions applicables aux ICPE lorsqu’elles ont entraîné des atteintes graves et durables à l’environnement. Les peines sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

En outre, il ajoute deux peines complémentaires pouvant être prononcées à l’encontre des personnes morales reconnues coupables d’infractions environnementales : la dissolution de la personne morale condamnée et l’interdiction de percevoir des aides publiques. Ces dispositions permettront notamment de renforcer le caractère dissuasif des infractions prévues par le code de l’environnement.

Enfin, cet article complète le code de l’environnement par un nouveau titre libellé « Des atteintes générales aux milieux physiques » afin d’appréhender les atteintes graves à l’environnement dans leur globalité. Ainsi, le fait de commettre un délit d’écocide sera réprimé d’une peine de dix ans d’emprisonnement et de 4,5 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Ces évolutions permettront enfin de réprimer à leur juste hauteur les atteintes à l’environnement les plus graves. L’article 68 constitue une belle avancée, que je défends avec vigueur. C’est avec la même vigueur que je donne un avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Julien Aubert. J’avais compris que l’écocide était une infraction manifestement délibérée, et non involontaire. Je ne vois donc pas pourquoi vous me parlez d’homicide involontaire, monsieur le rapporteur. Pourriez-vous imaginer un génocide involontaire ? Non ! Dans ce cas, ne parlons pas d’écocide.

M. François-Michel Lambert. Les articles 67 et 68 permettront-ils d’empêcher une entreprise d’aller polluer un autre endroit de la planète après avoir fermé tout ou partie de ses sites sur notre sol ? Pourra-t-on poursuivre en justice une société qui agirait de la sorte ? Cette question mérite une réponse.

M. Gérard Leseul. Je partage l’interrogation de M. Lambert.

Si nous demandons la suppression de l’article 68, c’est pour le réécrire. Nous défendrons dans quelques instants des amendements visant à améliorer les dispositions qu’il contient.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS5496 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je propose de réécrire l’article 68 d’une manière permettant de lever les interrogations formulées par le Conseil d’État. Ce dernier a relevé que l’intentionnalité était déjà incluse dans les éléments constitutifs de certaines infractions que l’article 68 entend aggraver lorsqu’elles sont commises en toute connaissance du risque d’atteinte à l’environnement – il y aurait, en quelque sorte, une « double intentionnalité ». La rédaction que je propose n’implique plus qu’un seul niveau d’intentionnalité, ce qui fait disparaître la difficulté d’ordre constitutionnel soulevée par le Conseil d’État mais ne permet plus de différencier les peines selon le degré d’intentionnalité de l’auteur de l’infraction. La possibilité de moduler les peines relève toutefois de l’office du juge, qui en use fréquemment.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je comprends que votre amendement vise à répondre aux remarques formulées par le Conseil d’État. Nous avons pris en compte ces observations mais avons souhaité conserver le principe de double intentionnalité.

L’article 68 crée des circonstances aggravantes qui varient selon deux critères : la nature du dommage et l’intentionnalité de la personne mise en cause. Le Gouvernement est attaché à cette progressivité ; c’est pourquoi il a eu recours à une innovation juridique consistant à définir deux niveaux d’intentionnalité. Alors que le premier niveau est constitué dès lors qu’une personne enfreint de façon délibérée des règles environnementales – je pense par exemple à un exploitant qui n’entretient pas une station d’épuration des eaux – le deuxième niveau est atteint lorsque cette personne a conscience du caractère grave des pollutions induites – je pense à un exploitant qui déverse directement ses eaux industrielles, sans traitement, dans un cours d’eau.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’ai exercé mon rôle de rapporteur en effectuant un travail légistique visant à répondre aux remarques du Conseil d’État. J’entends cependant que le Gouvernement assume cette innovation juridique et les risques qu’elle comporte. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS1350 de M. Loïc Dombreval et CS5088 de Mme Annie Chapelier.

Amendement rédactionnel CS5497 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement rédactionnel permettra-t-il d’empêcher une entreprise de fermer tout ou partie de ses sites industriels en France, pour ne pas avoir à payer les charges environnementales tout à fait justifiées que nous lui imposerons, et de délocaliser sa production à l’étranger, avec toute la pollution qui va avec ? D’ici deux ou trois ans, nous serons sans doute confrontés à mille situations de ce genre. Je veux pointer ici, une nouvelle fois, une fragilité de ce projet de loi. Je reposerai cette même question tant que je n’aurai pas obtenu de réponse formelle.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais il n’est peut-être pas nécessaire de poser sans arrêt cette question alors que nous pourrions convenir d’un rendez-vous pour y travailler ensemble.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CS906 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La notion de pollution de l’air, évoquée à l’article 68 – ce qui est nouveau – peut être très vague. Après m’être penché sur la législation et la réglementation en vigueur, je vous propose de faire référence à l’article 4 de l’arrêté du 10 juillet 2020 relatif à l’indice de la qualité de l’air ambiant. Ce renvoi permettra également de mieux préciser la zone géographique pertinente pour l’appréciation de la pollution de l’air. La mention claire de l’indice et de la zone géographique retenus pour appréhender cette notion permettra d’éviter les contestations et de ne pas renvoyer cette question à l’interprétation du juge.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable. La précision que vous apportez ne me semble pas utile car le terme « qualité de l’air », sans autre précision, est couramment employé dans le titre II du livre II du code de l’environnement sans que cela ne pose de problème de compréhension.

Ainsi l’article L. 221-1 du code de l’environnement prévoit-il que « l’État assure, avec le concours des collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration et des principes de décentralisation, la surveillance de la qualité de l’air » et renvoie la définition des normes de qualité de l’air à un décret en Conseil d’État. Il ne me semble donc pas souhaitable de prévoir dans la loi le renvoi à un arrêté, susceptible d’être modifié beaucoup plus fréquemment que la loi.

Mme Barbara Pompili, ministre. Votre amendement vise à prévoir que la dégradation substantielle de l’air, sanctionnée par le délit visé à l’article L. 173-3 du code de l’environnement, est déterminée par référence à la zone géographique.

Mais la dégradation substantielle, notion générique du code de l’environnement, ne souffre pas d’imprécision. Elle est déjà définie dans ce code. En outre, la notion figure aussi à l’article que vous visez, l’article L. 173-3 du code de l’environnement, sans que cela n’ait jamais posé la moindre difficulté. Enfin, la définition que vous proposez aurait, au contraire, tendance à en restreindre le champ. J’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5090 de Mme Annie Chapelier.

Suivant le même avis, elle rejette successivement les amendements CS4902, CS5403 et CS5404 de M. Buon Tan.

Suivant le même avis, la commission rejette également l’amendement CS905 de M. Julien Aubert.

Amendement CS2451 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. L’alinéa 4 fait état d’une amende qui peut atteindre jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Or il sera très difficile d’évaluer cet avantage. Il nous semble préférable de s’appuyer sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. Nous vous proposons donc une sanction de 3 millions d’euros, qui pourrait être portée à 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes s’il s’agit d’une entreprise.

M. Erwan Balanant, rapporteur. S’appuyer sur l’avantage acquis est une novation en droit de l’environnement, et une très bonne idée qui permet de respecter le principe de proportionnalité des peines, tout en disposant d’une condamnation à la hauteur de la pollution. Prévoir une sanction à hauteur de 10 % du chiffre d’affaires rendrait le dispositif beaucoup plus automatique, et complexe. Bien sûr, on pourra débattre du montant de l’avantage acquis, mais les juges seront là pour le déterminer.

M. Gérard Leseul. J’entends vos arguments mais, je le répète, l’avantage acquis sera extrêmement difficile à évaluer ; il faut trouver un autre système.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cela existe déjà en matière financière, monsieur Leseul. Ce sera une belle avancée pour le droit de l’environnement.

M. Gérard Leseul. Dans les affaires financières, il est plus simple de compter les euros qu’en matière environnementale !

Mme Barbara Pompili, ministre. Mais on peut aussi facilement calculer le nombre de kilomètres en camion ou d’autres types d’avantages tirés de la commission de l’infraction.

La commission rejette l’amendement.

Contrairement à l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CS5514 du rapporteur, CS1351 de M. Loïc Dombreval, CS1382 de M. Guy Bricout, CS1890 de M. François-Michel Lambert, CS2630 de Mme Cécile Untermaier et CS5089 de Mme Annie Chapelier.

Amendement CS5430 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Il s’agit de réécrire l’article 68 pour introduire un véritable délit d’atteinte à l’environnement qui consiste en la violation en connaissance de cause d’une règle légale ou réglementaire ayant occasionné un dommage grave et durable et, ce, en méconnaissance de l’identification préalable de risques inacceptables.

L’amendement prend également en compte la pluricriminalité, souvent constatée sur le terrain, en introduisant un mécanisme de circonstances aggravantes. Enfin, cette nouvelle rédaction permettra de sanctionner les délits environnementaux commis par les sociétés françaises à l’étranger, pour faire plaisir à M. Lambert.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Si l’article 68 pose quelques problèmes rédactionnels, votre amendement ne fonctionne pas non plus. Il serait trop long de vous l’expliquer dans le détail, mais il n’est pas opérationnel. Je comprends votre intention, qui se rapproche de celle du Gouvernement, mais vous demanderais de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement préfère sa rédaction !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5498 du rapporteur.

Amendements CS1889 de M. François-Michel Lambert, CS3833 de Mme Frédérique Tuffnell et CS4503 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune).

Mme Mathilde Panot. Le sujet est d’importance car, en l’état actuel de sa rédaction, l’article 68 constitue une véritable régression. Les critères se durcissent. Il faudra désormais démontrer la « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière prévue par la loi ou le règlement » Or cette rédaction exclut la négligence et l’imprudence qui sont le fait de beaucoup de pollutions et le qualificatif de « manifestement délibérée » constitue une énorme protection pour les pollueurs.

Madame la ministre, notre amendement vise donc à mettre l’article 68 en cohérence avec vos propos. Fin novembre 2020, vous annonciez que la nouvelle infraction allait « permettre de faire payer tous ceux qui, soit sans le faire exprès, soit parce qu’ils l’ont voulu et parce qu’ils ont fait exprès, portent des atteintes à l’environnement ». Mais l’actuelle rédaction donne raison à Bercy. En effet, Bruno Le Maire s’était opposé à votre proposition : « il faut […] que ce [délit] d’écocide soit très clairement qualifié : atteinte grave et durable, commise d’une manière intentionnelle ».

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis défavorable à ces amendements. Madame Panot, votre amendement vise à transformer le délit non intentionnel reposant sur une faute délibérée, défini par l’alinéa 13, en délit non intentionnel reposant sur une faute ordinaire. Il prévoit que ce délit, qui concerne notamment la pollution de l’eau, sera puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Or il existe déjà un délit non intentionnel de pollution des eaux défini par l’article L. 216-6 du code de l’environnement. Ce délit repose sur une faute ordinaire, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 25 octobre 1995. Ce délit est puni de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Votre amendement introduit donc des dispositions non coordonnées avec le droit existant et serait source de confusion dans un droit pénal de l’environnement, que les acteurs que j’ai auditionnés jugent déjà excessivement complexe.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable également. Madame Panot, cet article ne constitue absolument pas un recul – je n’y vois que des avancées. En outre, le délit de pollution des eaux par négligence ou imprudence existe déjà dans le code de l’environnement et il est réprimé.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS907 de M. Julien Aubert et CS3337 de M. Thibault Bazin.

M. Julien Aubert. Qu’est-ce qu’une pollution indirecte de l’air ? Une pollution de l’eau peut certes être indirecte par ruissellement, mais quelle est la portée exacte de la notion de pollution indirecte de l’air ? Ne risque-t-elle pas de s’appliquer aux gaz à effet de serre du fait de leurs effets indirects par contribution à l’effet de serre et à ses incidences climatiques ? Ainsi, une usine émet du CO2, contribuant au réchauffement climatique. Est-ce une pollution indirecte ? Sera-t-elle concernée par les dispositions de l’article ?

Mon amendement vise à préciser que la notion de pollution indirecte s’applique à l’eau, quand l’air n’est concerné que par la pollution directe.

M. Erwan Balanant. Votre amendement conduit à exclure du champ d’application de l’article les émissions indirectes de substances polluantes dans l’air. Or on pourrait tout à fait considérer qu’il existe des émissions indirectes polluantes dans l’air, par exemple des émissions de polluants qui n’ont pas été rejetés directement dans l’air au moment de leur émission, mais sont passées par un filtre défectueux. En outre, directe ou indirecte, il y a bien pollution.

M. Julien Aubert. Je ne suis pas convaincu par vos explications… Vous ne rejetez pas dans le filtre, mais dans l’air. Que cela passe ou non par un filtre défectueux, il s’agit d’un rejet direct. Je ne vois toujours pas ce que recouvre le concept de pollution indirecte de l’air, et vous non plus… Je crains le potentiel effet massif de telles dispositions.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit par exemple de viser une émission dans l’air à la suite du dysfonctionnement d’une canalisation défectueuse dans une usine – une fuite pour le dire plus simplement. Si la substance est rejetée dans l’air, et non dans un lieu ou une zone adéquate à l’intérieur de l’usine, c’est bien une émission indirecte. En outre, les émissions directes, en sortie d’usine, sont déjà mesurées et font l’objet d’un régime d’autorisation. Ce n’est donc pas elles que nous visons.

M. François-Michel Lambert. N’est-ce pas plutôt le rejet d’un solide qui, en se dégradant au contact de l’air, créerait un relargage et donc polluerait l’air, qui est concerné ?

M. Nicolas Turquois. Vous connaissez mon tropisme pour les questions agricoles : les produits de type phytosanitaires, qui sont souvent à l’origine de problèmes de voisinage et sont suspectés quand il a trop de vent, sont-ils concernés ? Qu’en est-il des odeurs de lisier, également sources de conflits dans les villages ?

M. Erwan Balanant, rapporteur. Monsieur Turquois, l’article vise uniquement les atteintes « graves et durables ».

Mme Barbara Pompili, ministre. L’article n’a aucun effet quand il n’existe pas de valeurs limites prescrites.

M. Julien Aubert. J’ai l’impression que, quand on parle de pollution indirecte de l’eau, on vise la pollution par les nappes phréatiques. Je n’ai pas été convaincu par vos explications et, dans le doute, je préférerais qu’on adopte mon amendement.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS5408 de M. François-Michel Lambert et CS5396 de Mme Annie Chapelier, en discussion commune, puis l’amendement CS5400 Mme Annie Chapelier.

Amendements CS5406 et CS5407 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Il s’agit de différencier la violation non intentionnelle, punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, de la violation intentionnelle punie plus lourdement, de cinq ans de prison et de 1 million d’euros d’amende.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis défavorable, d’autant que votre amendement CS5406 diminue les sanctions prévues, ce qui est moins protecteur pour l’environnement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CS5499 du rapporteur, CS2631 de Mme Cécile Untermaier et CS5091 de Mme Annie Chapelier.

Amendement CS5500 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cet amendement est extrêmement important puisqu’il précise que le délai de prescription de l’action publique du délit défini par l’article L. 231‑1 du code de l’environnement court à compter de la découverte du dommage. J’ai précédemment évoqué l’exemple de fûts, enfouis alors qu’ils étaient encore étanches. La pollution ne va pas se produire au moment de l’enfouissement, mais bien plus tard. C’est pourquoi le délai de prescription doit courir à partir de la constatation de la pollution, et non à partir du fait ayant généré de la pollution.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis très favorable à cet amendement.

M. Pierre Vatin. Le problème reste le même car, dix ans après – ou plus tard – lorsqu’on constate la pollution, les terrains ou locaux pollués n’appartiennent plus à personne et nous nous retrouvons avec des décharges, qui continuent à polluer. Je pense aussi à Cigéo.

M. François-Michel Lambert. Que se passe-t-il si, après avoir utilisé les meilleures technologies existantes pour enfouir, on constate une dégradation et un impact environnemental dans cinquante ans ? C’est le cas par exemple des sites de stockage de boues rouges séchées, qui existent depuis 1904. La prescription démarre-t-elle au moment où l’on détecte les dommages liés à des actions – très anciennes en l’espèce – d’autant que la société gestionnaire est toujours active ? J’y suis plutôt favorable mais soyons attentifs aux risques juridiques. Si une société récupère un site de stockage de déchets qui se dégrade au bout de cinquante ou cent ans et commence à polluer les nappes phréatiques, elle devra réparer, c’est bien normal. Mais sera-t-elle également poursuivie sur la base de cet article ?

Mme Barbara Pompili, ministre. La loi n’est pas rétroactive : on ne parle donc que de ce qui sera découvert après sa promulgation.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS5397 de Mme Annie Chapelier.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS5501 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement l’amendement CS5401 de Mme Annie Chapelier et l’amendement CS1348 de M. Loïc Dombreval.

Amendements identiques CS5515 du rapporteur et CS2627 de Mme Cécile Untermaier.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit toujours du même sujet mais, ayant réécrit l’article dans mon premier amendement, qui a été rejeté, je n’avais d’autre choix que d’effectuer les coordinations nécessaires aux autres alinéas. Si vous aviez adopté l’amendement, vous auriez évité une telle répétition de rejets !

M. Bruno Millienne. C’est du running gag !

Mme Barbara Pompili, ministre. Pour la cinquième fois, j’émets un avis défavorable !

M. Raphaël Schellenberger. C’est du running gag qui ne fait plus beaucoup rire. Êtes-vous sûr d’avoir convenablement défini la notion d’atteinte grave et durable, madame la ministre ? C’est vous qui venez de compter et nous en sommes à la cinquième occurrence ! Si vous dites cinq fois la même chose, c’est que le texte est juridiquement très mal écrit, voire brouillon.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendement CS5511 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cela concerne le délai de prescription, dont nous avons déjà parlé.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Nous allons commettre une grave erreur. Il faudrait vraisemblablement prévoir un délai de prescription supérieur à six ans pour de tels faits. En revanche, il serait particulièrement dangereux, sous l’angle de la stabilité du droit, de suivre en la matière une logique de prescription glissante.

Nous avons récemment débattu de ce sujet pendant des heures à la commission des lois à propos d’actes tels que l’inceste et les viols sur mineur. Là, on traiterait la question par‑dessous la jambe pour des faits éminemment complexes dont la révélation est elle-même complexe et peut intervenir des dizaines voire des centaines d’années plus tard.

Vincent Thiébaut étant assis en face de moi, je me demande comment on engagera l’action publique lorsque la nappe phréatique d’Alsace subira une fuite en provenance du site de StocaMine, en raison d’une décision que vous avez prise.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ne vous énervez pas. Le code pénal n’est pas rédigé exactement de la même manière que le code de l’environnement. Je vous invite à consulter l’article L. 216-6 de ce dernier : il prévoit déjà la même disposition.

Je comprends votre surprise. Lorsque j’ai découvert le droit de l’environnement au début de cette législature, j’ai parfois été très étonné…

Évitons les accusations un peu spéciales et spécieuses. Nous procéderons de la même manière que des dispositions figurant déjà dans le code de l’environnement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CS1047 de M. Emmanuel Maquet et CS2452 de M. Gérard Leseul.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de supprimer le délit d’écocide. La plupart des drames environnementaux sont complexes et multifactoriels. Un autre motif de suppression est la piètre rédaction de cet article – on s’en aperçoit bien à la faveur de nos échanges.

M. Gérard Leseul. Nous demandons la suppression de la notion d’écocide telle qu’elle figure dans cet article. Sa rédaction vide en effet de sa substance un concept bien plus ambitieux que ce qui nous est proposé.

Dans les débats qui se déroulent au niveau international, l’écocide est considéré comme un crime, qui a vocation à être reconnu sur le même plan que le crime contre l’humanité ou le crime de génocide, car la destruction des équilibres écologiques de la Terre menace la survie de toutes les populations humaines et non humaines. Faire de l’écocide un crime vise à ce que l’activité humaine respecte la stabilité du système terrestre.

Cet article dénaturerait la notion d’écocide et serait en contradiction avec les propositions de la Convention citoyenne.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, monsieur Leseul, mais nous sommes quand même en train de créer un dispositif punissant fortement certains actes, même si ce n’est pas au niveau de ce que pourrait être un crime d’écocide – c’est pour cette raison que je propose de parler de délit. Je sais que ce n’est pas complètement satisfaisant mais ce sera, malgré tout, un symbole fort.

Toutes les personnes que nous avons auditionnées et avec qui nous avons travaillé sur ce texte disent qu’on n’a pas besoin d’un crime d’écocide en droit français. Ce crime devrait être consacré dans un premier temps au niveau international. J’ai d’ailleurs déposé un amendement qui demande de continuer la réflexion sur ce point.

Nous allons créer un délit sévèrement puni – de dix ans d’emprisonnement. Cela correspond aux peines prévues pour les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, les agressions sexuelles ou la traite des mineurs. Ce n’est donc pas rien.

Ce qui nous est proposé constituera une véritable avancée et une véritable protection s’agissant des cas les plus graves. Il faut donc conserver ces dispositions.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je trouve qu’il serait bien de garder le terme d’écocide en le qualifiant de délit, pour faire la différence avec le crime d’écocide qui doit effectivement être reconnu au niveau international pour des atteintes très graves à l’environnement et aux biens communs de l’humanité, comme la forêt amazonienne. On utiliserait aussi le terme d’écocide au niveau national pour les atteintes les plus graves à l’environnement, de même que l’homicide désigne les atteintes les plus importantes à la personne. Avis défavorable à ces amendements.

M. Gérard Leseul. Je ne me permettrais pas de qualifier la rédaction de ces dispositions de brouillonne, mais je la trouve abusive. Personne ne se risquerait à parler d’un « délit d’homicide ». Ce qui constitue un écocide est un crime, par définition.

Vous ne pouvez pas minorer l’écocide en le qualifiant de « délit ». Utilisez tous les termes que vous voulez, mais pas celui d’écocide.

M. Julien Aubert. C’est juridiquement n’importe quoi : on qualifierait de délit sur le plan national ce qui serait appelé un crime sur le plan international…

Soit on vise la même chose quand on utilise le terme d’écocide, et il faut retenir la même caractérisation juridique. Quand on fait l’abolition de l’esclavage, c’est valable au niveau national et au niveau international et c’est la même chose.

Soit on vise des réalités différentes, ce qui justifierait de parler de crime dans un cas et de délit dans l’autre, alors il ne faut pas utiliser le même terme, afin de ne pas semer la confusion.

Vous voulez en réalité le beurre et l’argent du beurre. Vous souhaitez afficher de grandes ambitions, mais sans aller jusqu’au bout de la logique : il y a une devanture, comme dans le village Potemkine, mais pas grand-chose derrière. La distinction juridique que vous faites n’a pas lieu d’être.

En plus, on aura l’air malin si un crime d’écocide est consacré un jour sur le plan international – nous aurions de notre côté un petit écocide. Cela ne tient pas la route.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le crime d’écocide n’existe pas au niveau international : on ne peut donc pas s’y raccrocher. Si cette notion voit le jour, on pourra faire évoluer le droit français.

Les mots comptent : être condamné pour écocide, qu’on soit une personne physique ou une entreprise, ce serait considérable. Se voir infliger une peine de prison de dix ans et jusqu’à 4,5 millions d’euros d’amende, faire la une des journaux pour écocide, je vous promets que cela comptera.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Laurent Neyret, qui a été le premier en France à bien identifier l’écocide, vu de façon très ambitieuse, dit que ce crime ne peut s’imaginer, dans un premier temps, qu’au niveau international et qu’il faudra ensuite en adopter une déclinaison dans notre droit.

Certains répondront que ce que nous ferons pourrait avoir valeur d’exemple. Le problème est que l’articulation serait extrêmement complexe. J’ai été attiré, je l’ai dit lors de la discussion générale, par l’idée d’introduire le crime d’écocide dans notre droit, mais je me rends compte, après avoir approfondi la question, que cela ne marcherait pas.

M. Aubert a évoqué l’esclavage. Or tous les pays ne l’ont pas aboli en même temps, et certains, comme la France, l’ont même rétabli après l’avoir aboli une première fois, avant de l’abolir à nouveau. Votre raisonnement ne tient donc pas.

La commission rejette les amendements.

Amendements CS903 de M. Julien Aubert et CS1066 de M. Éric Girardin (discussion commune).

M. Julien Aubert. « Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde ». Je vous propose d’appeler un chat un chat, et de parler en l’occurrence de « délit d’atteinte volontaire à l’environnement ». Je sais que cela fera moins bien sur les chaînes de télévision, mais cela se rapprochera davantage de ce que l’on veut nommer.

S’agissant de l’esclavage, votre raisonnement vaut zéro : on ne peut pas avoir d’un côté un crime et de l’autre un délit : ce n’est pas possible. La question n’est pas le rétablissement de l’esclavage ou Napoléon. Il faut simplement avoir la même caractérisation juridique.

Un écocide, comme « cide » l’indique, consiste à tuer, de même que le « génocide », qui relève du jus cogens en droit international. Les crimes figurant dans le statut de Rome de la Cour pénale internationale sont en quelque sorte les plus hauts. On ne peut pas en faire ensuite des délits sur le plan français.

M. Erwan Balanant, rapporteur. M. Aubert m’a donné un zéro pointé en droit. Je mets, pour ma part, un – 5 à son amendement (Sourires). On pourrait en effet considérer, par un raisonnement a contrario, que les délits qui ne sont pas qualifiés de volontaires sont involontaires. Cela pourrait remettre en cause la définition des délits intentionnels et des délits non intentionnels, qui est établie par l’article 121-3 du code pénal – on doit l’apprendre en première année de droit. « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » sauf si la loi le prévoit explicitement. J’émets donc un avis défavorable à ces amendements.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier. L’amendement de M. Aubert a pour avantage de lever l’ambiguïté. Parler de « délit d’écocide » n’aurait aucun sens, à part de faire plaisir à la Convention citoyenne en lui montrant qu’on a retenu le principe qu’elle a formulé.

Tuer la nature, c’est un crime. Parler d’un « délit d’atteinte à l’environnement », c’est très clair. La loi doit être lisible, et cette expression l’est beaucoup plus que le terme d’écocide – personne n’y comprendrait rien.

On dirait adieu à l’écocide – le rapporteur a dit que ce serait trop tôt, qu’il faut d’abord agir au niveau international – mais on inscrirait dans notre droit un délit d’atteinte à l’environnement qui me paraît beaucoup plus clair.

Mme Barbara Pompili, ministre. Chacun voit ce qu’il veut voir.

Revenons sur l’étymologie d’écocide : cela consiste à tuer l’environnement. Mais il y a de grands et de petits écocides. Quand on déboise la forêt amazonienne, c’est très grave. Quand on tue une mare, et toute la vie, tout l’écosystème autour d’elle, c’est également un écocide mais il est plus petit, tout en étant inacceptable. Cela ne conduira pas, évidemment, aux mêmes sanctions.

J’ai toujours pensé que les petites et les grandes atteintes à l’environnement devaient être désignées comme telles et condamnées. Ensuite, il existe une échelle des peines. Pour moi, il y a de petits et de grands écocides. Avoir un délit et un crime ne me choque absolument pas.

M. François-Michel Lambert. L’amendement CS1066 est également très intéressant. Je vois qu’on a aussi envie, du côté de la République en Marche, d’être plus clair et d’utiliser des termes plus stabilisés.

M. Julien Aubert. Tout le problème est de s’inspirer de l’homicide. Il n’y a pas de petits et de grands homicides, ni de petits et de grands génocides. De même, il n’y a pas de petits et de grands écocides.

Soit on considère que la nature doit être protégée et que celui qui tue un œuf tue un bœuf, soit on commence à faire des classifications et alors toute la logique de votre texte s’effondre. Il faut, évidemment, condamner avec la même sévérité celui qui pollue un cours d’eau et celui qui pollue la mer.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS217 de M. Éric Girardin.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS5502, CS5503 et CS5504 du rapporteur.

Elle rejette les amendements identiques CS2632 de Mme Cécile Untermaier et CS5518 du rapporteur.

Amendement CS5512 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit, une fois encore, de la prescription.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CS5506 du rapporteur.

La commission adopte l’article 68 ainsi modifié.

Article 69 (articles L. 231‑4 et L. 231-5 [nouveaux] du code de l’environnement) : Possibilité d’imposer la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction

Amendements CS5507 du rapporteur et CS2543 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Erwan Balanant, rapporteur. Mon amendement, de coordination, n’a plus lieu d’être.

L’amendement CS5507 est retiré.

M. Gérard Leseul. Comme vous n’avez pas adopté tout à l’heure mon amendement CS5430, je crains que le CS2543 tombe.

L’amendement CS2543 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CS2266 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CS4721 de M. Lénaïck Adam.

La commission adopte l’article 69, ainsi modifié.

Article 70 (nouveau) (articles L. 218-11, L. 218-34, L. 218-48, L. 218-64, L. 218‑73, L. 331-26, L. 331-27, L. 332-25, L. 341-19, L. 415-3-1, L. 436-16 et L. 713-5 du code de l’environnement) : Relèvement du montant des amendes pour certaines infractions en matière environnementale

Amendements CS5516 du rapporteur et CS2967 de Mme Naïma Moutchou (discussion commune).

M. Erwan Balanant, rapporteur. Mon amendement fait suite, en partie, au travail engagé dans le cadre de la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, qui permet de conclure des conventions judiciaires d’intérêt public en matière environnementale. Il faut, pour des raisons d’efficacité, remonter le niveau des peines.

L’amendement déposé par Mme Moutchou est presque identique. J’ai choisi, pour ma part, d’augmenter uniquement les peines d’amende et non celles d’emprisonnement. Les principales personnes condamnées sont des personnes morales : c’est plutôt au portefeuille qu’on doit les frapper. Il est rare que des personnes morales aillent en prison…

Mme Naïma Moutchou. Nous avons effectivement commencé à travailler sur ce sujet lorsque nous avons examiné le texte relatif au Parquet européen. Il s’agit de renforcer les sanctions prévues par le code de l’environnement pour les rendre plus dissuasives et surtout plus cohérentes avec la prise de conscience des enjeux.

Mon amendement prévoit d’augmenter le montant des amendes mais aussi la durée des peines d’emprisonnement car il me semble que cela va de pair. Ce que propose le rapporteur constituerait néanmoins une avancée, et je vais retirer mon amendement au profit du sien.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je tiens à saluer l’important travail qui a été réalisé, notamment par Naïma Moutchou, lors de l’examen du texte relatif au Parquet européen. Vous aviez déjà travaillé à l’époque sur la question du renforcement des peines prévues par le code de l’environnement, en lien avec le Gouvernement qui avait la même volonté.

Il me paraît tout à fait bienvenu d’augmenter les peines dans ce texte – ce serait totalement cohérent. La seule différence est que vous avez redéposé tel quel votre amendement, madame Moutchou, alors que le rapporteur, dans la mesure où le projet de loi crée de nouveaux délits et renforce les peines prévues, a supprimé des doublons. J’émets un avis favorable à l’amendement du rapporteur.

M. Julien Aubert. Certaines peines seraient substantiellement accrues. Porter le montant d’une amende de 4 500 ou de 18 000 euros à 100 000, ce n’est pas une petite augmentation. La marche est très élevée. Qu’est-ce qui justifie de si fortes multiplications des montants ?

L’article L. 436‑7 du code de l’environnement, par exemple, punit de 4 500 euros d’amende « le fait de jeter dans les eaux (…) des drogues ou appâts en vue d’enivrer le poisson ». L’amende passerait à 100 000 euros.

J’aimerais qu’on m’explique d’où viennent ces chiffres. Y a-t-il eu une consultation, une étude d’impact ?

L’amendement CS2967 est retiré.

La commission adopte l’amendement CS5516.

Après l’article 69

Amendement CS2444 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Fruit de travaux menés avec des juristes et des ONG qui réfléchissent de longue date à la question de l’écocide, ce dispositif, qui vous a déjà été soumis par le groupe Socialistes dans le cadre de sa niche parlementaire en 2019, tend notamment à définir le crime d’écocide comme « le fait de causer des dommages graves, durables ou étendus à l’environnement qui seraient de nature à mettre en danger à long terme l’équilibre du milieu naturel ou susceptibles de nuire à l’état de conservation d’un écosystème. » Cette définition, très éloignée de celle du délit d’écocide que vous nous avez proposée, est peut-être imparfaite, mais elle est claire et intelligible ; nous sommes dans la bonne voie. Je ne doute donc pas que le rapporteur examinera cet amendement avec bienveillance.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ces réflexions sont très intéressantes mais, encore une fois, tous les experts juridiques sérieux, y compris ceux d’entre eux qui sont partisans de la reconnaissance du crime d’écocide, admettent les limites de cette notion. Cette question est devenue un abcès de fixation, alors que l’enjeu est de faire en sorte que le droit de l’environnement soit opérationnel et permette de punir effectivement les responsables des pollutions. Au reste, croyez-vous vraiment que des sujets aussi techniques et complexes puissent être traités par les jurés d’une cour d’assises ?

Mme Cécile Untermaier. Pour ma part, je ne serai pas choquée qu’une cour d’assises soit appelée à statuer sur un écocide. La Convention citoyenne pour le climat est composée de cent cinquante citoyens tirés au sort. Il est vrai qu’ils ne jugent pas, mais pourquoi un jury citoyen ne pourrait-il pas connaître de ce type de dossier ? Certes, cette question revêt une dimension internationale et doit sans doute être pensée dans le cadre de la Cour pénale internationale. Mais nous sommes là pour faire avancer la réflexion. En tout état de cause, il ne faut pas craindre d’associer les citoyens, qui, dans les cours d’assises, jugent des affaires tout aussi complexes.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS995 de M. Bertrand Pancher.

Amendement CS3247 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de créer le délit d’entrave à l’exercice d’activités autorisées par la loi.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Défavorable.

M. Julien Aubert. Tout à l’heure, vous avez porté de 4 500 euros à 100 000 euros le montant de l’amende dont est passible une personne qui tue un poisson à l’aide d’un explosif. Mais, lorsqu’il s’agit de renforcer les peines encourues par ceux qui se livrent à l’« agribashing » et qui terrorisent bouchers, exploitants agricoles ou chasseurs, il n’y a plus personne !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS3569 de M. Jimmy Pahun.

Amendements identiques CS2079 de M. Dominique Potier et CS2940 de Mme Naïma Moutchou.

M. Dominique Potier. Il y a quatre ans, notre assemblée adoptait définitivement la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Depuis, plusieurs pays européens se sont engagés dans cette voie. La semaine dernière, le Parlement européen a adopté un texte en ce sens ; le commissaire Didier Reynders doit proposer une directive dans les mois qui viennent. Enfin, l’Allemagne a adopté une loi similaire à la loi française.

Le moment est donc venu de corriger les imperfections de celle-ci. Tel est l’objet de cet amendement, que nous présentons pour la troisième fois, faute d’avoir trouvé le véhicule législatif adéquat. Il s’agit en effet de remédier à une difficulté liée aux règles de compétence juridictionnelle, en écartant les tribunaux de commerce et en prévoyant de confier ces affaires à des tribunaux judiciaires spécialement désignés. Le garde des sceaux y est favorable. Le projet de loi est une chance historique de faire adopter cette disposition. Ainsi le Président de la République pourra-t-il se prévaloir d’une loi efficace dans le cadre de son plaidoyer au niveau européen.

Mme Naïma Moutchou. M. Potier, qui travaille de longue date sur cette question, a très bien dit les choses. Nous avions en effet déposé un amendement similaire sur le texte relatif au parquet européen. Hélas, il a été considéré comme un cavalier législatif et jugé irrecevable. C’est pourquoi nous vous le proposons de nouveau aujourd’hui, dans le cadre d’une sorte d’arc républicain, Mathieu Orphelin s’étant associé à cette démarche.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis favorable. Ces amendements amélioreront l’efficacité de la magnifique loi relative au devoir de vigilance adoptée sur l’initiative de Dominique Potier, à qui je rends hommage, loi qui a permis d’assigner, la semaine dernière, un acteur de la grande distribution pour ses pratiques nocives à l’environnement au Brésil.

Mme Barbara Pompili, ministre. Nous souscrivons aux objectifs de l’amendement mais, cette question touchant à la réforme de l’organisation judiciaire, je vous propose qu’elle soit traitée dans le cadre du projet de loi pour la confiance des citoyens dans leur justice, qui vous sera présenté très prochainement par le garde des sceaux. Ce texte permettra de discuter de manière plus complète des questions d’organisation judiciaire et donc d’intégrer votre excellente proposition – je salue le travail que vous avez accompli en la matière, monsieur Potier – dans une réflexion d’ensemble plus cohérente. Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements.

M. Dominique Potier. Nous nous sommes assurés auprès du garde des sceaux de la parfaite sécurité juridique de l’amendement. Une petite incertitude demeure concernant sa constitutionnalité mais, compte tenu du calendrier parlementaire – je pense notamment à la réforme judiciaire – nous pouvons être certains que cette disposition, souhaitée par tous, sera de toute façon adoptée. J’ajoute qu’il serait important, sur le plan symbolique, qu’elle s’insère dans ce projet de loi relatif au climat. La loi relative au devoir de vigilance permet en effet, je le rappelle, de lutter contre la déforestation, l’accaparement des terres, l’esclavage moderne – j’hésite à parler d’écocide, car je ne veux pas prendre le risque de mal nommer les choses et ajouter ainsi au malheur du monde – bref : elle contribue à réprimer les atteintes graves à l’environnement et à la dignité de la personne. Ce serait un grand moment si nous adoptions cet amendement ce soir.

La commission rejette les amendements.

Amendement CS4102 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Mme Untermaier et moi avons mené, dans le cadre d’une mission d’information, un long travail sur les procédures d’urgence, dont le référé, dans le domaine environnemental, travail dont sont issus plusieurs amendements que nous allons vous présenter au cours de la discussion.

En l’espèce, il s’agit de garantir que les pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement, créés – et c’est un immense progrès – par la loi relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, seront rapidement opérationnels, en précisant que ces pôles sont composés de juges spécialisés.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je crois que nous pourrons aboutir à des avancées intéressantes en la matière, mais je vous demande de bien vouloir retirer les amendements qui ont trait à cette question car nous avons besoin d’y retravailler d’ici à la séance publique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il me semble que l’amendement est satisfait. D’une part, les pôles spécialisés dans les atteintes à l’environnement seront précisément composés de magistrats spécialisés dans le domaine environnemental. D’autre part, le juge spécialisé est forcément un magistrat du siège. Toutes ces questions ont été réglées dans le nouvel article 706-2-3 du code de procédure pénale, créé par la loi relative au parquet européen. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement.

Mme Cécile Untermaier. Aux termes de la loi, ce sont les pôles régionaux qui sont spécialisés, et non les magistrats qui les composent. Or il est essentiel que ces derniers le soient également. Toutefois, nous retirons l’amendement et nous y retravaillerons d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement identique CS998 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. En matière de lutte contre la délinquance criminalisée, le juge d’instruction doit pouvoir prendre, en cas d’urgence, des mesures appropriées en présence d’une atteinte grave et imminente aux personnes et aux choses, mais aussi à l’environnement.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Défavorable.

M. François-Michel Lambert. Pour quelles raisons ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous proposez que l’autorisation du juge d’instruction pour procéder aux techniques préalables d’enquête puisse être délivrée sans avis préalable du procureur de la République, en cas de risque imminent d’atteinte grave aux choses et à l’environnement. Or, d’une part, le risque d’atteinte grave aux choses est déjà bien appréhendé par la notion d’atteinte grave aux biens, qui constitue déjà un motif de dérogation à la procédure de recueil de l’avis du procureur de la République ; d’autre part, la notion de risque d’atteinte à l’environnement ne s’inscrit pas dans une temporalité qui empêche le recueil de l’avis du procureur de la République, lequel peut intervenir à très brefs délais : moins d’une heure si nécessaire. Cet amendement ne paraît donc ni utile ni opportun.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4096 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Plutôt que de créer une nouvelle procédure de référé environnemental, nous avons choisi de toiletter les référés existants, notamment – c’est l’objet de l’amendement – le référé-étude d’impact. Celui-ci n’est en effet possible qu’en l’absence d’étude d’impact ; nous proposons, tout en conservant les équilibres actuels – je pense notamment aux données économiques – qu’il soit étendu aux cas où l’étude d’impact est insuffisante ou inexacte.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le référé-suspension prévu à l’article L. 521-1 du code de justice administrative permet au juge des référés d’ordonner la suspension de l’exécution d’une décision administrative qui a fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation.

Je suis favorable à une réflexion sur le référé environnemental mais, là encore, je vous demanderai de retirer l’amendement afin que nous y retravaillions d’ici à la séance. J’espère que nous parviendrons à obtenir une avancée – ce n’est pas encore gagné.

Mme Bénédicte Peyrol. Je veux apporter mon soutien aux travaux exemplaires que Mme Moutchou et Mme Untermaier ont entamés à la suite du refus de créer un référé départemental dans le cadre de l’examen du texte relatif au parquet européen et du rapport de la mission d’évaluation de l’inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable sur les relations et justice et environnement. J’espère que la proposition du rapporteur aboutira à un vote en séance publique car, en droit environnemental, la prévention est très importante et le référé est primordial.

Mme Cécile Untermaier. Le référé est une procédure d’urgence qui a pour but d’empêcher qu’un dommage se produise. Il importe donc de s’assurer que cette procédure est adaptée aux enjeux environnementaux, madame la ministre. Or le référé-étude d’impact date des années 1970 : il est complètement obsolète ! Ce ne serait pas nuire à la loi que d’étendre ce référé aux cas où l’étude d’impact est manifestement insuffisante et ne permet pas de mesurer l’éventuelle atteinte à l’environnement, dont vous voulez faire un délit. Cet amendement est donc en cohérence avec le texte, et je vous demande instamment de nous aider à faire en sorte que cette procédure devienne un véritable outil de prévention au service de l’environnement et des entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS3691 de Mme Yolaine de Courson.

Amendement CS996 de M. Bertrand Pancher.

M. François-Michel Lambert. Les associations agréées de protection de l’environnement ne peuvent se constituer partie civile que pour les faits constituant une infraction et seulement pour des infractions pénales, l’action civile étant alors l’action en réparation d’un préjudice causé par une infraction pénale. Nous proposons d’étendre les voies d’action judiciaire à tout fait illicite, indépendamment de sa qualification pénale éventuelle, sur le modèle de ce qui est prévu pour les associations agréées de consommateurs et pour les syndicats professionnels, en donnant aux associations agréées de protection de l’environnement accès à la justice civile pour tout fait portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre. Cet amendement permettrait aux associations de demander réparation des préjudices collectifs et écologiques, que le fait générateur du dommage soit une infraction ou non.

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’avais envisagé de déposer un amendement similaire, mais il se trouve qu’il aurait un effet pervers. En effet, la jurisprudence reconnaît déjà la recevabilité des actions d’associations devant les juridictions civiles, indépendamment de toute infraction pénale, de sorte que l’amendement risque d’avoir pour conséquence de restreindre les possibilités d’action des associations non agréées. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS3794 de Mme Frédérique Tuffnell.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis favorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je demande le retrait de l’amendement, dont la rédaction est problématique, dans la mesure où il n’est pas fait référence à l’infraction d’origine pour laquelle la récidive deviendrait un délit.

M. Bruno Millienne. Je demanderai à l’auteure de l’amendement de revoir sa rédaction d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CS4097 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Je remercie Mme Peyrol pour ses propos.

Notre objectif n’était pas d’ouvrir l’accès au référé à toutes les associations, de fragiliser les projets et l’innovation ; il s’agissait de mener une réflexion raisonnable mais efficace sur les procédures existantes. Le référé est une arme puissante pour la protection de l’environnement, mais il devait être actualisé. Tel est, là encore, l’objet de cet amendement, qui a trait au référé pénal, que nous proposons d’étendre aux délits à caractère environnemental tels qu’ils ont été délimités par le champ de compétence des nouveaux pôles juridictionnels environnementaux.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous demande, là encore, de retirer l’amendement pour que nous y retravaillions ensemble – je m’y engage. Notre nouvelle proposition sera-t-elle adoptée ? C’est une autre question. En tout cas, nous devons parvenir à une rédaction plus solide pour la séance.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le juge des libertés et de la détention peut déjà prendre des mesures conservatoires dans un cadre pénal afin de mettre un terme à un dommage ou d’en limiter les effets dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire. Le champ d’application du référé pénal, défini à l’article L. 216-13 du code de l’environnement, a été étendu au non-respect de prescriptions fixées par l’autorité administrative dans le cadre de la procédure générale d’autorisation environnementale et n’est donc plus limité à la seule police de l’eau. Demande de retrait.

Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, nos amendements ont été expertisés : avant de vous les soumettre, nous y avons travaillé, dans le cadre de votre mission d’information, avec des spécialistes, l’inspection générale de la justice, les services de votre ministère. Je ne peux donc pas vous laisser dire que cet amendement est satisfait : ce n’est pas le cas ! Considérez-le à tout le moins comme un amendement de clarification car, à l’article L. 216-13 du code de l’environnement, il n’est pas question du non-respect des prescriptions du code forestier, du code rural et de la pêche maritime ou du code minier. Or, nous souhaitons que ce référé pénal spécial concerne toutes les questions à dominante environnementale.

C’est un travail sérieux qu’a effectué le Parlement ; et il doit être pris en considération par votre administration. Je ne peux pas admettre qu’il soit traité de cette manière.

M. Julien Aubert. Dans les faits, ces référés interviendraient avant même que le préfet ait pu prendre un acte de police administrative pour mettre fin au problème. Qui plus est, je ne crois pas que substituer le juge au préfet soit la solution la plus efficace car, on le sait, à force de multiplier les référés dans tous les domaines, les tribunaux, qui sont déjà surchargés, ne parviennent plus à suivre, faute de moyens.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS1186 et CS1187 de M. Raphaël Gérard.

Article 71 (nouveau) (articles L. 501-1 et L. 501-2 [nouveaux] du code de l’environnement) : Création du bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels

Amendement CS5473 du Gouvernement et sous-amendement CS5513 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Lorsque se produit un accident important, on attend légitimement, surtout s’il cause des dommages graves et durables, que ses causes et ses conséquences soient analysées de manière approfondie par des professionnels reconnus dont la légitimité ne fait pas de doute. C’est pourquoi, dans le cadre du plan d’action post-Lubrizol annoncé en septembre 2020, le Gouvernement s’est engagé à créer un bureau d’enquêtes accidents (BEA) indépendant chargé de mener des enquêtes sur les accidents les plus importants afin d’en tirer les enseignements, qu’ils soient d’ordre technique ou organisationnel.

Ce bureau existe. Composé de cinq inspecteurs, il est actuellement rattaché aux services du ministère de la transition écologique. Néanmoins, des dispositions législatives sont nécessaires pour le doter des pouvoirs d’investigation dont il a besoin et définir les modalités de son articulation avec une éventuelle procédure judiciaire. Tel est l’objet d’une proposition de loi que Damien Adam avait déposée après un travail conjoint avec le Gouvernement et que reprend cet amendement, qui vise à créer le bureau d’enquête, assurer le financement par l’industriel concerné des expertises nécessaires et renvoyer à une ordonnance le détail des modalités de l’enquête technique – procédure, pouvoirs d’investigations, articulation avec la procédure judiciaire... – ordonnance qui s’inspirera de la proposition de loi de Damien Adam.

M. Damien Adam. Cette proposition de loi a en effet été élaborée à la suite de la mission d’information sur l’incendie de Lubrizol, qui avait conclu à la nécessité de créer un bureau d’enquêtes sur les accidents afin d’apprendre des erreurs éventuellement commises et de réduire le plus possible les risques que ces accidents se reproduisent. La Constitution ne m’autorisait pas à déposer cet amendement en tant que député ; je remercie donc le Gouvernement de l’avoir fait, car nous avons besoin d’un tel dispositif, comme l’atteste le récent incendie du site d’OVH à Strasbourg.

Quant à mon sous-amendement, il vise à préciser que le BEA aura pour mission de collecter et d’analyser les informations utiles et non de s’intéresser à l’enquête.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avis très favorable à l’amendement et au sous‑amendement. Ce nouvel outil nous permettra d’améliorer la protection de nos concitoyens et de l’environnement.

M. Gérard Leseul. Je veux tout d’abord rendre hommage au président de la mission d’information sur l’incendie du site de Lubrizol, Christophe Bouillon, mon prédécesseur. Je m’inquiète des propositions qui nous sont soumises, car elles sont en deçà de ce qu’il conviendrait de faire. La France compte, je le rappelle, 1 312 sites classés Seveso : plutôt qu’un bureau d’enquêtes, il conviendrait de créer une véritable autorité indépendante chargée de prévenir les accidents et de réaliser des enquêtes strictement indépendantes, échappant à toute pression préfectorale. Je suis donc opposé à l’amendement.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement sous-amendé.

Article 72 (nouveau) (article L. 541-44-1 du code de l’environnement) : Renforcement de la lutte contre les dépôts sauvages)

Amendement CS2682 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Nous proposons de compléter le dispositif relatif à la lutte contre les dépôts sauvages en permettant également aux groupements de collectivités territoriales d’agir. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de correction, très constructif !

M. Erwan Balanant, rapporteur. J’y suis favorable, malgré le caractère peu constructif de votre vote sur le précédent amendement.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 69

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CS3788, CS3789 et CS3790 de Mme Josette Manin.

M. Gérard Leseul. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, pourriez-vous être un peu moins laconiques au sujet des amendements de nos amis d’outre-mer ?

Amendement CS3791 de Mme Josette Manin.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques, qui sont implantées en Guadeloupe et en Martinique, ont pour mission de régulariser les occupations sans titre de la zone littorale incluse dans le domaine public maritime naturel et de réaliser les travaux de voies d’accès, de réseaux d’eau potable et d’assainissement lorsque les communes n’en assurent pas la conduite.

Le III de l’article 27 de la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre‑mer dispose que les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques doivent être transférés avant le 1er janvier 2022 au conseil régional de la Guadeloupe et à la collectivité territoriale de Martinique. L’article 4 de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer fixe la fin de l’existence de l’Agence des cinquante pas géométriques en tant qu’établissement public d’État au 1er janvier 2022.

Compte tenu de l’incertitude quant à l’évolution du statut des agences, il paraît prématuré de les doter de pouvoirs de police. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement estime plus urgent de prolonger la durée de vie des agences, au-delà du 31 décembre 2020. Le renforcement de leur mission doit être appréhendé dans une vision globale à moyen terme de la gestion de la zone des cinquante pas géométriques. Le 7° du I de l’article 58 du projet de loi a précisément pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures d’adaptation des dispositifs relatifs à cette zone. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS4098, CS4100, CS4101 et CS4099 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Dans le cadre d’un référé-suspension, il faut prouver que la situation a un caractère d’urgence, au sens temporel du terme. Or il est très difficile de prouver l’imminence d’un dommage causé à l’environnement. L’amendement CS4098 a donc pour objet de préciser qu’en matière environnementale, la condition d’urgence est remplie dès lors que le dommage ou le risque de dommage présente un caractère grave ou irréversible.

Le CS4100 est très ambitieux, puisqu’il prévoit, dans une logique de précaution, qu’en matière environnementale, le juge puisse ordonner la suspension immédiate de la décision. Cela ne concernerait évidemment pas tous les dossiers ; il faut faire confiance au juge, qui utilise les outils à sa disposition avec parcimonie.

Le CS4101 vise, quant à lui, à étendre le champ d’application du référé-liberté, qui a pour objet de sauvegarder les libertés fondamentales, aux droits prévus par la Charte de l’environnement.

L’amendement CS4099, enfin, concerne l’adaptation du référé-conservatoire au droit environnemental, assouplit le critère de l’urgence et prend en compte le caractère « irréversible » du « dommage ».

M. Erwan Balanant, rapporteur. Demande de retrait. Je m’engage à ce que nous travaillions ensemble d’ici la séance publique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je salue votre travail au sein de la mission d’information et votre admirable implication, dans l’esprit du travail parlementaire. Vos arguments, ainsi que ceux de Mme Untermaier, sont très convaincants mais nous avons encore besoin de temps – je ne suis pas sûre, d’ailleurs, que celui dont nous disposons d’ici la séance publique suffira ! Demande de retrait.

Mme Cécile Untermaier. Selon certains tweets, la mission Moutchou-Untermaier est en train d’être torpillée ! Il est regrettable, madame la ministre, que la commission spéciale donne cette image. Nous ne sommes pas là pour réduire ce texte à néant mais pour l’améliorer. L’adaptation de ces outils de procédure que sont les référés est essentielle dans le domaine de l’environnement, où la prévention est décisive. Je souhaiterais donc que vous fassiez preuve d’un plus grand volontarisme sur ces questions.

Nous travaillerons avec le rapporteur mais je souhaite que l’administration soit également associée à ces avancées, dont vous serez remerciée, madame la ministre !

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous nous mettrons au travail dès lundi.

Les amendements sont retirés.

Amendements CS1814 de M. François-Michel Lambert et CS4571 de Mme Mathilde Panot (discussion commune).

M. François-Michel Lambert. Il s’agit de créer un impôt sur la fortune fléché sur le financement de la transition énergétique par le compte d’affectation spéciale qui lui est consacré.

Mme Mathilde Panot. L’ISF « climatique » est une proposition de Greenpeace. Les 1 % les plus riches ont une empreinte carbone soixante-six fois plus élevée que les 10 % les plus pauvres. Ce texte se doit d’associer écologie et justice fiscale et une composante climatique doit être incluse dans la fiscalité du capital.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Nous devons prendre le temps de la discussion lors de l’examen du projet de loi de finances. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je rappelle que les taxes sont en effet votées en loi de finances et que ces grands principes du droit budgétaire que sont la non-affectation des recettes et l’unité budgétaire s’appliquent.

M. François-Michel Lambert. Souvent, en période de crise, les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent.

Depuis l’article 1er, nous avons beaucoup insisté sur les enjeux liés à la transition énergétique et sur la nécessité d’accélérer la rénovation ainsi que la production d’énergies renouvelables. J’entends les principes rappelés par M. Aubert mais nous verrons après l’adoption de ces amendements ce qu’il en sera. Les Français, en effet, attendent que ceux qui ont les moyens participent à l’effort commun, en l’occurrence, pour lutter contre le dérèglement climatique, les passoires thermiques et disposer de suffisamment d’énergies renouvelables afin que nous puissions nous passer, notamment, du nucléaire.

Mme Mathilde Panot. M. Aubert n’a rien compris à l’ISF « climatique ». Il n’est pas question de l’affectation des recettes mais de la prise en compte d’une double échelle : celle de l’ISF tel qu’il existait avant que cette majorité ne le supprime et celle qui intègre l’empreinte carbone du patrimoine financier. Le capital investi dans les énergies les plus polluantes doit être plus taxé.

M. Dominique Potier. Les ricanements face à ces amendements achèvent de me désespérer. Nous avions déposé une vingtaine d’amendements, jugés irrecevables, en ce sens. Selon une étude que nous avons réalisée, vérifiée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) et d’autres organismes, l’application du « facteur 12 » – la réduction des écarts de rémunération de 1 à 12 – permettrait d’augmenter d’environ 20 % le revenu moyen grâce à une redistribution vers les deux premiers déciles, ce qui permettrait à 4 millions de Français de s’engager dans la transition énergétique et éviterait les comportements prédateurs des plus privilégiés.

Ces amendements soulèvent de vraies questions, à la différence de cette loi, et ne méritent en rien ces ricanements.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Quels ricanements ? Personne n’a ricané.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CS1858 de M. François-Michel Lambert et CS2676 de M. Gérard Leseul.

M. François-Michel Lambert. Il semble difficile de parler de fiscalité écologique. Pour dépasser les tensions qui surgissent dans la majorité dès que l’on évoque l’ISF, l’amendement CS1858 vise à demander un rapport qui présente tous les cinq ans les objectifs et les priorités d’action de la fiscalité écologique. Il a pour objet de créer les conditions d’un débat apaisé, de trouver une stabilité dans l’instauration d’une fiscalité écologique, et de se doter des moyens de servir le besoin de rénovation thermique et d’énergies renouvelables, comme la nécessité de redistribution.

M. Gérard Leseul. Même amendement. Nous appelons de nos vœux une loi de financement de la transition écologique, qui permettrait de revoir régulièrement la fiscalité et les incitations fiscales, pour disposer d’une fiscalité plus incitative que punitive.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le débat est intéressant mais il faut le mener au moment de l’examen des textes qui lui correspondent, c’est-à-dire du projet de loi de finances. Nous nous reverrons sur ces questions en septembre. Avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, ministre. Les mesures fiscales ont en effet vocation à être examinées dans le cadre du projet de loi de finances.

Les dispositifs de fiscalité environnementale peuvent faire l’objet d’un débat au Parlement de façon annuelle, avec les mesures en crédit ayant le même objet. À cette occasion, il arrive régulièrement que la fiscalité soit arrêtée de façon pluriannuelle, comme le montre l’exemple du malus automobile, pour donner plus de visibilité aux acteurs.

Par ailleurs, la documentation relative au financement de la transition écologique a été significativement enrichie en 2020, avec l’ajout d’une annexe consacrée au budget vert – Mme Peyrol s’est beaucoup investie sur le sujet.

Enfin, la loi ordinaire n’est pas le véhicule juridique adapté s’agissant d’une proposition ayant à régir une nouvelle catégorie de loi.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Article 73 (nouveau) : Demande de rapport sur l’application des dispositions des articles 67 et 68 de la loi et sur celles introduites par les articles 15 à 20 de la loi du 24 décembre 2020)

Amendement CS5517 du rapporteur

M. Erwan Balanant, rapporteur. Avec le présent projet de loi et le projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, nous avons lancé une grande réforme du droit de l’environnement. L’amendement CS5517 vise à mesurer l’effet cumulé de ces deux réformes.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 74 (nouveau) : Demande de rapport du Gouvernement en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par les juridictions pénales internationales

Amendement CS5509 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement CS5509 fait écho à tous les débats que nous avons sur l’écocide. Je l’ai dit, l’écocide doit être une réflexion internationale, au niveau du Tribunal pénal international. Le Président de la République s’est dit favorable à la définition d’un crime d’écocide dans ce cadre. Le rapport demandé porte sur l’avancement du travail de la diplomatie française sur le sujet. Il est capital que nous avancions sur la question.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

M. Gérard Leseul. Je soutiens l’amendement CS5509 car l’article additionnel est clairement rédigé. Il s’agit d’obtenir un rapport sur l’action du Gouvernement « en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime ». Tout est dit !

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 69

Amendement CS5908 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement CS5508 est issu des propositions de l’excellent rapport Une justice pour l’environnement, qui a été cité plusieurs fois. Le rapport a mis en lumière les lacunes existant en matière de gouvernance et d’application du droit de l’environnement. Il a préconisé de s’inspirer des bonnes pratiques mises en place dans certains territoires, pour réunir les différents acteurs des polices de l’environnement sous l’égide des préfets et des procureurs de la République. La recommandation n° 15 propose de systématiser la création de ces comités, qui prendraient le nom de « comités opérationnels départementaux de défense écologique ». Ils permettraient d’améliorer la fluidité entre les polices administrative et judiciaire. L’imbrication entre le judiciaire et l’administratif est un vrai sujet de complexification de notre droit de l’environnement. Ces comités pourraient aussi favoriser une concertation renforcée et plus efficace entre les associations de protection de l’environnement implantées localement, qui ont une bonne connaissance des atteintes à l’environnement dans le territoire.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je souhaite que vous retiriez l’amendement CS5508. Comme l’indique le rapport de 2019 Une justice pour l’environnement, les comités opérationnels départementaux ont été créés très récemment, sans être pour autant rendus obligatoires, dans l’ensemble du territoire. Il semble prématuré d’envisager leur généralisation sans effectuer un premier retour d’expérience.

La commission rejette l’amendement CS5508.

Article 75 (nouveau) : (Demande de rapport sur la recodification à droit constant des dispositions pénales concernant les infractions relatives à l’environnement)

Amendement CS5510 du rapporteur.

M. Erwan Balanant, rapporteur. L’amendement CS5510 soulève l’opportunité d’une recodification de notre droit de l’environnement. Vous l’avez constaté, le droit de l’environnement est complexe : très peu de dispositions sont directement inscrites dans le code pénal. Il faudrait voir comment le réorganiser. Une ordonnance pourrait par exemple le recodifier à droit constant.

Mme Barbara Pompili, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 69

Amendements CS3780 de la présidente, CS2667 de M. Guillaume Garot et CS2928 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le projet de loi se caractérise par l’ampleur de son sujet, le dérèglement climatique, et l’étendue des thèmes qu’il traite. Il contient de nombreuses échéances, expérimentations et trajectoires. Il paraît important d’avoir un dispositif exceptionnel de suivi de l’application de cette loi et de son impact sur notre trajectoire. L’amendement CS3780 vise donc à renforcer les moyens du Haut Conseil pour le climat (HCC), afin qu’il mène cette mission.

M. Dominique Potier. Au-delà de l’adoption du présent projet de loi, la France doit faire du Haut Conseil pour le climat une autorité publique puissante, dotée de moyens équivalents à ceux de son homologue britannique. Cette proposition, reprise par Delphine Batho et par les députés du groupe Socialistes et apparentés, a été largement débattue au sein de la société civile. Je regrette que la majorité n’ait rien trouvé de mieux que de déposer un amendement différent, au lieu de chercher un compromis sur la base d’une proposition issue de l’opposition. (Protestations.)

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nos amendements font l’objet d’une discussion commune. Nous allons nous rejoindre.

M. Dominique Potier. Je veux bien retirer ma critique si le rapporteur et la ministre donnent un avis favorable à notre amendement, et non à celui de la présidente. Mais au vu de ce que nous avons vécu pendant onze jours, j’en doute.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Un certain nombre de personnes partagent une vision commune. M. Potier vient de dire ce que j’avais prévu de dire moi-même : sur ce sujet qui peut faire l’objet d’un beau consensus, nous pourrions nous entendre, d’ici à la séance, sur une proposition commune. C’est pourquoi j’invite les auteurs de ces trois amendements à les retirer.

Mme Barbara Pompili, ministre. Le Haut Conseil pour le climat, qui a déjà publié un certain nombre de rapports, est en train de grandir. Nous devrions mener tous ensemble, en vue de la séance, une réflexion sur le renforcement de son rôle et de ses moyens. L’élaboration d’une proposition commune serait un bel objectif. Dans cette perspective, je demande le retrait de ces trois amendements.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. J’ai dit tout à l’heure que ce sujet dépassait les clivages traditionnels. Ce sera un travail démocratique que d’évaluer la mise en œuvre des mesures de la présente loi. Je suis prêt à retirer l’amendement CS3780 afin de rechercher une proposition commune.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous rejoins tout à fait, monsieur le rapporteur général.

M. Dominique Potier. Je retirerai également les amendements CS2667 et CS2928. Nous ne serons à la botte de personne. Nous voulons élaborer avec vous une proposition intelligente à ce sujet.

Si je suis un peu amer, c’est parce que j’ai la certitude que notre amendement CS2079 relatif au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, que la commission a rejeté tout à l’heure, avait en réalité les faveurs du Gouvernement. Nous avons manqué une occasion de soulager la justice, et je le regrette profondément. En faisant preuve d’un peu de discernement et d’empathie, il est parfois possible de faire avancer les choses. Sur un sujet important comme celui-là, votre comportement est un peu cruel.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS198 de M. Vincent Descoeur.

M. Jean-Marie Sermier. Nous demandons au Gouvernement de réaliser une étude sur la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cette demande s’inscrit tout à fait dans le débat que nous venons d’avoir. Je vous invite donc à retirer votre amendement. Je souhaite que tous les groupes politiques se retrouvent autour de la table afin d’élaborer une proposition commune relative à l’évaluation de cette loi.

Mme Barbara Pompili, ministre. Il n’est pas nécessaire d’inscrire une telle demande dans la loi. Demande de retrait.

Vous allez donc engager une réflexion commune en vue de rédiger un amendement pour la séance. Évaluer uniquement la mise en œuvre de cette loi n’a pas grand intérêt : cela ne nous donnera qu’une vision partielle des choses, qui ne nous permettra pas de savoir si nous sommes dans les clous de nos engagements climatiques. Vous ferez ce que bon vous semblera, mais il me paraît plus intéressant d’évaluer globalement l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la ministre, nous invitez-vous à travailler avec les autres groupes politiques à ce sujet ? (Exclamations.)

Mme Barbara Pompili, ministre. Bien sûr ! Vous savez bien que je suis favorable au dépassement des clivages et que je souhaite que nous travaillions tous ensemble au service de la biodiversité et du bien commun. Luttons tous ensemble contre le changement climatique, qui est une grave menace mais peut aussi constituer une grande chance ! (Rires.)

L’amendement est retiré.

Amendements CS3936 et CS3939 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Nous demandons que soit évalué l’impact des dispositions de ce projet de loi sur le volume de l’activité économique ainsi que sur l’exercice des libertés économiques, des libertés publiques et des droits fondamentaux.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ces amendements portent également sur l’évaluation de la loi. J’adresse donc à M. Herth la même invitation qu’à ses collègues.

Mme Barbara Pompili, ministre. L’amendement CS3936 s’inscrit dans le même esprit que les amendements précédents : je vous renvoie donc à la proposition de M. le rapporteur.

L’analyse de l’impact des mesures du projet de loi sur les libertés publiques et les droits fondamentaux relève davantage du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel. Or ce texte a été soumis au Conseil d’État et fera très probablement l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel : l’amendement CS3939 sera donc satisfait. Demande de retrait.

M. Antoine Herth. Je retire l’amendement CS3936 pour rejoindre le groupe de travail qui est en train de se constituer.

L’amendement CS3936 est retiré.

La commission rejette l’amendement CS3939.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CS3338 de M. Thibault Bazin.

Amendements CS4505 de Mme Mathilde Panot et CS4506 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Mathilde Panot. On peut afficher de hautes ambitions écologiques et insérer des grands mots dans la loi, voire dans la Constitution, mais sans expertise humaine pour mener à bien cette bifurcation écologique et solidaire, l’État ne pourra jamais réaliser ses ambitions. Je veux évidemment parler de la saignée en cours au ministère de la transition écologique, qui a été nommé champion de la baisse d’effectifs. On le voit aussi à l’Office national des forêts (ONF), à Météo-France, ou encore au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Pourtant, nous avons impérativement besoin de moyens humains. Nous avons pu le constater à l’occasion de deux incidents majeurs qui se sont produits ces deux dernières années, l’incendie de la station d’épuration d’Achères et celui de l’usine Lubrizol à Rouen.

Vous avez annoncé, madame la ministre, un renforcement des contrôles et des inspections de sites industriels. Vous vous êtes notamment engagée à augmenter de 50 % les inspections d’ICPE, dont le nombre serait porté de 18 000 à 27 000 par an. Or, suite à l’accident de l’usine AZF, ce chiffre était remonté à 30 000 inspections par an en 2006. Cela veut dire qu’il y aura moins d’inspections à la fin du quinquennat Macron qu’il n’y en avait en 2006, ce qui est tout de même extrêmement regrettable.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je laisserai la ministre répondre à l’amendement CS4505, auquel je suis défavorable. Je vous invite à retirer l’autre et adresse aux Insoumis la même invitation qu’aux autres groupes : participez avec nous à la réflexion autour de l’évaluation climatique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous évoquez une baisse des effectifs de l’inspection des ICPE. J’ai le plaisir de vous annoncer – à nouveau – qu’à la suite de l’accident de Lubrizol, j’ai décidé la création de trente postes d’inspecteurs dès 2021 et de vingt postes supplémentaires en 2022. Nous pourrons ainsi augmenter le nombre d’inspections. Il n’y a donc pas besoin de rapport.

J’en viens à l’amendement CS4506. Le ministère rend déjà compte chaque année de la mise en œuvre de ses politiques publiques au regard des moyens qui lui sont alloués dans le cadre de la loi de règlement, par le biais des rapports annuels de performances et des documents de politique transversale – les jaunes – annexés au projet de loi de finances.

Je vous confirme, madame Panot, que le ministère participe à l’effort de maîtrise des effectifs et de sa masse salariale. Dans ce cadre, il met en place différents dispositifs de construction de parcours professionnels, de maintien des compétences : nous réorientons nos priorités et maintenons un dialogue social, le plus qualitatif possible.

Évidemment, je monte au créneau dès qu’il s’agit de récupérer des moyens, comme cela a été le cas pour les aires protégées : nous avons ainsi obtenu l’engagement du Président de la République d’une augmentation de quarante postes des effectifs œuvrant dans ce secteur.

Mme Mathilde Panot. Madame la ministre, vous vous doutez que ce n’est pas le rapport qui m’intéresse.

Mme Barbara Pompili, ministre. C’est une bonne nouvelle ! Cela permettra aux agents du ministère de faire autre chose que des rapports.

Mme Mathilde Panot. Il s’agit de vous interpeller sur les besoins de votre ministère. Il vous manque des moyens humains ! Cinquante postes en plus, c’est totalement dérisoire au vu du nombre d’ICPE !

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous pourriez tout de même le saluer…

Mme Mathilde Panot. Puis-je parler, madame la ministre, et pouvez-vous m’écouter ? Je ne pense pas vous avoir interrompue. C’est très bien d’avoir sauvé des postes ou d’en avoir créé pour les aires protégées, mais ce serait aussi formidable de le faire pour Météo-France ou pour le service public forestier – nous avions voté un amendement sur lequel le Gouvernement a demandé un second vote. Les forêts sont des puits de carbone et des lieux de biodiversité nécessaires pour faire face aux enjeux climatiques.

La commission rejette successivement les amendements.

Titre

Amendement CS4937 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Notre amendement vise à rendre le titre du projet de loi plus compréhensible du grand public.

M. Erwan Balanant, rapporteur. « Renforcement de la résilience » contre « renforçant notre résistance » : l’enchaînement est poétique, mais ce n’est pas plus clair. Je suis défavorable à votre proposition.

Mme Barbara Pompili, ministre. Également défavorable. Le terme « résilience » est parfaitement adapté.

M. Antoine Herth. Je suis contre cet amendement. Les débats sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit climat-résilience, ont démontré la particulière résistance des membres de la commission spéciale, puisque nous avons réussi à siéger pendant onze jours sans en venir aux mains !

La commission rejette l’amendement.

Puis, elle adopte l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, à presque une heure du matin, nous avons achevé nos travaux dans une ambiance de travail très agréable. Je vous remercie pour votre présence, votre assiduité, votre bonne humeur, votre patience, votre expertise, vos contributions. Je remercie également madame la ministre et chaque rapporteur.

On n’a jamais examiné autant d’amendements en commission sur un projet de loi… Nous avons donc remporté à la fois le défi climatique et logistique.

Nous retrouverons dans l’hémicycle le 29 mars.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vous remercie pour cet excellent travail en commun. Ces débats, sans posture, étaient extrêmement stimulants. J’ai hâte de vous retrouver en séance pour que nous poursuivions l’amélioration du projet de loi.


([1]) La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.