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Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques

 

 

Président

M. Cédric VILLANI, député

 

Premier vice-président

M. Gérard LONGUET, sénateur

 

Vice-présidents

 

M. Didier BAICHÈRE, député

 

Mme Sonia de LA PRÔVOTÉ, sénatrice

M. Jean-Luc FUGIT, député

 

Mme Angèle PRÉVILLE, sénatrice

M. Patrick HETZEL, député

 

Mme Catherine PROCACCIA, sénatrice

Députés

 

Sénateurs

M. Julien AUBERT

M. Philippe BOLO

Mme Émilie CARIOU

M. Jean-François ELIAOU

Mme Valéria FAURE-MUNTIAN

M. Claude de GANAY

M. Thomas GASSILLOUD

Mme Anne GENETET

M. Pierre HENRIET

M. Antoine HERTH

M. Jean-Paul LECOQ

M. Gérard LESEUL

M. Loïc PRUD’HOMME

Mme Huguette TIEGNA

 

Mme Laure DARCOS

Mme Annie DELMONT-KOROPOULIS

M. André GUIOL

M. Ludovic HAYE

M. Olivier HENNO

Mme Annick JACQUEMET

M. Bernard JOMIER

Mme Florence LASSARADE

M. Ronan Le GLEUT

M. Pierre MÉDEVIELLE

Mme Michelle MEUNIER

M. Pierre OUZOULIAS

M. Stéphane PIEDNOIR

M. Bruno SIDO

 



 

 

SOMMAIRE

 

Pages

conclusionS de l’audition publique sur l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage

I. Un sujet complexe auquel la science n’Apporte jusqu’à présent que des réponses partielles

A. La contribution des champs électromagnétiques aux troubles de comportement des animaux n’est pas démontrée par la science

B. Des observations in situ mettent en avant plusieurs facteurs : la forte sensibilité des animaux, le rôle des courants parasites et l’influence de la géologie

C. La nécessité de financer la recherche

II. Un effort de prise en charge qui reste à améliorer

A. Le GPSE : une structure au service des agriculteurs qui suscite toutefois des critiques

B. Le rôle croissant de la géobiologie en réponse aux angles morts de la science

III. Les préconisations DE l’Office

Saisine de l’Office

Travaux de l’Office

I. Compte rendu de l’audition publique du 18 février 2021

II. Compte rendu de la réunion du 25 mars 2021 présentant les conclusions de l’audition publique du 18 février 2021

Annexe 1  Liste des acronymes

ANNEXE 2  présentations des intervenants

1. Présentation de Joe Wiart

2. Présentation de Charlotte Dunoyer et Olivier Merckel

3. Présentation de Stéphane Denécheau et Frédéric André

4. Présentation de Laurent Delobel

ANNEXE 3  Réponses aux Questions des internautes

ANNEXE 4  enquÊte auprès des membres dU European Parliamentary Technology Assessment (EPTA)

Annexe 5  Réponse de l’Union suisse des paysans au questionnaire envoyé par l’Office

Annexe 6  Liste des personnes entendues

 


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conclusionS de l’audition publique sur l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage

 

Saisi par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale pour dresser un bilan des connaissances scientifiques concernant l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé le 18 février 2021 une audition publique consacrée à ce thème. Celle-ci a été diffusée en direct sur les sites du Sénat et de l’Assemblée nationale. Les débats avec les parlementaires ont été ouverts aux internautes au moyen d’une plateforme numérique leur permettant de poser des questions.

Cette audition publique s’est déroulée sous la forme de deux tables rondes.

La première a traité des phénomènes observés et des explications apportées par la science.

Sont intervenus :

- Joe Wiart, professeur titulaire de la chaire C2M à Télécom ParisTech, pour expliquer les concepts physiques et électriques liés au sujet ;

- Serge Provost, Isabelle Brault, Alain Crouillebois et Hubert Goupil, agriculteurs dont les élevages ont connu de graves perturbations et membres de l’association Animaux sous tension (ANAST) ;

- deux experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) co-auteurs en 2015 d’un rapport visant à approfondir l’expertise scientifique relative aux conséquences sur la santé animale et sur les performances zootechniques des champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences : Charlotte Dunoyer, chef de l’unité de l’évaluation des risques liés à la santé et l’alimentation et au bien-être des animaux et Olivier Merkel, chef de l’unité de l’évaluation des risques liés aux agents physiques ;

- deux des rapporteurs de l’étude commanditée conjointement par le ministère de l’agriculture et le ministère de la transition écologique sur l’état des élevages à proximité du parc éolien des Quatre-Seigneurs en Loire-Atlantique : Stéphane Denécheau, inspecteur général de l’administration du développement durable au conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et Frédéric André, inspecteur général de santé publique et vétérinaire au conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ;

- Laurent Delobel, docteur vétérinaire et directeur du groupement de défense sanitaire de Loire-Atlantique, pour décrire les troubles de comportement des animaux observés in situ.

La seconde table ronde a porté sur la manière dont sont actuellement prises en compte et gérées les difficultés rencontrées par certains éleveurs.

Sont intervenus :

- Claude Allo, président du groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE), pour expliquer l’action de cette instance afin de remédier aux difficultés rencontrées par les éleveurs ;

- des représentants de Réseau Transport Électricité, pour décrire les modalités de conception et de mise en service des lignes électriques : Delphine Porfirio, directrice du département de la concertation et de l’environnement, François Deschamps, ingénieur référent national sur les champs électromagnétiques au département de la concertation et de l’environnement et Philippe Pillevesse, directeur des relations institutionnelles ;

- un représentant d’Enedis, Guillaume Langlet, chef du département expertise et relations fournisseurs matériels à la direction technique, pour connaître la position de cette entreprise sur les liens supposés entre les champs électromagnétiques et la dégradation de la santé des animaux ;

- un géobiologue, Olivier Ranchy, également conseiller à la chambre d'agriculture des Pays de la Loire, pour évoquer la discipline de la géobiologie et son rôle dans la prévention des interactions entre les champs électromagnétiques et les animaux d’élevage ;

- un représentant du ministère de l’agriculture, Emmanuel Bert, adjoint au chef du bureau du lait, produits laitiers et sélection animale à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), pour analyser l’implication de l’État dans la recherche de solutions et le financement de programmes de recherche.

L’organisation de cette audition publique était justifiée à plusieurs titres.

D’abord, parce que l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage reste un sujet très mal connu, alors qu’il peut conduire à des situations dramatiques, à la fois en termes économiques et humains. Il n’existe pas d’inventaire exhaustif et précis du nombre d’exploitations affectées par d’éventuels effets des champs électromagnétiques. Plusieurs intervenants ont insisté sur le nombre très limité de cas rapporté au nombre d’exploitations à proximité d’infrastructures électriques. Enedis gère environ 1,3 million de kilomètres de lignes électriques réparties sur toute la France. RTE est en charge de 100 000 km de lignes électriques à haute tension dont 70 % passent en milieu agricole. Par ailleurs, depuis 2014, le GPSE a fait l’objet de seulement 72 demandes d’interventions, ce qui laisserait penser que 99,9 % des éleveurs ne connaissent pas de difficulté. L’ANAST estime que la prévalence d’animaux souffrant des impacts des champs électromagnétiques est sous-estimée et évoque des centaines de cas. Si le nombre d’exploitations concernées s’accompagne de grandes incertitudes, les conséquences s’avèrent dramatiques pour les éleveurs lorsque les origines des troubles de comportement des animaux restent inexpliquées : la plupart sont contraints à une liquidation judiciaire de leur exploitation après de longues années de lutte sans avoir pu véritablement comprendre et remédier aux causes de la détérioration de la santé et des performances de leur élevage. Faute d’explication rationnelle, leur professionnalisme est parfois remis en cause, allégation qui aggrave la situation morale des agriculteurs.

Ensuite, malgré la mise en place d’une instance pour résoudre les difficultés rencontrées par certains élevages ‑ les premiers cas identifiés remontent aux années 1990 ‑, la situation reste bloquée et continue d’opposer les parties prenantes : d’un côté, les gestionnaires des réseaux électriques créant des champs électromagnétiques s’appuient sur les études scientifiques pour récuser leur éventuelle responsabilité directe dans les phénomènes observés ; de l’autre côté, les éleveurs subissent des désordres et dépendent de la bonne volonté d’opérateurs privés pour que la recherche de l’origine des troubles soit prise en charge.

La représentation nationale a rarement eu l’occasion de se saisir de ce sujet même si un nombre croissant de parlementaires s’y intéresse à titre individuel. En mai 2008, la commission des affaires économiques du Sénat avait saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et à très haute tension. Le rapport rendu en mai 2010 au nom de l’Office par le sénateur Daniel Raoul[1] abordait brièvement la question des effets des champs électriques et magnétiques sur les animaux d’élevage[2]. Plusieurs des recommandations que ce rapport formulait notamment pour développer l’expertise et la recherche n’ont cependant pas été suivies d’effet.

Ce phénomène n’est pas propre à la France. Dans le cadre du présent rapport, une enquête a été réalisée auprès des vingt structures étrangères, comparables à l’OPECST membres du European Parliamentary Technology Assessment (EPTA) afin de savoir (1) si leurs parlements nationaux avaient été saisis de la question des impacts des champs électromagnétiques sur le comportement des animaux d’élevage et (2) si les équivalents de l’OPECST avaient réalisé une étude à ce sujet. Douze instances ont répondu. Seuls les parlementaires suisses[3] ont été interpellés sur cette question et aucun membre de l’EPTA à l’exception de l’OPECST n’a réalisé d’étude sur cette problématique.

Si les politiques de transition écologique et numérique exigent le déploiement d’infrastructures de production d’énergie et de télécommunications mobiles sur tout le territoire national, cela ne pourra se concrétiser sans une acceptation sociale des projets. La médiatisation croissante des impacts supposément négatifs de ces technologies sur les animaux d’élevage et les risques de judiciarisation exacerbent les clivages existants sans apporter d’explication scientifique aux phénomènes observés ni de perspective pour la résolution des difficultés.

Onze ans après le rapport du sénateur Daniel Raoul, l’Office se saisit à nouveau de ce sujet à travers l’organisation de cette audition publique avec un objectif précis : contribuer à la sortie de l’impasse en écoutant l’ensemble des parties prenantes et en formulant des préconisations pour trouver des solutions durables aux difficultés rencontrés par les éleveurs.

 

I.  Un sujet complexe auquel la science n’Apporte jusqu’à présent que des réponses partielles

A.  La contribution des champs électromagnétiques aux troubles de comportement des animaux n’est pas démontrée par la science

Plusieurs intervenants ont mis en avant la complexité de la question.

Joe Wiart[4] a rappelé qu’en fonction de leurs sources d’émission, les champs électromagnétiques avaient des fréquences variables. Les antennes relais de télécommunications génèrent des champs électromagnétiques hautes fréquences quand les lignes haute tension induisent des champs électromagnétiques basses fréquences. Or, pour une tension donnée, les interactions des champs électromagnétiques avec l’environnement varient considérablement en fonction de leur fréquence. Ainsi, une intensité électrique de 1000 V/m existant entre les bornes d’une batterie de 4,5 v ne peut pas être comparée à une intensité de 1000 V/m émise par une antenne.

Il convient également de distinguer entre les effets directs des champs électromagnétiques et leurs effets indirects.

Les effets directs des champs hautes fréquences sont des effets thermiques, alors que ceux des champs basses fréquences sont des phénomènes d’induction.

 

Courants induits par les champs électriques et magnétique 50 Hz

 

Source : avis de l’ANSES, août 2015 : conséquences des champs électromagnétiques d’extrêmement basses fréquences sur la santé animale et les performances zootechniques.

 

Les effets indirects concernent les courants électriques induits qui peuvent créer des courants indésirés, appelés courants parasites, qui se propagent dans les structures métalliques[5] lorsque la mise à la terre n’est pas optimale. Ces courants parasites peuvent avoir une origine interne, liée à l’activité de l’élevage, ou/et externe, imputable aux lignes électriques avoisinantes.

S’agissant des effets directs des champs électromagnétiques, Delphine Porfirio a insisté sur le fait qu’aucune étude scientifique n’a établi un lien de causalité direct entre la proximité d’une ligne électrique et la santé des animaux. Charlotte Dunoyer a confirmé que toutes les tentatives visant à relier les champs électromagnétiques à des dysfonctionnements du système immunitaire ou au stress physiologique restent infructueuses.

En ce qui concerne les effets indirects, Charlotte Dunoyer[6] a rappelé que les études sur les modifications comportementales des animaux en réponse à des courants électriques induits concluent à des réponses de stress, modérées à sévères, qui varient selon les espèces.

Par ailleurs, les études commanditées par l’ANSES pour caractériser l’exposition des animaux d’élevage aux champs électromagnétiques ont conclu à des niveaux d’exposition largement en-dessous des valeurs limites d’exposition définies au niveau européen (100µT pour le champ magnétique et 5kv/m pour le champ électrique pour une fréquence de l’électricité de 50Hz).

La science a également du mal à établir un lien direct entre les difficultés constatées et l’exposition des animaux à des champs électromagnétiques en l’absence de symptôme pathognomonique. Comme l’a fait remarquer Laurent Delobel[7], les pathologies constatées – mammites, boiteries, dérèglements hormonaux, etc. – peuvent avoir des origines variées. De même, les troubles de comportement observés ne sont pas spécifiques à un désordre électrique ou/et magnétique.

Cependant, le fait qu’une vache, censée boire environ 80 litres d’eau par jour en plongeant son mufle dans l’eau, se mette à laper la surface comme un chat, constitue un signe laissant présager que des perturbations électriques affectent l’animal. Un autre signe est celui du refus de fréquentation par les animaux de certains lieux de l’exploitation (tout ou partie de la stabulation, robot de traite).

B.  Des observations in situ mettent en avant plusieurs facteurs : la forte sensibilité des animaux, le rôle des courants parasites et l’influence de la géologie

Les observations sur le terrain des difficultés rencontrées par certains élevages permettent de dégager des tendances qui devraient orienter les recherches scientifiques.

Alain Crouillebois, producteur de lait, a raconté qu’à la suite du remplacement d’une ligne aérienne par une ligne souterraine à une vingtaine de mètres de ses bâtiments, il a constaté des comportements anormaux de ses animaux ‑ regroupement anormal, refus d’aller au robot de traite ‑, une baisse de la production et de la qualité du lait ainsi qu’une surmortalité des veaux. Ces troubles ont disparu lorsqu’il a déplacé cette ligne souterraine 150 mètres plus loin.

Selon Isabelle Brault, éleveuse de poulets et de vaches allaitantes, les anomalies constatées chez ses volailles ‑ lots de plus en plus hétérogènes ‑ et chez ses vaches ‑ infertilité croissante ‑ sont apparues à la suite de l’installation d’une antenne relais de téléphonie mobile.

Laurent Delobel a ajouté que les troubles observés dans deux élevages à proximité du parc éolien des Quatre-Seigneurs étaient apparus dès les travaux de terrassement, soit bien avant la mise sous tension électrique du parc.

Claude Allo a également fait remarquer que, dans certains cas, des troubles sont observés chez les animaux en l’absence d’ouvrage électrique à proximité – antennes, éoliennes, lignes à haute tension.

Comme l’a fait remarquer Laurent Delobel, la sensibilité des animaux d’élevage est supérieure à celle des humains. Elle varie en fonction des espèces et dépend de leur résistance électrique (500 ohms pour la vache). Cette résistance est élevée pour les volailles puis va en décroissant pour les ovins, les porcins et les bovins. La sensibilité des animaux varie également en fonction des individus d’une même espèce et elle est influencée par les saisons et l’environnement (multiplication des appareils électriques, conductivité des équipements métalliques en contact avec les animaux, humidité du sol).

Les expériences menées sur des rats de laboratoire exposés à des courants électriques permettent de comprendre les comportements des animaux d’élevage confrontés à un stress électrique : évitement de certaines zones lorsque la fuite est possible ; prostration accompagnée de conséquences cliniques, zootechniques et sur la production lorsque les animaux ne peuvent pas échapper aux perturbations électriques ; modification du comportement des troupeaux avec le développement de l’agressivité et des chevauchements chez les bovins, voire cannibalisme chez les porcs.

L’environnement immédiat des animaux d’élevage peut favoriser l’apparition de courants parasites. Les champs électromagnétiques, comme les courants liés aux installations électriques, peuvent induire des courants et des tensions parasites sur les différents éléments métalliques des exploitations, à commencer par les bâtiments eux-mêmes. Ils se manifestent par des décharges électriques que subissent les animaux au contact des parties métalliques – tension de contact – ou par une circulation de courant dans leur corps à travers l’application d’une différence de potentiel ‑ tension de pas.

 

Tension de contact

Tension de pas

Source : GPSE : courants électriques parasites en élevage : connaître et maîtriser, 2019.

Ces courants parasites sont d’autant plus importants que les règles en termes de conformité électrique des bâtiments ne sont pas toujours respectées lors de leur construction ou de leur aménagement. Cette conformité électrique peut également être altérée à la suite de dégradations des structures métalliques dans le temps, ce qui peut entraîner un effet de pile (un sol initialement peu conducteur devient alors conducteur de courants électriques).

Certains comportements des animaux restent néanmoins inexpliqués, alors même qu’aucune tension électrique n’est mesurée. Plusieurs intervenants ont avancé le rôle que pourrait jouer le sous-sol dans la transmission de courants vagabonds.

C.  La nécessité de financer la recherche

Au cours de l’audition publique, trois domaines où l’état des connaissances devrait être amélioré ont été mis en évidence : l’exposition des animaux d’élevage aux champs électromagnétiques et les effets de ces derniers sur leur santé ; l’actualisation des seuils de perception des courants parasites par les animaux et leur compatibilité avec les normes électriques actuelles ; la circulation des courants dans les sols et les sous-sols.

En ce qui concerne l’exposition des animaux d’élevage aux champs électromagnétiques, Charlotte Dunoyer a rappelé qu’il existait très peu de données et qu’aucune étude à grande échelle et sur le long terme n’avait été menée jusqu’à présent en France. Quant aux effets des champs électromagnétiques sur les animaux d’élevage, l’expertise de l’ANSES publiée en 2015 a constaté que les études menées ne permettent pas de conclure. En effet, les études souffrent de l’absence de standardisation des protocoles et d’une rigueur scientifique parfois insuffisante, notamment en ce qui concerne la métrologie, la caractérisation de la source des champs électriques et/ou magnétiques ainsi que le niveau réel d’exposition des animaux (intensité, fréquence et durée).

Par ailleurs, plusieurs intervenants ont évoqué la nécessité de réévaluer les seuils de perception des animaux et de s’interroger sur la pertinence des normes électriques actuelles. Claude Allo a expliqué que ces seuils avaient été établis à l’initiative du GPSE à la fin des années 1990 et qu’ils n’avaient été jamais réévalués depuis, alors même que les bâtiments d’élevage et l’environnement électrique auxquels sont soumis les animaux ont fortement évolué. De même, les courants parasites continus ne font l’objet d’aucune étude alors qu’ils sont présents dans les élevages.

À propos des normes électriques et magnétiques, Joe Wiart a rappelé que les valeurs limites d’exposition aux champs magnétiques avaient été arrêtées en référence aux humains, sans prendre en compte les spécificités des animaux. Olivier Ranchy a estimé que les valeurs de résistance de la prise de terre (moins de 100 ohms dans une maison et moins de 50 ohms dans un milieu humide) étaient beaucoup trop élevées pour protéger les animaux d’élevage des courants parasites. Serge Provost a également insisté sur le fait que la norme NF C-15-100 avait pour but d’éviter l’électrocution, mais ne permettait pas de lutter contre les phénomènes de stress liés à l’utilisation de l’énergie électrique dans les élevages.

Un large consensus s’est dégagé enfin sur la nécessité d’engager des études sur la circulation des courants dans le sol et le sous-sol, le rôle des failles et des nappes d’eau ainsi que leur interférence avec les équipements électriques et métalliques des exploitations et leurs conséquences sur le bien-être animal.

Dans son rapport de 2015, l’ANSES énumérait déjà les domaines dans lesquels les efforts de recherche devaient être poursuivis. Mais aucun financement n’y a été consacré. Faute de moyens, ni l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) ‑ pour les recherches sur l’exposition des animaux ‑, ni le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ‑ pour les recherches sur l’influence de la géologie dans la circulation de courants vagabonds ‑ ne se sont mobilisés sur les sujets, alors même qu’ils détiennent en leur sein les compétences et les expertises nécessaires.

De cette même logique de manque de financement résulte qu’aucune investigation scientifique pluridisciplinaire n’est menée dans les élevages qui connaissent des difficultés récurrentes et inexpliquées, alors même que le GPSE dispose d’un réseau d’experts qui pourraient être mobilisés.

Au cours de l’audition publique, le ministère de l’agriculture a été interpellé sur le sujet du financement de la recherche. Emmanuel Bert a estimé que certains outils financiers, notamment dans le cadre du plan de relance du gouvernement, pourraient être utilisés à cette fin.

 

II.  Un effort de prise en charge qui reste à améliorer

A.  Le GPSE : une structure au service des agriculteurs qui suscite toutefois des critiques

Claude Allo a rappelé l’historique du GPSE. À la suite de la publication en juillet 1998 d’un rapport commandé par le ministère de l’agriculture relatif à l’influence des champs électromagnétiques sur les élevages, un protocole a été signé en 1999 entre le ministère de l’agriculture et EDF prévoyant la mise en place du groupe permanent de sécurité électrique (GPSE) présidé alors par le Professeur Henri Gallouin d’AgroParisTech.

À son démarrage, et pendant plus de 10 ans, le GPSE a fonctionné sous la forme d’un groupe de travail, sans structure formelle, en application de protocoles d’accord conclus entre le ministère de l’agriculture et EDF, puis EDF et RTE. Le premier protocole signé en 1999 s’est achevé à la fin 2003 et a été renouvelé en 2006 jusqu’à la fin 2008.

Durant cette période, le GPSE a procédé à un inventaire des connaissances disponibles, mis en évidence les problèmes électriques existants dans les exploitations agricoles et proposé une méthodologie pour résoudre les cas litigieux avec EDF.

À l’issue de cette période, s’est posée la question du renouvellement des protocoles conclus entre l’État et les opérateurs électriques. Présenté en 2010, le rapport de l’Office relatif aux effets des champs électriques sur la santé et l’environnement soulignait le travail accompli par le GPSE et recommandait que « l’État reprenne fortement son rôle ».

Le ministère de l’agriculture a préféré préconiser la création « d’un protocole d’échange entre les représentants des producteurs agricoles et des distributeurs d’électricité », limitant son rôle à « la facilitation du dialogue entre les parties autant que de besoin ».

Cette situation a entrainé la constitution en 2014 du GPSE sous forme d’association privée, nommée groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole, avec pour membres fondateurs RTE, Enedis et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Se sont joints à l’association le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et France énergie éolienne. Les ministères concernés (agriculture, développement durable, énergie) sont membres du conseil d’administration sans droit de vote. L’association n’a pas de mission de service public mais propose son expertise aux éleveurs confrontés à une suspicion de courants parasites liés à un équipement électrique extérieur à l’exploitation. Elle n’intervient pas sur les troubles supposés liés aux antennes relais.

Claude Allo a insisté sur le fait que les interventions du GPSE se font dans le cadre d’une démarche amiable. Deux types d’interventions sont proposés : des interventions rapides, sans protocole, qui visent à établir un diagnostic électrique indépendant ; des interventions approfondies, formalisées par un protocole signé par les parties concernées, qui visent à établir un diagnostic complet de l’exploitation confrontée à un problème complexe. La chambre d’agriculture compétente doit faire la demande d’intervention auprès du GPSE et accompagne systématiquement l’éleveur durant la procédure.

Partant du constat que les symptômes provoqués par les courants électriques parasites ne sont pas spécifiques et que les problèmes rencontrés dans les élevages sont toujours multifactoriels, la méthode d’investigation appliquée par le GPSE s’appuie sur trois volets d’expertise : audit électrique, bilan sanitaire complet, expertise zootechnique. Selon Guillaume Langlet, les préconisations du GPSE portent quasi systématiquement sur des mises aux normes des installations privées ; une fois ces actions effectuées, une amélioration est généralement constatée. Delphine Porfirio et Claude Allo ont toutefois reconnu que la suppression des courants parasites, qu’ils proviennent des installations privées des agriculteurs ou des infrastructures publiques électriques, ne permet pas toujours de faire disparaître toutes les difficultés. Sur les 49 interventions opérées entre avril 2014 et octobre 2020[8], 35 sont considérées comme achevées. 18 ont été menées dans le cadre d’un protocole mais 5 n’ont pas pu résoudre les problèmes observés.

Deux critiques sont adressées au GPSE : son intervention tardive et sa dépendance vis-à-vis des opérateurs électriques pour le financement de ses expertises.

L’intervention du GPSE intervient plusieurs années après le déclenchement des difficultés : trois ans dans le cas des deux élevages situés à proximité du parc éolien des Quatre-Seigneurs, six ans dans le cas décrit par Alain Crouillebois. Si le GPSE n’est pas responsable de ce délai, il n’en demeure pas moins qu’au moment où il est saisi, les difficultés de l’élevage ont pris une forte dimension multifactorielle. Le défaut électrique, quelle que soit son origine, s’est surajouté à d’autres difficultés, conduisant à une profonde dégradation sanitaire du troupeau à laquelle il devient difficile de remédier en quelques mois. C’est ce qui explique que seulement 1 % des dépenses du GPSE soit consacré à la mise en conformité des installations tandis que les dépenses liées aux expertises vétérinaires et aux actions sanitaires absorbent 39 % du budget.

Le GPSE ne disposant pas de financement propre[9], les travaux sont entièrement financés par les opérateurs électriques dans le cadre des accords conclus lors de la signature des protocoles après discussion au cas par cas. Comme l’a fait remarquer Claude Allo, il peut arriver que les financements soient insuffisants pour mener une étude à son terme, voire qu’ils soient refusés si l’opérateur estime que l’intervention du GPSE n’est pas justifiée. L’indépendance de l’expertise est également contestée par certains éleveurs, dans la mesure où son financement est assuré par l’entreprise potentiellement responsable du trouble.

B.  Le rôle croissant de la géobiologie en réponse aux angles morts de la science

Olivier Ranchy a présenté la géobiologie comme une discipline qui traite des relations entre le vivant d’une part et, d’autre part, l’environnement, les constructions et les modes de vie. L’objectif est de déterminer les zones à éviter parce qu’elles pourraient avoir un impact négatif sur la santé des animaux. Ces impacts négatifs peuvent avoir une origine artificielle (champs électromagnétiques en provenance de lignes de haute tension, d’antennes relais, d’éoliennes, de transformateurs, d’installations électriques dans les élevages, etc.) ou tellurique.

Le diagnostic géobiologique est réalisé en deux temps.

D’abord, le géobiologue analyse le lieu en s’intéressant particulièrement aux failles et aux veines d’eau situées à proximité, voire sous les bâtiments d’élevage, et qui peuvent perturber le vivant.

Ensuite, le géobiologue réalise un diagnostic électrique : les courants parasites sont recherchés et les mises à la terre sont examinées avec attention. Les recommandations reposent sur la définition de valeurs de résistance très inférieures aux normes en vigueur et sur l’implantation de prises de terre dans un milieu neutre, sans cours d’eau ni faille souterraine susceptible de disperser les courants vagabonds. Les liaisons équipotentielles sont multipliées afin de supprimer tout différentiel de potentiel.

Les relations entre les géobiologues et le monde agricole sont anciennes et bien établies, comme en témoigne le recours récurrent à la géobiologie avant la construction ou l’aménagement de bâtiments d’élevage. Olivier Ranchy a d’ailleurs plaidé pour que celle-ci soit également utilisée de manière préventive dans le cadre de l’implantation des ouvrages électriques au voisinage d’exploitations agricoles.

Cette discipline ne fait toutefois pas l’unanimité. Si elle repose en partie sur des méthodes scientifiques, notamment dans le domaine des mesures électriques, elle fait aussi appel à la subjectivité et au ressenti et peut, dans certains cas, être utilisée par des personnes mal intentionnées qui semblent davantage agir pour profiter des situations de détresse des éleveurs que pour leur apporter de réelles solutions. Elle peut cependant jouer un vrai rôle en matière de prévention, mais à l’instar des autres formes d’expertise, la géobiologie n’a pas pu apporter de solutions aux situations les plus dramatiques évoquées lors de l’audition publique.

 

Afin de gagner en légitimité, la profession de géobiologue cherche à se structurer, notamment pour écarter ceux qui s’en revendiquent dans une démarche mal intentionnée. Ainsi, dans le but de garantir la qualité des intervenants sur le terrain, l’association nationale de géobiologie, créée en 2012, a élaboré un code déontologique et une charte pratique et professionnelle.

 

III.  Les préconisations DE l’Office

Cette audition publique a été l’occasion de reconnaître les difficultés rencontrées par certains agriculteurs, les limites actuelles de la science pour expliquer les phénomènes observés mais également les insuffisances dans le traitement des situations les plus dramatiques.

Les propositions avancées, dont certaines ont été exprimées lors de l’audition publique poursuivent trois objectifs : une meilleure connaissance des phénomènes et de leurs origines, une prévention systématique des difficultés et une gestion plus efficace des problèmes rencontrés par les agriculteurs.

Elles reprennent et complètent les recommandations préconisées par le rapport de l’Office de mai 2010 et par celui du CGEDD/CGAAER de novembre 2020[10].

- Définir un cadre de recherche dans les secteurs où les manques de connaissances ont été identifiés : les effets des ondes électromagnétiques sur les animaux ; la nature des courants parasites en élevage, leurs effets sur les comportements et les performances ; la pertinence des seuils de perception des animaux et leur adéquation avec les normes électriques actuelles ; l’influence de l’eau et de la géologie dans la circulation des courants électriques dans les sols et le sous-sol ;

- Réaliser, en coopération avec les éleveurs concernés, des expérimentations dans les exploitations connaissant des difficultés, en apportant un soin particulier au protocole mis en place pour effectuer les mesures ;

- Développer un observatoire national pour inventorier, caractériser et documenter les exploitations concernées par des difficultés supposées imputables aux champs électromagnétiques.

 

 

- Généraliser la réalisation de diagnostics géologique et électrique avant la construction de bâtiments d’élevage et/ou leur réaménagement, mais également avant l’installation d’infrastructures électriques ou de télécommunication (réseaux électriques, éoliennes, panneaux photovoltaïques, antennes relais de téléphonie mobile) ;

- Sensibiliser les chambres d’agriculture et renforcer leurs compétences afin de pouvoir informer les agriculteurs et, le cas échéant, les conseiller si apparaissent des difficultés qui semblent liées à l’impact de champs électromagnétiques.

- Accélérer la prise en compte des problèmes exprimés par les éleveurs et, dans les cas les plus difficiles, leur apporter une solution de sortie de crise, à travers par exemple l’extension des missions du fonds de mutualisation du risque sanitaire et environnemental ;

- Faire évoluer le statut du GPSE afin de garantir son indépendance et augmenter son budget autonome d’intervention ;

- Accélérer la structuration du métier de géobiologue en instaurant une obligation de formation et le respect d’un code de déontologie à l’instar de celui édicté par la confédération nationale de géobiologie ;

- Mettre en œuvre les recommandations formulées lors des différentes études déjà réalisées par l’Office, l’ANSES et le CGEDD/CGAAER.

 


 


Saisine de l’Office

 

 

 


Travaux de l’Office

 

I.  Compte rendu de l’audition publique du 18 février 2021

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Bienvenue à tous. Cette matinée s’inscrit dans le cadre d’une saisine de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) répond aux demandes des instances du Parlement sur les sujets mêlant science et politique. L’Office instruit les dossiers, sans dessaisir le Parlement de son pouvoir de décision politique, mais en l’éclairant.

Le sujet sensible et polémique de l’audition publique doit être abordé dans le cadre des règles du jeu démocratique et avec l’humilité propre à la science bien faite et avec l’écoute propre au politique qui fait consciencieusement son travail.

Tous les parlementaires présents sont légitimes à participer au débat, mais les membres de l’Office seront prioritaires pour poser des questions. Les internautes pourront également faire part de leurs interrogations en utilisant la plateforme prévue à cet effet.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office. –Le sujet qui nous rassemble ce matin est très important et revêt une dimension publique extrêmement forte. Pour être l’élu d’un département largement dédié à la production laitière et de viande, je sais combien ce sujet préoccupe l’ensemble des populations du monde rural.

Je tenais à assurer à l’ensemble des intervenants que cette audition sera un événement dans la réflexion quotidienne de nos collègues parlementaires, malgré les conditions particulières liées au contexte sanitaire.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur.  L’audition d’aujourd’hui porte sur les effets des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage. Sont donc exclus les effets sur la santé humaine. Le sujet sera examiné à travers deux tables rondes.

C’est une question importante, à prendre avec humilité, et il faut savoir écouter la détresse des éleveurs qui nous relaient des faits de comportements ou de mortalité anormaux de leurs animaux. L’Office s’était saisi de ce sujet, rarement évoqué par la représentation nationale, pour la dernière fois il y a dix ans avec la publication d’un rapport du sénateur Daniel Raoul sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et à très haute tension.

C’est un sujet complexe pour de multiples raisons qui sont : les phénomènes physiques en jeu, à savoir les ondes électromagnétiques ; les objets variés auxquels il fait référence : lignes à haute tension, éoliennes, relais de téléphonie mobile ; des éléments d’électricité tels que les courants vagabonds dans les bâtiments d’élevage ; la réaction parfois mal connue des animaux ; les méthodes et outils de mesure utilisés qui laissent sans réponse de nombreuses questions ; enfin parce que, parfois, les exploitations à proximité des lignes ou des antennes relais ne connaissent aucune difficulté.

Cette matinée se déroulera en deux temps. Dans un premier temps, il s’agira de dresser un état des lieux de la situation au travers des témoignages d’agriculteurs et des analyses d’experts. Dans un second temps, nous entendrons les parties prenantes impliquées dans la gestion de ces situations complexes.

Ce format est restreint, certes, mais il permet de donner rapidement suite à la saisine. J’ajoute que cette matinée a fait l’objet d’une quinzaine d’heures d’auditions préalables qui nous ont permis de recueillir d’autres témoignages, notamment d’agriculteurs en Côte d’Armor. L’Office sera attentif à la suite qui pourra être donnée à ce travail.

Les temps de parole devront être respectés : 8 à 10 minutes par expert ; 15 minutes pour l’Association Nationale Animaux Sous Tension (ANAST) qui porte la voix de nombreux agriculteurs subissant les difficultés qui nous rassemblent aujourd’hui.

Un temps sera ensuite consacré aux questions, qui devront être courtes. Si nous n’avons pas la possibilité de répondre à l’ensemble des questions ce matin, notamment celles des internautes, je m’engage à les traiter dans le document qui fera suite à cette table ronde.

 

Première table ronde

L’état des connaissances scientifiques concernant l’impact des infrastructures électriques et de réseau sur la santé des animaux d’élevage

Présidence de M. Philippe Bolo, député, rapporteur

 

M. Philippe Bolo, député, rapporteur.  La première table ronde va donner la parole successivement à M. Joe Wiart, professeur à Télécom Paris ; à l’ANAST avec M. Serge Provost, président, M. Alain Crouillebois, vice-président, Mme Isabelle Brault, vice-présidente, et M. Hubert Goupil, vice-président et trésorier ; à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) avec Mme Charlotte Dunoyer, chef de l’unité de l’évaluation des risques liés à la santé et l’alimentation et au bienêtre des animaux, et M. Olivier Merckel, chef de l’unité de l’évaluation des risques liés aux agents physiques. Nous écouterons ensuite les deux rapporteurs sur l’état des élevages à proximité du parc éolien des Quatre-seigneurs en Loire-Atlantique : M. Stéphane Denécheau, inspecteur général de l’administration du développement durable au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et M. Frédéric André, inspecteur général de santé publique et vétérinaire au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Nous conclurons par l’intervention de M. Laurent Delobel, docteur vétérinaire et directeur du groupement de défense sanitaire de Loire-Atlantique.

Je donne la parole à M. Wiart, qui va nous rappeler les bases physiques du sujet qui nous intéresse aujourd’hui.

M. Joe Wiart, professeur à Télécom Paris.  Je vais essayer d’éclairer le débat d’aujourd’hui en précisant les concepts maniés, c’estàdire en m’attachant à caractériser les ondes électromagnétiques, en définissant les champs électriques et les champs magnétiques et en expliquant les interactions entre les ondes et les êtres vivants.

Les ondes électromagnétiques sont en débat aujourd’hui en raison de leurs interactions possibles avec l’être humain et les animaux, mais les champs électromagnétiques font partie de notre environnement depuis longtemps, au même titre que l’électricité.

Qu’elles soient mécaniques, gravitationnelles ou électromagnétiques, les ondes transportent une énergie sans transporter la matière. Dans une vague par exemple, l’onde qui se propage ne déplace pas les molécules d’eau dans la direction de propagation. Seule l’énergie est transportée dans la direction de propagation : elle soulève la surface de l’eau sous forme d’une vague qui ensuite soulève le bateau. Il en est de même pour le son. Je précise que la vitesse de propagation dépend de la fréquence des ondes.

Les caractéristiques d’une onde sont l’amplitude, la fréquence et la longueur d’onde. L’amplitude, c’est la force de la vague, la fréquence est le nombre de répétitions du motif par seconde et la longueur d’onde est la distance parcourue pendant une période.

Les ondes sont classées selon leurs fréquences. Il y a des ondes en basses fréquences de quelques kilohertz (kHz) ou mégahertz (MHz). Les champs émis par les lignes à haute tension ont une fréquence de 50 Hz : le cycle s’inverse 50 fois par seconde. Les fréquences des ondes liées aux antennes de radio FM sont de 100 MHz (le cycle s’inverse 100 millions de fois par seconde), celles liées à la 4G, de 2,6 GHz (soit une inversion du cycle 2,6 milliards de fois par seconde). Il est possible de discriminer les ondes à partir des fréquences.

Les champs électromagnétiques sont composés d’un champ électrique et d’un champ magnétique. En statique, les champs électriques et les champs magnétiques sont décorrélés. Lorsqu’une lampe est éteinte, il y a un champ électrique qui donne une tension, mais aucun courant ne passe et il n’y a pas de champ magnétique. Dès que la lampe est allumée, le courant passe. Le déplacement des charges crée un champ magnétique. Dans ce cas, le champ électrique et le champ magnétique sont liés.

Les champs se lient davantage au fur et à mesure que la fréquence augmente. Un champ électrique d’un volt par mètre n’a pas la même signification en termes d’interactions si l’on est en statique ou si l’on est en haute fréquence. Sans l’information sur la fréquence, il n’est pas possible d’évaluer complètement les interactions avec l’environnement.

Les champs électromagnétiques haute fréquence sont générés par des antennes relais de télécommunications et les champs électromagnétiques basse fréquence sont essentiellement causés par le transport d’électricité. Plus le courant est élevé dans les lignes à haute tension, plus le champ magnétique est important. Les champs électriques mesurés pour les ondes de haute fréquence atteignent quelques dixièmes de volt par mètre. Pour les ondes de basse fréquence, par exemple dans le cas des lignes à haute tension de 90 000 volts, on mesure sous la ligne un champ électrique de 1000 V/m et un champ magnétique de 10 micro-Tesla (T), à 30 mètres de l’axe 100 V/m et 1 T, et à 100 mètres de l’axe 10 V/m et 0,1 T.

Il est nécessaire de faire la distinction entre, d’une part, les interactions et risques connus et documentés, d’autre part, les hypothèses scientifiques sur les effets supposés des ondes. En science, il y a ce qu’on peut répliquer et ce qui fait l’objet d’un débat scientifique. J’ai centré mon intervention sur les effets qui sont connus, tels que les effets directs. Il s’agit des effets thermiques pour les ondes haute fréquence. Une onde qui se propage est capable d’apporter une énergie qui peut induire une élévation de température. Dans le cas des basses fréquences, l’énergie ne va pas entraîner de chaleur, mais des courants induits.

Les effets indirects sont beaucoup débattus au sujet des élevages. Ils sont beaucoup moins observés lorsqu’il s’agit des ondes électromagnétiques émises par les antennes relais, car ces effets indirects sont essentiellement liés aux champs électromagnétiques de basse fréquence. Ces effets indirects concernent les couplages qui créent des courants parasites et peuvent éventuellement se propager dans les structures métalliques lorsqu’il y a une mauvaise mise à la masse. Ces couplages peuvent être de type électrique capacitif : ils vont, dans ce cas, plutôt se faire par accumulation de charges et les courants électriques peuvent ensuite être redistribués dans le nez d’un animal, ce qui est désagréable. Il existe également un couplage plutôt inductif, lié au champ magnétique. Ces effets indirects sont documentés. Des procédures sont utilisées pour lutter contre ces effets, notamment en assurant une bonne mise à la masse.

M. Serge Provost, ancien agriculteur, président de l’Association Nationale Animaux Sous Tension (ANAST).  J’ai été victime de ces phénomènes et c’est la raison pour laquelle je me bats, afin d’éviter que des éleveurs se retrouvent ruinés. L’ANAST mène un combat acharné depuis 30 ans pour faire reconnaître les nuisances des effets directs et indirects des champs électromagnétiques sur le vivant. Entre 1990 et 2000, 6 à 7 éleveurs ont attaqué individuellement Électricité de France (EdF) et ont presque tous été déboutés, sauf un. Il était donc essentiel que l’ANAST soutienne tous les éleveurs victimes des champs électromagnétiques. Elle œuvre à leur défense collective, à la reconnaissance et l’indemnisation des préjudices subis, à la relocalisation des bâtiments d’élevage impactés pour lesquels les solutions techniques proposées n’ont pas apporté de résultat durable.

Le groupement permanent pour la sécurité électrique (GPSE) créé à l’initiative de l’ANAST en 1998 a malheureusement dévié de sa mission première en contribuant à garder les difficultés des éleveurs sous silence et à étouffer la réalité des faits dévastateurs pour nombre d’éleveurs.

La renaissance de l’ANAST grâce au collectif sarthois et aux aides financières du Parlement européen a permis d’organiser la défense juridique collective des victimes. Nous demandons la reconnaissance et l’indemnisation de toutes les victimes depuis les années 1990. Nous sommes aujourd’hui des centaines d’éleveurs confrontés à ces nuisances, certes complexes. Nous nous battons pour que les normes changent. La norme NF C‑15‑100 a pour but d’éviter l’électrocution, mais pas les phénomènes de stress liés à l’utilisation de l’énergie électrique dans les élevages, en particulier ses effets cumulatifs sur le vivant. Pour quelles raisons l’équipotentialité n’est‑elle pas obligatoire dès la conception des bâtiments d’élevage ? Pourquoi les études de sol et de sous‑sol avant implantation d’ouvrages produisant et transportant de l’électricité ne sont‑elles pas non plus obligatoires comme dans d’autres pays européens ?

Depuis 30 ans, nous avons observé un développement très important des nouvelles technologies sans aucune préoccupation quant à l’extrême sensibilité des animaux aux champs électromagnétiques. Nous demandons aux compagnies d’assurance que les expertises réclamées par les éleveurs soient prises en charge par des experts totalement indépendants.

L’ANAST demande une action en urgence au plus haut niveau de l’État pour que cesse ce scandale sanitaire. Les normes doivent être revues.

M. Alain Crouillebois, éleveur, vice-président de l’ANAST.  Je suis producteur de lait dans l’Orne depuis 1996. J’ai été victime des ondes électromagnétiques à partir de 2011. Tant que mon exploitation a été alimentée par un ouvrage aérien, je n’ai jamais eu de problème. En novembre 2011, Enedis a remplacé cette ligne aérienne par une ligne souterraine de moyenne tension (20 000 volts) à une vingtaine de mètres de mes bâtiments. Dès la minovembre 2011, j’ai constaté un regroupement anormal des animaux, et une baisse de la production et de la qualité du lait. J’ai dû procéder à des aménagements pour forcer mes animaux à se rendre aux robots de traite, ce qui est complètement contraire aux pratiques liées à l’utilisation des robots. Mes veaux ont commencé à connaître des problèmes de santé et de croissance. J’ai perdu énormément d’animaux, notamment par euthanasie afin d’éviter leurs souffrances.

En 2017-2018, le GPSE a réalisé des analyses et préconisé des aménagements, mais uniquement sur mon exploitation. Quasiment rien n’a été effectué sur les ouvrages Enedis.

Le GPSE a conclu qu’en dépit de mes actions, l’élevage rencontrait toujours des difficultés sans que l’origine électrique ne puisse être démontrée. Il a refusé de déplacer les ouvrages Enedis et d’aller plus loin dans ses expertises. Le protocole a donc été clôturé, m’abandonnant à mes problèmes d’élevage.

J’ai réussi à trouver du soutien auprès de M. Serge Provost en 2017, puis de l’ANAST en 2019. En concertation avec eux, j’ai décidé de prendre en charge le déplacement de 150 mètres d’ouvrages électriques enterrés sous mes terres. Cette opération était fortement déconseillée par Enedis et le GPSE.

Après quelques semaines, le comportement des animaux est redevenu complètement normal. J’ai déterré en août 2019, à mes frais, les anciens câbles et j’ai constaté qu’ils étaient enrobés de boue alors que nous étions en pleine sécheresse. Enedis avait enterré ses câbles dans une zone boueuse.

Aujourd’hui, j’ai retrouvé une vie sereine grâce au soutien de l’ANAST et non grâce aux membres du GPSE qui m’ont littéralement abandonné. À croire que mon dossier dérange.

Les pertes sur mon exploitation sont estimées à plusieurs centaines de milliers d’euros du fait de la proximité d’un ouvrage électrique enterré.

Mme Isabelle Brault, vice-présidente de l’ANAST.  Nous sommes installés dans la Sarthe depuis 1990, sur une exploitation de 160 hectares en agriculture biologique avec une production de poulets de chair label de Loué et un élevage de vaches allaitantes de race limousine. Nous sommes « ferme de référence » pour la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Nos productions sont très encadrées et contrôlées par des techniciens et des vétérinaires. Nous suivons des formations pour rester performants.

En 1997, une antenne relais de téléphonie mobile Orange a été implantée sur le château d’eau situé à seulement 200 mètres de nos hangars, de notre maison d’habitation et de notre premier poulailler, sans que nous y prêtions attention. Depuis une quinzaine d’années, la santé de la famille s’est dégradée (migraines, insomnies, acouphènes, états dépressifs). Nous avons réussi à améliorer la santé de nos enfants en les éloignant de la maison. Nous avons été diagnostiqués électrosensibles. Mon mari est actuellement suivi par le docteur Tripoli au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes.

Parallèlement, des anomalies dans le troupeau de vaches et chez les poulets ont également été constatées. L’infertilité des vaches a augmenté au fil des années : leurs ovaires ont diminué de façon anormale. Les lots de poulets sont de plus en plus hétérogènes. Les vétérinaires ont constaté cette situation sans pouvoir l’expliquer. Les géobiologues et le Centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants (CRIIREM) ont évoqué la possibilité d’un stress dû à l’antenne relais. La seule amélioration a été obtenue en éloignant les animaux de l’exploitation. Même si les liens sont difficiles à établir, les conséquences économiques sont désastreuses. Nous avons dû racheter un troupeau de douze vaches pour 30 000 euros. Les résultats obtenus pour les poulets sont irréguliers et parfois catastrophiques.

Nous ne sommes pas des anti-antennes et utilisons des portables nécessaires à notre travail, mais nous aimerions avoir des réponses à nos interrogations. Par l’intermédiaire de l’ANAST, nous avons souhaité faire connaître ces problèmes. Les implantations d’antennes devraient se faire en concertation avec les riverains et une attention devrait être portée aux infrastructures installées autour des élevages. Pour notre part, nous avons une antenne relais le long d’une autoroute, une ligne de train à grande vitesse à 150 mètres et une ligne très haute tension à 800 mètres.

M. Hubert Goupil, vice-président et trésorier de l’ANAST.  En 1983, nous avons lancé un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) en polyculture et un élevage laitier et, en 2009, un atelier de poules pondeuses en plein air. Les deux fonctionnaient correctement jusqu’à ce que tout bascule en novembre 2012. Les poules qui pondaient 1 300 œufs par jour n’en pondent plus que 100, deviennent silencieuses et se mutilent. 80 veaux meurent en 4 ans (convulsions, déshydratation, maladies pulmonaires, corona, etc.). Jusqu’en septembre 2013, les causes sont recherchées auprès de professionnels vétérinaires, techniciens agricoles et bovins, et nutritionnistes. Aucune amélioration n’est constatée malgré les vaccins, les modifications de l’alimentation et le remplacement de lots de poulets. Les poules migrées sur un autre lieu pondent à nouveau et arrêtent leur production dès qu’elles reviennent sur le site.

En septembre 2013, toutes les instances (élus, administrations, organismes professionnels) et le Groupement de défense sanitaire de l’Orne (GDSCO) sont informés. Ce dernier nous fait part d’un cas similaire dans l’Eure. Nous le contactons et il nous affirme avoir trouvé la source des dysfonctionnements constatés grâce à un géobiologue. Le ministère de l’Agriculture saisi en avril 2014 nous invite à contacter le GPSE, ce que nous faisons aussitôt.

Une année plus tard, un rendez-vous avec le directeur de la Chambre d’agriculture de l’Orne et le vétérinaire expert du GPSE a lieu sur l’exploitation. En mai 2016, un courrier de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) reconnaît que notre exploitation est confrontée à des anomalies d’une portée exceptionnelle excluant toute défaillance professionnelle dans le suivi du troupeau, mais ne permettant pas de déceler une cause extérieure. Entre‑temps, la liquidation judiciaire de l’atelier « poules » avait déjà eu lieu.

Pendant des mois, nous avons soigné et observé le comportement de nos poules et bovins. Les chutes de ponte et les mortalités répétitives sans explication nous ont amenés à faire appel à un géobiologue qui a étudié l’environnement de la ferme. Trois édifices (antenne de téléphonie, station d’épuration, paratonnerre placé sur le clocher d’une église) sont positionnés sur une rivière souterraine au‑dessus de laquelle sont également installés nos bâtiments d’élevage. L’hypothèse de la responsabilité de ce courant souterrain dans nos difficultés est vivement retoquée par le rapport d’expertise judiciaire de juillet 2018. Son compte rendu est sans appel : l’éleveur est déclaré incompétent, car faisant appel à des pratiques ésotériques. Avocats, experts et professeurs émérites au service des opérateurs closent le dossier sans apporter la moindre réponse à nos questions.

Depuis cette expertise, tout est classé sans suite. La liquidation judiciaire de l’atelier bovin a eu lieu en 2018. Demain, nous devrons peut‑être régler une dette de 200 000 euros à notre banque avec une retraite de 800 euros par mois et un salaire d’aide à domicile. Notre dossier est devant le juge d’exécution des peines et entre les mains de notre avocat.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur.  Merci pour ces témoignages. Dans le cadre de la préparation de la table ronde, j’ai entendu des témoignages similaires qui soulèvent de nombreuses interrogations.

M. Olivier Merckel, chef de l’unité de l’évaluation des risques liés aux agents physiques, ANSES.  Dans la réalisation des expertises menées, nous répondons à des saisines ou à des questions sur tous les sujets génériques liés à la santé, à l’alimentation et au travail. Il est rare que nous travaillions sur des cas spécifiques locaux. L’objectif de nos expertises est de fournir un appui aux pouvoirs publics dans leur gestion des risques et de contribuer à l’information des citoyens sur les risques qui peuvent survenir dans leur cadre de vie.

L’expertise est mise en œuvre collectivement par des experts indépendants qui appartiennent aux grands centres de recherche et universités français, avec une attention particulière prêtée aux compétences et aux déclarations publiques d’intérêts de tous les experts. Tous les résultats de nos études sont publiés sur notre site dans un souci de transparence.

Sur le sujet des champs électromagnétiques, nous nous sommes concentrés principalement sur la santé humaine, mais nous avons également travaillé dans une moindre mesure sur la santé animale. Des sujets aussi divers que l’évaluation des impacts sanitaires des systèmes d’identification par radiofréquence, l’exposition de la population aux champs électromagnétiques émis par les compteurs communicants ou encore l’hypersensibilité électromagnétique ont été traités par l’ANSES.

 

Les lignes électriques sont l’une des principales sources d’exposition aux champs électromagnétiques pour les élevages. À leur proximité, on identifie des champs électriques et magnétiques mesurables. Ces champs induisent des courants dans les corps humains et des animaux. Les courants créés par le champ électrique vont être superficiels. Les courants créés par le champ magnétique vont se retrouver davantage dans les corps car ce champ traverse les corps vivants humains et animaux sans quasiment être perturbé.

Les élevages sont dans un environnement particulier avec de nombreuses installations électriques et des éléments métalliques qui peuvent être autant de conducteurs des courants générés par ces lignes électriques ou par le réseau électrique qui alimente ces installations. Il s’agit alors de différencier les effets directs qui peuvent provenir de ces champs et des effets indirects qui vont être liés aux courants ou tensions parasites qui peuvent exister dans ces installations.

Les intensités et les circulations de courant électrique dans le corps peuvent varier fortement selon la résistance intrinsèque de chaque espèce animale.

Mme Charlotte Dunoyer, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la santé, l’alimentation et au bienêtre des animaux, ANSES.  Il me revient de vous présenter les résultats d’un rapport de l’ANSES de 2015 intitulé « Approfondir l’expertise scientifique relative aux conséquences sur la santé animale et sur les performances zootechniques des champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences ». Les champs électromagnétiques visés sont ceux des lignes à haute tension et à très haute tension. Cette étude s’est focalisée sur les animaux d’élevage.

La méthode d’expertise fait appel à différents outils, dont une analyse approfondie de la littérature – 300 publications analysées – et l’audition des parties prenantes (le GPSE, Réseau de transport d’électricité (RTE), les organisations professionnelles agricoles de la Manche, etc.). Un vétérinaire géobiologue a également été auditionné pour comprendre cette discipline et son approche du problème. Cette saisine a aussi mobilisé une convention recherche et développement pour acquérir des données nécessaires pour l’expertise.

Ce travail d’approfondissement de l’expertise scientifique a été décliné en deux volets : caractériser l’exposition des animaux d’élevage aux champs électromagnétiques ; définir si cette exposition peut générer des effets.

Face à la faiblesse des données existantes sur les animaux d’élevage, nous avons dû mettre en place une étude exploratoire. Nous avons ainsi relevé des données d’exposition aux champs électromagnétiques en bâtiment et à l’extérieur dans 10 élevages de porcs, 10 élevages de bovins, 9 exploitations de poules pondeuses et un couvoir. 17 de ces exploitations se situaient à proximité de lignes à haute tension et 13 se situaient à l’écart total des lignes à haute tension.

Les bovins ont été équipés d’appareils portables afin d’enregistrer le champ électromagnétique auquel ils étaient exposés tout au long d’une journée. L’objectif était de connaître les sources des champs électromagnétiques dans les élevages, leur intensité et la durée d’exposition des animaux.

Il a été montré que les bovins sont exposés à des champs électromagnétiques au cours de la journée. Lorsque les animaux pâturent dans une exploitation proche de lignes à haute tension, l’exposition aux champs électromagnétiques augmente. Cette exposition varie en fonction du parcours de l’animal et des sources des champs électromagnétiques. Les niveaux d’exposition sous les lignes de transport d’électricité n’ont jamais excédé 3,5 microteslas dans les conditions de mesure.

La convention recherche et développement nous a ainsi permis de montrer qu’il est possible d’identifier les principales sources d’exposition aux champs électromagnétiques, d’en mesurer les niveaux ainsi que leurs variations en fonction de l’activité des animaux. Les champs magnétiques mesurés sous les lignes de transport d’électricité ont une intensité comprise entre 0,01 et 7,59 microteslas, ce qui reste conventionnel d’après les physiciens. Les champs électriques sont compris entre 46 et 5 060 volts par mètre. Les champs magnétiques sont globalement inférieurs à 3 microteslas dans les bâtiments d’élevage. Certaines sources internes aux élevages peuvent atteindre jusqu’à 25 microteslas à proximité de certains équipements : ceux‑ci se trouvent néanmoins rarement à grande proximité des animaux. Ces champs magnétiques sont comparables à ceux mesurés auprès d’équipements domestiques courants.

Ces premières mesures ne sont bien entendu pas représentatives de toutes les populations d’élevage et de toutes les lignes électriques de France. Les experts avaient recommandé de poursuivre l’étude à grande échelle pour mieux quantifier cette exposition et pouvoir l’utiliser dans le cadre d’études épidémiologiques.

Les experts ont ensuite orienté leur travail sur l’analyse des articles scientifiques avec comme thématiques : les aspects neurophysiologiques et comportementaux des animaux soumis à des champs électromagnétiques ; les performances zootechniques et les impacts sanitaires éventuels ; les mécanismes physiologiques et neuro-comportementaux de l’effet des champs électromagnétiques sur différents points physiologiques des animaux.

Seul l’effet indirect des champs électromagnétiques, lié aux courants parasites, a fait l’objet d’études nombreuses et convergentes. Les courants induits par les champs électromagnétiques peuvent en effet circuler dans des équipements métalliques qui ensuite créent des tensions auxquelles l’animal peut être confronté. Les études concluent bien à des réponses de stress modéré à sévère en fonction de la résistance intrinsèque des espèces et de chaque animal.

Les courants parasites peuvent avoir une origine interne, liée à l’activité de l’élevage, ou externe, imputable aux lignes électriques. La contribution relative des deux sources n’est pas évaluée dans les différentes études. Des mesures de prévention existent, en lien avec la mise à la terre de l’installation et l’équipotentialité des masses métalliques.

Concernant les possibles effets directs du champ électromagnétique sur les animaux d’élevage, les données disponibles sont beaucoup trop limitées et obtenues avec des protocoles très différents : les experts n’ont pas pu conclure. Des études existent en revanche concernant des espèces modèles de rongeurs avec des variabilités qui dépendent de la durée et du niveau d’exposition. À des niveaux d’exposition très supérieurs à 100 microteslas, on peut trouver des effets de nature cognitive sur les rongeurs.

Pour les autres domaines étudiés, et faute notamment de standardisation de protocoles par ailleurs souvent imprécis, nous n’avons pu ni conclure ni interpréter les résultats. Il y a eu des études de cas dans des fermes à proximité de lignes à haute tension, notamment par le GPSE. Elles sont difficiles à interpréter en l’absence de situation de référence. Les rares études expérimentales qui peuvent montrer quelques effets ne parviennent pas à déterminer de relation dose‑effet.

Les experts ont donc recommandé la poursuite de l’effort de recherche à la fois sur la méthode et sur les sujets évoqués. Depuis 2015, cela ne semble pas avoir été beaucoup suivi d’effet, que ce soit en matière d’encouragement à la recherche ou de nouveaux programmes de recherche.

En ce qui concerne les conclusions du rapport sur l’effet des champs électromagnétiques eux‑mêmes, notamment en matière de conséquences physiologiques, toutes les tentatives visant à relier les champs électromagnétiques à des dysfonctionnements du système immunitaire ou au stress physiologique restent infructueuses. La difficulté majeure, qui demeure irrésolue, est celle de l’identification du mécanisme d’action des champs électromagnétiques sur la physiologie du vivant.

S’agissant des effets neurobiologiques, hormis les courants parasites, il ne semble pas y avoir d’effets manifestes sur le comportement des animaux aux niveaux d’exposition mesurés. Nous avons uniquement constaté une certaine dégradation des fonctions cognitives chez les rongeurs à des expositions de plus de 100 microteslas.

En ce qui concerne les performances zootechniques et sanitaires, dans des conditions semi-contrôlées ou de terrain, il ne semble pas qu’il y ait d’effets majeurs sur la fertilité. Pourtant, lors d’études contrôlées avec des expositions permanentes, des baisses de la production laitière, du taux butyreux et l’augmentation de l’ingéré peuvent être enregistrées. Chez les volailles, des effets sur le développement embryonnaire sont possibles avec des effets fenêtre. La littérature fait part également d’effets positifs des champs électromagnétiques sur la coccidiose. Tout cela nécessite d’être consolidé par de nouvelles recherches. Les études concernant le porc sont très peu nombreuses. Des effets sur les performances de reproduction semblent pouvoir être mis en évidence, mais à des niveaux d’exposition qui dépassent 1 millitesla, soit mille fois plus que les taux d’exposition mesurés dans les élevages.

Tous les détails de ces travaux figurent dans le rapport qui est disponible sur le site de l’ANSES.

M. Frédéric André, inspecteur général de santé publique vétérinaire, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).  Les ministres chargés de l’agriculture et de l’alimentation, et de la transition écologique ont confié en juin 2020 aux deux conseils généraux rattachés à leurs ministères la réalisation d’une étude sur l’état des élevages à proximité du parc éolien des Quatre-Seigneurs en Loire-Atlantique.

Il nous a été demandé de produire une synthèse des multiples études réalisées et d’identifier les pistes à approfondir et celles à écarter. Il s’agissait également de se rapprocher d’autres élevages faisant état de troubles similaires afin de confronter les données disponibles.

Le contexte était celui d’un conflit local qui durait depuis huit ans en Loire-Atlantique. Dès 2012, à l’occasion des travaux de terrassement liés à l’installation d’un parc éolien, deux éleveurs ont noté un début de troubles. Ils les ont signalés a posteriori, car ils n’ont pas pensé au départ que ces troubles pouvaient être liés à la construction du parc éolien. Pendant huit ans, se sont succédé des phases d’étude et d’expérimentation. La première phase, entre 2013 et 2014, a uniquement mobilisé les éleveurs et le gestionnaire du parc éolien. La deuxième phase, entre 2015 et 2016, a été marquée par l’intervention du GPSE. Les services de l’État en Loire-Atlantique ont pris le relais lors d’une troisième phase, entre 2017 et 2019.

Notre méthodologie a retenu une approche locale uniquement ciblée sur la santé animale, même si les différents intervenants rencontrés nous ont également fait part de problèmes liés à la santé humaine. Nous avons auditionné les différents acteurs et travaillé en interaction avec les services déconcentrés de l’État. Nous avons produit une note d’étape afin de proposer une médiation entre les parties prenantes et pour trouver une solution de sortie à cette crise très difficile à supporter pour les éleveurs concernés. Nous étions également en relation régulière avec l’ANSES, chargée d’une mission d’expertise sur l’imputabilité des troubles au parc éolien.

 

Les deux élevages laitiers particulièrement affectés par des troubles ont une configuration différente : l’un est de taille relativement réduite – une trentaine de vaches – tandis que le second est plus grand et dispose d’un robot de traite, ce qui permet de mesurer le comportement spontané des vaches. Tous deux ont connu des perturbations majeures liées à des troubles du comportement des animaux, une baisse de productivité et de qualité du lait ainsi que des pathologies diverses. Un autre éleveur rencontré, dont la qualité du lait s’était dégradée, a pu s’adapter grâce à des aménagements électriques mis en place à la suite de la visite de géobiologues. Deux autres éleveurs producteurs, que nous avons interrogés, n’ont jamais connu de perturbation pendant toute cette période.

Nous nous sommes rendus chez un autre éleveur en Loire-Atlantique qui avait rencontré des difficultés à la suite de l’installation d’un parc éolien, mais qui avait réussi à les surmonter grâce à l’intervention d’un géobiologue. Nous avons également pris contact avec deux autres éleveurs en dehors du département qui avaient été confrontés à des difficultés similaires, même si l’origine supposée des troubles venait cette fois‑ci non pas d’éoliennes, mais de transformateurs. Les difficultés rencontrées ont conduit à la liquidation judiciaire des deux exploitations.

Plus d’une trentaine d’expérimentations et d’études ont été réalisées au cours des trois phases, à la fois zootechniques et sanitaires d’une part, et physiques et électriques d’autre part. Géobiologues, vétérinaires et organismes du conseil agricole sont intervenus afin d’éliminer toutes les causes intrinsèques, notamment en liaison avec l’alimentation des animaux. Les troubles de comportement et la diminution de la quantité et de la qualité de lait ont bien été confirmés par ces experts. Les mesures correctives mises en place n’ont jamais eu d’effets durables.

Le GPSE est ensuite intervenu. Il a fait appel à plusieurs structures comme Filière Blanche. Le GPSE a constaté les dégradations de la performance des élevages et leur concomitance avec l’installation du parc éolien, mais n’a pas pu en identifier l’origine. À défaut de pouvoir avancer une explication scientifique, le GPSE a proposé une approche empirique, à travers un test d’arrêt total du parc éolien. Cela n’a pas été fait et le GPSE, faute de moyens, a mis un terme à son intervention.

Dans la dernière phase, la préfecture et les services déconcentrés de l’État ont pris un certain nombre d’initiatives. Pendant cette période, le parc éolien a cessé de fonctionner durant quatre jours à la suite d’une panne inopinée. La documentation fournie par les éleveurs semble montrer une remontée de la quantité de lait produit pendant ce laps de temps. La valeur significative statistique de ces documents a été soumise à l’analyse de l’ANSES qui n’a pas encore remis son avis. L’école vétérinaire de Nantes est également intervenue et a relevé des problèmes sanitaires (boiteries) dans l’un des deux élevages.

Les expérimentations conduites pendant cette phase n’ont jamais réuni l’accord de toutes les parties prenantes et ont été contestées soit par les éleveurs, soit par d’autres personnes. Elles n’ont donc pas été conclusives.

M. Stéphane Denécheau, inspecteur général de l’administration du développement durable, Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) Pendant toute cette période, de nombreuses interventions et études ont mis en évidence des tensions, mais qui paraissaient de faible importance. La conformité électrique du parc éolien a été reconnue. Pendant la période d’intervention du GPSE, quelques tensions de contact et de pas ont été relevées. Des courants continus ont également été découverts, pour lesquels nous avons peu d’informations, ainsi que de faibles tensions dont les fréquences étaient supérieures à 50 Hz, alors que cette valeur est la plus généralement observée dans les installations. Les câbles de raccordement ont été contrôlés. Les mesures magnétiques à proximité des câbles n’ont pas montré d’anomalies.

En dehors de la courte période inopinée de déconnexion des éoliennes à la terre, les tests n’ont pas permis d’obtenir une amélioration durable de l’état des élevages. Entre 2017 et 2019, deux expertises ont également constaté des courants de fuite et des courants de contact. En 2019, les installations électriques des exploitations ont été considérées comme conformes par un organisme extérieur.

Les autres études (vibrations, infrasons, champs électromagnétiques directs) ont également mesuré des valeurs très faibles. Enfin, il a été constaté que les variations du régime de production des éoliennes n’avaient pas d’influence sur le comportement des animaux.

En conclusion, notre mission a indiqué deux facteurs potentiels d’influence : les courants électriques parasites, ou « vagabonds », et le contexte hydrogéologique du sous‑sol.

En ce qui concerne les courants vagabonds, certains proviennent de sources non identifiées, d’autres sont liés à la multiplication des mises à la terre, certains enfin sont connus d’EdF qui prend des dispositions pour les éliminer.

En ce qui concerne le contexte hydrogéologique du sous‑sol, il existe une brèche de part et d’autre de laquelle les exploitations sont installées. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), sollicité, nous a confirmé la complexité du secteur géologique. Il nous a fait part de l’absence d’études fines permettant de déterminer le rôle du sous‑sol et de cette brèche.

Afin de sortir de l’impasse, nous avons proposé un court test de déconnexion totale du parc éolien avec le débranchement du câble d’alimentation d’Enedis, afin d’évaluer si cette déconnexion a un effet sur la production de lait, phénomène facilement mesurable en peu de temps, contrairement à l’amélioration de l’état sanitaire du cheptel. Il faudrait que ce protocole soit construit à l’amiable avec l’ensemble des parties prenantes et des experts scientifiques. Soit des effets sont constatés et dans ce cas, le redémarrage progressif du parc doit s’accompagner d’une analyse des causes du trouble. Si aucun élément significatif ne devait être mesuré, nous avons préconisé de travailler à la relocalisation et à la reconversion des deux exploitants.

Nous avons également proposé la mise en place d’un observatoire auprès de nos deux ministères afin d’étudier les perturbations de la performance des élevages, en lien supposé avec les infrastructures électriques au sens large. Cet observatoire permettrait d’obtenir des données officielles et de déterminer si l’animal d’élevage ne serait pas une sentinelle.

Selon nous, le GPSE devrait disposer d’un budget qui lui permette de réaliser des diagnostics en toute indépendance, avec une contribution de l’ensemble des industriels pouvant être à l’origine des troubles. En contrepartie, le GPSE pourrait s’intéresser à des missions plus larges intégrant les antennes relais par exemple.

Nous avons également proposé d’étendre les missions du fonds de mutualisation du risque sanitaire et environnemental à toutes les situations qui sont sans solution, par exemple pour déplacer un câble électrique ou traiter les besoins de relocalisation des exploitations.

Enfin, nous recommandons de développer les recherches et études épidémiologiques sur les courants électriques, les ondes électromagnétiques ainsi que leurs effets sur les animaux d’élevage et sur les seuils de sensibilité aux courants parasites.

M. Laurent Delobel, docteur vétérinaire, directeur du groupement de défense sanitaire de Loire-Atlantique Je suis vétérinaire depuis un peu moins de 20 ans, dont 15 ans en activité libérale rurale avec une spécialité bovine-porcine principalement. Je dirige depuis cinq ans le groupement de défense sanitaire (GDS) de Loire-Atlantique. Le GDS est une association d’éleveurs créée dans les années 1950 sous impulsion gouvernementale. Elle est présente dans chaque département avec des fédérations régionales et une fédération nationale à Paris. Son objectif majeur est l’amélioration sanitaire des élevages. Par nos interventions, nous faisons uniquement de la médecine de troupeau et de territoire. Dans ce cadre, nous avons centralisé un certain nombre d’informations sur le sujet des champs électromagnétiques provenant des éleveurs comme des vétérinaires libéraux.

Je souhaite partager quelques prérequis utiles à l’appréciation du sujet. Les espèces bovines et aviaires sont intrinsèquement beaucoup plus sensibles aux champs électromagnétiques que les porcs et encore davantage que les humains. La sensibilité est également propre à chaque membre du troupeau. Il y a également des spécificités liées aux types d’exploitations : certaines comportent beaucoup d’éléments métalliques et électriques, telles que les exploitations laitières (robots de traite, cornadis, logettes, etc.). La situation diffère si les animaux sont sur une litière accumulée (fumier, compost) ou s’ils sont sur caillebotis avec des fosses de récupération des jus et déjections d’élevage. Un compartiment liquidien en‑dessous d’animaux déjà sensibles à un environnement électrique induit forcément une situation délicate. Le contrôle de l’équipotentialité des équipements d’élevage est une priorité absolue.

La saisonnalité influence également la sensibilité électrique des animaux. En hiver, les animaux sont beaucoup plus présents en bâtiment et les équipements électriques davantage en activité. Les risques sont moindres au printemps et à l’automne. Un second pic de risque accru apparaît l’été, notamment dans les départements secs. Lorsque vous avez une prise de terre enfoncée dans un sol complètement sec, la fonction de la prise de terre disparaît complètement.

Pour revenir sur l’aspect animalier, je m’appuie sur des expériences bien connues du professeur de médecine Henri Laborit.

Dans le premier cas d’étude, un rat est placé dans une cage à deux compartiments communicants dont l’un est électrifiable. Dès que le stimulus électrique est mis en place, le rat présent dans la partie électrifiée s’extrait de la perturbation et passe dans le compartiment sécurisé. Dans ce cas, à la fin de l’expérimentation, les conclusions de l’autopsie ne révèlent aucune perturbation.

Dans le deuxième cas d’étude, la cloison n’est plus communicante. L’animal qui reçoit la perturbation électrique ne peut plus fuir. Il finit par se prostrer, ne plus s’alimenter et subir. L’autopsie révèle un animal complètement dégénéré aussi bien en termes d’équilibres hormonaux qu’en termes de dégénérescence organique avec l’apparition de troubles infectieux ou tumoraux erratiques.

Dans le troisième cas de figure, l’espace est toujours non communicant, mais il y a deux rats. À chaque fois que cette expérience est menée, les animaux finissent par se battre. À l’autopsie, les lésions de dégénérescence sont nettement moins marquées.

Quand l’inconfort devient chronique, non géré et non gérable, il se transforme en stress. Pour le premier cas de figure, avec une fuite possible, c’est ce qui a été évoqué tout à l’heure : des zones d’élevage sont complètement abandonnées par les animaux. Les animaux préfèrent se coucher dans des couloirs de circulation plutôt que dans les travées de logettes où l’environnement métallique est marqué, ou encore dans des aires paillées, pourtant dépourvues d’éléments métalliques. Dans ces zones paillées, on constate parfois des montées de température inexplicables puisque les vaches n’y séjournent pas. La possibilité de fuite permet de s’extraire de la perturbation.

 

Lorsque l’animal ne peut pas fuir – selon des niveaux électromagnétiques encore à définir par les organismes techniques – il finit par se prostrer, ce qui s’accompagne de l’apparition d’un certain nombre de conséquences cliniques, zootechniques ou sur la production. Une baisse des comportements grégaires est observée. Elle est accompagnée d’une fatigabilité et d’une fragilité accrues. Les équilibres hormonaux sont largement perturbés notamment en matière de dosage excessif de cortisol, avec l’apparition de signes cliniques (baisse de l’ingéré, des performances de reproduction – résorption embryonnaire précoce, mauvaise ovulation et transformation en kystes –et de la qualité du lait, boiteries et pathologies exacerbées). L’animal ne parvient plus à gérer les germes classiques et développe des infections.

Bien évidemment, ces signes sont accentués par l’environnement métallique. Lorsqu’une exploitation présente des défauts de mise à la terre au niveau du cornadis, la phase d’ingestion est très raccourcie, inefficace et pas sereine. Il en est de même pour les abreuvoirs et les quais de traite. Lorsqu’une vache, qui est censée boire environ 80 litres d’eau par jour, lape comme un chat, il est évident qu’elle n’est plus capable de s’hydrater correctement.

Si l’on fait le parallèle entre le dernier cas d’étude d’Henri Laborit et l’élevage, c’est tout un troupeau qui va se comporter différemment. Chez le porc, en Bretagne, des cas de cannibalisme ont été décrits. Chez les bovins, on constate des chevauchements inhabituels, de l’agressivité entre congénères ou avec le trayeur et des chutes. Lorsqu’une vache fatiguée tombe violemment par terre, elle se casse le bassin ou le col du fémur et ne se relève pas.

Chacun de ces signes est un indicateur, mais malheureusement un indicateur non pathognomonique. Ces symptômes peuvent se retrouver dans d’autres infections et ne sont pas spécifiques d’un désordre électrique, électromagnétique ou magnétique. Il faut donc établir un diagnostic différentiel pour tenter de trouver l’origine de la perturbation. Il est d’autant plus complexe à réaliser qu’il est réalisé tardivement, après l’apparition depuis un certain temps des troubles.

Pour conclure, je voudrais souligner que la première et la meilleure sentinelle, c’est l’éleveur et son vétérinaire. Si un éleveur constate que son troupeau commence à boire en lapant, c’est souvent un des premiers signes qui peut nous amener à penser à des perturbations électriques violentes.

Le diagnostic différentiel doit débuter par un diagnostic sanitaire, zootechnique et électrique avec une approche assez simple de vérification de l’équipotentialité de l’ensemble des équipements. Lorsque cela ne donne pas la solution, des perturbations électromagnétiques, voire magnétiques sont alors envisagées comme source des troubles et il est souvent fait appel à des géobiologues. Les résultats sont parfois très positifs, comme le souligne le rapport du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux.

Il arrive que les troubles dans les élevages démarrent dès les travaux d’affouillement ou de terrassement des futurs chantiers d’ouvrages producteurs ou transporteurs d’énergie, soit bien avant la mise sous tension desdits ouvrages. Le bétonnage et le ferraillage peuvent donc entraîner des troubles manifestes.

La question de la santé et du bien‑être des animaux se pose, mais également celle des éleveurs. Au‑delà des éventuels signes cliniques, il est particulièrement éprouvant pour un éleveur de voir son troupeau partir en déliquescence sans pouvoir y remédier. Depuis quelques années, la problématique est bien connue et l’épidémie de la Covid‑19 nous la rappelle : il y a une seule santé qu’elle soit animale, humaine ou même environnementale.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. ‑ Je vous propose d’ouvrir le débat avec les parlementaires.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office. –Je suis surpris par les propos du dernier intervenant. Vous nous indiquez que le troupeau aspire à la paix et à la tranquillité. La seule perspective d’un début de changement d’habitude, comme des travaux en dehors même de la mise sous tension, suffirait à perturber le comportement des animaux ?

M. Laurent Delobel.  Pour deux élevages de mon département, les troubles ont démarré avec des projets éoliens, dès le terrassement et avant la mise sous tension électrique du parc. Cela veut dire que les causes vont audelà des champs électromagnétiques, il faut également analyser ce qui se passe dans le soussol.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur.  De manière répétée, j’ai entendu chez l’ensemble des intervenants que l’expression des difficultés rencontrées par un éleveur se faisait souvent tardivement, après avoir constaté une accumulation de signes, ce qui rend d’autant plus difficile la compréhension du phénomène initial. Estce qu’on ne gagnerait pas à agir plus rapidement auprès des cas identifiés chez ces éleveurs ?

M. Serge Provost.  Si nous avions été pris au sérieux dans les années 1990-1995, nous ne serions sans doute pas arrivés à cette situation intolérable. Le lobby d’EdF nous a empêchés d’évoluer. L’argent a cadenassé la vérité.

Le dernier éleveur visité par l’ANAST le 16 février dernier est confronté depuis plus de 10 ans à des problèmes liés à Enedis et à sa propre installation. Les câbles électriques aujourd’hui mis en terre ne sont pas blindés. Les câbles électriques utilisés pour des forages et des ponts immergés ne sont pas appropriés. Tout est à revoir.

 

Dès les années 1985, des éleveurs ont été confrontés à des problèmes dus à l’utilisation de l’énergie électrique. C’est terrible d’être victime de l’énergie électrique, indispensable à l’évolution du monde moderne ! Le lobby d’EdF a détruit des éleveurs, moi le premier. Depuis ces années, le problème a pris de l’ampleur. En ce qui concerne les effets directs, la France est dans l’illégalité vis‑à‑vis de la règlementation européenne de 1994 qui stipule qu’il ne faut pas être exposé plus de 8 heures à plus de 0,4 microtesla. Certains pays du nord de l’Europe ont appliqué cette norme. Les effets indirects sont dévastateurs pour des centaines et des centaines d’éleveurs, confrontés à des problèmes internes à leur installation, voire externes. Le phénomène de stress des animaux a par ailleurs rapporté énormément au lobby pharmaceutique. Et nous éleveurs, disparaissons les uns après les autres.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Je vous propose une synthèse des nombreuses questions posées par les internautes, notamment de la part de personnes impliquées, que je vais répartir en trois lots. Je rappelle que toutes les questions posées recevront une réponse dans le cadre du rapport que présentera notre collègue Philippe Bolo.

Le premier ensemble de questions concerne les mesures et les configurations, le deuxième porte sur les espèces d’animaux et les symptômes que l’on peut observer chez eux, le troisième permet d’évoquer les études et expérimentations réalisées.

Voici les questions.

« Je mesure jusqu’à 600 millivolts en présence anormale de courant continu, alors que mon alimentation électrique est coupée depuis plus d’un an. Y atil un rapport avec les champs électromagnétiques ? »

« M. Wiart, avez-vous eu l’occasion de mesurer l’effet spire de Frager sur la réduction du champ magnétique émis par les lignes haute tension, ainsi que la réduction des courants vagabonds que l’on peut en attendre ?

« Avez-vous estimé la tension de pas que peut subir un bovin se déplaçant sur un terrain détrempé parcouru par un courant vagabond et le courant qui en résulte ? Peuton comparer ceci à ce qui est étudié pour les courants humains ? »

« L’effet direct du champ électromagnétique à 50 Hz atil une quelconque importance comparé à l’électrisation par tension de pas ? »

« Est-ce qu’une étude rhéographique des courants vagabonds dans le sol a déjà été faite ? »

« Comment peut-on expliquer que l’on mesure du 60 Hz et 1,4 volt au milieu de mes champs à plus de 300 mètres de toute installation et ceci mesuré par des professionnels ? »

« Dans les élevages hors-sol, les pipettes d’abreuvement sont fixées sur des tuyaux en plastique sans équipotentialité avec le sol. Quand il existe une nuisance électrique extérieure, nos installations ne sont plus conformes : sommes-nous responsables ? »

Des questions soulignent par ailleurs l’importance d’indiquer les cours d’eau dans le traçage des cartes et pour l’ensemble du diagnostic.

Le deuxième ensemble de questions concerne les espèces d’animaux touchés et les symptômes observables.

Mme Le Charpentier, journaliste, demande à Mme Dunoyer : « L’étude épidémiologique le long de la ligne Cotentin-Maine atelle été envisagée ? En récupérant les données de traite auprès du GDS de la Manche, il aurait sûrement été possible d’évaluer les changements de performance avant et après la mise en service de la ligne en 2012. »

« Ne faudrait-il pas intégrer les spécificités de chaque espèce en matière de sensibilité électrique au débat ? »

« Des animaux morts ont-ils été autopsiés ? Des lésions pouvant s’expliquer par électronécrose ontelles été observées ? »

Une question insiste sur le fait que la résistance de la peau peut varier si l’animal marche dans la boue ou pas.

D’autres questions concernent les végétaux. Est signalée notamment une expérience réalisée par Alain Vian de l’université Blaise Pascal en 2008 sur les effets sur les plans de tomates, dont les crédits ont par la suite été supprimés. « Les atteintes sur les végétaux ne peuvent-elles pas avoir des conséquences sur l’élevage ? »

Une question porte sur l’élevage apicole : « Certaines expériences ont pu soulever l’influence des bornes GSM (Global System for Mobile Communications) sur l’orientation des butineuses qui ont du mal à retourner au rucher si une source d’ondes en est proche. »

Un éleveur interpelle M. Delobel sur le fait que des vétérinaires relèvent sur 15 de ses vaches, des températures de 36,3°C à 36,6°C au lieu de 38,8°C.

Le dernier ensemble de questions concerne les études réalisées.

« Je souhaiterais qu’un point soit effectué sur les expériences de mise hors tension de champs d’éoliennes. »

Une personne demande à M. Delobel s’il s’est mis en relation avec des vétérinaires allemands ou suisses qui ont pu constater les mêmes problèmes dans des exploitations agricoles.

On nous signale que, dans les conseils d’administration du GPSE, la nécessité d’étudier la circulation du courant dans le sol a bien été identifiée. « Pourquoi ces investigations n’ont pas été mises en place ? »

 

Pour commencer, M. Wiart, je vous invite à répondre à la question suivante : « Comment peuton expliquer que l’on mesure du 60 Hz et 1,4 volt au milieu de mes champs à plus de 300 mètres de toute installation et ceci mesuré par des professionnels ? »

M. Joe Wiart. – Je ne peux pas apporter de réponse directe à la question, car je ne dispose ni de la fréquence à laquelle cette tension a été observée ni du protocole de mesure. Cela peut venir d’une installation de type radiofréquence ou d’un courant d’une ligne à haute tension. Prenez un analyseur de champ large bande placé à grande distance de l’installation : si vous le faites bouger, vous allez mesurer quelque chose car il y a un champ magnétique qui va induire des tensions. Toutefois, enregistrer une tension au milieu de rien, je comprends que cela pose question.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur.  Confirmez-vous que la signature de l’origine du problème pourrait être due à plusieurs paramètres qui se combinent ?

M. Joe Wiart.  Si l’on est capable d’analyser un courant et de déterminer par exemple qu’il s’agit d’un courant de 50 Hz, il ne pourra pas provenir d’une antenne relais. Il peut venir des moteurs ou des équipements électriques à proximité ou d’une ligne de transport d’énergie. Cette signature est importante.

Souvent, les mesures sont effectuées par des systèmes à très large bande qui collectent l’ensemble des contributions sans que l’on puisse trouver la fréquence. Par conséquent, on ne peut pas associer une tension à un équipement. Or, pour trouver les sources, il faut pouvoir déterminer la fréquence. Sinon le système va cumuler, en termes de champs électromagnétiques, les émissions provenant d’antennes relais avec celles provenant de lignes à haute tension.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Que pouvez-vous répondre à la question sur la tension de pas que peut subir un bovin se déplaçant sur un terrain détrempé parcouru par un courant vagabond et sur le courant qui en résulte ?

M. Joe Wiart.  Je ne suis pas spécialiste des animaux. Cette tension va être spécifique à chaque animal et à sa sensibilité à ces phénomènes.

Mme Charlotte Dunoyer.  Beaucoup d’éléments dans la littérature nous permettront de vous répondre a posteriori sur les questions de tensions de pas ou de courants parasites. Mais il est clair que les tensions de pas sont le domaine des courants parasites pour lesquels la donnée existe, notamment pour les bovins.

Concernant la question sur les études épidémiologiques, il est évident qu’elles manquent sur l’effet des champs électromagnétiques. Les études épidémiologiques permettent de tout mesurer dès lors que le protocole est construit correctement dès le départ. Notre rapport recommandait ainsi de définir des protocoles précis en amont avec l’ensemble des parties prenantes et des scientifiques pour que la discipline soit bien comprise. Beaucoup d’études ne peuvent pas être exploitées car il manque un paramètre.

M. Stéphane Denécheau.  Dans le cadre de la mission que nous avons conduite, nous n’avons pas remis en cause la parole des spécialistes. Beaucoup de mesures ponctuelles ont été relevées par ceuxci et des courants parasites ou des tensions de pas ont été constatés, mais les spécialistes ont estimé qu’ils n’avaient pas d’influence sur le comportement des élevages.

Vous avez posé une question sur la présence de cours d’eau dans le sol. Dans le cas du parc éolien des Quatre-Seigneurs, des géobiologues nous ont signalé la présence de nombreuses rivières souterraines du fait de la faille. Dans les élevages les plus concernés, la présence d’eau était assez importante. En revanche, dans certains élevages à proximité du parc, il y avait moins d’eau dans le sol. Une explication pourrait provenir de cette sourcelà. Il est difficile pour l’instant d’aller plus loin.

Sur la question relative à la manière de débrancher le parc éolien, il y a eu en effet cette coupure inopinée de 4 jours pendant lesquels les éleveurs ont senti tout de suite un mieux sur les élevages. Notre proposition consistait à débrancher le poste source puis à remettre en service par série les éoliennes en observant à chaque phase l’impact éventuel sur le comportement des animaux.

M. Frédéric André.  À propos des autopsies, un certain nombre ont été réalisées pour les élevages concernés par l’école vétérinaire de Nantes. Les résultats ont mis en évidence différentes pathologies sans qu’aucune ne soit dominante. Ces rapports d’autopsie ne faisaient en aucun cas état de lésions pouvant se rapporter à des courants électriques.

M. Hubert Goupil.  Quand il s’agit de nuisances indéterminées, estce que l’on peut à partir des courants vagabonds ou des courants de fuite évaluer les fréquences émises, et ainsi retrouver l’origine des troubles ?

M. Joe Wiart.  Les courants parasites peuvent être liés à des couplages, soit des couplages via le champ magnétique qui vont induire des courants, soit des couplages de type capacitif plutôt liés au champ électrique.

Quand on est capable de regarder les caractéristiques du courant induit dans un conducteur éloigné, on peut déterminer la fréquence. Dans les situations où les charges s’accumulent et ne se déchargent que par un contact avec l’animal, cette décharge n’a pas de fréquence : on ne peut pas remonter à la source. On peut imaginer que c’est un couplage capacitif, puisqu’il y a eu une charge sur un élément (abreuvoir, etc.), mais on a du mal à remonter à la fréquence du phénomène électrique source. Ce n’est pas simplement dans la cause qu’il faut agir pour déterminer la source, mais bien dans l’analyse des niveaux des champs électromagnétiques pour voir leur capacité ou non à induire des courants parasites. Dans ces cas‑là, une mise à la masse bien faite permet d’éliminer ces courants très rapidement, que les courants soient liés à une charge accumulée ou qu’ils soient liés à une induction magnétique.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Doiton comprendre que lorsqu’on parle de courant vagabond ou de courant de fuite, il s’agit de courants parasites produits par un ensemble de causes qui peuvent être liées à l’installation, à la configuration du sol ou aux ouvrages à proximité sans qu’il y ait de classification claire ?

M. Joe Wiart.  C’est en tout cas de cette manièrelà que je le comprends. On a des champs émis par des sources primaires qui, par couplage, vont induire d’autres courants sur des systèmes éloignés métalliques. Les courants induits vont avoir une répartition spatiale différente dans les tissus biologiques, car le champ magnétique n’est pas perturbé par les êtres vivants. On fait la différence entre ces courants induits et tous les autres courants qui pourraient avoir un impact sur les animaux et les humains, mais avec un effet indirect. On les appelle courants vagabonds ou parasites puisqu’on ne sait pas comment ils sont éliminés ni où se font les couplages. Lorsque la mise à la terre n’a pas été effectuée de manière optimale, on a alors des courants « fantômes ».

M. Serge Provost.  En 1993, des mesures de conductivité et de résistivité de mes sols réalisées par EdF à ma demande ont révélé un sol extrêmement conducteur avec un faible taux de résistivité. J’avais en effet constaté que, sur mes parcelles, dans les prairies, à certaines périodes de l’année, les vaches ne se couchaient pas. Pendant 15 ans, j’ai essayé de comprendre.

En 1997-1998, nous avions trois sites d’exploitation différents pour essayer de sauver notre cheptel. J’ai proposé, dans le cadre de la mise en place du GPSE, de faire des études de contrôle de gain de croissance sur des lots de génisses d’élevage. Pour quelles raisons cette proposition n’a‑t‑elle pas été retenue ? J’ai néanmoins réalisé ces contrôles de gain de croissance et les résultats étaient catastrophiques. Nous avons toutes les preuves que la conductivité des sols joue un rôle déterminant, favorisé par l’humidité des sols. Lorsque j’ai vendu mon cheptel en août 2003, c’était la sécheresse et mes vaches produisaient un lait d’excellente qualité sans que j’aie modifié mes méthodes de production.

M. Laurent Delobel.  Dans notre département de Loire-Atlantique, nous avons également une structure de sol très particulière. Nous avons peu de terres végétales et beaucoup d’humidité et de failles au niveau du soussol.

Concernant les symptômes, on observe tous les signes qui relèvent de pathologies classiques. Il s’agit d’un ensemble de symptômes qui doivent mettre sur la piste d’une perturbation extérieure d’origine électromagnétique. Il faut regrouper l’ensemble des signes pour dresser un tableau différentiel.

On retrouve des lésions véritablement électriques quasiment uniquement sur des phénomènes de fulguration sur des animaux en pâture. Même dans ces cas‑là, les symptômes sont très fugaces.

Les lésions observées à l’autopsie n’ont rien de pathognomonique. Les causes de mortalité relèvent davantage d’un état de fatigue physique très avancé. L’animal épuisé finit par succomber à une infection qui prend le dessus ou il meurt d’épuisement physiologique.

L’Allemagne ou la Hollande ont pendant longtemps été citées en exemple, car elles étaient équipées de nombreuses éoliennes et peu de troubles étaient observés. Désormais, des troubles commencent à être bien documentés dans ces pays.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Je relaie un commentaire pour information de Mme Le Charpentier : « Concernant ma question sur l’étude épidémiologique, je me permets de rappeler que six éleveurs sur une cinquantaine ont signalé de graves troubles dans leur troupeau à la suite de la mise en route de la ligne très haute tension Menuel-Domloup en 1985, et huit au moins sur 100 à la suite de la mise en route de Cotentin-Maine en 2012. »

 

Seconde table ronde

La gestion des difficultés rencontrées par les éleveurs :
état des lieux et perspectives

 

M. Philippe Bolo, député, rapporteur.  Cette seconde table ronde va s’intéresser à la prise en compte des phénomènes. Nous allons successivement entendre M. Claude Allo, président du GPSE, puis les représentants de RTE avec Mme Delphine Porfirio, directrice du département concertation environnement, M. François Deschamps, ingénieur référent national sur les champs électromagnétiques au département de la concertation et de l’environnement, et M. Philippe Pillevesse, directeur des relations institutionnelles. Nous écouterons ensuite M. Olivier Ranchy, conseiller viande et géobiologue « Agricultures & Territoires » à la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Ensuite, Enedis interviendra par la voix de M. Guillaume Langlet, chef du département Expertise et relations fournisseurs matériels à la direction technique. Interviendra enfin M. Emmanuel Bert, adjoint au chef du bureau du lait, produits laitiers et sélection animale à la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Claude Allo, président du GPSE.  Je souhaite tout de suite insister sur un point. Nous savons mesurer et traiter les courants parasites, mais nous sommes effectivement parfois confrontés à des cas incompréhensibles.

 

Le GPSE a été créé en 1999 par le ministère de l’agriculture. C’était la première fois que le problème des courants parasites en élevage se posait. Il a fonctionné sous forme de groupe de travail informel pendant une dizaine d’années, en application d’un protocole conclu entre l’État et EdF, puis RTE et Enedis. Pendant cette période, un travail important de documentation sur les courants parasites a été réalisé, notamment sur les seuils de perception des animaux et sur la méthodologie d’intervention du GPSE.

À la fin des années 1990, lorsque la question du renouvellement des conventions entre l’État et les distributeurs d’électricité s’est posée, le ministère de l’agriculture a considéré que le sujet était l’affaire des professions. Il a, je cite, « préconisé la création d’un protocole d’échange entre les représentants de la profession agricole et les distributeurs d’électricité, le rôle du ministère de l’agriculture se limitant à la facilitation du dialogue. ». Le rapport de l’OPECST, que vous avez mentionné en début de réunion, qui préconisait la poursuite de l’engagement du ministère n’a ainsi pas été suivi d’effet.

En 2014, RTE, Enedis et les Chambres d’agriculture ont décidé de créer une association pour examiner ces problématiques. Se sont joints à l’association le syndicat des énergies renouvelables, France énergie éolienne et les ministères concernés. Cette association entièrement privée a conservé le nom de GPSE. Cette association sans mission de service public propose son expertise aux éleveurs confrontés à une suspicion de courants parasites liés à un équipement électrique extérieur à l’exploitation. Nous n’intervenons pas sur des troublés supposés liés aux antennes relais.

Notre travail se fait dans le cadre d’une démarche amiable, entièrement financée par les entreprises d’électricité et avec l’accompagnement systématique des chambres d’agriculture qui assurent le suivi de proximité. Nous intervenons avec notre propre réseau d’experts et toujours avec les conseillers (vétérinaires, techniciens, etc.) de l’exploitation qui n’ont pas trouvé la solution. Lorsque nous intervenons, beaucoup d’experts sont déjà passés sans trouver de solution.

Nous avons deux types d’intervention. Nous pouvons intervenir ponctuellement, à la demande d’éleveurs qui veulent avoir un diagnostic électrique approfondi et indépendant de leur exploitation. Nous avons créé à cette fin un fonds mutualisé, financé par l’ensemble des membres du conseil d’administration, distributeurs d’électricité et professions agricoles.

Nos principales interventions sont de plus longue durée. Elles visent à établir un diagnostic complet de l’exploitation confrontée à un problème complexe dans le cadre d’un protocole incluant l’éleveur, le GPSE, l’opérateur électrique qui a accepté de financer les expertises, la chambre d’agriculture et le GDS.

Notre approche est globale. Elle porte d’abord sur les aspects électriques, mais elle se traduit toujours également par un bilan sanitaire complet et par une expertise zootechnique de l’exploitation. En effet, il n’y a pas de symptômes spécifiques liés à un problème électrique. C’est une des difficultés du sujet, qui donne lieu à controverses.

Sur les cinq dernières années, nous avons reçu 72 sollicitations, dont 22 auxquelles nous n’avons pas donné suite. Nous avons conduit une cinquantaine d’interventions en élevage, pour une moitié ponctuelles, et pour l’autre moitié au long cours.

Quelles sont les principaux enseignements que nous pouvons tirer de ces interventions ? Dans toutes les exploitations où nous sommes intervenus, l’installation électrique nécessitait des travaux correctifs de mise aux normes afin d’éviter l’apparition des courants parasites. Cependant, la résolution des problèmes de courants parasites n’entraîne pas forcément la résolution des problèmes de l’exploitation et, souvent, les tensions que nous mesurons ne permettent pas d’expliquer les troubles constatés.

Concernant les vaches laitières, le seuil de perception établi par le GPSE est de 500 millivolts. Il est rare de mesurer dans les exploitations des tensions de pas qui atteignent 500 millivolts. Quand on trouve 200 millivolts ou 300 millivolts, c’est déjà trop et on apporte des corrections sur les installations électriques. Plus de 90 % des budgets d’intervention du GPSE sont consacrés aux problèmes sanitaires, quelles que soient leurs origines. Nous intervenons également sur l’amélioration de la situation zootechnique en modifiant l’alimentation, l’abreuvement ou les conditions de logement de l’animal. Lorsque nous intervenons sur une exploitation qui est en difficulté depuis plusieurs années, nous sommes confrontés à une multitude de problèmes, notamment financiers et humains.

Quand il s’agit bien d’un problème de courant parasite en élevage, les interventions que nous faisons permettent de rétablir la situation ou au moins de remettre l’exploitation sur une trajectoire favorable. En revanche, nous sommes confrontés à un certain nombre de cas où nous ne pouvons pas diagnostiquer les problèmes et où ils ne sont pas résolus. Sur les 18 protocoles mis en place en 2015-2016 et actuellement clôturés, nous considérons aujourd’hui que nous avons cinq cas non résolus pour lesquels personne ne peut agir. Parmi ces cinq cas, il y a celui du parc éolien décrit précédemment par la mission CGAAER-CGEDD. Dans les autres cas, nous avons toujours trouvé, concomitamment au début des troubles, une modification d’étable, qui entraîne un changement du sol et du sous‑sol sur lesquels évoluent les animaux. C’est pour cette raison que nous suspectons l’influence de la composition du sous‑sol. Cependant, nous n’avons trouvé aucun expert – et notamment aucun géobiologue – en mesure de trouver une solution à ce problème. Personne n’est en mesure de savoir combien d’élevages sont concernés par des perturbations inexplicables.

Je suis tout à fait d’accord avec la proposition présentée par la mission CGAAER-CGEDD de mettre en place un observatoire pour recenser et décrire les élevages concernés. Dans certains cas, il n’y a pas d’ouvrage électrique à proximité – antennes, éoliennes, lignes à haute tension –, et pourtant, des troubles sont observés chez les animaux. Nous sommes devant des difficultés que nous ne connaissons pas. Nous appelons donc à la mise en place d’un travail de recherche et d’amélioration des connaissances autour de deux axes déterminés avec l’ensemble des experts. Le premier concerne les courants parasites en élevage, les seuils de perception et les effets sur le comportement animal. Les références dont on dispose mériteraient d’être actualisées alors que non seulement les élevages, mais également l’environnement électrique ont changé. Tout à l’heure, la question des courants continus dans les élevages a été évoquée. Or, les connaissances scientifiques sur ce sujet sont inexistantes. De même, un travail important sur l’harmonisation et l’interprétation des mesures réalisées en élevage devrait être mené. Nous disposons des experts et des scientifiques mais il nous manque le financement. Les expérimentations devraient être menées en relation étroite avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), notamment afin de tenir compte des règles éthiques sur le bien‑être des animaux. Le second axe de travail est celui de la circulation des courants dans le sol et dans le sous‑sol, de l’influence de la géologie. Il nous faut comprendre le lien entre la composition du sous‑sol, les circulations électriques dans l’eau et les animaux, ainsi que les interférences des équipements électriques sur le bien‑être animal. Ce travail nécessite une aide du ministère de l’agriculture.

Enfin, il faut que la problématique électrique soit complètement prise en compte par les réseaux de conseil et de développement agricoles. On n’a pas porté assez d’attention à l’installation électrique des exploitations, alors que c’est un facteur important pour le bon fonctionnement de l’exploitation et de l’élevage, en particulier avec le développement des équipements électriques et la robotisation.

Mme Delphine Porfirio, directrice du département Concertation et environnement, Réseau Transport Electricité (RTE).  Pour RTE, le monde agricole est un partenaire incontournable. 70 % de nos 100 000 km de lignes électriques passent en milieu agricole. Nous avons des interactions avec les agriculteurs tout au long de la vie de nos ouvrages : au moment de leur conception, de leur construction et de leur maintenance. Depuis 50 ans, nous développons un partenariat étroit et quotidien avec le monde agricole : le premier protocole d’accord a été signé en 1970, suivi de nombreux renouvellements, et le dernier date de 2018.

Lorsque nous construisons une ligne électrique, au moment de l’étude et de la conception, nous menons des analyses techniques et allons chercher à minimiser son impact sur l’environnement proche, en concertation avec les riverains. Il s’agit de définir le tracé de moindre impact.

Malgré toutes ces précautions, il peut arriver qu’un éleveur nous fasse part de difficultés lorsqu’il existe une ligne électrique à proximité de son exploitation. Pour nous, il est hors de question de laisser cet agriculteur seul face à ses difficultés, sans chercher à l’accompagner. RTE est une entreprise de service public. Notre mission est d’assurer l’acheminement de l’électricité et de la rendre disponible pour chacun de nos concitoyens. Si un agriculteur pense que nos installations peuvent lui causer des difficultés, nous devons évaluer la situation et, le cas échéant, réparer les interactions entre nos ouvrages et son exploitation. Nous conseillons à cette personne de prendre attache avec sa chambre d’agriculture et nous l’informons de l’existence du GPSE.

La démarche de diagnostic du GPSE décrite par M. Allo va systématiquement s’intéresser à trois grands volets : l’expertise électrique, la conduite de l’élevage et les soins apportés aux animaux.

Concernant l’expertise électrique, aucune étude scientifique n’a établi un lien de causalité direct entre la proximité d’une ligne électrique et la santé des animaux. Dans certains cas rares, il peut y avoir des effets indirects et des courants parasites. Comme ceci a été expliqué précédemment, lorsqu’un équipement de l’exploitation est mal isolé, des interférences entre la ligne électrique et cet équipement – une machine de traite, une structure métallique – peuvent avoir lieu, ce sont les courants parasites. Lorsque le diagnostic mené par les experts du GPSE met en évidence un tel phénomène, nous faisons procéder à l’immunisation des bâtiments. Immuniser, cela signifie réduire le niveau des tensions et des courants parasites. Ce que nous montre l’expérience, c’est que l’immunisation ne suffit pas toujours à faire disparaître toutes les difficultés. Pour cela, il faut travailler sur tous les aspects étudiés par le GPSE.

Lorsque les cas restent inexpliqués, d’autres axes de recherche doivent être envisagés. Nous sommes tous rassemblés aujourd’hui pour cela. Il s’agit de connaître les différentes causes, savoir y remédier pour parvenir à une situation satisfaisante pour tous.

M. Olivier Ranchy, conseiller viande et géobiologue Agricultures & Territoires, Chambre d’agriculture des Pays de la Loire.  Je suis géobiologue à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. La géobiologie, hygiène de l’environnement, est une discipline qui traite des relations entre le vivant d’une part et, l’environnement, les constructions et les modes de vie, d’autre part.

Les premiers géobiologues étaient des sourciers qui identifiaient les veines d’eau et les failles puisqu’elles ont une action directe sur le vivant. Ils déterminaient également les réseaux géobiologiques et géodynamiques.

Depuis les années 1980, les géobiologues ont commencé à intervenir dans les élevages et à travailler sur le rayonnement des champs électromagnétiques d’origine artificielle liés aux lignes à très haute tension, aux éoliennes, aux antennes relais. Nous nous sommes alors aperçus que chez beaucoup d’éleveurs, les animaux réagissaient à ces installations électriques et à la multiplication des postes de transformation électrique.

Les géobiologues sont les seuls à avoir la compétence et la sensibilité pour pouvoir détecter l’eau. Nous avons donc un rôle préventif. On fait appel à nos services en amont de la construction d’édifices comme les bâtiments d’élevage, les salles de traite, les poulaillers, mais également désormais pour les sites éoliens ou les relais téléphoniques.

Lorsque j’arrive dans un élevage, mon travail consiste, dans un premier temps, à déterminer où passent les veines d’eau et les failles. L’eau est en effet le milieu de prédilection des électrons. Or, il est connu que l’électricité et l’eau ne font pas bon ménage. Par ailleurs, comme notre corps et celui des animaux sont composés à 70 % d’eau, ils sont très conducteurs et nous ressentons fortement cette énergie. Les éleveurs font appel à nous parce qu’ils observent des changements de comportement de leurs animaux (lieux non fréquentés, mouvements de troupeaux inhabituels, etc.).

Nous accordons une importance particulière aux courants parasites et au travail sur les prises de terre des élevages qui permettent d’attirer le courant vers l’extérieur de l’exploitation et de supprimer ainsi la tension à l’intérieur du bâtiment. Le comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité (CONSUEL) a fixé à moins de 100 ohms la valeur de résistance de la prise de terre dans une maison, et à moins de 50 ohms dans un milieu humide.

Les animaux sont cependant beaucoup plus sensibles que les humains. Selon la loi d’Ohm, la tension est égale au produit de l’intensité par la résistance. On sait qu’une vache est sensible à 500 ohms et à 1 milliampère. Cela correspond à une tension à 500 millivolts, soit 0,5 volt. Dans les installations électriques de nos élevages, les tableaux électriques ont des disjoncteurs différentiels sensibles à 30 milliampères. Ces appareils détectent la perte électrique tolérée vers la terre et, dès que ce courant est supérieur à 30 milliampères en moyenne, ils coupent le circuit.

Lorsque l’on divise 0,5 volt par 30 milliampères, nous obtenons la valeur recherchée de la résistance de terre qui doit être inférieure à 16,6 ohms, et non pas 100 ohms ou même 50 ohms comme l’impose la réglementation. En géobiologie, on cherche à créer une différence de potentiel encore plus bas entre le bâtiment d’élevage et la terre en préconisant des valeurs de terre entre 2 et 7 ohms. Un seul piquet de terre est donc insuffisant. En outre, les prises de terre doivent être bien travaillées et être implantées dans un milieu neutre, sans cours d’eau ni failles souterraines susceptibles de transporter les électrons. En effet, les cours d’eau peuvent repasser à l’intérieur du bâtiment : comme il s’agit d’un milieu humide, chaud, avec beaucoup de tubulures, les électrons pourraient remonter et créer des courants parasites.

La deuxième notion très importante est celle des liaisons équipotentielles. Il faut relier toutes les structures métalliques entre elles afin de n’avoir qu’une seule tension à l’intérieur du bâtiment. De la sorte, on supprime tout différentiel de potentiel et il ne peut plus y avoir de décharge électrique. Lorsqu’on relie ensuite les structures métalliques à la terre, on capte alors tout le courant qui circule à l’intérieur des bâtiments et on l’évacue vers la terre.

Il s’agit de deux gros chantiers effectués par la géobiologie : la détermination des failles et le diagnostic électrique, notamment en s’assurant qu’il n’y a pas de courant parasite en mesurant les tensions de pas et les tensions de contact.

Nous sommes également de plus en plus confrontés à des problèmes liés aux ondes de haute fréquence dans le cadre des relais téléphoniques. Les opérateurs respectent les normes édictées par la France et l’Europe puisqu’un opérateur téléphonique a le droit d’émettre un champ électrique de 28 à 61 volts par mètre suivant la fréquence émise. Toutefois, l’édiction de ces normes s’est basée uniquement sur les effets thermiques des ondes de haute fréquence : c’est l’effet micro‑ondes. Or, récemment, « Complément d’Enquête », une émission produite par France 2, a réalisé une compilation des 2 800 enquêtes effectuées par des experts et des organismes indépendants : 68 % de ces études montrent l’influence biologique de ces ondes de haute fréquence sur les animaux et les hommes. On peut donc se demander si les normes actuellement utilisées par la France et l’Europe sont adaptées aux animaux. L’animal d’élevage est plus sensible – dix fois plus que l’homme – au courant électrique, en raison de l’effet contact (il est environné de clôtures et structures métalliques qui peuvent dégager du courant électrique si l’animal les touche dans la mesure où il est relié à la terre) et de l’effet de pas. Celui‑ci s’explique par la distance – au moins 1,5 mètre – entre les pattes avant et les pattes arrière du bovin, qui permet l’apparition d’un différentiel de potentiel et la création d’un arc électrique. Le milieu humide et chaud dans lequel l’animal évolue accentue également le risque pour les animaux de recevoir des décharges électriques.

La géobiologie a besoin d’être structurée. L’Association nationale de géobiologie a été créée en 2012 pour élaborer un code déontologique et une charte pratique et professionnelle. Il faut que cette profession, sollicitée par de nombreux éleveurs, soit reconnue par l’ensemble des partenaires, afin que nos diagnostics puissent aider les éleveurs.

Un travail en amont doit être effectué pour que les pylônes, les éoliennes, les relais téléphoniques et les exploitations s’installent le moins possible sur des veines d’eau et des failles. Dans le cadre des interventions curatives, il est beaucoup plus difficile de contrecarrer l’ensemble des effets cumulatifs et multifactoriels que l’on rencontre à l’intérieur des élevages. Il faudrait également s’accorder sur les normes à utiliser.

M. Guillaume Langlet, chef du département Expertise et relations fournisseurs matériels à la direction technique, Enedis.  Enedis est un service de distribution public d’électricité qui gère environ 1,3 million de kilomètres de lignes électriques réparties sur toute la France. Ces lignes sont aériennes ou souterraines, de moyenne ou de basse tension. L’ensemble du réseau respecte l’arrêté technique relatif aux risques liés aux champs électromagnétiques auquel il est soumis et qui fixe le seuil à 100 microteslas. Dans la réalité, les champs magnétiques sont souvent de 0,1 microtesla.

La France compte de 180 000 à 200 000 élevages qui se situent nécessairement à proximité directe d’ouvrages électriques gérés par Enedis puisqu’ils sont tous alimentés en électricité. Le GPSE constate que, depuis 2014, moins d’une centaine d’élevages ont sollicité son soutien et son diagnostic. 99,9 % des éleveurs ne connaissent donc pas de difficulté.

Enedis est membre fondateur du GPSE depuis 2014. Cette structure a été mise en place pour pérenniser l’instance de dialogue entre les professions de l’agriculture et de l’électricité. Enedis fait preuve d’une diligence particulière dès qu’une difficulté lui est remontée. Nous acceptons bien sûr que nos ouvrages fassent l’objet des mêmes diagnostics et de la même interrogation que tous les autres ouvrages afin de déterminer s’ils n’ont pas une défaillance. Si les audits réalisés par les experts du GPSE le requièrent, les équipes d’Enedis sont sollicitées par exemple pour poser des enregistreurs ou faire des manœuvres de consignation sur le réseau afin d’affiner le diagnostic et de trouver les causes des troubles chez les éleveurs.

Les préconisations du GPSE portent quasi systématiquement sur des mises aux normes des installations privées des élevages et très rarement sur des anomalies du réseau géré par Enedis. Le coût des mises aux normes des installations privées ne représente qu’un pour cent du budget qui est alloué au GPSE. Elles sont cependant nécessaires pour partir d’un diagnostic fiable. Les anomalies fréquemment rencontrées sont des anomalies classiques d’installation électrique (résistance de prise de terre, liaisons équipotentielles, défaut d’installation de clôture électrique). Une fois résolus les problèmes relevant de la norme NF C‑15‑100, qui sortent du périmètre d’Enedis, une amélioration est généralement constatée. Il faut bien distinguer ce qui relève des ouvrages intérieurs de ce qui relève des ouvrages de distribution publique. Nous ne pouvons pas agir sur le périmètre privé. En revanche, le GPSE permet d’apporter un diagnostic bien plus complet.

Évidemment, nous partageons avec le GPSE l’importance d’approfondir les axes de recherche évoqués précédemment, notamment sur la circulation des courants dans le sol.

M. Emmanuel Bert, adjoint au chef du bureau du lait, produits laitiers et sélection animale, ministère de l’agriculture et de l’alimentation. –Au nom du ministère, je peux dire que j’ai bien entendu les préconisations du rapport remis par le CGEDD et le CGAAER ainsi que la demande du GPSE concernant le renforcement de ses moyens. Il ne me revient pas de décider des suites qui seront données aux différentes recommandations. Elles seront étudiées avec toute l’attention nécessaire.

Je retiens également les interrogations de M. Allo sur les sources de financement des études. Des outils sont disponibles, notamment peut‑être avec le plan de relance du gouvernement. Il serait utile que le GPSE se rapproche du ministère de l’agriculture afin que nous recherchions ensemble des moyens et des outils financiers pour réaliser les études proposées.

Dans les témoignages, notamment dans les cas où il n’y a pas de solution identifiée, il a été souligné la nécessité de trouver des solutions pour ne pas laisser les agriculteurs dans la détresse. L’État a évidemment un rôle à jouer à deux conditions : que les propositions faites répondent au souhait et aux besoins des agriculteurs ; que les mesures envisagées soient élaborées localement sous l’égide du préfet avec la contribution des acteurs locaux, dont les chambres d’agriculture et les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – Je vais ouvrir le débat en donnant la parole au président de l’Office.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Je vais d’abord relayer trois questions de journalistes, dont deux de Mme Le Charpentier puis une de Mme Barde, qui s’adressent à M. Claude Allo et à Mme Delphine Porfirio.

« Selon le GPSE, quatre cas n’ont pas été résolus sur 28 protocoles depuis 2015. Or sur les 13 éleveurs que j’ai interrogés, 3 seulement estiment avoir retrouvé des conditions d’élevage quasi normales. Quand estce que le GPSE considère qu’un protocole est résolu ? Et que se passetil quand il n’y a pas d’amélioration ? »

Mme Le Charpentier cite Pascal Ferré, président de la Chambre d’agriculture de la Manche : « RTE et Enedis ont une pratique détestable : sécuriser leurs installations en mettant les mises à la terre dans les cours d’eau souterrains et on sait tous que l’eau est un excellent conducteur électrique. » Mme Le Charpentier demande : « Allezvous changer ces pratiques ? »

Autre question de Mme Le Charpentier : « Pourquoi financer, hors protocole GPSE, des accords à l’amiable avec des éleveurs si vos installations ne sont pas responsables des troubles (délocalisation d’une ferme, indemnisation d’un éleveur après qu’il a perdu son procès) ? Peuton connaître le montant de ces accords depuis 30 ans ? »

La question de Mme Barbe est la suivante : « depuis la signature du premier partenariat avec le monde agricole en 1970, combien d’exploitations agricoles vous ont signalé des problèmes à proximité de vos lignes, hors protocole GPSE, et combien d’exploitations sont actuellement situées le long des 100 000 km de lignes ? »

Il y a également une question de M. Pichon, du CNRS : « l’effet des champs de radiofréquence sur le vivant a fait l’objet d’études plus nombreuses que celles liées à l’impact des champs très basses fréquences. N’estil pas nécessaire d’initier des programmes de recherche auprès de la communauté scientifique sur ce sujet complexe et interdisciplinaire ? »

M. Claude Allo.  S’agissant du nombre de cas résolus et de protocoles terminés, ce n’est pas 28, mais 18. Le nombre de cas non résolus est, quant à lui, de 5. Le travail est considéré comme achevé dès lors qu’une amélioration objectivée de la situation sanitaire est constatée et que l’exploitation est remise sur de bons rails. Lorsqu’il y a eu une dégradation sanitaire, nous mettons en place des mesures correctives, nous délivrons des traitements, nous développons un suivi par le vétérinaire conseil. Pour autant, ce n’est pas en six mois ou en huit mois que la situation sanitaire va se rétablir si les animaux ont été affectés par des maladies (diarrhée virale des bovins, pathologie du pied, etc.). Le GPSE apporte une aide pour mettre en place les mesures correctives. L’amélioration de la situation sanitaire est mesurée objectivement par l’amélioration des performances. Lorsque nous intervenons dans une exploitation, l’une des premières mesures que nous prenons est de financer les contrôles de performance, notamment en matière de qualité du lait, pour obtenir des données de suivi.

Les cas non résolus dépassent l’expertise du GPSE et de tous les intervenants. À chaque fois, ce sont des problèmes qui sont liés à la composition du sous‑sol. Nous avons fait appel à des géologues et au BRGM pour qu’ils évaluent la géologie du sous‑sol. Cependant, personne n’a été capable encore de faire le lien entre le sous‑sol, son évolution et les symptômes constatés chez les animaux.

Nous faisons intervenir des géobiologues, en particulier lorsqu’ils sont d’excellents techniciens agricoles ou d’excellents électriciens. Ils mettent en évidence les circulations d’eau. Cependant, personne ne peut dire quels sont les effets des courants électriques dans ces courants d’eau qui se trouvent sous les étables. On ignore si on peut les neutraliser. Nous sommes face à un problème de manque de connaissances.

M. François Deschamps, ingénieur référent national sur les champs électromagnétiques, département Concertation et environnement, RTE.  Je suis très surpris des propos rapportés par une question concernant l’implantation de prises de terre. Les prises de terre sous pylônes sont effectuées au plus proche de l’ouvrage. Sous le pylône, il y a une masse de béton noyée dans le sol : ce contact important suffit déjà à assurer une prise de terre de faible impédance. En ce qui concerne la pose des câbles, on ne va pas creuser sur 100 mètres pour aller chercher une veine d’eau ! Cela n’a aucun sens. Nous cherchons à obtenir une prise de terre avec la plus faible impédance possible. Cela peut se traduire par des travaux plus ou moins importants, mais sans recherche de veines d’eau pour améliorer la prise de terre. Certes, un terrain humide est plus favorable, mais ce n’est valable qu’à faible profondeur. Sous un pylône, il y a des mètres et des mètres de profondeur. On atteint des couches profondes où les variations d’humidité sont très faibles, contrairement à ce qui se passe en surface.

 

 

M. Philippe Bolo, député, rapporteur.  Je souhaiterais savoir si l’on a une connaissance précise du sol et du soussol (texture, humidité, circulation des courants) lorsqu’on implante une ligne. Utiliseton des cartes pédologiques existantes ? Estce qu’elles renseignent sur la profondeur, la texture et tous les paramètres qui peuvent influencer la circulation des courants dans le sol ?

Mme Delphine Porfirio.  Pour chaque projet de construction de ligne, nous faisons appel à un bureau d’étude spécialisé qui étudie précisément la zone envisagée pour accueillir une ligne.

M. Yves Daniel, député.  Je suis député de la 6e circonscription de Loire-Atlantique, territoire où se trouve le parc des Quatre-Seigneurs. Je voudrais souligner la qualité des travaux remis par le CGEDD et le CGAAER. Nous sommes trois députés, Gaël Le Bohec, Nicole Le Peih et moimême, à nous être mobilisés à la suite de sollicitations d’éleveurs. Nous avons interpellé la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale pour nous aider. Je veux saluer la réactivité de chacun et remercier l’Office d’avoir organisé cette table ronde.

Nous sommes aujourd’hui entre 25 et 30 députés mobilisés sur cette question car nous sommes sollicités dans nos circonscriptions par les éleveurs. Il serait intéressant de dresser un état des lieux plus précis du nombre d’éleveurs et d’habitants concernés par ce sujet de santé publique.

Si je me suis mobilisé, c’est également parce que j’ai travaillé pendant 40 ans en tant qu’éleveur laitier et porcin. Mon exploitation avait subi l’influence d’ondes électromagnétiques telluriques, sans apport d’ondes électromagnétiques liées à des ouvrages électriques. Nous avons maîtrisé les choses grâce à l’intervention d’un géobiologue. Nous avons mis en place un système de neutralisation de ces ondes électromagnétiques au bon fonctionnement duquel il faut veiller en permanence.

Je retiens notamment des échanges d’aujourd’hui le manque de preuves scientifiques. L’effort de recherche doit donc être poursuivi avec beaucoup de pragmatisme en mobilisant l’ensemble des compétences scientifiques, géobiologiques, celles des agriculteurs sur le terrain et des opérateurs d’électricité. Chacun doit rester humble car, actuellement, personne ne détient la vérité sur ces sujets. La recherche de solutions doit se faire à partir de la réalité du vécu.

En tant que députés, nous avons la responsabilité de protéger nos concitoyens sur cette question de santé publique, au nom du principe de précaution. Comment devons-nous faire évoluer la loi, notamment en termes de reconnaissance de la géobiologie ? Les travaux menés par les différents ministères concernés doivent être mis en commun.

Il me semble qu’il faut rapprocher davantage la médecine humaine de la médecine vétérinaire. Nous sommes dans un moment d’urgence, car des agriculteurs souffrent. Il s’agit d’éviter de répéter les mêmes erreurs dans les futurs projets en faisant évoluer les éléments à intégrer aux études d’impact.

Quels sont les éléments qui seraient de nature à faciliter cette mobilisation de toutes les compétences et, surtout, au niveau parlementaire, à partir de quels éléments pouvons-nous et devons-nous travailler ?

M. Hubert Goupil.  Je m’adresse aux parlementaires au sujet de tous les éleveurs victimes : n’y auraitil pas une possibilité à court terme de mettre en place des moratoires afin qu’ils ne soient pas contraints aux liquidations judiciaires ?

M. Serge Provost.  Nous attendons depuis 30 ans la tenue d’une telle réunion. Nous avons été malmenés par tout le monde pendant des décennies, et notamment par nos organisations professionnelles. De nombreux agriculteurs ont perdu leur outil de travail et certains ont fait des tentatives de suicide. La situation est très grave. L’ANAST demande à être partie prenante dans toutes les commissions ayant vocation à être mises en place. Nous avions créé le GPSE, mais les responsables du GPSE, le lobby de l’énergie et la profession agricole nous ont exclus définitivement de cette instance au bout de trois ans, alors que nous étions des témoins de terrain. Le premier président de l’ANAST qui a tout perdu, s’est suicidé, c’est très grave.

Je souhaitais revenir sur le sujet des mises à la terre. Mon exploitation est proche d’un poste EdF d’une surface de 10 hectares. Quelle est la valeur de la mise à la terre du poste ? Je souhaiterais avoir une réponse. De mon côté, je l’ai obtenue en réalisant un forage avant la construction des ouvrages, ce qui m’a permis de faire des analyse de l’eau et d’en mesurer le pH (potentiel hydrogène) et le TH (titre hydrotimétrique). Cinq ans après la mise en fonctionnement des ouvrages, les pH et TH avaient baissé : où est la mise à la terre du poste ? Quand j’entends M. François Deschamps dire qu’Enedis ne cherche pas l’eau pour les mises à la terre, il ne faut pas nous prendre pour des imbéciles. Je rappelle que dans l’affaire Jean Valade en Corrèze, on a changé la mise à la terre du poste pour la déplacer très loin dans l’eau. RTE et EdF n’ont plus le droit de sacrifier un seul éleveur.

M. Alain Crouillebois.  Mon constat est très clair. Il y avait un avant, puis, en 2011, Enedis approche un ouvrage à 20 mètres de mon exploitation. Pendant 10 ans, mon élevage a subi des impacts. Ma technique d’élevage a été remise en cause par le GPSE. Il a cependant tout inspecté sans trouver aucune anomalie. En 2019, j’ai pris l’initiative de déplacer les ouvrages et mon troupeau a redémarré immédiatement.

M. Allo, je considère que vous m’avez littéralement abandonné. Si l’ANAST ne m’avait pas soutenu, je ne serai peut‑être pas là aujourd’hui. Vous n’avez pas appuyé ma demande auprès d’Enedis de déplacement de ses ouvrages, alors qu’ils étaient à l’origine des troubles. Enedis aurait dû prendre la responsabilité technique et financière de ce déplacement qui m’a coûté 63 000 euros, alors que j’étais au bord de la ruine. Après cette opération, tout mon troupeau a récupéré son bien‑être et ses performances. Des mesures scientifiques ont été effectuées dans mon élevage révélant des tensions de pas de l’ordre de 200 à 300 millivolts, mais le GPSE s’appuie sur la norme des 500 millivolts. L’action que j’ai conduite ne devrait-elle pas servir de cas d’école ? Dès 100 millivolts enregistrés sur mon exploitation, les animaux réagissaient. Les normes actuelles ne sont pas pertinentes. M. Allo, pourquoi ne pas être revenu vers moi, étant donné que j’avais trouvé la solution ? Je pense que vous avez volontairement mis de côté mon dossier. Je serais ravi que vous constatiez que mon élevage se porte beaucoup mieux, ainsi que l’éleveur.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Je suis très sensible à l’exemple extrêmement instructif que vous évoquez. Prenons garde cependant que cette audition ne se transforme pas en tribunal ou en interpellation personnelle. Je souhaite vraiment que les contacts se fassent et que les expériences soient tirées du passé.

M. Claude Allo.  Je reprendrai contact avec vous, M. Crouillebois. Effectivement, nous avons arrêté le travail, car il y avait déjà une certaine amélioration des performances. Nous nous en étions expliqués au moment de la remise du rapport final. Nous aurions préféré aller beaucoup plus loin, mais nous manquions de financements. C’est une limite du GPSE dans sa configuration actuelle. Vous faites de temps en temps un procès d’intention ou montrez de l’hostilité visàvis des industriels. Les pouvoirs publics se sont désengagés à un certain moment du GPSE. Les professionnels ont pris leurs responsabilités, il faut reconnaître leur implication et non les accuser.

Le député Yves Daniel demande ce qu’il faut faire tout de suite. D’excellentes propositions formulées par la mission interministérielle CGEDD-CGAAER peuvent être adoptées immédiatement. Il s’agit de décider de la mise en place de l’observatoire et du financement de la recherche selon deux axes : les courants parasites, sur lesquels le ministère de l’agriculture devrait s’impliquer afin que les études puissent être lancées très rapidement ; les problèmes du sous‑sol, qui devraient être abordés par des études de cas réunissant vétérinaires, géologues et géobiologues.

 

Synthèse des échanges par M. Cédric Villani, député, président de l’Office

 

M. Cédric Villani, député, président de l’Office.  Je vais me livrer à une brève synthèse. Un travail de conclusion et de recommandations sera ensuite accompli par le rapporteur Philippe Bolo, et il vous sera transmis.

Cette audition était nécessaire, permettant de réunir toutes les parties prenantes sur un sujet qui mêle des questions scientifiques et techniques à des questions très institutionnelles. Certains mots durs échangés reflètent les tensions accumulées sur ce dossier depuis des décennies. Nos propositions doivent donc être fortes et faire l’objet d’un suivi.

La politique de l’OPECST est de soutenir la transparence, ce qui signifie que tout le monde a le droit de s’exprimer pour éviter de donner l’impression de dossiers mis de côté, voire d’omerta. On peut discuter des causes et des responsabilités, mais dans bien des cas rapportés, la souffrance témoignée est incontestable. De même que sur le débat relatif à l’électrohypersensibilité, il y a encore des discussions sur les causes et les conséquences, mais les situations de souffrance ont été reconnues.

Il faut régler les situations des éleveurs en trouvant les bons protocoles et dans une démarche d’instruction scientifique des dossiers. Une situation dans laquelle des remèdes seraient trouvés sans comprendre les causes serait une situation inacceptable pour le scientifique que je suis.

J’ai eu l’impression ce matin de revivre une situation semblable à celle vécue lors de l’audition publique de l’Office sur l’électrohypersensibilité. L’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) nous assurait, en présence de son président, de l’existence de pistes de recherche intéressantes et de l’intérêt de mettre en place un suivi de cohortes. Trois années plus tard, j’ai le sentiment que rien n’a été fait. Je ne voudrais pas que cette situation se reproduise pour notre sujet d’aujourd’hui.

Il en est de même pour le parc d’éoliennes décrit par la mission du CGEDD et du CGAAER. Malgré des accords, des protocoles, rien n’a été fait. Ce n’est pas notre travail de passer commande à des scientifiques qui ont leur indépendance. Cependant, nous avons de grandes institutions scientifiques qui ont toute la compétence pour mettre en place des protocoles, lancer des appels d’offres, etc.

Nous touchons à un domaine qui ne relève pas seulement de l’électromagnétisme, mais également de la géologie. Il n’y a rien de plus compliqué que la géologie. La découverte de la dérive des continents date seulement des années 1960. Il est tout à fait possible qu’il y ait des effets encore non identifiés dans l’interaction entre électromagnétisme et géologie.

Il m’apparaît clairement aussi que le vrai débat ne concerne pas tant la définition de seuils ou de normes, que la nécessité de tenir compte des spécificités particulières des configurations. Ce n’est pas une tension en soi qui apporte un diagnostic, mais une combinaison d’éléments. Les questions de sol et de sous‑sol sont revenues comme étant des questions clefs et pour lesquelles il y a besoin d’une multicompétence scientifique (INRAE, BRGM).

Bien sûr, les éleveurs doivent être associés à la définition des protocoles. Un consensus a minima sur le protocole est indispensable, sinon l’expérience risque d’être contestée. Les études de cas, présentes ou passées, doivent bien sûr servir de base. Je rejoins la recommandation de mise en place d’un observatoire, même s’il faut veiller à ne pas multiplier les institutions. On pourrait imaginer que cela entre dans les missions du GPSE. Il pourrait cependant être en conflit d’intérêts, s’il doit à la fois recenser les cas et les résoudre. Le montage institutionnel doit être défini. Il y a un besoin d’indépendance et de comparaison internationale.

L’inconséquence de l’État a été aujourd’hui bien identifiée dans le fait qu’il a donné puis retiré des moyens au GPSE ou encore qu’il incite au développement de connaissances, mais ne fait rien en pratique dans ce sens. En tant que parlementaires, cela va être notre rôle d’adresser des recommandations fortes au gouvernement et de contrôler autant que possible l’action publique.

Le rapporteur Philippe Bolo sera chargé des recommandations qui feront ensuite l’objet d’une discussion et d’une adoption par l’OPECST.

Je vous remercie pour votre disponibilité et pour l’énergie dont vous avez témoigné. Il y aura d’autres actions au niveau de la société civile. Nous avons bien noté que certaines enquêtes journalistiques étaient en cours. Il s’agit d’un vrai dossier de société qui représente certes une faible proportion de cas par rapport à l’ensemble des exploitants en France mais, dans l’absolu, un nombre de cas trop importants, que nous avons le devoir de résoudre.

 


II.  Compte rendu de la réunion du 25 mars 2021 présentant les conclusions de l’audition publique du 18 février 2021

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. ‑ Nous allons à présent examiner le rapport élaboré par Philippe Bolo, qui présente les conclusions de l’audition publique sur l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. ‑ L’audition publique sur l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage a eu lieu le 18 février. Avant celle‑ci, j’ai procédé à douze entretiens préparatoires avec différentes parties prenantes. L’audition publique s’est tenue sous forme de deux tables rondes : la première, qui a réuni dix participants, s’est penchée sur les constats liés aux effets des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage, la seconde, à laquelle sept personnes ont participé, a porté sur la prise en compte des difficultés rencontrées.

Peut-être avez-vous entendu dire que les agriculteurs n’étaient pas suffisamment représentés dans le cadre de ces tables rondes et que l’ANAST (Association nationale Animaux sous tension) n’était pas représentative de l’ensemble de la profession et des cas concernés. Je pense qu’il ne faut pas envisager les choses ainsi. Il se trouve que l’ANAST est la seule association représentative des agriculteurs en difficulté sur ce sujet : il fallait donc qu’elle soit présente. Par ailleurs, de nombreux cas d’agriculteurs, faisant ou non partie de l’ANAST, ont été évoqués par les différents intervenants. Au total, près d’une dizaine de situations ont été abordées lors de nos échanges.

Pourquoi avoir organisé ces tables rondes ? Nous sommes face à un sujet mal connu, rarement évoqué par la représentation nationale, et face à des situations dramatiques, parfois sans solution. Un rapport rédigé au nom de l’OPECST par le sénateur Daniel Raoul en 2010 avait évoqué la question. De manière individuelle, hors cadre constitué, certains députés s’y intéressent également ; je pense notamment à Yves Daniel, en Loire-Atlantique.

Afin d’avoir une vision comparative de la situation dans différents pays, j’ai réalisé une enquête auprès des membres de l’EPTA (European Parliamentary Technology Assessment), structure qui fédère les offices semblables au nôtre dans 23 pays. Si l’on enlève l’OPECST, les deux représentations européennes et l’office du Mexique que nous n’avons pas réussi à contacter, ce sont 19 offices qui ont été sollicités pour répondre à trois questions. Douze ont répondu et il apparait que personne ne travaille sur ce sujet, à l’exception de la Suisse où certains députés, en dehors des activités de leur office parlementaire, ont déjà abordé la question de l’impact des antennes de téléphonie et des lignes électriques. Tous nos autres correspondants ont indiqué n’avoir rien fait. Nous sommes donc en avance, ce qui méritait d’être signalé.

Une note de synthèse vous a été transmise avant-hier, qui insiste sur la complexité du sujet. Lors de la table ronde, un physicien spécialiste des champs électromagnétiques en a exposé les grands principes, ce qui a permis de lancer les échanges sur une base sémantique et de connaissances partagée. Il a expliqué qu’il existait des champs électromagnétiques de différentes fréquences, ne produisant pas les mêmes effets, directs et indirects. La téléphonie se situe par exemple dans les hautes fréquences, avec des impacts thermiques. Les lignes haute tension sont au contraire sur de la basse fréquence, avec un phénomène d’induction de courant électrique dans les équipements métalliques.

Le deuxième niveau de complexité, qui s’ajoute à la difficulté du phénomène physique, tient au fait que les symptômes observés aujourd’hui sur les animaux d’élevage ne sont pas forcément révélateurs de troubles liés aux ondes électromagnétiques mais peuvent éventuellement être imputés à d’autres causes.

Il existe néanmoins des observations de terrain laissant penser qu’il se passe quelque chose et qu’il faut vraiment examiner le sujet. Le vétérinaire présent a clairement indiqué que les difficultés d’abreuvement ou les comportements particuliers rencontrés chez les bovins, qui évitent de fréquenter tout ou partie de certains espaces d’une exploitation agricole, pouvaient résulter de perturbations électromagnétiques, parfois directes, mais le plus souvent indirectes, liées aux basses fréquences et à la génération de courants induits.

Les observations de terrain montrent par ailleurs que ces phénomènes apparaissent souvent de façon concomitante à l’installation d’infrastructures de réseau électrique, de production d’énergies renouvelables ou de communication de type 4G ou 5G. Ceci a été mis en évidence lors de la table ronde par M. Crouillebois, qui a expliqué que le déplacement de la ligne enterrée près de son exploitation a coïncidé avec la fin des difficultés rencontrées par son troupeau. L’exemple du parc éolien des Quatre-Seigneurs interroge plus encore, car les problèmes sont apparus avant même que les éoliennes soient raccordées au réseau électrique, ce qui suscite de nombreuses questions. Il faut savoir par ailleurs que des problèmes similaires apparaissent également en l’absence d’infrastructures de ce type.

La sensibilité des animaux, très différente de la nôtre, est probablement en cause. Les normes utilisées pour la construction des bâtiments d’élevage sont des normes élaborées pour les humains, visant à éviter l’électrocution. Or les animaux ont une sensibilité très différente, d’une part car ils reposent sur le sol avec quatre pattes, d’autre part parce que leurs pattes ne sont pas isolées du sol et se trouvent parfois dans des milieux humides. Ainsi, dès que des courants induits y circulent, des difficultés apparaissent.

Il existe enfin de réelles inconnues sur les phénomènes qui interviennent dans les sols et sur l’influence de la géologie. Étant ingénieur agronome en génie rural, je puis témoigner du fait que je n’ai jamais entendu parler de ces sujets de circulation d’électricité dans le sol, ce qui montre que le domaine n’est pas vraiment documenté.

Ceci nous conduit au constat d’un besoin de recherche sur les effets des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage, la mesure de la sensibilité des animaux et la circulation des courants dans le sol et le sous‑sol. En préparant la table ronde, notre premier réflexe a été d’aller rechercher des informations auprès de l’INRAe (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) : or il n’existe aucun chercheur y travaillant sur ces questions.

Cette absence d’études est-elle due à un manque de financement ou bien au fait que cette thématique n’intéresse pas les chercheurs ? J’avoue ne pas savoir comment appréhender cette boucle.

La seconde table ronde concernait la gestion des situations difficiles rencontrées par les éleveurs. Elle a notamment permis d’évoquer le GPSE (Groupement permanent de sécurité électrique), structure mise en place par le ministère de l’agriculture en 1999, qui a pris la forme d’un groupe de travail jusqu’en 2014, puis d’une association depuis 2014, avec la présence en son sein des grands gestionnaires des infrastructures (RTE, Enedis, etc.), ce qui n’est pas sans poser problème, j’y reviendrai. Depuis sa création, 72 demandes ont été soumises au GPSE par l’intermédiaire des chambres d’agriculture, qui se sont traduites par 49 interventions, avec 35 cas résolus, 18 cas ayant fait l’objet de diagnostics approfondis (vous verrez dans la note qu’il existe deux façons pour le GPSE d’appréhender les sujets, à savoir la réalisation de diagnostics simples ou de diagnostics approfondis) et 5 cas restant aujourd’hui sans solution. Le GPSE est malheureusement l’objet de critiques, dues notamment à la présence de RTE et Enedis. Le fait que les agriculteurs qui s’estiment victimes des aménagements effectués par RTE et Enedis doivent, pour résoudre leurs difficultés, s’adresser à une instance à laquelle participent ces deux grands gestionnaires pose problème. Il importera de trouver des solutions.

La notion de géobiologie a été présente dans cette seconde table ronde, ce qui suscite, je l’imagine, de la curiosité de votre part. Cette discipline, non scientifique, existe bel et bien et permet, dans certains cas, de résoudre les situations, alors même que la science n’y parvient pas. Ceci soulève de nombreuses questions. Lorsque j’ai écouté pour la première fois le discours des géobiologues, je dois vous avouer avoir été, avec le parcours qui est le mien, très dubitatif. Or je crois qu’il faut vraiment faire preuve en la matière d’une grande ouverture d’esprit et considérer que cette discipline existe et a son intérêt. Nous avons tous entendu parler ou vu des sourciers qui parviennent à trouver de l’eau.

Les géobiologues les plus sérieux s’appuient sur une connaissance de la physique et utilisent des équipements permettant de mesurer des paramètres physiques. Ils partent du principe qu’ils vont repérer les veines d’eau et les failles dans le sol, qui sont, pour eux, des voies de circulation préférentielles des ondes et courants à l’origine des problèmes rencontrés par les éleveurs. Cette profession est en train de se structurer, avec des formations, un code de la géobiologie et une charte des bonnes pratiques. J’ai découvert aux éditions de La France agricole, des guides de la géobiologie en agriculture qui n’ont rien de farfelu : ils reposent sur des bases scientifiques, expliquent l’électricité, les champs électromagnétiques et comprennent un recueil de témoignages préoccupants sur des situations similaires à celles qui nous ont été rapportées lors de l’audition.

La note que je vous ai transmise se termine par des préconisations de trois ordres.

Le premier volet de ces propositions vise à une meilleure connaissance non seulement des phénomènes électromagnétiques et de leur influence sur les animaux, les sols et les normes, mais aussi à une meilleure connaissance du nombre de cas. Dès que je me suis lancé dans cette mission, des agriculteurs avec lesquels je suis en contact sur le territoire que je représente m’ont indiqué qu’ils avaient été confrontés à des phénomènes de cette nature et avaient heureusement trouvé des solutions. Ce type de situation est beaucoup plus fréquent qu’on ne l’imagine.

La deuxième catégorie de préconisations concerne la prévention des problèmes, avec une amélioration de la gouvernance, du financement et de l’organisation du GPSE. Ceci passe également par la réalisation d’un diagnostic géobiologique dans le cadre des études d’impact, avant la création et la mise en place de nouveaux projets d’aménagement. Ceci est pratiqué en Loire-Atlantique à la demande de la préfecture. Des installateurs d’éoliennes procèdent également de la sorte.

Le dernier ensemble de recommandations a pour objet une meilleure prise en compte du phénomène, en allant plus vite dans sa reconnaissance, en structurant la méthode et la profession de géobiologue et surtout en mettant en œuvre les préconisations des différents rapports déjà réalisés sur ces questions (rapport de Daniel Raoul au nom de l’OPECST, travaux de l’ANSES, mission du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)).

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. ‑ Merci beaucoup. Ce sujet est riche et va certainement donner lieu à de nombreux commentaires.

Je pense qu’il faut avancer résolument sur ce dossier, tout en étant plus prudents encore qu’à l’accoutumée sur les termes et formules choisis. Il nous faut peaufiner le texte de nos conclusions et être très attentifs. Nous ne manquerons pas de recevoir des commentaires nous alertant sur le fait que ce domaine est peuplé de charlatans et d’imposteurs ; pour autant, ceci ne saurait justifier de ne rien faire.

Concernant la question de représentativité, il est normal que nous interrogions sur ce sujet les associations et les représentants des agriculteurs qui signalent un problème et que nous ne cherchions pas à réunir un panel représentatif de tous les cas de figure possibles. L’ANAST a largement participé aux débats et souvent demandé la parole. Je pense qu’il n’y a en l’occurrence aucun problème de représentativité.

Il faut par ailleurs être attentif à la question de la prévalence. Les cas sont nombreux dans l’absolu, mais très limités en valeur relative, c’est‑à‑dire proportionnellement à l’ensemble des agriculteurs potentiellement concernés. Attention par conséquent à la signification que l’on accorde aux termes : ce peut être « beaucoup » ou « très peu » selon le point de vue considéré.

Il est intéressant d’évoquer les travaux des autres parlements. Je suis curieux de savoir comment le débat suisse s’est présenté.

Il serait également bienvenu de faire le lien entre ce sujet et les préconisations que nous avons formulées dans le cadre de l’audition sur l’électrohypersensibilité. Voici quelques jours, le suivi de ces recommandations a fait l’objet d’une vérification, qui a permis de constater que les choses bougeaient, même si l’équipe qui mène des travaux sur ce sujet insiste pour qu’il ne soit pas fait de publicité autour de ses recherches, afin qu’elle puisse travailler tranquillement.

La discussion sur le seuil qui devrait être opposable aux champs électromagnétiques me semble un mauvais débat. On pourrait consacrer des années à une réflexion sur l’opportunité d’un abaissement des seuils. Or la question porte moins sur un seuil que sur la configuration des lieux ou l’interaction entre diverses structures. Ne considérer que l’amplitude ou la fréquence des champs ne permet pas de conclure qu’une situation est dangereuse ou inquiétante en soi : tout dépend de la configuration et de sa complexité.

La question traitée renvoie à des sujets techniques, parfois complexes. Il me semble donc important d’effectuer dans le rapport un effort d’explicitation, sous forme de lexique, d’encadrés, de diagrammes…

Les géobiologues, héritiers des anciens sourciers, constituent une profession disparate, dont certaines pratiques s’apparentent manifestement à du charlatanisme. Il n’empêche que certains jouent un rôle important aujourd’hui, conseillent des chambres d’agriculture, et permettent parfois, de façon très pragmatique, de résoudre des problèmes de cette nature. Ce ne sont donc absolument pas des acteurs que l’on peut écarter. Il faut simplement trouver la bonne façon d’en parler, qui traduise à la fois une ouverture d’esprit, de la prudence et une absence de naïveté.

Il me semble enfin important d’insister sur les conditions dans lesquelles les expérimentations doivent se faire. Nous sommes un office parlementaire scientifique et il est de notre rôle de souligner la façon dont la science doit progresser. Il s’agit d’un sujet dans lequel les expériences de laboratoire sont extrêmement limitées : il n’est en effet guère envisageable de reproduire grandeur nature dans un laboratoire toute la complexité d’une situation donnée. Lorsque des cas sont signalés comme problématiques, il est par conséquent important qu’ils se transforment en situations de recherche, avec un protocole, une participation d’organismes d’électricité, de télécom et de recherche et un dialogue avec l’agriculteur.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office. –Je trouve la démarche extrêmement intéressante. Ces sujets sont absolument passionnants et reviennent de façon certes marginale mais récurrente dans notre vie locale. Progresser, évaluer, réfléchir est toujours utile.

M. Bruno Sido, sénateur. – Je tiens à rappeler que la question a déjà été abordée par l’Office parlementaire voici quelques années et qu’il s’agit d’un sujet bien réel. Étant moi‑même agriculteur d’origine, je sais que ces phénomènes sont une réalité de terrain, qu’il faut traiter même si les scientifiques ne se sont pas emparés du sujet. Je comprends, Monsieur le président, qu’en tant qu’éminent mathématicien vous appréciez les choses rigoureuses. Ceci étant, je ne crois pas que l’on puisse dire que les sourciers sont des charlatans. Ils ont rendu des services immenses à un nombre considérable d’agriculteurs, aussi bien en France qu’ailleurs, y compris au Sahara. Ce sont les sourciers qui y ont trouvé l’eau et non les scientifiques, qui ne s’intéressaient pas à cette question.

Vous avez évoqué la question de la prévalence, en lien avec la notion de probabilité. Or il faut comparer des éléments comparables. A‑t‑on cherché à savoir si et dans quelle mesure la prévalence changeait selon que l’on était en présence de lignes électriques à haute tension, de lignes enterrées, etc. ? En général, une personne habitant en rase campagne, loin de tout, ne rencontre pas de problème. La situation peut en revanche être différente si elle réside sous une ligne à haute, voire très haute tension. Je pense en particulier à la ligne qui, en Normandie, vient de Flamanville et a généré des problèmes de cette nature. Ne serait‑il pas envisageable de préconiser une politique de prévention ? Ne pourrait‑on inviter à ce que des études soient effectuées préalablement à la construction d’un nouveau bâtiment, afin d’éviter de construire sur des zones présentant un danger ?

Le sujet est important et je remercie Philippe Bolo pour ce travail. Il faudrait vraiment essayer de faire en sorte que les scientifiques se penchent sur cette problématique. Le fait qu’un sujet soit complexe et géorgique ne doit pas conduire pour autant à ce que les scientifiques s’en désintéressent. De vrais problèmes se posent, qu’il faut régler. Peut‑être d’ailleurs ne sont‑ils pas dus à des phénomènes électromagnétiques. Il faudrait élucider cela. Nous savons néanmoins que les animaux, qui se déplacent sur quatre pattes, sur des sols parfois humides, sont plus sensibles que les humains à certains éléments de leur environnement. Ils le sont moins sur d’autres : ils supportent par exemple beaucoup mieux le froid et l’humidité que nous. Il est dommage que ce sujet ne soit pas traité et je pense qu’il serait intéressant de suggérer que l’INRAe se penche sur la question et s’attache les meilleurs scientifiques pour y travailler. Ceci n’est pas une question de moyens : je crois que de telles études ne coûteraient pas très cher.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Lorsque j’ai parlé de charlatans, le mot était assurément trop dur. Le terme employé dans la version actuelle du rapport est plutôt celui de « fantaisiste ».

Concernant les sourciers, un travail mené par une équipe de scientifiques, dont faisait partie Georges Charpak, était arrivé à la conclusion pragmatique qu’il existait un réel savoir-faire permettant de détecter de l’eau et des sources, mais celui‑ci ne correspondait pas aux discours et théories proposés par les sourciers eux‑mêmes pour l’expliquer. Un savoir-faire peut être réel sans s’appuyer sur une théorie solide. Il existe là un travail à effectuer pour changer l’un en l’autre.

Je précise que l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) était à la manœuvre pour les travaux sur l’électrosensibilité.

Mme Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l’Office. –
Je remercie Philippe Bolo pour son exposé extrêmement clair. J’avais trouvé complexes les échanges tenus lors des tables rondes. Or le résumé qui vient de nous être proposé est très éclairant.

Ce travail s’inscrit effectivement dans la continuité du rapport sur les ondes élaboré par Daniel Raoul et de divers autres travaux de l’Office.

A été évoquée l’importance des observations de terrain par rapport aux études scientifiques. Or pas plus tard qu’hier, en commission des affaires sociales du Sénat, plusieurs collègues, en parlant de médecine et de la situation sanitaire, ont souligné qu’il faudrait que l’on sorte d’une dimension exclusivement scientifique et que l’on tienne compte des observations de terrain. Cette réflexion me semble fondée.

Dans un autre domaine, j’ai vu des reportages et connu des personnes qui « coupent le feu », c’est‑à‑dire qu’elles sont capables de soigner à distance de grands brûlés ; certaines travaillent avec les hôpitaux. Cette pratique est étonnante, mais fonctionne. Il existe bien un certain nombre de phénomènes que la science n’explique pas.

Il me semble enfin que ce sujet n’intéresse pas uniquement les agriculteurs. Ces phénomènes concernent les animaux d’élevage, mais aussi potentiellement d’autres animaux, notamment de compagnie.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Je souscris totalement à ces propos : il existe des phénomènes que la science n’explique pas, du moins pas encore, qui sont aujourd’hui classés dans la catégorie du paranormal ou du parascientifique et qui entreront peut-être, dans quelques décennies, dans le giron des phénomènes naturels. Ceci nous invite à une grande humilité.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office. –
Grâce à son excellent esprit de synthèse et son pragmatisme habituel, Philippe Bolo est parvenu à nous intéresser à ce sujet quelque peu orphelin, mais dont on parle beaucoup.

Je vous rejoins sur le constat que la science n’explique pas tout. C’est la raison pour laquelle je trouve très intéressant que, dans les préconisations, figure l’idée de développer un observatoire national pour inventorier, caractériser et documenter ces situations. Il est important de poser des repères. Peut‑être trouvera‑t‑on dans l’avenir, à plus ou moins long terme, les réelles causes de ces phénomènes ; il sera alors possible de se référer à cette matière collectée pour avancer.

J’ai découvert dans ce rapport l’existence des géobiologues. Alors que je pensais que la sensibilité des animaux était bien plus robuste que la nôtre, il m’est apparu qu’ils présentaient finalement des fragilités que nous n’avons pas, accrues par le fait d’avoir des pattes non isolées dans un environnement humide.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – Merci beaucoup pour ces remarques, que je vais pouvoir intégrer au rapport.

La notion de prévalence mérite effectivement d’être explicitée, notamment dans le cadre de la préconisation invitant à identifier précisément le nombre de cas existants.

Concernant le débat suisse, je pourrai vous faire parvenir les documents qui nous ont été adressés.

Établir le lien avec la table ronde conduite par l’Office sur le thème de l’électrosensibilité me semble pertinent, en prenant toutefois la peine de souligner qu’elle était consacrée à l’électrosensibilité humaine.

La question des seuils a été abordée de façon récurrente lors de l’audition. Je partage tout à fait vos conclusions, Monsieur le président.

Nous insèrerons dans la mesure du possible des illustrations visant à éclairer le propos.

 

Il importe en effet de faire la part des choses entre des géobiologues qui sont par exemple employés aujourd’hui par la chambre régionale d’agriculture des Pays-de-Loire et interviennent sur le terrain pour essayer de comprendre ces phénomènes, et des charlatans se réclamant de cette discipline et profitant de la misère de certains agriculteurs confrontés à ces situations.

L’un d’entre vous a évoqué la nécessité d’une politique de prévention lors de la construction de nouveaux bâtiments : ceci figure dans les préconisations. Le préfet de Loire-Atlantique demande ainsi déjà que, pour toute installation d’éolienne, un géobiologue soit mobilisé en amont. L’idée serait d’extrapoler cette pratique et de proposer qu’un travail similaire soit effectué lorsque l’on envisage de créer de nouveaux bâtiments agricoles. En effet, le sujet apparaît aussi, souvent de manière amplifiée, lorsque les agriculteurs viennent greffer de nouveaux bâtiments, plus métalliques, électriques et électroniques, sur les anciens.

Recommander que l’INRAe se penche sur la question figure dans le rapport. J’y ajouterai quelques éléments sur les observations de terrain.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Ma remarque et celle de Catherine Procaccia se combinent : il faut insister sur l’importance d’une structure susceptible de jouer un rôle d’observatoire, de mise en contact avec les scientifiques, d’élaboration de protocoles. L’idée sous-jacente est que ces cas ne soient pas seulement considérés comme des problèmes à résoudre, mais aussi comme des sources de connaissance, d’information, de documentation sur le sujet.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – C’est noté. Les observations d’Angèle Préville sont à mettre en lien avec le débat d’hier à l’Assemblée nationale consacré à la santé environnementale qui a soulevé de nombreuses questions, de la part de tous les bords politiques, sur la qualité de l’air, les perturbateurs endocriniens, et l’électrosensibilité. Dans les préconisations de mon rapport, j’indiquerai que ce sujet est à mettre en lien avec les problématiques de santé environnementale.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Il conviendrait de bien préciser dans le rapport le statut de Joe Wiart et de mentionner qu’il est titulaire d’une chaire sur ces sujets. Il peut également être de bon conseil sur l’élaboration du lexique et l’illustration des concepts scientifiques.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – J’ai omis de préciser que figureront dans le document final non seulement une synthèse, qui à l’heure actuelle ne comporte aucune illustration, mais aussi en annexe toutes les diapositives et supports de présentation utilisés le jour de l’audition. Ainsi, les différents schémas présentés par Joe Wiart et par Laurent Delobel très utiles pour comprendre la problématique, seront accessibles dans le rapport et sur internet.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Cela correspond à la bonne habitude de l’Office de proposer non seulement des synthèses, mais aussi du verbatim ; les deux sont importants lorsque l’on souhaite se documenter sur un sujet.

J’ai été interpellé par la notion de résistance d’un animal. Quelle en est la signification ? En physique, on parle de la résistance d’un dispositif. Qu’en est‑il en l’occurrence ? Il me semblerait nécessaire de préciser cela.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – Il s’agit de la résistance électrique. Nous allons étayer l’explication afin que le propos soit plus compréhensible.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Mes autres observations sont mineures. Nous pourrons passer en revue ces détails une fois que l’ensemble des remarques qui viennent d’être formulées auront été prises en compte. J’ai vraiment le sentiment que nous sommes en phase, les uns et les autres, sur la direction dans laquelle il convient d’aller.

Permettez-moi de vous lire le commentaire que notre conseillère scientifique vient de nous faire parvenir : « La chargée des relations avec le Parlement de l’Inserm n’a pas encore pu répondre sur le point d’inclusion de sujets électrosensibles dans des cohortes ». Ceci fait écho aux propos exprimés par Yves Lévy, alors président de l’Inserm, qui nous avait expliqué lors de la table ronde sur l’électrohypersensibilité qu’il était convaincu de l’existence de ce phénomène, encore mal connu, plurifactoriel, et de l’importance de constituer des cohortes à ce sujet. Or ceci n’a vraisemblablement pas été mis en œuvre. Notre conseillère poursuit en indiquant qu’« en revanche, l’équipe lyonnaise, dont les travaux, en partenariat avec une association de patients, ont été mentionnés à plusieurs reprises dans l’audition, a avancé. Le chercheur et son équipe ont commencé à travailler sur des hypothèses de recherche issues de la radiosensibilité et transposables à l’électrosensibilité. Ils se sont notamment demandé si la protéine ATM jouait un rôle ou non après exposition aux ondes. Cette étude est innovante dans le sens où elle est la première à employer des méthodes basées sur la culture de cellules humaines prélevées chez des sujets électrosensibles. Cette étude est une étude clinique dont l’Inserm est le promoteur. Après des retards administratifs et pratiques importants, les prélèvements ont débuté il y a un an et demi. Financée par l’ANSES à hauteur de 200 000 euros, elle a pour objectif de monter une cohorte d’une trentaine de patients. Elle en compte à ce jour 26. Des expériences ont déjà été effectuées sur les prélèvements obtenus et ont permis notamment de prouver que les cellules des sujets électrosensibles montraient un problème d’activité de la protéine ATM et des cassures spontanées au niveau de l’ADN. Un premier modèle d’explication mécanistique est en développement, mais le chercheur n’a pas souhaité communiquer avant l’obtention de toutes les données. Les premiers résultats devraient être publiés d’ici la fin de l’année ». Il est intéressant que ces travaux existent, même s’ils ne sont pas aussi amples que l’on pourrait le souhaiter.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office. –
Concernant la résistance, il est bien connu qu’un corps humide a une résistance plus faible qu’un corps sec. Il en va de même pour les animaux. Lorsque j’étais professeure, je faisais mesurer à mes élèves leur résistance électrique interne. Or il apparaissait que les élèves qui avaient les mains moites avaient une résistance plus faible que ceux dont les mains étaient sèches. Ce phénomène est connu. Les personnes ayant les mains moites sont plus sujettes à l’électrocution.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Comment procédiez-vous ?

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office. –
J’utilisais un ohmmètre qui permet de faire des mesures y compris sur le corps humain. Les résultats obtenus étaient très différents d’une personne à l’autre, notamment lorsque des élèves avaient les mains moites.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Dans le cas des animaux, ceci résulte d’un courant ou d’une différence de potentiel entre les pattes de l’animal. Est-ce bien cela ?

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office. –
Absolument. Cela tient également au fait que les pattes sont humides : ceci compte beaucoup dans la variation de la résistance.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Je suggère enfin de proposer de petits lexiques, des notes de bas de page ou, dans la synthèse, des renvois vers la page correspondante du verbatim, afin de rendre le texte plus accessible et compréhensible.

Donnons-nous quitus à Philippe Bolo pour parachever ce travail dans la voie qu’il a indiquée ?

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office. –
J’y suis favorable.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – Je vous remercie.

 

L’Office adopte les conclusions présentées et autorise à l’unanimité la publication du rapport présentant les conclusions et le compte rendu de l’audition publique du 18 février 2021 sur l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage.

 



Annexe 1

Liste des acronymes

 

 

- ANAST : Association animaux sous tension

 

- ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

 

- APCA : Assemblée permanente des chambres d’agriculture

 

- BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières

 

- CGAAER : Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux

 

- CGEDD : Conseil général de l’environnement et du développement durable

 

- DGPE : Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises

 

- EDF : Électricité de France

 

- GDS : Groupement de défense sanitaire

 

- GPSE : Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole

 

- INRAe : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

 

- RTE : Réseau Transport Électricité

 

- SER : Syndicat des énergies renouvelables

 

 

 



ANNEXE 2

présentations des intervenants

 

1.  Présentation de Joe Wiart

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


2.  Présentation de Charlotte Dunoyer et Olivier Merckel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


3.  Présentation de Stéphane Denécheau et Frédéric André

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


4.  Présentation de Laurent Delobel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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ANNEXE 3

Réponses aux Questions des internautes

 

 

Les questions sont rapportées telles qu’elles ont été posées par les internautes, sans modification ni correction.

 

Questions à Joe Wiart

Dans de nombreux élevages proches des infrastructures électriques, on mesure une présence anormale de courant continu. Je mesure jusqu’à 600 mV alors que mon alimentation électrique est coupée depuis plus d’un an. Y a-t-il un rapport avec les champs électromagnétiques ? 

Les champs électromagnétiques peuvent être variables dans le temps (champs induits par les installations électriques en courant alternatif ou par les antennes relais) mais aussi continus. Dans ce cas, les tensions continues peuvent venir d’installations électriques mais aussi des différences de potentiel associées à l’électricité statique. Vous indiquez du courant continu 600 mV, c’est-à-dire 0,6 V/m : avec quel appareil et quel protocole avez-vous mesuré cela ?

Avez-vous eu l’occasion de mesurer l’effet de spire de Frager (réaliste : grille mécano-soudée, ou plaque de métal déployée, normales au champ H) sur la réduction du champ H émis par les lignes HT, ainsi que la réduction des courants vagabonds que l’on peut en attendre ?

Non.

Avez-vous estimé la tension de pas que peut subir un bovin se déplaçant sur un terrain détrempé parcouru par un courant vagabond (courant MC d’une éolienne ou induit par le champ H d’une ligne HT), et le courant qui en résulte ? Cf. la limite de non-létalité pour les humains (30 mA).

Cette question me semble moins sur la tension de pas et le courant qui en résulte que l’impact des courants sur les animaux. Ces courants dépendent de la résistance des animaux et leurs effets dépendent du trajet des courants dans l’animal et de la sensibilité des animaux. Les vétérinaires sont plus à même de répondre.

 

 

 

Comment peut-on expliquer que l’on mesure du 60 HZ et 1,4 volt au milieu de mes champs à plus de 300 m de toute installation (LMT, antennes, éoliennes, etc…) ceci mesuré par des professionnels ? La mesure 1,4 volt est du courant continu et ces mesures ont été réalisées au sol.

Je n’ai pas assez d’éléments pour répondre. Il faudrait plus d’information sur le protocole et le matériel utilisé par les professionnels.

Relativement aux 60 Hz ? C’est assez bizarre car le 60 Hz n’est pas utilisé en Europe. Que mesurez-vous à 60 Hz ? Quel appareil a été utilisé pour réaliser cette mesure ? Ensuite il est rapporté « la mesure 1,4 volt est du courant continu et ces mesures ont été réalisées au sol. » Quelle était la distance entre les points de mesure du 1,4 volt ?

 

Questions à Charlotte Dunoyer et Olivier Merckel (ANSES)

Dans les élevages hors sol, les pipettes d’abreuvement sont fixées sur des tuyaux en plastique sans équipotentialité avec le sol. Quand il existe une nuisance électrique extérieure nos installations ne sont plus conformes. Sommes-nous responsables ?

Nous ne pouvons pas répondre à cette question, dans la mesure où les questions de conformité à des normes de sécurité électrique notamment ne relèvent pas des compétences de l’ANSES.

L’effet direct du champ EM à 50 Hz a-t-il une quelconque importance, comparé à l’électrisation par tension de pas ? Avez-vous fait une étude rhéographique des courants vagabonds dans le sol (surface de l’ordre de grandeur de l’emprise des lignes souterraines, totalement pour éoliennes) ?

Les modalités de l’interaction d’un champ électromagnétique 50 Hz avec un animal d’une part, et de l’électrisation par le sol (tension de pas) d’autre part ne sont pas les mêmes, il est donc difficile de les comparer. Par ailleurs, l’ANSES ne mène pas d’études de mesurage locales, qui sont plutôt du ressort d’autres organismes ou bureaux d’études.

 

Questions à Stéphane Denécheau, Frédéric Fert, Didier Guériaux et Christophe Viret[11]

Sur votre carte, où se trouve la sous-station de raccordement des éoliennes ?

Réponse de la mission : Le câble de raccordement des éoliennes (mesurant une dizaine de kilomètres) est installé en souterrain, entre le « poste source » basé à Nort-sur-Erdre et le « point de livraison » situé à proximité de l’éolienne n° 4.

Et le trajet des lignes, par rapport aux cours d’eau ? (emplacement et déformation des nappes de courant MC) ?

Réponse de la mission : Les géobiologues ont indiqué à l’un des agriculteurs la présence de « rivières souterraines » que le BRGM (Bureau des ressources géologiques et minières) n’a pas été en mesure de confirmer ; les données de ce type n’étant pas disponibles à l’échelle des parcelles.

Ces informations ont-elles été « croisées » avec la répartition des animaux ?

Réponse de la mission : l’absence de données à l’échelle des parcelles (cf. question précédente) n’a pas permis de réaliser l’exercice.

Des animaux morts ont-ils été autopsiés ?

Réponse de la mission : Oui, les éléments remis à la mission comportent dix comptes rendus d’autopsie (trois pour l’éleveur A, sept pour l’éleveur B). Ces autopsies ont été réalisées par l’École nationale vétérinaire de Nantes (ONIRIS).

Des lésions pouvant s’expliquer par électro-nécrose ont-elles été observées ?

Réponse de la mission : Non, aucun des comptes rendus d’autopsie ne fait état de lésions pouvant être attribuées à une électro-nécrose.

Pourquoi Alain Crouillebois suivi pendant plusieurs mois par le GPSE n’est pas comptabilisé dans les rapports publiés sur son site internet et dans l’annexe fournie aux inspecteurs du CGEDD et du CGAAER ?[12]

Réponse de la mission : La liste mise en annexe, anonymisée par la mission, est extraite du rapport d’activités 2019-2020 remise par le GPSE.

Une étude épidémiologique le long de la ligne Cotentin-Maine atelle été envisagée ? En récupérant les données de traites auprès du GDS de la Manche, il aurait sûrement été possible d’évaluer les changements de performances avant et après la mise en service de la ligne en 2012. Concernant ma question sur l’étude épidémiologique, je me permets de rappeler que six éleveurs sur une cinquantaine ont signalé de graves troubles dans leur troupeau à la suite de la mise en route de la ligne THT Menuel Domloup (1985), huit au moins sur 100 à la suite de la mise en route de Cotentin Maine (2012), soit 10 %.

Réponse de la mission : Il n’est pas possible de répondre à cette question, le périmètre de la mission ne concernant pas les lignes haute tension.

 

 

Questions à Laurent Delobel

Avez-vous une coopération avec les experts en sécurité électrique humaine ? Notamment pour tout ce qui touche à l’électro-nécrose cellulaire ?

Non, pas à notre niveau. Nos interventions sont de premier niveau (vérification de l’équipotentialité et des prises de terres). Au-delà, le GPSE pilote l’expertise électrique.

Parmi les causes externes, avez-vous cherché à corréler la situation des animaux et la présence de vent ?

Non, nous n’avons pas d’indication de facteur prédisposant ou déclenchant pour le vent, pour l’instant...

Je trouve que le chevauchement est une bonne stratégie d’évitement, qui montre l’intelligence des animaux. Du point de vue du chevaucheur, s’entend. Cette rationalité est-elle prise en compte dans l’étude, ou en reste-t-on à une notion d’agitation « psychologique » ?

Le chevauchement exacerbé, quand il est détaché du comportement d’œstrus, est un signe soit de domination (potentiellement rattachable à un transfert d’agressivité), soit de déséquilibre hormonal avec la mise en place dans l’ovaire d’un kyste folliculaire qui maintient un haut niveau d’œstrogènes. Mais dans ce dernier cas, l’étiologie peut tout aussi bien être alimentaire.

La résistance variable n’est pas uniquement inter-espèces. Elle peut-être aussi intra-espèce comme pour l’humain affecté de mutation du collagène (SED) qui le rend sensible aux champs électriques (peau très fine engendrant des chocs). Ne faudrait-il pas intégrer ces spécificités au débat ?

La variabilité liée à l’individu est bien prise en compte. Dans un syndrome, tous les individus ne vont pas exprimer les mêmes symptômes.

Les modèles d’études peuvent aussi se porter sur les végétaux. En 2008 Alain Vian de l’Université Blaise Pascal a pu détecter des effets sur les plants de tomates. Hélas, les crédits lui ont été supprimés... Les atteintes sur les végétaux ne peuvent-elles pas avoir des conséquences sur l’élevage ?

Je ne saurais vous apporter de réponses, ne connaissant pas les effets vérifiés des champs électromagnétiques sur les végétaux. En dehors de toute toxicité pour une espèce (exemple de l’If), les conséquences délétères pour l’élevage proviennent souvent d’un défaut de conservation des fourrages (mycotoxines) ou d’une contamination accidentelle.

 

 

Comment expliquez-vous qu’il a été relevé par des vétérinaires sur 15 de mes vaches des températures de 36,3° à 36,6° au lieu de 38,8°?

Je ne saurais vous apporter de réponse en termes de diagnostic différentiel. Il s’agit là d’un signe très particulier, qu’il conviendrait de rattacher à d’autres signes potentiellement évocateurs pour rentrer dans un syndrome au niveau du troupeau. La thermorégulation des espèces homéothermes est régie par le système nerveux et le système hormonal. C’est ce qu’il faut explorer, mais la piste est large, partant d’un seul signe.

 

Questions à Claude Allo

Depuis 2014, il est écrit dans les comptes rendus des conseils d’administration du GPSE la nécessité d’étudier la circulation du courant dans le sol. Pourquoi ces investigations n’ont-elles pas été mises en place ?[13]

C’est effectivement une demande constante du GPSE auprès des pouvoirs publics et de nos grands organismes de recherche publics qui jusqu’alors ne se sont pas mobilisés sur ce sujet, prétextant parfois sa difficulté. Nous nous félicitons de la reprise de cette demande par la mission interministérielle CGAAER/CGEDD et nous espérons qu’elle sera entendue avec les appuis parlementaires nécessaires. Il est urgent de s’y mettre et nous attendons un signe concret, au moins du ministère de l’agriculture.

Pourquoi quand un responsable et agent ENEDIS constate des nuisances extérieures à l’exploitation et qu’il demande une intervention en conseil GPSE cette intervention n’est pas réalisée ?

Je n’ai pas connaissance d’une telle situation. Le GPSE répond nécessairement aux demandes de ses membres, volontaires pour financer la mise en place d’un protocole ou de toute autre investigation.

Selon le GPSE, quatre cas n’ont pas été résolus sur 28 protocoles depuis 2015. Sur 13 éleveurs que j’ai interrogés, au contraire, trois seulement estiment avoir retrouvé des conditions d’élevage quasiment normales. Quand le GPSE considère-t-il qu’un protocole est résolu ? Que se passe-t-il quand il n’y a pas d’amélioration ?

Les protocoles sont mis en place sur une durée déterminée convenue entre les signataires. Le GPSE considère que l’objectif est atteint lorsque la mise aux normes de l’installation électrique a permis d’éliminer les courants parasites et lorsque les performances de l’élevage sont en amélioration. Ce qui est le cas dans la majorité des situations.

Par contre, sur les 18 protocoles mis en œuvre depuis 2015 et achevés avant 2020, 5 cas n’ont pas été résolus. Ils concernent notamment les 2 élevages situés près du parc éolien de Puceul. Dans toutes ces situations l’installation électrique n’apparaît pas en cause et aucune tension parasite significative n’est mesurée. Ni les différentes expertises sollicitées, ni les interventions des géobiologues n’ont permis d’expliquer la cause des difficultés rencontrées et par conséquent de parvenir à une solution. Ce sont ces cas inexpliqués qui justifient la mise en place d’un observatoire et l’engagement des travaux de recherche que nous demandons.

Pourquoi Alain Crouillebois suivi pendant plusieurs mois par le GPSE n’est pas comptabilisé dans les rapports publiés sur son site internet et dans l’annexe fournie aux inspecteurs du CGEDD et du CGAAER ?[14]

En réponse à cette question surprenante, je confirme que le GPSE a bien transmis à la mission CGEDD/CGAAER les rapports et documents présentés lors de sa dernière intervention.

Par contre le cas de l’EARL du Petit Quincé figure bien dans le récapitulatif des interventions engagées depuis 2015 et transmis à la mission interministérielle.

Dans ces exploitations agricoles qui connaissent de graves problèmes, vous n’avez pas prévu de faire effectuer des analyses des animaux (vivants et morts) par des organismes indépendants ?

Les bilans et suivis sanitaires réalisés systématiquement dans les protocoles nécessitent de nombreuses analyses vétérinaires et le recours aux autopsies. Le GPSE fait appel aux services des « laboratoires départementaux d’analyse vétérinaire » dont l’indépendance et le haut niveau d’expertise apportent une réelle garantie de fiabilité des résultats. Il en est de même pour les laboratoires des Écoles nationales vétérinaires que nous sollicitons (tout particulièrement ONIRIS).

Quand je coupe mon compteur électrique général je trouve toujours de l’électricité dans l’eau d’abreuvement de mes vaches (de l’ordre de 800 millivolts en courant continu) qui lapent, la consommation d’eau est très faible (de 15 à 30 litres d’eau bus) : comment puis-je faire du lait dans ces conditions ?

Lors des audits électriques, une attention particulière est apportée aux abreuvoirs et la mise aux normes permet dans la grande majorité des cas d’éviter l’apparition de courants parasites. Il arrive néanmoins de constater dans certains cas une consommation d’eau anormalement basse, même en l’absence de courants parasites, pour des raisons inexpliquées. Ils s’inscrivent dans nos demandes de recherche.

 

 

Il est très difficile pour les éleveurs de faire intervenir des personnes compétentes, et l’on peut constater beaucoup d’abus de faiblesse. Peut-on donner des indicateurs (quels métiers, formations) ou imaginer un couple formation/agrément (type RGE, capacité, label) pour intervenir sur ces sujets ?[15]

Concernant les travaux de nature électrique, il existe des professionnels tout à fait compétents. Pour la réalisation des diagnostics électriques et la mesure des tensions de pas et de contact, le GPSE fait appel à des cabinets d’expertise spécialisés, aux entreprises spécialisées dans le domaine du contrôle et de la maîtrise technique des risques ainsi qu’aux services mis en place au sein des organisations professionnelles agricoles notamment dans les régions de l’ouest de la France (Chambres d’agriculture, GDS, Crocit).

Il nous apparaît néanmoins indispensable d’harmoniser les méthodes de mesure des tensions parasites ainsi que l’information sur les mesures correctives ou préventives. Ce travail est à réaliser dans le cadre des travaux d’amélioration des connaissances que nous préconisons.

Concernant la géobiologie, la difficulté réside dans le fait que la profession ne bénéficie pas d’une reconnaissance officielle de ses compétences et qu’il est nécessaire de distinguer les interventions à caractère technique (certain géobiologues sont aussi d’excellents techniciens) et les interventions à caractère spécifiquement géobiologique.

Dans tous les cas les organisations professionnelles peuvent être de bon conseil.

Pourquoi RTE, le GPSE, ENEDIS font-ils signer des protocoles avec confidentialité aux agriculteurs ? Cela fait des années qu’il y a des problèmes et qu’on achète le silence.

Merci d’avoir posé cette question qui permet de rectifier une idée fausse. Le GPSE n’impose aucune confidentialité aux éleveurs et aucun protocole signé depuis 2015 ne comporte de clause de confidentialité. Il est au contraire clairement indiqué dans les protocoles que « les données échangées ne sont pas confidentielles sauf demande de l’un des signataires de garder la confidentialité sur certaines données ». Il s’agit d’abord de l’éleveur qui ne souhaite pas la diffusion des informations relatives à son exploitation. Les données utilisées dans un protocole lui appartiennent ; le GPSE s’interdit de diffuser toute information nominative. Par contre l’éleveur a toute liberté de diffuser l’information qu’il souhaite. Par ailleurs nous devons respecter le code de l’énergie qui prévoit la protection de certaines données sur le transit électrique.

 

 

Questions à Philippe Pillevesse – RTE et/ou à Guillaume Langlet – ENEDIS

Depuis 2014, vous soulignez dans les comptes rendus du GPSE la nécessité d’étudier la circulation du courant dans le sol. Pourquoi ces investigations n’ont-elles pas été mises en place ? [16]

Philippe Pillevesse : ce type d’études nécessite de monter un projet de recherche ambitieux et pluridisciplinaire impliquant par exemple de procéder à de nombreuses cartographies du sol. Le GPSE n’a pu lancer jusqu’à présent de telles études faute de moyens propres mais a lancé un groupe de travail interprofessionnel pour monter de tels projets et les proposer aux appels publics à projet de recherche. 

Guillaume Langlet : la réponse est dans le Bilan 2014-2020 du GPSE disponible sur le site internet du GPSE, et dont voici l’extrait :

« Les besoins de recherche et d’amélioration des connaissances

Les controverses actuelles sur les effets des courants parasites en élevage et l’existence de difficultés non expliquées, sans que la cause électrique soit démontrée, militent pour la mise en œuvre d’investigations nouvelles dans le but de comprendre ces phénomènes et d’apporter des solutions aux éleveurs. C’est la raison pour laquelle nous avons entrepris de recenser avec nos partenaires et particulièrement les techniciens de terrain les besoins en recherche et expérimentation.

De ce travail engagé en 2019, un consensus s’est clairement dégagé sur deux objectifs majeurs :

 Mieux connaître les courants parasites en élevage

Les travaux réalisés il y a une quinzaine d’années sont à prolonger dans les conditions actuelles de l’élevage et à compléter pour disposer de référentiels actualisés.

 Engager une recherche pluridisciplinaire sur la circulation des courants dans les sols et l’influence de la géologie

Dans tous les cas inexpliqués, les experts et les éleveurs sont amenés à s’interroger sur d’éventuelles nuisances en provenance du sous-sol. L’influence des failles, des circulations d’eau et des courants électriques dans le sol et le sous-sol restent entièrement à étudier.

Par ailleurs les besoins exprimés par les techniciens d’élevage portent sur :

 L’harmonisation des méthodes de mesure des tensions parasites et d’interprétation des résultats

 L’amélioration de l’information des éleveurs et techniciens sur la norme de conformité électrique, les mesures correctives et préventives

Le GPSE n’a pas les moyens de conduire un tel projet mais y apportera sa contribution. La mise en œuvre de ce programme relève de la recherche publique, des instituts techniques de l’élevage et des réseaux du développement agricole.

L’implication d’une station expérimentale dans la conduite des travaux de recherche appliquée et la diffusion de l’information permettrait d’en faire un centre de ressources pour les techniciens et les éleveurs ».

Pourquoi financer, hors protocole GPSE, des accords à l’amiable avec des éleveurs si vos installations ne sont pas responsables des troubles ? Ex : délocalisation d’une ferme, indemnisation à un éleveur après qu’il a perdu son procès. Peut-on connaître le montant de ces accords depuis 30 ans ?

Philippe Pillevesse : depuis la structuration du GPSE en 2014, RTE s’attache à inscrire systématiquement ses interactions avec les éleveurs dans le cadre du GPSE. L’expertise du GPSE peut mettre en évidence le besoin de mettre en conformité l’installation électrique de l’exploitation, afin d’éviter les perturbations éventuellement liées à la proximité de la ligne. Dans ces cas, l’éleveur signe un protocole avec le GPSE, auquel RTE est partie, pour fixer le cadre contractuel de ces travaux.

Très exceptionnellement, le cadre offert par le GPSE n’a pas permis de résoudre la difficulté à laquelle était confronté l’éleveur. Dès lors, RTE, ne pouvant au titre de sa mission de service public se satisfaire de l’absence de solution pour l’éleveur, a accepté de s’engager dans un processus d’accord amiable afin d’accompagner l’éleveur face aux difficultés rencontrées – sans pour autant qu’un lien de causalité ait pu être établi entre la présence d’une ligne électrique et les perturbations au sein de l’élevage.

Guillaume Langlet : à ma connaissance, Enedis n’indemnise jamais un éleveur en dehors du cadre d’une expertise judiciaire. Le service juridique d’Enedis vérifie ce point pour s’assurer qu’il n’y a pas eu d’exception à ce principe. 

Depuis la signature du premier partenariat avec le monde agricole en 1970, combien d’exploitations agricoles vous ont signalé des problèmes à proximité de vos lignes ? Hors protocole GPSE. Et combien d’exploitations sont actuellement situées le long des 100 000 km de lignes ?

Philippe Pillevesse : les données dont nous disposons sont les suivantes. Le bilan du GPSE établi en 2009 (couvrant la période 1999-2008) par son premier président, François Gallouin, fait ressortir 24 sollicitations au titre d’une suspicion de perturbation par phénomène électrique parasite et 10 sollicitations de conseil pour construire un nouveau bâtiment. Entre 2010 et 2014, période durant laquelle le GPSE avait quasiment cessé ses activités, RTE a eu 3 nouvelles sollicitations.

 

Au cours de la période 2014-2020, le GPSE a recensé 72 sollicitations d’éleveurs, dont 49 ont été suivies d’une intervention (qui ne concernent pas toutes RTE). 35 interventions sont achevées et 14 sont en cours. Cela représente 47 exploitations agricoles.

Au total en 20 ans on estime à une cinquantaine le nombre de sollicitations au voisinage d’installations RTE.

S’agissant de la seconde question, 70 % des 105 000 km de lignes du réseau électrique exploité par RTE est situé en monde rural. Nous ne recensons pas le nombre d’exploitations situées le long de ces lignes.

 

Questions à Olivier Ranchy

Il est très difficile pour les éleveurs de faire intervenir des personnes compétentes, et l’on peut constater beaucoup d’abus de faiblesse. Peut-on donner des indicateurs (quels métiers, formations) ou imaginer un couple formation/agrément (type RGE, capacité, label) pour intervenir sur ces sujets ?[17]

Concernant la prestation d’un géobiologue, nous conseillons de suivre les recommandations de la Confédération Nationale de la Géobiologie qui a établi un Guide Pratique du Client.

D’une part, savoir :

- si le géobiologue est un professionnel ;

- s’il est déclaré avec un numéro Siret ;

- s’il est adhérent au Code de déontologie des géobiologues professionnels ;

- s’il adhère et respecte la Charte professionnelle des géobiologues ;

- quels sont les outils et appareils utilisés pour établir le diagnostic ;

- la façon dont il procède (les éléments et phénomènes recherchés et analysés) ;

- de décrire les moyens qui peuvent être mis en œuvre afin de remédier aux problématiques rencontrées ;

- d’établir un devis mentionnant le tarif de la prestation, des frais de déplacement, et les modalités de paiement ;

- de donner les Conditions Générales de Vente de la prestation (obligatoirement jointes au devis) ;

- s’il possède une assurance en Responsabilité Civile Professionnelle (RCP) ;

- s’il est détenteur d’une Carte Professionnelle.

D’autre part, sa notoriété et la formation qu’il a suivie. Étant entendu qu’une formation minimale de 200 heures garantit un savoir professionnel de base indispensable à la pratique professionnelle de la géobiologie.

À la suite de quoi, un entretien téléphonique avec le géobiologue doit permettre de clarifier la situation et d’évaluer si celui-ci semble à même de répondre aux attentes.

 

Question à Emmanuel Bert – DGPE – Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

L’effet des champs radiofréquences sur le vivant a fait l’objet d’études plus nombreuses que celles liées à l’impact des champs très basses fréquences. N’est-il pas nécessaire d’initier des programmes de recherche auprès de la communauté scientifique sur ce sujet complexe et interdisciplinaire ?

Les présentations et débats de cette audition ont bien montré la nécessité d’approfondir les connaissances scientifiques dans ces domaines, ce qui doit conduire l’ensemble des institutions et organismes concernés à se mobiliser sur ces sujets de recherche.

 

 



ANNEXE 4

enquÊte auprès des membres dU European Parliamentary Technology Assessment (EPTA)
[18]

 

 

Enquête ouverte le 1er mars 2021 et clôturée le 21 mars 2021.

I - Questions posées

Question 1 : Are members of your Parliament called upon the issue of the potential influence of electromagnetic fields on the behavior of farm animals ? (Les députés de votre Parlement sont-ils appelés à se pencher sur la question de l'influence potentielle des champs électromagnétiques sur le comportement des animaux d'élevage ?)

Question 2 : Has your Technology Assessment institution already published a study on the potential influence of electromagnetic fields on the behavior of farm animals ? (Votre institution d'évaluation technologique a-t-elle déjà publié une étude sur l'influence potentielle des champs électromagnétiques sur le comportement des animaux d'élevage ?)

II - Résultats

Membres de l’EPTA

Sollicité dans le cadre de l’enquête

Réponse reçue

Réponse à la question 1

Réponse à la question 2

Autriche

X

X

NON

NON

Catalogne

X

 

 

 

Parlement européen

 

 

 

 

Finlande

X

X

NON

NON

Allemagne

X

 

 

 

Grèce

X

X

NON

NON

Pays-Bas

X

X

NON

NON

Norvège

X

 

 

 

Suède

X

X

NON

NON

Suisse

X

X

OUI

NON

Royaume-Uni

X

X

NON

NON

Corée du sud

X

X

NON

NON

 

Membres de l’EPTA

Sollicité dans le cadre de l’enquête

Réponse reçue

Réponse à la question 1

Réponse à la question 2

Wallonie

X

 

 

 

Russie

X

 

 

 

Conseil de l’Europe

 

 

 

 

Danemark

X

X

NON

NON

Pologne

X

 

 

 

États-Unis

X

X

NON

NON

Japon

X

X

NON

NON

Mexique

 

 

 

 

Portugal

X

 

 

 

Chili

X

X

NON

NON

 

 

III - Localisation des pays ayant répondu à l’enquête

 

 


Annexe 5

Réponse de l’Union suisse des paysans au questionnaire envoyé par l’Office

 

1. Est-ce que des membres de votre organisation ont déjà été confrontés à une situation dans laquelle des champs électromagnétiques auraient eu un impact négatif sur la santé des animaux d’élevage ?

Oui, plusieurs phénomènes ont été observés, qui peuvent conduire à des perturbations dans les exploitations. Sont essentiellement concernées les exploitations d’élevage. Les signes observés sont des troubles du bien-être, du comportement et parfois d’importantes dégradations de la santé des animaux. Les causes potentielles de ces troubles sont les courants parasites; les champs électriques et /ou magnétiques ; les antennes relais pour la téléphonie mobile.

Les problèmes se traduisent par :

- l’évitement de certains emplacements dans les étables ;

- une prise en eau insuffisante ;

- une réduction de la performance laitière ;

- une augmentation du nombre de cellules dans le lait ;

- une moindre fertilité ;

- d’autres troubles non spécifiques ;

- de manière très rare des malformations chez les veaux (cataracte).

L’apparition de ces troubles entraîne une augmentation des dépenses en vétérinaires, de l’utilisation de médicaments et des cessations d’activité accélérées.

2. Combien de cas ont été portés à votre connaissance ?

Nous ne pouvons pas donner de chiffres dans la mesure où il n’existe pas d’obligation de déclaration et où tous les agriculteurs suisses ne sont pas membres de notre association.

La plupart des cas sont liés aux courants parasites.

En ce qui concerne l’impact des champs électromagnétiques et des antennes relais, le nombre de cas qui nous a été remonté est faible. Toutefois, la cause du trouble suspectée à l’origine s’avère ne pas être toujours la bonne. Il est déjà arrivé qu’un problème pour lequel une antenne de téléphonie mobile avait été mise en cause, était en réalité lié à un courant parasite en provenance du sol.

En cas de problèmes liés aux courants parasites, les mesures prises consistent à améliorer les prises de terre des bâtiments et des installations électriques. Il y a des cas pour lesquels un échange de transformateurs ou d’isolateurs de lignes à haute tension a permis de résoudre le problème. Il existe également des situations pour lesquelles, en dépit de la prise de plusieurs mesures à long terme, les problèmes ne peuvent pas être résolus. Cela peut être lié au contexte hydrogéologique, ce qui est particulièrement difficile à appréhender.

En Suisse, il y a peu d’éoliennes et jusqu’à présent, aucune perturbation n’a été signalée en lien avec une éolienne.

3. Quelles sont les mesures prises pour résoudre les problèmes ?

Notre confédération prend ce problème très au sérieux. En lien avec l’association suisse pour le développement de l’agriculture et de l’espace rural, nous souhaitons créer cette année une plateforme internet afin de soutenir les agriculteurs confrontés à ce problème. Nous sommes actuellement en train de monter son financement. Cette plateforme a vocation à aider l’agriculteur à trouver des solutions, mais également à quantifier et caractériser les phénomènes et les difficultés qui en résultent.

Lorsque nous sommes confrontés à des cas concrets, nous renvoyons les agriculteurs vers des spécialistes qui peuvent les aider. L’inspection générale des installations à courant fort (ESTI) est particulièrement engagée. En 2019, cette administration a publié de nouvelles fiches sur l’amélioration des prises de terre dans les bâtiments d’élevage. Notre confédération recommande de suivre ces recommandations au moment de la conception et de la construction de bâtiments.

 


- 1 -


Annexe 6

Liste des personnes entendues

 

 

Réseau Transport Électricité (RTE)

- M. Philippe PILLEVESSE, directeur des relations institutionnelles

 

Institut de l’Élevage (IDELE)

- Mme Valérie DAVID, responsable du service santé et bien-être des ruminants

- M. Philippe ROUSSEL, responsable de projet santé animale - service santé et bien-être des ruminants, qualité de produits laitiers

 

XLIM - UMR 7252 CNRS

- M. Philippe LEVEQUE, directeur de recherche CNRS

 

Agricultures & Territoires - Chambre d’agriculture Pays de la Loire

- M. Olivier RANCHY, conseiller viande & géobiologue

 

Confédération nationale de géobiologie

- M. Bernard OLIFIRENKO, président fondateur, géobiologue

 

CentraleSupélec

- M. Lionel PICHON, directeur de recherche CNRS

 

Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE)

- M. Claude ALLO, président

 

SNGTV (Société nationale des groupements techniques vétérinaires)

- Dr Jean-François LABBÉ, docteur vétérinaire, membre de la commission « Qualité du lait »

 

Telecom ParisTech

- M. Joe WIART, responsable de la chaire C2M

 

ENEDIS

- M. Guillaume LANGLET, chef du département Expertise et relations fournisseurs matériels à la Direction technique

- M. Pierre MÉNEGALDO, affaires publiques

 

Ministère de l’agriculture – filière animale

- Mme Urwana QUERREC, conseillère filières animales, santé et bien-être animal

 

Association Animaux sous tension

- M. Serge PROVOST, président

 

ANSES

- M. Olivier MERCKEL, chef de l’unité de l’évaluation des risques liés aux agents physiques

- Mme Charlotte DUNOYER, chef de l’unité de l’évaluation des risques liés à la santé, l’alimentation et au bien-être des animaux

- Mme Florence ÉTORÉ, adjointe à l’unité d’évaluation des risques liés à la santé, l’alimentation et au bien-être des animaux

 

Groupement de défense sanitaire (GDS) de Loire-Atlantique

- M. Laurent DELOBEL, docteur vétérinaire, directeur du GDS, coordinateur régional GDS Pays de la Loire

 

Expert indépendant

- Mme Anne PERRIN, expert-conseil – « Science, risque et société », spécialiste risque électromagnétique.

 


[1] Les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension – Rapport de M. Daniel Raoul du 27 mai 2010 Sénat n° 506 (2009-2010) Assemblée nationale n° 2558 - http://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-506-notice.html

[2] En 2018, l’Office s’est interrogé sur les effets des champs électromagnétiques sur la santé humaine en organisant une audition publique sur l’hypersensibilité électromagnétique. Rapport de MM. Cédric Villani, député, et Gérard Longuet, sénateur, n° 1184 (Assemblée nationale) et n° 664 (Sénat), 12 juillet 2018 : Quelle prise en compte de l’hypersensibilité électromagnétique ? http://www.senat.fr/rap/r17-664/r17-6641.pdf

[3] Un questionnaire a également été envoyé à cinq organisations professionnelles d’agriculteurs : l’Union nationale des agriculteurs d’Angleterre, l’Association des agriculteurs allemands, l’Association des éleveurs canadiens, l’Union des producteurs agricoles au Québec et l’Union suisse des paysans. Il s’agissait de savoir si (1) ces instances avaient été saisies par leurs membres de difficultés liées à l’impact supposé des champs électromagnétiques, (2) elles pouvaient quantifier le nombre de cas et (3) quelles mesures elles avaient prises pour remédier aux difficultés rencontrées par les agriculteurs. Seules les organisations canadienne et suisse ont répondu. La première a fait valoir que cette question n’était pas une priorité pour l’industrie de l’élevage au Canada. En revanche, en Suisse, le rôle supposé des effets électromagnétiques sur les animaux d’élevage est une question. La traduction des réponses de l’Union suisse des paysans figure dans l’annexe 4. 

[4] La présentation de M. Wiart figure dans l’annexe 2.

[5] Les champs électriques et les champs magnétiques interagissent avec les structures métalliques situées à proximité. Le champ électrique modifie la répartition des charges électriques à la surface des structures et induit une différence de potentiel qui dépend de l’intensité du champ et de l’importance de la surface métallique (on parle d’induction électrique ou de couplage électrique). Les variations d’un champ magnétique induisent un courant dans toute la structure métallique (couplage magnétique). 

[6] La présentation de Mme Dunoyer figure dans l’annexe 2.

[7] La présentation de M. Delobel figure dans l’annexe 2.

[8] Sur les 72 demandes adressées au GPSE.

[9] Un « fonds partenarial » alimenté par l’ensemble des membres du conseil d’administration existe depuis 2019 pour financer les interventions rapides.

[10] La présentation de Stéphane Denécheau et Frédéric André figure dans l’annexe 2.

[11] Auteurs de l’étude sur l’état de l’élevage à proximité du parc éolien des Quatre-Seigneurs en Loire-Atlantique.

[12] Cette question a également été posée à Claude Allo.

[13] Cette question a également été posée à Philippe Pillevesse et Guillaume Langlet.

[14]Cette question a également été posée à Stéphane Denécheau, Frédéric Fert, Didier Guériaux et Christophe Viret.

[15] Cette question a également été posée à OlivierRanchy.

[16] Cette question a également été posée à Claude Allo.

[17] Cette question a également été posée à Claude Allo.

[18] Le réseau européen des offices parlementaires d’évaluation technologique est composé de 23 membres : 12 membres fondateurs et 11 membres associés.