N° 4050

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTE PAR LE SENAT, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire,

 

PAR M. Pierre CORDIER

Député

——

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

PAR Mme. Carole BUREAU-BONNARD

Députée

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir les numéros :

 Sénat 338, 643, 644 et T.A. 127 (2019-2020).

 Assemblée nationale : 3245.


 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Conséquence de la neutralité helvétique, la relation de défense avec la Suisse repose surtout sur l’instruction

A. La Suisse se caractérise par un environnement de sécurité sûr et une politique étrangère fondée sur la neutralité

1. Une insularité sécuritaire partiellement remise en question

2. Une neutralité compatible avec de petites opérations militaires

B. L’armée suisse, tournée vers l’instruction des soldats, remonte en puissance

1. Une armée de milice tournée vers l’instruction des soldats

2. L’armée suisse remonte en puissance

C. La coopération de défense avec la Suisse est solide et régulière

1. La coopération repose essentiellement sur l’instruction militaire

2. En matière d’instruction, les domaines de coopération sont nombreux

D. Le nouvel accord élargit les domaines de coopération pour tenir compte en particulier du rapprochement capacitaire entre nos deux armées

1. L’accord élargit la coopération aux nouvelles frontières de la guerre

2. La coopération est facilitée par des capacités militaires en commun

II. Hormis la prise en compte de la neutralité suisse, les dispositions de l’accord sont assez classiques

A. Le champ de la coopération

B. Les règles de mise en œuvre et de financement

C. La conduite de la coopération et les aspects de sécurité

D. Le statut des personnels

Avis fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées

Travaux de la commission des affaires étrangères

Travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées saisie pour avis

Annexe N° 1 : texte de la commission des Affaires étrangères

Annexe n° 2 : liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis


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   Introduction

 

L’Assemblée nationale est saisie d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire signé à Paris le 23 novembre 2018. Cette convention a vocation à abroger et remplacer deux accords en date de 1997 et 2003.

L’idée de signer un accord de défense avec la Suisse ne va pas de soi. De par sa neutralité dans les relations internationales, la Suisse ne s’engage pas dans les conflits internationaux, sauf lorsqu’il s’agit d’opérations humanitaires. Toute coopération en matière opérationnelle avec la Suisse est donc exclue.

Malgré l’asymétrie qui existe entre nos deux modèles d’armées, la coopération de défense avec la Suisse, quoique limité au domaine de l’instruction militaire, est dense et régulière. Elle est la plus soutenue dans le domaine aérien.

L’accord dont la ratification est proposée par le présent projet de loi vise à élargir davantage les domaines de coopération en matière d’instruction militaire avec la Suisse pour tenir compte, d’une part, des nouvelles frontières de la guerre (spatial, cyber, renseignement) et, d’autre part, du rapprochement capacitaire à l’œuvre entre nos deux armées à l’heure même où d’importants prospects à l’export vers la Suisse pourraient se concrétiser pour l’industrie française.

Au bénéfice de ces observations, votre rapporteur appelle à autoriser la ratification de cette convention.


I.   Conséquence de la neutralité helvétique, la relation de défense avec la Suisse repose surtout sur l’instruction

La Suisse se caractérise de longue date par une politique étrangère fondée sur la neutralité, dont découle un rôle de médiateur dans les conflits et d’hôte important pour les grandes organisations internationales. La défense suisse est ainsi tournée vers l’instruction des soldats à des fins de protection du pays et de ses citoyens, et non vers les engagements extérieurs comme les armées françaises.

La coopération militaire entre la France et la Suisse se limite donc en grande partie à l’instruction et pourtant, dans ce domaine, elle est dense et régulière, compte tenu de la proximité géographique et des valeurs en partage entre nos deux pays. Le nouvel accord dont le présent projet de loi propose la ratification vise à accroître le champ de la coopération dans le domaine de l’instruction, notamment pour soutenir le renforcement de la relation d’armement entre la France et la Suisse.  

A.   La Suisse se caractérise par un environnement de sécurité sûr et une politique étrangère fondée sur la neutralité

1.   Une insularité sécuritaire partiellement remise en question

De par sa situation géographique centrale en Europe et un voisinage composé exclusivement d’États de droit, la Suisse jouit d’un degré élevé de sécurité. Pour autant, l’insécurité croissante de l’environnement européen a conduit les autorités helvétiques à renforcer leur politique de sécurité. La Suisse est pour la première fois candidate à un siège au conseil de sécurité de l’ONU en 2022-2024. Berne a aussi initié la rédaction d’un « Livre blanc » – le dernier datant de 2016 – en vue d’une validation fin 2021 à l’issue d’une large consultation nationale.

La Suisse est préoccupée par deux sujets en particulier : l’instabilité dans les Balkans et la nouvelle vague du terrorisme international. Ces deux phénomènes génèrent des vagues migratoires qui mettent à l’épreuve la cohésion nationale et inquiètent les autorités helvètes. À titre d’illustration, 10 % de la population kosovare résident en Suisse, ce qui rend la problématique des Balkans – et du Kosovo en particulier – très sensible dans la politique intérieure de la Confédération.

Sur le plan de la défense à proprement parler, les autorités suisses sont aujourd’hui mises au défi par les activités intenses relevant du renseignement, provenant en particulier de Russie, ainsi que les attaques cybernétiques émanant de Chine, de Russie et d’autres entités étatiques ou non. Bien que la Confédération n’ait pas été directement frappée, la menace terroriste reste élevée.

2.   Une neutralité compatible avec de petites opérations militaires

La politique étrangère de la Suisse est fondée sur la neutralité et la solidarité. Son action à l’étranger s’articule autour de la prévention des conflits armés, la promotion et le respect des droits de l’Homme et du droit humanitaire, la lutte contre la pauvreté et la sauvegarde des intérêts économiques suisses à l’étranger.

Malgré une tendance à se tenir à l’écart des grandes entités internationales, la Suisse est notamment membre des Nations Unies ([1]), du Conseil de l’Europe, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Surtout, la Suisse abrite un des trois sièges subsidiaires de l’ONU depuis 1946, après avoir accueilli le siège de la Société des Nations en 1920, ainsi que le siège de nombreuses institutions spécialisées de l’ONU – à l’image de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation internationale du travail (OIT) et le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) – ou d’organisations intergouvernementales majeures – comme l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et l’Union internationale des télécommunications (UIT) –.

Sur le plan de la sécurité internationale, la Suisse conçoit son rôle essentiellement sur le plan du droit des conflits et de la médiation. Au Moyen-Orient par exemple, la Suisse représente les intérêts de l’Arabie Saoudite (et des États-Unis) en Iran, et inversement, les intérêts de l’Iran en Arabie Saoudite.

La Suisse ne participe que très marginalement aux missions militaires hors de ses frontières. Elle limite ses interventions militaires à des contributions individuelles ou des petits déploiements dans des segments de niche (déminage, humanitaire) dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations Unies ou en partenariat avec l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Ainsi, la Suisse compte quelques officiers au sein de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

Le principal engagement militaire suisse est dans les Balkans, en raison des intérêts stratégiques de la Confédération helvétique dans cette région. 167 militaires suisses sont détachés auprès de la Force pour le Kosovo (KFOR) de l’OTAN.

B.   L’armée suisse, tournée vers l’instruction des soldats, remonte en puissance

1.   Une armée de milice tournée vers l’instruction des soldats

En Suisse, les missions de l’armée sont la défense et la protection de la population et du territoire, la contribution aux opérations de promotion de la paix et l’appui aux autorités dans les cas de menace grave à la sécurité interne et de situations extraordinaires, par exemple lors de catastrophes naturelles. En pratique, une grande partie des missions quotidiennes de l’armée concernent l’aide à la population dans le cadre du soutien aux autorités cantonales. Actuellement, près de 8 000 soldats sont mobilisés pour faire face à crise sanitaire de la Covid-19.

En réponse à ce contrat opérationnel, l’armée suisse est une armée de milice tournée vers l’instruction des soldats. Elle repose sur un faible noyau de soldats professionnels – environ 3 000 officiers, sous-officiers et soldats – qui sont essentiellement chargés des tâches d’instruction et d’encadrement. Tout citoyen suisse est en principe soumis à un service militaire dans une « école de recrues », où a lieu une formation de base, avant de réaliser des périodes d’instruction, dites « cours de répétition », dont le nombre varie en fonction du grade. Le nombre de jours de service militaire à accomplir pour un soldat de la troupe est de 245 jours, ce qui correspond environ aux 18 semaines d’école de recrues et à 6 cours de répétition. Chaque soldat, même après avoir accompli tous ses jours de service, reste incorporé dans le réservoir d’effectifs de l’armée suisse pendant dix ans.

2.   L’armée suisse remonte en puissance

Depuis 2010, les autorités suisses sont engagées dans l’amélioration de la disponibilité, des équipements et de l’entrainement des forces armées du pays.

Le budget de la défense est en augmentation depuis plusieurs années. En 2016, les chambres fédérales ont arrêté pour la première fois un plafond des dépenses quadriennal de 20 Mds CHF (18 Mds€) pour les années 2017 à 2020 ([2]) . Ce budget, d’environ 5 Mds CHF (4,5 Mds€) par an, représentait 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) suisse. Pour les quatre années suivantes, entre 2020 et 2024, le plafond des dépenses a été fixé à 24 Mds CHF (21,5 Mds€), ce qui représente une augmentation de 1,4 % par an, avec pour priorité le capacitaire et la cyberdéfense.

En parallèle à l’augmentation de ces moyens, les autorités helvétiques ont engagé une réforme de l’armée, appelée Développement de l’armée (DEVA), dont la mise en œuvre a débuté le 1er janvier 2018 et se terminera le 31 décembre 2022. Cette réforme repose sur le principe de disposer de moins d’unités mais d’unités pleinement dotées en personnel et entièrement équipées. Son objectif est, d’une part, de doter l’armée suisse d’un effectif réglementaire de 100 000 hommes et, d’autre part, d’équiper ces personnels avec des moyens militaires de premier plan (cf. infra).

C.   La coopération de défense avec la Suisse est solide et régulière

1.   La coopération repose essentiellement sur l’instruction militaire

Les principaux partenaires de la Suisse en matière de coopération militaire sont ses voisins régionaux, à savoir la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. La Suisse a signé des accords de défense avec ces quatre pays. Elle a également une coopération dans ce domaine avec des pays mettant en œuvre des matériels similaires à ceux de l’armée suisse, comme la Pologne avec les chars Léopard 2.

La coopération en matière de défense entre la France et la Suisse repose essentiellement sur deux accords intergouvernementaux signés en 1997 ([3]) et 2003 ([4]) auxquels le présent accord a vocation à se substituer. Ces deux accords sont similaires mais, tandis que l’accord de 1997 est limité aux coopérations entre les forces aériennes, le second accord a un champ d’application plus large.

Compte tenu de la neutralité suisse, la coopération ne porte pas sur l’activité opérationnelle. La coopération en opérations extérieures reste marginale, l’engagement suisse se limitant essentiellement aux Balkans. Si la France continue de chercher de la part de la Suisse une forme de soutien à la montée en puissance de la Force conjointe du G5 Sahel, aucun engagement d’un contingent suisse n’est envisageable hors d’un mandat de l’ONU ou de l’OSCE.

En revanche, ces deux accords ont permis le développement de nombreuses coopérations entre les forces armées françaises et suisses dans le domaine de l’instruction et de l’entraînement militaire. Ces coopérations, dans le cadre de laquelle la France bénéficie du savoir-faire de l’armée suisse en échange du partage de l’expérience opérationnelle française, sont particulièrement étendues.

2.   En matière d’instruction, les domaines de coopération sont nombreux

La coopération est la plus développée dans le domaine aérien. La France et la Suisse coopèrent dans le domaine de la police du ciel, ce qui se manifeste par des échanges d’informations quotidiens et des exercices communs de préparation à des opérations de protection de l’espace aérien. Par ailleurs, des entrainements conjoints de pilotes de chasse et du transport aérien ont lieu, en particulier depuis que la France assure la formation de ses pilotes de chasse sur un appareil de fabrication suisse, le Pilatus PC21. En contrepartie, la Suisse, qui ne dispose pas de capacité de ravitaillement en vol ni de transport aérien, bénéficie de moyens français.

S’agissant de la coopération entre armées de terre, dont une partie se déroule dans les zones transfrontalières alpines, celle-ci se manifeste par des activités d’instruction et des entraînements dans différents domaines : montagne, aviation légère de l’armée de terre (ALAT), tir, explosifs et gestion de crises.

La coopération est évidemment plus limitée entre les marines nationales compte tenu de l’enclavement territorial de la Suisse. La Suisse ne dispose pas de marine militaire mis à part 14 patrouilleurs, essentiellement sur le lac Léman. L’administration française estime que le nouvel accord « permettra de pallier le faible niveau de coopération franco-suisse dans le domaine fluvial : une coopération relative à l’utilisation de ces patrouilleurs peut être envisagée, notamment dans le domaine du sauvetage et des opérations des forces spéciales. »

D.   Le nouvel accord élargit les domaines de coopération pour tenir compte en particulier du rapprochement capacitaire entre nos deux armées

1.   L’accord élargit la coopération aux nouvelles frontières de la guerre

La conclusion de l’accord du 23 novembre 2018 s’inscrit dans un contexte de refonte du cadre juridique bilatéral en vigueur dans le domaine de la défense avec la Suisse. Selon l’administration, les accords de 1997 et 2003, qui fondent cette coopération, étaient devenus rapidement « obsolètes ». La signature, dès 2004, d’un accord relatif à la coopération en matière de sûreté aérienne contre les menaces aériennes non militaires ([5]) avait déjà prouvé les limites des accords précédents.

L’objectif de la refonte de ces accords est d’élargir les domaines de coopération entre nos armées à « l’ensemble des domaines de la guerre moderne ». Le nouveau texte fixe le cadre de la coopération au niveau des ministères de la défense, et non plus des seules forces armées, afin de couvrir l’ensemble des domaines de sécurité et de défense qui ne relèvent pas de l’armée suisse. Ce faisant, l’accord permettra concrètement de développer de nouveaux champs de coopération dans des domaines comme la cyberdéfense, le spatial militaire et la protection contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC).

2.   La coopération est facilitée par des capacités militaires en commun

Pour ses acquisitions de défense, l’administration fédérale suisse se fournit majoritairement auprès de fournisseurs domestiques. Sur la période 2016-2019, le montant des paiements auprès de fournisseurs suisses était environ huit fois supérieur aux paiements effectués auprès de fournisseurs étrangers. Les trois premiers fournisseurs étrangers sont l’Allemagne, Israël et la France.

S’agissant des exportations d’armes de la France vers la Suisse, les prises de commande de 2010 à 2019 représentaient 223,7 millions d’euros (courants). Le dernier contrat d’armement majeur remporté par la France concerne l’acquisition des avions Mirage dans les années 1980. Depuis, les principales exportations ont été le système de radars de surveillance et de détection FLORES en 1998, qu’un contrat plus récent a conduit la France à rénover. Sporadiquement, l’industrie de défense française est retenue pour des appels d’offres de moindre envergure.  

Les investissements capacitaires substantiels auxquels procède la Suisse en ce moment, dont une part importante est consacrée au renouvellement de la défense aérienne, pourraient ouvrir d’importants débouchés pour l’industrie française. Outre l’acquisition de 40 avions de combats – soit le renouvellement de toute la flotte helvétique – et de 5 systèmes de défense sol-air, la Confédération envisage aussi l’acquisition de systèmes d’artillerie, de blindés et d’hélicoptères lourds.

Sur la composante Terre, des prospects sont en cours pour vendre à la Suisse des systèmes CAESAR et des missiles moyenne portée (MMP). Selon l’administration, « l’adaptation de son modèle d’armée amène ce partenaire à s’intéresser également de près au programme SCORPION ». Surtout, la France concourt sur deux marchés dans le cadre d’appels d’offres suisses pour le nouvel avion de combat et le renouvellement des systèmes de défense sol-air.

 

LES PROSPECTS DE LA FRANCE
DANS LE SECTEUR DE LA DEFENSE AERIENNE SUISSE

● Le renouvellement de la flotte d’avions de chasse : le prospect Rafale

Les forces aériennes suisses sont dotées de 30 F/A-18 C/D et de 26 F-5 Tigre qui arrivent en fin de vie entre 2025 et 2030. Le Conseil fédéral suisse a décidé d’allouer un budget de 6 Mds CHF (5,7Mds€) pour remplacer l’intégralité de la flotte de combat, ce qui représente 40 nouveaux avions de chasse.

En Suisse, et pour des raisons historiques, l’acquisition d’un nouvel avion de combat passe inévitablement par le scrutin populaire. Le 27 septembre 2020, les Suisses se sont prononcés par une très courte majorité (50,14 %) en faveur de l’acquisition d’un nouvel avion de combat.

Le Rafale de Dassault est en compétition avec le F-35 de Lockheed Martin, le F/A-18 E/F de Boeing et l’Eurofighter porté par Airbus Allemagne. Une décision du Conseil fédéral, sur recommandation du ministre de la Défense, est attendu au printemps, avant un vote du Parlement et la signature du contrat au plus tôt fin 2022, pour une livraison des premiers avions en 2025.

Dans son avis sur le budget de la défense pour 2021 ([6]), le député Guy Teissier s’était félicité de ce que, après la Grèce, un nombre croissant de partenaires européens manifestent un intérêt pour le Rafale mais appelait à limiter l’impact que ces livraisons pourraient avoir sur le calendrier des livraisons à l’armée de l’air française et, partant, sur la capacité de celle-ci à remplir toutes ses missions.

● Le renouvellement des systèmes de défense sol-air : le prospect SAMP/T

Les forces aériennes suisses sont dotées de 27 canons bitubes de DCA de 35 mm, de 96 postes MANPADS type Stinger et de 60 systèmes de missiles type de Rapier, ces derniers devant être retirés du service entre 2022 et 2025. Le Conseil fédéral a décidé d’allouer un budget de 2 Mds CHF (1,9 Md€) pour équiper les forces aériennes d’une nouvelle capacité de défense anti-aérienne moyenne/longue portée.

Le futur système de défense sol-air moyenne/longue portée sera acquis au titre de la procédure ordinaire des programmes d’armement, sans en passer par une votation populaire. Pour autant, son calendrier et ses performances techniques suivent et doivent être en rapport avec le nouvel avion de combat. Le SAMP/T du français Eurosam est en compétition avec le Patriot de l’américain Raytheon.

 

Les coopérations en matière d’armement génèrent des rapprochements en matière d’instruction compte tenu de l’utilisation de matériels communs favorisant les échanges, notamment sur le plan du partage des retours d’expériences. Le choix d’acquérir le Pilatus PC21 pour l’entrainement des pilotes français participe aujourd’hui fortement au renforcement des liens entre les deux armées de l’air.

Le nouvel accord permettra d’adapter la coopération en matière d’instruction à de nouvelles missions liées à l’arrivée dans les forces suisses de nouveaux vecteurs. Selon les réponses écrites fournies par l’administration, la coopération « pourrait s’étendre au domaine artillerie et antichar à moyen terme avec les prospects CAESAR et MMP en cours ». Surtout, les appels d’offres suisses dans le cadre du renouvellement des moyens de défense aérienne ouvrent la perspective d’une coopération encore plus intégrée. La formation des instructeurs et des pilotes est reconnue comme un domaine essentiel de la coopération prévue par cet accord.

 

II.   Hormis la prise en compte de la neutralité suisse, les dispositions de l’accord sont assez classiques

La France et la Suisse ont signé le 23 novembre 2018 l’accord dont le présent projet de loi propose d’autoriser la ratification. Plutôt que de procéder par amendement des accords de défense de 1997 et 2003, les deux Gouvernements ont préféré inscrire l’ensemble du cadre juridique de la coopération dans un seul et même texte rénové, qui remplace et abroge les deux accords en vigueur. La Suisse a notifié l’achèvement de sa procédure d’approbation le 25 février 2019.

Sur le fond, le nouvel accord fixe les conditions et les modalités de la coopération en matière de défense entre la France et la Suisse. Il reprend les stipulations classiques de ce type de traité tout en tenant compte de la neutralité helvétique. Selon l’étude d’impact annexé au projet de loi, cet accord « doit permettre de renforcer la coopération entre les forces armées des deux parties en donnant un cadre juridique fiable, exhaustif et modernisé aux activités menées. » Son préambule l’inscrit « dans l’esprit de la Charte des Nations Unies ».

A.   Le champ de la coopération

Les accords de défense conclus avec certains États peuvent avoir un champ plus large que le seul champ de l’instruction militaire, en incluant par exemple l’engagement opérationnel afin d’accroître l’interopérabilité avec nos partenaires. À titre d’illustration, l’accord de défense avec l’Albanie signé le 28 mars 2017, sur lequel le député Michel Herbillon a rendu un rapport permettant d’en autoriser la ratification ([7]), inclut dans le champ de la coopération, au cas par cas, l’apport de facilités opérationnelles et de soutien logistique aux forces armées.

La spécificité de l’accord de défense avec la Suisse est de tenir compte de la neutralité de notre partenaire, au nom de laquelle la Suisse ne s’engage pas dans les conflits internationaux hormis lorsqu’il s’agit d’opérations humanitaires.

Pour respecter cette exigence fondamentale, l’accord commence par déterminer les limites de la coopération. L’article 2 précise que, conformément aux exigences conventionnelles et constitutionnelles de la Suisse, « le présent accord ne couvre ni la planification, ni la préparation, ni l’exécution d’opérations de combat ou d’autres opérations militaires. » De façon plus classique, le même article prévoit que les personnels de la partie d’envoi présents sur le territoire de la partie d’accueil n’ont pas vocation à participer aux opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre public ou de la sécurité, ni à des actions de préparation et/ou d’exécution d’opérations de guerre ou de rétablissement de la souveraineté nationale.

L’article 3 circonscrit le champ d’application de l’accord à l’instruction militaire au sens large en prévoyant que la coopération entre les parties peut prendre les formes suivantes : des activités de formation, des exercices ou des entrainements conjoints ou individuels, l’organisation de réunions ou de conférences. Eu égard aux nombreuses coopérations existantes dans le domaine aérien et terrestre avec la Suisse, l’accord prévoit également, à son article 3, l’accomplissement d’activités alpines non armées dans les régions transfrontalières, ainsi que des exercices et entraînements dans l’espace aérien et sur les bases aériennes.

Bien que circonscrit au domaine de l’instruction militaire, cet accord franco-suisse se distingue par le nombre de domaines de coopération ouverts. Ces derniers incluent la planification en matière de défense, la logistique, l’armement ainsi que les systèmes militaires d’information ou de communication et la gestion de la sécurité de l’information. Plusieurs de ces domaines revêtent une importance stratégique dans le domaine de la défense, comme la cyberdéfense, le spatial militaire, le renseignement militaire ou encore la protection NRBC ([8]). L’article 3 prévoit enfin une clause évolutive permettant de faire varier le périmètre de la coopération en fonction des besoins à venir, sans nécessité de réviser l’accord.

B.   Les règles de mise en œuvre et de financement

L’accord établit un cadre pour le pilotage de la coopération. En vertu de son article 2, les autorités compétentes pour la mise en œuvre de l’accord est le ministère de la Défense pour la partie française et le département fédéral de la Défense, de la Protection de la population et des Sports pour la partie suisse. Des textes d’application spécifiques – accords, arrangements techniques et documents conjoints de procédure – pourront être conclus pour préciser les modalités concrètes de chaque activité prévue en application de l’accord (soutien, sécurité des installations, etc.), ainsi que les responsabilités respectives des parties.

Concrètement, les services compétents des parties établiront, préalablement à chaque activité, les modalités relatives à l’organisation du commandement (article 8). Des réunions bilatérales entre les autorités compétentes des parties sont prévues ainsi que l’établissement de bilans annuels de la coopération qui pourront s’appuyer, le cas échéant, sur des plans de coopération (article 9). Le traitement des informations classifiées, produites ou échangées dans le cadre de la coopération, est soumis au respect d’un accord bilatéral de 2006 ([9]) (article 5).

L’accord fixe également les règles de financement de la coopération. L’article 17 fixe le principe d’une prise en charge par chacune des parties des dépenses liées à la coopération ([10]) tout en prévoyant que, par exception, des prestations peuvent être fournies et des équipements mis à disposition à titre gratuit. Les dépenses engagées au titre de la coopération n’excèdent pas le fonctionnement courant des administrations concernées ce qui explique que, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, « la coopération devrait en conséquence conserver son volume financier actuel, sans peser sur les finances publiques. » Par ailleurs, afin d’assurer l’« équilibre global des contributions des parties », les prestations et mises à disposition à titre gratuit font l’objet d’un bilan annuel.

C.   La conduite de la coopération et les aspects de sécurité

L’accord assujettit la coopération au respect par les parties de plusieurs règles. Les parties ont obligation, en amont des activités de coopération, de transmettre l’identité des personnels déployés et de vérifier que ces derniers disposent des qualifications professionnelles requises et que les matériels respectent les exigences techniques sur lesquels les parties se sont préalablement entendues (article 6). De manière spécifique, l’article 13 prévoit des mesures en matière de sécurité aérienne et un protocole en cas d’accident ou d’incident impliquant des aéronefs, ce qui est un sujet sensible pour la partie helvétique depuis le crash en 2015 d’un avion de combat FA/1-18 suisse dans le Jura français. 

Les personnels de la partie d’origine bénéficient de garanties sur le territoire de la partie d’accueil. L’article 10 fixe les règles applicables en matière de sécurité générale, notamment l’obligation pour la partie d’accueil de garantir la sécurité des membres du personnel de la partie d’envoi et de son matériel. L’article 11 autorise le port d’armes et de munitions aux membres du personnel de la partie d’envoi, ou à bord de ses aéronefs et navires, dans les conditions prévues par la législation nationale de la partie d’accueil, tout en prévoyant des règles pour le transport, la garde et l’utilisation des armes et munitions. Enfin, les personnels ont accès aux installations militaires de la partie d’accueil et bénéficient de facilités de circulation et d’utilisation des espaces électromagnétique et cybernétique (article 12).

D.   Le statut des personnels

Afin de régler les questions relatives au statut des personnels, l’article 4 de l’accord inscrit la coopération dans le champ de la convention de l’OTAN sur le statut des forces applicable au partenariat pour la paix (SOFA PpP) et de son protocole additionnel. Le SOFA PpP, applicable aux membres de l’OTAN et aux pays participant au programme du PpP, dont fait partie la Suisse, reproduit la plupart des dispositions du SOFA applicable aux membres de l’OTAN (SOFA OTAN). Il régit le statut des membres du personnel et des personnes à charge présents sur le territoire de la partie d’accueil dans le cadre de l’accord, et notamment le règlement des demandes d’indemnités en cas de dommages. Il régit, par extension, le statut des membres des forces armées d’États tiers parties au SOFA PpP amenés à participer, lorsqu’ils sont insérés au sein des forces armées de la partie d’envoi, à une activité de coopération sur le territoire de la partie d’accueil (article 7).

L’accord contient des règles spécifiques qui complètent le statut des personnels. La domiciliation fiscale des membres du personnel et de leurs personnes à charge sur le territoire de la partie d’accueil est maintenue dans l’État d’origine, en application de la convention fiscale franco-suisse et de son protocole additionnel du 9 septembre 1966 et leurs amendements successifs (article 14). Les membres du personnel de la partie d’envoi ont accès aux soins médicaux sur le territoire de la partie d’accueil, aux frais de la partie d’origine, dans les mêmes conditions que les personnels de la partie d’accueil (article 15). Enfin, l’article 16 prévoit les règles applicables en cas de décès d’un membre du personnel de la partie d’envoi, notamment en ce qui concerne l’autopsie et la remise du corps du défunt.

 


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   Avis fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées

La commission de la Défense nationale et des forces armées s’est saisie pour avis du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire. Adopté par le Sénat le 22 juillet 2020 et déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le lendemain, ce projet de loi a été renvoyé « au fond » à la commission des Affaires étrangères, et est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique du 15 avril 2021.

Signé à Paris le 23 novembre 2018 par Mme Florence Parly, ministre des Armées, et son homologue suisse d’alors, M. Guy Parmelin, chef du département fédéral de la Défense, de la protection des citoyens et des sports, cet accord a pour objet de renouveler le cadre actuel de la coopération bilatérale dans le champ de la défense, qui s’appuie sur des accords signés en 1997 et 2003. Au-delà, il ambitionne de renforcer la relation bilatérale en l’élargissant à d’autres domaines, en particulier aux nouveaux espaces de conflictualité que sont la cyberdéfense ou le spatial militaire.

Ce faisant, la France et la Suisse s’engagent mutuellement à un niveau inédit dans notre histoire commune, créant ainsi les conditions de nouer de nouveaux accords, notamment capacitaires. Les auditions conduites par la rapporteure pour avis ont mis en lumière la robustesse de notre relation bilatérale, qui repose sur des liens de confiance unanimement salués.

C’est pourquoi la rapporteure pour avis invite l’Assemblée nationale à se prononcer en faveur de l’adoption du présent projet de loi.

I.   Entre la France et la Suisse, une étroite coopÉration dans le domaine de la défense

A.   L’approfondissement constant de la coopération bilatérale

1.   Le cadre actuel de la relation franco-suisse

La coopération franco-suisse dans le domaine de la défense est avant tout tournée vers l’instruction militaire, conséquence de la neutralité qui fonde la politique internationale de la Suisse. Jusqu’à présent, elle se déploie sur le fondement de deux accords intergouvernementaux auxquels se substitue l’accord du 23 novembre 2018 :

– l’accord relatif aux activités bilatérales d’entraînement et d’échanges entre l’armée de l’air française et les forces aériennes suisses du 14 mai 1997 ;

– l’accord relatif aux activités communes d’instruction et d’entraînement des armées françaises et de l’armée suisse du 27 octobre 2003.

D’autres textes sont venus les compléter par la suite, afin d’en préciser les conditions de mises en œuvre :

– l’accord relatif à la coopération en matière de sûreté aérienne contre les menaces aériennes non militaires du 26 novembre 2004 ;

– l’accord relatif aux mesures transfrontalières de sûreté aérienne du 27 octobre 2005 ;

– l’accord relatif à l’échange et la protection réciproque des informations classifiées du 16 août 2006 ;

– enfin, l’accord relatif à l’établissement d’une zone transfrontalière d’entraînement entre la France et la Suisse du 25 février 2015.

La zone transfrontalière d’entraînement entre la France et la Suisse :

Cette zone, dénommée « European Cross-border Area 25 » (EUC25), est un espace aérien aux dimensions figées réservé à l’usage exclusif d’aéronefs spécifiques pendant une durée déterminée.

Elle est située, pour la partie française, au-dessus de la moitié sud du département du Doubs et de la moitié ouest de la Haute-Saône. À l’est, cette zone s’étend au-dessus du Jura suisse.

Cette zone est dédiée exclusivement à l’entraînement opérationnel des forces aériennes françaises et suisses. Ainsi, son utilisation est interdite pour des aéronefs d’une tierce partie en l’absence d’aéronefs français ou suisses.

L’utilisation de l’EUC25 ne donne droit à aucune compensation financière entre les parties, quand bien même cette utilisation serait déséquilibrée.

En cas d’accident ou d’incident aérien grave dans l’espace aérien de l’une des parties dans lequel est impliqué un aéronef de l’autre partie, les experts militaires de cette partie sont autorisés à siéger à la commission d’enquête dirigée par l’État d’occurrence.

2.   Le bilan de la coopération bilatérale est jugé satisfaisant par les deux parties, en particulier dans le domaine aérien

Il ressort des auditions conduites par la rapporteure pour avis que tant la France que la Suisse se félicitent de l’état de leur relation bilatérale. Et force est de constater son dynamisme au regard des nombreuses activités organisées chaque année :

– de campagnes de tir « MASA » (mesures actives de sûreté aérienne), au profit des forces suisses, permettant aux forces suisses de s’entraîner aux procédures de tir de haute précision air-air à partir d’hélicoptères, depuis la base aérienne 126 de Solenzara, en Corse ;

– de campagnes de « vol en montagne », permettant d’entraîner et d’aguerrir des pilotes d’hélicoptères dans le cadre de la formation au vol en montagne ;

– des échanges d’officiers pilotes français et suisses ;

– de campagnes dites « Épervier », exercices conjoints de défense aérienne ;

– des formations à la survie, des rencontres et des compétitions sportives (course militaire internationale de ski « la patrouille des glaciers ») ;

– des échanges d’expertise entre les écoles d’instruction en haute montagne ;

– des entraînements conjoints associant les troupes de montagne et les forces spéciales.

Si la coopération franco-suisse concerne divers domaines, c’est bien dans le domaine aérien qu’elle est la plus aboutie.

Lors de son audition, le général Jean-Louis Taquet, délégué aux relations extérieures de l’armée de l’air et de l’espace, a souligné que l’importance du partenariat liant la France et la Suisse dans le domaine aérien s’expliquait en partie par l’existence d’une frontière commune entre les deux pays. Ainsi, si la coopération bilatérale en ce domaine est centrée sur l’entraînement et l’instruction – ce qui constitue l’objet du premier accord bilatéral de 1997 – elle a rapidement évolué vers le domaine opérationnel.

D’abord, les attentats du 11 septembre 2001 ont conduit à l’élaboration de procédures communes dans le domaine de la défense aérienne, débouchant sur les accords de 2004 et 2005. Aujourd’hui, en cas de menace d’origine aérienne, il est possible à avion de chasse français déployé pour l’intercepter de franchir la frontière et de pénétrer dans l’espace aérien suisse – et réciproquement – afin de poursuivre sa mission de police du ciel. La composante aérienne des forces suisses constitue un allié fiable de l’armée de l’air et de l’espace pour partager des données radar et les situations aériennes. En matière de police du ciel, la France et la Suisse procèdent ainsi à des échanges d’informations depuis les centres de détections et de contrôle et travaillent à la réactivité des chaînes de défense aérienne. Les deux forces aériennes pratiquent de nombreux exercices communs entre moyens de contrôle, chasseurs et hélicoptères qui concourent à la bonne préparation des équipages. À titre exemple, est organisé deux fois par an l’exercice de défense aérienne « Swatch », dans le cadre duquel des avions de chasse des deux pays sont déployés et survolent l’espace aérien du pays voisin, allant jusqu’à se poser sur une base aérienne de l’autre pays. De tels exercices ont d’ailleurs lieu avec l’ensemble de nos voisins, à l’instar des missions « Strange voyager » avec l’Allemagne, « Seihan » avec la Grande-Bretagne, « Champagne » avec la Belgique, « Rex » avec l’Espagne ou encore « Apex » avec l’Italie.

En outre, des dispositifs permanents de sûreté aérienne (DSPA), authentiques bulles de sécurisation de la troisième dimension, sont mis en place en Suisse en étroite collaboration avec la partie française à l’occasion de manifestations importantes, comme lors du forum international de Genève des 17 et 18 décembre 2019. Les travaux en cours sur l’Air Situation Data Exchange (ASDE) seront poursuivis et intensifiés grâce aux nouvelles opportunités offertes par le nouvel accord, qui couvrira le domaine de la cyberdéfense pour la sécurité des échanges de pistes et d’informations.

De manière plus générale, la coopération franco-suisse dans le domaine aérien prend également la forme de missions d’entraînement au ravitaillement en vol – à hauteur d’une quarantaine par an –, la Suisse ne disposant pas d’une telle capacité, mais aussi d’échanges de personnels et de l’association des forces aériennes suisses à l’exercice annuel national majeur de l’armée de l’air et de l’espace « Volfa ». Les Suisses apportent aussi des capacités d’instruction au domaine des vols en montagne au profit des équipages de recherche et de sauvetage (SAR). Bien que l’éclatement de l’épidémie de Covid-19 ait eu pour conséquence d’annuler un certain nombre de rencontres, 19 missions conjointes devaient avoir lieu en France en 2020, et 11 en Suisse, contre respectivement 15 et 12 l’année précédente.

Ces dernières années, la relation franco-suisse a aussi été marquée, dans le domaine aérien, par les programmes Fomedec et Mentor de modernisation de la formation des pilotes de chasse. Avec le programme Fomedec, l’ensemble de la formation intermédiaire des pilotes est effectué sur la base aérienne de Cognac, au sein de l’école de pilotage de l’armée de l’air, sur des avions PC-21, acquis dans le cadre d’un contrat de location-vente auprès de l’industriel suisse Pilatus. Les 17 appareils ainsi acquis remplacent donc les 30 TB30 Epsilon et les 25 Alphajet jusqu’à présent mis en œuvre sur les bases de Cognac et de Tours. Huit pilotes instructeurs français se sont rendus en Suisse pour y être formés avant la livraison des premiers PC-21, intervenue à l’été 2018. Et depuis mars 2019, un instructeur suisse est accueilli sur la base de Cognac, pour une durée de trois ans. Avec le programme Mentor, Cognac deviendrait définitivement le pôle central de la formation des pilotes de chasse, puisque c’est sur la base que pourrait à l’avenir se dérouler la phase de formation actuellement conduite sur Alphajet à Cazaux. Toutefois, une telle évolution supposerait notamment l’acquisition de huit PC-21 supplémentaires.

B.   Le renforcement de la coopération bilatérale, traduction d’un rapprochement stratÉgique

1.   Pour les deux pays, la signature du nouvel accord et son processus de ratification interviennent à l’heure d’un réexamen stratégique

La Suisse a engagé la redéfinition de ses priorités en matière de sécurité et de défense par l’élaboration d’un nouveau « Livre blanc », dont la publication est attendue d’ici la fin de l’année 2021.

La Suisse se montre d’abord vigilante face à la situation de la péninsule balkanique, perçue comme un foyer d’instabilité potentiel en Europe, d’où sont partis de nombreux combattants pour la Syrie et l’Irak. La Suisse est également attentive à l’évolution de la menace terroriste ainsi que de la menace cyber, qui justifient un effort supplémentaire en matière de renseignement. Enfin, la question migratoire est particulièrement sensible, tant elle est perçue par une partie des Suisses comme une menace pour la cohésion nationale. Rappelons à ce sujet que 10 % de la population kosovare réside en Suisse.

Dans ce contexte, la Confédération a décidé de renforcer son effort sur les questions de défense, y compris dans le champ opérationnel, en confortant sa participation aux opérations de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies et à celles organisées en partenariat avec l’OTAN, à l’instar de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) au Mali ou de la Force pour le Kosovo (KFor). En matière de gestion de crises, la participation de la Suisse aux missions militaires hors de ses frontières reste toutefois marginale, le pays se considérant davantage comme un médiateur. Enfin, pour la première fois, la Suisse s’est portée candidate à l’obtention d’un siège non permanent au conseil de sécurité de l’ONU pour le mandat 2022-2024.

En France, après la promulgation de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, intervenue quelques mois avant la signature de l’accord dont la ratification est aujourd’hui proposée au Parlement, l’« Actualisation stratégique » rendue publique au début de l’année est venue conforter et compléter les constats de la Revue stratégique de 2017 quant aux évolutions géopolitiques du monde. S’il ne s’agit pas ici d’en commenter les développements, deux points méritent d’être soulignés :

– d’une part, ainsi qu’il l’a été indiqué à la rapporteure pour avis lors des auditions, la Suisse fait partie des pays avec lesquels des échanges de vues ont été organisés dans le cadre de l’élaboration de cette actualisation ;

– d’autre part, la Suisse est explicitement mentionnée parmi les pays avec lesquels « la France a en outre resserré ses liens déjà très denses » et ce au bénéfice de « la défense de l’Europe ».

Car là est l’essentiel. Ainsi que l’a rappelé à maintes reprises le Président de la République, il est indispensable que l’Europe se dote d’une culture stratégique commune, et bien que non membre de l’Union européenne ni de l’OTAN, la Suisse fait incontestablement partie des acteurs clés dans son élaboration, et doit être intégrée aux dynamiques communes pour préserver la sécurité du continent.

2.   La Suisse et la France ont déjà engagé des rapprochements dans les nouveaux domaines de conflictualité

L’article 3 de l’accord étend le champ de la coopération bilatérale à de nouveaux domaines de conflictualité, comme la cyberdéfense, le spatial militaire, la protection nucléaire, radiologique, biologique, chimique et (NRBC). Il vient en cela conforter un rapprochement stratégique engagé, parfois, avant même la signature de l’accord. Illustration de ce rapprochement, la ministre des Armées, Mme Florence Parly, s’est rendue en Suisse le 22 mars dernier, afin d’y rencontrer son homologue Viola Amherd.

Dans le domaine de la défense biologique et chimique, la ministre des Armées, s’était rendue au laboratoire de Spiez (canton de Berne), spécialisé en matière de menaces atomiques, biologiques et chimiques dès le mois de septembre 2018. Cette visite a été suivie de nombreux échanges bilatéraux – y compris avec le service de santé des armées – qui ont conduit à la signature d’un arrangement technique, le 27 janvier 2020, pour mettre en place une collaboration institutionnelle et faciliter l’échange de connaissances, de méthodes, de substances et d’échantillons entre le laboratoire et la direction générale de l’armement.

En matière cyber, le dialogue bilatéral s’est intensifié depuis la signature d’une lettre d’intention entre ministres de la défense en 2016, et dès 2017, des observateurs suisses ont été accueillis lors de l’exercice interarmées de cyberdéfense français « DEFNET ». Des rencontres de haut niveau ont été organisées entre les responsables suisses et français, en particulier avec le général Olivier Bonnet de Paillerets, commandant de la cyberdéfense (COMCYBER), et Guillaume Poupard, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), le 22 janvier 2019. Depuis 2019, des plans de coopération annuels dans le domaine cyber sont élaborés. Et c’est dans ce cadre qu’un officier suisse a suivi, durant l’année 2019-2020, le mastère spécialisé cyberdéfense des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, et que, réciproquement, le délégué cyber du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a dispensé aux élèves du même mastère un cours de deux jours, début mars 2021. Nombre d’activités prévues en 2020 ont toutefois été annulées, à l’instar de l’exercice Locked Shields, prévu en 2020, mais reporté au printemps 2021.

Dans le domaine spatial, l’accès à la composante spatiale optique (CSO) par la Suisse constitue une étape importante dans l’approfondissement de notre coopération dans le domaine du renseignement. Cette dernière est particulièrement intéressée dans la mesure où elle est contrainte, à l’heure actuelle, de recourir aux services du secteur privé. Il y a donc là un enjeu de souveraineté et d’autonomie stratégique de premier ordre. Le processus d’approbation de l’accord de coopération et des trois arrangements techniques afférents est actuellement examiné par le Parlement suisse : d’ores et déjà approuvés par le Conseil des États, ils seront soumis à l’approbation du Conseil national lors de sa séance de juin 2021.

II.   Le nouvel accord : un cadre de coopération classique qui pourrait offrir des opportunités sur le plan capacitaire

A.   Le contenu de l’accord : un cadre de coopération plutôt classique

Le présent avis étant publié en annexe du rapport de la commission des affaires étrangères, saisie au fond, il n’y a pas lieu ici de détailler les dispositions de l’accord du 23 novembre 2018. De manière générale, mise à part la prise en compte de la neutralité suisse – qui se traduit par l’accent porté à l’instruction, la formation et l’entraînement – il s’agit d’un accord relativement classique de coopération dans le domaine de la défense.

L’article 1er donne une liste de définitions facilitant la compréhension des autres dispositions de l’accord.

L’article 2 fixe le cadre général de la coopération bilatérale, en précisant notamment que l’accord « ne couvre ni la planification, ni la préparation, ni l’exécution d’opérations de combat ou d’autres opérations militaires » et qu’en conséquence, les personnels d’une des parties « ne participent en aucun cas à des opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre public ou de la sécurité » sur le territoire de l’autre partie, ni ne sont « associés à la préparation ou à l’exécution d’opérations de guerre ou assimilées, ni à des actions de maintien ou de rétablissement de la souveraineté nationale ».

L’article 3 traite des modalités de coopération entre les deux pays, centrée sur des activités d’instruction, de formation et d’entraînement, et liste les domaines dans lesquels elles peuvent être organisées. On y trouve des domaines assez classiques, et relativement peu sensibles, comme la formation, la logistique, la planification, l’histoire et la géographie militaire, la recherche et le sauvetage ou la protection de l’environnement, mais également des domaines propres à l’exercice de la souveraineté ou hautement sensible, à l’instar du renseignement militaire ou des nouveaux espaces de conflictualité comme le cyber ou le spatial militaire.

L’article 4 inscrit, de manière fort classique, la coopération dans le champ de la convention sur le statut des forces applicable au partenariat pour la paix (SOFA PpP) et de son protocole additionnel. Ce statut est applicable aux membres de l’OTAN ainsi qu’aux pays participant au programme du PpP, dont fait partie la Suisse.

L’article 5 traite de la protection des informations classifiées dont pourraient avoir connaissance des personnels bénéficiant de programmes d’instruction ou de formation ou participant à des missions d’entraînement.

L’article 6 fixe de manière générale les obligations auxquelles sont soumis les personnels bénéficiant des dispositions de l’accord, d’un point de vue administratif et professionnel : transmission des informations d’identité et vérification que les personnels disposent des qualifications professionnelles requises et que les matériels respectent les exigences techniques sur lesquels les parties se sont préalablement entendus.

L’article 7 traite des modalités d’association de personnels d’États tiers aux activités couvertes par le champ de l’accord.

L’article 8 est relative à l’organisation du commandement pour chaque activité, selon une logique ad hoc propre à chacune d’entre elles.

L’article 9 prévoit l’organisation régulière de réunions bilatérales et impose la réalisation d’un bilan annuel de la coopération comme la réalisation d’un plan de coopération annuel.

L’article 10 fixe les règles applicables en matière de sécurité générale, parmi lesquelles l’obligation pour la partie d’accueil de garantir la sécurité des membres du personnel de la partie d’envoi et de son matériel.

L’article 11 autorise le port d’armes et de munitions aux membres du personnel de la partie d’envoi, ou à bord de ses aéronefs et navires, dans les conditions prévues par la législation nationale de la partie d’accueil, tout en prévoyant des règles pour le transport, la garde et l’utilisation des armes et munitions.

L’article 12 dispose que les personnels ont accès aux installations militaires de la partie d’accueil et bénéficient de facilité de circulation et d’utilisation des espaces électromagnétiques et cybernétique.

L’article 13 traite de la sécurité aérienne et détermine les procédures à suivre en cas d’accident d’un aéronef déployé dans le cadre d’un exercice ou d’une mission d’entraînement. Cette question est particulièrement sensible pour la partie suisse depuis le crash d'un avion de chasse suisse à Glamondans, dans le Doubs, en octobre 2015. Accusé de plusieurs violations du règlement militaire et d'avoir détruit son F-18 par négligence, le pilote, qui s’était éjecté et avait survécu à l’accident, a été acquitté par la justice militaire suisse le 11 décembre dernier.

L’article 14 renvoie les questions fiscales à la convention fiscale franco-suisse et de son protocole additionnel du 9 septembre 1966 et leurs amendements successifs.

L’article 15 dispose que les membres du personnel de la partie d’envoi ont accès aux soins médicaux sur le territoire de la partie d’accueil, aux frais de la partie d’origine, dans les mêmes conditions que les personnels de la partie d’accueil.

L’article 16 prévoit les règles applicables en cas de décès d’un membre du personnel de la partie d’envoi, notamment en ce qui concerne l’autopsie et la remise du corps du défunt.

L’article 17 fixe les règles de financement de la coopération, avec un principe général de prise en charge par chacune des parties des dépenses liées à la coopération, sauf exception.

Pour le reste, les articles 18 et 20 traitent, de manière classique, de règlement des différends, d’application dans le temps, d’entrée en vigueur et de dénonciation de l’instrument.

Enfin, l’article 19 précise les modalités d’entrée en vigueur du nouvel accord, lequel abroge l’accord franco-suisse relatif aux activités bilatérales d’entraînement et d’échanges entre l’armée de l’air française et les forces aériennes suisses du 14 mai 1997 et celui relatif aux activités communes d’instruction et d’entraînement des armées françaises et de l’armée suisse du 27 octobre 2003.

B.   Vers de nouveaux accords capacitaires ?

La Suisse a engagé un vaste programme de modernisation de ses équipements militaires, avec un budget de 15 milliards de francs suisses, soit 13,5 milliards d’euros, pour la décennie 2020.

Celui concerne d’abord et majoritairement la défense aérienne, dans le cadre du plan Air 2030, qui fait l’objet d’une communication large et transparente de la part des autorités suisses, notamment à partir du site internet du DDPS.

Après un premier rejet en 2014, qui avait vu la Suisse renoncer à acquérir des Gripen suédois, les Suisses ont finalement accepté le principe du renouvellement de leur flotte d’avion de chasse en septembre 2020. Le résultat de la votation a cependant été particulièrement serré, puisque seuls 50,1 % des votants se sont exprimés en faveur de cette acquisition, qui devrait totaliser 6 milliards de francs suisses (soit un peu plus de 5,4 milliards d’euros).

Ce plan repose sur trois piliers :

– une première dimension dite « C2 Air », ou Command and Control, qui prévoit le remplacement, pour environ 230 millions de francs suisses, des sous-systèmes Ralus/Lunas du système de surveillance de l’espace aérien et de conduite des opérations aériennes de l’armée de l’air helvète tel qu’il existe actuellement, a occasionné un appel d’offres déjà remporté par un industriel français, Thales ;

– le projet « Bodluv », qui prévoit l’acquisition d’un nouveau système de défense sol-air de longue portée, et pour lequel le français Eurosam et en lice avec son modèle SAMP/T contre le système Patriot proposé par l’industriel américain Raytheon ;

– enfin, le pilier Prochain Avion de Combat (PAC), qui se voit donc doté d’un budget de 6 milliards de francs.

Ce dernier pilier du programme « Air 2030 » suscite l’intérêt de nombreux industriels, dont quatre sont actuellement à l’étude : le Rafale du français Dassault Aviation, le F-35A de Lockheed Martin, le F/A 18 Super Hornet de Boeing et l’Eurofighter Typhoon du consortium européen (R-U, Allemagne, Italie, Espagne) Airbus. Les Gripens du constructeur suédois Saab ont finalement été écartés de l’appel d’offres par Armasuisse (l’équivalent suisse de la Direction générale de l’armement), qui a jugé qu’ils ne correspondaient pas aux critères de maturité et d’opérationnalité nécessaires.

Pour la France, au-delà du marché en tant que tel, la sélection du Rafale pourrait apporter une « caution suisse », à même d’aider la négociation de futurs contrats d’exportation avec d’autres pays. Il s’agirait du deuxième pays européen à adopter le Rafale français – après la vente, officialisée le 25 janvier 2021, de 18 Rafale à la Grèce, dont six appareils devraient être livrés d’ici la fin de l’année, et douze l’année suivante.

Par ailleurs, l’offre française pourrait également être retenue dans le cadre de la modernisation des matériels terrestres des forces suisses, en particulier dans le domaine de l’artillerie et de la défense antichar à moyen terme avec les prospects pour des camions équipés d’un système d'artillerie (CAESAR) et des missiles moyenne portée (MMP). L’adaptation de son modèle d’armée amène également la Suisse à s’intéresser de près au programme SCORPION de l’armée de terre. Dans le cadre des études de son projet de modernisation des forces terrestres suisses, la Suisse planifie un exercice de longue durée avec une brigade mécanisée en 2023 (OCULUS). À ce titre, la Confédération a émis une demande à l’attention de l’armée de terre française pour le prêt d’un camp de manœuvres.

* * *

En définitive, la conclusion de ce nouvel accord de coopération bilatérale permet de conforter le rapprochement stratégique engagé de longue date entre la France et la Suisse en matière de formation et d’entraînement. Face à une accélération des désordres du monde, la France et la Suisse entretiennent une relation de confiance, et constituent des alliés fidèles. En témoignent leur engagement dans des domaines aussi sensibles que celui du renseignement ou dans les nouveaux domaines de conflictualité que sont le cyber et le spatial militaire. Partageant un destin commun, les deux pays pourraient également renforcer leur relation dans le domaine capacitaire. C’est pourquoi la rapporteure pour avis émet un avis favorable à son adoption

 


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   Travaux de la commission des affaires étrangères

Lors de sa réunion du mercredi 7 avril 2021, la commission examine, sur le rapport de M. Pierre Cordier, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire (n° 3245).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en arrivons à l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire, sur le rapport de M. Pierre Cordier. Nous avons également le plaisir d’accueillir à cette tribune Mme Carole Bureau-Bonnard, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Mme de Sarnez, ayant été un jour maltraitée quand elle était rapporteure pour avis, dans une autre commission, avait estimé que nous avions le devoir, ici, de traiter correctement les rapporteurs pour avis, ce qui supposait d’abord de les installer à la tribune, et non pas simplement, comme c’est le cas parfois, dans les rangs des autres commissaires. C’est donc de ma part une marque de fidélité à l’égard de l’héritage de Mme de Sarnez que d’observer cette pratique.

Depuis une dizaine d’années, la Suisse – le Conseil fédéral comme la population, car une votation populaire a eu lieu sur le sujet – s’est engagée dans le renforcement de la capacité opérationnelle de ses forces armées et la modernisation de ses équipements militaires. Le pays combine, depuis le XVIe siècle, une politique de neutralité et une politique active de constitution de forces armées. Celles-ci sont loin d’être négligeables : pendant la seconde guerre mondiale, elles ont tenu en respect Adolf Hitler, qui a considéré qu’une invasion du pays aurait un coût très élevé en termes de pertes et d’immobilisation de la Wehrmacht. Il a donc préféré le laisser en paix.

L’armée helvétique repose sur le système de la milice citoyenne, les militaires d’active étant très peu nombreux. C’est dire que l’instruction militaire revêt une importance capitale. Or la coopération en matière d’instruction est indissociable de la coopération pour l’emploi des matériels militaires et des systèmes d’armement, lesquels sont de plus en plus sophistiqués. L’enjeu de la coopération en matière d’instruction n’est donc pas sans lien avec les marchés d’équipement de l’armée suisse. Celle-ci se tourne traditionnellement vers ses voisins : l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et bien sûr la France – sans oublier les États-Unis.

C’est dans cette double perspective d’améliorer l’instruction des forces armées helvétiques et d’assurer un accompagnement des accords d’équipement conclus avec elles que s’inscrit l’accord de coopération signé le 23 novembre 2018. Cet accord est destiné à se substituer aux accords de 1997 et de 2003.

M. Pierre Cordier, rapporteur. C’est donc à moi qu’il revient de vous présenter cet accord de coopération dans un domaine beaucoup plus consensuel que le précédent. La Suisse l’a ratifié en février 2019. Nous devons à notre tour, après le Sénat, approuver ce texte pour mener à son terme le processus de ratification.

Carole Bureau-Bonnard vous présentera ensuite l’avis de la commission de la défense nationale ; je l’en remercie. Cela permettra de vous éclairer sur les aspects les plus techniques.

La France est liée à de très nombreux pays par des accords de défense. Il n’est pas inutile, pour commencer, de rappeler à quoi servent ces accords.

L’objet de ce type d’accords est d’ouvrir des champs de coopération avec les forces armées d’un autre État. Très concrètement, ils listent les domaines concernés – comme l’armement, l’instruction et la planification en matière de défense – sur lesquels les parties s’entendent pour coopérer. Selon la nature du partenaire et notre degré de proximité, le champ ouvert à la coopération n’est pas le même : nous irons plus loin avec certains pays qu’avec d’autres. Ces dispositions concernant l’étendue de la coopération sont complétées par toute une série de règles relatives par exemple au financement, au statut des personnels et à ce qui se passe en cas d’accident : grâce à un accord de défense, ces questions sont traitées une fois pour toutes, ce qui évite de renégocier par la suite les termes de la coopération à chaque activité nouvelle.

La spécificité de l’accord dont nous sommes saisis tient moins à ses dispositions – assez classiques – qu’à l’identité du partenaire. Ce matin encore, on me demandait : « La Suisse a donc une armée ? » En raison de sa neutralité, on s’imagine souvent que la Suisse n’a pas d’armée. Certes, celle-ci est relativement limitée, mais elle n’en existe pas moins.

D’une part, la Suisse est un pays qui nous est voisin et partage un certain nombre de nos valeurs, ce qui milite en faveur d’une coopération aussi étroite que possible. D’autre part, sa neutralité limite l’étendue possible de cette coopération.

Depuis le XIXe siècle au moins – vous avez évoqué le XVIe siècle, monsieur le président, mais je ne remonterai pas aussi loin –, la politique extérieure de la Suisse se caractérise par la neutralité, les bons offices, l’attachement au droit international humanitaire. Elle conduit ainsi des missions de médiation. Toutefois, elle s’interdit de participer à des opérations militaires, sauf dans le cadre de l’Organisation des nations unies (ONU) – son principal déploiement se trouve dans les Balkans, dont l’instabilité l’inquiète compte tenu des risques migratoires ; c’est d’ailleurs une question qui occupe l’esprit des dirigeants du sud de l’Europe.

Cette politique de neutralité et de retenue militaire a pour conséquence une forte dissymétrie entre nos deux modèles d’armée. Alors que l’armée française est tournée vers des opérations extérieures, l’armée suisse est orientée vers la protection de son territoire et l’appui aux autorités en cas de crise. L’armée suisse fonctionne de manière très différente de la nôtre : elle ne compte qu’un petit nombre de soldats professionnels – environ 3 000 –, mais les citoyens suisses sont soumis à un service militaire et, même à l’issue de cette période, restent incorporés dans un réservoir d’effectifs de l’armée pendant une dizaine d’années.

La Suisse, située au cœur de l’Europe, entourée d’États de droit, jouit d’une situation privilégiée du point de vue de la sécurité. Toutefois, notre voisin n’est pas insensible à l’instabilité qui émerge à la périphérie de l’Europe. C’est la raison pour laquelle les autorités helvétiques ont entrepris d’augmenter le budget de la défense, qui atteint 0,7 % du produit intérieur brut, et d’engager un renouvellement capacitaire de l’armée, ce qui intéresse la France au premier chef, notamment son industrie.

Quelle place peut-il y avoir, du point de vue des armées françaises, pour la coopération avec la Suisse ? Cela ne va pas de soi. Dès lors que ce pays refuse le principe d’un engagement extérieur, la coopération ne peut pas porter sur l’activité opérationnelle. Elle se limite donc à un champ très précis : l’instruction et l’entraînement militaire.

Cette coopération repose sur deux accords, signés en 1997 et en 2003, qui ont permis le développement d’une relation dense et régulière. Les deux parties s’en disent satisfaites. Le nombre d’activités entreprises en coopération était même en croissance avant la pandémie. C’est dans le domaine aérien que cette coopération est la plus développée : dans la police du ciel, d’une part, ce qui se manifeste par des échanges d’informations quotidiens et des exercices de protection de l’espace aérien, et dans la formation des pilotes, d’autre part, dans un contexte où la France a décidé, pour la formation de ses chasseurs, d’acquérir un appareil de fabrication suisse. Nous bénéficions également de l’expertise suisse, notamment dans le domaine du vol en haute montagne.

Que vient donc changer le nouvel accord, signé en 2018, dont l’objet est de remplacer les accords de 1997 et de 2003 ? Il ne remet pas en cause les limites de la coopération, qui exclut toujours le champ opérationnel. L’article 2 rappelle ainsi qu’il « ne couvre ni la planification, ni la préparation, ni l’exécution d’opérations de combat ou d’autres opérations militaires ». Les choses restent donc claires : avec les Suisses, nous ne faisons que de la formation, des exercices et de l’entraînement.

Toutefois, le nouvel accord élargit considérablement le champ de la coopération dans ce domaine limité qu’est l’instruction militaire. Il couvre tous les champs de la guerre, y compris ceux qui touchent au cœur de la souveraineté, comme la cyberdéfense, le spatial ou le renseignement militaire et la protection contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC). Une clause prévoit également la possibilité d’aller plus loin sans nécessité de réviser l’accord, ce qui est assez classique dans les traités internationaux.

Le second grand apport du texte consiste à accompagner la tendance au rapprochement capacitaire entre la France et la Suisse. C’est un point très important : plus les capacités militaires se rapprochent, plus la formation, les échanges et les retours d’expérience peuvent être nombreux.

La Suisse est engagée dans un grand programme de modernisation capacitaire qui se traduit par d’importantes perspectives à l’export pour les industriels français. Ces perspectives concernent les matériels terrestres, notamment les missiles de moyenne portée. À court terme, les perspectives principales concernent le renouvellement des systèmes de défense sol-air et, bien sûr, le nouvel avion de combat : une votation populaire a donné une très courte majorité au projet de remplacement des quarante avions composant la flotte suisse. Le Rafale est bien placé dans la compétition avec le F-35 et l’Eurofighter. Si cet appel d’offres – ou un autre – se concrétise en faveur de nos industriels, cela ouvrira la perspective d’une coopération encore plus intégrée avec nos voisins suisses.

Compte tenu des bénéfices dont l’accord est porteur, j’invite la commission à en autoriser la ratification.

Mme Carole Bureau-Bonnard, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Au regard de la nature essentiellement militaire de l’accord du 23 novembre 2018, c’est fort naturellement que la commission de la défense nationale et des forces armées s’est saisie pour avis du projet de loi autorisant son approbation.

Je mets fin immédiatement au suspense : notre commission a émis un avis favorable à l’adoption de ce texte, et ce à l’unanimité.

Je ne reviendrai pas sur chacune des stipulations de l’accord, dont votre rapporteur a déjà parlé, ni sur l’importance que la population suisse accorde à la fois à sa neutralité perpétuelle, décidée il y a désormais plus de deux siècles, et à ses armées. Je préfère me concentrer sur trois domaines qui ont retenu l’attention de mes collègues de la commission de la défense la semaine dernière, dans le cadre d’échanges riches et fructueux.

Premièrement, la construction de l’Europe de la défense ne se résume pas à l’Union européenne de la défense. La Suisse n’appartient ni à l’Union européenne ni à l’OTAN, mais en raison notamment de sa proximité géographique avec la France, l’Allemagne et l’Italie, elle n’en demeure pas moins un partenaire essentiel, avec lequel nous entretenons une coopération de grande qualité depuis plus de vingt ans.

La Suisse est de plus en plus attentive à la sécurité du continent, en particulier au regard de l’évolution de la menace terroriste. Préoccupée par l’intensification des flux migratoires dans le sud de l’Europe, elle est aussi fortement impliquée dans la stabilisation de la péninsule balkanique, au travers notamment de sa participation à la Force pour le Kosovo (KFOR). Relevons aussi la volonté d’implication nouvelle de la Confédération helvétique dans la résolution des crises que traverse le monde, comme l’illustrent son souhait de briguer un siège au Conseil de sécurité de l’ONU pour le mandat 2022-2024, ou encore sa participation à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Notre coopération est riche, et il n’est d’ailleurs pas anodin que la Suisse ait fait partie des rares pays consultés par le ministère des armées à l’occasion de l’actualisation de la revue stratégique, publiée en début d’année.

Deuxièmement, il convient de mentionner la coopération militaire aérienne, domaine dans lequel la France et la Suisse avancent main dans la main – ou plutôt volent côte à côte.

Les forces aériennes françaises et suisses profitent depuis 2015 d’un accès à une zone aérienne transfrontalière commune, qui leur est très utile dans le cadre d’entraînements au combat aérien. Cette coopération est bénéfique à la France puisqu’elle permet à nos pilotes de s’entraîner en zone montagneuse dans l’espace aérien suisse. En outre, dans le cadre de ses programmes de modernisation de la politique de formation de ses pilotes de chasse, l’armée de l’air et de l’espace s’est portée acquéreuse de 17 Pilatus PC-21, c’est-à-dire d’avions suisses.

Notre coopération est particulièrement aboutie dans le domaine de la défense aérienne, tant au niveau de l’entraînement – nous formons des tireurs d’élite suisses embarqués sur hélicoptère à partir de notre base corse de Solenzara – que dans le cadre d’opérations de police du ciel.

Cette coopération ouvre aussi des perspectives en matière d’armement : la Confédération a récemment lancé un programme de renouvellement de ses avions de chasse, dans lequel s’est engagé le Rafale de Dassault Aviation. Espérons que la décision suisse, qui sera annoncée à l’été prochain, sera bénéfique à notre industrie de défense, durement touchée par la crise économique. Nous sommes également en lice pour le renouvellement du système de défense sol-air.

Troisièmement, l’accord actualise notre coopération pour répondre aux enjeux qui prennent de plus en plus d’importance en ce début de siècle, notamment dans le domaine cyber, où s’ouvrent de nouveaux espaces de conflit, et dans le domaine spatial, à travers la composante spatiale optique (CSO), avec le partage d’images satellites.

Ces dernières années, nos deux pays ont renforcé leurs actions communes en particulier dans le domaine cyber, matière hautement stratégique. Dès 2017, des observateurs suisses ont été accueillis lors de l’exercice interarmées de cyberdéfense DEFNET, et des rencontres ont eu lieu entre responsables de haut niveau, en particulier avec le commandant de la cyberdéfense et le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. Enfin, nous devons organiser un exercice commun, appelé « Locked Shields ». Initialement prévu l’an dernier, il a malheureusement été reporté en raison de la pandémie de covid-19 ; espérons qu’il aura bien lieu en 2021. J’ajoute que, lors du précédent exercice de ce type, c’est la France qui avait gagné.

Notre coopération avec la Confédération suisse est donc d’une grande vitalité et d’un fort dynamisme. Avec votre soutien, monsieur le président, et celui de l’ensemble des membres de votre commission, nous espérons que cet accord permettra d’approfondir la coopération militaire entre nos deux pays, afin d’assurer la sécurité et la défense du continent européen. Il est de notre responsabilité de ratifier cet accord dans les meilleurs délais, plus particulièrement dans la mesure où nos amis du Parlement suisse l’ont déjà fait depuis plusieurs mois.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La dernière fois que les armées françaises se sont trouvées opposées à des militaires suisses, c’était à Marignan, en septembre 1515 – ce qui reste d’ailleurs un grand souvenir pour elles. Encore n’agissaient-ils pas pour leur compte, mais pour celui des Lombards. Si nous nous sommes battus en Suisse pendant la Révolution française – Masséna a livré des batailles importantes, notamment la seconde bataille de Zurich, en 1799, qui a marqué un coup d’arrêt à l’offensive russo-autrichienne –, nous ne nous sommes pas battus contre les Suisses eux-mêmes. L’accord que nous examinons est donc l’aboutissement d’un long fleuve tranquille s’agissant de nos relations avec nos voisins helvétiques.

Mme Marion Lenne (LaREM). Merci, monsieur le rapporteur, pour cet exposé auquel je suis particulièrement sensible, étant profondément attachée au maintien de la paix par l’instruction. Je suis également présidente du groupe d’amitié France-Suisse et députée du Grand Genève, qui abrite l’Organisation des nations unies ainsi que le siège de nombreuses institutions spécialisées de l’ONU, d’organisations internationales, de missions diplomatiques, d’organisations non gouvernementales et de multinationales.

L’accord élargit les domaines de coopération en matière d’instruction militaire avec la Suisse pour tenir compte des nouvelles frontières de la guerre moderne, avec la cyberdéfense, le spatial militaire et la protection contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. À cet égard, les parties prenantes de ces secteurs nous demandent de toujours plus communiquer, échanger, partager nos savoir-faire et retours d’expérience en opérations extérieures avec nos amis suisses, qui possèdent une réelle expertise en termes de recherche et développement et d’innovation.

Depuis une vingtaine d’années, le risque cyber connaît une augmentation exponentielle : en 1994, un virus touchait un appareil par heure ; en 2011, c’était un par seconde, et en 2020, 428 000 par seconde.

Les menaces n’ont pas de nationalité, à l’image de la pandémie de covid-19 que nous traversons. Alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes compte plus de 115 000 travailleurs frontaliers, il aurait été utile, par exemple, d’élaborer une application de tracing commune. Nous n’y sommes pas parvenus. C’est dire qu’il faut encore et toujours consolider notre relation bilatérale, pour progresser dans la compréhension mutuelle.

Principe de précaution, manque de moyens, mauvaise organisation et réticences de la recherche publique à travailler avec la défense et les entreprises privées freinent la France dans la course aux technologies. Puisse cet accord avec la Suisse nous inspirer, et réciproquement. L’innovation doit être le sel de nos rapports, d’autant plus avec le bassin de vie que nous avons en partage – l’Arc lémanique, territoire de recherche, avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne, et d’excellence, car certaines des principales avancées en matière de mobilité utilisant les énergies renouvelables y ont été réalisées.

L’accord permettra aussi de pallier le faible niveau de coopération franco-suisse dans le domaine fluvial.

Enfin, si la question de la neutralité suisse a toujours suscité l’intérêt de la France, ce texte répond également à la tradition de coopération existante, complémentaire et singulière entre nos deux armées, entre nos deux pays plus que voisins ; elle est à l’image de la société civile. Je rappelle que le plus grand consulat de France est celui de Genève et que le plus grand consulat de Suisse est celui de Lyon : c’est dire si les synergies suisse et euralpine, comme dirait notre collègue Bruno Bonnell, sont nombreuses.

Parce que le respect du droit prévaut sur la loi du plus fort et que cet accord intègre les défis auxquels le monde fait face – parmi lesquels le spatial, le cyber et le renseignement – et tient compte du rapprochement capacitaire à l’œuvre entre nos deux armées, le groupe La République en Marche votera en faveur de sa ratification.

M. Bruno Fuchs (Dem). Je félicite nos deux rapporteurs et profite de l’occasion pour remercier le Mouvement démocrate de me donner la parole très fréquemment sur les questions franco-suisses. Je suis très attaché à la relation entre la France et la Suisse pour des raisons personnelles, mais aussi politiques et géographiques, car ma circonscription est à proximité de la frontière bâloise.

L’accord dont nous discutons a vocation à se substituer aux accords de 1997 et de 2003. Relatif aux activités d’entraînement et d’instruction des forces armées françaises, il fixe également les conditions de la coopération en matière de défense avec la Suisse.

Les stipulations que l’on y trouve sont classiques dans ce type d’accord, mais tiennent aussi compte de la neutralité de la Suisse, qu’il préserve de tout engagement dans des conflits internationaux. Ainsi, la coopération prend la forme d’activités conjointes de formation de personnels civils et militaires ainsi que d’entraînements dans les zones frontalières, dont nous savons qu’elles impliquent des techniques de combat particulières dues à l’environnement dans lequel les forces armées évoluent. C’est également le cas en matière de défense du domaine aérien.

Plus important encore, l’accord tire les conséquences de l’évolution des menaces ; celles-ci ne dépendent pas forcément de l’implication de nos forces armées sur les théâtres d’opérations extérieures. Nous devons avancer conjointement pour assurer une meilleure défense de l’espace européen, auquel la Suisse appartient de fait. La Suisse et la France font face à plusieurs défis sécuritaires communs, notamment en matière de terrorisme. Nos pays partagent plus de 500 kilomètres de frontières terrestres et un grand nombre de voies de communication. Nous avons une histoire partagée et des intérêts communs en matière de sécurité. Pourtant, la Suisse n’est pas partie prenante de l’Union européenne ni de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et conserve la politique de neutralité qui la caractérise depuis des siècles. Nous ne disposons donc pas de cet éventail d’outils multilatéraux communs pour mettre en œuvre une coopération pertinente entre nos deux pays. C’est pourquoi il est vital de tisser, d’entretenir et de mettre à jour des liens bilatéraux de qualité avec nos voisins suisses – ce qui contribue également à la stabilité de la France.

Notre groupe salue la conclusion de ce nouvel accord et le votera. Toutefois, cet accord paraît très ambitieux. Il couvre en effet, selon son article 3, des champs très larges : « l’armement et l’équipement militaire », « la cyberdéfense et le spatial militaire », « les systèmes militaires de commandement et de contrôle des opérations » – la liste se poursuit et est très longue. Quels moyens humains sont prévus ? Il n’en est pas question dans l’accord. Quelle est la volonté politique de le mettre en œuvre réellement, de façon à ce que l’on n’en reste pas aux intentions ?

Mme Aina Kuric (Agir ens). Je salue l’excellent travail de nos collègues ainsi que leur présentation particulièrement éclairante.

Mon groupe votera le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord qui permettra de renforcer la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire. En effet, il est destiné à rénover le cadre existant et à élargir les domaines de coopération. Jusqu’à présent, les actions de coopération concernaient essentiellement le domaine aérien, à travers des actions de police du ciel et des actions conjointes de formation et d’entraînement des pilotes de chasse. À l’avenir, la coopération devrait s’ouvrir à des domaines tels que la lutte contre les agents nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, la cyberdéfense ou encore le spatial militaire.

Cette collaboration pourrait être facilitée si la Suisse venait à se doter d’outils militaires similaires aux nôtres, notamment en matière d’avions de combat et de systèmes de défense sol-air. Si cette perspective de débouchés à l’export concentre une partie de notre attention, et c’est bien normal, des questions restent en suspens en ce qui concerne les retombées des doctrines helvétiques pour nos armées. En effet, la dissymétrie de nos appareils militaires résulte de choix stratégiques forts, la France se considérant comme une puissance souveraine capable de se projeter et devant s’appuyer sur une armée expéditionnaire, et la Suisse comme un État fédéral neutre s’appuyant sur une armée de milice. Alors que les puissances occidentales entrent dans une phase de remise en cause profonde de leurs acquis et de leurs appareils militaires, comme en témoigne la revue stratégique britannique, il semble important d’étudier les choix suisses, dont les citoyens combattants et le maintien d’une filière de production d’armes individuelles et de munitions de petit calibre sont des éléments saillants. Aussi, dans quelle mesure l’accord prévoit-il que l’armée française étudie ces choix doctrinaux et, sans les reproduire, s’interroge sur leur pertinence ?

M. Alain David (SOC). Ce texte relatif à notre coopération militaire avec un pays neutre n’est pas aussi anecdotique qu’il y paraît : j’ai appris dans votre rapport que notre coopération militaire transfrontalière incluait des dimensions de cyberdéfense et de participation à notre système d’observation spatiale militaire et à nos programmes d’instruction en matière de médecine militaire ou encore de logistique humanitaire.

Je souhaiterais que vous reveniez sur le projet de renouvellement de la flotte aérienne de combat de notre voisin : où en est la compétition entre le Rafale de Dassault Aviation et ses concurrents Airbus et Eurofighter – sans oublier les appareils américains ? Je sais que Florence Parly a rencontré il y a une dizaine de jours son homologue suisse et que le Conseil fédéral doit se prononcer de façon imminente.

Au demeurant, un tel accord de coopération militaire avec un pays voisin et ami ne peut qu’avoir du sens : nous approuvons votre rapport et voterons le texte qui nous est soumis.

M. Jean-Michel Clément (LT). Les interventions de M. le rapporteur et de Mme la rapporteure pour avis m’ont appris que les Suisses ne se contentaient pas de s’abriter dans des abris anti-atomiques et que notre coopération militaire était, au contraire, une vieille histoire.

Après les accords de 1997 et 2003, il est nécessaire de donner un nouveau cadre à notre partenariat, d’autant que de nouveaux sujets ont fait leur apparition. La cyberdéfense, par exemple, constitue un enjeu essentiel et en perpétuelle évolution : en la matière, il serait bon de partager notre expertise avec nos amis suisses. Cet accord est l’occasion pour nous de conforter notre position de partenaire stratégique de la Suisse.

Une attention particulière doit être portée à l’effort d’interopérabilité entre nos forces armées. Cette dernière serait facilitée si nos capacités militaires reposaient sur des systèmes similaires. L’utilisation de matériels communs favoriserait par ailleurs le partage d’expériences. Le renouvellement de la défense aérienne suisse est toujours une opportunité pour notre industrie de défense – M. le rapporteur a lui-même souligné que le Rafale aurait toute sa place dans la flotte de la force aérienne suisse, d’autant que nos bases militaires ne sont pas très éloignées de ce pays.

Cet accord tient évidemment compte de la neutralité suisse, puisque notre voisin ne s’engage pas dans les conflits internationaux, sauf lorsqu’il s’agit de mener des opérations humanitaires. Ce principe de neutralité est un gage important de respect des droits humains ; aussi sommes-nous assurés que l’expertise militaire française ne sera pas utilisée contre des populations civiles, comme cela peut malheureusement arriver avec d’autres pays moins respectueux des droits de l’homme. Rappelons que la France forme et arme les forces saoudiennes, qui commettent actuellement des exactions massives contre des civils au Yémen : il y aurait lieu de s’inspirer de ce principe de neutralité dans nos relations commerciales avec certains pays.

Nous voterons évidemment ce projet de loi.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Cet accord semble avoir été conclu pour nous aider à vendre nos avions – cela a été dit à mi-voix. Je l’apprécie malgré tout, d’abord parce qu’il permet de rappeler ce qu’est l’armée suisse, organisée sur le principe de l’engagement citoyen, comme l’était d’ailleurs notre propre armée à une autre époque. Nous avons abandonné ce modèle mais nous cherchons aujourd’hui le chemin pour y revenir, car nous redécouvrons que la notion de citoyenneté recouvre aussi la participation à la défense de son pays. La coopération suppose des échanges mutuels : cela nous donnera donc peut-être quelques idées intéressantes.

Dans le même ordre d’idées, nos voisins suisses envisagent sérieusement de signer le traité sur l’interdiction des armes nucléaires – du moins cette question fait-elle débat dans l’opinion publique et au sein des institutions. Le processus a été engagé, même si Berne ne souhaite pas se prononcer définitivement avant la prochaine conférence d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), reportée à 2021 – en effet, les Suisses ne veulent pas gêner les discussions en cours, ce qui est tout à leur honneur. Que nos voisins soient très intéressés par ce processus n’est pas étonnant, au vu des sujets abordés dans l’accord de coopération : à côté de la gestion des personnels, de la logistique et de la cyberdéfense figure aussi le droit humanitaire. Si nous coopérons dans ce domaine, la question des armes de destruction massive se posera inévitablement. Nous ne devons pas utiliser d’armes contre les populations civiles, comme le stipule notamment le traité sur l’interdiction des armes nucléaires, dont la Croix-Rouge est l’un des fers de lance – j’ai discuté de ce sujet avec des représentants de cette organisation rencontrés à Genève.

Cette coopération militaire nous semble donc très intéressante. Du fait de l’histoire de la Suisse, nous aurions cependant pu intégrer à cet accord une dynamique de coopération pour la paix. Au-delà des modalités de préparation commune à une éventuelle guerre, il aurait été intéressant de consacrer un chapitre aux modalités d’un travail commun pour la paix. « Si tu veux la paix, prépare la guerre », dit l’adage. Je ne suis pas d’accord : si tu veux la paix, prépare la paix ! Commençons avec les Suisses, nos éminents voisins qui portent ces valeurs dans leur cœur.

Nous voterons en faveur de la ratification de l’accord.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le secrétariat de la commission m’a fait observer que j’avais présenté une vision un peu idyllique de l’histoire des relations franco-suisses. Étant un homme humble et honnête, je rectifie donc mes propos : l’intervention de Masséna, en 1799, contre les Russes et les Autrichiens était hélas la conséquence d’une occupation militaire assez brutale du territoire helvétique par les armées de la République. Il ne faut pas se parer de vertus que l’on n’a pas, même avec quelques siècles d’écart.

M. Pierre Cordier, rapporteur. Je vous remercie pour votre approbation unanime de cet accord.

Nous avons bien pris en compte votre passion, madame Lenne : c’est votre cœur qui a parlé lorsque vous avez évoqué les lacunes de la coopération franco-suisse, auxquelles vous êtes confrontée au quotidien dans votre circonscription. Cet accord n’en concerne pas moins la guerre et les forces armées.

Monsieur Fuchs, l’élargissement de cette coopération à de nouveaux secteurs n’entraînera ni augmentation des moyens humains et administratifs ni modification de l’organisation du ministère des armées. La mise en œuvre de l’accord se fera à moyens constants, au sein des états-majors français et suisses, dans leur organisation actuelle.

Comme vous l’avez souligné, monsieur Clément, cet accord, qui succède à ceux de 1997 et 2003, vise notamment à prendre en compte les évolutions technologiques dans le domaine militaire.

Bien entendu, monsieur Lecoq, cet accord n’est pas dénué d’arrière-pensées s’agissant de la vente de notre avion de combat – je pense d’ailleurs à notre ancien collègue Olivier Dassault, qui aurait été sensible à cette présentation. Si nous pouvons faciliter la vente de Rafale à nos amis suisses, après le contrat conclu avec la Grèce il y a quelques mois, je m’en réjouis. Une telle opération présuppose cependant le renforcement de notre coopération avec nos voisins. Il ne s’agit pas simplement de vendre des avions : il convient également de tisser des liens humains afin que les pilotes maîtrisent complètement la technologie utilisée par ces avions et acquièrent toutes les connaissances nécessaires au pilotage de ce type d’appareils.

Mme Carole Bureau-Bonnard, rapporteure pour avis. Les responsables français et suisses que j’ai auditionnés ont souligné la nécessité de partager des intérêts communs, de préciser les stipulations des accords précédents, notamment d’un point de vue juridique, et d’élargir les possibilités de coopération du fait du développement de nouvelles technologies. Ils ont insisté sur leurs intérêts communs, leur relation de confiance et leur besoin de travailler ensemble. Ils estiment déjà, monsieur Lecoq, que leur coopération vise à maintenir la paix – tel est leur but lorsqu’ils interviennent à l’extérieur.

Cette coopération permet de partager nos expertises : les Suisses profitent des nôtres et nous bénéficions des leurs. Je pense notamment aux opérations de sauvetage en montagne, dont les techniques font l’objet d’échanges entre écoles militaires de haute montagne. Je pense également aux domaines nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), évoqués par Mme Lenne, dans lesquels un accord de partenariat a été conclu avec le laboratoire de Spiez. Mme la ministre des armées s’y est rendue, de même que des représentants de la direction générale de l’armement (DGA) et du service de santé des armées (SSA). Par ailleurs, la lutte contre la pandémie actuelle rentre dans le cadre de cet accord – dans ce domaine, la Suisse a d’ailleurs réussi à mobiliser très rapidement 7 000 miliciens. Comme le rapporteur, je vous parlerai bien sûr également des Rafale, mais je voulais vous montrer que cet accord touche à de nombreux sujets.

M. Fuchs nous a interrogés sur notre volonté politique de renforcer cette coopération. J’ai rappelé tout à l’heure que la Suisse avait été consultée dans le cadre de l’actualisation de la Revue stratégique et que de nombreux échanges et rencontres avaient eu lieu au plus haut niveau. Huit visites ministérielles ont été organisées depuis 2017. En outre, des militaires suisses se sont rendus en France : ainsi, le commandant de la cyberdéfense suisse a été accueilli récemment à Saint-Cyr.

Nous attendons effectivement une réponse de la Suisse, qui pourrait acheter des Rafale, mais vous aurez bien compris que ce n’était pas le seul enjeu de l’accord – nous en parlons uniquement parce qu’il s’agit d’un sujet d’actualité. Nous avons des avions suisses ; nos voisins pourraient bientôt avoir des avions français. Les pilotes de nos deux pays ont l’habitude d’échanger entre eux et de participer à des formations communes. Nous espérons avoir l’occasion de renforcer nos échanges et notre partage d’expertises dans ce domaine.

La commission adopte l’article unique du projet de loi sans modification.

 

 


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   Travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées saisie pour avis

Lors de sa réunion du mercredi 31 mars 2021, la commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Carole Bureau-Bonnard, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je tiens tout d’abord à rendre hommage, au nom de la représentation nationale, au matelot Jeff Rotaru, de la compagnie de fusiliers marins Le Goffic, qui est décédé alors qu’il effectuait une patrouille en rade de Cherbourg. Toutes nos pensées vont vers sa famille, ses camarades et ses frères d’armes.

La Conférence des présidents a décidé hier d’inscrire à l’ordre du jour de la séance publique du 6 mai 2021, dans le cadre réservé au groupe La France insoumise, l’examen de la proposition de loi déposée par M. Bastien Lachaud pour une meilleure reconnaissance et un meilleur accompagnement des blessés psychiques de guerre. Cette proposition de loi ayant été renvoyée à notre commission, nous l’examinerons la semaine précédant l’interruption des travaux parlementaires. Je vous propose, logiquement, de nommer comme rapporteur M. Bastien Lachaud. S’il n’y a pas d’opposition, il en est ainsi décidé.

Notre ordre du jour appelle l’examen, pour avis, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse, relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire. La Suisse est à l’honneur ces derniers jours, puisque la ministre des armées, Mme Florence Parly, s’y est rendue le 22 mars. Elle a fait le point sur la coopération franco-suisse en matière de sécurité et de défense et précisé les contours de l’offre française dans la perspective des deux contrats majeurs que devrait prochainement signer la Suisse. Dans le cadre de son projet « Air 2030 », celle-ci prévoit l’acquisition de nouveaux avions de combat et d’un nouveau système de défense sol-air de longue portée. Dassault, avec le Rafale, et Eurosam, avec le Système aérien moyenne portée/terrestre (SAMP/T), ont soumis des offres. La ministre a insisté sur le fait que la Suisse serait, dans le cadre de cette offre, propriétaire de l’ensemble des données liées à l’utilisation de ces équipements.

Vous allez sans doute y revenir, Madame la rapporteure pour avis, mais vous allez surtout, au-delà de cet appel d’offres, nous exposer les bases structurelles de notre coopération avec la Suisse.

Mme Carole Bureau-Bonnard, rapporteure pour avis. Madame la présidente, chers collègues, nous procédons ce matin à l’examen, pour avis, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord signé le 23 novembre 2018 à Paris entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse, relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire.

Cet accord, composé d’une vingtaine d’articles, est l’héritier d’un partenariat opérationnel conclu de longue date, et qui n’a cessé d’être étayé au fil des ans. Il conforte notre relation bilatérale dans le domaine de la défense, en l’ouvrant à de nouveaux domaines de coopération comme le cyber ou le spatial militaire. Avec cet accord, la France et la Suisse s’engagent mutuellement à un niveau inédit, d’autant que notre rapprochement pourrait également s’accroître dans le domaine capacitaire.

Avant toute chose, il me semble important de souligner la qualité de la relation que nous entretenons avec nos partenaires suisses : elle a été mise en lumière par tous les intervenants que j’ai pu auditionner.

En renouvelant le cadre de coopération actuel, qui repose sur des accords signés en 1997 et 2003, la France et la Suisse se donnent les moyens de se préparer ensemble à affronter les nouveaux enjeux de conflictualité. Cette nécessité, ressentie de part et d’autre des Alpes, explique la grande sérénité dans laquelle ont pu être menées ces négociations. Au cours des auditions, le mot « confiance » a été prononcé à maintes reprises par mes interlocuteurs.

Le présent accord garantit à la fois le maintien des stipulations contenues dans les textes de 1997 et 2003 et la préparation d’un avenir qui dessine de nouvelles opportunités de programmes communs. Il doit permettre de renforcer la coopération entre les forces armées des deux parties en donnant un cadre juridique fiable, exhaustif et modernisé aux activités menées, qui sont nombreuses et toujours de qualité.

Les missions communes de police de l’air sont très clairement notre forme de coopération la plus aboutie : outre un échange quotidien d’informations entre nos centres de contrôle respectifs, nos deux pays mènent régulièrement des opérations conjointes. Cette coopération poussée nécessite bien évidemment des entraînements communs, à l’image de la campagne « Épervier », que nous menons en Suisse comme en France. Un accord de 2015 a par ailleurs abouti à la définition d’une zone aérienne transfrontalière commune, que les armées de l’air de nos deux pays peuvent utiliser, notamment dans le cadre d’entraînements au combat aérien.

Notre coopération est également forte dans la formation des pilotes, de chasse comme de transport. Les programmes en cours de modernisation de la politique de formation des pilotes de chasse – les bien connus Fomedec et Mentor – ont notamment amené l’armée de l’air à se porter acquéreuse de dix-sept avions Pilatus PC-21, des avions suisses. Nos premiers instructeurs sont partis se former en Suisse et la base aérienne de Cognac accueille, pendant trois ans, un instructeur l’armée de l’air suisse, tout au long de la phase de montée en puissance de nos propres formateurs.

Dans le domaine aérien, notre coopération concerne également l’entraînement de tireurs d’élite suisses depuis un hélicoptère, à partir de la base aérienne de Solenzara, en Corse, ou l’organisation de nombreux stages et visites pour les militaires des deux parties, destinés à partager des savoir-faire spécifiques aux deux armées.

Notre coopération est dynamique, comme en témoigne la visite effectuée par la ministre des armées, Mme Florence Parly, à Berne, la semaine dernière, pour rencontrer son homologue suisse, Mme Viola Amherd. Il s’agit de la huitième visite ministérielle depuis 2017, ce qui souligne l’extraordinaire vivacité du lien qui nous unit à nos partenaires helvètes.

L’approfondissement de notre relation se construit donc, vous l’aurez compris, sur des bases déjà solides et sans cesse renouvelées. Ce pas en avant était néanmoins rendu indispensable, d’une part par la complexité d’amender intégralement un corpus d’accords hétéroclites et, d’autre part, par la concordance toujours plus prononcée entre les grands enjeux de sécurité et de défense identifiés comme prioritaires par nos deux armées.

Ce nouvel accord intervient en effet au moment où la Suisse a engagé la redéfinition de ses priorités stratégiques. Un nouveau Livre blanc est ainsi prévu pour la fin de l’année 2021, qui devrait refléter des préoccupations croissantes en lien avec la sécurité collective du continent européen. Dans ce contexte, la France est perçue comme un allié fiable. Nous avons nous-mêmes procédé à l’actualisation de la Revue stratégique. La Suisse fait d’ailleurs partie des rares pays consultés à l’occasion de la rédaction de cette Actualisation 2021, ce qui constitue un autre signe de la robustesse de notre coopération.

Dans ce contexte, la négociation de l’accord que nous étudions aujourd’hui s’est parfaitement déroulée, en confiance et rapidement. Certaines particularités doivent être notées, puisque le texte final prend évidemment en compte les spécificités de nos partenaires suisses.

La Confédération n’appartient ni à l’Union européenne, ni à l’OTAN, et chacun connaît sa neutralité. La France respecte ce statut, auquel les Suisses sont très attachés, comme me l’a assuré le général Halter, l’attaché de défense de l’ambassade suisse à Paris. C’est pourquoi le champ de l’accord a été concentré sur les activités d’instruction et de formation, ainsi que sur les exercices et entraînements. En revanche, l’accord ne traite ni de la planification, ni de la préparation, ni de l’exécution d’opérations de combat militaire.

Les stipulations relatives au statut des personnels impliqués dans la coopération et au financement de cette dernière représentent naturellement une part significative de l’accord final. D’autres dispositions prévoient également les règles s’appliquant aux informations classifiées échangées dans le cadre de l’accord, ainsi que l’organisation de rencontres bilatérales régulières afin d’assurer un suivi de la coopération et la rédaction d’un plan annuel en ce sens.

Cet accord devrait également permettre de pérenniser les actions menées aux côtés de la Suisse, sur plusieurs points.

Premièrement, sur les enjeux cyber. Nous pouvons nous féliciter du dynamisme et de l’engagement des deux parties pour avancer ensemble dans ce domaine hautement stratégique. Le rapprochement de nos armées en la matière s’est accéléré en 2016 et il doit encore être renforcé par la conduite prochaine d’un exercice commun, appelé Locked Shields. Il devait avoir lieu en 2020 mais a dû être reporté à cause de la crise sanitaire.

Deuxièmement, en matière de formation et d’entraînement de nos pilotes de chasse. J’ai déjà parlé de notre coopération dans le cadre de la modernisation de la formation de nos pilotes de chasse. De la même manière, il est clair que si les Suisses venaient à acquérir des Rafale – je reviendrai sur cette possibilité –, ils bénéficieraient du retour d’expérience français.

Troisièmement, dans le domaine spatial, avec l’accès à la composante spatiale optique (CSO). C’est une étape fondamentale pour renforcer nos capacités mutuelles de renseignement, alors que la Suisse est encore obligée de solliciter le secteur privé pour s’approvisionner en images satellites.

Quatrièmement, en matière de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Dans ce domaine, des échanges se sont récemment concrétisés. À la suite d’une visite de la ministre Florence Parly, en septembre 2018, un arrangement technique a en effet été signé l’an dernier entre la Direction générale de l’armement (DGA) et le laboratoire de Spiez, situé dans le canton de Berne. Le service de santé des armées s’est également rapproché de ce laboratoire, ce qui nous permet d’envisager une relation renforcée dans ce domaine, dont l’importance est toujours croissante.

Ce nouvel accord promet également d’avancer sur la voie de nouveaux contrats d’armement. Comme vous le savez, les Suisses ont accepté, par votation, le principe du renouvellement de leur flotte d’avions de chasse en septembre 2020. Ce contrat devrait porter sur une quarantaine d’avions, pour un total avoisinant les 6 milliards de francs suisses, soit plus de 5,4 milliards d’euros. La France, par l’intermédiaire de Dassault Aviation, s’est naturellement portée candidate à l’appel d’offres en cours.

L’objectif est double : il s’agit naturellement de remporter ce contrat d’envergure, ce qui fournirait à la France l’argument d’une « caution suisse » lors de la négociation de futurs contrats avec d’autres partenaires, mais aussi de poursuivre la dynamique engagée l’an passé avec la vente de Rafale à la Grèce.

Le remplacement par la Suisse de sa flotte vieillissante intervient d’ailleurs dans un contexte d’augmentation générale des crédits budgétaires alloués à la défense. Ces derniers doivent augmenter de près de 6 % pour la période 2021-2025, une hausse importante consacrée en partie au renouvellement complet de la protection de l’espace aérien du pays. C’est l’objet du programme « Air 2030 », qui repose sur trois piliers, sur lesquels la France est déjà positionnée : une dimension dite « C2Air », qui prévoit le remplacement du système de surveillance et de conduite des opérations aériennes de l’armée de l’air helvète – ce contrat a d’ores et déjà été remporté par Thales ; le projet Bodluv, qui prévoit l’acquisition d’un nouveau système de défense sol-air de longue portée – sur ce segment, le modèle SAMP/T du français Eurosam est en compétition avec l’américain Raytheon ; l’achat, enfin, du prochain avion de combat, qui voit s’affronter le Rafale, le F-35A de Lockheed Martin, le F/A 18 Super Hornet de Boeing et l’Eurofighter Typhoon d’Airbus – le choix sera annoncé à l’été 2021.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la coopération avec la Confédération suisse est un succès. Au moment où les Européens cherchent à concevoir la nouvelle architecture de sécurité de notre continent, il est important de rappeler que nous ne pourrons pas avancer sans un dialogue ouvert et constructif avec nos amis suisses. Pour toutes ces raisons, il me paraît essentiel que notre commission accompagne l’adoption de ce projet de loi. Le Conseil des États et le Conseil national, les deux chambres du Parlement suisse, ont d’ores et déjà ratifié cet accord : à nous de faire de même. Je vous invite donc, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à l’adoption de cet accord avec nos partenaires suisses.

Mme Françoise Ballet-Blu. Votre exposé, Madame la rapporteure pour avis, m’a fait replonger avec beaucoup de bonheur dans mon pays d’origine. En tant que citoyenne franco-suisse, je ne peux que me réjouir des relations de confiance qui unissent nos deux pays et de la perspective de cet accord.

Dans l’histoire de la réflexion militaire et stratégique de la France, la question de la neutralité suisse a toujours suscité l’intérêt. La France de la IVe République avait bien compris les ressorts de la politique suisse de neutralité et les avait acceptés avec intelligence, malgré le contexte de la Guerre froide. On se souvient que certains responsables français étaient même prêts à s’appuyer sur l’exemple et la pratique de cette neutralité pour défendre un concept de sécurité en Europe permettant de relativiser l’importance du rideau de fer. Par ailleurs, la France accordait de l’importance à l’efficacité de la défense suisse et ne se refusa pas à certains contacts discrets avec les autorités militaires fédérales afin d’étudier les modalités d’une éventuelle collaboration en cas de guerre.

Il ne fait pas de doute que l’accord qui nous est présenté est un écho de ces anciennes réflexions. Cette coopération comprend des programmes d’instruction dans des domaines élargis, tels que la logistique, l’armement, la cyberdéfense, la médecine militaire, le droit humanitaire, ou encore la protection nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Elle concerne aussi la gestion du personnel. À ce propos, entre le plan famille et le plan mixité, le gouvernement français a montré sa volonté d’aller de l’avant et l’armée française est désormais l’une des plus féminisées du monde. Pouvez-vous nous dire, Madame la rapporteure pour avis, ce qu’il en est des politiques visant à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes chez notre nouveau partenaire suisse ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Dans son rapport sur le projet de loi qui nous occupe, notre collègue sénateur Édouard Courtial souligne l’expertise notoire de l’armée suisse en matière de cyberdéfense, mais aussi dans le domaine de la lutte contre les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. Il semble que l’État fédéral suisse soit en mesure de fournir à l’armée française des moyens supplémentaires dans ces deux domaines cruciaux, dont l’importance ne cesse de croître, du fait de la menace terroriste. Toutefois, dans la mesure où la Suisse ne prend part qu’à des opérations humanitaires et de maintien de la paix, que peut-on véritablement attendre de son armée ? Quels sont les moyens matériels et humains investis par la Suisse dans le cadre de cette coopération bilatérale ?

M. Charles de la Verpillière. Le groupe Les Républicains est évidemment favorable à la ratification de cet accord. Il suffit de regarder une carte pour comprendre que la coopération militaire avec la Suisse est une nécessité pour la France. En tant que député du département de l’Ain, je suis particulièrement bien placé pour en parler.

Cet accord s’inscrit dans un contexte stratégique qui se durcit, avec des dangers qui s’amplifient. Il s’agit incontestablement d’un bon accord, et d’une nécessité. Il faut amplifier la coopération militaire avec la Suisse, tout en respectant sa neutralité, à laquelle nos amis suisses sont extrêmement attachés. C’est ce que nous avons fait avec cet accord, qui va aussi loin que possible : nous voterons donc en faveur de sa ratification.

M. Joachim Son-Forget. En tant que député des Français de Suisse et du Liechtenstein, je me réjouis de cet accord, qui pérennise la collaboration entre nos deux armées. Je tiens d’ailleurs à rappeler que cette collaboration existe aussi au niveau de la société civile. Loin de l’image d’Épinal de Français qui s’installeraient en Suisse pour fuir le fisc, les Français de Suisse constituent une population de plus en plus jeune et experte, qui travaille bien souvent dans le tertiaire de haut niveau ou la haute technologie. Cette coopération, qui se traduit dans tous les domaines, se développe depuis plusieurs décennies, bien loin des images un peu pittoresques que l’on peut avoir de la Suisse.

Dans le domaine militaire, il existe déjà de nombreuses collaborations entre nos deux pays. Sans remonter jusqu’aux mercenaires suisses qui partaient se battre pour la France, on peut évoquer quelques faits saillants, survenus au cours des dernières décennies : la doctrine de tir française, par exemple, a largement appris de l’expertise suisse dans les années 1980. Nos meilleurs éléments collaborent régulièrement avec l’armée suisse et les mouvements en sens inverse sont également très nombreux. Cette collaboration répond aussi à une exigence géographique, puisqu’un Rafale qui décolle en Suisse se retrouve très rapidement dans le ciel français. Même si, à la différence de la France, l’armée suisse n’est pas engagée dans des opérations extérieures, les bases d’une coopération entre nos deux pays existent bel et bien. Cet accord va pérenniser cette coopération, au-delà du contrat relatif à l’achat de Rafale : si ce dernier est important, il n’est que le prolongement de nombreuses coopérations dans des domaines très variés.

Mme Patricia Mirallès. La Suisse a su s’appuyer sur une expertise militaire ancienne pour garantir son indépendance et sa sécurité et il convient que la France noue avec sa voisine helvète des liens forts et durables en la matière. Vous soulignez à juste titre l’importance des relations de coopération franco-suisse pour l’entraînement et la formation des pilotes, avec la perspective de la centralisation à Cognac du pôle de formation des pilotes. Vous indiquez également que nos forces auraient besoin de huit appareils PC-21. Dans quelle mesure ce traité peut-il, selon vous, faciliter l’approvisionnement de nos forces en appareils de ce type ?

M. Jacques Marilossian. Madame la rapporteure pour avis, l’accord bilatéral entre la France et la Confédération helvétique ne soulève pas de ma part de questions puisqu’il correspond aux traditions politiques et militaires des deux pays. Cet accord concerne l’ensemble des points relatifs à l’instruction militaire, hormis la préparation et la planification d’opérations militaires. Il pourra être complété ultérieurement par des textes d’application spécifiques. Il prévoit déjà une coopération dans le domaine de la protection nucléaire, radiologique, biologique et chimique. J’aimerais toutefois savoir s’il pourrait également comprendre une dimension sanitaire et un volet pandémique ? Si tel est le cas, quand cela pourrait-il être ajouté ?

M. Thomas Gassilloud. Le groupe Agir ensemble est évidemment favorable à la ratification de cet accord, qui lui semble bon et nécessaire. Sans tirer de conclusions hâtives, je note que c’est paradoxalement avec nos partenaires extérieurs à l’Union européenne que nous avons souvent les relations les plus simples en matière de défense : je pense au Royaume-Uni et à la Suisse.

Si nous partageons avec les Anglais une culture stratégique commune, beaucoup de choses nous distinguent des Suisses : la neutralité helvétique, d’abord, qui s’oppose à notre culture plus expéditionnaire ; le caractère professionnalisé de nos armées, par opposition avec l’armée de conscription des Suisses, qui ne s’appuie que sur 3 000 soldats professionnels. En dépit de ces différences, il est possible de nous rassembler et de coopérer, notamment sur la question de la défense opérationnelle du territoire.

J’aimerais revenir sur la doctrine de l’armée suisse, au moment où de nombreuses puissances occidentales s’interrogent sur la leur, à l’image des Anglais, qui ont adopté une nouvelle stratégie. Il me semble que, dans ce contexte, certains choix suisses mériteraient d’être étudiés : le modèle du citoyen combattant, par exemple, ou celui du maintien d’une filière de production d’armement de petit calibre. Au moment du retour des débats sur la haute intensité et de la nécessaire résilience de la nation, j’aimerais connaître le regard que vous portez sur les grands choix doctrinaux de la Suisse, et surtout sur la manière dont nous pourrions progresser ensemble dans notre compréhension mutuelle.

Mme Carole Bureau-Bonnard, rapporteure pour avis. L’armée française est l’une des plus féminisées au monde, ce dont nous pouvons nous réjouir. L’organisation de l’armée suisse est très différente de la nôtre : elle repose sur un système de conscription, les jeunes hommes de 18 à 35 ans ayant l’obligation de s’engager dans la milice et de suivre chaque année une formation de trois semaines pour rester opérationnels. Ils sont encadrés par une armée de 3 000 professionnels. Si les femmes peuvent s’engager dans la milice, celle-ci est composée presque exclusivement d’hommes ; quant à l’armée professionnelle, elle ne compte que 1 % de femmes. La Suisse souhaite toutefois progresser dans la féminisation de son armée, se fixant un objectif de 10 % de femmes en 2030.

Lors de la pandémie, la Suisse est parvenue à mobiliser 7 000 militaires de la milice en 70 heures, et 35 000 en 10 jours. Chaque citoyen étant tenu de conserver son équipement à domicile, il n’a donc pas besoin de se rendre quelque part pour le récupérer : il vient avec son matériel dès qu’il est appelé.

Notre coopération dans les domaines cyber et NRBC porte essentiellement sur la formation et l’entraînement. Elle s’est intensifiée depuis 2016 et a été renforcée par le récent déplacement de la ministre en Suisse. Les échanges d’expériences entre les deux pays sont nombreux : des arrangements techniques existent entre la DGA et le laboratoire de Spiez depuis quelques années ; j’ai déjà évoqué l’exercice commun, Locked Shields, qui sera mené au printemps dans le domaine cyber ; l’homologue suisse du commandant de la cyberdéfense (COMCYBER) a par ailleurs dispensé un cours à Saint-Cyr au début de ce mois.

La modernisation de la formation de nos pilotes de chasse dans le cadre du programme Mentor nécessite effectivement l’acquisition de PC-21 supplémentaires. Je ne sais si cela est prévu ; nous aurons l’occasion d’aborder cette question avec la ministre Florence Parly lorsque nous l’auditionnerons, le 13 avril prochain. Un instructeur suisse intervient en France, tandis que des instructeurs français sont partis en Suisse pour se former.

Le rapprochement stratégique avec la Suisse, pays frontalier, est d’une importance capitale pour nous ; j’ai d’ailleurs rappelé que les autorités suisses avaient été consultées lors de l’Actualisation 2021. Bien que ne faisant pas partie de l’Union européenne, la Suisse se montre de plus en plus attentive à la sécurité collective, en dépit de sa neutralité. Deux points retiennent particulièrement son attention : le terrorisme et la stabilité du continent, avec en filigrane la question migratoire. Un grand nombre de migrants viennent en effet du Kosovo, et 10 % des Kosovars résident en Suisse. Celle-ci s’est engagée dans les Balkans au sein de la KFOR et au Sahel au sein de la MINUSMA.

Pour ce qui concerne l’achat de Rafale par la Suisse, nous sommes en attente des résultats de l’appel d’offres. Même si ce point ne constitue pas la pierre angulaire de l’accord, nous serions naturellement ravis que le Rafale soit retenu par les autorités suisses : cela enverrait un signal fort dans le cadre de la construction de l’Europe de la défense.

S’agissant de l’action de la Suisse dans la crise sanitaire, l’article 3 de l’accord comprend une liste des domaines de coopération entre nos deux pays ; elle vise les services sanitaires. Il sera intéressant d’avoir le retour d’expérience de notre partenaire sur la gestion de la pandémie, notamment du point de vue de la logistique.

L’attaché de défense a souligné, au cours de son audition, à quel point son pays tenait à sa neutralité, rappelant que 95 % des Suisses y étaient attachés. D’une manière générale, les auditions ont mis en valeur le sens de l’intérêt commun et la confiance existant entre nos deux pays. D’ici quelques semaines, nous nous intéresserons surtout aux échanges économiques, avec l’éventuelle acquisition des Rafale ; c’est un point important pour nos entreprises et pour la place de la France au niveau mondial.

Le partenariat de défense aérienne, objet principal de la coopération franco-suisse, prend diverses formes : campagnes de tir dans le cadre de mesures actives de sûreté aérienne (MASA), qui permettent aux forces suisses de s’entraîner à des procédures de tir de haute précision air-air à partir d’hélicoptères ; campagnes de vol en montagne ; échanges d’officiers pilotes français et suisses ; exercices conjoints de défense aérienne « Épervier » ; combats aériens de longue distance dits BVR – Beyond Visual Range, hors de portée visuelle – ; ravitaillements en vol – une quarantaine par an –, les Suisses ne disposant pas d’une telle capacité ; échanges d’expertise entre les écoles d’instruction en haute montagne ; formations à la survie ; compétitions sportives telles que la course militaire internationale de ski connue sous le nom de « patrouille des glaciers », qui permet de créer de la cohésion ; association des forces aériennes suisses à l’exercice Volfa, entraînement annuel majeur de l’armée de l’air et de l’espace.

Ces quelques exemples illustrent l’importance des échanges établis avec la Suisse. L’accord dont l’approbation est soumise à votre avis est indispensable compte tenu de l’émergence de nouvelles menaces dans le cyber et le spatial, et de l’évolution de la menace terroriste. Le partenariat avec nos amis suisses est de qualité ; c’est pourquoi j’émets un avis favorable à l’approbation de cet accord.

La commission donne un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

Mme Carole Bureau-Bonnard, rapporteure pour avis. Je vous remercie, chers collègues, pour nos amis suisses comme pour nos armées. Cet accord permettra de renforcer les échanges entre nos deux pays, tout en apportant les précisions juridiques et financières qui étaient nécessaires.

J’aimerais remercier les personnes que j’ai auditionnées, en particulier le général de brigade aérienne Jean-Luc Taquet, délégué aux relations extérieures de l’état-major de l’armée de l’air, le général de division Jean-Marc Halter, attaché de défense suisse à Paris et M. Olivier Landour, chef du service Europe, Amérique du Nord et action multilatérale à la direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des armées.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je tiens, au nom de la commission, à saluer la qualité de votre travail, Madame la rapporteure.

Cet accord vient refonder et moderniser le cadre juridique bilatéral existant. Il constitue une base de travail importante qui nous permettra de progresser dans les différents secteurs stratégiques, notamment en termes de formation et d’entraînement. Même si nos relations en matière de défense sont circonscrites à un certain nombre de domaines en raison de la neutralité suisse, elles ne peuvent qu’être consolidées par le développement d’un langage commun. Tout ce qui relève de l’intérêt général, de la confiance et de l’amélioration des relations entre nos deux pays est à saluer.

 


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   Annexe N° 1 : texte de la commission des Affaires étrangères

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d’instruction militaire (ensemble une annexe), signé à Paris le 23 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 


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   Annexe n° 2 : liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis

(Par ordre chronologique)

 

M. le général de brigade aérienne Jean-Luc Taquet, délégué aux relations extérieures de l’état-major de l’armée de l’air ;

M. le général de division Jean-Marc Halter, attaché de défense suisse à Paris ;

M. Olivier Landour, chef du service « Europe, Amérique du Nord et action multilatérale » à la direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées.

 

 


([1]) Seulement depuis septembre 2002.  

([2])  Le plafond des dépenses sur la période quadriennale s’élevait effectivement à 19,3 Mds CHF en 2020.

([3]) Accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif aux activités bilatérales d’entraînement et d’échanges entre l’armée de l’air française et les forces aériennes suisses du 14 mai 1997.

([4]) Accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif aux activités communes d’instruction et d’entraînement des armées françaises et de l’armée suisse du 27 octobre 2003.

([5]) Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française relatif à la coopération en matière de sûreté aérienne contre les menaces aériennes non militaires du 26 novembre 2004.  

([6])  M. Guy Teissier, avis rendu sur les crédits de la défense du projet de loi de finances pour 2021 au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

([7])  Rapport de M. Michel Herbillon sur l’approbation de l’accord entre la France et l’Albanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de l’accord de coopération en matière de défense entre la France et Chypre, décembre 2019.

([8]) À titre d’exemple, l’accord de défense avec l’Albanie précité n’inclue pas explicitement des domaines de coopération comme le renseignement et la cyberdéfense.

([9])  Accord relatif à l’échange et la protection réciproque des informations classifiées en vigueur avec la Suisse, signé à Soleure le 16 août 2006.

([10]) Une annexe à l’accord fixe les modalités pratiques de remboursement des prestations fournies par l’une des parties à l’autre dans le cadre des activités de coopération.