Logo2003modif

N° 4035

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mars 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion,

 

 

Par MPaul MOLAC,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 2548, 2654 et T.A. 408.

2e lecture : 3658.

Sénat :  1re lecture : 321 (2019-2020), 176, 177 et T.A. 32 (2020-2021).


—  1  —

SOMMAIRE

___

  Pages

AVANT-PROPOS

Principaux apports de la commission  en deuxiÈme lecture

examen des articles

Article 2 ter (nouveau) Enseignement immersif

Article 2 quater (nouveau) Application de l’article L. 312-10 du code de l’éducation à Mayotte

Article 2 quinquies (nouveau) Participation financière des communes à la scolarisation d’enfants résidant sur leur territoire dans un établissement privé du premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale situé sur le territoire d’une autre commune

Article 3 (rétabli) Enseignement des langues régionales dans le cadre de l’horaire normal des écoles et établissements d’enseignement


—  1  —

    

   AVANT-PROPOS

Près d’un an après l’examen et l’adoption en première lecture à l’Assemblée nationale, en février 2020, de la proposition loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, le texte a également été examiné et adopté en première lecture par le Sénat le 10 décembre 2020. Il est, aujourd’hui, soumis à l’examen en deuxième lecture de l’Assemblée nationale.

Les débats tenus au Sénat ont témoigné du consensus et de l’accord profond entre les deux chambres du Parlement sur ce sujet sensible et particulièrement important, tant à l’échelle de chacun de nos territoires qu’à celle de la Nation et de l’Europe.

Le texte soumis au Sénat comportait sept articles (1er, 2, 2 bis, 8, 9, 11 et 12), qui tous ont été adoptés conformes, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Six articles avaient été supprimés à l’Assemblée, dont un seul, l’article 3, a été rétabli, dans une forme proche de celle issue de la proposition de loi initiale. En outre, le Sénat a adopté trois articles additionnels (2 ter, 2 quater et 2 quinquies), qui rejoignent parfaitement les positions du rapporteur et s’inscrivent pleinement dans l’esprit et l’ambition du texte.

C’est pourquoi le rapporteur souhaite que l’Assemblée nationale adopte, en deuxième lecture, un texte identique à celui voté par le Sénat pour les quatre articles restant en discussion : il ne présentera donc pas d’amendement ni ne donnera d’avis favorable à ceux qui pourraient être déposés.

Il s’agit, en effet, de garantir l’adoption aussi rapide que possible d’un texte qui permet de grandes avancées pour la promotion et la protection des langues régionales, non pas seulement aux plans symbolique et politique – comme au travers de la reconnaissance des biens présentant un intérêt majeur pour la connaissance des langues régionales parmi les trésors nationaux – mais également de manière très concrète et pratique – comme au travers de l’autorisation de l’utilisation des signes diacritiques dans les actes d’état civil, de l’enseignement des langues régionales sur l’horaire scolaire normal, ou encore de l’extension du forfait scolaire.

L’entrée en vigueur de ces dispositions assurera un cadre favorable au développement des langues régionales qui constituent une véritable richesse pour le patrimoine national et doivent faire l’objet d’une protection et d’un soutien à la hauteur des bienfaits qu’elles assurent et des menaces d’extinction auxquelles elles sont confrontées.


 

Principaux apports de la commission
en deuxiÈme lecture

La commission a adopté le texte dans la rédaction du Sénat en ce qui concerne les articles 2 ter, 2 quater et 3.

Elle a en revanche, à l’initiative de Mme Géraldine Bannier, supprimé l’article 2 quinquies, ajouté par le Sénat, qui rend obligatoire la conclusion d’un accord de participation financière entre la commune de résidence d’un élève et un établissement privé d’enseignement du premier degré sous contrat d’association avec l’État dispensant un enseignement de langue régionale, situé sur le territoire d’une autre commune, dès lors que ladite commune de résidence ne propose pas un tel enseignement.

 


—  1  —

   examen des articles

Article 2 ter (nouveau)
Enseignement immersif

Adopté par la commission sans modification

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat en première lecture

Adopté en séance par le Sénat contre l’avis défavorable du Gouvernement, le nouvel article 2 ter ouvre la possibilité d’un enseignement dit « immersif », c’est‑à-dire effectué en langue régionale pour la plus grande partie du temps scolaire ou, selon les termes du Conseil constitutionnel, « qui ne se borne pas à enseigner une langue régionale, mais consiste à utiliser celle-ci comme langue d’enseignement général et comme langue de communication au sein de l’établissement » (décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, loi de finances pour 2002).

À cette fin, il modifie l’article L. 312-10 du code de l’éducation, qui prévoit deux formes d’enseignement des langues régionales – l’enseignement de la langue et de la culture régionales d’une part ; l’enseignement bilingue en langue française et en langue régionale, d’autre part – pour prévoir explicitement une troisième forme d’enseignement : l’enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française.

Il s’agit, pour les auteurs de l’amendement, d’assurer l’acquisition d’une seconde langue – celle-ci servant de support à l’enseignement d’un certain nombre de matières – sans remettre en cause l’acquisition et l’enseignement de la langue française. Les langues utilisées sont ainsi « acquises » et non simplement « apprises », et se renforcent mutuellement.

Si plusieurs réseaux d’écoles proposent ce type d’enseignement, notamment les écoles Diwan pour l’enseignement en breton, Bressola pour l’enseignement en catalan, Calandreta pour l’enseignement en occitan ou Seaska pour l’enseignement en basque, les filières d’enseignement immersif ne peuvent toutefois pas être proposées dans l’enseignement public à ce jour et sont ainsi circonscrites aux établissements privés.

L’article 2 ter permettrait, au contraire, aux établissements publics de proposer une filière d’enseignement immersif, au côté de filières « classiques ».

L’enseignement bilingue

La circulaire n° 2017-072 du 12 avril 2017 relative à l’enseignement des langues et cultures régionales définit l’enseignement bilingue de la manière suivante :

– à l’école, les classes bilingues français-langue régionale proposent, dès la petite section lorsque c’est possible, un cursus spécifique intensif, dans lequel la langue régionale est à la fois langue enseignée et langue d’enseignement dans plusieurs domaines d’activité et d’apprentissage. Ce cursus repose sur un principe de parité horaire hebdomadaire dans l’usage de la langue régionale et du français en classe, sans qu’aucune discipline ou aucun domaine disciplinaire autre que la langue régionale soit enseigné exclusivement en langue régionale ;

– au collège, dans le prolongement de l’école primaire et pour en assurer la continuité, des sections bilingues de langues régionales proposent un enseignement renforcé de la langue régionale d’une durée hebdomadaire d’au moins trois heures et un enseignement partiellement en langue régionale dans une ou plusieurs autres disciplines ; ce dispositif tend vers un enseignement à parité horaire. Dans le cadre du diplôme national du brevet, les élèves des sections bilingues français-langue régionale peuvent choisir de composer en langue régionale lors de l’épreuve écrite qui porte sur les programmes d’histoire, de géographie et d’enseignement moral et civique, pour les exercices ouvrant cette possibilité ;

– au lycée, les enseignements bilingues suivis dans les sections « langues régionales » de collège se poursuivent selon des modalités similaires. L’objectif visé est de permettre aux élèves d’atteindre un niveau d’« utilisateur expérimenté » à l’issue de leur scolarité secondaire.

En ouvrant une simple possibilité d’enseignement dit « immersif », la disposition introduite par l’article 2 ter ne contrevient aucunement à la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel : en effet, aucune décision n’a consacré de manière explicite le caractère inconstitutionnel de l’enseignement immersif ; seul son caractère obligatoire l’a été.

Ainsi, dans la décision du 27 décembre 2001 précitée, le Conseil constitutionnel indique clairement que « l’usage d’une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l’enseignement public, ni dans la vie de l’établissement, ni dans l’enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée » : pour le rapporteur, l’enseignement immersif tel qu’il est ici proposé répond à cette condition, dans la mesure où il ne serait pas imposé mais seulement proposé, au sein des établissements publics, au côté de filières classiques d’enseignement, la décision finale restant du ressort des personnes responsables de l’enfant.

De plus, dans la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 relative à la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, le Conseil constitutionnel affirme que l’insertion dans le temps scolaire de l’enseignement de la langue et de la culture corses ne porte atteinte à aucun principe à valeur constitutionnelle, dès lors qu’il ne revêt pas un caractère obligatoire ni n’a pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements concernés aux droits et obligations applicables à l’ensemble des élèves des établissements du service public de l’enseignement ou associés au service public de l’enseignement. Pour le rapporteur, l’enseignement immersif respecte également ces conditions et, dès lors, doit être considéré comme conforme à la Constitution.

Il convient, par ailleurs, de noter que ces décisions précèdent la révision constitutionnelle de 2008 introduite par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, qui insère, au sein d’un article 75-1 nouveau de la Constitution, la mention selon laquelle « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » : cette reconnaissance constitutionnelle ne peut qu’aller dans le sens d’une plus grande ouverture à l’enseignement immersif.

Les opposants à l’enseignement immersif avancent régulièrement une décision du Conseil d’État (décision du 29 novembre 2002 n° 238653) portant sur l’arrêté du 31 juillet 2001 relatif à la mise en place d’un enseignement bilingue en langues régionales soit dans les écoles, collèges et lycées « langues régionales » soit dans des sections « langues régionales » dans les écoles, collèges et lycées, et sur la circulaire du 5 septembre 2001 qui le complète, qui prévoient un enseignement « immersif ». L’arrêté, attaqué par plusieurs syndicats d’enseignants, prévoit que, dans des « zones d’influence des langues régionales », un enseignement bilingue dispensé selon la méthode dite « de l’immersion », peut être mis en place par le recteur d’académie pour la totalité des élèves des écoles, collèges et lycées « langues régionales » ; la circulaire du 5 septembre 2001 précise que « la langue régionale est langue d’enseignement et de vie quotidienne dans l’école » et, qu’à l’école maternelle, « l’ensemble des activités scolaires et leur accompagnement s’effectuent en intégralité dans cette langue », l’introduction du français s’effectuant progressivement.

Loin de contester la constitutionnalité de ces dispositions – ce qui ne relève pas de sa compétence – le Conseil d’État se borne à dire que de telles mesures règlementaires excèdent le cadre des dérogations prévues par le législateur, au sein des articles L. 121-3 et L. 312-11 du code de l’éducation qui disposent alors, respectivement, que « la langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères » et que « les maîtres sont autorisés à recourir aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles chaque fois qu’ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l’étude de la langue française », ces mesures allant, selon le Conseil d’État, au-delà des simples nécessités de l’apprentissage de la langue régionale prévues par le code de l’éducation.

Rien n’interdit cependant au législateur de modifier ces articles – il l’a fait à plusieurs reprises – ou d’introduire des dérogations plus larges à l’usage obligatoire du français au sein d’articles nouveaux, pour que de tels décrets, arrêtés ou circulaires ne soient pas, à l’avenir, considérés comme excédant le cadre fixé par la loi. Ainsi, la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République a notamment inscrit à l’article L. 312‑10 du Code de l’éducation la possibilité de procéder à un enseignement en langues régionale par la voie de l’option, ou selon un format bilingue.

Enfin, l’article L. 314-2 du code de l’éducation prévoit déjà que, dans le cadre de l’enseignement public, sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques, le projet d’école ou d’établissement peut prévoir la réalisation d’expérimentations portant sur l’enseignement dans une langue vivante, étrangère ou régionale. L’on peine à croire que de telles expérimentations seraient autorisées si leur généralisation était inconcevable en raison du caractère inconstitutionnel de la démarche… Ces expérimentations sont, de plus, loin d’être récentes ou marginales : comme l’indique notamment le rapport du Sénat sur la proposition de loi ([1]), ce sont ainsi 19 expérimentations immersives en langue basque, 6 en langue corse et une en langue catalane qui ont lieu actuellement dans des écoles publiques, et cela depuis 1995 pour cette dernière langue.

*

Article 2 quater (nouveau)
Application de l’article L. 312-10 du code de l’éducation à Mayotte

Adopté par la commission sans modification

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat en première lecture

Adopté en séance par le Sénat avec l’avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, cet article additionnel abroge l’article L. 372-1 du code de l’éducation, qui dispose que l’article L. 312-10 même code, reconnaissant les langues et cultures régionales comme appartenant au patrimoine de la France et favorisant leur enseignement dans les régions où elles sont en usage, n’est pas applicable à Mayotte.

Il s’agit de corriger une erreur de coordination juridique : en effet, l’ancien article LO6161-26 du code général des collectivités territoriales prévoyait des dispositions spécifiques relatives à l’enseignement de la langue mahoraise ([2]), justifiant la non-application à Mayotte de l’article L. 312-10 pour éviter toute redondance. Cependant, dans le cadre de la départementalisation de Mayotte, cette disposition a été abrogée par la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte, sans que la correction correspondante  l’extension de l’article L. 312-10 à Mayotte – ne soit opérée.

La modification apportée par l’article 2 quater corrige cette omission et permet ainsi, notamment, de donner au shimaoré et au kibushi, langues régionales très pratiquées à Mayotte, une reconnaissance égale à celle des autres langues régionales de la France métropolitaine et des outre-mers.

*

Article 2 quinquies (nouveau)
Participation financière des communes à la scolarisation d’enfants résidant sur leur territoire dans un établissement privé du premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale situé sur le territoire d’une autre commune

Supprimé par la commission

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat en première lecture

Adopté en séance par le Sénat avec l’avis favorable de la commission et contre l’avis défavorable du Gouvernement, le nouvel article 2 quinquies précise les dispositions du code de l’éducation relatives à la participation financière des communes à la scolarisation des élèves dans un établissement privé du premier degré – une école – sous contrat d’association d’une autre commune dispensant un enseignement de langue régionale.

La rédaction actuelle de l’article L. 442-5-1 du code de l’éducation, qui résulte de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance telle qu’issue de la commission mixte paritaire, dispose que « la participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale au sens du 2° de l’article L. 312-10 est une contribution volontaire » et que cette participation « fait l’objet d’un accord entre la commune de résidence et l’établissement d’enseignement situé sur le territoire d’une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d’école dispensant un enseignement de langue régionale ». À défaut d’accord, le préfet de département réunit le maire de la commune de résidence et le responsable de l’établissement concerné afin de permettre la résolution du différend en matière de participation financière, dans l’intérêt de la scolarisation des enfants concernés.

L’article 2 quinquies nouveau adopté par le Sénat modifie ce dispositif en supprimant la mention du caractère volontaire de la contribution et en rendant obligatoire la conclusion de l’accord de participation financière entre la commune de résidence et l’établissement d’enseignement. La condition que ladite commune ne dispose pas d’école dispensant un tel enseignement est en revanche maintenue.

Les auteurs des différents amendements – six amendements identiques – ont en effet estimé que la rédaction en vigueur ne permettait pas d’atteindre les objectifs affichés, en raison, notamment, du caractère volontaire de la contribution, source de nombreuses divergences d’interprétation et demandes d’arbitrages au préfet (près de 150 pour la seule région Bretagne). Ainsi, un grand nombre de maires refuseraient de verser la contribution, alors même que les engagements gouvernementaux, et l’esprit des débats, tendaient à rendre cette contribution automatique.

En effet, à l’issue des débats en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat sur le projet de loi pour une école de la confiance, l’article adopté, sous la numérotation provisoire 6 ter A, prévoyait une obligation d’accord de contribution financière sous réserve de l’accord de la conférence territoriale de l’action publique. Il insérait pour ce faire, à l’article L. 442-5-1, un alinéa ainsi rédigé : « En outre, après accord de la conférence territoriale de l’action publique, la participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale situés sur le territoire régional, fait l’objet d’un accord entre la commune d’accueil et la commune de résidence, à la condition que cette dernière ne dispose pas d’école dispensant un enseignement de langue régionale ».

Cette version semblait recueillir l’accord du Gouvernement : en réponse à plusieurs amendements tendant à modifier cet article, le ministre, M. Jean‑Michel Blanquer, avait donné un avis défavorable et rappelé les engagements du Premier ministre et les siens : « Lors de son récent déplacement en Bretagne, le Premier ministre a pris des engagements importants, qui ne sauraient être sous-estimés. Voici ce qu’il a déclaré à cette occasion : "[…] nous nous sommes mis d’accord, avec [le président du conseil régional de Bretagne], pour laisser aux communes de Bretagne, représentées au sein de la conférence territoriale de l’action publique, et à la CTAP plus globalement, le soin de se prononcer sur la possibilité d’élargir le forfait scolaire aux écoles bilingues sous contrat. Si les maires sont d’accord et que la CTAP émet un avis favorable, alors le Gouvernement en tiendra compte pour proposer les modifications législatives nécessaires" […]. Le texte qui vous est soumis traduit cette avancée, voulue par le Gouvernement. Le rapporteur a très bien résumé la situation : aujourd’hui, la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP, permet une forme de régulation […]. Le Premier ministre a pris un engagement très fort, inédit, qui trouve sa mise en œuvre au travers de l’article 6 ter A […]. Cet article représente un progrès énorme pour le développement du bilinguisme et nous sommes déterminés à le mettre en œuvre dans le respect des grands principes » ([3]).

La version issue de la commission mixte paritaire, qui fixe le principe d’une contribution volontaire, est donc apparue particulièrement peu satisfaisante et sans cohérence avec les engagements pris par le Gouvernement.

L’article 2 quinquies inséré par le Sénat dans la présente proposition de loi retient donc une rédaction proche de celle adoptée par le Sénat lors de sa première lecture du projet de loi pour une école de la confiance, en prévoyant que la contribution de la commune de résidence a un caractère obligatoire (et non plus volontaire), au travers de la conclusion d’un accord de participation financière entre la commune de résidence de l’enfant et l’établissement scolaire proposant l’enseignement en langue régionale (et non plus entre les deux communes).

Le montant de la participation sera calculé en tenant compte des ressources de la commune, du nombre d’élèves de cette commune scolarisés dans la commune d’accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil, sans que le montant de la contribution ne puisse être supérieur au coût qu’aurait représenté, pour la commune, l’inscription de l’élève y résidant dans l’une de ses écoles publiques (dixième alinéa de l’article L. 442-5-1, non modifié).

Il convient toutefois de noter que cette participation se limite aux établissements privés du premier degré – les écoles – ayant conclu un contrat d’association, et demeure soumise à deux conditions : celle que les écoles enseignent la langue régionale, et que cette offre n’existe pas dans la commune de résidence de l’enfant. En l’absence d’accord, le préfet de département demeure compétent pour résoudre le différend en matière de participation financière, dans l’intérêt de la scolarisation des enfants concernés, comme en dispose le onzième alinéa de l’article L. 442-5-1 non modifié.

*

Article 3 (rétabli)
Enseignement des langues régionales dans le cadre de l’horaire normal des écoles et établissements d’enseignement

Adopté par la commission sans modification

Origine de l’article : proposition de loi, supprimé en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : rétabli en première lecture avec modifications

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblÉe nationale

L’article 3 dispose que, sous réserve de la conclusion d’une convention entre l’État et les régions, la collectivité territoriale de Corse ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées de tout ou partie des territoires concernés. Il étend ainsi à l’ensemble des langues régionales, d’une part, et aux collèges et lycées, d’autre part, les dispositions existant aujourd’hui pour la seule langue corse et pour les seules écoles maternelles et élémentaires en application de l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation.

L’article a pour objet d’instaurer un cadre juridique favorable, reposant sur la conclusion d’une convention entre l’État et la collectivité territoriale – à la différence de l’article applicable à la Corse – permettant d’accentuer le développement de l’enseignement de la langue régionale à l’école, sans pour autant contraindre à dispenser systématiquement cet enseignement dans le cadre de l’horaire normal : l’obligation de l’offre d’enseignement ne s’appliquerait que si une telle convention a été conclue, et dans les territoires pour lesquels elle l’a été. La convention pourrait également prévoir une mise en œuvre progressive, de nature notamment à permettre aux enseignants de recevoir une formation adaptée. Il s’agit ainsi de pouvoir adapter l’offre d’enseignement en langue régionale aux territoires et à la demande sociale qui y est exprimée.

L’article ne pose pas de difficultés d’ordre constitutionnel, dès lors qu’il n’a pas non plus pour effet de créer un enseignement à caractère obligatoire pour les élèves, ni de soustraire ces élèves aux droits et obligations qui leur incombent : la matière, même enseignée dans le cadre de l’horaire normal, resterait facultative.

En témoigne, notamment, la décision du Conseil constitutionnel précitée relative à l’enseignement du Corse ([4]), confirmée par la décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, dans laquelle le Conseil constitutionnel indique à nouveau que, « si l’article 57 de la loi organique prévoit l’enseignement de la langue tahitienne ou d’une autre langue polynésienne "dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et primaires, dans les établissements du second degré et dans les établissements d’enseignement supérieur", cet enseignement ne saurait revêtir pour autant un caractère obligatoire ni pour les élèves ou étudiants, ni pour les enseignants ; qu’il ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l’ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci ; que, sous ces réserves, l’article 57 n’est contraire ni à l’article 2 de la Constitution ni à aucune autre de ses dispositions ».

L’Assemblée nationale a supprimé cet article en première lecture.

II.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a rétabli cet article en première lecture, en y apportant deux modifications :

– il a précisé que l’article 3 s’appliquait également à la collectivité européenne d’Alsace ;

– il a mentionné explicitement l’objectif de la mesure, c’est-à-dire « proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves ».

*


([1])  Rapport n° 176 (2020-2021) de Mme Monique de MARCO, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 2 décembre 2020

([2])  « La collectivité détermine les activités éducatives complémentaires qu’elle organise, après consultation du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement. Elle peut proposer, dans les mêmes conditions, un plan de renforcement de l’apprentissage du français et de développement de l’enseignement des langues et de la culture mahoraises. Les modalités d’application de ce plan font l’objet d’une convention conclue entre la collectivité départementale et l’État. »

([3]) Compte rendu des débats au Sénat, séance publique, 10 décembre 2020 : http://www.senat.fr/interventions/crisom_ppl19-321_1.html  

([4])  Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 : « Considérant que l’article 53 prévoit l’insertion dans le temps scolaire de l’enseignement de la langue et de la culture corses ; que cet enseignement n’est pas contraire au principe d’égalité dès lors qu’il ne revêt pas un caractère obligatoire ; qu’il n’a pas davantage pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements de la collectivité territoriale de Corse aux droits et obligations applicables à l’ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci ; que, par suite, le fait pour le législateur d’autoriser la collectivité territoriale de Corse à promouvoir l’enseignement de la langue et de la culture corses, ne saurait être regardé comme portant atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle ».