N° 4195

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

 

ANNEXE N° 35
 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Olivier DAMAISIN

 

 

Député

______

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

Suivi des recommandations des années précédentes

PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION POUR 2020 DE LA MISSION RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE ET DU CAS PENSIONS

I. les crédits de la mission régimes sociaux et de retraite sont marqués par les conséquences de la crise sanitaire, en particulier pour les régimes du transport terrestre

A. le Programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres a fait l’objet d’une légère sur-exécution

1. Les crédits alloués au régime de retraite du personnel de la SNCF ont dépassé la prévision en raison principalement des conséquences de la crise sanitaire

2. Le régime de retraite de la RATP est caractérisé par une sous-exécution en 2020, qui s’explique toutefois par les limites de la programmation initiale

3. Les autres régimes et dispositifs financés par le programme 198 pourraient faire l’objet d’une évolution de la maquette budgétaire

B. l’exécution du programme 197 finançant LE régime de retraite des marins s’est avérée parfaitement en phase avec la prévision

C. le Programme 195 fait l’objet d’une sousexécution en 2020 en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires

II. l’exécution du compte d’affectation spéciale pensions s’avère très proche de la prévision réalisée en LFI pour 2020

A. le programme 741 est marqué par les effets de la crise sanitaire

B. les dépenses du programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État sont légèrement inférieures à la prévision

C. le programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions est marqué par la baisse des effectifs de pensionnés

DEUXIÈME PARTIE - thème d’évaluation : LES PENSIONS DE RÉVERSION DANS LES RÉGIMES SPÉCIAUX  DE RETRAITE ET LE RÉGIME DE RETRAITE  DE LA FONCTION PUBLIQUE D’ÉTAT

I. les grandes données relatives aux pensions de réversion dans le système de retraite français

A. Les pensions de réversion dans le paysage des retraites français

B. Quelques constats généraux communs à tous les régimes de réversion

II. Le fonctionnement dans les régimes spéciaux et la comparaison avec le régime général

A. les régimes de retraite spéciaux et de la fonction publique d’État

1. La fonction publique d’État

a. Éléments statistiques et juridiques

b. Les effets économiques des règles relatives à la réversion

2. Les pensions de réversion dans le régime de retraite de la SNCF

a. Présentation juridique et statistique

b. Les effets économiques des règles relatives à la réversion

3. La réversion dans le régime de retraite de la RATP

a. Présentation juridique et statistique

b. Les effets économiques des règles relatives à la réversion

4. Le régime des marins

a. Présentation juridique et statistique

b. Les effets économiques des règles relatives à la réversion

III. La réversion pour les salariés du secteur privé et les fonctionnaires territoriaux

A. Le régime des salariés du secteur privé

1. La réversion du régime de retraite des salariés du secteur privé répond principalement à une logique de redistribution

2. La réversion versée par l’AGIRC ARRCO répond quant à elle à une logique patrimoniale et de maintien du niveau de vie

3. Des objectifs et des conséquences économiques différents de ceux des régimes spéciaux

B. Le régime de réversion des fonctionnaires territoriaux est proche de celui de la fonction publique d’état

IV. La réversion dans une société en mutation : la nécessité de repenser certains paramètres du dispositif

A. Des évolutions strucutrantes de la société sont en cours

1. L’évolution des carrières féminines

2. L’évolution de la conjugalité

B. la pension de réversion des différents régimes de retraite : des objectifs et des règles variées, pouvant entraîner une forte iniquité entre les assurés et une déconnexion croissante avec les évolutions de la société

1. Des objectifs multiples et peu définis

2. Des règles très différentes entre les régimes qui favorisent l’iniquité et limitent la lisibilité

3. La nécessaire adaptation du dispositif à l’évolution de la société

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

SOURCES UTILISÉES


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   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

L’exécution pour 2020

 L’exécution de la mission Régimes sociaux et de retraite atteint en 2020 6,25 milliards d’euros en AE et 6,24 milliards d’euros en CP, en hausse de 1 % par rapport à 2019, mais inférieure de 0,27 % à la prévision pour 2020 en CP.

● La sur-exécution des crédits de la mission s’explique principalement par les besoins de financement de la SNCF, accrus par la mise en place du chômage partiel, qui a eu pour effet de limiter les cotisations perçues par la caisse de retraite. Par voie de conséquence, la subvention d’équilibre de l’État est venue compenser ces moindres recettes, à hauteur de 78 millions d’euros.

● L’exécution du CAS Pensions pour 2020 s’avère très proche de la prévision, ses dépenses atteignant 59,55 milliards d’euros (– 0,1 % par rapport à la prévision). Ses recettes atteignent 60,81 milliards d’euros (– 0,4 par rapport à la prévision). Le solde du CAS est donc positif, atteignant 1,26 milliard d’euros, portant le solde cumulé du CAS à 9,12 milliards d’euros. Le maintien du solde cumulé à un niveau élevé est nécessaire, les soldes annuels étant de moins en moins importants chaque année, traduisant l’évolution démographique du régime de la fonction publique d’État.

Thème d’évaluation : les pensions de réversion dans les régimes spéciaux de retraite et le régime de retraite de la fonction publique d’État

● La pension de réversion est une part de la pension de droit direct du conjoint décédé versée au conjoint survivant, sous condition de ressources, d’âge ou de non-remariage, conditions qui diffèrent selon les régimes de retraite. En 2018, tous régimes confondus, 4,4 millions de personnes étaient titulaires d’une pension de retraite de droit dérivé, soit environ 25 % des retraités. 88 % des bénéficiaires d’une pension de réversion sont des femmes, et un quart des bénéficiaires de réversion ne perçoit pas d’autre pension. Les dépenses de réversion représentent un coût de 37 milliards d’euros, soit 11 % des dépenses de retraite.

● Les réversions se caractérisent par une grande variété de règles selon les régimes, à l’exception de la condition de mariage. Si les différents régimes de réversion répondent à des objectifs divers, parfois même au sein d’un même régime, les régimes spéciaux de retraite et le régime de retraite de la fonction publique d’État obéissent prioritairement à un objectif de préservation du niveau de vie du conjoint survivant et à une logique de préservation des droits acquis. Cette logique s’oppose à la logique redistributive du régime général.

 

● La diversité et la complexité des règles touchant aux réversions sont dommageables à plusieurs égards. Elles limitent la lisibilité du dispositif pour les assurés ainsi que la connaissance de leurs droits. En outre, elles sont source d’iniquité entre des personnes placées dans une même condition objective de veuvage. Ces différences de traitement semblent d’autant moins justifiées que tous les régimes étudiés sont financés en grande partie par l’État.

● Les règles qui régissent la réversion sont marquées par le contexte historique d’une époque où les femmes n’avaient pas d’activité professionnelle et ne se constituaient pas de droits propres à la retraite. La réversion leur offrait un moyen de subsistance lors du décès de leur conjoint. Toutefois, les évolutions culturelles et économiques de la société tendent à éloigner progressivement le fonctionnement de la réversion de la situation des assurés. Tout d’abord, et bien que des inégalités importantes persistent, la carrière des femmes leur permet souvent de se constituer des droits à la retraite, et ce de manière croissante. Par conséquent, la proportion de retraités dont le niveau de vie ne sera pas dégradé à la suite du veuvage augmentera dans les années à venir. Plus encore, les évolutions de la conjugalité, et notamment l’augmentation du nombre de couples vivant sous le régime du PACS ou en concubinage, mène à une situation paradoxale : une part significative des actifs contribue au financement des pensions de réversion, quand bien même eux n’en bénéficieront pas, n’étant pas mariés. Ce phénomène est d’autant plus problématique qu’un grand nombre d’assurés ignore que le PACS n’ouvre pas de droit à réversion.

évolution des soldes annnuels et cumulé du cas pensions

(en milliards d’euros)

 

   RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

Recommandations portant sur la mission Régimes sociaux et de retraite et sur le CAS Pensions

● Indemniser au plus vite les moindres recettes dues au chômage partiel.

● Rationaliser la maquette de la mission Régimes sociaux et de retraite : le congé de fin d’activité est davantage un dispositif de soutien sectoriel qu’un régime de retraite. Son financement par la mission n’est donc pas justifié et limite sa lisibilité. A contrario, la mission ne retrace pas les crédits de l’intégralité des régimes spéciaux subventionnés par l’État.

● Présenter les perspectives pluriannuelles des besoins de financement prévisionnels des régimes spéciaux de la mission.

Recommandations portant sur le thème d’évaluation

● Renforcer l’information des assurés quant à la réversion, et notamment quant à la non prise en compte du PACS pour l’ouverture du droit à réversion.

● Permettre aux caisses de retraite d’accéder aux données fiscales de leurs assurés, afin de les accompagner plus efficacement, de les conseiller dans leur accès au droit, tout en assurant un meilleur contrôle du respect des conditions de délivrance de la réversion.

● Étendre la prise en compte de la période de PACS antérieure à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe mariés depuis lors pour la prise en compte de la condition de durée de mariage des couples concernés.

● Après évaluation des conditions juridiques et financières, étendre le bénéfice de la réversion aux couples pacsés depuis plus de cinq ans et présentant des preuves manifestes de vie commune au moment du décès du conjoint.

 

 


—  1  —

   Suivi des recommandations des années précédentes

Le rapporteur spécial a formulé dans ses précédents rapports plusieurs recommandations, dont la mise en œuvre est toutefois très incertaine à ce stade :

Recommandations portant sur la maquette budgétaire et les indicateurs de performance

Le rapporteur spécial recommande depuis plusieurs années maintenant de supprimer le financement du congé de fin d’activité (CFA) du secteur routier de la mission. Il ne s’agit pas d’un régime de retraite mais plutôt d’un dispositif de soutien sectoriel, qui trouverait sa place de manière plus cohérente dans la mission Écologie développement et mobilités durables. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

À défaut de la mise en œuvre de la recommandation précédente, introduire un sous-indicateur mesurant la part des conducteurs demandant à bénéficier du dispositif sur le nombre de conducteurs pouvant en bénéficier. Ce sous-indicateur permettrait de fiabiliser les précisions de dépenses, incertaines et volatiles concernant ce dispositif. Cette recommandation n’a pas été appliquée

Une autre des recommandations récurrentes du rapporteur spécial est la présentation au sein de la mission des crédits dédiés au financement de tous les régimes spéciaux de retraite. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

Le rapporteur recommandait la suppression du régime complémentaire obligatoire (RCO) du secteur agricole de la maquette, pour des raisons de cohérence. L’exercice 2020 ne comporte plus de crédits dédiés à ce dispositif, qui fait maintenant l’objet d’un financement par taxes affectées. Cette recommandation a été appliquée.

Le rapporteur spécial recommande d’unifier les indicateurs de performance du CAS Pensions, a minima pour les programmes 741 et 743. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

Recommandations portant sur l’exécution

Dans le cadre de son rapport portant sur l’exécution pour l’année 2019, le rapporteur spécial avait souligné l’importance de maintenir la trésorerie de l’établissement national des invalides de la marine (ENIM) à un niveau suffisant, et non de profiter de l’absence d’obligation pour l’État de compenser intégralement son déficit. L’exécution pour 2020 révèle que la trésorerie de l’ENIM atteint à nouveau un niveau satisfaisant. Cette recommandation a été appliquée.

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : L’EXÉCUTION POUR 2020 DE LA MISSION RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE ET DU CAS PENSIONS

La première partie de ce rapport spéciale présente l’exécution pour 2020 de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale (CAS).

I.   les crédits de la mission régimes sociaux et de retraite sont marqués par les conséquences de la crise sanitaire, en particulier pour les régimes du transport terrestre

La mission Régimes sociaux et de retraite retrace les dépenses de l’État en faveur des principaux régimes spéciaux de retraite. Plusieurs raisons expliquent leur caractère déficitaire et justifient leur financement par l’État.

● Tout d’abord, ils sont déficitaires en raison de leur déséquilibre démographique. C’est le cas des régimes fermés notamment, comme celui de la SNCF ou des mines, qui n’accueillent plus de nouveaux affiliés. C’est également le cas des régimes spéciaux ouverts mais présentant un déséquilibre démographique. Par conséquent, le nombre de pensionnés croît, augmentant les dépenses, tandis que le nombre d’actifs, qui alimentent le régime par leurs cotisations, diminue. Ce ratio démographique déséquilibré entraîne un besoin de financement. Ainsi, la subvention de l’État a contribué à financer 68,2 % des pensions des régimes couverts par la mission ([1]).

ratios démographiques des principaux régimes de retraite
de la mission en 2019

 

Régime de retraite de la SNCF

Régime de retraite de la RATP

Régime de retraite des marins

Régime de retraite des mines

Ratio démographique

0,63

0,84

0,28

0,005

Part des cotisations ramenée aux pensions

35,8 %

40,7 %

10,5 %

0,6 %

Part de la subvention ramenée aux pensions

63,4 %

61,5 %

81,3 %

84,3 %

Lecture : le régime des marins enregistre 0,28 cotisant pour un pensionné.

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires et de la note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes.

● D’autre part, les régimes spéciaux de retraite se caractérisent par des paramètres distincts du régime général des salariés du privé en ce qui concerne les cotisations et les pensions versées, pouvant également entraîner un besoin de financement accru.

La contribution de l’État est déterminée de la même manière pour tous les régimes spéciaux subventionnés : les besoins prévisionnels (les pensions devant être payées, les charges de gestion, et la compensation démographique) sont comparés aux ressources prévisionnelles (constituées en premier lieu des cotisations versées par les salariés et les employeurs). La différence entre ces deux montants correspond au besoin de financement de la caisse, que vient combler la subvention d’équilibre de l’État ([2]).

La mission Régimes sociaux et de retraite est donc constituée en majeure partie de dépenses contraintes, fruits des engagements de l’État et illustration de la solidarité nationale.

Les déterminants des dépenses de pensions

Le montant des pensions devant être payées par les caisses de retraite dépend de plusieurs facteurs :

– le nombre de retraités, lui-même fonction du nombre de départs à la retraite (les entrées en pension) et des décès (sorties de pension) ;

– le montant de la pension moyenne, lui-même fonction du taux de revalorisation et du remplacement des pensions des retraités décédés par celles de nouveaux retraités, dont la pension est en moyenne plus importante.

Le montant des recettes dépend également de deux facteurs principaux :

– les cotisations, en fonction de la masse salariale et du taux de cotisation ;

– les transferts démographiques, qui peuvent difficilement être anticipés à l’avance.

L’exécution pour l’année 2020 est fortement marquée par les conséquences de la crise sanitaire liée au covid‑19, en premier lieu concernant les recettes perçues par les caisses de retraite. En effet, le chômage partiel ou le recul de l’activité ont entraîné des moindres cotisations, augmentant par voie de conséquence le besoin de financement devant être couvert par l’État.

Par voie de conséquence, les dépenses de la mission ont été légèrement supérieures à la prévision (+ 0,8 % en AE et + 0,27 % en CP). Le programme 198, qui concentre la plus grande partie des crédits du programme, explique cette sur-consommation, financée par le biais de reports.

A contrario, les crédits du programme 195 sont en baisse et inférieurs à la prévision. Ils ont fait l’objet d’annulations de crédits dans le cadre de la quatrième loi de finances pour 2020.

L’exécution des crédits de la mission pour 2020

(en millions d’euros)

 

Crédits demandés en LFI

Crédits exécutés en LFI

Écart en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

198 - Régimes sociaux et de retraite

4 201,0

4 201,0

4 222,5

4 221,6

0,51 %

0,49 %

197 - Régime de retraite et de sécurité sociale des marins

823,2

823,2

823,2

823,2

0,00 %

0,00 %

195 - Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 203,4

1 203,4

1 199,5

1 199,5

– 0,32 %

– 0,32 %

TOTAL

6 227,5

6 227,5

6 245,2

6 244,3

0,28 %

0,27 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Les crédits de la mission sont légèrement plus importants en 2020 qu’en 2019 (+ 0,9 % en CP). Cette augmentation modérée masque toutefois une évolution significative de la maquette de la mission : la subvention au régime complémentaire obligatoire (RCO) a été supprimée à compter de l’exercice 2020. En neutralisant cet effet de périmètre, la hausse réelle des dépenses est de l’ordre de 1,8 %, soit 113,1 millions d’euros.

En outre, cette augmentation totale modérée recouvre en réalité une augmentation importante de la subvention d’équilibre allouée aux régimes de retraite du transport terrestre : la subvention du programme 198 dépasse de 166,2 millions d’euros celle allouée au programme en 2019. Il convient en outre de noter que la hausse des subventions du programme 198 ne s’explique qu’en partie par les effets de la crise, puisque les crédits ouverts en LFI pour 2020 étaient d’ores et déjà supérieurs de 0,9 % aux crédits ouverts en LFI pour 2019, alors que l’exécution pour 2020 est supérieure de 4,1 % à celle de 2019.

Cette croissance importante est imparfaitement compensée par la baisse des crédits alloués aux régimes fermés du programme 195, encore plus importante que prévu (– 105,62 millions d’euros par rapport à 2019).

 

 

 

 

évolution de la prévision et de la consommation entre 2019 et 2020

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

AE

CP

Prévision
Consommation

 

2019

2020

Écart entre la prévision et la réalisation en 2020

Variation de la prévision entre 2019 et 2020 et de la consommation entre 2019 et 2020

2019

2020

Écart entre la prévision et la réalisation en 2020

Variation de la prévision entre 2019 et 2020 et de la consommation entre 2019 et 2020

198 Régimes sociaux et de retraite

4 163,5

4 201,0

0,5 %

0,90 %

4 163,5

4 201,0

0,5 %

0,90 %

4 055,4

4 222,5

4,12 %

4 055,4

4 221,6

4,10 %

197 - Régime de retraite et de sécurité sociale des marins

815,7

823,2

0,0 %

0,92 %

815,7

823,2

0,0 %

0,92 %

825,6

823,2

 0,29 %

825,6

823,2

 0,29 %

195 - Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 305,1

1 203,4

– 0,3 %

– 7,80 %

1 305,1

1 203,4

– 0,3 %

– 7,80 %

1 305,1

1 199,5

– 8,09 %

1 305,1

1 199,5

– 8,09 %

TOTAL

6 284,3

6 227,5

0,3 %

 0,90 %

6 284,3

6 227,5

0,3 %

 0,90 %

6 186,2

6 245,2

0,95 %

6 186,2

6 244,3

0,94 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Les derniers exercices budgétaires démontrent une exécution relativement stable, mais non linéaire. Sur le long terme, la masse des pensions comme la masse des cotisations devraient progressivement diminuer (à l’exception de la CRP RATP, pour laquelle le nombre de pensionnés comme les cotisations devraient continuer à croître). Les crédits de la mission devraient enregistrer une baisse progressive jusqu’en 2030, avant de stagner en euros constants, sous l’effet conjugué des évolutions démographiques de ces régimes et des réformes mises en œuvre en 2010 et en 2014, qui ont d’ores et déjà conduit respectivement à une moindre dépense de pensions de 6 millions d’euros et de 2,5 millions d’euros pour la SNCF.

Le régime de retraite de la SNCF pourrait toutefois enregistrer des besoins de financements supplémentaires à compter de 2030, en raison de la mise en œuvre du pacte ferroviaire et de la fermeture du régime au 1er janvier 2020 (cf. infra). Ainsi, en 2050, 87,2 % du montant cumulé, des 3 844 pensions qui seront versées sera financé par la subvention de l’État ([3]).

Le rapporteur spécial souligne la nécessité de disposer de projections pluriannuelles consolidées quant aux besoins de financement à venir des différents régimes spéciaux, ainsi que d’une présentation claire des effets budgétaires des réformes successives. Cet exercice de projection pluriannuelle est d’autant plus nécessaire que les crédits de la mission financent des dépenses contraintes : ils engagent en réalité le budget de l’État pour de nombreuses années et de manière impérative.

L’Évolution de l’exÉcution des crÉdits de la mission
au cours des derniÈres annÉes (À maquette constante)

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits exécutés en 2017

Crédits exécutés en 2018

Crédits exécutés en 2019

Crédits exécutés en 2020

Évolution entre 2019 et 2020

Évolution entre 2017 et 2020

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

198 – Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 074,9

4 074,9

4 246,8

4 246,8

4 055,4

4 055,4

4 222,5

4 221,6

4,1 %

4,1 %

3,6 %

3,6 %

197 – Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

828,1

828,1

824,3

824,3

825,6

825,6

823,2

823,2

– 0,3 %

– 0,3 %

– 0,6 %

– 0,6 %

195 – Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 426,6

1 426,6

1 376,8

1 376,8

1 305,1

1 305,1

1 199,5

1 199,5

– 8,1 %

– 8,1 %

– 15,9%

– 15,9 %

TOTAL

6 329,5

6 329,5

6 448,0

6 448,0

6 186,2

6 186,2

6 245,2

6 244,3

1,0 %

0,9 %

 1,3 %

 1,3 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

exécution des crédits de la mission, en crédits de paiement

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

 

Le rapporteur spécial renouvelle les recommandations formulées dans le cadre de ses précédents rapports : la mission Régimes sociaux et de retraite ne retrace pas l’intégralité des crédits des régimes spéciaux de retraite subventionnés par la puissance publique. A contrario, elle finance un dispositif qui n’est pas un proprement parler un régime de retraite, mais un dispositif de soutien sectoriel, le congé de fin d’activité (CFA) des chauffeurs routiers. Comme le recommande également la Cour des comptes ([4]), ce dispositif pourrait utilement être transféré au programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilités durables ».

Cette évolution de la maquette budgétaire permettrait de poursuivre la dynamique enclenchée avec la suppression du RCO du secteur agricole du périmètre de la mission en 2020, remplacée par une évolution des taxes affectées au financement de la MSA.

Enfin, le rapporteur souligne la faible pertinence de l’application de la réserve de précaution sur une mission constituée de dépenses non pilotables dans leur immense majorité.

A.   le Programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres a fait l’objet d’une légère sur-exécution

Le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres porte les contributions de l’État à plusieurs régimes de retraite du transport terrestre rendus déficitaires par leur ratio démographique déséquilibré ou en extinction, ainsi qu’à des dispositifs d’aide au départ spécifiques au secteur du transport terrestre

exécution du programme 198 en 2020

(en millions d’euros et en pourcentages)

 

Crédits votés en LFI

Crédits exécutés

Écart entre la prévision en LFI et l’exécution

Écart entre la prévision en LFI et l’exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

03 – Régime de retraite du personnel de la SNCF

3 302,44

3 302,44

3 342,85

3 342,00

1,2 %

1,2 %

40,42

39,56

04 – Régime de retraite du personnel de la RATP

746,37

746,37

732,05

732,05

– 1,9 %

–1,9 %

– 14,32

– 14,32

05 – Autres régimes

152,16

152,16

147,58

147,58

– 3,0 %

– 3,0 %

– 4,58

– 4,58

TOTAL

4 200,97

4 200,97

4 222,48

4 221,63

0,5 %

0,5 %

21,51

20,66

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

L’exécution pour 2020 se caractérise par une légère sur-exécution (0,5 %), tant en AE que CP, par rapport aux crédits votés en LFI. Les crédits affectés au régime de retraite de la SNCF expliquent cette sur-exécution (eux-mêmes dépassent la prévision de dépenses de 1,2 %).

Ces résultats viennent conforter la croissance des crédits du programme, déjà plus importants de 145,6 millions d’euros en prévision pour 2020, par rapport à la prévision pour 2019. Ainsi, les crédits exécutés en 2020 au titre de la mission dépassent de 4,1 % ceux exécutés en 2019, pour atteindre 4,22 milliards d’euros. L’ensemble des actions concourent à cette hausse.

1.   Les crédits alloués au régime de retraite du personnel de la SNCF ont dépassé la prévision en raison principalement des conséquences de la crise sanitaire

Les crédits dédiés au régime de retraite de la SNCF représentent 78,6 % des crédits inscrits en LFI.

Les crédits ouverts en LFI pour le régime de retraite du personnel de la SNCF atteignaient 3,30 milliards d’euros en AE et en CP, inférieur de 61 millions d’euros par rapport aux CP ouverts pour 2019. Pour autant, l’exécution pour 2020 atteint 3,34 milliards d’euros en AE et en CP, supérieur de 1,2 % à la prévision (+ 39,56 millions d’euros en CP).

Cette sur-exécution de la contribution d’équilibre s’explique par plusieurs facteurs aux effets contradictoires, tout d’abord sur les recettes :

– le recours au chômage partiel par la SNCF a conduit à une diminution importante des cotisations perçues par la caisse de retraite (les indemnités d’activité partielle étant exonérées de cotisations sociales). 78 millions d’euros de pertes ont été compensés pour la SNCF. Toutefois, l’impact réel du chômage partiel est estimé à 83,8 millions d’euros pour la CPRP SNCF. Par conséquent, une régularisation de recettes devrait intervenir durant l’année 2021.

Le rapporteur spécial recommande de procéder dans les meilleurs délais à la régularisation des moindres recettes dues au chômage partiel. Ces moindres recettes non intégralement compensées peuvent créer des tensions sur la trésorerie des caisses, a fortiori dans le contexte de la poursuite de l’application du chômage partiel durant l’année 2021. La poursuite de ces mesures devra également être compensée pour 2021 : dans un souci de bonne gestion et de lisibilité de l’exécution budgétaire, l’indemnisation pour 2020 devra être soldée avant la mise en œuvre de celle pour 2021.

L’ouverture du chômage partiel aux entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État : une innovation rendue nécessaire par la crise sanitaire

La SNCF et la RATP n’ont traditionnellement pas accès aux dispositifs de chômage partiel. Toutefois, la crise sanitaire a rendu nécessaire l’extension du dispositif à ces entreprises, dont l’activité s’est trouvée considérablement ralentie durant les périodes de confinement. Par conséquent, le Gouvernement a procédé à cette extension par l’ordonnance n° 2020-346 relative à l’ouverture de l’activité partielle aux entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État.

L’application de ce dispositif n’est pas sans conséquence sur les caisses de retraite : les rémunérations versées au titre du chômage partiel sont exonérées de charges sociales, entraînant une perte de recette pour les caisses.

Cette perte de recettes a été partiellement compensée par l’État en 2020, à hauteur de 94 millions d’euros, dont 78 millions d’euros pour la SNCF et 16 millions d’euros pour la RATP.

– le taux T1 a été actualisé à la baisse en cours d’année, entraînant une baisse de recettes de 13 millions d’euros ;

– des évolutions d’assiettes de cotisations et des régularisations de cotisations sont intervenues en cours d’années, pour un total de 15 millions d’euros environ.

A contrario, les charges de retraite ont été inférieures de 22,6 millions d’euros à la prévision. Ceci s’explique principalement par des effets démographiques, avec des baisses d’effectifs plus importantes que prévu (8,6 millions d’euros), et par l’écart entre le taux de revalorisation utilisée en prévision (revalorisation différenciée avec un taux d’inflation de 1,1 %) et celui constaté au cours de l’année 2020 (revalorisation différenciée avec un taux d’inflation de 1 %).

Les conséquences budgétaires du pacte ferroviaire et la compensation
versée par le régime général

La fermeture du régime de retraite de la SNCF est intervenue au 1er janvier 2020, en application de la loi n° 2018‑515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire. Dès lors, aucune nouvelle embauche n’a lieu « sous statut ». Par conséquent, alors que le nombre de retraités ressortissants du régime spécial va progressivement croître, à mesure que les actifs d’aujourd’hui liquident leurs droits à retraite, les cotisations perçues vont progressivement diminuer, car les salariés nouvellement embauchés cotiseront au régime général, et non plus au régime spécial.

Selon les projections de la CPRP SCNF, le montant de la subvention d’équilibre diminuerait jusqu’en 2030, car la baisse des pensions liée à la diminution du nombre de retraités serait plus importante que la baisse des cotisations. Toutefois, à compter de 2030, le rapport s’inverserait et le montant de la subvention d’équilibre devrait repartir à la hausse. Elle passerait ainsi de 2,84 milliards d’euros en 2030 à 3,35 milliards d’euros en 2050, soit une hausse de 17 % environ.

Afin de faire face à cette situation de déséquilibre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a instauré une obligation de compensation du régime de la SNCF par la CNAV et l’AGIRC‑ARRCO, régimes de droit commun dont le nombre de cotisants va augmenter en conséquence de la fermeture du régime. À cette compensation va venir s’ajouter la compensation démographique, commune à tous les régimes mais d’autant plus importante que le régime de la SNCF est déséquilibré.

Un accord a été trouvé dans le courant de l’année 2020 pour la mise en œuvre de cette compensation. Selon la méthode retenue, il semblerait que la compensation atteigne 12,4 millions d’euros en 2020, puis augmente progressivement jusqu’à atteindre 66 millions d’euros en 2023. Ces chiffres n’étant pas encore définitifs, une compensation de 10,2 millions d’euros a été versée en 2020.

Ainsi, le besoin de financement de la CPRP SCNF dépassait de 82,4 millions d’euros celui anticipé en LFI.

La différence constatée entre la contribution d’équilibre et le besoin de financement (3,34 milliards d’euros) et le besoin de financement brut constaté (3,38 milliards d’euros) s’explique par la prise en compte de la réserve de 26,9 millions d’euros dont disposait la CPRP SNCF à la fin de l’année 2019 et de 15,9 millions de dettes constatées en fin d’exercice et qui seront payées par l’État ultérieurement.


charges et produits de la cprn sncf
avant contribution d’équilibre de l’État

(en millions d’euros)

 

CHARGES

 

PRODUITS

 

LFI 2020

Exécution

Écart

LFI 2020

Exécution

Écart

Prestations

5 294,20

5 271,60

– 22,6

Cotisations

2 001,10

1 879,60

– 121,50

Compensation démographique

32

35

3,00

Compensation démographique

16

28,9

12,90

Autres charges

26,2

33,8

7,6

Compensation CNAV/AGIRC ARRCO

0

10,2

10,20

 

 

 

 

Autres produits

0,9

1,9

1,00

TOTAL

5 320,40

5 305,40

– 15,00

TOTAL

2 018,00

1 920,60

– 97,40

 

Différence entre les charges et les produits avant contribution d’équilibre de l’État

– 3 302,40

– 3 384,80

– 82,40

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

2.   Le régime de retraite de la RATP est caractérisé par une sous-exécution en 2020, qui s’explique toutefois par les limites de la programmation initiale

Les crédits alloués au régime de retraite de la RATP représentent 17,8 % des crédits inscrits en LFI. Ils enregistrent une forte croissance par rapport à 2019 (+ 52,15 millions d’euros), année au cours de laquelle les départs en retraite avaient enregistré une baisse significative.

Les crédits votés en LFI pour 2020 s’élevaient à 746,37 millions d’euros en AE et en CP. Cette budgétisation présentait toutefois des limites : le besoin de financement de la CRP RATP, hors effets de la crise, s’est révélé inférieur de 30 millions d’euros environ à la prévision, en raison, semblerait-il, d’incertitudes dans les prévisions démographiques (la consolidation des données reste toutefois à achever). En effet, le nombre de pensionnés a diminué de 2,7 % (réalisé de 39 414, contre une prévision de 40 476 individus), en raison d’un nombre de départs en retraite moins important qu’anticipé (1 084 départs en retraite contre 1 200 départs anticipés).

Ceci explique que malgré de moindres recettes conséquentes, la CRP RATP ait sous-exécuté les crédits qui lui étaient alloués.

En effet, alors qu’il aurait été logique d’observer, comme pour la CPRP SNCF, la nécessité d’accroître la subvention d’équilibre, l’existence de cette marge de manœuvre de 30 millions a permis de compenser des recettes moins importantes qu’anticipé, et en tout premier lieu le manque à gagner engendré par la mise en œuvre de l’activité partielle.

Cette dernière a entraîné des moindres recettes de 18,8 millions d’euros, dont 16 millions d’euros ont fait l’objet d’une compensation en 2020.

charges et produits de la cRP RATP
avant contribution d’équilibre de l’État

(en millions d’euros)

CHARGES

PRODUITS

 

LFI 2020

Exécution

Écart

 

LFI 2020

Exécution

Écart

Prestations

1 216,10

1 184,60

– 31,50

Cotisations

501,40

475,40

– 26,00

Compensations démographiques

32

35

3,00

Compensation démographique

0

0,8

0,8

autres charges

0,2

0

– 0,20

Autres produits

0,5

0,1

– 0,40

TOTAL

1 248,30

1 219,60

– 28,70

TOTAL

501,90

476,30

– 25,60

 

 

 

 

Différence entre les charges et les produits avant contribution d’équilibre de l’État

– 746,40

– 743,30

3,10

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Le besoin de financement qui équilibrerait les recettes et les dépenses est donc de 743,30 millions d’euros, contre 746,40 millions d’euros anticipés. Le versement final de l’État a atteint 732,2 millions d’euros. Par conséquent, la caisse enregistre un résultat négatif de 11,2 millions d’euros environ, venant peser sur sa trésorerie. Cet écart s’explique notamment par la révision en cours d’année du taux prévisionnel des cotisations patronales, dont les effets seront compensés en 2021.

Concernant les indicateurs de performance en lien avec la CRP RATP, le rapporteur spécial souligne que l’indicateur portant sur le coût d’une primo liquidation a évolué dans sa méthode de calcul. Il salue ce changement de la méthode de calcul qui rend l’indicateur plus pertinent. Toutefois, ces évolutions rendent également la comparaison d’année en année plus difficile.

De manière générale, outre ces ruptures de série, il serait pertinent d’uniformiser les modalités de calcul des indicateurs de performance des différents régimes de retraite de la mission. La comparabilité des différentes données reste en effet limitée.

3.   Les autres régimes et dispositifs financés par le programme 198 pourraient faire l’objet d’une évolution de la maquette budgétaire

La dernière action du programme 198 porte deux types de crédits.

D’une part, elle finance les pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer et de certains anciens agents des chemins de fer secondaires. Ces régimes de retraite, dont le coût total est de 33 millions d’euros, ne comptent plus qu’un faible nombre de pensionnés. Leur besoin de financement diminue d’année en année.

D’autre part, deux dispositifs de soutien sectoriel sont financés par le programme 198. Tout d’abord, le congé de fin d’activité (CFA), qui permet un départ en préretraite des conducteurs routiers d’au moins 57 ans et sous condition de durée de service. Chaque départ financé au titre du CFA doit donner lieu à l’embauche d’un salarié plus jeune. L’État finance 50 % du dispositif.

Le rapporteur spécial souligne dans chacun de ses rapports spéciaux la faible prévisibilité du coût du dispositif, fortement dépendant de comportements individuels. Si le coût du CFA est en hausse par rapport à 2019, il s’est avéré moins important qu’anticipé en LFI pour 2020. Si selon la Cour des comptes, l’instauration récente d’un système de surcote et de décote pourrait expliquer cet écart, l’information budgétaire reste très limitée à ce sujet, alors même qu’il s’agit d’un dispositif peu comparable aux autres régimes financés par la mission.

En outre, la contrepartie d’embauche n’a pas pu être respectée en 2020 : peu de conducteurs ont été embauchés, faisant passer le ratio entre les conducteurs embauchés et les départs en CFA de 84 % en 2019 à 45 % en 2020. En effet, Klésia, le gestionnaire du dispositif, a fait le choix de ne pas faire de relance auprès des entreprises entre mars et juin, prenant acte du contexte peu favorable aux embauches. En outre, en termes administratifs, les liquidations ont été traitées prioritairement aux embauches, expliquant également le faible nombre d’embauches. Si les choses devraient se réguler sur 2021, un nombre important de demandes (environ 3 000) ayant été reçu en début d’année 2021, le rapporteur spécial restera vigilant à l’évolution de ce dispositif et à son application, ainsi qu’à son devenir en termes de maquette budgétaire (cf. supra).

Il recommande à cet égard de transférer le financement du dispositif vers la mission Écologie, développement et mobilités durables, et de renforcer la prévisibilité du dispositif et de son coût pour la puissance publique, en enrichissant le suivi des cohortes concernées.

B.   l’exécution du programme 197 finançant LE régime de retraite des marins s’est avérée parfaitement en phase avec la prévision

Le financement du régime de retraite des marins par l’État prend la forme d’une subvention pour charges de service public à l’ENIM (10,20 millions d’euros en 2020), ainsi qu’une subvention participant au financement des pensions et des dispositifs d’action sociale (813 millions d’euros en 2019). 82 % des pensions versées par l’ENIM sont financées par l’État.

823,19 millions d’euros avaient été ouverts en LFI, en AE et en CP, pour le régime de retraite des marins. L’exécution a été conforme à la prévision, et s’est avérée légèrement inférieure à la consommation pour 2019, années où les crédits du programme avaient fait l’objet d’une sur-exécution de 10 millions d’euros environ afin de consolider la trésorerie de l’établissement.

 

 

PRévision et exécution du programme 197

(en millions d’euros et en pourcentage)

AE = CP

2019

2020

Évolution des crédits votés et exécutés

Crédits votés

Crédits exécutés

Crédits votés

Crédits exécutés

Crédits votés

Crédits exécutés

01 - Régime de retraite et de sécurité sociale des marins

815,70

825,60

823,19

823,19

0,9 %

– 0,3 %

TOTAL

815,70

825,60

823,19

823,19

0,9 %

 0,3 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Plusieurs dynamiques aux effets contraires ont permis le respect de l’autorisation budgétaire, les moindres cotisations ayant été plus que compensées par les moindres prestations :

– les cotisations perçues par le régime ont diminué, atteignant 106,2 millions d’euros contre 114 millions d’euros initialement prévus ;

– ces moindres cotisations ont été compensées par de moindres prestations : la masse des pensions versées a atteint 1 006,4 millions d’euros, contre 1 027,6 millions d’euros anticipés. Cette différence s’explique par le fait que certains actifs ont choisi de reporter leur départ à la retraite, craignant que l’activité partielle ne les conduise à diminuer leurs droits à retraite. En effet, la décision de compenser les effets de l’activité partielle sur les droits à la retraite a été prise mais, contrairement aux régimes de la RATP et SNCF, n’a pas encore fait l’objet d’un décret. Ainsi, les départs en retraite ont en effet été inférieurs de 9 % par rapport à 2019.

L’ENIM bénéficie en tant qu’opérateur d’une subvention pour charge de service public de 10,2 millions d’euros, en diminution par rapport à 2019, année où elle atteignait 10,7 millions d’euros.

Ce montant n’a toutefois pas permis de couvrir l’intégralité des dépenses de gestion de la branche vieillesse (elles se sont élevées à 10,8 millions d’euros), en raison d’évolutions dans la comptabilisation des dépenses informatiques et de l’évolution de la clé de répartition des charges de fonctionnement entre les branches vieillesse et maladie. Le rapporteur salue l’évolution menée par la direction de l’ENIM quant à la clé de répartition des coûts entre la branche vieillesse et la branche maladie : elle permettra de mieux évaluer les coûts.

En outre, les dépenses de personnel ont poursuivi leur décroissance (– 500 000 euros), le schéma d’emploi négatif ayant même fait l’objet d’une sur-exécution, avec 288 ETPT exécutés contre 294 anticipés. Ces efforts importants de la caisse s’inscrivent dans sa convention d’objectif et de gestion de 2017, qui prévoit notamment une maîtrise de l’emploi public et des dépenses de fonctionnement.

La baisse continue du nombre d’ETPT doit se lire en lien avec le transfert du recouvrement à l’ACOSS, dans le cadre du déploiement de la DSN à la fin de l’année 2020.

C.   le Programme 195 fait l’objet d’une sous‑exécution en 2020 en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires

Le régime 195 retrace les subventions d’équilibre de régimes de retraites fermés et en déclin démographique prononcé. En l’absence de cotisants, ou en raison de leur nombre très faible, l’État prend en charge le financement de ces pensions au nom de la solidarité nationale.

prévision et exécution du programme 195

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits votés en LFI

Crédits exécutés

Écart entre la prévision en LFI et l’exécution

Écart entre la prévision en LFI et l’exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01- Versement au fonds spécial de retraite de la caisse autonomie nationale de sécurité sociale dans les mines

1 062,67

1 062,67

1 056,17

1 056,17

– 0,6 %

– 0,6 %

– 6,51

– 6,51

02 - régime de retraite de la SEITA

139,24

139,24

141,98

141,98

2,0 %

2,0 %

2,74

2,74

04 - Caisse de retraites des régies ferroviaires d’outre-mer

1,34

1,34

1,28

1,28

– 4,4 %

– 4,4 %

– 0,06

– 0,06

07 - Versements liés à la liquidation de l’ORTF

0,12

0,12

0,10

0,10

– 16,7 %

– 16,7 %

– 0,02

– 0,02

TOTAL

1 203,37

1 203,37

1 199,53

1 199,53

 0,3 %

 0,3 %

 3,84

 3,84

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

1,203 milliard d’euros ont été ouverts en LFI au titre de ces régimes, pour une exécution très proche de 1,199 milliard d’euros. En outre, les crédits du programme diminuent par rapport à 2019 (– 8 % en exécution), en raison de la démographie naturellement décroissante des régimes financés.

 

Les seules marges de manœuvre du programme portent sur les dépenses de gestion. Malgré des efforts de modération, les indicateurs de performance indiquent une augmentation en 2020 du coût unitaire d’une primo liquidation dans le régime des mines, pouvant s’expliquer en partie par les moindres liquidations. La part des frais de gestion reste toutefois réduite dans le régime des mines tout comme dans le régime de la SEITA.

● Le régime des mines représente 85 % de la dépense du programme. Il a représenté en 2020 1,06 milliard d’euros, pour une prévision légèrement supérieure. Cet écart s’explique par une mortalité plus importante qu’anticipé.

● Le régime de retraite de la SEITA présente une légère sur exécution de 2,7 millions d’euros, en raison d’une sous-estimation, au moment de la programmation, de la pension moyenne versée.

● Le régime de retraite des régies ferroviaires d’outre-mer ne compte plus que 62 bénéficiaires en décembre 2020. Les dépenses afférentes se sont avérées légèrement inférieures à la prévision en raison de la baisse du nombre de pensionnés, plus importante que prévue.

● Enfin, les versements liés à la liquidation de l’ORTF ne représentent plus que 100 000 euros en 2020.

II.   l’exécution du compte d’affectation spéciale pensions s’avère très proche de la prévision réalisée en LFI pour 2020

Le CAS Pensions, prévu par l’article 21 de la LOLF et par la loi de finances pour 2006 ([5]) retrace les recettes et dépenses des régimes de retraite et d’invalidité dont l’État a la charge.

Les dépenses du CAS sont composées des pensions et allocations versées aux assurés des différents régimes financés par le CAS, tandis que ses recettes sont composées en majeure partie des contributions des employeurs, et, en premier lieu, de l’État.

 

 

 

 

 

 


prévisions et exécution des recettes et des dépenses du cas pensions

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

 

Recettes

Différence entre la prévision de recettes et la réalisation, en pourcentage

Dépenses en AE = CP

Différence en CP entre prévision et exécution

Solde

Section : Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité́

Prévision

57 474,71

– 0,4 %

 

 

1 415,57

Réalisation

57 227,34

 

1 260,25

741 – Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité́

Prévision

 

 

56 059,14

– 0,2 %

 

Réalisation

55 967,09

Section : Ouvriers des établissements industriels de l’État

Prévision

1 933,35

– 0,3 %

 

 

– 0,29

Réalisation

1 926,90

 

2,08

742 – Ouvriers des établissements industriels de l’État transports en commun, de la sécurité́ et de la circulation routières

Prévision

 

 

1 933,65

– 0,5 %

 

Réalisation

1 924,82

Section : Pensions militaires d’invalidité́ et des victimes de guerre et autres pensions de l’État

Prévision

1 620,04

2,3 %

 

 

0,00

Réalisation

1 657,36

 

– 0,03

743 – Pensions militaires d’invalidité́ et des victimes de guerre et autres pensions routiers

Prévision

 

 

1 620,04

2,3 %

 

Réalisation

1 657,40

Total

Prévision

61 028,11

– 0,4 %

59 612,83

– 0,1 %

1 415,28

Réalisation

60 811,61

59 549,31

1 262,30

Solde cumulé du compte depuis sa création

 

 

 

 

 

9 120,15

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Le solde du CAS est positif ([6]), bien qu’un peu moins important qu’anticipé en LFI. Il atteint ainsi 1,26 milliard d’euros, portant le solde cumulé du CAS à 9,12 milliards d’euros, après 7,9 milliards d’euros constatés à la fin de l’exercice 2019.

Il convient de préciser qu’il ne s’agit pas d’une « cagnotte » dormante dans les caisses du SRE, mais bien de la garantie comptable que toutes les dépenses du CAS ont été financées par des recettes identifiées.

Il est d’autant plus nécessaire de maintenir le solde cumulé du CAS à un niveau élevé que ses soldes annuels sont de moins en moins importants chaque année, traduisant l’évolution démographique du régime de la fonction publique d’État.

exécution des recettes et des dépenseS du CAS entre 2016 et 2020, en CP

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits exécutés en 2016

Crédits exécutés en 2017

Crédits exécutés en 2018

Crédits exécutés en 2019

Crédits exécutés en 2020

Évolution 2018-2019

Évolution 2019-2020

Évolution 2016-2020

Section : Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité́ (recettes)

53 908,16

55 875,69

56 139,04

56 686,77

57 227,34

1,0 %

1,0 %

6,2 %

Programme 741 – Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité́ (dépenses)

53 156,53

53 880,35

54 742,68

55 347,70

55 967,09

1,1 %

1,1 %

5,3 %

Section : Ouvriers des établissements industriels de l’État (recettes)

1 896,58

1 852,27

1 970,82

1 907,64

1 926,90

– 3,2 %

1,0 %

1,6 %

Programme 742 – Ouvriers des établissements industriels de l’État (dépenses)

1 897,63

1 903,17

1 918,26

1 921,49

1 924,82

0,2 %

0,2 %

1,4 %

Section : Pensions militaires d’invalidité́ et des victimes de guerre et autres pensions (recettes)

1 984,50

1 918,51

1 853,08

1 725,26

1 657,36

– 6,9 %

– 3,9 %

– 16,5 %

Programme 743 – Pensions militaires d’invalidité́ et des victimes de guerre et autres pensions (dépenses)

1 972,60

1 923,80

1 844,14

1 752,02

1 657,40

– 5,0 %

– 5,4 %

– 16,0 %

Total recettes

57 789,23

59 646,48

59 962,94

60 319,67

60 811,60

0,6 %

0,8 %

5,2 %

Total dépenses

57 026,76

57 707,32

58 505,08

59 021,21

59 549,31

0,9 %

0,9 %

4,4 %

Solde

762,47

1 939,16

1 457,86

1 298,46

1 262,29

 10,9 %

 2,8 %

65,6 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Effectif des affiliés civils et militaires au 1er janvier
et rapport démographique

 

2016

2017

2018

2019

2020

Affiliés non retraités

2 206 930

2 214 921

2 211 548

2 201 781

2 169 717

Compte actif

2 107 312

2 102 019

2 083 652

2 057 560

2 007 939

Compte cessé

99 618

112 902

127 896

144 221

161 778

Affiliés retraités

1 904 492

1 923 902

1 948 489

1 969 929

1 990 414

Rapport démographique entre les comptes actifs et les affiliés retraités

1,11

1,09

1,07

1,04

1,01

Source : DGFiP, Service des retraites de l’État, à partir du site retraitesdeletat.gouv.fr.

Le solde annuel a ainsi atteint son point maximal en 2017. Il va continuer à décroître, puis se transformer en déficit en 2022.

évolution des soldes annnuels et cumulés du cas pensions

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

● Les dépenses du CAS Pensions

L’exécution des dépenses du CAS atteint 59,55 milliards d’euros en 2020, révélant une très légère sous-exécution de 0,1 %. Ce faible écart entre la prévision et la réalisation, principalement dû au programme 741 (cf. infra), souligne la qualité de la prévision réalisée par le SRE.

Les dépenses du CAS poursuivent leur croissance, à un rythme toutefois plus modéré que par le passé : elles ont progressé de 0,9 % par rapport à 2019, pour une augmentation totale de 4,4 % sur la période comprise en 2016 et 2020. Cette croissance atteignait 1,4 % en 2018, 1,2 % en 2017.

Cette décélération, initiée en 2013 à la suite d’une période de forte croissance, s’explique notamment par la montée en charge du décalage de deux ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite et de l’âge d’annulation de la décote, en application de la réforme des retraites de 2010 ([7]). Ainsi, en 2018, l’impact de la réforme de 2010 se traduit entre autres par des moindres dépenses de 2,3 milliards d’euros ([8]).

Cette croissance modérée des dépenses et légèrement en deçà des prévisions s’explique par deux facteurs principaux :

– une moindre revalorisation des pensions en 2020 : la revalorisation des pensions supérieures à 2 000 euros a été de 0,3 %, et celles des pensions inférieures à 2 000 euros a été de 1 % ;

– des facteurs démographiques divers : il a été observé une croissance moins importante que prévu des flux de départs annuels à la retraite, en raison de la montée en charge progressive de l’augmentation de la durée d’assurance et de l’âge d’ouverture des droits et d’un effet conjoncturel lié à la crise sanitaire de 2020, qui a conduit certains actifs à repousser leurs départs durant la période de confinement.

 Les recettes du CAS Pensions

Les recettes pour 2020 sont légèrement inférieures à la prévision : elles atteignent 60,81 milliards d’euros, contre 61,03 milliards d’euros en prévision, soit une différence de 0,4 %. La légère sous-exécution résulte du programme 741, qui enregistre des assiettes de cotisation moins élevées que prévu (cf. infra).

Les recettes sont toutefois en croissance de 0,9 % par rapport à l’année 2019, notamment en raison du relèvement du taux de cotisation salariale des fonctionnaires de 0,27 point en 2020 (cf. infra). Cette dernière étape de la convergence du taux de cotisation salariale des fonctionnaires vers celui des salariés du privé a permis d’augmenter les recettes du CAS de 224 millions d’euros en 2020 ([9]). En outre, les recettes du programme 742 croissent en raison d’une augmentation de la contribution d’équilibre de l’État (+ 30 millions d’euros).

A.   le programme 741 est marqué par les effets de la crise sanitaire

Le programme 741 Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité retrace les opérations relatives au régime de retraite et d’invalidité des fonctionnaires de l’État. Il finance à ce titre les pensions à la charge de l’État versées aux personnels civils et militaires relevant du code des pensions civiles et militaires et les allocations temporaires d’invalidité (ATI)

Le programme 741 représente l’essentiel des dépenses du CAS (94 % en 2020). Les résultats de son exécution ont donc une influence très directe sur l’exécution globale du CAS. Par conséquent, la sous-exécution du programme 741 explique la majeure partie de la sous-exécution du CAS.

En outre, il convient de signaler que la part du budget de l’État consacrée à la charge des pensions civiles et militaires de retraite est en hausse : entre 1990 et 2005, la charge financière est passée de 8,4 % du total des dépenses du budget général à 12,7 %, avant de se stabiliser autour de 12,5 % depuis. Dans le même ordre d’idée, entre 2006 et 2019, 27 % de la progression des dépenses du budget général de l’État est due à l’accroissement du besoin de financement des pensions des fonctionnaires de l’État ([10]).

Le CAS Pensions est donc un élément fondamental de l’analyse de la dépense publique.

 Les dépenses du programme 741

Les dépenses du programme 741 suivent une croissance dynamique sur le long terme avec une croissance moyenne de 3,9 % par an depuis 1990, en raison de la hausse de la pension moyenne (+ 2,3 %) et des effectifs de pensionnés (+ 1,6 %).

Depuis 2011, une croissance plus lente s’observe, en raison du recul de l’âge d’ouverture des droits à la retraite, issu de la réforme des retraites de 2010.

Un écart a été observé en 2020 entre la prévision et la réalisation de dépenses, qui atteignent 55,96 milliards d’euros en raison des conséquences de la crise sanitaire :

– le SRE a constaté une forte baisse des demandes de départ aux mois de mars, avril et mai 2020, de l’ordre de – 20 à – 30 % par rapport à l’année précédente. Le report des départs à la retraite induit par la crise sanitaire est évalué à ce stade à 2 600 personnes pour 2020, représentant environ 4 % des départs à la retraite totaux, et 1 200 personnes en 2021. Les moindres dépenses liées aux reports de départs en retraite représentent 19 millions d’euros ;

– une surmortalité de 5 600 personnes (+ 7,2 %) a été observée par rapport à la situation moyenne. Cette situation conduit à une baisse des dépenses de retraite de 45 millions d’euros environ en 2020.

Au total, les effets de la crise pour 2020 représentent une moindre dépense de 64 millions d’euros. Cet effet devrait se poursuivre pour 2021 : une moindre dépense de 542 millions d’euros est estimée à ce stade, en raison de l’ajout aux deux facteurs précédents d’une baisse des coefficients de revalorisation, corrélés à la baisse de l’inflation.

 Les recettes du programme 741

Les recettes du programme 741 sont de plusieurs ordres :

– les trois taux de contribution de l’État-employeur : le taux « civil », le taux « militaire », et le taux « allocations temporaires d’invalidité » ([11]) ;

– les contributions versées par d’autres employeurs de fonctionnaires et militaires de l’État ([12]) ;

– les cotisations salariales et versements des affiliés pour le rachat d’années d’études ;

– des reversements par la CNRACL des cotisations et contributions d’agents transférés aux collectivités territoriales.

Les employeurs des fonctionnaires étant des structures publiques ou para‑publiques, elles ont maintenu la rémunération de leurs agents : n’ont pas été enregistrées de baisse de cotisations à ce titre.

Les recettes de la section correspondantes sont inférieures de 274,27 millions d’euros à la prévision, pour atteindre 57,23 milliards d’euros. Cette différence exprime les difficultés, expérimentées chaque année, à anticiper avec certitude les schémas d’emplois des ministères employeurs. Sont particulièrement marquées par cet effet les lignes de recettes portant sur les retenues pour pensions des personnels civils de l’État et les contributions des employeurs pour les personnels militaires. Interrogé par le rapporteur spécial, le SRE a toutefois indiqué que le ministère des armées avait revu son modèle de prévision au cours de l’année 2020, ce qui devrait conduire à fiabiliser la prévision pour 2021.

L’année 2020 a vu l’achèvement du transfert au SRE de la gestion des retraites de l’État, initié en 2009. Par conséquent, l’ensemble des 2,2 millions de personnes employées par un employeur de la fonction publique d’État (32 employeurs) bénéficient d’un compte individuel de retraite (CIR) et formule la demande de liquidation de pension auprès du SRE, et non plus auprès de leur ministère. La centralisation des opérations de gestion a permis de faire diminuer le coût de gestion, les ministères étant déchargés de l’alimentation des comptes

Cette évolution justifie l’évolution légèrement à la hausse du coût de gestion d’un ressortissant du régime des pensions civiles et militaires de retraites pour le SRE, et l’évolution à la baisse du coût de gestion global, qui inclut les coûts supportés par les ministères employeurs. Ce coût de gestion global était de 26,88 euros en 2018, pour une estimation de 22,61 euros en 2020. La décrue de ce coût de gestion global est toutefois moins importante qu’annoncée dans le PAP pour 2020 (il devait atteindre 19,71 euros).

Si une différence persiste à ce stade entre le coût de gestion global et le coût de gestion par le SRE, le rapporteur spécial sera attentif au rapprochement de ces deux indicateurs, conséquence logique du transfert intégral de la gestion des retraites au SRE.

B.   les dépenses du programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État sont légèrement inférieures à la prévision

Le programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État retrace les dépenses et recettes du fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) et du fonds rente accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM). La Caisse des dépôts est chargée de la gestion de ces deux fonds.

● En 2020, les cotisations salariales et les contributions employeurs couvrent 18,8 % des dépenses du programme. À ces recettes s’ajoutent une contribution du ministère des armées pour le financement des RATOCEM, et des recettes de compensation démographique.

Le programme est donc déficitaire : en raison de son ratio démographique très déséquilibré (pour un pensionné, il y a 0,22 cotisant), les recettes propres du programme ne couvrent pas ses dépenses.

Par conséquent, le budget général de l’État verse une subvention d’équilibre, financée par les ministères employeurs d’ouvriers d’État et par une subvention du budget annexe Contrôle et exploitation aériens. Ces subventions représentent 74,1 % des recettes du programme en 2020.

Les recettes de la section correspondante sont inférieures de 6,45 millions d’euros à la prévision, atteignant 1,93 milliard d’euros. Deux raisons aux effets contradictoires expliquent cet écart :

– la subvention d’équilibre a été revue à la baisse en cours d’année à hauteur de 40 millions d’euros, afin de tenir compte du niveau élevé de la trésorerie du FSPOEIE, pouvant entraîner des conditions défavorables sur les marchés. Ces pertes ont en effet représenté 1,4 million d’euros en 2020 ;

– les cotisations salariales et patronales versées au FSPOEIE ont par ailleurs été plus importantes que prévu (+ 33 millions d’euros), en raison du nombre de cotisants à fin 2019 plus important que prévu (1 066 cotisants supplémentaires), des départs en retraite légèrement moins importants que prévu, et des recrutements d’ouvrier d’État par le ministère des Armées plus importants qu’anticipés.

● Les dépenses du programme 742 suivent une tendance haussière de 2 % sur le long terme, depuis 1990. Bien que modérée, cette hausse régulière des dépenses entraîne une hausse de la subvention de l’État au FSPOEIE, de 3,3 % par an en moyenne. Les dépenses du programme se sont d’ailleurs révélées en hausse de 0,2 % par rapport à 2019.

Toutefois, les dépenses ont été inférieures de 8,8 millions d’euros à la prévision, soit un écart de 0,5 %, principalement en raison d’un écart sur l’impact anticipé de la revalorisation différenciée des pensions en 2020.

En outre, comme pour le régime de la fonction publique d’État, un ralentissement important a été observé dans les demandes de liquidations de retraite. Ainsi, le nombre de dossiers envoyés pour liquidation par les ministères employeurs est inférieur de 1 004 à la prévision. Ainsi, le flux de demande de contrôle de liquidation atteint 3 063 dossiers à la fin de l’année 2020, contre 3 747 en 2019.

Concernant le RATOCEM, l’exécution a été très proche de la prévision (53,50 millions d’euros, contre 53,51 millions d’euros prévus).

C.   le programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions est marqué par la baisse des effectifs de pensionnés

Le programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions retrace les dépenses et recettes consacrées aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi que d’autres allocations viagères dont l’État est redevable. Les pensions militaires d’invalidité et les retraites du combattant représentent 97 % des dépenses du programme.

Ces allocations ne sont pas financées par des contributions : elles sont destinées aux pensions des régimes éteints (qui ne comptent plus d’actifs) ou des prestations ne donnant pas lieu par nature à une quelconque contribution (par exemple, les traitements attachés à la Légion d’honneur). Le programme 743 est donc financé au titre de la solidarité nationale par le budget général.

Les dépenses du programme ont atteint 1,66 milliard d’euros, dépassant de 37,36 millions d’euros la prévision réalisée en LFI, en raison d’une moindre mortalité des bénéficiaires de pensions militaires d’invalidité et de retraite du combattant. Afin de couvrir ce besoin supplémentaire, des crédits ont été ouverts en LFR (37,19 millions d’euros) et des reports de crédits (0,17 million d’euros) ont été enregistrés.


—  1  —

   DEUXIÈME PARTIE - thème d’évaluation :
LES PENSIONS DE RÉVERSION DANS LES RÉGIMES SPÉCIAUX
DE RETRAITE ET LE RÉGIME DE RETRAITE
DE LA FONCTION PUBLIQUE D’ÉTAT

Les pensions de réversion dans les régimes spéciaux de retraite et le régime de la fonction publique d’État : quels effets sur les inégalités et la pauvreté des retraités ?

La pension de réversion est une part de la pension de droit direct du conjoint décédé versée au conjoint survivant, sous condition de ressources, d’âge ou de non-remariage, conditions qui diffèrent selon les régimes de retraite.

D’un point de vue historique, la pension de réversion a été créée dans un contexte traditionnel dans lequel l’épouse ne disposait pas de revenu, ni de droit à la retraite en propre. La réversion, versée lors du décès de l’époux, permettait donc d’éviter de subir une perte de revenu trop importante.

Aujourd’hui, les pensions de réversion peuvent répondre à plusieurs objectifs :

– le premier objectif est de maintenir le niveau de vie du conjoint survivant à un niveau proportionnel à celui qu’il était avant le décès de son conjoint ;

– directement corrélé à l’objectif précédent, un autre but de la réversion est de garantir que le total des droits à la retraite accumulé par le conjoint décédé est transmis au conjoint survivant, dans une approche patrimoniale ([13]). Cette approche de la réversion en fait un « acquêt social » ([14]) du mariage, la contrepartie de cotisations versées par le conjoint ;

– un troisième objectif, ayant un aspect plus redistributif, est celui d’assurer un revenu au survivant dépendant financièrement de son conjoint, et ainsi le préserver d’une entrée dans la pauvreté.

À ces objectifs « directs » viennent s’ajouter deux objectifs ou effets indirects de la réversion :

– elle peut être perçue comme une manière d’accorder un droit spécifique aux couples mariés ;

– la réversion peut également être lue comme un outil indirect de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes (cf. infra), venant ainsi tempérer les effets des différences de carrières sur la retraite.

Ces différents objectifs s’avèrent en réalité complémentaires et non‑exclusifs, bien que parfois concurrents. Il est par ailleurs très compliqué de définir un objectif unique ou prioritaire dans les différents régimes de réversion français, comme ce rapport le démontre.

Enfin, si tous ces objectifs sont complémentaires, leur prééminence respective évolue à mesure que la société elle-même change. La réversion visait initialement les femmes exclusivement. Celles-ci avaient souvent une carrière limitée voire aucun droit propre à la retraite. Le décès du conjoint exposait donc très directement à la précarité, et une transmission des droits du conjoint décédé vers le conjoint survivant était donc pleinement nécessaire. Le droit à réversion a progressivement été ouvert aux veufs et uniformisé entre 1973 et 2004, selon les régimes ([15]).

Si les femmes restent les principales bénéficiaires des pensions de réversion, leurs carrières ont évolué : si des différences évidentes persistent, tant en termes de qualité de l’emploi que de rémunération, leur participation au marché du travail est de plus en plus importante. En outre, les trajectoires conjugales sont moins prévisibles et moins linéaires que par le passé.

Le présent rapport ne s’insère pas dans le cadre d’une réforme des retraites passée ou à venir. Il est indépendant des discussions menées, dans le passé ou dans le futur, par le Gouvernement avec les partenaires sociaux.

Le rapporteur spécial souhaite par ce travail remplir deux objectifs, s’insérant pleinement dans sa mission d’évaluation :

– d’une part, il s’agit de dresser le panorama des systèmes de réversion des différents régimes, en précisant les masses budgétaires en jeux, les normes juridiques applicables, et les objectifs poursuivis ;

– d’autre part, l’objectif est de déterminer les principales réussites et limites de la réversion dans les régimes étudiés, et de formuler des recommandations permettant une amélioration progressive du dispositif, sans en modifier la nature.

I.   les grandes données relatives aux pensions de réversion dans le système de retraite français

Les pensions de réversion occupent une part non négligeable des dépenses de retraites, et se caractérisent par des objectifs et des caractéristiques communes à tous les régimes.

A.   Les pensions de réversion dans le paysage des retraites français

En 2018, tous régimes confondus, 4,4 millions de personnes étaient titulaires d’une pension de retraite de droit dérivé ([16]), soit environ 25 % des 17,4 millions de retraités.

● 88 % des bénéficiaires de réversion sont des femmes. Plusieurs raisons l’expliquent : deux à trois ans plus jeunes que leur conjoint en moyenne, elles ont aussi une espérance de vie plus élevée. En outre, les hommes ayant en moyenne des droits à la retraite plus élevés que les femmes, ils bénéficient de réversions plus faibles voire nulles, car ils dépassent plus fréquemment le plafond de ressources d’éligibilité du régime général.

● Pour un quart des personnes bénéficiaires d’une pension de réversion, cette dernière est l’unique pension de retraite, soit parce qu’elles n’ont pas encore liquidé leurs droits propres, soit parce qu’elles n’ont pas validé de droits propres à la retraite. 95 % de ces personnes qui ne perçoivent qu’une pension de réversion sont des femmes.

● Le montant mensuel moyen de la pension de réversion, versé par les régimes de base et complémentaire, est de 691 euros pour les femmes et 334 euros pour les hommes. Pour les femmes, la réversion représente la moitié de la retraite. Elle représente 17 % de la retraite pour les hommes.

● Les retraités de droits dérivés ont en moyenne 79 ans, contre une moyenne de 71 ans pour les retraités de droit direct ([17]).

 Les pensions de réversion représentent donc un élément central des ressources d’un grand nombre d’assurés, et en particulier pour les femmes.

Comparaisons européennes

Plusieurs tendances se distinguent au niveau européen concernant les pensions de réversion.

En premier lieu, la France n’est pas le seul pays à appliquer une diversité de règles au sein de son système. La réversion en Allemagne est par exemple, comme en France, distincte selon que les retraités relèvent de l’assurance vieillesse générale ou du régime de retraite des fonctionnaires.

Par ailleurs, et comme le souligne le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) du Sénat de 2015, la tendance générale est de limiter le nombre de bénéficiaires, en supprimant la pension de réversion du régime général (c’est par exemple le cas des Pays-Bas, où la pension de réversion du régime général a été supprimée en 1996) ou en introduisant des conditions de ressources (c’est le cas d’une grande majorité de pays). Enfin, une autre possibilité est de limiter la durée de versement de la pension de réversion, qui devient dès lors une pension « d’adaptation ». C’est le cas en Suède, où la pension de réversion est une prestation d’adaptation dont la durée est limitée à un an.

Enfin, les régimes complémentaires d’Europe du Nord n’attribuent pas de prestation viagère au conjoint survivant : la prestation ne revêt pas un caractère viager dans les régimes complémentaires danois et suédois. Ainsi, le Danemark attribue au conjoint survivant un capital et non une rente

Les pays d’Europe du Nord qui ont le plus réduit le champ de la réversion se caractérisent par une forte intégration des femmes au marché du travail.

● Les dépenses de réversion représentent 37 milliards d’euros, soit 11 % des 330 milliards d’euros de prestations retraite.

Le poids des pensions de réversion dépend toutefois fortement des régimes de retraite. De manière générale, il apparaît que le poids des pensions de réversion est plus important pour les régimes dans lesquels les femmes réservataires sont surreprésentées et plus faibles dans les régimes dans lesquels des conditions de ressources sont mises en place.


poids des pensions de réversion et part des femmes
dans les réversataires selon les régimes de retraite

Régime

Poids des réversions dans les dépenses

Part des femmes dans les réservataires

Fonction publique et régimes spéciaux

FPE civile

8 %

81 %

FPE militaire

14 %

97 %

CNRACL

7 %

78 %

FSPOEIE

18 %

97 %

SNCF

17 %

98 %

RATP

11 %

97 %

CRPCEN

8 %

77 %

Secteur privé

CNAV

9 %

92 %

AGIRC ARRCO

15 %

90 %

Source : document transmis par le COR au rapporteur spécial.

● La part des dépenses de réversion devrait diminuer dans les années à venir : de 11 % des pensions en 2020, elles devraient représenter entre 5 et 6 % en 2070, d’après le COR ([18]). La part des bénéficiaires de réversion sur le total des retraités devrait diminuer également, pour atteindre 15,4 % en 2070.


nombre de bénéficiaIres de pensions de droits directs
et de droits dérivés en projection

(en millions de personnes et en pourcentage)

Lecture : en 2017, 4,4 millions de retraités bénéficient d’une pension de réversion, soit 25,5 % du total des retraités. Parmi eux, 3,3 millions perçoivent également une pension de droit direct et 1,1 million une pension de réversion seule.

Source : COR, Séance plénière du 31 janvier 2019 « Retraite et droits conjugaux : panorama et perspectives », Les pensions de réversion à l’horizon 2070.

Plusieurs facteurs expliquent cette évolution :

– la part des personnes mariées dans la population française diminue depuis la fin des années 1970. Or, en l’état actuel du droit, la réversion est conditionnée au mariage ;

– le taux de remariage progresse, mais ses effets sur la pension de réversion diffèrent selon les régimes (cf. infra) ;

– l’évolution des écarts d’âge entre conjoints est ambivalente. D’une part, la part des couples où l’homme et la femme ont le même âge et celle où la femme est plus âgée est en augmentation. D’autre part, les écarts d’âge moyen quand l’un des conjoints est plus âgé que l’autre progressent (4,4 ans pour les couples formés dans les années 2000 contre 3,4 ans pour les couples formés dans les années 1960) ([19]) ;

– l’espérance de vie des hommes augmente plus vite que celle des femmes, rétablissant une forme d’équilibre et réduisant ainsi la durée moyenne de perception de la réversion pour une population de bénéficiaires majoritairement féminine ;

– les pensions de droit direct des femmes progressent en raison de l’amélioration en moyenne des carrières féminines, ce qui augmente la probabilité de dépassement des conditions de ressources pour les régimes en imposant une.

 

B.   Quelques constats généraux communs à tous les régimes de réversion

Quelques principes communs se retrouvent dans l’ensemble des réversions des différents régimes de retraite. Par conséquent, et d’un point de vue économique, la réversion de manière générale produit des effets partagés et communs à tous les retraités.

● Le seul critère commun à l’ensemble des régimes de retraite est l’obligation, pour le conjoint survivant, d’être marié au conjoint décédé pour pouvoir bénéficier de la pension de réversion. Cette règle est le fruit direct de l’origine de la réversion, perçue comme le prolongement du devoir de protection dû à la femme par son mari, dans un contexte historique dans lequel l’épouse n’a pas d’activité ([20]).

● D’un point de vue de ses conséquences économiques, la réversion permet de limiter les inégalités entre les hommes et les femmes :

– sans réversion, toutes générations confondues, la pension moyenne des femmes représente 63 % de la pension moyenne des hommes ;

– avec réversion et majoration, la pension moyenne des femmes représente 76 % de celle des hommes ([21]).

Cet effet semble toutefois moins marqué pour les générations de retraités les plus récentes : pour la génération 1952, la pension moyenne des femmes est de 68 % celle des hommes sans réversion, et 72 % avec réversion et majorations ([22]).

● Les retraités en couples sont moins exposés à la pauvreté que les retraités seuls. Les retraitées femmes seules sont plus exposées à la pauvreté que les retraités hommes seuls. En outre, parmi les femmes retraitées seules, les veuves sont moins exposées à la pauvreté que les femmes célibataires et a fortiori que les femmes divorcées. Enfin, parmi les hommes retraités seuls, les veufs sont moins exposés à la pauvreté que les hommes divorcés et a fortiori que les hommes célibataires.

 

 

 

 

 

niveau de vie et taux de pauvreté des retraités
selon leur situation conjugale

(en milliers d’euros et en pourcentage)

Source : document communiqué par le COR au rapporteur spécial.

Ces différents éléments confirment l’importance de la réversion pour les femmes avant tout : plus concernées par la pauvreté, bénéficiant de droits à la retraite moins importants, la réversion représente pour elles une ressource non négligeable.

Elle semble en outre produire des effets, puisque les veuves sont moins sujettes à la pauvreté que les personnes célibataires.

● Dans la plupart des régimes et de manière plus affirmée pour certains d’entre eux, les bénéficiaires de réversion sont très dépendants des comportements conjugaux de leurs anciens conjoints et de leur propre comportement conjugal, en raison des règles de partage des droits à réversion. Le taux de pauvreté plus important des femmes divorcées, qui pour une partie d’entre elles bénéficient d’une réversion, démontre en effet que l’évolution des trajectoires conjugales a des conséquences importantes sur les revenus à la retraite.

II.   Le fonctionnement dans les régimes spéciaux et la comparaison avec le régime général

Les différents régimes de réversion se caractérisent par une grande diversité. Ce paysage éclaté montre que les objectifs de la réversion sont multiples, confus.

A.   les régimes de retraite spéciaux et de la fonction publique d’État

Le régime de retraite de la fonction publique d’État et les régimes spéciaux présentent de nombreuses caractéristiques communes quant à la réversion.

les principales caractéristiques de la réversion dans les principaux régimes de retraite de la mission régimes sociaux et du cas pensions

 

Fonction publique d’État

Régime de retraite de la SNCF

Régime de retraite de la RATP

Régime de retraite des marins

Taux de réversion

50 % des droits directs du conjoint décédé

50 % des droits directs du conjoint décédé

50 % des droits directs du conjoint décédé

54 % des droits directs du conjoint décédé

Condition d’âge du bénéficiaire

Non

Non

Non, sauf cas spécifiques

40 ans si le mariage a eu lieu avant la cessation d’activité ou la concession de la pension, 55 ans si le mariage a eu lieu après. Ces conditions sont annulées si des enfants sont issus du mariage

Condition de revenu du bénéficiaire

Non

Non

Non

Non

Durée minimale de mariage

La pension de réversion peut être versée :

– si le mariage a duré au moins quatre ans ;

– ou si le fonctionnaire ou militaire décédé a effectué deux années au moins de service valable pour la retraite depuis la date du mariage ;

– ou sans condition si un enfant est issu du mariage.

La pension de réversion peut être versée :

– lorsque le mariage a été contracté durant la période d’activité de l’agent, si le mariage a duré au moins deux ans au jour de la cessation de fonction. Toutefois, aucune condition de durée n’est opposable si un enfant est né du mariage ou si la cessation de fonctions résulte d’un accident de travail ou d’une maladie professionnel ;

– lorsque le mariage a été contracté moins de deux ans avant la cessation de fonction, si le mariage a duré au moins quatre ans au jour du décès (cette durée est ramenée à deux ans si un enfant est né du mariage).

La pension de réversion peut être versée :

– si le mariage a été contracté avant la mise à la réforme ou le décès du conjoint si celui-ci a obtenu ou pouvait obtenir une pension de retraite liée à une réforme ;

– si le mariage a été contracté au moins deux ans avant la date de cessation d’activité ou le décès du conjoint (cette condition n’est pas appliquée si un enfant est né du mariage) ;

– ou si le mariage a duré au moins quatre ans. Dans ce dernier cas de figure, la date d’effet de la pension ne peut être antérieure aux 55 ans du conjoint survivant (cette condition d’âge est annulée si un enfant est né du mariage et que celui‑ci a duré deux ans).

La réversion peut être versée :

– si le mariage a duré au moins deux ans avant la date de cessation d’activité du marin ou de concession de pension (validation de ses droits à la retraite) ;

– ou, si le mariage a eu lieu après la cessation d’activité ou la concession de sa pension, lorsque le mariage a duré au moins quatre ans.

Aucune condition de durée de mariage n’est exigée si un enfant est né du mariage.

Condition de remariage

Le conjoint survivant (divorcé ou non) qui se remarie ou vit maritalement après le décès de son conjoint perd son droit à réversion.

Il est nécessaire d’attendre la rupture de cette union et ne pas avoir acquis de droit à ce titre pour que la pension soit accordée.

La pension de réversion ne peut être accordée si le conjoint divorcé survivant s’est remarié, a conclu un PACS avant le décès de l’agent ou vit en concubinage au jour du décès.

 

Si le conjoint survivant, divorcé ou non, contracte un mariage, un PACS, ou vit en concubinage après le décès et la liquidation de la pension de réversion, il perçoit le montant de cette pension sans revalorisation. Le montant de la pension peut être revalorisé si le conjoint survivant rompt sa nouvelle communauté de vie.

La pension de réversion ne peut être accordée si le conjoint divorcé survivant s’est remarié, a conclu un PACS avant le décès de l’agent ou vit en concubinage au jour du décès.

 

Les bénéficiaires d’une pension de réversion remariés, liés par un PACS ou vivant en concubinage perçoivent, sans revalorisation ultérieure, la pension dont ils bénéficiaient antérieurement à leur nouvel état.

Le montant de la pension peut être revalorisé si le conjoint survivant rompt sa nouvelle communauté de vie.

Le versement est suspendu en cas de remariage, PACS ou concubinage du conjoint survivant.

Partage de la pension

S’il existe plusieurs bénéficiaires, la pension de réversion est partagée au prorata de la durée des mariages.

En l’absence d’orphelins, le partage se fait entre les conjoints survivant et divorcés au prorata de la durée respective de mariage. Si des orphelins existent, la pension est partagée de la sorte : deux parts sont accordées au conjoint survivant, deux parts sont accordées à l’ensemble des conjoints divorcés, et une part est accordée à chaque orphelin.

S’il existe plusieurs bénéficiaires, la pension de réversion est partagée au prorata de la durée des mariages.

S’il existe plusieurs bénéficiaires, la pension de réversion est partagée au prorata de la durée des mariages.

Existence d’une pension d’orphelin

Chaque orphelin a droit jusqu’à ses 21 ans à 10 % de la pension du fonctionnaire décédé.

Chaque orphelin a droit jusqu’à ses 21 ans une pension égale à 10 % de la pension que percevait l’agent décédé.

Chaque orphelin a droit jusqu’à ses 21 ans une pension égale à 10 % de la pension que percevait l’agent décédé.

Chaque enfant du marin peut bénéficier jusqu’à ses 16,18 ou 21 ans, selon la durée de ses études, d’une pension égale à 10 % de la pension du marin décédé.

Existence de dispositif de solidarité

Si le total des ressources personnelles du conjoint survivant et de sa pension de réversion est inférieur à l’ASPA, il perçoit un complément de pension.

La pension ne peut être inférieure à 54 % du minimum de droit direct, soit 673,66 euros par mois.

/

Les conjoints survivants qui ne peuvent prétendre à une pension de réversion peuvent prétendre au versement de l’allocation annuelle proportionnelle (AAP), sous conditions. Le versement de l’AAP est toutefois supprimé en cas de remariage, PACS ou concubinage.

Source : commission des finances.

1.   La fonction publique d’État

La fonction publique d’État se caractérise par une approche patrimoniale et des effets réels variables selon les situations individuelles.

a.   Éléments statistiques et juridiques

311 810 personnes bénéficient d’une pension de réversion au titre des pensions civiles de la fonction publique d’État, dont 254 586 femmes, pour une pension de réversion moyenne de 993,50 euros, et 57 224 hommes, pour une réversion moyenne de 879,90 euros.

Concernant les pensions de réversions militaires, elles comptent 148 294 bénéficiaires, dont 147 324 femmes qui perçoivent une pension moyenne de 794,20 euros et 970 hommes qui perçoivent une pension moyenne de 673,50 euros.

De la même manière que pour le reste des régimes de retraite, le poids des pensions de réversion tend à décroître :

part des pensions de droit dérivé dans le total des pensions versées par les programmes 741 et 743

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

2016

2017

2018

2019

 

2020

Programme 741 Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

 

Dépense totale

53 156,5

53 880,4

54 742,7

55 347,7

 

55 967,1

Dont pensions de droit dérivé

5 111,4

5 142,9

5 177,3

5 210,0

 

5 221,8

Dont pensions de droit dérivé

9,62 %

9,54 %

9,46 %

9,41 %

 

9,33 %

Programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

 

Dépense totale

1 972,6

1 923,8

1 844,1

1 752,0

 

1 657,4

Dont pensions de droit dérivé

537,5

510,3

483,4

449,8

 

416,1

Dont pensions de droit dérivé

27,25 %

26,52 %

26,21 %

25,68 %

 

25,10 %

Source : réponse du SRE et de la DB.

La réversion de la fonction publique d’État n’est conditionnée à aucune condition de ressource ni d’âge, et repose sur le versement de 50 % de la pension du pensionné ([23]). Elle répond donc à une logique patrimoniale, visant à assurer la persistance des droits acquis au sein du couple.

Cette logique patrimoniale se traduit par l’existence de spécificités, et en premier lieu par une condition de durée de mariage nécessaire pour percevoir la réversion, sauf si un enfant est né du mariage. En effet, pour percevoir la pension, le mariage doit avoir duré au moins quatre ans (qu’il ait été contracté avant ou après la cessation des services du fonctionnaire ou militaire), ou, si le mariage a duré moins de quatre ans, le fonctionnaire ou militaire doit avoir effectué deux années au moins de service valable pour la retraite avant sa cessation d’activité.

Le rapporteur spécial salue une spécificité du régime de la fonction publique d’État : les couples de même sexe pacsés avant la promulgation de la loi du 13 mai 2013 sur le mariage pour tous ([24]), et mariés à la suite de la promulgation de cette loi, voient la période de PACS prise en compte au titre de la durée de mariage prise en compte. Cette mesure, visant à remédier à la discrimination qui était faite avant 2013, pourrait être généralisée aux différents régimes de retraite.

L’approche purement patrimoniale, qui vise à retracer et à garantir le maintien des droits acquis durant la période de mariage, est toutefois imparfaite, à au moins deux égards.

En premier lieu, les conditions entourant le remariage du conjoint survivant confèrent une visée protectrice à la réversion. En effet, le conjoint survivant qui se remarie, conclut un PACS, ou vit en situation de concubinage après le décès du fonctionnaire ne peut percevoir de pension de réversion. Dans ce cas, le droit passe éventuellement aux orphelins de moins de 21 ans. Le conjoint peut recouvrer son droit à réversion en cas de cessation de sa communauté de vie (décès de son nouveau conjoint, divorce, rupture de PACS…). Le conjoint divorcé qui s’est remarié avant le décès du fonctionnaire peut bénéficier de la réversion si sa nouvelle union a cessé avant le décès du fonctionnaire ou après le décès du fonctionnaire. Ainsi, alors qu’une logique patrimoniale pure devrait conférer un caractère inconditionnel au droit à réversion en fonction de la durée de mariage, la condition d’isolement ([25]) ajouté par ces règles s’inscrit dans une démarche autre, plus proche de celle de soutien de la personne qui ne bénéficie plus de la protection économique du conjoint.

En outre, le rapporteur spécial souligne le paradoxe de ce régime : alors qu’il est nécessaire d’être marié pour bénéficier d’une pension de réversion, le fait de conclure, après la séparation d’avec le fonctionnaire ou le militaire, un PACS avec une autre personne ou simplement de vivre avec elle conduit à perdre le bénéfice de la réversion. Il souligne également, et ce constat est valable pour tous les régimes étudiés dans le présent rapport, que le contrôle de la condition d’isolement est en réalité complexe : il repose sur une base déclarative, est peu aisé à contrôler notamment en cas de concubinage. Cette difficulté peut donner lieu à des contentieux, chronophages et coûteux tant pour l’administration que pour les assurés.

En second lieu, le régime revêt une dimension de solidarité : si le total des ressources personnelles du conjoint survivant et de sa pension de réversion est inférieur à l’ASPA, il perçoit un complément de pension, dit « Palméro », pour atteindre ce minimum. Ce complément est instruit et mis en paiement sans démarche préalable du pensionné. Toutefois, le pensionné doit renseigner une déclaration de ressources à la demande du SRE lors de l’attribution de ce complément. Le maintien de ce complément est également soumis au contrôle annuel des ressources.

b.   Les effets économiques des règles relatives à la réversion

Le régime de la fonction publique d’État a été le premier à instaurer une pension de réversion. En l’absence de conditions de ressource, la logique de la réversion dépasse celle du simple maintien du niveau de vie : comme le montrent les règles juridiques, elle repose également sur une vision patrimoniale de préservation des droits acquis par le conjoint décédé.

Toutefois, ce système de réversion donne lieu à des conséquences microéconomiques différentes selon la situation économique des ménages.

Les effets économiques de cette logique, visant à la fois le maintien des droits et le maintien du niveau de vie, sont ambivalents selon les cas de figure. Avec une version simplifiée (sans autre revenu que les pensions des conjoints), ce système de réversion conduit au fonctionnement suivant ([26]) :

déterminants de la pension de réversion et du niveau de vie
de la pension de réversion de la fonction publique

Grandeur

Avant veuvage

Après veuvage

Ressource Décédé(e)

P

0

Ressource Survivant(e)

Ps

Ps + ½ P

Ressources totales (avant réversion)

P + Ps

Ps

Taille du ménage

1,5

1

Niveau de vie

(P + Ps)/1,5

Ps + ½ P

Source : document communiqué par le COR au rapporteur spécial.

Ainsi, le conjoint survivant maintient un niveau de vie d’autant plus lors du veuvage que sa propre pension n’est pas trop faible par rapport à celle du conjoint décédé. De manière générale, le niveau de vie est maintenu, voire peut augmenter, si la pension du survivant est supérieure à la moitié de la pension de la personne décédée. Cette règle est valable pour les différents régimes de retraite de la mission dont la pension de réversion est égale à 50 % des droits du conjoint décédé (SNCF et RATP).

Dit autrement, plus le conjoint survivant dispose d’un revenu en propre faible relativement au revenu du conjoint décédé, plus il va perdre en niveau de vie lors du veuvage. À l’inverse, plus ses revenus en propres sont élevés, plus il va gagner en niveau de vie lors du veuvage.

Exemple chiffré

Cas 1 : le conjoint 1 dispose d’une pension en propre de 1 000 euros, le conjoint 2 dispose d’une pension en propre de 600 euros. Dans ce cas de figure, les ressources totales du foyer sont de 1 600 euros. Le niveau de vie pondéré par la taille du ménage (1,5 unité de consommation) est de 1 066 euros environ.

Au décès du conjoint 1, le conjoint 2 perçoit, en sus de ses ressources propres de 600 euros, 500 euros de pension de réversion (50 % de 1 000 euros). Ses ressources totales (et par conséquent son niveau de vie, car il ne représente plus qu’une part de consommation) atteignent 1 100. Son niveau de vie a donc augmenté à la suite du veuvage.

Cas 2 : le conjoint 1 dispose d’une pension en propre de 900 euros, le conjoint 2 dispose d’une pension en propre de 350 euros. Dans ce cas de figure, les ressources totales du foyer sont de 1 250 euros. Son niveau de vie (1,5 unité de consommation) est de 833 euros environ.

Au décès du conjoint 1, le conjoint 2 perçoit, en sus de ses ressources propres de 350 euros, 450 euros de pension de réversion (50 % de 900 euros). Ses ressources totales (et par conséquent son niveau de vie, car il ne représente plus qu’une part de consommation) atteignent 800. Son niveau de vie a donc diminué à la suite du veuvage.

    Ces exemples confirment que le niveau de vie diminue à la suite du veuvage si la pension du conjoint survivant est inférieure à la moitié de la pension du conjoint décédé.

Une fois que la règle générale a été fixée, le COR a mené une analyse des effets réels observés pour le régime de la fonction publique.

– D’après les données du COR, la réversion représente un gain de niveau de vie pour une femme de fonctionnaire qui décède dans environ 55 % des cas, mais elle n’empêche pas une perte niveau de vie dans environ 15 % des cas. Toutefois, si elle n’existait pas, le veuvage se traduirait dans 100 % des cas par une perte de niveau de vie.

Évolution du niveau de vie au veuvage
pour une épouse d’homme fonctionnaire

Champ : générations 1965-1969.

Source : données fournies par le COR, à partir des simulations Insee, Destiniez 2.

– La réversion représente un gain de niveau de vie du mari d’une femme fonctionnaire qui décède dans environ 70 % des cas.

Évolution du niveau de vie au veuvage
pour un mari de femme fonctionnaire :

Champ : générations 1965-1969.

Source : données fournies par le COR, à partir des simulations Insee, Destiniez 2.

Ces différentes données révèlent que la dimension patrimoniale de la réversion dans le régime de la fonction publique d’État entraîne des effets différents sur le niveau de vie selon la situation économique des individus.

Ainsi, si dans la plupart des cas ce régime remplit son objectif de maintien du niveau, il ne s’agit pas d’une règle générale.

Enfin, le régime de la fonction publique peut faire l’objet d’une analyse au regard du taux de pauvreté, afin d’évaluer sa capacité à préserver de la pauvreté :

Distribution du montant mensuel des pensions civiles de droit
dérivé en stock au 31 décembre par décile

 

2016

2017

2018

2019

2020

Décile 1

416

419

423

425

430

Décile 2

556

561

561

563

569

Décile 3

644

648

654

658

666

Décile 4

751

757

764

768

776

Décile 5

880

887

893

898

907

Décile 6

988

999

1 001

1 006

1 016

Décile 7

1 092

1 102

1 104

1 111

1 123

Décile 8

1 239

1 252

1 262

1 270

1 282

Décile 9

1 477

1 491

1 501

1 511

1 526

En 2020, 30 % des pensions civiles de droit dérivé en stock au 31 décembre sont inférieures à 666 euros (3ème décile), et la moitié sont inférieures à 907 euros (5e décile).

Source : site du service des retraites de l’État.

Ces données renseignent sur le montant des pensions de droit dérivé versées.

Elles ne renseignent pas pour autant sur le niveau de pauvreté des bénéficiaires d’une pension de réversion de la fonction publique d’État : en effet, les organismes versant des pensions de retraite, tel que le service des retraites de l’État, ne disposent pas de l’accès aux informations fiscales (composition du ménage, revenus du patrimoine, transferts, autres prestations sociales, impôts directs) qui permettraient de calculer le revenu disponible des ménages et dès lors leur taux de pauvreté. Il ne leur est donc pas possible de savoir précisément combien de titulaires d’une pension de réversion se situent en dessous du seuil de pauvreté.

Une approche par approximation peut toutefois être réalisée par l’étude du nombre de bénéficiaires de l’ASPA. Toutefois, si le montant de cette allocation a été porté à 901 euros mensuels pour les personnes seules et à 1 407 euros mensuels pour les couples ([27]), elle ne représente que 83 % du seuil de pauvreté pour ces configurations familiales.

Effectif et montant mensuel moyen
des ASPA des pensions de droit direct en 2020

(en euros)

 

 

Effectifs

Montants mensuels moyens

Pensions de droit direct

Nombre de pensions ayant bénéficié de l’ASPA en décembre 2020

81

319,45

Nombre de pensions ayant bénéficié de l’ASPA dans l’année

97

327,51

Pensions de droit dérivé

Nombre de pensions ayant bénéficié de l’ASPA en décembre 2020

83

406,13

Nombre de pensions ayant bénéficié de l’ASPA dans l’année

96

420,44

Source : DGFiP, Service des retraites de l’État, base des paiements PEZ.

Ainsi, en 2020, 96 bénéficiaires d’une pension de droit dérivé ont bénéficié de l’ASPA, soit 0,03 % des bénéficiaires d’une pension de réversion. Ce faible nombre doit toutefois être mis en relation avec la part de bénéficiaires de l’ASAP parmi les titulaires d’une pension de droit directs : ils sont 97 pour un total de 2,5 millions de pensionnés. Il semble donc que ce soit le niveau de retraite de la fonction publique d’État, et non sa réversion, qui protège le plus de la pauvreté.

À titre de comparaison, tous régimes confondus, 5 % des allocataires du minimum vieillesse sont des allocataires sans droits propres bénéficiant d’une pension de droit dérivé uniquement, et 13 % des allocataires du minimum vieillesse disposent d’une pension de droit direct et d’une pension de droit dérivé ([28]).

 

 

Répartition des allocataires du minimum vieillesse
selon le type de pension, tous régimes confondus

(en pourcentage)

 

Femmes

Hommes

Ensemble

Allocataires sans droit propre

22

9

17

Pension de droit dérivé uniquement

9

< 1

5

Relevant du SASPA

13

9

11

Allocataires ayant un droit propre

78

91

83

Pension de droit direct uniquement

57

88

70

Pension de droit direct et de droit dérivé

21

3

13

Ensemble des allocataires

100

100

100

Source : Les retraités et les retraites, édition 2020, DREES.

Selon ces données, 18 % des bénéficiaires du minimum vieillesse perçoivent également une pension de réversion. En proportion, ils sont donc moins nombreux dans le régime de retraite de la fonction publique. Si cette différence peut s’expliquer par les règles de réversion, elle provient également des différences de niveau de pensions en droits directs. Les pensions de la fonction publique d’État sont en effet en moyenne plus importantes que les pensions touchées par les salariés du régime général.

2.   Les pensions de réversion dans le régime de retraite de la SNCF

Le régime de réversion de la SNCF présente un fonctionnement proche de celui de la fonction publique d’État.

a.   Présentation juridique et statistique

Les pensions de droit dérivé représentent 31 % des pensions versées par la CPRP SNCF.

La caisse a versé en décembre 2019 une pension de droit dérivé à 79 047 personnes, soit 30 % du nombre de pensions versées au total. 77 055 de ces personnes sont des femmes, soit 99 % des bénéficiaires, et 1 992 bénéficiaires sont des hommes.

Le total des pensions de réversion versées représente 800 millions d’euros, soit environ 15 % des 5,3 milliards d’euros de pensions versées chaque année. Le montant moyen d’une pension de droit dérivé est de 10 564 euros par an, soit 880 euros par mois environ. La pension de réversion moyenne versée aux femmes atteint 885,75 euros, et celle versée aux hommes atteint 669 euros environ ([29]).

répartition des bénéficiaIres d’une pension du régime de retraite
de la sncf par niveau de pension

Source : CPRP SNCF.

Comme pour le régime de la fonction publique d’État, aucune condition d’âge ni de revenu n’est appliquée pour obtenir le bénéfice d’une pension de réversion du régime de retraite de la SNCF.

Ce régime de retraite partage de nombreuses caractéristiques avec le régime de la fonction publique d’État :

– le montant de la réversion atteint 50 % de la pension de droit direct du conjoint décédé ;

– comme dans l’ensemble des régimes, les partenaires pacsés ou concubins ne bénéficient pas de la pension de réversion au titre de leur partenaire décédé ;

– une condition de mariage s’applique : le droit à réversion est acquis si le mariage a duré au moins deux ans au jour de la cessation de fonctions. Cette condition est réputée satisfaite si un enfant est né de l’union ou si la cessation de fonctions résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Si le mariage a été contracté moins de deux ans avant la cessation de fonction ou après la cessation de fonction, le droit à réversion est acquis si le mariage a duré au moins quatre ans au jour du décès (si un enfant est né de l’union, cette durée est ramenée à deux ans). Des règles de durée spécifiques s’appliquent au conjoint divorcé : il bénéficie de la réversion si au cours du mariage le salarié de la SCNF a relevé durant au moins deux ans du régime spécial. Si ce n’est pas le cas, alors le droit de réversion est acquis si le mariage a duré au moins quatre ans au jour du divorce (si un enfant est né de l’union, cette durée est ramenée à deux ans) ;

– enfin, un minimum de pension de réversion est appliqué : la pension de réversion ne peut être inférieure à 54 % du montant minimum de pension de droit direct, soit 673,66 euros par mois.

Des conditions de remariage s’appliquent, mais elles sont différentes du régime de la fonction publique :

– le conjoint divorcé qui contracte une nouvelle union avant le décès de l’agent ne peut bénéficier de la réversion. Le conjoint survivant ou divorcé qui contracte après le décès de l’agent un nouveau mariage, un PACS, ou vit en situation de concubinage peut bénéficier de la réversion, mais ne bénéficiera pas de ses revalorisations. Le montant de la pension peut être revalorisé si le conjoint survivant rompt sa nouvelle communauté de vie.

Ainsi, si la logique patrimoniale s’accompagne d’une dimension de solidarité, cette dernière est bien moins prononcée que dans les régimes de la fonction publique : la remise en couple ne suspend pas les droits à réversion, elle les cristallise seulement.

Le rapporteur spécial souligne la grande complexité de ces règles, et les situations d’iniquité qu’elles peuvent faire naître.

b.   Les effets économiques des règles relatives à la réversion

Comme dans le régime de la fonction publique d’État, la réversion dans le régime de retraite de la SNCF relève d’une logique patrimoniale : 50 % des droits acquis par l’agent sont transmis au veuf ou à la veuve.

Les effets économiques sont donc proches de ceux observés pour la fonction publique d’État : si les ressources propres du survivant représentent plus de la moitié des ressources du conjoint décédé, son niveau de vie ne se dégradera pas lors du veuvage.

Toutefois, et de la même manière que pour le régime de la fonction publique d’État, il est peu aisé de déterminer si cet objectif s’accompagne dans les faits d’un maintien du niveau de vie et d’une réelle garantie de ne pas tomber dans la pauvreté. En effet, la CPRP SNCF ne dispose pas de données concernant les ressources des conjoints survivants. Le versement de la réversion n’est en effet pas soumis à condition de ressources.

Toutefois, la CPRP SNCF a essayé d’approcher ces données par l’étude des niveaux de revalorisation de pension et des taux de CSG payés par les bénéficiaires : 7 % des réversions versées sont inférieures à 500 euros par mois. L’étude des taux de CSG a montré que 60 % de ces pensions de réversion de moins 500 euros sont assujetties à la CSG et sont, par conséquent, versées à des veufs ou veuves dont les revenus globaux dépassent 950 euros par mois. La réversion constitue donc majoritairement une composante minoritaire du revenu. À l’inverse, 40 % des bénéficiaires d’une pension de réversion de moins de 500 euros versée par la CPRP SNCF ont des revenus fiscaux ne dépassant pas 950 euros, en deçà du seuil de pauvreté ([30]).

L’impossibilité des caisses de retraite à disposer d’informations sur les revenus et la composition des foyers des bénéficiaires de réversion a été soulignée par les caisses de retraite auditionnées par le rapporteur, ainsi que par la CNAV, comme une limite importante à leur action. En effet, le rôle d’une caisse ne se limite pas à verser des prestations déterminées par l’application d’un cadre juridique global, mais également à assurer le suivi sanitaire et social des assurés, à les accompagner dans leurs démarches et à assurer le recours aux droits.

L’accès des caisses de retraite aux données fiscales permettrait de consolider leur connaissance des assurés et d’accompagner ces derniers plus efficacement, tout en assurant un meilleur contrôle du respect des conditions de délivrance de la réversion.

3.   La réversion dans le régime de retraite de la RATP

Le régime de retraite de la RATP repose également sur une logique de maintien des droits acquis.

a.   Présentation juridique et statistique

La pension de réversion du régime de retraite de la RATP représente également 50 % de la pension de l’agent décédé ([31]).

Pour pouvoir en bénéficier, il est nécessaire que le mariage :

– ait été contracté avant la mise à la réforme ou le décès du conjoint si celui-ci a obtenu ou pouvait obtenir une pension de retraite lié à une réforme ;

– ait été contracté au moins deux ans avant la date de cessation d’activité ou le décès du conjoint (cette condition n’est pas appliquée si un enfant est né du mariage) ;

– ait été contracté au moins deux ans la date de cessation d’activité ou le décès du conjoint, ou ait duré au moins quatre ans (deux ans si un enfant en est issu). Dans ce dernier cas de figure, la date d’effet de la pension ne peut être antérieure aux 55 ans du conjoint survivant.

Des conditions de remariage s’appliquent également au conjoint survivant : les bénéficiaires d’une pension de réversion remariés, pacsés ou vivant en concubinage perçoivent la réversion sans revalorisation ultérieure ([32]) . Toutefois, les personnes remariées qui sont redevenues veuves, divorcées ou séparées recouvrent l’intégralité des droits à pension revalorisés.

D’autres conditions s’appliquent aux ex-conjoints : le conjoint divorcé qui se remarie, conclut un PACS ou vit en concubinage avant le décès de son ancien conjoint perd ses droits à réversion.

Les orphelins ont droit jusqu’à leurs 21 ans à pension égale à 10 % de la pension à laquelle le parent décédé avait droit.

b.   Les effets économiques des règles relatives à la réversion

Les règles applicables au régime de la RATP sont donc très proches de celles du régime de la SNCF. Les mêmes remarques s’appliquent donc (cf. infra).

La logique patrimoniale, visant à conserver les droits acquis durant la période de mariage et à maintenir le niveau de vie du conjoint survivant, est mise en œuvre de manière cohérente par les règles en vigueur.

4.   Le régime des marins

La réversion dans le régime des marins diffère à la marge des autres régimes étudiés, et revêt aux yeux des bénéficiaires une fonction de compensation de la pénibilité des métiers de la mer.

a.   Présentation juridique et statistique

En 2020, l’ENIM verse 258 millions d’euros de pension de retraite de droit dérivé à 44 791 personnes. Le montant de la pension de retraite versée aux femmes est de 512,69 euros brut en décembre 2020, et de 246,27 euros pour les hommes.

La pension de réversion du régime des marins est conditionnée à une limite d’âge, de 40 ans, ou sans condition d’âge si des enfants sont issus de l’union avec le marin.

Le régime ne fixe pas de condition de ressources, mais des conditions de remariage existent : le versement de la réversion est suspendu en cas de remariage, PACS ou concubinage.

En outre, les orphelins bénéficient d’une pension temporaire jusqu’à leurs 16, 18 ou 21 ans, selon la durée de leurs études. Cette pension représente 10 % de la pension directe du marin décédé.

La réversion du régime de retraite des marins représente 54 % des droits directs du conjoint décédé, soit un montant plus important que dans les autres régimes étudiés. Par conséquent, le conjoint survivant pourra ne pas perdre en niveau de vie lors du veuvage même si ses droits propres sont plus qu’inférieurs à la moitié des droits propres du conjoint décédé. Il ne perdra en niveau de vie que si sa pension est égale à environ un tiers de la pension du conjoint décédé. Le régime de réversion des marins est par conséquent plus protecteur des conjoints survivants.

b.   Les effets économiques des règles relatives à la réversion

Un objectif patrimonial est prioritairement mis en œuvre par ce fonctionnement. Toutefois, de l’avis de l’ENIM comme des organisations syndicales, la réversion vise à prendre en compte les spécificités du métier de marin, à savoir la pénibilité et le fort taux de mortalité lié aux auditions d’exercice. Le taux plus important de réversion peut en effet se lire de la sorte : la mortalité étant importante chez les marins, la réversion peut survenir plus tôt, notamment alors que des enfants sont encore dans le foyer. Cet élément souligne la plasticité des perceptions de la réversion, prestation dont la portée symbolique ne peut être négligée.

De la même manière que pour les autres régimes, l’ENIM ne dispose pas d’informations concernant les revenus globaux des foyers, ou la composition des foyers. Elle ne peut donc pas estimer l’évolution du niveau de vie à la suite du veuvage, ni le taux de pauvreté des bénéficiaires de réversion.

Toutefois, 98 bénéficiaires de pension de droit dérivé percevaient l’ASPA en décembre 2020, soit 0,2 % des bénéficiaires d’une pension de réversion. Au total, en prenant les compte les bénéficiaires de droit propre et de droit dérivé, 268 personnes bénéficient de l’ASPA, soit 0,2 % du total des pensionnés environ. Il semblerait donc que la réversion permette aux veufs et veuves du régime des marins ne pas tomber dans la pauvreté à la suite du veuvage.

L’importance de la sinistralité dans le secteur maritime

Les métiers des secteurs maritimes se caractérisent par un haut niveau de pénibilité et une forte sinistralité, comme étudié dans le rapport du sénateur Francis Delattre en 2015. Les horaires de travail décalés, l’éloignement et l’espace de vie à bord des navires, confondus avec l’espace de travail et souvent exigus, sont autant de facteurs qui accroissent la pénibilité.

La pêche est par ailleurs le secteur économique le plus accidentogène : en 2010, sur 2 694 accidents du travail maritime qui ont été recensés, 1 343 relevaient de la pêche. En outre, sur 226 décès relevés chez l’ensemble des marins entre 1999 et 2010, 191 concernaient la pêche et la conchyliculture.

La baisse prononcée du nombre d’accidents entre 2006 et 2010 (– 25 %) semble en outre s’expliquer par la baisse des effectifs de marins pêcheurs, davantage que par une diminution de la sinistralité.

 

 

 

III.   La réversion pour les salariés du secteur privé et les fonctionnaires territoriaux

Le régime des salariés du secteur privé ainsi que le régime de la fonction publique hospitalière et territoriale sont examinés ici à titre de comparaison, ne figurant pas dans les crédits du rapporteur spécial.

A.   Le régime des salariés du secteur privé

Le régime de retraite des salariés du secteur privé est composé de l’assurance vieillesse du régime général et de la retraite complémentaire versée par l’AGIRC-ARRCO. Chacune de ces deux branches met en œuvre des règles différentes concernant la réversion.

1.   La réversion du régime de retraite des salariés du secteur privé répond principalement à une logique de redistribution

2,8 millions de personnes bénéficient d’une pension de réversion du régime général.

Au contraire des réversions des régimes spéciaux étudiés ci-avant, la réversion de la caisse nationale d’assurance vieillesse repose sur une logique de soutien aux plus modestes, et non sur une logique patrimoniale.

La pension de réversion correspond à 54 % de la pension des droits propres de base de l’assuré décédé. Toutefois, elle est soumise dans le régime général à plusieurs conditions :

– une condition de mariage, comme pour tous les autres régimes (les assurés vivant sous le régime du PACS ou en concubinage avec l’assuré décédé n’y ont pas droit) ;

– une condition d’âge, le conjoint survivant devant être âgé d’au moins 55 ans ;

– une condition de ressources, la pension étant versée si les ressources personnelles ne dépassent pas un certain montant (environ 1 776 euros par mois pour une personne seule, toutes ressources comprises et 2 842 euros par mois pour un couple). Cette prise en compte des ressources est très étendue puisque, outre les revenus effectivement perçus, elle inclut le rendement supposé du patrimoine ([33]) détenu en propre par le conjoint survivant. Cette condition de ressource est le fruit d’une sédimentation de normes successives, mais également le reflet d’une logique spécifique. L’ordonnance du 19 octobre 1945 réservait la pension de réversion à la femme au foyer « à charge » ([34]), ne bénéficiant donc pas de revenu en propre. La pension de réversion répond donc uniquement à une logique de protection du conjoint survivant.

Toutefois, à la différence des autres régimes étudiés, aucune condition de durée de mariage ni de remariage n’est prise en compte. Pour bénéficier de la réversion, la personne doit justifier être le conjoint ou l’ex-conjoint de la personne décédée, quelle que soit sa situation maritale actuelle (divorcé ou remarié). La pension de réversion sera simplement partagée entre les différents ayant-droits.

Enfin, une prestation de solidarité supplémentaire existe pour les personnes qui n’ont pas encore atteint l’âge de la réversion : une allocation veuvage leur est versée.

2.   La réversion versée par l’AGIRC ARRCO répond quant à elle à une logique patrimoniale et de maintien du niveau de vie

En 2019, l’Agirc-Arrco a versé 11,41 milliards d’euros de pensions de réversion sur un total de 80,39 milliards d’euros de prestations totales versées, soit un peu plus de 14 % du total. 3,01 millions de personnes bénéficient de la réversion (y compris au titre des orphelins), soit 2,70 millions de femmes et 310 000 hommes.

1,2 million d’allocataires de l’Agirc-Arrco bénéficient d’une pension de réversion sans droit direct dans le régime dont, 96 % de femmes, et 1,8 million d’allocataires cumulent une pension de droit direct et une pension de réversion.

Le montant des pensions de réversion est de 314 euros par mois, soit 334 euros pour les femmes et 157 euros pour les hommes.

Dans le régime complémentaire, la pension de réversion représente 60 % des droits acquis, mais sans condition de ressource. Une condition d’âge s’applique toutefois, de 55 ans, sauf si l’ayant droit a deux enfants à charge.

En outre, et à la différence de la pension du régime de base, le versement de la réversion s’interrompt dans le cas d’un remariage.

Des conditions de mariage sont également appliquées : le conjoint ne bénéficie de la réversion que s’il ne se remarie pas. En cas de remariage, l’attribution de l’allocation est supprimée de manière définitive (et pas seulement suspendue, comme dans le régime de la fonction publique d’État par exemple).

La réversion du régime complémentaire des salariés du privé répond à une logique patrimoniale, mais imparfaite, en raison de la règle d’isolement du conjoint survivant. Elle répond également à une logique de maintien du niveau de vie plus prononcé, comme l’illustre l’absence de seuil de revenu privant du droit à réversion et le taux de 60 % qui permet notamment de tenir compte des coûts fixes supportés par le conjoint survivant (les dépenses ne diminuent pas de moitié à l’issue du veuvage).

3.   Des objectifs et des conséquences économiques différents de ceux des régimes spéciaux

La réversion des salariés du secteur privé répond à des objectifs différents de celle des régimes spéciaux.

– Une logique de soutien des personnes les plus précaires se lit à travers la condition de ressources du régime général. Elle est complétée par une logique purement patrimoniale à l’AGIRC-ARRCO, mais plus généreuse que dans les autres régimes examinés.

Les conséquences sur les assurés sont variées et plus compliquées à percevoir que pour les régimes spéciaux, en raison de la superposition d’un régime de base appliquant des conditions de ressources et d’un régime complémentaire qui en est dénué. La réversion dépend, comme pour la fonction publique, des ressources propres du conjoint survivant, mais aussi de la part de la retraite dans le total de la retraite de la personne décédée.

La part de la pension complémentaire dans l’ensemble de la retraite de l’assuré est d’autant plus forte que les revenus sont élevés, en raison du plafonnement au régime général. À titre d’exemple :

– un cadre ayant une pension de 3 300 euros a une part complémentaire correspondant à 63 % de l’ensemble de sa pension ;

– un non-cadre ayant une pension de 1 530 euros a une part complémentaire correspondant à 28 % de l’ensemble de sa pension.

Le taux de réversion effectif (composé de la réversion de base et de la réversion complémentaire) est fonction du montant de la retraite de droit propre du survivant. Il dépend largement du montant de retraite du conjoint survivant, en raison de l’existence de la condition de ressource, mais aussi du statut, cadre ou non-cadre du conjoint décédé (car le décompte des points dans les deux régimes complémentaires n’obéit pas aux mêmes règles).

Taux de réversion effectif en fonction du montant de la retraite
de droit propre du survivant

Source : document communiqué par le COR au rapporteur spécial.

Les épouses et épouse de cadre bénéficient d’une dégradation du taux de réversion un peu moindre au fur et à mesure que leurs revenus propres augmentent.

Ratio niveau de vue du conjoint survivant/niveau de vie du couple antérieur en fonction du montant de retraite propre
du conjoint survivant

Source : document communiqué par le COR au rapporteur spécial.

Le niveau de vie du conjoint survivant augmente tant que ne joue pas la condition de ressources, laquelle produit un effet de seuil très significatif. Puis la perte de niveau de vie est progressivement atténuée au fur et à mesure que les revenus propres du conjoint excèdent de plus en plus le seuil de 1 776 euros.

De la même manière que pour le régime de la fonction publique, le COR a estimé les effets concrets de ces règles, très différents selon la situation individuelle des assurés.

Évolution du niveau de vie au veuvage
pour une épouse d’homme salarié du secteur privé

Champ : générations 1965-1969.

Source : simulations Insee, Destinie 2, réalisées par le COR.

Pour une épouse d’homme salarié du privé, la réversion entraîne une hausse du niveau de vie dans environ 45 % des cas et une perte dans environ 20 % des cas. À titre de comparaison, la perte de niveau de vie s’observe dans 15 % des cas au régime de la fonction publique.

Évolution du niveau de vie au veuvage
pour un mari de femme salariée du secteur privé

Champ : générations 1965-1969.

Source : simulations Insee, Destinie 2, réalisées par le COR.

Pour un mari de femme salarié du secteur privé, la réversion se traduit dans plus de 70 % des cas par un gain de niveau de vie.

Enfin, l’impact des comportements conjugaux est encore plus fort dans le secteur privé, compte tenu des règles de l’AGIRC ARRCO. En effet, la réversion est supprimée définitivement en cas de remariage avant ou après le décès (suspension dans la fonction publique).

B.   Le régime de réversion des fonctionnaires territoriaux est proche de celui de la fonction publique d’état

En 2020, 1,426 milliard d’euros ont été versés au titre des pensions de réversion des fonctionnaires territoriaux, à 181 158 bénéficiaires au 31 décembre 2020, dont 137 177 femmes (76 %) et 43 981 hommes (24 %). En décembre 2020, la pension moyenne de réversion était de 594 euros pour une femme et de 639 euros pour un homme.

La pension de réversion du régime de la CNRACL atteint également 50 % des droits obtenus par le fonctionnaire décédé.

Des conditions spécifiques entourent, comme pour les autres régimes, le mariage et le remariage :

– le droit à réversion est conditionné au fait que le mariage ait duré plus de quatre ans, ou que le fonctionnaire ait accompli deux ans de service valables pour la retraite depuis la date du mariage jusqu’à celle de cessation des fonctions. Cette condition est assouplie si le fonctionnaire obtient une pension d’invalidité ou est décédé en activité (il suffit dès lors que le mariage soit antérieur à l’événement). Elle est annulée si des enfants sont nés du mariage ([35]) ;

– le conjoint, ou l’ex-conjoint ne peut prétendre à une réversion s’il est remarié, a conclu un PACS ou vit en concubinage au moment du décès. De la même manière, le bénéficiaire d’une pension de réversion qui se remarie, conclut un PACS ou vit en concubinage après le décès perd son droit à pension ([36]).

Cette règle est toutefois assouplie pour l’ex-conjoint d’un fonctionnaire remarié avant le décès du fonctionnaire et qui, à la cessation de cette union, ne bénéficie d’aucun droit à réversion ([37]). Pour que cette exception s’applique, il est toutefois nécessaire que le fonctionnaire n’ait pas d’autres ayant-droits.

Enfin, les orphelins de moins de 21 ans bénéficient d’une pension spécifique, à hauteur de 10 % de la pension du fonctionnaire décédé.

La logique poursuivie est donc patrimoniale, mais imparfaite (en raison de l’obligation d’isolement du conjoint ou de l’ex conjoint) et tempérée d’une dimension solidaire (comme le montre la possibilité pour l’ex conjoint isolé, à la suite de la rupture de sa deuxième union, de bénéficier de la réversion).

Comme pour les autres régimes examinés, le régime ne dispose pas d’éléments relatifs aux revenus des bénéficiaires et ne peut donc apprécier le maintien effectif du niveau de vie à l’issue du veuvage ni le niveau de pauvreté des réservataires.

Toutefois, la CNRACL a indiqué au rapporteur spécial qu’en décembre 2020, 55 personnes bénéficiaient de l’ASPA, soit 0,03 % des bénéficiaires. À titre de comparaison, 573 des 1 263 315 bénéficiaires d’une pension de droit direct bénéficient de l’ASPA (soit 0,05 % des bénéficiaires d’une pension de droit direct de l’AGIRC-ARRCO). La réversion semble donc permettre de préserver d’une entrée dans la pauvreté efficacement.

Cette analyse comparative montre que les différents régimes partagent des points communs, et notamment une logique patrimoniale et de maintien du niveau de vie (à l’exception du régime général des salariés du secteur privé), mais se caractérisent surtout par des règles propres et très variées.

En outre, l’atteinte des objectifs, et notamment celui du maintien du niveau de vie du conjoint survivant, dépend fortement des situations individuelles et des trajectoires conjugales des individus.

IV.   La réversion dans une société en mutation : la nécessité de repenser certains paramètres du dispositif

Si les principes et le fonctionnement de la réversion sont marqués par son histoire, ce dispositif et l’analyse de ses effets ne peuvent se lire sans lien avec certaines évolutions structurantes de la société.

A.   Des évolutions strucutrantes de la société sont en cours

L’évolution des carrières des femmes et de la conjugalité sont des caractéristiques démographiques et économiques marquantes de la dernière décennie.

1.   L’évolution des carrières féminines

Des inégalités importantes perdurent entre les femmes et les hommes quant au marché du travail.

Cette amélioration reste évidemment nuancée par plusieurs facteurs, parmi lesquels l’importance du temps partiel parmi les femmes (en 2019, 8,3 % des hommes occupent un emploi à temps partiel contre 28,4 % des femmes ([38])) et des rémunérations moindres. Ainsi, en 2017, une femme salariée gagne en moyenne 16,8 % de moins qu’un homme salarié ([39]).

Toutefois, l’amélioration des carrières féminines au cours des générations a permis de réduire les écarts entre les sexes. Au début des années 2020, 66 % des femmes de 15 à 64 ans étaient actives en termes professionnels, contre 75 % des hommes, alors qu’une femme sur deux seulement l’était au début des années 1970 ([40]). Par conséquent, la durée validée pour la constitution des droits à retraite tend à croître.

Cette évolution structurelle emporte des conséquences financières importantes pour la réversion : selon l’INSEE ([41]), en ne prenant en compte que les revenus d’activités, la proportion de retraités dont le niveau de vie diminue après le décès de leur conjoint devrait reculer de manière significative à l’avenir. A contrario, la part des veufs et veufs dont le niveau de vie augmente après le veuvage devrait augmenter. Environ 50 % des veuves devraient bénéficier d’une amélioration de leur situation à la suite du veuvage.

impact du veuvage sur le revenu par unité de consommation avec réversion, selon le sexe du conjoint survivant

Source : Effet du veuvage et de la réversion sur le niveau de vie : simulations en projection, A. Marino, INSEE, octobre 2014.

Au regard de ces évolutions, l’économie d’une réflexion de fond sur les objectifs de la réversion ne pourrait être faite. Le maintien d’une logique purement patrimoniale permettra dans une majorité de cas d’augmenter le niveau de vie du conjoint survivant. Dans une approche contributive, fondée sur le transfert des droits constitués, cela ne constitue pas de difficulté particulière. Un tel cas de figure peut soulever davantage de questions concernant les régimes spéciaux, financés de manière majoritaire par la solidarité nationale.

Le rapporteur spécial ne formule pas de recommandation à ce sujet, qui dépend des choix des caisses et du législateur, mais il souligne que cette dimension ne pourra être éludée dans les décennies à venir.

2.   L’évolution de la conjugalité

L’évolution des comportements conjugaux, et en premier lieu la diminution relative de la part des couples mariés, soulève un paradoxe de la réversion : conditionnée au mariage, elle a vocation à s’appliquer à un nombre décroissant de personnes. Pourtant, les relations conjugales et notamment les arbitrages économiques (retrait du marché du travail pour l’un des conjoints à la naissance d’un enfant, passage au temps partiel…) ne sont pas forcément différents entre un couple marié et un couple non marié. Dès lors, la logique patrimoniale visant à prendre en compte la constitution commune de droits durant la période de couple, le conjoint était considéré comme ayant collaboré à la constitution de son montant, devrait s’appliquer pleinement et en toute logique à un couple pacsé ou en concubinage.

La baisse du taux de mariage est l’un des facteurs qui contribue le plus à la diminution de la couverture de la réversion, aux côtés du rapprochement des espérances de vie masculine et féminine et de l’écart d’âge entre les conjoints ([42]).

Pour l’année 2017, l’INSEE a comptabilisé 194 000 PACS et 235 000 mariages en France métropolitaine, soit plus de quatre PACS pour cinq mariages.

La part des couples pacsés a fortement augmenté entre 2011 et 2016 : en 2011, 4 % des personnes résidant en couple en France métropolitaine sont pacsées contre 7 % en 2016, soit une hausse de trois points. Sur la même période, la part des personnes mariées diminue de 3 points. Si le PACS est encore récent, et reste minoritaire à ce stade, sa création a permis une hausse du nombre de contractualisations d’unions, qui diminuait depuis les années 1970.

En 2016, les couples mariés représentent 73 % des couples co‑résidents, contre 7 % pour les couples pacsés et 20 % pour ceux en union libre ([43]).

L’union libre se développe également : dans les années 1960, 3 % des personnes vivant en couple n’étaient pas mariées, en 2011, 24 % des couples cohabitant ne sont pas mariés. L’union libre est la forme majoritaire d’union jusqu’à 28 ans.

 

L’évolution des conjugalités entraîne des refus de réversion. Selon la CNRACL par exemple, en 2020, 82 demandes de réversion sur 9 797 ont été refusées pour des raisons familiales. En effet, 14 demandeurs étaient unis par un PACS au fonctionnaire décédé, 28 vivaient en concubinage.

En parallèle du développement du PACS, la croissance du nombre de divorces vient également modifier structurellement le paysage de la famille : 26 % des mariages contractés en 1970 ont été dissous avant 30 ans de mariage, c’est le cas de 33 % de ceux contractés en 1980 ([44]).

Enfin, les trajectoires conjugales sont moins prévisibles : fin 2013, 20 % des 23,7 millions de personnes âgées de 26 à 65 ans et vivant en union cohabitante expérimentaient leur seconde union cohabitante. Pour 6 % d’entre eux, c’était la troisième.

Au regard de la dépendance de la réversion aux parcours conjugaux des assurés (cf. supra), la multiplication des conjoints et la moindre prévisibilité des trajectoires individuelles entraînent des effets non négligeables sur les pensions dont bénéficient les anciens conjoints.

La conjonction de ces facteurs à un corollaire évident : la part des personnes mariées parmi l’ensemble des personnes âgées de plus de 15 ans ou plus continue de baisser. Elle a de nouveau diminué de 1,2 point de pourcentage entre 2013 et 2016. Dès lors, si le lien indéfectible qui unit la réversion et le mariage peut se comprendre pour des raisons historiques et pratiques, la décorrélation entre le dispositif et la situation d’une part croissante de la population doit être considérée. Un haut degré d’incertitude existe toutefois pour l’avenir : le PACS restant un dispositif relativement récent, il est impossible à ce stade de dire si les générations qui y recourent le plus, c’est-à-dire les plus jeunes générations, décideront de transformer leur PACS en mariage au fil du temps ([45]).

Outre cet écart de fait et qui se tend à se creuser, le rapporteur spécial souligne qu’un grand nombre d’assurés sont convaincus qu’être unis par un PACS à leur conjoint leur permettra de bénéficier d’une pension de réversion. Il recommande à cet égard de renforcer l’information des assurés, par le biais de leurs caisses de retraite. Dans cette optique, l’accès aux données fiscales des assurés, mentionnée plus haut, semble d’autant plus nécessaire.

B.   la pension de réversion des différents régimes de retraite : des objectifs et des règles variées, pouvant entraîner une forte iniquité entre les assurés et une déconnexion croissante avec les évolutions de la société

Les différents régimes de réversion, s’ils remplissent la majeure partie de leurs objectifs, portent un risque d’iniquité et s’éloignent dans leur philosophie des évolutions et attentes de la société.

1.   Des objectifs multiples et peu définis

La réversion est un objet hybride, dont les objectifs sont multiples, peu définis, et parfois concurrents au sein d’un même régime.

Ainsi, la majorité des régimes (à l’exception du régime général et des régimes alignés) répond à une logique patrimoniale dont le but est d’assurer la préservation des droits acquis et par conséquent de pallier le niveau moins important de droits propres à la retraite. In fine, l’objectif est de garantir le maintien du niveau de vie du conjoint survivant.

Toutefois, si de manière générale la réversion permet de maintenir le niveau de vie du conjoint survivant, la réussite même de cet objectif est fonction des conditions économiques du couple et du conjoint survivant.

Cette logique est en outre appliquée de manière imparfaite : alors que l’application pure d’une logique patrimoniale conduirait à considérer les droits constitués durant la période de vie du couple et à les conserver par la suite, les conditions strictes qui encadrent le remariage et qui créent de fait une « condition d’isolement » tendent à orienter le dispositif vers une approche plus distributive et centrée sur les personnes âgées isolées, plus sujettes à la pauvreté.

La mise en œuvre d’une logique strictement patrimoniale impliquerait également que la pension de réversion soit calculée au prorata de la durée de mariage, elle-même rapportée à la période d’accumulation des droits à retraite par le conjoint décédé. Or, le conjoint survivant perçoit l’intégralité de la réversion s’il est le seul ayant droit, quand bien même il aurait été marié peu de temps avec la personne décédée. À l’inverse, en cas de pluralité d’ayants droit, il doit partager la réversion avec les autres ex-conjoints au prorata des durées de mariages.

De la même manière, si l’objectif général est le maintien du niveau de vie, le versement de toute ou partie de la pension de réversion à un conjoint divorcé depuis plusieurs décennies peut sembler peu justifié (même si le décès de l’ancien conjoint peut venir interrompre le versement d’une pension due par l’ancien conjoint et donc diminuer le niveau de vie du conjoint divorcé).

Cette logique patrimoniale est par ailleurs tempérée, de manière plus ou moins prononcée selon les régimes, par une logique de solidarité. Si cela est pleinement utile, l’articulation de ces dispositifs avec l’ASPA et leur cohérence avec la réversion peuvent être questionnées. À cet égard, le faible nombre de bénéficiaires de l’ASPA parmi les bénéficiaires de pensions de réversion interroge sur la bonne connaissance du dispositif et ses conditions d’accès, notamment celle de la récupération sur succession qui limite le recours au dispositif.

Au regard de cette variété des objectifs, peu cohérents entre eux et parfois même au sein d’un même régime, le rapporteur spécial considère que toute réforme des retraites à venir ne pourra se faire sans poser la question du sens et de l’objectif de la réversion, entre conservation des droits acquis, maintien du niveau de vie, et garantie pour le conjoint survivant de ne pas tomber dans une situation de pauvreté. Une réflexion poussée quant à l’articulation entre réversion et dispositifs de protection sociale, dont le minimum vieillesse, devra également être menée dans cette optique.

2.   Des règles très différentes entre les régimes qui favorisent l’iniquité et limitent la lisibilité

La diversité des règles applicables conduit à créer des lignes de fractures entre des assurés pourtant placés dans une situation équivalente.

Une uniformisation totale ne serait pas souhaitable ni justifiée. En effet, les différents régimes présentent des spécificités qui doivent être conservées. En tout premier lieu, « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que les fonctionnaires, s’agissant des éléments de leur régime de retraite, en l’espèce les dispositions en matière de réversion, soient soumis à des règles différentes de celles auxquelles sont soumis les salariés relevant du régime général de la sécurité sociale » ([46]).

Pour autant, il existe des différences importantes entre les régimes, sans que ces différences de traitement ne puissent être « considérées comme la conséquence de différences objectives de situations » ([47]).

Un exemple frappant concerne le cas des ex-conjoints : outre les différences de répartition et de conditions entourant le remariage, la répartition de la réversion entre les différents bénéficiaires revêt un caractère temporaire au régime général (au décès d’un ayant droit, sa part est redistribuée aux autres), tandis qu’elle revêt un caractère définitif dans la fonction publique (le décès d’un ayant droit n’augmente pas la part des autres).

Ainsi, selon que l’ex-conjoint décédé a eu ou non plusieurs épouses, le montant individuel de la pension est amené à varier fortement ([48]).

Cette différence de traitement entre des assurés placés dans la même situation est d’autant plus incompréhensible pour des régimes financés par la solidarité nationale dans des proportions à la fois proches et importantes.

Le rapport rendu par Mme Yannick Moreau au Premier ministre en 2013 ([49])  préconisait déjà le rapprochement entre les règles des différents régimes, de manière à aboutir à des avantages semblables, dans une optique de neutralité financière ente les régimes. Le rapporteur spécial renouvelle cette recommandation, et préconise d’engager, à moyen terme, un travail d’harmonisation des principales règles de la réversion, avec une double volonté de recherche d’équité et de renforcement de la lisibilité du système pour les assurés.

Un élément de simplification récent doit toutefois être salué : depuis juillet 2020, les assurés peuvent réaliser une demande de réversion unique et commune aux 35 régimes du GIP Union Retraite. Ce service vient en complément de l’offre de service inter-régimes et est salué pour son efficacité par les caisses de retraite auditionnées par le rapporteur spécial.

Un modèle alternatif de réversion : le pension splitting allemand

Depuis 2001, les couples mariés allemands peuvent choisir entre la réversion et un partage égal des droits à la retraite acquis par les deux membres du couple au cours de la durée de mariage.

Dès lors, toute réversion est exclue en cas de décès. Lorsque le couple décide de partager les droits acquis, les droits à pension acquis durant le mariage sont partagés au moment où le plus jeune des deux conjoints prend sa retraite ou atteint l’âge de 65 ans : chacun perçoit une pension correspondant à la totalité de ses droits acquis hors mariage et à la moitié des droits communs acquis durant le mariage. Les droits issus du partage sont des droits propres. À la différence de la pension de réversion, ils ne dépendent pas de condition de ressource et restent acquis si la personne se remarie. En outre, les couples en union libre peuvent opter pour le droit de pension partagé.

Le pensions splitting est également obligatoire en Allemagne et au Royaume-Uni en cas de divorce : l’ensemble des droits acquis par les deux membres du couple est partagé au moment du divorce. Cette formulation permet d’internaliser au sein du couple le coût de la réversion : cela est moins coûteux pour les finances publiques et plus avantageux pour les assurés.

3.   La nécessaire adaptation du dispositif à l’évolution de la société

Le développement du PACS et de la vie en concubinage entre en contradiction avec la condition de mariage qui accompagne la réversion. Une part croissante de la population serait donc amenée à être exclue du droit à la réversion, alors même qu’il est financé de manière contributive par les assurés.

Par ailleurs, les règles entourant la condition d’isolement se fondent sur des bases déclaratives et sont par conséquent très compliquées à vérifier par les caisses de retraite. Les situations de fraude, volontaire ou involontaire, existent donc dans des proportions difficilement mesurables.

Le rapporteur spécial recommande d’ouvrir le bénéfice de la réversion aux personnes pacsées depuis plus de cinq ans au moment du décès ([50]) et pouvant présenter des preuves manifestes de vie commune. De la même manière que pour la condition de durée de mariage, il pourrait être envisagé, dans l’hypothèse où le PACS a duré moins de cinq ans, d’introduire une condition subsidiaire de durée de PACS durant la période d’activité de la personne. Il recommande que soit menée une évaluation des conséquences budgétaire de cet élargissement du dispositif.

À titre de comparaison, l’Allemagne a ouvert le bénéfice de la réversion aux équivalents des partenaires pacsés.

En effet, des conséquences juridiques concrètes et importantes accompagnent la conclusion du PACS, pleinement pris en compte dans un ensemble de domaines. Si les conséquences de ce contrat sont tirées dans de nombreux champs du droit, il serait légitime que la réversion soit adaptée également, et ne soit plus conditionnée à la conclusion d’un mariage.

Cette ouverture devra être précédée d’une évaluation du coût de cette évolution. La question de l’extension du dispositif aux personnes vivant en concubinage et ayant un enfant à charge pourrait être également posée dans un second temps.

À ce stade, il ne semble pas pertinent d’inclure dans la réversion les ex-partenaires de PACS de la personne décédée, afin de rester cohérent avec l’objectif de favoriser le maintien du niveau de vie lors du veuvage.


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   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 17 heures 15, le mardi 1er juin 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Olivier Damaisin, rapporteur spécial, sur les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions.

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera prochainement accessible en ligne.

 

 


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PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Conseil d’orientation des retraites COR : M. Pierre‑Louis Bras, président, M. Emmanuel Bretin, secrétaire général et, M. Anthony Marino, Chargé de mission

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRP SNCF) : M. Pierre Robin, directeur, et M. Cédric Brun, sous-directeur du pilotage économique

Table-ronde de chercheurs

– M. Antoine Bozio, directeur de l’institut des politiques publiques (IPP), maître de conférences à l’EHESS et chercheur associé à PSE – École d’économie de Paris ;

– Mme Carole Bonnet, chercheuse à l’institut national d’études démographiques (INED) ;

– Mme Julie Tréguier, doctorante en économie à l’INED.

Audition commune

 Service des retraites de l’État (SRE) : M. Guillaume Talon, chef de service

 Direction du budget : M. Richard Bordignon, chef du bureau retraites et régimes spéciaux

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRP SNCF) : M. Pierre Robin, directeur, et Cédric Brun, sous-directeur du Pilotage économique

Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) : M. Renaud Villard, directeur et, M. Pascale Breuil, directrice Statistiques et Prospectives

Établissement national des invalides de la marine (ENIM) : Mme Malika Anger, présidente

Table ronde du secteur maritime

– Armateurs de France (ADF)* : M. Jean Philippe Casanova, président de la Fédération française des pilotes maritimes

– Association professionnelle des entreprises de remorquage maritime (APERMA) : M. Marc Pratesi, secrétaire général

– Groupement des armateurs de services publics maritimes de passage d’eau (GASPE) : M. Guillaume du Fontenioux, président

– Syndicat national des employeurs de la conchyliculture (SNEC) : M. Daniel Sorlut

 Union des armateurs à la pêche de France (UAPF) : Mme Axelle Bodmer, secrétaire général

– Syndicat national des personnels navigants et sédentaires de la marine marchande : M. Bruno Dachicourt, secrétaire général de la CFTC Pêche

– CFE-CGC Marine : M. Jean‑Vincent Tanneau

– Fédération nationale des pensionnés de la marine marchande (commerce et pêche) (FNPMM) : M. René Louis Bernard

 Union fédérale des pensionnés et veuves de la marine marchande (UFPVMM-CGT) : M. Christian Le Signe, secrétaire général

Table ronde des organisations syndicales de la fonction publique

– UFSE-CGT : M. Gilles Oberrieder, conseiller confédéral retraite ;

 FSU : M. Erick Staëlen, secrétaire national ;

– Solidaires : Mme Évelyne Ngo, déléguée adjointe Solidaires FP, secrétaire nationale.

Table ronde d’organisations représentatives du rail :

 Sud Rail : M. Patrice Perret

 CFDT cheminots : M. Didier Aubert, secrétaire général

 UNSA ferroviaire : M. Didier Mathis, secrétaire général

– UNSA-RATP : M. Thierry Babec, secrétaire général

 

Contributions écrites :

– AGIRC-ARRCO ;

– Caisse des dépôts pour la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ;

– Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé.

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


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SOURCES UTILISÉES

– Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexé au projet de loi de finances pour 2021.

– Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de la commission des affaires sociales du Sénat sur les pensions de réversion, 2007.

– Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2015.

– Les retraités et les retraites, édition 2020, DREES.

– INSEE Références, édition 2020 – vue d’ensemble – le marché du travail en 2019.

– INSEE Références, édition 2020 – Emploi, chômage, revenus du travail.

– Rapport « Chiffres clés 2019 » de la CPRP SNCF.

– Rapport d’activité de l’ENIM pour 2019.

– Carole Bonnet, Antoine Bozio et Julie Tréguier Vers un système de retraite universel en points : quelles réformes pour les pensions de réversion ?, Institution des politiques publiques, 2019.

– INSEE Première, « De plus en plus de couples dans lesquels l’homme est plus jeune que la femme », N° 1613, septembre 2016.

– A. Marino, INSEE « Effet du veuvage et de la réversion sur le niveau de vie : simulations en projection », 2014.

– Alessandra Di Porto et Nassima Ghernaout, « La pension de réversion au régime général au fil des générations », Retraite et société, CNAV, 2020.

– INSEE, « Le recensement de la population évolue : de l’état matrimonial à la situation conjugale de fait », INSEE Analyses, n° 35, 2017.

– INSEE, Fiche thématique couples, 2015.


([1]) Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes sur l’exécution pour 2020.

([2]) À l’exception du régime de retraite des marins : la subvention versée à l’ENIM n’équilibre pas nécessairement le déficit de la caisse.

([3])  Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes sur l’exécution pour 2020.

([4]) Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes sur l’exécution pour 2020.

([5]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([6]) Comme l’impose l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([7]) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([8]) Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexé au projet de loi de finances pour 2021.

([9]) Le taux de la retenue sur salaire atteint donc 11,10 %, contre 11,31 % pour les salariés du privé. Cette différence s’explique par les accords Agirc-Arrco de 2013 et de 2015, qui restent à répercuter dans la fonction publique.

([10]) Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexé au projet de loi de finances pour 2021.

([11]) Article 63 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([12]) Article 46 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État.

([13]) Carole Bonnet, Antoine Bozio et Julie Tréguier, Vers un système de retraite universel en points : quelles réformes pour les pensions de réversion, Institut des politiques publiques, 2019.

([14]) Audition du COR par le rapporteur spécial.

([15]) Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2015.

([16]) Autre terme permettant de désigner la pension de réversion.

([17]) Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2015.

([18]) Les pensions de réversion à l’horizon 2070, Séance plénière du COR du 31 janvier 2019, « Retraite et droits conjugaux : panorama et perspectives ».

([19]) INSEE Première, « De plus en plus de couples dans lesquels l’homme est plus jeune que la femme », N° 1613, septembre 2016.

([20]) Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de la commission des affaires sociales du Sénat sur les pensions de réversion, 2007.

([21]) Documents fournis par le COR lors de son audition par le rapporteur spécial.

([22]) ibid.

([23]) Article L. 38 du code des pensions civiles et militaires (CPCM).

([24]) Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

([25]) Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2015.

([26]) Version simplifiée faisant l’hypothèse qu’il n’existe pas d’autres revenus.

([27]) Depuis le 1er janvier 2021

([28]) Les retraités et les retraites, édition 2020, DREES.

([29]) Ces données sont issues du rapport Chiffres clés 2019 de la CPRP SNCF.

([30]) 60 % du niveau de vie médian de la population, soit 1 041 euros par mois pour une personne seule en 2017.

([31]) Article 28 décret n° 2008-637 du 30 juin 2008.

([32]) Article 20 du décret n° 2008-637 du 30 juin 2008.

([33]) Par l’application d’un taux de rendement forfaitaire de 3 %.

([34] « a droit à une pension de réversion égale à la moitié de la pension principale ou rente dont bénéficiait ou eut bénéficié le défunt », le « conjoint à charge qui n’est pas lui-même bénéficiaire ou susceptible de bénéficier d’un avantage au titre d’une législation de sécurité sociale ».

([35]) Article 41 du décret n° 2003-1306.

([36])Article 47 du décret n° 2003-1306.

([37]) Article 45 du décret n° 2003-1306.

([38]) INSEE Références, édition 2020 – vue d’ensemble - le marché du travail en 2019.

([39])  INSEE Références, édition 2020 – Emploi, chômage, revenus du travail.

([40]) Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2015.

([41]) effet du veuvage et de la réversion sur le niveau de vie : simulations en projection, A. Marino, INSEE, octobre 2014.

([42]) La pension de réversion au régime général au fil des générations, Alessandra Di Porto et Nassima Ghernaout, Retraite et société, CNAV.

([43]) INSEE, Le recensement de la population évolue : de l’état matrimonial à la situation conjugale de fait, INSEE Analyses, n° 35, 2017.

([44]) ibid.

([45]) D’après l’INSEE, en 2013, quatre PACS rompus sur dix ont été suivis par un mariage du couple (Insee, 2015, Fiche thématique couples).

([46]) Conseil d’État, 23 décembre 2011, N° 353853.

([47]) Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2015.

([48]) Ibid.

([49]) "Nos retraites demain, équilibre financier et justice", rapport de la commission pour l’avenir des retraites, présidée par Mme Yannick Moreau, présidente de section au conseil d’État.

([50]) Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de la commission des affaires sociales du Sénat sur les pensions de réversion, 2007.