N° 4033

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mars 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine,

PAR Mme Amélia Lakrafi

Députée

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ET

 

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 Voir les numéros :

Sénat : 717 (20192020), 85, 86 et T.A. 15 (20202021).

Assemblée nationale : 3525


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. améliorer la sécurité juridique du dispositif et renforcer la sécurité routière sur notre territoire

A. le dispositif français de reconnaissance et d’échange de permis de conduire

1. Le cadre actuellement en vigueur

a. La reconnaissance de permis de conduire étranger

b. L’échange de permis de conduire

i. Les dispositions prévues en droit français

ii. L’évolution des procédures

2. La nécessaire refonte d’un dispositif juridiquement fragile

a. Une pratique large et hétérogène

b. Une fragilité juridique soulignée par le Conseil d’État à l’origine de la refonte du dispositif

B. La conclusion des accords avec le Qatar et avec la chine

1. Les enjeux de l’accord francoqatarien

a. Contexte routier qatarien

b. Description de la situation actuelle pour les titulaires de permis de conduire français et qatarien

c. Négociations de l’accord avec le Qatar

2. Les enjeux de l’accord francochinois

a. Contexte routier chinois

b. Description de la situation actuelle pour les titulaires de permis de conduire français et chinois

c. Négociations de l’accord avec la Chine

II. Les stipulations des accords avec le Qatar et avec la chine

A. LES stipulations de l’accord franco-qatarien

1. La reconnaissance réciproque des permis de conduire

a. Les conditions de la reconnaissance

b. La durée de la reconnaissance

2. L’échange des permis de conduire

a. Les conditions de l’échange

b. Les infractions

c. La procédure d’authentification

d. Les dispositions finales

B. LES stipulations de l’accord franco-chinois

1. La reconnaissance réciproque des permis de conduire

a. Les conditions de la reconnaissance

b. La durée de la reconnaissance

2. L’échange des permis de conduire

a. Les conditions de l’échange

b. Les infractions

c. La procédure d’authentification

d. Les dispositions finales

Examen en commission

Annexe n° 1 : texte adopté par la commission

Annexe n° 2 : Évolution du traitement des dossiers « papier »

Annexe n° 3 : Pays non européens avec lesquels  l’échange est le plus pratiqué

Annexe n° 4 : Documents frauduleux détectés

Annexe n° 5 : liste des personnes auditionnées et des contributions écrites

 


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   introduction

 

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 3525 autorisant l’approbation de deux accords bilatéraux, adopté par le Sénat le 4 novembre 2020 :

– l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar, signé à Paris, le 6 juillet 2018 ;

– l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine, signé à Paris, le 23 novembre 2018.

Ces deux accords poursuivent l’un et l’autre le même objectif : sécuriser juridiquement le dispositif français de reconnaissance et d’échange de permis de conduire et renforcer la sécurité routière sur notre territoire et la lutte contre la fraude documentaire.

Par ailleurs, en simplifiant l’établissement et l’adaptation des ressortissants étrangers en France, ces deux accords permettent de rendre notre pays économiquement plus attractif tout en facilitant, dans le même temps, la mobilité de nos compatriotes et de nos entreprises.

Ces deux accords revêtent un caractère pionnier puisque constituant les premiers du genre en matière de reconnaissance et d’échange de permis de conduire. Le seul autre accord intergouvernemental existant à ce jour, en la matière, étant celui conclu avec la principauté de Monaco. Ils inaugurent ainsi un mouvement de révision globale du dispositif français d’échange de permis qui devrait permettre de fluidifier et de sécuriser le traitement des demandes tout en améliorant le service rendu aux usagers.

À la fin décembre 2020, environ 5 500 français étaient établis au Qatar. À la même date, 365 ressortissants qatariens étaient titulaires d’un titre de séjour en France.

En février 2020, 15 058 Français environ étaient établis en Chine (hors Hong-Kong). Et à la fin décembre 2019, 124 868 ressortissants chinois étaient titulaires d’un titre de séjour en France.

Ces chiffres, communiqués par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, offrent une idée des expatriations dans les différents pays concernés mais ne donnent cependant aucune indication sur le nombre de personnes potentiellement intéressées par les présents accords soumis à l’examen de l’Assemblée nationale. Tous les ressortissants établis à l’étranger n’étant pas titulaires d’un permis de conduire. Par ailleurs, la délivrance d’un permis de conduire est sans rapport avec la nationalité, chaque État pouvant délivrer un permis à un ressortissant étranger.

Cependant ces chiffres attestent bien de la présence d’une communauté française importante et dynamique, tant au Qatar qu’en Chine, pour laquelle ces accords représentent une significative amélioration que votre rapporteure tient à souligner. Grâce à eux les titulaires d’un permis de conduire français, installés dans l’un et l’autre pays, n’auront désormais plus besoin – comme cela était le cas jusqu’à présent – de repasser l’examen de conduite local. De tels accords permettent ainsi d’offrir de meilleures conditions d’expatriation à nos ressortissants en favorisant notamment leur insertion professionnelle et sociale dans le pays d’accueil.

 

 


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I.   améliorer la sécurité juridique du dispositif et renforcer la sécurité routière sur notre territoire

A.   le dispositif français de reconnaissance et d’échange de permis de conduire

1.   Le cadre actuellement en vigueur

La réglementation française en matière de permis de conduire s’inscrit dans le cadre posé par la convention de Vienne sur la circulation routière (1968) ([1]) et par la directive européenne 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 ([2]) relative au permis de conduire traitant notamment des questions relatives à la reconnaissance des permis de conduire étrangers, des conditions de délivrance et du format des titres. Ce cadre international et européen laisse cependant à chaque État la capacité de déterminer ses propres règles relatives à la reconnaissance et à l’échange de permis de conduire étrangers délivrés par les autorités d’un État tiers.

a.   La reconnaissance de permis de conduire étranger

La reconnaissance de permis de conduire étranger est le mécanisme par lequel un État autorise le titulaire d’un permis de conduire régulièrement délivré par un autre État à conduire des véhicules sur son territoire. La durée de la reconnaissance, fixée par chaque État dans sa réglementation, est en règle générale assez brève. Elle se trouve souvent assortie d’une obligation d’accompagnement du titre étranger par un permis de conduire international ou d’une traduction dans la langue nationale.

L’arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d’échange des permis de conduire délivrés par les États n’appartenant ni à l’Union européenne (UE), ni à l’Espace économique européen (EEE) ([3]) prévoit la reconnaissance des permis de conduire étrangers régulièrement délivrés pour une durée d’un an à compter de l’établissement par son titulaire de sa résidence normale en France ([4]), soit pendant 18 mois au total.

Tout conducteur titulaire d’un permis étranger non européen – hors Union européenne et hors Espace économique européen – doit, avant l’expiration de ce délai, obtenir un permis de conduire français suite au passage de l’examen afférent ou grâce au dispositif d’échange de permis, si celui‑ci existe (cf. infra).

À titre dérogatoire, les conducteurs titulaires de titres de séjour spéciaux délivrés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et de titres de séjour mention étudiant bénéficient d’une reconnaissance de leur permis de conduire étranger pendant toute la durée de leurs études ou de leurs missions.

b.   L’échange de permis de conduire

i.   Les dispositions prévues en droit français

L’échange de permis de conduire, lorsque celui‑ci est prévu par la réglementation locale, est un mécanisme qui peut être sollicité à la suite de l’installation durable de son titulaire dans l’État d’accueil. Il permet alors d’obtenir, sur présentation du titre délivré par les autorités compétentes de son État d’origine, un permis de conduire local sans avoir à repasser d’examen.

En l’absence d’un tel mécanisme, il est nécessaire pour l’intéressé souhaitant continuer de conduire sur le territoire de l’État d’accueil d’obtenir le permis local en passant l’examen adéquat avant la fin de la période de reconnaissance du permis de conduire étranger.

Le dispositif français d’échange de permis est défini, comme suit, aux articles R. 222‑1 et suivants du code de la route :

-         Article R. 222‑1 :

Tout permis de conduire national régulièrement délivré par un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, est reconnu en France sous réserve d’être en cours de validité.

Dans le cas où ce permis a été délivré en échange d’un permis de conduire d’un État n’appartenant pas à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen et avec lequel la France n’a pas conclu d’accord de réciprocité en ce domaine, il n’est reconnu que pendant un délai d’un an après l’acquisition de la résidence normale en France de son titulaire.

Tout titulaire d’un des permis de conduire considérés aux deux alinéas précédents, qui établit sa résidence normale en France, peut le faire enregistrer par le préfet du département de sa résidence selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre chargé des affaires étrangères.

-         Article R. 222‑2 :

Toute personne ayant sa résidence normale en France, titulaire d’un permis de conduire national délivré par un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, en cours de validité dans cet État, peut, sans qu’elle soit tenue de subir les examens prévus au premier alinéa de l’article D. 221-3, l’échanger contre le permis de conduire français selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères.

L’échange d’un tel permis de conduire contre le permis français est obligatoire lorsque son titulaire a commis, sur le territoire français, une infraction au présent code ayant entraîné une mesure de restriction, de suspension, de retrait du droit de conduire ou de retrait de points. Cet échange doit être effectué selon les modalités définies par l’arrêté prévu à l’alinéa précédent, aux fins d’appliquer les mesures précitées.

Le fait de ne pas effectuer l’échange de son permis de conduire dans le cas prévu à l’alinéa précédent est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

-         Article R. 222-3 :

Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un État ni membre de l’Union européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an après l’acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l’article D. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n’est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé.

ii.   L’évolution des procédures

Depuis le 4 août 2020, la demande d'échange de permis de conduire se fait en ligne pour l’ensemble des départements.

Tous les éléments de la demande d’échange de permis sont transmis de manière dématérialisée : les données d’état civil, la photo, la signature ainsi que les pièces justificatives. Pour pouvoir accéder à ce service en ligne, il est nécessaire au préalable de créer un compte personnel sur le portail de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) où seront réalisées l’ensemble des démarches.

Une fois la demande enregistrée sur le site de l’ANTS, celle‑ci est envoyée pour instruction – s’agissant des demandes d’échanges de permis de conduire étrangers – au Centre d’expertise et de ressources titres (CERT) de de Nantes pour les personnes non domiciliées à Paris et au Centre de ressources des échanges de permis de conduire étrangers et des permis internationaux de conduite (CREPIC), pour les personnes domiciliées dans la capitale.

En attendant le traitement de sa demande, l’usager peut continuer à circuler sur le territoire français avec son permis étranger ([5]). Lorsque le CERT de Nantes ou le CREPIC valide la demande, l’usager doit alors envoyer son permis étranger original pour permettre que la production de son nouveau permis français soit lancée. En attendant la réception du titre en question, l’usager doit télécharger en ligne une attestation de dépôt sécurisée (ADS) lui permettant de circuler sur le territoire national pendant douze mois, en attendant la réception dudit permis de conduire.

Les principales difficultés rencontrées par les usagers au cours de la procédure ont trait au délai de traitement des demandes qui peut se révéler particulièrement long ou à des problèmes techniques comme la non-génération d’un document en ligne ou une désynchronisation des données empêchant la finalisation de la demande. Du côté du CERT de Nantes ou du CREPIC, une des difficultés réside dans le fait que les demandeurs ne fournissent pas toujours la traduction des documents transmis ce qui engendre des échanges pour complément de dossier et rallonge par là-même le délai de traitement. En outre, le nombre élevé et la diversité des titres de conduite présentés à l’échange a une incidence sur les délais de vérification opérée par la Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) qui intervient en appui dans la procédure d’échange de permis.

Pour mener à bien leurs missions, les agents de la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité (DEFDI) de la DCPAF disposent de la base de donnée internationale iFADO (acronyme anglais d’Intranet for False and Authentic Document Online) qui comprend des informations sur des documents authentiques et des documents fraudés. Les agents de la DEFDI disposent également d’une bibliothèque de spécimens de permis de conduire étrangers obtenus par le biais du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ces documents servent de support pour les analyses effectuées et permettent de rédiger des fiches d’analyse opérationnelle se révélant utiles pour la détection d’éventuelles fraudes lors des contrôles opérés par les forces de sécurité intérieure.

Le réseau international des officiers de liaison de la direction de la coopération internationale (DCI), direction commune à la police nationale et à la gendarmerie nationale, permet des contacts rapides avec les autorités locales pour les permis de conduire non européens. Par ailleurs, en cas de nécessité des contacts directs avec les représentations consulaires étrangères sur le territoire national sont également possibles.

En fonction des pays, les agents de la DEFDI peuvent rencontrer des difficultés à obtenir les spécimens des permis de conduire les plus récemment délivrés ou a minima les informations officielles permettant la levée d’un doute à l’occasion des expertises.

Ces difficultés constituent un réel problème se révélant in fine préjudiciable à l’usager ayant formulé une demande d’échange de permis de conduire de bonne foi mais dont traitement est suspendu du fait d’un manque de coopération de la part du pays de délivrance. Il n’est, en effet, pas possible pour les agents de la DEFDI de valider l’authenticité d’un permis étranger en présence du moindre doute.

La résorption du stock des dossiers « papier » déposés avant la dématérialisation des procédures – à l’origine de délais très longs pour les usagers car nécessitant une intervention manuelle – a constitué un autre défi pour les administrations en charge des demandes d’échange de permis. Le traitement de ces dossiers en attente n’a pu être finalisé qu’à la fin de l’année 2020 au prix de mesures organisationnelles et budgétaires lourdes ([6]).

Depuis 2017, le nombre de permis non européens échangés en France a évolué comme suit :

– en 2017 : 63 639 permis de conduire non européens échangés ;

– en 2018 : 37 232 ([7]) permis de conduire non européens échangés ;

– en 2019 : 63 226 permis de conduire non européens échangés.

Les chiffres de l’année 2020, non encore disponibles, devraient se révéler très conséquents compte tenu du plan d’action mis en œuvre pour la résorption du stock des dossiers « papier ».

Les trois premiers pays de délivrance des permis de conduire non européens les plus échangés sur la même période étaient les suivants (par ordre décroissant) : Algérie, Maroc et Tunisie ([8]).

2.    La nécessaire refonte d’un dispositif juridiquement fragile

a.   Une pratique large et hétérogène

L’échange de permis de conduire repose essentiellement sur des arrangements administratifs voire sur le simple fondement de la réciprocité n’impliquant par conséquent aucune formalisation par écrit des modalités mises en œuvre. En la matière, la France n’a, à ce jour, conclu qu’un seul accord intergouvernemental en bonne et due forme, avec la principauté de Monaco.

Une comparaison avec nos principaux partenaires européens montre que ces derniers, qui fondent généralement l’échange des permis étrangers sur des accords bilatéraux, ne pratiquent l’échange de permis de conduire qu’avec une dizaine d’États tiers en moyenne. Chiffres qui se révèlent bien inférieurs à la pratique française qui, au 10 octobre 2019, autorisait l’échange de permis de conduire avec 116 États tiers.

La France procède ainsi l’échange de permis de conduire étranger non européen sur la base d’échanges formalisés par écrit – arrangements administratifs ou échanges de notes verbales – avec une trentaine d’États ou territoires : seize États américains (Caroline du Sud, Michigan, Kentucky, Illinois, Kansas, New Hampshire, Pennsylvanie, Floride, Connecticut, Colorado, Virginie, Ohio, Delaware, Arkansas, Texas, Iowa), six Provinces canadiennes (Québec, Ontario, Île‑du‑Prince‑Édouard, Alberta, Manitoba, Terre‑Neuve‑et‑Labrador), l’Eswatini (ancien Swaziland), l’Australie, l’Iran, la principauté d’Andorre, la Bosnie‑Herzégovine, la Macédoine du Nord, la Nouvelle‑Zélande et le Brésil.

Avec 82 autres États, la France fonde son mécanisme d’échange de permis de conduire sur de simples pratiques réciproques.

La liste complète, actualisée au 31 mars 2020, comprenant 113 États ou territoires non européens dont les permis peuvent être échangés en France est disponible sur le site internet Service public ([9])  et sur celui du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ([10]).

b.   Une fragilité juridique soulignée par le Conseil d’État à l’origine de la refonte du dispositif

Le Conseil d’État, par un arrêt n° 382484 du 21 novembre 2016 ([11]), a souligné l’insuffisance juridique des simples pratiques réciproques ou arrangements administratifs existants et a rappelé la nécessité de fonder les mécanismes de reconnaissance et d’échange de permis de conduire sur la base d’accords intergouvernementaux.

En conséquence, une révision du dispositif français de reconnaissance et d’échange de permis de conduire a été initiée, début 2018, par le ministère de l’intérieur (délégation à la sécurité routière) et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire).

Ce processus de refonte globale du dispositif a été pensé avec un triple objectif :

-         améliorer la sécurité juridique du dispositif de reconnaissance et d’échange de permis via la conclusion d’accords bilatéraux ;

-         étendre la durée de reconnaissance des permis français dans les États parties ;

-         renforcer la sécurité routière et la lutte contre la fraude documentaire en ne concluant de tels accords qu’avec des États satisfaisant à des critères élevés en matière de formation (des conducteurs, des enseignants à la conduite et des examinateurs), de sécurisation des titres et de conditions de délivrance des permis de conduire.

Dans ce cadre, des négociations sont actuellement en cours ou en préparation avec le Chili, avec le territoire du District de Columbia et l’État de Virginie‑Occidentale aux États-Unis.

La révision du dispositif est essentiellement menée en direction de deux catégories d’États ou territoires:

-         ceux qui n’échangent actuellement pas leur permis avec la France mais qui l’ont saisie d’une demande officielle de conclusion d’un accord en ce sens ou ceux intéressant la France en raison notamment de la présence de nombreux ressortissants français sur leur territoire. Ils font alors l’objet d’une évaluation afin de juger de l’opportunité de conclure un tel accord ;

-         ceux avec lesquels la France échange actuellement ses permis, qui font tous l’objet d’une évaluation et qui au regard des résultats obtenus, seront sollicités pour la conclusion d’un accord ou informés de l’arrêt de l’échange de leurs permis par la France.

Les deux présents accords conclus avec le Qatar et la Chine s’inscrivent dans la première catégorie, les permis de conduire délivrés par les autorités qatariennes et chinoises n’étant pas échangés actuellement.

B.   La conclusion des accords avec le Qatar et avec la chine

La conclusion des accords avec le Qatar et avec la Chine constituait une priorité pour le Gouvernement français.

1.   Les enjeux de l’accord franco‑qatarien

a.   Contexte routier qatarien

Le Qatar est un pays enregistrant un taux de motorisation très élevé avec un nombre important de véhicules de société, de véhicules de citoyens qatariens et d’expatriés de classe moyenne et de classe supérieure.

Le Qatar développe une vraie politique de sécurité routière tant en matière de prévention que de répression. À titre d’exemple, nul ne peut quitter le pays sans s’être acquitté de ses amendes. Toutes les routes du Qatar sont éclairées en permanence et le nombre de cinémomètres embarqués ou fixes ainsi que le nombre de feux de signalisation équipés de caméras « intelligentes » sont élevés. La construction et l’entretien des routes qatariennes intègrent ces paramètres de prévention des accidents.

Compte tenu des conditions de circulation (tissu urbain), des contrôles automatisés réalisés sur les axes routiers et du prix prohibitif des amendes, le taux de mortalité est faible et les accidents essentiellement matériels.

Le Qatar punit lourdement certaines infractions génératrices d’accidents. À titre d’illustration il n’existe aucun seuil de tolérance pour la conduite en état d’ébriété et le franchissement des feux de signalisation peut entraîner une amende de 6000 rials qatariens soit 1 350 euros environ.

Le Qatar mène régulièrement auprès de sa population des campagnes de sensibilisation en matière de sécurité routière ainsi que des campagnes de prévention dans les écoles. Bien qu’inscrites dans les textes, certaines dispositions (port obligatoire de la ceinture de sécurité, prohibition de l’usage du téléphone portable au volant...) méritent de faire encore l’objet de campagnes de sensibilisation notamment auprès des plus jeunes.

L’analyse qualitative menée par la délégation à la sécurité routière de la situation locale au Qatar, à partir d’un dossier technique constitué par l’ambassade de France à Doha, a conclu que le Qatar satisfaisait aux critères français de sécurité routière, de formation des conducteurs et formateurs, de sécurisation des titres et de leur délivrance pour ce qui concerne les catégories A et B du permis de conduire.

À l’inverse, les éléments portés à la connaissance des autorités françaises sur les modalités des épreuves des catégories C et D au Qatar n’ont pas donné satisfaction et n’ont pas permis d’inclure ces catégories dans le présent accord.

b.   Description de la situation actuelle pour les titulaires de permis de conduire français et qatarien

Le permis français seul permet la conduite durant sept jours à compter de l’entrée sur le territoire du Qatar. Pour continuer d’y conduire à l’issue de ce délai et jusqu’à six mois, les usagers doivent solliciter auprès des services du département des transports qatarien la délivrance d’un permis temporaire sur présentation notamment du permis français et d’un permis de conduire international.

Pour obtenir un permis de conduire qatarien, les titulaires de permis français s’établissant au Qatar devaient, avant la conclusion du présent accord, repasser l’examen de conduite sur place, ce qui pouvait éventuellement se faire en anglais.

Actuellement, le Qatar mettant déjà en œuvre par anticipation le présent accord – alors que celui‑ci n’est pas encore officiellement en vigueur – les résidents français s’établissant au Qatar ne sont plus tenus de repasser l’examen du permis de conduire. Les titulaires d’un permis français, exceptés les titulaires de passeport diplomatique, doivent néanmoins se soumettre à une visite médicale préalable à la délivrance d’un permis de conduire valable sur le territoire du Qatar.

En France, les permis de conduire qatariens sont reconnus durant une période d’un an à compter de l’établissement en France de la résidence normale de leurs titulaires, sous réserve qu’ils soient accompagnés d’un permis de conduire international ou d’une traduction en français.

Pour pouvoir continuer à conduire en France après ce délai, les ressortissants qatariens doivent actuellement repasser l’examen du permis de conduire français. Aucune adaptation linguistique n’est, par ailleurs, prévue en France pour le passage des épreuves théoriques et pratiques.

c.   Négociations de l’accord avec le Qatar

Les premiers contacts ont eu lieu dès le début de l’année 2017, les autorités qatariennes ayant très tôt exprimé leur intérêt pour la conclusion d’un tel accord.

Suite à l’évaluation positive de la situation locale en matière de sécurité routière par le ministère de l’intérieur, ce dernier et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ont engagé des négociations avec les autorités qatariennes à partir du mois de février 2018. Aucune difficulté particulière n’a été relevée au cours de ces discussions et la visite de l’Émir du Qatar en France a permis de s’accorder rapidement sur un projet de texte. L’accord a ainsi été signé le 6 juillet 2018 à Paris en marge de cette visite officielle par l’ambassadeur de France au Qatar et l’ambassadeur du Qatar en France.

2.   Les enjeux de l’accord franco‑chinois

a.   Contexte routier chinois

À l’heure actuelle, bien que la Chine n’ait pas adhéré à la convention de Vienne sur la signalisation routière, les formes, couleurs, motifs et significations de base des feux et panneaux de signalisation installés sur le territoire chinois sont conformes aux dispositions de cette convention.

En 2018, la Chine disposait de 4 846 400 km environ de voies ouvertes à la circulation routière. Le taux de motorisation du pays se situait, à la même période, entre 141 et 160 véhicules pour 1000 habitants. En 2020, 372 millions de véhicules motorisés étaient en circulation en Chine dont 281 millions de voitures.

Selon les estimations transmises par le Quai d’Orsay, on dénombre en Chine, 456 millions de conducteurs possédant un permis de conduire pour véhicule motorisé, dont 418 millions de conducteurs avec un permis voiture. Si l’on s’intéresse à la répartition selon les sexes, 308 millions de conducteurs sont des hommes, soit une proportion de 67,57%, et 148 millions sont des femmes, soit une proportion de 32,43 %. Par ailleurs, 327 millions de conducteurs chinois sont âgés de 26 à 50 ans, représentant 71,79 % des conducteurs de véhicules.

L’obtention du permis de conduire est subordonnée en Chine à la réussite de quatre examens, à savoir un test théorique de 100 questions portant sur la règlementation routière, un test pratique de conduite sur terrain d’essai, un test pratique de conduite en condition réelle sur route ouverte et un dernier test théorique de connaissance de la conduite dite « civilisée » (comprenant notamment une évaluation des connaissances concernant la conduite dans de mauvaises conditions météorologiques ou le traitement des situations d’urgence dont les accidents de la route…).

La Chine dispose d’un permis à points similaire au permis à points français. En cas de perte d’un cumul de douze points, le permis est confisqué à son titulaire par les services de la gestion routière chinoise. Le conducteur doit alors participer, dans les quinze jours, à un programme de sept jours dédié à l’étude de la réglementation routière. À l’issue de cette formation, le conducteur en question est soumis à un examen qui, en cas de succès, lui permet de récupérer son permis de conduire. En cas de refus de la formation en question, une interdiction d’utiliser le permis de conduire est prononcé par les agents du service de la gestion routière chinoise.

Par ailleurs, le cadre législatif en vigueur en Chine comporte des règles similaires aux règles françaises s’agissant des infractions. Des peines d’amende sont systématiquement prévues en cas de non‑respect de la réglementation routière.

Concernant la vitesse de conduite, l’article 42 de la loi sur la sécurité routière dispose que les véhicules motorisés ne doivent pas dépasser la vitesse maximale indiquée par le panneau de limitation de vitesse lorsqu’ils circulent sur route (120 kilomètre par heure sur autoroute, 80 km/h hors agglomération, 50 km/h en agglomération). En cas de conduite de nuit ou sur des sections dangereuses, ou lors de conditions météorologiques difficiles, la vitesse de conduite doit être réduite.

Concernant la conduite en état d’ébriété ([12]), la conduite après consommation d’alcool entraîne une suspension temporaire de six mois du permis de conduire et une amende comprise entre 1000 et 2000 yuans, soit entre 130 et 260 euros. Si un accident de la circulation majeur survient en raison de la conduite d’un véhicule motorisé après consommation d’alcool ou en état d’ébriété, ce qui constitue un délit, la responsabilité pénale du conducteur est engagée selon la loi, et les services de la gestion routière chinoise procèdent au retrait du permis de conduire, avec interdiction à vie de détenir un nouveau permis pour véhicules motorisés.

Concernant le port de la ceinture de sécurité, l’article 51 de la loi sur la sécurité routière dispose qu’elle est obligatoire lors de la conduite d’un véhicule à moteur pour le conducteur et les passagers. De même, les conducteurs de motocycles et leurs passagers doivent obligatoirement porter un casque de sécurité.

Les administrations locales et les établissements scolaires doivent, en vertu de l’article 6 de la loi sur la sécurité routière, mener des campagnes de sensibilisation et de prévention. Cependant, selon les informations transmises par le Quai d’Orsay, ces campagnes sont limitées.

b.   Description de la situation actuelle pour les titulaires de permis de conduire français et chinois

En Chine, ni le permis de conduire français, ni le permis de conduire international ne sont reconnus, il est nécessaire d’avoir un permis de conduire chinois pour conduire sur le territoire national. Il est cependant possible d’obtenir un permis de conduire temporaire chinois permettant de conduire jusqu’à trois mois à compter de l’entrée sur le territoire auprès de la police des transports, sur présentation d’un permis français et de sa traduction en chinois.

Pour obtenir un permis de conduire chinois, les titulaires d’un permis français s’établissant en Chine doivent repasser l’examen du permis chinois sur place, ce qui peut généralement se faire en anglais dans les grandes villes.

En France, le permis de conduire chinois est reconnu durant une période d’un an à compter de l’établissement en France de la résidence normale de son titulaire, sous réserve qu’il soit accompagné d’un permis de conduire international ou d’une traduction en français. Pour pouvoir continuer à conduire sur le territoire national, les ressortissants chinois s’établissant en France doivent repasser l’examen du permis de conduire français. Aucune adaptation linguistique n’est, par ailleurs, prévue en France pour le passage des épreuves théoriques et pratiques.

c.   Négociations de l’accord avec la Chine

Les négociations avec la Chine ont débuté dès mars 2010, le cabinet du Premier ministre ayant émis le souhait de voir conclus des accords d’échange de permis de conduire avec tous les pays membres du G20. Ces négociations se sont néanmoins interrompues en 2011 alors que la France était engagée dans la transcription de la directive européenne 2006/126/CE relative au permis de conduire mais ont été relancées en 2014, à la demande de la Chine.

Un premier texte a été signé en février 2017 entre les deux pays sous la forme d’un arrangement administratif. Un accord intergouvernemental étant cependant devenu nécessaire suite à la décision précitée du Conseil d’État du 21 novembre 2016, de nouvelles discussions ont été menées avec les autorités chinoises, permettant d’aboutir à la signature du présent accord à Paris le 23 novembre 2018 entre le délégué interministériel à la sécurité routière et l’ambassadeur de la République populaire de Chine en France.

L’absence d’évaluation qualitative préalable concernant la Chine ne paraît pas poser de difficultés, dans la mesure où d’une part les négociations franco‑chinoises ont abouti avant la mise en place de ce prérequis et d’autre part le niveau d’exigence chinois en matière de sécurité routière est relativement similaire aux normes françaises. Suite aux interrogations de votre rapporteure, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a insisté sur le fait que la Chine disposait d’un code de la route très moderne et très proche de nos standards et qu’il en allait de même s’agissant des infrastructures routières et de la formation des automobilistes.

 

 


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II.   Les stipulations des accords avec le Qatar et avec la chine

A.   LES stipulations de l’accord franco-qatarien

1.   La reconnaissance réciproque des permis de conduire

a.   Les conditions de la reconnaissance

L’article 1 fixe les principes généraux du présent accord. Il indique que les ressortissants des deux pays signataires, disposant d’un permis de conduire national en cours de validité et régulièrement délivré dans leur pays d’origine, se voient reconnaître temporairement le droit de conduire sur le territoire du pays d’accueil. Il indique également que les ressortissants des deux pays signataires sont autorisés à échanger leur permis de conduire selon les modalités prévues par le présent accord.

Cet article précise, en outre, que les Parties peuvent soumettre à des restrictions le droit de conduire du titulaire du permis lorsqu’il apparaît évident ou qu’il est prouvé que ce dernier n’est pas en état de conduire en sécurité ou si l’État qui lui a délivré le permis ne lui reconnaît plus la capacité de conduire.

L’article 2 énumère les conditions de reconnaissance réciproque des permis de conduire :

-         le permis doit être en cours de validité ;

-         le permis doit avoir été délivré par les services compétent en charge des permis de conduire ;

-         le permis doit correspondre à un modèle encore en vigueur sur le territoire de l’État de délivrance ;

-         le permis doit avoir été délivré pendant une période au cours de laquelle le titulaire avait sa résidence légale et normale dans cet État ;

-         le permis ne doit pas faire l’objet de mesure de restrictions tels que la suspension, le retrait ou l’annulation de la part des autorités de l’État de délivrance ou des autorités de l’État d’accueil ;

-         le permis ne doit pas correspondre à un permis d’élève-conducteur ou à un permis délivré par les autorités militaires ;

-         le permis ne doit pas avoir été détérioré au point d’en rendre les informations essentielles illisibles ;

-         le permis doit être accompagné d’une traduction officiellement reconnue ou d’un permis de conduire international ou doit contenir des informations identiques en anglais.

En outre, selon les termes de cet article, pour bénéficier des dispositions du présent accord les intéressés doivent notamment être en mesure de justifier de la légalité de leur statut et de leur droit au séjour sur le territoire de l’État d’accueil notamment par la présentation de son passeport, de son visa ou de son titre de séjour valides.

b.   La durée de la reconnaissance

L’article 3 porte sur la durée de la période reconnaissance réciproque des permis de conduire.

En France, tout titulaire d’un permis de conduire qatarien peut conduire sur le territoire national un véhicule correspondant aux catégories couvertes par son permis pendant un an à compter de l’établissement de sa résidence normale en France.

Au Qatar, tout titulaire d’un permis de conduire français peut conduire sur le territoire qatarien un véhicule correspondant aux catégories couvertes par son permis pendant un an à compter de l’établissement de sa résidence normale au Qatar.

Il est précisé que « tout titulaire d’un permis de conduire délivré par l’une des deux Parties bénéficie des dispositions du présent article sans être soumis à aucune obligation d’examen, de formation initiale ou de visite médicale ».

Au‑delà d’une période d’une année de résidence permanente dans le pays d’accueil, les intéressés devront, selon la catégorie de permis concernée, soit avoir sollicité auprès des autorités compétentes de l’État d’accueil un échange de permis soit en avoir obtenu un par l’examen en vigueur dans la législation locale.

À titre dérogatoire, l’article 4 octroie une reconnaissance étendue des permis de conduire pour certaines catégories de conducteurs tels que les étudiants et les diplomates pendant toute la durée de leurs études ou de leurs missions.

2.   L’échange des permis de conduire

a.   Les conditions de l’échange

L’article 5 fixe les conditions de l’échange de permis de conduire pour les résidents pour les seules catégories A et B du permis de conduire français et les catégories moto et voiture du permis qatarien. Tout titulaire d’un permis français ou qatarien valide relevant de l’une des catégories énoncées précédemment, dont la résidence principale est située dans le pays d’accueil, peut solliciter – sans examen, ni formation – l’échange de ce permis afin d’en obtenir un auprès des autorités locales.

Les permis de conduire étrangers valablement délivrés sont reconnus durant un an, permettant aux titulaires ayant échangé leur permis français à l’étranger de conduire à l’occasion de courts séjours sur le territoire national ou au moment du rétablissement de leur résidence normale en France.

b.   Les infractions

L’article 6 précise que le droit applicable en cas de violation des lois et règlements relatifs à la circulation routière est celui du lieu où a été commise l’infraction.

c.   La procédure d’authentification

L’article 7 porte sur l’authentification du permis de conduire présenté pour échange et précise que les Parties s’engagent à transmettre toute information relative à leur permis de conduire – modèle et format notamment – ainsi qu’à communiquer les méthodes permettant d’authentifier leurs titres respectifs. Les Parties s’engagent également en cas de doute sur l’authenticité d’un permis ou sur la validité des droits qui y sont associés à répondre dans les plus brefs délais à une demande de vérification soumise par l’autre Partie.

L’article 8 porte sur la désignation d’un organisme de contact pour chacune des Parties impliquant une transmission de ses coordonnées et de son adresse électronique.

L’article 9 institue un principe de confidentialité des informations et techniques d’authentification échangées dans le cadre du présent accord.

d.   Les dispositions finales

L’article 10 prévoit une possibilité de suspension de tout ou partie du présent accord pour des raisons « de sécurité routière, de sécurité nationale, d’intérêt national, d’ordre public ou de santé public notamment ». La suspension prend effet au bout de quinze jours à compter de sa notification écrite à l’autre Partie par la voie diplomatique.

L’article 11 prévoit une possibilité de modification du présent accord. Cela peut être fait à tout moment « par écrit, par voie diplomatique et par accord entre les Parties ». L’article précise sur ce point que « toute modification reste sans influence sur les droits dont ont bénéficié les Parties et sur les obligations auxquelles elles ont été soumises par le présent accord ».

L’article 12 traite de manière classique la question du règlement des différends entre les Parties, c’est‑à‑dire « à l’amiable par la voie diplomatique ».

Enfin l’article 13 porte sur l’entrée en vigueur et la fin du présent accord. Celui-ci est conclu pour une durée de cinq ans renouvelable tacitement pour des durées analogues et entre en vigueur quatre-vingt-dix jours après réception de la dernière notification, par voie diplomatique, de l’accomplissement par chacune des Parties, des procédures internes de ratification.

Les autorités qatariennes ont notifié à la partie française l’accomplissement de leurs procédures internes nécessaire à l’entrée en vigueur de l’accord le 10 avril 2019.

Par ailleurs, chaque Partie peut dénoncer le présent accord avec un préavis de deux mois en le notifiant à l’autre partie par la voie diplomatique.

B.   LES stipulations de l’accord franco-chinois

1.   La reconnaissance réciproque des permis de conduire

a.   Les conditions de la reconnaissance

L’article 1 fixe les principes généraux du présent accord. Il indique que les ressortissants des deux pays signataires, disposant d’un permis de conduire national en cours de validité et régulièrement délivré dans leur pays d’origine, se voient reconnaître temporairement le droit de conduire sur le territoire du pays d’accueil. Il indique également que les ressortissants des deux pays signataires sont autorisés à échanger leur permis de conduire selon les modalités prévues par le présent accord.

Cet article précise, en outre, que les Parties peuvent soumettre à des restrictions le droit de conduire du titulaire du permis lorsqu’il apparaît évident ou qu’il est prouvé que ce dernier n’est pas en état de conduire en sécurité ou si l’État qui lui a délivré le permis ne lui reconnaît plus la capacité de conduire.

L’article 2 énumère les conditions de reconnaissance réciproque des permis de conduire :

- le permis doit être en cours de validité et avoir été délivré par les services compétent en charge des permis de conduire ;

- le permis doit correspondre à un modèle encore en circulation sur le territoire de l’État de délivrance ;

- le permis doit avoir été délivré pendant une période au cours de laquelle le titulaire avait sa résidence habituelle dans cet État ;

- le permis ne doit pas faire l’objet de mesure de restrictions tels que la suspension, le retrait ou l’annulation de la part des autorités de l’État de délivrance ou des autorités de l’État d’accueil ;

- le permis ne doit pas correspondre à un permis d’élève-conducteur ou à un permis délivré par les autorités militaires ;

- le permis ne doit pas avoir été détérioré au point d’en rendre les informations essentielles illisibles ;

- le permis doit être accompagné d’une traduction reconnue officiellement.

En outre, selon les termes de cet article, pour bénéficier des dispositions du présent accord les intéressés doivent notamment être en mesure de justifier de la légalité de leur statut et de leur droit au séjour sur le territoire de l’État d’accueil notamment par la présentation de son passeport, de son visa ou de son titre de séjour valides.

b.   La durée de la reconnaissance

L’article 3 porte sur la durée de la période reconnaissance réciproque des permis de conduire.

En France, tout titulaire d’un permis de conduire chinois peut conduire sur le territoire national un véhicule correspondant aux catégories couvertes par son permis pendant un an à compter de l’établissement de sa résidence normale en France.

En Chine, le titulaire d’un permis français ne pourra pas, en revanche, directement conduire avec celui‑ci mais devra au préalable solliciter auprès des autorités chinoises, une autorisation de conduite temporaire valable un an, pour la conduite d’un véhicule correspondant aux catégories couvertes par son permis.

Au‑delà de cette période, les intéressés devront solliciter la délivrance d’un permis de conduire local par échange, s’ils souhaitent continuer à conduire dans l’État d’accueil.

Il est précisé que « tout titulaire d’un permis de conduire délivré par l’une des deux Parties bénéficie des dispositions du présent article sans être soumis à aucune obligation d’examen, de formation préalable ou de visite médicale ».

À titre dérogatoire, l’article 4 octroie une reconnaissance étendue des permis de conduire pour certaines catégories de conducteurs tels que les étudiants et diplomates pendant toute la durée de leurs études ou de leurs missions.

2.   L’échange des permis de conduire

a.   Les conditions de l’échange

L’article 5 fixe les conditions de l’échange des permis de conduire pour les résidents. Tout titulaire d’un permis français ou chinois valide, dont la résidence principale est située dans le pays d’accueil, peut solliciter – sans examen, ni formation – l’échange de ce permis afin d’en obtenir un auprès des autorités locales.

Le présent accord ne permet l’échange auprès des autorités françaises qu’avec les permis chinois conformes à la norme GA482 délivrés à compter du 1er avril 2008.

Le présent accord ne permet l’échange auprès des autorités chinoises qu’avec les permis de conduire français au format de l’Union européenne délivrés à compter du 16 septembre 2013. Les titulaires de permis antérieurs au format de l’Union européenne doivent, pour bénéficier des dispositions du présent accord, en solliciter le renouvellement. Le renouvellement d’un permis de conduire français depuis l’étranger est possible à la condition que son titulaire maintienne ou ait encore en France sa résidence normale. En tout état de cause, les titulaires ayant déjà transféré leur résidence normale en Chine à la date d’entrée en vigueur du présent accord ne pourront pas bénéficier de l’échange de leur permis de conduire français.

Les permis de conduire étrangers valablement délivrés sont reconnus durant un an, permettant aux titulaires ayant échangé leur permis français à l’étranger de conduire à l’occasion de courts séjours sur le territoire national ou au moment du rétablissement de leur résidence normale en France.

b.   Les infractions

L’article 6 précise que le droit applicable en cas de violation des lois et règlements relatifs à la circulation routière est celui du lieu où a été commise l’infraction.

c.   La procédure d’authentification

L’article 7 porte sur l’authentification du permis de conduire présenté pour échange et précise que les Parties s’engagent à transmettre toute information relative à leur permis de conduire – modèle et format notamment – ainsi qu’à communiquer les méthodes permettant d’authentifier leurs titres respectifs. Les Parties s’engagent également en cas de doute sur l’authenticité d’un permis ou sur la validité des droits qui y sont associés à répondre dans les plus brefs délais à une demande de vérification soumise par l’autre Partie.

L’article 8 institue un principe de confidentialité des informations et techniques d’authentification échangées dans le cadre du présent accord.

d.   Les dispositions finales

L’article 9 prévoit une possibilité de suspension de tout ou partie du présent accord pour des raisons « de sécurité routière, de sécurité nationale, d’intérêt national, d’ordre public ou de santé publique notamment ». La suspension prend effet au bout d’un mois à compter de sa notification écrite à l’autre Partie par la voie diplomatique.

L’article 10 prévoit une possibilité de modification du présent accord. Cela peut être fait à tout moment « par écrit, par voie diplomatique et par accord mutuel entre les Parties ». L’article précise sur ce point que « toute modification restera sans influence sur les droits dont ont bénéficié les Parties et sur les obligations auxquelles elles ont été soumises par le présent accord ».

L’article 11 traite de manière classique la question du règlement des différends entre les Parties, c’est-à-dire « à l’amiable par la voie diplomatique ».

Enfin l’article 12 porte sur l’entrée en vigueur et la fin du présent accord. Celui‑ci est conclu pour une durée indéterminée et entre en vigueur quatre‑vingt‑dix jours après réception de la dernière notification, par voie diplomatique, de l’accomplissement par chacune des Parties, des procédures internes de ratification.

Les autorités chinoises ont notifié à la partie française l’accomplissement de leurs procédures internes nécessaire à l’entrée en vigueur de l’accord le 10 mai 2019.

Par ailleurs, chaque Partie peut dénoncer le présent accord avec un préavis de deux mois en le notifiant à l’autre partie par la voie diplomatique.

 

 


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   Examen en commission

Le mercredi 31 mars 2021, la commission examine, sur le rapport de Mme Amélia Lakrafi, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (n° 3525).

M. le président Jean-Louis Bourlanges.  Ces textes visent à faciliter l’obtention d’un permis de conduire dans son État de résidence en simplifiant, d’une part, la procédure de reconnaissance du permis de conduire obtenu dans son État d’origine, d’autre part, en permettant l’échange des permis de conduire avec ceux de l’État de résidence ou de travail, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent avec le Qatar et la Chine. Ces conventions ont été rendues nécessaires par un arrêt de 2016 du Conseil d’État demandant l’établissement d’accords intergouvernementaux pour procéder à ces opérations, afin que le cadre juridique soit suffisamment sûr. Comme notre rapporteure le souligne dans son rapport, plus de 20 000 Français sont établis au Qatar et en Chine et plus de 125 000 Chinois disposent d’un titre de séjour en France : ces nouvelles dispositions sont donc attendues avec impatience.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Le présent projet de loi, qui autorise l’approbation de ces deux accords, a été examiné et approuvé par le Sénat le 4 novembre 2020. L’objectif de ces accords est de sécuriser juridiquement le dispositif français de reconnaissance et d’échange de permis de conduire, de renforcer la sécurité routière sur notre territoire et de lutter contre la fraude documentaire. Ils revêtent l’un et l’autre un caractère pionnier, puisque le seul accord intergouvernemental existant à ce jour en la matière est celui conclu avec la principauté de Monaco. Ces deux accords inaugurent ainsi un mouvement de révision globale du dispositif de reconnaissance et d’échange des permis de conduire, qui devrait permettre de fluidifier et de sécuriser le traitement des demandes tout en améliorant le service rendu aux usagers. En outre, il constitue un progrès important pour nos ressortissants établis ou s’installant en Chine ou au Qatar, puisqu’aucun échange de permis de conduire n’était jusque-là possible avec ces deux pays.

La reconnaissance d’un permis de conduire étranger est le mécanisme par lequel un État autorise le titulaire d’un permis de conduire régulièrement délivré par un autre État à conduire sur son territoire. La durée de cette reconnaissance est, en général, assez brève. L’arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d’échange des permis de conduire délivrés par les États n’appartenant ni à l’Union européenne ni à l’Espace économique européen prévoit la reconnaissance des permis de conduire étrangers pour une durée d’un an à compter de l’établissement par son titulaire de sa résidence en France, soit dix-huit mois au plus. Tout conducteur titulaire d’un permis étranger non européen qui souhaite conduire plus longtemps sur notre territoire doit, avant l’expiration de ce délai, obtenir un permis de conduire français, soit en passant l’examen, soit en recourant au mécanisme d’échange de permis, lequel, lorsqu’il est prévu dans la réglementation, permet à son titulaire d’obtenir, par suite de son installation durable dans le pays d’accueil, un permis de conduire local sur simple présentation du titre délivré par les autorités de son pays d’origine.

En France, l’échange de permis de conduire s’effectue essentiellement en vertu d’arrangements administratifs, voire sur le simple fondement de la réciprocité. En octobre 2019, il était pratiqué avec 116 territoires ou États tiers, alors que nos principaux partenaires européens qui fondent cet échange sur des accords bilatéraux ne le pratiquent qu’avec une dizaine de pays en moyenne. Dans un arrêt du 21 novembre 2016, le Conseil d’État a souligné l’insuffisance juridique de la pratique actuelle et rappelé la nécessité de fonder les mécanismes de reconnaissance et d’échange de permis de conduire sur la base d’accords intergouvernementaux. En conséquence, une révision du dispositif français a été engagée au début de l’année 2018 par le ministère de l’intérieur et par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ce processus de refonte globale a été pensé dans un triple objectif : améliorer la sécurité juridique du dispositif de reconnaissance et d’échange de permis, grâce à la conclusion d’accords bilatéraux ; étendre la durée de reconnaissance des permis français dans les États signataires ; renforcer la sécurité routière et la lutte contre la fraude documentaire en ne concluant de tels accords qu’avec des États satisfaisant à des critères élevés en matière de formation, de sécurisation des titres et de conditions de délivrance des permis de conduire.

Les deux accords soumis à l’examen de notre commission s’inscrivent dans ce cadre. Ils constituent pour les Français installés au Qatar et en Chine une amélioration très significative, que je tiens à saluer. Grâce à eux, les titulaires d’un permis de conduire français qui s’installeront dans l’un ou l’autre des pays n’auront plus besoin, comme c’était le cas jusqu’à présent, de repasser localement le permis de conduire. De même, un Français qui obtiendrait son permis de conduire au Qatar ou en Chine, par exemple parce que ses parents y résident, n’aura pas à le repasser en rentrant en France. Il s’agit, par conséquent, d’un progrès majeur, qui va considérablement faciliter la vie et la mobilité des quelque 5 500 Français résidant au Qatar et des 15 000 qui résident en Chine – même si, dans les faits, le Qatar a déjà commencé à appliquer cet accord. Les députés des Français de l’étranger sont très souvent saisis de questions relatives aux difficultés rencontrées pour échanger les permis de conduire, ce qui complique considérablement le quotidien de nos compatriotes résidant à l’étranger. Je mesure d’ailleurs l’attente soulevée par ces deux accords au nombre de courriels que je reçois depuis que l’Assemblée nationale a inscrit l’examen de ce projet de loi à son ordre du jour.

Le processus de ratification étant déjà achevé par les deux autres parties, je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l’approbation de ces deux accords qui permettront d’offrir de meilleures conditions d’expatriation à nos ressortissants et faciliteront leur insertion professionnelle et sociale dans leur pays d’accueil. Ils permettront, en outre, de rendre notre pays économiquement plus attractif en offrant la réciprocité aux ressortissants qatariens et chinois s’établissant en France.

Mme Valérie Thomas. J’interviens à la place de ma collègue Anne Genetet, malheureusement retenue. En son nom, je tiens à saluer ces accords et à exprimer la très grande satisfaction de la communauté française installée en Chine que ce texte soit examiné par notre commission ce matin ; elle en suit avec une attention extrême la trajectoire depuis la conclusion d’un arrangement sur le sujet entre la France et la Chine en février 2017. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a travaillé en concertation avec les acteurs et tenu les députés de l’étranger informés de l’évolution du dossier. Nous ne pouvons que saluer cette manière de procéder.

Pourquoi passer par un projet de loi ? Parce qu’en novembre 2016, le Conseil d’État a rappelé la nécessité de fonder la reconnaissance et les échanges de permis de conduire sur des accords intergouvernementaux. Jusqu’à cette date, la reconnaissance et les échanges reposaient très majoritairement sur de simples arrangements administratifs, voire sur le seul principe de réciprocité, sans que les modalités ne soient formalisées par écrit. On rappellera, à cette occasion, que le permis de conduire est un diplôme, et non une banale attestation de compétence. L’avis du Conseil d’État était donc bienvenu. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères en a pris bonne note et il s’attache, depuis lors, à réviser le dispositif existant.

Si ces accords sont approuvés, les ressortissants des pays signataires qui disposeront d’un permis de conduire de leur pays d’origine délivré régulièrement et en cours de validité se verront reconnaître temporairement le droit de conduire sur le territoire de l’État d’accueil et auront la possibilité d’échanger leur permis de conduire s’ils souhaitent s’y installer durablement, et cela selon des modalités spécifiques à chacun des accords. Par exemple, l’échange de permis de conduire avec la Chine ne sera possible que pour les permis de conduire délivrés après le 1er avril 2008 pour une question de respect des normes de sécurité ; ceux qui disposent d’un permis plus ancien devront repasser l’examen. C’est une réelle avancée en matière de mobilité internationale et une très bonne nouvelle pour nos concitoyens qui souhaitent partir dans l’un de ces pays ou en revenir : leurs démarches s’en trouveront grandement facilitées.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera en faveur du projet de loi.

Une question, pour finir : madame la rapporteure, avez-vous connaissance d’accords du même type qui seraient en cours de négociation entre la France et d’autres pays ?

M. Didier Quentin. Je félicite la rapporteure pour son exposé remarquable, qui nous a permis de comprendre que ce projet de loi de ratification visait à répondre non seulement à l’avis de novembre 2016 du Conseil d’État mais aussi, et surtout, à satisfaire la forte attente de nos compatriotes – comme l’a montré l’abondant courrier reçu par nos collègues députés des Français établis à l’étranger – qui vivent et travaillent au Qatar et en Chine : ils sont 5 500 au Qatar, un chiffre étonnamment élevé, et 15 000 en Chine. La question revêt un enjeu particulier du fait des importants déplacements attendus vers ces deux pays pour des raisons sportives, puisque le Qatar va organiser la prochaine coupe du monde de football – ce qui suscite beaucoup de questions, et même une demande de boycott de la part d’une formation politique – et la Chine, les Jeux olympiques d’hiver.

Une question, toutefois. Le Qatar est très proche de l’Arabie saoudite, où, pendant longtemps, les femmes n’étaient pas autorisées à conduire. Qu’en est-il au Qatar ?

Sous réserve d’une réponse positive à cette question – ce dont je ne doute pas –, le groupe Les Républicains votera en faveur du projet de loi.

M. Michel Fanget. Je remercie, moi aussi, la rapporteure pour sa présentation dynamique et claire de deux accords qui ne sont pas que techniques. D’abord, ils s’inscrivent dans la volonté de la France de sécuriser juridiquement son dispositif de reconnaissance et d’échange de permis de conduire : la conclusion d’accords intergouvernementaux en bonne et due forme assure en effet un niveau de sécurité routière élevé et préserve contre la fraude documentaire. Ensuite, ces accords permettront de mettre fin aux conditions asymétriques de reconnaissance et d’échange des permis de conduire entre nos trois pays. Enfin, ils simplifieront la mobilité et l’établissement des ressortissants de chaque partie dans le territoire de l’autre partie – ce dernier aspect étant sans doute le plus important.

Ces accords permettront, en définitive, de rendre la France économiquement plus attractive et de faciliter la mobilité de nos ressortissants et de nos entreprises à l’étranger. Le Qatar et la Chine sont des partenaires clés pour la France, avec lesquels nous devons approfondir nos relations et ouvrir de nouvelles opportunités économiques. Le groupe MODEM et Démocrates apparentés votera sans restriction pour le projet de loi.

M. Jérôme Lambert. On peut comprendre l’intérêt que ces accords représentent pour nos compatriotes résidant en Chine et au Qatar, et nous sommes évidemment favorables à leur ratification. Compte tenu de l’uniformisation des modes de vie, le permis de conduire est devenu indispensable partout dans le monde.

Comme il se trouve que je connais un peu le Qatar, je me permettrai de répondre à la question de mon collègue de Charente-Maritime : oui, monsieur Quentin, les femmes conduisent au Qatar, et cela depuis un certain temps.

M. Jean-Michel Clément. Le groupe Libertés et Territoires accueille favorablement ce texte : la révision du dispositif français des échanges de permis de conduire nous apparaît non seulement souhaitable mais nécessaire. Elle permettra de sécuriser juridiquement ces échanges et de lutter contre la fraude documentaire. Autre intérêt qui peut paraître annexe mais qui n’est pas sans importance, c’est qu’elle renforcera la sécurité routière ; on se rapproche de l’application de normes internationales en matière de sécurité routière. Espérons, de ce point de vue, que ces deux accords soient les prémices d’autres conventions bilatérales.

Votre état des lieux, madame la rapporteure, est très instructif : on voit bien les difficultés actuelles. Avec la dématérialisation, la fraude gagne.

Aujourd’hui, les pratiques peuvent être très différentes d’un pays à l’autre. En général, on délivre une autorisation provisoire pour quelques mois voire un an, puis il faut faire de nouveau valider son permis, mais les divergences peuvent être importantes : certains pays refusent la validation, les délais varient beaucoup… Se dirigerait-on vers un mécanisme standard tendant à autoriser automatiquement la conduite dans un autre pays dès lors qu’il y a réciprocité, en dépit du fait que ce n’est pas parce qu’on sait conduire dans son pays qu’on sait conduire à l’étranger ? Quoi qu’il en soit, ces accords permettront à nos compatriotes d’obtenir une égalité de droits et de devoirs avec les ressortissants des deux autres parties.

Étant soucieux de faciliter la vie de nos ressortissants, nous voterons en faveur du projet de loi.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mme Anne Genetet ayant réussi à se libérer, peut-être voudra-t-elle dire un mot à titre personnel ?

Mme Anne Genetet. Avec plaisir, monsieur le président. Je vous remercie de me donner la possibilité de porter devant la commission la voix des Français de Chine.

La reconnaissance mutuelle des permis de conduire était attendue par eux depuis des années. Ce fut d’ailleurs l’objet des premières demandes dont j’ai été saisie après mon élection. Et pour répondre aux inquiétudes de Jean-Michel Clément, je puis vous assurer que lorsqu’on sait conduire en Chine, on peut, à mon avis, tout faire en France, y compris prendre la place de l’Étoile en sens inverse !

Nos concitoyens vivant en Chine sont donc soulagés, car la non-reconnaissance réciproque des permis de conduire provoquait de grandes complications administratives, leur ôtant parfois la possibilité de conduire à leur retour en France. Il est heureux que ce projet de loi arrive enfin devant notre Assemblée.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Je l’ai dit dans mon propos liminaire, la France n’avait conclu antérieurement qu’un seul accord de ce type, avec la principauté de Monaco. D’autres sont en cours de négociation avec le Chili et avec les États-Unis, plus particulièrement avec Washington DC et avec l’État de Virginie-Occidentale.

Je vous confirme ce qu’a dit Jérôme Lambert, monsieur Quentin : les femmes conduisent au Qatar depuis les années 1990, les Saoudiennes pouvant le faire depuis 2018.

Certes, monsieur Clément, les routes ne sont pas partout les mêmes, mais l’être humain est, je le pense, une espèce extrêmement adaptable. En outre, ce type d’accord n’est pas conclu à la légère et nos agents font leur travail avec beaucoup de sérieux. La Chine et le Qatar font preuve d’un très haut niveau de sécurité routière, et bien que la Chine n’ait pas signé la convention de Vienne de 1968, nos agents ont estimé que les routes et les panneaux de signalisation chinois étaient similaires aux nôtres et que conduire en Chine ne présentait pas de difficulté particulière pour un Français.

Article 1er 

La commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 

La commission adopte l’article 2 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.

 

 

 


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   Annexe n° 1 : texte adopté par la commission

 

Article 1er

Est autorisée l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar (ensemble quatre annexes), signé à Paris le 6 juillet 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 2

Est autorisée l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (ensemble quatre annexes), signé à Paris le 23 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 


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   Annexe n° 2 : Évolution du traitement des dossiers « papier »

Tableau décrivant l’évolution du traitement des stocks de dossiers « papier » de demandes d’échange de permis au CERT de Nantes de 2017 à 2020

 

Source : ANTS, DEMAT et DSR.

 


   Annexe n° 3 : Pays non européens avec lesquels
l’échange est le plus pratiqué

pays ([13]) de délivrance des permis de conduire non européens les plus échangés 2017‑2019

Source : ANTS, DEMAT et DSR.

 


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   Annexe n° 4 : Documents frauduleux détectés

Année

Total de faux permis étrangers

Pourcentage de permis européens (arrondi)

Pays les plus représentés

2017

2141

4

Afghanistan : 648

Syrie : 136

Tunisie : 101

Soudan :90

Mali : 80

2018

3808

6

Afghanistan : 1295

Soudan : 295

Syrie : 237

Turquie :135

Algérie : 129

2019

8291

2,55

Mali : 2377

Soudan : 735

Sénégal : 340

Maroc : 245

Syrie : 238

2020

2187

1,5

Soudan : 810

Tunisie : 371

Maroc :229

Mauritanie : 124

Burundi : 92

Source : DCPAF.

 

 


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   Annexe n° 5 : liste des personnes auditionnées et des contributions écrites

Audition :

   Mme Anne-Gaëlle Baudouin, préfète, directrice de l’ANTS.

   M. Wassim Kamel, sous-directeur de l'éducation routière et du permis de conduire.

   Mme Audrey Baconnais‑Rosez, cheffe du bureau de la qualité et du pilotage de la performance de l'administration territoriale.

 

Contribution écrite :

 

 


([1]) https://unece.org/fileadmin/DAM/trans/conventn/Conv_road_traffic_FR.pdf

([2]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32006L0126

([3]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000025175223/

([4]) La résidence normale est située dans le pays où la personne intéressée demeure régulièrement plus de 6 mois, soit 185 jours minimum, par année civile, du fait d’attaches personnelles ou professionnelles.

([5]) Si la date d’installation en France est de moins de six mois.

([6]) Voir en annexes le tableau décrivant l’évolution du traitement des stocks de dossiers « papier » de demandes d’échange de permis au CERT de Nantes de 2017 à 2020.

([7]) L’écart important constaté est dû aux problèmes de traitement des stocks de dossiers « papier ».

([8]) Voir en annexes le tableau récapitulant, pour la même période, les dix pays de délivrance des permis de conduire non européens les plus échangés.

([9]) https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1460

([10])https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/liste_permis_de_conduire_valables_a_l_echange_20200331_cle89bfda.pdf

([11]) Conseil d’Etat, 5e – 4e chambres réunies, 21/11/2016, 382484, Publié au recueil Lebon.

([12]) Le taux d’alcoolémie doit être inférieur à 0,2 gramme d’alcool par litre de sang.

([13])  les permis de conduire délivrés par la Syrie ne sont plus échangés depuis octobre 2019 et ceux délivrés par Madagascar et le Sénégal ne sont plus échangés depuis avril 2020. À partir d’avril 2019, les permis délivrés par l’Afghanistan ne sont plus échangeables.