N° 4195

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 28
 

 

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

 

 

 

Rapporteurs spéciaux : M. Jean-Noël BARROT ET Mme Stella DUPONT

 

Députés

 

____

 

 


 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

RECOMMANDATIONS des rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE : Revue des dépenses : une sousexécution des crédits limitée, imputable à la crise sanitaire

I. l’exécution du programme 303 s’est caractérisée par une sur-exécution renouvelée dont le contexte sanitaire et des mouvements de régulation budgétaire ont cependant permis de limiter la portée et de corriger certaines fragilités initiales

A. une sur-exécution renouvelée mais limitée

B. une sur-exécution dont la crise sanitaire a permis de limiter la portée et de corriger certaines fragilités initiales

II. Le programme 104 a été fortement sous-Éxécuté En raison de la crise sanitaire

III. Les fonds de concours, une source réitérée de préoccupation

A. les fonds de concours européens : un produit élevé comportant une importante part nationale consécutive à des difficultés antérieures de gestion

B. une difficulté partiellement traitée en 2020

SECONDE PARTIE : LES MOYENS CONSACRÉS PAR LES PRÉFECTURES À L’INSTRUCTION DES DEMANDES DE TITRES DE SÉJOUR

I. les services chargés de l’instruction des demandes de titres de séjour au sein des préfectures disposent de moyens importants et en cours d’adaptation

A. Des moyens humains renforcés et revalorisés

1. Des moyens humains qui ont été renforcés

2. Des moyens humains revalorisés

3. Des moyens humains réorganisés

B. des moyens techniques en cours de modernisation

1. La prise de rendez-vous par internet

2. Les outils numériques transitoires

a. L’application destinée aux ressortissants britanniques

b. L’application « Démarches simplifiées »

3. Le déploiement progressif de la plate-forme ANEF (administration numérique des étrangers en France)

C. Un cadre juridique rénové

1. La simplification du droit au séjour

2. L’encadrement de la dématérialisation croissante des procédures

II. les préfectures font face à des tensions croissantes apparues avant la crise sanitaire et aggravées par celle-ci

A. Des TENSIONS APPARUES AVANT LA CRISE SANITAIRE

1. Des tensions en matière d’accès à certaines préfectures soulignées par différents acteurs et imputées au développement de la prise électronique des rendez-vous

a. Des tensions peu perceptibles dans les indicateurs officiels

b. Des tensions sur l’accès à certaines préfectures soulignées par différents acteurs associatifs et institutionnels et imputées au développement de la prise électronique des rendez-vous

2. Des tensions objectivées par l’apparition d’un phénomène de revente de rendez-vous et d’un nouveau contentieux portant sur l’accès aux préfectures

a. L’apparition d’un phénomène de revente de rendez-vous

b. L’apparition d’un nouveau contentieux portant sur l’accès aux préfectures

B. Des difficultés aggravées par la crise sanitaire

1. Des difficultés d’accès à certaines préfectures aggravées et désormais contestées massivement devant les tribunaux administratifs

a. L’aggravation des difficultés d’accès à certaines préfectures

b. Des difficultés d’accès à certaines préfectures désormais contestées massivement devant les tribunaux administratifs

2. L’intensification de la lutte contre la revente de rendez-vous, les moyens complémentaires accordés et, surtout, la poursuite du déploiement du programme ANEF devraient, selon le ministère de l’intérieur, permettre de répondre à ces difficultés

III. une modernisation au milieu du gué dont la poursuite suppose diffÉrentes adaptations

A. UNE MODERNISATION AU MILIEU DU GUÉ

1. Des avancées réelles

a. Le développement des titres de séjour pluriannuels et l’accueil satisfaisant des « passeports talents »

b. L’apport des renforts en personnel mobilisés en 2020

c. Le déploiement encourageant des applications temporaires et des premiers volets du programme ANEF

2. Des avancées insuffisantes qui ne masquent pas la permanence d’importantes difficultés d’accès à certaines préfectures

a. Des avancées imparfaites

i. Les fragilités en matière de ressources humaines

ii. Les fragilités en matière de systèmes d’information

b. La permanence d’importantes difficultés d’accès à des préfectures fragilise la situation de certains étrangers, et plus particulièrement ceux sollicitant une admission exceptionnelle au séjour, tandis que le développement des contentieux représente un coût non négligeable

i. La permanence d’importantes difficultés d’accès à des préfectures fragilise la situation de certains étrangers, plus particulièrement ceux sollicitant une admission exceptionnelle au séjour

ii. Des contentieux représentant un coût non négligeable

B. La politique de modernisation engagée SUPPOSE différentes adaptations

1. Engager un plan exceptionnel de recrutement de 250 contractuels pour rattraper le retard accumulé pendant la crise sanitaire, tenir compte des difficultés observées avant cette crise et permettre le déploiement du programme ANEF dans de bonnes conditions

2. Accompagner la dématérialisation croissante des procédures

3. Simplifier plus encore le droit des étrangers

4. Les autres mesures d’accompagnement

5. Les recommandations présentées par Mme Stella Dupont à titre personnel

CONCLUSION

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX, CONTRIBUTIONS REÇUES ET DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS

SOURCES UTILISÉES


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   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

Le présent rapport rend compte de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Immigration, asile et intégration qui est composée des programmes 104 Intégration et accès à la nationalité et 303 Immigration et asile. Le programme 104 finance l’accueil des étrangers primo-arrivants, les actions d’intégration et les procédures de naturalisation tandis que le programme 303 est dédié, pour l’essentiel, à la garantie de l’exercice du droit d’asile et à la lutte contre l’immigration irrégulière. Cette mission ne comprend aucune dépense fiscale, finance deux opérateurs à titre principal (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides [OFPRA] et l’Office français de l’immigration et de l’intégration [OFII]) et dispose, dans des conditions soulevant certaines observations, du rattachement de crédits de fonds de concours (à hauteur de 72,49 millions d’euros en AE et 68,24 millions d’euros en CP).

En 2020, l’exécution de ces postes budgétaires s’est établie, hors fonds de concours, à 1 849,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 1 746 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une sous-exécution de 78,2 millions d’euros en AE (– 4 %) et de 66,2 millions d’euros en CP (soit  3,7 %).

Les crédits exécutés en 2020 témoignent d’une nette amélioration du respect de l’autorisation budgétaire initiale par rapport aux exercices précédents marqués par une sur-exécution élevée (pour les AE : + 96,9 millions d’euros en 2019, + 57,9 millions d’euros en 2018 et + 348,6 millions d’euros en 2017 ; pour les CP : + 91,5 millions d’euros en 2019, + 48,4 millions d’euros en 2018 et + 328,7 millions d’euros en 2017).

La sous-exécution observée en 2020 n’est pas commune aux programmes 104 et 303 puisque, si le programme 104 se distingue par une sous-exécution prononcée (– 82,9 millions d’euros en AE, soit  19,2 %, et – 83,47 millions d’euros en CP, soit  19,3 %), le programme 303 se caractérise par une sur-exécution modérée (+ 4,7 millions d’euros en AE, soit + 0,3 %, et + 17,2 millions d’euros en CP, soit + 1,25 %). Des difficultés persistantes sont par ailleurs observées dans la gestion des fonds de concours européens.

L’épidémie de covid 19 a eu une incidence sur cette exécution budgétaire en modérant fortement certaines dépenses ce qui a contribué à limiter la portée de certaines fragilités initiales. Si, dans ce contexte particulier, l’exécution des crédits 2020 peut être considérée comme étant conforme à la prévision, l’exercice budgétaire 2020 de la mission Immigration, asile et intégration est exceptionnel par sa nature et l’amélioration financière observée doit être confirmée dans la durée.

La seconde partie du rapport est dédiée à l’évaluation des moyens consacrés par les préfectures à l’instruction des demandes de titre de séjour.

Il apparaît que ces moyens ont bénéficié d’un effort prononcé en termes de ressources humaines, de ressources numériques et d’une rénovation de leur cadre juridique. Avant la crise sanitaire, cet effort réel ne permettait cependant pas de répondre de manière satisfaisante aux besoins. Le contexte sanitaire a aggravé les tensions existantes comme l’illustre le développement soutenu d’un nouveau contentieux portant sur l’accès aux préfectures.

Si la poursuite de ces efforts, notamment en matière numérique, devrait permettre de réduire ces tensions, elle ne suffira néanmoins pas à les faire disparaître. Les rapporteurs spéciaux considèrent que plusieurs mesures d’adaptation sont nécessaires et formulent des propositions en ce sens.

 


—  1  —

   RECOMMANDATIONS des rapporteurs spéciaux

 Recommandations sur l’exécution budgétaire :

1-     intégrer dans les prochains documents budgétaires de la mission une présentation détaillée des modalités de prise en charge des corrections des fonds de concours européens ;

2-     revoir la budgétisation et la programmation des crédits de la mission en loi de finances sur la base d’une évaluation plus sincère des dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile (reprise d’une recommandation de la Cour des comptes) ;

 Recommandations sur les moyens consacrés par les préfectures à l’instruction des demandes de titre de séjour :

Recommandations communes aux rapporteurs spéciaux :

3-     engager un plan exceptionnel de recrutement de 250 contractuels pour rattraper le retard accumulé pendant la crise sanitaire et pour tenir compte des difficultés observées avant cette crise et permettre le déploiement du programme Administration numérique des étrangers en France dans de bonnes conditions. Le terme de ces contrats serait lissé pour que tous ces renforts ne prennent pas fin simultanément ;

4-     accompagner la dématérialisation croissante des procédures en ouvrant une voie alternative aux procédures électroniques et en confiant à titre expérimental à des structures spécialisées la charge d’accompagner certains publics vulnérables ou spécifiques dans la préparation de leur dossier de demande de titre de séjour ;

5-     simplifier plus encore le droit des étrangers en favorisant l’attribution d’un plus grand nombre de titres pluriannuels (comme le préconise la Cour des comptes dans son rapport sur L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères publié en mai 2020) ;

6-     mettre en œuvre trois mesures d’accompagnement :

* compléter les indicateurs du ministère de l’intérieur par un indicateur permettant d’apprécier la durée totale de traitement d’une demande de titre de séjour ;

 

* modifier le mode d’enregistrement et de décompte des requêtes déposées devant les tribunaux administratifs pour pouvoir isoler, au sein du contentieux des étrangers, les différents contentieux engagés en matière d’accès aux préfectures ;

* désigner au sein des services étrangers de toutes les préfectures un correspondant chargé d’organiser des échanges, au moins semestriels, avec les associations représentant des étrangers.

Recommandations présentées à titre personnel par Mme Stella Dupont :

7-     jusqu’à la résolution des difficultés d’accès à certaines préfectures, attribuer un document provisoire autorisant le séjour à tout étranger présentant une demande de titre de formulée par voie papier et par voie dématérialisée ;

8-     installer des points numériques en libre accès dans toutes les préfectures ou dans des structures partenaires (avec ordinateurs, scanners et imprimantes en accès libre ou guidé) pour faciliter l’accomplissement des démarches ;

9-     assurer une réponse effective aux questions posées par voie postale ou électronique à tout étranger (ou à son conseil) interrogeant une préfecture sur son dossier.

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : Revue des dépenses :
une sous‑exécution des crédits limitée,
imputable à la crise sanitaire

Le présent rapport rend compte de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Immigration, asile et intégration qui est composée des programmes 104 Intégration et accès à la nationalité et 303 Immigration et asile. Le programme 104 finance l’accueil des étrangers primo-arrivants, les actions d’intégration et les procédures de naturalisation tandis que le programme 303 est dédié, pour l’essentiel, à la garantie de l’exercice du droit d’asile et à la lutte contre l’immigration irrégulière. Cette mission ne comprend aucune dépense fiscale, finance deux opérateurs à titre principal (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides [OFPRA] et l’Office français de l’immigration et de l’intégration [OFII]) et dispose, dans des conditions soulevant certaines observations, du rattachement de crédits de fonds de concours européens (à hauteur de 72,49 millions d’euros en AE 68,24 millions d’euros en CP).

Les crédits ouverts par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 en faveur de la mission Immigration, asile et intégration s’établissaient à 1 927,9 millions d’euros en AE et à 1 812,3 millions d’euros en CP, en hausse de 6 % en AE et de 9,5 % en CP par rapport à 2019. Ces crédits reposaient largement sur le programme 303 qui réunit un peu plus des trois quarts des montants alloués.

L’exécution 2020 de ces crédits s’est établie, hors fonds de concours, à 1 849,6 millions d’euros en AE et à 1 746 millions d’euros en CP, soit une sousexécution en AE (– 78,2 millions d’euros, soit  4 %) et en CP (– 66,2 millions d’euros, soit  3,7 %([1]). Les crédits exécutés en 2020 témoignent d’un respect de l’autorisation budgétaire initiale en sensible amélioration par rapport aux exercices antérieurs.

La légère sous-exécution observée n’est pas commune aux programmes 104 et 303 puisque si le programme 104 se distingue par une sous-exécution prononcée (– 82,9 millions d’euros en AE, soit – 19,2 % et – 83,47 millions d’euros en CP, soit – 19,3 %), le programme 303 a connu une sur-exécution modérée (+ 4,7 millions d’euros en AE [+ 0,3 %] et + 17,2 millions d’euros en CP [+ 1,25 %]).

L’épidémie de covid 19 a modéré certaines dépenses et a pesé sur l’exécution budgétaire de la mission (cf. infra) ce qui a contribué à limiter la portée de certaines fragilités initiales.

 

L’exécution 2020 des crédits de la mission immigration, asile et intégration

(en millions d’euros)

 

Crédits demandés

Crédits exécutés

(hors fonds de concours)

Écart en valeur absolue (et en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 104 Intégration et accès à la nationalité française

431,3

431,4

348,4

347,9

– 82,9

(– 19,2 %)

– 83,5

(– 19,3 %)

Programme 303 Immigration et asile

1 496,5

1 380,9

1 501,2

1 398,1

+ 4,7

(+ 0,3 %)

+ 17,2

(+ 1,25 %)

Total mission

1 927,8

1 812,3

1 849,6

1 746

 78,2

(– 4 %)

 66,3

(– 37 %)

La représentation graphique de l’exécution budgétaire 2020 des crédits de paiement de la mission Immigration, asile et intégration est la suivante :

Source : commission des finances (hors fonds de concours).

Les crédits exécutés en 2020 témoignent d’un respect de l’autorisation budgétaire initiale en sensible amélioration par rapport aux exercices antérieurs.

 

L’Évolution de l’exÉcution des crÉdits de la mission IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION au cours des trois derniÈres annÉes

(en millions d’euros)

 

Crédits exécutés en 2017

Crédits exécutés en 2018

Crédits exécutés en 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 104 Intégration et accès à la nationalité française

188,4

188,6

303

303

353,5

352,9

Programme 303 Immigration et asile

1 419,1

1 272,2

1 221,1

1 251,9

1 594,6

1 427,1

Total mission

1 607,5

1 460,8

1 524,1

1 554,9

1 947,8

1 779,9

Écart du total de la mission par rapport à la LFI

+ 348,6

(+ 27,7 %)

+ 328,7

(+ 29 %)

+ 57,9

(+ 4 %)

+ 48,4

(+ 3 %)

+ 96,9

(+ 5,24 %)

+ 91,5

(+ 5,42 %)

En 2020, les crédits de la mission ont été exécutés dans un cadre budgétaire relativement stable. La structuration générale de la maquette budgétaire était inchangée et a reposé sur deux programmes décomposés en cinq actions pour le programme 104 et en quatre actions pour le programme 303 ([2]). Une mesure de périmètre d’un montant de 32,7 millions d’euros (en AE et en CP) a cependant affecté le programme 303 à la suite du transfert au programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de crédits dédiés au fonctionnement de la nouvelle direction du numérique du ministère de l’intérieur. D’autres menus ajustements ont concerné les indicateurs et sous-indicateurs de la mission ([3]).

Si l’organisation de la maquette est globalement satisfaisante, les rapporteurs spéciaux renouvellent leur souhait (exprimé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021) ([4]) de :

 supprimer l’action n° 1 Circulation des étrangers et politique des visas du programme 303 dont le montant est très limité (0,52 million d’euros) et ne justifie pas une action spécifique ;

 disposer au sein du programme 104 d’un indicateur rendant compte de l’activité des centres provisoires d’hébergement compte tenu des montants significatifs engagés en faveur de ces structures (plus de 80 millions d’euros).

L’analyse des crédits consommés en 2020 se fera par ordre d’importance.

I.   l’exécution du programme 303 s’est caractérisée par une sur-exécution renouvelée dont le contexte sanitaire et des mouvements de régulation budgétaire ont cependant permis de limiter la portée et de corriger certaines fragilités initiales

Doté de 1 496,5 millions d’euros en AE et de 1 380,9 millions d’euros en CP en loi de finances initiale, le programme 303 a connu en 2020 une sur-exécution budgétaire limitée : 1 501,2 millions d’euros ont été dépensés en AE (+ 4,7 millions d’euros, soit un dépassement de 0,3 %) et 1 398,1 millions d’euros en CP (+ 17,2 millions d’euros, soit un dépassement de 1,3 %).

Ces dépenses se sont ainsi réparties entre les différentes actions de ce programme :

exécution 2020 des crédits du programme 303 Immigration et asile

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

Exécution 2020

(hors fonds de concours)

Écart en valeur absolue
(et en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action n° 1 - Circulation des étrangers et la politique des visas

0,5

0,5

0,6 ([5])

0,6 (1)

+ 0,1

(+ 20 %)

+ 0,1

(+ 20 %)

Action n° 2 - Garantie de l’exercice du droit d’asile

1 377,2

1 251,8

1 394,9

1 292,1

+ 17,7

(+ 1,3 %)

+ 40,3

(+ 3,2 %)

Action n° 3 - Lutte contre l’immigration irrégulière

113,1

122,9

102,8

102,5

– 10,3

(– 9,1 %)

– 20,4

(– 16,6 %)

Action n° 4 – Soutien

5,7

5,7

2,9

2,9

– 2,8

(– 49,1%)

– 2,8

(– 49,1 %)

Total :

1 496,5

1 380,9

1 501,2

1 398,1

+ 4,7

(+ 0,3%)

+ 17,2

(+ 1,3 %)

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performances et la Cour des comptes.

A.   une sur-exécution renouvelée mais limitée

En 2020, le programme 303 a connu un nouvel exercice de sur-exécution budgétaire mais le déséquilibre constaté est très inférieur à celui observé antérieurement :

solde 2017-2020 du programme 303 par rapport aux crédits ouverts en lfi

(en millions d’euros)

 

2017

2018

2019

2020

AE

+ 434

+ 91,3

+ 152,3

+ 4,7

CP

+ 414

+ 81,8

+ 147,4

+ 17,2

Source : commission des finances.

Le déséquilibre observé en 2020 n’est pas réparti de manière homogène entre les différentes actions du programme 303 : une action (action n° 1 Circulation des étrangers et la politique des visas) a été exécutée de manière conforme aux prévisions (+ 0,1 million d’euros en AE et CP) ; deux actions ont connu une sous-exécution prononcée (actions n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière [– 10,3 millions d’euros en AE et – 20,4 millions d’euros en CP] et n° 4 Soutien [– 2,8 millions d’euros en AE et en CP]) et seule l’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile a enregistré une sur-exécution significative (+ 17,7 millions d’euros en AE et + 40,3 millions d’euros en CP) pesant sur les résultats du programme 303.

Cette action n° 2 est dédiée au financement de l’OFPRA, de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) et des structures d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (centres d’accueil de demandeurs d’asile et hébergements d’urgence) et concentre plus de 90 % des crédits du programme 303. Au sein de cette action, le déséquilibre concerne (dans des sens différents) plusieurs postes, mais s’explique essentiellement par le dépassement de la sous-action finançant l’accompagnement social des demandeurs d’asile et, plus encore, par le dépassement de l’action dédiée au financement de l’ADA (ce dernier poste étant surexécuté (en AE et en CP) à hauteur de 37,2 millions d’euros (+ 8,3 %).

Décomposition de l’exécution 2020 de l’action n° 2
Garantie de l’exercice du droit d’asile

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart en valeur absolue
(et en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Sous-action ADA

448

448

485,2

485,2

+ 37,2

(+ 8,3 %)

+ 37,2

(+ 8,3 %)

Sous-action CADA

317,2

317,2

309,3

309,3

– 7,9

(– 2,5 %)

– 7,9

(– 2,5 %)

Sous-action Hébergement d’urgence

519,8

394,4

504,1

401,7

– 15,7

(– 3 %)

+ 7,3

(+ 1,9 %)

Sous-action accompagnement social des demandeurs d’asile

0,50

0,50

14,4

14

+ 13,9

(+ 2,7 %)

+ 13,5

(+ 3,4 %)

OFPRA

91, 7

91,7

81,9

81,9

– 9,8

(– 10,7 %)

– 9,8

(– 10,7 %)

Total :

1 377,2

1 251,8

1 394,9

1 292,1

+ 17,7

(+ 1,3 %)

+ 40,3

(+ 3,2 %)

Source : Cour des comptes (données ministère de l’intérieur).

Si, en 2020, les dépenses servant au financement de l’ADA ont été supérieures aux crédits ouverts (+ 37,2 millions d’euros), ce dépassement est cependant très inférieur à celui observé antérieurement :

2016-2020, l’ADA, une réduction progressive du besoin de financement

Source : commission des finances (d’après les données de la Cour des comptes).

Après avoir été supérieur à 100 millions d’euros pendant quatre ans, le besoin de financement de l’ADA s’est fortement réduit (37,2 millions d’euros).

L’exécution budgétaire du programme 303 ne peut pas être séparée du contexte sanitaire.

B.   une sur-exécution dont la crise sanitaire a permis de limiter la portée et de corriger certaines fragilités initiales

La crise sanitaire a permis de limiter la sur-exécution du programme 303 qui, sans ce contexte particulier, aurait été plus significative. L’épidémie de Covid 19 a ainsi conduit à la sous-consommation de certains postes budgétaires :

– l’exécution de l’action n° 3 Lutte contre l’immigration irrégulière a pâti de la réduction des possibilités d’éloignements des étrangers en situation irrégulière en raison de la fermeture des frontières des principaux pays de retour (Algérie, Maroc et Tunisie notamment) et de la baisse du trafic aérien ;

– l’interruption de nombreuses formations professionnelles a pesé sur la consommation des crédits de l’action n° 4 Soutien ;

– la pandémie est à l’origine d’un fort recul du nombre de demandes d’asile ([6]), d’une moindre croissance de l’ADA et le décalage observé dans le recrutement des nouveaux effectifs de l’OFPRA ([7])ce qui a contribué à limiter le déséquilibre des dépenses de l’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile.

Cette modération des dépenses imputable à la crise sanitaire a permis d’atténuer certaines fragilités initiales ([8]). Dans sa note d’exécution budgétaire, la Cour des comptes considère ainsi qu’en dépit de moyens initiaux en hausse, la budgétisation initiale des dépenses liées à l’asile était « insuffisante » et que le financement du programme 303 s’approchait d’une « impasse ». Pour ce motif, elle préconise de « revoir la budgétisation et la programmation des crédits des deux programmes de la mission en LFI, sur la base d’une évaluation plus sincère des dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile ». Les rapporteurs spéciaux soutiennent cette recommandation ([9]).

Le déséquilibre limité constaté en 2020 a conduit à une régulation moins intense qu’en 2019. Les principales mesures de régulation budgétaire intervenues en 2020 sont les suivantes :

– le dégel de la mise en réserve initiale des programmes 104 et 303 (72,5 millions d’euros en AE et 67,9 millions d’euros en CP) ;

– des virements de crédits (ouverture de 9,12 millions d’euros en AE et de 8,59 millions d’euros en CP en faveur du programme 303 et annulation de 8,63 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 104) ont été organisés par un décret du 24 novembre 2020 ;

– la loi n° 2020‑1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020 a annulé 34,99 millions d’euros en AE et 41,88 millions d’euros en CP du programme 104 et a ouvert des montants similaires en faveur du programme 303.

En revanche, à l’inverse de ce qui s’était passé entre 2018 et 2019, les autres missions du ministère de l’intérieur n’ont pas été sollicitées pour répondre au besoin de financement du programme 303. Seul le programme 104 a participé à une solidarité budgétaire au sein de la mission.

II.   Le programme 104 a été fortement sous-Éxécuté En raison de la crise sanitaire

La loi de finances initiale avait doté le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française de 431,4 millions d’euros en AE et en CP, soit un montant en hausse de 23 millions d’euros par rapport à 2019. L’exercice 2020 devait marquer la première année de pleine exécution des mesures du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018, notamment la rénovation du contrat d’intégration républicaine marquée par le relèvement du nombre d’heures de formation linguistique.

La crise sanitaire a remis en cause le bon déploiement de ces mesures et a conduit à une importante sous-exécution budgétaire. En 2020, les dépenses du programme 104 se sont ainsi établies, hors fonds de concours, à 348,4 millions d’euros en AE et 347,9 millions d’euros en CP soit une sous-consommation de 82,9 millions d’euros en AE (– 19,2 %) et 83,5 millions d’euros en CP (– 19,3 %).

Ces dépenses se sont ainsi réparties entre les actions du programme 104 :

exécution 2020 des crédits du programme 104 Intégration
et accès à la nationalité française

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

Exécution 2020

Écart en valeur absolue
(et en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action n° 11 - Accueil des étrangers primo arrivants

255,5

255,5

180,2

180,2

– 75,3

(– 29,5 %)

– 75,3

(– 29,5 %)

Action n° 12 - Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière

53,3

53,3

46,5

46,2

– 6,7

(– 12,6 %)

– 7,1

(– 13,3 %)

Action n° 14 - Accès à la nationalité française

0,9

0,9

0,9

0,9

0

0

Action n° 15 - Accompagnement des réfugiés

113,6

113,6

112,9

112,6

– 0,7

(– 0,6%)

– 1

(– 0,9%)

Action n° 16 - Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,1

8,1

7,9

8

– 0,2

(– 2,5 %)

– 0,1

(– 1,2 %)

Total :

431,4

431,4

348,4

347,9

 82,9

(– 19,2 %)

 83,5

(– 19,3 %)

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance et la note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes.

Si, à l’exception de l’action n° 14 Accès à la nationalité française (supportant les moyens de fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère de l’intérieur), la totalité des actions du programme 104 ont été sous-exécutées, cette sous-consommation est d’ampleur variable selon les actions.

Les actions n° 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (qui finance la participation du ministère de l’intérieur à l’exécution d’un plan de transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales) et n° 15 Accompagnement des réfugiés (qui finance principalement les centres provisoires d’hébergement) ont connu une sous-exécution très limitée (inférieure ou égale à – 2,5 % des crédits ouverts).

En revanche, les actions n° 12 Accompagnement des étrangers en situation régulière (qui finance notamment l’approfondissement du premier apprentissage linguistique) et, plus encore, n° 11 Accueil des étrangers primo arrivants (qui finance l’Office français de l’immigration et de l’intégration) ont connu une sous-exécution très prononcée : près de – 15 % pour l’action n° 12 et environ – 30 % pour l’action n° 11. La mise en œuvre du CIR rénové a ainsi été perturbée par la crise sanitaire en dépit de la mise en œuvre rapide de formations à distance par l’OFII. Les dépenses soutenant les formations linguistiques et civiques ont été inférieures de près de 40 % aux prévisions (– 44,6 millions d’euros) en raison de l’interruption (ou de la réalisation décalée) des contrats déjà signés et de la réduction du nombre de nouveaux contrats. La pandémie a également réduit le nombre de retours aidés organisés par l’OFII.

Les économies ainsi réalisées ont été mobilisées pour répondre au besoin de financement du programme 303

III.   Les fonds de concours, une source réitérée de préoccupation

Lors de l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019, les rapporteurs avaient souligné deux points de vigilance : les suites de la réforme de la taxe employeur et la gestion des fonds de concours ([10]). Si l’absence d’information, alors regrettée, sur les pertes financières nées de la réforme mal maîtrisée de la taxe employeur a été levée ([11]), les difficultés observées en 2019 sur la gestion des fonds de concours se sont confirmées en 2020.

A.   les fonds de concours européens : un produit élevé comportant une importante part nationale consécutive à des difficultés antérieures de gestion

Les fonds de concours européens contribuent de manière importante au financement de la mission et financent, sur le programme 104, des dépenses d’intervention en faveur de l’accueil des étrangers primo-arrivants et d’accompagnement ou de réinstallation des réfugiés et, sur le programme 303, des dépenses au titre de l’asile, de la lutte contre l’immigration irrégulière et de la mise en place de systèmes d’information.

En 2020, selon la Cour des comptes, la mission Immigration, asile et intégration a exécuté 72,49 millions d’euros en AE et 68,24 millions d’euros en CP de fonds de concours. Ces montants sont très largement d’origine européenne (en provenance du Fonds européen asile, immigration et intégration [FAM ou FAMI] et du Fonds pour la sécurité intérieure [FSI]) mais comprennent également une contribution britannique (1,9 million d’euros en AE et 1,8 million d’euros en CP au titre notamment de la coopération franco-britannique dans le Calaisis et le Dunkerquois) et du Réseau européen des migrations (0,7 million d’euros en AE et 0,5 million d’euros en CP pour l’établissement d’études et de statistiques).

La particularité de l’exercice 2020 tient au fait qu’une part substantielle des fonds de concours exécutés (43,63 millions d’euros en AE et 38,90 millions d’euros en CP) l’a été sur la base de crédits budgétaires nationaux qui se sont substitués à des fonds européens, dont le versement avait été refusé par la Commission européenne à la suite de contrôles diligentés par la Commission interministérielle de coordination des contrôles. La nature de ces fonds de concours a été modifiée au risque d’apparaître comme étant des « vrai-faux fonds de concours ».

exécution 2020 des fonds de concours des programmes 104 et 303

(en millions d’euros)

 

AE

CP

Programme 303

Crédits budgétaires

22,95

18,03

FDC rattachés en gestion 2020

6,12

6,88

Total opérations FAM/FSI

29,07

24,91

Programme 104

Crédits budgétaires

20,68

20,4

FDC rattachés en gestion 2020

22,75

22,95

Total opérations FAM/FSI

43,43

43,33

Mission

Crédits budgétaires

46,63

38,90 ([12])

FDC rattachés en gestion 2020

28,86

29,83

Total opérations FAM/FSI

72,49

68,24

Source : Cour des comptes.

B.   une difficulté partiellement traitée en 2020

Lors de l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019, les rapporteurs spéciaux avaient souligné qu’à la suite d’un désaccord sur les modalités de contrôle des fonds, la Commission européenne avait interrompu ses versements de fonds de concours en juin 2019 et le ministère de l’intérieur avait choisi de solder ce litige en renonçant à 48,4 millions d’euros contestés.

Cette décision a permis la reprise des versements européens en 2020, mais les modalités et le calendrier de prise en charge de cette perte de recettes de 48,4 millions d’euros restaient à déterminer. En 2020, il a été décidé de financer cette dépense sur des crédits budgétaires et de profiter de la sous-exécution de la mission imputable à la crise sanitaire pour mobiliser des crédits nonemployés. Le solde des engagements 2019 demeurant à apurer devrait être traité en 2021, soit 1,77 million d’euros en AE et 9,5 millions d’euros en CP devrait intervenir en 2021.

Les rapporteurs spéciaux font de nouveau part de leur insatisfaction sur le déséquilibre initial mais comprennent la décision prise en 2020 de mobiliser des crédits budgétaires pour prendre en charge cette perte de recettes. Par ailleurs, ils soutiennent pleinement la recommandation de la Cour des comptes visant à intégrer « dans les prochains documents budgétaires […] de la mission une présentation détaillée des modalités de prise en charge des corrections des fonds européens FAMI et FSI, ainsi que des mesures adoptées pour prévenir la répétition de cette situation dans le cadre de la procédure d’apurement » ([13]). Si le rapport annuel de performance 2020 comporte des premiers éléments en ce sens, ces derniers devront être complétés dans les documents budgétaires appelés à être joints au projet de loi de finances pour 2022.

Les rapporteurs spéciaux soulignent que le traitement de ce dossier ne s’arrêtera pas avec l’apurement des engagements 2019 correspondant au traitement de la perte de recettes de 48,4 millions d’euros. En 2020, la Commission européenne a bloqué provisoirement de nouveaux versements de fonds de concours pour un montant estimé par la Cour des comptes entre 34 et 62 millions d’euros ([14]). La suspension de ces versements sera levée ou confirmée sur la base du résultat « d’audits d’opérations menés pour le compte de la CICC » ([15]) (Commission interministérielle de coordination des contrôles). Ce sujet est donc susceptible de connaître des prolongements.

Les rapporteurs spéciaux notent que, selon le rapport annuel de performances, le ministère de l’intérieur a pris plusieurs mesures « pour prévenir la répétition de cette situation […] notamment : la réorganisation interne et le renforcement des moyens humains du bureau de la gestion mutualisée des fonds européens, la mise à jour du descriptif de système de gestion et de contrôle, le renforcement du contrôle interne » ([16]). Les rapporteurs spéciaux seront vigilants sur ce sujet et souhaitent que les conclusions du récent rapport sur la simplification de la gestion des fonds européens (remis en septembre 2020 par quatre corps d’inspection) soient prises en compte pour améliorer la gestion des fonds de concours ([17]) et éviter le renouvellement de situations aussi problématiques et « impactantes » pour les finances de l’État.

*

En matière de gestion des fonds de concours comme en matière de gestion des autres crédits budgétaires, l’exercice budgétaire 2020 de la mission Immigration, asile intégration est exceptionnel à bien des égards et les évolutions observées, notamment en matière de respect de l’autorisation budgétaire initiale, doivent être confirmées dans la durée.

*


—  1  —

   SECONDE PARTIE : LES MOYENS CONSACRÉS
PAR LES PRÉFECTURES
À L’INSTRUCTION DES DEMANDES DE TITRES DE SÉJOUR

En 2019, selon l’Insee, la population étrangère vivant en France s’élevait à 4,9 millions de personnes, soit 7,4 % de la population totale ([18]).

Dans cet ensemble, et en application de l’article L. 411-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), les étrangers européens âgés de plus de dix-huit ans sont tenus de posséder un document autorisant leur présence sur le territoire s’ils entendent séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ([19]). En revanche, en application de l’article L. 231‑1 de ce même code, « les citoyens de l’Union européenne ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour. Toutefois, s’ils en font la demande, il leur en est délivré un ».

En 2020, 220 535 premiers titres de séjour ont été accordés (contre 277 406 en 2019) et, au 31 décembre 2020, le stock de titres valides s’établissait à 3,45 millions ([20]).

Les démarches administratives relatives aux titres de séjour s’effectuent auprès des préfectures (et, à Paris, auprès de la préfecture de police) ou, selon le nouvel article R431‑2 du CESEDA, « au moyen d’un téléservice » qui, pour l’heure, concerne uniquement les titres de séjour étudiants et les « passeports talents » ([21]).

 

La question des moyens consacrés par les préfectures à l’instruction des demandes de titre de séjour fait régulièrement débat, voire polémique. Déjà, en 2012-2013, deux rapports avaient dressé un bilan critique de ces moyens et des conditions d’accueil des étrangers dans ces administrations, ce qui avait conduit l’État à engager un plan d’action spécifique ([22]). Une instruction du 4 décembre 2012 du ministre de l’intérieur rappela également qu’« améliorer l’accueil des étrangers en préfecture est une priorité » ([23]).

Près d’une décennie plus tard, plusieurs institutions ont souligné la résurgence ou la permanence de ces difficultés. En mai 2020, la Cour des comptes a observé que « plusieurs signes montrent que de nombreuses préfectures, y compris parmi les plus importantes, ne parviennent plus à accueillir les personnes et à instruire les demandes liées à l’immigration dans des conditions satisfaisantes » et que « les conditions de délivrance des titres de séjour se dégradent » ([24]). En juillet 2020, la Défenseure des droits, a dénoncé les difficultés d’accès des étrangers aux préfectures nées de l’obligation, imposée dans certains départements, de prendre rendez-vous en ligne ([25]). En septembre 2020, une étude du Conseil d’État a souligné qu’une « part non négligeable du contentieux des étrangers a aujourd’hui pour seul objet de résoudre des questions purement matérielles, telles que l’accès à l’administration par l’obtention d’un rendez-vous » et que « les dysfonctionnements administratifs ont des conséquences démultipliées sur le contentieux » ([26]). De manière plus virulente, des associations dénoncent une « profonde maltraitance institutionnelle » ([27]) et engagent de multiples contentieux en matière d’accès des étrangers aux préfectures ([28]). Un grand nombre de parlementaires, de tous bords politiques, relaient ces préoccupations au moyen notamment de questions écrites ([29]).

Le Gouvernement a manifesté relativement tôt son attention sur ce sujet. La mesure n° 12 du comité interministériel sur l’immigration et l’intégration du 6 novembre 2019 entend ainsi « améliorer l’accueil des usagers en préfecture en réduisant le nombre de passages grâce à la dématérialisation » ([30]) et de nouveaux services numériques sont déployés à destination des étrangers ou de leurs employeurs ([31]).

Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux se sont attachés à faire un point sur les moyens consacrés par les préfectures à l’instruction des demandes de titres de séjour afin d’apprécier leur adéquation aux besoins et d’évaluer l’incidence de la crise sanitaire sur leur mise en œuvre.

Au terme de leurs travaux, ils considèrent que les services préfectoraux chargés de l’instruction des demandes de titres de séjour disposent de moyens importants et en cours d’adaptation (I) qui peinent, cependant, à faire face à des tensions croissantes (II), auxquelles la poursuite de la modernisation de ces moyens est susceptible de répondre, sous réserve de différentes adaptations (III).

 

 

 

*

 


I.   les services chargés de l’instruction des demandes de titres de séjour au sein des préfectures disposent de moyens importants et en cours d’adaptation

Les services chargés de l’instruction des demandes de titre de séjour font face à l’accroissement tendanciel de leur activité lié à la progression régulière du nombre de titres de séjour délivrés. Ils ont délivré plus de 950 000 documents de séjour en 2019 (premiers titres et renouvellements inclus).

2007-2020, évolution du nombre de premiers titres de séjour délivrés, du nombre de titres de séjour renouvelés et du stock de titres de séjour valides (en métropole) ([32])

 

2007

2012

2017

2019

2020 (provisoire)

Évolution 2007-2020

Premiers titres de séjours délivrés
(y compris documents provisoires)

171 907

193 120

247 436

277 406

220 535

+ 28,3 %

Nombre de titres de séjour renouvelés

 

 

734 563

685 247

(provisoire)

 

 

Stock de titres de séjour valides (métropole)

2 282 628

2 523 424

2 965 634

3 292 684

3 344 716

+ 46,5 %

Source : ministère de l’intérieur (L’essentiel de l’immigration, janvier 2021 et Les étrangers en France, année 2019, mars 2021).

La croissance soutenue du nombre de titres de séjour explique le renforcement des moyens humains des services préfectoraux en charge de cette activité ainsi que la modernisation de leurs moyens techniques, dans un contexte marqué par la rénovation du cadre juridique du droit des étrangers.

A.   Des moyens humains renforcés et revalorisés

Les moyens humains des services préfectoraux chargés des étrangers et du séjour ont été renforcés et ont fait l’objet de mesures catégorielles destinées à améliorer leur attractivité.

1.   Des moyens humains qui ont été renforcés

Fin février 2021, les services étrangers des préfectures comptaient 3 726 équivalents temps plein (ETP) dont 2 056,5 ETP étaient affectés aux services chargés du séjour :

répartition des effectifs des services étrangers
dans les préfectures en février 2021

 

ETP en %

Séjour

55

Éloignement

13

Naturalisation

12

Contentieux

9

Demandeurs d’asile hors GUDA

8

Demandeurs d’asile en GUDA

3

Source : ministère de l’intérieur.

En 2020, les dépenses de rémunération de l’ensemble des personnels des services étrangers ont représenté 189,6 millions d’euros.

D’un point de vue statutaire, fin février 2021, les effectifs des services étrangers comportent 85,5 % de fonctionnaires (3 187), 0,4 % de contractuels (16) et 14,1 % de vacataires (522). Dans les services chargés du séjour, ces équilibres sont proches puisque la proportion de fonctionnaires s’établit à 82,9 % (1 705), celle des contractuels à 0,4 % (8) et celle des vacataires à 16,7 % (342).

Selon le ministère de l’intérieur :

– les contractuels occupent soit des postes très spécifiques (handicap, apprentissage, parcours d’accès aux carrières de la fonction publique), soit des postes pérennes qui ne sont pas pourvus par des titulaires ;

– les vacataires sont recrutés pour faire face à des pics d’activité durant l’année pour renforcer les effectifs pérennes.

Ces éléments ont été confirmés lors des déplacements effectués par les rapporteurs spéciaux auprès des préfectures de Seine-Maritime et des Yvelines. Le bureau du séjour de la préfecture de Rouen comporte ainsi 22 agents, dont 4 vacataires (soit 18,2 % des effectifs), tandis que celui de Versailles compte 29 agents, dont 7 vacataires (24,1 %), auxquels s’ajoutent trois personnes en service civique.

Depuis 2016, les effectifs des services étrangers ont crû alors que sur la même période les effectifs des préfectures ont été réduits de 1 100 ETP. Si la Cour des comptes évalue la croissance de ces effectifs à 326 ETP de 2016 à 2019 ([33]), la DGEF mentionne un renfort de 375 ETP d’agents titulaires supplémentaires sur cette même période (aucun recrutement n’ayant été opéré en 2020).

2016 – 2020 Évolution des effectifs des services étrangers des préfectures hors plans vacataires

Commission des finances : d’après les données du ministère de l’intérieur.

Le ministère de l’intérieur n’a en revanche pas pu fournir l’évolution récente des effectifs des services chargés du séjour. Cependant, la Cour des comptes a observé que « la répartition de ces moyens supplémentaires montre que la majorité d’entre eux sont venus doter de nouvelles structures (50 ETP pour les pôles régionaux Dublin en 2018, 51 au titre de la réforme de la prise en charge des mineurs non accompagnés en 2019). Les renforts « standards », alloués notamment aux services en charge du séjour, ont été en réalité assez modestes (28 ETP estimés, auxquels s’ajoute une quote-part variable d’une préfecture à l’autre des mois de vacataires) » ([34]).

Le renforcement des effectifs permanents des préfectures s’est accompagné du recrutement ponctuel de vacataires. Plusieurs « plans vacataires » se sont succédé. En 2017, un plan « 1 000 mois vacataires » (soit 83,5 ETP sur un an) a été engagé auquel a succédé un plan « 1 200 mois vacataires » (soit 100 ETP sur un an) en 2018, deux plans en 2019 (plan « 1 358 mois vacataires » [soit 113 ETP sur un an] puis un plan « 1 656 mois vacataires » [soit 138 ETP sur un an]) et deux plans très significatifs en 2020 totalisant « 7 320 mois vacataires » (soit 610 ETPT).

2017 – 2020 - des « plans vacataires successifs »

« en mois vacataires » (12 « mois vacataires » = 1 ETP sur un an)

Commission des finances : d’après les données du ministère de l’intérieur.

2.   Des moyens humains revalorisés

Le renforcement des effectifs s’est accompagné d’une démarche de revalorisation des carrières des agents travaillant dans les services étrangers des préfectures.

Un arrêté du 4 novembre 2017 a tout d’abord revalorisé la « nouvelle bonification indiciaire » (NBI) versée aux agents affectés au sein des services étrangers en redistribuant les points rendus disponibles par le transfert aux CERT [centres d’expertise de ressources et des titres], des agents chargés de la délivrance des titres » ([35]).

Une instruction du secrétaire général du ministère de l’intérieur du 27 décembre 2018 ([36]) s’est ensuite attachée à renforcer l’attractivité de ces services au moyen de plusieurs mesures catégorielles.

Le régime indemnitaire des personnels travaillant dans ces services a été adapté pour favoriser le déroulement de carrière : la cartographie des points de NBI a été révisée, une progression en matière indemnitaire a été accordée en faveur des agents de guichet et un accès anticipé à la revalorisation de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise a été rendu possible dès la justification de trois ans d’activité au sein d’un service étranger (au lieu de quatre ans pour les agents des autres services).

Les modalités du temps de travail ont également été adaptées avec une planification trimestrielle (et si possible annuelle) des cycles de travail. Le développement du travail en brigade et un recours facilité aux heures supplémentaires en cas de pics d’activité ont également été mis en place. L’instruction du 27 décembre 2018 soutient également une approche qualitative des missions par la formation (mise en place de formations spécifiques et généralisation du tutorat pour les nouveaux agents).

Ces mesures visent à remédier au déficit d’attractivité de ces services qui s’explique notamment par la difficulté des missions et les tensions ponctuelles observées avec le public qui ont été rappelées aux rapporteurs spéciaux par la fédération syndicale du ministère de l’intérieur – Force ouvrière des personnels de préfecture et des services du ministère de l’intérieur et par la préfecture de Seine-Maritime.

Les tensions au guichet des services étrangers des préfectures, l’exemple de la préfecture de Seine-Maritime

En réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux la préfecture de Seine-Maritime a donné plusieurs exemples de tensions observées au guichet du service étrangers.

En février 2020, un usager a menacé de mort, à plusieurs reprises, le chef du bureau du droit au séjour, lequel était intervenu à la suite de menaces de violences à l’encontre d’un agent de guichet. Cette situation a donné lieu à un dépôt de plainte, puis à un passage de l’usager concerné devant le tribunal correctionnel, lequel l’a condamné à une amende et des travaux d’intérêt général.

En janvier 2021, un usager a menacé de mort une agente de guichet, laquelle a par la suite porté plainte. Au regard du comportement repentant de l’usager et de l’absence de faits antérieurs, cette situation n’a pas donné lieu à des poursuites pénales, mais s’est soldée par un rappel à la loi.

En mars 2021, un usager a craché à plusieurs reprises sur le guichet d’une agente, celle-ci lui ayant demandé de positionner correctement son masque. Un courrier d’avertissement a été envoyé à l’usager et une remarque a été portée à son dossier. L’agente n’a pas souhaité porter plainte […] mais la réitération d’un comportement similaire, au regard de la mention portée au dossier de l’usager, donnera automatiquement lieu au dépôt d’une plainte.

Les étrangers qui adoptent un comportement inapproprié aux guichets (insultes envers les agents, gestes déplacés ou menaces etc.) font par ailleurs systématiquement l’objet de l’envoi d’un courrier de « rappel à l’ordre » signé par le corps préfectoral leur rappelant les dispositions de l’article 433‑5 du code pénal (outrage puni de 7 500 euros d’amende). Les agents ont par ailleurs toute latitude pour déposer plainte, s’ils le souhaitent.

Source : réponse de la préfecture de Seine-Maritime au questionnaire des rapporteurs spéciaux.


3.   Des moyens humains réorganisés

L’organisation des services déconcentrés relève de chaque préfet. L’organisation du service des étrangers de la Seine-Maritime diffère ainsi de celle des Yvelines et toutes les préfectures ne font, par exemple, pas le choix de recourir aux modules électroniques de prise de rendez-vous.

L’administration centrale du ministère de l’intérieur en matière de titres de séjour (la direction générale des étrangers en France (DGEF) apporte son concours aux préfectures. Un guide sur le fonctionnement des services séjour et des préconisations d’organisation ont été diffusés fin 2019. Une mission d’appui se déplace également ponctuellement dans les préfectures confrontées à des difficultés locales ou désireuses de bénéficier d’un conseil. En 2019, des missions ont été organisées dans les préfectures de Mayotte, d’Indre‑et‑Loire, de la Vienne, de l’Essonne, de la Loire, de Meurthe-et-Moselle et dans les sous-préfectures de Boulogne‑Billancourt et d’Antony. Ces missions ont repris en 2021, après une interruption en 2020 imputable au contexte sanitaire. Une mission d’appui a été réalisée auprès de la préfecture du Rhône et d’autres sont prévues à ce stade dans l’Hérault, le Puy‑de‑Dôme et la Charente-Maritime. Enfin, le nouveau directeur général, M. Claude d’Harcourt, projette la mise en place d’une mission permanente d’appui et de conseil pour renforcer l’animation du réseau des préfectures et coordonner et animer la fonction d’appui et de conseil.

Par ailleurs, une expérimentation sera prochainement conduite avec la préfecture du Maine et Loire sur la base d’une proposition formulée par le Conseil d’État en 2020. Cette recommandation pose le principe « selon lequel l’administration procède à un examen exhaustif du droit au séjour du demandeur, qui a l’obligation de présenter l’ensemble des éléments susceptibles de lui permettre de bénéficier d’un titre de séjour » ([37]). L’expérimentation à venir vise à évaluer l’impact de cette proposition. Les rapporteurs considèrent que cette expérimentation peut être intéressante et mériterait d’être conduite dans quelques autres préfectures afin de pouvoir en tirer des enseignements plus significatifs. Par ailleurs, une telle expérimentation nécessite d’adapter les moyens humains des préfectures concernées, les tensions et l’activité de ces services étant déjà soutenues.

B.   des moyens techniques en cours de modernisation

La modernisation des moyens techniques mis à disposition des services chargés du séjour passe par la mise en œuvre de solutions électroniques de prise de rendez‑vous, par le développement d’outils numériques transitoires et par le déploiement progressif de la plate‑forme ANEF (administration numérique des étrangers en France).

Cette politique de développement des outils numériques vise en premier lieu à simplifier le parcours des étrangers en leur permettant d’accéder à distance au service public, quels que soient le jour et l’horaire, et en réduisant le nombre de passages au guichet nécessaires à l’instruction d’une demande. Ce nombre s’établit aujourd’hui en moyenne à 3,7 passages pour la délivrance d’un titre et le ministère de l’intérieur ambitionne, à terme, de le ramener à deux passages pour un premier titre (prise d’empreintes et remise du titre) et à un passage pour un renouvellement (remise du titre).

En second lieu, cette modernisation doit également améliorer les conditions de travail des agents des services chargés du séjour en organisant la réception du public sur rendez-vous en fonction des capacités d’accueil (ce qui supprime les longues files d’attente devant les préfectures et réduit certaines tensions), en facilitant l’instruction des dossiers, en réduisant la remise du nombre (élevé) de documents provisoires ([38]) et en renforçant la lutte contre la fraude documentaire.

1.   La prise de rendez-vous par internet

Comme l’a rappelé la Défenseure des droits dans un avis récent, des modules électroniques imposent aux usagers de prendre rendez-vous en ligne en sélectionnant un créneau parmi les plages proposées sans que cela nécessite la création d’un compte et n’autorise l’inscription sur une liste d’attente ([39]). Une fois le rendez-vous pris, le dossier est instruit de manière classique.

Cette procédure, qui ne constitue pas stricto sensu une démarche de dématérialisation (aucune pièce n’est transmise électroniquement) est de plus en plus fréquemment utilisée par les préfectures, sans possibilité alternative de rendez-vous physique. Si le ministère de l’intérieur ne recense pas l’utilisation de ces plateformes électroniques de rendez-vous par ses services, il a indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’une « majorité de préfectures propose une plateforme de prise de rendez-vous » dont le périmètre « peut varier d’une préfecture à l’autre en fonction des organisations locales ». L’utilisation de ces modules est souvent imposée sans qu’un arrêté spécifique ne soit pris par l’autorité préfectorale, ce que Mme Stella Dupont regrette.

Lors de son audition, la Cimade a confirmé l’hétérogénéité de ces pratiques, mais a présenté des éléments permettant de les mesurer. Selon cette association, le premier module électronique de prise de rendez-vous est apparu en 2012 à Créteil avant de se répandre progressivement sur le territoire. En mars 2016, plus de 65 préfectures et sous-préfectures proposaient ou imposaient une prise de rendez-vous par internet aux usagers étrangers et, en janvier 2021, 84 préfectures et sous-préfectures recouraient à cet outil. La crise sanitaire a contribué à accélérer ce mouvement. La préfecture des Yvelines a ainsi indiqué recourir à la prise de rendez-vous en ligne depuis la fin du premier confinement pour les titres en renouvellement.

Les titres de séjour concernés par ces demandes de rendez-vous en ligne varient également selon les préfectures (première demande, renouvellement, carte de séjour, carte de résident, etc.). Il semble cependant que les demandes d’admission exceptionnelle au séjour (AES) ([40]) soient exclues du périmètre de ces plateformes électroniques. Ainsi, selon la préfecture de la Seine-Maritime, le ministère de l’intérieur a « rappelé par instruction du 17/02/2021, que la prise de rendez-vous en ligne n’est pas adaptée aux demandes d’admission exceptionnelle au séjour (AES) qui méritent une première analyse avant de proposer un rendez-vous permettant l’enregistrement de la demande ». Cependant, antérieurement, la Défenseure des droits avait observé que « seules les personnes étrangères sollicitant un titre de séjour sur certains fondements (exemple : raisons médicales, attaches privées et familiales, admission exceptionnelle au séjour au titre de l’activité professionnelle, etc.) sont contraintes de prendre un rendez-vous en ligne avant de pouvoir déposer une première demande de titre de séjour » ([41]). Une grande diversité de pratiques semble coexister, donnant un sentiment d’incohérence dans l’utilisation de ces plateformes.

2.   Les outils numériques transitoires

Deux outils numériques transitoires ont été déployés en 2020 en direction, d’une part, des ressortissants britanniques et, d’autre part, de l’ensemble des étrangers titulaires d’un titre de séjour. Ces applications s’apparentent à une dématérialisation effective puisqu’elles supposent la transmission électronique des pièces composant le dossier et permettent des échanges numériques avec l’administration.

a.   L’application destinée aux ressortissants britanniques

Dans le prolongement du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, les ressortissants britanniques majeurs et les ressortissants étrangers âgés de plus de dix-huit ans membres de leur famille qui résidaient en France avant le 1er janvier 2021 (ou s’y étaient installés avant cette date) et entendent continuer à y séjourner, devront posséder un titre de séjour à compter du 1er octobre 2021. Dans ce cadre, les intéressés sont tenus de présenter une demande de titre de séjour avant le 1er juillet 2021 en formulant obligatoirement leur demande au moyen d’un téléservice dédié ouvert le 19 octobre 2020 ([42]). Les personnes les plus éloignées du numérique ou les plus vulnérables peuvent bénéficier de l’appui d’une des quatre associations mandatées à cet effet par l’ambassade du Royaume-Uni en France.

Après avoir validé sa demande en ligne, le demandeur reçoit une confirmation par courriel avec un numéro d’accusé d’enregistrement. Une fois le dossier instruit, les services de l’État fixent un rendez-vous en préfecture pour finaliser la demande (réception de la photographie et prise d’empreintes). Une fois édité, le titre de séjour est envoyé à domicile par voie postale. Cette dématérialisation doit, en principe, limiter le nombre de passages en préfecture à une seule visite.

Comme le rappelle l’instruction n° INTV2029235C du ministre de l’intérieur du 20 novembre 2020, « les citoyens britanniques qui arriveront en France à compter du 1er janvier 2021, soit après la fin de la période transitoire, et qui ne sont pas bénéficiaires de l’accord, seront, en revanche, assujettis aux règles de droit commun d’entrée et de séjour pour s’installer sur le territoire » ([43]). La plateforme ouverte en octobre 2020 ne sera donc que transitoire.

Au Royaume-Uni, le séjour des ressortissants européens ne reposera pas sur la délivrance physique d’un titre spécifique mais sur l’octroi d’un statut dont la demande se fait également d’une manière largement dématérialisée.

Le settled status britannique

Les autorités britanniques ont mis en place un statut de résident permanent (le « settled status ») pour les ressortissants européens et les membres de leur famille résidant au Royaume‑Uni. Ce statut permet à ses bénéficiaires de continuer, après la sortie du Royaume‑Uni de l’Union européenne, à travailler, étudier et accéder aux prestations sociales et services du pays dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Peuvent bénéficier de ce statut, les ressortissants européens installés au Royaume‑Uni à la date du 31 décembre 2020.

Les Européens qui résident de manière continue (c’est-à-dire sans absence du territoire de plus de six mois consécutifs par année) depuis au moins 5 ans peuvent demander gratuitement le « settled status ». Celui-ci leur confère un droit de résidence illimité au Royaume-Uni (« indefinite leave to remain »), sauf à séjourner hors du Royaume-Uni pour une durée de plus de 5 ans.

Le dispositif est accessible depuis le 30 mars 2019 et les requérants ont jusqu’au 30 juin 2021 pour effectuer leur démarche. La démarche, gratuite, est totalement dématérialisée et s’effectue via un portail en ligne accessible depuis un téléphone. La demande peut cependant également être introduite par courrier. Les autorités britanniques mettent à disposition une assistance par téléphone. Le statut est purement « numérique » : aucune carte ou document matériel ne sera délivré. Le requérant pourra consulter son statut en ligne et en permettre la consultation par un tiers (employeur, propriétaire, banque…) afin de justifier de son statut de résident sur le territoire. Près de 200 000 ressortissants français ont effectué leur demande de statut de résident permanent au RoyaumeUni.

Ce settled status ne s’applique en revanche pas aux étrangers qui ne résidaient pas au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2020. Les intéressés seront soumis à la nouvelle loi sur l’immigration britannique.

Source : consulat général de France à Londres ([44]).

b.   L’application « Démarches simplifiées »

La plateforme www.demarches-simplifiees.fr est « une application entièrement en ligne qui permet à tous les organismes assurant des missions de service public de créer des démarches en quelques minutes et de gérer les demandes des usagers sur une plateforme dédiée » ([45]). Ouvert en mars 2018, ce service est un support en ligne prêt à l’emploi développé, hébergé et maintenu par la direction interministérielle du numérique et mis à disposition de l’ensemble des organismes publics dont le ministère de l’intérieur. Depuis 2018, 3 115 démarches différentes (dont 1 430 étaient actives en décembre 2020) ont été publiées par 490 organismes différents ([46]).

 

Depuis juin 2020, le ministère de l’intérieur invite les préfectures à utiliser ce support pour recevoir les demandes de renouvellement de récépissé de titre de séjour, de duplicata de ces documents, de document de circulation pour étranger mineur et de changement d’adresse ([47]).

Cet outil n’est cependant pas connecté au système d’information du ministère de l’intérieur (l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, AGDREF) ce qui contraint les personnels des services étrangers à ressaisir les informations recueillies depuis l’application Démarches simplifiées. L’usage de cette plateforme a vocation à être temporaire puisque les démarches correspondantes ont vocation à être intégrées à la solution ANEF (administration numérique des étrangers en France) qui constitue la clé de voûte de la politique de modernisation numérique des moyens des services étrangers des préfectures.

3.    Le déploiement progressif de la plate-forme ANEF (administration numérique des étrangers en France)

« Le programme ANEF, dans son ensemble, consiste à dématérialiser, pour les usagers comme pour les agents, tout ou partie des procédures » de dépôt, d’instruction et de gestion des demandes de titres de séjour ([48]). Cet outil, appelé à prendre la suite de l’application AGDREF (qui date de 1993 et est la plus ancienne application du ministère de l’intérieur encore en fonction) doit concerner, d’ici la fin 2022, la dématérialisation de l’ensemble des demandes de titre de séjour et d’accès à la nationalité française.

Pour l’heure, le programme ANEF est déployé par paliers successifs.

Quatre modules ont été pour l’heure mis en production. En 2015, le système « ANEF Asile » a été déployé (et définitivement livré fin 2020) en faveur des services préfectoraux traitant des demandes d’asile. Depuis février 2019, les demandes de visas de long séjour valant titre de séjour doivent être validées électroniquement par les pétitionnaires ([49]). Depuis novembre 2020, les demandes de titres de séjour « étudiants », en première demande comme en renouvellement, doivent être effectuées de manière dématérialisée ([50]). Depuis avril 2021, « ANEF unipro » reçoit les demandes d’autorisation de travail pour le recrutement de salariés étrangers ([51]) et a pris la suite de l’application Work in France qui n’était pas gérée par le ministère de l’intérieur. Depuis mai – juin 2021, les cartes de séjour « passeport talents » relèvent également de l’ANEF ([52]).

Les prochaines étapes du déploiement d’ANEF intéresseront à l’été 2021 le système d’information des plateformes de naturalisation et, à l’automne 2021, les titres de séjour des bénéficiaires de la protection internationale et les documents de voyage pour mineurs. Fin 2021, 80 % des demandes de titres de séjour devraient être prises en charge par le programme ANEF.

Le téléservice déployé est associé à un « centre de contact de citoyen » géré par l’agence nationale des titres sécurisés et permettant, sous la forme d’un numéro de téléphone gratuit, d’interroger des téléconseillers.

Le coût de l’ensemble du projet est estimé aux environs de 50 millions d’euros sur la période 2014-2020 et bénéficie d’un cofinancement européen du Fonds asile, migration, intégration à hauteur de 65 %. Un montant complémentaire de 20 millions d’euros doit être engagé sur la période 2021-2023.

La Cour des comptes a souligné le « retard » des chantiers numériques du ministère de l’intérieur. « La modernisation numérique n’a que peu concerné les procédures d’immigration. Les programmes France Visa et Administration numérique des étrangers en France […], lancés en 2013, ont déjà vu leur coût prévisionnel multiplié par 2,4 pour atteindre 96,9 millions d’euros et leur calendrier allongé de cinq à sept ans » ([53]).

Les rapporteurs spéciaux observent surtout que la dématérialisation en cours affronte certains obstacles. Comme toute dématérialisation, celle‑ci doit tenir compte des difficultés d’une partie de la population à effectuer des démarches numériques. Selon une récente mission d’information du Sénat, 13 millions de Français ne maîtriseraient pas les outils dématérialisés ([54]). Par ailleurs, dans le cas présent, ces difficultés sont renforcées par l’imparfaite maîtrise du français par une partie des étrangers devant engager les démarches administratives nécessaires à l’obtention ou au renouvellement de leur titre de séjour.

C.   Un cadre juridique rénové

Le cadre juridique dans lequel les services chargés du séjour évoluent a été rénové dans le but de simplifier le droit applicable et d’encadrer la dématérialisation croissante des procédures.

1.   La simplification du droit au séjour

Plusieurs mesures ont été prises pour simplifier le droit au séjour et la gestion des titres de séjour.

La loi n° 2016‑274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et la loi n° 2018‑778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ont conduit à des réformes importantes visant à simplifier les procédures de délivrance de certains titres de séjour en facilitant l’attribution de titres pluriannuels (cartes de séjour pluriannuelles et « passeport-talents » valables au maximum quatre ans) ou en instituant une carte de résident de dix ans pour les réfugiés.

S’agissant des « passeports talents », une information n° INTV1936324J du 17 décembre 2019 relative aux mesures en faveur de l’attractivité de la France a par ailleurs prévu des mesures de traitement spécifiques. Ce document appelle à développer la mise en place (dans les préfectures) d’un « dispositif spécifique d’accueil […], soit à travers des guichets dédiés, soit à travers une boîte fonctionnelle permettant, en lien avec les entreprises concernées, de programmer des rendez-vous individualisés ». Par ailleurs, cette information pose le principe que « dans tous les cas, l’accès aux guichets ne doit jamais nécessiter plus de deux semaines d’attente ».

D’autres mesures ponctuelles ont prolongé cet effort de simplification. Un arrêté du 5 mai 2020 relatif à l’attestation de demande d’asile a ainsi fortement allongé la durée initiale de validité de ce document en la portant d’un à dix mois pour une demande d’asile en procédure normale et d’un à six mois pour une demande d’asile en procédure accélérée (hors dublinés).

Dans le cadre de la crise sanitaire, deux textes ont par ailleurs prolongé la durée de validité des documents de séjour (cf. infra). Plus récemment, l’ordonnance n° 2020‑1733 du 16 décembre 2020 et le décret n° 2020‑1734 du 16 décembre 2020 ont recodifié à droit constant le CESEDA à compter du 1er mai 2021 afin d’en améliorer la lisibilité et d’en faciliter l’application.

Les rapporteurs spéciaux soutiennent pleinement cette politique tant le droit des étrangers est touffu et complexe. Ils observent cependant que cette rénovation est inaboutie et s’accompagne de quelques omissions.

L’inaboutissement de cette politique de simplification des titres de séjour est illustré par l’abandon du projet de création par ordonnance d’un titre de séjour unique destiné à se substituer aux cartes de séjour portant la mention « salarié » et « travailleur temporaire ». Prévue par le 2° de l’article 52 de la loi n° 2018‑778 du 10 septembre 2018, cette disposition est restée sans effet et ne devrait pas être mise en œuvre en raison de l’expiration du délai d’habilitation à agir par ordonnance ([55]).

 

La recodification du CESEDA s’est également accompagnée de certaines omissions et le texte issu de l’ordonnance et du décret précités a déjà fait l’objet de plusieurs compléments témoignant de l’instabilité récurrente du droit des étrangers ([56]).

La recodifcation du CESEDA a omis de prendre en compte
deux dispositions législatives récentes

Deux dispositions législatives récentes n’ont pas été prises en compte par l’ordonnance n° 2020‑1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Le III de l’article 12 de la loi n° 2020‑1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur a modifié les conditions d’accueil des chercheurs étrangers en complétant l’ancien article L. 313‑7 du CESEDA (devenu, depuis le 1er mai 2021, les articles L. 421‑2 à L. 421-7).

Introduit par un amendement déposé par M. Jean‑Noël Barrot, l’article 232 de loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a complété l’ancien article L. 713‑6 du CESEDA (devenu, depuis le 1er mai 2021, l’article L. 513‑7) dans le but de renforcer les liens entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration et l’autorité judiciaire.

Aucune de ces deux dispositions n’a été reprise par l’ordonnance précitée ([57]) ce qui est particulièrement fâcheux puisque cela a conduit à supprimer de facto deux dispositions législatives d’application directe qui n’auront été effectives que du 1er janvier au 30 avril 2021. M. Jean‑Noël Barrot entend cependant déposer un amendement au prochain projet de loi de finances rectificative appelé à être discuté à l’été 2021 pour proposer de réintroduire dans le CESEDA la disposition renforçant les liens entre l’OFII et l’autorité judiciaire.


2.   L’encadrement de la dématérialisation croissante des procédures

La dématérialisation croissante des procédures relatives aux titres de séjour a été encadrée par plusieurs dispositions récentes.

L’article 16 de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne a tout d’abord supprimé toute référence aux récépissés dans la partie législative du CESEDA et a introduit à la place la notion de « document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour » (article L. 431-3).

Le décret n° 2021-313 du 24 mars 2021 relatif à la mise en place d’un téléservice pour le dépôt des demandes de titres de séjour a précisé les conditions dans lesquelles l’usage d’un téléservice de type ANEF peut s’accompagner de la délivrance d’un document provisoire. L’article R431‑15‑1 du CESEDA prévoit désormais que « le dépôt d’une demande présentée au moyen du téléservice […] donne lieu à la délivrance immédiate d’une attestation dématérialisée de dépôt en ligne. Ce document ne justifie pas de la régularité du séjour de son titulaire. » Cependant, une attestation de prolongation de l’instruction permettant de justifier de la régularité du séjour peut ensuite être remise « lorsque l’instruction d’une demande complète et déposée dans le respect des délais […] se poursuit au-delà de la date de validité du document de séjour détenu ».

Par ailleurs, le décret précité du 24 mars 2021 actualise le décret n° 2015‑1423 du 5 novembre 2015 relatif aux exceptions à l’application du droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique afin de pouvoir imposer le recours obligatoire à une téléprocédure pour les titres de séjour fixés par arrêté du ministre chargé de l’immigration. Les seuls arrêtés pris à ce jour concernent les titres étudiants et les passeports talents.

Enfin, ce texte modifie l’article R431‑2 du CESEDA pour préciser que « les personnes qui ne sont pas en mesure d’effectuer ellesmêmes le dépôt en ligne de leur demande bénéficient d’un accueil et d’un accompagnement leur permettant d’accomplir cette formalité. Le ministre chargé de l’immigration fixe les modalités de cet accueil et de cet accompagnement ».

Les rapporteurs spéciaux observent en premier lieu que ces différentes dispositions clarifient un cadre juridique contesté. Dans une décision du 27 novembre 2019, le Conseil d’État avait effectivement rappelé que les dispositions du code des relations entre le public et l’administration (modifiées par le décret du 24 mars 2021) ne permettaient alors pas d’imposer « une obligation de saisine électronique » de l’administration en matière de titre de séjour ([58]).

Sur ce fondement, une récente décision du tribunal administratif de Rouen a annulé un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 6 mars 2020 prévoyant l’obligation de déposer certaines premières demandes de titres de séjour par voie dématérialisée ([59]) et un contentieux similaire a été engagé à l’encontre d’un arrêté du préfet de la Vienne rendant obligatoire l’obtention d’un rendez-vous par internet pour certaines premières demandes. D’autres contentieux ont été engagés à Montpellier, Rennes, Lyon et Paris à l’initiative de la Cimade, de la Ligue des droits de l’homme, du Secours catholique et du syndicat des avocats de France sous la forme de recours pour excès de pouvoir dirigés contre le refus implicite opposé par des préfectures à des demandes de mise en place de procédures de prise de rendez-vous autres qu’électroniques.

Le décret précité du 24 mars 2021 donne également une assise juridique à la dématérialisation obligatoire des demandes de titres de séjour étudiants qui a été imposée en novembre 2020 sans support réglementaire.

Les rapporteurs spéciaux observent par ailleurs que les modalités de délivrance d’un document provisoire sont plus restrictives en matière de dépôt d’une demande dématérialisée qu’en matière de dépôt d’une demande non dématérialisée. Ainsi, si l’article R431‑12 prévoit que dans le cadre d’une demande de titre formulée sans recours à un téléservice, « l’étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu’il précise », l’article R431‑15‑1 ne prévoit pas la remise immédiate d’un document provisoire au moment du dépôt d’une demande présentée au moyen d’un téléservice de type ANEF. Le ministère de l’intérieur justifie cette différence par le fait que les usagers utilisant le téléservice « ont un accès facilité à leur démarche qui ne dépend plus de délais de prise de rendez-vous. Ils peuvent faire leur demande suffisamment tôt avant l’expiration de leur titre, ce qui ne justifie plus la délivrance d’un document intermédiaire ». Les rapporteurs spéciaux observent par ailleurs que la remise physique d’un dossier papier s’accompagne également régulièrement d’une vérification de la complétude du dossier, ce que ne permet pas une téléprocédure.

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de cette différence et seront vigilants sur les conditions dans lesquelles les attestations de prolongation de l’instruction seront délivrées « lorsque l’instruction d’une demande complète et déposée dans le respect des délais […] se poursuit au-delà de la date de validité du document de séjour détenu ». Lors de son audition, l’association des étudiants sénégalais de France a ainsi indiqué que certains de ses membres ayant présenté une demande de titre de séjour par voie dématérialisée avaient tardé à recevoir des attestations de ce type.

II.   les préfectures font face à des tensions croissantes apparues avant la crise sanitaire et aggravées par celle-ci

Les services chargés de l’instruction des demandes de titres de séjour font face à des tensions croissantes apparues avant la crise sanitaire et aggravées par celle-ci.

A.   Des TENSIONS APPARUES AVANT LA CRISE SANITAIRE

Avant l’épidémie de Covid 19, des tensions affectaient l’accès aux préfectures et ont favorisé l’apparition d’un phénomène de revente des rendez-vous et d’un contentieux spécifique.

1.   Des tensions en matière d’accès à certaines préfectures soulignées par différents acteurs et imputées au développement de la prise électronique des rendez-vous

Les tensions en matière d’accès à certaines préfectures sont difficiles à objectiver mais bien réelles. Différents acteurs lient leur croissance au développement de la prise électronique des rendez-vous.

a.   Des tensions peu perceptibles dans les indicateurs officiels

Aucun indicateur public ne rend compte du délai de traitement complet des demandes de titres de séjour, c’est-à-dire du délai incluant l’attente entre le premier contact (ou la première tentative de contact) avec une préfecture et la décision, favorable ou défavorable, prise par l’autorité administrative à l’issue de la période d’instruction. Les indicateurs associés à la mission budgétaire Administration générale et territoriale de l’État et ceux relevant de la mission Immigration, asile et intégration ne traitent pas de ce sujet.

Le ministère de l’intérieur dispose essentiellement d’indicateurs internes portant sur le délai de traitement d’une première demande, sur le délai de traitement d’une demande de renouvellement de titre et sur le stock de titres à instruire. Ces indicateurs débutent à partir du dépôt effectif de la demande et ne prennent pas en compte le temps nécessaire au dépôt du dossier, ce que les rapporteurs proposeront de modifier.

Avant la crise sanitaire, ces indicateurs étaient en amélioration. Ainsi, le délai moyen de traitement des premières demandes d’admission au séjour était de 98 jours en 2019 contre 115 jours en 2018, 118 jours en 2017 et 103 jours en 2016. Le délai moyen de traitement des demandes de renouvellement de titres était en revanche stable entre 2018 et 2019 (58 jours).

Ces indicateurs ne permettent pas d’objectiver les tensions apparues dans certaines préfectures.

b.   Des tensions sur l’accès à certaines préfectures soulignées par différents acteurs associatifs et institutionnels et imputées au développement de la prise électronique des rendez-vous

Les difficultés d’accès à certaines préfectures ne sont pas nouvelles. La circulaire précitée du 4 décembre 2012 mentionnait des « files d’attente nocturnes, au moins deux heures avant l’ouverture dans 21 sites » et regrettait « la présence d’au moins 100 personnes à l’extérieur des locaux à l’heure de l’ouverture » dans ces mêmes sites ([60]).

Plusieurs acteurs ont souligné l’intensification de ces difficultés dans les années précédant la crise sanitaire en soulignant qu’elles étaient inégalement réparties selon les territoires et les titres de séjour.

En 2016, La Cimade a publié un premier rapport thématique sur ce sujet dans lequel elle rendait compte des sondages électroniques effectués par un robot mis en production en novembre 2015 « qui se rend toutes les heures sur les divers sites de prise de rendez-vous et note, le cas échéant, les deux premières dates de rendez-vous disponibles » et réalise « des captures d’écran, permettant d’attester de la validité de l’information » ([61]). Dans ce rapport, La Cimade considérait que le rendez-vous devenait « un graal difficile à atteindre » ([62]) et que des files d’attente virtuelles se substituaient aux files d’attente physiques.

En janvier 2019, M. Jacques Toubon, alors Défenseur des droits indiqua avoir été saisi par « plusieurs réclamants […] car ils n’arrivaient pas à obtenir un rendez-vous pour déposer leur première demande de titre de séjour ou leur demande de renouvellement » ([63]). Lors de son audition, Mme Claire Hédon, Défenseure des droits (depuis le 22 juillet 2020), a fait remonter ces premières saisines à 2018 pour des cas portant d’abord sur la Seine-Saint-Denis, puis dans d’autres départements (Calvados, Hérault, Guadeloupe, Hauts‑de‑Seine, Loire, Haute‑Garonne, etc.).

L’accroissement de ces difficultés est imputé au développement des plateformes de prises de rendez-vous sur le territoire. Un collectif d’associations a récemment considéré que « la dématérialisation imposée pour accéder au guichet des préfectures est devenue la difficulté centrale d’accès aux droits de nombre de personnes étrangères, presque partout en France » ([64]).

M. Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, a également mis en cause « la défaillance des procédures dématérialisées imposées par certaines préfectures » ([65]) et relevé que « la dématérialisation de l’accès aux préfectures [est une] source de discrimination et d’atteintes aux droits » ([66]). « À la veille de l’entrée en vigueur des mesures de confinement, il était par exemple devenu quasiment impossible d’obtenir un rendez-vous pour déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour dans des départements de région parisienne » ([67]).

Des parlementaires de tous bords politiques se sont fait l’écho de ces préoccupations et, le 21 janvier 2020, en réponse à une question orale sans débat posée par Mme Stéphanie Atger (députée de l’Essonne), M. Laurent Nunez, alors secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, a reconnu que « la très forte demande peut encore engendrer des conditions d’accueil insatisfaisantes » ([68]).

Avant même le début de la crise sanitaire, des difficultés d’accès aux préfectures étaient dénoncées et témoignaient de difficultés techniques (le fonctionnement des modules électroniques de prise de rendez-vous) et, plus encore de l’insuffisance des plages de rendez-vous disponibles dans certaines préfectures. Ces difficultés sont très préjudiciables aux étrangers puisqu’elles sont susceptibles de les maintenir dans des situations précaires, de créer des situations de rupture de droits (dans des parcours de formation ou pour le versement d’allocations sociales) ou de les placer dans une situation irrégulière.

2.   Des tensions objectivées par l’apparition d’un phénomène de revente de rendez-vous et d’un nouveau contentieux portant sur l’accès aux préfectures

Deux éléments témoignent également de ces difficultés d’accès à certaines préfectures : l’apparition d’un phénomène de revente de rendez-vous et le développement d’un nouveau contentieux portant sur l’accès à ces administrations.

a.   L’apparition d’un phénomène de revente de rendez-vous

En juin 2019, Mme Stella Dupont, rapporteure de la mission d’information de la commission des finances sur la taxation des titres de séjour avait souligné le « développement d’une délinquance liée à la revente des créneaux de rendez-vous » en préfecture ([69]).

Les différents acteurs auditionnés ont confirmé l’existence de ces trafics évoquant des tarifs allant de 20 à 600 euros par rendez-vous selon les territoires. Des malfaiteurs captent des rendez-vous et les revendent illégalement.

En complément, lors de leur audition, le groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et le syndicat des avocats de France (SAF) ont également mentionné l’existence de sociétés proposant des prestations légales d’accompagnement d’aide à la prise de rendez-vous dans les préfectures. Le site www.alerte-rdv-prefecture.fr propose ainsi, moyennant finances, de « notifier à ses utilisateurs par SMS instantanément de la disponibilité des places de rendez-vous en préfecture et les rediriger automatiquement vers la plate-forme adéquate pour la prise du RDV ». Le site https://rdv-prefecture.com « permet de prendre un rendez-vous dans votre préfecture et pour le service concerné. Nous veillons donc pour vous à la libération de rendez-vous auprès des guichets » pour un prix annoncé de 34,99 euros. L’activité de ces sociétés constitue une prestation de services a priori légale qui ne s’apparente pas à la revente illicite et non déclarée de créneaux de rendez-vous, mais qui s’apparente à un dévoiement et à une marchandisation des failles du service public.

Des préfectures ont mis en garde les étrangers contre ces différentes pratiques. La préfecture de l’Hérault indique ainsi sur son site internet que « les rendez-vous proposés par la préfecture pour demander un titre de séjour sont gratuits. En payant vous alimentez un trafic qui génère une pénurie dans l’offre de rendez-vous » ([70]). Le site de la préfecture de la Mayenne comporte l’avertissement suivant : « ne payez pas un rendez-vous qui est gratuit ! En payant vous alimentez un trafic qui génère une pénurie dans l’offre de rendez-vous ! ! » ([71]). La localisation de ces deux préfectures témoigne de la diffusion de ces pratiques bien au-delà du territoire francilien. Le développement de ces pratiques a conduit le ministère de l’intérieur à prendre différentes mesures techniques au premier semestre 2019 ([72]).

Il apparaît clairement que l’émergence de ce phénomène réside dans l’insuffisance de créneaux de rendez-vous mis à disposition par rapport aux besoins des demandeurs.

b.   L’apparition d’un nouveau contentieux portant sur l’accès aux préfectures

Une récente étude du Conseil d’État sur le contentieux des étrangers rappelle que « numériquement, le contentieux des étrangers est, de loin, le principal type de contentieux dont les juridictions administratives de première instance et d’appel sont saisies » et que « le nombre de requêtes devant les tribunaux et les cours croît sensiblement plus vite en cette matière que dans les autres » ([73]). De 2009 à 2019, « le volume de ce contentieux, tribunaux et cours confondus, a […] doublé […] quand l’ensemble du contentieux administratif augmentait de 33 % » ([74]).

Usuellement, ce contentieux porte sur les actes et les décisions prises par les préfectures en termes de droit au séjour ou d’éloignement. Depuis 2017, un nouveau contentieux est apparu et porte sur l’accès au guichet. Devant les difficultés croissantes pour obtenir un rendez-vous en préfecture, des étrangers engagent des procédures juridictionnelles pour contraindre l’administration à leur accorder un rendez-vous leur permettant de déposer une demande de titre de séjour. Comme le SAF, le Gisti, l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers et le Conseil national des barreaux l’ont souligné lors de leur audition, ces procédures témoignent d’un glissement du contentieux des étrangers : on ne conteste plus des décisions de rejet mais une difficulté, voire une impossibilité, d’accès au service public, ce qui n’est pas satisfaisant.

Ce nouveau contentieux repose très largement sur le référé conservatoire (dit « référé mesures utiles ») prévu à l’article L. 521‑3 du code de justice administrative et qui permet de demander au juge d’ordonner à l’administration toutes mesures utiles en cas d’urgence et donc, de fixer un délai à un service étranger (x semaines) pour recevoir le requérant. Le « référé liberté » prévu à l’article L. 521‑2 de ce même code est plus rarement utilisé même s’il permet au juge des référés de statuer sous 48 heures pour ordonner « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ».

Interrogé par les rapporteurs spéciaux, le ministère de l’intérieur a indiqué ne pas disposer « d’une connaissance complète de ces contentieux en termes de volume, de nature et de résultat, dans la mesure où ils sont défendus par les préfectures ». Les rapporteurs spéciaux ont donc interrogé le Conseil d’État qui a indiqué que ce type de contentieux n’est pas identifiable directement dans ses systèmes d’information. Cependant, à la demande des rapporteurs spéciaux, le Conseil d’État a interrogé six des quarante-deux tribunaux administratifs afin d’apporter les premiers éléments statistiques suivants illustrant le développement de ce contentieux avant la crise sanitaire ([75]).

2018 – 2019 - Évolution des contentieux enregistrés dans six tribunaux administratifs concernant l’impossibilité de prendre des rendez-vous
en préfecture

Tribunal administratif

2018

2019

Cergy-Pontoise

(ressort territorial : Val d’Oise et Hauts de Seine)

2

42

Nice

(ressort territorial : Alpes-Maritimes)

19

48

Melun

(ressort territorial : Seine-et-Marne et Val-de-Marne)

18

40

Lyon

(ressort territorial : Ain, Ardèche, Loire et Rhône)

30

57

Montreuil

(ressort territorial : Seine-Saint-Denis)

70

280

Versailles

(ressort territorial : Essonne et Yvelines)

0

11

Total :

139

478

(+ 244 %)

Source : Conseil d’État.

Ces statistiques témoignent de l’apparition et du développement de ce contentieux et permettent d’objectiver l’existence de tensions portant sur l’accès à certaines préfectures étant entendu que seule une fraction des étrangers en attente de rendez-vous s’engagent dans une procédure juridictionnelle.

B.   Des difficultés aggravées par la crise sanitaire

La crise sanitaire a conduit à la fermeture de la plupart des services étrangers durant le premier confinement (du 17 mars au 11 mai 2020) et à des conditions de fonctionnement dégradées en dehors de cette période. Lors de son audition, M. Claude d’Harcourt, directeur général des étrangers en France, a estimé qu’en 2020 « les services étrangers ont fonctionné à 40 % de leur activité normale ».

 

Ces fortes contraintes ont pesé sur les conditions d’instruction des demandes de titres de séjour même si deux textes ont, fort heureusement, prolongé temporairement la durée de validité des documents de séjour. L’article 1er de l’ordonnance n° 2020‑328 du 25 mars 2020 a ainsi prolongé de 90 jours la durée de validité de certains documents arrivant à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020 ([76]) puis l’article 15 de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 a prolongé de 90 à 180 jours la durée de validité de certains documents de séjour arrivant à expiration entre le 16 mai et le 15 juin 2020 ([77]). Ces mesures ont permis de gérer utilement l’urgence mais n’ont pas pu empêcher la dégradation des conditions d’accès à certaines préfectures.

1.   Des difficultés d’accès à certaines préfectures aggravées et désormais contestées massivement devant les tribunaux administratifs

a.   L’aggravation des difficultés d’accès à certaines préfectures

Les indicateurs du ministère de l’intérieur et les prises de position d’acteurs associatifs ou institutionnels rendent compte d’une dégradation des conditions d’accès à certaines préfectures imputée à l’insuffisance du nombre de créneaux d’entretien proposés et au recours accru aux prises électroniques de rendez-vous.

En dépit de leur imperfection, les indicateurs du ministère de l’intérieur témoignent de la dégradation de l’activité des services étrangers. Ainsi, selon la DGEF, le délai moyen de traitement des premières demandes d’admission au séjour est passé de 98 jours en 2019 à 123 jours sur les trois premiers trimestres de 2020 et le délai moyen de traitement pour le renouvellement des titres est passé de 58 jours en 2019 à 71 jours sur les trois premiers trimestres de 2020.

Au niveau local, la préfecture de Seine-Maritime a indiqué qu’à la sortie du premier confinement, elle disposait de plus de 2 000 titres de séjour à remettre correspondant à plus de 1 100 documents édités avant le 17 mars 2020 (mais n’ayant pas pu être remis) et à près de 1 000 autres documents fabriqués durant cette période. Durant le premier confinement, plus de 1 600 rendez-vous ont également été annulés. La préfecture de Versailles a pour sa part accumulé un stock de près de 6 000 titres à délivrer au sortir du premier confinement (3 000 étant en stock au début du premier confinement et 3 000 autres ayant été fabriqués pendant cette période).

 

Les prises de position des acteurs associatifs ou institutionnels corroborent ces données. Lors de son audition, Caritas a rendu compte d’une enquête effectuée auprès de son réseau. Sur les 29 départements ayant répondu à cette étude, 26 considèrent que les difficultés rencontrées par les personnes étrangères pour accéder aux services des préfectures sont plus importantes qu’avant la crise sanitaire. La Défenseure des droits fait le constat d’une « situation post confinement encore plus dégradée » ([78]) et observe que les « difficultés, déjà endémiques dans certains départements, ont encore été considérablement aggravées par la fermeture des guichets préfectoraux décidée à compter du mois de mars 2020 en réaction à la crise sanitaire et leur réouverture très progressive » à compter du mois de juillet 2020 ([79]).

Cette dégradation liée au contexte sanitaire s’explique par l’insuffisance du nombre d’entretiens proposés par les préfectures à l’issue du premier confinement et par le recours accru aux prises électroniques de rendez-vous.

La crise sanitaire a conduit certaines préfectures à « sauter le pas » et à recourir aux modules électroniques de prise de rendez-vous. Caritas a ainsi indiqué qu’« avant la fermeture de la préfecture de police de Paris en mars 2020, l’accès à ses services se faisait exclusivement via des centres de réception qui accueillent physiquement les personnes étrangères qui souhaitent déposer leur première demande de titre de séjour. À sa réouverture en juin 2020, plus aucun centre de réception n’accueille sans rendez-vous, lequel doit être pris exclusivement sur internet ». La préfecture des Yvelines a également indiqué aux rapporteurs spéciaux avoir décidé d’opter pour une plate-forme électronique de rendez-vous à l’issue du premier confinement ([80]). La préfecture du Rhône a fait de même.

Les difficultés imputées à ces pratiques (insuffisance des créneaux disponibles et absence de voie alternative) se sont accrues. Lors de son audition, le Réseau éducation sans frontières (Resf) a indiqué que dans l’Hérault, son antenne a relevé pendant 180 jours consécutifs (du 15 septembre 2020, date à laquelle les services étrangers ont rouvert, au 15 mars 2021) les créneaux de rendez-vous disponibles et ceux-ci étaient particulièrement réduits ([81]). La Défenseure des droits enquête pour sa part « auprès d’une douzaine de préfectures sur la saturation des plateformes de rendez-vous en ligne qu’elles ont mis en place, saturation qui présente un caractère systémique et empêche l’accès effectif aux guichets » ([82]). Cette situation serait telle que, selon le syndicat des avocats de France, le phénomène de revente des rendez-vous se serait atténué (les revendeurs peinant à capter les créneaux ouverts).

Si l’ensemble des étrangers sont affectés par la dégradation de l’activité des préfectures, celle-ci affecterait au premier chef les étrangers en situation irrégulière désireux de déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour. En septembre 2020, le Conseil d’État a ainsi observé que « les systèmes d’information d’un grand nombre de préfectures sont saturés et ne parviennent pas à traiter toutes les demandes de rendez-vous, en particulier celles qui émanent d’étrangers sollicitant une admission exceptionnelle au séjour » ([83]). Quelques semaines plus tard, un collectif inter-associatifs a souligné qu’« en dématérialisant progressivement les prises de rendez-vous, sans prévoir aucune autre possibilité d’accès aux guichets, les préfectures ont quasiment fermé les portes de l’admission exceptionnelle au séjour » ([84]).

Les préfectures de Seine-Maritime et des Yvelines ont confirmé cette analyse en indiquant qu’à la sortie du premier confinement, le ministère de l’intérieur avait demandé d’assurer en priorité la remise des titres en stock, puis d’instruire les demandes de renouvellement et enfin de traiter les demandes de premier titre dont celles relatives à l’admission exceptionnelle au séjour. La préfecture des Yvelines a indiqué que ses délais actuels de rendez-vous étaient inférieurs à quinze jours pour les passeports talents, proches d’un mois et demi pour les titres de séjour de plein droit, de deux mois pour les demandes d’admission exceptionnelle au séjour portant sur la « vie privée et familiale », de quatre mois pour les demandes d’admission exceptionnelle au séjour intéressant des salariés et de plus de douze mois pour les demandes d’admission exceptionnelle au séjour reposant sur une présence d’au moins dix ans sur le territoire. Cette préfecture espère un retour à la normale à la fin 2021.

b.   Des difficultés d’accès à certaines préfectures désormais contestées massivement devant les tribunaux administratifs

La dégradation de l’activité des services étrangers a eu pour effet de démultiplier le nombre des contentieux relatifs aux conditions d’accès aux préfectures ce qui perturbe le fonctionnement de certains tribunaux administratifs.

La démultiplication de ces contentieux apparaît nettement dans les statistiques communiquées par le Conseil d’État (présentant l’activité de six des quarante-deux tribunaux administratifs) : entre 2019 et 2020 le nombre de contentieux relatifs à l’accès aux préfectures a plus que doublé et le nombre de requêtes enregistrées au cours des quatre premiers mois de l’année 2021 est quasiment égal à celui enregistré tout au long de l’année 2020.

À ce rythme, et après avoir plus que doublé entre 2019 et 2020, ce contentieux devrait tripler entre 2020 et 2021 à la faveur notamment de dépôts collectifs de requêtes. Progressivement, le contentieux relatif à l’accès aux préfectures se transforme en un contentieux de masse.

2019 – 2021 - Évolution des contentieux enregistrés dans six tribunaux administratifs concernant l’impossibilité de prendre des rendez‑vous en préfecture pour les étrangers

Tribunal administratif

2019

2020

2021

(du 1er janvier au 26 avril)

Cergy-Pontoise

(ressort territorial : Val d’Oise et Hauts de Seine)

42

129

87

Nice

(ressort territorial : Alpes-Maritimes)

48

217

232

Melun

(ressort territorial : Seine-et‑Marne et Val‑de‑Marne)

40

151

187

Lyon

(ressort territorial : Ain, Ardèche, Loire et Rhône)

57

113

85

Montreuil

(ressort territorial : Seine-Saint-Denis)

280

460

380

Versailles

(ressort territorial : Essonne et Yvelines)

11

118

173

Total :

478

1 188

1 144

Source : Conseil d’État.

La progression du nombre de requêtes coïncide avec l’accroissement de leur taux de succès. Si le Conseil d’État n’a pas transmis d’éléments sur ce sujet, Mme Jenny Grand d’Esnon, présidente du tribunal administratif de Versailles, a indiqué lors de son audition que, dans sa juridiction, le taux de succès de ces requêtes était passé d’environ 30 % au premier semestre 2020, à environ 60 % au second semestre 2020 et atteignait 72 % sur les quatre premiers mois de 2021. Cette évolution s’expliquerait par une amélioration de la qualité des mémoires consécutive à la clarification de la jurisprudence du Conseil d’État intervenue en juin 2020 ([85]). Cette tendance est susceptible de s’affermir après une nouvelle décision rendue par le Conseil d’État le 21 avril 2021 ([86]).

Le développement marqué de ce contentieux engorge la juridiction administrative (sans pour autant désengorger les préfectures) au risque d’affecter le bon fonctionnement de certains tribunaux. Lors de son audition, Mme Jenny Grand d’Esnon a souligné les importants déséquilibres induits par ce contentieux de masse.

Cette évolution est préoccupante. Dans une étude récente, le Conseil d’État a relevé que « dans ce contexte de tension sur les moyens de l’administration, le contentieux des étrangers amène, de façon croissante, le juge à être saisi de litiges qui ne le conduisent pas à statuer sur la légalité d’une décision relative au séjour, mais à devoir apporter une réponse à des dysfonctionnements de l’administration ». « Ce contentieux artificiel donne lieu à des injonctions récurrentes du juge, qui se trouve ainsi chargé de gérer la pénurie de rendez-vous et les files d’attente » ([87]).

Lors de son audition, Mme Jenny Grand d’Esnon a regretté que le tribunal administratif de Versailles « se trouve à gérer l’agenda des services préfectoraux » et devienne le « Doctolib des préfectures ».

Lors des auditions, plusieurs avocats ont également déploré que le « tribunal administratif devienne une chambre d’enregistrement des demandes de titres de séjour » (Maître Magali Leroy), qu’« on en arrive au stade où le premier rapport à l’administration est d’aller au contentieux » (Maître Elena de Gueroult, syndicat des avocats de France), qu’il soit « nécessaire de faire un détour par le tribunal pour accéder à la préfecture » (Maître Flor Tercero, ADDE) ou que le « tribunal administratif de Montreuil soit en train de devenir la succursale de la préfecture de Seine-Saint-Denis » (Maître Vanina Rochiccioli, Gisti).

Les rapporteurs spéciaux partagent cette préoccupation et notent également que le développement de ce contentieux aboutit à des situations paradoxales. Ainsi, le bureau des étrangers de la préfecture de la Seine-Maritime a indiqué que des plages de rendez-vous sont désormais réservées à l’avance sur le planning en vue de recevoir les étrangers concernés par les prochaines injonctions attendues du tribunal administratif. Par ailleurs, le coût de ces contentieux est élevé (cf. infra).

2.   L’intensification de la lutte contre la revente de rendez-vous, les moyens complémentaires accordés et, surtout, la poursuite du déploiement du programme ANEF devraient, selon le ministère de l’intérieur, permettre de répondre à ces difficultés

Le ministère de l’intérieur reconnaît l’existence de certaines difficultés dans les grandes métropoles mais considère que l’intensification de la lutte contre la revente de rendez-vous, les moyens complémentaires accordés et la poursuite du déploiement du programme ANEF devraient permettre de répondre à ces difficultés.

Des mesures ont effectivement été prises.

La lutte contre la revente de rendez-vous et contre les difficultés de fonctionnement des plates-formes électroniques s’est intensifiée. Dans une réponse apportée le 23 février 2021 à la question écrite n° 18754 de M. Dominique Da Silva, il est indiqué que « le ministère a réalisé d’importants investissements afin d’augmenter la capacité du module et d’en renforcer la sécurité ». En 2020, 330 000 euros ont été investis pour renforcer les infrastructures techniques, effectuer la maintenance et assurer l’assistance logicielle. En outre, « les préfectures des Hauts-de-Seine, de la SeineSaintDenis et du ValdeMarne ont […] déposé plainte » contre des reventes de rendez-vous et « les préfectures mènent un travail continu d’amélioration des conditions d’accueil du public sur leurs sites : extension des horaires, gestion différenciée des demandes par un pré-accueil et des guichets dédiés, renforcement de la capacité de réponse aux saisines des usagers, médiation numérique pour la prise de rendez-vous dématérialisée ».

En 2020, deux vagues de renfort en personnel sont intervenues dans les services étrangers des préfectures correspondant au recrutement de 610 ETP, soit 7 320 « mois vacataires ». Cet effort est plus de deux fois supérieur à celui réalisé en 2019 (3 014 « mois vacataires »).

Le déploiement du programme ANEF est également appelé à se poursuivre (cf. supra) et devrait d’ici la fin 2021 couvrir 80 % des demandes de titres de séjour. Lors de son audition, M. Claude d’Harcourt, directeur général des étrangers en France, a considéré que « nous sommes dans un entre-deux ». Des difficultés existent mais « ANEF n’a pas encore produit tous ses effets ». Selon Franceline Forterrre‑Chapard, directrice du programme ANEF, « une fois qu’on aura mis en place la dématérialisation, on n’aura plus ce problème d’accès aux préfectures » ([88]).

Pour ces motifs, le ministère de l’intérieur n’envisage pas de mesure complémentaire et ne préconise pas, par exemple, une nouvelle prolongation de la durée de validité de certains titres de séjour.

III.   une modernisation au milieu du gué dont la poursuite suppose diffÉrentes adaptations

Les rapporteurs spéciaux considèrent que la modernisation des moyens des services étrangers des préfectures est au milieu du gué. Si les mesures prises ont produit d’incontestables effets positifs, des mesures complémentaires sont nécessaires pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire, renforcer les effectifs, traiter le stock des demandes en retard, accompagner la dématérialisation croissante des procédures et simplifier plus encore le droit des étrangers. Ces éléments permettraient de répondre au déficit structurel de rendez-vous.

A. UNE MODERNISATION AU MILIEU DU GUÉ

1.   Des avancées réelles

Les avancées les plus notables enregistrées concernent le développement des titres de séjour pluriannuels, l’accueil des « passeports talents », l’apport des renforts en personnel mobilisés en 2020, ainsi que le déploiement encourageant des applications temporaires et des premiers volets du programme ANEF.

a.   Le développement des titres de séjour pluriannuels et l’accueil satisfaisant des « passeports talents »

Le développement des titres de séjour pluriannuels et l’accueil satisfaisant des « passeports talents » constituent deux avancées tangibles pour les étrangers.

Comme l’atteste le dernier rapport relatif aux étrangers en France remis par le ministère de l’intérieur au Parlement, « la mise en place de la carte de séjour pluriannuelle en 2016, entrée en année pleine en 2017, continue de modifier sensiblement la répartition des titres [de séjour] en limitant principalement le nombre de cartes de séjour temporaires. Celui-ci poursuit ainsi son déclin en 2019 (– 3,4 %, après – 14 % en 2018 et – 48 % en 2017), tandis que les CSP [cartes de séjour pluriannuelles] valides augmentent de 16,3 %) » ([89]). En 2019, près de huit documents (79,3 %) autorisant le séjour sur dix étaient d’une durée supérieure à un an.

Stock de documents provisoires et titres valides au 31 décembre 2019

 

Documents provisoires

Titres de séjour

Ensemble

Récépissés de carte de séjour

Autres documents provisoires

Total

1 an ou moins

Entre 1 an et 5 ans

10 ans ou plus

Total

 

Total

177 147

126 246

303 393

378 309

527 930

2 083 052

2 989 291

3 292 684

Source : ministère de l’intérieur.

Selon les données publiées par le ministère de l’intérieur en janvier 2021, le nombre de cartes de séjour pluriannuelles en stock a continué sa croissance en 2020 en dépit du contexte sanitaire puisqu’au 31 décembre 2020 581 170 documents de ce type étaient en circulation ([90]).

Dans cet ensemble, les « passeports talents » ont trouvé leur place et les conditions de traitement de ces documents donnent satisfaction. La préfecture des Yvelines a indiqué que, conformément à l’information n° INTV1936324J du 17 décembre 2019 relative aux mesures en faveur de l’attractivité de la France, le délai de deux semaines imposé pour accéder aux guichets a été respecté (hors période du premier confinement) pour les 1 775 passeports‑talents délivrés en 2020 par cette administration. Lors de leurs auditions, aucune association n’a mentionné de difficulté pour ce public et la Défenseure des droits a considéré que ce dispositif était « efficace ».

b.   L’apport des renforts en personnel mobilisés en 2020

Les renforts en personnel mobilisés en 2020 et l’implication des services en place ont permis d’améliorer la situation générale, sans cependant permettre un retour à la normale.

La préfecture de Seine-Maritime a par exemple mis en place plusieurs opérations « coup de poing » visant à accroître sensiblement le nombre de rendez‑vous proposés pour remettre les titres de séjour déjà fabriqués. À compter de septembre 2020, le nombre hebdomadaire de rendez-vous proposés est passé de 192 à plus de 400, puis à 600 pendant les mois de mars et d’avril 2021. Cet effort a permis de réduire les délais de traitement des premières demandes de titres de séjour (passé de 234 jours en août 2020 à 115 jours en décembre 2020) et de renouvellement de ces documents (passé de 107 jours en mai 2020 à 59 jours en décembre 2020). À Versailles, ces renforts et l’implication des services ont permis l’organisation de plusieurs samedis d’ouverture exceptionnelle au public.

Le bilan de la politique de renforcement de l’attractivité des services étrangers ([91]) est en revanche plus mesuré. La préfecture de Versailles a indiqué que le complément indemnitaire versé à un agent de catégorie C représentait à peine 50 euros par an et que cette somme ne suffisait pas pour améliorer l’attractivité des services étrangers. La fédération syndicale du ministère de l’intérieur – Force ouvrière partage cette opinion (même si elle a avancé une estimation financière proche mais légèrement différente) ([92]).

c.   Le déploiement encourageant des applications temporaires et des premiers volets du programme ANEF

Le déploiement des applications numériques temporaires et des premiers volets du programme ANEF est encourageant.

L’utilisation de l’application « Démarches simplifiées » et de la plate-forme numérique développée en faveur des ressortissants britanniques est importante et témoigne de la bonne appropriation de ces instruments par la majorité de leurs destinataires.

De l’été 2020 au mois de mars 2021, plus de 420 000 demandes de renouvellement de récépissé de titre de séjour, de duplicata de ces documents, de document de circulation pour étranger mineur et de changement d’adresse ont été déposées sur l’application Démarches simplifiées et 85 % d’entre elles ont été traitées. Le taux de satisfaction des usagers est, selon les données de l’observatoire du numérique communiquées par la DGEF, de 9 sur 10 et près de 750 000 passages en préfecture auraient été évités.

Le bilan de l’utilisation de la plate-forme numérique développée en faveur des ressortissants britanniques est également favorable. Du 19 octobre 2020 au mois d’avril 2021, plus de 115 000 demandes de titres de séjour ont été déposées sur ce support et le taux de satisfaction des usagers s’établit à 94 %. Les trois associations représentatives résidant en France sollicitées par les rapporteurs spéciaux (Remain in France together, British Community Committee of France et France Rights - British in Europe) ont dressé un bilan favorable de cet outil. Selon Remain in France together, « une fois connecté au site, les explications sont plutôt claires ». Selon France Rights - British in Europe, « la plateforme a été bien pensée et fonctionne bien » et selon British Community Committee of France, « l’impression générale est que le site fonctionne très bien ». Les associations et les avocats auditionnés n’ont pas mentionné de difficulté particulière et la Défenseure des droits n’a enregistré que deux réclamations de ressortissants britanniques.

Les trois associations représentatives rencontrées ont cependant regretté l’absence de campagne d’information à destination des ressortissants britanniques, des durées parfois longues pour le traitement administratif des dossiers déposés ([93]), les difficultés à échanger avec les préfectures (en raison de l’absence de correspondant nommément identifié), l’absence de communication publique sur le nombre de titres sollicités et, plus encore, l’absence de procédure alternative de dépôt des demandes de titres de séjour pour les personnes malades, âgées ou vulnérables peu à l’aise avec les procédures numériques (cf. infra).

Le déploiement des premiers volets du programme ANEF est également encourageant. Le module de validation en ligne des visas de long séjour valant titre de séjour (ouvert en février 2019) a traité près de 230 000 demandes en deux ans dans un délai moyen de 56 jours et a évité en moyenne deux rendez-vous auprès de l’OFII par dossier. La plate-forme destinée aux étudiants a enregistré le dépôt de plus de 68 000 demandes en sept mois de fonctionnement, soit plus de la moitié des demandes de titre de séjour « étudiant » enregistrées en 2020 (environ 110 000). Le taux de satisfaction mesuré auprès des usagers s’établit à 80 %. Lors de son audition, M. Khadim Dieye, président de l’association des étudiants sénégalais en France, a fait part de sa satisfaction sur cette plateforme qui permet de déposer un dossier électroniquement sans avoir à manquer des cours (ou à poser une journée de congé pour les étudiants en alternance) pour se rendre en préfecture. Seule une vingtaine d’étudiants sénégalais ont rencontré des difficultés particulières qui, pour la plupart d’entre elles, ont été résolues après une intervention de cette association et de l’ambassade du Sénégal.

Le retour des préfectures sur l’ANEF est très favorable. À Versailles, le bureau des étrangers a souligné que le module « ANEF étudiants » permettait de réduire de moitié le temps de traitement d’un dossier et que le développement attendu du programme ANEF permettrait de « libérer des guichets et d’augmenter l’offre de rendez-vous ». Ces avantages ont également été soulignés par le bureau du séjour de la préfecture de Seine-Maritime qui considère que « cet outil entraîne un changement dans le positionnement de l’agent de guichet qui n’est plus en situation d’instructeur lors de l’entretien mais en situation de délivrance du titre de séjour, l’instruction ayant déjà été faite en amont. Par conséquent, quasiment aucune situation conflictuelle n’intervient aux guichets sur les dossiers traités dans le cadre de l’ANEF, avec une baisse conséquente des risques pour les agents de guichet ».

2.   Des avancées insuffisantes qui ne masquent pas la permanence d’importantes difficultés d’accès à certaines préfectures

Les avancées observées sont réelles mais imparfaites et ne masquent pas la permanence d’importantes difficultés d’accès à certaines préfectures.

a.   Des avancées imparfaites

Des fragilités existent en matière de ressources humaines et de systèmes d’information.

i.   Les fragilités en matière de ressources humaines

L’effort de recrutement effectué appelle certaines réserves sur son ampleur et sur sa décomposition.

Depuis 2016, les effectifs des services étrangers ont crû de 375 ETP alors que sur la même période les effectifs globaux des préfectures ont été réduits de 1 100 ETP (cf. supra). Cependant, les rapporteurs notent que si la croissance globale des personnels des services étrangers est significative depuis 2016 (+ 11,2 %), elle demeure très inférieure à la progression des titres de séjour délivrés sur la même période (+ 20,4 %) ([94]). Par ailleurs, la Cour des comptes a relevé que le renforcement des services étrangers avait peu bénéficié « aux services en charge du séjour » (cf. supra) mais avait surtout concerné d’autres activités, notamment l’éloignement.

Les services des préfectures chargés du séjour n’ont par exemple pas bénéficié d’un effort de recrutement comparable à celui décidé en faveur de l’OFPRA alors que les étrangers dont la demande d’asile est rejetée sollicitent très souvent un titre de séjour sur un autre fondement.

Cette difficulté paraît être reconnue par certaines préfectures. Ainsi, dans un avis du 28 avril 2021, la Défenseure des droits indique que « la raison la plus fréquemment invoquée [par des préfets interrogés] pour expliquer le nombre insuffisant de créneaux de rendez-vous est celle du nombre insuffisant d’agents à même d’accueillir les usagers et d’instruire les demandes » ([95]).

Par ailleurs, l’effort de recrutement réalisé en faveur des services chargés du séjour repose essentiellement sur l’appui de personnels bénéficiant de contrats d’une durée maximale de douze mois. Dans les services chargés du séjour, si la proportion des fonctionnaires s’établit à 82,9 % (1 705 ETP), celle des contractuels s’élève à 0,4 % (8 ETP) et celle des vacataires à 16,7 % (342 ETP) (cf. supra). Selon ces statistiques, il y a 40 fois plus de vacataires que de contractuels dans les services étrangers.

Dans son rapport précité, la Cour des comptes considère que « le recours aux vacataires et aux agents en contrat à durée déterminée de moins d’un an reste très fréquent, notamment pour les activités de guichet. Outre que pour ces agents, les vérifications auprès de leur hiérarchie sont nombreuses, ce qui ne constitue pas un gage d’efficience, leur renouvellement fréquent constitue un facteur de fragilité qui ne peut être ignoré » ([96]). Le choix de contrats d’une durée maximale de 12 mois s’explique par le fait que les préfectures sont tenues de respecter leur plafond d’emploi annuel. Ce faisant, elles s’interdisent de recruter des personnels contractuels sur des contrats de longue durée (par exemple trois ans) ce qui permettrait pourtant de limiter le turn-over des vacataires, de réduire le temps passé à l’organisation de nombreux entretiens de recrutement, d’investir dans la formation de ces personnels et, au final, d’améliorer la qualité du service.

Le déséquilibre observé entre la répartition du nombre de vacataires et de contractuels constitue une fragilité manifeste. Lors de son audition, le directeur général des étrangers en France a paru en convenir en considérant que 0,4 % de contractuels « c’est trop peu » et que 16,7 % de vacataires « c’est trop ».

La fédération syndicale du ministère de l’intérieur – Force ouvrière a par ailleurs précisé que ces personnels pouvaient être plus aisément victimes de pressions du public et que les sept derniers agents sanctionnés par une commission de discipline en Seine-Saint-Denis étaient tous des personnels vacataires du service des étrangers.

ii.   Les fragilités en matière de systèmes d’information

La dématérialisation des procédures est appréciée par les étrangers à l’aise avec les outils informatiques même si certaines difficultés techniques et administratives ont été portées à la connaissance des rapporteurs spéciaux. En revanche, cette dématérialisation pose question lorsqu’elle s’adresse à des étrangers maîtrisant peu les outils numériques.

Le bilan des premières étapes du déploiement des systèmes d’information à destination des étrangers comporte de nombreux aspects favorables (cf. supra). Cependant, quelques points de difficulté ont été signalés aux rapporteurs spéciaux. L’application « Démarches simplifiées » ne permet pas, par exemple, de suivre l’évolution de son dossier. En l’absence de retour d’une préfecture, des étrangers peuvent donc être conduits à recommencer plusieurs fois la même opération. Lors de son audition, Maître Yanis Lantheaume (syndicat des avocats de France) a indiqué qu’en l’absence d’information disponible sur la plateforme www.demarches-simplifiees.fr et de réponse de la préfecture du Rhône, un de ses clients avait déposé la même demande de changement d’adresse cinq fois en huit mois. La prochaine intégration de l’application Démarches simplifiées dans l’ANEF devrait cependant répondre à cette limite technique.

La dématérialisation des procédures n’élimine également pas les phénomènes de sur-administration. Les trois associations représentatives des ressortissants britanniques résidant en France ont ainsi toutes indiqué avoir reçu de nombreux signalements de demandes préfectorales de documents justificatifs excédant la liste des pièces fixée par un arrêté du 20 novembre 2020 ([97]). La Défenseure des droits observe également (de manière générale et non propre aux ressortissants britanniques) que « de nombreuses préfectures font figurer en parallèle des listes de pièces sur leur site, qui peuvent différer de celles établies par le ministère » ([98]). Le recours aux procédures numériques s’est également accompagné de certaines défaillances administratives. Le GISTI a ainsi produit des pièces attestant qu’en décembre 2018 (au moment de la mise en place de la procédure de demande de rendez-vous en ligne), la préfecture des Hauts‑de‑Seine avait renvoyé de nombreux dossiers papiers déjà déposés et demandé aux étrangers concernés de solliciter un rendez-vous en ligne pour redéposer ces mêmes dossiers.

Une autre défaillance administrative a été portée à la connaissance des rapporteurs lors de leur déplacement à Rouen. En février‑mars 2020, la préfecture de la Seine-Maritime a refusé d’examiner et déclaré irrecevables 375 demandes d’admission exceptionnelle au séjour en raison de l’absence de timbre fiscal de 50 euros joint à chaque demande. Ces dossiers ont été retournés aux étrangers concernés alors même que, jusqu’alors, le site internet de la préfecture commandait de ne « jamais joindre de timbres fiscaux » aux demandes d’AES. Dans au moins une espèce, le tribunal administratif de Rouen a considéré que « le préfet, en refusant d'examiner la demande de titre de séjour de M. […] comme irrecevable faute pour l'intéressé de ne pas avoir justifié du paiement du droit de visa, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation » ([99]).

Le recours aux rendez-vous en ligne et à la dématérialisation des procédures pose surtout des difficultés aux étrangers vulnérables ou peu à l’aise avec les outils numériques et reporte une partie de la charge administrative sur des tiers.

Les étrangers vulnérables ou peu à l’aise avec les outils numériques sont affectés par ces nouvelles pratiques administratives et par l’absence d’alternative (envoi du dossier par courrier ou mise à disposition de créneaux spécifiques de rendez-vous). Comme l’a souligné Caritas lors de son audition, ces procédures constituent une « nouvelle barrière à franchir » pour certains étrangers. Les associations représentatives des ressortissants britanniques ont illustré ces difficultés par certains exemples. Remain in France together a notamment indiqué que des préfectures avaient imposé à des personnes infirmes et invalides (y compris des résidents en EHPAD) d’utiliser ces procédures électroniques puis de se déplacer en préfecture pour la prise d’empreinte.

Le nouvel article R431-2 du CESEDA vise à répondre à cette difficulté puisqu’il dispose que « les personnes qui ne sont pas en mesure d’effectuer elles-mêmes le dépôt en ligne de leur demande bénéficient d’un accueil et d’un accompagnement leur permettant d’accomplir cette formalité. Le ministre chargé de l’immigration fixe les modalités de cet accueil et de cet accompagnement ». Les rapporteurs spéciaux formuleront une proposition sur ce sujet (cf. infra).

La dématérialisation des procédures conduit également à reporter certaines tâches sur les associations, les services sociaux et les avocats. Plusieurs intervenants ont souligné que la phase de vérification du dossier qui s’accomplissait précédemment en préfecture en présence d’un agent du service des étrangers s’effectue dorénavant devant un écran avec le concours d’un bénévole, d’une assistante sociale ou d’un avocat. Caritas a constaté une augmentation du nombre de personnes sollicitant ses services pour être aidées dans leurs démarches en ligne avec les préfectures. Des permanences dédiées ont été ouvertes dans ses délégations de Seine‑Saint‑Denis et des Hauts‑de‑Seine et trois permanences de ce type sont en cours de création à Paris, dans le Val‑de‑Marne et dans l’Essonne.

En complément de ces vérifications, ces tiers peuvent être sollicités pour scanner des pièces et se connecter aux sites dédiés lorsque les étrangers concernés sont dépourvus de matériels électroniques ou ne savent pas les utiliser correctement. La Défenseure des droits considère ainsi que « la médiation numérique pèse […] sur les travailleurs sociaux, associations et avocats » ([100]).

La dématérialisation ne se suffit donc pas à elle-même.

b.   La permanence d’importantes difficultés d’accès à des préfectures fragilise la situation de certains étrangers, et plus particulièrement ceux sollicitant une admission exceptionnelle au séjour, tandis que le développement des contentieux représente un coût non négligeable

Les difficultés observées pénalisent les étrangers vulnérables, et plus particulièrement ceux désireux de déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour tandis que le développement prononcé des contentieux sur l’accès aux préfectures est porteur d’un nouveau risque budgétaire.

i.   La permanence d’importantes difficultés d’accès à des préfectures fragilise la situation de certains étrangers, plus particulièrement ceux sollicitant une admission exceptionnelle au séjour

Le recours accru aux outils numériques est susceptible de pénaliser l’ensemble des étrangers peu à l’aise avec les procédures numériques, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière. La maîtrise des systèmes d’information peut être complexe pour un étranger âgé titulaire d’une carte de résident, comme pour un étranger plus jeune en situation irrégulière désireux de solliciter sa régularisation. Le contexte sanitaire renforce cependant la précarité administrative des étrangers en situation irrégulière puisqu’elle restreint le nombre de rendez-vous ouverts par les préfectures pour instruire ces demandes. À la fin du premier confinement, et conformément aux directives du ministère de l’intérieur, ces administrations ont accordé la priorité à la remise des titres déjà fabriqués et au renouvellement des titres de séjour des étrangers en situation régulière (cf. supra). Les créneaux de rendez-vous ouverts en faveur des étrangers désireux de solliciter leur régularisation ont donc été limités.

Le Conseil d’État a ainsi récemment observé que « les systèmes d’information d’un grand nombre de préfectures sont saturés et ne parviennent pas à traiter toutes les demandes de rendez-vous, en particulier celles qui émanent d’étrangers sollicitant une admission exceptionnelle au séjour » ([101]). Le Défenseur des droits a constaté « avec regret que, depuis le début de cette crise, le cas des étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire mais remplissant les conditions pour bénéficier d’une régularisation – de plein droit ou dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour – n’a fait l’objet d’aucune attention particulière » ([102]). Les représentants d’avocats auditionnés ont confirmé ces constats.

L’évolution du nombre d’admissions exceptionnelles au séjour prononcées en 2020 corrobore ces impressions puisqu’il est en retrait de 12 % par rapport à 2019.

 

2012 – 2020 - Évolution du nombre d’admissions exceptionnelles au séjour

Source : commission des finances d’après les données du ministère de l’intérieur.

ii.   Des contentieux représentant un coût non négligeable

La multiplication des contentieux représente un coût non négligeable pour le ministère de l’intérieur et, plus largement, pour l’État.

Le coût pour le ministère de l’intérieur correspond au coût de traitement des dossiers par l’administration, aux frais d’avocats et au coût des condamnations lorsque les contentieux sont perdus (frais irrépétibles le plus souvent). Le rapport annuel de performance de la mission AGTE (administration générale et territoriale de l’État) évalue le montant des litiges portant sur l’ensemble du contentieux des étrangers (et pas seulement sur le contentieux de l’accès aux préfectures) à 17,24 millions d’euros en 2020. Si ce montant s’est réduit par rapport à 2019 en raison de la baisse des contentieux liés à l’éloignement ([103]), ce coût a fortement crû depuis 2016 (12,2 millions d’euros).

2011-2021 - évolution du coût pour l’État des litiges en droit des étrangers

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les données figurant dans les rapports annuels de performance de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

Ce même rapport annuel de performance évalue le coût unitaire d’un contentieux aux environs de 500 euros (498,27 euros) ([104]) étant entendu que ce montant concerne simplement les frais supportés par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur et ne prend pas en compte le coût de mobilisation des services étrangers des préfectures.

Le contentieux des étrangers suscite également deux autres coûts à la charge de l’État. Le premier a trait aux frais d’enregistrement et de traitement d’une requête devant un tribunal administratif qu’il est possible d’estimer aux environs de 750 euros par affaire ([105]). Le second tient aux frais d’aide juridictionnelle (régulièrement sollicités et accordés en matière de contentieux d’accès aux préfectures) évalué à 325 euros (326,40 euros) par référé mesures utiles bénéficiant d’une aide juridictionnelle.

L’addition de ces différents coûts (500 euros pour le ministère de l’intérieur hors coût de mobilisation des agents préfectoraux, 750 euros de frais, d’enregistrement et de traitement d’une requête et 325 euros de frais d’aide juridictionnelle) s’établit à 1 575 euros par contentieux. Si ce premier chiffrage est relatif (tous les contentieux ne donnent pas lieu à l’attribution de l’aide juridictionnelle) ([106]), il donne cependant un ordre de grandeur crédible.

Sur les quatre premiers mois de l’année 2021, 1 144 requêtes ont été déposées dans six des quarante-deux tribunaux administratifs. Le coût pour l’État de ces seuls contentieux peut être estimé aux environs de 1,5 million d’euros ([107]). Si ce rythme de dépôt des contentieux se maintient sur l’ensemble de l’année 2021, la dépense correspondant aux contentieux engagés en matière d’accès aux préfectures dans ces seuls six tribunaux administratifs peut être estimée à 4,5 millions d’euros ([108]). Les rapporteurs spéciaux ne disposent pas d’éléments leur permettant d’extrapoler le montant de cette dépense en 2021 sur l’ensemble des 42 tribunaux administratifs ([109]) et préfèrent ne pas émettre d’hypothèse sur l’évolution de ce coût dans les années à venir en raison du grand nombre d’inconnues (rythme de déploiement effectif du programme ANEF, état des renforts en personnel, évolution de la jurisprudence, etc.).

B.   La politique de modernisation engagée SUPPOSE différentes adaptations

La poursuite du déploiement du projet ANEF est susceptible d’atténuer sensiblement les difficultés d’accès aux préfectures et de traitement des demandes de titres de séjour, sans pour autant les résoudre entièrement. Certaines mesures complémentaires sont nécessaires pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire, pour accompagner la dématérialisation croissante des procédures et pour simplifier plus encore l’accès au droit des étrangers.

1.   Engager un plan exceptionnel de recrutement de 250 contractuels pour rattraper le retard accumulé pendant la crise sanitaire, tenir compte des difficultés observées avant cette crise et permettre le déploiement du programme ANEF dans de bonnes conditions

Les rapporteurs spéciaux préconisent d’engager un plan exceptionnel de recrutement de 250 contractuels destiné à rattraper le retard accumulé pendant la crise sanitaire, à tenir compte des difficultés observées avant cette crise et à permettre le déploiement du programme ANEF dans de bonnes conditions.

En 2020, un plan permettant le recrutement de 610 ETP, soit 7 320 « mois vacataires », a été engagé en vue de favoriser le traitement du retard accumulé pendant la crise sanitaire. Cependant, dans l’hypothèse où cet effort important permettrait d’atteindre cet objectif, il ne suffira pas à répondre aux difficultés observées avant l’épidémie de covid 19. Il est donc recommandé de prévoir un effort exceptionnel de recrutement et de transformer les contrats de 250 vacataires en contrats à durée déterminée de 2 à 3 ans. Durant cette période, le plafond d’emploi des préfectures serait adapté. Ces renforts seraient destinés en priorité aux services étrangers des douze préfectures identifiées par la Défenseure des droits comme présentant des « difficultés systémiques » (cf. supra).

Sur la base du coût annuel d’un contractuel de catégorie C Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État communiqué par la DGEF (36 389 euros par an), le coût de ce plan peut être chiffré à 18 millions d’euros sur deux ans et à 27 millions d’euros sur trois ans ([110]). Ces renforts en personnel permettraient très probablement de réduire le nombre de contentieux engagés, ce qui permettrait d’autofinancer une partie de cet effort de recrutement. Autrement dit, les rapporteurs spéciaux invitent l’État à investir dans les services étrangers des préfectures plutôt que dans des frais de justice.

Cette recommandation qui s’inspire du récent plan de renforcement des moyens de la justice présenté le 4 mai 2021 ([111]), permettrait de déployer le programme ANEF dans de bonnes conditions.

2.   Accompagner la dématérialisation croissante des procédures

La réussite de la dématérialisation croissante des procédures suppose que celles-ci prévoient des adaptations destinées à accompagner les étrangers non dotés d’équipements numériques et les étrangers peu à l’aise avec les outils numériques. L’article R.431-2 du CESEDA dispose ainsi que « les personnes qui ne sont pas en mesure d’effectuer elles-mêmes le dépôt en ligne de leur demande bénéficient d’un accueil et d’un accompagnement leur permettant d’accomplir cette formalité. Le ministre chargé de l’immigration fixe les modalités de cet accueil et de cet accompagnement ».

Cet accueil et cet accompagnement pourraient être facilités par les créneaux supplémentaires de réception du public ouverts par les renforts en personnel souhaités par les rapporteurs spéciaux. Une voie alternative de dépôt des demandes de titre de séjour aux procédures électroniques doit également être ouverte en faveur des publics soumis à des problématiques spécifiques.

En complément, les rapporteurs spéciaux recommandent à titre expérimental de confier à des structures spécialisées la charge d’accompagner certains publics vulnérables ou spécifiques dans la préparation de leur dossier de demande de titre de séjour. Cette proposition s’inspire du travail des structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) qui, dans le cadre d’un marché public géré par l’OFII, ont notamment pour charge d’accompagner socialement et administrativement des demandeurs d’asile.

Cette mission, qui inclut « une aide à la compréhension et au remplissage du dossier OFPRA », pourrait être adaptée pour inclure « une aide à la compréhension et au remplissage du dossier de demande de titre de séjour » en faveur de certains étrangers ([112]).

Les étrangers concernés pourraient être des étrangers vulnérables (des personnes âgées ou malades) ou des étrangers désireux de déposer un dossier d’admission exceptionnelle au séjour. Sur ce dernier point, les rapporteurs spéciaux ont noté que, selon la préfecture de Versailles, la vérification de la complétude d’un dossier de ce type nécessite au moins deux rendez-vous en guichet (de 30 minutes chacun) suivi d’un important travail en back-office. Externaliser ce travail de constitution du dossier auprès d’un prestataire dédié permettrait de :

– réduire fortement le temps de vérification administrative en préfecture ;

– permettre à la préfecture de se recentrer sur l’instruction du dossier ;

– dégager des créneaux de rendez-vous ;

– ne plus reporter ces tâches sur les bénévoles de certaines associations.

Cette recommandation, qui s’inspire de l’externalisation réussie du traitement des demandes de visas ([113]), pourrait être mise en œuvre sous la forme d’un avenant au prochain marché de l’OFII ou d’un marché public dédié.

3.   Simplifier plus encore le droit des étrangers

La simplification récente du droit des étrangers doit être poursuivie et renforcée par des ajustements ponctuels et une réforme de fond.

Des ajustements ponctuels pourraient être décidés pour rallonger la durée de validité de certains documents comme l’arrêté du 5 mai 2020 l’a fait pour l’attestation de la demande d’asile (cf. supra). Les rapporteurs spéciaux soutiennent par exemple la proposition (formulée par une bénévole auditionnée lors de leur déplacement à Versailles) d’allonger la durée du récépissé remis aux bénéficiaires de la protection internationale. La durée de validité actuelle de ce document (6 mois) ne tient pas compte des importants délais de délivrance des documents d’état civil par l’OFPRA ([114]) qui retardent l’accomplissement des démarches liées à la demande de titre de séjour. Comme le Conseil d’État l’a fait observer dans une récente étude, des ajustements de ce type permettraient de limiter le nombre de passages en préfecture ([115]).

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux considèrent qu’en dépit des importants progrès accomplis, l’architecture générale des titres de séjour repose sur un nombre encore insuffisant de titres pluriannuels. Plusieurs institutions ont recommandé de favoriser l’attribution d’un plus grand nombre de titres pluriannuels. En 2020, la Cour des comptes a fait le constat d’un « régime du séjour marqué par la brièveté des titres et les renouvellements fréquents » et a considéré qu’il « serait pertinent que toutes les voies susceptibles de désengorger le régime du séjour soient explorées, en faisant basculer certaines catégories de cartes de séjour temporaires vers des titres pluriannuels et certains titres pluriannuels vers des cartes de résident » ([116]). En 2021, la Défenseure des droits a rappelé que « toute précarisation du droit au séjour représente nécessairement une charge de travail supplémentaire pour les services préfectoraux » et a recommandé « à nouveau d’étendre le bénéfice des cartes de séjour pluriannuelles aux catégories d’étrangers qui en sont actuellement exclues » ([117]). En 2020, un rapport d’un collège de praticiens du droit des étrangers a également soutenu cette perspective ([118]).

Les rapporteurs spéciaux partagent ces constats et invitent le ministère de l’intérieur à s’engager dans cette voie.

4.   Les autres mesures d’accompagnement

Les rapporteurs spéciaux formulent trois propositions d’accompagnement.

La première proposition vise à compléter les indicateurs existants du ministère de l’intérieur par un indicateur permettant d’apprécier la durée totale de traitement d’une demande de titre de séjour en incluant le délai moyen d’attente entre le premier contact avec la préfecture et le premier rendez-vous fixé.

En deuxième lieu, la juridiction administrative devrait modifier le mode d’enregistrement et de décompte des requêtes pour pouvoir isoler, au sein du contentieux des étrangers, ceux engagés en matière d’accès aux préfectures.

La troisième proposition vise à désigner au sein des services étrangers de toutes les préfectures un correspondant chargé d’organiser des échanges, au moins semestriels, avec les associations représentant des étrangers. Lors de leurs auditions, les rapporteurs spéciaux ont constaté que dans les départements où ces réunions existaient, les relations étaient plus fluides et les contentieux moins nombreux. Si la confiance ne se décrète pas, l’absence d’échanges avec la société civile et le monde associatif ne favorise pas une action publique efficace.

5.   Les recommandations présentées par Mme Stella Dupont à titre personnel

En complément, Mme Stella Dupont formule trois recommandations à titre personnel. Jusqu’à la résolution des difficultés de délais, d’accès à certaines préfectures et d’instruction des demandes, elle préconise d’attribuer un document provisoire autorisant le séjour à tout étranger présentant une demande de titre de séjour formulée par voie papier (comme cela est le cas aujourd’hui) et par voie dématérialisée (ce que ne prévoit pas l’article R. 431‑15‑1 du CESEDA). Une attestation de prolongation de l’instruction (et pas seulement une attestation de dépôt en ligne) devrait être remise lors du dépôt complet de toute demande de titre de séjour effectuée par voie dématérialisée.

La rapporteure spéciale recommande également d’installer des points numériques en libre accès (ou en accès guidé) dans toutes les préfectures et dans les structures partenaires de type « structures de premier accueil titres de séjour » (« SPA TDS ») dont les rapporteurs appellent la création de leurs vœux. Ces points numériques comprendraient des ordinateurs, des scanners et des imprimantes permettant de faciliter l’accomplissement des démarches du public.

Enfin, Mme Stella Dupont appelle les préfectures à répondre, dans un délai raisonnable, à toute question posée par un étranger (ou son conseil) sur son dossier. À ce titre, elle regrette notamment certaines positions de principe, comme celle adoptée par la préfecture de Seine-Maritime visant à ne pas répondre aux sollicitations des avocats représentant des étrangers dont le dossier est en instance d’instruction. Cette position, très éloignée de l’ouverture dont fait preuve la préfecture des Yvelines, favorise des tensions et des contentieux inutiles

 

 

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   CONCLUSION

Les moyens consacrés par les préfectures à l’instruction des demandes de titres de séjour ont bénéficié d’un effort prononcé en termes de ressources humaines, de ressources numériques et de cadre juridique. Les effectifs des services étrangers ont été renforcés. Des applications numériques ont été ouvertes pour faciliter les démarches courantes ou pour permettre à certains publics (les étrangers étudiants, les ressortissants britanniques et, très récemment, les « passeports talents ») de déposer une demande de titre de séjour.

Avant la crise sanitaire, cet effort réel ne permettait cependant pas de répondre de manière satisfaisante aux besoins. De fortes tensions existaient pour accéder à certaines préfectures. Un phénomène de revente de rendez-vous est apparu et un contentieux d’accès aux préfectures s’est développé.

Le contexte sanitaire a aggravé ces tensions. En dépit de l’implication des services préfectoraux et du recrutement d’un nombre important de vacataires, des retards dans l’instruction des demandes de titre de séjour ou dans la remise des titres fabriqués sont observés. De ce fait, le contentieux de l’accès aux préfectures croît de manière soutenue. Si la poursuite du déploiement du programme ANEF et le renforcement des moyens humains devraient permettre de réduire ces tensions, ces éléments ne suffiront pas à les faire disparaître et des mesures d’adaptation sont nécessaires, notamment en termes de ressources humaines et de cadre juridique.

Les rapporteurs spéciaux plaident en faveur de l’engagement d’un plan exceptionnel de recrutement de 250 personnels contractuels, de la permanence de voies alternatives au dépôt dématérialisé des demandes de titres de séjour et d’une simplification accrue du droit des étrangers en vue de promouvoir la délivrance de titres de séjour pluriannuels. À titre personnel, Mme Stella Dupont formule des propositions complémentaires visant notamment à attribuer un document provisoire autorisant le séjour à tout étranger présentant une demande de titre de formulée par voie papier ou dématérialisée.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 17 heures 15, le mardi 25 mai 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu Mme Stella Dupont et M. Jean-Noël Barrot, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera également prochainement lisible en ligne.

 

 

 


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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX, CONTRIBUTIONS REÇUES ET DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS

1-     Personnes auditionnées

Association des étudiants sénégalais de France : M. Khadim Dieye, président ;

La Cimade : M. Steve Irakoze responsable des questions expulsion, et Mme Lise Faron, responsable des questions entrée, séjour et droits sociaux ;

Audition commune :

 Association British in Europe, British Community Committee of France M. Christopher Chantrey, membre du comité directeur et trésorier ;

– Remain in France Together, M. James Brannan, président ;

Audition commune

 Réseau éducation sans frontières (RESF) : M. Michel Élie ;

– Caritas : M. Julien Fromangé, chargé d’accompagnement et Mme Marion Casanova ;

Audition commune

 Conseil national des Barreaux (CNB) : Maître Laurence Roques, présidente de commission, Maître Hélène Gacon, membre de commission ;

 Syndicat des avocats de France (SAF) : Maître Éléna de Guéroult, présidente de la commission Étrangers et Maître Yannis Lantheaume, membre du bureau ;


Fédération syndicale du ministère de l’intérieur – Force ouvrière des personnels de préfecture et des services du ministère de l’intérieur (FSMI-FO) : Mmes Christine Marot (secrétaire générale), Marie‑Line Mistretta (secrétaire générale adjointe) et Mireille Nita Comlar (déléguée régionale) ;

Audition commune

 Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) : Mme Vanina Rochiccioli, présidente ;

 Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) : Mme Flor Tercero, présidente ;

Direction générale des étrangers en France (DGEF) : M. Claude d’Harcourt (préfet, directeur général), M. Gauthier Beranger (adjoint au directeur de l’immigration), M. Ludovic Pacaud (sous‑directeur, chef du service du pilotage et des systèmes d’information) et Mme Franceline Forterre‑Chapard (directrice du programme SI ANEF) ;

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères : M. Cédric Prieto, sous‑directeur de la Politique des visas ;

Défenseure des droits : Mme Claire Hédon, Défenseure des droits et M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation ;

 

Première table ronde avec des associations rouennaises : M. Stéphane Piney (La Cimade), M. Pierre Louvard (UD CGT) et Maître Magali Leroy ;

Seconde table ronde avec des associations rouennaises : Mme Adriana Masse Machado (Welcome), Mme Diana Armengol (Ligue des droits de l’homme), M. Patrice Menguy (La pastorale des migrants), M. Jean‑Pierre Hauchard et Mme Jacqueline Madeline (RESF).

 

2-     Contributions reçues :

 Association de soutien aux amoureux au ban public,

 British in Europe, Mme Kalba Meadows, membre du comité directeur et fondatrice du groupe.

 

 

3-     Déplacements

15 avril 2021, déplacement à Rouen :

 Mairie de Rouen : Mme Caroline Dutarte, adjointe en charge des solidarités, Mme Zohra Amimi, conseillère municipale déléguée aux migrants et maître Cécile Madeline ;

 Préfecture de Seine-Maritime : M. Vincent Naturel, secrétaire général adjoint, Mme Alexandra Vlad‑Popa, directrice adjointe de la direction des migrations et de l’intégration, M. Benjamin Perier, chef du bureau du droit d’asile, M. Tristan Dantreuille, chef de bureau du droit au séjour, M. Philémon Perrot, stagiaire ENA, Mme Cornelia Erke, cheffe du service des étrangers (sous-préfecture du Havre) et M. François Pocreau, chef du bureau du séjour et de l’asile (sous-préfecture du Havre) ;

 Centre de rétention administrative d’Oissel : M. Yvan Cordier, secrétaire général et le personnel du CRA.

 

12   Mai 2021, déplacement à la préfecture des Yvelines :

 Préfecture des Yvelines : M. Étienne Desplanques, secrétaire général, Mme Nancy Renaud (directrice des migrations), Mme Anne Belgrand (cheffe de bureau de l’asile), Mme Isabelle Soussan (cheffe du bureau du séjour) ;

 Table ronde avec des associations : Dom’Asile (M. Jacques Mercier), AMIS78 (M. Hubert Robitaille), RESF (Mme Odile Jouanne), Secours catholique (M. Martin Reneaume), Ligue des droits de l’homme (M. Alain Boudu), Collectif étrangers français en Yvelines (M. Daniel Richter) et La Cimade (Mme Karima Berrada‑Fourneau) ;

 Tribunal administratif de Versailles : Mme Jenny Grand d’Esnon, présidente.

 


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   SOURCES UTILISÉES

 

– Assemblée nationale :

– Comité interministériel sur l’immigration et l’intégration, 20 décisions pour améliorer notre politique d’immigration, d’asile et d’intégration, novembre 2019 ;

– Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020 ;

– Cour des comptes :

– Défenseur des droits :

 

– Institut national de la statistique et des études économiques, L’essentiel sur… les immigrés et les étrangers, avril 2021 ;

– La Cimade, À guichets fermés. Demandes de titres de séjour : les personnes étrangères mises à distance des préfectures, mars 2016 ;

– Matthias Fekl, Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France, mai 2013 ;

– Ministère de l’intérieur :

– Rapport sur la simplification de la gestion des fonds européens, Inspection générale de l’administration, Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, septembre 2020 ;

– Rapport du collège de praticiens du droit des étrangers, janvier 2020.


([1]) Fonds de concours inclus, cette sous-exécution s’établit, selon la Cour des comptes, à 53 millions d’euros en AE et à 49 millions d’euros en CP soit respectivement – 2,7 % et – 2,6 % (note d’exécution budgétaire 2020, Immigration, asile et intégration, page 32).

([2]) Actions du programme 104 : accueil des étrangers primo-arrivants (action n° 11), accompagnement des étrangers en situation régulière (action n° 12), accès à la nationalité française (action n° 14), accompagnement des réfugiés (action n° 15) et accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (action n° 16). Actions du programme 303 : circulation des étrangers et politique des visas (action n° 1), garantie de l’exercice du droit d’asile (action n° 2), lutte contre l’immigration irrégulière (action n° 3) et financement des moyens nécessaires au fonctionnement de la DGEF (action n° 4).

([3]) S’agissant du programme 303 :

-          l’indicateur « délai de l’examen d’une demande d’asile par l’OFPRA » a été enrichi d’un sous-indicateur dédié au « nombre de décisions rendues dans l’année » ;

-          l’indicateur du « nombre de retours forcés exécutés » est désormais apprécié au moyen d’un sous-indicateur relatif au « nombre de retours forcés de ressortissants de pays tiers vers des pays tiers » et l’amélioration de l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière est appréciée sur la base d’un sous-indicateur de « taux d’éloignement à l’issue d’un placement en CRA ».

S’agissant du programme 104 :

-          un nouvel indicateur portant sur la « part des personnes ayant bénéficié d’une orientation vers le service public de l’emploi et qui s’y sont inscrites pendant la durée du CIR » a été créé ;

-          le sous‑indicateur de « coût moyen de gestion de la formation linguistique dans le cadre du CIR » a été supprimé et remplacé par un sous-indicateur relatif au « taux de conformité aux exigences de la grille d’évaluation des modules de formation constaté pour les prestations auditées ».

([4]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 3399 (annexe n° 28) sur le projet de loi de finances pour 2021, M. Jean-Noël Barrot et Mme Stella Dupont, octobre 2020, page 17.

([5]) L’exécution de cette action a été exécutée mais a fait l’objet d’une erreur d’imputation de la part du ministère de l’intérieur conduisant à rattacher cette dépense à l’action 4 Soutien. Par souci de clarté, cette dépense est ici rattachée à l’action n° 1.

([6]) En 2020, on dénombre 81 669 premières demandes d’asile (- 41 %) et 11 757 réexamens (– 8,6 %), présentés au sein des Guichets uniques de demandes d’asile et 95 584 demandes d’asile enregistrées à l’OFPRA (– 28 %) (ministère de l’intérieur, l’essentiel de l’immigration, janvier 2021).

([7]) La loi de finances pour 2020 a prévu le recrutement de 200 personnels supplémentaires pour l’OFPRA répartis entre 150 officiers de protection et 50 agents occupant des fonctions support. L’organisation de ces recrutements a été perturbée par la pandémie.

([8]) En sens inverse, la pandémie a perturbé l’instruction des demandes d’asile et a allongé leurs délais de traitement ce qui a accru les dépenses d’ADA. Cependant, de manière globale, la crise sanitaire a contribué à modérer les dépenses d’ADA.

([9]) Cour des comptes, note d’exécution budgétaire 2020, mission immigration, asile et intégration, pages 4, 5 et 20.

([10]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 3011 (annexe 28) sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019, M. Jean-Noël Barrot et Mme Stella Dupont, mai 2020, pages 25 et suivantes.

([11]) Comme les rapporteurs l’ont indiqué dans leur rapport sur le projet de loi de finances pour 2021, la perte de recettes imputable à cette réforme mal préparée s’est finalement élevée à 17,14 millions d’euros. Cf. Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 3399 (annexe n° 28) sur le projet de loi de finances pour 2021, M. Jean-Noël Barrot et Mme Stella Dupont, octobre 2020, page 41.

([12]) Note de la Cour des comptes : « un écart apparaît entre les chiffres annoncés par programme (18,03 M€ et 20,4 M€) et les chiffres annoncés au niveau de la mission (38,90 M€) ».

([13]) Cour des comptes, note d’exécution budgétaire 2020 de la mission Immigration, asile et intégration, page 69.

([14]) Les rapporteurs spéciaux ont interrogé la Commission interministérielle de coordination des contrôles sur ce sujet mais, à la date de publication de ce rapport, celle-ci n’a pas encore répondu à leurs interrogations.

([15]) Cour des comptes, note d’exécution budgétaire 2020 de la mission Immigration, asile et intégration, page 67.

([16]) Rapport annuel de performance 2020 de la mission immigration, asile et intégration, page 33.

([17]) Rapport sur la simplification de la gestion des fonds européens, Inspection générale de l’administration, Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, septembre 2020. Ce rapport, qui intéresse à la marge les fonds de concours relevant du ministère de l’intérieur, formule des recommandations pouvant être regroupées autour des quatre axes suivants :

– apporter rapidement une solution aux difficultés de trésorerie des bénéficiaires ;

– simplifier à la source le droit européen en relançant la négociation à Bruxelles sur plusieurs points clés des futurs règlements ;

– sécuriser les porteurs de projets par des mesures nationales encadrant la prochaine programmation ;

– repenser le système de contrôle pour rétablir la confiance des acteurs.

([18]) Institut national de la statistique et des études économiques, L’essentiel sur… les immigrés et les étrangers, avril 2021.

([19]) L’article L. 441-1 du CESEDA définit huit documents autorisant le séjour d’un étranger en France dont six sont considérés comme des « titres de séjour » relevant du titre II (catégories de titres de séjour) du livre IV (séjour en France) du CESEDA. Il s’agit de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle, de la carte de résident, de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée‑UE », de la carte de séjour portant la mention « retraité » et de l’autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425‑4, L. 425-10 ou L. 426‑21 du CESEDA. Deux autres documents peuvent autoriser un séjour en France d’une durée supérieure à trois mois sans être un titre de séjour (le visa de long séjour et le visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l’article L. 312‑2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d’une durée inférieure ou égale à un an).

([20]) Ministère de l’intérieur, L’essentiel de l’immigration, janvier 2021. Le chiffre 2020 est provisoire.

([21]) L’arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l’article R. 431‑2 du CESEDA relatif aux titres de séjour dont la demande s’effectue au moyen d’un téléservice. dispose que « sont effectuées au moyen du téléservice mentionné à l’article R. 4312 […], à compter du 1er mai 2021, les demandes de cartes de séjour temporaires portant la mention « étudiant » ou « étudiant-programme de mobilité » mentionnées aux articles L. 4221 et L. 4225 du même code, les cartes de séjour pluriannuelles portant les mêmes mentions, délivrées en application des articles L. 4334 et L. 4226 du même code, ainsi que les certificats de résidence algériens portant la mention « étudiant » prévus au titre III du protocole annexé à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ». Un arrêté du 19 mai 2021 ajoute les cartes de séjour portant la mention « passeport talent » à la liste des titres de séjour dont la demande s’effectue au moyen d’un téléservice.

([22]) Ces deux rapports sont celui de l’inspection générale de l’administration (L’accueil des étrangers dans les préfectures (non publié), septembre 2012) et celui que M. Matthias Fekl rendit au Premier ministre en tant que parlementaire en mission (Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France, mai 2013).

([23]) Instruction n° 12-08975-D du 4 décembre 2012, page 1.

([24]) Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, mai 2020, pages 66 et 16.

([25]) Défenseur des droits, décision n° 2020-142 du 10 juillet 2020, page 8. « Dans certains départements, en raison de la saturation des plannings mis en ligne, il arrive fréquemment que des personnes soient contraintes de se connecter chaque semaine pendant plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous. Elles se voient ainsi exposées au risque d’être interpellées et éloignées du territoire à tout moment et peuvent en outre subir des ruptures de droits ou perdre leur emploi ».

([26]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020, page 11.

([27]) La Cimade, février 2021, https://www.lacimade.org/dematerialisation-des-demandes-de-titre-de-sejour-pour-la-premiere-fois-un-tribunal-administratif-juge-lorganisation-dune-prefecture-illegale .

([28]) Communiqué inter-associatif du 9 décembre 2020 : http://lesaf.org/non-a-la-fermeture-invisible-des-voies-de-regularisation-droit-a-un-rendez-vous-pour-toutes-et-tous-en-prefecture/ .

([29]) Voir, par exemple, depuis mai 2019, les questions écrites nos 35163 (Mme Émilie Chalas), 24316 (M. Patrick Vignal), 24158 (Mme Florence Granjus), 23685 (Mme Bénédicte Pételle), 23368 (M. Alexis Corbière), 21254 (M. Stéphane Peu), 20508 (Mme Alexandra Valetta Ardisson) et, 19289 (M. Stéphane Testé). Le 1er octobre 2019, M. Alexis Corbière et plusieurs de ses collègues ont par ailleurs déposé la proposition de résolution n° 2276 tendant à la création d’une commission d’enquête relative au développement de marchés parallèles pour la prise de rendez-vous en préfecture.

([30]) Comité interministériel sur l’immigration et l’intégration, 20 décisions pour améliorer notre politique d’immigration, d’asile et d’intégration, novembre 2019, page 15.

([31]) Depuis le 6 avril 2021, les demandes d’autorisation de travail pour recruter un salarié étranger s’effectuent par exemple en ligne sur un portail dédié : https://administration-etrangers-en-france.interieur.gouv.fr/particuliers/#/

([32]) L’appréciation de l’activité des services étrangers se mesure également en prenant en compte, d’une part, le nombre de refus opposés à des demandes de titre de séjour et, d’autre part, le nombre de retrait de titres (prononcés dans les conditions définies aux articles L. 432‑4 et suivants du CESEDA). Le nombre total de demandes de refus de titres de séjour ne fait pas l’objet d’une statistique publique. Cependant, à titre d’exemple, la préfecture de Versailles a indiqué que son taux de refus s’était établi à 4,72 % en 2019 et à 5,45 % en 2020. Par ailleurs, dans un récent rapport, la Cour des comptes a indiqué que « le nombre de refus de renouvellement ne représente chaque année pas plus de 1 % des décisions » (Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, mai 2020, page 68). Le nombre de retrait de titres de séjour ne fait également pas l’objet d’une statistique publique.

([33]) Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, mai 2020, page 68.

([34]) Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, mai 2020, page 68.

([35]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport n° 1055 (annexe n° 3) sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, M. Jacques Savatier, mai 2018, page 31.

([36]) Instruction n° 18-001369-I du 27 décembre 2018 portant renforcement de l’attractivité des services « étrangers » des préfectures.

([37]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », proposition n° 5, septembre 2020.

([38]) Selon l’étude d’impact du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, « en 2018, 1,12 million de récépissés ont été délivrés, pour 785 000 titres, soit 1,42 récépissé en moyenne par titre » (page 105).

([39]) Défenseure des droits, avis n° 21-03, 28 avril 2021.

([40]) Encadrée par les articles L435-1, L435-2 et L435-3, l’admission exceptionnelle au séjour constitue la principale voie de régularisation des étrangers en situation irrégulière.

([41]) Défenseur des droits, décision n° 2020-142 du 10 juillet 2020, page 17.

([42])  Ce site est consultable à l’adresse  https://contacts-demarches.interieur.gouv.fr/brexit/brexit-demande-titre-sejour.

([43]) Instruction n° INTV2029235C du 20 novembre 2020, page 1.

([44]) https://uk.ambafrance.org/brexit-et-settled-status-29137

([45])  Ce site est consultable à l’adresse  https://contacts-demarches.interieur.gouv.fr/brexit/brexit-demande-titre-sejour.

([46])  Bilan de Démarches simplifiées pour 2020, page 1.

([47]) Ce support est consultable sur la page http://invite.contacts-demarches.interieur.gouv.fr/Etrangers.

([48]) Ministère de l’intérieur, communiqué de presse du 10 novembre 2020.

([49]) Selon l’article L.312-2 du CESEDA, « Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d’y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d’étudiant, de stagiaire ou au titre d’une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d’une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24 ».

([50]) Cf. ministère de l’intérieur, communiqué de presse du 10 novembre 2020.

([51]) Cf. ministère de l’intérieur, communiqué de presse du 30 mars 2021.

([52]) Ministère de l'intérieur, communiqué de presse du 21 mai 2021.

([53]) Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, mai 2020, pages 71 et 17.

([54]) Sénat, rapport n° 711 (2019-2020) de la mission d’information sur la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique, M. Raymond Vall, septembre 2020.

([55]) Le délai d’habilitation initial était de 24 mois à compter de la promulgation de la loi. Ce délai a été prolongé de 4 mois par l’article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([56]) Parmi ces modifications il est possible de citer :

-       le décret n° 2021-274 du 11 mars 2021 relatif à l’utilisation des téléprocédures devant la Cour nationale du droit d’asile ;

-       le décret précité n° 2021-313 du 24 mars 2021 relatif à la mise en place d’un téléservice pour le dépôt des demandes de titres de séjour ;

-       le décret n° 2021-481 du 21 avril 2021 relatif au préfet délégué à l’immigration auprès du préfet de police et à l’organisation de la police aux frontières dans les départements de l’Essonne, de la SeineetMarne, du Vald’Oise et des Yvelines ainsi que sur les emprises des aéroports de ParisCharlesdeGaulle, du Bourget et de Paris-Orly.

([57]) L’article 180 de la loi de finances pour 2021 (introduit par un amendement déposé par M. Jean‑Noël Barrot et Mme Stella Dupont) a par ailleurs modifié les conditions de constatation, de liquidation et de recouvrement de la « taxe employeur » définies à l’ancien article L. 313‑15 du CESEDA (devenu, depuis le 1er mai 2021, l’article L. 435‑3). Cette disposition est cependant applicable au 1er janvier 2023 et il est donc logique qu’elle ne figure pas dans le CESEDA recodifié.

([58]) Conseil d’État, décision n° 422516 du 27 novembre 2019. Les organisations requérantes (La Cimade, la Ligue des droits de l’homme, le Groupe d’information et de soutien des immigrés et le Syndicat des avocats de France) demandaient l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du Premier ministre rejetant leur demande de modification du décret n° 2016-685 du 27 mai 2016 afin de prévoir le caractère facultatif et alternatif de la saisine par voie électronique de l’administration par ses usagers.

([59]) Tribunal administratif de Rouen, décision n° 2001687 du 18 février 2021.

([60]) Instruction n° 12-08975-D du 4 décembre 2012, page 1.

([61]) La Cimade, À guichets fermés. Demandes de titres de séjour : les personnes étrangères mises à distance des préfectures, mars 2016, page 10. Ces données sont depuis actualisées quotidiennement sur un site internet dédié ( https://aguichetsfermes.lacimade.org ). Depuis novembre 2015, près de 7 millions de sondages ont été effectués.

([62]) La Cimade, À guichets fermés. Demandes de titres de séjour : les personnes étrangères mises à distance des préfectures, mars 2016, page 7.

([63]) Défenseur des droits, Dématérialisation et inégalités d’accès faux services publics, janvier 2019, page 22.

([64]) Communiqué de presse du 3 février 2021 de la Cimade, du Groupe d’information et de soutien des immigrés, de la Ligue des droits de l’homme et du Syndicat des avocats de France.

([65]) Défenseur des droits, décision n° 2020-210, 18 décembre 2020, page 2.

([66]) Défenseur des droits, décision n° 2020-142, 10 juillet 2020, page 18.

([67]) Défenseur des droits, décision n° 2020-142, 10 juillet 2020, page 3.

([68]) https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-903QOSD.htm .

([69])  Assemblée nationale, commission des finances, rapport d’information n° 2041 sur la taxation des titres de séjour, juin 2019, M.  Jean-François Parigi président, Mme Stella Dupont, rapporteure, juin 2019. Le rapport soulignait (page 56) que « cette forme de délinquance n’est pas apparue avec l’introduction des plateformes dédiées. Lors d’un déplacement effectué à la sous-préfecture du Raincy (Seine-Saint-Denis), les services de l’État ont confirmé que la revente de « tickets de rendez-vous » existait déjà ponctuellement lorsque ces derniers se prenaient au guichet. Des individus indélicats revendaient les créneaux obtenus auprès des personnes patientant dans la file d’attente. Ce phénomène était cependant « artisanal » et pouvait être contenu en gérant finement le nombre de créneaux ouverts. La généralisation progressive de la prise électronique de rendez-vous favorise le développement de ce type de comportement délictueux. Des associations, la sous-préfecture du Raincy et la préfecture de l’Hérault ont confirmé à la mission d’information que des créneaux de rendez-vous obtenus électroniquement se revendaient à des prix de 50, 100 voire 200 euros ».

([70]) https://www.herault.gouv.fr/Actualites/INFOS/Usagers-etrangers-en-situation-reguliere-Prenez-rendez-vous-ici

([71]) https://www.mayenne.gouv.fr/Prendre-rendez-vous-en-ligne   

([72]) La réponse apportée le 10 décembre 2019 à la question écrite n° 23368 de M. Alexis Corbières indique qu’en mai 2019 « le module national de prise de rendez-vous a été mis à jour pour intégrer un contrôle anti-robot (technologie « re-captcha ») afin de limiter la captation des rendez-vous mis à disposition par les services. De plus, le nombre de réservation en cours peut être limité : cela signifie qu’avec une même adresse mail, un usager ne pourra prendre qu’un nombre de rendez-vous défini au préalable. En matière de renouvellement, le module intègre désormais une option rendant obligatoire pour l’usager la saisie de son numéro AGDREF, ce qui déclenche une interrogation de la base de données pour vérifier si le numéro existe et, le cas échéant, empêcher la prise de rendez-vous indue. Les actions intrusives constatées par les préfets font systématiquement l’objet de plaintes auprès de l’autorité judiciaire, sensibilisée à la lutte contre ces pratiques ».

([73]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020, page 9. Il est indiqué qu’en 2019, ce contentieux « a représenté plus de 40 % des affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs, soit 94 260 affaires, et plus de 50 % de celles enregistrées devant les cours administratives d’appel, soit 18 086 affaires. En comparaison, le deuxième type de contentieux le plus important, celui de la fonction publique devant les tribunaux administratifs et le contentieux fiscal devant les cours administratives d’appel, ne représentaient respectivement que 9,4 % et 11,6 % des affaires enregistrées en 2019. Devant le Conseil d’État, si le contentieux des étrangers est d’une moindre ampleur (2 085 affaires enregistrées en 2019) et d’une nature différente (car il s’agit pour l’essentiel d’un contentieux de cassation), il est à noter qu’il représente aujourd’hui environ 20 % de l’ensemble des affaires enregistrées, contre 13 % en 2014 ».

([74]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020, page 9.

([75]) Les rapporteurs spéciaux remercient tout particulièrement M. Jean-Noël Bruschini, directeur de la prospective et des finances du Conseil d’État, et Mme Dominique Jamois, chef de bureau au Conseil d’État, pour la réalisation de cette enquête.

([76]) Étaient concernés par cette mesure : les visas de long séjour, les titres de séjour (à l’exception de ceux délivrés au personnel diplomatique et consulaire étranger), les autorisations provisoires de séjour, les récépissés de demandes de titres de séjour et les attestations de demande d’asile.

([77]) La durée de validité des documents suivants arrivant à expiration entre le 16 mai et le 15 juin 2020 a été prolongée de 180 jours : visas de long séjour, titres de séjour (à l’exception de ceux délivrés au personnel diplomatique et consulaire étranger), autorisations provisoires de séjour et récépissés de demandes de titres de séjour. La durée de validité des attestations de demande d’asile arrivant à expiration entre le 16 mai et le 15 juin 2020 a été prolongée de 90 jours.

([78]) Défenseur des droits, décision n° 2020-142, 10 juillet 2020, page 7.

([79]) Défenseure des droits, décision n° 2020-210, 18 décembre 2020, page 3.

([80]) À l’inverse, depuis le 1er janvier 2021, la sous‐préfecture de Sarcelles a désactivé la plateforme de rendez-vous en ligne utilisée pour les demandes d’admission exceptionnelles au séjour et l’a remplacée par une procédure par voie postale.

([81]) Ainsi, des créneaux de rendez-vous ont été accessibles pendant 21 jours pour les étrangers en situation régulière « demande urgente » (titre périmé), pendant 10 jours pour les autres étrangers en situation régulière et pendant 3 jours pour les étrangers en situation irrégulière.

([82]) Défenseure des droits, avis n° 21-03, 28 avril 2021, page 4.

([83]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020, page 30.

([84]) Communiqué de presse interassociatif du 21 janvier 2021. Organisations signataires : La Cimade, Dom Asile, Secours catholique, Fédération des associations de solidarité avec tou·te·s les immigré‑e‑s, Réseau éducation sans frontières, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l’homme, Union syndicale solidaires, Fédération syndicale unitaire, Groupe d’information et de soutien des immigrés, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Confédération générale du travail, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, Association de solidarité avec les mineurs isolés étrangers, Femmes de la terre et Fédération des conseils de parents d’élèves.

([85]) Conseil d’État, décision n° 435594, 10 juin 2020. Dans cette décision, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles le juge administratif peut, dans le cadre d’un « référé mesures utiles », prononcer une injonction à l’encontre de l’administration. Ainsi, « lorsque le rendez-vous ne peut être obtenu qu’en se connectant au site internet de la préfecture, il résulte […] que, si l’étranger établit qu’il n’a pu obtenir une date de rendez-vous, malgré plusieurs tentatives n’ayant pas été effectuées la même semaine, il peut demander au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L 521‑3 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de lui communiquer, dans un délai qu’il fixe, une date de rendez-vous. Si la situation de l’étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il fixe un délai bref en cas d’urgence particulière ». En l’espèce, le requérant ne justifiait que de quatre captures d’écran datées du 13 au 18 septembre 2019, d’un courrier recommandé et d’un courriel adressés au préfet le 13 septembre 2019. Ces éléments ont été jugés insuffisants pour enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui fixer un rendez-vous.

([86]) Conseil d’État, décision n° 448178, 21 avril 2021. Dans cette décision, le Conseil d’État précise notamment qu’un requérant peut tout à fait présenter à l’appui de sa requête des captures d’écran anonymes. Ainsi, « pour rejeter la demande présentée par M. B... […]  tendant à ce qu’il soit ordonné au préfet de la Seine‑Saint‑Denis de lui donner une date de rendez-vous pour qu’il puisse déposer un dossier de demande de titre de séjour, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a considéré que les très nombreuses captures d’écran du site de la préfecture indiquant l’absence de plage horaire disponible durant les mois de juin, juillet, août et octobre 2020 qu’il produisait étant anonymes, il ne pouvait être regardé comme apportant suffisamment d’éléments de nature à établir qu’il aurait tenté en vain d’obtenir une date de rendez-vous. En statuant ainsi, alors qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que lorsqu’un étranger tente d’obtenir un rendez-vous sur le site de la préfecture de la Seine‑Saint‑Denis en vue de déposer une demande de titre de séjour, la page indiquant qu’il n’existe plus de plage horaire disponible est toujours anonyme, dès lors qu’elle apparaît avant même que l’étranger ait été en mesure d’enregistrer ses données personnelles, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a dénaturé les pièces du dossier ».

([87]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020, page 30.

([88]) Immigration : la dématérialisation, « c’est la fin des files d’attente devant les préfectures », entretien avec l’AFP, 16 avril 2021.

([89]) Ministère de l’intérieur, Les étrangers en France, année 2019, page 51.

([90]) Ministère de l’intérieur, L’essentiel de l’immigration, janvier 2021.

([91]) Cf. supra et instruction n° 18-001369-I du 27 décembre 2018 portant renforcement de l’attractivité des services « étrangers » des préfectures.

([92]) La fédération syndicale du ministère de l’intérieur – Force ouvrière a indiqué que la revalorisation de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise représentait un gain de 80 euros par an pour un agent de catégorie C, 120 euros pour un agent de catégorie B et 150 euros pour un agent de catégorie A.

([93]) Les délais les plus longs s’élèvent à 6 mois (Rhône et Tarn-et-Garonne) et 8 mois (Alpes-Maritimes).

([94]) Faute de données sur l’évolution des effectifs chargés du séjour, la comparaison porte sur l’évolution des effectifs des services étrangers et des titres de séjour délivrés. Une comparaison entre l’évolution des effectifs des services chargés du séjour et des titres de séjour délivrés aurait été plus pertinente mais n’a pas pu être réalisée.

([95]) Défenseure des droits, avis n° 21-03, 28 avril 2021, page 5.

([96]) Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, mai 2020, page 68.

([97]) Arrêté du 20 novembre 2020 fixant la liste des pièces à fournir par les ressortissants britanniques et les membres de leur famille pour la délivrance de la carte de séjour ou du document de circulation portant la mention « Accord de retrait du Royaume-Uni de l’UE ».

([98]) Défenseure des droits, avis n° 21-03, 28 avril 2021, page 8.

([99]) Tribunal administratif de Rouen, décision n° 2001555 du 1er décembre 2020.

([100]) Défenseure des droits, avis n° 21-03, 28 avril 2021, page 7.

([101]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020, page 30.

([102]) Défenseur des droits, décision n° 2020-142 du 10 juillet 2020, page 9.

([103]) Rapport annuel de performance 2020 de la mission Administration générale et territoriale de l’État, page 155.

([104]) Rapport annuel de performance 2020 de la mission Administration générale et territoriale de l’État, page 106.

([105]) En 2019, les tribunaux administratifs ont rendu 223 229 décisions (Conseil d’État, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2019, page 15) pour un coût de 165,52 millions d’euros (rapport annuel de performance de la mission Conseil et contrôle de l’État 2019, page 29). 165,52 millions / 223 229 = 741,48 euros.

([106]) Les refus d’aide juridictionnelle peuvent cependant être contestés et alimenter un autre contentieux.

([107]) 1 144 x 1 575 euros = 1 801 800 euros mais tous les contentieux ne donnent pas lieu à l’attribution d’une aide juridictionnelle ce qui explique le montant proposé (1,5 million d’euros).

([108]) Une dépense de 1,5 million d’euros est estimée pour 4 mois. La dépense sur 12 mois est évaluée à 4,5 millions d’euros (1,5 million d’euros x 3).

([109]) Le coût pour les 36 autres tribunaux ne se résume pas à une simple multiplication puisque le nombre de requêtes peut varier fortement selon les territoires et que les six tribunaux dont le nombre de requêtes est connu se situent a priori dans la tranche haute de ceux concernés par ce contentieux.

([110]) Coût annuel de 26 000 euros x 250 ETP = 6 500 000 euros sur un an. Sur deux ans = 13 millions d’euros. Sur trois ans = 19,5 millions d’euros.

([111]) Ce plan prévoit le recrutement de 1 000 personnels supplémentaires dans les tribunaux judiciaires (500 pour une durée de trois ans renouvelables une fois et 500 pour une durée d’un an afin de désengorger les stocks).

([112]) Article 2 du cahier des clauses techniques particulières du marché public n° 190002 de prestations de premier accueil des demandeurs d’asile, page 6.

([113]) Cf. Cour des comptes, L’externalisation du traitement des demandes de visa à l’étranger : une réforme réussie, un succès à conforter, 2017.

([114]) En 2019, dans un rapport non publié, la Cour des comptes a regretté « l’allongement considérable des délais, principalement pour l’établissement des premiers actes d’état-civil » par l’OFPRA. Ce délai est passé de 111,5 jours en moyenne en 2014 à 143 jours en 2018.

([115]) Conseil d’État, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous », septembre 2020, « Des marges de productivité peuvent être trouvées dans la gestion des flux en préfecture, en allongeant la durée de validité ou en dématérialisant la délivrance des récépissés de demande de titre de séjour et attestations de demande d’asile, pour éviter le traitement administratif inutile qu’implique le renouvellement de ces actes, et en luttant contre la tendance consistant à imposer une répétition des passages au guichet aux fins de contrôle. Certaines préfectures se sont engagées dans une réduction volontariste du nombre de passages au guichet nécessaire pour l’examen de la situation d’un même demandeur » (page 55).

([116]) Cour des comptes, L’entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, 5 mai 2020, pages 17 et 72.

([117]) Défenseure des droits, avis n° 21-03, 28 avril 2021, page 6.

([118]) Rapport du collège de praticiens du droit des étrangers, janvier 2020 (Pascal Brice, ancien directeur général de l’OFPRA ; Claire Brice-Delajoux maître de conférences en droit public ; Jean-François Carenco, président de COALLIA, préfet honoraire ; Luc Derepas, ancien directeur général des étrangers en France ; Olivier Gainon, chef d’entreprise ; Pascale Gérard, praticienne de l’insertion professionnelle ; Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés /COSI ; Anatole Puiseux, fonctionnaire de l’État ; Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT et Bérangère Taxil, professeure de droit public. Ce rapport suggère notamment que « la durée minimale des titres, sauf cas particuliers dûment justifiés par les particularités du séjour, devrait être de cinq ans. Les titres de séjour de dix ans - délivrés d’emblée ou lors du renouvellement après un premier séjour de cinq ans - doivent être remplacés par des titres de séjour permanents dès lors que la carte de résident est renouvelable de plein droit », page 21.