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N° 4195

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

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ANNEXE N° 6
 

 

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

 

 

PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Marc Le FUR

 

Député

 

 


 

 


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SOMMAIRE

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Page

SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

1. Exécution pour 2020

2. Thème d’évaluation : le surendettement des pays en développement et ses conséquences sur l’aide publique au développement française

RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

1. Recommandations portant sur l’exécution

2. Recommandations portant sur le thème d’évaluation

SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES

I. La mission Aide publique au développement et les ressources extrabudgétaires

A. l’exécution du Programme 110 AIde économique et financière au développement a été fortement marquée par la crise sanitaire et économique

1. Si l’année 2020 a permis de contribuer à plusieurs grands fonds, la réponse d’urgence à la crise sanitaire a conduit à diminuer les contributions à certains fonds au profit des aides budgétaires globales

a. Les contributions aux fonds multilatéraux et banques régionales ont été moins importantes que prévu

b. Un surcroît de dépenses au titre des aides budgétaires globales a été financé par les économies réalisées

c. Les crédits dédiés aux bonifications de prêts

2. Les dépenses liées aux traitements de dette des pays en développement

B. les moindres recettes enregistrées sur les ressources extra budgétaires ont pesé sur l’exécution du programme 110

C. la sur-exécution du Programme 209 s’explique principalement par les conséquences de la crise sanitaire et économique, mais permet de satisfaire aux objectifs fixés par le cicid

1. Une sur exécution des CP qui s’explique majoritairement des dépenses imprévues et liées à la crise sanitaire

2. La programmation et l’exécution confortent la réalisation des objectifs du CICID

a. Le don projet de l’AFD et des organisations de la société civile, principal vecteur de l’aide bilatérale, est en croissance

b. Les moyens de l’aide humanitaire

c. Les dépenses en faveur de la santé

3. Les contrats de désendettement et de développement (C2D)

II. le compte de concours financier prêt à des états étrangers

DEUXIÈME PARTIE - THÈME D’ÉVALUATION : LE SURENDETTEMENT DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ETSES CONSÉQUENCES SUR L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE

I. le surendettement des pays en développement, à nouveau en hausse, ainsi que l’évolution de leur dette, complique la réponse multilatérale à cette situation

A. La crise du covid est venue amplifier et révéler une dynamique de réendettement des pays en développement

1. L’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) a contribué à diminuer l’endettement des pays en développement dans les années 1990

2. L’endettement a de nouveau cru dans les années 2000

3. La crise du Covid a révélé les fragilités des pays en développement

B. les caractéristiques de cet endettement ont évolué, remettant en question l’efficacité des instances traditionnelles des traitements de dettes

1. Une dette privée qui croît, et notamment une hausse de la dette extérieure à des taux non concessionnels

2. La Chine : premier créancier bilatéral du continent africain

C. la communauté internationale a pris plusieurs mesures en réponse à cette situation de surendettement croissance

1. L’initiative de suspension du service de la dette

2. Le cadre commun du G20, appliqué pour les annulations de dette à venir

II. les conséquences pour l’aide française du surendettement des pays en développement

1. Les conséquences budgétaires des opérations de traitement de dette

a. Les dépenses en 2020

b. Un coût pluriannuel insuffisamment documenté

c. Les années à venir seront marquées par les conséquences de l’annulation récente de la dette du Soudan

2. Les conséquences budgétaires des suspensions de dette

a. Un coût d’opportunité budgétaire sous-estimé

b. Un effet indirect sur les contrats de désendettement et de développement

3. La modification des engagements pris

III. améliorer le traitement des situations de surendettement, limiter leur survenue et leurs conséquences pour les finances publiques françaises

1. Prévenir l’apparition des crises d’endettement et améliorer leur traitement

2. Réexaminer le traitement des dettes et leur prise en compte dans l’APD

3. Renforcer le rôle du Parlement dans les opérations de traitement de dette

4. Accroître l’espace budgétaire des pays en développement en augmentant l’efficacité de la politique fiscale, et en promouvant une croissance durable

ANNEXES

1. Liste des pays ayant rempli les conditions requises pour bénéficier de l’initiative PPTE

2. Liste des pays bénéficiaires de l’initiative de suspension du service de la dette

3. Carte des pays prioritaires de l’aide française

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

SOURCES UTILISÉES

 


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   SYNTHÈSE ET ChiffreS-clés

1.   Exécution pour 2020

● La tendance haussière de la mission Aide publique au développement (APD) se confirme en 2020 : les crédits de paiements (CP) de la mission ont crû de 13 %, atteignant 3,38 milliards d’euros. Cette nouvelle hausse s’inscrit dans une dynamique de long terme : depuis 2017, les moyens de la mission APD ont crû de plus de 35 %. En autorisations d’engagements (AE), les crédits exécutés atteignent 6,52 milliards d’euros, en hausse de 64,4 % par rapport à 2019.

Évolution des crédits exécutés, en AE et en CP, entre 2017 et 2020

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

● Les AE ont fait l’objet d’une sous-exécution de 10,63 %, en raison de la baisse des besoins dédiés aux bonifications de prêts de l’AFD. La rectification du besoin de bonification des prêts s’explique par le maintien des taux d’intérêt à un niveau bas, ainsi que par un volume d’activité revu à la baisse.

● Les CP ont quant à eux été sur-exécutés, traduisant le financement de plusieurs dépenses imprévues survenues en cours d’années. En premier lieu, la crise sanitaire liée au Covid-19 a entraîné des dépenses supplémentaires. Si une partie de ces aides a été financée par redéploiement de crédits (c’est le cas de l’initiative « Santé en commun de l’AFD », dont le coût total atteint 1,15 milliard d’euros dont 150 millions d’euros de dons), des crédits supplémentaires ont permis par exemple de financer la participation de la France à l’initiative ACT-Accelerator (ACT-A), dont le but est de favoriser l’accès des pays en développement aux outils de lutte contre le Covid-19.

● La chute du trafic aérien a entraîné un manque à gagner de 118,2 millions d’euros sur les recettes de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), affectées au financement du fonds de solidarité pour le développement. Des crédits budgétaires sont venus couvrir ce manque à gagner. Ces déconvenues en gestion illustrent les risques de la débudgétisation.

● Les crédits du compte de concours financier Prêts à des états étrangers atteignent 69,32 millions d’euros en AE et 570,26 millions d’euros en CP. Ils ont fait l’objet d’une sous-exécution importante, en raison des conséquences de la crise sanitaire (retards pris dans les projets et initiative de suspension du service de la dette).

2.   Thème d’évaluation : le surendettement des pays en développement et ses conséquences sur l’aide publique au développement française

● Les initiatives de traitement de dette passées ont fait la preuve de leur efficacité mais ne peuvent pas être renouvelées dans le cadre de la crise de la dette actuelle des pays en développement, dont l’ampleur a été révélée à la faveur de la crise du Covid-19. La nature de la dette des pays en développement a en effet fortement évolué depuis la fin des années 1990 : le poids des créanciers privés et des créanciers publics non-membres du Club de Paris (la Chine en tout premier lieu, désormais premier créancier du continent africain, détient 13 % de la dette totale du continent) a crû de manière significative depuis les dernières opérations de traitement de dette. La dette des pays en développement est donc plus faiblement concessionnelle, les conditions d’une partie de ses prêts sont opaques, et elle est détenue par des créanciers souvent réticents à mener des opérations de traitement collectives.

● Afin de faire face à cette situation, la G20 s’est doté en 2020 de deux outils : l’initiative de suspension du service de la dette, sollicitée par 46 pays, et le cadre commun élaboré par le G20 vise à encadrer les opérations d’annulations de dette à venir. Trois pays ont d’ores et déjà sollicité un traitement de leur dette dans le cadre de ce dispositif (le Tchad, l’Éthiopie et la Zambie).

● Les conséquences budgétaires des traitements de dette sont massives : en 2020, elles représentent 364,03 millions d’euros en AE et 150,79 millions d’euros en CP. Durant la dernière décennie, le coût des compensations pour annulations de dettes versées au titre du programme 110 représente environ 1,65 milliard d’euros en AE et 1,28 milliard d’euros en CP.

● L’avis du Parlement n’est aucunement sollicité quant aux décisions d’annulations de dette. L’exemple du Soudan est particulièrement criant : 5 milliards d’euros de dette seront annulés pour ce pays, avec qui la France n’entretient pas de lien économique particulier (il s’agit de son 123e partenaire commercial), sans que le Parlement ne puisse émettre d’avis à ce sujet.


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   RECOMMANDATIONS du rapporteur spécial

1.   Recommandations portant sur l’exécution

● Mettre un terme sur le transfert au fonds de solidarité pour le développement (FSD) de dépenses relevant du droit commun, voire à revenir sur certaines de ces débudgétisations, en forte augmentation au cours des dernières années.

● Intégrer l’aide à la population syrienne dans la programmation budgétaire de manière pérenne.

● Financer par les crédits de la mission APD l’augmentation de 100 millions d’euros des moyens du FSD, prévue dans le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités.

2.   Recommandations portant sur le thème d’évaluation

● Soutenir la recherche en économie et en relations internationales quant à l’endettement des pays en développement, et en particulier quant aux caractéristiques et au montant de leur endettement vis-à-vis de la Chine.

● Initier des négociations au niveau multilatéral quant à un mécanisme de rachat par les institutions multilatérales des titres de dette concernés, une forme de quantitative easing ciblé sur une partie de la dette privée des pays à faibles revenus.

● Au niveau multilatéral, élaborer un système de garanties publiques sur des titres de dette destinées au financement d’investissement axés sur le développement. En cas de déclenchement de la garantie, la comptabiliser au titre de l’APD.

● Renforcer l’information du Parlement quant aux décisions de traitement de dette, en renseignant sur une base annuelle les créances de la France sur les pays bailleurs, le coût des opérations de traitement de dette envisagées dans l’année et le coût consolidé des traitements de dette passés.

● Soumettre chaque opération de traitement de dette à un vote contraignant du Parlement.

 


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   SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

Le rapporteur spécial a formulé dans ses précédents rapporteurs plusieurs recommandations, dont la mise en œuvre reste toutefois incomplète à ce stade :

 

Le rapporteur spécial insiste de manière récurrente sur le fait que la croissance du volume d’aide dans les pays en développement doit aller de pair avec une plus grande coopération des pays bénéficiaires sur le plan migratoire. Or, l’efficacité des procédures d’éloignement reste variable, et trop souvent dépendante du degré de coopération de la part des autorités des pays d’origine. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

 

Dans le cadre de son rapport publié lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur spécial recommandait de réviser notre politique d’aide au développement en faveur de la Turquie, avec qui les relations bilatérales s’étaient fortement dégradées. Cette recommandation n’a pas été appliquée.

 

Le rapporteur spécial a recommandé de manière répétée que les indicateurs de performance de la mission présentent des résultats spécifiques aux dix-neuf pays prioritaires de l’aide française. Leur place dans la maquette de performance de la mission reste insuffisante. Cette recommandation n’a pas été appliquée.


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   PREMIÈRE PARTIE : REVUE DES DÉPENSES

La mission Aide publique au développement (APD) porte une partie des crédits consacrés à la politique d’APD française, par le biais de deux programmes budgétaires ([1]) :

– le programme 110 Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par la direction générale du Trésor, regroupe les crédits destinés au financement des grands fonds multilatéraux de développement et aux opérations d’annulations de dette. Il porte également des crédits bilatéraux, principalement des bonifications visant à abaisser le coût des prêts de l’AFD aux pays emprunteurs ;

– le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, mis en œuvre par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) porte les moyens d’interventions en dons, qui sont de nature multiple : don-projet mis en œuvre par l’AFD, soutien aux organisations de la société civile, aide humanitaire.

En outre, le présent rapport propose une analyse de l’exécution du compte de concours financier Prêts à des États étrangers.

La mission APD est marquée par une dynamique de croissance, que l’exécution pour 2020 vient confirmer. Les autorisations d’engagement (AE) exécutés en 2020 augmentent de 64,37 % par rapport à 2019, pour atteindre 6,52 milliards d’euros, et les crédits de paiement (CP) augmentent de 12,96 % par rapport à 2019, pour atteindre 3,38 milliards d’euros.

évolution des crédits exécutés, en ae et en cp, entre 2017 et 2020

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Cette croissance s’insère dans une dynamique engagée au début du quinquennat : entre 2017 et 2020, les CP de la mission ont augmenté de 35,6 %, illustrant les ambitions du Président de la République. Ce dernier a en effet souhaité soutenir fortement la politique d’APD, avec l’objectif d’atteindre 0,55 % du RNB en 2022. En proportion, la mission APD est la mission du budget général dont les crédits ont le plus augmenté.

L’Évolution de l’exÉcution des crÉdits de la mission
au cours des trois derniÈres annÉes (À maquette comparable)

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits exécutés en 2017

Crédits exécutés en 2018

Crédits exécutés en 2019

Crédits exécutés en 2020

Évolution entre 2017 et 2020

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 110 Aide économique et financière au développement

2 154,08

931,99

1 100,02

929,19

820,13

994,04

3 764,34

1 180,18

74,8 %

26,6 %

P 209 Solidarité à l’égard des pays en développement

1 529,06

1 560,17

1 801,29

1 703,62

3 148,73

1 998,31

2 759,33

2 200,02

80,5 %

41,0 %

TOTAL

3 683,14

2 492,16

2 901,31

2 632,80

3 968,87

2 992,36

6 523,66

3 380,20

77,1 %

35,6 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Toutefois, les crédits de la mission APD ne représentent qu’environ 45 % de l’effort budgétaire public en matière d’APD, composé de multiples contributions. L’année 2019 est la dernière année pour laquelle déclaration dite « définitive » d’aide publique au développement a été transmise au secrétariat du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE.

Les résultats consolidés de l’APD pour 2020 ne sont pas encore connus. Toutefois, les premiers résultats indiquent que l’aide publique au développement atteint 0,53 % du revenu national brut en 2020. Sans l’allègement de dette de la Somalie (cf. infra), l’APD atteindrait 0,52 % du RNB.

composantes de l’apd française pour 2019

(en millions d’euros)

 

2019

Aide publique au développement résultant des crédits budgétaires

7 738

(i) mission APD (hors prêts)

2 811

(ii) prêts bilatéraux de l’AFD

1 363

(iii) instruments du secteur privé de l’AFD (prêts, prises de participation) (1)

541

(iv) autres

3 023

dont bourses et écolages du MESR (P150, P231)

798

dont frais d’accueil des réfugiés (P303)

835

dont frais de santé des demandeurs d’asile

175

dont recherche (P172)

332

dont action extérieure de l’État (P105 et P185)

413

Autres prêts

146

(i) prêts concessionnels du Trésor

80

(ii) prêts multilatéraux

66

Contrats de désendettement (décaissements)

366

Contribution à l’APD financée par le budget de l’Union européenne (prélèvement sur recettes)

1 451

Allègement de la dette

18

Fonds de solidarité pour le développement

733

TOTAL BUDGET DE L’ÉTAT

10 453

Collectivités territoriales et agences de l’eau

138

Frais administratifs de l’AFD hors rémunération par l’État des opérations de l’AFD pour le compte de l’État

349

TOTAL APD

10 940

APD en % du RNB (nouvelle série SEC 2014)

0,44 %

Source : DG Trésor, septembre 2020.

L’exécution 2020 fait apparaître une sous-consommation des AE, consommées à hauteur de 90 %, et une sur-exécution des CP, qui représentent 103,4 % des crédits ouverts en LFI pour 2020. Les deux programmes de la mission suivent ces mêmes tendances.

 


L’exécution des crédits de la mission pour 2020

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits demandés

Crédits exécutés

Écart en valeur absolue

Écart en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

110 – Aide économique et financière au développement

4 464,34

1 136,84

3 764,34

1 180,18

– 700,00

43,34

– 15,68 %

3,81 %

209 – Solidarité à l’égard des pays en développement

2 834,87

2 131,51

2 759,33

2 200,02

– 75,54

68,51

– 2,66 %

3,21 %

TOTAL

7 299,21

3 268,36

6 523,66

3 380,20

 775,54

 111,84

 10,63 %

3,42 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

prévision et exécution des crédits de la mission pour 2020

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

L’exécution de la mission reflète deux aspects principaux :

● d’une part, la sur-exécution en CP traduit le financement de décisions prises dans l’urgence de la crise sanitaire et visant à en atténuer les effets ;

● d’autre part, les dépenses de la mission et leurs évolutions illustrent les engagements pris par la France en faveur de l’APD dans le cadre du CICID. Les objectifs fixés à cette occasion sont principalement :

– consacrer 0,55 % du RNB français à la politique d’APD en 2022 ;

– accorder 500 millions d’euros à l’urgence humanitaire et à la stabilisation en 2022 ;

– renforcer la composante bilatérale de l’aide en fléchant deux tiers de la hausse moyenne cumulée des AE de la mission APD à cette composante bilatérale ;

– renforcer la composante don de notre aide, notamment en augmentant les moyens alloués aux dons projets de l’AFD vers les pays prioritaires ;

– orienter l’aide française vers les zones géographiques prioritaires, et notamment flécher la moitié de l’effort en subvention de l’État et les deux tiers des subventions de l’AFD vers une liste de 19 pays prioritaires ([2]).

Avant toute chose, le rapporteur souligne que la part des crédits du programme 209 et des taxes affectées destinées aux dix-neuf pays prioritaires est de 25,7 % en 2020, contre une prévision de 26,6 % ce qui reste très insuffisant. Les crédits du programme 110 reflètent la même tendance : 65 % des ressources subventionnées des banques multilatérales de développement et des fonds multilatéraux sont fléchés vers l’Afrique subsaharienne.

Il est d’autant plus urgent d’orienter l’APD vers les pays prioritaires de l’aide française que ces derniers seront très fortement atteints par les conséquences économiques de la pandémie. A contrario, si la Chine reste bénéficiaire de l’aide française, sa croissance économique s’est poursuivie et s’est même amplifiée à l’issue de la crise sanitaire, pour atteindre 18,3 % au premier trimestre 2021. Un rééquilibrage des priorités et une renégociation du statut de la Chine semblent désormais impératifs.

Les données préliminaires de l’APD en 2020 :
l’aide extérieure des pays de l’OCDE atteint un niveau inédit

En 2020, les pays du comité d’aide au développement (CAD) ont consenti 161,2 milliards de dollars d’APD, soit 0,32 % de leur RNB combiné, dont 158 milliards de dollars sous forme de dons, de prêts à des entités souveraines, d’allégements de dette et de contributions à des institutions multilatérales (calculés sur la base de l’équivalent-don).

L’APD de l’ensemble des pays du CAD a augmenté de 3,5 % en 2020 par rapport à son niveau de 2019, atteignant le plus haut niveau jamais enregistré. Deux phénomènes expliquent ces résultats. D’une part, les membres du CAD ont apporté leur soutien aux pays en développement dans le cadre sanitaire et économique. D’autre part, l’augmentation des prêts souverains bilatéraux de quelques membres a tiré les résultats à la hausse. Au total, les pays du CAS ont dépensé 12 milliards de dollars pour des activités liées au Covid-19.

Les États-Unis demeurent le principal donateur du CAD. La France est le cinquième donneur, avec 14,1 milliards de dollars, et fait partie des pays dont l’effort est en hausse. L’effort consenti au titre des prêts souverains bilatéraux est particulièrement important : en termes réels et sur la base de la méthode de l’équivalent-don, ils ont augmenté de 63 % pour la France.

Certains donneurs historiquement très importants, et en premier lieu le Royaume-Uni, enregistrent au contraire une diminution de leur APD. Le Royaume-Uni reste toutefois le deuxième donneur le plus important.

Au total, l’APD nette mondiale a plus que doublé depuis 2000, permettant d’en faire une source stable de financement du développement notamment en cas de crise venant assécher les autres sources de financement. Ainsi, en 2020, l’APD a augmenté alors que les financements privés extérieurs à destination des pays en développement ont baissé de 13 % ([3]).

La première partie de ce rapport présente l’exécution pour 2020 de la mission APD et des ressources extrabudgétaires qui contribuent au financement de l’APD ainsi que l’exécution du compte de concours financier Prêt à des États étrangers. La seconde partie du présent rapport porte sur le thème d’évaluation choisi sur le rapporteur spécial : les situations de surendettement des pays en développement et leurs conséquences pour l’aide française.


I.   La mission Aide publique au développement et les ressources extrabudgétaires

Les exécutions du programme 110 comme du programme 209 sont marquées par les conséquences de la crise sanitaire, qui a également entraîné des moindres recettes sur les taxes affectées à la mission.

A.   l’exécution du Programme 110 AIde économique et financière au développement a été fortement marquée par la crise sanitaire et économique

Le programme 110 est mis en œuvre par la direction générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances. Il finance la composante financière de l’aide publique au développement, par plusieurs outils : le financement des organisations multilatérales de développement, les annulations de dettes bilatérales et multilatérales, les bonifications visant à diminuer le coût des prêts de l’AFD pour les pays emprunteurs, ou encore la mise en œuvre des aides budgétaires globales.

prévision et exécution du programme 110

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits demandés

Crédits exécutés

Écart en valeur absolue

Écart en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Aide économique et financière multilatérale

2 836,33

711,73

2 606,73

694,79

– 229,60

– 16,95

– 8,1 %

– 2,4 %

02 - Aide économique et financière bilatérale

1 310,36

339,67

793,58

334,61

– 516,78

– 5,06

– 39,4 %

– 1,5 %

03 - Traitement de la dette des pays pauvres

317,65

85,44

364,03

150,79

46,38

65,35

14,6 %

76,5 %

TOTAL

4 464,34

1 136,84

3 764,34

1 180,18

 700,00

43,34

 15,7 %

3,8 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Les crédits exécutés en AE au titre du programme 110 s’élèvent à 3,76 milliards d’euros, pour 4,46 milliards d’euros votés en LFI pour 2020 (soit une sous-exécution de 16 % environ). Les CP exécutés s’élèvent à 1,18 milliard d’euros pour 1,14 milliard d’euros votés en LFI, soit une sur-exécution de 4 % environ. Cette différence entre la prévision et l’exécution traduit les décisions prises pour faire face à la crise humanitaire ainsi que ses conséquences indirectes (cf. infra). La sur-exécution des CP a été permise par des reports importants de 2019 sur 2020 (61,05 millions d’euros en CP).

 

La sous-exécution des AE s’est quant à elle traduite par l’annulation de 410,6 millions d’euros en loi de finances rectificative du 20 novembre 2020, justifiée d’une part par l’actualisation à la baisse du besoin de bonifications des prêts de l’AFD aux États étrangers en raison de la persistance d’un environnement de taux bas, et d’autre part par les économies réalisées lors des reconstitutions de l’AID et du FAD.

En outre, la programmation budgétaire du programme a fortement augmenté entre 2019 et 2020 de 242 % environ en AE et de 5,8 % environ en CP. Une dynamique similaire quoiqu’encore plus marquée s’observe en réalisation : les AE consommés sont 359 % plus importants en 2020 qu’en 2019 et les CP exécutés sont 18,73 % plus importants en 2020 qu’en 2019.

évolution de la programmation et de l’exécution du programme 110
entre 2019 et 2020

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

AE

CP

2019

2020

Variation de la prévision entre 2019 et 2020 et de la consommation entre 2019 et 2020

2019

2020

Variation de la prévision entre 2019 et 2020 et de la consommation entre 2019 et 2020

110 - Aide économique et financière au développement

Prévision

1 305,77

4 464,34

241,89 %

1 074,75

1 136,84

5,78 %

Consommation

820,13

3 764,34

358,99 %

994,04

1 180,18

18,73 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

Les variations importantes en AE reflètent des reconstitutions de fonds internationaux, qui se réalisent de manière générale sur une base triennale.

1.   Si l’année 2020 a permis de contribuer à plusieurs grands fonds, la réponse d’urgence à la crise sanitaire a conduit à diminuer les contributions à certains fonds au profit des aides budgétaires globales

Les contributions aux fonds multilatéraux et les aides bilatérales du programme 110 ont été moins importantes que prévu en LFI, malgré la mobilisation des aides budgétaires globales au titre de la réponse à la crise sanitaire.

a.   Les contributions aux fonds multilatéraux et banques régionales ont été moins importantes que prévu

La reconstitution des fonds multilatéraux assurée par le programme 110 explique l’importante différence entre les AE et les CP du programme. En effet, les AE pluriannuelles sont décidées lors des négociations pour plusieurs années, puis progressivement décaissées en CP.

Le total des dépenses relatives aux fonds multilatéraux, y compris bonification de prêts, s’élève à 2,61 milliards d’euros en AE, contre 2,84 milliards d’euros en prévision, et à 694,79 millions d’euros en CP, contre une prévision de 711,73 millions en prévision.              

L’année 2020 a été marquée par la reconstitution de trois grands fonds, se traduisant par l’ouverture d’AE :

– l’association internationale de développement (AID) pour 1,34 milliard d’euros ;

– le fonds africain de développement (FAD) pour 460,13 millions d’euros ;

– le Fonds asiatique de développement (FasD) pour 40,82 millions d’euros.

Il convient également de noter que la contribution de la France au Fonds vert pour le climat fait l’objet d’un doublement entre 2019 et 2023, la portant à 1,55 milliard d’euros. La France est par conséquent le troisième contributeur sur la période. Le versement au fond a été plus important que prévu en 2020, en AE, en raison de négociations tardives ayant entraîné des reports sur l’exercice 2020, et en CP en raison de la nécessité de compenser à hauteur de 18,26 millions d’euros la contribution au fonds qui devait être financée par les recettes de taxe de solidarité sur les billets d’avion.

L’initiative en faveur de la mobilisation des ressources intérieures

Cette initiative trouve sa source dans un constat simple : les ressources intérieures d’un pays, et notamment ses ressources fiscales, devraient constituer ses principales sources de financement. Toutefois, dans un grand nombre de pays en développement, la mobilisation des ressources fiscales reste insatisfaisante au regard du PIB de ces mêmes État. Pour ces pays, il convient de sortir de la situation actuelle, dans laquelle l’aide au développement est la principale source de financement stable.

Le CICID a fait le choix d’endosser la stratégie interministérielle d’appui à une meilleure mobilisation des ressources intérieures publiques en faveur du développement. Cette décision se matérialise par le plan d’investissement stratégique 2020-2023. Les régions prioritaires de l’aide française sont particulièrement visées par ce plan : plus de 60 millions d’euros d’investissement, dont 30 millions d’euros en dons bilatéraux, sont ciblés à cet égard vers l’Afrique subsaharienne.

Toutefois, plusieurs contributions à des fonds multilatéraux ont dû être réduites pour financer les aides budgétaires globales en réponse à la crise sanitaire, décaissées le cadre de l’initiative « Santé en commun » (cf. infra). Ces diminutions expliquent la sous-exécution des engagements et des crédits de paiement portant sur les reconstitutions de fonds. C’est le cas des contributions suivantes :

– la contribution à l’initiative en faveur de la mobilisation des ressources intérieures pour 2,5 millions d’euros pour l’action multilatérale et 4,5 millions d’euros pour l’action bilatérale. Le rapporteur spécial déplore la sous-exécution du financement de la France à cette initiative, fondamentale pour permettre aux pays en développement de bénéficier à court terme de ressources fiscales nécessaires à leur développement ;

– la contribution au fonds de soutien programmatique mondial des activités extractives pour un million d’euros ;

– la contribution au fonds africain de développement pour 4 millions d’euros ;

–  la contribution à l’initiative G7 sur l’inclusion numérique des femmes

– l’initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA), pour laquelle une contribution n’a été versée en 2020.

Les contributions annulées pour 2020 seront reportées à 2021 et 2022. Il conviendra donc d’être vigilant quant aux conséquences de long terme de la crise, et de prévoir une budgétisation adéquate pour les années à venir.

En outre, des économies ont été réalisées lors des renégociations portant sur la reconstitution des fonds de l’association internationale de développement (AID), le fonds africain de développement (FAD) et le fonds asiatique de développement (FAsD), grâce à l’achat de dollars permettant une couverture de change favorable et l’adoption d’un programme accéléré sur trois ans, qui a pour conséquence de générer un « crédit d’accélération ». Ces économies de 150,65 millions d’euros en AE justifient une partie de l’annulation de 460 millions d’euros en loi de finances rectificative.

moindres dépenses réalisées au titre des participations à l’AID
et aux banques régionales par rapport à la prévision

(en millions d’euros)

 

Prévision

Exécution

Moindre dépense réalisée

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AID

1 401

346,53

1 335,40

346,53

– 65,59

0

FAD

540

168

460,13

148,95

– 79,87

– 19,05

FAsD

46

11,50

40,82

11,50

– 5,18

0

Total

1 987

526,03

1 836,35

506,98

– 150,65

– 19,05

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

b.   Un surcroît de dépenses au titre des aides budgétaires globales a été financé par les économies réalisées

Les aides budgétaires globales (ABG) sont un outil de stabilisation macroéconomique dans les pays en développement, ou d’appui aux stratégies nationales ou régionales de développement.

Des crédits d’ABG, financées au titre de l’aide bilatérale du programme 110, ont été débloqués afin de financer l’initiative « Santé en commun » de l’AFD. Le montant de ces aides, intégralement consacrées à cette initiative, est ainsi passé de 60 millions d’euros en AE et en CP en prévision à 80,7 millions d’euros en exécution, soit une surconsommation de 20,7 millions d’euros financée intégralement par redéploiement de crédits.

Les pays du Sahel (le Tchad, le Niger, le Soudan, le Mali, mais également l’organisation régionale AFRISTAT) ont été les principaux bénéficiaires de ces crédits supplémentaires.

c.   Les crédits dédiés aux bonifications de prêts

Malgré le déploiement d’ABG au-delà des prévisions, les aides budgétaires bilatérales ont fait l’objet d’une sous-exécution, importante en AE (516 millions d’euros environ) et expliquant la majeure partie de la sous-consommation du programme 110, minime en CP (5 millions d’euros environ).

Le principal outil financé par le programme 110 au titre de l’aide bilatérale est la bonification des prêts aux États étrangers, versée par l’État à l’AFD, et permettant à cette dernière d’abaisser le coût de ses prêts pour les bénéficiaires dans les pays étrangers.

Les AE prévus au titre des bonifications de prêts ont fait l’objet d’une sous-exécution de 537,8 millions d’euros, justifiant une grande partie l’annulation en loi de finances rectificative du 30 novembre 2020 de 410,6 millions d’euros en AE. La rectification du besoin de bonification des prêts en cours d’année s’explique par le maintien des taux d’intérêt à un niveau bas, ainsi que par un volume d’activité revu à la baisse en raison de la crise sanitaire et économique lié au covid-19.

Ces effets dépréciatifs des taux sur le montant de l’aide bilatérale doivent être nuancés :

– Si le maintien des taux à un niveau bas permet de réaliser des économies, elle entraîne une moindre valorisation de l’aide bilatérale. Cette sous-exécution traduit toutefois non pas une baisse des montants engagés, mais une baisse du coût des prêts ;

– En outre, les CP dédiées à l’aide bilatérale du programme 110 sont en hausse de 18 % par rapport à 2019, traduisant les engagements pris dans le cadre du CICID.

2.   Les dépenses liées aux traitements de dette des pays en développement

Les opérations d’annulations de dettes bilatérales et multilatérales entraînent une obligation de compensation des détenteurs des titres de dette par le budget général de l’État. Ces compensations peuvent bénéficient à l’AFD, à l’AID et au FAD.

Les AE et les CP ont fait l’objet d’une sur-exécution par rapport à la prévision, atteignent 364,03 millions d’euros en AE (+ 14,6 %) et 150,79 millions d’euros (+ 76,5 %). Cette sur-exécution s’explique par l’annulation de la dette de la Somalie, décidée par le Club de Paris dans le cadre de l’initiative PPTE, actée par l’accord bilatéral de réorganisation de dette du 26 novembre 2020. L’annulation de la dette somalienne représente pour 2020 67,83 millions d’euros en AE et en CP.

L’évolution de la méthodologie de comptabilisation des prêts
dans l’aide publique au développement

En 2014, les membres du CAD ont décidé de modifier la méthode de comptabilisation des prêts concessionnels, par l’introduction d’un système d’équivalent-don.

Au lieu d’enregistrer les flux financiers effectifs entre un donneur et un pays bénéficiaire (approche dans laquelle l’apport net de capitaux sur la durée de vie d’un prêt est nul car les remboursements du principal sont déduits au moment où ils interviennent, les intérêts ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’APD), les membres du CAD ont décidé de fonder l’APD sur un équivalent-don des prêts, autrement dit par la valorisation de l’élément don. Pour ce faire, les remboursements d’intérêt et du principal sont pris en compte, mais à leur valeur actualisée.

Cette méthode permet de disposer d’élément plus réaliste de l’effort consenti au titre de l’aide et incite les pays à fournir des prêts plus fortement concessionnels (dont l’élément-don est plus important). Cette méthode a été progressivement élargie aux instruments autres que les dons en 2016, dont par exemple les différents instruments du secteur privé. En 2020, la méthode de l’équivalent-don a également été élargie aux opérations d’allègement de dette.

L’application de cette méthode a pris effet à compter de 2019 et a conduit à une hausse des niveaux d’APD estimés, supérieurs de 0,09 % pour l’ensemble des pays du CAD. Pour la France, l’application de cette méthode a toutefois engendré une diminution de l’aide estimée (– 11 %).

B.   les moindres recettes enregistrées sur les ressources extra budgétaires ont pesé sur l’exécution du programme 110

L’APD est financée par deux ressources extrabudgétaires :

– une part de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) ([4]), pour un montant de 210 millions d’euros par an ;

– et une part de la taxe sur les transactions financières (TFF) pour un montant de 528 millions d’euros par an.

La somme du produit plafonné de ceux deux taxes, équivalent à 738 millions d’euros par an, contribue au financement du Fonds de solidarité pour le développement (FSD).

Ce fond, créé en 2005 et géré par l’Agence française de développement (AFD), prend en charge des dépenses multilatérales en matière de santé et de climat. Il contribue ainsi au financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, de la facilité d’achat de médicaments (UnitAid) et de la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim), du Fonds vert pour le climat et de l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI).

Si ces deux ressources sont extrabudgétaires, les difficultés du secteur aérien causées par la crise sanitaire en 2020 ont eu des conséquences directes sur la mission APD. En effet, la chute du trafic aérien a entraîné un manque à gagner de 118,2 millions d’euros sur les recettes de la TSBA, dont les recettes ont atteint 91,8 millions d’euros en 2020, bien deçà de la contribution habituelle de 210 millions d’euros au FSD.

Ce manque à gagner a dû être compensé de plusieurs manières :

– un décret de transfert de 11,5 millions d’euros en AE et de 13,4 millions d’euros en CP est venu abonder le programme 209 (qui a compensé les pertes de recettes de TSBA) à partir du programme 110 ;

– des décrets de virement en provenance des autres programmes du MEAE ont permis de compenser le manque à gagner restant (20,3 millions d’euros en AE et 21,4 millions d’euros en CP) ;

– enfin, 41,3 millions d’euros ont été ouverts en loi de finances rectificative à cet égard.

Cette déconvenue en exécution illustre les risques de la débudgétisation : en sus du manque de lisibilité pour le Parlement et pour le citoyen causé par cette pratique, la débudgétisation peut entraîner d’incertitudes quant au financement de la politique visée. Ainsi, à vouloir isoler le financement d’un dispositif en l’extrayant du périmètre d’une mission budgétaire, on prend le risque de mettre en péril ce même financement lorsqu’un événement imprévu surgit et vient affecter les recettes fléchées vers une dépense spécifique.

L’année 2020 démontre qu’en cas de recettes insuffisantes pour honorer une dépense ayant fait l’objet d’une débudgétisation, le budget général doit intervenir pour compenser, perturbant ainsi son exécution également.

Si un effort de rebudgétisation avait été opéré en 2019 avec la rebudgétisation de 270 millions d’euros de recettes de la TFF, il fait malheureusement suite au transfert au FSD du financement de la tranche de la facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm), payée jusqu’en 2016 à partir du programme 110.

La dynamique de rebudgétisation doit être poursuivie pour améliorer la lisibilité budgétaire et sécuriser les financements des bénéficiaires du FSD. Pour ce faire, il conviendrait a minima de mettre un terme sur le transfert au FSD de dépenses relevant du droit commun, au mieux à revenir sur certaines de ces dépenses en forte augmentation au cours des dernières années.

C.   la sur-exécution du Programme 209 s’explique principalement par les conséquences de la crise sanitaire et économique, mais permet de satisfaire aux objectifs fixés par le cicid

Le programme 209 regroupe les moyens d’intervention en dons, principalement le don-projet mis en œuvre par l’AFD, le soutien aux organisations de la société civile, l’aide humanitaire, le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI).

L’exécution du programme 209 se caractérise par une légère sous-consommation des AE (– 2,7 %) et une sur-consommation des CP (3,2 %).

Cette sur-exécution est liée à la crise sanitaire et reflète des choix politiques. En effet, la France a pris des engagements lors de la conférence des donateurs du 4 mai 2020, afin de lutter contre la pandémie de Covid-19. En outre, il a été décidé de la reconduction de l’aide humanitaire en Syrie (cf. infra).

Ainsi, en fin de gestion, les besoins de crédits additionnels atteignaient 65,8 millions d’euros en CP et 49,6 millions d’euros en AE, auxquels s’est ajouté un besoin supplémentaire de 100 millions d’euros lié à la baisse des recettes de TSBA affectées au FSD. Plusieurs mouvements en gestion, dont le dégel de la réserve de précaution, des virements en provenance d’autres programmes du MEAE, des transferts du programme 110 ont permis d’absorber ce besoin (cf. supra).

programmation et exécution du programme 209

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Crédits demandés

Crédits exécutés

Écart en valeur absolue

Écart en pourcentage

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02 - Coopération bilatérale

1 464,76

839,01

1 406,64

900,60

– 58,12

61,59

– 4,0 %

7,3 %

05 - Coopération multilatérale

366,25

288,64

356,02

302,78

– 10,23

14,13

– 2,8 %

4,9 %

07 - Coopération communautaire

842,41

842,41

842,41

842,41

0,00

0,00

0,0 %

0,0 %

08 – Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l’égard des pays en développement"

161,45

161,45

152,61

152,59

– 8,84

– 8,86

– 5,5 %

– 5,5 %

09 – Actions de co-développement

0,00

0,00

1,64

1,64

1,64

1,64

/

/

TOTAL

2 834,87

2 131,51

2 759,33

2 200,02

 75,54

68,51

 2,7 %

3,2 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

En outre, la programmation et l’exécution du programme 209 confirment leur tendance à la hausse en CP par rapport à 2019.

évolution de la programmation et de l’exécution
du programme 209 entre 2019 et 2020

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

AE

CP

 

2019

2020

Variation de la prévision entre 2019 et 2020 et de la consommation entre 2019 et 2020

2019

2020

Variation de la prévision entre 2019 et 2020 et de la consommation entre 2019 et 2020

209 – Solidarité à l’égard des pays en développement

Prévision

3 194,35

2 834,87

– 11,25 %

2 003,74

2 131,51

6,38 %

Consommation

3 148,73

2 759,33

– 12,37 %

1 998,31

2 200,02

10,09 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

La baisse des AE observée concerne principalement les crédits de coopération bilatérale du programme 209, après une hausse de 191 % en 2019. La stabilisation du don-projet de l’AFD à environ 900 millions d’euros par an correspond en réalité à un quadruplement en AE du volume moyen de subvention alloués à l’AFD par rapport à la moyenne 2015-2018.

1.   Une sur exécution des CP qui s’explique majoritairement des dépenses imprévues et liées à la crise sanitaire

Les engagements pris par la France dans le cadre de la crise sanitaire ont conduit à majorer les crédits du programme 209.

La France s’est engagée à verser 560 millions d’euros au total au titre de l’accompagnement des pays en développement face au Covid-19 dans le cadre l’initiative pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre le Covid-19 (Access to Covid-19 tools accelerator, ACT-A), dont 155 millions d’euros en 2020 ([5]) .

En 2020, cet engagement s’est traduit par plusieurs dépenses, financées par le biais de crédit supplémentaires ou de redéploiements :

● la première des contributions de la France à la réponse contre la crise du Covid dans les pays en développement s’est traduite par une contribution de 50 millions d’euros supplémentaires en 2020, dont 25 millions d’euros pour l’OMS, 10 millions d’euros pour Unitaid, et 15 millions d’euros pour le pilier Covax/Gavi, dont le but est de financer l’accès au vaccin dans les pays en développement ;

● En outre, la crise sanitaire a entraîné divers redéploiements de crédits au sein du programme 209, dont le versement de contributions spécifiques visant à soutenir les pays d’Afrique et d’Amérique latine dans leur réponse au Covid-19 :

– trois contributions visant le soutien des peuples autochtones dans la lutte contre le covid-19, pour un total de 6,5 millions d’euros financé par redéploiement de crédits, réparties entre l’organisation Conservation international, la Rainforest Foundation et un soutien à l’Ambassade da Brasilia pour l’acheminement d’assistance technique aux peuples autochtones en Amazonie ;

– 2 millions d’euros de contributions supplémentaires au profit de l’Institut Pasteur afin d’appuyer ses actions en Afrique en réponse à la pandémie ;

– 2,5 millions d’euros supplémentaires ont été dédiés à la mise en œuvre de projets dans le domaine de la coopération en matière de sécurité et de défense en Afrique. Est notamment visé le soutien des politiques de prévention et de lutte contre la crise sanitaire mises en place par les États.

● Enfin, le soutien aux pays en développement face à la crise a pris la forme de redéploiement des crédits mis en œuvre par l’AFD, qui a revu son programme d’activité pour financer l’initiative « Santé en commun », dont l’objet est de soutenir les pays en développement dans la crise du Covid-19. « Santé en commun » a été financé à enveloppe constante sur le programme 209 et par une augmentation de 20 millions d’euros des crédits du programme 110 alloués à l’AFD.

Au total, l’initiative « Santé en commun » représente un coût de 1,15 milliard d’euros, dont un milliard d’euros de prêts et 150 millions d’euros de dons (80 millions d’euros financés par le programme 110 et 70 millions d’euros financés par le programme 209). Elle vise l’Afrique en premier lieu, ainsi que le Moyen-Orient, Haïti et la République dominicaine.

En outre, et en complément de l’initiative « Santé en commun », l’AFD a engagé des projets dits « Covid élargis », dont l’objectif est de répondre à la crise économique et sanitaire hors continent africain, pour 1,7 milliard d’euros d’octroi.

Au total, hors prêts, le soutien des pays en développement face à la crise sanitaire représente en 2020 235 millions d’euros ([6]).


2.   La programmation et l’exécution confortent la réalisation des objectifs du CICID

Le CICID de 2018 a déterminé les principaux objectifs de l’aide française, parmi lesquels :

– augmenter des moyens consacrés à l’aide publique pour le développement, par la fixation d’une trajectoire visant à atteindre 0,55 % du revenu national brut (RNB) consacré à l’APD en 2022. Pour 2021, l’objectif prévisionnel était fixé est de 0,51 % du RNB ;

– consacrer les deux tiers de la hausse moyenne cumulée de la mission budgétaire à l’aide bilatérale, et mieux articuler les composantes bilatérale et multilatérale de l’APD ;

– renforcer la composante don de l’APD français. Pour ce faire, des moyens supplémentaires doivent être accordés à l’AFD, dont au moins un milliard d’autorisations d’engagements à partir de 2019 ;

– concentrer l’aide publique vers les pays les moins avancés (PMA) et l’Afrique. À ce titre, 19 pays prioritaires ont été définis.

Le projet de loi de programmation relative au développement solidaire
et à la lutte contre les inégalités

Le projet de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités est actuellement en cours d’examen par le Parlement, après une première lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat.

Ce projet de loi s’insère pleinement dans les grandes orientations définies par le CICID de 2018. En termes bugdétaires tout d’abord, il fixe des éléments de programmation financière pour la période de 2020 à 2025. Le projet de loi indique que les moyens de l’APD atteindront 0,55 % du RNB en 2022, puis 0,7 % dans un second temps. Le rapporteur spécial souligne toutefois que la programmation budgétaire postérieure à 2022 n’a en réalité pas de valeur juridique solide, et sera évidemment laissée à la main du prochain gouvernement. Concernant plus spécifiquement la mission APD, le projet de loi de programmation indique que les crédits de paiement de la mission atteindront 3 935 millions d’euros en 2021 et 4 800 millions d’euros en 2022.

En outre, le projet de loi indique que les ressources du fonds de solidarité pour le développement seront augmentées de 100 millions d’euros en 2022 par rapport à leur niveau de 2020 et de 2021. Toutefois, en l’absence d’une augmentation suffisante des ressources affectées au FSD, ce sont les crédits de la mission APD qui permettront d’atteindre cet objectif. Le projet de loi ne prend donc pas la responsabilité de déterminer quel sera le moyen de financer cette hausse des moyens du FSD, entre les crédits de la mission et l’augmentation des taxes affectées. Le rapporteur spécial souhaite que le budget général retrace fidèlement les dépenses de l’État relatives à l’APD, et recommande à ce titre que l’augmentation de 100 millions d’euros des moyens du FSD soit financée par le biais de la mission APD.

Il renouvelle également les axes prioritaires de l’action française, et en premier lieu la zone Afrique et Méditerranée, qui doit concentrer 75 % de l’effort financier total de l’État en subventions et en prêts, et au moins 85 % de celui de l’AFD. Les 19 pays prioritaires doivent bénéficier d’ici 2022 de la moitié de l’aide-projet de l’État et de deux tiers des subventions mises en œuvre par l’AFD.

D’un point de vue thématique, les défis environnementaux et climatiques, l’égalité femmes-hommes, les droits, ou encore la santé et l’éducation restent les priorités de l’aide française. Le rapporteur spécial déplore toutefois que la relation entre APD et migrations ne fasse pas l’objet d’une attention plus soutenue. Les conclusions du CICID identifient pourtant les migrations internationales comme l’un des aspects de la politique d’aide publique au développement. Le présent projet de loi n’accorde à cet aspect que peu d’importance. Les moyens budgétaires allouées à l’aide alimentaire, qui constitue à nouveau un besoin majeur pour un certain nombre de pays en développement, ne font pas plus l’objet d’une valorisation suffisante dans ce projet de loi.

Enfin, le projet de loi de programmation propose de consacrer le rôle du conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) en tant qu’« enceinte privilégiée et permanente de concertation entre les principaux acteurs du développement et l’État sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ([7]) ». Le projet de loi initial propose que deux députés siègent dans cette instance.

 

a.   Le don projet de l’AFD et des organisations de la société civile, principal vecteur de l’aide bilatérale, est en croissance

La coopération bilatérale représente le plus gros poste des dépenses du programme 209 : elle atteint en 2020 1,41 milliard d’euros en AE et 900,60 millions, soit 41 % des dépenses du programme 209.

En son sein, l’aide projet ([8]) mis en œuvre par l’AFD est le principal vecteur de l’aide bilatérale. Elle a été considérablement renforcée dans le cadre de la mise en œuvre des engagements du CICID : le don-projet mis en œuvre par l’AFD est resté à un niveau supérieur à ce qui était observé en amont du CICID, pour atteindre 860,8 millions d’euros en AE, après une hausse d’un milliard d’euros en 2019.

Environ 73 % du don-projet de l’AFD est à destination du continent africain, en accord avec les objectifs fixés par le CICID. Neuf des dix premiers bénéficiaires du don-projet de l’AFD font partie des 19 pays prioritaires de l’aide française.

les principaux pays bénéficiaires des crédits de don-projet de l’afd en 2020

(en millions d’euros)

10 premiers pays bénéficiaires en termes d’octroi

AE

10 premiers pays bénéficiaires en termes de décaissement

CP

Mali

 

56

Niger

33

Liban

53

Burkina Faso

30

Burkina Faso

35

Mali

 

27

RDC

32

Tchad

24

Tchad

31

Liban

20

Haïti

30

Territoires autonomes palestiniens

18

RCA

28

Madagascar

17

Niger

27

Mauritanie

16

Sénégal

27

Guinée

15

Madagascar

26

Sénégal

14

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

En outre, la coopération bilatérale fait l’objet d’une sur-exécution de 7,3 % en CP, soulignant les besoins induits par la crise sanitaire. En effet, une partie des crédits dédiés au don projet de l’AFD ont servi au financement de « Santé en commun ».

Le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI)

Le FSPI est une composante de l’aide bilatérale, directement mise en œuvre par le MEAE, et venant compléter les actions mises en œuvre par l’AFD.Il s’agit d’un outil de financement permettant aux ambassades de mener des actions concrètes et aux conséquences immédiates pour les populations locales. Le FSPI peut également être complémentaire à l’action de l’AFD, en préparer le terrain pour des actions de plus grande envergure. Entre 2017 et 2020, le FSPI a financé 265 projets dans 61 pays.

Les crédits du FSPI ont atteint 45,45 millions d’euros en CP en 2020, en deçà de la programmation (57,5 millions d’euros), en raison des difficultés de certaines ambassades à mettre en œuvre des projets dans le contexte de crise sanitaire. Les dépenses effectuées au titre du FSPI ont tout de même crû de 13 millions d’euros environ par rapport à 2019.

Les 19 pays prioritaires de l’aide française concentrent 10,38 millions d’euros en 2020. À titre d’exemple, le projet « Contribuer à la lutte contre les effets du changement climatique à Madagascar » a permis d’allouer 509 000 euros pour le renforcement des moyens humains, matériels et financiers de lutte contre la déforestation et la dégradation de la forêt, ainsi que la promotion des énergies renouvelables.

b.   Les moyens de l’aide humanitaire

Les moyens de l’aide humanitaire et de la gestion de crise poursuivent leur hausse, afin d’atteindre en 2022 l’objectif fixé par le CICID de 500 millions d’euros.

Les crédits budgétaires bilatéraux pour la stabilité internationale et la réponse aux fragilités ont été d’environ 182 millions d’euros en 2020, soit 21 % des crédits bilatéraux du programme.

Dans le détail, les postes de dépenses sont :

● l’aide budgétaire post-conflit et sortie de crise à hauteur de 8 millions d’euros, au titre de l’appui à l’autorité palestinienne ;

● les crédits mis en œuvre par le centre de crise et de soutien (CDCS), qui comprend lui-même deux pôles. Tout d’abord, le pôle action humanitaire coordonne la réponse humanitaire d’urgence de l’État en lien avec les services centraux du MEAE, les autres ministères, les ambassades et représentations permanentes. Le pôle stabilisation vise à renforcer l’efficacité de l’action française en ce qui concerne le continuum de crise. Les crédits de ce pôle financent des projets de court terme à impact rapide pour soutenir la sortie de crise.

Les crédits du CDCS ont été bien plus importants que prévu, atteignant 123,03 millions d’euros en CP, pour une prévision de 80,70 millions d’euros. Ils sont également en forte croissance par rapport à 2019 (+ 33,72 millions d’euros).

Plusieurs raisons justifient ce dépassement : l’aide à la population syrienne a été reconduite, entraînant un surcoût de 47 millions d’euros. Le fonds de soutien aux victimes de violences ethniques et religieuses, et la réponse humanitaire aux conséquences de la pandémie expliquent également ce surcoût. À ce titre, le CDCS a contribué au financement de 36 projets en réponse au Covid-19 dans 14 pays pour un montant total de 22 millions d’euros.

Le rapporteur spécial recommande que l’aide à la population syrienne soit prévue dans la programmation budgétaire de manière systématique pour les années à venir : elles se confirment d’année en année, donnant lieu à des redéploiements et des ouvertures de crédits en cours de gestion.

En outre, ces crédits financent la réponse à l’explosion du port de Beyrouth et le soutien aux victimes du conflit du Haut-Karabakh.

● Les crédits de l’aide alimentaire ont atteint 50,61 millions d’euros en CP, soit environ 5 millions de moins que la prévision. Ils sont en augmentation de presque 30 % par rapport à 2019. Cet effort est pleinement nécessaire : la faim dans le monde redevient, depuis 2014 et de manière plus aiguë encore depuis le déclenchement de la crise du Covid-19 un sujet majeur. D’après le dernier rapport sur l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde publié par la FAO, le PAM, le FIDA, l’Unicef et l’OMS indique qu’environ 690 millions de personnes ont souffert de la faim en 2019, soit 60 millions de personnes supplémentaires par rapport à 2014.

La sécurité alimentaire est à un nouveau une fragilité majeure
pour les pays en développement

L’une des conséquences indirectes de la crise sanitaire est la dégradation de la sécurité alimentaire dans le monde, liée à l’augmentation du prix des intrants notamment en Afrique. Depuis le début de l’année 2021, une très forte hausse des prix des engrais est en effet observée sur le marché mondial. Combinés aux difficultés logistiques engendrées par la crise sanitaire, les effets pourraient se révéler dramatiques pour les pays en développement.

Un observatoire de la Covid sur les engrais en Afrique a vu le jour pour suivre cette situation : il retrace les évolutions sur le front sanitaire, ainsi que les conséquences de la crise sur le secteur des engrais (situation des ports, possibilité de transit aux frontières ou encore l’accès aux intrants). les impacts de la crise du covid sur le secteur des engrais entre janvier et mars 2021

Source : observatoire de la Covid sur les engrais en Afrique.

Enfin, les crédits multilatéraux du programme ont fait l’objet d’une légère sur-exécution, en raison principalement des crédits dévolus aux contributions volontaires aux Nations Unies, supérieures de 10 % à la prévision initiale engendrée par la crise sanitaire. Une contribution supplémentaire à l’OMS (cf. supra) et le déploiement de crédits humanitaires alloués en priorité à la crise des réfugiés expliquent cette surconsommation.

Ainsi, les crédits multilatéraux consacrés à la stabilité internationale et aux réponses aux fragilités atteignent 117 millions d’euros en 2020, soit 12,4 % des crédits multilatéraux, en hausse par rapport à 2019.

Cette augmentation s’explique principalement par la contribution française à la facilité de l’Union européenne en faveur des réfugiés en Turquie (44,5 millions d’euros) et au haut-commissariat pour les réfugiés des Nations–Unies (38,9 millions d’euros).

c.   Les dépenses en faveur de la santé

Les crédits consacrés à la santé représentent 9,9 % des crédits bilatéraux en 2020, pour une cible de 8,9 %. La mise en œuvre du dispositif « Santé en commun » explique ces bons résultats, auxquels contribue également l’aide alimentaire programme.

La France a mobilisé 1,2 milliard d’euros pour la réponse à la crise du Covid-19, et en particulier a financé le plan « Santé en commun » de l’AFD, à hauteur d’un milliard d’euros de prêts et de 150 millions d’euros de dons, à crédits constants (cf. supra).

La part des crédits multilatéraux pour la santé est plus importante : 528 millions d’euros en 2020, soit plus de la moitié (56 %) de l’aide multilatérale financée via le programme 209, le FSD et les taxes affectées.

3.   Les contrats de désendettement et de développement (C2D)

Les C2D s’inscrivent dans la mise en œuvre de l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE), qui repose sur l’annulation de dettes des pays pauvres au cours des années 1990 et 2000 principalement, et représentent un effort supplémentaire réalisé dans le cadre de cette initiative.

Les C2D prennent la forme d’un refinancement sous forme de don des sommes remboursées par les pays emprunteurs. Ainsi, le pays débiteur continue d’honorer le service de sa dette mais reçoit de la France, sitôt le remboursement constaté, une subvention d’un montant équivalent pour financer les programmes de lutte contre la pauvreté identifiés en amont et inscrits dans le C2D. Les C2D portent sur deux types de créances d’APD :

– d’une part, les créances d’APD détenues par l’État français et figurant à l’actif du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers (cf. infra programme 851 géré par Natixis et programme 852 géré par la Banque de France (BDF)) ;

– d’autre part, les créances d’APD directement détenues par l’AFD.

Ces dons sont ensuite comptabilisés par la suite au titre de l’APD. Ainsi, le pays emprunteur en difficulté rembourse les échéances dues et un don correspondant au montant de ce remboursement lui est alloué en retour.

Il s’agit donc d’une dépense résultant d’un engagement préalable, dès lors que l’État auquel elle est liée par un C2D rembourse sa dette.

Depuis 2001, la France a signé 39 contrats avec 18 États, dont quinze en Afrique et trois en Amérique latine. Quatre contrats font encore l’objet d’un refinancement en 2020 : il s’agit du Cameroun, de la Guinée, de la RDC ([9]), et de la Côte d’Ivoire.

L’exécution pour 2020 a toutefois été perturbée par la mise en œuvre de l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD), décidée par le Club de Paris élargi à d’autres pays (cf. infra).

L’initiative de suspension du service de la dette a conduit à suspendre le remboursement des prêts pour les quatre États redevables de remboursement en 2020. Ces remboursements n’ayant pas été mis en œuvre, l’AFD n’a pas versé les dons correspondant. Par conséquent, alors que l’AFD devait verser 40,62 millions d’euros au titre des C2D en 2020, elle n’a versé que 7,42 millions d’euros.

S’il ne s’agit que d’un report de remboursement et donc de dépenses, le non-remboursement des C2D en 2020 entraîne mécaniquement une baisse des dons comptabilisés au titre de l’APD.


II. le compte de concours financier prêt à des états étrangers

Le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers retrace en dépenses les prêts consentis à des États étrangers et à l’AFD. Les recettes du compte sont composées des remboursements en capital effectués par les débiteurs. Les quatre programmes du compte de concours financiers sont sous la responsabilité de la direction générale du Trésor.

prévision et exécution du compte de concours financier
prêt à des états étrangers

(en millions d’euros et en pourcentage)

 

Recettes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

LFI
2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

LFI
2020

Exécution 2020

Écart à la prévision

Section 1 et programme 851 Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

284,22

276,82

– 2,6%

1 000,00

– 1,4447

– 100,1%

367,07

252,50

– 31,2%

Section 2 et programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

85,76

45,82

– 46,6%

250,30

70,7659

– 71,7%

250

71

– 71,7%

Section 3 et programme 853 Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

10,75

10,75

0,0 %

0

0

/

424

247

– 41,8%

Section 4 et programme 854 Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la
monnaie est l’euro

148,31

149,61

0,9 %

0

0

/

0

0

/

TOTAL

529,04

482,99

 8,7%

1 250,30

69,32

 94,5%

1 041,67

570,26

 45,3%

Solde annuel

87,27

Solde cumulé depuis la création du compte

– 18 821,06

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

● Le programme 851 Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France finance des projets participant au développement de pays étrangers et faisant appel à des biens et services français. Ces financements font partie de la politique de l’export française, et reposent sur des prêts concessionnels et des prêts directs (non concessionnels).

Les dépenses du programme 851 ont été inférieures à la prévision, en raison notamment du ralentissement de plusieurs projets du fait de la crise sanitaire. En outre, des protocoles inusités ont été annulés pour un montant supérieur à celui des engagements ouverts, expliquant le niveau négatif des AE.

En 2020, sept protocoles de prêts ont été signés avec trois pays (Mongolie, Côte d’Ivoire, Kenya), pour un total de 317,7 millions d’euros.

● Le programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France retrace une part de l’effort financier de la France en matière d’allégement de la dette pour les pays pauvres les plus endettés.

Les recettes ont été bien plus faibles que prévu (45,8 millions d’euros contre 85,8 millions d’euros) en raison du report des recettes en capital issues de remboursements des pays qui bénéficient de l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD).

Les dépenses ont été moins importantes que prévu en raison du report de traitement de dette au titre de l’ISSD. Ainsi, les 250,3 millions d’euros prévus au titre du programme n’ont pas été exécutés. Les 70,76 millions d’euros dépensés au titre du programme retracent l’opération de refinancement de créances mené à la suite de la signature de l’accord entre la France et la Somalie prévoyant l’annulation de la dette somalienne.

● Le programme 853 Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers permet à la DG Trésor d’accorder des prêts très préférentiels, dits « ressources conditions spéciales », auxquels l’AFD adosse ensuite des prêts concessionnels à des États étrangers. Ce programme ne peut faire l’objet d’une analyse distincte de celle du programme 110. Aucun crédit n’a été engagé en 2020. Les crédits exécutés ont été inférieurs à la prévision provient de décaissement de l’AFD plus faibles que prévu, en raison des conséquences de la crise sur le déroulement des projets de l’AFD.

● Le programme 854 Prêts à des États étrangers dont la monnaie est l’euro a été mis en place en 2010 afin d’accorder des prêts bilatéraux à la Grèce. Il ne devrait plus être sollicité à l’avenir en raison de la mise en œuvre d’outils européens de prêt (Fonds européen de stabilité financière puis Mécanisme européen de stabilité). Le programme de prêts bilatéraux a donc été interrompu en 2011, et aucun crédit n’a été programmé à ce titre.

 


   DEUXIÈME PARTIE - THÈME D’ÉVALUATION :
LE SURENDETTEMENT DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ETSES CONSÉQUENCES SUR L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE

L’année 2020 et l’année 2021 ont été marquées par plusieurs événements marquants relatifs au surendettement des pays en développement :

– l’annulation de la dette de la Somalie détenue par la France, à la suite de la signature de l’accord bilatéral du 26 novembre 2020 ;

– le déploiement par le G20 dans le cadre de la crise économique et sanitaire de l’initiative de suspension du service de la dette de nombreux pays en développement ;

– au printemps 2021, la dette du Soudan détenue par la France a fait l’objet d’une annulation, dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le financement des économies africaines, malmenées par une conjoncture économique mondiale incertaine.

Le retour de la thématique du surendettement des pays en développement se produit pourtant après plusieurs années d’accalmie, qui ont permis à la communauté internationale de se prévaloir des bons résultats des traitements de dettes opérés dans les années 1990 et au début des années 2000. Si de nouvelles décisions doivent être prises, deux éléments fondamentaux doivent être pris en compte quant au contexte actuel :

– la structure et la composition de la dette des pays en développement ont évolué, empêchant l’application irréfléchie des vieilles recettes du Club de Paris, le cénacle des créanciers bilatéraux publics à l’origine des opérations de traitement de dettes des dernières décennies ;

– la communauté internationale se trouve à la veille d’une période de grandes difficultés des pays en développement, et notamment d’Afrique subsaharienne. Le Parlement ne peut rester muet face aux enjeux financiers massifs qui découleront des traitements de dettes à venir et aux implications politiques qui en découlent : son avis doit désormais être recueilli.

Le rapporteur spécial a structuré son analyse autour de plusieurs axes de travail :

– il dresse un bilan des opérations de traitement de dettes passées et de la situation actuelle ;

– il analyse le coût de ces opérations pour les finances publiques françaises ;

– il propose un ensemble de recommandations visant à limiter la survenue de futures crises d’endettement, à améliorer leur traitement et à garantir l’implication du Parlement dans les décisions de suspension à venir.

I.   le surendettement des pays en développement, à nouveau en hausse, ainsi que l’évolution de leur dette, complique la réponse multilatérale à cette situation

Après plusieurs années d’accalmie sur le front de l’endettement des pays en développement, grâce à des traitements de grande ampleur menés par le passé, la crise du Covid-19 est venue révéler les fragilités des États et les évolutions de leur dette. La communauté internationale a pris en 2020 plusieurs mesures visant à limiter le risque d’insolvabilité des pays en développement surendettés.

A.   La crise du covid est venue amplifier et révéler une dynamique de réendettement des pays en développement

Aux opérations de traitements de dette des années 1990 a succédé une période de ré-endettement progressif, dont l’ampleur a été révélée à la faveur de la crise sanitaire et économique du Covid-19.

1.   L’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) a contribué à diminuer l’endettement des pays en développement dans les années 1990

Après des premiers incidents sur la dette dans les années 1970, la dette des pays en développement s’est avérée insoutenable à partir de la fin des années 1980. À titre d’exemple, la dette de l’Afrique subsaharienne a atteint 136 milliards de dollars à la fin des années 1980, soit 630 % de plus qu’en 1970, année où elle n’était que de 6 milliards de dollars ([10]).

La littérature économique explique par plusieurs raisons le fait que les pays africains contractent des montants de dette telle qu’ils se retrouvent face à des incidents de paiement ([11]) :

– les revenus tirés de l’export ont fortement augmenté dans les années 1970 en raison de la croissance des prix des marchandises, permettant de contracter des dettes ou de financer des dépenses intérieures ;

– par la suite, la chute du prix des biens exportés a entraîné des besoins d’emprunts externes ;

– certaines décisions malvenues ont été prises par les Gouvernements emprunteurs dans l’usage de ces financements externes et la conception des projets de développement ;

– enfin, la hausse des taux intérêt après le second choc pétrolier a pu également contribuer à l’emballement de la dette des pays en développement, de manière limitée toutefois, les créanciers étant principalement publics pratiquent des taux concessionnels.

Plusieurs initiatives de réduction de la dette ont été nécessaires pour normaliser la situation :

● au niveau bilatéral tout d’abord, avec le traitement de Toronto décidé dans le cadre du Club de Paris en 1989. Cette étape marque une évolution importante, la « conversion du Club de Paris au paradigme concessionnel » ([12]). En effet, jusque-là, les traitements de dette du Club de Paris prenaient la forme de rééchelonnements de dette, assortis d’une hausse du taux d’intérêt. Vingt pays ont bénéficié des termes de Toronto entre 1988 et 1991. Depuis 1989, les traitements de dettes par le Club de Paris emportent une réduction de la dette.

Le Club de Paris

Le Club de Paris regroupe les 22 créanciers publics qui détiennent le plus de créanciers sur les pays débiteurs dans le monde. Le Club se réunit afin de trouver des solutions coordonnées et concertées aux difficultés de paiement des pays endettés.

Il a été créé en 1956, lorsque l’Argentine accepta de rencontrer ses créanciers publics à Paris au sujet de son endettement. Depuis cette date, le montant de la dette traitée par les accords du Club de paris atteignent 589 milliards de dollars.

L’action du Club de Paris repose sur six principes, systématiquement appliqués lors des négociations sur les traitements de dette :

– Solidarité : tous les membres du Club agissent en tant que groupe, et sont dès lors sensibles aux conséquences de la gestion de leurs propres créances sur les autres membres du groupe ;

– Consensus : les décisions prises reflètent le consensus des membres ;

– Partage d’informations : les membres du Club partagent les informations dont ils disposent et bénéficient à ce titre de la participation du FMI et de la Banque mondiale ;

– Décision au cas par cas : le Club de Paris adapte ses décisions aux situations des pays débiteurs ;

- Conditionnalité : le Club de Paris ne rencontre un débiteur que lorsque ce dernier nécessite un allégement de dette et que le débiteur s’engage à mettre en œuvre les réformes nécessaires pour restaurer sa situation économique et financière ;

– Comparabilité de traitement : le pays débiteur qui signe un accord avec les créanciers du Club s’engage à ne pas accepter de ses créanciers bilatéraux non membres du Club et de ses créanciers commerciaux un traitement de dette selon des termes moins favorables pour lui que ceux agréés dans le cadre du Club de Paris.

Cette dernière condition est fondamentale : elle permet de garantir que les allègements consentis par le Club de Paris ne serviront pas à rembourser prioritairement des États ou organismes qui ne pratiquent pas de prêts concessionnels, et donc de garantir que de l’argent public ne sera pas fléché vers le remboursement de capitaux et d’intérêts privés.

 

● Par la suite, l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) a été décidée en 1996. Ses effets se sont avérés durablement positifs pour les pays bénéficiaires.

Les pays doivent satisfaire plusieurs critères pour bénéficier d’un soutien dans le cadre de l’initiative PPTE, qui se fait en plusieurs étapes :

  1.  Le point de décision est la première étape. Pour en bénéficier, le pays doit satisfaire aux quatre conditions suivantes : être admissible à emprunter auprès de l’agence internationale de développement de la banque mondiale (elle octroie des prêts sans intérêt et des dons aux pays les lys pauvres), faire face à une charge d’endettement insoutenable à laquelle les moyens traditionnels d’allègement de dette ne peuvent répondre, donner la preuve qu’il a procédé à des réformes et mené une politique avisée dans le cadre de programmes appuyés par le FMI et la Banque mondiale, et avoir élaboré un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP).

Lorsque ces critères sont remplis, le FMI et la Banque mondiale peuvent décider de l’admissibilité du pays à l’allègement de la dette. L’atteinte du point de décision permet au pays de commencer à recevoir un allègement intérimaire du service de sa dette.

  1.  Le point d’achèvement est la seconde étape. Lorsque le pays l’atteint, il peut bénéficier de la réduction intégrale et irrévocable de sa dette. Pour ce faire, le pays doit continuer de donner la preuve de bonnes performances économiques dans le cadre des programmes du FMI et de la Banque mondiale, exécuter de manière satisfaisante les grandes réformes et adopter et mettre en œuvre pendant un an au moins sont DSRP.

Sur les 39 pays admissibles à l’initiative PPTE, 36 bénéficient d’un allègement intégral de leur dette au titre de l’atteinte du point d’achèvement. Le Soudan est admissible au titre du point de décision depuis cette année. L’Érythrée est le dernier pays admissible non admis.

Certains pays, comme le Ghana, ont dans un premier temps refusé cette initiative, par crainte de voir ses taux d’intérêt croître sur les marchés, en raison du signal négatif envoyé ([13]).

En 2005, l’initiative PPTE a été complétée par l’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM), qui repose sur l’allégement de la totalité des dettes admissibles par trois institutions multilatérales, le FMI, la Banque mondiale et le fonds africain de développement, pour les pays parvenus au terme de l’initiative PPTE.

Le bilan de l’initiative PPTE est convaincant :

– Au total, les initiatives PPTE et l’initiative de suspension du service de la dette ont permis d’annuler 76 milliards de dollars pour 36 pays à faibles revenus. Environ 44 % de cette somme provient des institutions multilatérales, le reste provenant des créanciers bilatéraux ;

– Les pays bénéficiant d’un allègement de dette ont vu les paiements au titre du service de la dette diminuer d’environ 1,5 point de pourcentage de PIB entre 2001 et 2015 ([14]) ;

– l’initiative PPTE a provoqué une baisse des ratios de dette publique des pays bénéficiaires très importante entre 2000 et 2006 : la valeur médiane de la dette est passée de 94 % du PIB à environ 30 %, soit une division par trois ([15]) ;

– les opérations de traitements de dette permettent de libérer de l’espace budgétaire pour financer d’autres dépenses. Cela semble se vérifier, des études démontrant que PPTE a permis de dégager de l’espace budgétaire permettant d’augmenter les dépenses de développement par le public, mais également de stimuler le secteur privé ([16]).

Ainsi, les évaluations menées révèlent que les effets des opérations de traitement de dette ont des effets favorables et efficaces pour les pays bénéficiaires. Ces réductions de dette se sont toutefois inscrites dans un contexte de croissance élevée sur le continent africain : si les opérations de traitement de dettes remplissent de manière générale leurs objectifs pour les pays bénéficiaires, leurs effets dépendent du contexte économique dans lequel elles sont réalisées.

L’évaluation du coût pour la France de ces opérations est analysée ci-après.

Des initiatives nationales sont également à signaler : les accords de Dakar I et II, ainsi que ceux de la Conférence de Paris, portaient l’annulation d’échéances en principales et en intérêt dues par 35 pays d’Afrique subsaharienne au titre de prêts concessionnels accordés par la France.

2.   L’endettement a de nouveau cru dans les années 2000

Après une période de stabilité, le ratio de la dette a recommencé à croître à partir de 2013. Cette nouvelle hausse de l’endettement n’est pas uniquement due à une hausse du montant absolu de la dette : la hausse des ratios de dette s’est inscrite dans un contexte de ralentissement des taux de croissance économique, en raison d’un retournement du cycle des matières premières.

Par ailleurs, plusieurs choix de politique économique peuvent expliquer la faible durabilité des effets positifs de l’initiative PPTE. En premier lieu, la plus forte intégration des économies africaines aux marchés financiers, matérialisée par l’émission d’eurobonds, peut être source de difficultés. Ce phénomène a été favorisé par la position adoptée notamment par les bailleurs internationaux, visant à valoriser le mélange entre des financements publics et privés, afin de réduire la dépendance des pays africains aux financements publics concessionnels. Ainsi, les emprunts contractés à la suite des initiatives d’allégement de la dette répondaient de la même formule « mi-don mi‑prêt ». Cette formule a pu toutefois contribuer à fragiliser certains pays, soumis à une augmentation de la charte de leur dette.

En outre, de nombreux pays ont continué à mener des politiques budgétaires procycliques, et ce particulièrement pour des pays dépendants des matières premières et énergétiques comme le Nigeria ou le Gabon. Le retournement du cycle des matières premières a dès lors considérablement dégradé leurs équilibres budgétaires. Enfin, l’efficacité des politiques de mobilisation des ressources intérieures (c’est-à-dire d’amélioration de la collecte des recettes fiscales) est restée limitée.

La conjonction de ces éléments économiques a conduit à une nouvelle vague de tensions sur l’endettement des pays en développement, et en particulier d’Afrique subsaharienne.

Dès la fin de l’année 2018, le FMI et la Banque mondiale ont indiqué que la dette publique de plusieurs pays anciennement bénéficiaires de l’initiative PPTE était devenue insoutenable. La région a abordé la crise du Covid-19 avec un espace budgétaire réduit : 16 pays présentaient un risque élevé de surendettement ou connaissant déjà une situation de surendettement en 2019 en Afrique subsaharienne ([17]). À la fin de l’année 2019, l’encours de la dette extérieure des pays à revenu faible et intermédiaire s’élève à 8 100 milliards de dollars, un tiers de ce montant étant détenu par des créanciers privés ([18]) .

Ces éléments soulèvent un point qui ne doit pas être omis lorsqu’il s’agit de faire l’évaluation des initiatives de suspension de dette des années 2000, et notamment PPTE : le contexte de l’opération de traitement de la dette et les choix de politique économique qui la suivent sont au moins tout aussi importants que la manière dont les traitements de dette sont menés.

 

 

3.   La crise du Covid a révélé les fragilités des pays en développement

La crise du Covid a entraîné une augmentation massive des besoins de financement des pays en développement : le ralentissement de l’activité économique, cumulé d’une part à la réponse des États à la pandémie et aux besoins des populations, et d’autre part aux mesures de soutien à l’activité économique, a révélé les fragilités des économies africaines. La Banque africaine de développement estime que les gouvernements africains ont besoin d’un financement brut supplémentaire d’environ 154 milliards de dollars en 2020 et 2021 pour répondre à la crise ([19]) .

La crise du Covid a tout d’abord entraîné un ralentissement important de la croissance dans toutes les régions d’Afrique subsaharienne. L’Afrique subsaharienne est la région du monde où la croissance est la plus lente en 2021 : elle devrait atteindre 3,4 %, d’après le FMI ([20]). Si un rebond est attendu en 2021, à la faveur d’un scénario en V, les économies les plus fragiles pourraient avoir des difficultés à retrouver leur taux de croissance d’avant crise. Le niveau d’avant crise pourrait être encore plus difficile à établir s’agissant du niveau de vie des populations. Le niveau de vie d’avant crise pourrait n’être rétabli qu’en 2023 voire 2025.

Les conséquences sur les populations sont immédiates : le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté en Afrique subsaharienne a augmenté de 32 millions en 2020 ([21]). Les pays d’Afrique subsaharienne présentent les pourcentages les plus élevés de personnes souffrant de pauvreté multidimensionnelle et de privations en ce qui concerne la durée de scolarisation (Niger, Burkina Faso, Soudan du Sud, Tchad et Éthiopie) et la fréquentation scolaire (Soudan du Sud, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mali).

En outre, les mesures budgétaires liées au Covid-19 ont représenté 2,6 % du PIB en moyenne en 2020, niveau bien moins important que dans les autres régions du monde (les dépenses des pays avancés ont atteint en moyenne 7,2 % du PIB). Malgré leur niveau relativement faible, ces dépenses ont pesé sur les finances publiques déjà dégradées des États, et ont exercé une concurrence sur d’autres dépenses pourtant essentielles dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. Les recettes budgétaires ont donc enregistré une baisse tandis que les dépenses ont augmenté pour faire face à la crise, venant aggraver les déficits.

Ainsi, la dette publique a crû pour atteindre 58 % du PIB en Afrique subsaharienne en 2020, soit le niveau le plus élevé depuis une vingtaine d’années, et représentant une augmentation de plus de six points de pourcentage en une année ([22]).

Les taux d’intérêt ont augmenté à la suite de la dégradation de la note souveraine de pays par les agences de notation. À ce titre, certains pays dont la dette est considérée comme moyennement soutenable par le FMI sont notés entre B – et B+, soit dans la catégorie « très spéculatif ». C’est par exemple le cas de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Le Nigeria et le Gabon ont fait l’objet d’une dégradation dès mars 2020. Cette évolution va contribuer à alourdir le poids des intérêts de la dette dans les dépenses budgétaires, déjà en croissance avant la crise.

En moyenne, après une forte augmentation durant la première vague épidémique, les taux ont baissé, mais n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant crise.

Spreads des obligations des économies frontières

Source : FMI, rapport sur la stabilité financière globale 2021.

En outre, certaines devises nationales ont subi une déprécation, conduisant à renchérir le coût des remboursements de la dette libellée en devises étrangères.

L’espace budgétaire des pays en développement endettés s’en est trouvé à nouveau diminué, faisant peser une menace supplémentaire sur la soutenabilité de leur dette.

Le cadre de viabilité de la dette de la Banque mondiale et du FMI est le principal indicateur pour déterminer le degré de vulnérabilité des pays par rapport à la viabilité de leur dette extérieure et/ou totale. Le nombre de pays en développement en risque élevé de surendettement ou situation de surendettement est passé de 52 % à la fin de l’année 2019 à 55 % à la fin de l’année 2020.

En Afrique sur saharienne, en 2020, 17 pays connaissent une situation de surendettement ou présentaient un risque élevé de surendettement. ([23])

Selon les données disponibles à date de publication de ce rapport, en Afrique subsaharienne :

– 6 pays sont en situation de détresse au regard de leur dette extérieure : leur dette n’est plus soutenable, les pays ne peuvent la rembourser et le traitement de la dette extérieure et publique nécessité des opérations de traitement (réaménagement, rééchelonnements…). Il s’agit du Congo, du Mozambique, de Sao Tomé et Principe, de la Somalie, du Soudan, et du Zimbabwe ;

– 18 pays sont dans une situation de vulnérabilité élevée au regard de leur dette totale, signifiant que les plafonds de vulnérabilité sur un ou plusieurs indicateurs sont dépassés, y compris hors crise en prolongeant la situation macro-budgétaire actuelle. Il s’agit du Burundi, du Cap-Vert, du Cameroun, de la Centrafrique, du Tchad, de Djibouti, de l’Éthiopie, de la Gambie, du Ghana, de la Guinée-Bissau, du Kenya, du Liberia, du Malawi, de la Mauritanie, du Sierra-Léone, du Soudan du sud, du Togo, de la Zambie. En 2020, il n’y avait que 11 pays en situation de vulnérabilité élevée ;

– dans les autres pays, la vulnérabilité est modérée, mais le stock de dette extérieure et publique est en hausse.

niveau de risque sur l’endettement des pays en développemen

Pays

Risque sur la dette extérieure

Risque sur la dette totale

Afghanistan

Élevé

Élevé

Bangladesh

Faible

Faible

Benin

Modéré

Modéré

Bhutan

Modéré

Burkina Faso

Modéré

Modéré

Burundi

Élevé

Cap vert

Élevé

Élevé

Cambodge

Faible

Faible

Cameroun

Élevé

Élevé

Rebique centrafricaine

Élevé

Élevé

Tchad

Élevé

Élevé

Comores

Modéré

Modéré

République démocratique du Congo

Modéré

Modéré

République du Congo

Situation de détresse

Situation de détresse

Côte d’Ivoire

Modéré

Modéré

Djibouti

Élevé

Élevé

République dominicaine

Élevé

Érythrée

Éthiopie

Élevé

Élevé

Gambie

Élevé

Élevé

Ghana

Élevé

Élevé

Grenada

Situation de détresse

Situation de détresse

Guinée

Modéré

Modéré

Guinée-Bissau

Élevé

Élevé

Guyana

Modéré

Modéré

Haïti

Élevé

Élevé

Honduras

Faible

Faible

Kenya

Élevé

Élevé

Kiribati

Élevé

Élevé

République du Kirghizistan

Modéré

Modéré

Lao P.D.R.

Élevé

Élevé

Lesotho

Modéré

Modéré

Liberia

Modéré

Élevé

Madagascar

Modéré

Modéré

Malawi

Modéré

Élevé

Maldives

Élevé

Élevé

Mali

Modéré

Modéré

Marshall Island

Élevé

Mauritanie

Élevé

Élevé

Micronésie

Élevé

Élevé

Moldavie

Faible

Faible

Mozambique

Situation de détresse

Situation de détresse

Myanmar

Faible

Faible

Népal

Faible

Faible

Nicaragua

Modéré

Modéré

Niger

Modéré

Modéré

Papouasie Nouvelle Guinée

Élevé

Élevé

Rwanda

Modéré

Modéré

Samoa

Élevé

Élevé

São Tomé and Príncipe

Situation de détresse

Situation de détresse

Sénégal

Modéré

Modéré

Sierra Leone

Élevé

Élevé

Iles Salomon

Modéré

Modéré

Somalie

Situation de détresse

Situation de détresse

Soudan du sud

Élevé

Élevé

St. Vincent et Grenadines

Élevé

Élevé

Soudan

Situation de détresse

Situation de détresse

Tadjikistan

Élevé

Élevé

Tanzanie

Faible

Timor-Leste

Faible

Faible

Togo

Modéré

Élevé

Tonga

Élevé

Élevé

Tuvalu

Élevé

Ouganda

Faible

Faible

Ouzbékistan

Faible

Faible

Vanuatu

Modéré

Modéré

Yemen3

Zambie

Élevé

Élevé

Zimbabwe

Situation de détresse

Situation de détresse

Source : commission des finances à partir des données du FMI.

Sur les 70 pays faisant l’objet d’une analyse de viabilité de la dette selon la méthodologie retenue pour les pays à revenu faible, la part des pays en situation de surendettement ou en risque élevé de surendettement est passée de 35 % en 2010 à 55 % en 2020.

 

B.   les caractéristiques de cet endettement ont évolué, remettant en question l’efficacité des instances traditionnelles des traitements de dettes

Le financement des pays à faible revenu repose traditionnellement sur un « paradigme concessionnel » ([24]) : des organismes publics leur procurent des dons et prêts concessionnels (caractérisés par des faibles taux d’intérêt, des durées et des délais de grâce importants ([25])), pouvant être complétés si besoin par des réductions de dette. L’esprit qui préside à ces modalités de financement est le parfait négatif des conditions qu’imposerait un marché : alors qu’un marché traduirait le risque que représente le fait de prêter à un pays pauvre par un taux d’intérêt plus élevé, la puissance publique et la communauté internationale associent la situation de pauvreté des pays visés à des taux plus faibles et plus largement des conditions plus avantageuses.

Toutefois, les évolutions récentes du financement des pays en développement éloignent progressivement la réalité du paradigme concessionnel, et ce à au moins deux égards.

1.   Une dette privée qui croît, et notamment une hausse de la dette extérieure à des taux non concessionnels

À la suite des initiatives de réduction de la dette initiées à compter de la fin des années 1980, certains pays en développement ont fait le choix de développer leur financement par des marchés privés. À titre d’exemple, le Ghana, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire ont émis des euro bonds rapidement après leur sortie des initiatives de désendettement, entraînant une nouvelle croissance de la dette extérieure.

Entre 2000 et 2019, 18 pays africains sont entrés sur les marchés internationaux de capitaux, et ont émis plus de 125 instruments d’euro-obligations évalués à plus de 155 milliards de dollars ([26]). Ces titres sont non-concessionnels.

Par conséquent, depuis le milieu des années 2000, une hausse de la dette extérieure réalisée à des taux non concessionnels sur les marchés de capitaux est observée. Tous les pays ne se trouvent toutefois pas dans la même position à cet égard : certains n’ont réalisé qu’une opération (c’est le cas de l’Éthiopie, du Cameroun, du Gabon), tandis que d’autres ont profité du changement de statut, passant de revenu à faibles revenus à pays à revenu intermédiaire, pour se financer de manière durable sur les marchés. On observe donc une hausse de la dette souscrite auprès des créanciers privés. Cette dette peut être de deux types : une dette commerciale, préférée en général pour les pays à revenu intermédiaire, et des émissions obligataires auprès d’investisseurs internationaux pour les pays à faibles revenus.

Émission d’euro-obligations en afrique entre 2000 et 2019

(en milliards de dollars)

Source : perspectives économiques Afrique 2021, banque africaine de développement.

Cette dynamique d’endettement externe auprès de créanciers privés a été nourrie par les perspectives de croissance de ces pays, et notamment ceux ayant bénéficié d’allégement de dette ([27]). En effet, il semblerait que la croissance du financement externe privé a été plus importante pour les pays ayant bénéficié d’une initiative de suspension de dette ([28]). Par conséquent, il semble que les initiatives de traitement de dettes aient en réalité aidé les gouvernements bénéficiaires à accéder au marché international et bénéficier de prêts de la part de financeurs étrangers.

Les chercheurs Marc Raffinot, Marin Ferry et Babacar Sène estiment que les créanciers privés sont à l’origine de 25 % de l’accroissement de la dette des pays ayant bénéficié des initiatives PPTE et de l’IADM sur les dernières années ([29]).

La dette des pays africains est désormais un produit présent sur le marché financier, et est souvent considérée comme un actif permettant des rendements intéressants. Si cette inclusion financière peut permettre de bénéficier de capacités de financement, il faut garder à l’esprit que ce financement ne correspond plus aux principes du paradigme concessionnel : les pays africains concernés rémunèrent plus fortement les investisseurs, car leur dette est perçue comme plus risquée que celle de pays développés, et sont soumis à des suites plus incertaines en cas de hausse subite des taux d’intérêt.

Il convient également de noter que l’endettement sur les marchés domestiques est en hausse, par le raccourcissement des maturités des titres émis. La part de la dette détenue par les banques commerciales nationales pourrait donc augmenter, accroissant en cas de difficulté la vulnérabilité des banques aux dettes publiques.

2.   La Chine : premier créancier bilatéral du continent africain

De manière générale, une forte progression des créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris dans l’endettement des pays en développement est observée. La Chine est le principal pays qui explique cette tendance : elle est en effet devenu le premier créancier bilatéral des pays africains. Plus encore, la récente hausse relative de la part des créanciers bilatéraux est due à la Chine.

Dette décaissée par type de créanciers sur deux décennies par les pays africains et les pays africains à faible revenu

Source : BaFD, Perspectives économiques en Afrique 2021.

La part de la Chine dans l’endettement bilatéral des pays africains est de 13 %, devant les États-Unis qui en représentent 4 % ou la France qui en représente 3 %.

Les pays les plus endettés doivent près de 14 milliards de dollars à la Chine. Il s’agit souvent de prêts octroyés dans le cadre de l’initiative des nouvelles routes de la Soie. Certains pays sont particulièrement exposés à la dette chinoise : les prêts de la Chine représentent plus 50 % de la dette de Djibouti, et la moitié de la dette du Congo. Elle représente 32 % de la dette de l’Éthiopie, 26 % des dettes du Kenya et de la Zambie.

De manière générale, l’Afrique est le continent auquel la Chine prête le plus.

Créances de la Chine dans le monde
(prêts et investissements de portefeuille)

Source : Horn et al., 2019.

Enfin, la répartition des créanciers chinois se distingue de celle des autres pays : les banques privées et de développement sont majoritaires (Eximbank représente 55 % des dettes et la China Development Bank en représente 25 %), mais elles sont financées par des crédits publics. Pour cette raison, tous les chercheurs et les administrations rencontrés par le rapporteur spécial s’accordent à dire que cette dette peut en réalité être considérée comme une dette publique.

La montée en puissance de la Chine dans l’endettement des États africains porte de nombreux risques :

– les conditions des titres de dette chinois sont caractérisées par une grande opacité : les contrats contiennent fréquemment des clauses de confidentialité, empêchant d’évaluer le réel risque encouru par les pays bailleurs ;

– outre la progression des prêts de la Chine en Afrique, la courbe de ces prêts chinois s’avère corrélée au cycle des matières premières, qui servent souvent de collatéraux dans les prêts. Par conséquent, des effets de leviers importants se produisent lors des phases ascendantes du cycle des matières premières, mais des resserrements de crédits existent aussi lors des phases baissières, entraînant des tensions sur les capacités de remboursement des pays. Il s’agit donc d’un effet procyclique, particulièrement préjudiciable pour les pays concernés.

prêts chinois à l’afrique et indice des prix des matières premiÈres

– les taux que pratique la Chine sont non concessionnels, alourdissant la charge pour les États en comparaison avec des emprunts concessionnels classiques ;

– en cas de non-remboursement, il arrive que des saisies d’infrastructures soient prononcées. Ces pratiques portent fortement atteinte à la souveraineté économique des pays concernés. Toutefois, le rapporteur spécial n’a pu obtenir d’exemples nombreux et circonstanciés de telles pratiques, hormis celui du port sri lankais de Hambantota, cédé à la Chine pour 99 ans.

– enfin, les prêts sont souvent liés, car ce sont souvent des firmes chinoises qui remportent les appels d’offres lancés par les Gouvernements et financé par Eximbank et la CBD. Dès lors, ces financements permettent de rémunérer des entreprises chinoises, sans concourir au développement des emplois africains. En outre, les financements chinois visent en majoration les secteurs de l’énergie et des mines, avec pour conséquences d’enfermer la croissance des pays concernés dans des secteurs restreints et de renforcer la dépendance à la Chine des exportations africaines. Certains pays africains sont d’ores et déjà très dépendants de la Chine pour leurs exportations de minerais : l’Érythrée et la Guinée à 100 %, le Rwanda à 96 %, la Mauritanie à 88 % ([30]).

Cette stratégie s’insère dans une démarche chinoise de captation des ressources, nécessaires à son développement.

À cet égard, un risque particulier doit être soulevé, cette fois concernant les bailleurs bilatéraux traditionnels des pays en développement, et notamment la France : il est impératif de s’assurer que les prêts accordés dans des conditions concessionnelles aux Gouvernements bénéficiaires ne concourent pas au financement d’entreprises chinoises bien implantées sur place et financées par un Gouvernement qui fait des prêts aux mêmes pays dans des conditions bien moins favorables, et qui rapportent donc un bénéfice aux bailleurs chinois.

C.   la communauté internationale a pris plusieurs mesures en réponse à cette situation de surendettement croissance

Face aux difficultés des pays en développement et plus particulièrement du continent africain au regard de l’endettement, la communauté internationale s’est dotée en 2020 d’outils financiers aux effets massifs.

1.   L’initiative de suspension du service de la dette

Face aux conséquences de la crise du Covid sur les États surendettés, le G20 a décidé en avril 2020 d’actionner l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD). Cette initiative ne permet pas de réduire le stock de dette, ni les charges d’intérêt de la dette, mais de décaler dans le temps le remboursement du service de la dette, en somme, d’alléger temporairement le service de la dette. L’objectif principal est donc d’éviter une crise de liquidité à court terme. Ce n’est pas la soutenabilité de la dette en elle-même qui est visée.

Il est toutefois important de signaler que cette initiative regroupe 29 créanciers : les 22 membres du Club de Paris, les cinq créanciers du G20 hors Club de Paris (Chine, Inde, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Turquie), le Koweït et les Émirats Arabes unis.

Les 77 pays éligibles sont les pays à faibles revenus. Quatre d’entre eux ne peuvent toutefois pas prendre part à cette initiative, en raison des arriérés qu’ils détiennent vis-à-vis du FMI.

35 pays ont signé un protocole d’accord avec le Club de Paris pour bénéficier de la première phase de l’SSD, qui a couru de mai à décembre 2020. Le montant suspendu par le Club de Paris s’élevait à 2,5 milliards de dollars. Pour le G20, 46 pays ont demandé la DSSI, représentant un montant proche de 5,7 milliards de dollars, dont 0,7 milliard de dollars pour la France.

Ils doivent s’engager à réduire les emprunts à taux non concessionnels et affecter les sommes non remboursées à des dépenses économiques, sanitaires et sociales. Cette condition pose la question, pour les pays présents sur les marchés, de leur capacité à continuer à y accéder.

Cette initiative a été prolongée jusqu’à fin 2021, compte tenu des besoins de financements toujours massifs des pays aidés. L’évaluation qui en est dressée ne peut donc être que partielle à ce stade. À la date de parution de ce rapport, 37 pays ont demandé à bénéficier de la mise en œuvre par le Club de Paris de la prolongation de l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD) et 28 accords ont été signés. Au total, 46 pays ont fait la demande d’en bénéficier au G20.

Plusieurs éléments de bilan et d’évaluation peuvent être dressés à ce stade :

– l’aide à la liquidité représente 1,8 milliard de dollars entre juin et décembre 2020, et une économie potentielle de 4,8 milliards de dollars entre janvier et juin 2021 ([31]) ;

– le FMI et la Banque mondiale évaluent les économies potentielles liées à l’ISSD entre 0,1 % et 1,9 % pour la période de mai à décembre 2020 et entre 0,1 % et 2 % pour la période de janvier à juin 2021. Les principaux bénéficiaires du dispositif sont l’Angola, qui enregistre une économie potentielle de 2,1 %, le Congo (3,1 % d’économie) et Djibouti (2 %) ;

– l’efficacité du moratoire est toutefois limitée par la non-participation des créanciers privés. Le service de la dette dû par l’ensemble des pays africains aux créanciers privés représente 28 % du service de la dette totale (dont 56 % de contrepartie d’émissions obligatoires passées et 32 % de crédits commerciaux bancaires). Il semblerait que quelques pays se soient vus refuser leur demande auprès des créanciers privés. La Zambie a notamment sollicité publiquement les détenteurs des trois Eurobonds arrivant à échéance d’ici à 2027 pour l’application d’une suspension du service de la dette pour 6 mois. Cette demande visait à préparer une restructuration plus profonde de la dette qui n’est pas soutenable et a été refusée par les créanciers privés.

Il semble peu évident de faire participer les créanciers privés en raison de leur diversité : paradoxalement, la possibilité de les réunir et de les coordonner est plus difficile à mesure que leur poids progresse. En outre, le message envoyé sur les marchés pourrait être bien plus négatif que pour une suspension du service de la dette publique, et pourrait conduire à augmenter les spreads voire à créer un phénomène de fuite des capitaux hors du continent africain, soit provoquer l’inverse de ce qui est recherché.

Une solution à ce dilemme semble toutefois exister : afin d’inclure la dette privée dans le mécanisme, il pourrait être imaginé un rachat par les institutions multilatérales des titres de dette concernés, une forme de quantitative easing ciblé sur une partie de la dette des pays à faibles revenus.

Ainsi, un système pourrait être créé reposant sur transformation progressive des annulations de dette en un mécanisme international et selon lequel les titres obligataires émis par les États africains et ciblés sur des dépenses de développement pourraient être rachetés par un consortium de banques de centrales, sur le modèle des politiques d’assouplissement quantitatif menées par les banques centrales des pays développés. En contrepartie, une politique de plafonnement de la dette serait bien sûr fixée, déterminant des plafonds d’endettement possible selon la nature, concessionnelle ou non, des titres de dette.

En outre, la Chine ne participe pas pleinement et de façon transparente aux efforts, notamment par l’exclusion de la banque chinoise de développement du périmètre de l’initiative. Lors de la première phase, le total des échéances reportées par la Chine est estimé à 1,35 milliard de dollars, via l’Eximbank.

 le moratoire a permis de mettre fin à la croissance rapide et brutale des primes de risque sur le marché secondaire, comme le montre le graphique reproduit ci-dessous.

primes de risques en points de base

Source : Marc Raffinot, Marin Ferry et Babacar Sène, « Le financement du développement à l’épreuve du Covid 19 », 2020.

– Le moratoire peut être perçu comme une subvention implicite des créanciers publics aux créanciers privés : sa mise en œuvre permet en réalité de faciliter et d’accélérer le remboursement des dettes privées ([32]).

Ainsi, cette initiative se distingue des traitements de dette précédents : les discussions du Club de Paris et du Club de Londres (l’équivalent du Club de Paris pour les créanciers privés) reposent traditionnellement sur le principe de comparabilité de traitement, entre les créanciers : ce principe permet de garantir que les différents créanciers se voient appliquer les mêmes conditions dans le cadre d’une opération de traitement de dette. Il conduit par exemple le pays débiteur à s’engager à solliciter de la part des autres créanciers un traitement à des conditions comparables à celles accordées par le Club de Paris.

Ces conditions étaient généralement respectées, permettant aux créanciers publics d’obtenir des garanties de coopération des créanciers privés. Ces derniers étaient lors des dernières négociations en position minoritaire. Aujourd’hui, leur position est bien moins négligeable : leur non-participation à l’ISSD en est d’autant plus préjudiciable pour les créanciers bilatéraux traditionnels. L’ISSD donne donc aux créanciers publics un rôle de recours en dernier ressort, au bénéfice des créanciers privés, et sans parvenir à proposer une solution de long terme pour le traitement de la dette passée (car il ne s’agit que d’un report). L’ISSD marque donc la fin de l’égalité de traitement entre les créanciers, pourtant centrale et respectée dans le cadre de l’initiative PPTE.

Il semblerait également que les pays ayant bénéficié de l’ISSD démontrent une baisse des émissions internationales d’obligation en 2020, sauf au Ghana, Bénin et Côte d’Ivoire. Au contraire, pour les pays non éligibles à l’ISSD, l’endettement extérieur lié à des émissions de dettes en devises auprès de créanciers privés a continué à augmenter. C’est par exemple le cas du Nigeria ([33]).

Les créanciers privés n’ont pas souhaité prendre part à l’ISSD. Ils ont bien compris que cette initiative leur permettait en réalité de subir des défauts, ils sont donc gagnants sans y prendre part.

De l’avis de tous les spécialistes auditionnés par le rapporteur spécial, et au regard des besoins de financement toujours importants de l’Afrique subsaharienne, l’ISSD est une première étape : elle devrait se poursuivre par des réaménagements et rééchelonnements de dette.

2.   Le cadre commun du G20, appliqué pour les annulations de dette à venir

Le cadre commun de discussions et de traitement de dette souveraine des pays pauvres a été élaboré en 2020 par le G20, alors présidé par l’Arabie saoudite, et le Club de paris. L’objectif de ce cadre commun est d’apporter une réponse à l’insolvabilité des États africains endettés, en permettant des allègements qui produisent des effets sur au moins une décennie et se traduisent par une reprise du développement en faveur des plus pauvres.

Trois pays ont d’ores et déjà formulé la demande de pouvoir bénéficier de ce cadre commun :

– le Tchad a formulé sa demande pour bénéficier du cadre commun. Un comité de créanciers, co-présidé par la France et l’Arabie saoudite, a été formé le 15 avril. Il est composé de quatre créanciers officiels bilatéraux : la Chine, la France, l’Inde et l’Arabie saoudite. L’éventuel coût de la restructuration de la dette du Tchad ne peut être estimé à ce stade : il dépendra des termes et modalités de cette restructuration ;

– la Zambie a également demandé à bénéficier du cadre commun. Il sera toutefois d’abord nécessaire que le pays conclue un accord le FMI ;

– l’Éthiopie a également formellement demandé un traitement de sa dette au titre du cadre commun. Dans le cadre du programme FMI approuvé en 2019 à hauteur de 2,9 milliards de dollars, les services ont demandé aux autorités éthiopiennes un traitement d sa dette vis-à-vis de plusieurs créanciers, dont la Chine, l’Inde et la Turquie, afin de ramener le risque de surendettement d’un niveau élevé à un niveau modéré d’ici la fin du programme. Un comité des créanciers associant l’ensemble des créanciers du G20 et du Club de Paris concernés devrait se réunir prochainement pour examiner la demande de l’Éthiopie.

Le réel facteur d’efficacité du cadre commun sera la capacité à y faire participer pleinement la Chine. Les signaux envoyés restent peu encourageants à cet égard. À titre d’exemple, la Chine n’était pas présente lors du sommet organisé le 17 mai 2021 à Paris sur le Soudan, alors qu’un grand nombre de chefs d’États endettés auprès de la Chine devait prendre part à l’événement. Le Soudan est lui-même fortement endetté en titres chinois.

En outre, les caractéristiques des prêts chinois accordés à l’Afrique sont très opaques : à un déficit de transparence s’ajoutent des clauses de confidentialité dans les contrats signés. Les informations ne sont pas publiques.

Enfin, la diversité des dettes chinoise a pour conséquence le fait que seule une partie de l’endettement des pays africains auprès de ce pays serait prise en compte dans le cadre commun. À titre d’exemple, les titres détenus par la China national petroluem company vis-à-vis du Tchad ont été conclus sur des bases commerciales, et ont à cet égard peu de raison de figurer parmi les créances prises en compte dans le cadre commun.

En somme, les raisons permettant de penser que la Chine va s’intégrer au cadre commun de manière pleine et entière sont à ce stade peu nombreuses. La participation du pays est pourtant cruciale : à la fin de l’année 2019, la Chine détenait 21 % du stock de dette externe publique des pays éligibles à l’ISSD et au cadre commun, soit 101,6 milliards de dollars, contre 9 % pour les membres du Club de Paris.

Quelques avancées ont toutefois été réalisées : en 2020 et au début de l’année 2021, la Chine a consenti 10 milliards d’euros de dollars de rééchelonnement à ses débiteurs les plus exposés. En outre, en parallèle de l’ISSD ([34]), la Chine a acté avec l’Angola à la fin de l’année 2020 un allègement du seul service de la dette par son allongement dans le temps.

Afin de pouvoir évaluer l’efficacité des mesures multilatérales de traitement de dette, il est nécessaire de mieux connaître les caractéristiques de la dette chinoise. Le succès des discussions communes au Club de Paris et à la Chine, qui n’est pas lié par des accords de traitement gal de la dette et parce que ses contrats de prêts comportent des clauses de confidentialité, repose sur une bonne connaissance de la part des pays du Club de Paris des pratiques de renégociation des dettes des pays africains de la part de la Chine.

Si quelques recherches ont été menées à ce sujet ([35]), l’ensemble des personnes auditionnées par le rapporteur spécial ont souligné le manque de connaissance des acteurs publics à ce sujet. Le rapporteur spécial souligne l’importance pour les autorités européennes et française de soutenir la recherche à ce sujet : il s’agit d’un élément central pour les politiques de traitement de dette des années à venir.

II.   les conséquences pour l’aide française du surendettement des pays en développement

La situation de surendettement de plusieurs pays en développement entraîne des conséquences pour l’aide française.

1.   Les conséquences budgétaires des opérations de traitement de dette

Les annulations de dettes entraînent des dépenses pour les finances publiques françaises.

a.   Les dépenses en 2020

Plusieurs initiatives d’annulations bilatérales sont ainsi financées chaque année. Les données suivantes retracent l’exécution pour 2020 :

– indemnisation de l’AFD au titre du traitement de la dette issue des accords de Dakar I et II et ceux de la Conférence de Paris : ces accords portent sur l’annulation d’échéances en principal et en intérêt dus notamment par 35 pays d’Afrique subsaharienne. L’AFD est l’organisme gestionnaire de ces prêts : elle est indemnisée par l’État au fur et à mesure de la tombée des échéances. En 2020, 6,58 millions d’euros ont été exécutés à ce titre ;

– indemnisation de l’AFD au titre de l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) : le 31 mars 2020, un accord de restructuration de la dette extérieure de la Somalie a été trouvé, après que le pays a atteint le point de décision de l’initiative renforcée. La signature de l’accord bilatéral a été signée 26 novembre 2020 entre la France et la Somalie. Par conséquent, l’AFD a été indemnisée pour un montant de 67,83 millions d’euros en AE et en CP au titre des créances annulées. Il convient de noter que l’accord prévoit également le rééchelonnement de créances détenues Bpifrance AE pour 82 millions d’euros, mais non imputé sur le programme 852. L’accord bilatéral conduit également à annuler 258 millions d’euros de créances commerciales portées par l’AFD, la Banque de France et BPI France AE, dont une partie seulement est imputée sur les crédits de la mission.

La Somalie devrait atteindre son point d’achèvement de l’initiative PPTE au 31 mars 2023 au plus tôt, et obtenir à compter de cette date la part restante de la réduction de dette prévue dans le cadre de cette initiative, ce qui devrait correspondre pour la France à annuler un montant estimé autour de 126 millions d’euros de créances commerciales portées par la Banque de France et BPI France AE.

La France prend également part au financement des annulations de dette multilatérale :

– compensation des annulations de la dette multilatérale au titre de l’initiative PPTE envers l’association internationale de développement : au sommet de Gleneagles de juillet 2005, il a été décidé de l’annulation de la dette des pays pauvres très endettés envers l’AID. À ce jour, le montant total des AE engagés sur cette ligne depuis 2007 s’élève à 1 418,5 millions d’euros. Le denier engagement eut lieu en juin 2020 à hauteur de 222,28 millions d’euros. Le montant en CP est de 62,77 millions d’euros et correspond au quatorzième versement de la France ;

– compensation des annulations de la dette multilatérale au titre de l’initiative PPTE envers le fonds africain de développement : de la même manière, la dette des pays bénéficiaires de l’initiative PPTE à l’égard du fonds africain de développement conduit la France à financer une part de ces annulations. À ce jour, le montant total d’AE engagées sur cette ligne depuis 2006 s’élève à 572,16 millions d’euros. Le dernier engagement a eu lieu en juin 2020 pour 73,92 millions d’euros. Le montant des CP pour 2020 atteint 13,61 millions d’euros.

Au total, 36 pays ont atteint le point et ont bénéficié de l’allègement de dette au titre des initiatives PPTE et IADM.

Le Soudan a très récemment atteint le point de décision (cf. infra). L’Érythrée est encore éligible à l’initiative PPTE et n’a pas encore atteint le point de décision.

crédits exécutés en 2020 au titre des compensations d’annulations de dette

(en millions d’euros)

 

 

AE

CP

Compensations des annulations de la dette bilatérale

Dakar I et II et Conférence de Paris

0

6,58

PPTE

67,83

67,83

Annulations de dette multilatérale

PPTE envers l’IAD

222,28

62,77

PPTE envers le Fonds africain de développement

73,92

13,6

Total

364,03

150,78

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

b.   Un coût pluriannuel insuffisamment documenté

Le coût de long terme des annulations de dette passées et en cours n’est que peu documenté pour la France. Le rapporteur spécial n’a pu obtenir cette donnée de la part des services.

Une estimation du coût total sur dix ans, entre 2010 et 2020, peut toutefois être réalisée concernant les compensations dues en raison des annulations de dettes, retracées par le programme 110 de la mission APD.


 

 

les compensations de dettes décaissées entre 2010 et 2020

(en millions d’euros)

 

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total

 

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Compensations des annulations de la dette bilatérale

Dakar I et II et Conférence de Paris

42,85

133,83

0,44

70,01

0

60,04

0

55,39

0

51,73

0

47,37

0

42,14

0

36,84

0

29,37

0

18,81

0

6,58

1 652,6

1 279,5

PPTE

0,42

1,33

1,42

2,31

0,86

0,79

0,74

0,71

0,17

0,084

67,83

67,83

Annulations de dette multilatérale

PPTE envers l’IAD

30,28

30,28

265,84

37,22

67,51

21,74

0

38,64

223,55

40,34

0

41,66

0

44,03

292,51

46,68

0

48,91

0

50,39

222,28

62,77

PPTE envers le Fonds africain de développement

10,59

10,59

116,46

15,67

56,92

15,4

0

17,78

68,22

9,22

0

17,53

0

18,54

111,56

2,21

 

0

25,61

0

22,76

73,92

13,61,

Total

83,72

174,7

382,74

122,9

124,85

98,51

1,42

114,12

291,77

102,15

0

107,35

0

105,45

404,07

107,44

0

104,06

0

92,044

364,03

150,79

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires.

 

 

 


—  1  —

Ainsi, depuis 2010 et jusqu’à 2020, le coût des compensations pour annulations de dettes versées au titre du programme 110 représente 1,65 milliard d’euros en AE et 1,28 milliard d’euros en CP.

c.   Les années à venir seront marquées par les conséquences de l’annulation récente de la dette du Soudan

Le lundi 17 mai, une conférence internationale en appui à la transition démocratique du Soudan s’est tenue à Paris. La France a décidé d’annuler la totalité de sa créance vis-à-vis du Soudan, la plus importante parmi celles des membres du Club de Paris. Ainsi, environ 5 milliards de dollars de créance française seront annulés au titre de l’initiative PPTE, sans que le coût précis de cette annulation ni son calendrier ne soient connus à ce stade.

Pour bénéficier de l’initiative PPTE, deux conditions devaient être remplies : le pays devait apurer ses arriérés vis-à-vis du FMI – ce pour quoi la France va lui prêter 1,5 milliard de dollars sous la forme d’un prêt relais – et mettre en œuvre des réformes économiques. Ces deux conditions ont été remplies.

La dette extérieure du Soudan représente environ 60 milliards de dollars, pour une dette totale de plus de 250 % du PIB. Cette détenue est à hauteur de 76 % par des créanciers bilatéraux, et est répartie de manière similaire entre les créanciers du Club de Paris et ceux hors du Club de Paris.

La France n’est pas le seul pays à avoir pris une telle décision : l’Allemagne devrait également consentir à une remise de dette de 360 millions d’euros environ.

De manière générale, et au regard du contexte économique décrit ci-avant, de nouvelles des annulations pourraient se produire dans les années à venir. Le coût pour la France pourrait être massif. À titre indicatif, le tableau ci-dessous retrace le montant des créances concessionnelles restant dues par les premiers créanciers de la France

Montant des créances restant dues et composition de la dette des dix premiers créanciers de la france

 

Montant restant des créances APD restant dues (AFD)

Dette externe

Dette externe privée

Dette externe totale

 

Multilatérale

Bilatérale

Commerciale

Total

Maroc

2,75

14,84

6,25

11,43

32,52

8,06

49,02

Colombie

1,86

20,04

4,53

41,95

66,52

42,06

123,69

Indonésie

1,67

28,05

18,56

161,65

208,26

107,95

358,59

Brésil

1,29

29,66

8,83

134,28

172,77

260,18

507,81

Mexique

1,21

27,67

2,22

241,07

270,96

88,54

418,92

Vietnam

1,20

21,47

19,63

5,09

46,19

36,32

104,65

Égypte

1,16

19,18

32,22

29,14

80,54

0,32

102,63

Inde

1,09

50,30

24,93

95,82

171,05

228,27

499,46

Cameroun

1,06

3,36

4,63

1,18

9,17

1,25

11,43

Chine

1,05

31,60

16,42

235,65

283,67

518,27

1 885,50

TOTAL

14,34

246,17

138,22

957,26

1 341,65

2 437,13

4 736,04

Source : données communiquées par la direction générale du Trésor au rapporteur spécial.

2.   Les conséquences budgétaires des suspensions de dette

Les conséquences de l’initiative de suspension de la dette (ISSD) sur l’APD française sont de deux ordres.

a.   Un coût d’opportunité budgétaire sous-estimé

Il convient de rappeler que cette initiative ne constitue pas une annulation de dette, mais un rééchelonnement des paiements qui étaient prévus entre le 1er mai et le 31 décembre 2020. Par conséquent, elle n’a pas de coût direct pour les finances publiques : les recettes non perçues en 2020 le seront entre 2022 et 2024, et l’impact pluriannuel sera nul.

Toutefois, cette analyse s’avère simpliste : les moindres recettes perçues en 2020 s’insèrent dans un contexte économique dégradé pour la France, elle-même soumise à une certaine pression sur ses finances publiques. Le renoncement à ces recettes n’est donc pas neutre pour la France.

Le coût d’opportunité pour les finances publiques françaises doit être d’autant plus valorisé que les montants concernés sont importants : d’après la direction générale du Trésor, si les 77 pays éligibles en faisaient la demande, le montant des échéances reportées serait de l’ordre de 570 millions d’euros pour les créances détenues par les différents organismes, dont environ 200 millions d’euros pour les créances gérées par la Banque de France, 200 millions d’euros pour les créances détenues par l’AFD, 140 millions d’euros pour les créances gérées par BPI France résultant uniquement de l’appel de garanties souveraines et 30 millions d’euros pour les prêts du Trésor gérés par Natixis.

Toutefois, la suspension des paiements en 2020 n’aurait d’impact maastrichtien que sur les expositions directes de l’État (et pas sur tous les détenteurs de créances), ce qui entraînerait de moindres recettes de l’ordre de 150 millions d’euros si tous les pays éligibles sollicitaient cette suspension de paiement ([36]) .

Le rapporteur spécial recommande que les moindres revenus issus des suspensions de dette, bien que temporaires, soient comptabilisés au titre de l’APD de l’année concernée. Il s’agit en effet du renoncement à des recettes à un moment critique pour les finances publiques françaises

b.   Un effet indirect sur les contrats de désendettement et de développement

Les contrats de désendettement et de développement (C2D) ont été initiés en 2001, et s’inscrivent dans le cadre de l’initiative PPTE. Les C2D prennent la forme d’un refinancement en dons des créances d’APD remboursées par le pays débiteur. Ainsi, une fois qu’un pays atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE, il devient éligible à un C2D.

Une fois que le C2D est signé entre les pays bénéficiaires et la France, le pays partenaire continue d’honorer sa dette, et à chaque échéance remboursée l’AFD reverse au pays la forme correspondante sous forme de don. Ces crédits sont utilisés pour financer des programmes de lutte contre la pauvreté et sont comptabilisés au titre de l’APD.

Les C2D sont complémentaires aux annulations de dette : il ne s’agit pas de soulager les finances publiques du pays en situation de surendettement concerné, mais de convertir la dette des pays pauvres en crédits afin de financer des investissements en faveur du développement.

Le rapporteur spécial souhaite attirer l’attention sur une conséquence indirecte de l’ISSD, dont les effets pourraient être nocifs pour les pays bénéficiaires. Les pays bénéficiaires de l’initiative ISSD bénéficiant d’un C2D avec la France ne versent plus actuellement de remboursement de créances. Par conséquent, les dons issus du C2D et alloués en échange du remboursement des créances sont suspendus, alors qu’ils bénéficient très directement aux populations de par leur objet de lutte contre la pauvreté.

Les conséquences de ce phénomène sont doubles :

– d’une part, certaines économies fragilisées pourraient en réalité perdre des financements de projets si l’ISSD s’avérait durable ;

– d’autre part, alors même que les suspensions de dette ne sont pas comptabilisées en tant que telle dans l’APD, les moindres crédits dépensés au titre de la suspension du C2D vont nécessairement entraîner une moindre comptabilisation de l’APD en 2020.

3.   La modification des engagements pris

Le surendettement des pays en développement est de nature à modifier la nature de l’APD française.

La doctrine Lagarde interdit en effet d’allouer des prêts souverains aux pays considérés par le FMI comme présentant un risque élevé ou modéré de surendettement. Cette doctrine trouve deux justifications principales. D’une part, elle vise à éviter de contribuer au surendettement des pays en développement en leur accordant de nouveaux prêts. D’autre part, elle vise à limiter l’exposition du pays prêteur à des risques de défauts de dette d’autant plus importants que le pays est lui-même sujet au surendettement.

L’application de la doctrine Lagarde a pour conséquence directe d’empêcher de réaliser de nouveaux prêts aux pays surendettés, contraignant par conséquent l’enveloppe de dons disponible.

 

Les conséquences sur l’allocation géographique de l’aide française sont donc très directes, sans pour autant que l’arrêt des prêts au titre de l’application de la doctrine Lagarde ne soit systématiquement compensé par une augmentation des dons. En effet, l’aide-projet et les prêts souverains répondent à des logiques d’intervention différentes et servent en général des objectifs distincts : tandis que les prêts ont vocation à financer des infrastructures ou des investissements rentables, l’aide-projet finance des biens et des services dans des secteurs non-marchands et peu rentables. Ces différents objectifs sont plus ou moins présents selon le niveau de développement des pays : les pays les moins avancés ont prioritairement besoin de dons, et n’ont pas forcément la capacité d’absorption nécessaire pour recevoir des prêts.

Toutefois, dans les pays prioritaires, l’arrêt des prêts peut amener l’AFD à repositionner son activité sur d’autres secteurs, par une hausse de l’aide-projet quand cela est possible. Cette dynamique s’est récemment observée au Liban, pays dans lequel la nature de l’APD a évolué à mesure que le pays s’enlisait dans une crise économique et politique majeure.

évolution des octrois d’apd au liban entre 2016 et 2020

(en millions d’euros)

Source : document communiqué par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères au rapporteur spécial.

Une autre conséquence de l’application de la doctrine Lagarde peut être l’orientation du soutien davantage vers le secteur privé.

Dans le cas de Djibouti où l’activité en prêts souverains est théoriquement fermée depuis 2009, cela se matérialise au cours de la dernière décennie par des octrois constitués principalement de subventions à l’État (48 % des financements), de prêts aux entreprises publiques (30 %), de prêts au secteur privé à travers Proparco (20 %) et de garanties aux banques (5 %).

Le CAD de l’OCDE travaillera en 2021 sur les conséquences de la crise de la dette sur la structure et l’allocation de l’APD des bailleurs. Le rapporteur spécial suivra ces travaux avec attention.

III.   améliorer le traitement des situations de surendettement, limiter leur survenue et leurs conséquences pour les finances publiques françaises

Le rapporteur spécial formule plusieurs recommandations, visant à éviter la survenue fréquente de crise de la dette, mais également d’améliorer leur prise en charge et de permettre une implication politique du Parlement dans ces décisions très engageantes pour les finances publiques nationales.

1.   Prévenir l’apparition des crises d’endettement et améliorer leur traitement

L’un des objectifs de l’aide publique au développement de la France pour les pays à venir doit être la prévention de l’apparition de nouvelles crises d’endettement. Pour ce faire, plusieurs axes de travail peuvent être mis en œuvre.

● Tout d’abord, l’information et la transparence sur la dette des pays en développement doit être consolidée, et notamment concernant leur endettement à l’égard de la Chine et à l’égard des créanciers privés.

La France n’est pas inactive à cet égard, elle contribue au financement de deux programmes d’assistance technique :

– le programme SYGADE (système de gestion et d’analyse de la dette) porté par la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). 100 000 euros ont été octroyés par le MEAE en 2020 au titre du financement du projet dont l’objectif est de renforcer les capacités des pays en développement dans l’enregistrement, le traitement, le suivi et la diffusion des données sur la dette publique ;

– le programme DMF (Debt management facility) porté par la Banque mondiale et le FMI. 3 millions d’euros ont été octroyés sur la période 2020-2023 pour le financement de ce projet, dont l’objet principal est la gestion de la dette souveraine, par l’élaboration de diagnostics de performance, de stratégies de gestion de l’endettement à moyen terme.

Le rapporteur spécial recommande de maintenir les soutiens à ces programmes, et d’encourager la recherche en économie et en relations internationales à se concentrer sur la thématique de l’endettement et de sa composition.

 

● La nature des prêts réalisés par les pays développés pourrait également évoluer : l’émission d’obligations indexées sur la croissance pourrait par exemple permettre de limiter les risques d’insolvabilité. Pour les investisseurs, la viabilité du coup serait une incitation pour prêter aux pays ayant les taux de croissance les plus élevés, incitant en retour les pays en développement à consolider leur croissance.

● La mobilisation des droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI peut être un palliatif efficace : le FMI va émettre 650 milliards de dollars de DTS, qui seront disponibles en septembre, dont 33 milliards pour l’Afrique. Ce montant reste toutefois insuffisant : le besoin de financement de l’Afrique d’ici 2025 atteindrait 285 milliards de dollars ([37]).

La faible part octroyée à l’Afrique s’explique par le fonctionnement même des DTS, répartis en fonction des quotes-parts de chaque pays au sein du financement.

Le Président de la République a annoncé lors du Sommet sur le financement des économies africaines du 18 mai 2021 sa volonté de répartir les DTS des pays développés entre les pays africains les plus en difficulté, afin que le montant de DTS alloué au continent atteigne 100 milliards de dollars. La banque africaine de développement pourrait être chargée de leur mise en œuvre. Aucun calendrier clair n’ayant cependant été avancé, le rapporteur spécial recommande de mettre en œuvre cette mesure rapidement, et d’en évaluer les effets.

La mobilisation des DTS s’insère dans le New Deal pour le continent africain souhaité par le Président de la République.

● Enfin, il pourrait être convenu entre les bailleurs du Club de Paris a minima, et si possible du G20, d’octroyer des garanties sur les émissions, au titre de l’APD. Cette garantie donnée par la France, et plus largement par les créanciers publics bilatéraux, pourrait contribuer à faire baisser les taux d’intérêt. Cette méthode a été utilisée pour le Maroc.

Il serait nécessaire de développer les garanties sur les emprunts des pays en développement et d’examiner dans le cadre du CAS la manière dont ces garanties pourraient être comptabilisées au titre de l’APD.

2.   Réexaminer le traitement des dettes et leur prise en compte dans l’APD

Le rapporteur spécial a souligné à plusieurs reprises dans le cadre de ce rapport que si les opérations de traitement et de suspension des dettes des pays en développement sont nécessaires, leurs conséquences budgétaires pour la France sont loin d’être anodines, en particulier dans une période incertaine et instable pour les finances publiques nationales.

 

Il formule à cet égard deux propositions :

– comptabiliser dans l’APD française l’intégralité des opérations de traitement de la dette, y compris les suspensions de leur service ;

– enrichir la documentation budgétaire et plus largement l’information mise à disposition du Parlement et des citoyens sur le coût total et cumulé des opérations de traitement de dettes.

3.   Renforcer le rôle du Parlement dans les opérations de traitement de dette

Les annulations de dette engagent les finances publiques pour plusieurs décennies et sur des montants importants (cf. supra). Pourtant, le Parlement n’est aucunement sollicité sur ces décisions, dont la teneur politique est pourtant fondamentale.

Le rapporteur spécial souligne par exemple que la décision d’annuler la dette du Soudan n’a fait l’objet d’aucune consultation ni information préalable du Parlement, alors que le coût total de cette opération coûtera environ 5 milliards d’euros aux finances publiques françaises.

Cette décision vise toutefois un pays dont la dette extérieure atteint 60 milliards dollars, pour une dette totale de plus de 250 % du PIB, et qui a donné son accord pour accueillir une base navale russe à la fin de l’année 2020. A contrario, les relations économiques de la France avec ce pays sont relativement faibles : en 2020, les exportations vers le Soudan ne représentent que 67 millions d’euros et les importations 49 millions d’euros, faisant de ce pays le 123e partenaire commercial de la France.

Le rapporteur spécial considère qu’une plus grande information du Parlement est essentielle : il recommande de renforcer son information quant aux décisions de traitement de dette, en renseignant sur une base annuelle les créances de la France sur les pays bailleurs, le coût des opérations de traitement de dette envisagées dans l’année et le coût consolidé des traitements de dette passés.

En outre, le rapporteur spécial considère qu’un vote contraignant du Parlement est nécessaire, sur un sujet éminemment politique et dont l’importance est appelée à augmenter dans les années à venir. Il présentera à cet égard une proposition de loi à l’Assemblée nationale.

 

4.   Accroître l’espace budgétaire des pays en développement en augmentant l’efficacité de la politique fiscale, et en promouvant une croissance durable

● La France contribue d’ores et déjà à la sensibilisation quant à l’importance de l’efficacité de la politique fiscale le biais de la stratégie interministérielle d’appui à la mobilisation des ressources internes (MRI), ainsi que son plan d’investissement PISD, qui précise les orientations stratégies en la matière.

La France est également engagée dans l’initiative fiscale d’Addis-Abeb qui s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme d’action d’Addis-Abeba de 2015.

● Au cœur du sujet du surendettement se trouve le niveau de croissance durablement bas du continent africain, qui se traduit par des difficultés à élever le niveau de PIB par tête. Pour transformer cette difficulté, il est nécessaire d’instaurer une transformation structurelle des économies afin d’augmenter la croissance potentielle : sortir de la dépendance aux maîtres premiers pour se tourner vers l’industrialisation notamment.

Une plus forte contribution du secteur privé à la croissance économique est notamment cruciale. Pour reprendre les mots de Jean-Michel Severino, l’ancien directeur général de l’AFD auditionné par le rapporteur spécial, la difficulté de l’investissement en Afrique est qu’un grand nombre de projets sont rentables, mais qu’il n’est pas rentable de les financer pour un investisseur privé, car les rendements attendus par cet investisseur sont inatteignables pour une entreprise africaine en développement. L’investissement étranger en Afrique subsaharienne pourrait donc être soutenu par la puissance publique de manière plus affirmée. Un système de garanties publiques portant sur certains investissements pourrait par exemple être pensé, et comptabilisés dans l’APD en cas de déclenchement de la garantie.


—  1  —

   ANNEXES

1.   Liste des pays ayant rempli les conditions requises pour bénéficier de l’initiative PPTE

pays ayant dépassé le point d’achèvement

 

Afghanistan

Bénin

Bolivie

Burkina Faso

Burundi

Cameroun

République centrafricaine

Tchad

Comores

République du Congo

République démocratique du Congo

Côte d’Ivoire

Éthiopie

Gambie

Ghana

Guinée

Guinée-Bissau

Guyana

Haïti

Honduras

Libéria

Madagascar

Malawi

Mali

Mauritanie

Mozambique

Nicaragua

Niger

Rwanda

Sao Tomé-et-Principe

Sénégal

Sierra Leone

Tanzanie

Togo

Ouganda

Zambie

 

pays ayant atteint le point de décisions

 

Soudan

Somalie

 

Pays proches du point de décision

 

Érythrée

 

 

 

 

 

 

2.   Liste des pays bénéficiaires de l’initiative de suspension du service de la dette

Pays

Participation à l’ISSD

Potentiel d’économie mai-décembre 2020

Potentiel d’économie janvier-juin 2021

 

 

% du PIB

Millions (dollars)

% du PIB

Millions (dollars)

Afghanistan

Oui

0.2

39.3

0.2

36.7

Angola

Oui

1.9

1 734,9

1.4

1 292,8

Burkina Faso

Oui

0.2

24.2

0.1

12.7

Burundi

Oui

0.2

4.5

0.1

2.8

Cabo Verde

Oui

0.9

18.0

0.8

15.8

Cameroun

Oui

0.9

337.3

0.7

271.9

Comores

Oui

0.2

2.3

0.2

1.9

Congo, République du

Oui

1.4

181.8

1.5

190.5

Congo, République démocratique du

Oui

0.3

156.3

0.2

105.9

Côte d’Ivoire

Oui

0.4

224.0

0.1

67.7

Djibouti

Oui

1.7

56.8

2.0

66.7

Dominique

Oui

0.7

4.3

0.6

3.7

Fidji

Oui

0.2

13.4

0.2

13.3

Gambie

Oui

0.6

10.2

0.4

6.4

Guinée

Oui

0.5

70.6

0.2

29.2

Lesotho

Oui

0.4

9.8

0.3

5.9

Madagascar

Oui

0.2

35.5

0.1

8.5

Malawi

Oui

0.2

17.4

0.2

16.7

Maldives

Ou

0.9

50.7

1.1

61.3

Mali

Oui

0.5

82.5

0.3

46.3

Mauritanie

Oui

1.1

90.8

1.3

102.5

Mozambique

Oui

1.9

292.6

1.6

250.2

Myanmar

Oui

0.6

379.9

0.5

359.3

Niger

Oui

0.2

26.0

0.2

24.0

Népal

Oui

0.1

24.8

0.1

21.3

Ouganda

Oui

0.2

91.1

0.3

107.0

Pakistan

Oui

1.3

3 645,4

0.9

2 487,8

Papouasie-Nouvelle-Guinée

Oui

1.3

326.9

0.1

26.3

République centrafricaine

Oui

0.3

7.4

0.4

8.7

Sainte-Lucie

Oui

0.2

5.2

0.1

3.1

Samoa

Oui

1.1

9.5

1.0

8.4

Sao Tomé-et-Principe

Oui

0.4

1.6

0.7

2.8

Sierra Leone

Oui

0.2

8.1

0.2

6.9

Sénégal

Oui

0.6

139.2

0.4

97.7

Tanzanie

Oui

0.2

138.6

0.2

109.6

Tchad

Oui

0.6

65.4

0.4

43.9

Togo

Oui

0.4

26.6

0.3

23.9

Tonga

Oui

1.2

6.3

1.2

6.2

Zambie

Oui

0.7

165.4

0.8

184.0

Éthiopie

Oui

0.5

472.9

0.4

359.6

Grenade

Oui

0.7

8.0

0.4

5.1

Guinée-Bissau

Oui

0.1

2.1

0.1

1.7

Kenya

Oui

0.7

630.8

0.7

620.3

Saint-Vincent-et-les Grenadines

Oui

0.5

4.1

0.4

2.9

Tadjikistan

Oui

0.8

63.8

0.6

50.3

Yémen, Rép. du

Oui

0.9

211.5

0.6

137.7

Bangladesh

Non

0.1

331.9

0.1

290.8

Bhoutan

Non

5.8

145.4

10.0

248.2

Bénin

Non

0.1

16.1

0.1

15.2

Cambodge

Non

0.8

219.2

0.8

209.2

Ghana

Non

0.6

377.9

0.3

180.2

Guyane

Non

0.3

16.9

0.3

13.6

Haïti

Non

0.5

76.2

0.4

59.6

Honduras

Non

0.4

102.0

0.1

27.5

Kiribati

Non

 

 

 

 

Kosovo

Non

0.1

7.5

0.0

3.9

Libéria

Non

0.1

2.3

0.1

2.2

Micronésie, États fédérés de

Non

 

 

 

 

Moldova

Non

0.2

23.2

0.2

19.9

Mongolie3

Non

0.5

69.9

0.4

60.4

Nicaragua

Non

0.3

33.0

0.2

20.0

Nigéria3

Non

0.0

123.5

0.0

155.2

Ouzbékistan

Non

0.4

257.3

0.4

217.5

Rwanda

Non

0.1

13.2

0.1

11.7

République démocratique populaire lao

Non

1.7

315.0

1.5

277.6

République kirghize

Non

0.6

52.1

0.6

49.5

Somalie

Non

0.0

1.7

0.0

1.4

Soudan du Sud

Non

 

 

 

 

Timor-Leste

Non

0.0

0.0

0.0

0.0

Tuvalu

Non

 

 

 

 

Vanuatu

Non

0.7

6.2

0.7

6.1

Îles Marshall

Non

 

 

 

 

Îles Salomon

Non

0.1

1.5

0.0

 

Source : commission des finances à partir des données du FMI.

 


3.   Carte des pays prioritaires de l’aide française

carte prio + pma

Les pays prioritaires de l’aide française

Les pays les moins avancés

Note : les pays prioritaires de la France sont tous également des PMA.

Source : commission des finances.

Les 19 pays prioritaires de l’aide française :

Bénin

Burkina Faso

Comores

Guinée

Liberia

Mali

Niger

République démocratique du Congo

Sénégal

Togo

Burundi

Éthiopie

Djibouti

Gambie

Haïti

Mauritanie

République centrafricaine

Tchad

Madagascar

Les 47 pays les moins avancés (PMA) :

Afghanistan

Angola

Bangladesh

Bénin

Bhoutan

Burkina Faso

Burundi

Cambodge

Comores

Djibouti

Érythrée

Éthiopie

Gambie

Guinée

Guinée-Bissau

Haïti

Îles Salomon

Kiribati

Lesotho

 

Libéria

Madagascar

Malawi

Mali

Mauritanie

Mozambique

Myanmar

Népal

Niger

Ouganda

République centrafricaine

République démocratique du Congo

République démocratique populaire Lao

Rwanda

Sao Tomé-et-Principe

Sénégal

Sierra Leone

Somalie

 

Soudan

Soudan du Sud

Tanzanie

Tchad

Timor-Leste

Togo

Tuvalu

Vanuatu

Yémen

Zambie


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION 

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 1er juin 2021, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Marc Le Fur, rapporteur spécial sur les crédits de la mission Aide publique au développement et le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.

 

La vidéo de cette réunion est disponible sur le portail dédié de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera prochainement consultable en ligne.

 

 

*

*     *

 

 


—  1  —

   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Direction générale du Trésor (DGT) : M. Christophe Bories, sous‑directeur des Affaires financières multilatérales et développement (MultiFin).

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères : M. Cyrille Pierre, directeur général adjoint de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGM).

Agence française de développement (AFD) : M. Rémy Rioux, directeur général.

M. Benoît Chervalier, président et co‑fondateur de One2five Advisory.

Aix Marseille université : M. Gilles Dufrénot, professeur de sciences économiques et chercheur associé au CEPII.

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : M. Éric David, chef du service économique, délégué représentant de la France au Comité d’aide au développement.

Université Paris Dauphine : M. Marc Raffinot, spécialiste du développement et de l’endettement international, et M. Marin Ferry, spécialiste des questions de financement du développement et notamment des initiatives d’annulation de dette.

Table ronde d’organisations non gouvernementales

 Coordination Sud : M. Arnaud Merle d’Aubigné, chargé de mission analyse et plaidoyer.

 The ONE Campaign * : Mme Maé Kurkjian, directrice adjointe.

 Oxfam * : M. Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de plaidoyer, aide publique au développement, dette des pays du Sud.

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


—  1  —

   SOURCES UTILISÉES

– Rapport annuel de performance pour la mission budgétaire Aide publique au développement annexé au projet de loi de règlement du budget pour 2020 ;

– Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour la mission budgétaire Aide publique au développement pour 2020 ;

– FMI, Perspectives économies régionales, Afriques subsaharienne, avril 2021 ;

– Banque africaine de développement, Perspectives économiques en Afrique 2021 ;

– Études économiques et risques pays sur le Soudan, site internet de la COFACE.

– Marc Raffinot, Marin Ferry et Babacar Sène, « Le financement du développement à l’épreuve du Covid 19 », 2020.

– OCDE, Les dépenses liées au COVID-19 ont contribué à hisser l’aide extérieure à un niveau sans précédent en 2020, 13 avril 2021.

– Compte-rendu de la déclaration du président de la république à l’occasion d’un micro-tendu avec le président de la république démocratique du Congo et de la directrice générale du FMI pour l’ouverture du sommet sur le financement des économies africaines, 20 mai 2021.

– Marin Ferry et Marc Raffinot, Curse or Blessing ? Has the impact of debt relief lived up to expectations ? À review of the effects of the multilateral debt relief initiatives for low-income countries, The Journal of development studies, 2018 ;

– Marin Ferry, Marc Raffinot et Baptiste Vernet, Does debt relief attract bank as honey attract bees ? Evidence from low-income countries’ debt relief programs, International review of law and economics, 2021 ;

– Marin Ferry, Marc Raffinot et Babacar Sène, Le financement du développement à l’épreuve du Covid-19.

 


([1]) Un troisième programme 365 - Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement a été créé dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2021.

([2]) Les 19 pays prioritaires de l’aide française sont le Bénin, Burkina Faso, Comores, Guinée, Liberia, Mali, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Togo, Burundi, Éthiopie, Djibouti, Gambie, Haïti, Mauritanie, République centrafricaine, Tchad, Madagascar.

([3]) OCDE, Les dépenses liées au COVID-19 ont contribué à hisser l’aide extérieure à un niveau sans précédent en 2020, 13 avril 2021.

([4]) Créée par l’article 22 de la loi de finances rectificative n° 2005-1720 du 30 décembre 2005.

([5]) Note d’exécution budgétaire.

([6]) Réponses du ministère de l’Europe et des affaires étrangères au questionnaire du rapporteur spécial.

([7]) Article 5 du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités.

([8]) l’aide projet comprend les don-projet AFD et les dons-projets aux organisations de la société civile.

([9]) Dans le cadre d’un contrat nouvellement signé en 2019, pour un montant de 65 millions d’euros environ pour la période 2020-2023.

([10]) Marin Ferry et Marc raffinot, Curse or Blessing ? Has the impact of debt relifief lived up expectations ? À revew of the effects of the multilatérale debt releif initiatives for low-income countries, The Journal of development studies, 2018.

([11]) ibid.

([12]) Marc Raffinot, Marin Ferry et Babacar Sène, « Le financement du développement à l’épreuve du Covid 19 », 2020.

([13]) Marin Ferry Marc Raffinot, Baptiste Venet, Does debt relief « irresistibly attract banks as honey attracts bees » ? – Evidence from low-income countries’ debt relief programs, international Review of Law and Economics, 2020.

([14]) Données du FMI.

([15]) Retours écrits communiqués par M. Gilles Dufrénot, enseignant-chercheur en économie.

([16]) Sachs, 2002.

([17])FMI, Perspectives économies régionales, Afriques subsaharienne, avril 2021.

([18]) Données de la Banque mondiale.

([19]) Banque africaine de développement, Perspectives économiques en Afrique 2021.

([20]) https://www.imf.org/fr/News/Articles/2021/04/12/na041521-six-charts-show-the-challenges-faced-by-sub-saharan-africa

([21])  https://www.imf.org/fr/News/Articles/2021/04/12/na041521-six-charts-show-the-challenges-faced-by-sub-saharan-africa

([22])  perspectives économies régionales, Afriques subsaharienne, FMI, avril 2021.

([23]) perspectives économies régionales, Afriques subsahariennes, FMI, avril 2021.

([24]) Marc Raffinot, Marin Ferry et Babacar Sène, « Le financement du développement à l’épreuve du Covid‑19 », 2020.

([25]) ibid.

([26]) Perspectives économiques en Afrique 2021, Banque africaine de développement.

([27]) Ferry et al. 2021.

([28]) Marin Ferry Marc Raffinot, Baptiste Venet, Does debt relief « irresistibly attract banks as honey attracts bees » ? – Evidence from low-income countries’ debt relief programs, international Review of Law and Economics, 2020.

([29]) Marc Raffinot, Marin Ferry et Babacar Sène, « Le financement du développement à l’épreuve du Covid 19 », 2020.

([30]) Audition de Gilles Dufrénot, enseignant-chercheur en économie.

([31]) Perspectives économies régionales, Afriques subsahariennes, FMI, avril 2021.

([32]) Le financement du développement à l’épreuve du COvid 19, Marc Raffinot, Marin Ferry et Babacar Sène, 2020.

([33]) Document de Gilles Dufrénot.

([34]) Les créances concernées n’étant pas considérées comme publiques, cette mesure a été décidée en marge de l’ISSD.

([35]) voir Gelpern, A., Horn, S., Morris, S., Parks, B., & Trebesch, C. (2021). How China Lends : A Rare Look into 100 Debt Contracts with Foreign Governments. Peterson Institute for International Economics, Kiel Institute for the World Economy, Center for Global Development, and Aid Data at William & Mary, ou Bon, G. (2020), Économie politique des restructurations de dettes souveraines : des conditions initiales à la restructuration, Thèse de l’Université de Paris X Nanterre.

([36]) Réponse de la Direction générale du Trésor au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

([37]) Sommet pour le financement des économies africaines.