N° 4195

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 13
 

 

DÉfense : PRÉPARATION DE L’AVENIR

 

Programme 144 Environnement et prospective
de la politique de dÉfense

 

Programme 146 Équipement des forces

 

 

 

Rapporteur spécial : M. François CORNUT-GENTILLE

 

Député

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SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES DE L’ANNÉE 2020

I. l’exÉcution des crÉdits de la Mission dÉfense est conforme À la prÉvision et peu affectÉe par la crise sanitaire

A. Le respect de La loi de programmation militaire en 2020

1. Une programmation conforme à la loi de programmation militaire

2. L’exécution des crédits de paiement en hausse de 4 %

3. Un schéma d’emplois positif de 416 ETP

B. Une exÉcution faiblement affectÉe par la Crise sanitaire

1. Des dépenses supplémentaires financées sur les crédits de la mission

2. Un faible nombre de recrutements compensé par de moindres départs

3. Les surcoûts liés aux OPEX-MISSINT

C. La soutenabilitÉ de la trajectoire budgÉtaire en question

1. Un dégel partiel de la réserve de précaution

2. Des reports de charges maîtrisés

3. Des restes à payer à un niveau préoccupant

4. L’absence de débat parlementaire à mi-exécution de la LPM

II. le programme 146 Équipement des forces

A. des mesures de soutien À l’industrie de la dÉfense financÉe grÂce au redÉploiement de crÉdits non consommÉs

1. La mobilisation du ministère pour soutenir les entreprises de la défense touchées par la crise sanitaire

2. L’efficience de la dépense d’équipement

B. la base industrielle et technologique de la dÉfense (BITD) touchÉe par la diminution des exportations d’armement

C. L’impact de la crise sanitaire sur les livraisons d’Équipements et les capacitÉs opÉrationnelles

III. le programme 144 Environnement et prospective de la politique de dÉfense

A. Une exÉcution conforme aux prÉvisions de la loi de finances

1. Une sur-exécution des dépenses de renseignement

2. Une sous-consommation des crédits de la prospective de défense

a. L’analyse stratégique

b. La prospection des systèmes de forces

c. Les études amont

3. Les crédits dédiés aux relations internationales et à la diplomatie de défense en retrait

4. Les opérateurs rattachés au programme 144

B. L’impact de la crise sanitaire sur le dÉveloppement des capacitÉs de dÉfense

1. Le développement contraint des capacités technologiques et industrielles de défense

2. La sécurisation de l’accès aux données classifiées et le contrôle des technologies nécessaires à la défense

IV. Le manque de transparence des moyens affectÉs À l’innovation de dÉfense

A. l’Agence de l’innovation de DÉfense (AID)

B. Les fonds sans personnalitÉ juridique

C. Les Autres outils de soutien À l’innovation

SECONDE PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION : LE CONTRÔLE FINANCIER, JURIDIQUE ET TECHNIQUE DES EXTERNALISATIONS DU MINISTRE DES ARMÉES

I. Un manque de transparence de la part du ministÈre des armÉes

II. Le Suivi des recommandations du rapporteur spÉcial

A. Sur les marchÉs d’externalisation d’affrÈtements aÉriens, routiers et maritimes

B. Sur les sociÉtÉs prestataires

C. SUR les aÉronefs affrÉtÉs

D. sur la protection du secret des opÉrations

E. Sur l’Économat des armÉes

CONCLUSION

EXAMEN EN COMMISSION

SOURCES UTILISÉES


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   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clÉs

1. Le montant des CP de la mission atteint 46,7 milliards d’euros, dont 37,5 milliards d’euros hors CAS Pensions. Il progresse de 4 % par rapport à 2019.

exÉcution des crÉdits de la mission DÉfense en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

P144 – Environnement et prospective de la défense

1 765,8

1 784,5

+ 1 %

1 547,8

1 541,4

– 0,4 %

P178 – Préparation et emploi des forces

16 248,5

13 266,5

– 18 %

10 003,8

10 540,0

+ 5 %

P212 – Soutien de la politique de la défense

21 981,5

22 110,5

+ 0,6 %

21 937,1

21 970,8

+ 0,2 %

P146 – Équipement des forces

25 352,3

13 699,4

– 46 %

12 587,8

12 623,4

+ 0,3 %

Total

65 348,1

50 860,9

 22 %

46 076,5

46 675,6

+ 1,3 %

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance de la mission Défense pour 2020.

Pour sa deuxième année de mise en œuvre, la loi de programmation militaire 20192025 (LPM) a été respectée en programmation comme en exécution.

Toutefois, la mise en œuvre de la LPM s’inscrit dans un contexte budgétaire bouleversé. À cet égard, l’absence du débat pourtant prévu sur la révision de la LPM est regrettable. Il est en fait d’autant plus nécessaire que la situation économique mouvante est source d’incertitude.

Les surcoûts liés aux opérations extérieures et missions intérieures (OPEX-MISSINT) s’élèvent à 1,44 milliard d’euros. Ils ont été pris en charge sans recourir à la solidarité interministérielle, en partie grâce à une hausse de la provision totale, qui atteint 1,2 milliard d’euros en LFI 2020.

La mission fait l’objet d’un niveau de restes à payer préoccupant (64 milliards d’euros). L’importance des engagements non couverts par des paiements – qui constituent autant de CP à mobiliser dans le futur – risque de rigidifier la capacité future des armées à engager des dépenses nouvelles et à corriger des décisions passées.

S’agissant du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, les études amont (757 millions d’euros en CP) font l’objet d’une forte sous-exécution en raison de reports d’études dus à la crise sanitaire. Les dépenses de renseignement ont une nouvelle fois été surconsommées (418 millions d’euros en CP), notamment au profit de la DGSE.

Le rapporteur spécial tient à souligner l’opacité des crédits de soutien à l’innovation de défense. Les moyens budgétaires et humains affectés à l’Agence pour l’innovation de défense n’apparaissent nulle part dans les documents budgétaires. En outre, la Cour des comptes est très critique quant à la gestion des fonds sans personnalité juridique (DefInvest, Fonds innovation défense) dont la pertinence n’est pas démontrée.

Le programme 146 Équipement des forces fait l’objet d’une nette sous‑exécution en AE (– 46 %). Toutefois, il convient d’y ajouter 11,65 milliards d’euros d’AE affectées non engagées dues au report en 2021 de plusieurs programmes d’armement (notamment le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération et le programme de drone européen).

La base industrielle et technologique de défense (BITD) a été très touchée par la diminution des exportations d’armement due à la crise sanitaire. Pour soutenir l’industrie de la défense, le programme 146 a financé des mesures de rebond et de relance consistant en une accélération des paiements et de commandes militaires initialement prévus après 2020 (+ 758 millions d’euros). Ces mesures ont été financées grâce au redéploiement de crédits sous-consommés en raison de la crise sanitaire (– 755 millions d’euros).

2. Pour son thème d’évaluation, le rapporteur spécial a choisi d’évaluer le contrôle financier, juridique et technique des externalisations du ministère des armées. Il s’agissait notamment de vérifier que les dysfonctionnements constatés par le rapporteur dans ses précédents rapports d’information sur le transport stratégique et sur le soutien des forces en OPEX avaient été depuis corrigés.

Certaines recommandations ont été satisfaites, comme le renforcement du contrôle technique des appareils utilisés. Toutefois, d’autres propositions sont restées sans réponse ou ont reçu une fin de non-recevoir. Les procédures d’appel d’offres ont été sensiblement rectifiées, mais elles conservent des points de fragilité, notamment dans la section des titulaires. Le recours à des sociétés privées, non soumises à un contrôle strict des services de renseignement, perdure et menace la confidentialité qui entoure les forces armées. Quant à l’Économat des armées, son statut spécifique le fait échapper à tout contrôle parlementaire, alors que les missions qui lui sont confiées tendent à s’élargir.

Malgré des améliorations réelles, le rapporteur spécial s’est heurté aux réticences du ministère des armées et n’a pas pu établir un échange véritablement constructif. Plusieurs des questions posées sont restées sans réponse. En outre, les éléments de réponse communiqués laissent entrevoir des contradictions flagrantes. Le rapporteur regrette que ses travaux de contrôle n’aient pas pu aboutir afin d’améliorer significativement les dispositifs existants.

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES DE L’ANNÉE 2020

Cette année encore, le Printemps de l’évaluation démontre que le temps budgétaire parlementaire est moins un temps législatif qu’un temps de contrôle et d’évaluation. À cet égard, l’analyse de l’exécution de la mission Défense interroge. En 2020, la loi de programmation militaire 20192025 a été respectée. Pourtant, dans le contexte postcrise sanitaire, les incertitudes sont plus importantes que jamais.

I.   l’exÉcution des crÉdits de la Mission dÉfense est conforme À la prÉvision et peu affectÉe par la crise sanitaire

Pour sa deuxième année de mise en œuvre, la trajectoire budgétaire votée par le Parlement dans la loi de programmation militaire 2019-2025 ([1]) (LPM) a été respectée. Malgré les difficultés engendrées par la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid-19, le résultat de l’exécution est proche de la prévision.

A.   Le respect de La loi de programmation militaire en 2020

Les trajectoires de crédits et d’effectifs votées par le Parlement dans la LPM 2019‑2025 ont été respectées en programmation comme en exécution.

1.   Une programmation conforme à la loi de programmation militaire

L’augmentation du budget de la mission Défense était conforme à l’article 3 de la LPM, qui prévoyait de porter les ressources, hors charges de pensions et à périmètre constant, à 37,6 milliards d’euros en 2020. Les crédits votés dans la loi de finances pour 2020 ([2]) s’élevaient à 37,505 milliards d’euros hors contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions. Cet écart de 85 millions d’euros résultait d’une mesure de périmètre (suppression des loyers budgétaires pour inciter le ministère des armées à optimiser sa gestion immobilière).

La hausse des effectifs du ministère des armés était également conforme à l’article 6 de la LPM, soit une augmentation nette de 300 équivalents temps plein (ETP). Cette progression ne portait que sur les emplois financés par les crédits de personnel du ministère, à l’exclusion des apprentis, des volontaires du service militaire volontaire et des effectifs militaires éventuellement nécessaires au service national universel.

La trajectoire budgÉtaire dÉfinie dans
la loi de programmation militaire 2019-2025

 

2019

2020

2021

2022

2023

Crédits de paiement de la mission défense
(en milliards d'euros courants)

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

Augmentation nette des effectifs
(en ETP)

450

300

300

450

1 500

Provision au titre des OPEX-MISSINT
(en millions d'euros courants)

850

1 100

1 100

1 100

1 100

Source : articles 3, 4 et 6 de la loi de programmation militaire 2019-2025.

La dotation relative aux opérations extérieures (OPEX) et aux missions intérieures (MISSINT) votée en loi de finances s’élevait à 1,2 milliard d’euros hors titre 2. Elle est donc supérieure de 100 millions d’euros au montant inscrit à l’article 4 de la LPM et augmente de 350 millions d’euros par rapport à 2019.

2.   L’exécution des crédits de paiement en hausse de 4 %

L’exécution des crédits de paiement (CP) de la mission Défense est proche des crédits votés dans la loi de finances pour 2020 et conforme à la trajectoire définie dans la LPM. Le niveau des CP exécutés en 2020 s’établit à 37,5 milliards d’euros hors CAS Pensions et à 46,68 milliards d’euros au total. Il est supérieur de 600 millions d’euros (+ 1,3 %) par rapport à la prévision.

Le niveau des autorisations d’engagement (AE) s’élève à 50,86 milliards d’euros en 2020. Il présente une sous-exécution de 14,5 milliards d’euros (– 22 %) par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale. Cet écart résulte du report en 2021 de certains programmes d’armement pour lesquels les AE n’ont pas été formellement engagées en 2020 mais uniquement affectées à des tranches fonctionnelles pour être engagées sur les exercices futurs. Le montant des AE affectées non engagées (AEANE) s’établit ainsi à 11,65 milliards d’euros sur le programme 146.

exÉcution des crÉdits de la mission DÉfense en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

P144 – Environnement et prospective de la politique de défense

1 765,8

1 784,5

+ 1 %

1 547,8

1 541,4

– 0,4 %

P178 – Préparation et emploi des forces

16 248,5

13 266,5

– 18 %

10 003,8

10 540,0

+ 5 %

P212 – Soutien de la politique de la défense

21 981,5

22 110,5

+ 0,6 %

21 937,1

21 970,8

+ 0,2 %

P146 – Équipement des forces

25 352,3

13 699,4

– 46 %

12 587,8

12 623,4

+ 0,3 %

Total

65 348,1

50 860,9

 22 %

46 076,5

46 675,6

+ 1,3 %

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance de la mission Défense pour 2020.

L’évolution des dépenses du programme 146 est particulièrement dynamique, à la fois en AE (+ 5 %) et en CP (+ 17 %). Elle procède, d’une part, de la nouvelle architecture budgétaire du ministère des armées qui a conduit à transférer une partie des crédits d’infrastructure du programme 212 vers les programmes 178 et 146 afin d’en optimiser la gestion. Elle traduit, d’autre part, la poursuite des programmes d’armement à effet majeur (sous-marins nucléaires d’attaque du programme Barracuda, programme de système d’information de combat Scorpion, programme d’hélicoptères Tigre) ainsi que le lancement de nouveaux programmes (troisième génération de sousmarins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), système de combat aérien du futur (SCAF), avions de surveillance et d’intervention maritime (AVSIMAR), projet MALE de drone européen).

Évolution des crÉdits de la mission DÉfense

(en millions d’euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

Évolution 2019-20

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

Évolution 2019-20

P144 – Environ.
et prospective de la politique de défense

1 435,0

1 550,8

1 784,5

+ 15 %

1 395,0

1 459,1

1 541,4

+ 6 %

P178 – Préparation et emploi des forces

8 728,7

13 600,3

13 266,5

– 2,5 %

8 962,8

9 427,2

10 540,0

+ 12 %

P212 – Soutien de la politique de la défense

23 034,1

23 182,8

22 110,5

– 5 %

22 919,1

23 152,8

21 970,8

– 5 %

P146 – Équipement des forces

12 483,2

13 042,3

13 699,4

+ 5 %

10 009,7

10 826,9

12 623,4

+ 17 %

Total

45 681,0

51 376,2

50 860,9

 1 %

43 286,6

44 866,0

46 675,6

+ 4 %

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance de la mission Défense pour 2020.

3.   Un schéma d’emplois positif de 416 ETP

Le plafond d’emplois de la mission Défense exécuté en 2020 s’établit à 269 758 équivalents temps plein travaillées (ETPT), intégralement rattachés au programme 212. Il est inférieur de 912 ETPT au plafond voté en loi de finances initiale (hors transferts de gestion). Cette sous‑consommation résulte de l’arrêt des recrutements pendant le premier confinement. Le plafond d’emplois augmente de 765 ETPT par rapport à 2019.

Le schéma des emplois sous plafond ministériel s’établit à + 416 ETP ([3]). Il fait l’objet d’une sur-exécution de 67 ETP par rapport à la cible définie dans le premier compte rendu de gestion (349 ETP). Le ministère estime que le pilotage assuré par les gestionnaires de ressources humaines a permis de limiter les conséquences de la crise. Néanmoins, le rapporteur spécial tient à souligner que les recrutements sont inférieurs aux prévisions (– 652 ETP) et que l’exécution positive est d’abord due à de moindres départs (– 2 731).

exÉcution du plafond d’emplois de la mission DÉfense

(en ETPT)

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance de la mission Défense.

En outre, la Cour des comptes ([4]) note que l’atteinte des cibles d’effectifs se fait au détriment de l’équilibre entre employeurs et entre catégories de personnel. La direction générale de l’armement (DGA) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ayant plus de facilités à recruter des personnels civils, elles ont été autorisées à anticiper la réalisation de leur cible des années à venir. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) a alerté sur les risques opérationnels et financiers associés à cette pratique, dans la mesure où les personnels de ces directions sont le plus souvent des catégories A.

B.   Une exÉcution faiblement affectÉe par la Crise sanitaire

L’impact de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid‑19 sur l’exécution de la mission Défense apparaît limité, tant pour les crédits que pour les effectifs.

1.   Des dépenses supplémentaires financées sur les crédits de la mission

La crise sanitaire s’est traduite par des dépenses supplémentaires à hauteur de 1,065 milliard d’euros et des moindres dépenses évaluées à 1,095 milliard d’euros.

Le ministère des armées a été mobilisé dans le cadre de la mission intérieure « Résilience » lancée le 25 mars 2020. Elle avait pour objectif de soutenir le système national de santé et de faire bénéficier les autres administrations d’une expertise en matière de logistique. La réalisation principale de la mission a été le déploiement d’un hôpital de campagne comportant trente lits de réanimation à Mulhouse entre mars et mai 2020. Ces mesures, financées sur le programme 178, ont généré 326 millions d’euros de dépenses nouvelles.

Le ministère a aussi été amené à intervenir en soutien à l’industrie de défense fortement affectée par la crise. Le programme 146 a ainsi financé des mesures « de rebond » et de relance, pour un total de 758 millions d’euros.

Les moindres dépenses concernent essentiellement des retards dans les paiements sur factures, en particulier sur les programmes à effet majeur du programme 146 (– 755 millions d’euros), les dépenses d’infrastructure, les dépenses d’entretien programmé du matériel du programme 178 (– 264 millions d’euros), mais également diverses dépenses de fonctionnement du ministère (frais de déplacements, alimentation).

La mission Défense a pu prendre en charge l’intégralité des dépenses supplémentaires engendrées par la crise. La première ([5]) et la troisième ([6]) lois de finances rectificatives pour 2020 ne portaient pas de dispositions modifiant la répartition initiale des crédits. Seule la deuxième loi de finances rectificative ([7]) a eu un effet à travers la création de primes exceptionnelles au profit des agents de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique d’État particulièrement mobilisés pendant l'état d'urgence sanitaire (+ 13,7 millions d’euros) ainsi que la suspension du jour de carence (+ 2,3 millions d’euros).

Selon les informations transmises par le ministère des armées, la crise sanitaire n’a pas non plus entraîné de « décalage notable » par rapport à la trajectoire prévue dans la LPM 2019-2025.

2.   Un faible nombre de recrutements compensé par de moindres départs

S’agissant des effectifs du ministère des armées, la crise sanitaire a perturbé les recrutements initialement prévus. Si la réalisation est finalement supérieure à la cible, ce résultat positif résulte surtout d’un nombre de départs moins élevé qu’attendu.

Question : Indiquer l’impact de la crise sanitaire sur la gestion (recrutement, volume, turn-over) des effectifs de 2020 du ministère des armées, de chaque armée et de chaque grand service du ministère.

Réponse (extraits) :

Alors que la crise sanitaire n’a que faiblement perturbé la manœuvre RH pour le personnel civil, elle a eu un fort impact sur les flux d’effectifs militaires : les moindres entrées (recrutements) constatés en 2020 ont prioritairement concerné les armées, notamment du fait de la fermeture pendant une partie du confinement du printemps des centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA). La réactivité de ces CIRFA et des services de recrutements, qui ont rouvert dès le 27 avril 2020, a néanmoins permis d’éviter une rupture nette du cycle du recrutement. Les gestionnaires ont ainsi réussi à limiter le « choc du recrutement » en s’adaptant pour répartir une partie des volumes prévus en mars et avril sur le reste de l’année et/ou en fournissant un effort significatif dès le mois de juin. Le retard dans les recrutements constatés au début de la crise a ainsi été peu à peu réduit.

Par rapport aux prévisions initiales, 2 531 recrutements de personnels militaires n’ont pas pu être réalisés, compensés néanmoins par 2 607 moindres sorties. Ces moindres départs, non programmés, qui sont intervenus principalement en fin d’année 2020, résultent essentiellement du report des projets de reconversion compte tenu de la situation économique du pays. En outre, les dispositions législatives prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et permettant le réengagement de personnel de carrière ou la prolongation d’un an des limites d’âge et des services, ont facilité la gestion 2020.

 

3.   Les surcoûts liés aux OPEX-MISSINT

En 2020, les surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et aux missions intérieures (MISSINT) s’élèvent à 1,44 milliard d’euros, dont 1,28 milliard d’euros pour les OPEX et 164 millions d’euros pour les MISSINT.

L’impact de la mission « Résilience » est marginal (26,4 millions d’euros dont 6,2 millions d’euros de titre 2) dans la mesure où le ministère a redéployé une partie des effectifs affectés à la mission « Sentinelle » pour des tâches relevant de « Résilience » sans y comptabiliser la masse salariale afférente.

L’augmentation de la dotation provisionnelle pour les OPEX-MISSINT de 850 millions d’euros en 2019 à 1,2 milliard d’euros en 2020 a permis de couvrir l’ensemble des surcoûts au sein de la seule mission Défense, sans recourir à la solidarité interministérielle. L’excédent de 244 millions d’euros a été financé par des recettes non fiscales (28 millions d’euros), par des redéploiements internes à la mission (14,5 millions d’euros) et, dans la quatrième loi de finances rectificative ([8]), par une ouverture de 200 millions d’euros de crédits supplémentaires compensée par des annulations de crédits mis en réserve.

La recommandation récurrente de la Cour des comptes visant à réduire les sous-programmations des surcoûts liés aux OPEX-MISSINT est donc partiellement satisfaite. Toutefois, la Cour souligne que « la sincérité de cette budgétisation serait encore accrue si la dotation initiale incluait le titre 2 MISSINT » et, en conséquence, reconduit sa recommandation ([9]).

Le rapporteur spécial souligne toutefois que la fin du financement interministériel des surcoûts liés aux OPEX-MISSINT vient atténuer la progression des moyens permise par la LPM 2019-2025.


C.   La soutenabilitÉ de la trajectoire budgÉtaire en question

Malgré la conformité de l’exécution, tous les doutes sur la soutenabilité de la trajectoire budgétaire prévue dans la LPM ne sont pas levés. Compte tenu des difficultés économiques engendrées par la crise sanitaire, il n’est pas certain que l’objectif d’une augmentation des crédits de la mission Défense de 3 milliards d’euros par an à partir de 2023 soit encore atteignable. Pourtant, cette trajectoire est indispensable pour soutenir l’effort de défense.

1.   Un dégel partiel de la réserve de précaution

En fin de gestion, un dégel intégral de la réserve de précaution est intervenu pour les montants non annulés par la quatrième loi de finances rectificative, soit 1,74 milliard d’euros en AE et 805 millions d’euros en CP pour le hors titre 2 ainsi que 103,3 millions d’euros en AE et CP dont 60,4 millions d’euros pour le titre 2 hors CAS Pensions.

Le rapporteur spécial regrette le peu d’informations mises à la disposition du Parlement en ce qui concerne les dégels ou les annulations des crédits mis en réserve. Il n’appartient évidemment pas au Parlement de décider quels programmes et quelles actions doivent faire l’objet d’une mise en réserve. Néanmoins, il est en droit d’exiger une information précise et détaillée afin d’exercer les pouvoirs de contrôle qui lui sont reconnus. Aussi est-il nécessaire de mieux formaliser le dégel des crédits et de mieux documenter les annulations de crédits de paiement opérés au sein des crédits mis en réserve.

2.   Des reports de charges maîtrisés

Les reports de charges de la mission Défense ont atteint 3,8 milliards d’euros fin 2020, dont 2,8 milliards d’euros pour les dettes fournisseurs et 981 millions d’euros pour les charges à payer. Ils sont inférieurs à la cible fixée dans la LPM (14,5 % des crédits de la mission hors titre 2 pour une prévision de 15 %).

Évolution des charges À payer de la mission DÉfense

Source : données communiquées par le ministère des armées.

Le programme 146 concentre 60 % des reports de charges et 80 % des dettes fournisseurs. Les principaux reports de charge proviennent des programmes à effet majeur (1,32 milliard d’euros), de la dissuasion (883 millions d’euros) et de l’entretien programmé du matériel (469 millions d’euros).

3.   Des restes à payer à un niveau préoccupant

Les restes à payer de la mission Défense s’établissent à 64 milliards d’euros au 31 décembre 2020. Leur niveau augmente de 7 % par rapport à la fin 2019.

Évolution des restes À payer de la mission DÉfense

(en millions d’euros)

 

Fin 2019

Fin 2020

Évolution

Programme 144 – Environnement et prospective

1 658,1

1 901,7

+ 15 %

Programme 178 – Préparation et emploi des forces

13 119,4

16 985,3

+ 30 %

Programme 212 – Soutien de la politique de la défense

3 625,4

2 000,7

– 45 %

Programme 146 – Équipement des forces

41 259,4

42 973,6

+ 4 %

Total

59 662,2

63 861,3

+ 7 %

Source : commission des finances d’après les rapports annuels de performance pour 2020.

Avec 43 milliards d’euros, le programme 146 concentre 67 % des restes à payer de la mission. En apparence, ce niveau est conforme à la trajectoire définie dans la LPM (47 milliards d’euros). Néanmoins, il faut prendre en compte les AE affectées non engagées qui doublent, passant de 12,7 à 25,48 milliards d’euros. Si ces AE avaient été engagées, le montant des restes à payer du programme aurait atteint 56 milliards d’euros.

Comme le relève la Cour des comptes ([10]), le ministère a donc été contraint de réviser la trajectoire des restes à payer à la hausse, avec une cible de restes à payer en 2025 supérieure de 9 milliards d’euros à son niveau initial.

Horizon de paiement des Autorisations d’engagement ouvertes À fin 2020

(en milliards d’euros)

Source : Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission défense, page 27.

Le respect de la trajectoire budgétaire définie dans la LPM, à savoir une hausse des crédits de la mission Défense de 3 milliards d’euros par an à compter de 2023, est indispensable pour soutenir l’effort de défense. Toutefois, si la hausse annoncée est d’ores et déjà absorbée par des engagements passés, les armées se retrouveront dans l’incapacité de répondre à des besoins capacitaires nouveaux. Or, en l’état actuel, la moitié des engagements ouverts doivent donner lieu à des paiements à compter de 2023.

L’importance des engagements non couverts par des paiements – qui constituent autant de CP à mobiliser dans le futur – risque de rigidifier la capacité future des armées à engager des dépenses nouvelles et à corriger des décisions passées.

4.   L’absence de débat parlementaire à mi-exécution de la LPM

La mise en œuvre de la LPM s’inscrit désormais dans un contexte budgétaire bouleversé. La trajectoire votée définit les annuités 2024 et 2025 de la mission Défense non en valeur absolue mais en pourcentage du produit intérieur brut (au moins 2 % du PIB). En l’état actuel de l’économie française, cela signifie que les armées verraient leurs crédits diminuer, venant annuler les efforts entrepris les années passées.

L’actualisation de la LPM, prévue à l’article 7 de la même loi, n’aura pas lieu en 2021. Le ministère des armées estime qu’une telle actualisation est impossible tant que le contexte macroéconomique n’est pas stabilisé. Cela n’est ni conforme à loi, ni de bonne méthode. Le débat récemment proposé en application de l’article 50-1 de la Constitution n’est pas la formule adaptée pour éclairer les choix qui sont devant nous.

Le rapporteur spécial ne peut que regretter le manque de transparence et de considération du ministère des armées à l’égard de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les explications apportées par le ministère en réponse au questionnaire demandé par le rapporteur ne mentionnent pas une seule fois le Parlement.

Question : Préciser le calendrier et la procédure de l’actualisation de la loi de programmation militaire 2019-2025 prévue, en application de la première phrase du premier alinéa de l’article 7 de la même loi, avant la fin de l’année 2021.

Réponse (extraits) :

L’actualisation de la LPM devait porter la consolidation des ressources post‑2023 pour les porter à 2 % du PIB en 2025. Compte tenu des conséquences économiques de la crise sanitaire, le seuil des 2 % du PIB est déjà atteint alors que l’objectif de réparation et de modernisation de nos armées ne l’est pas encore. Or étant donné les incertitudes actuelles, il n’est pas possible de déterminer précisément, à l’heure actuelle, les sous-jacents macro‑économiques à l’horizon 2024-2025.

La relance de l’économie est la priorité avant de réévaluer les perspectives de croissance pour l’horizon 2025. Alors seulement, il sera pertinent de consolider les ressources de nos armées pour les années 2024 et 2025.

Pour l’instant, les ajustements capacitaires dans les trois grands domaines soulignés par l’actualisation de la revue stratégique sont identifiés et renforceront notre capacité à agir dans les conflits à venir. Il s’agit désormais d’intégrer ces orientations en termes capacitaires et physico‑financiers, en ajustant si nécessaire le tempo au regard des priorités, sans pour autant déséquilibrer le modèle d’armée complet et équilibré porté par la LPM ni remettre en question l’ambition opérationnelle 2030 confirmée par le Président de la République.

Comme il l’a fait dans ses précédents rapports, le rapporteur spécial invite fermement le ministère des armées à accepter le contrôle parlementaire qui lui donne l’opportunité d’expliquer la nécessité des dépenses en matière de défense ainsi que la pertinence de ses choix opérationnels et technologiques.

II.   le programme 146 Équipement des forces

Le programme 146 Équipement des forces, sous la responsabilité du chef d’État-major des armées et du délégué général pour l’armement, représente 27 % des dépenses de la mission Défense. Il finance les armements et matériels mis à la disposition des armées et concourt au développement des compétences industrielles aux niveaux français et européen.

A.   des mesures de soutien À l’industrie de la dÉfense financÉe grÂce au redÉploiement de crÉdits non consommÉs

Le niveau des CP du programme 146 Équipement des forces s’établit à 12,6 milliards d’euros pour 2020. Il est légèrement supérieur aux crédits votés en loi de finances (+ 0,3 %) en raison de ressources complémentaires issues de reports de crédits, de fonds de concours et d’attributions de produits.

exÉcution des crÉdits du programme 146 en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

Action 06 – Dissuasion

8 671,2

3 544,0

– 60 %

3 844,3

3 766,3

– 2 %

Action 07 – Commandement et maîtrise de l'information

5 835,0

3 211,4

– 45 %

2 142,4

2 170,2

+ 1,3 %

Action 08 – Projection - mobilité - soutien

1 972,4

1 081,4

– 45 %

1 748,9

2 078,9

+ 19 %

Action 09 – Engagement et combat

7 246,9

4 196,3

– 42 %

4 250,1

3 871,2

– 9 %

Action 10 – Protection et sauvegarde

1 402,6

1 315,8

– 6 %

390,4

447,5

+ 15 %

Action 11 – Préparation et conduite des opérations d'armement

224,2

297,1

+ 33 %

211,7

274,9

+ 30 %

Action 12 – Parts étrangères et programmes civils

0

53,3

– 

0

14,3

– 

Total

25 352,3

13 699,4

 46 %

12 587,8

12 623,4

+ 0,3 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance du programme 146 pour 2020.

Le montant des AE engagées s’élève à 13,7 milliards d’euros et est largement inférieur à la prévision (– 46 %). Toutefois, il convient d’y ajouter 11,65 milliards d’euros d’AE non engagées mais affectées à des tranches fonctionnelles de programmes d’armement. Ces AE affectées non engagées (AEANE) concernent, pour 8,2 milliards d’euros, des programmes d’armement dont la mise en œuvre est reportée en 2021 : programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de troisième génération, programme MALE de drone européen, programme d’hélicoptère Tigre standard 3 et achat d’avions Rafale neufs pour compenser les douze avions d’occasion vendus à la Grèce.

La crise sanitaire a entraîné à la fois une diminution des paiements initialement envisagés et de nouvelles dépenses imprévues. Le programme 146 a financé des mesures de rebond et de relance à l’industrie de la défense et au secteur aéronautique, pour un montant total de 758 millions d’euros. Ces dépenses nouvelles ont été prises en charge sans soutien extérieur grâce au redéploiement des crédits non consommés au sein du programme.

La réserve de précaution s’est élevée à 1,01 milliard d’euros en AE et 503,5 millions d’euros en CP. En AE, elle a été intégralement dégelée en fin de gestion. En CP, la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a procédé à une annulation de 124,4 millions d’euros, qui a été couverte par des décalages de paiements vers 2021, notamment en ce qui concerne le programme MRTT d’avion militaire de transport et de ravitaillement et les commandes d’hélicoptères NH90.

1.   La mobilisation du ministère pour soutenir les entreprises de la défense touchées par la crise sanitaire

La crise sanitaire a entraîné une diminution des CP initialement prévus sur le programme 146, en raison de l’arrêt de certaines activités de préparation opérationnelle et de retards pris par l’industrie de la défense. Au total, les moindres paiements sont évalués à 755 millions d’euros, dont 490 millions d’euros sur les programmes à effet majeur, 174 millions d’euros sur la dissuasion, 22 millions d’euros sur l’infrastructure et 69 millions d’euros sur les autres opérations d’armement.

En parallèle, la crise a également contraint le ministère des armées à engager des dépenses supplémentaires pour soutenir les entreprises et industries du secteur de la défense et de l’armement ainsi que la filière aéronautique, fortement touchées par la chute de l’activité due aux mesures de confinement. À défaut de crédits supplémentaires au titre du plan de relance, ces dépenses imprévues ont été financées grâce au redéploiement de crédits non consommés.

L’appui à l’industrie de la défense et de l’armement a pris la forme de « mesures de rebond » et de « mesures de relance » destinées à soutenir la base industrielle et technologique de défense, et notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les petites et moyennes industries (PMI) fragilisées sur l’ensemble du territoire. D’après les données transmises par le ministère des armées, ce plan a coûté 758 millions d’euros, dont 3 millions d’euros de dépenses dans les domaines nucléaires, biologique et chimique pour contribuer à la lutte contre la pandémie.

Les mesures de rebond ont consisté en une accélération des commandes militaires initialement programmées au-delà de 2020. Le ministère indique que 600 millions d’euros de CP ont bénéficié aux programmes d’armement, notamment le programme d’avion Rafale (150 millions d’euros), le programme de système d’information de combat Scorpion (125 millions d’euros) et le programme d’avion de transport A400M (58 millions d’euros).

Les mesures de rebond et de relance financÉes par le programme 146

(en millions d’euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Avion militaire de transport et de ravitaillement MRTT

213

155

Systèmes de mini-drones aériens embarqués pour la marine (SMDM)

4

 

Avion Rafale

 

150

Système d’information de combat Scorpion

 

125

Avion militaire de transport A400M

 

58

Missile M51 et environnement missile mer‑sol balistique stratégique (MSBS)

 

45

Rénovation à mi-vie des frégates légères furtives (RMV FLF)

 

33

Autres programmes (FOMEDEC, ASN 4G, CUGE, Syracuse IV, CONTACT, MUSIS, MMP)

 

189

Total

217

755

Source : commission des finances d’après les données communiquées par le ministère des armées et la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense de la Cour des comptes.

Les mesures de relance financées par le programme 146 ont consisté en une participation du ministère des armées au plan de soutien à la filière aéronautique avec des commandes de matériels anticipées par rapport à l’échéancier de la LPM, pour un montant total de 217 millions d’euros en AE et de 155 millions d’euros en CP. Elles ont notamment concerné l’acquisition de trois avions Airbus A330 dans le cadre du programme MRTT d’avion militaire de transport et de ravitaillement et de systèmes de mini-drones aériens embarqués pour la marine (SMDM). Initialement envisagées, les commandes prévues de huit hélicoptères H225M Caracal (300 millions d’euros) et d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) ne seront effectives qu’en 2021.

Ces mesures d’accélération du paiement des factures et d’anticipation de commandes et de livraisons ont permis de remédier au moins partiellement les annulations de commandes à l’exportation. Elles ont eu un effet contracyclique par rapport au marché civil. Elles donnent de la visibilité à moyen terme aux entreprises et à leurs sous-traitants et leur facilitent l’accès aux financements. Enfin, elles soutiennent l’effort de recherche et développement afin de maintenir le niveau technologique, la compétitivité de l’offre et les compétences.

Néanmoins, la Cour des comptes pointe le risque « que ces commandes anticipées au regard de la LPM entraînent un effet d’éviction sur des programmes d’armement concernant d’autres secteurs et des déséquilibres entre filières industrielles de l’armement, comme entre les dotations des armées en équipement » ([11]).

2.   L’efficience de la dépense d’équipement

Malgré les dépenses supplémentaires engendrées par la crise sanitaire, les indicateurs de performance du programme 146 font ressortir une bonne efficience de la dépense d’équipement.

Le montant cumulé des intérêts moratoires versés dans l’année de gestion rapporté au montant des demandes de paiement (indicateur 2.1) atteint 13,57 millions d’euros, soit 0,11 % des demandes de paiement, contre une prévision de 0,1 % et une réalisation de 0,07 % en 2019. Le ministère indique que ce montant résulte des factures impayées fin 2019, dont le paiement a été régularisé au premier trimestre 2020. L’évolution est cohérente avec celle du report de charges prévue dans la LPM. Toutefois, une attention particulière doit y être portée pour circonscrire les autres causes possibles des retards de paiement.

En outre, l’évolution du montant des devis des opérations d’investissement (indicateur 2.2) s’élève à + 0,32 %, en deçà de la cible plafond de 1,5 %. Ce résultat confirme une bonne maîtrise des devis à terminaison. Le ministère indique que l’évolution résulte de la prise en compte de besoins complémentaires sur l’hélicoptère NH90 (prise en compte de la version forces spéciales, moyens de soutiens supplémentaires), sur le programme MRTT d’avion militaire de transport et de ravitaillement (prise en compte du plan de soutien à l’aéronautique), sur l’avion léger de surveillance et de renseignement (prise en compte du plan de soutien à l’aéronautique) et sur la rénovation du quatrième avion de patrouille maritime Atlantique 2 (complément de la liste des approvisionnements initiaux).

B.   la base industrielle et technologique de la dÉfense (BITD) touchÉe par la diminution des exportations d’armement

La crise sanitaire a eu des conséquences non négligeables pour la base industrielle et technologique de défense (BITD). Les indicateurs de performance du programme 146 illustrent l’impact de la crise sanitaire sur l’industrie de l’armement et la BITD. Le taux et les délais de réalisation des principales opérations d’armement sont inférieurs aux prévisions. Toutefois, les indicateurs mesurant l’efficience de la dépense d’équipement produisent des résultats positifs.

Au même titre que les entreprises des industries civiles, celles des industries de défense, la plupart étant d’ailleurs duales, ont dû s’adapter. L’impact de la crise varie selon les secteurs et les entreprises, en fonction de leur dépendance plus ou moins marquée aux commandes militaires et aux exportations.

La BITD a pu compter sur un client national solide : l’État. Les mesures prises par l’État ont joué un rôle d’amortisseur pour les entreprises, y compris celles de défense. Les commandes du ministère des armées ont permis d’amortir les effets de la crise, notamment dans le secteur aéronautique. En outre, la DGA a accompagné l’accès des entreprises de la BITD aux mesures du plan de relance. Plus de cent quatre‑vingt d’entre elles en ont bénéficié, dans les domaines de l’électronique, de la santé, des matériaux, de la chimie et de l’aéronautique.

À l’inverse, les principales difficultés rencontrées se situent au niveau des exportations d’armement, en raison du report des commandes étrangères. Les exportations comptent ainsi pour 95 % du chiffre d’affaires de l’industrie navale civile et pour 35 % du naval militaire. Avec la crise, ce qui était une force est devenu une fragilité.

Selon les informations communiquées par le ministère, l’effet de la crise sur les effectifs et le chiffre d’affaires des principales entreprises du secteur de la défense est le suivant :

 

 

Effectif total

Chiffre d’affaires total
(en millions d’euros)

Chiffre d’affaires lié aux activités de défense

2019

2020

2019

2020

2019

2020

Thales

82 000

81 000

18 401

16 989

45 %

47 %

Safran

95 443

78 900

24 640

16 498

16 %

ND

Naval group

14 561

15 464

3 712

3 323

99,9 %

99,9 %

Nexter

3 952

4 191

1 120

1 117

100 %

100 %

Dassault aviation

12 757

12 441

7 341

5 489

70,1 %

59,4 %

Airbus

134 931

131 349

70 478

49 912

14,3 %

21,1 %

Airbus DS

33 922

ND

10 907

10 446

– 

– 

MBDA

11 650

ND

3 703

ND

100 %

ND

Bien que l’État ait une responsabilité dans la sauvegarde des PME et PMI, il ne peut néanmoins pas tout. C’est pourquoi la DGA a mis en place une « task force BITD » associant les grands donneurs d’ordre industriels, les syndicats professionnels, le ministère de l’économie et des finances ainsi que Bpifrance, afin d’analyser la situation de 1 200 entreprises de toutes tailles et d’accompagner celles qui sont le plus en difficulté. Ce dispositif va être pérennisé pour assurer une veille durable de l’ensemble des entreprises participant à la chaîne d’approvisionnement.

C.   L’impact de la crise sanitaire sur les livraisons d’Équipements et les capacitÉs opÉrationnelles

La crise sanitaire a eu un impact limité sur les livraisons d’équipements, non sans d’importants efforts de priorisation et d’organisation tant de la DGA que des industriels.

La crise n’a pas empêché de franchir plusieurs jalons importants avec, en particulier, la livraison à l’armée de l’air et de l’espace d’un dix-septième A400M, la livraison de véhicules de l’avant blindés (VAB) dotés de protection contre les dispositifs explosifs improvisés (improvised explosived devices) pour la bande sahélo‑saharienne ainsi que la livraison du premier sous-marin nucléaire d’attaque issu du programme Barracuda.

Néanmoins, le confinement et la reprise progressive d’activité ainsi que le nécessaire respect des dispositions sanitaires par les personnels et partenaires du ministère ont eu un impact sur le calendrier de la plupart des livraisons d’équipements. L’impact est variable d’une opération d’armement à l’autre. Il dépend principalement de la phase de l’opération en cours (avant-projet, développement ou production) ainsi que des difficultés pratiques rencontrées sur le terrain par les personnels de l’État et les industriels.

Cela se confirme dans les résultats des indicateurs de performance du programme 146. Le taux de réalisation des équipements (indicateur 1.1) atteint 60,6 % en 2020 pour une prévision de 85 %. La réalisation est inférieure aux résultats obtenus les années précédentes (61,6 % en 2019). Le ministère indique que les reports d’opérations reflètent l’impact de la crise sanitaire mais aussi « quelques aléas de coopération sur le déroulement des opérations d’armement ».

Les délais de réalisation des principales opérations d’armement, (indicateur 1.2) augmentent à 3,86 mois contre une prévision de 2 mois et une réalisation de 1,96 mois en 2019. D’après le ministère, cette évolution résulte principalement du décalage des « rétrofits » du programme d’hélicoptère Tigre standard 3 et du programme MRTT d’avion militaire de transport et de ravitaillement, de la prise en compte de l’étalement de la production de l’hélicoptère NH90 ainsi que de retards industriels sur le système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), sur le satellite MUSIS et sur l’avion Rafale, pour partie liés à la crise sanitaire.

Le taux de progression du nombre de nouveaux programmes lancés en réalisation dans le cadre d’une coopération depuis le début de la LPM (indicateur 1.3) atteint 50 % en 2020, un montant conforme à l’objectif fixé dans le projet annuel de performance. La progression enregistrée tient compte du lancement en réalisation de nouveaux missiles air-sol tactiques (programmes MAST‑F et SAMP‑T NG), d’un nouveau système de lutte anti‑mines (programme SLAM‑F) ainsi que des premiers engagements des études amont du système de combat aérien du futur (SCAF).

D’après les données transmises par le ministère, les livraisons d’équipements prévues en 2020 dont le retard est exclusivement imputable à la crise sanitaire sont les suivants :

 

Avion de patrouille ATL2 rénové

1

Torpilles lourdes ARTEMIS

9

Segments sol utilisateurs SYRACUSE IV

4

Postes portatifs pour les communications numérisées tactiques et de théâtre CONTACT

200

Engins blindés et de reconnaissance et de combat JAGUAR

4

Véhicules blindés multi-rôles lourds GRIFFON

38

Missiles de croisière navals pour sous-marin BARRACUDA

1 lot


III.   le programme 144 Environnement et prospective de la politique de dÉfense

Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, sous la responsabilité de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), finance la politique de renseignement et la recherche en amont des grands programmes d’armement. Il ne représente que 3 % des dépenses de la mission mais revêt des enjeux de souveraineté majeurs pour le renseignement et l’autonomie stratégique et technologique de la France.

A.   Une exÉcution conforme aux prÉvisions de la loi de finances

L’exécution des crédits du programme 144 s’élève à 1,78 milliard d’euros en AE et 1,54 milliard d’euros en CP. Elle est proche de la prévision, avec une faible surconsommation en AE (+ 1 %) et une légère sous-consommation en CP (– 0,4 %).

exÉcution des crÉdits du programme 144 en 2020

(en millions d’euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

LFI 2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

Action 03 – Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

399,1

535,8

+ 34 %

364,7

418,0

+ 15 %

Action 07 – Prospective de défense

1 326,7

1 213,7

– 9 %

1 143,0

1 088,3

– 5 %

Action 08 – Relations internationales et diplomatie de défense

40,0

35,0

– 12 %

40,1

35,2

– 12 %

Total

1 765,8

1 784,5

+ 1 %

1 547,8

1 541,4

 0,4 %

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance du programme 144 pour 2020.

L’impact de la crise sanitaire sur le programme 144 s’est réduit à 11 millions d’euros de moindres dépenses, dont 10 millions d’euros portés par les services de renseignement à la suite d’engagements tardifs, ainsi qu’à 20 millions d’euros de dépenses supplémentaires destinées à l’acquisition d’équipements de protection, aux systèmes d’information et au soutien de certains opérateurs.

Le programme 144 a fait l’objet d’importants mouvements de gestion pour un total de 164 millions d’euros en AE et 127 millions d’euros en CP.

La réserve de précaution (64 millions d’euros en AE et 55 millions d’euros en CP) a été intégralement dégelée en AE. S’agissant des paiements, la quatrième loi de finances rectificative a annulé 28,3 millions d’euros de CP pour compenser une partie des 200 millions d’euros de CP ouverts afin de financer le coût résiduel OPEX-MISSINT. Cette annulation a été couverte par le décalage en 2021 de paiements prévus pour des études amont touchées par les retards pris par certains industriels (pour 25 millions d’euros).

1.   Une sur-exécution des dépenses de renseignement

L’action 03 qui finance les activités de renseignement du ministère des armées est la principale bénéficiaire des mouvements de crédits qui ont concerné le programme 144. Il en résulte une sur-exécution en AE (+ 34 %) et en CP (+ 15 %).

La DGSE a notamment bénéficié d’un transfert de 68,4 millions d’euros en AE et en CP du programme 129 Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l’action du Gouvernement ([12]). L’objet de ce transfert a été gardé secret en application de l’article 56 de la loi organique relative aux lois de finances ([13]). Comme il l’a déjà fait précédemment, le rapporteur spécial s’interroge sur la pertinence de maintenir les transferts des fonds spéciaux, récurrents chaque année ; ne serait-il pas préférable d’abonder les crédits de la DGSE directement en loi de finances initiale ?

En outre, la DGSE a bénéficié d’un virement de crédits du programme 178 vers le programme 144 pour financer une opération de cyberdéfense (10 millions d’euros en AE et en CP) ([14]).

Pour la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), la surconsommation en AE (6 millions d’euros) et en CP (5,3 millions d’euros) s’explique par l’anticipation en 2020 d’opérations visant à renforcer la sécurité du système de connexion aux données de la DRSD. Ces moyens ont permis à la DRSD d’améliorer ses ressources technologiques en matière d’intelligence artificielle et de big data. En outre, la direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information (DIRISI) a pu acquérir de nouveaux serveurs informatiques.

2.   Une sous-consommation des crédits de la prospective de défense

L’action 07 Prospective de défense, qui finance des études d’analyse stratégique ainsi que des études amont destinées à préparer les futurs programmes d’armement, fait l’objet d’une sous-exécution de 113 millions d’euros en AE (– 9 %) et de 55 millions d’euros en CP (– 5 %).

a.   L’analyse stratégique

Les dépenses de la sous-action 07.01 Analyse stratégique s’élèvent à 8,0 millions d’euros en AE et 7,9 millions d’euros en CP.

La sous-consommation des crédits par rapport à la loi de finances initiale concerne essentiellement l’opération budgétaire « études prospectives et stratégiques », qui présente un écart de 4,3 millions d’euros en AE et de 1,7 million d’euros en CP, en raison du report de plusieurs études dû à la crise sanitaire.

La sous-consommation a été partiellement compensée par une surexécution de 1,5 million d’euros sur l’opération budgétaire « programmes personnalités d’avenir et post-doctorat » qui s’explique par l’engagement d’une nouvelle convention pluriannuelle avec l’Économat des armées. À cet égard, le recours de plus en plus fréquent à l’Économat des armées et non à la délégation à l'information et à la communication de la défense ne semble pas suffisamment justifié.

Sur l’ensemble de l’année 2020, la programmation d’études réalisées par des organismes externes au ministère en matière d’analyse stratégique a donné lieu à trente-sept contrats représentant un budget total de 1,13 million d’euros.

b.   La prospection des systèmes de forces

La sous-exécution des crédits de prospective des systèmes de forces, qui revêtent un rôle capital pour définir le modèle futur des armées, est préoccupante. Les dépenses de la sous-action 07.02 Prospective des systèmes de forces ont atteint 15,1 millions d’euros en AE et 17,9 millions d’euros en CP, loin de la prévision initiale (22,4 millions d’euros).

Cette sous-exécution s’explique par la maîtrise des engagements en 2019 et 2020, mais aussi par l’impact de la crise sanitaire sur les opérations budgétaires « Commandement et maîtrise de l’information » et « Études transversales » et par des mouvements internes au programme 144. En fin de gestion, la sous‑action a été concernée par les annulations de crédits liées aux OPEX-MISSINT.

La priorité a été donnée en cours d’année aux projets relevant de la dissuasion qui font l’objet d’une surconsommation de 1,1 million d’euros en AE et de 900 000 euros en CP.

c.   Les études amont

La sous-action 07.03 dédiée aux études amont représente 66 % des crédits du programme 144. Les dépenses s’élèvent à 882,2 millions d’euros en AE et 756,6 millions d’euros en CP. Elles font l’objet d’une forte sous-consommation par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale (– 111 millions d’euros en AE et – 65 millions d’euros en CP).

Cette sous-consommation s’explique principalement par un transfert de crédits effectué vers le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle de la mission Recherche et enseignement supérieur pour financer le dispositif RAPID d’appui aux PME pour l’innovation duale (36 millions d’euros en AE et 45 millions d’euros en CP) ainsi que le plan Nano 2022 de soutien à l’industrie des micros et nano‑technologies (49,6 millions d’euros en AE et 3,4 millions d’euros en CP) ([15]).

Elle s’explique aussi par le report en 2021 du lancement de certaines études à la suite de retards pris par les industriels ainsi que par l’annulation partielle de la réserve de précaution (28 millions d’euros) dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020.

Le rapporteur spécial regrette le manque de transparence des crédits relatifs à l’innovation en matière de défense, qui rend difficile toute analyse de la pertinence des dépenses. Il s’interroge en particulier sur les moyens de l’Agence de l’innovation de défense, qui n’apparaît nulle part dans les documents budgétaires transmis au Parlement (voir le IV de la première partie du présent rapport).

3.   Les crédits dédiés aux relations internationales et à la diplomatie de défense en retrait

Les dépenses de l’action 08 Relations internationales et diplomatie de défense s’élèvent à 35 millions d’euros, en retrait de 12 % par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. La moindre consommation est liée aux incidences de la crise sanitaire, qui se sont traduites par un nombre de déplacements en nette diminution et par l’annulation de séminaires, en particulier le forum de Dakar. La contribution française au budget de l’Agence européenne de défense a également été moins élevée que prévu, les Britanniques ayant finalement participé au budget de fonctionnement de l’agence.

La crise sanitaire a eu un impact immédiat sur les exportations françaises d’armement en 2020. Les chiffres officiels des prises de commande sur l’année, encore en cours de consolidation, sont attendus en recul. Les mesures de confinement et la fermeture des frontières ont retardé les négociations commerciales ainsi que les décisions d’investissement des clients. De nombreux projets d’acquisition ont subi des décalages de plusieurs mois. La crise a également entraîné des perturbations pour les livraisons dues au titre des contrats en vigueur.

Le ministère des armées indique avoir maintenu les relations avec les clients et les industriels. La poursuite de ces efforts soutenus s’est notamment traduite par la signature d’un contrat d’acquisition par la Grèce de dix-huit avions Rafale le 25 janvier 2021.

4.   Les opérateurs rattachés au programme 144

Depuis 2020, le programme 144 compte un opérateur de plus, avec la création de l’Institut polytechnique de Paris, qui regroupe quatre établissements d’enseignement supérieur et de recherche du plateau de Saclay ([16]) en vue de développer une institution scientifique et technologique de rang mondial.

Les paiements du programme 144 au profit des opérateurs ont atteint 311,4 millions d’euros. Ils sont supérieurs à la prévision (+ 16 %) et à l'exécution 2019 (+ 12 %). Leur progression s’explique par les effets de la crise sanitaire qui a entraîné une diminution des ressources propres des opérateurs.

Les écoles sous tutelle de la DGA se sont vues verser l’intégralité des subventions pour charges de service public prévues en loi de finances pour 2020 (167 millions d’euros) et la réserve de précaution a été levée dans leur cas. En outre, la subvention de l'École polytechnique a été majorée en gestion pour compenser les pertes de recettes liées aux droits de scolarité des étudiants étrangers.

S'agissant de l’Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), l’augmentation de la subvention pour charges de service public prévue initialement (+ 9 millions d’euros) a permis de maintenir l'activité et de préserver les capacités en dépit de la baisse des commandes du secteur aéronautique due à la crise sanitaire.

B.   L’impact de la crise sanitaire sur le dÉveloppement des capacitÉs de dÉfense

Les indicateurs de performance du programme 144 montrent que la crise sanitaire a affecté le développement des capacités technologiques et industrielles nécessaires à la défense. S’agissant de la sécurisation de l’accès aux données classifiées et du contrôle des technologies de défense, les résultats sont moins négatifs.

1.   Le développement contraint des capacités technologiques et industrielles de défense

Le taux de progression des technologies spécifiques nécessaires à la défense (indicateur 2.1), financées au moyen des études amont, s’élève à 54,1 %. L’objectif de 80 % est donc loin d’être atteint. Sur les 89 jalons ([17]) prévus initialement, seulement 48 ont été franchis, dont 43 avec le niveau de maturité technologique et le périmètre technique prévus. Parmi les 41 jalons non franchis, deux ont été abandonnés en raison d’échecs techniques. Les 39 autres ont fait l’objet de retards imputables aux effets de la crise sanitaire mais aussi à des aléas techniques, notamment industriels.

2.   La sécurisation de l’accès aux données classifiées et le contrôle des technologies nécessaires à la défense

Le délai moyen de traitement des dossiers d'exportation de matériels de guerre (indicateur 3.1), c’est-à-dire le délai écoulé entre la date à laquelle une demande de licence est déclarée recevable et la date d’achèvement de l’instruction de cette demande par le ministère des armées est de 27 jours, contre une prévision initiale de 20 jours. Il reste stable par rapport aux deux années précédentes. Le ministère indique que la persistance de nombreux conflits ou situations régionales tendues en 2020 justifie une vigilance toute particulière dans l’instruction des licences, qui reste régie par des délais difficilement compressibles.

La chaîne « habilitation » de la DRSD a produit des résultats conformes aux prévisions, avec un taux d’avis émis dans les délais prescrits (indicateur 1.1) de 93,1 % (contre une prévision de 93 %). Ce résultat positif a permis à la DRSD de résorber les retards pris les années précédentes. Il résulte d’une réorganisation interne de la DRSD mais aussi d’une nette baisse des demandes d’habilitation et d’entrées en zone (– 10 % par rapport à 2019), les demandes relatives au recrutement restant à un niveau similaire (73 000).

Les résultats des inspections conduites par la DRSD afin de s’assurer que les sites sensibles pour la défense sont maintenus au meilleur niveau de sécurité (indicateur 1.2) ont atteint 90,9 % (contre une prévision actualisée de 90 %). Si la crise sanitaire a entraîné un fort ralentissement des inspections en avril et mai 2020, la reprogrammation et la reprise de cette mission dès le mois de juin ont permis d’atteindre l’objectif initial.

 


IV.   Le manque de transparence des moyens affectÉs À l’innovation de dÉfense

Les moyens budgétaires et humains consacrés par le ministère des armées à l’innovation dans le secteur de la défense sont croissants. Les études amont ont représenté 756,6 millions d’euros en 2020 et la LPM a prévu d’en porter les crédits à 1 milliard d’euros par an à compter de 2022. Néanmoins, l’utilisation de ces dépenses manque de transparence, à la fois en ce qui concerne l’Agence de l’innovation de défense et les divers outils de soutien à l’innovation.

A.   l’Agence de l’innovation de DÉfense (AID)

Créée en 2018 sous l’impulsion de la ministre des armées, l’Agence de l’innovation de défense (AID) est le vaisseau amiral de la priorité donnée à l’innovation au sein de la défense. Pourtant, contrairement à ce que pourrait faire croire sa dénomination, l’AID n’a pas de personnalité juridique propre, ne dispose pas de crédits et d’effectifs propres et elle n’apparaît nulle part dans les documents budgétaires transmis au Parlement.

Bien que l’AID soit en charge des études amont – un volet important de l’action du ministère représentant 756,6 millions d’euros en 2020 –, il est difficile d’en contrôler le fonctionnement et les crédits. Les citoyens qui souhaiteraient s’informer par le biais des projets et rapports annuels de performance ne peuvent le faire.

Les réponses apportées par le ministère des armées au questionnaire du rapporteur spécial correspondent non pas aux moyens de l’AID mais aux sous actions 07‑03 Études amont et 07‑04 Gestion des moyens et subventions du programme 144.

Question : Présenter, pour les titres 2, 3, 4, 5, 6 et 7, les AE et CP exécutés en 2020 pour le compte de l’Agence de l’innovation de défense (AID). Justifier les écarts par rapport à la loi de finances initiale.

Réponse :

Le tableau ci-dessous présente la répartition par titre des AE et CP exécutés en 2020, en regard des crédits programmés en LFI 2020. Le périmètre retenu correspond aux sous‑actions 07-03 « Études amont » et 07-04 « Gestion des moyens et subventions » du programme 144 « Environnement de la politique de défense » :

 


Seuls les chiffres relatifs aux effectifs de l’AID ont pu être communiqués, sur demande expresse du rapporteur spécial.

Question : Indiquer les effectifs de l’AID au 31 décembre 2019 et au 31 décembre 2020 par catégorie de personnel. Justifier les écarts par rapport à la loi de finances initiale.

Réponse : Les effectifs de l’Agence de l’innovation de défense (AID) sont les suivants :

Le périmètre de la LFI (traitant du gestionnaire DGA) n’est pas celui de la DGA employeur (la DGA employant des agents relevant d’autres gestionnaires, en particulier des militaires issus des armées) ; ce périmètre AID ne permet donc pas de comparaison avec la LFI.

Compte tenu de l’ambition mise par la ministre des armées et le directeur de l’AID dans les missions de l’agence, votre rapporteur spécial déplore cet état de fait, d’autant plus que le ministère des armées tend à créer des agences sur des domaines variés à l’instar de l’Agence du numérique de défense. La recherche d’une prétendue souplesse opérationnelle par la création de ces structures ne doit pas se faire au prix d’une opacité budgétaire.

En conséquence, le rapporteur spécial recommande une plus grande transparence des moyens budgétaires et humains de l’AID.

Ainsi, il conviendrait, au sein du programme 144, de remplacer l’actuelle sous-action 07.03 Études amont par une nouvelle action « innovation de défense », qui comporterait trois sous-actions : une sous-action « Conduite de l’innovation » correspondant au budget de fonctionnement de l’AID, une sous-action « Études amont » et une sous‑action « Autres dispositifs de soutien à l’innovation ». En parallèle, les personnels affectés à l’AID seraient identifiés au sein du programme 202 sur une nouvelle action « Personnel travaillant pour le programme « innovation de défense ».


B.   Les fonds sans personnalitÉ juridique

De même que les moyens de l’AID n’apparaissent pas dans les documents budgétaires, certains instruments d’intervention placés sous son autorité échappent également à tout contrôle. Il en va ainsi du fonds d’investissement « Definvest » et du « Fonds innovation défense ».

Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire pour l’exercice 2020, la Cour des comptes s’arrête longuement sur les fonds sans personnalité juridique (FSPL) dont le financement est partiellement assuré par la mission Défense. Parmi les six fonds étudiés, trois relèvent des fonds d’investissement et de garantie :

– le dispositif de la Société de financement et d'investissement pour la réforme et le développement (SOFIRED), une PME devenue le « Déf’Fi » ;

– le fonds d’investissement dédié aux entreprises stratégiques de la défense (DefInvest) ;

– le Fonds innovation défense créé en septembre 2020.

À propos de ces fonds, la Cour des comptes se montre particulièrement sévère, en premier lieu à propos de leur coût de gestion : « les frais de gestion sont élevés au regard des versements effectués : en 2019, 1,5 million d’euros ont été versés à Bpifrance dans le cadre du dispositif SOFIRED pour des frais de gestion facturés à hauteur de 206 684 euros, soit 14 % du versement. Pour 2020, les frais de gestion indiqués sont nettement moindres et s’élèvent à 5 822 €. Le montant des frais de gestion correspondant au fonds DefInvest est de 1,05 M€ soit 5 % des versements, mais n’a pas encore été audité par les commissaires aux comptes et est donc susceptible d’évoluer. Les modalités de calcul des frais de gestion de DefInnov ne sont pas encore finalisées » ([18]).

En outre, la Cour est encore plus critique en ce qui concerne la transparence de la gestion de ces fonds : « le montant des subventions et dotations versées au profit de DefInvest et du Fonds Innovation Défense n’est pas retranscrit dans les projets et rapports annuels de performance, ce qui n’offre aucune visibilité sur la charge annuelle que représentent ces instruments pour le P144, ni sur les décaissements effectivement réalisés par les fonds. Enfin, plus largement, les dépenses réalisées par ces FSPJ sont exécutées en dehors du budget de l’État, sans transparence sur le niveau de consommation des crédits et leur destination, et sans possibilité de recourir à la fongibilité asymétrique. Le recours à des fonds d’investissement pour soutenir l’innovation technologique militaire peut se justifier, mais il s’agit a minima d’assurer au Parlement un niveau de transparence adéquat. Les projets annuels de performance devraient indiquer le montant des versements aux différents fonds programmés pour l’année, en faisant figurer la part que représentent les frais de gestion. Les rapports annuels de performance devraient retracer ces versements et indiquer le montant des décaissements effectués sur l’année par les fonds » ([19]).

Ces critiques sont d’autant plus graves que le ministère des armées multiplie la création de fonds et d’outils de soutien à l’innovation sans en expliquer la nécessité. Ainsi, comment justifier la création du fonds Définnov, annoncé en janvier 2020, dont les objectifs sont similaires à ceux du fonds Définvest ? De même, comment comprendre que, malgré la multiplication de fonds d’investissement, la France soit incapable de préserver le capital de sociétés aussi stratégiques que Photonis (spécialiste de la vision nocturne) ou Souriau (spécialiste de l’interconnexion pour la défense) ?

Tout en se déclarant favorable à une meilleure information sur les fonds sans personnalité juridique, le ministère des armées peine à s’y conformer spontanément. La réponse sommaire apportée au rapporteur spécial à propos de Definvest et du Fonds innovation défense en atteste.

Question : Faire un bilan financier et d’activité pour 2020 de chacun des dispositifs de soutien à l’innovation auxquels participe le ministère des armées (nombre de projets soutenus, état d’avancement).

Réponse (extraits) :

Le fonds DEFINVEST a réalisé en 2020 des investissements qui permettent de sécuriser des acteurs qui intéressent la défense. En ont bénéficié Fabentech, fabricant d’antidotes de biodéfense, Preligens (anciennement Earthcube), spécialiste dans le domaine du traitement de données à base d’intelligence artificielle, et Tethys, spécialisée dans la pyrotechnie.

Le Fonds innovation défense a pour objectif d’orienter les financements sur les thématiques défense avec une prise de participation minoritaire et un investissement « patient ». Il est dédié au développement de technologies duales et transversales (quantique, IA, matériaux, énergie, etc.) par le financement en fonds propres d’entreprises innovantes ayant fait la preuve de leur modèle économique sur un marché primaire hors défense. La création administrative du Fonds innovation défense a été initiée fin 2020 et est en cours pour permettre les premiers investissements en 2021.

Le rapporteur spécial regrette que la gestion de ces fonds créés sous la présente mandature ne s’accompagne pas d’une information sincère et régulière du Parlement. L’institution militaire doit accepter le contrôle parlementaire. Expliquer comment les moyens votés sont utilisés ne signifie en aucun cas renoncer à son pouvoir de décision.


C.   Les Autres outils de soutien À l’innovation

Les critiques portées par la Cour des comptes à la qualité de l’information transmise au Parlement sur les fonds sans personnalité juridique pourraient également être formulées sur les autres leviers d’action pilotés par l’AID en faveur de l’innovation.

Les moyens budgétaires affectés par le ministère des armées à l’innovation Défense Lab ne sont disponibles nulle part. Dès lors, comment peut-on estimer objectivement l’efficience de cet outil ?

Question : Faire un bilan financer et d’activité de l’innovation Défense Lab pour 2020.

Réponse :

 

Il en va de même de la mission de l’innovation participative pour 2020.

Question : Faire un bilan financier et d’activité de la Mission de l’innovation participative pour 2020.

Réponse :

Le rapporteur spécial tient à rappeler que le ministère des armées dispose – théoriquement – d’une comptabilité analytique. Dès lors, il est très peu compréhensible qu’il lui soit difficile de retracer les charges de fonctionnement des différents outils mis en place pour soutenir l’innovation. La représentation nationale ne peut se contenter d’éléments transmis « à titre d’illustration » comme il est mentionné dans les réponses publiées ci-dessus.

 


—  1  —

   SECONDE PARTIE  THÈME D’ÉVALUATION :
LE CONTRÔLE FINANCIER, JURIDIQUE ET TECHNIQUE DES EXTERNALISATIONS DU MINISTRE DES ARMÉES

Pour son thème d’évaluation, le rapporteur spécial a choisi d’évaluer le contrôle financier, juridique et technique des externalisations du ministère des armées.

Le recours à des prestataires privés pour accomplir tout ou partie d’activités ou de missions liées aux armées n’est pas un mode de gestion nouveau. Il engage chaque année plusieurs centaines de millions d’euros, voire milliards si l’on considère qu’avec la disparition des Ateliers nationaux, le développement et la production des équipements militaires sont exclusivement réalisés par des prestataires privés.

Depuis vingt ans, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, de nombreux rapports parlementaires consacrés aux externalisations ont invité le ministère de la défense à renforcer ses capacités juridiques et financières internes pour contractualiser et suivre les externalisations. Cette recommandation persistante au fil des rapports marque la préoccupation parlementaire de maîtriser le processus contractuel des externalisations mais aussi la difficulté des armées à s’organiser à cette fin.

Au cours des dernières années, le parquet national financier a ordonné plusieurs enquêtes visant des marchés d’externalisation passés par le ministère des armées. Ces enquêtes étant en cours, il n’appartient pas au rapporteur spécial d’en faire état précisément. Toutefois, leur existence démontre qu’à s’obstiner à ne pas tenir compte des recommandations parlementaires, les forces armées et les services de soutien s’exposent à un risque pénal non négligeable.

Il ne s’agit donc pas d’être pour ou contre les externalisations, mais de veiller à ce qu’elles soient menées dans l’intérêt des forces armées. Ceci suppose un travail d’explication et de clarification pour améliorer les dispositifs mis en place et éviter tout risque juridique voire judiciaire.

Malgré des améliorations réelles, le rapporteur spécial s’est heurté aux réticences du ministère des armées et n’a pas pu établir un échange véritablement constructif. Plusieurs des questions posées sont restées sans réponse. En outre, les éléments de réponse communiqués laissent entrevoir des contradictions flagrantes. Le rapporteur regrette que ses travaux de contrôle n’aient pas pu véritablement aboutir afin d’améliorer significativement les dispositifs existants.

 


I.   Un manque de transparence de la part du ministÈre des armÉes

Le rapporteur spécial a rencontré certaines difficultés pour obtenir des réponses à ses questions. Plusieurs questions sont demeurées sans réponse. D’autres ont été transmises très tardivement. En outre, les services du ministère des armées ont peiné à comprendre le champ de l’étude.

Ainsi, lorsqu’il lui est demandé de dresser un bilan financier des externalisations pour chacun des programmes de la mission Défense, le ministère limite sa réponse au seul transport stratégique, partie infime des externalisations.

Question : Faire un bilan financier des externalisations pour chacun des programmes de la mission Défense en 2020.

Réponse : Les dépenses liées à l’externalisation du transport stratégique sont uniquement imputées sur le P178.

1. Externalisation du transport par voie aérienne

S’agissant des opérations extérieures, les armées ont recours à des prestataires privés, notamment pour le soutien logistique des forces projetées. Dans le milieu aérien, les armées achètent des prestations d’affrètement auprès de prestataires privés de transport tactique :

1 Les marchés d’affrètement dédiés à la Task Force Sabre ne sont pas comptabilisés dans ce bilan volumétrique.

2 Émirats Arabes Unis.

Les marchés font aujourd’hui l’objet d’une procédure de passation robuste pour laquelle la Force Barkhane est appuyée par des organismes institutionnels et extérieurs à chacun des jalons de la procédure.

 

2. Externalisation du transport par voie terrestre

Le transport terrestre mis en œuvre au profit des opérations extérieures en Afrique comprend le segment terrestre du transport stratégique multimodal voie maritime/voie terrestre vers et depuis la bande sahélo-saharienne (BSS) et la République Centrafricaine et le transport terrestre intra-théâtre pour les opérations en BSS.

Le volet terrestre du transport stratégique multimodal est réalisé dans le cadre de deux marchés attribués à BOLLORE LOGISTICS (France). Le tableau ci-dessous présente le bilan 2020 de ces marchés, couvrant le segment voie terrestre du transport stratégique au profit des OPEX en Afrique. Ce bilan ne prend pas en compte les transports terrestres au profit des forces de présence en Afrique.

3 EVP : Container 20 pieds ou équivalent VHL. Véhicule, VRAC : autres contenants.

4 Marché dit marché « CEMAC » : Acheminement par voie de surface de fret au départ de Douala (Cameroun) et à destination des bases françaises implantées sur le territoire des pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), notamment au Tchad, en Centrafrique et au Gabon, ou en provenance de ces mêmes bases et à destination de Douala, au profit du ministère de la Défense et d’autres ministères, sous couvert du MINDEF et au profit de nations alliées.

Ces marchés sont passés au niveau central par des experts de la fonction transport : le centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA) comme prescripteur et la Plate-Forme Affrètement et Transport (PFAT) comme représentant du pouvoir adjudicateur (RPA). Le contrôle de la passation de ces marchés est donc parfaitement assuré. Le contrôle d’exécution sur les territoires concernés est assuré par les Centres de Coordination Interarmées des Transports, Transits et Mouvements (CCITTM) appuyés par les bureaux logistiques et les directions de commissariat des états-majors opératifs de force déployés.

Le tableau ci-dessous présente le bilan 2020 concernant l’affrètement terrestre intra-théâtre en BSS :

En outre, lorsqu’il lui est demandé de présenter les mesures prises pour renforcer la connaissance des dépenses relatives aux prestations externalisées et pour améliorer la comparaison du coût des externalisations et du coût du recours aux moyens propres lorsque ceux-ci sont disponibles, le ministère – malgré une demande de complément explicite – se concentre sur la seule fonction de transport.

Question : Préciser les mesures prises pour renforcer la connaissance des dépenses pour les prestations externalisées ainsi que pour améliorer la comparaison du coût des externalisations et du coût du recours aux moyens propres lorsque ceux-ci sont disponibles.

Réponse :

1. Renforcer la connaissance des dépenses pour les prestations externalisées

Des mesures pour renforcer la connaissance des dépenses pour les prestations externalisées sont prévues à plusieurs niveaux : le représentant du pouvoir adjudicateur (RPA), les services exécutants (SE), le responsable d’unité opérationnelle (RUO) et les prestataires privés.

1.1. Le représentant du pouvoir adjudicateur

La plateforme affrètement et transport (PFAT), en qualité de RPA, rend compte chaque mois au centre de soutien des opérations et des acheminements (CSOA) des dépenses sur chaque marché sur toutes les UO. Il s’assure notamment que les montants minimum et/ou maximum soient atteints lorsque ceux-ci sont indiqués dans les marchés. Le RPA suit également les montants des prestations complémentaires qui sont limitées.

1.2. Les services exécutants

Depuis 2016, le lien entre le RUO et chacun de ses services exécutants doit être formalisé dans un protocole ou contrat de service. Ce document a pour objectif d’assurer la soutenabilité budgétaire et la qualité de la comptabilité en détaillant les modalités du dialogue de gestion entre l’UO et son SE. Chaque année, des protocoles de gestion sont passés avec la PFAT et les ESID pour les marchés de transports externalisés ainsi que les plateformes achats et finances du commissariat (PFC) concernées par les autres marchés.

Ces protocoles font apparaître le référentiel budgétaire, un plan d’emploi prévisionnel des AE et CP, (fixant notamment le montant maximum de dépense autorisé) ainsi que les actions de contrôle interne budgétaire et les modalités de correction des erreurs détectées. Ainsi, dès qu’une erreur de facturation est détectée ou lorsque le montant maximum de dépense autorisé sur un marché est atteint, le SE prend contact avec le CSOA.

1.3. Le responsable d’unité opérationnelle

Le CSOA, responsable des UO 0178‑0061-EM06 (BOP EOI) et 0178‑0062‑OP02 (BOP OPEX), suit les dépenses des marchés d’externalisation sur son périmètre via le SI CHORUS. Le CSOA, ainsi que le 519e RT (régime du train) et le CTTS (centre des transports et transits de surface, centre de mise en œuvre du CSOA), valident chaque commande et constatent le paiement de chaque prestation ce qui permet de suivre les dépenses des marchés - du devis au paiement - et d’avoir ainsi à chaque instant la connaissance de la consommation des AE et CP sur ces marchés.

 

De plus, des outils internes (hors SI) ont été développés par le CSOA :

a) Un document commun CSOA-PFAT (SE) qui permet un suivi permanent du traitement des documents comptables liés aux marchés relatifs aux voies aériennes affrétées (VAA - SALIS) et voie maritime affrétée (VMA‑CMN). Ce document sert de support aux demandes de rectifications d’imputation lorsque des erreurs sont constatées dans CHORUS ;

b) Des documents spécifiques à chaque marché qui permettent d’identifier de manière plus précise les éléments facturés et ainsi avoir une connaissance affinée de la dépense :

– un document spécifique aux dépenses sur le contrat d’affrètement aérien SALIS. Celui-ci permet de suivre le type d’heures de vol (prépayées, additionnelles) par mission, et de contrôler les factures. Ce document permet également de suivre les dépenses non imputées sur les UO du CSOA (carburants) ;

– un document spécifique aux dépenses du contrat d’affrètement maritime CMN. Celui-ci permet de suivre en détail tous les postes de dépenses (carburants, frais portuaires, loyer).

1.4. Les prestataires privés

Les marchés précisent que les prestataires privés doivent effectuer un reporting mensuel au CSOA. Celui-ci doit préciser les numéros de commandes, les lieux de la prestation (lieu d’enlèvement/déchargement), le montant des devis et/ou des factures, le poids des colis ou le tonnage des véhicules, la destination finale du fret. Ces éléments permettent au CSOA d’effectuer un rapprochement avec les factures déposées dans le SI CHORUS et de s’assurer de la réalité des prestations.

2. Comparaison du coût des externalisations par rapport au recours aux moyens propres

Conformément à la politique d’acheminement définie par l’EMA, l’externalisation pour les acheminements se décline en une externalisation de complément (par exemple, compenser une absence d’une capacité stratégique au sein des armées comme l’affrètement aérien hors gabarit) et une externalisation de substitution (ressources internes insuffisantes ou non déployées par choix du commandement en raison de contraintes exogènes (effectifs, coûts).

Trois familles de critères permettent d’apprécier l’externalisation et ses conditions de mise en œuvre :

– Critères opérationnels (contexte sécuritaire, posture de soutien, facteur temps et élongation du dispositif, etc.) ;

 Critères économiques et administratifs (coût de la prestation, différence par rapport à la régie, capacités du marché local, cadre juridique des contractants, etc.) ;

– Critères de risques (perte d’autonomie et de flexibilité, fiabilité du fournisseur, sécurité du personnel et sûreté du fret, dérapage financier, dégradation de l’image du ministère, etc.).

Enfin, dans le cadre de la voie aérienne militaire, l’instruction n° 120/ARM/EMA/PERF/BPSO relative aux transports aériens par moyens militaires réalisés au profit de personnes privées ou de services publics ne relevant pas du ministère et à l'embarquement dans des aéronefs militaires, ainsi que la note annuelle d’actualisation des tarifs constituent la meilleure appréciation du coût.

Des travaux d’identification des coûts de la voie routière militaire sont en cours.

 

Le rapporteur spécial ne peut que déplorer ce refus de répondre aux questions posées en matière d’externalisation. Bien que la décision d’externaliser une fonction relève du seul pouvoir réglementaire – et le rapporteur ne conteste pas ce monopole –, le pouvoir exécutif a l’obligation de rendre compte de son action devant le Parlement. Il serait souhaitable que les services du ministère des armées ne contestent pas les pouvoirs de contrôle et d’évaluation du Parlement qui – faut‑il le rappeler – lui sont reconnus à l’article 24 de la Constitution.

II.   Le Suivi des recommandations du rapporteur spÉcial

En 2017 et 2019, le rapporteur spécial avait présenté devant la commission des finances deux rapports d’information sur le transport stratégique ([20]) et sur le soutien des forces en OPEX ([21]), qui soulignaient les carences du suivi juridique, financier et opérationnel des externalisations, les risques inhérents à cette pratique ainsi que des dysfonctionnements préoccupants dans les passations de marchés publics ou encore le contrôle des sociétés privées prestataires.

Deux ans plus tard, le rapporteur a souhaité connaître les suites données à ses recommandations et, plus largement, les mesures prises par le ministère des armées en matière de suivi et de contrôle des externalisations effectuées au profit des armées et des grands services de la défense.

Certaines recommandations ont été satisfaites, comme le renforcement du contrôle technique des appareils utilisés. Toutefois, d’autres propositions sont restées sans réponse ou ont reçu une fin de non-recevoir. Les procédures d’appel d’offres ont été sensiblement rectifiées, mais elles conservent des points de fragilité, notamment dans la section des titulaires. Le recours à des sociétés privées, non soumises à un contrôle strict des services de renseignement, perdure et menace la confidentialité qui entoure les forces armées. Quant à l’Économat des armées, son statut spécifique le fait échapper à tout contrôle parlementaire, alors que les missions qui lui sont confiées tendent à s’élargir.

 

A.   Sur les marchÉs d’externalisation d’affrÈtements aÉriens, routiers et maritimes

Concernant les marchés d’externalisation d’affrètements aériens, routiers et maritimes au profit des forces, le rapporteur recommandait en juin 2019 :

– de mettre en place un accord-cadre de transport intra-théâtre ;

– d’adapter les délais des appels d’offres pour intégrer en amont les phases d’habilitation et d’expertises internes ;

– de renforcer l’indépendance de l’autorité contractante par rapport à l’autorité commandant les forces ;

– de mettre un terme à la supervision systématique des marchés par le Contrôle général aux armées (CGA) pour responsabiliser pleinement les services adjudicateurs, le Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA) et la plate-forme affrètement et transport (PFAT).

Sur ces quatre recommandations, une seule a été suivie., à savoir la responsabilité de la plate-forme affrètement et transport (PFAT). Sur ce point, la réponse du ministère des armées au questionnaire demandé par le rapporteur spécial est la suivante : « Le ministère a décidé le 17 février 2021 le transfert de la responsabilité de représentant du pouvoir adjudicateur du directeur du commissariat de l’opération BARKHANE à la PFAT pour les nouveaux marchés d’affrètement aérien de cette opération. La PFAT adaptera le calendrier et les délais des consultations pour laisser le temps d’analyser les réponses, avec l’appui des organismes experts (DGAC, DSAé, OSAC, CSOA, AAE). La désignation de la PFAT comme RPA renforce considérablement l’indépendance de l’autorité contractante par rapport à l’autorité commandant les forces. En outre, la spécialisation de la PFAT sur les marchés d’affrètement, les échanges réguliers avec les organismes experts (DGAC, DSAè, OSAC), les formations délivrées aux acheteurs par ces organismes, ont permis d’augmenter l’expertise et la compétence de cette plateforme ».

Les autres problématiques soulevées par le rapporteur n’ont pas obtenu de réponse ou ont fait l’objet d’une fin de nonrecevoir. Le ministère indique que « la supervision systématique par le CGA des marchés d’externalisation d’affrètement intra-théâtre s’appuie sur une décision ministérielle du 24 juillet 2018 qui est appliquée depuis lors ».

Par ailleurs, le rapporteur tient à souligner les contradictions dans les réponses rapportées par le ministère des armées. Pour les marchés d’affrètement aérien au Sahel, le ministère affirme qu’il sera mis un terme à la présélection contestable des candidats et que la sous-traitance sera limitée. En pratique, les récents appels d’offres lancés au profit de l’opération Barkhane, et notamment des forces spéciales, persistent dans cette pratique. En outre, la réponse apportée à une autre question posée par le rapporteur indique clairement que tous les prestataires des marchés d’affrètement aérien tactiques font appel à des sous‑traitants, qui plus est étrangers.

Question : Faire le bilan financier et opérationnel du transport aérien tactique par théâtre d’opération extérieure en 2020 :

– Répartition en volume (tonnage, heure de vol) et en valeur par mode (ressources patrimoniales, recours aux aviations alliées, recours à des prestataires privés), par type d’avion ;

– Indiquer pour 2020 les principaux prestataires privés de transport tactique, leur identité, leur chiffre d’affaires, le montant en volume et en valeur des missions effectuées pour le compte des armées, les types d’appareils opérés ainsi que les compagnies propriétaires de ces appareils. Mentionner le cas échéant les événements intervenus en 2020 affectant l’externalisation du transport tactique (attribution de marché, avenants modifiant l’exécution d’un marché, incidents dans l’exécution) ;

– Préciser les modalités de suivi et de contrôle des marchés d’affrètement aérien tactique par le ministère des armées ;

– Préciser les modalités de suivi et de contrôle des sociétés titulaires des différents marchés d’affrètement aérien et de leurs sous-traitants.

Réponse :

 

 

 

B.   Sur les sociÉtÉs prestataires

Dans ses rapports précédents, le rapporteur spécial avait mis en exergue les risques que le recours à des sociétés prestataires privées, non soumises à un contrôle strict des services de renseignement fait peser sur les forces armées, en menant la confidentialité de leurs activités mais aussi en les exposant à un risque « réputationnel » non négligeable.

S’agissant des sociétés prestataires chargées d’une mission pour le compte du ministère des armées, le rapporteur s’est inquiété de la confidentialité des opérations menées. Aussi, le rapport de juin 2019 recommandait :

– de repenser le modèle économique qui gouverne les marchés d’affrètement au profit du ministère des armées, en assumant pleinement la possibilité que cette révision puisse générer une charge financière supérieure ;

– de mettre un terme aux sociétés-écrans et exiger de chaque titulaire qu’il soit l’opérateur direct du contrat ;

– de limiter le recours à la sous-traitance à un seul niveau et en réduire l’ampleur ;

– d’abandonner la présélection des candidats aux appels d’offres, inefficace et dommageable au renouvellement des titulaires des marchés.

La réponse du ministère des armées au questionnaire demandé par le rapporteur spécial se contente de déclarer que « les marchés envisagés porteront l’exigence d’avoir un opérateur direct ou un commissionnaire de transport, en fonction du montage contractuel envisagé. L’ingénierie contractuelle sera revue afin de regrouper les contrats via, par exemple, le recours à la technique des accords-cadres à marchés subséquents ou à bons de commande, ou à celle de l’allotissement géographique ou technique ». En outre, la sous-traitance « fait systématiquement l’objet d’un suivi attentif » et « sera limitée ». Enfin, les marchés étant passés en France, « le code des marchés publics sera appliqué et la présélection des candidats ne sera pas appliquée ».

Comme il est indiqué dans la réponse ci-dessus, le ministère des armées s’appuie sur le contrôle de sécurité des équipages mené par la DRSD. Il a été mentionné à votre rapporteur – et à son grand étonnement – que n’entrait pas dans le champ d’intervention de la DGSE le suivi des sociétés russes, ukrainiennes, moldaves, sud-africaines ou encore émiraties qui assurent le transport du fret et des soldats français. Que les autorités françaises affichent un tel niveau de confiance à l’égard de ces entreprises étrangères tient peut-être à leur honneur. Le rapporteur n’ose imaginer une part de naïveté ou d’inattention.

Le sujet du contrôle des prestataires étrangers est d’autant plus sensible qu’il est désormais fait appel à des sociétés privées pour mener des missions de conseil à des niveaux de plus en plus stratégiques. Il en va ainsi de la DGA. Sur les quatre marchés mentionnés pour 2020, tous ont été attribués pour tout ou partie à des filiales de groupes étrangers.

 

 

Question : Recenser les marchés de conseil auxquels la DGA a eu recours au cours de l’exercice 2020. Préciser pour chacun d’eux l’entité titulaire, l’objet du marché, le service bénéficiaire, la durée et le coût des missions.

 

Réponse :

 

Les conseils auxquels la DGA a eu recours au cours de l’exercice 2020 ont vocation à aider à accélérer sa transformation et la mise en œuvre des réformes ministérielles, de façon à en dégager aussi rapidement que possible les pleins effets au bénéfice de l’exécution de la loi de programmation militaire.

 

Les prestations visent à soutenir d’une part le développement des méthodes, des pratiques et des outils d’ingénierie système dans les opérations d’armement en appui de la réforme de l’équipement des forces, d’autre part la simplification systématique du fonctionnement et l’implication du management dans le pilotage de l’activité des équipes.

 

Les marchés en vigueur à ce titre en 2020 sont :

 

Conformément aux dispositions en vigueur au sein du ministère, les titulaires ont été sélectionnés à l’issue d’une procédure de mise en concurrence conformément au code de la commande publique. Cette procédure a été conduite par la sous-direction achats du service parisien de soutien de l’administration centrale (SPAC), représentant du pouvoir adjudicateur, sur la base d’un cahier des charges établi par les services de la DGA.

 

Plus largement, le recours à des entreprises privées induit le risque de conflits d’intérêts et de corruption. Les enquêtes ouvertes par le parquet national financier le prouvent. Toutefois, le rapporteur spécial note que les procédures de passation des marchés visent cependant à s’en prémunir, à l’instar de la DGA.

 

Question : Définir les procédures mises en place par la DGA pour éviter tout conflit d’intérêts avec les sociétés de conseil auxquelles elle a recours.

Réponse :

Les dispositions en vigueur pour l’achat de prestations de conseil au bénéfice d’organismes de la DGA sont celles qui s’imposent à tout organisme du ministère.

Le dispositif ministériel confie les achats de conseil au secrétariat général pour l’administration. La responsabilité de représentant du pouvoir adjudicateur était exercée par la sous-direction achats du service parisien du soutien de l’administration centrale (SPAC) jusqu’à la dissolution de celui-ci fin 2020. Elle devrait être exercée à l’avenir par une agence ministérielle de gestion (AMG), dont une sous-direction de préfiguration (SDPAMG) a été créée le 1er janvier 2021 et assure la continuité de l’activité.

Un référent ministériel pour le conseil, relevant de la SDPAMG, anime la mise en œuvre du dispositif. Le référent veille à la connaissance et au respect par les différents acteurs des règles de contrôle des procédures d’achat. Ces dernières sont notamment déclinées par des dispositions du code de prévention des atteintes à la probité établie par le référent ministériel déontologue, alerte et anticorruption. Au demeurant, le ministère des armées a été le premier à se doter d’un tel texte qui s’inscrit dans le plan national de lutte contre la corruption. Ce texte répond également aux exigences imposées aux grandes entreprises et aux administrations par la loi Sapin II, en suivant les recommandations de l’agence française anticorruption (AFA).

En pratique :

– chaque besoin en prestation de conseil fait l’objet d’une fiche de demande. Cette dernière indique les prestations recherchées et les bénéfices escomptés, précise les compétences attendues du prestataire, analyse les solutions alternatives à l’achat et décrit les dispositions, notamment de gouvernance, envisagées pour le pilotage et le suivi des prestations ;

– les demandes ainsi formalisées sont soumises par la voie hiérarchique à l’accord du délégué général pour l’armement, après consultation de la direction de la transformation et de la performance ministérielle (DTPM), et après visa des autorités fonctionnelles ministérielles concernées (DAF, DRH-MD, DAJ) si le sujet le nécessite. La demande est ensuite inscrite au projet de plan de commande de l’année, qui est soumis à la validation du cabinet de la ministre. Une fois validée, elle est détaillée sous la forme d’un cahier des charges ;

– la consultation des fournisseurs est conduite par le représentant du pouvoir adjudicateur en tenant compte des principes de liberté d’accès des fournisseurs à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence dans les procédures ;

– l’organisme de la DGA demandeur est associé par le référent ministériel pour le conseil à l’analyse technique des offres, sur la base des critères affichés dans le règlement de la consultation. Les offres financières ne lui sont pas communiquées ;

– le prestataire est choisi par le représentant du pouvoir adjudicateur à l’issue de la procédure.

 

C.   SUR les aÉronefs affrÉtÉs

À propos des aéronefs affrétés par le ministère des armées pour le transport de troupes ou de matériel, le rapporteur recommandait, en juin 2019 :

– de réviser la loi de programmation militaire pour accélérer ou engager les programmes dont le besoin capacitaire est aujourd’hui assuré par des externalisations ;

– d’intégrer les aéronefs affrétés à la flotte étatique.

La réponse du ministère au questionnaire demandé par le rapporteur spécial témoigne d’un début de prise de conscience :

« La LPM prévoit une accélération des livraisons d’A400 M dans les prochaines années, portant la flotte à 20 avions en 2022, 25 en 2025 et devrait atteindre 35 appareils en 2028. Ce calendrier représente un effort financier important sur la LPM en cours de plus de 2,3 milliards d’euros.

« Cet accroissement significatif du parc devrait permettre de sortir progressivement de la rupture temporaire de capacité qui a débuté en 2013. Ceci répondra aux besoins opérationnels de transport aérien intra-théâtre puis inter‑théâtres grâce à la polyvalence de l’A400M, dont les caractéristiques techniques sont adaptées à une large palette de missions.

« Compte tenu des priorités retenues dans le cadre de l’actualisation de la LPM par le Président de la République et des faibles marges disponibles pour adapter l’effort d’investissement en milieu de période, il n’est pas envisagé à ce stade de pouvoir accélérer les livraisons au regard des autres priorités à couvrir pour conserver un modèle complet et cohérent dans une phase de mutation importante (renouvellement conséquent d’une large part des systèmes d’arme des 3 armées sur cette LPM et la suivante).

« Par ailleurs l’A400M est un programme mené en coopération avec un calendrier partagé pour la livraison des 174 avions commandés par l’ensemble des partenaires. Toute variation du calendrier de livraison au plan national doit être agréée par les autres clients, sauf à ce que les changements soient transparents en matière de production, ce qui semble peu probable en première approche au regard des cadences. »

Par ailleurs, le rapport de juin 2019 préconisait :

– de développer en interne du ministère des armées les capacités techniques et juridiques rendant réversible l’externalisation de la certification et des contrôles de sécurité ;

– s’assurer de la qualité des experts de l’OSAC et mener à l’encontre de cet organisme une vigilance a minima équivalente à celle portée aux services du ministère.

La réponse du ministère sur ces deux points est plus énigmatique :

« La DSAÉ est autorité de sécurité aéronautique pour les aéronefs d’État français, immatriculés sur un registre étatique et exploités selon la réglementation étatique française. Les prestations d’aéronefs affrétés pour les liaisons intra‑théâtres sont contractualisées actuellement par les DIRCOM au niveau local et les aéronefs concernés n’entrent pas dans cette catégorie, comme l’indiquait la lettre N° 2274/ARM/EMA/CPCO/CDT/NP du 23/06/2020 puisqu’ils ont une immatriculation civile (en outre, généralement à l’étranger) et sont exploités selon la réglementation civile.

« L’Organisme pour la sécurité de l’aviation civile (OSAC) est le seul opérateur français, dépendant de la DGAC, habilité et disposant d’un droit exclusif (délégation de service public) pour les missions de contrôle dans le domaine de la sécurité aérienne (arrêté du 26/07/2016 relatif à l’habilitation de la société OSAC pour l’exercice de mission de contrôle de sécurité aérienne). De plus, il a été retenu également pour tenir compte de la sensibilité du besoin nécessitant de protéger les intérêts essentiels de la sécurité de l’État. »

D.   sur la protection du secret des opÉrations

Afin de renforcer la protection du secret des opérations, le rapport recommandait :

– de replacer la DRSD au cœur de la procédure d’habilitation et de la reconnaître comme seule autorité habilitatrice du ministère des armées ;

– d’engager une procédure d’habilitation « confidentiel défense » lorsque celle-ci est exigée dans le cadre d’une consultation auprès de personnes physiques ou morales extérieures au ministère des armées, même si les candidats ont déjà été habilités dans un autre cadre ;

– de procéder à un contrôle systématique de la situation du titulaire lors du renouvellement du contrat ;

– de faire du recours à des pilotes, réservistes opérationnels salariés des titulaires, une exigence centrale des appels d’offres ;

– d’interdire aux forces spéciales de recourir aux externalisations de leurs moyens aériens ;

– d’intégrer le risque « réputationnel » dans les externalisations.

La réponse transmise par la DRSD au rapporteur spécial est couverte par le secret-défense et ne peut faire l’objet d’un suivi dans le cadre de ce rapport.

E.   Sur l’Économat des armÉes

Concernant l’Économat des armées, le rapport de juin 2019 recommandait :

– de réaffirmer la vocation du commissariat des armées à intervenir sur les théâtres d’opération et le rôle complémentaire de l’Économat ;

– de s’assurer de la réversibilité de l’externalisation du soutien confié à l’Économat ;

– de reconnaître à l’Économat des armées le statut d’opérateur du ministère des armées (au sens de la LOLF) pour en renforcer le contrôle.

Sur le deuxième point, le ministère des armées indique que « cette réversibilité est déjà effective et s’est matérialisée par exemple avec la reprise en régie militaire d’une partie du soutien pour le DETAO à Bangui (RCA) en 2016 ».

S’agissant du statut de l’Économat des armées, la réponse du ministère des armées au rapporteur spécial est la suivante :

« Le statut d’opérateur est à proscrire pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cet établissement public industriel et commercial (EPIC) fait aujourd’hui l’objet de très nombreux contrôles parmi lesquels on peut citer :

« – des contrôles externes très réguliers notamment de la Cour des comptes et du Contrôle général des armées (CGA) ;

« – des comptes annuels certifiés sans réserves par un commissaire aux comptes de premier plan depuis des années ;

« – un contrôle économique et financier de l’État (arrêté du 12 avril 2019 publié au Journal officiel du 24 avril 2019) ;

« – la large présence de représentants du ministère des armées (MINARM) et de la direction du budget dans ses organes de gouvernance ;

« – un contrat d’objectifs et de performance (COP) défini par son autorité de tutelle, le MINARM ;

« – la remontée des comptabilités à la direction générale des finances publiques (DGFIP) et à la Cour des comptes ;

« – la soumission partielle au décret 2012‑1246 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

« Ensuite, le statut d’opérateur du ministère des armées requiert 3 critères cumulatifs : mener une mission de service public, être sous le contrôle direct de l’État et avoir un financement majoritairement assuré par l’État sous forme de subventions pour charges de service public, ou des ressources affectées.

« L’Économat des armées (EdA) ne remplit pas tous ces critères : outre une mission de service public qui n’est pas avérée, il ne reçoit aucune subvention pour charges de service public ou ressources affectées.

« Enfin, l’EdA est un EPIC avec des caractéristiques propres. Il exerce une activité marchande à titre principal. Il ne reçoit aucun crédit de subvention, dotation ou transfert. Il est propriétaire de ses biens et équipements. Il est composé de personnel de droit privé, tout en étant soumis au décret sur la gestion et la comptabilité publique (DGCP). Il est géré selon les règles de l’entreprise. Bien que soumis à la comptabilité publique, son activité lui permet de ne pas être soumis à la comptabilité budgétaire, car son modèle économique est fondé sur le développement d’une activité commerciale, impliquant un pilotage par la marge. Il assure des prestations et services pour lesquelles il est rémunéré du service fait, avec des prétentions de résultat de juste suffisance en application de son COP.

« Aujourd’hui apprécié par les armées pour la transparence de sa gestion, la fluidité de son fonctionnement et la réactivité face aux aléas opérationnels, sa transformation en opérateur de l’État n’aurait pour seule conséquence que d’alourdir très fortement son fonctionnement et réduirait cette réactivité pour l’ensemble de ses activités en France et DOM-TOM, en OPEX, à l’étranger pour les forces armées françaises ou internationales. »

Le rapporteur s’étonne de certains éléments de cette réponse. S’agissant des trois critères cumulatifs liés au statut d’opérateur de l’État, le ministère des armées omet d’indiquer que la doctrine budgétaire de l’État permet « de qualifier d’opérateur de l’État un organisme ne répondant pas à tous les critères ci-dessus, mais considéré comme porteurs d’enjeux importants pour l’État. Ainsi, d’autres critères peuvent être pris en compte, tels que :

– le poids de l’organisme dans les crédits ou la réalisation des objectifs du ou des programmes qui le financent ;

– l’exploitation ou l’occupation de biens patrimoniaux remis en dotation ou mis à disposition par l’État ;

– l’appartenance au périmètre des organismes divers d’administration centrale (ODAC) ;

– la présence de la direction du budget au sein de l’organe délibérant prévue par les statuts de l’organisme » ([22]).

À propos de la transparence de gestion de l’Économat, le rapporteur se doit de rappeler qu’il a fallu six ans pour que l’arrêté de contrôle de l’Économat des armées par le Contrôle général économique et financier (CGEFi) soit publié et que cette publication a été précipitée en 2019 en raison de la publication imminente de son rapport d’information sur l’externalisation du soutien aux forces armées. Ledit rapport rappelait notamment l’extrait du rapport 2018 du CGEFi sur l’Économat relatif à la rémunération du directeur général de l’Économat : « Estimant ne pas disposer d’éléments suffisants, le contrôleur financier s’est en effet abstenu de donner son visa sur cette donnée relevant pourtant de son champ de contrôle ».

En conséquence, le rapporteur spécial confirme sa recommandation de faire de l’Économat des armées un opérateur du ministère des armées. Ce statut permettrait un meilleur contrôle parlementaire sur cette entité dont les dirigeants sont nommés par le ministère des armées et dont la quasi-totalité de l’activité est menée au profit du ministère.

En outre, le rapporteur souhaite rappeler les termes de son rapport de 2019 : « faire de l’Économat des armées un opérateur de l’État serait, pour l’établissement, une reconnaissance de son rôle dans la chaîne du soutien des forces et, pour le ministère des armées, une manifestation de son souci de transparence dans sa relation avec cet EPIC ».


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   CONCLUSION

Les externalisations sont une pratique usuelle et nécessaire pour les forces françaises. Elles doivent cependant être encadrées et contrôlées pour éviter les abus et les dérives. Le ministère des armées s’y emploie. La marge de progression demeure cependant très grande.

En 2008, la commission de la défense de l’Assemblée nationale avait créé une mission d’information pluriannuelle de suivi de la réforme du ministère de la défense. Au début de la prochaine législature, il serait pertinent de procéder de même sur les externalisations.

 

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 25 mai 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. François CornutGentille, rapporteur spécial, sur les crédits de la mission Défense : préparation de l’avenir.

 

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu est consultable ici.

 

 

 


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   SOURCES UTILISÉES

 

– Rapports annuels de performance des programmes de la mission Défense pour l’année 2020, annexés au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020

– Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense

– Réponses au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur spécial au ministère des armées, en application de l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances

– Annexe au projet de loi de finances pour 2021 relatif aux opérateurs de l’État

 

 


([1]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([2]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([3]) Le schéma d’emplois global de la mission défense s’élève quant à lui à 944 ETP, dont 416 ETP pour les emplois sous plafond ministériel, 439 ETP pour les apprentis et 89 ETP pour les volontaires du SMV.

([4]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense, page 47.

([5])  Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([6]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([7]) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([8])  Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.

([9]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense, page 18.

([10]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense, page 25.

([11]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense, page 35.

([12])  Décret n° 2020-1105 du 1er septembre 2020 portant transfert de crédits.

([13]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([14])  Décret n° 2020-1016 du 7 août 2020 portant virement de crédits.

([15]) Décret n° 2020-1015 du 7 août 2020 portant transfert de crédits.

([16]) Les quatre écoles composant l’Institut polytechnique de Paris sont l’École polytechnique, l’École nationale supérieure des techniques avancées (ENSTA) Paris, l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) Paris Tech et l’Institut Mines-Télécom.

([17]) Les jalons des feuilles de route d’acquisition de ces technologies sont des étapes clefs dans la progression technologique et sont exprimés en « TRL » (pour technology readiness level) permettant de situer le niveau de maturité de la technologie sur une échelle allant de 1 à 7 ; le niveau 7 correspond à une maturité suffisante pour une prise en compte éventuelle dans un programme d’armement.

([18]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense, page 56.

([19])  Cour des comptes, ibid., page 56.

([20]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 4595 sur le transport stratégique, présenté par M. François Cornut-Gentille, déposé en application de l’article 146 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 28 mars 2017.

([21]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 2040 sur l’externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, présenté par M. François Cornut-Gentille, déposé en application de l’article 146 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 19 juin 2019.

([22])  Annexe au projet de loi de finances pour 2021 relatif aux opérateurs de l’État, page 8.