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N° 4037

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mars 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes
par nos partenaires non européens,

 

 

 

Par Mme Frédérique DUMAS,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3316.


 

 

 

 


 

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er Vérification a priori du respect des principes éthiques relatifs au don d’organes et à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques par les établissements avec lesquels sont signés des accords et conventions de coopération

Article 2 Mise en place d’un dispositif de surveillance a posteriori du respect des principes éthiques de l’utilisation d’éléments et produits du corps humain et de leurs dérivés par les établissements de santé et établissements de recherche non membres de l’Union européenne partenaires de la France

Article 3 Interdiction pour les établissements de santé et de recherche français de coopérer avec des acteurs non membres de l’Union européenne ne pouvant présenter des garanties auditables de leur respect des principes éthiques du don d’organes et de l’utilisation d’éléments et produits du corps humain

Article 4 Conditionnement des coopérations entre centres de recherche français et de pays non membres de l’Union européenne à l’existence de dispositions légales relatives au consentement du donneur d’organes dans le pays partenaire

Article 5 Mise en place d’une charte modèle permettant d’assurer la vérification du respect des règles d’éthique par les établissements de pays non membres de l’Union européenne

Article 6 Gage financier

travaux de la COMMISSION

I. Discussion générale

II. Examen des articles

ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

Annexe 2 : dispositions en vigueur SUSCEPTIBLES D’ÊTRE modifiées ou abrogées par la proposition de loi

 

 

 


 

   Introduction

« Il est irréfutable que la Chine a été et continue d’être complice de la mutilation d’innocents êtres humains en vue du prélèvement de leurs organes et tous ceux qui font affaire avec la Chine en quelque capacité que ce soit doivent savoir qu’ils ont à faire à un État criminel. »

Dans son jugement final rendu en juin 2019, le China Tribunal, tribunal indépendant institué à Londres par la Coalition internationale pour mettre fin aux abus des transplantations en Chine (ETAC) a confirmé avec force la poursuite en Chine du prélèvement forcé d’organes.

L’existence en Chine d’une véritable industrie de prélèvement d’organes ciblant les opposants et prisonniers de conscience est un fait avéré dont attestent de nombreux rapports internationaux publiés ces dernières années. Malgré les réformes officiellement mises en place en 2007 et 2015, la Chine continue de recourir massivement à cette pratique criminelle.

La Chine est un des premiers pays partenaires de la France dans le domaine médical et scientifique. Or, les accords et conventions de coopération passés avec les établissements de santé et de recherche de pays non membres de l’Union européenne ne font quasiment l’objet d’aucun contrôle visant à s’assurer du respect par ces établissements des règles relatives au don d’organes définies au niveau national. Dans le cadre de ces coopérations, les établissements français peuvent ainsi se rendre complices de graves violations des droits de l’homme en matière de transplantation d’organes. De nombreux médecins témoignent d’ailleurs avoir vu leur confiance trahie en formant sans le savoir leurs collègues chinois aux techniques de transplantation, utilisées par la suite à des fins dévoyées.

Il est urgent de modifier le cadre juridique s’appliquant à la coopération médicale et scientifique pour assurer le plein respect du principe fondamental de la dignité humaine et ne plus tolérer ces pratiques criminelles.

La présente proposition de loi prévoit ainsi d’encadrer strictement les accords et conventions de coopération passés avec les établissements de santé et de recherche de pays non membres de l’Union européenne en conditionnant leur signature et leur prolongement à la vérification effective du respect par les établissements des principes d’éthique prévus en droit français en matière de don d’organes.

Il ne s’agit pas d’interdire toute coopération, il ne s’agit pas de s’ingérer, il s’agit de s’assurer de l’effectivité du respect des principes éthiques auxquels la France a souscrit.

Il est de notre responsabilité de ne pas fermer les yeux. Il est de notre responsabilité de ne pas se cacher derrière les refus de vérification qui pourraient nous être opposés. La réciprocité des vérifications en étant la meilleure preuve. Car il est de notre responsabilité d’agir vite face à ces crimes que nous ne pouvons plus ignorer.

I.   VÉRITABLE FLÉAU À L’ÉCHELLE MONDIALE, LE TRAFIC D’ORGANES CONSTITUE EN CHINE UNE PRATIQUE ENCOURAGÉE ET ORGANISÉE PAR L’ÉTAT

Dans un contexte de pénurie d’organes ne permettant pas de répondre aux besoins de l’ensemble des personnes en attente de transplantation, un dangereux trafic d’organes s’est développé à l’échelle mondiale. Un prélèvement forcé et systématique d’organes ciblé sur les prisonniers est par ailleurs en Chine, avéré depuis plusieurs années.

A.   Le trafic d’organes et le tourisme de transplantation Constituent depuis les années 1980 un phÉNOMÈne particuliÈrement préoccupant

1.   La transplantation d’organes est un progrès indéniable de la médecine

● La transplantation d’organes, technique consistant à prélever un organe sur une personne vivante ou décédée en vue de l’implanter sur un patient, représente un progrès de la médecine ayant permis de sauver la vie de nombreux malades. Il s’agit en effet souvent de la seule issue thérapeutique pour des personnes atteintes de pathologies entraînant une perte de fonction irréversible des organes vitaux. Cette technique peut par ailleurs éviter aux patients d’avoir recours à des traitements particulièrement contraignants au quotidien. Pour les personnes ayant pu en bénéficier, la transplantation rénale, qui représente la première forme de transplantation (61 % des 5 897 transplantations réalisées en France en 2019 ([1])), se substitue ainsi à des séances de dialyse à vie.

Différences entre transplantations et greffes d’organes ou de tissus

Dans leur sens strict, la transplantation et la greffe diffèrent. La transplantation est réalisée avec une anastomose chirurgicale des vaisseaux sanguins nourriciers et/ou fonctionnels, alors que la greffe est vasculaire. Les organes font dont généralement l’objet de transplantations (cœur, poumon, foie, reins...) tandis que les greffes concernent plutôt les tissus tels que la cornée ou la peau. En pratique, cependant, les mots « greffe » et « transplantation » sont utilisés indifféremment, et l’on parle couramment de greffe du cœur et du rein.

Ainsi, comme le souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le développement de la transplantation d’organes au cours des cinquante dernières années a « permis de prolonger et d’améliorer grandement la qualité de vie de centaines de milliers de personnes » ([2]).

La transplantation d’organes est une technique d’autant plus importante aujourd’hui, que les progrès de la médecine ont rendu celle-ci accessible à un plus grand nombre de patients. Le taux de réussite des transplantations a également augmenté : pour la greffe du rein, la survie du greffon est par exemple passée de moins de deux ans en 1967 à plus de vingt‑cinq ans aujourd’hui ([3]).

● Toutefois, les possibilités de transplantation d’organes sont limitées par le décalage important entre le nombre de donneurs et celui de personnes en attente d’organes. En France, 5 901 personnes ont été greffées en 2019 alors même que 26 116 personnes étaient en attente d’un organe cette même année ([4]).

2.   Le trafic d’organes et le tourisme de transplantation constituent des phénomènes d’ampleur

● Dans un contexte de pénuries d’organes et du fait de l’augmentation des patients en attente de greffes, le trafic d’organes et le tourisme de transplantation sont devenus une préoccupation croissante depuis les années 1980.

Le trafic d’organes désigne le prélèvement illicite d’organes en vue d’un profit pour le donneur ou une personne tierce. Dans certains cas, le prélèvement est fait de manière forcée, sans consentement ou autorisation valide de la personne prélevée. Le tourisme de transplantation désigne, quant à lui, le fait, pour une personne, de contourner l’interdiction de commercialisation d’organes en vigueur dans son pays d’origine, afin d’acheter un organe et être transplanté à l’étranger. Le tourisme de transplantation est étroitement lié au trafic d’organes : la transplantation est réalisée dans un but lucratif, et peut impliquer des organes prélevés sans consentement.

En raison du caractère illicite de ces pratiques, les données sur le trafic d’organes et le tourisme de transplantation sont difficiles à obtenir. Toutefois, les différentes études réalisées à ce sujet témoignent de phénomènes d’ampleur. L’OMS estime ainsi que 5 % des transplantations dans le monde sont réalisées dans le cadre du tourisme de transplantation ([5]). Un rapport réalisé par les Nations Unies et le Conseil de l’Europe et publié en 2009 estimait par ailleurs qu’entre 5 % et 10 % des 68 000 greffes de reins pratiquées chaque année dans le monde étaient issues de pratiques relevant de trafic d’organes ([6]).

● Le trafic d’organes et le tourisme de transplantation constituent de véritables fléaux et ce, à plusieurs égards. Au-delà de la violation des principes éthiques les plus élémentaires et en particulier, de la dignité de la personne humaine et de l’inviolabilité du corps humain, les prélèvements sont le plus souvent réalisés sur des personnes pauvres et vulnérables. La pratique de la transplantation peut par ailleurs s’avérer dangereuse pour la santé des patients partant à l’étranger pour obtenir une greffe comme en témoignent les rapports médicaux relatifs à l’état de santé des touristes de transplantation à leur retour. Enfin, le trafic d’organes est une activité particulièrement lucrative, ce qui la rend d’autant plus difficile à éradiquer : selon l’OMS, en Colombie, la transplantation d’un rein est par exemple proposée à 80 000 dollars.

B.   En chine, une PRATIQUE CRIMINELLE DU PRÉLÈVEMENT FORCÉ D’ORGANES avérée depuis plusieurs années mais demeurant impunie

1.   Le recours au prélèvement forcé d’organes en Chine a peu à peu été révélé à la communauté internationale

Le cas le plus grave de trafic d’organes et de tourisme de transplantation concerne la Chine, car il va de pair avec le prélèvement forcé d’organes, phénomène massif dont l’ampleur et la gravité ont peu à peu été révélées à la communauté internationale.

À la différence de pays comme l’Inde, le Brésil ou encore certains États des Balkans pour lesquels le trafic d’organes est le fait d’organisations criminelles et de réseaux mafieux, le prélèvement forcé d’organes est en Chine, encouragé et organisé par l’État. Les premières enquêtes réalisées sur le sujet et notamment les travaux des Canadiens David Kilgour, ancien secrétaire d’État pour la région Asie‑Pacifique, et David Matas, avocat international des droits de l’homme, publiées en 2006 ([7]), ont révélé l’existence d’une véritable filière nationale de trafic et de ventes d’organes.

Cette filière nationale repose sur le prélèvement forcé d’organes sur les prisonniers, notamment de conscience (Tibétains, Ouïgours, chrétiens) servant à alimenter les hôpitaux et permettant de réaliser un nombre particulièrement important d’opérations de transplantations. Les différentes enquêtes ont ainsi montré comment les hôpitaux chinois interagissaient depuis des années avec le système carcéral pour organiser l’approvisionnement d’organes dans les établissements de santé et procéder aux transplantations.

Les enquêtes mettent plus particulièrement en lumière la persécution des adeptes du Falun Gong, un mouvement spirituel syncrétiste fondé en 1992. L’interdiction du mouvement en 1999 et l’emprisonnement et la disparition de nombreux de ses membres, ont en effet coïncidé avec l’augmentation significative du nombre de transplantations et le développement d’un marché particulièrement lucratif. En effet, selon le rapport de David Matas et David Kilgour, d’après les chiffres communiqués par le gouvernement chinois, qui laissent à présager que les données disponibles sont largement minimisées, environ 30 000 greffes ont été réalisées en Chine avant 1999, dont environ 18 500 sur la période de six ans entre 1994 et 1999. Or, les différents travaux montrent que c’est environ 60 000 à 100 000 transplantations qui auraient été réalisées durant la période de six ans entre 2000 et 2005 depuis le début de la persécution contre le Falun Gong.

2.   Une pratique persistante dont attestent de nombreuses enquêtes indépendantes réalisées ces dernières années

● Des réformes ont été menées dans un contexte d’attention croissante de la communauté internationale vis-à-vis de la pratique criminelle du prélèvement forcé d’organes.

– Le Parlement européen a adopté le 12 décembre 2013 une résolution ([8]) contre les prélèvements forcés d’organes en Chine, condamnant fermement le recours à ce type de pratiques. Dans cette résolution, le Parlement européen recommande aux États membres de condamner publiquement les abus en matière de prélèvement d’organes et de sensibiliser les citoyens amenés à voyager dans ce pays.

– La Chambre des représentants des États-Unis a adopté en 2016 une résolution ([9]) appelant le régime communiste chinois à cesser immédiatement les prélèvements forcés d’organes sur des pratiquants de Falun Gong et d’autres prisonniers de conscience et demandant l’ouverture d’une enquête crédible, transparente et indépendante sur le système de transplantation d’organes en Chine.

Dans ce contexte, la Chine, qui avait adopté une loi rendant illégal le trafic d’organes en 2007, a officiellement mis fin aux prélèvements forcés sur les prisonniers exécutés en 2015, indiquant désormais fonder son système de transplantation sur les dons d’organes.

● Les dernières enquêtes indépendantes réalisées sur le système de transplantation d’organes en Chine témoignent néanmoins de la poursuite de ces crimes organisés.

Le China Tribunal, constitué à Londres, présidé par Geoffrey Nice, ancien procureur du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie et mis en place en 2018 afin de recueillir des informations relatives à la persécution des membres du Falun Gong en Chine et le prélèvement de leurs organes, a déclaré dans son rapport final, publié en juin 2019, « à l’unanimité, et au-delà de tout doute raisonnable, que le prélèvement forcé d’organes sur les prisonniers est pratiqué depuis longtemps en Chine et concerne un nombre très important de victimes ». Le tribunal dénonce par ailleurs le fait que la République populaire de Chine s’est rendue coupable de crimes contre l’humanité en incitant activement « à la persécution, à l’emprisonnement, au meurtre, à la torture, et à l’humiliation des pratiquants du mouvement Falun Gong, dans le seul but d’en éliminer la pratique et la croyance ».

Ces conclusions rejoignent celles des dernières enquêtes de David Matas et David Kilgour, dont les résultats ont été rendus publics dans un rapport publié en 2016 ([10]).

● Alors que leurs travaux ont donné lieu à l’audition de nombreux témoins, experts et familles de victimes, David Matas et David Kilgour ainsi que les membres du China Tribunal fondent leurs conclusions sur de nombreux éléments de preuve.

– L’ampleur des transplantations d’organes effectuées dans les établissements de santé chinois et les délais particulièrement courts pour bénéficier d’une transplantation sont d’abord incompatibles avec un système fondé sur le seul don d’organes.

Le rapport réalisé par David Kilgour et David Matas, estime ainsi qu’entre 60 000 et 100 000 greffes d’organes sont réalisées chaque année en Chine, bien loin du chiffre de 10 000 revendiqué par les autorités du pays ([11]). Le rapport cite notamment l’exemple de l’hôpital de Tianjin, dans lequel 500 lits sont dédiés aux transplantations et où environ 6 000 opérations auraient été effectuées en 2015. Alors que 146 hôpitaux chinois sont habilités à réaliser ce type d’opérations, il est particulièrement difficile à concevoir que les 145 autres centres ne réalisent en tout que 4 000 opérations.

Les enquêtes s’appuient par ailleurs sur les délais d’attente extrêmement courts pour recevoir une greffe d’organes. Ainsi, selon le rapport de David Kilgour et David Matas, dans certains établissements comme l’hôpital Changzheng à Shanghai, le temps moyen d’attente pour obtenir un organe est d’une semaine voire de quelques heures en cas d’urgence. Le rapport évoque également la campagne de communication du centre d’aide internationale à la transplantation en Chine qui indique que « si un problème survient avec le greffon, le patient pourra en obtenir un autre la semaine suivante ».

Alors que le gouvernement chinois déclare que les organes utilisés pour les transplantations sont exclusivement issus de dons de citoyens chinois et prélevés sur les prisonniers politiques ayant donné leur consentement, il est peu probable que ce système permette de réaliser un nombre si massif d’opérations dans des délais si courts. D’une part, les comparaisons effectuées avec d’autres pays où le don d’organes est strictement encadré montrent toujours le décalage important entre le nombre de donneurs d’organes et les personnes nécessitant de recourir à une greffe. En France, plus de 6 000 greffes d’organe ont été par exemple réalisées en 2017, mais le nombre de malades en attente d’un organe est près de quatre fois supérieur aux greffes réalisées. Environ 550 personnes en attente d’organes décèdent par ailleurs tous les ans depuis plusieurs années ([12]). D’autre part, la culture chinoise, dans laquelle il est d’usage d’enterrer le corps entier, se caractérise par une aversion particulière au don d’organes limitant la possibilité qu’un nombre conséquent d’organes puisse être issu du système du don.

– Les enquêteurs du China Tribunal ont par ailleurs reçu de nombreux témoignages attestant de la réalisation d’analyses sanguines régulières en détention sur les adeptes de Falun Gong mais également sur les musulmans ouïgours. Or, il est fortement probable que ces analyses sanguines aient été utilisées pour mesurer le risque de rejet des nouveaux organes, en raison de l’interaction entre les anticorps du receveur et les antigènes du donneur. En décembre 2018, Ethan Gutmann, enquêteur sur les Droits de l’Homme, a ainsi fourni au tribunal des preuves attestant qu’au cours des dix‑huit mois précédant, environ 15 millions de musulmans ouïghours avaient été soumis à des tests sanguins et d’ADN visant à s’assurer de la comptabilité des tissus.

Le maintien de sites internet appelant ouvertement les patients étrangers à venir en Chine pour procéder à des greffes d’organes témoigne enfin d’un tourisme de transplantation toujours à l’œuvre en Chine, malgré les réformes de ces dernières années. Des campagnes de communication ciblent par ailleurs plus particulièrement les patients issus de pays du Golfe. Le site Kidney Transplant ([13]), intégralement traduit en langue arabe indique ainsi sur sa page d’accueil « nous sommes là pour aider les patients étrangers qui cherchent à réaliser une greffe de rein/foie/cœur ou poumon en Chine ».

La poursuite en Chine de ces crimes contre l’humanité constitue ainsi un fait avéré que nous ne pouvons plus tolérer. Elle appelle une réponse forte de notre part, à la hauteur de nos valeurs et conformément à nos principes essentiels en matière d’éthique.

II.   l’urgence d’agir pour assurer le respect de nos principes éthiques et préserver la dignité humaine

Alors que la France est dotée de règles strictes en matière d’utilisation de produits et éléments du corps humain, il est nécessaire de renforcer l’encadrement des coopérations passées dans le domaine scientifique et médical.

A.   En France, le don d’organes fait l’objet d’un encadrement strict, conforme aux principes essentiels d’éthique définis par la législation nationale

● Introduit par l’une des deux lois de bioéthique du 29 juillet 1994 ([14]) et élevé au rang de principe à valeur constitutionnelle ([15]) , la dignité humaine est un principe fondamental en droit français. Selon l’article 16 du code civil, la loi assure en effet « la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». Le corps est considéré en France comme un prolongement de la personne et doit faire l’objet d’une protection particulière. Dans cette lignée, l’article 16-1 du code civil affirme le principe du respect du corps, son caractère inviolable ainsi que son extra‑patrimonialité.

Ces principes ne s’opposent pourtant pas à l’atteinte à l’intégrité du corps humain, et donc au don d’organes, lorsqu’il est question d’une nécessité médicale ou dans l’intérêt thérapeutique d’autrui, sans que le corps ne soit réductible à « des gisements de ressources biologiques » ([16]).

● Le don d’organes répond ainsi à un encadrement juridique protecteur du corps humain, du donneur et du receveur. Il est régi par trois principes fondamentaux :

– Le principe du consentement. S’agissant du prélèvement des organes des personnes décédées, le consentement est dit présumé depuis la loi « Caillavet » ([17]) du 22 décembre 1976. Il est ainsi possible, sauf si la personne, majeure, a fait valoir de son vivant son refus d’un tel prélèvement. Pour les personnes vivantes, le code de la santé publique et le code civil requièrent néanmoins le consentement préalable du donneur, révocable à tout moment. Dans ce cadre, le donneur doit être préalablement informé par un comité d’experts des risques qu’il encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement.

– La gratuité du don. Conformément au principe de non‑patrimonialité du corps humain, le don d’organes est un acte de générosité et ne peut faire l’objet d’aucune rémunération, même si le principe de la gratuité ne s’oppose pas au remboursement au donneur des frais engagés à l’occasion du don et l’indemnisation de la perte de revenu.

– L’anonymat, qui, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État, « concourt à l’expression de la solidarité entre les hommes et d’une forme de fraternité » ([18]). Lors d’un don d’organe, le nom du donneur ne peut en effet être communiqué au receveur et réciproquement. L’anonymat vise à la protection du donneur et de sa famille, ainsi que du receveur.

B.   en l’absence d’Un contrôle suffisant des coopérations passées dans le domaine médical et scientifique, la France peut être complice de pratiques criminelles et de violations du principe de dignité humaine

1.   L’absence de dispositifs sanctionnant ces crimes

En dépit de ces règles d’éthique, les dispositifs visant à lutter contre le trafic et le prélèvement forcé d’organes à l’œuvre dans les pays non membres de l’Union européenne sont particulièrement insuffisants.

● La convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains du 25 mars 2015, dite convention de Compostelle, déclare que le trafic d’organes est une « menace mondiale », contre laquelle les pays européens doivent « lutter de manière efficace ». La convention vise à ériger en infraction pénale tout prélèvement d’organes réalisé en l’absence de consentement libre, éclairé et spécifique du donneur, ainsi que tout prélèvement d’organes donnant lieu à un profit ou à un avantage comparable pour le donneur vivant ou une tierce personne. La convention entend également protéger les victimes du trafic d’organes, chaque État signataire devant leur garantir une assistance dans leur rétablissement ainsi que leur indemnisation par les auteurs d’infractions.

Si la France a signé cette convention le 25 novembre 2019, elle a cependant émis des réserves importantes, qui limitent sensiblement la possibilité de traduire en justice des personnes impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d’organes (voir infra). Il est à noter que sur les vingt‑six pays signataires de la convention, seuls cinq pays, dont la France, ont émis des réserves.

De plus, les réserves de la France limitent la portée de la convention au niveau international. En effet, certains États dans lesquels il existe un trafic d’organes humains ne disposent pas, soit de la volonté ou des ressources nécessaires pour mener à bien les enquêtes, soit d’un cadre juridique approprié. Ainsi, le fait que la France se dessaisisse de certaines de ses responsabilités, notamment en matière de poursuite de ses ressortissants impliqués dans des activités illicites, affaiblit la convention en tant qu’outil de lutte contre le trafic d’organes au niveau international.

Les réserves de la France limitent la portée de la convention de Compostelle

Lors de la signature de la convention, la France a émis plusieurs réserves, limitant la portée de ce dispositif.

– La France a émis des réserves quant à l’application des délits prévus à l’article 7, relatif à la criminalisation des activités de personnes servant d’intermédiaire entre donneurs, receveurs et membres du personnel médical. Ainsi, la France se réserve le droit de ne pas ériger en infraction pénale « la sollicitation et le recrutement illicites de donneurs et de receveurs d’organes en vue d’un profit ou d’un avantage comparable, soit pour la personne qui sollicite ou recrute, soit pour une tierce personne ». La France se réserve également le droit de ne pas ériger en infraction la corruption, active ou passive, de professionnels de la santé, de fonctionnaires ou de personnes travaillant pour une entité du secteur privé, dans le but de prélever ou implanter un organe humain de manière illicite.

– La France a émis une réserve quant à l’application des délits prévus à l’article 8. Ainsi, elle se réserve le droit de ne pas ériger en infraction pénale la préparation, la préservation, le stockage, le transport, le transfert, la réception, l’importation et l’exportation d’organes prélevés de manière illicite.

– La France a émis une réserve quant au paragraphe 1.d de l’article 10 de la convention. Ce paragraphe consacre le principe de nationalité : les ressortissants d’un État sont tenus de se conformer au droit interne de cet État même lorsqu’ils se trouvent en dehors de son territoire et les États sont tenus d’établir leur compétence pour connaître des infractions commises par leurs ressortissants à l’étranger. La France déclare qu’elle « n’exercera sa compétence s’agissant des délits établis conformément à la convention et commis par ses ressortissants hors du territoire de la République française qu’à la condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis et que ceux- ci aient donné lieu soit à une plainte de la victime ou de ses ayants droit, soit à une dénonciation officielle de la part des autorités du pays où ils ont été commis ». La France déclare également qu’elle n’exercera pas sa compétence, prévue au paragraphe 1.e de l’article 10 de la convention, pour connaître des faits commis à l’étranger par les personnes ayant leur résidence habituelle sur son territoire.

– Enfin, le Gouvernement français déclare qu’il n’appliquera pas le paragraphe 4 de l’article 10 de la convention. Ce paragraphe prévoit que chaque partie prend les mesures nécessaires pour ne pas conditionner, en cas infractions définies par la convention, l’engagement des poursuites à l’existence d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation des autorités de l’État dans lequel l’infraction a eu lieu.

Source : convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains du 25 mars 2015.

 

● D’autres pays ont mis en place des mesures visant à sanctionner plus sévèrement les personnes impliquées dans ces crimes et éviter que les citoyens ne se rendent complices de ces atrocités. Le Royaume-Uni, la Belgique, la Norvège, l’Italie, Taïwan, l’Espagne et Israël ont par exemple instauré une taxe pour dissuader ceux qui souhaiteraient se rendre dans un pays, notamment la Chine, pour bénéficier d’une greffe d’organe.

2.   Le cas particulier des conventions de coopération

La question de la coopération avec les établissements de santé et de recherche de pays non européens comme la Chine pose particulièrement question.

● En France, la coopération médicale et scientifique avec les pays étrangers est très développée. Les bilans réalisés par la Fédération hospitalière de France (FHF) et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) font ainsi état de près de 700 actions de coopération réalisées chaque année par les hôpitaux français ([19]).

La coopération avec la Chine, à l’œuvre depuis plus de vingt ans, est l’une des plus importantes dans le domaine de la santé. Elle passe essentiellement par des programmes de formation médicale et d’accueil de stagiaires ainsi que des opérations d’assistance technique et d’expertise dans le domaine des techniques du soin, de la gestion des services cliniques et médico-techniques, ou du management des infrastructures.

Principales coopérations interhospitalières avec la Chine

Synthèse sur la coopération hospitalière avec la Chine, conférence hospitalière francochinoise, lundi 26 et mardi 27 octobre 2015

– L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avec Peking Union Medical Center Hospital, l’université Jiaotong de Shanghai, l’hôpital de Sichuan et l’hôpital de Kunming ;

– Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg avec les facultés de médecine de Kunming, Chongqing, Wuhan et Shanghai ;

– Le Centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Montpellier avec les hôpitaux des villes de Chengdu, Xiamen, Tianjin et Suzhou ;

– Le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes et le Centre hospitalier (CH) de Saint-Malo avec l’hôpital franco-chinois de Yantai (province du Shandong) ;

– Le CHU de Poitiers avec l’université de Nanchang (province de Jiangxi) et l’hôpital orthopédique de Chengdu ;

– Le CHU de Rouen avec la ville de Ningbo ;

– Le CHU de Saint-Etienne avec l’hôpital de Xuzhou ;

– Le CHRU de Besançon avec l’hôpital universitaire d’Urumqi ;

– Le CHU de Nantes avec l’hôpital franco-chinois de Yantai Shan (province du Shandong) ;

– Le CHU de Toulouse avec l’hôpital et l’université́ de médecine de Chongqing ;

– L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille avec le Shanghai Hospital Développent Center ;

– Le CHU de Bordeaux avec les hôpitaux de la ville de Wuhan ;

– Les Hospices civils de Lyon avec l’hôpital Ruijin de Shanghai ;

– Le CHU de Grenoble avec les hôpitaux de la ville de Suzhou ;

– Le CHU de Limoges avec les hôpitaux de Deyang et Suining (Sichuan) ;

– L’Institut de cancérologie de l’Ouest (ESPIC) avec les villes de Lanzhou, Yantai, et Yunnan ;

– Le CHRU de Nancy avec les villes de Kunming et de Wuhan ;

– Le CHU d’Angers avec la ville de Suining ;

– Le CHU de Nîmes avec le Beijing Obstetrics Gynecology Hospital ;

– Le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis avec l’hôpital de Nanchang.

● Or, cette coopération active se fait sans la mise en place de méthodes d’évaluation et de contrôle concrètes du respect des engagements pris dans les accords et conventions de coopération, comme l’a révélé le cas du laboratoire de haute sécurité biologique P4 de Wuhan, dont la part de responsabilité dans l’origine de la pandémie de covid-19 fait l’objet de nombreux questionnements.

Le manque de suivi des accords passés avec la Chine en matière scientifique et médicale : le cas du laboratoire P4 de Wuhan

La création du laboratoire P4 de Wuhan est le fruit d’un accord de coopération entre la Chine et la France en matière de prévention et de lutte contre les maladies infectieuses émergentes. Le décret n° 2005-1181 du 14 septembre 2005 portant publication de cet accord prévoit que :

– le programme de coopération s’inscrit dans le cadre multilatéral de l’OMS, et est conduit dans le respect de la législation nationale et des engagements internationaux de chacune des parties, en particulier la convention de 1972 (article 1er) ;

– les parties s’engagent à assurer, en conformité avec leurs législations nationales respectives, le respect des principes d’éthique (article 5) ;

– la coopération établira des échanges bilatéraux qui auront vocation notamment à permettre l’adaptation de la réglementation chinoise aux normes internationales en vigueur dans le domaine des essais non cliniques et cliniques (article 8).

Or, contrairement aux engagements initiaux, la coopération entre la France et la Chine a été largement entravée par le manque de transparence sur les activités de recherche et pratiques à l’œuvre au sein du laboratoire P4. En 2018, des membres de l’ambassade américaine ayant visité le laboratoire ont alerté Washington de l’insuffisance des mesures de sécurité prises dans un lieu où l’on procède à des recherches sur les coronavirus issus de chauves-souris. Par ailleurs, les experts de la Commission interministérielle des biens à double usage (Cibdu), instance intergouvernementale française au sein du service des biens à double usage (SBDU), rattaché au ministère de l’économie, ont dénoncé en 2016 le vrai flou sur la destination finale des équipements livrés au laboratoire de Wuhan et l’opacité régnant sur les pratiques du laboratoire. Il est très probable que les matériels livrés aient été utilisés à des fins militaires et non civiles.

L’absence de vérification du respect par les établissements partenaires des règles régissant le don d’organes risque de rendre la France complice de graves violations à ses principes d’éthique.

La question du contrôle exercé sur les accords de coopération se pose en particulier au sujet de la formation de médecins d’établissements partenaires aux méthodes de transplantation d’organes pouvant facilement être détournées à des fins de marchandisation du corps humain.

Dans le cadre des partenariats avec les établissements chinois, des médecins transplanteurs français se sont en effet rendus en Chine pour former leurs collègues chinois. Or, lors de son audition en date du 23 mars, Alexis Génin, docteur en neurosciences et directeur des applications de la recherche à l’Institut du cerveau, a indiqué que certains médecins chinois avaient trahi la confiance que le système de santé français leur avait accordée en utilisant leurs compétences acquises pour procéder au prélèvement forcé d’organes et alimenter la filière de trafic et de vente d’organes.

Ce constat avait également été celui de plusieurs médecins français, dont les professeurs Francis Navarro et Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui avaient révélé en 2013, lors d’une conférence-débat sur le thème du trafic d’organes et du tourisme et de transplantations organisée à l’Assemblée nationale, que les médecins français pouvaient se rendre complices de prélèvements forcés d’organes en formant des médecins à la transplantation. À cette occasion, le Pr Sicard avait déclaré que la France « n’est pas là pour être le gendarme du monde, elle est là pour ne pas participer à ce qui est une faille éthique. On ne peut pas en même temps parler d’une rigueur éthique dans notre pays et d’une désinvolture éthique dès qu’on quitte nos frontières. »

Les établissements français peuvent également se rendre complices de pratiques contraires aux règles d’éthique définies au niveau national dans le cadre de travaux de recherche réalisés conjointement avec des établissements étrangers. Dans une publication parue dans le journal BMJ Open en février 2019 ([20]), un collectif de chercheurs en philosophie et éthique médicale australiens a révélé les résultats d’une enquête menée sur 445 études conduites en Chine portant sur les greffes d’organes entre 2000 et 2017 et publiées dans des revenues scientifiques internationales. Cette enquête montre que sur l’ensemble des publications, 412 (soit 92,5 % d’entre elles) ne précisent pas la source des organes utilisés et 439 (soit 99 %) n’indiquent pas si le don d’organes a fait ou non l’objet d’un consentement préalable. Le collectif de chercheurs a par conséquent appelé au retrait de ces études.

C.   L’encadrement des accords et conventions internationaux dans le domaine médical et scientiFIque : un impératif au nom de nos valeurs morales et principes d’éthique

● Face à l’absence de sanctions vis-à-vis du non‑respect par certains États des principes d’éthique les plus fondamentaux, il est nécessaire de modifier le droit interne afin d’éviter que les établissements français ne se rendent complices de violations des droits de l’homme en matière de transplantation d’organes.

Il ne s’agit en aucun cas de freiner les coopérations entre la France et ses partenaires dans le domaine scientifique et médical. Ces coopérations peuvent constituer un outil de solidarité, de valorisation de l’excellence française dans le domaine de la santé et de diffusion de nos valeurs et principes éthiques.

Il s’agit de s’assurer effectivement que les règles éthiques sont respectées et que des vérifications puissent être ainsi effectuées selon le principe de réciprocité.

Si l’on suppose, comme certaines et certains l’avancent, que ces vérifications réciproques ne seront jamais acceptées, il est alors plus que permis de supposer que c’est parce que les principes éthiques auxquels la Chine s’est engagée ne sont pas respectés, bien plus encore puisque de nombreuses preuves en témoignent. Dans le domaine scientifique, la Chine a besoin de notre coopération qui est active, dynamique et qui dans de nombreux domaines n’est pas « interchangeable ». Nous disposons donc d’un outil puissant pour faire évoluer les pratiques en ne faisant qu’appliquer la loi et les modalités des conventions de coopération conclues. C’est donner aux médecins et aux chercheurs les moyens de faire respecter les principes éthiques universels.

Donner l’exemple sur le plan national ouvrirait la porte à de vraies avancées au niveau international. Le contexte est favorable et d’autres pays seraient prêts à emprunter ce chemin, notamment les pays anglo-saxons. Y renoncer serait refuser de se hisser au niveau des valeurs que nous déclarons défendre.

Nous ne pouvons continuer à ignorer notre part de responsabilité en signant des accords de coopération avec des établissements responsables de pratiques criminelles.

● La présente proposition de loi prévoit ainsi de se doter d’outils efficaces de vérification des conventions et accords de coopération passés par les établissements de santé et de recherche français afin de respecter nos principes éthiques en matière de don d’organes et d’utilisation à des fins scientifiques d’éléments et produits du corps humain.

 


 

   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er
Vérification a priori du respect des principes éthiques relatifs au don d’organes et à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques par les établissements avec lesquels sont signés des accords et conventions de coopération

Supprimé par la commission

L’article 1er conditionne la signature de contrats et conventions de coopération à la vérification du respect des règles éthiques du don d’organes et d’utilisation d’éléments du corps humains à des fins scientifiques par les établissements non membres de l’Union européenne. La vérification est assurée par le Comité consultatif national d’éthique et les institutions de recherche françaises.

1.   Les conventions et contrats passés par les établissements de santé et les instituts de recherche : des outils importants de coopération internationale dans le domaine médical et scientifique

Une coopération importante avec les établissements de pays étrangers est développée dans le domaine scientifique et médical. Cette coopération passe, pour les établissements de santé publics ou privés à but non lucratif par la signature de conventions définies à l’article L. 6134-1 du code de la santé publique. Les instituts et organismes de recherche peuvent également mener des actions de recherche dans le cadre de la coopération scientifique et technologique prévue à l’article L. 111-3 du code de la recherche.

a.   Les conventions de coopération passées par les établissements de santé

● Aux termes de l’article L. 6134-1 du code de la santé publique, les établissements de santé publics ou privés à but non lucratif peuvent participer à des actions de coopération avec des personnes de droit public et privé. Il s’agit d’un dispositif souple : les parties prenantes peuvent choisir librement les modalités de leur coopération, qui doit toutefois s’inscrire dans le cadre des missions qui leur sont imparties, conformément au principe de spécialité.

Si ces coopérations s’inscrivent d’abord dans le cadre national, la loi du 31 juillet 1991 ([21]) a introduit un outil nouvel outil de partenariat : les conventions de coopération internationale entre les établissements de santé français publics ou privés à but non lucratif et les établissements de santé étrangers. En application de l’article L. 6134-1 du code de la santé publique, toute action de coopération doit faire l’objet d’une convention de coopération. Cette convention précise notamment les modalités d’échange et de formation des personnels médicaux et non médicaux.

La conclusion de ces conventions est conditionnée, aux termes de l’article R. 6134-1 du code de la santé publique, à la garantie de la continuité du service public hospitalier. Hormis cette condition, le dispositif est, là encore, souple : la coopération est laissée à l’initiative des parties prenantes, qui établissent une convention précisant les modalités, l’objectif poursuivi et les moyens mobilisés. La signature de la convention vaut formalisation du partenariat. Il s’agit par ailleurs d’une coopération fonctionnelle, ne créant pas une nouvelle personne morale ([22]).

● Poursuivant différents objectifs, les conventions de coopération entre établissements de santé peuvent porter sur des domaines divers.

Selon la direction générale de l’offre de soins (DGOS), les conventions de coopération passées par les établissements de santé poursuivent trois objectifs principaux ([23]) :

– le partage d’expérience entre acteurs de la santé afin d’améliorer l’offre et la qualité des soins proposés ;

– le développement et l’amélioration de la situation sanitaire des pays partenaires ;

– la réponse aux situations d’urgence. Les établissements publics de santé et leurs personnels volontaires peuvent en effet intervenir dans l’urgence, sur demande de l’État, en cas de survenue d’un événement exceptionnel.

● Les conventions de coopération peuvent par ailleurs porter sur des domaines très variés. Quatre principaux champs de coopération sont souvent distingués :

– le domaine des soins et de l’activité médicale. Les conventions portent le plus souvent dans ce cadre sur l’assistance dans le champ des techniques de soins et dans l’organisation et la gestion des services de soins et pôles d’activité cliniques ;

– les activités d’enseignement universitaire et de formation, qui constituent le champ le plus important et le plus développé en matière de coopération internationale des établissements de santé ;

Les conventions de coopération portant sur la formation des professionnels de santé

La formation et les programmes d’échange de personnels sont un champ particulièrement important des conventions de coopération signées par les établissements de santé avec des établissements de pays étrangers.

L’article R. 6134-2 du code de la santé publique prévoit ainsi les modalités selon lesquelles peuvent bénéficier d’une formation complémentaire les médecins et pharmaciens titulaires d’un diplôme de docteur en médecine ou en pharmacie, les personnels infirmiers, les médecins ou chirurgiens-dentistes spécialistes ainsi que les pharmaciens spécialistes.

Les établissements publics de santé peuvent également participer à des actions de coopération internationale en vue de la formation des personnels de direction étrangers en collaboration avec l’École des hautes études en santé publique.

Les personnels des établissements publics de santé dont la liste est fixée par le ministre chargé de la santé peuvent enfin être envoyés, sur leur demande, en mission de coopération internationale pour une durée maximale de trois mois, par périodes de deux ans consécutifs en conservant la totalité de leur rémunération.

– le domaine des activités de recherche et en particulier, de la recherche médicale et clinique, très développées entre établissements de santé. Les activités de recherche à portée internationale constituent une priorité majeure pour les établissements de santé français ;

– l’expertise technique hospitalière et notamment, les actions de coopération dans le domaine de l’économie de la santé, de la gestion des services de santé, de la gouvernance de la santé et de l’hôpital, qui constituent enfin un champ important de coopération entre établissements de santé français et étrangers.

b.   La coopération scientifique et technologique prévue à l’article L. 111-3 du code de la recherche

L’article L. 111-3 du code de la recherche consacre la « politique globale d’échanges et de coopération scientifiques et technologiques ». Ainsi, la coopération internationale ne concerne pas uniquement les établissements de santé : les établissements et organismes de recherche français peuvent également nouer des coopérations avec des établissements de pays étrangers. La coopération entre établissements de recherche passe le plus souvent par la signature de contrats et de conventions entre établissements visant à la mise en place de programmes de recherche communs.

L’article L. 111-3 prévoit aussi la création de centres d’excellence dans les pays en développement, visant à renforcer leurs communautés scientifiques et à contribuer à leur développement durable.

2.   L’encadrement des conventions et accords de coopération n’est pas suffisant pour garantir le respect des principes éthiques du don d’organes

● Selon l’article L. 6134-1 du code de la santé publique, les conventions passées par les établissements de santé publics ou privés à but non lucratif doivent respecter les engagements internationaux souscrits par l’État français.

Dans le domaine du prélèvement d’organes, la France a souscrit à plusieurs engagements, en particulier la convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine de 1997, dite convention d’Oviedo. Cette convention prévoit dès son article 1er que les parties prenantes à la convention « garantissent à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l’égard des applications de la biologie et de la médecine ». La convention rend également obligatoire le recours à un consentement libre et éclairé pour toute intervention dans le domaine de la santé (article 5) et dispose, à l’article 21, que le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit.

● Toutefois, le cadre juridique encadrant les conventions de coopération internationale passées par les établissements de santé et les établissements et organismes de recherche ne prévoit aucun outil de vérification du respect de ces engagements.

Dans un bilan sur les coopérations internationales hospitalières, la DGOS ([24]) souligne ainsi un manque de suivi et d’évaluation des coopérations. Cette absence de contrôle constitue un risque très important, au regard en particulier du respect par les établissements de pays partenaires, et notamment la Chine, avec qui la France entretient une coopération dynamique dans le secteur hospitalier depuis la fin des années 2000 (voir infra), des principes éthiques en matière de don d’organes et d’utilisation à des fins scientifiques d’éléments et produits du corps humain.

Cadre de la coopération internationale hospitalière entre la France et la Chine

Dynamique depuis les années 2000, la coopération franco-chinoise a été institutionnellement consolidée en 2008 grâce à la signature d’une première déclaration d’intention de coopération entre les ministres français et chinois de la santé.

Cette concrétisation s’est poursuivie en 2013 avec la signature d’un nouvel accord mettant l’accent sur la création d’une synergie entre les deux systèmes de santé et leurs processus de réforme. La France est ainsi associée depuis 2010 au processus de réforme hospitalière engagé par le ministère de la santé chinois. Dix-huit coopérations étaient recensées en 2015. Elles couvrent la quasi-totalité du territoire chinois et recoupent des actions variées : aide à la formation de médecins et de cadres hospitaliers ou administratifs, projets de recherche médicale et clinique, ou encore échange d’expertise et de bonnes pratiques.

3.   La proposition de loi conditionne la signature des accords et conventions de coopération internationale à la vérification préalable du respect des principes éthiques du don d’organes et de l’utilisation à des fins scientifiques d’éléments du corps humain par les établissements non européens

Afin de garantir le respect des principes éthiques du don d’organes, la proposition de loi entend renforcer l’encadrement des contrats et conventions de coopération.

 Le I conditionne la signature par les établissements de santé publics et privés non lucratifs de conventions de coopération internationale à la vérification par le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) du respect par les établissements de santé publics et privés non membres de l’Union européenne des principes de consentement du donneur et de gratuité du don d’organes prévus aux articles L. 1211-2 et L. 1211-4 du code de la santé publique.

Les principes d’éthique du don d’organes définis aux articles L. 1211-2 et L. 12114 du code de la santé publique

Le principe du consentement du donneur

Selon l’article L. 1211-2 du code de la santé publique, le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur, révocable à tout moment.

L’utilisation d’éléments et de produits du corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été prélevés ou collectés est néanmoins possible, sauf opposition exprimée par la personne sur laquelle a été opéré ce prélèvement ou cette collecte, dûment informée au préalable de cette autre fin.

Le principe de gratuité du don

L’article L. 1211-4 du code de la santé publique dispose qu’aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué à une personne se prêtant au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de ses produits.

Le principe de gratuité du don ne s’oppose pas néanmoins à la prise en charge intégrale des frais afférents au prélèvement ou à la collecte par l’établissement de santé chargé d’effectuer ces actes.

Selon l’article L. 1211-4 du code de la santé publique, le prélèvement d’organes, de tissus ou de cellules sur une personne vivante qui en fait le don dans l’intérêt thérapeutique d’un receveur est assimilé à un acte de soins.

 Le II vise à s’assurer que les coopérations internationales entre acteurs de la recherche respectent les principes éthiques de la recherche en matière d’utilisation d’éléments et produits du corps humain.

Il conditionne la signature des accords et conventions passés par les établissements et organismes de recherche dans le cadre de la coopération scientifique et technologique prévue à l’article L. 111-3 du code de la recherche à la vérification du respect par les établissements de recherche de pays non membres de l’Union européenne des principes d’éthique relatifs à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques énoncés à l’article L. 222-1 du code de la recherche.

La vérification du respect de ces principes est assurée par les établissements et organismes de recherche eux-mêmes.

Les règles relatives à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques définies par l’article L. 222-1 du code de la recherche

L’article L. 222-1 du code de la recherche énonce les dispositions régissant l’utilisation d’éléments et produits du corps humains à des fins scientifiques. Ces dispositions concernent l’utilisation du sang, des organes et des tissus et cellules.

S’agissant de l’utilisation à des fins scientifiques du sang, l’article L. 222-1 renvoie aux articles L. 1221‑4, L. 1221‑8‑1 et au deuxième alinéa de l’article L. 1221‑12 du code de la santé publique qui prévoient les dispositions suivantes :

– le sang ne peut être utilisé sans qu’aient été faits des examens biologiques et des tests de dépistage de maladies transmissibles (article L. 1221-4 du code de la santé publique) ;

– le sang peut être utilisé dans le cadre d’une activité de recherche, qu’il ait été ou non prélevé au sein de l’Établissement français du sang (article L. 1221-8-1 du code de la santé publique) ;

– l’importation ou l’exploration de sang à des fins scientifiques est soumise à l’autorisation du ministre chargé de la recherche (article L. 1221‑12 du code de la santé publique).

S’agissant de l’utilisation à des fins scientifiques d’organes, l’article L. 222-1 du code de la recherche renvoie aux articles L. 1232-1 à L. 1232-3, au troisième alinéa de l’article L. 1235‑1 et à l’article L. 1235-2 du code de la santé publique selon lesquels :

– il est possible de prélever, à des fins scientifiques, des organes sur une personne décédée, à condition que le défunt n’ait pas fait connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement (article L. 1232-1 du code de la santé publique). Si la personne décédée était un mineur ou majeur sous tutelle, alors le prélèvement ne peut avoir lieu qu’à la condition que les tuteurs y consentent (article L. 1232-2 du code de la santé publique) ;

– le prélèvement d’organes sur une personne décédée ne peut être fait que dans le cadre de protocoles transmis préalablement à l’Agence de la biomédecine (article L. 1232-3 du code de la santé publique) ;

– un organisme peut importer ou exporter des organes à des fins scientifiques, à la condition qu’il dispose d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de la recherche après avis de l’Agence de la biomédecine (article L. 1235-1 du code de la santé publique) ;

– des organes prélevés à l’occasion d’une intervention chirurgicale peuvent être utilisés à des fins scientifiques. L’utilisation est conditionnée à l’information de la personne prélevée, ainsi qu’à l’absence d’opposition de celle-ci (article L. 1235-2 du code de la santé publique).

S’agissant de l’utilisation à des fins scientifiques de tissus et cellules, l’article L. 222-1 du code de la recherche renvoie aux articles L. 1241-5, L. 1243-3, L. 1243-4, L. 1245-2, L. 1245-5 et L. 1245-5-1 du code de la santé publique selon lesquels :

– des tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux prélevés à l’issue d’une interruption de grossesse peuvent être conservés et utilisés à des fins scientifiques, à condition que la femme ayant subi l’interruption de grossesse y consente (article L. 1245-1 du code de la santé publique) ;

– un organisme peut, après déclaration auprès du ministre chargé de la santé, « pour les besoins de ses propres programmes de recherche, assurer la conservation et la préparation à des fins scientifiques de tissus et de cellules issus du corps humain ». Le ministre chargé de la recherche peut s’y opposer, notamment si la protection des personnes ou la sécurité n’est pas assurée ou encore si la finalité scientifique de l’activité n’est pas établie (article L. 1243-3 du code de la santé publique) ;

– tout organisme qui assure la conservation et la préparation de tissus et cellules issus du corps humain en vue de leur cession pour un usage scientifique doit être titulaire d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de la recherche (article L. 1243-4 du code de la santé publique) ;

– peuvent être utilisés à des fins scientifiques les tissus et cellules « prélevés à l’occasion d’une intervention chirurgicale pratiquée dans l’intérêt de la personne opérée, à l’exception des cellules du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que des cellules du cordon et du placenta ». L’utilisation est conditionnée à l’information et au consentement de la personne opérée, ou de ses tuteurs si cette personne est un mineur ou un majeur sous tutelle (article L. 1245-2 du code de la santé publique) ;

– il est possible de se procurer, à des fins scientifiques, des tissus et cellules préparés et conservés dans un État membre de l’Union européenne. Ces tissus et cellules doivent faire l’objet d’une évaluation et d’une autorisation délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, après avis de l’Agence de la biomédecine (articles L. 1245-5 et L. 1245-5-1 du code de la santé publique).

 

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Article 2
Mise en place d’un dispositif de surveillance a posteriori du respect des principes éthiques de l’utilisation d’éléments et produits du corps humain et de leurs dérivés par les établissements de santé et établissements de recherche non membres de l’Union européenne partenaires de la France

Supprimé par la commission

L’article 2 crée un dispositif de surveillance a posteriori du respect des principes éthiques relatifs à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain et de leurs dérivés par les établissements de santé et instituts de recherche non européens partenaires de la France durant la période d’exécution des accords et conventions de coopération internationale. Ce dispositif de surveillance est mis en œuvre par l’Agence de la biomédecine.

● L’article 2 de la présente proposition de loi complète l’article L. 1418-1 du code de la santé publique relatif aux missions de l’Agence de la biomédecine, établissement public administratif chargé notamment d’encadrer et d’évaluer le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus en France.

L’article 2 confie à l’Agence de la biomédecine la mise en place de dispositifs de surveillance a posteriori du respect des principes d’éthique pour l’utilisation à des fins scientifiques d’éléments et produits du corps humain et de leurs dérivés par les partenaires non européens dans le cadre des conventions de coopération internationale entre établissements de santé, prévues à l’article L. 6134‑1 du code de la santé publique, ainsi que des accords et coopérations entre établissements et organismes de recherche, prévus à l’article L. 111-3 du code de la recherche. La surveillance est effective durant toute la période d’exécution de ces accords et conventions de coopération.

Les principes d’éthique pour l’utilisation à des fins scientifiques d’éléments et produits du corps humain et de leurs dérivés sont définis à l’article L. 222-1 du code de la recherche (voir supra).

● Ainsi, le contrôle a posteriori prévu par le présent article complète le contrôle a priori prévu par l’article 1er de la proposition de loi : l’encadrement des conventions de coopération, et plus précisément le respect des principes éthiques par les partenaires non européens, est assuré au préalable et durant toute la durée de la coopération.

 

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Article 3
Interdiction pour les établissements de santé et de recherche français de coopérer avec des acteurs non membres de l’Union européenne ne pouvant présenter des garanties auditables de leur respect des principes éthiques du don d’organes et de l’utilisation d’éléments et produits du corps humain

Supprimé par la commission

L’article 3 prévoit l’impossibilité pour les établissements de santé et de recherche français de signer des contrats et conventions de coopération avec leurs homologues de pays non membres de l’Union européenne, si ces derniers ne peuvent présenter des garanties de leur respect des principes éthiques du don d’organes et de l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques.

Les articles 1er et 2 de la présente proposition de loi conditionnent les coopérations entre acteurs français et non européens à la vérification a priori et a posteriori du respect des principes éthiques du don d’organes et de l’utilisation à des fins scientifiques d’éléments et produits du corps humain et leurs dérivés. Le présent article vise à sécuriser le dispositif proposé aux articles 1er et 2 de la proposition de loi en prévoyant l’interdiction de signer des coopérations lorsque ces principes ne sont pas respectés.

● L’article 3 interdit la signature de conventions avec des établissements de santé ou de recherche de pays non membres de l’Union européenne en l’absence de garanties auditables, c’est-à-dire de garanties issues d’audits réalisées par des tiers, du plein respect par les établissements partenaires des principes éthiques relatifs au don d’organes prévus aux articles L. 1211‑2 et L. 1211‑4 du code de la santé publique (voir supra).

Cette interdiction concerne :

– les conventions passées par les établissements de santé publics ou privés non lucratifs mentionnées à l’article L. 6134-1 du code de la santé publique ;

– les accords et conventions passés par les établissements et organismes de recherche dans le cadre de la coopération scientifique et technologique mentionnée à l’article L. 111-3 du code de la recherche.

 À l’instar du dispositif prévu à l’article 1er de la présente proposition de loi pour les conventions passées par les établissements de santé, l’article 3 conditionne par ailleurs la signature des conventions passées par les établissements et organismes de recherche à la vérification par le CCNE du respect des principes éthiques relatifs à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques, tels que définis à l’article L. 222-1 du code de la recherche (voir supra).

 

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Article 4
Conditionnement des coopérations entre centres de recherche français et de pays non membres de l’Union européenne à l’existence de dispositions légales relatives au consentement du donneur d’organes dans le pays partenaire

Supprimé par la commission

L’article 4 de la présente proposition de loi conditionne les coopérations entres centres de recherche français et non européens à l’existence, dans la législation des pays partenaires, de dispositions sanctionnant le non‑respect du consentement des personnes se prêtant à des recherches impliquant la personnes humaine.

● L’article 4 rappelle que la signature des conventions passées par les établissements et organismes de recherche est conditionnée à la vérification du respect par les établissements et organismes partenaires, des principes éthiques relatifs à l’obligation d’obtenir le consentement des personnes qui se prêtent à des recherches impliquant la personne humaine.

● L’article 4 prévoit que la signature des conventions et contrats passés par les établissements et organismes de recherche français est conditionnée à la vérification que les manquements à l’obligation d’obtention du consentement des personnes qui se prêtent à des recherches impliquant la personne humaine sont punis par la législation nationale du pays de l’établissement avec lequel la signature de ces conventions est envisagée. Cet article permet de mettre en cohérence la politique de coopération internationale en matière médicale et scientifique avec l’article L. 223‑ 3 du code de la recherche, qui dispose que les manquements à l’obligation d’obtention du consentement des personnes qui se prêtent à des recherches impliquant la personne humaine font l’objet de sanctions pénales.

 

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Article 5
Mise en place d’une charte modèle permettant d’assurer la vérification du respect des règles d’éthique par les établissements de pays non membres de l’Union européenne

 

Supprimé par la commission

Cet article prévoit la mise en place d’une charte modèle pour assurer la vérification du respect par les établissements de pays non membres de l’Union européenne des règles d’éthique relatives au don d’organes et à l’utilisation à des fins scientifiques d’éléments et produits du corps humain et introduit un principe de précaution interdisant la signature de conventions lorsque les conditions fixées par cette charte ne sont pas réunies.

●L’article 5 de la présente proposition de loi prévoit la mise en place d’une charte modèle établie en concertation avec les établissements de santé et validée par le CCNE.

Cette charte porte sur les procédures de vérification du respect par les établissements de pays non membres de l’Union européenne des principes d’éthique en matière de don d’organes et d’utilisation d’éléments du corps humain à des fins scientifiques définis aux articles L. 1211-2 et L. 1211-4 du code de la santé publique et à l’article L. 222-1 du code de la recherche. Elle porte également sur les garanties issues d’audits réalisées par des tiers et attestant du respect par les établissements des principes d’éthique susmentionnés, prévues à l’article 3 de la proposition de loi.

● Aux termes de l’article 5 de la proposition de loi, si les procédures de vérifications et d’audits ne sont pas menées conformément aux règles établies par la charte, un principe de précaution s’applique et implique que les conventions ou accords avec des établissements de santé ou de recherche non membres de l’Union européenne ne peuvent être signés.

 

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Article 6
Gage financier

Supprimé par la commission

Cet article vise à prévoir un mécanisme de compensation des pertes de recettes et des charges qui résulteraient, pour l’État, de l’adoption des articles 1er à 5 de la présente proposition de loi.

 

 

 


 

   travaux de la COMMISSION

Au cours de sa deuxième réunion du mercredi 31 mars 2021, la commission des affaires sociales examine la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens (n° 3316) (Mme Frédérique Dumas, rapporteure) ([25]).

I.   Discussion générale

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous consacrons nos travaux à la discussion des trois textes dont le groupe Libertés et Territoires a proposé l’inscription à l’ordre du jour des séances publiques qui lui seront réservées, le jeudi 8 avril.

Nous commençons par l’examen de la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens.

Mme Frédérique Dumas, rapporteure. « La France n’est pas là pour être le gendarme du monde, elle est là pour ne pas participer à une faille éthique. On ne peut pas en même temps parler d’une rigueur éthique dans notre pays et d’une désinvolture éthique dès qu’on quitte nos frontières. » Ces paroles du professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, lors d’une conférence-débat sur le trafic d’organes et le tourisme de transplantation organisée en 2013 par notre assemblée, nous obligent et nous placent face à nos responsabilités.

Le prélèvement forcé d’organes constitue, en Chine, un phénomène d’ampleur. Toujours à l’œuvre, il demeure largement impuni malgré les nombreuses enquêtes attestant depuis plusieurs années de cette pratique criminelle. À la différence de la plupart des pays meurtris par les fléaux du trafic d’organes, du tourisme de transplantation et du prélèvement forcé, la situation de la Chine est singulière dans la mesure où ces actes ne sont pas le fait d’organisations mafieuses mais sont, au contraire, organisés et encouragés par l’État. Il est établi de manière irréfutable que la Chine organise depuis des années une chaîne industrielle complète de prélèvements d’organes de prisonniers politiques, notamment de conscience, servant à alimenter les hôpitaux et permettant de réaliser un nombre massif d’opérations de transplantation, même si l’origine et la nature des prélèvements ont pu évoluer. Les pratiquants du Falun Gong – mouvement syncrétiste fondé en 1992 et interdit en 1999 – ont historiquement été la principale cible de ces pratiques atroces. La propagande chinoise a amené à assimiler dans le monde entier, notamment en France, les pratiquants du Falun Gong aux adeptes d’une secte et à fermer les yeux sur le fait que jusqu’à 1,5 million de ses pratiquants auraient été tués pour leurs organes depuis 1999.

Eu égard à l’attention croissante de la communauté internationale, la Chine a été amenée à modifier sa législation. Elle a adopté une loi interdisant le trafic d’organes en 2007 et a officiellement mis fin au prélèvement forcé sur les prisonniers en 2015, affirmant désormais fonder son système de transplantations sur le seul don d’organes. Cela a imposé de transformer le circuit d’approvisionnement en remplaçant les organes issus de personnes prisonnières de l’appareil carcéral et de sécurité par ceux de donneurs prétendument volontaires, déclarés morts selon des critères neurologiques et/ou circulatoires.

Les dernières enquêtes réalisées à ce sujet témoignent pourtant de la poursuite certaine de la pratique du prélèvement forcé. Le China Tribunal, tribunal indépendant institué à Londres par la Coalition internationale pour mettre fin aux abus de transplantations en Chine, a rendu en juin 2019 un jugement selon lequel « [...] il est irréfutable que la Chine a été et continue d’être complice de la mutilation d’êtres humains en vue du prélèvement de leurs organes ». Ce tribunal a qualifié ces pratiques de « crimes contre l’humanité prouvés audelà de tout doute raisonnable ». La Chine continue de tuer des prisonniers pour réaliser des transplantations d’organes, ciblant en particulier les membres du mouvement Falun Gong et la minorité ouïgoure, utilisée comme une véritable banque d’organes.

Les éléments attestant de la poursuite de ces crimes sont nombreux. Ainsi, le nombre de greffes effectuées en Chine bat tous les records. L’enquête réalisée par David Kilgour et David Matas, dont les résultats ont été publiés en 2016 et revus en 2020, établit qu’entre 60 000 et 100 000 greffes d’organes sont réalisées chaque année en Chine, tandis que le nombre officiel de transplantations est compris entre 19 000 et 29 000. Cette enquête mentionne l’hôpital de Tianjin, où pas moins de 6 000 opérations ont été effectuées en 2015. Puisqu’il existe cent quarante-six centres de transplantations en Chine, le calcul est tragiquement simple.

L’attente pour obtenir une greffe est extrêmement courte, et les transplantations peuvent être programmées dans de nombreux hôpitaux. Les délais sont de quelques jours seulement, voire de quelques heures. Il n’est pas concevable que des opérations massives de transplantation dans des délais si courts reposent sur le seul système du don, en particulier dans un pays dont la culture est marquée par une aversion particulière pour le don d’organes : il est d’usage en Chine d’enterrer le corps entier. À titre de comparaison, en France, 5 901 personnes ont été greffées en 2019 alors que 26 116 étaient en attente d’un organe. Enfin, par nature, la programmation d’une transplantation ne peut être qu’une aberration.

Par ailleurs, il est procédé en détention à des analyses sanguines régulières sur les adeptes du Falun Gong, mais aussi sur les musulmans ouïgours, kazakhs ou kirghiz. Ces analyses sont utilisées pour mesurer le risque de rejet des nouveaux organes lié à l’interaction entre les anticorps du receveur et les antigènes du donneur. En décembre 2018, Ethan Gutman, enquêteur sur les droits de l’homme, a fourni au China Tribunal des preuves établissant qu’au cours des mois précédents, environ 15 millions de musulmans ouïgours avaient été soumis à des tests sanguins et d’ADN visant à s’assurer de la compatibilité des tissus.

Malgré les condamnations de la communauté internationale, la Chine encourage encore activement le tourisme de transplantation en poursuivant des campagnes de communication destinées à encourager les étrangers – notamment des pays du Golfe – à se rendre en Chine pour bénéficier de greffes d’organes. Le site www.tran-kid.com, intégralement traduit en langue arabe, indique ainsi sur sa page d’accueil : « Nous sommes là pour aider les patients étrangers qui cherchent à réaliser une greffe de rein, de cœur, de foie ou de poumon en Chine ».

Deux chercheurs universitaires australiens, Raymond L. Hinde et Matthew P. Robertson, ainsi que Jacob Lavee, chef de l’unité des transplantations cardiaques du centre médical de Sheba à Tel-Aviv, ont examiné la disponibilité, la transparence, l’intégrité et la cohérence des données officielles de la Chine sur les transplantations, grâce à des méthodes statistiques médico-légales. Leurs conclusions, publiées en janvier 2019, sont également sans appel. Divers éléments de preuve révèlent la falsification et la manipulation systématique par intervention humaine des ensembles de données officielles sur les transplantations d’organes, ainsi que la classification erronée des donneurs involontaires dans la liste des donneurs volontaires. Ces manipulations s’accompagnent d’une activité dynamique de transplantation d’organes, souvent encouragée par d’importants versements en espèces. Selon ces chercheurs, les décès pouvaient ainsi être programmés administrativement pour la commodité du receveur capable d’assumer le coût d’achat d’un organe.

La perpétuation de ces actes en Chine ne fait donc l’objet d’aucun doute. Ces pratiques sont insoutenables, totalement contraires à toutes nos valeurs, aux principes cardinaux de dignité de la personne humaine, de non-patrimonialité et d’inviolabilité du corps humain. Pourtant, nous fermons les yeux, nous ne voulons pas voir, et nous nous rendons complices à plusieurs égards.

Nous nous rendons complices en refusant de condamner fermement les pratiques criminelles relatives à l’utilisation des organes. En effet, si la France a signé le 25 novembre 2019 la convention du Conseil de l’Europe sur le trafic d’organes, dite convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, elle ne l’a pas encore ratifiée et a émis d’importantes réserves limitant sensiblement la possibilité de traduire en justice des personnes impliquées dans le trafic d’organes et le tourisme de transplantation. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement de suppression de l’article 1er déposé par le groupe La République en Marche.

Nous nous rendons également indirectement ou directement complices en signant des accords et conventions de coopération avec des établissements de santé et de recherche sans procéder à aucune vérification du respect de nos principes éthiques par ces établissements. La Chine est l’un de nos principaux partenaires dans le domaine médical et la recherche. Une intense coopération s’est développée depuis vingt ans, qui porte principalement sur des programmes de formation médicale et d’accueil de stagiaires, ainsi que sur des opérations d’assistance technique et d’expertise dans le domaine du soin, de la gestion des services cliniques et médico-cliniques et de la gestion des infrastructures.

L’absence de vérification du respect des règles régissant le don d’organes par les établissements partenaires est étayée. Dans un rapport rendu en 2020, la direction générale de l’offre de soins (DOGS) du ministère de la santé a estimé que les coopérations internationales hospitalières faisaient l’objet d’un manque de suivi et d’évaluation. La question se pose notamment s’agissant de la formation des médecins aux techniques de transplantation d’organes, techniques pouvant facilement être dévoyées. Le docteur Alexis Génin a rappelé que de nombreux médecins chinois avaient trahi la confiance que le système de santé français leur avait accordée en utilisant leurs compétences pour procéder aux prélèvements forcés d’organes et alimenter la filière de trafic et de vente d’organes. Nombre de médecins ont d’ailleurs été inquiétés après avoir condamné les pratiques du régime chinois et n’osent plus prendre la parole pour dénoncer ces crimes ; je pense aux professeurs Francis Navarro, Yves Chapuis et Didier Sicard. Nous nous devons de citer leurs noms au sein de notre assemblée.

Les établissements français peuvent également se rendre complices de pratiques contraires à leurs règles éthiques dans le cadre de travaux de recherche réalisés conjointement avec des établissements étrangers. Un collectif de chercheurs australiens en philosophie et éthique médicale a ainsi révélé en février 2019 les résultats d’une enquête menée sur quatre cent quarante-cinq études conduites en Chine, portant sur les greffes d’organes entre 2000 et 2017, et publiées dans des revues scientifiques internationales. Leur enquête montre que 92,7 % des publications ne précisaient pas la source des organes utilisés, et 99 % n’indiquaient pas si le don d’organes avait fait l’objet d’un consentement préalable.

Pour toutes ces raisons, afin d’être cohérents avec nos valeurs et d’appliquer avec rigueur nos principes éthiques, cette proposition de loi tend à encadrer les conventions et accords de coopération passés avec des établissements de santé et de recherche de pays non‑membres de l’Union européenne. Elle permettrait de se doter d’outils efficaces de vérification de ces conventions et accords de coopération, en conditionnant leur signature et leur prolongement au contrôle effectif du respect par les établissements des principes éthiques prévus par le droit français en matière de don d’organes. Ces principes sont la gratuité du don et le consentement préalable du donneur.

À la suite des auditions, j’ai déposé un amendement à l’article 1er afin de rendre le dispositif plus opérationnel et de disposer au plus vite d’outils efficaces, répondant à nos objectifs.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite vivement à voter en faveur de cette proposition de loi. Si l’on suppose, comme certaines et certains l’avancent, que les vérifications que nous proposons dans ce texte ne seront jamais acceptées, il est alors permis de supposer que les principes éthiques que la Chine s’est engagée à observer ne sont pas respectés, ce que nous ne pouvons plus tolérer.

Il ne s’agit en aucun cas de freiner les coopérations en matière médicale et scientifique menées par la France avec les établissements de pays étrangers. Au contraire, il s’agit de tirer le meilleur de ces outils qui contribuent au rayonnement de l’excellence française dans le champ de la santé et permettent de défendre nos valeurs et règles d’éthique dans le domaine de la recherche et du soin. Il s’agit de ne plus fermer les yeux et de prendre nos responsabilités face à ces crimes que nous ne pouvons plus ignorer. Nous avons la possibilité de faire entendre notre voix face à la Chine, qui a besoin de notre coopération active et dynamique dans le domaine de la recherche et du soin.

Nous pouvons également donner l’exemple au niveau international et inspirer de nombreux pays prêts à suivre ce chemin à leur tour. Plusieurs pays sont mieux-disants que nous en ce domaine. Les revues scientifiques internationales refusent de publier les études de certains scientifiques chinois dont nous maintenons le statut de membre étranger de l’Académie nationale de médecine ; c’est notamment le cas du Dr Zheng Shouzen. Renoncer à défendre les principes éthiques sur la scène internationale, ce serait refuser de nous hisser au niveau des valeurs que nous déclarons défendre. Il est urgent d’agir pour ne plus nous rendre coupables de ces violations graves des droits humains les plus fondamentaux.

M. Jean-François Mbaye. Si la proposition de loi dont nous sommes saisis vise à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens, la lecture de son exposé des motifs laisse à penser qu’elle cible plus particulièrement la République populaire de Chine, seul État mentionné dans ce texte. À cet égard, et indifféremment au fait que nous partageons les convictions et combats de la rapporteure en faveur du respect des droits humains et des minorités, on peut s’interroger sur l’opportunité de faire une proposition de loi de ce qui relève davantage de la tribune politique.

Rappelons la mobilisation constante de notre pays dans la lutte contre le trafic d’organes, dont témoigne la signature en 2019 de la convention dite de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle, destinée à parfaire l’arsenal juridique édifié par notre pays pour lutter contre ces activités criminelles. Ainsi que le soulignait le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères en réponse à la question que je lui ai adressée hier en séance publique, notre assemblée sera prochainement saisie du projet de loi de ratification de cette convention, qui lui permettra de produire pleinement ses effets.

En ce qu’elle a pour objet de soumettre la conclusion de partenariats entre des établissements de santé et de recherche français et non européens à une vérification a priori et a posteriori du respect des principes éthiques français, cette proposition de loi semble en partie satisfaite et en partie inopérante. Satisfaite, car les structures françaises qui en sont capables contrôlent d’ores et déjà le respect de ces principes dans le cadre de leurs actions de coopération internationale. Inopérante, car celles qui ne peuvent matériellement procéder à un tel contrôle ne sauraient présumer du non-respect de ces principes par leurs partenaires sur le fondement de cette insuffisance pratique.

Dès lors, l’adoption de ce texte serait susceptible de paralyser les mécanismes de coopération internationale en matière de santé et de recherche sans pour autant permettre d’atteindre l’objectif fixé, à savoir la cessation des activités de prélèvement forcé d’organes que les autorités chinoises sont accusées de pratiquer sur des prisonniers de conscience.

Convaincu de l’opportunité d’adopter une approche internationale multilatérale aux côtés des partenaires de la France plutôt que de créer un dispositif législatif inopérant dont la portée serait en toute hypothèse réduite, le groupe La République en Marche se prononcera en défaveur de cette proposition de loi.

Mme Josiane Corneloup. Les grands principes sur le fondement desquels se sont développées les greffes en France sont le respect du corps de la personne vivante, la non‑marchandisation du corps humain, le consentement et l’anonymat du donneur et la gratuité du don. La violation de ces règles éthiques est sanctionnée par sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Le cadre actuel semble donc complet.

Cependant, la France ne s’est jamais donné les moyens d’assurer une traçabilité totale des transplantations. Malgré les efforts des professionnels de santé et des pouvoirs publics, de trop nombreuses personnes décèdent encore chaque année, faute d’avoir pu bénéficier à temps d’une greffe d’organes. Dans ce contexte de pénurie, le prélèvement forcé d’organes, leur trafic et le tourisme de transplantation se sont développés. La traite d’êtres humains aux fins de prélèvement d’organes et le trafic d’organes humains aux fins de transplantation représentent un enjeu majeur alors que les besoins des populations occidentales explosent face à une offre limitée de don d’organes. De fait, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 10 % des transplantations dans le monde se font illégalement.

Certains pays, comme la Chine, pratiquent des prélèvements forcés d’organes. Des prisonniers de conscience y sont exécutés à des fins de transplantation. Cette situation est particulièrement inquiétante dans le cadre du tourisme médical. À l’aide d’internet, il est facile de prendre rendez-vous auprès d’hôpitaux étrangers pour pratiquer le tourisme de transplantation. J’ai d’ailleurs défendu en 2019 des amendements afin d’interdire la publicité – notamment les sites web – proposant la vente d’organes humains.

Le Parlement européen s’est prononcé en 2013 et 2016 contre ces pratiques criminelles visant notamment les pratiquants du Falun Gong et les Ouïgours. La signature par la France de la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle constitue une avancée majeure. En criminalisant toutes les activités en lien avec le trafic d’organes, celle-ci vise également à prévenir, à protéger les victimes et à développer des actions interétatiques pour lutter contre ce phénomène. Nous attendons cependant toujours sa ratification.

Nous devons aller plus loin dans la lutte contre le tourisme de transplantation. Quand un patient français est transplanté à l’étranger, la sécurité sociale française rembourse les médicaments antirejet. Or les pays proposant ce tourisme de transplantation d’organes ne respectent pas les mêmes normes éthiques que la France. Nous cautionnons donc, d’une certaine manière, le trafic d’organes. La situation pourrait rapidement évoluer vers des transplantations incontrôlées qui encourageraient des prélèvements d’organes de façon non éthique et pourraient exposer les patients à des risques sanitaires inconnus jusqu’alors.

Cette proposition de loi visant à encadrer les contrats de partenariat entre les établissements de santé français et non européens afin de s’assurer du respect de l’éthique biomédicale et scientifique va dans le bon sens. Le groupe Les Républicains la soutient dans son principe.

Mme Pascale Fontenel-Personne. Les différents dispositifs contenus dans la proposition de loi imposeraient la vérification – tant a priori qu’a posteriori – du respect des principes éthiques de consentement préalable au don d’organes et de gratuité du don, dans les pays tiers concernés.

L’exposé des motifs vise particulièrement les interactions scientifiques avec la Chine, régulièrement accusée de pratiquer des prélèvements d’organes forcés sur des prisonniers, notamment politiques ou issus de minorités religieuses comme les Ouïgours.

Si nous partageons les préoccupations de la rapporteure sur ces questions, nous nous interrogeons sur les effets concrets d’un tel texte sur la politique intérieure chinoise et sur l’impact qu’il pourrait avoir sur notre rayonnement scientifique international, surtout dans le contexte pandémique actuel, où la coopération doit être le maître-mot.

De telles dispositions législatives ne nous semblent pas le moyen le plus approprié pour que la France exerce une réelle influence sur son partenaire chinois. Nous considérons en effet que l’action diplomatique constitue un vecteur bien plus efficace dans le combat contre le trafic d’organes et la traite humaine. C’est d’ailleurs dans cette perspective que notre pays a signé, en 2019, la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui sécurise le système de transplantation européen et impose des sanctions pénales en cas de trafic d’organes. Cette convention devrait être ratifiée rapidement par le Parlement, et c’est heureux. Pour ces différentes raisons, le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés ne soutiendra pas cette initiative législative.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la rapporteure, nous tenons à remercier votre groupe d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de votre niche parlementaire, et de nous permettre ainsi de débattre de ce sujet éminemment éthique. La France souffre d’une importante pénurie de dons d’organes, puisqu’on estime que jusqu’à 30 % des patients inscrits sur les listes d’attente meurent avant d’avoir pu bénéficier d’une transplantation.

Il est indispensable de renforcer notre législation en luttant contre le tourisme de transplantation, qui conduit des personnes aisées à se rendre dans des pays pauvres pour acheter des organes. Il faut également veiller à ce que les importations d’organes dans notre pays respectent effectivement les principes de dignité de la personne humaine et de consentement éclairé des donneurs.

C’est l’objet de cette proposition de loi, qui mérite un examen attentif de notre part. Il est en effet d’autant plus nécessaire d’agir collectivement et efficacement en ce sens que notre pays est en retard dans ce domaine : Taïwan, Israël, mais également des pays voisins, comme l’Espagne ou l’Italie, ont déjà modifié leur législation nationale afin de sanctionner plus sévèrement les personnes impliquées dans ces crimes, et éviter ainsi que leurs citoyens ne se rendent complices de ces atrocités.

C’est indispensable, puisqu’il est démontré dans l’exposé des motifs de la proposition de loi qu’un pays comme la Chine se livre à des prélèvements d’organes sur des prisonniers. En 2016, un rapport rédigé par un député canadien estimait le nombre de transplantations clandestines à 90 000 par an. La France a, certes, signé en 2019 la convention dite de Saint-Jacques-de-Compostelle contre les trafics d’organes humains, mais il est encore difficile, voire impossible, d’obtenir que les personnes impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d’organes soient traduites devant nos tribunaux. Il semble en effet que le droit actuel soit insuffisant pour lutter contre ces pratiques bien que des articles du code pénal et du code de la santé publique visent respectivement à sanctionner les abus et à s’assurer que les principes éthiques sont respectés.

Nous devons donc avancer sur ce sujet. Le texte qui nous est soumis nous en offre l’occasion. Aussi notre groupe le soutiendra-t-il.

Mme Annie Chapelier. Suivant en cela l’une de ses règles, le groupe Agir ensemble respectera, sur ce texte, la liberté de vote de ses membres. C’est donc à titre personnel que j’exprime mon soutien plein et entier à la proposition de loi de Frédérique Dumas, cette position n’étant pas partagée par l’ensemble du groupe.

La proposition de loi a pour ambition de s’élever contre les dérives des géants de ce monde. Nous n’osons plus, et c’est fort regrettable, exprimer notre désaccord, opposant le rayonnement scientifique français aux droits humains et à la lutte contre le trafic d’organes humains. Je tiens donc à saluer le courage des auteurs du texte. Le sujet est grave et mérite tout notre intérêt.

En proposant de soumettre la conclusion des conventions de coopération à la vérification préalable du respect, dans les pays tiers concernés, des principes éthiques applicables au don d’organes, notre rapporteure souhaite éviter que des médecins, des personnels de santé ou des établissements français ne se trouvent mêlés, directement ou indirectement, à des filières de trafic d’organes. Certes, une telle situation n’a jamais été observée à ce jour, mais il s’agit de défendre avec ferveur les droits de l’homme et un strict respect de l’éthique du don d’organes alors que la répression de la minorité ouïgoure, qui ne fait plus débat, nous rappelle à quel point les droits humains sont bafoués par la Chine.

Au reste, ce pays n’est pas le seul concerné. D’autres, beaucoup plus pauvres, pratiquent également le trafic d’organes et auraient pu être cités par la rapporteure : cela aurait peut-être contribué à faire changer d’avis nos collègues. Toujours est-il que la proposition de loi fait écho au récent discours de fermeté tenu par le gouvernement français vis-à-vis de la Chine. En effet, la France a récemment refusé, et je m’en réjouis, de soutenir l’accord sur les investissements entre l’Union européenne et la Chine, en raison de l’absence de garanties apportées par Pékin quant à l’interdiction du travail forcé.

Par ailleurs, en novembre 2019, le Gouvernement a signé la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes, dite convention de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle. Le projet de loi autorisant la ratification de cette convention doit être prochainement présenté en Conseil des ministres en vue de son examen au Parlement. Nous ne pouvons que vivement souhaiter que le Gouvernement l’inscrive rapidement à l’ordre du jour des deux chambres.

Parce qu’elle s’inscrit dans le droit fil de nos engagements internationaux et apporte des garanties permettant de sécuriser les coopérations scientifiques avec nos partenaires non européens, je voterai en faveur de cette proposition de loi.

Mme Valérie Six. Je tiens d’abord à remercier la rapporteure pour cette courageuse initiative en faveur de la défense des droits humains.

Il paraît avéré qu’un certain nombre de riches étrangers se rendent en Chine pour y bénéficier d’une transplantation d’organe, et pour cause : il est possible de s’y faire transplanter n’importe quel organe dans un délai de douze jours – contre trois ans en France –, de sorte qu’il n’est pas possible que les organes soient prélevés dans le respect des principes éthiques, au premier rang desquels figure le consentement du donneur.

Il ressort de la lecture des amendements déposés par le groupe La République en Marche que la proposition de loi sera vraisemblablement rejetée, au profit d’une solution relevant du droit international. Certes, le dispositif proposé pourrait entraver la capacité des acteurs français de conclure des conventions de coopération avec les acteurs chinois sans pour autant gêner la Chine. Qui plus est, selon l’Agence de la biomédecine, les Français n’alimentent pas ce tourisme de transplantation chinois. Mais comment pourrait-on cautionner le fait que des établissements français passent des accords avec des établissements chinois sans avoir des garanties suffisantes quant au respect des principes éthiques reconnus par le droit international ?

J’ajoute que l’Union européenne devrait s’engager davantage dans ce domaine. La France assurera, au premier semestre 2022, la présidence du Conseil de l’Union européenne. Ainsi, nous pourrons agir au bon échelon : l’échelon européen. Le groupe UDI et Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi.

M. Olivier Falorni. La belle proposition de loi de Frédérique Dumas nous offre l’occasion de réaffirmer avec force nos principes éthiques, en particulier celui du respect de la dignité humaine. Si notre législation nationale est claire dans le domaine de la bioéthique et du don d’organes, la France n’hésite pas à coopérer au plan scientifique et médical avec des pays qui ne respectent pas les règles que nous nous fixons. Ce faisant, nous prenons le risque de nous rendre en quelque sorte complices de pratiques contraires à notre modèle éthique et à la dignité humaine.

Le cas de la Chine est, en effet, très inquiétant. Les enquêtes indépendantes et des témoignages convergents concluent à la persistance de prélèvements d’organes forcés, qui plus est sur des prisonniers dits de conscience, qu’ils soient tibétains, ouïgours ou chrétiens. Les soupçons sont suffisamment nombreux et appuyés pour que les principes de « doute certain » et de « précaution » s’appliquent, car il est question d’atteinte à la dignité, voire à la vie des personnes. Nous ne pouvons pas appliquer nos règles éthiques avec intransigeance lorsque ces pratiques ont lieu en France et presque complaisants lorsqu’elles ont lieu à l’étranger.

Que les choses soient claires : il ne s’agit pas d’ingérence. La proposition de loi a en effet pour objet d’encadrer nos accords de coopération, accords que nous sommes libres de conclure. Le dispositif ne permettrait pas à proprement parler d’empêcher le tourisme de transplantation ou le trafic d’organes, mais il nous éviterait d’être les complices de pratiques intolérables et criminelles.

Nous devons nous montrer à la hauteur de la prise de conscience européenne et internationale des atteintes aux droits de l’homme dont sont notamment victimes les minorités ouïgoures. Tel est l’objectif du texte que nous vous proposons et que, pour ma part – cela va sans dire –, je voterai.

M. Pierre Dharréville. Nous devons redoubler de vigilance en matière d’éthique, défendre nos conceptions et les faire vivre concrètement, le cas échéant dans le cadre du débat qui peut, au niveau international, mettre aux prises différentes visions du monde. Souvent, nos principes éthiques sont attaqués par la loi de l’argent.

En droit français, l’achat d’un organe et le prélèvement illicite d’organes sur une personne vivante majeure ou sur une personne décédée sont sanctionnés. Lorsque l’importation d’un organe humain est envisagée, l’importateur se trouve dans l’obligation de s’assurer que les principes éthiques essentiels consacrés par la législation française ont été respectés à l’occasion du prélèvement dans le pays d’origine. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, mon groupe, souhaitant aller plus loin dans ce domaine, avait déposé un amendement visant à accentuer les contrôles et à renforcer les sanctions dont sont passibles les réseaux organisant le trafic d’organes, que ce soit en Chine ou ailleurs. Nous sommes opposés au tourisme de transplantation et à la marchandisation. Lorsque des soupçons ou des faits avérés existent, nous devons avoir les moyens d’agir. Il ne s’agit donc pas de cibler tel ou tel pays, au risque de se tromper de combat. La loi est de portée générale ; elle s’appliquera à tous nos partenaires non européens.

L’examen de ce texte doit être l’occasion de rappeler les piliers essentiels de notre philosophie du don : le respect du corps de la personne vivante et de la personne décédée, la non-patrimonialité du corps humain, le consentement et l’anonymat du donneur, et la gratuité du don. Nous devons adopter des dispositions concrètes nouvelles pour mieux assurer la sécurité et l’éthique.

M. Jean-Louis Touraine. Madame Dumas, je vous remercie pour votre appel parfaitement justifié au respect des droits de l’homme et à une éthique universelle. Nul n’est plus motivé que moi pour faire respecter la bioéthique, en particulier dans le domaine de la transplantation d’organes. Heureusement, notre pays s’est doté très tôt des moyens de prévenir et de réprimer le trafic d’organes ou le recours de malades français à des greffes à l’étranger. Cette tentation existe, en effet, pour certains patients fortunés victimes de la pénurie d’organes à transplanter en France.

Selon les données officielles de l’Agence de la biomédecine, chargée du contrôle de la transplantation d’organes, aucun patient français n’est allé en Chine pour recevoir une greffe. Il s’agit donc de rechercher un moyen de lutter contre les ventes d’organes, les prélèvements forcés et les modalités non éthiques de transplantation dans quelques pays étrangers, dont la Chine. Il y a plusieurs décennies, la mobilisation de la communauté médicale nous a permis de mettre un terme à l’activité d’une clinique britannique qui vendait des greffes d’organes rétribués à des patients provenant de pays divers.

Mme Dumas a raison de souhaiter que la Chine respecte les droits de l’homme. Mais, dans un souci d’efficacité, je souscris à la proposition de Jean-François Mbaye de ratifier rapidement la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, que la France a signée, et de solliciter le ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour transmettre nos vœux sans passer par le vote d’une loi. Ni la France ni les malades ni les médecins français ne sont impliqués en quoi que ce soit dans des transplantations non éthiques qui violent les droits de l’homme.

Mme Isabelle Valentin. Cette proposition de loi a trait à un véritable sujet de bioéthique. Nous devons, en la matière, être d’une grande exemplarité et exercer la plus grande vigilance. Alors que la pénurie d’organes s’accentue, que de nombreux Français attendent un don et que plusieurs centaines de patients décèdent chaque année faute d’avoir pu en recevoir un à temps, le prélèvement forcé, le trafic d’organes et le tourisme de transplantation se sont fortement développés ces dernières années.

La traite d’êtres humains à des fins de prélèvement d’organes et le trafic d’organes humains aux fins de transplantation, notamment en Chine, sont particulièrement inquiétants et doivent être pris en compte. Il s’agit d’un enjeu de santé publique majeur, qui expose notre pays à un risque sanitaire d’envergure ; nous ne pouvons le tolérer. Le fait que, chaque année, des personnes disparaissent des listes de patients en attente d’un don d’organes doit nous questionner. Ces personnes transplantées à l’étranger bénéficient de la gratuité des traitements antirejet pris en charge par la sécurité sociale. En l’acceptant, nous cautionnons, d’une certaine manière, le trafic à grande échelle.

Nous devons également mener une réflexion de fond pour identifier les principes éthiques devant s’appliquer à cette pratique qui, lorsqu’elle est effectuée dans les règles, sauve des milliers de vies chaque année. Quelle position adopter lorsque des Français reviennent sur notre territoire après avoir reçu un don d’organe à l’étranger ? Quels seraient les obstacles à la création d’un registre des patients français transplantés à l’étranger ?

M. Stéphane Viry. Dans un tel domaine, notre degré d’exigence doit être très élevé. Nos règles éthiques sont intangibles ; elles reposent sur les droits humains fondamentaux et se fondent, s’agissant des transplantations d’organes, sur les principes de gratuité, d’anonymat et de consentement. Le don d’organes est nécessaire à la médecine et à la vie des hommes et des femmes qui ont besoin d’une greffe. Aussi la pénurie d’organes a‑t‑elle contribué à créer un tourisme de la transplantation. Face au développement d’un véritable trafic relevant de la criminalité, les politiques tendent à s’harmoniser à l’échelle européenne, notamment dans le cadre de la convention dite de Saint-Jacques-de-Compostelle de 2019.

Toutefois, une convention, cela reste un morceau de papier. Or il faut agir de manière efficace. Le sentiment d’impunité, voire l’encouragement de ces faits criminels par certains États – on peut même parler de complicité – ne sont pas tolérables. Aussi votre proposition de loi me semble-t-elle aller dans la bonne direction. De fait, on ne peut pas se contenter de la convention de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle, qui marque une avancée, certes, puisqu’elle définit un cadre, mais qui ne garantit pas les vérifications nécessaires à l’action efficace, ferme et intransigeante que requièrent nos exigences éthiques.

Telles sont les observations que je voulais faire en réponse à ceux de nos collègues qui ont indiqué qu’ils n’approuveraient pas cette proposition de loi ; pour ma part, je la voterai.

Mme la rapporteure. Monsieur Mbaye, cette proposition de loi serait, avez-vous dit, une tribune politique, au motif qu’elle ne vise qu’un seul pays. Mais désigneriez-vous ainsi les propos du Président de la République sur la Russie ou la Turquie ? Si nous avons fait le choix de mentionner la Chine dans l’exposé des motifs, c’est parce qu’elle est le seul État à pratiquer des prélèvements d’organes forcés, lesquels sont, pour le reste, effectués par des réseaux criminels mafieux. Au reste, la Cour suprême chinoise estime que le Parti communiste chinois est au-dessus de la Constitution, des règles et traités. Il s’agit donc d’un crime contre l’humanité perpétré par un système étatique. Bien entendu, le texte s’appliquerait à l’ensemble des pays non européens, mais il est vrai que notre objectif est, non pas politique, mais humanitaire, face à un pays qui a étatisé les prélèvements forcés de grande ampleur.

Par ailleurs, notre proposition de loi serait satisfaite. Ainsi, les vérifications seraient effectuées. Pourtant, même la DGOS indique que tel n’est pas le cas. Et, quand bien même admettrait-on qu’elles le sont, cela signifierait qu’on a des informations permettant d’affirmer qu’il n’y a aucun problème éthique en Chine. C’est très intéressant ! Faut-il rappeler que même les experts de l’OMS ne peuvent avoir accès aux informations concernant le laboratoire de Wuhan, pourtant conçu dans le cadre d’une coopération avec la France ? Il n’y a aucune transparence. Je suis choquée par vos arguments : il s’agit de crimes contre l’humanité.

Par ailleurs, la proposition de loi vise, je le rappelle, à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens ; elle ne concerne donc pas le tourisme de transplantation pratiqué par des Français en Chine. Toutefois, sur ce point, les représentants de l’Agence de la biomédecine que nous avons auditionnés ont eux-mêmes reconnu que leurs analyses ne portaient que sur les greffes de rein car, selon eux, il est exclu que des Français se rendent en Chine pour bénéficier d’une transplantation cardiaque ou pulmonaire en raison des soins postopératoires que nécessite une telle intervention. Pourtant, je l’ai dit, Alexis Génin a relevé que des personnes disparaissaient des listes de patients en attente d’une greffe.

Enfin, vous arguez du fait que la France va ratifier la convention dite de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle – qu’elle a signée en 2019, soit quatre ans après les autres. Or notre pays fait partie des cinq signataires, sur vingt-six, qui ont émis des réserves.

Ainsi, s’agissant des articles 7 et 8 de la convention, la France se réserve le droit de ne pas ériger en infraction pénale : la sollicitation et le recrutement illicites de donneurs et de receveurs d’organes en vue d’un profit ou d’un avantage comparable, soit pour la personne qui sollicite ou recrute, soit pour une tierce personne ; la corruption active ou passive de professionnels de la santé, de fonctionnaires ou de personnes travaillant pour une entité du secteur privé dans le but de prélever ou implanter un organe humain de manière illicite ; la préparation, la préservation, le stockage, le transport, le transfert, la réception, l’importation et l’exportation d’organes prélevés de manière illicite.

Par ailleurs, à propos de l’article 10, la France déclare qu’elle n’exercera sa compétence, s’agissant de délits établis conformément à la convention et commis par ses ressortissants hors du territoire de la République française, qu’à la condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis et que ceci ait donné lieu soit à une plainte de la victime ou de ses ayants droit – vous imaginez le prisonnier de conscience déposer une plainte depuis son camp de détention ! –, soit une dénonciation officielle de la part des autorités du pays où ils ont été commis. Ainsi, la France se laisse le droit de conditionner l’engagement de poursuites à l’existence d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation des autorités de l’État dans lequel l’infraction a eu lieu.

Il est très grave d’émettre de telles réserves.

Quant à la convention d’Oviedo, aucun des trois protocoles additionnels que la France a signés en 2011 n’a été ratifié, y compris celui relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine.

Vous proposez d’agir au niveau du droit international, mais nous sommes en deçà des autres pays dans ce domaine.

Enfin, parmi les publications chinoises ont été retirées parce que ni la source des organes utilisés ni le consentement du donneur ne sont traçables, certaines sont signées d’un professeur qui travaille actuellement en France en vertu d’une convention passée avec le centre hospitalier universitaire de Grenoble – c’est intéressant, pour le ministre de la santé – et qui est toujours membre étranger de l’Académie nationale de médecine !

 

II.   Examen des articles

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Vérification a priori du respect des principes éthiques relatifs au don d’organes et à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques par les établissements avec lesquels sont signés des accords et conventions de coopération

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS1 de M. JeanFrançois Mbaye.

M. Jean-François Mbaye. La proposition de loi présente de nombreuses faiblesses techniques qui nous incitent à la rejeter.

Premier écueil : comme je l’ai déjà indiqué, les dispositions du texte sont en partie satisfaites en ce que les conventions de coopération en matière sanitaire et de recherche conclues entre les établissements français et non européens font l’objet de vérifications concernant le respect de nos principes éthiques. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’Institut Pasteur, pour ne citer que ces deux organismes, possèdent des comités d’éthique chargés de cette vérification.

Deuxième écueil : certaines structures ne peuvent procéder matériellement à cette vérification. Pour remédier à cette difficulté, vous proposez d’instaurer, au nom du principe de précaution, une présomption de transgression de nos principes éthiques qui aurait pour effet de paralyser une importante partie de la coopération internationale en matière sanitaire et de recherche, quand bien même celle-ci serait-elle légitime. La proposition de loi risque ainsi de porter préjudice à nos équipes médicales et de recherche et d’obérer notre capacité d’influer sur les pratiques contraires à l’éthique qui seraient conduites par nos partenaires.

Enfin l’Agence de la biomédecine affirme catégoriquement qu’aucun ressortissant français n’a eu recours au tourisme de transplantation en Chine : sur les vingt-quatre greffes pratiquées sur des Français à l’étranger en 2019, aucune ne concernait ce pays. Au demeurant, de tels voyages ne passeraient pas inaperçus puisque les patients transplantés revenant en France doivent suivre un lourd traitement destiné à assurer la réussite de la greffe dans la durée.

J’y insiste, madame la rapporteure, vos objectifs sont nobles et nous y souscrivons. Mais votre proposition de loi n’est en aucun cas un vecteur adapté pour les atteindre.

La France agit avec force et constance à l’échelon international aux côtés de ses partenaires pour dénoncer et faire cesser tous les abus commis contre les minorités et les droits humains. J’ai moi-même effectué, en tant que rapporteur d’une mission d’information sur le droit international humanitaire, plusieurs déplacements concernant notamment les Rohingyas. C’est uniquement en agissant à ce niveau-là que nous pourrons être efficaces.

Telles sont les raisons pour lesquelles je propose la suppression de l’article 1er.

Mme la rapporteure. Avis évidemment défavorable.

Vous dites : « On vérifie. » De deux choses l’une : soit on n’a rien trouvé, et tout va bien, soit il s’est passé quelque chose et on est obligé de remettre en cause l’accord de coopération. La proposition de loi nous permettrait d’être efficaces. Invoquer ses principes et les accords internationaux qu’on a signés – tout en émettant des réserves pour ne pas être lié par l’obligation de prévoir des sanctions pénales – ne suffit pas.

Vous dites également que ce texte nous empêcherait de mener nos recherches scientifiques. Tout d’abord, si elles se font au prix de crimes contre l’humanité, on peut s’interroger. Ensuite, la Chine attache beaucoup d’importance à sa réputation ; elle a donc besoin de la France. Nous vous proposons simplement de ne pas rendre les médecins français complices de crimes contre l’humanité, en utilisant des outils efficaces, et non pas théoriques.

M. Jean-Louis Touraine. Madame la rapporteure, vos objectifs sont excellents et je les partage intégralement. La question porte sur les moyens de les atteindre.

Si l’article 1er était adopté, nous condamnerions à mort quelques milliers de patients français souffrant d’agammaglobulinémie. En effet, ceux-ci sont traités, pour la majorité d’entre eux, avec des gammaglobulines préparées à partir de dons de plasma effectués dans des pays étrangers qui ne respectent pas les règles éthiques françaises – les donneurs sont rétribués dans des conditions diverses. Ainsi, chaque année, un texte est adopté afin qu’il soit dérogé à ces règles et que ces malades puissent être traités. Si la loi interdisait d’importer des produits prélevés dans des conditions qui ne respectent pas les lois bioéthiques françaises, ces patients ne seraient plus traités et mourraient en quelques mois ou quelques années. Il en allait de même pour les malades traités par cellulothérapie : pendant des années, nous avons importé d’autres pays européens qui appliquaient des mêmes règles éthiques différentes des nôtres des cellules souches qu’il était interdit de préparer en France.

M. Jean-François Mbaye. Madame la rapporteure, vous le savez, je vous le dis les yeux dans les yeux : la France a fait de la lutte contre la traite des êtres humains une priorité à l’échelon tant national qu’international. J’en veux pour preuve son adhésion à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme, par laquelle l’ensemble des États parties s’engagent à réprimer le prélèvement d’organes forcé. Par ailleurs, tous les organismes et établissements français sont liés par la convention d’Oviedo de 1997, qui soumet à des conditions très strictes le prélèvement d’organes ou de tissus aux fins de transplantation. Enfin, si, en matière de recherche, les établissements sont libres, en vertu de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, de conclure des accords de coopération avec l’étranger, des mécanismes de vérification de la conformité de ces accords avec la législation et les engagements internationaux de la France sont appliqués au niveau de chaque établissement par les correspondants du haut fonctionnaire de défense et de sécurité.

Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire, mais votre proposition de loi obérerait notre système de coopération dans le domaine de la recherche et de la santé.

La ratification de la convention d’Oviedo, signée en 1997, a pris du temps. Le ministre s’est engagé à soumettre au Parlement celle de la convention de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle avant la fin de la session. Une fois ratifiée, cette convention sera, en vertu de la hiérarchie des normes, supérieure à notre droit national ; elle complétera ainsi notre arsenal juridique et nous permettra d’agir efficacement. Les dispositions de votre proposition de loi rendraient inopérants un certain nombre d’actes et seraient quasiment redondantes.

M. Stéphane Viry. Selon moi, le seul critère qui vaille, c’est celui de l’efficacité. Or les conventions internationales ne restent bien souvent que des déclarations d’intention ou de principe. Vous avez, cher collègue Mbaye, évoqué la hiérarchie des normes. Elle implique précisément, dans la mesure où toute convention internationale comporte des traductions législatives en droit national, que nous nous préoccupions de la norme inférieure qui assurera son efficacité. Par conséquent, votre argument ne tient pas.

Quant à celui de Jean-Louis Touraine, qui est d’ordre pratique et rationnel – il ne faudrait pas priver les patients de la possibilité d’obtenir une greffe –, il me fait frissonner : c’est la porte ouverte à toutes les compromissions possibles en matière d’éthique ! Je suis de ceux qui considèrent que l’on ne peut pas transiger en la matière. En employant un tel argument, on envoie un signal terrible. Aujourd’hui, il s’agit des dons d’organes, et demain ?

M. Jean-Louis Touraine. Je regrette que vous ne m’ayez pas entendu, cher collègue. J’ai lutté ma vie entière pour imposer l’éthique des transplantations d’organes. J’ai ainsi contribué, avec d’autres, à mettre fin notamment à certaines pratiques de cliniques britanniques et à la vente d’organes de donneurs irakiens. Je me suis, plus que quiconque ici, engagé dans la lutte contre les trafics d’organes.

Le problème est que, dans sa rédaction actuelle, l’article 1er concerne tous les éléments du corps humain. Or les cellules souches ou les immunoglobulines utilisées en France sont fabriquées par des laboratoires étrangers implantés dans des pays dont les règles éthiques diffèrent des nôtres. En effet, le don du sang est rétribué dans l’immense majorité des pays du monde : seul un très petit nombre d’entre eux, dont la France et le Brésil, imposent sa gratuité. Ainsi, des malades français sont traités avec des immunoglobulines fabriquées à partir de dons rétribués.

Chaque année, nous insistons auprès du ministère de la santé pour que la France produise ses propres immunoglobulines dans le respect de ses propres règles éthiques. On nous répond que ce n’est pas possible, car le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies n’est pas capable d’en produire en quantité suffisante. Chaque année, est donc signée une dérogation à la règle afin que ces produits puissent être importés.

Il faut faire attention : si, dans un texte, nous disons que cela doit s’arrêter, il faudra auparavant avoir été capables de produire ces traitements en France pour les seuls patients français.

Mme la rapporteure. Monsieur Touraine, vous aviez tout loisir de déposer un amendement. J’en ai moi-même déposé un qui vise à rédiger l’article 1er et dont nous pourrons discuter si vous ne votez pas l’amendement de suppression.

L’amendement est adopté.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement AS7 de la rapporteure tombe.

Mme la rapporteure. L’amendement AS7 de rédaction globale de l’article étant tombé, je retire les amendements de suppression des articles 2, 3, 4 et 5, que j’avais déposés dans l’hypothèse où cet amendement serait adopté.

Les amendements AS8, AS9, AS10 et AS11 sont retirés.

Article 2 : Mise en place d’un dispositif de surveillance a posteriori du respect des principes éthiques de l’utilisation d’éléments et produits du corps humain et de leurs dérivés par les établissements de santé et établissements de recherche non-membres de l’Union européenne partenaires de la France

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS2 de M. JeanFrançois Mbaye.

Mme la rapporteure. Puisque nombre d’entre vous ont voté pour la suppression de l’article 1er, je me permets de rappeler qu’il s’agit de remettre en cause des conventions qui ne respectent pas les règles éthiques minimales dont la violation conduit à la commission de crimes contre l’humanité – un jour, il sera instructif de revenir sur ce qui a été dit au cours de cette réunion.

En juin 2020, une note de l’ambassade de France en Chine, intitulée « La coopération scientifique et universitaire franco-chinoise à l’épreuve de la nouvelle stratégie nationale d’intégration civile-militaire », invitait à un réexamen de ces coopérations. Quant au chercheur Antoine Bondaz, qui a été ciblé par la Chine, il a déclaré : « Le problème est qu’il n’y a pas de prise de conscience du risque : les scientifiques voient les mesures de sécurité intérieure et de contre-espionnage comme des entraves à la liberté de la recherche. La puissance publique doit les sensibiliser, renforcer le cadre juridique et annoncer que ceux qui l’enfreignent s’exposent à des poursuites. [...] Seule une coopération de qualité pourrait nous prémunir de tomber dans les pièges tendus par le Parti communiste chinois. Il ne faut plus laisser faire n’importe quoi à l’Université : c’est très dangereux. S’il y avait un système à l’américaine avec un top des universités très hiérarchisé, si on sortait de la croyance que toutes les universités se valent, on aurait quelques grosses cylindrées. »

Vous faites donc preuve d’un certain aveuglement en redoutant la remise en cause de nos accords de coopération : il ne s’agit pas tant de les remettre en cause que de les soumettre à des vérifications. Si celles-ci ne peuvent pas être effectuées, c’est bien que quelque chose ne va pas. On l’a vu avec le laboratoire de Wuhan : on ne peut pas prétendre que des investigations ont pu y être menées. C’est inquiétant pour la suite de notre coopération avec la Chine.

Avis défavorable.

M. Jean-François Mbaye. Madame la rapporteure, je suis d’accord avec vous : il faut, dans la mesure du possible, combattre toute régression des droits humains et des minorités, notamment dans les pays que vous citez. Notre point de divergence est le suivant : même si l’on peut partager votre très noble philosophie – et je vous sais très attachée, comme nous, à ces combats –, je ne peux pas accepter que nous adoptions une proposition de loi inopérante.

Certes, monsieur Viry, il faut se soucier de la règle inférieure, mais celle-ci est elle-même encadrée, dans le domaine qui nous occupe, par une norme internationale, à savoir la convention d’Oviedo. Il faut donc arrêter de tourner autour du pot et se rendre à l’évidence : la proposition de loi est, dans sa rédaction actuelle, techniquement inopérante.

L’amendement est adopté.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 3 : Interdiction pour les établissements de santé et de recherche français de coopérer avec des acteurs non-membres de l’Union européenne ne pouvant présenter des garanties auditables de leur respect des principes éthiques du don d’organes et de l’utilisation d’éléments et produits du corps humain

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS3 de M. JeanFrançois Mbaye.

Mme la rapporteure. Vous jugez l’objectif de cette proposition de loi louable, mais vous considérez le texte lui-même comme inopérant. Pourtant, son objectif est d’éviter que l’on se rende complices de prélèvements forcés. Sur ce point, la proposition de loi est opérante puisqu’elle permettrait de remettre en cause les coopérations avec des établissements ne respectant pas nos règles éthiques.

Par ailleurs, puisque vous m’opposez la ratification de la convention de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle, qui, elle, serait opérante, selon vous, je vous pose la question : la majorité – du moins le groupe La République en Marche, qui a jusqu’à présent voté à l’unanimité contre les articles de la proposition de loi – serait-elle prête à s’engager à demander à l’exécutif de lever les quatre réserves qui empêchent de sanctionner pénalement le recours à des prélèvements d’organes illicites – ainsi que leur stockage – et leur sollicitation ? Si tel n’est pas le cas, il ne sert à rien de ratifier la convention : cela serait inopérant ! Êtes‑vous également prêts à demander la ratification des protocoles additionnels de la convention d’Oviedo, dont l’un porte sur la transplantation ? Enfin, allez-vous demander publiquement que le médecin dont les revues scientifiques internationales ont suspendu les publications en raison de l’absence de traçabilité des sources comme du consentement ne soit plus membre étranger de l’Académie nationale de médecine ?

Voilà des actes qui seraient autrement efficaces que les vagues conventions et les vagues déclarations que vous évoquez.

L’amendement est adopté.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Article 4 : Conditionnement des coopérations entre centres de recherche français et de pays non-membres de l’Union européenne à l’existence de dispositions légales relatives au consentement du donneur d’organes dans le pays partenaire

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS4 de M. JeanFrançois Mbaye.

Mme la rapporteure. L’article 4 tend à conditionner nos accords à l’existence de dispositions sanctionnant le non-respect du consentement des personnes se prêtant à des recherches impliquant la personne humaine.

J’aimerais que quelqu’un me dise ici que la conception que l’on a en Chine – sachant que l’on dispose de photographies satellites de camps de détention – du consentement libre et éclairé correspond totalement à la nôtre. Partageons-nous exactement la même définition de la liberté d’expression et de croyance, du respect des règles éthiques ou de la propriété intellectuelle ? Je ne le crois pas.

Si la vie d’une personne en France est plus importante que celle de dizaines de milliers d’autres qui vivent à plusieurs milliers de kilomètres, il est bien de le dire car il serait alors effectivement dommage de conditionner nos coopérations au principe majeur qu’est le consentement.

L’amendement est adopté.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Article 5 : Mise en place d’une charte modèle permettant d’assurer la vérification du respect des règles d’éthique par les établissements de pays non-membres de l’Union européenne

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS5 de M. JeanFrançois Mbaye.

Mme la rapporteure. À la différence des camps de détention dont une photographie satellite peut prouver l’existence, il faut, pour établir le respect des règles éthiques, croiser de multiples informations et données. Il est donc important qu’une institution, en l’espèce l’Agence de la biomédecine, les centralise. De fait, si vous aviez consulté ces données, vous n’auriez peut-être pas, chers collègues, la même attitude. Lorsqu’on en a connaissance, on ne peut pas dire que l’on ne sait pas.

L’amendement est adopté.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.


Article 6 : Gage financier

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS4 de M. JeanFrançois Mbaye.

Mme la rapporteure. Un tel article était obligatoire afin de prévoir un mécanisme de compensation financière lié aux articles précédents. Avis défavorable, donc.

L’amendement est adopté.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

Mme la rapporteure. Je suis évidemment extrêmement triste et choquée que, sur un sujet aussi important, toutes les dispositions du texte aient été purement et simplement supprimées sans que soit proposé autre chose que ce que j’appellerai des couvertures.

Permettez-moi de vous lire une déclaration de Nathalie Loiseau, membre de la majorité et députée européenne, coordinatrice de la commission spéciale sur les ingérences étrangères et présidente de la sous-commission sécurité et défense du Parlement européen : « Légiférer au niveau national et européen s’impose. Il y a eu des décennies de ruée vers l’est, sur fond de concurrence entre grandes écoles et universités pour se positionner, avec une connaissance très faible de la Chine. Il faudrait imposer la transparence pour commencer. Il faudrait surtout en finir avec l’illusion d’une science universelle où tous les partenaires respecteraient certains principes. Même s’il n’y a pas de guerre froide avec la Chine, doit-on laisser faire des coopérations duales ? »

Force est de constater que les propos tenus dans l’hémicycle d’instances internationales n’ont aucune valeur puisque lorsqu’il s’agit de leur donner une traduction concrète au niveau national, rien ne se passe.

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


 

 


 

   ANNEXE 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

(Par ordre chronologique)

            Dr Harold King, président de l’association DAFOH (Doctors Against Forced Organ Harvesting)

            Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) – M. Pierre-Henri Duée, président de la section technique

            Dr Alexis Génin, directeur des applications de la recherche à l’Institut du cerveau

            Direction générale de la recherche et de l’innovation – Service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche (SPFCO) – M. Damien Rousset, adjoint au chef de service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche, Mme Estelle Echard, adjointe au département des pratiques de recherche réglementées, Mme Catherine Perault, responsable de la cellule bioéthique, et M. Joaquim Nassar, chef du département stratégie, expertise et gestion des programmes de coopération internationaux au sein de la délégation aux affaires européennes et internationales (DAEI)

            Agence de la biomédecine – Pr Yves Perel, directeur général-adjoint de la politique médicale et scientifique et chef de pôle des affaires européennes et de la coopération internationale, Pr François Kerbaul, directeur de la direction prélèvement greffe organes et de tissus (DPGOT), et Dr Laurent Dubé, adjoint au directeur de la DPGOT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Annexe 2 :
dispositions en vigueur SUSCEPTIBLES D’ÊTRE modifiées ou abrogées par la proposition de loi

Article

Code

Numéro d’article

1er

Code de la santé publique

L. 6134-1

1er

Code de la recherche

L. 222-1

2

Code de la santé publique

L. 1418-1

3

Code de la santé publique

L. 6134-1

3

Code de la recherche

L. 111-3

4

Code de la recherche

L. 223-3

 

 


([1]) « L’activité de greffe d’organes repart à la hausse en 2019 », Agence de la biomédecine, 2020.

([2]) Principes directeurs de l’OMS sur la transplantation de cellules, de tissus et d’organes humains, approuvés par la soixante-troisième Assemblée mondiale de la Santé dans la résolution WHA63.22, 2010.

([3]) Questions éthiques relatives au prélèvement et au don d’organes à des fins de transplantation, avis 115, Conseil consultatif national d’éthique, 2011.

([4]) Données issues de l’Agence de la biomédecine : https://www.dondorganes.fr/questions/25/combien-de-temps-faut-il-attendre-pour-recevoir-un-organe.

([5]) « The state of the international organ trade : a provisional picture based on integration of available information », Yosuke Shimazono, Bulletin of the World Health Organization, 2007.

([6]) Étude conjointe du Conseil de l’Europe et des Nations Unies sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules et la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes, 2009.

([7]) David Matas et David Kilgour : Rapport concernant les allégations de prélèvement d’organes des pratiquants de Falun Gong en Chine, publié le 6 juillet 2006.

([8]) Résolution du Parlement européen du 12 décembre 2013 sur le prélèvement d’organes en Chine (2013/2981(RSP)).

([9]) H.Res.343 - Expressing concern regarding persistent and credible reports of systematic, state-sanctioned organ harvesting from non-consenting prisoners of conscience in the People’s Republic of China, including from large numbers of Falun Gong practitioners and members of other religious and ethnic minority groups.

([10]) David Kilgour, Ethan Gutmann et David Matas, Bloody Harvest/The Slaughter. An Update 1, 22 juin 2016.

([11]) Les chiffres officiels communiqués à ce jour sont de 29 000 transplantations par an.

([12]) Avis 129 : contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018‑2019.

([13]) http://tran-kid.com/transplantation-in-china.html

([14]) Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.

([15]) Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

([16]) Jean-René Binet, Droit de la bioéthique, LDGJ, Lextenso Éditions, 2017, p. 211.

([17]) Loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes.

([18]) Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018.

([19]) Rapport sur l’organisation et le financement des activités de coopération internationale des hôpitaux dans le cadre de la tarification à l’activité établi par Patrick Mordelet, conseiller général des établissements de santé, novembre 2008.

([20]) Compliance with ethical standards in the reporting of donor sources and ethics review in peer-reviewed publications involving organ transplantation in China: a scoping review.

([21]) Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.

([22]) Contrairement aux groupements d’intérêt public, groupements d’intérêt économique et groupements de coopération sanitaire, prévus au premier alinéa de l’article L. 6134-1 du code de la santé publique, pour lesquelles il est créé une nouvelle entité dotée de personnalité morale.

([23]) « Bilan de l’appel à projet Coopération hospitalière internationale », direction générale de l’offre de soins, 2020.

([24]) « Bilan de l’appel à projet Coopération hospitalière internationale », direction générale de l’offre de soins, 2020.

([25]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10587891_606437d8d9f14.commission-des-affaires-sociales--respect-ethique-du-don-d-organes-par-nos-partenaires-non-europeen-31-mars-2021