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N° 4079

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 avril 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à la limitation des impacts négatifs de la publicité (n° 4019).

PAR Mme Sabine RUBIN

Députée

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 Voir le numéro : 4019.

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. LA NÉCESSITÉ D’INTERDIRE LA PUBLICITÉ FAISANT LA PROMOTION DE PRODUITS OU DE PRATIQUES CONTRAIRES AU RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT

II. DÉBARRASSER L’ESPACE PUBLIC DES PUBLICITÉS LUMINEUSES ET LAISSER LES TRANSPORTS PUBLICS LIBRES DE TOUTE EMPRISE PUBLICITAIRE

III. LIMITER LA PUBLICITÉ AUX PRODUITS ALIMENTAIRES LES PLUS SAINS ET INTERDIRE LE CIBLAGE PUBLICITAIRE DES ENFANTS

COMMENTAIRE DE L’ARTICLE UNIQUE DE LA PROPOSITION DE LOI

Article unique (article L. 5814 du code de l’environnement ; article L. 121-24 [nouveau] et section 13 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation ; article L. 21333 [nouveau] du code de la santé publique) Limitation des impacts négatifs de la publicité

EXAMEN EN COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

II. EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

Mme Sabine Rubin et ses collègues du groupe La France insoumise ont déposé, le 23 mars 2021, une proposition de loi relative à la limitation des impacts négatifs de la publicité.

Cette proposition se fonde sur un constat aujourd’hui largement partagé. Chaque jour, une personne verrait entre 1 200 et 2 200 messages publicitaires et subirait 15 000 stimuli commerciaux. Les marques savent aujourd’hui parfaitement comment influer sur nos choix de consommation ou de nonconsommation. Le matraquage publicitaire nous éloigne de l’objectif d’une consommation sobre et responsable.

C’est également une dépense sociale nocive pour la collectivité avec près de 31 milliards d’euros dépensés chaque année dans la publicité.

coût annuel de la publicité

Source : Résistance à l’agression publicitaire

En 2019, les investissements de publicité et de communication des secteurs automobile, aérien et des énergies fossiles en France étaient estimés à plus de 5,1 milliards d’euros (dont 4,3 milliards d’euros rien que pour l’automobile). Autant d’argent qui n’est pas investi dans la transition écologique. Il est impossible de préparer la conversion du parc automobile à des modes moins polluants et le développement des transports en commun si le monde de la publicité continue de vendre aux citoyens le mythe de l’accomplissement individuel et de l’épanouissement personnel par l’acquisition de véhicules à motorisation thermique.

À ce jour, aucune mesure forte n’est prise pour faire taire le marketing climaticide des multinationales et le droit demeure largement insuffisant. Les mentions légales reposent sur une vision de la responsabilité individuelle au lieu de mettre l’accent sur la responsabilité des producteurs et des diffuseurs. Pourtant, un cadre légal a autrefois permis l’interdiction de la publicité sur l’alcool et le tabac pour des raisons de santé publique. Une nouvelle loi Évin ([1]) doit aujourd’hui s’appliquer aux produits et aux pratiques nocives pour l’environnement, mais aussi pour la santé physique et psychique des êtres humains. Car comment contester que le changement climatique et l’impact de nos modes de production et de consommation sur l’environnement nous font courir des risques pour notre santé et pour l’équilibre de nos sociétés ?

Or, nous sommes aujourd’hui loin de ce « changement de paradigme » que revendique le Gouvernement à travers le projet de loi n° 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, actuellement en discussion. Mme la ministre Barbara Pompili l’a dit elle-même en commission : « le Gouvernement privilégie à ce stade, plutôt que des interdictions, une approche fondée sur l’information du consommateur, avec le développement du score environnemental et des engagements volontaires qui vont transformer les messages publicitaires. L’article 5 du projet de loi prévoit ainsi que des codes de bonne conduite sont promus par le Conseil supérieur de l’audiovisuel » ([2]).

La rapporteure prend cependant note de l’accord volontaire intervenu le 23 mars 2021 entre les annonceurs, les entreprises et l’État. La filière agro-alimentaire, représentée par l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), s’est engagée à retirer toutes ses publicités des programmes « moins de 12 ans », tous produits et tous supports confondus. La filière automobile française s’est engagée à investir de façon croissante en faveur de la promotion des véhicules électriques, hybrides rechargeables et hybrides en consacrant 50 % de ses investissements publicitaires en faveur de la promotion de ces véhicules en 2021, 60 % en 2022 et 70 % en 2023. La filière audiovisuelle s’est également engagée à réduire la place des produits à forte empreinte carbone offerts en cadeaux dans les émissions de jeux télévisés.

Nous savons pourtant que l’information des consommateurs et l’engagement volontaire des diffuseurs ne suffiront pas. L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et l’Agence de la transition écologique (ADEME) publient régulièrement un bilan du respect des règles déontologiques contenues dans la recommandation « développement durable » de l’ARPP. Le dernier bilan, portant sur les publicités diffusées en 2019, a été publié en septembre 2020. Il fait état d’un taux de non-conformité des publicités environnementales aux règles déontologiques de 11,6 %, soit le ratio le plus élevé depuis 2011 et quasiment le double de celui constaté lors du bilan précédent (6,4 %). Or, dans le projet de loi, la seule interdiction réelle porterait sur la publicité directe pour les énergies fossiles, déjà très minoritaire, et cela sans prohiber la publicité pour des produits qui les utilisent, comme les automobiles.

Par ailleurs, rien n’est fait pour interdire les publicités lumineuses qui gaspillent de l’énergie et polluent notre environnement visuel. Rien n’est fait pour préserver nos espaces publics et nos lieux d’échange et de rencontre, comme les lieux de transport en commun, de ce matraquage incessant et obsédant. Rien n’est fait non plus pour protéger les enfants de la publicité visant à promouvoir la malbouffe. Pourtant, une étude comparative menée dans plusieurs pays (Australie, RoyaumeUni, Italie, PaysBas, ÉtatsUnis) auprès d’enfants âgés de 6 à 11 ans a montré que l’exposition à la publicité alimentaire télévisée contribuait à la prévalence de l’obésité des enfants dans des proportions allant de 4 % à 40 % selon les pays.

Même pour les promoteurs de la concurrence libre et non faussée, la publicité constitue un désaveu et devrait être rejetée : en effet, parmi les quelque 3 millions d’entreprises en France, moins de 1 % ont accès au marché publicitaire. En 2014, à peine plus de 600 (soit 0,02 % d’entre elles) représentent 80 % des dépenses publicitaires engagées. La publicité est donc l’affaire de quelques grandes multinationales parmi les plus polluantes et d’une poignée d’annonceurs qui renforcent leur position de marché.

Les collectivités perdraient-elles de l’argent à interdire plus largement la publicité ? En réalité, la taxe locale sur la publicité extérieure se répartissait en 2018 entre quelques milliers de villes pour un montant total de 180 millions d’euros, dont près de 40 millions d’euros par an vont à la seule ville de Paris. Ce sont des sommes très modérées, aisément compensables par un engagement de l’État.

Les Français sont prêts à des mesures plus ambitieuses : selon un sondage BVA pour Greenpeace France, 65 % d’entre eux seraient favorables à l’interdiction des publicités pour les marques contribuant au changement climatique. De nombreuses associations demandent une « loi Évin Climat ».

Tel est le sens de cette proposition de loi. L’article unique prévoit en premier lieu l’interdiction de toute publicité numérique et lumineuse, ainsi que l’affichage de publicités commerciales dans les gares, aéroports et stations de transports publics de personnes. Il vise ensuite à réguler fermement les publicités qui portent atteinte à l’environnement et/ou à la santé humaine. Il pose ainsi les fondements d’une « loi Évin Climat » en interdisant notamment les publicités relatives à l’automobile, les vols aériens entre deux villes métropolitaines ou encore les téléphones portables et l’eau en bouteille plastique jetable et en encadrant fortement la publicité relative à la malbouffe et à destination des enfants.

I.   LA NÉCESSITÉ D’INTERDIRE LA PUBLICITÉ FAISANT LA PROMOTION DE PRODUITS OU DE PRATIQUES CONTRAIRES AU RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT

Dans une décision du 8 janvier 1991 relative à la loi « Évin », le Conseil Constitutionnel a considéré que « la liberté d’entreprendre n’est ni générale ni absolue ; […] il est loisible au législateur d’y apporter des limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquence d’en dénaturer la portée ». C’est pourquoi la loi a pu interdire toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et encadrer fortement celle en faveur des boissons alcoolisées. Ces dispositions sont codifiées dans le code de la santé publique (articles L. 3511-3 et L. 3511-4 pour le tabac, articles L. 3323-1 à L. 3323-6 pour les boissons alcoolisées). Si peu d’études ont été réalisées à ce sujet, il semble néanmoins que les interdictions des publicités ont un effet sur la consommation. Ainsi, la consommation d’alcool aurait baissé de plus de 20 % en France entre 1990 et 2010. De même, une étude de 2008 a démontré un impact de l’interdiction de la publicité pour le tabac sur la baisse de la consommation, même s’il est admis que c’est bien l’effet prix qui a eu l’impact le plus significatif auprès des consommateurs. L’interdiction de la publicité en faveur des produits polluants ou nocifs à l’environnement peut donc jouer un rôle positif pour faire évoluer les comportements.

En outre, dans une récente décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a consacré la protection de l’environnement comme objectif de valeur constitutionnelle, au même titre que la protection de la santé. Désormais, le raisonnement soutenu en matière de protection de la santé s’applique aussi à la protection de l’environnement, ce qui pourrait donc justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre induite par les interdictions de publicité sur certains produits nocifs pour l’environnement.

La Convention citoyenne pour le climat (CCC) s’est prononcée dans le même sens : « nous pensons [que la publicité] est un des principaux leviers à actionner pour faire évoluer les comportements du consommateur de manière durable ». Les citoyens ont ainsi proposé d’interdire de manière efficace et opérante la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur tous les supports publicitaires. Ils ont également proposé de réguler la publicité pour limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies à la consommation : interdire les panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs hors information locale et culturelle ainsi que les panneaux indiquant la localisation d’un lieu de distribution, interdire les écrans numériques, limiter les publicités sur l’espace numérique ou encore interdire le dépôt de toute publicité dans les boîtes aux lettres à partir du 1er janvier 2021. Rien de tout ceci ne se retrouve dans le projet de loi « climat et résilience » actuellement discuté.

Ces propositions se sont heurtées à un certain scepticisme du fait de leur non-conformité supposée à la Constitution. Le comité légistique de la Convention citoyenne estime que « les interdictions doivent se baser sur des critères objectifs et rationnels. À défaut, elles portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression mais aussi elles encourraient d’être censurées sur le fondement du principe d’égalité et de la liberté d’entreprendre ». Pour gagner du temps, le Gouvernement s’est engagé à poursuivre l’étude de la faisabilité juridique d’une interdiction de publicité sur la base de critères permettant de déterminer les biens et services présentant l’impact le plus important de leur catégorie en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Votre rapporteure ne voit cependant aucune incompatibilité avec la Constitution dans ces mesures et rappelle que la Charte de l’environnement, de valeur constitutionnelle, prévoit, dans son article 6, que les politiques publiques « concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ».

La présente proposition de loi ne cherche cependant pas à interdire de manière générale la publicité pour les produits polluants : elle procède de manière ciblée en proposant des interdictions pour les produits ou pratiques dont la nocivité pour l’environnement est avérée. Ces interdictions sont donc ciblées sur la publicité en faveur des voitures polluantes (avec deux seuils progressifs d’interdiction en 2022 et en 2030), des téléphones portables, de l’eau contenue dans des bouteilles en plastique jetables ainsi que sur la publicité concernant les vols entre deux villes situées sur le territoire métropolitain. En outre, le texte prévoit l’obligation d’apposer sur les publicités en faveur des véhicules thermiques une indication, sous forme de symbole ou de graphique, visant à indiquer la quantité d’émissions de gaz à effet de serre par kilomètre et personne transportée. Ces différentes dispositions formeraient ainsi une base cohérente et solide pour bannir la publicité en faveur des produits les plus polluants.

II.   DÉBARRASSER L’ESPACE PUBLIC DES PUBLICITÉS LUMINEUSES ET LAISSER LES TRANSPORTS PUBLICS LIBRES DE TOUTE EMPRISE PUBLICITAIRE

La présente proposition de loi s’attaque également de front à l’invasion de l’espace public par la publicité. Cela concerne en priorité la publicité lumineuse, doublement nocive puisqu’elle constitue également une forte dépense énergétique. Comme l’avait rappelé notre collègue Mme Delphine Batho dans sa proposition de loi n° 2677 relative à l'interdiction de toute forme de publicité numérique et lumineuse dans l'espace public ([3]), on compte déjà plus de 704 écrans numériques dans le métro parisien et le renouvellement du marché des emplacements publicitaires du métro parisien prévoit un investissement de 60 millions d’euros pour « moderniser les dispositifs d’affichage publicitaire » et développer les écrans numériques. 686 écrans numériques ont été installés dans les grandes gares parisiennes. À Lyon, une centaine d’écrans publicitaires numériques sont apparus progressivement dans les stations du métro depuis deux ans. À Rennes, alors que trente doubles panneaux numériques ont déjà été installés dans la ville, quarante autres vont être implantés dans le métro. Le contrat d’affichage publicitaire du réseau de transport lillois signé en octobre 2019 prévoit la mise en place de 160 écrans publicitaires numériques sur les abribus et dans les stations souterraines de métro et de tramway. Les écrans publicitaires numériques se déploient également dans les vitrines des magasins, où ils sont visibles depuis les voies de circulation publique.

L’impact sur l’environnement est considérable : un panneau numérique de deux mètres carrés consomme 7 000 kilowattheures (kWh) par an, ce qui équivaut à la consommation annuelle d’un foyer avec un enfant. À titre de comparaison, un panneau avec une face numérique consomme sept fois plus que les panneaux d’affichage non numériques. Le Réseau de transport électrique (RTE), dans son bilan électrique annuel prévisionnel pour 2019, qualifie de superflue cette dépense énergétique et préconise sa suppression, ce qui représenterait un gain journalier de 0,1 GW d’énergie sur le territoire.

La législation actuelle ne permet cependant pas aux pouvoirs publics de mettre un coup d’arrêt au déploiement de l’installation d’écrans publicitaires numériques ou lumineux pour des raisons d’intérêt général liées à la santé publique, à la nécessité de réduire la consommation d’énergie et de protéger l’esthétique de l’espace public. En effet, en dehors des agglomérations, la publicité lumineuse et numérique relève du cadre général applicable à la publicité aux termes de l’article L. 581‑7 du code de l’environnement. Ces dispositions autorisent son déploiement à l’intérieur de l’emprise des aéroports, des gares ferroviaires et routières et des grands équipements sportifs.

Dans les agglomérations, la publicité lumineuse est autorisée dans les conditions prévues à l’article L. 581‑9 du code de l’environnement et doit respecter des critères déterminés par décret concernant les emplacements, la surface et la hauteur des panneaux, ainsi que des prescriptions sur les économies d’énergie et la prévention des nuisances lumineuses. Certes, le règlement local de publicité prévu à l’article L. 581‑14 du code de l’environnement peut prévoir des règles spécifiques en la matière et décider l’interdiction de la publicité lumineuse et numérique sur le territoire de la commune concernée. Les gares, stations et arrêts de transports en commun de personnes sont cependant exclus du champ d’application de ce règlement. De plus, s’ils donnent la possibilité d’interdire la publicité lumineuse et numérique, la procédure d’adoption des règlements locaux de publicité reste longue et leur contenu dépend de la volonté des élus locaux.

Afin de remédier, au moins partiellement, aux insuffisances de la législation, à l’occasion des débats sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, l’Assemblée nationale avait adopté un amendement donnant pouvoir aux maires d’interdire toute forme de publicité numérique sur le territoire de leur commune et dans les gares, stations et arrêts de transports en commun. Cette disposition a cependant été supprimée par la commission mixte paritaire. Plus généralement, ces espaces publics que sont les lieux de transport doivent être préservés du matraquage publicitaire. C’est pourquoi la présente proposition de loi propose une double interdiction de la publicité lumineuse et de la publicité au sein des aéroports, gares et stations de transport en commun.

III.   LIMITER LA PUBLICITÉ AUX PRODUITS ALIMENTAIRES LES PLUS SAINS ET INTERDIRE LE CIBLAGE PUBLICITAIRE DES ENFANTS

Enfin, la présente proposition de loi veut s’attaquer à la publicité en faveur de la malbouffe ainsi qu’à celle qui vise directement les enfants. Notre pays compte 4 millions de diabétiques – 2 % de la population en 2000 et 5,4 % en 2017. La population française compte 49 % de personnes en surpoids dont 17 % d’obèses. La direction générale du Trésor a ainsi pu chiffrer le cumul des dépenses à 1 % du PIB en 2012, soit quelque 20,4 milliards d’euros, dont 12,6 milliards à la charge de la seule assurance maladie.

COÛT SOCIAL DE L’OBÉSITÉ ET DU SURPOIDS (en milliards d’euros, EN 2012)

Source : « Obésité : quelles conséquences pour l’économie et comment les limiter ? », Trésor-éco, lettre n° 179, septembre 2016.

Votre rapporteure constate malheureusement que les avis et recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), des experts de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) ou du Haut Conseil de santé publique (HCSP), demeurent souvent ignorés tant des pouvoirs publics que des entreprises du secteur agroalimentaire. Ainsi en est-il des alertes relatives aux teneurs maximales en sel, en sucres ou en matières grasses, réitérées inlassablement depuis le début des années 1990.

À ce jour, seules des chartes d’engagements volontaires ont été conclues entre les pouvoirs publics et les groupements industriels. Le Haut Conseil de santé publique, dans ses propositions d’objectifs pour le Plan national nutrition santé 2017-2021, avait pourtant intitulé un chapitre de son rapport « Limites des engagements volontaires et nécessité de mesures contraignantes ». Il rappelait ainsi que le nombre de chartes signées restait faible et que les efforts de reformulation ne permettaient pas de conclure à l’existence de réels progrès nutritionnels, plaidant pour des mesures plus contraignantes, notamment dans le domaine de la publicité. C’est pourquoi la présente proposition de loi veut limiter la publicité aux produits alimentaires et boissons classés A ou B sur l’échelle du Nutri-Score, qui deviendrait de fait obligatoire pour tous les produits de ce type.

Concernant la publicité à destination des enfants, il importe de rappeler que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l’interdiction de la publicité pour des produits trop gras, trop sucrés, trop salés qui ciblent les enfants. À cet égard, comme le rappelle le rapport de notre collègue Mme Michèle Crouzet au nom de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle ([4]), les engagements volontaires sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’ont pas donné de résultats significatifs, et la législation qui a été adoptée il y a quelques années pour restreindre la publicité dans les programmes télévisés destinés aux enfants s’avère insuffisante. Il est donc grand temps de mettre en accord le droit avec le savoir et les recommandations formulées de manière convergente par les scientifiques, les institutions et les associations.


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   COMMENTAIRE DE L’ARTICLE UNIQUE
DE LA PROPOSITION DE LOI

  Rejeté par la commission

Article unique
(article L. 5814 du code de l’environnement ; article L. 121-24 [nouveau] et section 13 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation ; article L. 21333 [nouveau] du code de la santé publique)
Limitation des impacts négatifs de la publicité

L’article unique prévoit en premier lieu l’interdiction de toute publicité numérique et lumineuse, ainsi que de l’affichage de publicités commerciales dans les gares, aéroports et stations de transports publics de personnes. Il énonce ensuite des interdictions ciblées visant notamment les publicités relatives à l’automobile, les vols aériens entre deux villes métropolitaines ou encore les téléphones portables et l’eau en bouteille plastique jetable. Enfin, il encadre fortement la publicité relative à la malbouffe et interdit les messages publicitaires à destination des enfants dans le domaine de l’alimentation.

I.   le droit en vigueur

A.   La réglementation du contenu de la publicité

La réglementation de la publicité relève du chapitre Ier intitulé « Publicité, enseignes et préenseignes » du titre VIII du livre V de la partie législative du code de l’environnement et, plus précisément, des articles L. 581-1 à L. 581-45 de ce même code. Au sens du code de l’environnement, constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilés à des publicités.

L’article L. 581-1 pose un droit général à exprimer et diffuser des informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité, sous réserve des limites définies par la loi dans ce même chapitre. Cependant, il existe bien un cadre légal d’interdiction de la publicité sur certains produits (en particulier le tabac et l’alcool, depuis la loi du 10 janvier 1991 dite « loi Évin »), mais il ne s’étend pas, en l’état du droit, aux produits et services ayant un impact négatif sur le climat. La réglementation de la publicité en lien avec les questions environnementales repose aujourd’hui essentiellement sur la bonne information du consommateur et sur des mesures incitatives.

Les dispositions les plus connues sont les mentions légales devant accompagner la vente de certains produits pour sensibiliser le consommateur à des risques environnementaux ou pour sa santé. Cependant, plusieurs études ont démontré l’insuffisance de ces dispositifs ([5]) : phénomène d’habitude auditive ou visuelle qui limite l’efficacité de la mention ; message trop général et peu adapté à la nature du produit en soi ; discrétion de la mention par rapport au message global.

L’information du consommateur passe également par des indications relatives aux caractéristiques environnementales des produits. La loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a par exemple créé un article L. 541-9-1 au sein du code de l’environnement qui rend obligatoire l’information du consommateur sur l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, la recyclabilité, la présence de métaux précieux ou de terres rares, etc. Elle a également instauré un dispositif d’affichage environnemental qui regrouperait toutes ces informations, dispositif qui fait (déjà !) l’objet de modifications dans le cadre du projet de loi « climat et résilience ». Cette même loi interdit de donner l’impression, par des opérations de promotion coordonnées à l’échelle locale, que le consommateur bénéficie d’une réduction de prix comparable à celle des soldes (L. 121-4 du code de la consommation).

La loi encadre également la pratique du verdissement (« greenwashing ») dans la publicité, qui consiste à utiliser abusivement des arguments environnementaux faux ou non prouvés. Cette pratique est encadrée par l’article L. 121-1 du code de la consommation qui interdit plus largement les pratiques commerciales trompeuses.

En cours de discussion à l’Assemblée, le projet de loi n° 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets pose le principe de l’interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. La liste des énergies fossiles concernées, ainsi que les modalités s’appliquant aux énergies renouvelables incorporées dans des énergies fossiles, doit être précisée par décret en Conseil d’État. Si le nouvel article L. 581-25-1 proposé énonce un principe général d’interdiction, l’étude d’impact fait cependant référence uniquement à certains produits et services, en particulier « l’essence, le gaz, les stations-service, les produits pétroliers, etc. ». Les produits qui utilisent les énergies fossiles, comme les voitures, ne sont pas concernés. Son impact, évalué entre 15 et 20 millions d’euros, demeure faible et est très loin de constituer un véritable tournant en matière de publicité. Quant au « greenwashing », il fait l’objet d’un supposé « encadrement » dans le cadre du même projet de loi, qui renvoie, en réalité, à des dispositifs d’autorégulation et des « codes de bonne conduite » dont on sait d’avance qu’ils se révèleront inefficaces.

B.   La réglementation de la publicité dans l’espace public

Le chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l’environnement fixe les règles applicables à la publicité extérieure, au nom de la protection du cadre de vie. L’article L. 581-14-2 du code de l’environnement dispose que « les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet. Toutefois, s’il existe un règlement local de publicité, ces compétences sont exercées par le maire au nom de la commune ». Les compétences en matière de police de la publicité, qui incluent les compétences associées liées à la réception et à l’instruction des déclarations préalables et des demandes d’autorisation préalable, sont donc partagées entre le préfet de département et le maire, selon que la commune est ou non couverte par un RLP. Toutefois, l’article 6 du projet de loi « climat et résilience » prévoit de décentraliser le pouvoir de police de la publicité en le confiant au maire, que la commune dispose ou non d’un règlement local de publicité.

Par ailleurs, le droit prévoit déjà un certain nombre d’interdictions d’affichage de la publicité :

– sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, sur les monuments naturels et dans les sites classés, dans les cœurs des parcs nationaux, les réserves naturelles et sur les arbres, en application de l’article L. 581‑4 du code de l’environnement. Par ailleurs, le maire ou, à défaut, le préfet, peut interdire toute publicité sur des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque ;

– en dehors des lieux qualifiés d’agglomération, conformément à l’article L. 581-7 du même code. La publicité reste cependant autorisée à l’intérieur de l’emprise des aéroports, des gares ferroviaires et routières et des équipements sportifs ayant une capacité d’accueil d’au moins 15 000 places. Elle peut également être autorisée par le règlement local de publicité à proximité des centres commerciaux exclusifs de toute habitation et situés hors agglomération ;

– à l’intérieur des agglomérations, lorsqu’elle se situe aux abords des monuments historiques et dans les sites patrimoniaux protégés, sauf dérogation prévue par le règlement local de publicité (article L. 581-8 du même code).

En dehors des cas mentionnés ci-dessus, la publicité est admise partout ailleurs dans les agglomérations, où elle doit néanmoins satisfaire à des prescriptions, notamment en matière d’emplacement, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien et, pour la publicité lumineuse, d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses, conformément à l’article L. 581-9 du code de l’environnement.

Les prescriptions relatives à l’installation et à l’entretien des enseignes figurent quant à elles dans la partie règlementaire du code de l’environnement (articles R. 581‑55 à R. 581-61), à l’exception des enseignes à faisceau de rayonnement laser, soumises à l’autorisation de l’autorité compétente en matière de police en vertu de l’article L. 581-18 du même code.

En matière de compétences pour réglementer la présence de la publicité dans l’espace public, l’article L. 581-14 du code de l’environnement dispose que l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d’urbanisme, ou, à défaut, la commune peut élaborer, sur l’ensemble du territoire de l’établissement public ou de la commune, un règlement local de publicité (RLP). Ce règlement définit une ou plusieurs zones au sein de l’EPCI ou de la commune où s’applique une règlementation plus restrictive que la règlementation nationale en matière de publicité. Il peut en outre « définir des zones dans lesquelles tout occupant d’un local commercial visible depuis la rue ou, à défaut d’occupant, tout propriétaire doit veiller à ce que l’aspect extérieur de ce local ne porte pas atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants ».

Enfin, la partie réglementaire du code de l’environnement va plus loin et interdit la publicité lumineuse à l’intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants et la soumet à des règles techniques particulières dans les agglomérations plus importantes (article R. 581-34 du code de l’environnement). Il est par ailleurs prévu une extinction des publicités lumineuses entre 1 heure et 6 heures dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants, sauf si l’image est fixe et apposée sur un support de mobilier urbain. Dans les aires urbaines de plus de 800 000 habitants, les obligations et modalités d’extinction sont en revanche prévues par le règlement local de publicité (article R. 581-35 du code de l’environnement) sous l’autorité des collectivités. Des dispositions techniques spécifiques s’appliquent également aux publicités numériques (articles R. 581-41 du code de l’environnement).

C.   La publicité concernant les produits alimentaires et boissons et la publicité visant les enfants

L’approche publique de la publicité concernant les produits alimentaires et boissons repose essentiellement sur des mécanismes d’autorégulation. Aux termes de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, « le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle s’accompagne d’un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population. » En outre, selon l’article 14 de la même loi, le CSA évalue « les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque et formulant des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité », et adresse au Parlement un rapport annuel à ce sujet.

L’article L. 2133-1 du code de la santé publique prévoit cependant que les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire. Lors des débats parlementaires sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit « Egalim », plusieurs amendements avaient été défendus sans succès qui visaient à prolonger ces restrictions en interdisant et limitant les messages publicitaires ciblant les enfants et adolescents de moins de seize ans et en faveur des aliments contenant trop de gras, de sucre ou de sel.

L'Assemblée nationale a en outre adopté, en février 2019, une proposition de loi n° 236 visant à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et à encourager les bonnes pratiques alimentaires, initialement déposée par le groupe La France insoumise (LFI) et adoptée par la majorité après l’avoir considérablement modifiée. Cette proposition de loi, qui attend d’être discutée au Sénat, prévoit également un article L. 2133‑3 qui impose à tous les produits alimentaires de mentionner leur Nutri-Score. Selon le texte finalement voté en première lecture, les annonceurs et les promoteurs peuvent toutefois déroger à cette obligation sous réserve du versement d’une contribution dont le produit est affecté à l’Agence nationale de santé publique. Votre rapporteure considère donc que cet article ne va pas assez loin et propose d’y substituer un article plus ambitieux (cf. supra).

Enfin, en matière de publicité ciblant les enfants, le principe général est également le laisser-faire et l’autorégulation, à quelques exceptions près comme la loi n° 2016-1771 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite loi « Gattolin », aux termes de laquelle, depuis le 1er janvier 2018, les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans diffusés sur les chaînes de télévision publiques et leurs sites internet ne comportent pas de messages publicitaires autres que relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général.

II.   LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

Le présent article couvre trois grands domaines d’interdiction ou de réglementation de la publicité :

– le premier concerne l’élargissement de l’interdiction de la publicité lorsqu’elle est numérique ou lumineuse ainsi que dans les gares, aéroports et stations de transports publics (alinéas 1 à 3) ;

– le second vise à réguler fermement les publicités pour les produits et pratiques qui portent atteinte à l’environnement (alinéas 4 à 13) ;

– le troisième et dernier domaine est relatif à l’encadrement de la publicité relative à la nutrition ainsi que l’interdiction de la publicité à destination des enfants (alinéas 14 à 16).

A.   Interdiction de la publicité lorsqu’elle est numérique ou lumineuse ainsi que dans les gares, aéroports et stations de transports publics

Les trois premiers alinéas visent à interdire la publicité numérique ou lumineuse, ainsi que la publicité dans les gares, aéroports et stations de transports publics de personnes lorsqu’elle constitue une publicité commerciale au sens de l’article L. 581‑3 du code de l’environnement. Pour cela, ils complètent l’article L. 581‑4 du code de l’environnement qui prévoit aujourd’hui déjà plusieurs restrictions en matière d’affichage de publicité, par exemple sur les immeubles classés ou dans les parcs nationaux.

L’article unique vise ensuite à réguler fermement les publicités qui portent atteinte à l’environnement et/ou à la santé humaine (alinéas 4 à 13). Il interdit tout d’abord toute forme de publicité ou d’action de communication commerciale qui inciterait directement ou indirectement à dégrader, abandonner ou remplacer prématurément des produits encore fonctionnels. Pour cela, il complète le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation par un nouvel article L. 121‑24 (alinéas 4 à 6). Cet article, qui s’inscrit à la suite d’articles visant notamment à réguler les pratiques publicitaires agressives ou trompeuses, vise à interdire l’incitation au rachat à neuf de biens en état de marche, l’incitation au non‑entretien ou au mésusage des produits, ou encore l’incitation à l’achat en vue de la revente en lieu et place d’une incitation à l’utilisation durable des produits.

La rapporteure note cependant que la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et pour l’économie circulaire a d’ores et déjà introduit un article L. 541-15-9 dans le code de l’environnement qui prévoit que toute publicité ou action de communication commerciale visant à promouvoir la mise au rebut de produits doit contenir une information incitant à la réutilisation ou au recyclage. Par ailleurs, ce même article interdit toute publicité ou action de communication commerciale incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement et à empêcher leur réemploi ou réutilisation. Cet article est entré en vigueur au 1er janvier 2021. Au cours de ses auditions, la rapporteure n’a cependant pas obtenu d’exemple dans lequel cet article aurait été mobilisé pour interdire une publicité.

B.   Interdiction ciblée de messages publicitaires

L’article unique interdit ensuite de manière ciblée les messages publicitaires relatifs à des produits polluants ou à des pratiques contraires au respect de l’environnement (alinéas 7 à 13 de l’article unique). Il introduit ainsi une nouvelle section 13 au même chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation. Cette nouvelle section 13, intitulée « Produits à fort impact sur l’environnement et publicité commerciale contraire aux objectifs de bifurcation écologique » comprend quatre articles (L. 121-25 à L. 121-28).

Ces articles comportent des interdictions ciblées de publicité portant sur certains produits ou sur certaines offres de service :

– interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de toute publicité portant sur des véhicules particuliers dont les émissions de dioxyde de carbone sont supérieures à 95 g/km (seuil descendu à 59 g/km à partir de 2030) ;

– interdiction de toute publicité ou action commerciale directe ou indirecte en faveur de l’industrie de l’eau en bouteille plastique jetable, accompagnée d’une interdiction de distribution gratuite de ces produits ;

– interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de toute publicité en faveur des téléphones portables ;

– interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de toute publicité en faveur de vols particuliers entre deux villes situées en France métropolitaine et de la publicité pour des offres de voyages incluant des vols internationaux longs courriers pour des séjours de moins de sept jours.

En outre, l’article L. 121-25 prévoit également, en plus de l’interdiction de publicité pour les véhicules thermiques polluants dépassant les seuils prévus, l’apposition sur toute publicité pour un véhicule d’une indication ou d’un symbole visant à indiquer la quantité d’émissions de gaz à effet de serre par kilomètre et personne transportée. Un décret devra définir les modalités d’application de cette disposition.

C.   Encadrement de la publicité relative à la nutrition et à destination des enfants

L’article unique se termine par trois alinéas (14 à 16) qui ajoutent un nouvel article L. 2133‑3 au chapitre III du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique.

Cet article prévoit tout d’abord que la publicité et les activités promotionnelles pour les produits alimentaires et les boissons soient limitées aux seuls produits et boissons classés A ou B selon le logo Nutri-Score, quel que soit le support retenu pour l’action publicitaire ou promotionnelle.

Il convient cependant de souligner que si le Nutri-Score a été introduit par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, celui-ci ne constitue pas une obligation à l’heure actuelle pour les fabricants et les distributeurs. En effet, la loi ne fait que les inciter à s’engager dans une démarche volontaire d'utilisation de ce système d'étiquetage.

Le présent article va plus loin que la proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale en février 2019 (cf. infra) puisqu’en imposant la mention d’un Nutri-Score de rang élevé (A ou B) comme préalable à toute publicité pour un produit alimentaire, il rend de facto le Nutri-Score obligatoire. En effet, même si plus de 240 industriels de l’agroalimentaire et distributeurs se sont d’ores et déjà engagés à apposer ce logo sur leurs produits en France (soit environ 5 000 références en magasin et plus de 12 000 références en e-commerce), il est nécessaire d’aller plus loin et de généraliser cette pratique tout en s’en servant pour limiter la publicité pour les produits et boissons alimentaires néfastes. C’est tout l’objet de l’alinéa 15 de la présente proposition de loi.

Enfin, ce même article L. 2133-3 prévoit, dans son II, que les messages publicitaires et activités promotionnelles en faveur de produits alimentaires et boissons qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés aux enfants et adolescents, sont interdits sur tout support. L’article renvoie à un décret le soin de définir les modalités d’application de cette mesure. À ce stade, l’article ne distingue pas, parmi les produits alimentaires et boissons, ceux qui contiennent trop de sucre, sel et matières grasses et ceux qui ne nuisent pas à la santé, interdisant la publicité également pour ces derniers.

III.   LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION

La commission a rejeté l’article unique de la proposition de loi.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 14 avril 2021, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen, sur le rapport de Mme Sabine Rubin, de la proposition de loi relative à la limitation des impacts négatifs de la publicité.

I.   DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative à la limitation des impacts négatifs de la publicité (n° 4019) dont Mme Sabine Rubin est la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Si l’on voulait paraphraser Proudhon, on pourrait dire que la publicité, c’est le viol : le viol de notre temps de cerveau disponible, le viol de l’espace public, parfois même le viol de l’esprit de nos enfants, incités à consommer par des techniques de manipulation très perfectionnées. Certes, des évolutions législatives très récentes vont dans le bon sens, comme l’obligation d’indiquer l’étiquette énergie des voitures dans les publicités. Cependant, une personne reste exposée chaque jour à un flux allant de 1 200 à 2 200 messages publicitaires. La publicité est partout – sur nos écrans, sur nos routes, dans nos villes, nos gares et nos aéroports, et jusque dans nos toilettes, comme l’a rappelé notre collègue François Ruffin. La publicité nous vante un mode de consommation débridée comme modèle d’épanouissement individuel. Elle nous éloigne en permanence de l’objectif d’une consommation sobre et responsable. Elle vise non à informer, mais à susciter l’envie.

Quant aux publicités numériques et lumineuses, elles ajoutent de nouvelles formes de pollution visuelle et des dépenses énergétiques aisément évitables à l’encombrement de nos esprits. Un panneau numérique de deux mètres carrés consomme 7 000 kilowattheures par an, ce qui équivaut à la consommation annuelle d’un foyer avec un enfant. Or, comme Delphine Batho l’a rappelé dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi relative à l’interdiction de toute forme de publicité numérique et lumineuse dans l’espace public, on compte déjà plus de 704 écrans numériques dans le métro parisien. Ils se multiplient également à Lyon, à Rennes et dans de nombreuses autres villes.

En outre, les marques dépensent des fortunes pour influer sur nos choix de consommation ou de non-consommation : 31 milliards d’euros ont été dépensés en 2019, dont plus de 4,3 milliards pour le secteur automobile – autant d’argent qui n’est pas consacré aux investissements nécessaires à la transition écologique. Même les promoteurs de la concurrence libre et non faussée devraient rejeter la publicité, puisqu’elle est surtout l’affaire de quelques grandes multinationales qui renforcent leur position hégémonique sur le marché. En effet, seulement 1 % des 3 millions d’entreprises en France ont accès au marché publicitaire, et à peine plus de 600 d’entre elles, soit 0,02 %, représentent 80 % des dépenses publicitaires engagées. Plus grave encore, une étude comparative menée dans plusieurs pays – Australie, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, États-Unis – auprès d’enfants âgés de 6 à 11 ans a montré que l’exposition à la publicité alimentaire télévisée contribuait à la prévalence de l’obésité des enfants, dans des proportions allant de 4 à 40 % selon les pays.

Que faisons-nous face à ce désastre ? Derrière les mots, il n’y a que des demi-mesures. Certes, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets pose le principe de l’interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles, mais celle-ci est marginale : c’est la publicité sur les produits qui utilisent ces énergies fossiles qu’il faudrait cibler. Pour ces derniers, tout est renvoyé à des dispositifs d’autorégulation et des codes de bonne conduite assez peu efficaces.

Comme les mentions légales, ces dispositifs reposent sur la responsabilité individuelle, au lieu de mettre l’accent sur la responsabilité juridique des producteurs et des diffuseurs. Mme la ministre Barbara Pompili a résumé cette vision libérale en indiquant qu’à ce stade, le Gouvernement privilégiait, plutôt que des interdictions, une approche fondée sur l’information du consommateur et des codes de bonne conduite, promue par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Pourtant, un cadre légal a autrefois permis d’interdire la publicité sur l’alcool et le tabac, pour des raisons de santé publique. Une nouvelle loi Évin doit aujourd’hui s’appliquer aux produits et aux pratiques nocives à l’environnement et à la santé, physique et psychique, des êtres humains, car les risques que le changement climatique et nos modes de production et de consommation font courir ne peuvent être contestés.

Les Français sont prêts à des mesures plus ambitieuses : 65 % d’entre eux sont favorables à l’interdiction des publicités pour les marques contribuant au changement climatique. Tel est le sens de la proposition de loi, dont l’article unique est composé de trois parties distinctes.

Les trois premiers alinéas visent à interdire toute publicité numérique et lumineuse ainsi que l’affichage de publicités commerciales dans les gares, aéroports et stations de transport public de personnes. Nous assumons de proposer des interdictions dans ces espaces collectifs. L’interdiction n’a rien d’inédit dans sa logique : la loi prévoit déjà certaines interdictions d’affichage publicitaire en dehors des lieux qualifiés d’agglomérations, dans les espaces naturels ou sur les monuments historiques. Quant aux publicités lumineuses ou numériques, elles sont déjà encadrées par des règles particulièrement complexes, qui imposent par exemple leur extinction d’une heure à six heures du matin. Les interdire purement et simplement permettra de simplifier le dispositif.

Les dix alinéas suivants posent les fondements d’une « loi Évin climat », qui interdit notamment les publicités relatives aux véhicules les plus polluants, aux vols aériens entre deux villes métropolitaines, aux téléphones portables ou à l’eau en bouteille plastique jetable. Ces interdictions sont ciblées sur des produits ou des pratiques dont la nocivité pour l’environnement n’est plus à démontrer. La logique de ces alinéas n’est donc pas différente de celle de l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles : elle est simplement étendue à d’autres produits ou pratiques, tout aussi nocifs, et dont les messages publicitaires sont plus nombreux.

Les trois derniers alinéas encadrent la publicité relative à la malbouffe à destination des enfants. Elle propose de limiter la publicité aux produits alimentaires et boissons classés A ou B sur l’échelle du nutri-score, qui deviendrait obligatoire pour les produits de ce type.

En février 2019, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et à encourager les bonnes pratiques alimentaires. Déposée par le groupe La France insoumise, adoptée par la majorité dans une version remaniée, elle attend toujours d’être discutée au Sénat. Elle imposerait de mentionner le nutri-score de tous les produits alimentaires.

La présente proposition de loi va plus loin pour lutter contre la malbouffe puisqu’elle réserve le droit de faire de la publicité aux produits alimentaires ou boissons ayant un nutri-score A ou B. Dans un pays qui compte 49 % de personnes en surpoids, dont 17 % d’obèses, adopter une telle réglementation constitue un enjeu majeur de santé publique.

Rappelons aussi que l’Organisation mondiale de la santé recommande l’interdiction de la publicité à destination des enfants pour des produits trop gras, trop sucrés, trop salés. Aujourd’hui, les engagements volontaires sous l’égide du CSA n’ont pas donné de résultats significatifs. Quant à la loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite « loi Gattolin », elle s’avère insuffisante. Il est grand temps de mettre le droit en accord avec le savoir et les recommandations formulées de manière convergente par les scientifiques, les institutions et les associations.

Enfin, je veux dissiper les craintes concernant la validité juridique des dispositions proposées. Dans une décision du 8 janvier 1991 sur la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, le Conseil constitutionnel a considéré que « la liberté d’entreprendre n’est ni générale ni absolue », et qu’« il est loisible au législateur d’y apporter des limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquences d’en dénaturer la portée ». C’est pourquoi la loi Évin a pu interdire toute publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, et encadrer fortement celle en faveur des boissons alcoolisées. L’article 6 de la Charte de l’environnement, de valeur constitutionnelle, prévoit que les politiques publiques « concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». La liberté d’entreprendre n’est donc pas au-dessus de l’exigence de préservation de l’environnement, d’autant que, dans une décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a consacré la protection de l’environnement comme objectif de valeur constitutionnelle, au même titre que la protection de la santé. Cela peut justifier des limites au principe de traitement égalitaire entre les produits. C’est d’ailleurs bien cette logique que le Gouvernement applique en interdisant la publicité pour les énergies fossiles.

Enfin, les restrictions de publicité dans certains espaces publics existent déjà. Nous voulons juste les étendre dans d’autres lieux que nous considérons comme des lieux collectifs devant être protégés d’un matraquage publicitaire subi et non choisi. La liberté d’expression ne saurait exister sans la liberté de réception.

Les propositions contenues dans ce texte rejoignent largement les préoccupations exprimées par la Convention citoyenne pour le climat. Elles sont ciblées, soit sur des lieux collectifs qui exigent une protection, soit sur des pratiques ou des produits dont la nocivité pour l’environnement est avérée. Elles ne courent donc pas le risque d’une censure, contrairement à des interdictions générales disproportionnées et non ciblées. Il nous revient de nous saisir de cette occasion, une fois de plus, pour opérer un véritable changement de paradigme.

Mme Véronique Riotton (LaREM). Cette proposition de loi vise à limiter les impacts négatifs de la publicité. Son objectif répond indéniablement à la demande de la Convention citoyenne pour le climat, et nous le partageons : le secteur de la publicité doit évoluer pour être en phase avec la transition écologique. Nous souhaitons l’aider à se transformer. C’est l’objet même de nos discussions sur le titre Ier du projet de loi « climat et résilience » que nous sommes en train d’examiner en séance.

Depuis un an, avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite « loi AGEC »), nous avons pu constater que certains acteurs, conscients des défis à relever, se sont déjà mis en route quand d’autres sont à la traîne. L’enjeu est de tous les embarquer dans cette transition, que nous souhaitons ambitieuse. Deux vecteurs se présentent : il faut travailler sur l’impact de certains produits sur les émissions de gaz à effet de serre d’une part, et sur l’empreinte écologique de la production de la publicité d’autre part. Nos travaux nous ont conduits à prendre des dispositions, et la loi AGEC a permis de « cranter » des mesures. Le projet de loi « climat et résilience » y contribue également.

Vous proposez trois mesures qui imposent des interdictions strictes, soit compte tenu du support, soit s’agissant de certaines catégories de produits et de services. À cette démarche coercitive, les députés de La République en Marche préfèrent une approche plus pragmatique, qui allie exigence et régulation renforcée du secteur. Nous avons déjà agi en ce sens.

Il faut garder à l’esprit qu’en France, la publicité est l’une des principales ressources des médias, notamment audiovisuels. Ces métiers fragilisés par la crise sanitaire méritent notre attention. Une coercition trop lourde paraît déraisonnable. Nous avons choisi une approche où, après expérimentation, nous rendrons obligatoire l’affichage environnemental sur les produits. Le fait de le lier à un affichage dans les publicités pourra conduire les consommateurs à privilégier des produits vertueux. Nous devons inciter les acteurs, producteurs, annonceurs, régies, publicitaires à changer de paradigme, et nous voulons encourager les bonnes pratiques.

Par ailleurs, vos propositions présentent des risques manifestes d’insécurité juridique. Vous voulez allonger la durabilité de certains produits, mais nous avons traité la question dans la loi AGEC – je vous fournirai les références. Par ailleurs, vous ne précisez pas comment vous établissez la distinction entre enfant et adolescent. L’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) a déjà fait des propositions concernant les enfants de moins de 12 ans, alors que la proposition de loi ne contient que des éléments flous et subjectifs. La discussion montrera que nous préférons des propositions plus engageantes et moins coercitives.

C’est pourquoi le groupe La République en Marche sera défavorable à la présente proposition de loi.

Mme Nathalie Porte (LR). Cette proposition de loi manque de nuances : elle rejette le principe même de la publicité en oubliant que celle-ci peut avoir des effets intéressants, notamment pour préserver le pouvoir d’achat des consommateurs. Son auteure reconnaît toutefois implicitement les effets bénéfiques de la publicité : évoquer des « impacts négatifs » sous-entend qu’il existe aussi des impacts positifs. Le fait de pouvoir comparer les produits et les prix permet au consommateur de faire un achat éclairé. Sans la publicité, cette comparaison n’est plus possible : le consommateur achètera au hasard, selon ce qu’il croise, de façon moins rationnelle.

Cela étant, nous partageons l’idée que la publicité doit être encadrée. Elle l’est d’ailleurs déjà : vous avez cité la loi Évin relative à la lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme. Des dispositions sur la publicité pour les énergies fossiles sont par ailleurs en débat dans l’hémicycle.

Une des lacunes de la proposition de loi est de méconnaître le rôle prépondérant des maires et des élus locaux dans la réglementation de la publicité. C’est à eux qu’il faut faire confiance et donner des outils renforcés pour encadrer les dérives qu’ils peuvent constater sur le terrain.

Le groupe Les Républicains n’approuvera pas la proposition de loi, si elle reste en l’état.

M. Pierre-Yves Bournazel (Agir ens). La proposition de loi intervient dans un contexte où la nécessité d’encadrer la publicité doit être une priorité. La publicité agit sur nos modes et nos volumes de consommation. Il est donc plus que jamais nécessaire de la concilier avec nos impératifs écologiques et sociaux. Face aux défis de la transformation écologique, le secteur de la publicité doit prendre sa part. C’est une attente forte d’une majorité de nos concitoyens, dont le rapport à la publicité a très fortement évolué ces dernières années.

La proposition de loi aborde donc cet enjeu fondamental, qui a déjà fait l’objet de nombreuses avancées depuis le début de la législature et particulièrement en ce moment, avec l’examen du projet de loi « climat et résilience » en séance publique. Jamais le Parlement n’avait autant débattu ni légiféré en une seule législature en faveur d’une publicité plus responsable et soutenable. Jamais un gouvernement de la République n’avait autant agi pour responsabiliser les citoyens quant à leur consommation et les entreprises quant à leur offre publicitaire et commerciale.

La loi AGEC a permis d’avancer sur de nombreux sujets relatifs à l’information du consommateur, qu’il s’agisse de l’obsolescence programmée, de l’affichage environnemental ou de la lutte contre le gaspillage. La Convention citoyenne pour le climat s’est également saisie du sujet, en faisant de la publicité un enjeu majeur, afin de diminuer la pollution et de réduire les incitations à la surconsommation. J’y souscris pleinement.

Le projet de loi « climat et résilience » actuellement examiné en séance publique contient plusieurs leviers afin de changer notre modèle et limiter les impacts de notre consommation sur l’environnement. L’article 1er instaure par exemple un affichage environnemental, l’éco-score. La publicité des produits les plus polluants est aussi abordée, puisque l’article 4 interdit la publicité en faveur de la vente d’énergies fossiles. L’article 5 prévoit un code de bonne conduite qui retranscrit les engagements pris au sein d’un contrat climat conclu entre les médias et les annonceurs, en lien avec le CSA. Les articles 6 et 7 agissent également sur la pollution lumineuse. L’ensemble des acteurs de la publicité sont sollicités par le projet de loi : ils devront s’engager pour une publicité plus vertueuse en faveur de l’environnement. Ces dispositions sont concrètes, prises avec les acteurs au plus près des réalités locales. En 2019, j’avais moi-même proposé une réduction notable de la publicité à Paris, notamment dans l’espace public, afin que les habitants puissent se réapproprier un espace public plus apaisé.

La présente proposition de loi ne semble pas prendre en compte les multiples avancées déjà réalisées en la matière. Le groupe Agir ensemble ne lui est pas favorable, mais nous sommes toutefois heureux de pouvoir encore débattre de cet enjeu fondamental, comme nous le faisons actuellement dans l’hémicycle grâce au projet de loi « climat et résilience ». La proposition de loi a au moins ce mérite.

M. Fabien Lainé (Dem). Même s’il est essentiel de débattre de la publicité, il est un peu absurde de le faire à propos de cette proposition de loi alors que nous avons passé des heures au cours des dernières semaines, en commission puis en séance publique, à discuter de cette question à propos du projet de loi « climat et résilience ». Il faut savoir débattre, mais il faut aussi savoir avancer.

Sur le fond, cette proposition de loi traduit bien l’idéologie de La France insoumise en matière économique, à savoir le manichéisme. Nous ne partageons en rien cette vision. Dans l’exposé des motifs, vous écrivez : « Croire que la publicité peut être un levier de la transition écologique est au mieux une illusion, au pire un mensonge éhonté. » Si je traduis, ceux qui ne sont pas d’accord avec vous sont soit des imbéciles, soit des menteurs. À vous lire, la publicité est le mal incarné et il faut l’éradiquer. Caricature !

Nous pensons au contraire que la publicité fait partie intégrante de notre modèle économique, qu’elle est au fondement de la liberté d’entreprendre et qu’elle est effectivement un levier de transformation de la société. Il faut certes l’encadrer et l’inciter à évoluer, mais certainement pas la supprimer : les entreprises doivent avoir la possibilité de promouvoir les biens ou les services qu’elles proposent. La publicité joue également un rôle essentiel dans le financement des médias, de la culture et même des collectivités. Elle représente jusqu’à un tiers des recettes de la presse écrite et 50 % de celles de la radio et de la télévision.

La majorité a prouvé récemment qu’elle était favorable à un encadrement de la publicité. Le projet de loi « climat et résilience » a introduit de nombreuses avancées en la matière : la généralisation de l’affichage environnemental, l’interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles, la création d’un code de bonne conduite entre les médias, les annonceurs et le CSA, une meilleure régulation de la publicité lumineuse à l’intérieur des vitrines, ou encore l’interdiction des avions publicitaires. Ce sont des gestes forts. Le moment est venu, non pas de refaire le match, mais d’appliquer ces mesures et d’en évaluer l’efficacité – quitte à prévoir une clause de revoyure.

Par ailleurs, plusieurs des mesures que vous proposez paraissent irréalistes : je pense en particulier à l’interdiction stricte de la publicité numérique ou à l’interdiction de la publicité pour les produits alimentaires qui ne sont pas classés A ou B dans le nutri-score. Sans parler du foie gras des Landes cher à mon cœur, cette mesure reviendrait à interdire la publicité pour l’huile d’olive : le régime de La France insoumise est un peu sec à avaler... Plus sérieusement, je crains que cette disposition ne soit incompatible avec le fonctionnement actuel du nutri-score.

Pour toutes ces raisons, le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés est défavorable à cette proposition de loi.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous sommes exposés chaque jour à des centaines de messages publicitaires, à travers la radio, la presse, la télévision, les applications mobiles, le téléphone portable, notre boîte à lettres, mais aussi dans les transports en commun et sur la voie publique. La célèbre phrase de l’ancien PDG de TF1 Patrick Le Lay, selon laquelle il vendait aux publicitaires du temps de cerveau disponible, le rappelle bien. La publicité a une fonction structurante sur nos vies et elle influence nos choix, bien souvent au détriment d’un mode de consommation raisonné et responsable.

Comme vous le notez dans votre rapport, le dernier bilan « Publicité et environnement » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, publié en septembre 2019, fait état d’un taux de non-conformité des publicités environnementales aux règles déontologiques de 11,6 % : c’est le ratio le plus élevé depuis 2011 et il est presque deux fois plus important que celui constaté lors du précédent bilan, soit 6,4 %. Cela nous amène à penser que la publicité est effectivement un levier qu’il faut actionner pour aller vers une société moins consommatrice, plus responsable et plus durable.

On ne peut, dans ce contexte, que regretter le manque d’ambition du projet de loi « climat et résilience » actuellement en débat. La seule interdiction, à l’article 4, concerne la publicité directe pour les énergies fossiles, par ailleurs très minoritaire, et non la publicité pour les produits qui les utilisent, comme les véhicules SUV, particulièrement polluants. C’est comme si la loi Évin, votée il y a tout juste trente ans, avait interdit la publicité pour les cigarettes tout en autorisant celle en faveur du tabac, ou inversement. C’est d’autant plus regrettable que 65 % des Français seraient favorables à l’interdiction des publicités pour les marques qui contribuent au dérèglement climatique. Au cours de l’examen du projet de loi « climat et résilience », nous avons défendu, avec plusieurs collègues, une proposition claire consistant à interdire la publicité pour les produits et services ayant un impact environnemental excessif sur le climat. De même, nous avons proposé de mettre fin à la promotion des modèles SUV, souvent lourds et très émetteurs : cette proposition, hélas, n’a pas été retenue.

Madame la rapporteure, je partage votre objectif de mieux réguler la publicité qui porte atteinte à l’environnement. J’ai toutefois des réserves sur deux dispositions : l’interdiction de toute publicité pour les téléphones portables d’une part, et pour les vols entre deux villes métropolitaines d’autre part. À titre personnel, je ne serais pas opposé à une publicité pour un vol entre Brest et Nice, dans la mesure où il n’y a pas de solution alternative.

Le constat de l’échec de l’autorégulation du secteur de la publicité est sans appel et il importe de faire évoluer les choses. Il est urgent que les pouvoirs publics inventent un nouveau modèle de régulation, efficace et juste. Il pourrait passer, à court terme, par la redéfinition du rôle des administrations existantes et par la création d’une autorité administrative indépendante, ce qui, à moyen terme, permettrait d’établir un corpus de règles et d’organiser leur mise en œuvre. La saturation de l’espace public et numérique appauvrit nos imaginaires, particulièrement chez les enfants : l’Organisation mondiale de la santé recommande d’ailleurs d’éviter les écrans avant l’âge de 5 ans.

Vous l’aurez compris, je partage l’objectif de cette proposition de loi, qui consiste à réguler plus fortement la publicité.

M. Guy Bricout (UDI-I). Le groupe UDI et indépendants est évidemment convaincu de la nécessité de faire évoluer notre modèle publicitaire, qui s’est emballé au cours des dernières décennies et contribue à la surconsommation effrénée dont on sait combien elle est délétère pour notre planète, notre santé et celle de nos enfants.

Si nous partageons plusieurs des objectifs de votre proposition de loi, nous sommes en revanche très circonspects face aux mesures que vous préconisez.

Vous proposez des interdictions en tout genre, allant des véhicules aux téléphones portables en passant par les bouteilles d’eau en plastique, sans réflexion d’ensemble. Agir de la sorte, c’est s’assurer de braquer l’ensemble des acteurs concernés et de se heurter à des contestations sans fin qui ne feront que freiner les évolutions souhaitées.

Votre texte présente par ailleurs certaines lacunes, qui le rendent bancal. Vous prônez l’interdiction de toute publicité numérique et lumineuse, mais quid de la publicité sur internet ? Vous stigmatisez l’eau en bouteille plastique : pourquoi pas les jus de fruit ou autres sodas ? Vous visez les produits alimentaires mal notés par le nutri-score, mais quid de tous les produits ménagers dangereux pour l’environnement ? Et vous ne dites pas un mot du phénomène de la fast fashion, pourtant calamiteux pour notre planète.

Vous présentez ce texte dans un contexte de crise économique sans précédent dont vous ne tenez aucun compte. Laisser croire que vos propositions ne visent que les multinationales et qu’elles n’auront pas un impact indirect sur l’ensemble de notre économie est parfaitement utopique. De même, en visant la publicité dans les stations de transports publics, vous risquez de priver ce secteur de recettes non négligeables, alors qu’il participe à la réduction de la pollution dans nos villes et qu’il a déjà suffisamment souffert de la crise.

Il nous semble inconséquent d’imposer du jour au lendemain de telles interdictions à des secteurs entiers sans leur avoir proposé une alternative. Cette proposition de loi se résume à un message politique, qui va à l’encontre de l’esprit dont nous avons besoin pour construire le monde de demain : un monde équilibré, reposant d’une part sur des mesures vertueuses et réalistes, issues de concertations avec l’ensemble des parties prenantes, et d’autre part sur un changement en profondeur de nos modes de production et de consommation. Nous sommes, vous l’aurez compris, défavorables à cette proposition de loi.

M. Loïc Prud’homme (FI). Il est urgent d’encadrer la publicité, chacun d’entre vous l’a dit, et il est évident que ce secteur ne se réglementera pas tout seul. Cette proposition de loi a le mérite d’introduire un changement de paradigme. Elle pose les bases d’une loi Évin pour le climat, elle interdit les publicités lumineuses qui, par essence, sont une forme de gaspillage énergétique ainsi que les publicités pour les produits très néfastes à l’environnement, et elle réglemente la publicité pour la malbouffe, surtout dans le but de protéger nos enfants. C’est sur cette dernière disposition que je souhaite m’attarder.

Il ne faut pas se fier aux belles annonces de greenwhashing de l’ANIA, qui a dit vouloir retirer ses publicités des programmes jeunesse. Cette décision n’aura qu’un impact très limité, puisque les enfants sont souvent devant la télévision aux heures de grande écoute, par exemple à vingt heures, au moment du dîner en famille : les industriels le savent très bien.

En parlant de promesses alléchantes qui se révèlent sans effet, je ne peux pas ne pas mentionner un autre document extraordinaire : la charte du CSA visant à « promouvoir une alimentation et des comportements favorables à la santé dans les programmes audiovisuels et les publicités ». Avec cette charte qui a mis tellement de temps à paraître, on atteint le paroxysme du cynisme s’agissant de la lutte contre la malbouffe de nos enfants. J’aimerais vous en lire certains passages particulièrement croustillants : vous verrez ainsi comment le CSA entend combattre des requins avec un pistolet à bouchon.

S’agissant des annonces publicitaires, par exemple, il est indiqué que « les annonceurs et/ou l’Union des marques s’engagent à renforcer la démarche responsable de la publicité concernant le contenu des publicités alimentaires sur tous les territoires ». Si quelqu’un peut m’expliquer ce que signifie « renforcer la démarche responsable », je suis preneur. Il est encore indiqué que « les annonceurs et/ou l’Union des marques veillent à ce que les messages publicitaires ne fassent pas la promotion de comportements alimentaires spécifiques susceptibles de causer de graves carences ». On parle de carences, mais on ne dit pas un mot sur la consommation excessive de sucre ou de sel, par exemple.

Dans le même registre, l’ANIA et l’interprofession publicitaire « encouragent et accompagnent la présence des repères nutritionnels, notamment le Nutri-Score, dans les messages publicitaires des annonceurs qui ont choisi de les indiquer sur les emballages de leurs produits dans le respect de leurs engagements volontaires ». Bref, les annonceurs feront ce qu’ils veulent. Ils ont dû drôlement avoir peur, quand ils ont lu cette charte ! S’agissant enfin de l’hygiène de vie, la charte prévoit que « les signataires s’engagent à diffuser des programmes favorables à une bonne hygiène de vie », mais… « lorsque cela est compatible avec leur ligne éditoriale » ! Une fois encore, ils seront libres de ne rien faire. Cette charte, signée par le ban et l’arrière-ban de l’industrie publicitaire et de l’agroalimentaire, est vraiment un pistolet à bouchon.

M. Martial Saddier. Sur une question aussi complexe, toutes les initiatives parlementaires sont les bienvenues. Cela étant, trop légiférer peut s’avérer contre-productif. Nous sommes encore en train de débattre du projet de loi « climat et résilience », qui sera bientôt transmis au Sénat : nous devrions mettre toute notre énergie pour enrichir ce texte au cours de la navette parlementaire, plutôt que d’en déposer de nouveaux sur le sujet. C’est le meilleur moyen d’atteindre l’objectif de la proposition de loi, que nous partageons.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Nombre d’entre vous m’ont reproché de ne pas tenir compte des dernières avancées législatives : je les ai pourtant rappelées dès le début de mon intervention, en allant jusqu’aux plus récentes. Ce qui est vrai en revanche, et cela ne vous aura pas échappé, c’est que nous avons adopté une logique différente de la vôtre. Nous entendons contraindre les producteurs à réguler leur publicité – du reste, c’est aussi ce qu’ont fait les précédentes lois. Il est évident que les engagements volontaires ne suffisent pas. Cette proposition de loi ne vise pas à ouvrir un débat, mais à aller plus loin.

Loin d’être caricaturale, cette proposition de loi propose des avancées sur des points très ciblés. Il est certain que cette liste pourrait être allongée, et j’ai écouté M. Bricout avec intérêt à ce sujet, mais nous avons fait le choix de retenir des produits dont il est avéré qu’ils sont nocifs à l’environnement ou à la santé. Nous avons rassemblé, dans ce texte, des propositions que nous avions déjà faites sur d’autres textes.

Nous assumons vouloir changer de logique, car la contrainte permet souvent d’avancer, et qu’elle correspond à un souhait de la société civile. Plutôt que de tergiverser, en comptant sur l’engagement volontaire des industriels et la responsabilité de nos concitoyens, nous voulons imposer des contraintes à ceux qui commercialisent des produits et des services nocifs.

Notre démarche n’est ni caricaturale, ni politicienne : elle traduit un souhait de la société civile, que nous voulons contribuer à réaliser.

 

 


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II.   EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique (article L. 581-4 du code de l’environnement ; article L. 121-24 [nouveau] du code de la consommation ; section 13 [nouvelle] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation ; article L. 2133-3 [nouveau] du code de la santé publique) : Limitation des impacts négatifs de la publicité

Amendement CD2 de M. Matthieu Orphelin.

M. Jean-Marie Sermier. Sur cet amendement défendu sans autre commentaire, j’aimerais faire une observation de fond. Certains orateurs ont souligné, à juste titre, que le projet de loi « climat et résilience » sur lequel nous travaillons actuellement en séance publique comporte des dispositions relatives à la publicité. Voilà qu’arrive dans notre commission une proposition de loi de nos collègues du groupe La France insoumise sur le même sujet, qui fait en outre l’objet d’un amendement qui réécrit totalement le texte. On ne sait plus où on en est !

Cet amendement vise à réduire drastiquement la publicité pour les « produits et services à fort impact sur l’environnement ». Ce faisant, il donne quasiment carte blanche à l’administration, dans la mesure où il ne définit pas ce qu’est un « fort impact ». Il s’applique aussi, entre autres, aux liaisons aériennes en concurrence avec des liaisons ferroviaires de moins de quatre heures, alors que le projet de loi « climat et résilience » retient une durée de deux heures et demie. Cela ne grandit pas nos débats, et relève surtout de l’affichage. Un peu comme si des politiques voulaient faire de la publicité…

Mme Véronique Riotton. Dans le projet de loi « climat et résilience », nous avons choisi de procéder en deux temps : après une phase d’expérimentation, l’affichage environnemental, destiné à éclairer le consommateur et à favoriser l’achat de produits vertueux, sera rendu obligatoire. L’articulation entre publicité et affichage permet d’embarquer structurellement tous les acteurs de la publicité. C’est un point important.

M. Loïc Prud’homme. N’ayant pas été présenté, cet amendement est « Orphelin » ! Je partage avec M. Sermier l’idée qu’il ne contribue pas à éclairer le texte. Je vous propose donc de voter contre l’amendement mais pour la proposition de loi, afin de donner plus de clarté à nos débats : cela sera conforme à vos souhaits comme aux miens. C’est du win-win, comme on dit à La République en Marche !

Mme Nathalie Sarles. Pour avoir beaucoup travaillé sur le titre Ier du projet de loi « climat et résilience », je confirme les propos de Mme Riotton : notre approche philosophique est totalement différente. Je déplore que les collègues qui déposent des amendements ne soient pas présents pour les défendre : au-delà de l’affichage et des grands discours, il n’y a personne pour se confronter au débat. Ils ont déploré en séance publique de ne pas avoir la parole, mais quand ils pourraient l’avoir en commission, ils ne viennent pas : je trouve cela dommageable pour tout le monde.

Nous avons beaucoup débattu dans l’hémicycle de la question de l’éducation. Nous avons par exemple introduit un certain nombre de recommandations à destination de tous les publics, des scolaires jusqu’à l’ensemble de nos concitoyens ; nous avons également beaucoup travaillé sur le greenwashing dans le but d’éviter que l’on dispense une information tronquée – et une publicité, c’est aussi une information.

Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que votre texte est décalé. Il ne cible pas les influenceurs. Allez voir ces derniers : ils ne font ni école de commerce, ni école de communication ! Or ce sont les influenceurs qui mettent les jeunes générations en danger. Ce texte passe à côté sa cible.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Avis défavorable. Pour le reste, avec la logique d’affichage et d’incitation que vous prônez, il n’y aurait jamais eu de loi Évin ! Notre proposition de loi n’entravera pas les futures analyses de l’Agence de la transition écologique ni les incitations que vous souhaitez mener : elle cible certains produits dont il est avéré qu’ils sont nocifs, comme les voitures ou la malbouffe, qui ont des conséquences sur la santé et l’environnement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD3 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Nous sommes tous préoccupés par la publicité pour les produits alimentaires à destination des publics les plus jeunes. Le présent amendement vise à rendre le dispositif proposé par la rapporteure plus opérationnel et moins coercitif. En effet, il paraît difficile de limiter la publicité aux seuls produits alimentaires et boissons classés A ou B, l’affichage du logo nutri-score reposant sur la seule volonté des industriels. De plus, si l’objectif recherché est de protéger les enfants des publicités faisant la promotion de la malbouffe, il apparaît disproportionné d’interdire la publicité dans l’ensemble des programmes, tous n’étant pas destinés à la jeunesse.

Le présent amendement propose donc d’élargir le champ d’application de la loi « Gattolin » aux chaînes du secteur privé concernant la publicité pour certaines denrées alimentaires et boissons dont la liste sera établie par décret en Conseil d’État. Cette proposition s’appuie sur une recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur la prévention et la prise en charge de l’obésité.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je m’interroge sur les raisons pour lesquelles vous n’avez pas repris l’obligation d’affichage du nutri-score dans le projet de loi « climat et résilience ». Cette obligation, qui figurait dans notre proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, est actuellement en attente au Sénat.

Sur le fond, une action plus radicale que celle consistant à cibler uniquement les programmes télévisés pour enfants est nécessaire pour lutter contre la malbouffe. Le nutri-score repose sur une démarche volontaire. Reprendre les dispositions de la proposition de loi que vous avez votée dans le projet de loi « climat et résilience » aurait permis cette action. Ce que nous proposons, c’est que seuls les produits les mieux notés puissent faire l’objet de publicité. Comme vous donc, nous ne souhaitons pas interdire, mais inciter : ce serait un des impacts positifs de la publicité dont vous parliez. Cette mesure irait plus loin que ce que propose cet amendement.

M. Loïc Prud’homme. Cher Cyrille Isaac-Sibille, cela me rappelle les longues discussions que nous avions eues il y a quelques mois, quand j’avais défendu ma proposition de loi contre la malbouffe. Vous étiez, avec M. Olivier Véran, alors député, l’un des plus engagés sur ce texte, reconnaissant que la manipulation neurocognitive était avérée et qu’elle influait sur les comportements alimentaires de nos enfants. Je m’étonne que vous déploriez aujourd’hui que le nutri-score soit facultatif car à l’époque, j’avais proposé que l’affichage nutritionnel soit rendu obligatoire, ce qui nous aurait donné une latitude plus grande pour imposer son affichage d’une manière plus évidente. Ces discussions ont eu lieu en 2019. Nous avons déjà perdu deux ans. Je vous engage à arrêter de tergiverser.

Les premiers engagements volontaires en matière de malbouffe concernaient la réduction de la teneur en sel du pain, dans les années 2010 ; aucun progrès n’a été fait depuis. Il faut prendre des mesures d’encadrement législatif, dessiner des trajectoires. Il ne s’agit pas de tout interdire mais de définir un cadre normatif pour que les pratiques changent, dans l’intérêt général et en particulier dans l’intérêt de la santé de nos enfants.

Mme Véronique Riotton. L’article 5 du projet de loi « climat et résilience » vise à générer de la confiance. La profession, qui suit attentivement nos débats, a déjà pris des engagements concernant l’alimentation et les enfants. La filière agroalimentaire a annoncé, le 23 mars dernier, se retirer des programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans, sur tous les supports de communication publicitaire. Il s’agit d’actions concrètes et pragmatiques, telles que nous les souhaitons. C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à cet amendement.

M. Gérard Leseul. Nous avons fait le constat que les engagements volontaires des entreprises ne fonctionnaient pas. La Cour des comptes, la commission d’enquête parlementaire sur l’alimentation industrielle et Santé publique France ont pointé du doigt ces dernières années les grandes faiblesses de la charte alimentaire du CSA. J’appelle donc mes collègues à aller plus loin que le renvoi systématique à la confiance et à l’autorégulation. Quels contrôles pouvons-nous envisager ? La proposition de reprendre le dispositif du nutri-score, que vous avez déjà adoptée, est intéressante.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article unique de la proposition de loi.

L’article unique étant rejeté, la proposition de loi est considérée comme rejetée.

 

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

 

Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)

M. François d’Aubert, président

M. Stéphane Martin, directeur général

Mme Magali Jalade, directrice des affaires publiques et juridiques

Commissariat général au développement durable (CGDD)

M. Thomas Lesueur, commissaire général

Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV)

M. Antoine Ganne, délégué général en charge des relations publiques

Résistance à l’agression publicitaire

Mme Héloïse Chiron, trésorière de l'association

M. Alex Montvernay, administrateur

M. Thomas Bourgenot, chargé de plaidoyer

 


([1]) Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.

([2]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/csldcrre/l15b3995-tiii-v1_rapport-fond#_Toc256000017

([3]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2677_proposition-loi  

([4]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cealimindu/l15b1266-ti_rapport-enquete  

([5]) Agir sur les comportements nutritionnels - Réglementation, marketing et influence des communications de santé, INSERM, 2017. Ce rapport a notamment insisté sur la difficulté pour les messages du type « mangez, bougez » de contrecarrer les effets néfastes pour la santé provoqués par la communication pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle.