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N° 4083

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 avril 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi établissant la garantie d’emploi par l’État employeur en dernier ressort,

 

 

Par Mme Danièle Obono,

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  4017 rect.

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

COMMENTAIRe des articles

Article 1er Principes généraux de la garantie d’emploi de droit opposable

Article 2 Caractéristiques du contrat de travail conclu entre le demandeur ou la demandeuse d’emploi et la structure chargée du pilotage de la garantie d’emploi de droit opposable au plan local

Article 3 Création de nouvelles structures nationales et locales pour coordonner la mise en œuvre de la garantie d’emploi

Article 4 Gages financiers

travaux de la COMMISSION

I. Discussion générale

II. Examen des articles

Annexe 1 : LISTE DEs PERSONNES auditionnéeS PAR LA RAPPORTEURE

Annexe 2 : LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE l’EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI


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   Introduction

Non, le chômage n’est pas une fatalité ! Non, dans la lutte contre le chômage, on n’a pas tout essayé !

Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les politiques menées depuis bientôt un demi-siècle par les gouvernements successifs n’ont pas réussi à résorber le chômage de masse. Ce qui est certain, en tout état de cause, c’est que le coût humain et financier de cet échec est très élevé. Car, ne l’oublions pas, les effets du chômage sont aussi désastreux d’un point de vue social et sanitaire que coûteux d’un point de vue économique.

De nouvelles réponses sont à trouver pour gagner la bataille de l’emploi, du moins pour la mener avec des armes plus efficaces. Le contexte actuel, marqué par un brusque ralentissement économique et une forte hausse du nombre de demandeurs et demandeuses d’emploi, nous oblige à le faire sans tarder, en sortant des sentiers battus d’une orthodoxie néolibérale qui a failli.

C’est pourquoi le groupe La France insoumise a souhaité inscrire à l’ordre du jour de sa journée réservée une proposition ambitieuse, plébiscitée par de nombreux citoyens et citoyennes, pour résorber de façon pérenne le chômage de longue durée : la mise en place d’une garantie d’emploi, financée par l’État, pour les chômeurs et chômeuses durablement privés de travail.

Cette proposition ne relève pas de l’utopie. Elle procède d’un constat : ce n’est pas le travail qui manque, ce sont les emplois. Et repose sur l’idée selon laquelle la collectivité aurait bien davantage intérêt à financer des emplois, correctement rémunérés et répondant à des besoins identifiés à l’échelle locale, plutôt qu’à indemniser partiellement, voire pas du tout, les personnes qui n’en ont pas.

« Le problème [...] n’a jamais été de trouver de l’argent. Il a toujours été de trouver la volonté politique de se mobiliser autour de mesures et de politiques indispensables » ([1]). Ces mots de l’économiste Pavlina Tcherneva résonnent avec beaucoup de justesse.

Puisse la représentation nationale faire preuve de cette volonté et se montrer à la hauteur de l’enjeu.


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I.   UNE MONTÉE DU CHÔMAGE AGGRAVÉE PAR LA CRISE ÉCONOMIQUE ACTUELLE

A.   le chÔmage DE MASSE, un phÉnomÈne ancien PROFONDÉMENT ANCRÉ

Alors qu’il n’excédait pas 4 % auparavant, le taux de chômage a fortement augmenté avec le premier choc pétrolier de 1973 pour atteindre en moyenne 8 % de la population active. Depuis trente-cinq ans, notre pays s’est résigné à ce que plus de 2 millions de personnes soient privées d’emploi, même dans les périodes de croissance plus soutenue. Ainsi, le niveau le plus bas atteint par le taux de chômage sur la période reste de 6,8 % au premier trimestre de l’année 2008, concomitamment à la hausse de la croissance en 2006 et 2007.

TAUX DE CHÔMAGE ENTRE 1975 et 2019

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Champ : personnes vivant en logement ordinaire de 15 ans ou plus.

Source : Insee, séries longues sur le marché du travail, enquêtes Emploi, février 2021.

Au sens du Bureau international du travail, est considérée comme chômeur ou chômeuse toute personne âgée de 15 ans ou plus :

– sans emploi durant une semaine donnée ;

– disponible pour travailler dans les deux semaines ;

– qui a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois.

Cette définition restrictive masque une disparité de situations de privations d’emploi et de sous-emploi dont rend mieux compte la notion de halo du chômage.

Le halo du chômage

Le halo autour du chômage désigne les personnes sans emploi qui souhaitent travailler mais ne remplissent pas tous les critères de recherche d’emploi et de disponibilité définis par le Bureau international du travail.

Elles sont considérées comme « inactives » sur le marché du travail soit parce qu’elles recherchent un emploi mais ne sont pas disponibles dans les deux semaines pour travailler, soit parce qu’elles n’ont pas effectué de démarche de recherche active dans le mois précédent, qu’elles soient ou non disponibles pour travailler.

Le halo autour du chômage est alimenté par le phénomène de « travailleur ou travailleuse découragée » qui se retire du marché du travail faute de perspectives. La probabilité qu’un chômeur renonce à chercher un emploi augmente avec sa durée de chômage. Paradoxalement, le taux de chômage d’une économie peut donc diminuer alors que la situation des demandeurs et demandeuses d’emploi les plus éloignés du marché du travail se dégrade.

D’après les données de l’INSEE, 1,6 million de personnes se tenaient à la frontière du chômage en 2019 ([2]).

Les effets néfastes de la crise sanitaire sur le taux de chômage se font déjà ressentir. Les entreprises ont eu un recours sans précédent en France au chômage partiel ou technique lors du premier confinement de mars 2020. Jusqu’à un quart des personnes en emploi ont été concernées par ce dispositif.

Néanmoins, le recul de l’emploi n’a été qu’en apparence contenu car cette « baisse en trompe-l’œil » ([3]) fait fi des difficultés croissantes pour les personnes éloignées de l’emploi à retrouver un emploi dans un contexte d’arrêt de l’activité. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), si le taux de chômage a baissé de 0,4 point en 2020, le halo autour du chômage est tel que la part des personnes souhaitant travailler a nettement augmenté en 2020 pour atteindre son niveau de 2018.

Depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020, près de 100 000 ruptures de contrats de travail ont été envisagées dans le cadre de plans de licenciements, soit trois fois plus que sur la même période l’année précédente ([4]). Les deux tiers de ces ruptures de contrat concernent les salariés de plus de cinquante ans qui comptent parmi les demandeurs et demandeuses d’emploi les plus fragiles. En effet, les chances de retrouver un emploi diminuent sensiblement avec l’âge. Selon une étude menée par le Centre d’études de l’emploi et du travail sur le cas des travailleurs âgés en Grande‑Bretagne, un homme de 51 ans a 7 % de chances en moins de sortir du chômage qu’un homme de 50 ans ([5]).

Enfin, ce bref panorama de la situation de l’emploi en France resterait incomplet sans l’évocation du sous-emploi, ces « emplois périphériques précaires » selon les mots du philosophe André Gorz ([6]), qui privent eux aussi nombre de personnes de la possibilité de travailler à temps plein et de jouir d’une sécurité de l’emploi. Là encore, la crise sanitaire va très certainement aggraver la situation des travailleurs et travailleuses les plus précaires. D’après les dernières données de l’INSEE, l’emploi a diminué pour les emplois à durée limitée (contrats à durée déterminée – CDD –, intérim) alors qu’il reste globalement stable pour les personnes titulaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI), les fonctionnaires ou les indépendants et indépendantes ([7]). Les restrictions d’activité dans les secteurs recourant à ce type de contrat comme l’hôtellerie, la restauration ou les arts et spectacles ont entraîné une baisse de 0,7 point de l’intérim au deuxième trimestre 2020 en comparaison avec le deuxième trimestre 2019.

Au total, en additionnant chômage et halo autour du chômage, 4,2 millions de personnes étaient sans emploi et souhaitaient travailler en moyenne sur l’année en 2020, soit 10,3 % des 15-64 ans ([8]).

B.   L’EXPLOSION ALARMANTE DU CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE

L’évolution la plus marquante du chômage depuis quinze ans est, sans surprise, l’enracinement du chômage de longue durée en France. Malgré un repli entre 2006 et 2009, le chômage de longue durée ne cesse d’augmenter et concerne près de 39 % des demandeurs et demandeuses d’emploi. Les effets de la crise sanitaire sont encore difficiles à estimer mais l’explosion du chômage de longue durée à la suite de la crise économique de 2008-2009 laisse augurer une nouvelle dégradation de la situation.

TAUX DE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE EN France (2003-2019)

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Source : données OCDE.

Le chômage de longue durée

Selon la définition donnée par l’INSEE, un chômeur ou une chômeuse de longue durée est une personne sans emploi ou en activité réduite – travaillant moins de 78 heures par mois – depuis plus d’un an. Au-delà de deux ans, la situation de ces actifs est qualifiée de « chômage de très longue durée ».

Au quatrième trimestre de l’année 2020, le chômage de longue durée affecte entre 927 000 actifs selon les données de l’INSEE ([9]) et 2,8 millions de personnes d’après les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et de Pôle emploi (catégories A, B et C) ([10]).

Le chômage de longue durée est loin d’être une spécificité française puisqu’avec un taux de 39 % de chômeurs et chômeuses privés d’emploi depuis un an ou plus, la France se situe dans la moyenne de l’Union européenne et avoisine les taux allemand et espagnol. La situation n’en est pas moins préoccupante et met en exergue la difficulté des politiques de l’emploi à répondre aux attentes des travailleurs et travailleuses les plus éloignés de l’emploi.

Taux de chômage de longue durée en 2019 par pays

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Source : données OCDE.

Comme le rappelle l’association ATD Quart Monde, « la plupart des grands pays occidentaux sont logés à la même enseigne : ils diffèrent simplement dans la manière de cacher la réalité d’une exclusion croissante du marché de l’emploi » ([11]). Malgré les lois Hartz adoptées entre 2003 et 2005 qui avaient pour objectif de flexibiliser le marché du travail en réduisant le montant des allocations-chômage et en créant des emplois faiblement rémunérés dits « mini-jobs », l’Allemagne fait aujourd’hui face aux mêmes difficultés que la France dans sa lutte contre le chômage de longue durée.

La situation est particulièrement alarmante pour les personnes privées d’emploi depuis plus de deux ans qui représentent plus de la moitié des chômeurs et chômeuses de longue durée. Leur nombre a triplé depuis 2008 et la durée moyenne du chômage est passée de 392 à 613 jours.

RÉPARTITION DES CHÔMEURS ET CHÔMEUSES
SELON L’ANCIENNETÉ AU CHÔMAGE

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Note : pour 0,9 % des répondants, l’ancienneté au chômage ne peut être déterminée.

Champ : personnes au chômage vivant en logement ordinaire, de 15 ans ou plus.

Source : Insee, enquête Emploi 2019.

Les effets dévastateurs du chômage de longue durée sur le retour à l’emploi font l’objet d’une littérature économique abondante. Dans un article fondateur de 1986, les économistes Olivier Blanchard et Lawrence Summers ont démontré à travers la notion « d’effet d’hystérèse » comment les périodes de chômage ont des conséquences durables sur le niveau de l’emploi ([12]). Les chômeurs et chômeuses exclus du marché du travail ou auto-exclus du fait de la baisse de leurs capacités productives se retrouvent disqualifiés par les employeurs qui redoutent une perte de compétence et une détérioration de leur « capital humain » ([13]). Même les théories les plus libérales déplorent la perte « d’employabilité » des demandeurs et demandeuses privés d’emploi depuis plusieurs années. La persistance d’un chômage de longue durée est unanimement condamnée, en premier lieu par celles et ceux qui sont concernés et en subissent les multiples conséquences dramatiques.


II.   vecteur de pauvretÉ Économique, LE ChÔMAGE de longue durÉe ENTRAÎNE DES SOUFFRANCES MULTIPLES

A.   les effets dÉlÉtÈres du chÔMAGE SUR LA SANTÉ

Bien que le chômage soit malheureusement un phénomène massif, ses effets sur la santé et l’isolement social des demandeurs et demandeuses d’emploi font paradoxalement l’objet de peu d’études. Reprenant les travaux du docteur Michel Debout sur le traumatisme du chômage ([14]), l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’impact du chômage sur les personnes et leur entourage souligne que « la perte de son emploi est un traumatisme psychologique qui provoque un état de stress post-traumatique. Cet état peut être aggravé par les conditions même de la perte d’emploi ; par exemple, une annonce brutale, voire désinvolte. En tout état de cause, la rupture avec le milieu professionnel et le soutien qu’il apporte dans les échanges au quotidien avec ses pairs va enclencher un processus très déstabilisant pour la personne. » ([15])

Le chômage est un facteur de risque à part entière de dégradation de la santé. Si les mécanismes par lesquels le chômage est susceptible de détériorer l’état de santé sur le long terme sont encore peu connus, de récents travaux menés par des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale sur la question de la santé des chômeurs et chômeuses font apparaître des résultats éloquents ([16]) :

– le risque d’accidents cardiovasculaires (infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux) est presque deux fois plus élevé ;

– le risque de déclarer un mauvais état de santé est 2,32 fois supérieur pour un demandeur d’emploi et 1,71 fois supérieur pour une demandeuse d’emploi ;

– le risque d’obésité est multiplié par 1,45 à cause d’une alimentation plus souvent déséquilibrée ;

– le taux d’addiction est plus élevé que dans le reste de la population puisqu’un homme au chômage est deux fois plus souvent fumeur ou dépendant à l’alcool.

Des études internationales, essentiellement anglo-saxonnes, plus anciennes établissent un risque de surmortalité multiplié par trois, soit un effet similaire à celui du tabagisme. Il faut préciser que c’est bien le chômage lui-même et non l’inactivité qui explique ce phénomène, car les retraités ou les personnes volontairement inactives, comme les personnes au foyer, ne sont pas touchés par cette surmortalité. Le renoncement aux soins est souvent à l’origine de l’apparition et de l’installation durable de problèmes de santé. Même dans un pays comme la France où les filets de sécurité sociaux sont plus protecteurs qu’au Royaume‑Uni ou aux États-Unis, le renoncement aux soins serait multiplié par trois en cas de chômage ([17]).

Une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail signale qu’un quart des personnes passées par le chômage entre 2006 et 2010 connaissent des épisodes dépressifs ([18]). Plus le chômage dure, plus les demandeurs et demandeuses d’emploi risquent de présenter des symptômes dépressifs : 18 % des hommes ayant vécu un épisode de chômage inférieur à six mois ont connu un symptôme dépressif contre 36 % de ceux restés au chômage au moins douze mois d’affilée.

Au total, 10 000 à 14 000 décès par an seraient imputables au chômage en France.

La privation d’emploi entraîne enfin un phénomène d’exclusion sociale ainsi décrit par le sociologue Robert Castel : « La désaffiliation conduit à la détresse, à la solitude et au désespoir qui mène au suicide. La perte d’emploi, la difficulté à en retrouver un, conduit à un processus de désocialisation progressif qui amène à la maladie mentale ou physique, ou aux deux à la fois, par l’intermédiaire d’une atteinte portée contre le socle de l’identité » ([19]). Cette réalité est d’autant plus marquante en France où l’attachement au travail et à sa dimension sociale est fort, comme le rappellent régulièrement les enquêtes d’opinion sur le sujet. Ainsi, 72 % des Français et Françaises estimaient en décembre 2020 que le travail contribue au bonheur personnel ([20]).

B.   LE COÛT ÉCONOMIQUE DE LA PRIVATION D’EMPLOI MENACE L’Équlibre et la pÉrennitÉ du systÈme de protection sociale

Dans le cadre de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », l’association ATD Quart Monde a réalisé en 2015 puis actualisé en 2017 une étude macroéconomique sur le coût de la privation d’emploi ([21]). ATD Quart Monde évalue le coût global annuel du chômage de longue durée entre 16 000 et 19 000 euros par demandeur ou demandeuse d’emploi non indemnisable par l’allocation de retour à l’emploi.

Pour parvenir à ce chiffre, l’étude tient compte, d’une part, du coût des dépenses publiques ciblées pour l’emploi et des aides sociales perçues par les demandeurs et demandeuses d’emploi et, d’autre part, du manque à gagner en impôts et cotisations sociales du fait de la privation d’emploi.

Mesurer le coût indirect de la privation d’emploi : le cas de l’échec scolaire

Si les effets du chômage sur l’échec scolaire des enfants ne peuvent, bien sûr, pas être quantifiés, son coût indirect est difficilement contestable. La précarité qui fragilise les parents et les rend moins disponibles pour accompagner l’éducation affecte les enfants, qui ont elles et eux-mêmes l’esprit moins libre pour apprendre. Les préjugés et la stigmatisation dont peuvent être victimes les enfants dans l’environnement scolaire sont un facteur aggravant de l’échec scolaire.

Dans son étude, ATD Quart Monde estime qu’il n’est « pas exagéré de penser que les redoublements et le recours à des dispositifs tels que la mission de lutte contre le décrochage scolaire, seraient réduits de 5 % » en cas de retour en activité des personnes privées durablement d’emploi.

L’INSEE évalue, pour sa part, l’ensemble des dépenses publiques en faveur des politiques du marché du travail actives et passives (hors allègements fiscaux et crédits d’impôts), ciblées sur les demandeurs et demandeuses d’emploi et les personnes en difficulté sur le marché du travail à 66 milliards d’euros en 2017, soit 2,9 % du produit intérieur brut (PIB) ([22]). Dans le même temps, seuls deux tiers des demandeurs et demandeuses d’emploi ont un droit à indemnisation. Selon les données de Pôle emploi, fin juin 2020, 67,4 % des demandeurs et demandeuses d’emploi inscrits en catégorie A, B et C ont un droit à indemnisation ([23]). Aux difficultés sociales viennent se greffer les difficultés économiques pour nombre de chômeurs et chômeuses qui subissent la précarité économique.

Comme l’ont justement rappelé les auditions préparatoires, le chômage coûte cher à la protection sociale, pas aux employeurs ([24]). Il menace aujourd’hui notre système social qui peine déjà à couvrir les besoins des personnes les plus éloignées de l’emploi.


III.   l’impÉrieuse nÉcessitÉ d’en finir avec le chÔmage de longue durÉe : vers la mise en place d’une garantie d’emploi

A.   un problÈme : les politiques « classiques » de lutte contre le chÔmage manquent cruellement d’efficacitÉ

L’émergence puis la persistance du chômage de masse ont conduit les gouvernements successifs à multiplier les mesures pour tenter d’y mettre fin. Aux politiques passives, destinées à atténuer les effets du phénomène, l’indemnisation et l’accompagnement des demandeurs et demandeuses d’emploi pour l’essentiel, se sont ajoutées des politiques actives, mises en œuvre de manière plus ou moins cohérente et coordonnée dans le but de créer ou de sauver des emplois : réduction du temps de travail, développement de l’emploi aidé, affaiblissement du droit du travail, baisse de son prix...

Depuis les années 1990, la stratégie française a reposé, pour une large part, sur une baisse du prix du travail par le biais d’allègements fiscaux et d’exonérations de cotisations sociales. Cette stratégie a un coût élevé, que plusieurs économistes du LIEPP de Sciences Po évaluaient, dans une étude parue en 2015, à plus de 25 milliards d’euros chaque année ([25]). Plus généralement, et sans surprise, le montant de la dépense publique consacrée aux politiques de l’emploi actives et passives en faveur des populations fragiles (chômeurs et chômeuses, personnes dont l’emploi est menacé ou qui doivent être aidées pour accéder au marché du travail) a augmenté de façon continue au cours des vingt dernières années, même si la part de cette dépense rapportée au PIB est demeurée stable, autour de 3 %.

Le bilan de l’efficacité de ces politiques apparaît très mitigé. De toute évidence, les recettes libérales privilégiées depuis des années, réduction du prix du travail et flexibilisation du marché en tête, n’ont pas eu les effets annoncés par leurs promoteurs. Exemple parmi d’autres, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a lourdement pesé sur les finances publiques – son coût atteignant 20 milliards d’euros par an entre 2014 et 2016 et 25 milliards d’euros en 2017 ([26]) – mais n’a permis de créer que quelques dizaines de milliers d’emplois annuellement. Ces recettes ont incontestablement fait leur temps.

Las, les réformes engagées depuis le début du quinquennat, de la réorganisation du dialogue social et économique dans l’entreprise issue des ordonnances de 2017 à la définition d’un nouveau cadre pour l’assurance chômage, moins protecteur, ne produiront pas davantage de résultats positifs. Et que dire du sort réservé aux contrats aidés, dont la diminution brutale depuis 2018 a mis à mal le fonctionnement de nombreuses structures médico‑sociales, éducatives ou associatives, dans l’hexagone et outre-mer ?

En définitive, au-delà des désaccords idéologiques sur les solutions imaginées par les décideurs d’un temps, légitimes et naturels dans une démocratie, il y a ce constat que nous faisons toutes et tous depuis longtemps : les politiques en question n’ont jamais permis d’éradiquer le chômage de longue durée, ni même de le faire reculer significativement de manière durable.

B.   une proposition : un emploi utile pour la collectivité, financÉ par l’état, pour tout chômeur ou toute chômeuse de longue durÉe qui le souhaite

Ce constat, que nul ne peut sérieusement mettre en cause, ne doit pas nous faire oublier que le chômage n’est pas une fatalité. Oui, les politiques macro‑économiques traditionnelles ont montré leurs limites, mais il n’en reste pas moins vrai que des dispositifs innovants pensés pour améliorer la situation de l’emploi ont vu le jour et donné des résultats intéressants.

L’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » en est certainement le meilleur exemple. Issue d’une initiative d’ATD Quart Monde, dotée d’une existence légale depuis 2016 ([27]), prorogée et étendue en 2020 ([28]), elle « a montré que la lutte contre le chômage n’était pas qu’une question budgétaire [et qu’avec] la mobilisation de tout un territoire, il [était] possible de proposer un emploi à toutes les personnes qui en sont privées durablement et qui le souhaitent » ([29]). De l’avis général, elle donne des résultats très satisfaisants pour un coût – estimé entre 18 000 et 20 000 euros par emploi et par an – nettement inférieur à celui d’autres dispositifs de lutte contre le chômage. Que l’on songe, pour s’en convaincre, que la majorité des entreprises créées dans le cadre de l’expérimentation comptaient plus de 50 salariés au 31 décembre 2019 et que, à cette date, dans trois territoires sur dix, tous les chômeurs et chômeuses de longue durée volontaires avaient trouvé un travail.

le fonctionnement du dispositif expérimental
« Territoires zéro chômeur de longue durée »

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Source : https://www.tzcld.fr/decouvrir-lexperimentation/lorganisation-du-projet/.

Ce dispositif expérimental est riche d’enseignements. Mais il n’en revêt pas moins, à l’heure actuelle, une portée limitée. Or, il faut impérativement aller plus loin et, dans le contexte économique du moment, faire preuve d’un volontarisme sans faille si l’on veut se donner les moyens de remporter la bataille de l’emploi et éviter que des milliers de personnes supplémentaires ne basculent dans la pauvreté. Les propositions qui sont faites en ce sens méritent d’être examinées attentivement, et non d’être balayées d’un revers de la main au motif qu’elles n’émanent pas des rangs de l’actuelle majorité.

Avec ce texte, le groupe La France insoumise, fidèle aux engagements pris par Jean-Luc Mélenchon durant la campagne électorale de 2017, apporte une réponse concrète au défi posé par le chômage de longue durée en proposant que soit mise en place une garantie d’emploi pour les personnes qui en sont privées. Au fondement de cette proposition repose l’idée, théorisée dans les années 1970 par l’économiste Hyman Minsky, qu’une lutte efficace contre ce phénomène aux conséquences si dramatiques suppose que la puissance publique s’engage à fournir un emploi à toutes celles et tous ceux qui sont prêts à travailler au salaire minimum, et éventuellement au-delà en fonction des qualifications requises pour les emplois proposés. Ainsi l’État doit-il endosser l’habit d’employeur en dernier ressort.

Contrairement à une idée parfois avancée, le travail ne manque pas dans notre pays. Au contraire, les domaines dans lesquels les besoins de la société ne trouvent qu’une satisfaction partielle sont nombreux : environnement, aide aux personnes âgées, aux enfants et aux malades, réduite à sa plus simple expression dans certaines zones, amélioration de la vie urbaine (médiation sociale, restauration de bâtiments...), animation en milieu scolaire, activités artistiques...

Les opportunités pour l’emploi sont donc bien réelles, les économistes interrogés l’ont redit. Elles le seront davantage encore demain.

En effet, il ne fait guère de doute que la « reconstruction écologique » ([30]) dans laquelle notre pays est encore trop timidement engagé induira nécessairement une hausse significative de la demande d’emplois « verts », tirée par l’émergence puis l’affermissement d’un modèle économique décarboné. Le fait que plus de 40 % des activités développées par les entreprises situées dans des territoires « zéro chômeur de longue durée » soient liées à la transition écologique (rénovation des bâtiments, maraîchage, tourisme durable...) ([31]) montre d’ailleurs combien ce secteur est un vivier d’emplois pour aujourd’hui et pour demain.

Quant aux « métiers du lien », qui s’exercent dans le champ médico-social, dans celui de l’aide à domicile au bénéfice des personnes âgées ou de l’entretien des espaces publics, ils seront évidemment appelés, eux aussi, à occuper une place de plus en plus centrale dans notre société. « Exercés par des "premiers de corvées", trop souvent considérés à l’aune de leur coût supposé exorbitant pour la collectivité, ces emplois sont pourtant apparus comme les plus utiles au plus fort de la crise sanitaire [liée à l’épidémie de covid-19] » ([32]). Or, « [u]ne économie qui poursuit un objectif de "pleine santé", pour reprendre le terme de l’économiste Éloi Laurent, doit revaloriser des emplois qui contribuent au lien social et au bienêtre, "indicateurs" alternatifs au produit intérieur brut pour mesurer la viabilité de la société. Travailleurs sociaux, éducateurs, aides-soignants, aides à domicile, animateurs : autant d’emplois dont la contribution à la cohésion de la société n’est pas assez reconnue et dont le nombre devrait être augmenté » ([33]).

Tel est précisément l’objet du dispositif imaginé par les rédacteurs et rédactrices de la présente proposition de loi : favoriser partout sur le territoire national la création d’emplois ayant vocation à satisfaire des besoins, insatisfaits à ce jour, identifiés à l’échelon local en toute transparence, et présentant une utilité sociale et écologique immédiatement perceptible pour la collectivité.

La garantie d’emploi s’inscrit ainsi pleinement dans l’objectif de la « bifurcation écologique et solidaire » que le groupe La France insoumise appelle de ses vœux et qui implique une réorientation immédiate de « l’ensemble [des] moyens de production, d’échange et de consommation afin que la société garantisse des conditions dignes de travail et des possibilités de survie collective » ([34]). Elle est l’une des pièces d’un ambitieux programme national, d’une formidable aventure collective, d’un gigantesque défi civilisationnel : celui de la construction d’une société plus juste et solidaire, qui favorise l’harmonie entre les êtres et assure la préservation de l’écosystème qui rend la vie humaine possible. En d’autres termes, empruntés à Pavlina Tcherneva, « [l]a garantie d’emploi intègre la justice économique et sociale dans la réponse scientifique au changement climatique : c’est un élément indispensable du programme écologique qui vise à faire en sorte que la transition ne laisse personne sur le côté. » ([35])

Les attentes sont fortes, les auditions préparatoires à l’examen du texte l’ont une nouvelle fois démontré. La réflexion est riche, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. À présent, il est temps d’en venir aux actes.

Instituer une garantie d’emploi aurait un impact positif sur la relance économique et la bifurcation écologique de notre pays. Oui, sa mise en œuvre aurait un coût pour les finances publiques. Mais elle serait aussi source d’économies pour l’assurance chômage et le système de protection sociale en même temps qu’elle tirerait à la hausse une consommation des ménages devenue plus vertueuse. Qui peut sérieusement contester l’idée selon laquelle les sommes versées au titre de l’indemnisation du chômage seraient mieux employées si elles servaient à la rémunération d’un travail ?

Instituer une garantie d’emploi serait, du reste, vecteur de progrès social. En effet, moins de chômage serait synonyme de moindre pression à la baisse sur les salaires de la part des détenteurs de capital.

Instituer une garantie d’emploi donnerait, enfin, une traduction concrète à la promesse formulée au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en vertu duquel chacun a « le droit d’obtenir un emploi ». Car, force est de reconnaître que, faute de revêtir un caractère opposable, ce principe demeure largement incantatoire en dépit de sa valeur constitutionnelle ([36]).

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La proposition de loi établissant la garantie d’emploi par l’État employeur en dernier ressort s’articule autour de trois articles. L’article 1er confie au service public de l’emploi une nouvelle mission consistant à octroyer et financer un emploi à toute personne qui en est durablement privée. L’article 2 expose les principales caractéristiques du contrat conclu entre la personne en demande d’emploi et l’association d’emploi chargée du pilotage du nouveau dispositif au sein de chaque territoire. L’article 3 définit le cadre de la gouvernance dudit dispositif au plan national ainsi qu’au plan local.

 


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   COMMENTAIRe des articles

Article 1er
Principes généraux de la garantie d’emploi de droit opposable

Rejeté par la commission

L’article 1er complète les missions du service public de l’emploi et fixe la répartition des compétences entre collectivités dans l’application et le financement du dispositif de garantie d’emploi de droit opposable.

I.   LE SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI PEINE AUJOURD’HUI À ACCOMPAGNER les demandeurs et demandeuses d’EMPLOI DANS LEUR RETOUR À L’EMPLOI

A.   UNE LOGIQUE DE GUICHET VISANT À FOURNIR UN « SERVICE PUBLIC UNIVERSEL ET INTÉGRÉ » AUX DEMANDEURS ET DEMANDEUSES D’EMPLOI

La notion de « service public de l’emploi » a été introduite relativement récemment dans la législation française puisque c’est la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 ([37]) qui l’a consacrée aux articles L. 310-1 et L. 310-2 du code du travail, aujourd’hui abrogés. Réformé par la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi ([38]), le service public de l’emploi a pour missions, désormais définies à l’article L. 5311-1 du code du travail : « l’accueil, l’orientation, la formation et l’insertion ; il comprend le placement, le versement d’un revenu de remplacement, l’accompagnement des demandeurs d’emploi et l’aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés. »

Ce service public de l’emploi a pour particularité de regrouper à la fois des acteurs publics – principalement Pôle emploi qui a la double mission d’accompagner et d’indemniser – et des acteurs privés chargés de mettre en œuvre la politique de l’emploi. Les opérateurs privés ont vocation à accompagner des publics spécifiques en fonction par exemple de la catégorie socio-professionnelle du chercheur et de la chercheuse d’emploi ou de ses difficultés d’insertion sur le marché du travail. Lors de la mission « flash » qu’il a réalisée en février 2019, notre collègue Stéphane Viry a dénoncé la « grande opacité » qui règne concernant ces opérateurs privés de la politique de l’emploi.

Aujourd’hui force est de constater que l’objectif d’un « service public universel et intégré » promis par la réforme de 2008 est loin d’être atteint. La loi de 2008 visait à faciliter les démarches des demandeurs et demandeuses d’emploi et surtout à harmoniser les droits des demandeurs et demandeuses d’emploi afin que les usagers et usagères aient accès aux mêmes prestations, qu’ils soient assurés ou non au titre de l’assurance chômage. La persistance du chômage de longue durée et le découragement d’un nombre croissant de personnes au regard de la dégradation du contexte économique attestent de l’échec du service public de l’emploi à intégrer tous les travailleurs privés d’emploi. La loi de 2008 avait également pour objectif de « développer une capacité de pilotage stratégique en renforçant la prospective ». Aussi noble soit-il, cet objectif reste fondé sur une logique d’appariement visant à rendre le demandeur ou la demandeuse d’emploi compatible avec les offres d’emploi vacantes. Au vu de la persistance d’un chômage de masse, c’est bien un renversement de cette logique qui doit s’opérer aujourd’hui : à chaque personne doit correspondre un emploi.

La jurisprudence sur les carences de Pôle emploi

La mission d’accompagnement des chercheurs et chercheuses d’emploi confiée à Pôle emploi répond à un impératif constitutionnel. Aussi les manquements de Pôle emploi dans l’exercice de sa mission de suivi ont-ils déjà été condamnés à plusieurs reprises.

Par un jugement du 11 septembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a jugé que « les carences graves de Pôle emploi, dans sa mission d’accompagnement d’un demandeur d’emploi durant sa recherche d’emploi, constitue, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte au droit d’obtenir un emploi consacré par l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 ». Le droit à l’emploi est reconnu, en l’espèce, comme une liberté fondamentale découlant tant du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 que de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Dans son arrêt du 28 décembre 2018, Syndicat CGT des chômeurs et précaires de Genevilliers-Villeuneuve-Asnières, le Conseil d’État a jugé que « les carences de Pôle emploi, dans l’exercice de ses missions, sont susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité. »

Par définition, le service public de l’emploi doit respecter les principes inhérents aux services publics, à savoir l’égalité de traitement, l’universalité et la gratuité. La question de l’égalité de traitement n’est pas sans soulever des difficultés au regard de la situation des chômeurs et chômeuses durablement éloignés de l’emploi. Les auditions préparatoires ont mis l’accent sur l’impuissance de Pôle emploi à offrir un véritable service de retour à l’emploi ([39]). Rappelons, en effet, qu’à peine plus d’une personne sur deux a retrouvé un emploi durable après dix-huit mois d’inscription à Pôle emploi.

B.   l’ARTICULATION ENTRE L’ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS DANS l’ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS ET DEMANDEUSES D’EMPLOI

Les articles L. 5311-3 et L. 5311-3-1 du code du travail établissent le rôle respectif des collectivités territoriales et l’articulation avec l’État dans la mise en œuvre du service public de l’emploi :

– la région participe à la coordination des acteurs du service public de l’emploi sur son territoire. Elle évalue le taux d’insertion dans l’emploi ;

– les départements, les communes et leurs groupements peuvent concourir au service public de l’emploi ;

– l’État peut déléguer à la région la mission de veiller à la complémentarité et de coordonner l’action des différents intervenants, notamment les missions locales, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, Cap emploi et les maisons de l’emploi.

Les articles L. 5322-1 à L. 5322-4 du code du travail précisent le rôle des communes dans le placement des demandeurs et demandeuses d’emploi. Ainsi, peuvent-elles recevoir des offres d’emploi et réaliser des opérations de placement en faveur de leurs administrés à la recherche d’un emploi, après avoir conclu à cet effet une convention avec l’État et Pôle emploi (art. L. 5322-2). Sur leur demande, les maires peuvent avoir accès à la liste des demandeurs et demandeuses d’emploi domiciliés dans leur commune pour les besoins du placement ou pour la détermination des avantages sociaux (art. L. 5322-3).

Les articles L. 6123-3 et L. 6123-4 du code du travail définissent quant à eux la composition et la mission du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles.

Comme en témoigne l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », nous assistons ces dernières années à un mouvement de territorialisation des politiques de l’emploi qui s’inscrit en rupture avec les politiques « descendantes » de l’État vers les échelons locaux ([40]). Afin que le maillage du dispositif de garantie d’emploi soit le plus fin possible pour répondre correctement aux besoins des personnes et territoires concernés, il s’agit, à travers cette proposition de loi, de redéfinir une nouvelle articulation entre l’État et les collectivités.

II.   en tant qu’INTERMÉDIAIRE DE PLACEMENT SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL, le service public de L’emploi A NATURELLEMENT VOCATION À METTRE EN œuvre LA GARANTIE D’EMPLOI

A.   UNE STRATÉGIE NATIONALE DE GARANTIE DE RETOUR à L’EMPLOI

L’État apparaît comme la clé de voûte du dispositif de garantie de retour à l’emploi en tant qu’employeur en dernier ressort. L’emploi garanti est en effet l’« expression ultime de l’État providence » ([41]), une responsabilité sociale qui incombe à l’État.

En premier lieu, les missions du service public de l’emploi seront complétées (). L’article L. 5311-1 du code du travail intégrera comme nouvelle mission pour le service public de l’emploi « l’octroi et le financement d’un emploi correspondant à ses qualifications, sa formation et à son parcours professionnel à toute personne qui en est durablement privée et qui en fait la demande, suivant le principe de la garantie d’emploi de droit opposable ».

En second lieu, c’est à Pôle emploi qu’incombera concrètement cette nouvelle mission « d’octroyer et financer un emploi à toute personne qui en est durablement privée, à la suite d’une convention tripartite entre Pôle emploi, l’association d’emploi et la personne intéressée » (art. L. 5312-1 du code du travail). Il ne s’agit pas ici de mettre en place une forme de tutelle de Pôle emploi mais bien, à travers cet organisme, d’affirmer la responsabilité de l’État comme garant du dispositif ().

Comme le rappelle l’étude macroéconomique d’ATD Quart Monde, l’État est de loin le premier contributeur à l’effort national de solidarité envers les demandeurs et demandeuses d’emploi puisqu’il finance plus de la moitié des dispositifs d’aides et d’allocations ([42]).

VENTILATION DES DÉPENSES LIÉES AU CHÔMAGE
DE LONGUE DURÉE PAR FINANCEUR

p

Source : Estimation ATD Quart Monde, juin 2017.

La présente proposition de loi vise donc à inscrire la garantie d’emploi comme une responsabilité première de l’État et un outil stratégique d’une politique de plein emploi. Notre dispositif se démarque ainsi de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » sur plusieurs points :

– votre rapporteure estime, en effet, que le service public de l’emploi
– malgré ses défaillances bien identifiées – reste une structure pertinente dans la collecte des besoins et la centralisation des données. Pôle emploi dispose d’une force de frappe unique pour classer les emplois et les compétences et mettre en adéquation offre et demande d’emploi. Il s’agit désormais de repenser les logiques d’appariement qui sous-tendent le service public de l’emploi en adaptant les emplois aux compétences et aspirations des demandeurs d’emploi ;

– si l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » a fait ses preuves et que votre rapporteure s’est prononcée en faveur de son extension en décembre 2020, la présente proposition de loi vise à sortir de la logique d’expérimentation territoriale pour implémenter un dispositif national. Il serait préjudiciable que l’État abandonne son rôle de stratège en matière d’emploi. C’est à lui que doit revenir la charge d’assurer une application homogène du dispositif de garantie d’emploi sur tout le territoire. Aussi l’État est-il partie prenante via Pôle emploi de la convention tripartite octroyant un emploi à la personne intéressée.

B.   UNE COORDINATION LOCALE DU DISPOSITIF, AU PLUS PRÈS DES BESOINS

Les collectivités territoriales, qui sont l’expression de la puissance publique et garantes de son bon exercice au niveau local, conservent un rôle de premier ordre dans la nouvelle mission attribuée au service public de l’emploi, puisque l’article L. 5311-3 du code du travail disposera que « la région, le département, les communes et leurs groupements concourent et participent » à la mise en œuvre de la garantie d’emploi de droit opposable ().

La force d’un dispositif comme la garantie d’emploi repose sur son ciblage extrêmement fin. L’État, à travers ses administrations mais aussi ses institutions délibératives et exécutives, doit jouer un rôle de garant et de financeur national, l’identification et la collecte des besoins devant s’effectuer à une échelle locale, en impliquant en premier lieu les demandeurs et demandeuses d’emploi, grâce à un maillage précis. C’est cette organisation duale qui permettra de faire se rencontrer les besoins et les compétences. La nature des emplois qui émergeront de ce dispositif sera évidemment différente selon que le demandeur ou la demandeuse d’emploi se trouve dans une métropole urbanisée, dans une zone rurale ou dans un territoire ultra-marin.

L’articulation entre un financement national et une administration locale est la solution retenue par le dispositif argentin Jefes y Jefas de Hogar qui propose une embauche à toute personne responsable d’une famille avec une ou un enfant mineur. D’une part, un conseil local, sollicité par le demandeur ou la demandeuse d’emploi, propose de créer une offre d’emploi qu’il administre et dont il gère l’effectivité et d’autre part, le salaire est versé par l’administration publique. Ces conseils locaux sont largement désétatisés ([43]). Ainsi, si notre proposition insiste sur le caractère stratégique du dispositif dans une politique nationale de l’emploi, et donc de son rôle de garant et de stratège à travers le service public de l’emploi, son action n’est pas pensée comme substitutive à l’initiative et l’auto-organisation locales, mais bien comme un support et un soutien de ces dynamiques, en mettant à disposition ses moyens financiers, sa logistique et ses infrastructures territoriales.

Un pilotage national facilite également une vision d’ensemble et une répartition équitable et ciblée des financements pour venir en soutien aux régions les plus en difficulté. Bien que le chômage de longue durée s’impose sur tout le territoire, certains sont plus exposés que d’autres, notamment les bassins industriels denses du Nord et Nord-Est de la France ou les zones en déclin démographique du Centre de la France. Les départements d’outre-mer, malgré leur diversité géographique, connaissent tous une situation de l’emploi plus préoccupante encore puisque plus de la moitié des demandeurs et demandeuses d’emploi sont au chômage de longue durée en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion ([44]).

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Article 2
Caractéristiques du contrat de travail conclu entre le demandeur ou la demandeuse d’emploi et la structure chargée du pilotage de la garantie d’emploi de droit opposable au plan local

Rejeté par la commission

L’article 2 expose les principales caractéristiques du contrat de travail susceptible d’être conclu entre tout demandeur ou toute demandeuse d’emploi durablement privé de travail et la nouvelle association d’emploi chargée, au plan local, du pilotage du dispositif de garantie d’emploi de droit opposable.

I.   Les contrats aidÉs, embryons de garantie d’emploi, apportent une rÉponse indispensable mais insuffisante aux difficultÉs d’accÈs À l’emploi de certains publics

Imaginés dans le contexte de l’émergence du chômage de masse, précieux durant les périodes de ralentissement de l’économie, les contrats aidés, comme les dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE) ou d’accompagnement des personnes souffrant de handicap, ont pour objet de favoriser l’insertion professionnelle des populations les plus éloignées de l’emploi.

Contrats de travail conclus pour une durée déterminée ou indéterminée dans le secteur marchand ou non marchand, ils ouvrent traditionnellement à l’employeur le bénéfice d’une aide – subvention à l’embauche, exonération de cotisations sociales ou aide à la formation destinée à compenser la productivité supposée moindre des personnes embauchées.

Lancés en 1984 sous la forme de « travaux d’utilité collective » ([45]), initiative ouverte aux jeunes de seize à vingt et un ans, ils ont été régulièrement réformés – et sans cesse rebaptisés – depuis la fin des années 1980 pour s’adresser à un public plus nombreux, bénéficiaires des minima sociaux et seniors en particulier.

À compter du 1er janvier 2010, ils ont pris la forme, pour l’essentiel, de « contrats uniques d’insertion » (CUI), respectivement dénommés « contrats initiative emploi » (CUI‑CIE) dans le secteur marchand et « contrats d’accompagnement dans l’emploi » (CUI‑CAE) dans le secteur non marchand ([46]).

Le contrat unique d’insertion en quelques mots

Le contrat unique d’insertion (CUI) a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle des personnes sans emploi qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles d’accès à l’emploi. Il comporte des actions d’accompagnement professionnel.

Il s’agit d’un contrat de travail – à durée déterminée ou indéterminée – conclu entre un employeur et un ou une salarié(e), qui donne lieu à l’attribution d’une aide à l’insertion professionnelle.

Ce contrat prend la forme :

– du contrat initiative-emploi (CIE) lorsque l’employeur relève du secteur marchand ;

– du contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) lorsqu’il relève du secteur non marchand. Dans ce cas, il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits.

Dans le secteur marchand, peuvent conclure un contrat unique d’insertion :

– les employeurs affiliés à l’assurance chômage (établissements industriels et commerciaux, professions libérales, syndicats, associations, offices publics ministériels, sociétés civiles, etc.) ;

– les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification ;

– les entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État, les établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, les sociétés d’économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire ;

– les chambres de métiers, les chambres d’agriculture, ainsi que les établissements et services d’utilité agricole de ces chambres ;

– les entreprises de pêche maritime.

Dans le secteur non marchand, peuvent conclure un contrat unique d’insertion :

– les collectivités territoriales ;

 les autres personnes morales de droit public ;

– les organismes de droit privé à but non lucratif : associations (sauf les associations culturelles et celles dont le siège ou le lieu d’activité est un domicile privé), mutuelles, organismes de prévoyance, comités d’entreprise, syndicats, fondations, etc. ;

– les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d’un service public : sociétés HLM, établissements de soins, régies de transport, etc. ;

– les sociétés coopératives d’intérêt collectif.

Puis, au début de l’année 2018, le Gouvernement a fait le choix de recentrer le dispositif des contrats aidés, transformés en « parcours emploi compétences » (PEC), sur le secteur non marchand et les personnes les plus éloignées de l’emploi, suivant les préconisations formulées par M. Jean‑Marc Borello ([47]). À partir de ce moment, la prescription de CUI‑CIE dans le secteur marchand n’a plus été autorisée que dans les départements d’outre-mer ou par les conseils départementaux, dans le cadre des conventions annuelles d’objectifs et de moyens, sous réserve que le coût soit nul pour l’État. Du reste, la prescription des emplois d’avenir, destinés aux jeunes sans qualification ou peu qualifiés de seize à vingt-cinq ans et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, n’a plus été possible non plus.

Selon la ministre du travail de l’époque, Mme Muriel Pénicaud, « le repositionnement des contrats aidés autour du triptyque emploiformationaccompagnement [devait] permettre d’en faire un des leviers efficaces de la politique de l’emploi et de la formation, en articulation avec les autres outils que sont les [entreprises adaptées], l’[insertion par l’activité économique] mais également le plan d’investissement dans les compétences ou les outils d’accompagnement intensif » ([48]).

En quoi consiste le « parcours emploi compétences » (PEC) ?

Le « parcours emploi compétences » (PEC) consiste à repositionner le CUI-CAE autour d’un triptyque emploi-formation-accompagnement et à privilégier l’objectif d’insertion professionnelle des publics les plus éloignés de l’emploi.

Le dispositif est recentré sur les personnes sans emploi qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles particulières d’accès à l’emploi pour lesquelles la seule formation n’est pas l’outil approprié.

La sélection des employeurs éligibles s’effectue en fonction de leur capacité à offrir des postes et un environnement de travail propices à un parcours d’insertion :

– le poste doit permettre de développer la maîtrise des comportements professionnels et des compétences techniques qui répondent à des besoins au sein du bassin d’emploi ou transférables à d’autres métiers dans des secteurs qui recrutent ;

– l’employeur doit démontrer une capacité à accompagner le bénéficiaire au quotidien ;

– l’employeur doit s’engager à faciliter l’accès à la formation, la priorité étant donnée aux formations pré-qualifiantes et qualifiantes ;

– l’employeur doit, dans la mesure du possible, pouvoir proposer une pérennisation du poste.

Ce parcours donne lieu à :

– un entretien tripartite entre l’employeur, le prescripteur et le bénéficiaire au moment de la signature de la demande d’aide afin de définir les compétences qui devront être développées. L’employeur doit prendre des engagements en matière d’actions de formation et d’accompagnement, qui sont formalisés dans le cadre de la demande d’aide ;

– un suivi du bénéficiaire par le prescripteur, pendant la durée du contrat ;

– un entretien de sortie entre le prescripteur et le bénéficiaire, entre un mois et trois mois avant la fin du contrat, qui permet de l’orienter et notamment d’évaluer l’opportunité de renouveler l’aide.

Le PEC doit être d’une durée minimale de neuf mois, l’objectif étant qu’il dure douze mois.

Ainsi le nombre de contrats aidés conclus au cours des dernières années a‑t‑il diminué de façon drastique. Alors que l’État en finançait encore 400 000 en 2016, dans le secteur non marchand pour les trois quarts d’entre eux, et que la loi de finances initiale pour 2018 autorisait la prescription de 200 000 PEC, les lois de finances initiales pour 2019 et 2020 limitaient toutes les deux à 100 000 le nombre de nouveaux contrats susceptibles d’être conclus. Résultat, 94 000 PEC furent signés en 2019 – en baisse de 23 % par rapport à l’année précédente – et 77 000 en 2020
– en baisse de 18 % par rapport à l’année précédente –, d’après les données publiées par la DARES ([49]).

nombre de Bénéficiaires d’un PEC
(calculé par mois)

Source : ASP, estimation DARES pour les derniers mois.

Pour l’Institut Rousseau et Hémisphère gauche, co-auteurs d’une étude intitulée Pour une garantie à l’emploi vert, « [c]ette réduction massive et brutale des contrats aidés a mis en difficulté de nombreuses structures associatives, médico-sociales, éducatives ou même des collectivités territoriales » ([50]). Ce constat, plusieurs personnes entendues par votre rapporteure l’ont fait. Le porte-parole du Collectif gilets citoyens 974 a par exemple insisté sur la moindre qualité du service rendu à la population réunionnaise, en matière sanitaire notamment, du fait de cette évolution. En définitive, dans bien des cas, le maintien de la qualité du service n’a pu se faire qu’au prix de recrutements souvent coûteux pour les collectivités.

Au demeurant, la baisse du nombre de contrats aidés prescrits a eu un impact négatif, à court terme, sur l’emploi. À cet égard, la DARES relevait, dans une étude publiée à la fin de l’année 2018, que « la diminution du nombre de bénéficiaires de CUI et d’emplois d’avenir [avait] entraîné une baisse de l’emploi de 77 000 et une hausse du nombre de demandeurs d’emploi de 55 000 en 2017 » ([51]).

Votre rapporteure regrette évidemment les choix faits par la majorité présidentielle en la matière, qu’elle et son groupe ont régulièrement dénoncés. Elle demeure convaincue que les contrats aidés présentent une utilité sociale évidente, à la fois pour les personnes intéressées, qui bénéficient d’une première expérience professionnelle ou de la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences grâce aux formations qui leur sont proposées, mais aussi pour la société dans son ensemble, ce que notre collègue Stéphane Viry, alors rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales sur la mission budgétaire Travail et emploi, faisait valoir, à juste titre, en ces termes : « Au sein du secteur associatif ou des petites communes, par exemple, les contrats aidés ont permis depuis leur origine le développement d’activités qui n’auraient pas vu le jour sans l’aide financière à l’employeur accordée en [guise de] contrepartie [...]. Dans certains secteurs d’activité, les contrats aidés sont même devenus incontournables pour assurer certaines activités ou garantir une égale qualité de service public aux usagers [...]. » ([52])

Certes, le Gouvernement s’est engagé, dans le contexte économique hautement dégradé que connaît notre pays depuis plusieurs mois, à consentir un effort supplémentaire en faveur de l’inclusion dans l’emploi, par l’intermédiaire, notamment, d’une hausse du nombre de contrats aidés susceptibles d’être prescrits ou d’un soutien accru aux structures d’IAE.

Mais son action risque de se révéler très insuffisante au regard de la gravité de la situation. Car, si cela fait longtemps que les chiffres du chômage sont préoccupants et que ses conséquences économiques, sociales, sanitaires, toutes catastrophiques, toutes destructrices, sont bien connues, il ne fait pas de doute que les premiers comme les secondes vont prendre des proportions dramatiques en raison de la crise économique liée à l’épidémie de covid-19, crise dont les effets sur la situation de l’emploi, déjà bien réels, risquent, hélas, de durer.

Or, pas plus qu’elles n’y sont parvenues par le passé, les politiques traditionnelles imaginées pour lutter contre le chômage de masse ne résoudront le problème à l’avenir. Aussi le moment est-il venu de faire appel à de nouvelles propositions, capables d’améliorer significativement la situation de l’emploi, et pas simplement de panser les plaies d’un système à bout de souffle.

II.   Une proposition ambitieuse pour répondre au dÉfi du chômage de longue durée : une garantie d’emploi pour tout chômeur ou toute chômeuse durablement privÉ(e) de travail

Pierre angulaire de la proposition de loi, le présent article s’inspire du dispositif expérimental « Territoires zéro chômeur de longue durée » (voir supra). Comme ce dernier, il repose sur une triple idée : nul n’est inemployable ; le travail ne manque pas puisque de nombreux besoins ne sont pas satisfaits dans notre société ; l’argent ne manque pas non plus puisque le chômage entraîne chaque année d’importantes dépenses pour la collectivité.

Avec cet article, l’État se voit confier une nouvelle mission, portée par une philosophie résolument progressiste, consistant à proposer un emploi répondant à un besoin local à toute personne qui en serait durablement privée et qui en ferait la demande. De cette manière, il jouera, enfin, le rôle d’employeur en dernier ressort que nombre de citoyens et de citoyennes souhaitent le voir jouer.

Concrètement, le nouveau dispositif figurera dans une section intitulée « Contrat de droit opposable » introduite à la fin du chapitre IV – relatif aux contrats de travail aidés – du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail, section qui comprendra trois articles.

En premier lieu, aux termes de l’article L. 5134-130, le contrat de travail qui sera conclu entre le demandeur ou la demandeuse d’emploi et l’association d’emploi chargée de piloter le dispositif au plan local, association dont l’existence est consacrée à l’article 3 de la proposition de loi, prendra la forme d’un contrat à durée déterminée de douze mois au minimum, renouvelable à deux reprises.

Ce contrat devra tenir compte des « qualifications, de la formation et du parcours professionnel » de la personne, cette précision faisant écho à l’idée développée par l’économiste Hyman Minsky, partisan d’un État employeur en dernier ressort pour lutter contre le chômage de masse, selon laquelle il importe de « prendre les chômeurs tels qu’ils sont et d’adapter les emplois publics à leurs compétences » ([53]).

Établi sur la base d’une durée hebdomadaire de travail comprise entre 20 et 35 heures, le contrat garantira à sa ou son titulaire, à l’instar du CUI-CAE, une rémunération égale au produit du montant du salaire minimum de croissance (SMIC) par le nombre d’heures de travail accomplies, la rémunération ne pouvant, en tout état de cause, être inférieure à celle qu’elle ou il aurait perçue antérieurement.

En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 5134-131, il devra être expressément précisé dans le contrat de travail qu’il est établi en application des dispositions de la nouvelle section « Contrat de droit opposable ». Votre rapporteure souhaiterait également qu’y soit annexée la convention tripartite conclue entre Pôle emploi, l’association d’emploi citée plus haut et le demandeur ou la demandeuse d’emploi sur le fondement du 7° de l’article L. 5312-1 du code du travail ([54]).

En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 5134-133, la personne éligible au dispositif de la garantie d’emploi aura la faculté de refuser la proposition d’emploi qui lui sera faite, l’objectif étant que le dispositif ne puisse se confondre, de quelque manière que ce soit, avec une obligation de travailler.

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Article 3
Création de nouvelles structures nationales et locales pour coordonner la mise en œuvre de la garantie d’emploi

Rejeté par la commission

L’article 3 instaure un Conseil national de la garantie d’emploi de droit opposable et un comité des partenaires au sein de chaque agence locale de Pôle emploi en charge de la mise en œuvre de la garantie d’emploi.

I.   LE COnseil NATIONAL, GARANT DE L’APPLICATION DU DISPOSITIF SUR TOUT LE TERRITOIRE

Afin de rendre le droit à l’emploi réellement opposable, une structure nationale est mise en place. Cette nouvelle structure a pour particularité d’inclure les premiers concernés par le dispositif : les usagers et usagères de la garantie d’emploi. Recueillir la parole des bénéficiaires – si souvent éloignés de la prise de décision – est un préalable à la réussite du dispositif.

Le Conseil national de l’emploi sera composé à la fois des associations concernées, de représentants et représentantes d’organisations syndicales et patronales, de l’État, de représentants et représentantes de la Nation et des collectivités territoriales, du Conseil économique, social et environnemental, du Défenseur des droits et d’institutions de recherches (I). La diversité des membres est le gage d’une vision transversale et complète du dispositif.

II.   le comitÉ des partenaires, Partie prenante du dispositif À l’ÉCHELON LOCAL

Inspiré du comité local de l’emploi mis en place par l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », le comité des partenaires est la cheville ouvrière du dispositif de garantie d’emploi. Hébergé par chaque agence locale de Pôle emploi, il a vocation à arbitrer les grands choix du projet : recherche et intégration des personnes durablement privées d’emploi, recherche et sélection des activités d’emploi. Composé à nouveau des bénéficiaires de la garantie d’emploi, des services de Pôle emploi, d’associations de demandeurs et demandeuses d’emploi, d’élus locaux, d’organisations syndicales et patronales, il comprend également des associations de défense des droits humains et de l’environnement ainsi que des citoyens et citoyennes tirées au sort (II).

Bien que Pôle emploi héberge le comité des partenaires et en soit un des membres en tant que guichet identifié par les demandeurs et demandeuses d’emploi, votre rapporteure est attachée à ce que le comité des partenaires soit ouvert à un public très large, dépassant le simple cadre du service public de l’emploi. La présence de citoyennes et citoyens tirés au sort et d’associations de défense des droits humains et de l’environnement s’inscrit dans la démarche de créations d’emplois verts et utiles à la société.

Le comité des partenaires est un rouage essentiel du dispositif car ses membres constituent le conseil d’administration de l’association d’emploi en charge de l’embauche des bénéficiaires de la garantie d’emploi. La collégialité du comité et la diversité des profils qui le composent offrent toutes les garanties d’un meilleur appariement entre demandeur privé durablement d’emploi et offre d’emplois répondant aux besoins locaux, aujourd’hui non pourvus par le secteur marchand.

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Article 4
Gages financiers

Rejeté par la commission

L’article 4 vise à prévoir un mécanisme de compensation des charges qui résulteraient, pour l’État et les organismes de sécurité sociale, de l’adoption de la présente proposition de loi.

La présente proposition de loi, qui crée une garantie d’emploi de droit opposable pour les demandeurs et demandeuses d’emploi, est de nature à accroître les charges pour l’État et les organismes de sécurité sociale.

Le présent article prévoit donc de gager ces charges par la création d’une taxe additionnelle sur les droits perçus sur les produits du tabac.


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   travaux de la COMMISSION

Au cours de sa première réunion du mercredi 14 avril 2021, la commission des affaires sociales examine la proposition de loi visant établissant la garantie d’emploi par l’état employeur en dernier ressort (n° 4017 rect.) (Mme Danièle Obono, rapporteure) ([55]).

I.   Discussion générale

Mme Danièle Obono, rapporteure. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier de m’accueillir au sein de la commission des affaires sociales, et de remercier également les administrateurs de l’Assemblée, qui m’accompagnent avec beaucoup d’efficacité et de bienveillance, ainsi que mes collaborateurs et collaboratrices et toute l’équipe des ateliers des lois de La France insoumise.

La proposition de loi établissant la garantie d’emploi par l’État employeur en dernier ressort, déposée par notre collègue Jean-Hugues Ratenon, est le produit d’un travail collectif au long cours, le fruit d’une réflexion sans cesse enrichie par l’éclairage de celles et ceux – économistes, sociologues, responsables associatifs, militants et militantes, citoyens et citoyennes – qui, comme les membres du groupe La France insoumise, appellent de leurs vœux la mise en œuvre d’une politique radicalement différente dans le domaine de la lutte contre le chômage, en particulier de longue durée.

Les chiffres du chômage sont catastrophiques. Notre pays compte aujourd’hui près de 6 millions de chercheurs et chercheuses d’emploi, toutes catégories confondues, et la crise économique ne manquera pas d’aggraver les choses. La proportion structurelle des personnes durablement privées d’emploi en France est élevée et ne cesse d’augmenter depuis des années. Au quatrième trimestre 2020, ils et elles étaient près de 2 900 000, selon les chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et de Pôle emploi. Cela doit nous préoccuper autant que nous obliger, en tant que citoyens et citoyennes, et surtout en tant que législateurs et législatrices.

Les effets du chômage de longue durée sur le retour à l’emploi sont dévastateurs. Les chômeurs et chômeuses exclus du marché du travail, ou auto-exclus du fait de la baisse de leurs capacités productives, se retrouvent disqualifiés par les employeurs, qui redoutent une perte de compétence et une détérioration de leur capital humain. Mais les conséquences sont aussi sociales et économiques, et toutes sont absolument dramatiques.

Combattre ce chômage est un enjeu sanitaire à part entière, tant il contribue à détériorer la santé des personnes privées d’emploi. Le chômage de longue durée multiplie par trois le risque de mortalité, ce qui en fait un facteur aussi aggravant que le tabagisme, et par deux le risque d’accident cardiovasculaire. Plus d’un tiers des personnes ayant fait l’expérience du chômage de longue durée connaissent un épisode dépressif. Au total, en France, entre 10 000 et 14 000 décès par an seraient imputables au chômage. Dans un pays où l’attachement au travail et à sa dimension sociale est fort, en être privé exclut et isole. Ce phénomène de désaffiliation, bien identifié par le sociologue Robert Castel, va très certainement s’aggraver avec la crise que nous traversons, qui distend les liens entre les individus.

Sur le plan économique, le chômage a un coût : entre 16 000 et 19 000 euros par an et par demandeur et demandeuse d’emploi, selon l’évaluation de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » réalisée par l’association ATD Quart Monde. En termes macroéconomiques, ce sont plus de 65 milliards d’euros qui sont consacrés chaque année aux politiques actives et passives en faveur de l’emploi, hors exonérations fiscales et allégements de cotisations sociales. Dans le même temps, près d’un tiers des personnes privées d’emploi n’ont plus aucun droit à indemnisation et survivent grâce aux minima sociaux. Aujourd’hui, un quart des personnes au chômage vivent sous le seuil de pauvreté.

La situation dans laquelle se trouve notre société est celle-ci que des dizaines de milliards d’euros sont dépensés tous les ans dans des politiques qui manquent cruellement d’efficacité, alors que les besoins des personnes les plus éloignées de l’emploi sont de moins en moins bien couverts.

Reconnaissons que les recettes libérales privilégiées depuis des années – réduction du coût du travail et flexibilisation du marché au premier chef – n’ont pas eu les effets annoncés par leurs promoteurs et promotrices. Et les réformes engagées depuis le début du quinquennat – la prétendue réorganisation du dialogue social et économique dans l’entreprise issue des ordonnances de 2017, ou la définition d’un nouveau cadre pour l’assurance chômage, moins protecteur et moins juste – ne produiront pas plus de résultats positifs que les politiques conduites jusqu’à maintenant. Au-delà des désaccords idéologiques sur les mesures imaginées par les décideurs et décideuses d’un temps, légitimes et naturels dans une démocratie, nous partageons tous depuis longtemps le constat que ces politiques n’ont jamais permis d’éradiquer le chômage de longue durée, ni même de le faire reculer significativement de manière durable.

Ce constat ne doit pas pour autant nous faire oublier que le chômage n’est pas une fatalité. Des dispositifs intéressants pour améliorer la situation de l’emploi ont été mis en place, et d’autres mécanismes peuvent être imaginés. Les propositions qui sont faites méritent d’être examinées attentivement, et non d’être balayées d’un revers de la main au motif qu’elles n’émanent pas des rangs de l’actuelle majorité. L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2016 et récemment prorogée avec le soutien de notre groupe, doit nous encourager. Elle a montré que la lutte contre le chômage n’était pas qu’une question budgétaire et qu’avec la mobilisation de tout un territoire, il est possible de proposer un emploi à toutes les personnes qui en sont durablement privées et souhaitent en retrouver un.

Il faut à présent aller plus loin. Dans le contexte économique, il nous faut faire preuve d’un volontarisme sans faille si l’on veut se donner les moyens de remporter la bataille de l’emploi, du moins la mener avec des armes aussi efficaces que possible, pour éviter que des milliers de personnes supplémentaires ne basculent dans la pauvreté. Avec le texte que nous présentons, le groupe La France insoumise, fidèle au programme « L’avenir en commun » et aux engagements de campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017, apporte une réponse concrète au défi posé par le chômage de longue durée en proposant la mise en place d’une garantie d’emploi pour les personnes qui en sont durablement privées. Cette proposition repose sur l’idée, théorisée dans les années 1970 par l’économiste étatsunien Hyman Minsky, qu’une lutte efficace contre le chômage suppose que l’État s’engage à fournir un emploi à toutes celles et tous ceux qui sont prêts à travailler au salaire minimum, et éventuellement au‑delà, en fonction des qualifications requises pour les emplois proposés. L’État assume, ce faisant, le rôle d’employeur en dernier ressort.

Contrairement à une idée parfois avancée, le travail ne manque pas dans notre pays. Au contraire, les domaines dans lesquels les besoins de la société ne trouvent qu’une satisfaction partielle sont nombreux : préservation de l’environnement, aide aux personnes âgées, aux enfants et aux malades, amélioration de la vie urbaine, animation en milieu scolaire, activités artistiques. Les opportunités pour l’emploi sont donc bien réelles aujourd’hui et, les économistes que nous avons interrogés l’ont rappelé, elles le seront davantage encore demain. Il ne fait guère de doute que la reconstruction écologique dans laquelle notre pays est encore trop timidement engagé induira nécessairement une hausse significative de la demande d’emplois dits « verts », tirée par l’émergence puis l’affermissement d’un modèle économique décarboné. Parallèlement, les métiers du lien, qui s’exercent dans le champ médico-social, dans celui de l’aide à domicile au bénéfice des personnes âgées ou de l’entretien des espaces publics, seront évidemment appelés, eux aussi, à occuper une place de plus en plus centrale dans notre société.

Voilà l’objet du dispositif imaginé par les rédacteurs et rédactrices de la proposition de loi : favoriser partout sur le territoire la création d’emplois ayant vocation à pourvoir à des besoins insatisfaits à ce jour, identifiés à l’échelon local de manière démocratique et transparente, et présentant une utilité sociale et écologique immédiatement perceptible pour la collectivité. Ces besoins ne sont pas imaginaires ; ils existent bel et bien, dans l’Hexagone et dans les territoires ultramarins, notamment dans le domaine sanitaire, pour ces derniers, en raison de la résurgence de certaines maladies.

La garantie d’emploi telle qu’elle est imaginée ici s’inscrit pleinement dans l’objectif de la bifurcation écologique et solidaire que les députés du groupe La France insoumise appellent de leurs vœux et qui implique une réorientation immédiate de l’ensemble des moyens de production, d’échange et de consommation afin que la société garantisse des conditions de travail dignes et des possibilités de survie collective. C’est l’une des composantes d’un ambitieux programme national, d’une formidable aventure collective, d’un gigantesque défi civilisationnel : la construction d’une société plus juste et solidaire, qui favorise l’harmonie entre les êtres et garantit la préservation de l’écosystème qui rend la vie humaine possible.

Les attentes sont fortes : les auditions préparatoires à l’examen du texte l’ont démontré. La réflexion est riche, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. À présent, il est temps d’en venir aux actes.

Une garantie d’emploi aurait un impact positif sur la relance économique et l’indispensable bifurcation écologique de notre pays. Oui, sa mise en œuvre aurait un coût pour les finances publiques. Mais elle serait aussi source d’économies pour l’assurance chômage et le système de protection sociale dans son ensemble, et tirerait à la hausse une consommation plus vertueuse des ménages. Qui peut sérieusement contester l’idée que les sommes versées au titre de l’indemnisation du chômage seraient mieux employées si elles servaient à la rémunération d’un travail ?

Une garantie d’emploi serait vectrice de progrès social, car un chômage moindre réduirait la pression à la baisse sur les salaires de la part des détenteurs et détentrices du capital. Elle donnerait une traduction concrète à la promesse de générations de révolutionnaires qui ont édifié la République et la rêvaient pleinement sociale. Cette promesse est formulée au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel chacun et chacune a « le droit d’obtenir un emploi ». Force est de reconnaître que, faute de revêtir un caractère opposable, ce principe demeure largement incantatoire en dépit de sa valeur constitutionnelle.

Cette proposition de loi s’articule autour de trois articles, mais nous espérons qu’elle sera enrichie pour permettre son adoption. L’article 1er confie au service public de l’emploi une nouvelle mission consistant à octroyer et financer un emploi à toute personne qui en est durablement privée. Il est important de redonner la plénitude de ses moyens à ce service public et de l’inscrire dans cette stratégie nationale, pour que sa structure soit mise au service de ce nouveau mécanisme. L’article 2 expose les principales caractéristiques du contrat conclu entre la personne en demande d’emploi et l’association d’emploi chargée du pilotage du nouveau dispositif à l’échelon territorial. L’article 3 définit la gouvernance du dispositif au plan national ainsi qu’au plan local.

Je forme le vœu que nous puissions débattre sereinement, de manière riche et constructive, d’un sujet qui revêt, aux yeux des députés insoumis et des députées insoumises, une importance capitale, à plus forte raison dans le contexte économique actuel. La représentation nationale se voit offrir aujourd’hui la possibilité de se montrer à la hauteur de l’enjeu.

M. Didier Baichère. Nous partageons, évidemment, l’objectif de lutter prioritairement contre le chômage de longue durée. Il est question de 1 200 000 personnes avant la crise du covid, potentiellement 1 600 000 aujourd’hui, ce qui donne la mesure du travail à mener. Mais nous ne sommes pas d’accord sur le chemin à emprunter. Nous ne croyons pas que l’État puisse devenir l’employeur de l’ensemble des demandeurs d’emploi.

Notre objectif est d’offrir aux entreprises un contexte économique et juridique favorable pour créer de l’emploi durable pour tous. Preuve en est apportée par le travail que nous avons mené en commun, puisque nous avons adopté à l’unanimité des groupes politiques la proposition de loi pour renforcer l’insertion par l’activité économique et étendre à cinquante territoires supplémentaires l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette loi, adoptée en fin d’année 2020, comporte plusieurs dispositifs. Je pense aux parcours d’insertion, dont le nombre de places va augmenter de 25 %, et aux contrats passerelles qui faciliteront l’intégration dans une entreprise en restant salarié d’une structure d’insertion.

Vous renvoyez à la responsabilité de l’État ; il a été proposé que, dans la commande publique, les critères sociaux soient placés au même niveau que les critères environnementaux. L’État sera donc exemplaire sur la qualité des emplois auxquels il sera fait appel pour répondre à sa commande. Les Républicains, le MoDem et le Parti socialiste ont soutenu ces amendements, qui ont été adoptés. Nous avons été jusqu’à indiquer un pourcentage des contrats qui pourraient être confiés à des structures favorisant la réinsertion des chômeurs de longue durée.

Le coût de la mesure proposée dans ce texte est un vrai problème. J’ai tenté de réaliser un chiffrage rapide : j’aboutis à environ 80 milliards d’euros, sans compter tous les renouvellements que vous prévoyez. C’est presque le coût du plan de relance.

Nous ne soutiendrons pas ce texte dont les mesures ne sont pas chiffrées, et nous privilégions d’autres chemins pour lutter contre le chômage de longue durée.

M. Gérard Cherpion. Nous sommes, évidemment, d’accord pour reconnaître que l’emploi est un enjeu essentiel pour la population. Mais il y a beaucoup de divergences entre nous sur les moyens de lutter contre le chômage de masse.

Vous invoquez le Préambule de la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Le Conseil constitutionnel a tranché sur ce point : ces textes ne créent pas d’obligation de résultat pour l’État, mais une obligation de moyens. Or les moyens sont mis en œuvre, même si on peut toujours considérer qu’ils sont insuffisants. D’ailleurs, plusieurs lois ont été votées ces derniers temps, de façon assez consensuelle, pour accorder un maximum d’éléments allant dans ce sens.

Le système que vous proposez aboutit à fonctionnariser une partie de la population. Ce n’est pas du tout notre conception de l’emploi. Nous considérons que c’est au secteur privé de créer et développer l’emploi, et au secteur public, dans le cadre de ses fonctions régaliennes, de créer l’environnement nécessaire pour que la société fonctionne bien et que les entreprises puissent se développer, par exemple en apportant la sécurité juridique par le code du travail.

Votre dispositif oblige les collectivités à embaucher des personnes éloignées de l’emploi. Des systèmes permettent déjà à beaucoup de collectivités de le faire.

Vous proposez des contrats de douze mois renouvelables trois fois, donc trente-six mois, au niveau de rémunération antérieure, sans prévoir de limite. On ne sait pas quels emplois seraient donnés à ces personnes. Et si certains avaient des salaires importants, comment fera la collectivité pour les rémunérer ?

Même si cette proposition peut sembler généreuse, elle risque, au contraire, d’affaiblir le système, et le travail cesserait d’être une valeur telle que nous la concevons aujourd’hui. Nous voterons contre cette proposition.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Cette proposition de loi instaure le principe d’un État employeur en dernier ressort. Concrètement, il s’agirait que l’État s’engage à embaucher toute personne qui le souhaite, au salaire minimum, par un contrat à durée déterminée d’au moins douze mois renouvelable deux fois. Cette conception, qui s’apparente à une nationalisation de l’emploi, est à l’exact opposé des valeurs défendues par le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés ; même les Soviétiques n’ont pas osé !

Ce texte écarte totalement les entreprises du processus de dynamisation du marché du travail. Pire encore, il les dédouane de tout objectif de création et de maintien de l’emploi, puisque l’État incarnerait le pompier de service. Cela me fait penser à l’expérience malheureuse des Ateliers nationaux, destinés à fournir du travail aux chômeurs après la révolution de février 1848. Cette expérience sociale n’avait duré que trois mois, pour un résultat catastrophique. La comparaison avec le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » n’est pas pertinente, puisque celui-ci constitue une solution d’appoint à l’échelle microéconomique pour les territoires clairement identifiés comme durablement sinistrés. Il ne s’agit en aucun cas de généraliser un tel principe sur le plan macroéconomique. Si votre proposition était sérieuse, vous proposeriez un chiffrage, mais il n’en est rien.

Face à la crise, nous préférons déployer des mécanismes efficaces d’aide et de soutien aux entreprises afin de les inciter à conserver l’emploi et à en créer de nouveaux. C’est ce que s’efforcent de faire le Gouvernement et la majorité avec les dispositifs protecteurs pour les entreprises, pour garantir les emplois, les salaires et développer de nouvelles industries pour la création de nouveaux emplois. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe MoDem s’opposera fermement à cette proposition de loi.

M. Boris Vallaud. Il y a quelques mois, nous étions nombreux à défendre la généralisation de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », et non son seul élargissement. Cette proposition de loi explore un champ voisin et s’approche de réflexions menées par un certain nombre de think tanks autour de l’emploi vert garanti, sujet que nous étudions avec beaucoup d’organisations non gouvernementales et d’autres partis politiques, ainsi que des réflexions en cours aux États-Unis sur les ateliers nationaux. Certaines inspirations peuvent être intéressantes.

Cette proposition se fonde sur l’idée que nul n’est inemployable. C’est une promesse républicaine qu’il faut tenir et dont Territoires zéro chômeur de longue durée nous a convaincus. Elle part aussi du fait que le manque d’emplois n’est pas le manque de travail, et qu’il faut réfléchir aux possibilités de valoriser le travail hors emploi, le travail gratuit, l’engagement. Au fond, seuls les grands chefs d’entreprise ont d’autres façons de se rémunérer que le salaire, et beaucoup de gens sont renvoyés au bénévolat, à l’amateurisme, pour remplir des missions qui sont pourtant essentielles.

Cette proposition ouvre aussi une réflexion sur le coût de la pauvreté et celui des politiques de lutte contre la pauvreté. Certains soulèvent la question du chiffrage, mais qui peut dire combien coûte la pauvreté ? Je prétends qu’il coûte moins cher de lutter contre la pauvreté que de l’accepter. ATD Quart Monde en a fait la démonstration à plusieurs reprises. Le coût de la mesure doit être évalué sous cet angle, et nos homologues belges, qui veulent expérimenter le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », ont démontré que le coût net de cette mesure était positif.

Comme la précédente proposition de loi examinée en première partie de cette réunion, celle-ci nous rappelle la centralité du travail, mais du travail digne, porteur de sens, qui n’abîme pas, qui émancipe. En examinant le texte dans le détail, nous trouvons un certain nombre de points de désaccord et des éléments qui méritent un débat approfondi. Je souhaite que nous puissions en discuter dans l’hémicycle et que cette proposition de loi prospère. C’est pourquoi nous la soutiendrons.

M. Paul Christophe. À la lecture de ce texte, plusieurs points de vigilance sont à souligner. Si le concept de garantie d’emploi peut paraître séduisant en théorie, sa mise en pratique semble inadaptée au marché de l’emploi et risquée pour l’équilibre des finances publiques.

L’article 1er prévoit que l’octroi et le financement d’un emploi doivent correspondre aux qualifications, à la formation et au parcours professionnels de la personne en recherche d’emploi. En partant du postulat que le marché de l’emploi doit s’adapter aux spécificités des personnes au chômage, vous désolidarisez le chômage de l’employabilité des actifs, et donc de la formation initiale et continue. Or nous estimons que le marché du travail est éminemment évolutif, en pleine mutation, suivant l’évolution des secteurs d’avenir. Cloisonner les chômeurs à leurs compétences acquises et à leur formation nuira considérablement à l’évolution professionnelle des futurs actifs, à leur émancipation, ainsi qu’au dynamisme de notre système économique.

Vous n’évoquez pas le ressort géographique de l’offre. Dans quel périmètre devrait-elle s’inscrire ? D’un point de vue pragmatique, aucune disposition ne définit concrètement la suite de la garantie d’emploi : qu’advient-il une fois dépassé le quota des douze mois renouvelables deux fois ? Cette lacune nuit à la compréhension de l’objectif de votre proposition de loi et pourrait induire un leurre, celui de l’embauche définitive.

Nous manquons d’éléments chiffrés pour évaluer l’impact réel et global de cette proposition sur l’équilibre de nos finances publiques et de celles des collectivités locales. Il n’est pas concevable de naviguer à vue sur un tel sujet. Notre groupe ne votera pas ce texte.

Mme Martine Wonner. Depuis le début de l’épidémie de covid-19, les chiffres de l’emploi sont très préoccupants. Selon le groupe Libertés et Territoires, dans un tel contexte de crise et d’incertitude, alors que la précarité s’amplifie et que les difficultés à trouver un emploi sont décuplées, il est incompréhensible que le Gouvernement poursuive sa réforme de l’assurance chômage. Si certains des objectifs étaient partagés, comme la lutte contre les contrats courts, d’autres dispositifs ne se justifient plus. D’importants effets pervers sont à craindre, en particulier sur les jeunes et les plus précaires, alors même qu’ils sont les plus vulnérables face à la crise.

Au-delà du chômage conjoncturel, renforcé par cette crise, cette proposition de loi a le mérite de soulever le problème du chômage structurel, dit de longue durée. Les échecs des politiques qui se sont succédé ces dernières années montrent que d’autres pistes doivent être creusées. La flexibilisation du marché du travail a montré ses limites. Qu’il s’agisse des baisses de cotisations ou du crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises, les embauches n’ont pas été au rendez-vous. Surtout, ces politiques se sont parfois menées au détriment de la sécurité des Français, de celle des travailleurs et des plus fragiles, notamment des jeunes.

Nous partageons les arguments de la rapporteure sur le coût que représente le chômage de longue durée : perte d’employabilité et de sociabilité, difficultés d’accès aux soins et coût important en termes de dépenses sociales. C’est pourquoi notre groupe s’est toujours prononcé en faveur de la poursuite et de l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », dont la proposition de loi semble s’inspirer assez largement. Il importe que cette expérimentation soit menée à son terme et évaluée afin de tirer les enseignements de la première phase. Il nous paraît essentiel que l’initiative vienne des territoires. Surtout, si nous encourageons son extension, il est nécessaire que les comités locaux chargés de l’accompagnement soient mieux dotés financièrement. Or la participation de l’État prévue pour 2021 est très insuffisante au regard des objectifs fixés par l’exécutif.

M. Adrien Quatennens. Pour nous, l’emploi est le commencement de tout, et d’abord de l’autonomie individuelle. L’emploi est d’ailleurs un droit proclamé dans la Constitution : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Il en découle la nécessité que l’État et son gouvernement concourent à rendre ce droit effectif en mobilisant tous leurs moyens. Nous pensons que c’est un échec absolu.

Sans parler des destructions d’emplois malgré les aides versées par l’État, avant même la crise, 80 % des embauches se faisaient sous contrats courts. Les quelque 300 000 emplois non pourvus souvent évoqués ne font pas le poids en comparaison des 7 millions de chômeurs disponibles. D’ailleurs, les statistiques du chômage – dont une personne peut être exclue à la faveur d’un contrat extrêmement court – cachent une réalité sociale brutale. Le chômage est une souffrance, pourtant, c’est sur le dos des chômeurs que ce gouvernement entend réaliser 2,3 milliards d’euros d’économie avec sa réforme de l’assurance chômage.

Nous portons donc l’ambition d’éradiquer le chômage et d’atteindre le plein emploi, au moyen de trois leviers essentiels.

Le premier est le partage du temps de travail. Le nombre de demandeurs d’emploi augmente plus vite que le nombre d’emplois créés, car le temps de travail est bloqué en France depuis 2002, malgré les gains de productivité. On produit plus avec moins de main‑d’œuvre, pourtant on ne partage pas le travail entre tous. Partager le temps de travail, travailler moins pour travailler tous et travailler mieux, est une solution efficace pour lutter contre le chômage.

Le deuxième levier est la planification de la bifurcation écologique. Outre l’impérieuse nécessité de faire face au changement climatique, cette planification se traduirait en millions d’emplois créés.

Le troisième levier est la garantie d’emploi, dont nous débattons aujourd’hui. Nous voulons sortir de l’utilisation du chômage pour exercer une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail. Nous ne partageons pas l’idée selon laquelle le travail va manquer ; compte tenu de toutes les tâches à accomplir pour réaliser la bifurcation écologique, nous affirmons que nous ne manquons pas de travail, mais d’emplois. L’État, qui doit concourir à garantir le droit à l’emploi proclamé dans la Constitution, ne doit plus dépendre du bon vouloir du marché de l’emploi et de l’utilisation volontaire du chômage. Avec la garantie d’emploi, l’État s’engage à proposer ou à financer un emploi à tout chômeur qui souhaite travailler, au salaire de base du secteur public ou davantage. Ces emplois pourraient également assurer la réalisation de travaux indispensables qui ne sont pas pris en charge : entraide, emplois verts, métiers du lien.

Voilà une proposition dont le potentiel est maximal. Elle devrait faire réfléchir celles et ceux qui prétendent défendre la valeur travail mais n’ont aucune autre solution au chômage de masse que des cadeaux fiscaux sans contrepartie et une pénalisation détestable des personnes touchées par le chômage.

M. Bernard Perrut. La proposition de loi que vous présentez a le mérite de valoriser le travail en tant que droit, mais aussi en tant que devoir pour tous nos concitoyens, comme le prévoient le Préambule de la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Cependant, l’État n’a pas une obligation de résultat, mais de moyens, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel. L’État doit faire son possible afin que chacun puisse avoir un emploi, à travers l’organisation du marché de l’emploi, de Pôle emploi, de divers dispositifs et d’aides aux entreprises.

Le travail dépend des travailleurs, de leur formation, de leur volonté, et bien évidemment des entreprises, c’est-à-dire de l’offre d’emploi dans notre pays. Avez-vous pu estimer le volume d’emplois à créer, pour quels métiers, et vers quelles formations aller ? Comment correspondrait-il au nombre de chômeurs ?

En cas d’utilisation de votre dispositif, comment assurer le retour à l’emploi « traditionnel » des personnes après les douze mois renouvelables que vous préconisez ? Quel accompagnement à la réinsertion professionnelle prévoyez-vous ? C’est essentiel, parce que nous ne pouvons fonctionnariser à vie tous les chômeurs actuels pour des missions dont nous ne connaissons pas la teneur ni l’utilité réelle.

Vous proposez la création d’une énième instance, puisque vous souhaitez installer des comités des partenaires dans chaque agence locale de Pôle emploi, c’est-à-dire une nouvelle usine à gaz qui serait seule décisionnaire.

Enfin, le financement n’est évoqué que par l’expression « l’argent ne manque pas ». Sachant que l’épidémie de covid-19 va coûter quelque 420 milliards d’euros aux finances publiques entre 2020 et 2022, nous percevons les limites de l’exercice. J’aimerais entendre la rapporteure à ce sujet. Il n’est pas crédible que l’État puisse subvenir à la création de ces emplois sans condition, et il est regrettable que vous n’abordiez pas ce sujet dans votre texte. Sans moyens financiers, nous ne pouvons pas aller plus loin.

Mme la rapporteure. Je conçois que nos différentes conceptions du travail et de l’emploi obèrent les possibilités d’amender une proposition de loi dont vous ne partagez pas la philosophie.

Je tiens à vous rassurer : il ne s’agit pas de fonctionnariser tout le monde, ni d’aller plus loin que les Soviétiques. Nous nous référons plutôt à Roosevelt, puisque ce dispositif fait partie de ceux qui ont été mis en place dans le cadre du New Deal et qui sont actuellement envisagés aux États-Unis. Point n’est donc besoin d’évoquer l’Union soviétique. Du reste, ces dispositifs existent dans d’autres pays, comme l’Inde et l’Argentine, sous des formes différentes, qui n’impliquent pas nécessairement la fonctionnarisation. La forme retenue en Argentine est très décentralisée.

Nous trouvons aussi des exemples dans l’histoire. Les Ateliers nationaux que vous évoquez peuvent être considérés comme une forme primaire d’assurance chômage. Ils ont, en tout cas, permis de faire émerger l’idée d’une responsabilité de l’État. D’autres s’en sont inspirés pour élaborer les dispositifs qui ont constitué notre système de protection sociale ; ne les balayons pas d’un revers de la main. Nous partageons l’idée que la collectivité, la puissance publique, a une responsabilité.

Certains collègues considèrent que c’est aux entreprises qu’incombe la responsabilité de créer des emplois. Je considère que leur objectif premier est de faire des profits – c’est consubstantiel à leur nature, dans la logique même du capitalisme. C’est pour cela qu’elles n’ont aucune difficulté à détruire de l’emploi si cela participe de leur stratégie. La création d’emplois n’est donc pas une conséquence automatique de la bonne marche des entreprises ; souvent, la destruction d’emplois leur est bien plus profitable.

La doxa en vigueur depuis un demi-siècle, selon laquelle il faut aider les entreprises à créer des emplois, est un échec puisque la France et d’autres pays se sont installés dans un chômage de masse. Cet échec est même théorisé par le non-accelerating inflation rate of unemployment (NAIRU), qui postule la nécessité d’un niveau de chômage optimal pour la bonne marche de l’économie. Le maintien d’un chômage structurel est considéré comme un élément nécessaire au système économique.

Nous considérons que ce n’est pas le maintien du chômage de masse qui devrait constituer un stabilisateur pour l’économie, mais la garantie de l’emploi. Je vous renvoie aux travaux de Pavlina R. Tcherneva et aux simulations de mise en place d’un système de garantie d’emploi réalisées aux États-Unis : ils démontrent que cette mesure a des effets macroéconomiques positifs, notamment par la consommation, au-delà des bénéfices sociaux apportés aux personnes qui retrouvent un travail.

L’initiative parlementaire ne nous fournit pas les moyens d’effectuer ce type de travaux. Il serait d’ailleurs utile de réfléchir aux moyens dont disposent les parlementaires pour obtenir des données et réaliser des simulations et des études d’impact. En tout cas, des arguments macroéconomiques et monétaires existent en faveur de cette mesure ; il ne s’agit pas de mener l’État à la banqueroute.

Par ailleurs, la situation actuelle montre que s’il n’y a pas d’argent magique, on sait trouver les moyens. De fait, l’État assure aujourd’hui une garantie d’emploi en finançant le chômage partiel ; l’État est employeur en dernier ressort du fait de la crise. Nous ne devrions pas avoir besoin de ces circonstances pour penser autrement la responsabilité de l’État. Si nous nous accordons à considérer le chômage de masse comme une catastrophe sociale, économique et sanitaire dont les effets sont dévastateurs, équivalents à ceux d’un virus pour le corps social, alors le rôle de l’État doit être renforcé pour inscrire la lutte contre le chômage dans une stratégie globale de relance de l’activité par la bifurcation écologique et solidaire, en se fixant l’objectif du plein emploi.

Le dispositif que nous proposons s’inspire de ce qui existe déjà. Nous pensons qu’il est nécessaire de généraliser et de systématiser ce qui se fait, et nous proposons une déclinaison du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Le redéveloppement d’un certain nombre de services publics – donc le financement de nouveaux services publics – mais aussi le recours à la commande publique pour relancer le secteur privé permettent de dessiner une politique globale. Le périmètre concerné n’est ni le secteur public ni le secteur privé, mais celui de l’économie sociale et solidaire. Il permet aux personnes privées d’emploi de contribuer par leur travail au bien-être de la collectivité, puis d’évoluer professionnellement et de se tourner ensuite vers l’emploi public ou privé. Les personnes n’auront pas vocation à se maintenir dans ce système, dont nous avons une vision dynamique. Comme c’est le cas pour les dispositifs existants, nous prévoyons un volet de formation et de requalification important. Ce sera notamment le rôle du service public de l’emploi, dont les moyens devront être augmentés pour assurer ces missions.

Notre proposition n’est pas du tout contradictoire avec la volonté de notre assemblée d’étendre le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous avons l’ambition d’aller plus loin, sachant qu’il faudra penser différemment dans les mois à venir. L’année dernière, pendant le premier confinement, il a souvent été question du monde d’après, du « quoi qu’il en coûte », et de penser autrement notre rapport au travail. Nous nous inscrivons dans cette démarche : éradiquer le chômage de longue durée ne sera pas possible en étendant tous les cinq ou dix ans un dispositif en place. Ces dispositifs perdent les qualités qui font leur intérêt si l’on n’y consacre pas les moyens permettant de les appliquer sur l’ensemble du territoire national. Cette démarche s’inscrit dans une réflexion partagée au niveau international.

J’ai déposé quelques amendements afin de préciser certains points, et je vous invite à déposer vos propres amendements en séance publique pour contribuer à ce débat parlementaire. Nous souhaitons qu’il permette la mise en œuvre de véritables politiques de l’emploi usant des outils les plus efficaces qui soient pour éradiquer le chômage de longue durée. Nous espérons que le dispositif que nous vous proposons y contribuera.

M. Didier Baichère. Les politiques de soutien aux entreprises, dites-vous, ont échoué. Selon la DARES, le taux de chômage – 7,6 % – était en 2019 le plus bas jamais atteint depuis des dizaines d’années et nous avons créé 500 000 emplois. Notre politique a donc porté ses fruits, hélas réduits à néant par la crise du covid.

Nous avons également poursuivi la politique des emplois subventionnés avec le plan 1 jeune, 1 solution, et cela fonctionne : jamais nous n’avons eu autant d’apprentis et autant de jeunes accédant à leur premier contrat à durée indéterminée.

Nous travaillons, au sein de cette commission, sur le financement de l’emploi : ce sont plus de 13 milliards d’euros qui sont consacrés à l’accompagnement de ces mesures, 12 milliards supplémentaires ont été débloqués cette année dans le cadre du plan de relance, soit 600 millions de plus que l’an dernier, et plus de 2,5 milliards sont exclusivement consacrés à l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Nous n’empruntons certes pas le même chemin que vous, mais nous sommes très impliqués dans la question du chômage de longue durée.

M. Dominique Da Silva. Je préfère que l’on s’attache à résoudre les problèmes de chômage par l’emploi plutôt que par l’allocation. Si la prolongation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » a été adoptée à l’unanimité, c’est bien que nous sommes d’accord sur un principe : l’activation des dépenses passives, selon laquelle il est préférable d’affecter les 18 000 euros que coûte par an l’indemnisation d’un chômeur de longue durée à la rémunération d’un emploi. Or, selon les rapports d’évaluation, 5 000 euros seulement sont en fait activés. L’écart est immense, sauf à considérer que les dépenses publiques, donc les impôts, peuvent encore augmenter.

De plus, il ne me paraît pas opportun d’en appeler systématiquement au droit à l’emploi, alors que le Préambule de la Constitution – on l’oublie trop souvent – dispose d’abord : « Chacun a le devoir de travailler ».

Mme la rapporteure. Sans doute le coût du chômage est-il sous‑estimé et devrait-il tenir compte de ses conséquences en termes éducatifs, sanitaires et sociaux. Des évaluations plus précises s’imposent. Le problème, en effet, n’est pas tant le coût du dispositif que nous proposons que celui du chômage et de ses conséquences directes et indirectes pour l’ensemble de la société.

Certes, des dispositifs d’aide à l’emploi existent, mais je rappelle que ce gouvernement a réduit le nombre de contrats aidés, y compris pour les associations, qui en sont considérablement pénalisées. Les responsables des associations Emplois Verts de La Réunion, par exemple, nous ont assuré que le nombre de parcours emploi compétences (PEC) est insuffisant à combler un tel déficit.

Par ailleurs, nous atteignons peut-être les limites de ce type de dispositifs d’accompagnement, même s’il n’est pas question pour nous de faire table rase du passé. Il faut tenir compte de leurs enseignements, notamment pour la jeunesse, afin de les faire évoluer, d’en garder le meilleur et de les généraliser, mais il faut également accomplir un saut qualitatif. C’est précisément ce que nous proposons.

Enfin, l’opposabilité est une garantie pour les personnes qui veulent exercer ce droit à l’emploi, et se situe aux antipodes des discours stigmatisant les chômeurs ou prônant le renforcement des mesures de contrôle et de police. Il y va de notre responsabilité collective, y compris pour nous, en tant que parlementaires : jusqu’ici, nous avons tous failli à notre obligation de moyens et nous devons maintenant nous montrer à la hauteur.

II.   Examen des articles

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Avant l’article 1er

La commission est saisie de l’amendement AS1 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement vise à proclamer solennellement l’engagement de l’État à l’égard des demandeurs et demandeuses d’emploi de longue durée. Il est primordial que notre pays agisse et finance ce dispositif ambitieux qu’est la garantie d’emploi de droit opposable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er : Principes généraux de la garantie d’emploi de droit opposable

La commission est saisie de l’amendement AS2 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement répond en partie à des demandes que des collègues viennent de formuler. Dans la lignée de notre proposition de résolution déclarant la nécessité d’une bifurcation écologique et solidaire pour aller vers les jours heureux, cet amendement vise à préciser le caractère « vert » des emplois qui seront proposés. La garantie d’emploi permettrait de répondre à des besoins localement identifiés, sociaux et écologiques, qui ne sont pas satisfaits parce que non rentables pour le secteur privé, ce qui serait bénéfique à la fois pour les personnes sans emploi et pour la collectivité.

M. Didier Baichère. Nous voterons contre cet amendement mais nous nous rejoignons à propos des métiers liés à la transition écologique. C’est d’ailleurs tout le sens du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : augmentation du nombre de clauses environnementales et inclusion des clauses sociales dans les contrats, sécurisation des capacités budgétaires qui y sont consacrés dans les clauses de concession. Accroître le nombre d’emplois dans le domaine de la transition écologique, oui, créer une obligation d’embauche, non !

M. Paul Christophe. Je m’interroge sur le terme de « bifurcation », qui suppose de choisir entre deux voies. Quelles sont-elles dans le domaine écologique ?

M. Gérard Cherpion. De plus, un tel fléchage exclut des personnes de l’emploi plus qu’il ne les inclut : outre l’indéfinition de ce terme, tout le monde ne peut ni ne veut opter pour ce type d’emplois.

Mme la rapporteure. Nous préférons, en effet, le terme de « bifurcation » à celui de « transition », car nous sommes confrontés à un défi civilisationnel : c’est l’ensemble de nos modes de production, de consommation et d’échange qu’il convient de changer, ce qui implique des ruptures et pas une simple évolution linéaire à travers des incitations. La transition vers un monde plus responsable écologiquement ne saurait être naturelle. Si tel était le cas, nous y serions parvenus tant nous connaissons depuis longtemps les conséquences de nos activités économiques et industrielles. Or aucun changement notable n’est constaté et nous sommes au pied du mur. Nous devons donc opter pour un changement radical.

Le dispositif que nous proposons n’exclut personne. Encore une fois, il s’agit de s’inscrire dans une stratégie de plein emploi et de relance de l’activité, y compris en redynamisant le secteur privé grâce à la puissance publique. Nous avons en vue une dynamique globale.

Je répète également que le service public de l’emploi ne se réduit pas à ce dispositif et qu’il continuera à accompagner un certain nombre de personnes en fonction de leurs qualifications. Il disposera, de surcroît, de moyens plus importants, alors que Pôle emploi en manque pour accomplir ses missions.

Je précise, enfin, que la garantie d’emploi par l’État employeur « en dernier ressort » vise essentiellement la solvabilité de ce dispositif, son pilotage relevant du plan local et des structures existantes.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS3 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement clarifie la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux dans l’application de la garantie d’emploi. Il ne s’agit pas d’amoindrir le rôle de la région mais de rappeler que la participation des départements et des communes est tout aussi essentielle. À la suite des expérimentations en cours, il convient de favoriser l’auto‑organisation et l’auto‑administration à l’échelle locale, à partir des besoins du terrain.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Je vais me permettre une bifurcation... Si la majorité a diminué le nombre de contrats aidés, c’est en raison de leur utilisation, bien souvent plus profitable à la structure qu’à l’insertion des personnes. Toutefois, depuis le début de la crise sanitaire, nous les avons renforcés : les PEC ont joué leur rôle, de même que les contrats initiatives emploi dans le secteur marchand. On ne peut pas dire que le Gouvernement n’a rien fait ! Tout le problème est de parvenir à mobiliser les collectivités et les associations pour que les PEC soient effectivement utilisés, en faveur de l’insertion.

M. Boris Vallaud. Je ne peux pas laisser passer de tels propos ! Vous avez mis en difficulté un nombre considérable de structures et de personnes en considérant qu’il est préférable d’avoir de vrais chômeurs plutôt que de faux emplois, puisque c’est ainsi que vous les considérez. Il ne faut pas raconter n’importe quoi – et tant mieux si vous avez réactivé les emplois aidés pendant cette crise !

Votre ministre déléguée chargée de l’insertion, lorsqu’elle présidait un conseil départemental, avait proposé que le versement du revenu de solidarité active (RSA) soit conditionné à l’exercice d’une activité, ce que le Conseil d’État avait d’ailleurs invalidé. Il y a donc bien deux philosophies du travail, du devoir, de l’effort, qui nous opposent profondément.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle rejette l’amendement rédactionnel CS4 de la rapporteure.

 

Enfin, elle rejette l’article 1er.

 

Article 2 : Caractéristiques du contrat de travail conclu entre le demandeur ou la demandeuse d’emploi et la structure chargée du pilotage de la garantie d’emploi de droit opposable au plan local

La commission est saisie de l’amendement CS5 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement, qui clarifie la rédaction de l’alinéa 4, poursuit deux objectifs : d’une part, indiquer expressément que toute personne durablement privée d’emploi sera éligible au dispositif de la garantie d’emploi, lequel devra lui permettre d’obtenir un emploi répondant à un besoin local identifié par une structure nouvelle, l’association d’emploi chargée de piloter le dispositif à l’échelon territorial ; d’autre part, prévoir que la personne éligible au dispositif conclura, avec l’association d’emploi en question, un contrat de travail qui définira notamment la ou les missions qui lui seront confiées.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette successivement les amendements rédactionnels CS6 et CS7 de la rapporteure.

 

Elle en vient à l’amendement CS10 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement clarifie la rédaction de l’alinéa 8 pour prévoir que le contrat conclu dans le cadre du nouveau dispositif de garantie d’emploi devra porter la mention « contrat de droit opposable » et qu’y sera annexée la convention tripartite conclue entre Pôle emploi, l’association d’emploi qui pilotera le dispositif sur le plan local et la personne intéressée. Cette convention arrêtera les modalités de mise en œuvre dudit dispositif : missions de Pôle emploi et de l’association d’emploi, droits et obligations du bénéficiaire, caractéristiques du contrat de travail...

M. Gérard Cherpion. Vous octroyez de nouvelles compétences à Pôle emploi alors que, dans votre rapport, vous en critiquez le fonctionnement. Pôle emploi fait un travail difficile et ne peut pas tout réussir mais son action est remarquable et ses agents doivent être salués.

Mme la rapporteure. Nous pointons les limites de cette structure, comme le font d’ailleurs eux-mêmes les agents de Pôle emploi. Les difficultés qu’ils rencontrent – augmentation de la charge de travail, suivi des dossiers – s’expliquent par les choix politiques qui ont été faits depuis la fusion de métiers différents qui a présidé à la création de cet organisme.

Il n’en reste pas moins que l’application du dispositif que nous proposons impliquera de donner plus de moyens à Pôle emploi, notamment en matière de formation. Loin de nous l’intention de critiquer le service public de l’emploi : nous voulons, au contraire, qu’il bénéficie de tous les moyens nécessaires afin que ses agents ne soient plus en souffrance. C’est à l’État de garantir les bonnes conditions de cet exercice.

M. Didier Baichère. J’ai évoqué tout à l’heure un certain nombre d’éléments budgétaires, dont les 600 millions d’euros supplémentaires. Nous avons augmenté les effectifs de Pôle emploi, bien avant la crise, précisément parce que cela s’imposait pour faire face à la charge de travail.

M. Boris Vallaud. Les emplois que vous avez supprimés à Pôle emploi depuis le début du quinquennat n’ont pas été rétablis.

M. Didier Baichère. Je ne suis, en revanche, pas comptable des suppressions d’emplois qui ont été décidées avant...

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle rejette successivement les amendements CS8, de correction, et CS9, de précision, de la rapporteure.

 

Enfin, elle rejette l’article 2.

 

Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement CS11 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement consacre le caractère opposable du droit à l’emploi et ouvre à la demandeuse ou au demandeur d’emploi dont la demande aurait été indûment rejetée ou n’aurait pas été traitée dans un délai de deux mois la faculté d’introduire un recours devant la juridiction administrative aux fins qu’il soit ordonné à l’État de lui proposer un ou plusieurs emplois correspondant à sa qualification, sa formation et son parcours professionnel et tenant compte de ses besoins et contraintes.

La personne concernée pourra se faire assister par une association agréée par le représentant de l’État dans le département intervenant dans le champ de l’aide à l’insertion ou dans celui de la défense des personnes en situation d’exclusion.

Le tribunal, qui statuera dans un délai de deux mois, pourra ordonner à l’État de proposer à la personne intéressée un emploi s’il constate que les conditions autorisant le bénéfice de la garantie d’emploi sont réunies et qu’il ne lui a pas été proposé un emploi correspondant à sa qualification, sa formation et son parcours professionnel et tenant compte de ses besoins et contraintes.

M. Gérard Cherpion. Le demandeur d’emploi, qu’il soit ou non syndiqué, peut très bien se faire assister par les partenaires sociaux. Des conseillers sont d’ailleurs chargés de le faire savoir. Quel intérêt à surajouter de nouvelles structures qui n’apporteront pas un service supplémentaire ? De plus, si je ne conteste pas la qualité de l’association en question, elle sera sans doute moins efficace qu’un syndicaliste.

Mme la rapporteure. Il n’y a aucune restriction. Il s’agit simplement, par cet amendement, de préciser la procédure de recours.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 3 : Création de nouvelles structures nationales et locales pour coordonner la mise en œuvre de la garantie d’emploi

La commission est saisie de l’amendement CS12 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement précise les missions du Conseil national de la garantie d’emploi, qui a la responsabilité in fine de la bonne application du dispositif de la garantie d’emploi sur tout le territoire. Cette instance n’a pas pour vocation d’administrer étroitement ce dernier puisque, dans notre esprit, il doit être élaboré au plus près du terrain, sur un plan local. En revanche, ce Conseil administrerait le fonds et l’évaluation de ce dispositif. Il remettrait un rapport annuel au Parlement et opèrerait ainsi un contrôle ex-post des activités.

M. Paul Christophe. Finalement, vous prévoyez de fonctionnariser des millions de personnes, qui relèveraient certes de contrats à durée déterminée, dans le respect du revenu antérieur. Je crains que les salaires, dans le secteur privé, soient un peu plus élevés que dans la fonction publique, et je me demande comment une telle disparité de traitements serait gérée : des personnes intègreraient la fonction publique et seraient mieux rémunérées que des fonctionnaires titulaires qui ont passé des concours, etc.

Par ailleurs, considérez-vous que le RSA, qui joue un peu le rôle du dispositif que vous proposez, quoique son montant soit relativement inférieur, devrait être conditionné à l’exercice d’une activité ?

Mme la rapporteure. Bien sûr que non, puisque ces revenus seraient de nature différente : un minimum social n’est pas un salaire. En l’occurrence, il s’agit de dégager un salaire, qui ouvre des droits à la retraite, etc.

Par ailleurs, il n’est pas question de fonctionnariser tout le monde mais de favoriser l’emploi à travers des associations locales. L’État, quant à lui, finance le fonds, est le garant de sa solvabilité, mais il n’est pas l’employeur direct.

En revanche, les personnes qui ont pu bénéficier d’une formation et qui s’intéressent aux concours de la fonction publique doivent pouvoir intégrer cette dernière. D’ailleurs, des passerelles existent déjà. Il n’y a donc ni fonctionnarisation, ni concurrence déloyale.

M. Didier Baichère. Quid de l’avenir du RSA dans ces conditions, nul n’étant a priori inemployable – vous prenez à juste titre l’exemple de Territoires zéro chômeur de longue durée ? Votre travail n’est pas abouti.

Mme la rapporteure. Les contrats aidés ou le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » n’ont pas entraîné la suppression du RSA, dont il pourrait être d’ailleurs utile de discuter de la nature et des finalités. Je le répète, nous parlons d’un salaire, contrepartie d’un travail, pas d’un revenu de solidarité, quoique l’un n’empêche pas l’autre ni ne s’y substitue. La solidarité de la nation vis-à-vis des plus démunis ne doit pas exiger un travail en contrepartie.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 3.

 

Article 4 : Gages financiers

La commission rejette l’article 4.

 

L’ensemble des articles de la proposition de loi et des amendements portant articles additionnels ayant été rejetés, la proposition de loi est considérée comme rejetée par la commission.

*

*     *

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 

 


— 1 ––

   Annexe 1 :
LISTE DEs PERSONNES auditionnéeS PAR LA RAPPORTEURE

(Par ordre chronologique)

       M. Alix Rousseau, porte-parole du Collectif gilets citoyens 974

       Association Territoires zéro chômeur de longue durée (*)  M. Laurent Grandguillaume, président, et Mme Jeanne Bot, responsable du plaidoyer

       Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) – M. PierreÉdouard Magnan, président

       Audition commune

– M. Cédric Durand, économiste, maître de conférences à l’Université Paris 13

– M. Hadrien Clouet, chercheur associé au Centre de sociologie des organisations de Sciences Po

       Conseil régional de La Réunion Direction de l’égalité des chances, du plan de relance régional et des emplois verts M. Jacques Blard, directeur

       Table ronde d’organisations syndicales

 Force ouvrière (FO)  M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites

 Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)  M. Jean-François Foucard, secrétaire national en charge des parcours professionnels emploi formation

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)  M. Éric Courpotin, secrétaire confédéral, chef de file emploi/chômage, et M. Michel Charbonnier, conseiller politique

       Audition commune

 M. Alexandre Ouizille, président d’Hémisphère gauche

 Mme Chloé Ridel, directrice-adjointe de l’Institut Rousseau

       Association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC)  M. Gilles de Labarre, président, et M. Jean-Paul Domergue, responsable du plaidoyer

       Pôle emploi M. Paul Bazin, directeur général adjoint en charge de la stratégie et des affaires institutionnelles

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 

 


— 1 ––

   Annexe 2 :
LISTE DES TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE l’EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Code

Numéro d’article

1er

Code du travail

L. 5311-1

1er

Code du travail

L. 5311-3

1er

Code du travail

L. 5312-1

2

Code du travail

Section 10 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la cinquième partie [nouvelle]

 


([1])              Pavlina Tcherneva, La garantie d’emploi, La Découverte, mars 2021.

([2])              INSEE, « L’essentiel sur... le chômage », février 2021.

([3])              INSEE, « Une photographie du marché du travail en 2020 », mars 2021.

([4])              DARES, « Les demandeurs d’emploi », mars 2021.

([5])              Kadija Charni, « Le retour à l’emploi diminue-t-il avec l’âge ? Le cas des travailleurs âgés en GrandeBretagne », Centre d’études de l’emploi et du travail, juin 2019.

([6])              André Gorz, Métamorphoses du travail, quête du sens, 1988.

([7])              INSEE, « Une photographie du marché du travail en 2020 », mars 2021.

([8])              Ibid.

([9])              INSEE, « Au quatrième trimestre 2020, le taux de chômage se replie à nouveau, à 8,0 % », février 2021.

([10])              Pôle emploi-DARES, « Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi au 4e trimestre 2020 », mars 2021.

([11])              ATD Quart Monde, Claire Hédon, Didier Goubert et Daniel Le Guillou, Zéro chômeur, dix territoires relèvent le défi, avril 2019.

([12])              Olivier Blanchard et Lawrence Summers, « Hysteresis and the European Unemployment Problem », 1986.

([13])              Gary Becker, « Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education », 1964.

([14])              Michel Debout, Le traumatisme du chômage, janvier 2015.

([15])              Jacqueline Farache, L’impact du chômage sur les personnes et leur entourage : mieux prévenir et accompagner, avis du Conseil économique, social et environnemental, mai 2016.

([16])              Pierre Meneton, Marie Plessz, Émilie Courtin, Céline Ribet, Marcel Goldberg et Marie Zins, Le chômage : un problème de santé publique majeur, Revue de l’IRES, janvier 2018.

([17])              Anne Hammarström et Urban Janlert, « An Agenda for Unemployment Research : A Challenge for Public Health », 2005 cité dans « Le chômage : un problème de santé publique majeur », janvier 2018.

([18])              Dares Analyses, Chômage et santé mentale, des liens ambivalents, septembre 2015.

([19])              Robert Castel, L’insécurité sociale, qu’est-ce qu’être protégé ?, 2003.

([20])              Enquête Opinionway, Le bonheur au travail, décembre 2020.

([21])              Christine Abrossimov et Denis Prost, Étude macroéconomique sur le coût de la privation d’emploi, ATD Quart Monde, juin 2017.

([22])              INSEE, Tableau de l’économie française, édition 2020.

([23])              Pôle emploi, Part des demandeurs d’emploi indemnisables : situation au 30 juin 2020, Statistiques, études et évaluations, janvier 2021.

([24])              Audition de M. Pierre-Édouard Magnan, président du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP).

([25])              Clément Carbonnier, Bruno Palier, Chloé Touzet et Michaël Zemmour, Coût d’opportunité des politiques d’emploi en France : ce qu’on pourrait faire de mieux au même prix, Sciences Po LIEPP PolicyBrief, 2015.

([26])              Fabrice Gilles, Yannick L’Horty, Ferhat Mihoubi et Xi Yang, Les effets du CICE : une évaluation ex post, Direction générale du trésor, Économie & prévision, 2018/2 n° 214.

([27])              Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

([28])              Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

([29])              Institut Rousseau, Hémisphère gauche, Pour une garantie à l’emploi vert, février 2021.

([30])              Selon les termes employés par les auteurs de l’étude Pour une garantie à l’emploi vert réalisée par l’Institut Rousseau et Hémisphère gauche.

([31])              Audition de M. Laurent Grandguillaume, président de l’association « Territoires zéro chômeur de longue durée », et Mme Jeanne Bot, responsable du plaidoyer.

([32])              Institut Rousseau, Hémisphère gauche, op. cit.

([33])              Ibid.

([34])              Voir la proposition de résolution n° 2913 déclarant la nécessité d’une bifurcation écologique et solidaire pour aller vers les jours heureux.

([35])              Pavlina Tcherneva, op. cit.

([36])              Voir la décision n° 85-200 DC du 16 janvier 1986, Loi relative à la limitation des possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d’activité, considérant 4 : « Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques et détermine les principes fondamentaux du droit du travail ; qu’à ce titre, il lui appartient de poser des règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi tout en permettant l’exercice de ce droit par le plus grand nombre d’intéressés possible et le cas échéant en faisant contribuer les personnes exerçant une activité professionnelle à l’indemnisation de celles qui en sont privées ; ».

([37])              Article 1er de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

([38])              Article 16 de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi.

([39])              Audition de M. Pierre-Édouard Magnan, président du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP).

([40])              Audition de M. Laurent Grandguillaume, président de l’association « Territoires zéro chômeur de longue durée ».

([41])              Audition de M. Cédric Durand, économiste, maître de conférences à l’Université Paris 13.

([42])              Christine Abrossimov et Denis Prost, Étude macroéconomique sur le coût de la privation d’emploi, ATD Quart Monde, op. cit.

([43])              Audition de M. Hadrien Clouet, chercheur associé au Centre de sociologie des organisations de Sciences Po.

([44])              Luc Bérille et Jean-Michel Pottier, La prévention et la réduction du chômage de longue durée dans une perspective d’action territoriale, avis du Conseil économique, social et environnemental, juin 2020.

([45])              Décret n° 84-919 du 16 octobre 1984 portant application du livre IX du code du travail aux travaux d’utilité collective.

([46])              Voir les sections 1, 2 et 5 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail.

([47])              Jean-Marc Borello, Donnons-nous les moyens de l’inclusion, rapport remis à la ministre du travail, janvier 2018.

([48])              Circulaire n° DGEFP/SDPAE/MIP/MPP/2018/11 du 11 janvier 2018 relative aux parcours emploi compétences et au Fonds d’inclusion dans l’emploi en faveur des personnes les plus éloignées de l’emploi.

([49])              https://poem.travail-emploi.gouv.fr/detail-rapport/582dd2b989cfa0632619febd.

([50])              Institut Rousseau, Hémisphère gauche, op. cit.

([51])              DARES, Les contrats uniques d’insertion et les emplois d’avenir, n° 54, novembre 2018.

([52])              Avis (n° 1305, XVe législature) de M. Stéphane Viry présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2019 (tome III, Travail et emploi), octobre 2018.

([53])              Extraits de la tribune de Cédric Durand et Dany Lang, « Comment l’État peut-il combattre le chômage ? L’État, employeur en dernier ressort », publiée dans Le Monde, janvier 2013.

([54])              Voir le commentaire de l’article 1er.

([55])              https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10655733_607697d0de9a2.commission-des-affaires-sociales--revenu-de-solidarite-active-pour-les-jeunes-de-18-a-25-ans--gara-14-avril-2021