— 1 —

N° 4195

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 14
 

 

DÉfense :

 

BUDGET OPÉRATIONNEL DE LA DÉFENSE

 

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Aude BONO-VANDORME

 

Députée

____

 

 

 

 


— 1 —

SOMMAIRE

___

Page

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

RECOMMANDATIONS DE LA rapporteure spÉciale

SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES

I. ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX : UNE PROGRAMMATION ET UNE EXÉCUTION une nouvelle fois CONFORME À LA LPM ET LA LFI, malgrÉ la crise sanitaire

A. Une programmation en nette hausse en application de la LPM

B. Une deuxième année consécutive d’exécution globalement conforme aux autorisations

C. Les armées ont su s’adapter pour continuer à assurer ses missions dans la crise

D. Une trajectoire de restes à payer qui fait peser des risques sur la soutenabilité de la mission en cas de non–respect des trajectoires de la LPM

E. Une nouvelle répartition des crédits d’infrastructure dans l’esprit de la LOLF, qu’il conviendrait d’achever par un transfert plus complet aux gestionnaires

F. Des dépenses fiscales au poids marginal mais mal suivies et non évaluées

G. Les recettes propres des opérateurs ont fondu en raison de la crise sanitaire, obligeant le ministère à abonder leurs crédits

II. Le Programme 178 PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES

A. Des crédits en hausse en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour soutenir les trajectoires prévues par la LPM

B. Une sous–consommation significative des autorisations d’engagement destinées à la conclusion de contrats de maintien en condition opérationnelle

C. Une provision Opex–Missint qui atteint un palier haut, permettant de limiter le reliquat à couvrir pour le ministère

III. Le Programme 212 SOUTIEN DE LA POLITIque de la dÉfense

A. Effectifs et dépenses de personnel : des résultats à saluer au vu de la difficulté du contexte

1. Des résultats exceptionnels dans un contexte fortement perturbé mais une vigilance sur les recrutements de certaines compétences militaires et le maintien d’une capacité de financement des recrutements à venir

2. Une poursuite réussie du déploiement de Source solde et de la prime de lien au service

3. Des dépenses de personnel quasi stables et à l’exécution proche de la perfection

B. Les autres postes de dépense du programme 212 connaissent une forte baisse en raison de la nouvelle architecture budgétaire

DEUXIÈME PARTIE - THÈME D’ÉVALUATION : LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DES ARMÉES

I. rESPONSABILITÉ DES chefs d’État–major sous l’autoritÉ du chef d’État–major des armÉes, la prÉparation opÉrationnelle s’affirme comme un enjeu prioritaire des armÉes françaises

A. La préparation opérationnelle des armées représente l’un des enjeux majeurs et en devenir des armées françaises

1. La préparation opérationnelle est un élément essentiel de l’existence et de la vie des armées

2. L’évolution du contexte stratégique et les trajectoires de la LPM renforcent l’importance de la préparation opérationnelle

3. La préparation opérationnelle est la responsabilité première des chefs d’état–major d’armée sous l’autorité du chef d’état–major des armées

II. LA prÉparation opÉrationnelle ne dispose pas d’un suivi budgÉtaire robuste, ce qui appelle l’enrichissement du dispositIf de performance qui lui est associÉ

A. La préparation opérationnelle prÉsente des difficultés intrinsèques de suivi budgétaire et est largement dépendante de la conjonction des moyens des armées

1. La difficulté intrinsèque à la quantification financière et à la valorisation de la préparation opérationnelle

2. Une composante de l’activité des forces dépendante des moyens d’action et de l’engagement des armées

a. La préparation opérationnelle nécessite la conjonction de moyens humains et matériels

b. Le niveau d’engagement peut constituer un facteur du volume et de la qualité de la préparation opérationnelle

c. Le renchérissement technologique vient accroître la pression budgétaire sur les substrats matériels de la préparation opérationnelle

B. Un dispositif de performance, essentiel à l’appréhension de la préparation opérationnelle, qui reste perfectible

III. EN dÉpit de certains manques, la prÉparation opÉrationnelle s’est maintenue À un niveau satisfaisant mais aura besoin de se renforcer pour soutenir la remontÉe en puissance des armÉes

A. La préparation opérationnelle a su maintenir un niveau élevé de capacité opérationnelle mais souffre d’entraves occasionnant des manques

1. De manière globale, le contrat opérationnel a été rempli mais les capacités de haut du spectre des armées ont été fragilisées

a. Armée de Terre

b. Marine nationale

c. Armée de l’Air et de l’Espace

2. La mise en œuvre de la LPM permet une amélioration sensible des moyens nécessaires à la préparation opérationnelle

a. Équipement

b. Maintien en condition opérationnelle

c. Organisation

d. Condition militaire

B. La préparation opérationnelle constitue l’un des enjeux majeurs de la trajectoire de remontée en puissance des armées françaises

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE


— 1 —

   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

En 2020, les ouvertures de crédits respectaient les trajectoires de la loi de programmation militaire 2019-2025 (LPM). Pour les programmes 178 et 212, les crédits de paiement progressaient sur un an respectivement de 4 % et de 0,4 % entre 2019 et 2020, pour atteindre 10,2 milliards d’euros et 22,2 milliards d’euros. Les autorisations d’engagement croissaient de 8,4 % pour le programme 178 et reculaient de 6 % pour le programme 212, principalement en raison de mesures de périmètre. À la suite de ces évolutions, elles atteignaient 16,5 milliards d’euros et 22,2 milliards d’euros.

L’exécution peut être vue comme une réelle réussite compte tenu du contexte de crise sanitaire.

L’exécution des crédits de la mission pour 2020

En millions d’euros

Loi de finances initiale y compris fonds de concours et attributions de produits

Crédits exécutés

Écart

en valeur absolue

et en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 144 : Environnement et prospective de la politique de défense

1 766

1 548

1 784

1 541

+ 18

(+ 1)

 6

(– 0,4)

P 178 : Préparation et emploi des forces

16 534

10 290

13 266

10 540

 3 268

(– 25)

+ 249 (+ 2,4)

P 212 : Soutien de la politique de la défense

22 257

22 212

22 110

21 970

 146

(– 1)

 241

(– 1,1)

Dont titre 2

20 908

20 908

20 786

20 786

 122

(– 0,6)

 122

(– 0,6)

P 146 : Soutien de la politique de la défense

25 419

12 654

13 699

12 623

 11 719 (– 86)

 31

(– 0,2)

Total Mission

65 977

46 705

50 860

46 675

 15 116 (– 30)

 29 (– 0,1)

Total Budget opérationnel de la défense (P178 et P212)

38 792

32 502

35 376

32 510

 3 415

(– 10)

+ 7 857

(+ 0,02)

Pour le programme 178, la principale tension en exécution réside dans une sous-consommation des AE, 72 % ont été consommées, en raison du report en 2021 de la passation de contrats majeurs de maintien en condition opérationnelle des équipements.

Pour le programme 212, l’exécution est conforme à l’autorisation : 99 % des AE et 98,4 % des CP ont ainsi été consommés. Le schéma d’emplois est réalisé à + 416 ETP et présente une sur-exécution de 67 ETP, ce qui constitue un beau résultat dans un contexte aussi troublé.

Les surcoûts liés aux opérations extérieures et missions intérieures se sont élevés à 1,44 milliard d’euros. Ils ont été pris en charge sans recourir à la solidarité interministérielle, en partie grâce à une hausse de la provision totale, qui a atteint 1,2 milliard d’euros en LFI 2020.

De manière générale, le ministère a réussi le tour de force de continuer à remplir ses missions et même davantage avec le déclenchement des opérations Résilience et Amitié.

La rapporteure spéciale a souhaité évaluer la préparation opérationnelle des armées, qui représente l’un des enjeux majeurs des armées françaises. Elle salue tout d’abord les résultats obtenus dans ce domaine. De manière globale, les efforts de préparation ont permis de remplir le contrat opérationnel, mais les capacités complexes ont été fragilisées. Conformément à ce que prévoyait la LPM, la préparation opérationnelle s’est en effet recentrée durant ces dernières années sur la réponse aux conflits du moment, parfois au détriment des savoir-faire dans le domaine de la haute intensité. Elle a pu également être limitée par des manques de matériels et munitions et par un niveau d’engagement des forces très élevé.

D’un point de vue strictement budgétaire, la préparation opérationnelle est par nature complexe à suivre. Il en résulte une absence de convention sur un périmètre associé à la préparation opérationnelle et donc un manque de vision fiable des crédits alloués et exécutés. Cela oblige à disposer d’indicateurs d’activité et de performance permettant de juger du niveau et de la qualité de la préparation opérationnelle. Ce dispositif de performance apparaît à la rapporteure spéciale perfectible à ce jour. Elle préconise donc une série de pistes d’amélioration.

La mise en œuvre de la LPM permet et permettra une amélioration sensible des moyens nécessaires à la préparation opérationnelle. Cela est d’autant plus vrai que lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées le mardi 4 mai 2021, la ministre des armées a annoncé que la préparation opérationnelle serait l’un trois axes possibles d’ajustement de la LPM.

Dans l’attente des contours précis de cet effort prévu, la rapporteure spéciale formule des recommandations afin de favoriser l’émergence d’un environnement à même de permettre une préparation opérationnelle répondant aux défis des années à venir.

 


— 1 —

   RECOMMANDATIONS DE LA rapporteure spÉciale

À la lumière de son analyse de l’exécution 2020 et de ses travaux d’évaluation de la préparation opérationnelle des armées, la rapporteure spéciale recommande :

● de compléter la nouvelle répartition entre programmes des crédits d’infrastructure en confiant aux armées non seulement la gestion mais aussi la programmation de ceux liés aux programmes d’armement à effet majeur et à l’activité opérationnelle ;

● de prévoir, même de manière indicative, une répartition entre les munitions destinées à la préparation opérationnelle et celles destinées à l’engagement opérationnel ;

● de maintenir à des niveaux adéquats les budgets munitions et cibleries ;

● d’opérer la distinction entre activité de préparation et activité opérationnelle au sein des sous-indicateurs de l’indicateur 5.1 du programme 178 ;

● de fournir ces mêmes sous-indicateurs en valeur absolue totale puis par équipage, homme ou matériel ;

● d’éclater le sous-indicateur « Taux d'entraînement par équipage sur matériel terrestre » de l’indicateur 5.1 du programme 178 par segment de matériel (lourd, médian, léger) ;

● de reconstruire le sous-indicateur « Niveau d’entraînement cyber » de l’indicateur 5.1 du programme 178 ;

● de créer un indicateur de performance associé à l’objectif 5 du programme 178 et qui rassemblerait les différents indicateurs qualitatifs de préparation opérationnelle produits par les armées ;

● de fournir l’effort budgétaire nécessaire au développement des capacités de préparation simulée, et en particulier au chantier majeur d’évolution d’un écosystème de simulateurs autonomes vers un système intégré permettant la simulation partagée ;

● d’engager une réflexion sur l’éligibilité aux surcoûts Opex pour les opérations de type Lynx ;

● de revoir le format voire la nature de l’opération Sentinelle dans la perspective de permettre à l’armée de terre de regagner en capacité de préparation opérationnelle.


— 1 —

   SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

Dans son rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019, la rapporteure spéciale avait recommandé :

● de budgétiser les dépenses hors dépenses de personnel consacrées aux missions intérieures dans la loi de finances pour 2021 ;

Cette recommandation a été suivie, grâce toutefois à un transfert de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement de l’action 06 « Surcoûts liés aux opérations extérieures » vers l’action 07 « Surcoûts liés aux opérations intérieures » du programme 178, l’enveloppe globale de la provision hors crédits de personnel restant constante ;

● d’inclure les dépenses de personnel des missions intérieures à la provision prévue à l’article 4 de la loi de programmation militaire, à l’occasion de son actualisation en 2021 ;

L’actualisation de la LPM n’a pas encore été réalisée. Il semblerait que cette intégration ne sera cependant pas opérée étant donné que l’actualisation ne passera pas par le Parlement.

● de procéder à une revue du dispositif de performance de la mission Défense afin de mieux lui faire refléter les objectifs politiques de la LPM ;

La création d’un indicateur relatif quant au niveau d’entraînement dans le domaine spatial est prévue à l’horizon deux ans.

Comme cela sera abordé plus avant dans le présent rapport, le dispositif de performance rendant compte de la poursuite de l’objectif 5 « Assurer la préparation des forces dans les délais impartis pour permettre la montée en puissance maximale des capacités militaires prévues » du programme 178 apparaît perfectible afin de permettre une meilleure intelligibilité du niveau de préparation des forces.

● d’étudier des alternatives aux modalités de pilotage des schémas d’emplois pour appréhender annuellement la trajectoire pluriannuelle en effectifs prévue en LPM.

Le mécanisme d’avance-retard permettant à la DGA et à la DGSE d’anticiper des créations d’emplois en compensation du retard enregistré par les gestionnaires militaires comporte le risque que les marges de manœuvre en matière de masse salariale soient trop contraintes pour remplir les effectifs cibles de militaires. La rapporteure spéciale appelle à la vigilance sur ce mécanisme qui, s’il permet d’éviter des sous-consommations annuelles et répond aux besoins de ces services, ne doit pas contraindre à terme les recrutements, prévus, de militaires.


— 1 —

   INTRODUCTION

La loi de finances initiale pour 2020 et son exécution s’inscrivaient, en matière de crédits de la mission Défense, dans une trajectoire établie par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2019-2025. Cette programmation budgétaire est adossée au cadre stratégique fixé par la Revue stratégique de Défense et de sécurité nationale en décembre 2017. Ce document, actualisé en 2021, fixe comme principaux objectifs à l’horizon 2025 :

– la préservation d’un modèle d’armée équilibré et le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire ;

– une montée en puissance dans le domaine des technologies, de la recherche et de l’innovation, tant en matière d’armement que dans le cyberespace ;

– un renforcement de l’attractivité des carrières et de la fidélisation des personnels.

L’année 2020 constituait la deuxième année d’exécution de la LPM 2019-2025. Le ministère pouvait se fonder sur les réussites des années 2018 et 2019, qui avaient permis de lancer sur de bons rails la trajectoire de remontée en puissance des armées.

Le rapport spécial Budget opérationnel de la Défense rassemble deux des quatre programmes de la mission Défense :

– le programme 178 Préparation et emploi des forces, sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA), dont les crédits sont destinés à l’emploi et la préparation opérationnelle des forces ;

– le programme 212 Soutien de la politique de la Défense, sous la responsabilité de la secrétaire générale pour l’administration (SGA), rassemble les fonctions transversales de direction et de soutien mutualisé du ministère des armées. Il comporte en particulier l’ensemble des crédits de personnel de la mission.

Ces programmes représentent en cumulé 59 % des autorisations d’engagement et 70 % des crédits de paiement ouverts de la mission, contre respectivement 63 % et 68 % en 2019.

La programmation et l’exécution des crédits de 2020 seront examinées dans une première partie, tandis que la seconde sera consacrée à une évaluation de la préparation opérationnelle des armées.


— 1 —

   PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES

L’année 2020, aura été conforme à la LPM du point de vue des crédits ouverts. En matière de crédits consommés, quelques surcoûts et surtout sous-consommations sont à noter mais la capacité d’exécution du ministère est à saluer dans le contexte de crise sanitaire.

I.   ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX : UNE PROGRAMMATION ET UNE EXÉCUTION une nouvelle fois CONFORME À LA LPM ET LA LFI, malgrÉ la crise sanitaire

Le ministère a réussi à respecter les trajectoires de la LPM, qui prévoyait une augmentation substantielle des crédits. L’exécution peut être vue comme une réelle réussite compte tenu du contexte de crise sanitaire.

L’exÉcution des crÉdits de la mission pour 2020

(en millions d’euros)

 

Loi de finances initiale y compris fonds de concours et attributions de produits

Crédits exécutés

Écart
en valeur absolue
et en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 144 : Environnement et prospective de la politique de défense

1 766

1 548

1 784

1 541

+ 18

(+ 1)

 6

(– 0,4)

P 178 : Préparation et emploi des forces

16 534

10 290

13 266

10 540

 3 268

(– 25)

+ 249 (+ 2,4)

P 212 : Soutien de la politique de la défense

22 257

22 212

22 110

21 970

 146

(– 1

 241

(– 1,1)

Dont titre 2

20 908

20 908

20 786

20 786

 122

(– 0,6)

 122

(– 0,6)

P 146 : Soutien de la politique de la défense

25 419

12 654

13 699

12 623

 11 719 (– 86)

 31

(– 0,2)

Total Mission

65 977

46 705

50 860

46 675

 15 116 (– 30)

 29 (– 0,1)

Total Budget opérationnel de la défense (P178 et P212)

38 792

32 502

35 376

32 510

 3 415

(– 10)

+ 7 857

(+ 0,02)

Source : rapports annuels de performance 2020 de la mission Défense.

 

 

A.   Une programmation en nette hausse en application de la LPM

Les crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) s’élevaient à 37,5 milliards d’euros hors compte d’affectation spéciale Pensions (CAS Pensions), soit + 1,6 milliard d’euros par rapport à la LFI 2019. Cette augmentation était en accord avec la trajectoire établie par l’article 3 de la LPM, qui prévoyait 37,6 milliards d’euros de crédits pour 2019. Le décalage de 100 millions d’euros résulte d’une mesure de périmètre et pas d’une réduction des moyens alloués à la mission.

Cette hausse fait suite à celle quasi équivalente opérée entre 2018 et 2019 (+ 1,69 milliard d’euros).

La croissance des crédits de paiement est largement tirée par les efforts faits en matière d’équipement. L’opération stratégique programmes à effet majeur représente à elle seule une hausse de 1,07 milliard d’euros (+ 19 % sur un an).

Les crédits de paiement progressent au sein de chaque programme, avec un taux d’évolution plus faible pour les programmes du budget opérationnel de la Défense (programmes 178 et 212, respectivement + 4 % et + 0,4 %) que pour les programmes du rapport spécial Préparation de l’avenir (programmes 144 et 146, respectivement + 13 % et + 5 %). Cela reflète, d’une part, l’accent mis sur le renseignement et l’innovation (cyberdéfense, numérique, études amont), pour le programme 144, et, d’autre part la poursuite pour le programme 146, d’une phase de décaissement après les engagements contractés en début de programmation. Les programmes 178 et plus encore le programme 212, notamment en raison du poids des dépenses de personnels, sont eux engagés dans une trajectoire de croissance plus modérée.

En autorisations d’engagement, le différentiel de croissance en faveur du programme 146 est encore plus net (+ 76 %), hausse devant soutenir de nouveaux programmes d’armement comme le système de combat aérien du futur (SCAF), le développement satellitaire et la poursuite de programmes tels que SCORPION.

Les programmes 144 et 178 connaissent une hausse équivalente (+ 8,4 %), tandis que le programme 212 voit ses autorisations d’engagement diminuer, mais de manière peu significative (cf. infra), en retrait de 6 %.

La répartition des crédits par nature demeure quasiment identique et constante depuis 2015. Le caractère le plus notable de la répartition des crédits par nature de la mission Défense réside dans le poids des dépenses d’investissement. Ainsi, ces dépenses représentent 79,8 % des crédits d’investissement du budget de l’État alors que la mission Défense représente (hors CAS Pensions) 11 % de l’ensemble des dépenses de ce budget.

B.   Une deuxième année consécutive d’exécution globalement conforme aux autorisations

Après deux années d’exécution d’une grande cohérence en 2018 et 2019, l’exécution de la mission Défense a été à nouveau maîtrisée en 2020 malgré les aléas de la crise.

L’Évolution de l’exÉcution des crÉdits de la mission
au cours des trois derniÈres annÉes (À maquette comparable)

(en millions d’euros)

 

Crédits exécutés en 2017

Crédits exécutés en 2018

Crédits exécutés en 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 144 : Environnement et prospective de la politique de défense

1 429

1 370

1 435

1 394

1 784

1 541

P 178 : Préparation et emploi des forces

8 687

8 537

8 728

8 962

13 266

10 540

P 212 : Soutien de la politique de la défense

22 477

23 034

22 346

22 919

22 110

21 970

P 146 : Soutien de la politique de la défense

11 272

10 004

12 483

10 009

13 699

12 623

Total Mission

43 866

42 946

44 992

43 286

50 860

46 675

Total Budget opérationnel de la défense (P178 et P212)

31 164

31 571

31 074

31 881

35 376

32 510

Source : rapports annuels de performance 2020 de la mission Défense.

46,6 milliards d’euros de crédits de paiement ont été consommés, soit 99,9 % des crédits de paiement ouverts. L’essentiel des crédits non consommés se situe sur le CAS Pensions, en raison d’un défaut structurel de programmation qui devrait être corrigé durant l’année 2021. En effet, la méthodologie de calcul présentait des bases erronées, par exemple pour la cotisation pour les agents contractuels.

Ce taux d’exécution est de 77,1 % en ce qui concerne les autorisations d’engagement (50,8 milliards d’euros), principalement en raison de la sous–exécution des autorisations d’engagement du programme 146 (54 % d’exécution).

En dépit de la continuité de l’activité et de la forte implication des armées dans la lutte contre l’épidémie, la crise sanitaire aura eu des conséquences maîtrisées sur l’exécution des crédits de la mission Défense. De surcroît, les surcoûts se sont en grande partie concentrés sur le programme 146 Équipement des forces, hors du périmètre du Budget opérationnel de la Défense. Ainsi, les dépenses supplémentaires générées par la crise sur la mission Défense, 1,09 milliard d’euros, se répartissent, entre, d’une part, entre les dépenses courantes supplémentaires, incluant l’ensemble des surcoûts opérationnels liés à l’activité du service de santé des armées (SSA) et aux transferts de patients (326 millions d’euros) et, d’autre part, le soutien au secteur industriel (766 millions d’euros). La totalité des dépenses supplémentaires dues à la crise équivaut à 2,3 % des crédits de la mission Défense exécutés en 2020.

Par ailleurs, l’arrêt de certaines activités de préparation opérationnelle (cf. infra) ou les retards pris par les industriels ont engendré de moindres dépenses pour un montant quasi équivalent aux dépenses supplémentaires. Ces moindres dépenses se concentrent elles aussi sur le programme 146 (755 millions d’euros) et le programme 178 (264 millions d’euros). La gestion budgétaire des effets de la crise a donc pu être internalisée au sein de la mission sans venir modifier la répartition entre programmes.

C.   Les armées ont su s’adapter pour continuer à assurer ses missions dans la crise

Les armées ont su assurer la continuité des opérations et de leurs missions permanentes, en s’appuyant sur des capacités opérationnelles réactives, portées par la singularité militaire.

L’activité opérationnelle spécifique du ministère dans cette crise s’est en particulier incarnée dans la mission intérieure Résilience, déclenchée le 25 mars 2020, par laquelle les armées ont apporté leur soutien aux autorités civiles dans la lutte contre l’épidémie.

Le moral des troupes a été bon malgré les contraintes liées à la crise sanitaire. C’est le fruit d’une chaîne de commandement qui s’est mobilisée pour soutenir les personnels et leur famille.

Aux yeux de la rapporteure spéciale, le moral a tenu grâce à une activité de contribution à la lutte contre l’épidémie mais également à une vision stratégique de moyen terme qui donne un cap clair aux personnels de la Défense. La situation pourrait cependant bien évidemment venir peser à terme sur ce moral.

Cet épisode de crise a en outre mis en relief certaines fragilités :

Une certaine dépendance vis–à–vis de prestataires extérieurs, notamment en matière de maintien en condition opérationnelle, comme le développait la rapporteure spéciale dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2021. Ainsi, certains approvisionnements en pièces de rechange ont été interrompus, ce qui aurait pu à terme créer des ruptures capacitaires ;

Un manque d’harmonisation des systèmes d’information, qui complexifie les remontées rapides d’éléments fiables à même de permettre une décision éclairée.

 

 

D.   Une trajectoire de restes à payer qui fait peser des risques sur la soutenabilité de la mission en cas de non–respect des trajectoires de la LPM

Les restes à payer correspondent aux dépenses engagées mais non encore payées. La mission Défense est traditionnellement caractérisée par un niveau élevé de restes à payer. Cela s’explique par la nature des dépenses de la mission, qui, tant en achat d’équipement qu’en maintien en condition opérationnelle, nécessite des investissements importants et de longue durée.

Le contexte de début de LPM accentue cette dynamique, en raison de l’accroissement des investissements d’équipement et d’une nouvelle politique de contractualisation qui privilégie les contrats de longue durée.

Les restes à payer connaissent une hausse de 8 % en 2020, moins forte qu’en 2019 (+ 12 %), et qui doit être mise en perspective avec la croissance des autorisations d’engagement ouvertes en LFI (+ 20 %). À eux deux, les programmes 178 et 146 représentent désormais, avec la nouvelle architecture budgétaire (cf. infra), 94 % du total des restes à payer de la mission.

En valeur absolue, ces restes à payer atteignent 64 milliards d’euros, en conformité avec la trajectoire LPM. Il convient cependant de mettre en relief que la crise a eu pour effet le report de consommation d’un volume significatif d’autorisations d’engagement et a donc artificiellement contenu le volume des restes à payer. Pour le programme 178, sans le report de 4,08 milliards d’autorisations d’engagement, le volume des restes à payer aurait atteint 21,2 milliards d’euros et excédé la cible établie à 17,8 milliards d’euros.

Au vu du volume des restes à payer accumulés et du fait que presque la moitié de ces restes à payer doit être soldée au-delà de 2023, le respect en lois de finances initiales de la trajectoire de ressources fixée dans la LPM sera déterminant pour assurer la soutenabilité des engagements pris.

Concernant les reports de charge, la centralisation des crédits de dépenses de personnel sur le programme 212 a entraîné une concentration des enjeux de report de charges sur les trois autres programmes, les dépenses de personnel étant par nature moins sujettes au phénomène.

Le contrôle du report de charges vise à éviter qu’une part trop importante des crédits de paiement ne soit captive d’engagements passés qui auraient dû se voir soldés.

C’est dans ce but que le rapport annexé de la LPM 2019–2025 fixe l’objectif en matière de réduction du report de charges selon une trajectoire exprimée en valeur relative.


cibles annuelles de report de charges prÉvues
en Loi de programmation militaire

(en % des crédits hors masse salariale)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Report de charges

16

15

14

12

12

11

10

Source : loi de programmation militaire 2019–2025 – rapport annexé.

La cible de 16 % a été atteinte en 2019 et celle de 15 % l’a été en 2020 avec un résultat à 14,5 %, notamment grâce à la politique de paiement plus rapide des fournisseurs mise en place par le ministère pour soutenir la base industrielle et technologique de défense durant la crise. En valeur absolue, cela équivaut à 3,7 milliards d’euros.

E.   Une nouvelle répartition des crédits d’infrastructure dans l’esprit de la LOLF, qu’il conviendrait d’achever par un transfert plus complet aux gestionnaires

L’année 2020 a vu une évolution majeure de la répartition des crédits au sein de la nomenclature par destination de la mission. Une partie des crédits d’infrastructure a été transférée depuis le programme 212, où ils étaient auparavant concentrés, vers les programmes 146 et 178, en vue de favoriser la responsabilisation des gestionnaires. Cette nouvelle répartition répond à une logique de subsidiarité, car elle réduit la distance entre les besoins du terrain et la gestion administrative des crédits.

70 % des crédits hors crédits de personnel du programme 212 ont ainsi été transférés vers les programmes 146 et 178.

Le périmètre du programme 212 en matière d’infrastructure se concentre désormais principalement sur le financement des infrastructures de vie et de travail des personnels et des familles.

Le programme 146 est maintenant doté des crédits d’infrastructure liés à chaque programme à effet majeur (PEM) afin d’améliorer la cohérence entre le déroulement des programmes d’armement et les infrastructures qui les accueillent.

Répondant à la même logique, le programme 178 accueille les crédits d’infrastructure liés à l’activité opérationnelle.

La mise en œuvre de cette nouvelle architecture budgétaire s’est bien déroulée et est achevée. Toutefois, la multiplication des budgets opérationnels de programmes (BOP) a généré une forte augmentation de la charge de travail du service d’infrastructure de la défense (SID).

S’il est encore trop tôt pour tirer un bilan de cette nouvelle architecture budgétaire, on a pu déjà assister à des opérations mettant en lumière l’intérêt de cette évolution. Ainsi, l’Armée de l’air et de l’espace a pu effectuer de manière plus aisée un transfert de crédits pour réaliser des travaux au sein de l’École des pupilles de l’air depuis l’unité opérationnelle centrale.

Les armées manifestent déjà leur satisfaction face à cette évolution qui leur donne un meilleur levier sur la gestion d’infrastructures qui constituent autant d’éléments cruciaux de l’activité des forces.

Recommandation n° 1 : La rapporteure spéciale recommande que la nouvelle architecture budgétaire soit complétée en confiant aux armées non seulement la gestion mais aussi la programmation des crédits d’infrastructure. Cette évolution donnerait la possibilité aux armées de construire une gestion stratégique et plus efficace.

F.   Des dépenses fiscales au poids marginal mais mal suivies et non évaluées

La mission Défense porte cinq dépenses fiscales pour un montant de 126 millions d’euros en 2020. 94 % de ce total est néanmoins le fait de deux dépenses fiscales rattachées au programme 178 :

– l’exonération de l’impôt sur le revenu des indemnités versées aux réservistes ;

– l’exonération de l’impôt sur le revenu des indemnités versées aux militaires au titre de leur participation aux Opex et Missint.

Si elles représentent des masses financières marginales pour la mission Défense, on peut constater un défaut de pilotage de ces deux dépenses fiscales. Le nombre de bénéficiaires est inconnu et aucune évaluation n’en a été faite malgré les recommandations de la Cour des comptes depuis 2014. La Cour recommande désormais de transférer ces deux dépenses fiscales au programme 212, qui concentre les crédits de personnel, dans l’espoir de voir une évaluation être finalement produite à la faveur de ce transfert.

G.   Les recettes propres des opérateurs ont fondu en raison de la crise sanitaire, obligeant le ministère à abonder leurs crédits

L’année 2020 a été marquée par une sur–exécution significative des crédits alloués aux opérateurs, à 462 millions d’euros contre 406 millions d’euros ouverts. C’est le résultat de la crise sanitaire, qui a notamment obligé les musées de la défense à fermer et voir leurs recettes propres quasiment disparaître. Le ministère a donc dû abonder les crédits des musées de l’armée, de la marine, de l’air et de l’espace, notamment afin de leur permettre de couvrir leurs frais fixes. Le même phénomène s’est produit concernant les écoles sous tutelle du ministère (école polytechnique, école navale, école de l’air), qui n’ont pu compter sur les frais de scolarité des étudiants étrangers ou sur certaines ressources de mécénat.

II.   Le Programme 178 PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES

Le programme 178, placé sous la responsabilité du chef d’état–major des armées, occupe une place centrale dans le dispositif de Défense car ses quatre objectifs (assurer les fonctions stratégiques de connaissance et communication, de prévention, de protection, d’intervention) correspondent, avec la dissuasion, à la totalité des fonctions stratégiques assignées aux forces armées.

A.   Des crédits en hausse en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour soutenir les trajectoires prévues par la LPM

En 2020, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du programme 178 ont connu une hausse importante (respectivement + 8,4 % et + 13,8 %).

Comme cela sera abordé plus avant dans le présent rapport, le dispositif de performance rendant compte de la poursuite de l’objectif 5 « Assurer la préparation des forces dans les délais impartis pour permettre la montée en puissance maximale des capacités militaires prévues » du programme 178 apparaît perfectible dans l’optique de permettre une meilleure intelligibilité du niveau de préparation des forces.

B.   Une sous–consommation significative des autorisations d’engagement destinées à la conclusion de contrats de maintien en condition opérationnelle

En 2020, le programme 178 représentait 26 % des autorisations d’engagement et 23 % des crédits de paiement consommés de la mission.

Hors crédits de personnel, le programme 178 représentait, après le programme 146, le second programme de la mission d’un point de vue comptable, avec 40 % des crédits exécutés (48 % pour le programme 146).

Les principales tensions intervenues dans l’exécution des crédits de paiement sont liées aux dépenses générées par la crise sanitaire en 2020 (263 millions d’euros de dépenses supplémentaires). Quant aux principales sous–consommations, elles découlent également de la crise qui a entraîné des décalages de besoins et des reports dans l’exécution de certains contrats (264 millions d’euros de sous–consommations).

Par ailleurs, des retards non liés à la crise sanitaire dans la négociation de certains marchés de maintien en condition opérationnelle ont entraîné la non–consommation et le report sur 2021 de 4,08 milliards d’euros d’autorisations d’engagement. Une demande de report de ces crédits a été formulée. Ces non–consommations amènent le taux d’exécution des autorisations d’engagement à 72 %, après une année 2019 à 87 %. Cela marque la difficulté rencontrée à engager des autorisations d’engagement lors de la passation de contrats globaux et de longue durée (dits verticalisés) de maintien en condition opérationnelle.

Les contrats qui n’ont pu être notifiés en 2020 concernent le maintien en condition opérationnelle naval et surtout aéronautique.

Concernant le maintien en condition opérationnelle naval, il s’agit principalement du contrat des sous–marins nucléaires d’attaque (SNA) pour un montant d’autorisations d’engagement de 440 millions d’euros.

S’agissant du maintien en condition opérationnelle aéronautique, les contrats suivants n’ont pu être conclus en 2020 : Mirage 2000 ; Moteur M88 ; Moteur Tyne ; Fennec Air ; Alphajet ; Grob 120 ; Soutien des matériels d’environnement, d’escale/transit.

Le maintien en condition opérationnelle aéronautique est central car il concerne toutes les armées, l’Armée de terre et la Marine nationale utilisant elles aussi des hélicoptères et des avions.

Le maintien en condition opérationnelle reste malgré tout le premier poste de dépense du programme avec 42 % des crédits consommées.

Une autre source de sous–consommation a été l’activité, en raison de la crise sanitaire. Le volume d’entraînement a été réduit et certains exercices internationaux ont été annulés, ce qui s’est traduit par une moindre dépense de l’ordre de 63 millions d’euros.

L’exÉcution des crédits du programme en 2020

(en millions d’euros courants)

 

Loi de finances initiale y compris fonds de concours et attributions de produits

Crédits exécutés

Écart

en valeur absolue

et en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 – Planification des moyens et conduite des opérations

689

655

705

675

+ 16

+ 2,3

+ 20

+ 3

Action 02 – Préparation des forces terrestres

2 588

1 463

2 179

1 752

– 409

–18,8

+ 288

+ 16,4

Action 03 – Préparation des forces navales

4 657

2 611

4 200

2 729

– 456

–10,9

+ 117

+ 4,3

Action 04 – Préparation des forces aériennes

5 046

2 281

3 028

2 430

– 2 018

– 66,6

+ 149

+ 6,2

Action 05 – Logistique et soutien interarmées

2 416

2 141

2 673

2 471

+ 256

+ 9,6

+ 329

+ 13,3

Action 06 – Surcoûts liés aux opérations extérieures

850

850

453

456

– 396

– 87,4

– 393

– 86,3

Action 07 – Surcoûts liés aux opérations intérieures

0

0

25

24

 

 

Source : rapport annuel de performances 2020 du programme 178.

C.   Une provision Opex–Missint qui atteint un palier haut, permettant de limiter le reliquat à couvrir pour le ministère

Les deux actions 06 « Surcoûts liés aux opérations extérieures » et 07 « Surcoûts liés aux missions intérieures » constituent des provisions formées afin de couvrir les surcoûts liés à l’activité opérationnelle.

Nous avons assisté sur une longue période à un effort considérable de mise en cohérence des provisions formées pour couvrir les surcoûts opérationnels, effort repris et accentué par l’actuelle LPM.

La provision est ainsi passée de 24 millions d’euros inscrits en loi de finances pour 2001 à 1,1 milliard d’euros en 2020 (contre 850 millions en 2019) et même 1,2 milliard d’euros avec les 100 millions d’euros de crédits de personnel prévus pour les missions intérieures, achevant ainsi cet effort de sincérisation.

Toutefois, les surcoûts constatés se sont élevés à 1,44 milliard d’euros en 2020 (1,28 milliard d’euros pour les Opex et 164 millions d’euros pour les Missint) au plus haut niveau depuis 2012 exception faite de 2017.

La programmation pour la prise en charge
des surcoÛts oPEX–MISSINT
(Article 4 de la loi de programmation militaire 2019–2025)

(en millions d’euros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

850

1 100

1 100

1 100

1 100

La provision Opex–Missint n’a jamais permis depuis 2001 de couvrir les surcoûts constatés.

Comme en 2019, en 2020 la couverture des surcoûts opérationnels n’a pas nécessité le recours à la solidarité interministérielle. La mission a pu mobiliser ses crédits en interne. Les surcoûts nets, équivalents à la différence entre la provision totale et les surcoûts constatés, ont été financés comme suit :

– 200 millions d’euros d’ouvertures gagées par des annulations de crédits mis en réserve ;

– 36 millions de redéploiements au sein du programme 178.

La rapporteure spéciale se félicite que la provision Opex–Missint ait atteint ce palier haut de 1,2 milliard d’euros et que la page des sous–budgétisations chroniques dénoncées notamment par la Cour des comptes soit tournée.

 

Cela permet d’atténuer le recours à des redéploiements de crédits et de compter sur des sous–consommations, notamment de crédits de personnel. Elle salue également, au–delà de cette considération budgétaire, l’effort pour se conformer à l’exigence constitutionnelle de sincérité budgétaire, malgré l’incertitude consubstantielle à l’activité opérationnelle, comme viennent de le rappeler les opérations Résilience et Amitié.

III.   Le Programme 212 SOUTIEN DE LA POLITIque de la dÉfense

Placé sous la responsabilité de la secrétaire générale pour l’administration, le programme 212 regroupe les fonctions mutualisées de direction et de soutien du ministère des armées. Il rassemble les missions de coordination des politiques transversales : ressources humaines, finances, immobilier, logement etc.

Il comprend en particulier l’ensemble des crédits de personnel de la mission depuis le 1er janvier 2015.

Ce sont ces crédits qui donnent son poids prépondérant à ce programme au sein de la mission (47 % des crédits de paiement exécutés). Ce poids se réduit (52 % en 2019) en raison du lancement de programmes d’armement à effet majeur financés par le programme 146.

Au sein du programme, les crédits hors crédits de personnel ne représentent plus que 5,8 % de ses crédits de paiement, en baisse de 6 % par rapport à l’année précédente. Cette forte chute s’explique en partie par les transferts aux programmes 146 et 178 de la majorité de ces crédits dans le cadre de la nouvelle architecture budgétaire.

Les autorisations d’engagement du programme 212 diminuent de 6 %, mais cette baisse correspond en grande majorité, elle aussi, à la ventilation des crédits résultant de la nouvelle architecture budgétaire.

En première analyse, l’exécution des crédits supportés par le programme, apparaît presque parfaite compte tenu des circonstances de l’année 2020 : 99 % des autorisations d’engagement et 98,4 % des crédits de paiement ont ainsi été consommés.


L’exÉcution des crÉdits du programme en 2020

(en millions d’euros courants)

 

Loi de finances initiale y compris fonds de concours et attributions de produits

Crédits exécutés

Écart

en valeur absolue

et en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 04 – Politique immobilière

593

498

555

410

– 37

– 7

– 88

–21,5

Action 05 – Systèmes d'information, d'administration et de gestion

162

172

178

159

+ 16

+ 9,0

– 12

– 8,0

Action 06 – Politiques des ressources humaines

149

147

145

135

– 3

– 2,7

– 11

– 8,9

Action 08 – Politique culturelle et éducative

49

50

68

69

+ 19

28,7

+ 18

26,5

Action 10 – Restructurations

22

22

36

30

+ 14

+ 39,2

+ 7,9

+ 25,8

Action 11 – Pilotage, soutien et communication

371

411

339

379

– 32

– 10

– 32

– 8,5

Action 52 – relations internationales

64

64

89

89

+ 25

+ 28,6 

+ 25

+ 28,6

Action 61 – action sociale, chômage, pensions

277

277

297

297

+ 20

+ 6,7

+ 20

+ 6,7

Action 63 – Restructurations

57

57

48

48

 8,8

 18,0

 8,8

 18,0

Action 66 – Rayonnement et contributions extérieures

24

24

73

73

+ 48

+ 65,9

+ 48

+ 65,9

Dépenses de personnel

20 551

20 551

20 566

20 566

+ 14

0,1

+  14

0,1

Source : rapport annuel de performances du programme 212.

L’indicateur 1.2 du programme 212 (performance des leviers de départs aidés rapportés aux volumes de départs) a été remplacé en 2020 par un indicateur mesurant le taux de renouvellement des emplois primo–contractuels dans les armées. Il est destiné à déterminer la capacité du ministère à retenir son personnel militaire. La rapporteure spéciale salue l’introduction de cet indicateur, qui permet d’avoir une vision de la capacité de fidélisation du ministère. Il pourra cependant faire l’objet à terme d’une extension aux contrats ultérieurs, qui constituent eux aussi des moments clefs de fidélisation, notamment s’agissant des militaires.

 

 

 

A.   Effectifs et dépenses de personnel : des résultats à saluer au vu de la difficulté du contexte

Les crédits de personnel ouverts étaient presque constants par rapport à l’année précédente (+ 0,5 %).

Ils ont été entièrement consommés et les cibles d’effectifs ne sont plus en sous–exécution, contrairement aux années précédentes. Ce résultat est d’autant plus à saluer que les recrutements ont été grandement complexifiés par la crise sanitaire, en particulier lors de la période du premier confinement.

La sous–consommation se concentre désormais sur le CAS Pensions (165 millions d’euros de crédits disponibles en fin de gestion) en raison d’une méthodologie de calcul en partie erronée, mais qui n’affectera plus les prochains exercices.

1.   Des résultats exceptionnels dans un contexte fortement perturbé mais une vigilance sur les recrutements de certaines compétences militaires et le maintien d’une capacité de financement des recrutements à venir

Le ministère des armées est confronté à d’importantes difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels depuis 2017. Les ambitions de la LPM 2019–2025 en matière de volume de recrutement mais aussi d’acquisition de compétences à haute valeur ajoutée accroissent ces difficultés, les armées devant renforcer leur attractivité pour remplir ces objectifs.

La trajectoire d’effectifs 2019–2025
(Article 5 de la loi de programmation militaire 2019–2025)

(en équivalents temps plein)

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019–2023

2024

2025

Total 2019–2025

Augmentation nette des effectifs

450

300

300

450

1 500

3 000

1 500

1 500

6 000

Ces difficultés se portent essentiellement sur les militaires et, en particulier, sur les sous–officiers. Au–delà des enjeux de catégorie, le recrutement et la fidélisation de compétences rares, particulièrement exposées à la concurrence du privé et des autres services de l’État, constitue un défi.

En 2020, les objectifs de recrutements établis par la LPM ont été respectés pour la deuxième année consécutive.

La LPM avait fixé un schéma d’emplois à + 300 équivalents temps plein (ETP) pour 2020, dont + 186 personnels militaires et + 114 personnels civils. Cette cible a été ajustée à + 349 ETP lors du premier suivi de gestion.

Le schéma d’emploi a été réalisé à + 416 ETP, soit un écart de + 67 ETP, malgré l’arrêt total des recrutements lors du premier confinement.

Les effectifs moyens réalisés du ministère des armées s’établissent en 2020 à 269 758 équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour un plafond des emplois autorisés de 270 746 ETPT.

effectifs réalisÉs par armÉe et service

 

Réalisation 2019

Réalisation 2020

Personnels militaires de l'Armée de terre

114 327

114 454

Personnels militaires de l'Armée de l'air et de l’espace

41 099

40 886

Personnels militaires de la Marine nationale

35 724

35 881

Personnels civils de la Défense

51 888

51 935

Personnels du SSA

10 020

10 060

Personnels de la DGSE

5 722

5 866

Personnels de la DGA

5 793

6 214

Personnels militaires du SCA

1 858

1 892

Personnels ingénieurs de l’infrastructure

609

620

Total

268 996

269 758

Source : secrétariat général pour l’administration

Ces recrutements en 2020 ont été rendus possible par les efforts des services de recrutement des armées, qui ont innové en utilisant le potentiel des outils numériques (appli s’engager.fr ; e–CIRFA etc.) pour attirer et garder le contact avec les potentielles recrues. De manière plus structurante, les résultats de 2020 sont également le fait d’années d’engagement résolu et intelligent du ministère dans sa capacité de recrutement. Au sein de la sphère publique, le ministère est en pointe de l’agilité, grâce à son fonctionnement déconcentré et sa qualité dans la construction et la gestion de sa « marque employeur ».

Cet apport du numérique doit être consolidé pour soutenir les efforts de recrutement des armées. Le projet structurant de système d’information interarmées Sparta qui sera mis en service en 2022 sera une première avancée dans cette perspective.

Toutefois, ces résultats sont aussi le fait de moindres départs, à hauteur de 2 731 de moins qu’anticipés.

D’un point de vue qualitatif, ce bon résultat ne doit pas masquer une répartition affichant une fois encore un déséquilibre au profit des personnels civils. La direction générale de l’armement (DGA) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), forts recruteurs de personnels civils, ont été autorisées à anticiper des créations d’emplois en 2020, en compensation du retard enregistré sur les personnels militaires.

Or, les personnels recrutés par ces deux directions sont dans leur grande majorité des personnels de catégorie A, aux salaires plus élevés que la moyenne. Comme le met en lumière la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a insisté sur le risque financier associé à cette souplesse accordée à la DGA et à la DGSE. Il réside dans un éventuel gonflement non–maîtrisé de la masse salariale du ministère. Ces recrutements ne doivent pas entraver la capacité future du ministère à rattraper son retard de recrutement de militaires. Il serait de bonne gestion de conserver des marges de manœuvre permettant d’exécuter les trajectoires d’effectifs.

En effet, on assiste à une progression des résultats des armées dans le recrutement de militaires.

Au sein de l’Armée de terre, en 2020, les effectifs ont été réalisés pour chacune des catégories officiers, sous–officiers et engagés volontaires. Le recrutement des militaires du rang (10 770) a été inférieur aux prévisions, mais l’écart a été compensé par un volume de départs nettement inférieur à celui initialement estimé.

La fidélisation des militaires du rang constitue un point d’attention constant pour l’Armée de terre. Si le taux de renouvellement des primo–contrats est supérieur à la cible, le taux de dénonciation en période probatoire, quant à lui, demeure supérieur à la limite fixée (25 % maximum). Les difficultés de recrutement et de fidélisation se concentrent, notamment pour les cadres, dans les métiers techniques, en raison de la concurrence avec le secteur privé : maintenance, systèmes d’information et de communication, aéronautique.

Pour la Marine nationale, le recrutement des élèves de l’école de maistrance poursuit sa progression et a atteint cette année un nouveau record à 1 083 incorporés. Les objectifs de recrutement de quartiers–maîtres et matelots de la flotte ont été atteints, bien que subsistent des disparités entre métiers. Les objectifs n’ont ainsi pas été atteints notamment pour les opérateurs de manutention des aéronefs et les agents polyvalents de restauration. Le recrutement des officiers a augmenté par rapport à 2019.

Des tensions subsistent sur certaines filières pour lesquelles les départs restent nombreux. En particulier, on peut noter que ces tensions naissent parfois des écarts de rémunération avec le civil dans des secteurs de haute technicité : atomiciens, contrôleurs aériens, personnels navigants tactiques.

La cible de recrutements pour 2020 de l’Armée de l’air et de l’espace a été respectée, avec même une légère avance, d’environ 50 militaires, sur la trajectoire pluriannuelle des effectifs. Toutefois, il manque encore plusieurs centaines d’aviateurs pour arriver au niveau d’effectifs visé. L’Armée de l’air et de l’espace doit donc opérer des choix de répartition de ses ressources humaines, en donnant notamment actuellement priorité aux écoles pour permettre l’intégration des recrues. Cet arbitrage s’effectue au détriment des unités de combat. La fidélisation reste un défi majeur, en particulier dans des secteurs à forte concurrence (spécialistes du numérique) ou moins attractifs dans la durée (commandos).

2.   Une poursuite réussie du déploiement de Source solde et de la prime de lien au service

L’année a également été celle de la poursuite du déploiement du logiciel de paiement Source solde, en remplacement de Louvois. Déjà en service dans la Marine depuis mai 2019, il a été étendu dans l’Armée de terre et aux services interarmées depuis avril 2020. La rapporteure tient à souligner le fait que le ministère a su, malgré la crise, effectuer le transfert vers Source solde pour l’Armée de terre, armée aux effectifs les plus nombreux. Ce projet technique constitue une dimension non négligeable de l’amélioration en cours de la condition militaire. En effet, comme l’a rappelé le président du Haut–Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) à la rapporteure spéciale, la régularité de la solde est un fondement de la confiance qui lie le soldat à l’institution et ainsi un ciment nécessaire de la condition militaire. Par ailleurs, cette transition améliore l’efficacité administrative en allégeant le nombre d’interventions à effectuer par les « soldiers » pour réaliser des manipulations individuelles rendues nécessaires par des dysfonctionnements du logiciel.

L’exécution 2020 a permis de tirer les premières conclusions quant à l’impact du dispositif de prime de lien au service (PLS), toujours en phase de montée en puissance. À titre d’exemple, l’armée de Terre estime que le surcroît de fidélisation lié à la PLS représente en 2020 un volume de 1 000 hommes, soit l’équivalent d’un régiment.

3.   Des dépenses de personnel quasi stables et à l’exécution proche de la perfection

Les crédits de personnels totaux ouverts en 2020 ont atteint 20 551 millions d’euros, en légère augmentation de 0,5 % sur un an (+ 107 millions d’euros).

Les crédits de personnels ouverts hors CAS Pensions étaient de 12 381,9 millions d’euros. Le montant total des dépenses sur le même périmètre s’est élevé à 12 381,0 millions d’euros. On constate une quasi–correspondance des crédits ouverts et consommés, démontrant une exécution remarquable pour de telles masses financières.

Hors CAS Pensions et Opex–Missint, la masse salariale programmée est en léger retrait de 9 millions d’euros, en raison de la réduction des mesures de soutien au départ qui traduit le changement de la politique de ressources humaines du ministère.


B.   Les autres postes de dépense du programme 212 connaissent une forte baisse en raison de la nouvelle architecture budgétaire

En raison de la nouvelle architecture budgétaire (cf. supra), le programme 212 a vu ses crédits hors dépenses de personnel se réduire de 54 %, pour atteindre un niveau de 5,8 % du total des crédits de paiement du programme. En valeur absolue, ces crédits représentent 1,3 milliard d’euros ouvert en LFI.

L’exécution a été, comme pour les dépenses de personnel, conforme aux prévisions, avec un taux d’exécution des autorisations d’engagement de 99 % et de 98,4 % des crédits de paiement.

Les dépenses de fonctionnement courant constituent désormais le principal poste de dépenses du programme 212 hors dépenses de personnel. Elles sont en particulier consacrées au loyer du partenariat public–privé Balard.

Les conséquences budgétaires de la crise liée à la Covid–19 se sont majoritairement portées sur les crédits de la politique immobilière. L’exécution 2020 des crédits d’infrastructure est en retrait par rapport à la prévision initiale fixée en février 2020, que ce soit en autorisations d’engagement (– 18 millions d’euros) ou en crédits de paiement (– 43 millions d’euros).

Afin de concourir à couvrir les ouvertures destinées aux surcoûts nets Opex–Missint, la totalité de la réserve de précaution, soit 47 millions d’euros, du programme 212 hors dépenses de personnel a été annulée. Cette annulation n’a néanmoins pas eu d’impact dommageable car elle a porté presque exclusivement sur des crédits d’infrastructure devenus inutiles en raison des retards dus à la crise sanitaire.


— 1 —

   DEUXIÈME PARTIE - THÈME D’ÉVALUATION :
LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DES ARMÉES

Lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées, le jeudi 15 octobre 2020, le général François Lecointre, chef d’état–major des armées, a rappelé que : « L’efficacité d’une armée ne repose pas uniquement sur les capacités dont elle est dotée ou sur la cohérence générale […] elle repose également sur la préparation opérationnelle. » Il faisait de cette préparation l’un de ses deux grands axes de modernisation et de réparation des armées pour 2021.

En effet, si la centralité de la préparation opérationnelle est consubstantielle au fait militaire, elle revêt actuellement une pertinence toute particulière.

De manière schématique, la préparation opérationnelle correspond à l’entraînement des forces, conçu pour leur permettre d’acquérir la supériorité opérationnelle dans les luttes contre leurs adversaires.

D’un point de vue extérieur aux armées et avec un prisme budgétaire, il semble complexe de suivre et plus encore d’évaluer la préparation opérationnelle des armées.

Dans ce contexte, la rapporteure spéciale a voulu se confronter à ce défi en essayant d’évaluer les dimensions budgétaires de la préparation opérationnelle. Elle a souhaité pour ce faire aborder l’allocation, l’exécution et le suivi budgétaire de la préparation opérationnelle, le dispositif de performance qui lui est associé, ses réalisations, les perspectives d’avenir et les pistes d’évolutions.

La rapporteure spéciale a abordé ce sujet dans une période allant de 2015 à la fin de l’année 2020. 2015 a constitué une année charnière pour la préparation, avec le déclenchement de l’opération Sentinelle, la montée en puissance de l’opération Barkhane, mais aussi comme première année d’un processus, accéléré par la LPM, de remontée en puissance des armés. Ces six années permettent de disposer d’un peu de profondeur par rapport aux évolutions majeures qu’a commencé à apporter la LPM.

I.   rESPONSABILITÉ DES chefs d’État–major sous l’autoritÉ du chef d’État–major des armÉes, la prÉparation opÉrationnelle s’affirme comme un enjeu prioritaire des armÉes françaises

A.   La préparation opérationnelle des armées représente l’un des enjeux majeurs et en devenir des armées françaises

1.   La préparation opérationnelle est un élément essentiel de l’existence et de la vie des armées

i.   La préparation opérationnelle constitue un prérequis intangible pour rendre possibles les succès

Il peut sembler évident que des armées mal préparées sont des armées peu susceptibles de remporter les batailles qu’elles mènent, cela n’en reste pas moins une vérité.

Tous les militaires sont imprégnés de cette exigence, de cette idée que leur métier consiste aussi et presque principalement à se préparer à faire la guerre. Durant ses travaux, la rapporteure spéciale a souvent entendu des affirmations telles que : « la préparation opérationnelle est l’ADN des armées » ; « préparation difficile, guerre facile » ou encore que la guerre se gagne en grande partie via la préparation, qui permet de montrer des capacités à même de dissuader les potentiels adversaires.

Dans cette perspective, la rapporteure spéciale salue et fait sienne la devise du commandement de l’entraînement et des écoles du combat interarmes de l’armée de Terre, qui l’a accueillie le 6 mars 2021 : « Rendre possible la victoire ! ».

ii.   Elle est une composante de la condition militaire et donc de la capacité de fidélisation des armées

En outre, la préparation opérationnelle participe de la condition militaire et constitue un élément majeur de la capacité de fidélisation des armées. Un militaire qui ne peut se préparer correctement en tirera inéluctablement une frustration, lui qui a choisi la voie des armes et du service de la Nation. Il ne s’agit pas d’un métier ordinaire. Il peut mener au sacrifice de sa vie, ce qui renforce le besoin de se sentir apte à remplir ses missions. Il s’agit également d’un devoir de la Nation de fournir aux militaires qui la protègent les moyens de cette préparation.

Il est indispensable que les militaires puissent se préparer avec un matériel adapté, lors d’entraînements denses et pensés pour leur permettre d’être opérationnels face aux situations qu’ils auraient à affronter. Il est également important que la préparation opérationnelle puisse être un fil rouge de la carrière du militaire, lui permettant d’affûter ses valeurs morales et de se sentir valorisé en percevant son inscription dans une logique de progression de ses compétences.

Si l’aspect qualitatif est décisif, le volume ne peut être négligé, et les militaires doivent pouvoir s’entraîner avec régularité avec leurs matériels. Comme l’a confié à la rapporteure spéciale un de ses interlocuteurs : « un tankiste a signé pour être tankiste, pas graisseur de son tank ».

2.   L’évolution du contexte stratégique et les trajectoires de la LPM renforcent l’importance de la préparation opérationnelle

i.   La France doit faire face à un durcissement du contexte stratégique, à conjuguer avec la pérennité d’un engagement français dans les conflits asymétriques.

Partant de cette base intellectuelle nécessaire, partagée et solide, il n’en reste pas moins que la préparation opérationnelle est l’un des enjeux brûlants des armées françaises. Elle ne doit pas seulement permettre d’emporter la décision aujourd’hui, mais aussi demain.

Or, la France s’insère de plus en plus profondément dans le phénomène de durcissement du contexte stratégique international.

L’actualisation en 2021 de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale fait ainsi état d’une dégradation du contexte international. Elle confirme les menaces mises en lumière dans la revue stratégique de 2017 et souligne la généralisation de l’utilisation de stratégies hybrides.

Nombre de puissances mondiales ou régionales ont recours de manière croissante et désinhibée à la force comme mode normal d’action sur la scène internationale, accompagné par un accroissement et une mutation de leurs capacités militaires. Stratégies de déni d’accès, attaques cyber et informationnelles difficilement attribuables, manœuvres d’intimidation et espionnage font maintenant partie du quotidien des armées sur mer, dans les airs, sur la terre mais aussi dans les mondes immatériels.

La France doit donc être en mesure de répondre à ces défis, en se montrant crédible dans l’affirmation de sa supériorité opérationnelle lors des multiples tests que lui font subir des puissances venant remettre en cause les intérêts de la Nation et de ses alliés.

Une excellente préparation opérationnelle, agile et fournissant à la France les compétences nécessaires à un modèle d’armée complet, constitue certainement le meilleur moyen de ne pas en venir à un engagement face à une grande puissance.


ii.   La préparation opérationnelle doit devenir un atout dans l’effort de fidélisation dans un contexte de trajectoires haussières des effectifs

Fort logiquement, la LPM a prévu que la remontée en puissance des armées françaises passera notamment par une croissance des effectifs. Ainsi, l’article 5 de la LPM prévoit 6 000 ETP supplémentaires entre 2019 et 2025.

Pour un ministère qui a été structuré entre 2008 et 2015 pour réduire les effectifs et qui connaît des difficultés intrinsèques de recrutement de certains militaires, il s’agit d’une croissance ambitieuse, qui ne peut souffrir une préparation opérationnelle défaillante. Celle–ci viendrait rapidement créer une lassitude des militaires et occasionnerait des départs forts coûteux au vu des moyens déployés pour recruter et former les militaires.

iii.   Les autorités militaires du pays ont conscience de l’enjeu et en ont fait une des priorités des années à venir

Dans ses vœux aux armées 2021, la ministre des armées a déclaré : « Nous allons renforcer la préparation opérationnelle de nos armées, afin qu’elles puissent s’entraîner mieux pour faire face de manière plus complète et plus agile à l’ensemble du spectre des menaces y compris dans la perspective de conflit de plus haute intensité »

Dans sa vision stratégique de 2020, le général Thierry Burkhard, chef d’état–major de l’armée de Terre met en lumière l’importance primordiale que l’armée de Terre accorde à la préparation aux conflits et notamment l’acquisition de capacités de haute intensité. Il affirme : « Mon intention est de hausser le niveau d’exigence de la préparation opérationnelle, pour forger des hommes capables de combattre jusque dans les champs les plus durs de la conflictualité. »

La Marine nationale fait de l’intensification de la préparation opérationnelle le premier projet de l’accélération 2021 du plan Mercator.

Le rôle central de la préparation opérationnelle vient par ailleurs d’être rappelé dans l’actualisation stratégique : « Il s’agit d’une condition indispensable pour conserver une marge de supériorité, alors que tous les compétiteurs montent en gamme, technologiquement comme opérationnellement. »


3.   La préparation opérationnelle est la responsabilité première des chefs d’état–major d’armée sous l’autorité du chef d’état–major des armées

En matière de préparation et de mise en condition d’emploi des armées, le chef d’état–major des armées (CEMA) définit les objectifs de préparation opérationnelle des armées. Il contrôle leur aptitude à remplir les missions assignées et rend compte à la ministre. Il dirige la préparation opérationnelle de niveau interarmées.

Les chefs d’états–majors ont la responsabilité de fournir au CEMA des armées disposant d’un niveau opérationnel adéquat pour remplir le contrat opérationnel.

L’EMA possède deux outils principaux lui permettant de contrôler le niveau de préparation opérationnelle des forces susceptibles d’être engagées.

Le premier est le dispositif de pilotage des armées, directions et services. Chaque mois, les armées rendent compte à l’EMA des activités de préparation opérationnelle effectuées en fournissant un ensemble d’indicateurs correspondant au référentiel fixé par le projet annuel de performance (PAP) et par la LPM.

Le deuxième outil de contrôle à la main de l’EMA, plus indirect, est le processus de dialogue de commandement (DIALCOM) qui, tout au long de l’année, organise les échanges entre l’EMA et les armées, directions et services.

La préparation opérationnelle interarmées fait chaque année l’objet d’une directive interarmées, diffusée à l’été.

L’évaluation de l’organisation et des activités d’entraînement interarmées s’incarne dans un bilan annuel.


II.   LA prÉparation opÉrationnelle ne dispose pas d’un suivi budgÉtaire robuste, ce qui appelle l’enrichissement du dispositIf de performance qui lui est associÉ

A.   La préparation opérationnelle prÉsente des difficultés intrinsèques de suivi budgétaire et est largement dépendante de la conjonction des moyens des armées

1.   La difficulté intrinsèque à la quantification financière et à la valorisation de la préparation opérationnelle

La préparation opérationnelle est par nature plus complexe à suivre budgétairement qu’une opération d’armement, que des dépenses d’infrastructure ou que des dépenses de personnel, car elle fait converger et consomme partiellement les ressources matérielles et humaines des armées. Ces caractéristiques n’incitent pas à produire un suivi fin de ce segment, suivi budgétaire qui serait complexe et lourd. L’opération stratégique « Activités opérationnelles » (8 % des autorisations d’engagement et 14 % des crédits de paiement exécutés en 2020) pourrait constituer l’agrégat le plus représentatif de la préparation opérationnelle. Toutefois, et en premier lieu, cet agrégat rassemble aussi des crédits consacrés à l’activité en opération.

En outre, les armées présentent des systèmes différents de comptabilisation des ressources utilisées au profit de la préparation opérationnelle.

L’Armée de terre additionne pour arriver à un chiffrage des crédits de préparation opérationnelle les agrégats d’entretien programmé des matériels, d’équipements d’accompagnement et de cohérence (munitions d’entraînement en particulier), d’activités opérationnelles et d’infrastructure. Elle estime donc que près de 90 % des crédits de ses ressources sont consacrés à la préparation opérationnelle.

L’Armée de l’air et de l’espace ne dissocie pas la préparation de l’activité opérationnelle, car ces deux activités forment selon l’état–major de l’Armée de l’air et de l’espace un continuum qu’on ne peut désagréger. Elle n’établit donc pas de chiffrage des moyens budgétaires de sa préparation opérationnelle.

L’état–major de la Marine suit quant à lui les crédits destinés à la préparation opérationnelle des forces au travers de l’agrégat entretien programmé du matériel.

Il en résulte une absence de convention sur un périmètre associé à la préparation opérationnelle et, par conséquent, une absence de vision fiable des crédits alloués et exécutés. Au vu de la lourdeur que pourrait représenter la normalisation d’un agrégat fiable, il n’apparaît pas nécessaire d’y parvenir. En revanche, cette absence oblige à disposer d’indicateurs d’activité et de performance permettant de juger du niveau et de la qualité de la préparation opérationnelle.

De surcroît, la préparation opérationnelle produit des résultats moins immédiatement visibles et tangibles, et donc parfois moins valorisables. À l’inverse, cette caractéristique peut au contraire permettre de dissimuler les lacunes de la préparation opérationnelle.

Ces caractéristiques peuvent parfois faire pencher la balance en faveur d’autres opérations stratégiques lorsque des arbitrages sont à rendre. Dans un contexte où les crédits d’équipement, de personnel et d’infrastructure ne sont pas à la main des responsables des budgets opérationnels de programme (BOP) des armées et alors que les crédits de maintien en condition opérationnelle sont en partie rigidifiés par les contrats verticalisés, les crédits d’activités opérationnelles consacrés à la préparation opérationnelle peuvent être utilisés comme réservoir de crédits pour des arbitrages en gestion au profit d’autres postes budgétaires priorisés. Ce type d’arbitrage est très coûteux en volume et en qualité de préparation opérationnelle. En effet, la préparation étant un poste relativement peu coûteux, il faut écrêter un volume important de préparation pour dégager des niveaux significatifs de crédits.

Dans ce contexte, le dégel de la réserve de précaution apparaît stratégique car il peut permettre d’éviter de tels arbitrages en défaveur de la préparation opérationnelle en fin de gestion.

2.   Une composante de l’activité des forces dépendante des moyens d’action et de l’engagement des armées

La préparation opérationnelle est la grande forme d’activité des forces, aux côtés de l’emploi opérationnel. Les autres activités du ministère ont pour raison d’être de donner les moyens à l’activité de se produire de manière à remplir le contrat opérationnel. On compte dans cette catégorie l’équipement, toutes les dimensions de la politique des ressources humaines, le maintien en condition opérationnelle de l’équipement, le soutien…

Bien souvent, tous ces éléments sont nécessaires à une préparation opérationnelle conforme aux exigences, et le facteur manquant conditionne la capacité de préparation opérationnelle.

a.   La préparation opérationnelle nécessite la conjonction de moyens humains et matériels

i.   Munitions et ciblerie

Afin que les armées disposent d’une aisance opérationnelle satisfaisante, les militaires doivent pouvoir effectuer des tirs réguliers et parfois en densité importante pour améliorer leur endurance. Ces tirs ne peuvent qu’être complétés par de la simulation, et s’y substituer. Toutefois, la préparation opérationnelle peut manquer de tirs concrets, en particulier en raison de faibles stocks pour certaines munitions. Cette faiblesse de stocks touche notamment les matériels anciens et en remplacement progressif, au coût croissant dont on cherche à limiter les stocks associés, au coût croissant.

Certains interlocuteurs ont confié à la rapporteure spéciale que parfois, lors d’une journée de préparation opérationnelle, un seul tir est effectué.

Un problème structurant réside dans le fait que le stock de munitions est un ensemble homogène, qui doit permettre à la fois la guerre et l’entraînement. En cas de tension sur la ressource, c’est l’opération qui est priorisée (cf. infra) et la préparation opérationnelle en pâtit.

Recommandation n° 2 : La rapporteure spéciale recommande donc de prévoir, et ce même de manière indicative, une répartition entre les munitions destinées à la préparation opérationnelle et celles destinées à l’engagement opérationnel. Cela permettrait de mettre en lumière si besoin la pression opérationnelle et d’avoir a minima des objectifs de nombre de munitions tirées pour atteindre une préparation opérationnelle satisfaisante

D’autres budgets relativement faibles dans le domaine du tir revêtent un caractère important. Ainsi, la baisse du budget de la ciblerie est perturbante pour la qualité de la préparation opérationnelle de la Marine nationale.

Recommandation n° 3 : Au vu des masses budgétaires légitimement consacrées à l’équipement et au maintien en condition opérationnelle, la rapporteure spéciale recommande de s’assurer que les budgets relativement faibles mais cruciaux pour la préparation opérationnelle comme ceux des munitions et de la ciblerie puissent se maintenir à des niveaux adéquats.

Il convient d’être d’autant plus vigilant à ces enjeux qu’ils n’apparaissent pas forcément dans les résultats de l’indicateur 5.1 (cf. infra), car on peut effectuer un même volume horaire avec une densité de tirs très variable (exception faite du canon Caesar qui lui bénéficie d’un indicateur conçu autour d’un nombre de coups tirés par équipage). On peut donc subir une dégradation de la qualité de la préparation opérationnelle sans que cela soit visible dans les indicateurs des documents budgétaires.

ii.   Disponibilité des militaires

La préparation opérationnelle nécessite bien évidemment pour le commandement de pouvoir disposer de personnel en nombre suffisant et au bon moment, par métier et par compétence. Concernant la préparation opérationnelle en tant que telle, il s’agit d’arriver à une condition militaire qui permette un équilibre entre les sujétions liées à la préparation opérationnelle et les compensations qui permettent au militaire de bien vivre dans son métier.

La préparation opérationnelle fait peser des sujétions particulières sur les militaires, par la dureté des conditions d’exercices et surtout par les absences du domicile. L’engagement des armées dans une préparation opérationnelle ciblant plus encore le segment de la haute intensité va accroître encore la rudesse de la préparation opérationnelle. On peut ainsi penser au passage en cours de deux à trois semaines pour les entraînements interarmes de l’Armée de terre.

Toutefois, la LPM prévoit déjà une meilleure prise en compte de ces sujétions (cf. infra), notamment sur le plan indemnitaire qui compense actuellement mal les sujétions de préparation opérationnelle.

En sus, une meilleure utilisation des possibilités du numérique permettrait d’assouplir certaines contraintes liées à la préparation opérationnelle. Des pans de formations théoriques pourraient être effectués via des cours à distance ou des modules numériques afin de limiter le nombre de jours d’absence du domicile du militaire et de voir son activité quotidienne moins impactée. Cela pourrait être particulièrement bénéfique pour les militaires du soutien en monoposte, dont l’absence pour effectuer une préparation est pénalisante pour leur unité et qui, par conséquent, sont en tension pour concilier fonctions quotidiennes et besoin de récurrence de la préparation opérationnelle.

iii.   Disponibilité budgétaire

De manière tout aussi intuitive, la préparation opérationnelle nécessite une disponibilité budgétaire au sein de l’opération stratégique « Activités opérationnelles » pour les dépenses qui relèvent directement de la préparation opérationnelle : frais de déplacements, carburant opérationnel, dépenses d’instruction. Des manques dans ce domaine peuvent aussi passer inaperçus dans les indicateurs des documents budgétaires, car on peut substituer de la préparation opérationnelle métier effectuée en garnison à de la préparation opérationnelle interarmes ou interarmée, mais sans aboutir au même spectre de savoir–faire.

b.   Le niveau d’engagement peut constituer un facteur du volume et de la qualité de la préparation opérationnelle

On a pu voir qu’une certaine fluidité budgétaire et d’attribution des moyens existe entre la préparation opérationnelle et l’activité opérationnelle, couplée à une absence de séparation comptable entre les deux types d’activités.

Cet état de fait, assorti d’un niveau d’engagement élevé et supérieur à l’allocation budgétaire qui serait nécessaire pour le permettre, peut déboucher sur une compression ou une dégradation de la préparation opérationnelle.

En effet, fort légitimement, la priorité est toujours accordée à l’opération sur la préparation afin de remplir les missions des armées. Une situation structurelle d’arbitrage entre les deux types d’activités n’est cependant pas souhaitable, car la préparation doit construire les conditions d’un engagement efficace. Des renoncements trop longs ou trop profonds dans le domaine de la préparation opérationnelle ne pourront que rejaillir à terme sur les capacités opérationnelles des armées.


Le niveau d’engagement opérationnel des six dernières années a pu venir comprimer la préparation opérationnelle.

Ce lien entre niveau d’engagement opérationnel et volume et qualité de la préparation opérationnelle apparaît tout particulièrement pour l’Armée de terre avec l’exemple de la mission intérieure Sentinelle (cf. infra).

Pour la Marine nationale et en particulier les bâtiments de surface, la pression opérationnelle se traduit parfois par des départs en mission sans la qualification nécessaire. Cette qualification sera effectuée sur le trajet ou sur le théâtre d’opérations. De manière chiffrée, cette pression peut faire passer de 25 %, qui constitue le taux cible, de l’activité en entraînement à 23 %, voire 21 %.

Cela se double d’une conséquence moins visible sur la teneur et la répartition de la préparation opérationnelle. Fort logiquement, les capacités de préparation opérationnelle sont priorisées sur la préparation opérationnelle préalable à la projection en opération des troupes, notamment la mise en condition. Ainsi, un fort niveau d’engagement contraint doublement la préparation opérationnelle. D’une part il mobilise fortement les ressources de toute nature parfois au détriment de la préparation opérationnelle. D’autre part, ce niveau d’engagement concentre la préparation opérationnelle autour de la préparation à la projection. Il crée également une accélération de l’usure des matériels et de la fatigue des hommes.

Il peut donc créer des îlots de prospérité opérationnelle qui cachent des manques touchant des savoir–faire ou des unités peu susceptibles d’être projetées.

c.   Le renchérissement technologique vient accroître la pression budgétaire sur les substrats matériels de la préparation opérationnelle

Le renchérissement lié à la croissance technologique des matériels vient rendre plus difficilement soutenable le maintien en condition opérationnelle et l’achat d’équipement et de munitions, ce qui peut in fine réduire le volume de la préparation opérationnelle. L’enjeu réside dans la soutenabilité de l’accroissement technologique. S’il ne s’agit pas d’ignorer les avancées technologiques en particulier dans des domaines où un retard est disqualifiant et crée une rupture potentielle de la sécurité nationale (aviation, sous–marin, nucléaire), il convient toutefois de veiller à maintenir le juste niveau technologique pour chaque matériel. Si la compétition stratégique avec les autres grandes puissances nous oblige à pouvoir rivaliser à armes égales, éviter des excès de technologie, là où cela est possible, peut nous permettre de contenir l’inflation des coûts à effets tactiques équivalents et parfois même de conserver une rusticité susceptible de conférer la supériorité opérationnelle. Cela est en particulier vrai sur des théâtres aux conditions climatiques abrasives, comme la bande sahélo–saharienne ou les forêts des pays baltes.

Cette vigilance peut être illustrée par la déclaration récente du chef d’état–major de l’Armée de terre : « Une formule 1 va gagner la course mais elle n’est pas soutenable sur un théâtre d’opérations ».

Pour l’Armée de terre, le principal risque concerne la hausse constante des coûts d’entretien des matériels.

Il faut en revanche se garder de comparer des éléments aux capacités sans commune mesure. Aujourd’hui, un Rafale peut décoller de France, frapper plusieurs cibles sur un autre continent et revenir à sa base, tandis qu’il aurait fallu pour les mêmes effets plusieurs Jaguar préalablement déployés à proximité des points de frappes.

B.   Un dispositif de performance, essentiel à l’appréhension de la préparation opérationnelle, qui reste perfectible

Le dispositif de performance associé à la préparation opérationnelle se construit autour de l’objectif 5 du programme 178 « Assurer la préparation des forces dans les délais impartis pour permettre la montée en puissance maximale des capacités militaires prévues ». Il est assorti de deux indicateurs :

– l’indicateur 5.1 « Niveau de réalisation des activités et de l’entraînement » ;

– l’indicateur 5.2 « Disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels ».

L’indicateur 5.2, comme l’indique le projet annuel de performance pour 2021 du programme 178, « répond à la nécessité de mettre en cohérence le contrat opérationnel et la disponibilité des parcs nécessaire à la satisfaction de ces contrats. » Il ne constitue pas en tant que tel un indicateur susceptible d’évaluer la préparation opérationnelle, mais il présente le mérite de donner une vision sur un des sous–jacents clefs de la préparation opérationnelle.

L’indicateur 5.1 appelle quant à lui des développements plus approfondis. Il est constitué de 12 sous–indicateurs d’activité relatifs aux trois armées et au domaine cyber.

Source : projet annuel de performance pour 2021 du programme 178.

2020 a vu l’introduction d’un nouveau sous–indicateur comptabilisant les journées de formation et d’entraînement (JFE) par soldat. Il cohabite avec l’indicateur de journées de préparation opérationnelle (JPO) financées par le seul budget de l’Armée de terre. Les deux indicateurs semblent donc proches, les JFE englobants, à quelques distinctions de périmètre près, les JPO. Il conviendra toutefois de faire coexister les deux afin de permettre une comparaison temporelle. À terme, l’indicateur JFE, qui semble plus complet, pourrait se substituer à l’indicateur JPO.

Cet indicateur 5.1 a pour vertu d’avoir permis un suivi de l’activité de l’Armée de terre. Avec la présente LPM, un indicateur d’activité a ainsi été créé pour le matériel terrestre de l’Armée de terre avec le sous–indicateur « Taux d’entraînement par équipage sur matériel terrestre ».

Cela a pour grand avantage de rendre visible ce segment et de justifier la nécessité d’un budget à même de rendre possible le niveau d’activité souhaité. En effet, conformément au rapport annexé à la LPM qui fixe les normes par équipages, ces dernières « représentent à la fois une référence en termes de savoir–faire et une exigence pour l’intégration de nos moyens nationaux en coalition. Elles traduisent notamment les besoins de régularité et de continuité des actions d’entraînement. »


À ce titre, les normes quantitatives d’activité annuelle (hors simulation) pour des forces aptes à être engagées en missions opérationnelles sont les suivantes :

– Heures d’entraînement par équipage Leclerc : 115 ;

– Heures d’entraînement par équipage VBCI : 130 ;

– Kilomètres par équipage VAB/Griffon : 1 100 ;

– Heures d’entraînement par équipages sur AMX 10 RCR/ Jaguar : 100 ;

– Coups tirés par équipage Caesar : 110 ;

– Heures de vol par pilote d’hélicoptère (dont forces spéciales) : 200 (220).

Toutefois, à l’exception des sous–indicateurs JPO, JFE, et taux d’entraînement par équipage sur matériel terrestre, les sous–indicateurs ne font pas la distinction entre activité d’entraînement et activité opérationnelle. En trompe–l’œil par rapport à l’intitulé de l’objectif dont ils sont censés permettre de juger de l’atteinte, ils ne permettent pas de distinguer l’activité consacrée à la préparation opérationnelle et donc les éventuels moments de compression de la préparation au profit de l’opération.

Or, l’activité en opération n’a que rarement la même capacité formatrice que celle de l’activité d’entraînement conçue comme telle. Ainsi, l’activité en opération n’est par exemple pas propice à l’entraînement de haute intensité.

Recommandation n° 4 : Il conviendrait donc d’opérer cette distinction pour permettre de juger du niveau de préparation et de la répartition de l’activité entre préparation et opération.

En outre, fournir les chiffres par équipage ou par pilote peut donner une image déformante de la réalité. Par exemple, si le nombre d’appareils ou de pilotes d’avion disponibles baisse mais que chaque pilote effectue individuellement un nombre d’heures plus important, l’indicateur s’améliore alors que la situation réelle s’est plutôt dégradée.

Recommandation n° 5 : Pour pallier cette éventualité, les sous–indicateurs pourraient être donnés en valeur absolue totale et ensuite par équipage, homme, matériel.

Par ailleurs, si le sous–indicateur « Taux d'entraînement par équipage sur matériel terrestre » a l’avantage de ne faire figurer que de l’activité de préparation, il présente un niveau d’agrégation trop élevé qui lui fait perdre sa capacité d’information. En effet, des carences sur certains matériels peuvent être masquées par une situation plus favorable pour d’autres. Ainsi, les difficultés connues par les chars Leclerc, dans les domaines amphibie, génie ou sol–air ne sont pas perceptibles via ce sous–indicateur.

Recommandation n° 6 : L’éclatement de celui–ci par segment de matériel (lourd, médian, léger) pourrait permettre d’amoindrir ce phénomène, et de rejoindre la logique des sous–indicateurs de l’Armée de l’air et de l’espace.

Le sous–indicateur relatif au niveau d’entraînement cyber, introduit dans le projet annuel de performance pour 2019 établit le taux d’exercices réalisés par rapport à ceux programmés dans l’année.

Si, de manière générale, les indicateurs d’activité peuvent avoir une pertinence pour juger de la performance des armées, ce sous–indicateur apparaît insuffisant car le lecteur ne connaît pas le nombre d’exercices programmés dans l’année, leur nature, le nombre de militaires et personnels participants. Il ne permet donc pas de juger de la performance de la préparation opérationnelle dans le domaine cyber.

La cyber constitue et constituera à mesure des ans une des dimensions clefs de la puissance des armées dans tous les types de conflits (symétrique, asymétrique, hybride).

Recommandation n° 7 : Il serait pertinent que ce domaine fasse l’objet d’un indicateur à même de mieux révéler le niveau de préparation des armées. Il pourrait s’agir a minima de préciser le nombre d’exercices prévus et réalisés et pas simplement le ratio, mais l’on pourrait également imaginer des indicateurs plus ambitieux tels qu’un nombre de jours hommes d’exercices purement cyber ou encore un ratio des exercices classiques intégrant des composantes cyber.

La même logique devrait s’appliquer au futur indicateur relatif au niveau d’entraînement spatial. Le retour d’expérience du premier exercice du commandement de l’espace, AsterX, réalisé en mars 2021, permettra de poser les bases d’un référentiel d’entraînement qui devrait être stabilisé dans les deux ans.

Malgré ses vertus, l’indicateur 5.1 constitue un indicateur d’activités qui ne permet pas de se former un avis sur la qualité et, in fine, sur la performance de la préparation opérationnelle. On peut regretter cette absence d’indicateur de performance.

Toutefois, le point 3.1.1.2 de la LPM « Garantir un niveau de disponibilité des matériels des armées et d’activité opérationnelle compatible avec la préparation et la réalisation des missions » indique que les normes quantitatives d’activité annuelle, qui transparaissent dans l’indicateur 5.1 : « sont complétées par des indicateurs qualitatifs, spécifiques à chaque armée et segments capacitaires ».

Les armées ont donc développé des indicateurs qualitatifs de performance, utilisés notamment dans les dialogues entre les armées d’une part, et l’état–major des armées et la ministre des armées d’autre part.

L’Armée de terre a ainsi développé des indicateurs de pilotage interne basés sur les standards opérationnels, adaptés par type de mission, nature de l’unité engagée et théâtre d’engagement.

Dans le cas de la Marine nationale, les indicateurs d’activités sont complétés, dans les tableaux de bord à destination du chef d’état–major des armées et de la ministre des armées, d’un indicateur trimestriel estimant le niveau de qualification réalisé par les équipages de la flotte et les équipages–pilotes d’aéronefs.

Chaque autorité compétente (commandant de la force d’action navale, commandant de la force de l’aéronautique navale…) définit ses normes et critères de qualification opérationnelle (QUALOPS). Les graphiques ci–dessous montrent les indicateurs de QUALOPS du commandant de la force d’action navale et de la force de l’aéronautique navale au quatrième trimestre 2020.

Source : état-major de la Marine.

Source : état-major de la Marine.

Pour l’Armée de l’air et de l’espace, l’aspect qualitatif de la préparation opérationnelle s’incarne dans un référentiel d’entraînement comme illustré ci–dessous.

Les indicateurs qualitatifs rendent donc compte du niveau de réalisation du référentiel d’entraînement des équipages. Ce référentiel est élaboré sur la base des capacités opérationnelles nécessaires à la tenue de l’ensemble des contrats opérationnels.

Source : état-major de l’Armée de l’air et de l’espace.

Comme pour la Marine nationale, ce référentiel aboutit à la construction d’un indicateur synthétique trimestriel du niveau opérationnel selon le type d’aéronef, inséré dans les tableaux de bord à destination des autorités (chef d’état–major des armées, chef d’état–major de l’Armée de l’air et de l’espace, ministre des armées) sous la forme suivante :

Source : état-major de l’Armée de l’air et de l’espace.

Recommandation n° 8 : Étant donné que des indicateurs internes de performance existent et sont assez développés et lisibles, ils pourraient venir s’insérer dans les documents budgétaires en complément de l’indicateur 5.1, éventuellement à la suite éventuellement d’un effort de normalisation.

 


III.   EN dÉpit de certains manques, la prÉparation opÉrationnelle s’est maintenue À un niveau satisfaisant mais aura besoin de se renforcer pour soutenir la remontÉe en puissance des armÉes

A.   La préparation opérationnelle a su maintenir un niveau élevé de capacité opérationnelle mais souffre d’entraves occasionnant des manques

1.   De manière globale, le contrat opérationnel a été rempli mais les capacités de haut du spectre des armées ont été fragilisées

La préparation opérationnelle a permis de remplir le contrat opérationnel depuis 2015. Conformément à ce que prévoyait la LPM, la préparation opérationnelle s’est recentrée durant ces dernières années sur la réponse aux enjeux de court terme, parfois au détriment des savoir–faire dans le domaine de la haute intensité ou des engagements en milieu contesté.

Dans cette première phase de LPM, les principaux facteurs « limitants » concernent les parcs de véhicules et aéronefs, dont le renouvellement a débuté mais où coexistent encore des matériels d’ancienne et de nouvelle générations. La transition vers des équipements de nouvelle génération selon le rythme prévu par la LPM est cruciale pour la modernisation des armées françaises et pour limiter le recours prolongé à des matériels en fin de vie. Le maintien en service de ce type de matériel entraîne un surcoût de maintien en condition opérationnelle et un besoin élevé de personnels.

Les armées ont dû soutenir un niveau d’engagement élevé, dans un contexte de grande attrition du matériel au Sahel en raison de conditions climatiques difficiles.

Cette situation a contribué à fragiliser la formation et l’entraînement des capacités du haut de spectre des armées.

Parmi les domaines pour lesquels le manque de capacités est notable, on peut mettre en relief le franchissement de coupure humide (mise en place technique et tactique d’un pont de fortune et traversée d’unités de combat).

D’un point de vue quantitatif, c’est l’Armée de terre qui semble avoir le plus de difficultés à rester sur des trajectoires à même de lui permettre d’atteindre les normes quantitatives annuelles d’activité fixées par la LPM.

La Covid–19 a poussé à recentrer la préparation opérationnelle sur les savoir–faire Opex et les préparations opérationnelles métiers, destinées à acquérir et entretenir les savoir–faire requis par les différentes armes et spécialités. Certains savoir–faire sont à réinvestir comme les opérations aéroportées ou la défense aérienne. Si l’impact de la crise de la Covid–19 n’est pas neutre, l’enjeu principal réside plutôt dans les facteurs structurels et la capacité des armées à concrétiser les ambitions de la seconde partie de la LPM.

a.   Armée de Terre

i.   Dimensions structurelles

Les cibles annuelles de préparation opérationnelle présentes dans les projets annuels de performance sont fixées lors des travaux de programmation en fonction des ressources allouées. Toutefois l’atteinte de la cible annuelle ne doit pas faire passer au second plan l’écart entre cette cible et les normes d’activité prévues par la LPM, c’est–à–dire l’horizon à atteindre.

Depuis 2015, différents éléments sont venus restreindre l’efficacité de la préparation opérationnelle de l’Armée de terre. En 2020, la trajectoire de ressources a conduit à revoir à la baisse les perspectives d’atteinte des normes LPM et donc à revoir à la baisse les cibles annuelles des sous–indicateurs de l’indicateur 5.1, en particulier le sous–indicateur « Taux d’entraînement par équipage sur matériel terrestre ». Ainsi, il était prévu en entrée de LPM que la cible 2023 soit à 85 % de la cible de fin de LPM, mais elle a dû être abaissée à 59 %.

La préparation opérationnelle souffre avant tout d’un déficit de disponibilité pour les véhicules majeurs, du fait d’un coût de maintien en conditions opérationnelles en hausse.

Le niveau d’engagement opérationnel, en particulier avec la mission Sentinelle, a contraint le volume et la qualité de la préparation opérationnelle de l’Armée de terre. Ainsi, le déclenchement de la mission Sentinelle en 2015 s’est traduit par une forte baisse du nombre d’unités passées par les centres d’entraînement spécialisés (CES). Depuis 2017, les fluctuations du nombre de soldats mobilisés pour Sentinelle représentent un facteur explicatif important du niveau de qualité de la préparation opérationnelle de l’Armée de terre. Cet engagement a également des effets moins bien perceptibles car certains passages en CES ne sont pas déprogrammés pour ne pas perdre ces opportunités, mais la mobilisation de certains soldats ou unités participantes à Sentinelle dégrade ces moments d’entraînement conçus pour être à forte valeur ajoutée. L’opération Sentinelle a donc eu pour conséquence d’amoindrir les capacités de préparation opérationnelle de haute intensité et interarmes de l’Armée de terre.

À titre d’exemple, le renforcement de l’opération Sentinelle de novembre 2020 à avril 2021 a conduit à l’annulation d’un quart des rotations en centre d’entraînement spécialisé. La pression exercée sur les forces terrestres par cet effort a entraîné une dette complémentaire de préparation opérationnelle interarmes qui ne sera pas résorbée avant la fin de l’année 2023.


ii.   Impact de la crise sanitaire liée à la Covid–19

La crise sanitaire a conduit à réorienter la préparation opérationnelle interarmes et interarmées vers la préparation opérationnelle métier en garnison, pour garantir l’atteinte des objectifs de préparation opérationnelle tout en limitant les déplacements. L’Armée de terre a également dû augmenter le volume des mises en conditions finales avant projection dans le cadre du renfort du contingent déployé dans le cadre de l’opération Barkhane.

En revanche, la crise a eu un impact négatif sur les activités bilatérales et internationales en occasionnant l’annulation de 13 exercices internationaux, ce qui équivaut à 30 % des activités planifiées. Le rattrapage du niveau de préparation opérationnelle interalliés ne devrait être achevé qu’au second semestre 2023.

CIBLES ET RÉALISATIONs DES NORMES QUANTITATIVES D’ACTIVITÉ annuelle
depuis 2015 au sein de l’armÉe de terre

 

 

Unité

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Jours d'activité par homme Terre "JPO"

(norme LPM : 90)

Cible PAP

jours

83

83

81

81

81

81

Réalisé

64

72

81

81

82

79

Journées de formation et d'entraînement

(norme LPM : 120)

Cible PAP

jours

 

 

 

 

 

120

Réalisé

103

110

114

119

120

118

Taux d'entraînement par équipage sur matériel terrestre

Cible PAP

taux

 

 

 

53

57

59

Réalisé

 

 

 

54

54

57

Heures de vol par pilote d'hélicoptère Terre
(dont forces spéciales)

Cible PAP

heure

156

159

164

173

 

 

Réalisé

148

154

168

154

167

171

Heures de vol par pilote d'hélicoptère Terre (FC : forces conventionnelles, FS : forces spéciales) (norme LPM : 200/220)

Cible PAP

heure

 

 

 

 

173(FC)

185(FS)

171(FC)

185(FS)

Réalisé

 

 

 

 

156(FC)

206(FS)

163(FC)

195(FS)

 

Taux d'entraînement par équipage sur matériel terrestre

 

 

Unité

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Char lourd (Leclerc)

(Norme LPM : 115)

Cible

taux

 

 

 

54

72

54

Réalisé

 

 

 

58

69

58

Char médian (AMX10RC)

(Norme LPM : 100)

Cible

taux

 

 

 

84

96

67

Réalisé

 

 

 

68

70

70

VBCI

(Norme LPM : 130)

Cible

taux

 

 

 

66

66

53

Réalisé

 

 

 

60

66

49

VAB

(Norme LPM : 1 100)

Cible

taux

 

 

 

48

49

51

Réalisé

 

 

 

51

49

58

Canon de 155 mm

(Norme LPM : 110)

Cible

taux

 

 

 

39

70

70

Réalisé

 

 

 

 

58

68

63

Source : état–major de l’Armée de terre

b.   Marine nationale

i.   Dimensions structurelles

Depuis 2015, la Marine nationale a globalement réussi à atteindre ses objectifs d’activité. En dépit de ces résultats, elle a tout de même rencontré des problématiques de préparation opérationnelle.

En premier lieu, une activité opérationnelle intense, une disponibilité matérielle parfois insuffisante et des difficultés de ressources humaines entravent ponctuellement certaines unités et rendent difficile la sanctuarisation de 25 % d’activité de préparation opérationnelle, en particulier pour les bâtiments de surface.

rÉpartition de l’activitÉ entre entraÎnement et mission
au sein de la marine nationale entre 2017 et 2019

(en % de l’activité totale)

Unités

 

2017

2018

2019

Navale

entraînement

25 %

23 %

21 %

mission

75 %

77 %

79 %

Sous–marine

entraînement

19 %

21 %

28 %

mission

81 %

79 %

71 %

Source : état–major de la Marine

Par ailleurs, la Marine nationale rencontre des difficultés dans le domaine du tir. Le budget ciblerie est structurellement trop faible pour assurer une préparation opérationnelle conforme au plan Mercator (plan stratégique de la Marine nationale).

S’ajoute à cela une faible disponibilité des champs de tir au regard d’une activité croissante des moyens navals. La planification des tirs de préparation opérationnelle en centre d’essais souffre d’un manque de souplesse dans leur reconfiguration (préavis nécessaire de 18 mois environ). Les tirs d’essais sont priorisés par rapport à ceux de préparation opérationnelle. Cette difficulté est accrue par une ouverture des centres d’essais réduite à 3,5 jours par semaine, du lundi après–midi au jeudi soir (hors été), sur une amplitude horaire de bureau.

Tout cela conduit à une quasi–impossibilité de tirer régulièrement des munitions complexes lors de tirs de haut niveau.

Le maintien en condition opérationnelle de l’hélicoptère NH–90 pose des difficultés à la Marine nationale, en raison du coût associé mais surtout en raison des difficultés de l’industriel à effectuer les visites nécessaires. Les difficultés sont connues, mais il n’en reste pas moins que cela débouche sur des taux de disponibilité de la flotte de 30 % à 35 % qui sont loin d’être satisfaisants. Ces retards perdureront conservés jusqu’en 2022.

Par ailleurs, avec l’arrivée tardive de navires remplaçants, et afin de maintenir le parc nécessaire à la réalisation du contrat opérationnel, il est souvent nécessaire de prolonger la durée de vie des navires au–delà de ce qui était prévu lors de leur conception et de leur construction. On peut prendre pour exemple les patrouilleurs de classe P400, prolongés à 38 ans de service au lieu des 25 ans prévus initialement. Ce vieillissement se traduit par une baisse de la disponibilité des moyens qui sont de plus en plus sujets à des problèmes techniques.

En sus, la Marine nationale connaît une tension sur la préparation opérationnelle simulée. Les simulateurs opérationnels ont un taux de charge en augmentation constante avec l’arrivée des bâtiments à double équipage (B2E), ce qui se conjugue avec des retards pris dans la livraison de simulateurs.

D’un point de vue des ressources humaines, la Marine nationale connaît une situation de sous–effectif des entraîneurs de la division entraînement. La montée en puissance des bâtiments à double équipage (B2E) va encore accentuer ce phénomène.

ii.   Impact de la crise sanitaire liée à la Covid–19

En 2020, la Marine nationale a connu un recul de l’activité de – 11,5 % des heures de vol et – 8 % des jours de mer, malgré le rattrapage entrepris au second semestre. La réalisation des jours de mer est conforme aux cibles et prévisions du projet annuel de performance 2020. L’activité sur les théâtres d’opérations a été peu touchée grâce à la stabilité des activités Opex et au maintien des déploiements et exercices majeurs du second semestre. C’est donc principalement la préparation opérationnelle qui a pâti du recul de l’activité.

Les contraintes très fortes liées à la Covid–19 ont affecté la qualité de la préparation opérationnelle en 2020.

Concernant les bâtiments de surface, l’enchaînement des septaines avant et après les stages Outre–Mer ou les déploiements ont contraint la disponibilité d’entraîneurs déjà en tension du fait de leur sous–effectif structurel.

De nombreux exercices nationaux et interalliés ont été annulés. La qualité de la préparation opérationnelle a été réduite par les mesures de prévention contre la Covid–19.

Concernant l’aéronavale, la crise liée à la Covid–19 a eu un impact négatif sur l’indicateur de préparation opérationnelle en 2020 en raison de retards de livraisons d’appareils ou de visites industrielles.

Concernant les forces sous–marines, le décalage du plan de maintenance des SNA a eu des conséquences sur la préparation opérationnelle en matière d’expérience des équipages.

En définitive, la dette en matière d’activité devrait être résorbée fin 2021.

CIBLES ET RÉALISATION DES NORMES QUANTITATIVES D’ACTIVITÉ annuelle
depuis 2015 au sein de la marine nationale

 

Unités

Unité

2015

2016

2017

Cibles LPM 14–18

2018

2019

2020

Cibles LPM 18–25

Bâtiment combat

(Hauturiers)

Nombre de jours de mer par équipage

91

(104)

92

(107)

90

(102)

100

(110)

94

(101)

96

(109)

90

(102)

100 (110)

Chasse Non Hiboux (Hiboux)

Heures de vol par pilote

193 (236)

230 (263)

172 (185)

200

148 (146)

144 (190)

98

(179)

200

Hélicoptères

Heures de vol par équipage

218

224

204

220

199

206

212

220

Patrouille surveillance et intervention maritime

Heures de vol par équipage

336

348

344

350

324

332

317

350

Source : état–major de la Marine.

c.   Armée de l’Air et de l’Espace

De manière générale, le déficit dû à la crise liée à la Covid–19 se conjugue à un déficit de préparation opérationnelle préexistant.

i.   Dimensions structurelles

Depuis 2015, l’Armée de l’air et de l’espace a toujours poursuivi ses entraînements aux missions du haut du spectre, en particulier l’affrontement avec des aéronefs symétriques. Toutefois ces savoir–faire sont détenus par un trop petit nombre de militaires. Autre point structurant, les personnels du transport sont plus affectés par le manque d’activité car même leur activité en métropole, qu’on pourrait penser plus destinée à la préparation opérationnelle, est en réalité en grande partie une activité opérationnelle de logistique.

À titre d’exemple, les équipages d’A400M devraient effectuer 400 heures de vol par an simulation comprise, contre actuellement 320 heures réalisées.

La LPM prévoit une remontée de l’activité des équipages vers la norme définie par cette même LPM. Si les pilotes de chasse devraient atteindre la norme en 2025, ce ne sera pas avant 2027 pour les pilotes de transport et les pilotes d’hélicoptères.

De manière plus large, les moyens pour assurer la préparation des forces sont, dans certains domaines, insuffisants.

– Techniques : la disponibilité technique de certains matériels en métropole demeure très perfectible et est un facteur limitant la préparation opérationnelle. Les trajectoires de remontée d’activité prévue par la LPM nécessitent une amélioration franche de la disponibilité technique, en particulier sur les segments « Transport tactique » et « Hélicoptères ». Des problèmes de disponibilité se font en particulier connaître pour les avions C–130, dont la disponibilité est en moyenne de 3 sur 14.

– Budgétaires : le financement de l’activité est en deçà du besoin, que ce soit du point de vue de l’activité aérienne stricte, qui reste en dessous de la norme LPM, ou du point de vue du financement des activités majeures (exercices internationaux), qui donnent chaque année lieu à des renoncements pour des raisons budgétaires. Ces exercices sont pourtant indispensables à l’acquisition et au maintien des compétences de haut de spectre.

– Niveau d’engagement : les opérations extérieures requièrent une large part de la capacité d’activité de l’Armée de l’air et de l’espace. À titre d’exemple en 2020, 20 % de l’activité aérienne chasse a été réalisée en Opex. La flotte des Mirages 2000D, engagée dans l’opération Barkhane, est particulièrement touchée par ce phénomène : en moyenne, 50 % de l’activité de ses pilotes est réalisée en Opex, ce qui signifie qu'ils n’effectuent qu’un seul type de mission et ne développent pas d’autre savoir–faire, notamment de haut du spectre. On peut également citer le drone Reaper : le déploiement quasi–total de la flotte rend difficile la préparation opérationnelle des pilotes.

– Ressources humaines : l’Armée de l’air et de l’espace est déficitaire en effectifs dans les domaines du Cyber, de la protection et du renseignement, ce qui peut la contraindre dans la conduite de sa préparation opérationnelle.

Source : état-major de l’Armée de l’air et de l’espace.

ii.   Impact de la crise sanitaire liée à la Covid–19

De manière quantitative, et même si l’Armée de l’air et de l’espace est revenue à un rythme d’activité quasiment normal en fin d’année, le déficit cumulé en heures de vol sur 2020 atteint 34 000 heures.

Ce déficit représente 18 % de l’objectif d’heures de vol de l’année. Cet écart à l’objectif est variable :

– 10 % pour la chasse ;

– 11 % pour les hélicoptères ;

– 27 % pour le transport tactique.

Ce déficit s’est concentré sur les heures de préparation opérationnelles afin d’honorer l’activité nécessaire en Opex, pour les missions permanentes et pour l’opération Résilience. La crise aura eu un impact tout particulier sur la préparation opérationnelle de haut du spectre par l’annulation d’une majorité des exercices internationaux prévus. Certaines compétences ont été ainsi particulièrement fragilisées, comme la recherche et sauvetage au combat (RESCO) pour les hélicoptères.

Cette crise a révélé la dépendance de l’Armée de l’air et de l’espace aux exercices internationaux, avant tout dans le segment des compétences du haut du spectre. Il serait désormais bon qu’en complément de ces activités internationales, un socle minimal d’entraînement de ce type puisse être mené dans le cadre national.

De manière plus globale, ce déficit de préparation opérationnelle vient s’ajouter à la dette accumulée sur la dernière décennie, fragilisant les savoir–faire fondamentaux. Elle ne sera pas comblée et est désormais considérée comme un renoncement.

 

(heures de vol)

 

Norme OTAN à rejoindre en fin de LPM.

Planifiée pour 2020

Réalisée pour 2020

Activité totale individuelle

Chasse

180

164

150

Transport

320

219

176
(dont seulement 90
aux commandes)

Hélicoptère

200

174

152

Source : état-major de l’Armée de l’air et de l’espace.

2.   La mise en œuvre de la LPM permet une amélioration sensible des moyens nécessaires à la préparation opérationnelle

a.   Équipement

Sans détailler dans sa totalité l’immense effort d’équipement prévu par la LPM, il faut relever que les livraisons qui commencent à arriver dans les armées permettent de disposer de matériels modernes, plus propices à la préparation opérationnelle de haute intensité en particulier.

Concernant l’Armée de terre, on peut mettre en avant le programme SCORPION, dont la LPM prévoit l’accélération. Cette accélération permettra la livraison d’ici 2025 de 50 % des nouveaux blindés médians prévus par le programme.

La Marine nationale, si elle doit également bénéficier de l’arrivée progressive de matériels nouveaux, nourrit des inquiétudes sur la période 2022–2028. De nombreux équipements sont censés être livrés durant cette période et tout retard aurait des conséquences importantes en matière de préparation opérationnelle en raison de l’âge déjà avancé des équipements destinés à être remplacés (cf. supra).

L’Armée de l’air et de l’espace perçoit quant à elle déjà les effets des livraisons d’équipement, avec l’A400M (qui a connu toutefois des problèmes de disponibilité), l’A330 MRTT et la rénovation des Rafale et Mirage 2000.


b.   Maintien en condition opérationnelle

La refonte du maintien en condition opérationnelle est elle aussi un processus de longue haleine, mais elle commence à porter ses fruits. Le maintien en condition opérationnelle aéronautique, par exemple, a permis de gagner quelques points de disponibilité grâce au contrat Rafale verticalisé (dit RAVEL). La logique de responsabilisation des industriels semble fonctionner. Dans ce domaine, l’année 2021 sera charnière pour l’Armée de l’air et de l’espace et aussi pour la Marine nationale en raison du nombre important des contrats qui devront être notifiés (cf. supra).

Pour le maintien en condition opérationnelle aéronautique de l’Armée de terre, un bilan devra être réalisé au vu de son coût élevé, mais les premiers résultats semblent encourageants.

Dans le milieu terrestre, la politique des contrats de maintien en condition opérationnelle a déjà donné satisfaction. Le marché de soutien en service du char Leclerc (dit MSS XL) a ainsi permis d’augmenter significativement la disponibilité de ces chars. Des gains sont encore attendus dans ce domaine dans les années à venir avec le nouveau contrat MSS2 notifié au premier semestre 2021. Toutefois, la rapporteure spéciale rappelle l’insuffisance des crédits du maintien en condition opérationnelle terrestre pour 2021, qu’elle avait relevée dans son rapport spécial sur le PLF pour 2021.

c.   Organisation

L’accent donné par la LPM aux nouveaux champs de conflictualité s’est notamment traduit par la création du commandement de l’espace en janvier 2020. Ce commandement est essentiel pour impulser une dynamique de préparation dans le domaine spatial. Il a piloté en mars 2021 le premier exercice tactique spatial en Europe qui a lancé cette trajectoire, laquelle doit aller en s’intensifiant.

d.   Condition militaire

Très succinctement, la LPM, par sa volonté de s’incarner à « hauteur d’homme », a conduit à une amélioration rapide de la condition militaire avec le plan famille, la prime de lien au service, les bâtiments à double équipage dans la Marine nationale, ou encore le remplacement réussi de Louvois par Source solde.

Du point de vue indemnitaire et avant la mise en œuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) à compter de 2021, le ministère s’était déjà engagé entre 2015 et 2019 dans un effort de renforcement de la condition militaire par des mesures catégorielles militaires pour un montant de 448 millions d’euros, sur un total de 545 millions d’euros pour l’ensemble du personnel du ministère. Parmi les principales mesures mises en œuvre, certaines étaient directement liées à l’articulation entre préparation opérationnelle et condition militaire, comme des mesures de compensation de la suractivité.

La NPRM permettra une meilleure compensation des sujétions de préparation opération, sujétions appelées à s’intensifier (cf. supra). Certaines indemnités telles que l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (ISAO) permettront à partir de 2022 de mieux accompagner les sujétions liées à l’entraînement des forces en remédiant à la complexité des primes actuelles. En effet, l’ISAO aura un fait générateur unique : l’impossibilité pour le militaire de regagner sa résidence habituelle ou son hébergement militaire en dehors des heures normales de service, du fait d’un service de garde ou d’un engagement opérationnel. Son montant variera selon la nature de l’activité et sera majoré si le militaire est projeté loin de son lieu d’affectation.

La condition militaire est pensée pour atteindre le juste équilibre entre les sujétions nécessaires à la défense nationale et les compensations de ces sujétions. Dans ce cadre, la perspective de l’application de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, dite « temps de travail » aux militaires, serait un bouleversement d’un modèle français, qui va en s’améliorant. Le Gouvernement a déjà fait part de son opposition à cette éventualité, et la rapporteure rejoint entièrement cette position. La directive temps de travail ne peut se concilier, même aménagée, avec l’exigence de disponibilité qui est consubstantielle au modèle d’armée à la française. Or, la France qui engage ses armées à travers le monde pour la défense de ses intérêts mais aussi de ceux de l’Europe.

De manière globale et à ce stade, les ressources prévues en LPM pour l’activité permettent d’envisager le maintien de capacités d’entraînement et de formation conformes aux impératifs du contrat opérationnel « gestion de crise » et ainsi d’assurer la tenue de la situation opérationnelle de référence (SOR).

B.   La préparation opérationnelle constitue l’un des enjeux majeurs de la trajectoire de remontée en puissance des armées françaises

Lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées le mardi 4 mai 2021, la ministre des armées a annoncé que l’un des trois axes possibles d’ajustement de la LPM était la préparation opérationnelle, sous l’intitulé « mieux se préparer ». En effet, et toujours selon la ministre : « Les armées ont besoin d’un entraînement plus conséquent et plus sophistiqué, notamment dans les nouveaux espaces de conflictualité. L’effort en cours sur la disponibilité des matériels doit être poursuivi, afin de permettre de multiplier les entraînements au quotidien et perfectionner les scénarios de préparation. Il nous faudra renforcer le recours à la simulation. Cela passera par un investissement dans les centres de préparation à la simulation. » L’effort budgétaire qui devrait être consenti vise à rejoindre les normes d’entraînement fixées pour 2025 avec une reconquête de l’ensemble des savoir–faire du haut du spectre.


Pour l’Armée de terre, les travaux d’actualisation devraient compenser en partie le décrochage d’activité consenti en 2020 pour 2022 et 2023, et ainsi permettre un gain d’activité de + 20 % pour les chars Leclerc, + 22 % pour les AMX–10 10RC et de + 41 % pour les véhicules de l’avant blindés (VAB). Cet effort permettrait d’éviter un décrochage par rapport aux objectifs de fin de LPM.

L’atteinte de la trajectoire d’activité nécessiterait toutefois un effort supplémentaire estimé, sur la période 2022 à 2025, à 129 millions d’euros en entretien programmé du matériel terrestre, 75 millions d’euros en entretien programmé du matériel aéronautique et 78 millions d’euros en munitions. L’effort porte en particulier sur les véhicules lourds : chars Leclerc, AMX–10 RC et VAB.

La Marine nationale aura en particulier besoin d’un renforcement des structures d’entraînement, qui sont actuellement taillées au plus juste, pour conduire en particulier les entraînements complexes de haute intensité.

L’entraînement à la haute intensité et même à l’hypothèse d’engagement majeur (HEM), conflit de forte intensité face à un ennemi possédant des capacités équivalentes ou excédant celles des armées françaises, doit faire partie des réflexions autour de l’ajustement de la LPM. Cet entraînement constitue une condition sine qua non pour satisfaire à terme l’objectif de l’ambition 2030 de disposer d’un modèle d’armée complet. Par ailleurs, la capacité de la LPM à financer cette trajectoire représente un enjeu budgétaire clé.

Une préparation opérationnelle conçue dans la logique de l’HEM est en effet nécessairement grande consommatrice de moyens, qu’ils soient humains ou budgétaires. La haute intensité couplée à la haute densité exige une forte utilisation de moyens au cours de l’entraînement caractérisé par un niveau élevé de concentration des forces, de durée et de complexité, ce qui se traduit par des coûts. On le voit déjà avec la participation de la France à certains exercices internationaux d’ampleur, comme l’exercice Warfighter.

L’enjeu sera donc en grande partie de trouver l’équilibre entre la nécessaire poursuite de cette capacité opérationnelle, qui conférera à la France un modèle d’armée complet, et le maintien d’une préparation opérationnelle aux engagements asymétriques.

Pour tempérer cet enjeu, la rapporteure spéciale a bien conscience que ces deux grands types schématiques de préparation opérationnelle sont bien souvent plus complémentaires que concurrents. La préparation opérationnelle à la haute intensité tire vers le haut les compétences des armées, ce qui est également profitable dans les engagements asymétriques.

Dans les faits, la préparation opérationnelle à l’HEM va se concrétiser par des entraînements se concentrant plus sur les compétences de haut du spectre et de nature interarmées voire internationaux. Dans ce cadre, l’entraînement de niveau division HEMEX/ORION en 2023 réunissant un volume de moyens équivalent au gabarit HEM selon un scénario de combat de haute intensité sera un vrai point d’étape sur la trajectoire de remontée en puissance des armées françaises.

La ministre a également insisté sur les progrès en matière de simulation. Les armées font en effet état d’un besoin d’aller vers encore plus de simulation et surtout vers une simulation de meilleure qualité, en sus de la préparation classique et non pas en remplacement de cette dernière.

La simulation présente l’avantage d’une plus grande souplesse qui permet d’organiser des moments plus réguliers et moins contraignants de préparation opérationnelle.

L’effort à produire semble en particulier important pour la Marine nationale et l’Armée de l’air et de l’espace.

Pour la Marine nationale, le développement trop lent des capacités de simulation, en raison de projets non programmés ou abandonnées lors des arbitrages en programmation, impacte la préparation opérationnelle. Ainsi, certaines composantes attendent toujours des simulateurs (Atlantique 2 Standard 6, Falcon 50, simulateur métier pour les frégates multimissions…).

Recommandation n° 9 : Au–delà de ces éléments précis, les moyens budgétaires adéquats devront être consacrés au chantier majeur d’évolution d’un écosystème de simulateurs hétérogènes vers un système homogène et intégré. Ce simulateur intégré doit permettre une préparation collective via simulation.

Le sous financement annuel de 18 millions d’euros pour un besoin évalué à environ 20 à 30 millions d’euros ralentit la mise en œuvre de ce projet majeur pour la préparation opérationnelle dans la marine.

Au sein de l’Armée de l’air et de l’espace, les moyens de simulation restent inégaux en fonction des flottes. Les flottes récentes et de première ligne disposent de simulateurs performants qui répondent aux besoins ; en revanche ce n’est pas le cas des flottes plus anciennes dont les simulateurs sont soit inexistants, soit obsolètes, soit externalisés et à des standards différents des avions exploités par l’Armée de l’air et de l’espace. C’est le cas du C130 et du Casa.

Par ailleurs, l’Armée de l’air et de l’espace au même titre que la Marine nationale, développe un projet de simulation partagée laissant entrevoir de belles opportunités en matière de préparation opérationnelle dans le haut de spectre en complément de la participation à des exercices majeurs, par essence limitée en nombre. La rapporteure spéciale sera très attentive à ce que ces projets de simulateurs voient le jour au plus vite, car ils représentent une poche de progression importante pour la préparation opérationnelle de nos armées.

Cet effort sur la simulation s’inscrira dans un mouvement plus large d’appropriation simultanée et complémentaire de technologies émergentes cruciales : intelligence artificielle, drones, robotisation.

Avec l’objectif de ne contracter aucun retard dans la compétition de puissance, la rapporteure spéciale se réjouit de la volonté affichée par la ministre de faire progresser la préparation opérationnelle dans les nouveaux champs de conflictualité (cyber, spatial, informationnel), aussi bien au niveau tactique qu’à celui du commandement.

Il s’agira également de formaliser une nouvelle approche de la conflictualité pour prendre la pleine mesure de la moins grande pertinence de la séquence classique d’engagement de type corps expéditionnaire qui a marqué l’action militaire française depuis la fin de la guerre froide. La croissance de la conflictualité comme modalité de régulation internationale entre puissances invite à développer les capacités des armées françaises, en particulier dans ces nouvelles zones grises de rivalité, intermittentes, qui investissent tous les espaces. Dans cette perspective, l’actuelle opération Lynx apparaît particulièrement riche de perspectives. Opération de réassurance menée sous l’égide de l’OTAN, elle a deux buts distincts : affirmer le positionnement stratégique et les capacités opérationnelles de la France et réaliser une préparation opérationnelle précieuse pour les troupes.

La rapporteure spéciale estime à l’instar de certains de ses interlocuteurs que ce type d’opération est appelé à se développer. En effet, des opérations comme Lynx permettent d’envoyer des messages et de poser des limites à ne pas franchir à destination de pays qui pourraient devenir des rivaux stratégiques. Dans un contexte de durcissement des relations mais aussi de brouillage des frontières de la conflictualité, ces opérations seront de plus en plus nécessaires pour défendre les intérêts de notre pays et nos alliances. Elles crédibilisent la France tant du point de vue diplomatique que militaire.

Actuellement, cette forme hybride d’activité entre opération et entraînement n’est pas considérée comme une opération extérieure au sens budgétaire, car les troupes engagées n’ont normalement pas vocation à engager le feu face à un ennemi.

Cela a pour conséquences que les coûts générés par Lynx ne sont pas éligibles aux surcoûts Opex et sont donc intégralement supportés par le budget d’activité de l’Armée de terre. Il ne s’agit pourtant pas d’activités qui ont un but unique de préparation opérationnelle. Si on la transposait dans un autre milieu, on pourrait de plus établir des analogies avec l’opération Corymbe qui, elle, est éligible aux surcoûts Opex. De fait, le modèle opérationnel de l’Armée de terre se rapproche progressivement de celui de la Marine nationale, rapprochement dont il convient de tirer les conséquences budgétaires.

Recommandation n° 10 : Au vu du développement que devrait connaître ce type d’opération, afin de poursuivre l’effort de sincérisation budgétaire et que ce type d’opération ne vienne pas contraindre la capacité de préparation opérationnelle de l’Armée de terre, la rapporteure spéciale recommande d’engager une réflexion sur l’éligibilité aux surcoûts Opex pour les opérations de type Lynx.

Enfin, le format et la nature de l’opération Sentinelle devront pouvoir être revus afin de permettre à l’Armée de terre de regagner en capacité de préparation, en particulier de haut du spectre.

Recommandation n° 11 : La principale marge de manœuvre dans l’immédiat serait d’établir une durée maximale dans la réquisition d’un renforcement Sentinelle, durée après laquelle, sauf ordre contraire, la diminution de l’engagement se ferait automatiquement. Ce principe permettrait d’éviter une incertitude dommageable, en particulier, aux passages des unités au sein des centres d’entraînement spécialisés.

À moyen terme, une solution plus ambitieuse serait d’accélérer l’évolution de Sentinelle vers une capacité d’action rapide de certaines unités de l’Armée de terre en remplacement de la pratique actuelle de la patrouille. Cette transformation continuerait à apporter à l’Armée de terre les bénéfices de la culture de l’alerte et de la défense du territoire national développée depuis 2015 tout en libérant des moyens humains et budgétaires pour la préparation opérationnelle.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 21 heures, le 25 mai 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Aude Bono–Vandorme, rapporteure spéciale de la mission Défense : Budget opérationnel de la défense.

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu est également lisible en ligne.

*

*   *

 

 


— 1 —

   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

État–major des armées

– Général de corps d’armée Vincent Pons, sous–chef d’état–major « plans »

État–major de l’Armée de terre

– Général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état–major de l’Armée de terre

– Colonel Ronan Haicault de la Régontais, chef du bureau programmation–finance et budget, état–major de l’Armée de terre

– Colonel Jean–Jacques Fatinet, chef du pôle rayonnement de l’Armée de terre

– Colonel Jobic le Gouvello de la Porte, officier en charge des relations avec le Parlement, état–major de l’Armée de terre

État–major de la Marine nationale

– Vice–amiral d’escadre Stanislas Gourlez de la Motte, major général de la Marine

– Capitaine de vaisseau Riaz Akhoune, chargé des liaisons parlementaires

État–major de l’Armée de l’air et de l’espace

– Général de division aérienne Philippe Morales, Sous–chef activités de l’état–major de l’Armée de l’air et de l’espace

– Colonel Arnaud Bourguignon, Chef du bureau finances de l’état–major de l’Armée de l’air et de l’espace

– Anne–Charlotte Bedino, chef de division discours/rayonnement au cabinet du chef d’état–major de l’Armée de l’air et de l’espace

Secrétariat général pour l’administration

– Mme Isabelle Saurat, conseillère maître à la Cour des comptes, secrétaire générale pour l’administration

– Contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur des patrimoines, de la mémoire et des archives

Cour des comptes

– Mme Mireille Faugère, conseillère maître, présidente de section

– Mme Louise Thin, auditrice et M. Laurent Weil, rapporteur extérieur, rapporteurs de la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense

M. Chailland, conseiller maître, contre rapporteur de la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense

Haut–Conseil d’évaluation de la condition militaire

– M. Francis Lamy, président

– Contrôleur général des armées Frédéric Maigne, secrétaire général

Conseil supérieur de la fonction militaire

– Contrôleur général des armées Olivier Schmit, secrétaire général

– Ingénieure principale Marie Poirier de Clisson

– Major Éric Thieffry

– Premier–maître Michaël Pousset

– Adjudant Nadège Tirel

– Adjudant Stéphane Sorlin

– Caporal–chef Ludovic Novaro.

Associations professionnelles nationales de militaires

– Capitaine Lionel Hillaireau, président et le major Philippe Glimmois, président délégué de l’APNAIR ;

– Premier–maître Mickaël Berben et le quartier maître de première classe Edwin Saint Marc, co–présidents de l’APNM Marine ;

– Ingénieur en chef de l’armement Olivier Robert, président de France armement ;

– Commissaire de première classe Stéphane Nouailhas, président de l’APNM Commissariat

– M. Jean–Sébastien Martinez de Castilla, président de l’association des professionnels de la Défense (Aprodef)