N° 4031

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mars 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTE PAR LE SENAT, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux,

 

PAR M. M’jid El GUERRAB

Député

——

 

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 Voir les numéros :

 Assemblée nationale : 2745.

 Sénat :  199, 328, 329 et T.A. 70 (2019-2020).


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Le dynamisme des échanges entre la France et la suisse en matière de metaux précieux implique d’Élargir le cadre conventionnel

A. Qu’est-ce qu’un poinçon ?

B. Les échanges en matière de joaillerie et la bijouterie tÉmoignent de la densité de la relation franco-suisse

C. Le cadre en vigueur se limite aux métaux précieux

1. Les objectifs de la convention du 2 juin 1987

2. Un cadre éventuel inadapté à la dynamique actuelle des échanges

II. un élargissement du champ conventionnel aux ouvrages multimétaux visant à favoriser les échanges tout en protégeant les consommateurs

A. Une simplification des procédures et des économies attendues pour les professionnels du secteur

B. Un système de contrôle visant à protéger les consommateurs et à garantir la loyauté de la concurrence

Conclusion

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe n° 1 : texte adopté par la commission

ANNEXE n°  2 : les poinçons officiels français

Annexe N° 3 : le poinçon officiel suisse

ANNEXE n° 4 : LA GARANTIE DES MÉTAUX PRÉCIEUX À TRAVERS L’HISTOIRE (DE 1260 À NOS JOURS)

 


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   introduction

 

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux.

Cette convention a vocation à se substituer à la convention conclue entre la France et la Suisse le 2 juin 1987, qui n’est plus adaptée au dynamisme des échanges entre les deux pays. En effet, cette dernière ne s’applique qu’aux ouvrages en métaux précieux (l’or, l’argent et le platine) : les ouvrages multimétaux, constitués d’un métal précieux et d’un métal commun, sont ainsi exclus du champ conventionnel.

La prise en compte des ouvrages multimétaux, demandée par la Suisse, permettra de renforcer les échanges dans un secteur privilégié de la relation bilatérale, tout en garantissant la protection des consommateurs et la loyauté des échanges. Les entreprises françaises des secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie-joaillerie soutiennent cette demande d’élargissement du cadre conventionnel, la Suisse constituant leur principal marché à l’étranger.

Aussi, votre rapporteur est favorable à l’adoption de ce projet de loi, adopté en première lecture par le Sénat le 4 mars 2020.

 

 


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I.   Le dynamisme des échanges entre la France et la suisse en matière de metaux précieux implique d’Élargir le cadre conventionnel

A.   Qu’est-ce qu’un poinçon ?

Les objets en argent, en or ou en platine présentent des poinçons permettant de déterminer la qualité et la provenance de ces objets. Ils permettent de certifier les teneurs des métaux précieux qui les composent.

Le système de poinçonnage des objets est différent selon les pays. Aux États-Unis ou en Suisse, il existe, en plus du poinçon officiel, des marques de responsabilité ou de finesse. Il existe une Convention internationale sur le contrôle et le poinçonnement des ouvrages en métaux précieux que la France n’a pas ratifiée, bien qu’elle soit en vigueur pour la production de nombreuses pièces d’orfèvrerie et d’argenterie dans le monde.

En France, la législation sur les poinçons a connu, depuis ses prémices au XIIIe siècle, de nombreuses évolutions. La date de création de l’objet est souvent révélée par les poinçons qui y sont apposés. Depuis 1838 les pièces en or, argent ou platine doivent comporter deux poinçons : le poinçon de maître orfèvre et le poinçon de titre. 

Le premier poinçon est le poinçon d’orfèvre permettant de déterminer de quel atelier sort l’objet créé. Il prend la forme d’un losange, complété des initiales de l’artisan ayant créé la pièce. Si ce poinçon est ovale, c’est que l’objet a été importé. Le second poinçon, qui est apposé par les douanes est le poinçon de titre ou de garantie. Les poinçons de forme carrée signifient que l’objet n’est pas en métal précieux pur, or ou argent, mais en métal plaqué. Ces objets ont nécessairement beaucoup moins de valeur que les objets d’argenterie ou d’orfèvrerie.

Les poinçons sont généralement apposés sur les objets et bijoux de telle sorte à rester discret. Ainsi, pour ne prendre que l’exemple des bijoux, ils sont placés sur la partie la moins visible comme l’intérieur de l’anneau d’une bague, ou encore près du fermoir, pour les colliers et bracelets. 

B.   Les échanges en matière de joaillerie et la bijouterie tÉmoignent de la densité de la relation franco-suisse

Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, la France et la Suisse entretiennent une relation riche et dense, facilitée par l’histoire, la culture, la langue et la géographie, les deux pays partageant 570 kilomètres de frontière.

Cette proximité se traduit d’abord par l’importance des communautés suisses et françaises résidant dans le pays voisin : la première communauté française à l’étranger est établie en Suisse (177 573 personnes enregistrées), la première communauté suisse à l’étranger l’est en France (198 346 personnes enregistrées). Les binationaux sont en outre très nombreux (11,2 % de la population suisse). Par ailleurs, 190 000 frontaliers français ([1]) travaillent en Suisse chaque jour, dont 92 000 dans le canton de Genève.

 Cette proximité se traduit par des échanges commerciaux très dynamiques. La Suisse est ainsi le troisième partenaire commercial de la France hors Union européenne (le neuvième au niveau mondial), et la France le troisième partenaire de la Suisse.

Échanges commerciaux avec la Suisse

(en millions d’euros)

Exportations

Importations

Solde commercial

Montant total

Part du secteur HBJO

Montant total

Part du secteur HBJO

Tous secteurs confondus

Secteur HBJO

2017

27 043

11,9 %

22 055

8,5 %

+ 4 988

+ 1 322

2018

25 852

13,5 %

24 524

8,0 %

+ 1 328

+ 1 519

Source : Direction générale des douanes

Les principaux postes d’exportations françaises à destination de la Suisse sont la joaillerie et la bijouterie, la pharmacie, les aéronefs et engins spatiaux, les véhicules automobiles et l’horlogerie. Le marché suisse représente le premier marché des secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie-joaillerie (près de la moitié des exportations de ces secteurs). Comme le note le sénateur Richard Yung dans son rapport de 2020 sur le présent projet de loi ([2]), avec 13,5 % des exportations françaises vers la Suisse en 2018, ces secteurs économiques représentent une part significative de nos échanges commerciaux avec la Suisse. La balance commerciale du secteur était d’ailleurs excédentaire ces dernières années ; en 2018, l’excédent était même supérieur à celui de la balance commerciale tous secteurs confondus.

Exportations et importations françaises
d’horlogerie-bijouterie- joaillerie-orfèvrerie

(en millions d’euros)

Exportations

Importations

Montant total

Vers la Suisse

Part de la Suisse

Montant total

En provenance de la Suisse

Part de la Suisse

2017

7 403

3 205

43,3 %

6 424

1 883

29,3 %

2018

7 776

3 485

44,8 %

6 638

1 966

29,6 %

Source : Direction générale des douanes

La crise sanitaire a cependant brutalement freiné la dynamique des échanges. Les exportations françaises vers la Suisse, tous secteurs confondus, ont diminué de 20 % par rapport à l’année 2019, et les importations de 13 %. Les exportations françaises des secteurs de la joaillerie, de la bijouterie et de l’horlogerie se sont élevées en 2020 à 2 milliards d’euros (14,8 % du total des exportations françaises de ces produits vers le monde) contre 2,4 milliards d’euros pour les importations (19,4 % du total des produits importés) ([3]).

C.   Le cadre en vigueur se limite aux métaux précieux

1.   Les objectifs de la convention du 2 juin 1987

La France et la Suisse sont liées par la convention du 2 juin 1987 relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux, qui poursuit plusieurs objectifs :

– promouvoir et faciliter les échanges d’ouvrages en métaux précieux, à savoir les ouvrages en alliages d’or, d’argent ou de platine, en dispensant le détenteur du poinçon du fabricant de s’enregistrer dans les deux pays à la fois ;

– protéger le consommateur en lui garantissant la teneur en métal précieux de l’ouvrage.

En vertu de cette convention, les ouvrages sur lesquels sont apposés, dans leur pays d’origine (France ou Suisse), un poinçon de garantie (attestant le titre, c’est-à-dire la teneur en métal précieux contenu dans l’ouvrage), ainsi qu’un poinçon de fabricant (permettant d’identifier le professionnel ayant confectionné l’ouvrage), n’ont pas à être repoinçonnés par les autorités du pays au sein duquel ils sont exportés.

La convention conclue avec la Suisse n’a pas d’équivalent : elle est sui generis, puisqu’en vertu de principe de libre circulation, la reconnaissance mutuelle des poinçons s’applique au sein de l’Union européenne. Une telle reconnaissance est également accordée aux États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et à la Turquie. Toutefois, quelques exceptions subsistent : les ouvrages en provenance d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, de Grèce, du Luxembourg et de Turquie doivent être revêtus du poinçon de garantie français pour circuler sur le territoire national.

Bien que la convention sur le contrôle et le poinçonnement des ouvrages en métaux précieux, signée à Vienne le 15 novembre 1972, poursuive les mêmes objectifs que la convention franco-suisse, la France n’a pas prévu de la ratifier, pour plusieurs raisons. D’abord, elle aurait une portée limitée puisque, sur les vingt États parties à la convention, quatre seulement ne font pas partie de l’Union (Israël, la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni). En outre, elle prévoit une obligation d’apposition du poinçon de la convention de Vienne, à laquelle la majorité des professionnels du secteur s’oppose, notamment pour des raisons de coût et de place sur les ouvrages.

2.   Un cadre éventuel inadapté à la dynamique actuelle des échanges

La convention franco-suisse de 1987, conçue pour promouvoir les échanges d’ouvrages en métaux précieux, qui occupaient déjà une place significative dans le commerce bilatéral, ne couvre que les alliages d’or, d’argent ou de platine. Les poinçons apposés sur les ouvrages multimétaux, constitués d’un métal précieux et d’un métal ordinaire, comme le fer ou l’acier, ne font pas l’objet d’une reconnaissance mutuelle entre la France et la Suisse. En conséquence, ces ouvrages sont systématiquement repoinçonnés à leur arrivée sur le territoire du pays partenaire, ce qui entraîne un surcoût pour les professionnels et ralentit les échanges.

Pour pallier les limites de cette convention, la Suisse a donc demandé l’extension de son champ d’application aux ouvrages multimétaux. Le pays souhaite en particulier que les montres dites « bicolores » (généralement en or et en argent), fabriquées sur son territoire, soient couvertes par celle-ci. Compte tenu du dynamisme des exportations françaises des secteurs concernés, la France a soutenu cette démarche. 

II.   un élargissement du champ conventionnel aux ouvrages multimétaux visant à favoriser les échanges tout en protégeant les consommateurs

A.   Une simplification des procédures et des économies attendues pour les professionnels du secteur

Grâce à l’extension aux ouvrages multimétaux de la reconnaissance mutuelle des poinçons, prévue par l’article 2, les opérateurs n’auront plus à faire poinçonner leurs produits à l’entrée sur le territoire du pays voisin, sous réserve qu’ils l’aient déjà été sur leur territoire national (poinçons de maître et de garantie). Cette disposition se traduira par une réduction des coûts pour les opérateurs français, le poinçonnage étant soumis à taxation en Suisse ([4]). Elle permettra également un gain de temps et une fluidification des échanges.

Aux termes de l’article 3, le détenteur d’un poinçon de fabricant sera dispensé d’enregistrement de sa marque sur le territoire de l’autre partie lorsque cet enregistrement a déjà été effectué, soit auprès d’un bureau de garantie en France, soit auprès du bureau central du contrôle des métaux précieux en Suisse. La dispense sera accordée sur présentation aux autorités douanières de la preuve de l’enregistrement auprès d’un bureau de garantie français ou du bureau central suisse.

Cette fluidification des procédures de contrôle des ouvrages répond à une forte demande des entreprises françaises et suisses. Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, « la densité des échanges intra-branches entre la France et la Suisse dans les secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie fait de la facilitation des échanges entre les deux pays un enjeu économique majeur pour les entreprises installées de part et d’autre de la frontière. »

En effet, le secteur horloger est très présent dans la Jura suisse et français. Comme le rappelle le sénateur Richard Yung dans le rapport précité, l’industrie horlogère représente, dans le département du Doubs, quelque 2 000 emplois directs, principalement dans les ateliers de fabrication et de montage auxquels sous-traitent des maisons horlogères françaises et suisses. Le développement des échanges dans ce domaine pourrait donc se traduire par des retombées économiques positives pour ces territoires.

B.   Un système de contrôle visant à protéger les consommateurs et à garantir la loyauté de la concurrence

La présente convention s’attache à ce que la fluidification des procédures ne porte pas atteinte à la protection des consommateurs. Aussi, elle prévoit également un système de contrôle et d’échanges d’informations.

Aux termes de l’article 4, la reconnaissance mutuelle des poinçons n’interdira pas aux parties d’effectuer des essais par épreuves sur les ouvrages visés par la convention et revêtus d’un poinçon, dans les conditions fixées à l’article 5. En cas de non-conformité des ouvrages à la législation du pays, un renvoi motivé à l’exportateur est prévu par l’article 6 ; l’administration douanière de l’autre partie en sera alors informée.

L’article 7 prévoit que les deux parties devront s’échanger leurs législations nationales en vigueur pour la fabrication, le commerce et le contrôle des ouvrages en métaux précieux et des ouvrages multimétaux, ainsi que l’illustration des poinçons officiels, et informer l’autre partie de toute modification.

Aux termes de l’article 8, les deux parties devront interdire, sous peine de sanctions dans leur législation, toute contrefaçon, tout usage abusif ou oblitération des poinçons officiels, et les parties devront engager des poursuites en cas de contrefaçon ou usage abusif des poinçons officiels signalé par l’autre partie.

Enfin, les articles 9 à 11 précisent les modalités de règlement des différends, d’entrée en vigueur et de dénonciation de la convention.


    

   Conclusion

 

Votre rapporteur est favorable à l’adoption du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux.

Cette convention répond aux attentes des professionnels des secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie-joaillerie, des deux côtés de la frontière. Elle facilitera les échanges dans un domaine où notre commerce bilatéral est très dynamique, tout en garantissant la protection du consommateur.

La partie suisse a déjà notifié à la partie française, par note verbale en date du 26 novembre 2018, l’accomplissement des formalités requises par son droit interne pour l’entrée en vigueur de ladite convention.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 31 mars 2021, la commission examine, sur le rapport de M. M’jid El Guerrab, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux (n° 2745).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le projet de loi est dune grande importance économique puisque la convention signée le 19 juin 2018 a pour but de faciliter les échanges entre la France et la Suisse. En 2018, les importations et exportations de produits d’horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et d’orfèvrerie entre nos deux pays dépassaient 5,4 milliards d’euros par an, avec un solde commercial positif pour la France de 1,5 milliard. Les dispositions de cette convention ont été demandées par les professionnels. Nous en attendons d’excellentes retombées économiques, car les simplifications prévues rendront plus fluides les contrôles des ouvrages échangés entre la France et la Suisse. C’est dire si les zones frontalières du Jura et du Doubs, très investies dans le développement de ces échanges, attendent la ratification de cette convention.

M. M’jid El Guerrab, rapporteur. Sous un intitulé qui semble technique, le texte est très attendu par les professionnels de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie des deux pays. Il permettra de fluidifier les échanges dans des secteurs très dynamiques de la relation commerciale bilatérale, tout en garantissant la protection des consommateurs.

Afin de mieux saisir les enjeux de la présente convention, je me permets de vous rappeler brièvement ce qu’est un poinçon, à quoi il sert, et la réglementation stricte à laquelle est soumis le commerce des métaux précieux, compte tenu de leur valeur et des risques de tromperie et de recel. Les objets en argent, en or ou en platine présentent en effet des poinçons permettant de déterminer leur qualité et leur provenance. Ces poinçons certifient les teneurs des métaux précieux qui composent les ouvrages.

Le système de poinçonnage des objets est différent selon les pays. En France, depuis ses prémices au XIIIe siècle, la législation sur les poinçons a connu de nombreuses évolutions. Aujourd’hui, tout ouvrage en métaux précieux doit comporter deux poinçons : le poinçon de maître – pour les fabricants – ou de responsabilité – pour les importateurs –, qui assure la traçabilité de l’origine des ouvrages et engage le professionnel à respecter les règles de garantie ; et le poinçon de garantie, qui certifie la teneur en or, en argent ou en platine. Il s’agit d’un poinçon figuratif, comme la tête d’aigle pour l’or et la tête de Minerve pour l’argent.

Au sein de l’Union européenne, en vertu du principe de libre circulation, la reconnaissance mutuelle des poinçons officiels s’applique pour la majorité des États membres : les ouvrages européens sont ainsi dispensés du poinçon de garantie français et du poinçon de garantie de leur pays d’origine. Réciproquement, les ouvrages français bénéficient de la même dispense lorsqu’ils sont exportés.

En vertu d’une convention de 1987, la Suisse bénéficie de la reconnaissance réciproque des poinçons officiels, mais celle-ci ne s’applique qu’aux ouvrages en métaux précieux – l’or, l’argent et le platine. Les ouvrages multimétaux, constitués d’un métal précieux et d’un métal commun, comme l’acier, sont ainsi exclus du champ conventionnel.

En élargissant le bénéfice de la reconnaissance réciproque des poinçons officiels aux ouvrages multimétaux, la présente convention fluidifiera les échanges dans les secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie, en simplifiant les procédures. Concrètement, les opérateurs n’auront plus à faire poinçonner leurs ouvrages multimétaux lorsqu’ils entreront dans le territoire du pays voisin, si le poinçon a déjà été apposé dans le territoire national. Cette disposition se traduira par une réduction des coûts pour les opérateurs français, le poinçonnage étant soumis à taxation en Suisse. En outre, les marques des fabricants déjà enregistrées en France sont dispensées d’enregistrement en Suisse, et réciproquement. Cette fluidification des échanges ne portera pas atteinte à la protection des consommateurs, la convention prévoyant un système de contrôles et d’échange d’informations.

Ainsi, l’élargissement du champ conventionnel permettra d’accompagner des échanges très dynamiques dans les secteurs de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie. Le marché suisse constitue en effet le premier marché d’exportation de ces secteurs, pour lesquels la balance commerciale était excédentaire ces dernières années. En 2018, elle était même supérieure à la balance commerciale tous secteurs confondus. Pour la Suisse, il importait que les montres dites bicolores – généralement en or et en argent –, fabriquées dans son territoire, soient couvertes par la reconnaissance réciproque des poinçons officiels.

En outre, compte tenu de la forte présence du secteur horloger dans le Jura suisse et français, le développement des échanges dans ce domaine pourrait se traduire par des retombées économiques positives pour les territoires frontaliers. À titre d’illustration, en 2018, l’industrie horlogère représentait quelque 2 000 emplois directs dans le département du Doubs, principalement dans les ateliers de fabrication et de montage auxquels sous-traitent des maisons horlogères françaises et suisses.

Au bénéfice de ces observations, je vous propose d’adopter le présent projet de loi.

Mme Olga Givernet. Le présent projet de loi a déjà été adopté par nos collègues sénateurs. Il a été approuvé dès 2018 par nos voisins et amis suisses. Notre rapporteur en a parfaitement explicité les enjeux économiques : la convention aura des effets positifs des deux côtés de la frontière que 190 000 de nos compatriotes traversent quotidiennement. La Suisse est aujourd’hui le troisième partenaire commercial de la France, hors Union européenne ; la France, le troisième partenaire de la Suisse.

L’impact de la convention sera particulièrement sensible dans les secteurs de la bijouterie, de la joaillerie, de l’horlogerie et de l’orfèvrerie où la France réalise près de 50 % de ses exportations vers la Suisse. Ces secteurs ont été durement éprouvés, avec la casse et les fermetures en marge des gilets jaunes, et la crise sanitaire. En élargissant le champ de la convention de 1987 aux ouvrages multimétaux, ce nouvel instrument répond aux intérêts de tous. Les bénéfices attendus de cette convention, par la fluidification des procédures douanières et la facilitation des exportations vers la Suisse, sont sans équivoque pour les professionnels. La protection des consommateurs se trouvera également renforcée, grâce à des règles claires de traçabilité et de lutte contre la contrefaçon. Comme le rappelle l’étude d’impact, la densité des échanges entre la France et la Suisse dans les secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie fait de la facilitation des échanges un enjeu économique majeur. Les départements voisins seront les premiers à bénéficier de retombées positives, notamment pour l’emploi.

L’enjeu n’est toutefois pas seulement économique. Dans les régions frontalières, les métiers de l’horlogerie et de la bijouterie s’inscrivent dans une tradition longue de plusieurs siècles. Après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, de nombreux lapidaires, diamantaires et joailliers protestants, forcés à l’exil, se sont installés dans le Haut-Jura et le pays de Gex, afin de profiter de l’essor de l’horlogerie suisse au XVIIe siècle. C’est ainsi qu’un savoir-faire d’excellence, unique au monde, s’est développé dans ces petits villages de l’Ain, du Doubs, du Jura. Cet héritage fait partie intégrante de notre identité. Il fait aussi la fierté de ces régions, comme l’atteste le musée des pierres et des lapidaires de Mijoux, dans ma circonscription. Surtout, il explique ces imbrications profondes, fraternelles, qui nous unissent à nos voisins suisses. C’est aussi cette tradition qu’il convient de préserver et de valoriser face à la concurrence internationale. La présente convention y contribue.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche est favorable à ce texte. En tant que députée de l’Ain, frontalière, vice-présidente du groupe d’amitié France-Suisse, je ne peux que m’en réjouir.

M. Michel Fanget. La présente convention signée avec la Suisse, qui étend la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux aux ouvrages multimétaux, est particulièrement importante pour les secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie française. Elle permet d’augmenter les échanges avec le marché suisse, premier de nos marchés étrangers dans ce secteur. Le gain économique est double, car l’accord permettra aussi de baisser les coûts de production de notre industrie, en évitant le repoinçonnage des marchandises en Suisse, source de ralentissement dans l’échange.

La convention donne donc un avantage précieux aux artisans français, qui exportent leur savoir-faire sur le marché suisse, et une protection approfondie aux consommateurs français de marchandises suisses.

Compte tenu de la parfaite entente de nos pays à ce sujet, le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés votera en faveur du présent texte.

M. Jérôme Lambert. Ce texte technique présente des intérêts économiques manifestes. Naturellement, le groupe Socialistes n’a pas d’opposition.

Mme Aina Kuric. Je tiens à saluer le travail du rapporteur, qui a fait une présentation éclairante d’un texte technique. La convention vise à promouvoir et à faciliter les échanges d’ouvrages en métaux précieux, à savoir les ouvrages en alliage d’or, d’argent ou de platine, entre la France et la Suisse, tout en assurant la protection des consommateurs au moyen de la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur ces ouvrages. Son objectif était de promouvoir les échanges d’ouvrages en métaux précieux avec la Suisse, qui occupait déjà une place importante dans notre commerce bilatéral. Le caractère crucial de la fluidité des procédures de contrôle des ouvrages à la frontière franco-suisse est régulièrement évoqué par les entreprises, tant françaises que suisses. Dans les secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie, la densité des échanges intrabranches entre la France et la Suisse fait de la facilitation des échanges un enjeu économique capital pour les entreprises installées de part et d’autre de la frontière.

Le groupe Agir ensemble votera pour le texte.

M. Jean-Michel Clément. Tout ce qui est de nature à simplifier la vie des entreprises, frontalières de surcroît, doit être encouragé. Notre collègue rapporteur, M’jid El Guerrab, a su étendre le périmètre de sa circonscription des Français de l’étranger, et nous a éclairés sur un sujet dans lequel nous avions des difficultés à nous plonger – la facilité étant de l’entendre. C’est donc bien volontiers que le groupe Libertés et Territoires votera la présente convention.

M. M’jid El Guerrab, rapporteur. Je remercie tous mes collègues pour leurs propos. La convention représente un enjeu de plus de 1 milliard d’euros. Il existe peu de secteurs dans lesquels nous sommes en pointe et dont la balance commerciale est bénéficiaire. Il s’agit d’aller encore plus loin et de fluidifier davantage les échanges.

La commission adopte l’article unique du projet de loi sans modification.

 


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   Annexe n° 1 : texte adopté par la commission

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux, signée à Paris le 19 juin 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 


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   ANNEXE n°  2 : les poinçons officiels français


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Annexe N° 3 : le poinçon officiel suisse

 Source : Sénat.


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   ANNEXE n° 4 : LA GARANTIE DES MÉTAUX PRÉCIEUX À TRAVERS L’HISTOIRE (DE 1260 À NOS JOURS)

L’ancien régime

1260 : le statut des orfèvres

Étienne Boileau, prévôt de Paris sous Louis IX, rédige le livre des métiers qui réglemente les corporations d’arts et métiers. La charte parisienne des Orfèvres impose notamment à ces derniers diverses prescriptions afin de garantir le titre des ouvrages.

1275-1313 : les poinçons de titre

En 1275, Philippe III Le Hardi prescrit par une ordonnance royale, la marque des ouvrages en argent, au moyen d’un poinçon propre à chaque communauté d’orfèvres. En 1313, son successeur, Philippe IV le Bel, étend l’usage de la marque aux ouvrages d’or.

1355 : les poinçons de maître

Une ordonnance royale de Jean II Le Bon impose à tout orfèvre d’apposer sur les ouvrages de sa fabrication un poinçon spécial représentant une fleur de Lys couronnée, muni d’un symbole personnel.

1579-1674 : l’ébauche d’une réglementation fiscale de la garantie.

1579 : création sous Henri III d’une « taxe générale » sur les ouvrages d’or et d’argent bientôt appelée droit de remède.

1674 : la mise en place d’un « droit de marque et de contrôle » par Colbert s’accompagne d’un vaste mouvement de rationalisation des impôts avec l’instauration de la Ferme générale.

Une institution royale de la perception avec ses poinçons propres de charge et de décharge et ses règles particulières de marque s’est progressivement mise en place à côté de la réglementation corporative du titre (poinçons de jurande).

La période révolutionnaire

La nuit du 4 août 1789

L’abolition des privilèges, parmi lesquels figuraient ceux des membres de la corporation des orfèvres, est proclamée.

 

 

1791 : La loi Le Chapelier

Le 2 mars 1791, la loi Le Chapelier pose le principe de la liberté du travail et réalise de façon plus concrète l’abolition des jurandes et des maîtrises en interdisant les associations professionnelles.

En avril 1791, les impôts indirects sont supprimés. À partir de cette période, il n’existe donc plus ni organisme exerçant un contrôle sur les titres de métaux précieux, ni impôts sur ces métaux. L’abondance des fraudes, le laxisme, et le manque à gagner pour l’État sont très rapidement ressentis.

La loi du 19 Brumaire An VI (9 novembre 1797)

À la suite d’une déclaration d’urgence du Conseil des Anciens, la loi « relative à la surveillance du titre et à la perception des droits de garantie des matières et ouvrages d’or et d’argent » est promulguée le 19 brumaire An VI (9 novembre 1797).

Elle concerne en effet les titres, les poinçons, les droits de garantie, les bureaux de la Garantie et leur personnel aussi bien que les diverses obligations des orfèvres pour la fabrication et la vente de leurs ouvrages, l’affinage des métaux et la répression des fraudes.

Les poinçons « officiels » vont remplacer les poinçons de jurande et de la marque (charge et décharge). Cette loi fixe les bases de la Garantie actuelle.

La période contemporaine

1926

Les bureaux de garantie placés sous le contrôle des Monnaies et Médailles sont regroupés dans une direction nationale relevant de l’administration des contributions indirectes.

1949

Des services spécialisés des contributions indirectes, créés en 1880 et chargés de la réglementation relative aux sucres et distilleries, sont rattachés à la direction de la garantie.

1993

En 1993, les contributions indirectes entrent dans le champ de compétence de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). La direction de la garantie et des services industriels (DGSI) devient la direction nationale de la garantie et des services industriels (DNGSI), partie intégrante de l’administration des douanes.

1994

La loi du 4 janvier 1994 maintient la tradition des ouvrages à haut titre de 22 et 18 carats (916 et 750 millièmes) et ouvre le marché à une nouvelle gamme de produits contenant 585 et 375 millièmes d’or (14 et 9 carats). Elle permet, en outre, à une entreprise privée (fabricant domicilié en France) d’être habilitée à apposer elle-même un poinçon de titre, à condition de respecter un cahier des charges précis.

2001

1er janvier : suppression de la direction de la garantie et des services industriels (DNGSI), ses missions sont intégrées dans les structures douanières.

29 août : création d’un nouveau titre légal à 999 millièmes pour chacun des métaux précieux.

20 novembre : fixation des seuils de dispense du poinçon de garantie, à un poids inférieur à 3 grammes pour les ouvrages en or et en platine et à 30 grammes pour les ouvrages en argent : les articles doivent cependant être aux titres légaux et marqués du poinçon de fabricant ou de responsabilité.

2002

3 janvier : précisions relatives à la commercialisation des ouvrages constitués de métal précieux et de métal commun juxtaposés : l’indication du prix de vente doit être accompagnée de la mention du nom des métaux entrant dans la composition de l’ouvrage. Cette information est portée sur les étiquettes et sur tout document commercial ou publicitaire faisant mention d’un prix de vente.

2003

31 décembre : modernisation de la garantie des métaux précieux :

– l’extension de la délégation de poinçon aux importateurs, acquéreurs intracommunautaires, commissaires-priseurs, responsables d’un crédit municipal ou d’une société de ventes volontaires de meubles enchères publiques et commissionnaires en garantie ;

– l’agrément de laboratoires accrédités et reconnus comme organismes de contrôle agréés (OCA) par la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services et la direction générale des douanes et droits indirects.

2004

25 mars : suppression des formalités de visa de bordereaux et de factures pour les marchands ambulants, dispense des poinçons de garantie pour les ouvrages postérieurs à 1838 déjà revêtus d’anciens poinçons français de garantie.

30 juin : suppression du droit spécifique acquitté lors de la commercialisation des ouvrages.

1er juillet : mise en place d’une contribution payée par les opérateurs non bénéficiaires d’une délégation de poinçons en cas d’essai et de marquage de leurs ouvrages par les bureaux de garantie.

30 décembre : suppression de la distinction or et alliage d’or : les ouvrages d’or titrant 375 millièmes et 585 millièmes peuvent bénéficier de l’appellation « or » lors de leur commercialisation au stade du détail auprès des particuliers ; dispense du poinçon de garantie pour les ouvrages introduits sur le territoire national en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou importés d’un autre État partie à l’accord instituant l’Espace économique européen ou de Turquie, sous certaines conditions mentionnées dans la documentation en ligne sur le site internet de la douane.

2006

21 juillet : dépôt de la déclaration de profession : il doit être accompagné d’une attestation d’enregistrement à la chambre des métiers ou au registre du commerce ou d’une copie de l’extrait K bis de la société mentionnant l’activité de fabrication, importation, vente ou achat d’ouvrages en métaux précieux, de doublage ou placage de l’or, de l’argent ou du platine.

2009

16 décembre : aménagements apportés à la tenue du livre de police : l’opérateur a notamment la possibilité de ne pas indiquer le poids et le titre des ouvrages neufs sur le registre papier et le registre informatisé, si l’identification des ouvrages est possible grâce au numéro de série ou à la référence commerciale de l’ouvrage indiqués dans un catalogue.

Source : direction générale des douanes et droits indirects

 


([1]) Office fédéral de la statistique, 31 décembre 2020.

([2]) Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux, février 2020.

([3]) Données transmises par le service économique de l’ambassade de France en Suisse.

([4]) Les bureaux de contrôle des métaux précieux suisses perçoivent deux taxes pour le contrôle et le poinçonnement d’ouvrages en métaux précieux ou multimétaux : une taxe d’évaluation de la conformité, comprise, selon la matière, entre 0,70 francs suisses (CHF) et 3,20 CHF par ouvrage et une taxe d’apposition du poinçon, comprise, selon la technique utilisée, entre 0,55 CHF et 4 CHF par ouvrage.