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N° 4376

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences,

 

 

 

 

 

Présidente

Mme. Mathilde PANOT

 

Rapporteur

M. Olivier SERVA

 

Députés

 

——

 

 

 

 

 

 

 Voir les numéros : 3745 et 3824.


 

 

La commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences est composée de :

– Mme Mathilde Panot, président ;

 M. Olivier Serva, rapporteur ;

– Mmes Annie Chapelier, Yolaine de Courson, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, vice-présidents ;

– Mmes Marie-Noëlle Battistel, Pascale Boyer, M. Alain Bruneel, Mme Catherine Kamowski, secrétaires ;

 Mme Justine Benin, M. Guy Bricout, Mme Dominique David, M. Mansour Kamardine, Mme Stéphanie Kerbarh, M. François-Michel Lambert, Mmes Sandrine Le Feur, MarieAnge Magne, Sereine Mauborgne, MM. Alain Perea, Patrice Perrot, Pierre Person, Dominique Potier, Frédéric Reiss, Vincent Thiébaut, Mmes Frédérique Tuffnell, Isabelle Valentin, MM. Pierre Venteau, Guillaume Vuilletet, membres.

 

 


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Sommaire

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Pages

Sommaire

Avant-propos de la prÉsidente

Introduction

Liste des propositions

PremiÈre partie :  LA RESSOURCE ET LE GRAND CYCLE DE L’EAU FONT-ILS L’OBJET D’ACCAPAREMENT PAR DES INTÉRÊTS PRIVÉS ?

Les accusations diverses d’accaparement de la ressource en eau

L’état de la ressource sur le territoire national

Les ressources présentes et les enjeux du changement climatique

Une ressource de plus en plus menacée par les activités humaines

Les différents usages sur le territoire national

Les prélèvements sur la ressource

Les mises en danger de la ressource (agriculture, industrie, pollution)

La vigilance autour des solutions qui déplacent le problème plutôt que le régler

Le dessalement, une solution pour augmenter la ressource sans interroger les usages

Le traitement de l’eau par osmose inverse, un traitement qui manque d’utilité pour l’usager

La nÉcessitÉ de mieux connaître les dynamiques de la ressource et les usages effectifs

Les modélisations à parfaire

Les bases de données existantes et les enjeux de l’accès aux données

Faire de la gestion en commun de l’eau un principe supérieur aux autres droits : l’eau comme bien commun

Les instruments de droit international et européen applicables à l’accès à l’eau et à la régulation des usages

Les instruments de droit international

Les principes fixés par le droit européen

Les apories du droit français, entre propriÉTÉ privÉe et patrimoine commun

Un droit de l’eau entre propriété privée et autorisation publique de prélèvements

Le droit de propriété sur l’eau

Les régimes de droits et d’autorisations

L’intérêt de consacrer l’eau comme bien commun

Le régime des biens communs

L’eau est-elle en droit positif un bien commun ?

La nécessité de faire de l’eau un bien commun en droit français

Les conséquences : une obligation de conservation de la ressource en eau

La nécessité de préciser le droit français : si « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation », il faut réaffirmer la primauté de la gestion par la puissance publique

Pour l’exigence d’une gestion publique : le régime de propriété de l’eau et les droits acquis doivent être subordonnés à la gestion de la ressource

Pour mettre fin aux droits d’usage acquis

Pour limiter l’exercice du droit de propriété sur les eaux souterraines

Pour assurer la pérennité de la ressource, principe qui doit s’appliquer à tous les usages – y compris en cas d’étiage

Pour affirmer une hiérarchie des usages opposable, comme le prévoit le droit espagnol

Pour faire du prélèvement ou de l’atteinte à la ressource la source de financement de la gestion du grand cycle de l’eau

LES AUTORITÉS PUBLIQUES PROTÈGENT-ELLES ASSEZ LA RESSOURCE EN EAU D’UNE ÉVENTUELLE MAINMISE DES INTÉRÊTS PRIVÉS ?

La police de l’eau doit permettre de prévenir et de constater les atteintes à la ressource en eau

Une police en construction, pensée pour la protection de la ressource

Un régime d’autorisation et de déclaration qui devrait s’adapter au contexte en devenir de raréfaction de la ressource

Un dispositif normatif adapté mais une action de contrôle et une réponse pénale encore insuffisantes

La conformité des usages de l’eau est contrôlée

Le volume des contrôles semble insuffisant malgré l’action des services de l’État pour rationaliser leur action

Une action des juridictions insuffisante face aux atteintes à la ressource

Des moyens de l’État qui ne semblent pas cohérents avec les ambitions de la politique de l’eau

L’organisation et les moyens de l’État et des opérateurs publics dans la protection de la ressource

Une action normative et de régulation qui repose sur une administration centrale mais surtout sur des opérateurs et des services déconcentrés

Des moyens conjoncturellement soutenus par les crédits du plan de relance

Un manque de moyens en contradiction avec les ambitions françaises en matière de protection de la ressource

Les agences de l’eau connaissent un manque structurel de moyens au vu de l’élargissement de leurs missions

Peut-être plus encore que les moyens budgétaires, les moyens humains font défaut aux services et opérateurs de l’État

La gestion locale de la ressource : SDAGE, SAGE et démocratie de l’eau

Un modèle français marqué par l’ambition d’une gestion démocratique de l’eau organisée au niveau du bassin et du sous-bassin

Les institutions locales de l’eau

Les schémas directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux représentent les feuilles de l’action de protection de l’eau au niveau local

Ce modèle subit des critiques sur son caractère démocratique et sa pertinence au vu de la dynamique de raréfaction de la ressource

Une composition des assemblées qui laisserait une place trop restreinte à la société civile

Un besoin de clarification des collèges des CLE

Une démocratie locale de l’eau qui se transformerait en réalité en négociation entre acteurs dominants

Le cas de Volvic : un hydrosystème encore mal connu à la ressource en raréfaction qui est certainement le lieu de conflits d’usage

Une nappe glissante affectée par le changement climatique au fonctionnement encore mal connu

i. Une nappe glissante en lien avec les eaux de surface

Une ressource d’une grande stabilité qui connaît une raréfaction caractérisée par une baisse du débit moyen et, de manière plus dommageable du débit d’étiage

Une connaissance lacunaire du bassin et de son fonctionnement

Une exploitation anthropique multiforme de la nappe et de potentiels conflits d’usage

Un usage de la ressource en eau marqué par des prélèvements et une exploitation piscicole

La raréfaction des résurgences place certains usages en souffrance et a des conséquences environnementales

Une surexploitation, à confirmer, de la nappe en période d’étiage et de sécheresse

Des mesures de protection de la ressource déjà en œuvre ou programmées

L’établissement d’un diagnostic du fonctionnement et la limitation des ruptures dans le fonctionnement normal de la nappe sont à mener au plus tôt

Un travail de connaissance de la nappe à fournir sans délai

Un effort dans l’efficience et la coordination des usages à poursuivre

Dans l’attente d’une connaissance fine du fonctionnement de la nappe, une application du principe de précaution à tous les usages en période d’étiage

Le cas de Vittel : d’une surexploitation d’une ressource à la recherche d’une gestion partagée et soutenable de la ressource

L’hydrosystème du secteur de Vittel : la centralité de la nappe des grès du Trias inférieur (GTI)

Caractéristiques de la nappe des grès du Trias inférieur

Capacité de la ressource et évolution de la nappe des grès du Trias inférieur

Un hydrosystème qui offre d’autres ressources que la nappe des grès du Trias inférieur

Caractéristiques du territoire

Des prélèvements anthropiques qui sont la cause d’une surexploitation de la nappe des grès du Trias inférieur

i. Les prélèvements anthropiques se répartissent entre les trois gîtes hydrominéraux déjà cités

La surexploitation connue concerne la nappe des GTI ou gîte C

Un objectif de retour à l’équilibre et de recharge de la nappe des GTI qui s’incarne dorénavant dans le schéma d’aménagement et de gestion des eaux actuellement en cours de concertation

i. Au cours d’un processus long et heurté, les acteurs locaux se sont peu à peu engagés dans une démarche de protection de la ressource

i. Le SAGE adopté vise un retour à l’équilibre au plus tard en 2027 l’équilibre grâce à des réductions de prélèvements de la ressource en eau partagées entre les acteurs

L’enjeu de la contribution sur les eaux minérales : une recette qui n’est pas affectée à la restauration de l’équilibre de la ressource et qui crée un lien financier important entre industriels et collectivités

a. Une contribution sur les eaux minérales naturelles à destination du marché national qui bénéficie aux communes

Un impôt au rendement globalement faible mais qui peut créer un lien financier potentiellement néfaste entre l’industriel et la collectivité

Une contribution à revoir afin de limiter les risques de proximité trop forte entre communes et minéraliers et la pression à l’export

LE CAS DE L’HYDROÉLECTRICITÉ : LA NÉCESSITÉ DE GARANTIR UNE GESTION DANS L’INTÉRÊT COLLECTIF DE LA RESSOURCE

L’hydroélectricité : un secteur essentiel pour la souveraineté énergétique et la transition écologique de la France

Un secteur régi par un double régime d’autorisation et de concession selon la puissance des installations

Une activité qui permet une production pilotable mais qui doit être conciliée avec des exigences environnementales et de sécurité

Caractéristiques énergétiques

Caractéristiques environnementales

Une énergie renouvelable au poids considérable au sein du système électrique français

La grande hydroélectricité : une gestion qui doit demeurer le fait des acteurs historiques

a. Une gestion actuellement confiée à trois acteurs historiques

Une perspective de mise en concurrence qui présente des risques de différentes natures

Une mise en concurrence du renouvellement des concessions hydroélectriques appelée par le droit communautaire

La mise en concurrence fait craindre une fragilisation du système électrique et hydrique français

Une gestion qui doit rester le fait des acteurs historiques pour s’assurer qu’elle soit effectuée dans l’intérêt général

Une volonté partagée entre les acteurs nationaux d’éviter de devoir procéder à l’ouverture à la concurrence

Les concessions hydroélectriques ne doivent pas faire l’objet d’une mise en concurrence

Le Gouvernement et EDF défendent un projet de quasi-régie qui devrait permettre d’éviter une mise en concurrence des concessions détenues par EDF

Une transformation d’EDF hydro ou d’EDF en établissement public industriel et commercial apparaît comme une solution moins susceptible de permettre d’éviter une mise en concurrence

La concession de la CNR devrait également pouvoir éviter une mise en concurrence mais une attention particulière doit également être portée sur les concessions de la SHEM

La petite hydroélectricité : optimiser sans mettre en cause la continuité écologique et les équilibres des bassins

Un segment en développement du fait d’un potentiel encore inexploité

Un développement de la petite hydroélectricité qui doit s’inscrire dans une logique d’optimisation des sites existants et toujours dans le respect de l’environnement

LE FINANCEMENT DE LA PRÉSERVATION ET DE L’UTILISATION DE LA RESSOURCE via l’action des opÉrateurs de l’État DOIT ÊTRE REMIS EN COHÉRENCE AVEC SES PRINCIPES

LEs principes et mécanismes de financement des opÉrateurs de l’État

Un dispositif de financement qui repose sur les principes de « l’eau paie l’eau » et « pollueur-payeur »

Les principales ressources des opérateurs reposent sur les redevances des usagers et pollueurs

LE PRINCIPE DIT DE « L’EAU PAIE L’EAU » BATTU EN BRÈCHE

Un financement du petit cycle de l’eau mais aussi de la biodiversité qui repose essentiellement sur l’usage domestique de l’eau

Des redevances conçues pour financer des actions dans le petit cycle de l’eau qui sont consacrées de manière croissante à d’autres buts

Les ressources des agences de l’eau représentent la principale source de financement de l’OFB

Financer les enjeux globaux de préservation et restauration de la biodiversité par le budget de l’État

UNE NÉCESSAIRE REMISE À PLAT DES REDEVANCES POUR ATTEINTE À LA RESSOURCE

Des redevances liées aux atteintes à la ressource qui ne sont pas suffisantes et équitablement réparties

Des redevances pour pollution qui portent de manière démesurée sur les usages domestiques

Les taux de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau sont trop faibles pour permettre un rendement intéressant et avoir un effet incitatif

La mise en œuvre du principe « pollueur-payeur » peut être entravée par le plafond mordant

Réaffirmer le principe « pollueur-payeur »

Des redevances pour pollution à faire peser de manière plus forte sur les pollutions d’origines économiques

Rehausser les taux des redevances pour prélèvement sur la ressource en eau

DeuxiÈme partie :  La gestion de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement par les acteurs privÉs : un modÈle À parfaire pour garantir le contrÔle des responsables publics

Le libre exercice de la compÉtence locale en matiÈre de distribution d’eau potable et d’assainissement implique À la fois responsabilitÉ et contrÔle

Le principe de la compÉtence locale implique de laisser aux dÉcideurs municipaux la responsabilitÉ de recourir ou non à un cocontractant privé

Le principe de la compétence municipale puis intercommunale

Les choix de gestion à la disposition des décideurs locaux

Des résultats relativement proches en termes de prix et de qualité de services

Quelle réalité du phénomène de remunicipalisation ?

Le cadre juridique applicable à la régie et à la délégation de service public (DSP)

Les obligations réglementaires propres aux régies

Les obligations propres aux DSP

Le dÉLÉgataire de service public doit Être choisi en toute transparence et impartialitÉ

Le cadre légal de choix du cocontractant

L’encadrement de la contractualisation

3. La nécessité de faire entrer la gestion de l’eau dans le droit commun de la commande publique

Le dÉLÉgataire doit rendre des comptes à la puissance publique et au citoyen

Les objectifs du contrôle et les instruments prévus par la loi

Leur mise en œuvre contrastée

La nécessité de conserver des moyens de contrôle interne

La nécessité de clarifier les responsabilités des acteurs

Les principes et clauses types à instaurer pour assurer une réversibilité de la prestation

La nécessité de permettre la transparence et le contrôle par les citoyens

Les conditions Économiques ayant conduit au choix du prestataire doivent Être maintenues tout au long de la prestation

Les conditions légales pour négocier un avenant

La tentation de remettre en cause l’équilibre économique du marché

La nécessité d’encadrer les avenants et modifications du contrat en cours de prestation

L’État doit retrouver un rôle pour accompagner les autoritÉs organisatrices

Les contrôles existants et le rôle possible de l’État en cas de défaillance d’une collectivité

Une aide technique d’État à rétablir

La nécessité de restaurer une aide à maîtrise d’ouvrage publique

Les questions de l’interconnexion des rÉseaux et de la vente d’eau en gros invitent À reposer la question de l’Échelle adÉquate d’organisation des rÉseaux

L’impossibilité de séparer réseaux et services

Le nécessaire encadrement de la vente d’eau en gros entre réseaux

La question de l’échelle de gestion : faut-il confier l’eau et l’assainissement à des autorités à la mesure du bassin, du sous-bassin ou de l’aire métropolitaine ? L’intérêt du modèle guadeloupéen

Le caractÈre oligopolistique du marché de la gestion privÉe de l’eau et de l’assainissement favorise-t-il des rentes et des marges indues ?

La dÉLÉgation de service public à des acteurs en situation d’oligopole conduit-elle à une prÉdation de l’eau par des acteurs privés ?

La situation de monopole naturel et « concurrence pour le marché, et non pas concurrence sur le marché »

Un marché en situation oligopolistique

Les avantages et les risques des nouvelles formes juridiques de gestion : SEMOP, SPL

Les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP)

Les sociétés publiques locales (SPL)

Un rapprochement entre deux acteurs qui ne permet pas de dÉvelopper la concurrence

Les raisons de l’OPA de Veolia sur Suez

Le rôle imprécis de l’État dans le déroulement de l’opération

Les conséquences potentielles

Faut-il une autorité de régulation de l’eau face aux acteurs privés ?

Quelle influence des modes de gestion sur le coût et la qualitÉ de service À la population ?

Les déterminants du choix entre gestion publique et gestion privée en matière de qualité de service et de coûts

L’évolution du prix de l’eau et la différence entre régies et délégation de service public

Comment expliquer les différences de prix d’une région à l’autre ? Faut-il y remédier ?

La nÉcessaire remise à niveau des rÉseaux de distribution et d’assainissement …

Un état des lieux disparate

Un nombre limité de réseaux non efficaces mais une déperdition bien réelle de la ressource

Les difficultés de réalisation des investissements

La tentation de privilégier la facture d’eau sur la pérennité des réseaux

Favoriser le renouvellement des réseaux par la connaissance et de nouvelles règles en matière de provision

Les avancées du décret « fuites »

… doit Être financÉe notamment par la remise à plat des redevances

La tarification diffÉRENCIÉe, la gratuité des premiers mÈtres cubes d’eau et de l’abonnement : la garantie du droit universel à l’eau

Une politique sociale de l’eau qui dispose désormais d’un cadre législatif susceptible de permettre son épanouissement

La politique sociale de l’eau vise à lutter contre la « pauvreté en eau »

Un cadre légal qui s’est rapidement étoffé au cours des deux dernières décennies

Les différentes modalités possibles de politique sociale de l’eau

Les dispositifs de tarification sociale de l’eau stricto sensu

Les aides financières

L’accompagnement vers une consommation moins coûteuse et une fourniture directe et gratuite d’eau potable

Des logiques préventives et curatives a priori alternatives mais souvent cumulatives en pratique

Les expériences de politique sociale mettent en lumière les écueils de mise en œuvre efficace de ces politiques

Il est difficile de tirer un bilan global des expérimentations menées dans le cadre de la loi Brottes

Des difficultés structurelles à toucher les bénéficiaires et sensibiliser les usagers pour des montants relativement faibles

Certains dispositifs préventifs peuvent comporter des effets pervers à anticiper

La politique sociale peut contribuer à un meilleur accès et une meilleure gestion de l’eau

Une politique sociale de l’eau efficace se fondera sur une information fiable pour les usagers et les autorités organisatrices

Une politique sociale efficace pourra passer par le recours le plus poussé possible à des dispositifs tarifaires préventifs et des aides financières automatisées pour compenser certains effets indésirables.

À moyen terme, une distinction de la tarification entre usages et un soutien aux territoires les plus fragiles par une taxe affectée sur l’eau embouteillée pourraient venir donner sa pleine dimension à la politique sociale de l’eau

Des marges de manœuvre budgÉtaires À consacrer à une remise à niveau des rÉseaux

Les financements promis par les assises de l’eau doivent être débloqués

Les autorités gestionnaires doivent être accompagnées pour la réalisation des investissements de manière opérationnelle

TroisiÈme partie :  Les territoires ultramarins, des territoires de la RÉpublique où protection de la ressource et accÈs à l’eau sont insuffisamment garantis

Des difficultÉs spÉcifiques aux territoires ultramarins ont nÉcessité un plan de rattrapage de dix ans

Des difficultÉs particuliÈres et anormales

Le plan Eau DOM

50 millions dÉDIÉs dans le cadre du plan de relance

La distribution de l’eau et l’assainissement en Guadeloupe, un scandale dû à des dÉcisions trop longtemps repoussÉes

Une ressource naturelle abondante

Une compÉtence longtemps exercÉe par des syndicats intercommunaux par dÉLÉgation de leurs compÉtences à une entreprise laissÉe sans contrÔle effectif

La multiplicité des autorités organisatrices

La diversité des modes d’exploitation et des exploitants

Les instruments de planification de l’eau en Guadeloupe

Une gestion trop longtemps laissée au bon vouloir des délégataires

Un dÉRÈglement de la distribution dû à la conjonction de plusieurs dÉcisions

L’« accident industriel » de la facturation

La mise en péril des finances des services de distribution d’eau

L’insuffisance des investissements de renouvellement des équipements

Le départ précipité de la Générale des eaux

L’incapacité des nouvelles régies à remettre en place un système d’eau et d’assainissement performants

La désorganisation des échanges nécessaires à la distribution de l’eau

Le maintien de la défiance envers les autorités organisatrices

Une performance des réseaux toujours médiocre

Face À ce dÉRÈglement, Une coupable absence de rÉaction

Des équipements inadaptés

L’absence de réaction des élus et de l’État

Des autorités organisatrices qui ne se sont pas dotées des moyens de contrôler l’action des prestataires privés

Un État qui n’a pas écouté les signaux de la dégradation du service et qui a failli dans son rôle de conseil des collectivités territoriales

Les mesures palliatives mises en œuvre

Le Plan de sécurisation de l’alimentation en eau potable (PSAEP)

Le volet guadeloupéen du Plan Eau DOM

Le plan d’actions prioritaires

Le Plan Eau Guadeloupe 2022 (PEG22)

Les mesures d’urgence prises en 2020 en lien avec la préfecture et les collectivités territoriales

L’impossibilité de la mise en place d’un plan Orsec dans le cadre juridique actuel

La nÉCESSITÉ de prendre en charge la restauration du rÉseau d’eau et la mise en place d’un assainissement efficace par une autoritÉ unique soutenue par l’État

Un impact notable sur l’activité économique

La mise en place d’un syndicat unique, condition d’un retour à une approche stratégique mutualisée et planifiée

Rétablir la confiance des usagers

Faire bénéficier le nouveau syndicat unique d’une assistance technique et financière de l’État

Planifier un effort d’investissement de manière pluriannuelle

Mettre en place un système d’assainissement préservant les milieux naturels

Garantir la ressource en eau en protégeant les zones de captage

Assurer la distribution d’une eau potable de qualité

L’eau à Mayotte : une ressource insufFisante, des rÉseaux d’eau et d’assainissement sous-dÉVELOPPÉs

La ressource en eau limitÉe à Mayotte

Un rÉseau d’eau potable limité et dÉfaillant

Un assainissement balbutiant

Des plans d’investissement qui n’arrivent pas à Être rÉALISÉs et une autoritÉ organisatrice qui n’arrive pas à rÉtablir sa situation

L’eau à La RÉunion : une ressource abondante, une qualitÉ insuffisante

L’eau, une ressource abondante à la RÉunion

Des amÉnagements de transfert d’eau contestÉs

Une qualitÉ de l’eau insuffisante

L’eau en Martinique : La nÉCESSITÉ de penser une gestion mutualisÉe de la ressource

Une ressource en eau inÉgalement rÉpartie

Des prÉLÈvements concentrÉs dans deux cours d’eau

Une distribution de l’eau et de l’assainissement complexe

La gouvernance de l’eau en dÉbat

Des menaces rÉcurrentes sur l’approvisionnement en eau : quelles solutions ?

Le Carême, une période souvent difficile

La solution de l’augmentation des prélèvements

Des réseaux de distribution d’eau à rénover

Les risques naturels accentuent la pression sur la distribution et les réseaux

Examen du rapport

Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution de Mme Mathilde Panot, DÉPUTÉe du Val-de-Marne, PrÉsidente de la commission d’enquÊte, au nom du groupe la France Insoumise

Contribution de Mme Annie Chapelier, DÉPUTÉe du Gard, vice-présidente de la commission d’enquÊte

Contribution de M. Guillaume Vuilletet, DÉPUTÉ du Val-d’Oise, membre de la commission d’enquÊte

Contribution de M. Pierre Venteau, Député de la Haute-Vienne, membre de la commission d’enquÊte

ANNEXES

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

ANNEXE N° 2 : LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES

ANNEXE N° 3 : Lettre de la prÉsidente au procureur de la République

 


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Avant-propos de la prÉsidente

« La sécheresse est sur le point de devenir la prochaine pandémie et il n’existe aucun vaccin pour la guérir. La majeure partie du monde vivra avec un stress hydrique dans les prochaines années. »

C’est avec ces mots que l’Organisation des Nations unies a sonné l’alarme lors de la journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse. Autour du Nil, entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie, la guerre de l’eau couve. La première famine due directement au dérèglement climatique touche plus d’un million de personnes à Madagascar en ce début d’été 2021. Le Canada brûle sous une canicule mortelle. Plus d’un million d’habitants ont dû être évacués au Japon suite à des pluies torrentielles et des coulées de boue. La perturbation du cycle de l’eau, sa rareté, ses pluies diluviennes et sa mauvaise qualité font aujourd’hui plus de morts dans le monde que les guerres ne font de victimes.

La France n’est pas épargnée. Entre 1964 et 1990, notre pays avait connu 13 épisodes de sécheresse. Entre 1991 et 2015, cela culmine à 62 épisodes de sécheresse. Des rivières disparaissent, comme celle du Doubs, sur plusieurs kilomètres. Les événements climatiques extrêmes augmentent en fréquence et en intensité, comme l’illustrent, en à peine deux semaines d’intervalle, les crues dans le Gard le 19 septembre 2020 et la tempête Alex dans le Sud-Est. Les conséquences du modèle économique actuel se superposent à la nouvelle donne climatique. La qualité de l’eau est profondément altérée par les pollutions agricoles et chimiques. L’artificialisation des sols, l’agriculture intensive et la sylviculture industrielle contribuent à diminuer l’infiltration dans les nappes phréatiques et à augmenter le ruissellement. D’ici à cinquante ans, le volume d’eau disponible dans les nappes phréatiques pourrait chuter de 10 à 25 %, voire de 30 à 50 % pour le bassin de la Loire et le Sud-Ouest.

L’eau est le nouveau défi de l’humanité

La France Insoumise, par son engagement constant sur ce sujet, prend toute sa part pour porter politiquement ces alertes sur l’eau et proposer des solutions. Dès décembre 2017, le groupe La France Insoumise déposait une proposition de loi constitutionnelle visant à faire de l’accès à l’eau un droit inaliénable. Puis, une mission d’information relative à la ressource en eau en juin 2018 ([1]) et une mission d’information relative à la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau en juin 2020 ([2]) ont été conduites par Loïc Prud’homme, député du groupe parlementaire de la France Insoumise. En juin 2020, le mouvement insoumis a adopté une résolution intitulée : « L’eau et son assainissement, notre défi commun ! », rédigée par Jean-Luc Mélenchon et a fait de l’eau l’emblème de son engagement pour la sauvegarde de la biosphère indispensable à toute forme de vie.

La pandémie mondiale de Covid-19 a confirmé l’urgence de garantir le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement. Cette commission d’enquête, initiée par le groupe insoumis à l’Assemblée nationale, entend contribuer à penser une gestion démocratique et collective de ce commun afin de préserver quantitativement et qualitativement la ressource en eau et d’en garantir l’égalité d’accès.

L’accaparement par des intérêts privés de l’eau est une réalité

Une action radicale, c’est-à-dire qui vise à agir sur la cause profonde de cette situation, s’impose. Concrètement, la marchandisation de l’eau aggrave les dangers qui pèsent sur l’eau avec le dérèglement climatique. L’Australie, premier État au monde à avoir organisé un marché de l’eau, illustre la folie et l’absurdité de la mainmise des intérêts privés sur l’eau. Pendant les incendies dévastateurs de 2019-2020, une entreprise singapourienne a vendu 89 millions de mètres cubes d’eau à un fonds de pension canadien pour 490 millions de dollars pour la culture d’amandes destinées à l’exportation. Depuis septembre 2020, il est désormais possible de spéculer en bourse sur l’eau en Californie. Le rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement de l’ONU rendra d’ailleurs en octobre 2021 son premier rapport devant l’Assemblée générale des Nations unies sur les risques liés à la marchandisation de l’eau.

Si en France, la financiarisation de l’eau n’est pas au niveau australien ou californien, la mainmise des intérêts privés sur la ressource en eau est une réalité. Les travaux de notre commission d’enquête ont ainsi pu mettre en lumière l’accaparement patente des minéraliers comme Nestlé à Vittel ou Danone à Volvic sur les nappes phréatiques au détriment des habitants et du bon état écologique des nappes. Ni Nestlé, ni Danone ne respectent la priorisation des usages prévue par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques. Le marché de la gestion privée de l’eau constitue par ailleurs un juteux marché de près de 25 milliards d’euros chaque année pour Veolia, Suez et la Saur. Une grande partie des personnes auditionnées a confirmé que la gestion déléguée aux multinationales menait à une opacité, à des clauses abusives ou encore à une surfacturation pour les usagers. Le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement entre 2014 et 2020, Léo Heller, a d’ailleurs publié un rapport en 2019 dont les conclusions affirment que la gestion privée porte atteinte aux droits fondamentaux, et que la gestion publique est le système le mieux à même de garantir l’exercice du droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement.

La mainmise accrue de Veolia, de Suez et de la Saur se retrouve « au nom du modèle français » au Conseil mondial de l’eau et au Forum mondial de l’eau, plateforme des multinationales de l’eau auprès des gouvernements du monde.

Je rajoute dans cet avant-propos un mot spécifique concernant les méthodes d’intimidation pratiquées par M. André Santini, président du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) depuis 38 années. Outre les pressions et menaces lorsque des maires démocratiquement élus décident de créer une régie publique et sortir du Sedif, Monsieur Santini, à la tête d’un syndicat en contrat avec Veolia depuis 97 ans, pratique aussi les intimidations envers notre commission d’enquête. À la suite de son audition sous serment, il a annoncé porter plainte contre X avec protection fonctionnelle du Sedif, et a déclaré le 24 juin 2021 que notre commission d’enquête était « loufoque » et ajouté en évoquant ma présidence : « très bien ma chérie, tu iras devant le tribunal, ça te fera drôle ! ».

L’aiguisement des appétits autour de l’eau se retrouve aussi dans la tentative d’ouvrir à la concurrence les barrages sur demande de la Commission européenne, qui conduirait à une perte de souveraineté intolérable et une exacerbation dangereuse des conflits d’usages de l’eau. Enfin, je suis très heureuse que nous ayons passé plus d’un tiers des auditions de notre commission d’enquête sur la situation des Outre-mer où nos concitoyens voient leur droit à l’eau bafoué quotidiennement.

Malgré tout, force est de constater que grâce à la ténacité des militants du droit à l’eau, la tendance s’inverse. Ainsi, la gestion au privé recule en France. En effet, on recensait 12 000 contrats avec le privé il y a vingt ans. Il n’y a aujourd’hui plus que 6 300 délégations de services publics de l’eau.

Le modèle français en nombre de contrats est donc aujourd’hui la régie (70 % des communes). Mais l’impunité des multinationales continue d’être rendue possible par un État défaillant. Les suppressions d’effectifs dans la police de l’eau et d’expertise publique, les plafonds mordants imposés aux agences de l’eau ou encore des choix technologiques désastreux conduisent à laisser les mains libres aux grandes entreprises de l’eau.

L’eau, un enjeu urgent

Le droit à l’eau est aujourd’hui bafoué dans notre pays. En France hexagonale, 1,4 million de personnes n’ont pas accès à des services d’alimentation domestique en eau potable gérés en toute sécurité. Plus de 16 000 Guyanais et plus de 7 000 Réunionnais recueillent leur eau de boisson directement à partir des sources d’eau de surface (rivière, lacs…). Plus de 300 000 personnes en France n’ont pas accès à l’eau courante. En Guadeloupe, la population vit au rythme des tours d’eau. Certains n’ont pas d’eau depuis 6 années. Les conséquences concrètes du non-accès à l’eau sont immenses. Ainsi, des enfants ratent jusqu’à un mois et demi de cours par an car il n’y a plus d’eau à l’école. Des familles reçoivent des factures exorbitantes de 5 000, 8 000 ou 6 000 euros et se retrouvent plongées dans des situations financières impossibles. Notre commission d’enquête transmettra ce rapport au procureur de la République pour l’ouverture d’une enquête plus large sur des éventuelles malversations dans l’attribution et la gestion des marchés d’eau et d’assainissement en Guadeloupe.

Un plan d’investissement par l’État est indispensable pour mettre fin rapidement à cette situation d’indignité de notre République sociale et de violation des droits humains. En effet, l’eau est aujourd’hui gaspillée en fuites et ce sont littéralement les usagers qui en paient le prix fort. 1 litre sur 5 en moyenne en hexagone et jusqu’à plus d’un 1 litre sur 2 en Outre-mer est ainsi perdu. Chaque année, le sous-investissement dans les réseaux laisse s’échapper l’équivalent de la consommation de 18,5 millions d’habitants. En Guadeloupe par exemple, l’efficacité des réseaux étant de 35 % seulement, les nappes phréatiques sont aujourd’hui surexploitées et risquent la salinisation.

L’état de l’assainissement est un scandale au moins aussi important. Là encore, particulièrement en Guadeloupe où, comme nous l’a expliqué l’Agence régionale de santé, si rien n’est fait, il n’y aura d’ici à 10 ans plus aucun point de baignade de qualité excellente ou très bonne dans l’archipel. Le désastre écologique et sanitaire est à nos portes si des actions ne sont pas prises urgemment. Il faut donc impérativement protéger la ressource plutôt que de continuer la fuite en avant technologique désastreuse telle qu’avec la désalinisation d’eau de mer et l’osmose inverse basse pression. Cette technologie coûteuse, énergivore et polluante développée par Veolia pèsera sur la facture des usages pour maintenir la rente de la multinationale alors qu’elle est, notamment en Ile-de-France, parfaitement inutile.

Le scandale Veolia/Suez : la pointe avancée de la marchandisation de l’eau

L’opération de rachat de Suez par Veolia a donné à voir la voracité du capitalisme français : en l’espace de quelques mois, un mastodonte est parvenu à absorber son principal concurrent, en pleine pandémie mondiale. L’opération a abouti, malgré l’opposition du groupe Suez et de ses syndicats, la perplexité de nombreux parlementaires, et le désaccord fantoche de l’État.

En effet, les différents épisodes consternants de cette affaire n’ont pas eu l’air d’émouvoir au sommet de l’État. Huissiers dépêchés par Veolia chez des universitaires ou journalistes hostiles à cette OPA, menaces auprès du conseil d’administration de Suez, bataille judiciaire, conflits d’intérêts au sein du cabinet Equanim chargé de la médiation entre les deux parties… Malgré les méthodes utilisées, l’affaire s’est déroulée sous le regard duplice de l’Élysée, qui a brouillé les pistes et organisé l’impuissance de l’État pour avaliser la vente des parts d’Engie dans Suez à Véolia.

La presse relate notamment un appel d’Alexis Kohler passé aux deux administrateurs CFDT d’Engie, pour les convaincre de sortir de la salle au moment du vote qui allait sceller le destin de Suez. Les différents protagonistes s’accordent à dissimuler le rôle clé qu’a joué Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence de la République et protégé du Chef de l’État, qui a étrangement refusé par deux fois de se présenter devant notre commission d’enquête, malgré la peine encourue.

Cette opération conduira à une casse sociale sans précédent, avec des milliers d’emplois supprimés. De plus, elle placera Veolia en situation de monopole mondial sur le marché de l’eau, position lui permettant de dicter sa loi comme bon lui semble aux collectivités territoriales. Cette affaire démontre tout le mépris des intérêts privés au bien commun et à l’intérêt général : il s’agit pour Véolia d’une « belle prise » pour construire un géant de l’eau et des déchets, voire même du big data, sans jamais rien dire de la protection de la ressource en eau face au dérèglement climatique, et de l’intérêt général.

L’eau comme Commun

Le droit à l’eau et à l’assainissement a été reconnu comme un droit humain fondamental par les Nations unies en 2010. Mais l’Union européenne et la France n’ont pas pris les mesures qui s’imposent. Affirmer un droit signifie des devoirs concrets pour l’État et les collectivités : garantir l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, sans condition de nationalité, de ressources, sans distinction territoriale. Cela signifie l’universalité concrète : gratuité des compteurs d’eau et des premiers mètres cubes nécessaires à la vie digne et suppression de l’abonnement. Affirmer le droit à l’eau et à l’assainissement est indissociable d’une réflexion sur le mode de gestion : celle-ci ne peut être dans les griffes des multinationales de l’eau qui se font la guerre au détriment des usagers. La gestion publique est indispensable et doit laisser une grande part à la participation des usagers. Je suis heureuse que les recommandations de notre commission d’enquête aillent en ce sens, seules à même de garantir le droit inaliénable à l’eau.

Il est grand temps que la France honore ses engagements internationaux en réaffirmant constitutionnellement son engagement en faveur du droit fondamental à l’accès à l’eau et à l’assainissement. Si le droit à l’eau et à l’assainissement étaient inscrits dans la Constitution française, alors l’État et les collectivités seraient sommés, si nécessaire par les tribunaux, d’agir concrètement pour faire respecter ce droit. Si l’eau était considérée dans la Constitution comme un Commun, alors nous sortirions de la sphère marchande cette ressource vitale. Car qui que nous soyons, trois jours sans eau et nous sommes morts. Près de 300 000 personnes se sont exprimées à 99,61 % en faveur de cette inscription de l’eau dans la Constitution lors d’une votation citoyenne co-organisée par des associations, des syndicats et mouvements politiques le 13 avril dernier. Pour faire face aux défis liés à l’eau à l’avenir, il nous faut abandonner le « chacun pour soi » et choisir la voie de l’entraide et de la solidarité.

J’achève en remerciant le rapporteur M. Olivier Serva, avec qui nous avons mené, même si nous n’étions pas toujours d’accord, un travail constructif et abouti à des propositions que je partage très largement.

Pour finir, je reprendrais les mots de Pedro Arrojo, rapporteur spécial sur les droits de l’Homme à l’eau potable et à l’assainissement : « Si l’on veut résoudre les problèmes des plus pauvres, il ne faut pas s’adresser au marché. Un sentiment de défaite commence à poindre dans les milieux mêmes qui ont incité à la logique de la privatisation. Un effort financier d’une grande envergure est nécessaire, à condition d’une gestion publique participative et non privée. Pour les questions comme la démocratie, la transparence et la participation citoyenne, la libéralisation et le marché ne servent pas. »

Mathilde Panot
Députée du Val-de-Marne
Présidente de la commission d’enquête

 


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Introduction

La commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences est issue d’une proposition de résolution de notre collègue Mme Mathilde Panot et des membres du groupe de la France Insoumise déposée le 18 janvier 2021 ([3]).

Lors de la Conférence des présidents du 19 janvier 2021, le président du groupe La France Insoumise, M. Jean-Luc Mélenchon, a fait usage, pour cette proposition de résolution, du « droit de tirage » prévu par le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, donnant le droit aux groupes minoritaires ou d’opposition d’obtenir, une fois par an, la création d’une commission d’enquête.

Sur le rapport de notre collègue M. Guillaume Vuilletet, la commission des Lois a constaté le 3 février 2021 que les conditions requises pour la création de la commission d’enquête étaient réunies ([4]). La Conférence des présidents a pris acte de la création de la commission d’enquête le 9 février 2021.

Composée de trente députés issus de tous les groupes de l’Assemblée nationale, la commission d’enquête a désigné Mathilde Panot (LFI, Val-de-Marne) comme présidente et Olivier Serva (LaREM, Guadeloupe) comme rapporteur le 3 mars 2021.

La commission d’enquête a eu comme objet de s’intéresser aux « différents aspects de la main basse sur l’eau en identifiant les cas emblématiques de financiarisation, de prédation, de corruption et de mauvaise gestion de l’eau par les opérateurs privés en France, notamment en outremer », au « rôle de l’État et des autorités organisatrices des services d’eau potable et d’assainissement des eaux usées dans les cas identifiés » et aux conséquences de ces « cas emblématiques » s’agissant de l’évolution « des conditions de collecte, de distribution, d’assainissement et de facturation de l’eau potable tant pour les finances publiques que pour les usagers ». Elle fait suite à plusieurs rapports de mission d’information qui ont notamment pu s’attacher à examiner l’état de la ressource en eau ([5]).

Par ses auditions et ses contrôles sur pièce et sur place, elle a pu se pencher sur trois aspects :

– la gestion de la distribution de l’eau et de l’assainissement, dès lors qu’elle est déléguée par les communes ou leurs groupements à des acteurs privés : sur les 12 096 services publics d’eau potable recensés en France, 30,6 % sont gérés en délégation par un prestataire privé et couvrent près de 57,3 % de la population française. Pour l’assainissement, 22,9 % des 14 355 services d’assainissement collectif existants sont gérés par des opérateurs privés, qui couvrent 61,4 % de la population ([6]) ; il s’est agi ici d’examiner le rôle du secteur privé dans la gestion du petit cycle de l’eau, c’est-à-dire dans la circulation de l’eau dans les réseaux de distribution publique, depuis un point de captage jusqu’à sa restitution au milieu naturel après la station d’épuration.

Le petit cycle de l'eau (cycle domestique) | Agence de l'Eau Artois-Picardie

– la mauvaise gestion, les questions d’investissement et d’entretien des réseaux, quel que soit le mode de gestion ;

– les prélèvements sur la ressource des personnes privées comme les industriels, notamment dans le secteur de l’eau en bouteille, et les conflits d’usage émergeant autour de la gestion de la ressource. Cet aspect a conduit la commission d’enquête à s’intéresser aux prélèvements des acteurs privés dans le grand cycle de l’eau, c’est-à-dire aux flux naturels existants entre les grands réservoirs d’eau liquide, solide ou de vapeur d’eau : les océans, l’atmosphère, les lacs, les cours d’eau, les nappes d’eaux souterraines et les glaciers.

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La commission d’enquête a effectué 81 auditions, et deux déplacements sur le terrain, en consacrant ainsi plus d’une centaine d’heures à entendre toutes les parties prenantes : associations, universitaires, élus et anciens élus, responsables des entreprises concernés, ministres en charge du dossier de l’eau, soit au total 245 personnes impliquées.

Dans le cadre de ses pouvoirs d’investigation sur pièce et sur place, le rapporteur a envoyé six demandes de communication de documents, relatifs notamment à la gestion des délégations de service public en Guadeloupe.

La commission a examiné de manière extensive plusieurs « cas emblématiques » dont la gestion de la ressource en eau du bassin de Volvic, la gestion du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif), la situation de l’eau à Mayotte et à La Réunion.

En outre, des délégations de la commission d’enquête se sont également rendues sur le terrain pour rencontrer les acteurs locaux :

– les 9 et 10 avril 2021, pour rencontrer les acteurs impliqués dans la gestion de la nappe des grès du Trias inférieur du secteur de Vittel (Vosges), dont la surexploitation et les conflits d’usage font l’objet de controverses et d’élaboration d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux ;

– du 7 au 16 juin 2021, pour entendre l’ensemble des témoins et des acteurs, présents et passés, de la crise de l’eau en Guadeloupe.

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À l’issue de cette étude poussée des cas exemplaires, la commission d’enquête a recueilli des témoignages d’élus ou d’anciens élus, rapportant de faits parfois graves de corruption ou de détournement de fonds publics, de pressions exercées sur des élus, mais sans que les auteurs soient en mesure d’apporter des éléments confirmant leurs déclarations.

À deux reprises ([7]), elle a cependant pu constater que des élus ont pu prendre part à des votes cruciaux alors qu’ils étaient personnellement intéressés à l’affaire, faits pouvant être qualifiés de prise illégale d’intérêts ([8]). Si ces comportements représentent un manque à l’éthique des élus, aucun élément ne permet d’affirmer que le vote de ces élus aurait fait l’objet de contrepartie, élément décisif pour pouvoir qualifier ces agissements de corruption.

Cependant, elle a été confrontée, notamment en Guadeloupe, à des cas de mauvaise gestion : face à entreprises privées, des élus ne se sont pas donné les moyens nécessaires pour s’assurer que leur cocontractant effectuait les prestations demandées avec la rigueur et la qualité nécessaire. Face à la dégradation d’un service public essentiel, les représentants de l’État n’ont pas pris des mesures pour garantir l’accès à l’eau et l’assainissement pour tous.

Le simple fait qu’un opérateur privé se voit confier la gestion de l’eau potable ou de l’assainissement, qu’une entreprise opère des prélèvements sur la ressource en eau pour l’embouteiller et la mettre sur le marché n’est pas en soi constitutif de prédation ou de financiarisation de la ressource en eau.

Cependant, la puissance publique – autorités communales et intercommunales, État – ne peut se désintéresser de ces activités et les laisser prospérer sans un contrôle fin et constant des activités privées.

Le rapporteur de la commission d’enquête a ainsi pu estimer que les intérêts privés peuvent entrer en collision avec les objectifs d’une gestion collective de la ressource et de la distribution de l’eau, si l’État ne garantit pas des règles du jeu claires, transparentes et équitables.

Après avoir précisé que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation » ([9]), la loi pose plusieurs grands principes qui déterminent les droits et devoirs relatifs à son utilisation, marquant toutefois l’ambivalence de la notion.

Aussi il conviendrait de repenser le rôle de la puissance publique sur la régulation des activités privées de l’eau en définissant par la loi l’eau comme un bien commun, un bien à gérer en commun pour une utilisation responsable de la ressource en eau.

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Pour répondre à la question posée par la résolution créant la commission d’enquête, le rapporteur s’est ainsi demandé si la ressource et le grand cycle de l’eau font l’objet d’accaparement par des intérêts privés : s’il y a des cas d’appropriation d’eau pour un profit particulier, cela s’effectue dans un cadre légal et donc le régime d’autorisation et de contrôle des prélèvements devrait faire l’objet d’une remise à plat.

Dans un deuxième temps, il a examiné la manière dont la gestion de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement par des acteurs privés pouvait être améliorée pour éviter que des entreprises en situation d’oligopole tirent des profits injustifiés de leurs missions de service public.

Enfin dans un troisième temps, le rapporteur s’est penché sur le cas spécifique de quatre départements et collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution, des territoires de la République où protection de la ressource et accès à l’eau ne sont pas garantis, du fait des moyens insuffisants des collectivités organisatrices et d’une vigilance insuffisante de l’État, trop longtemps tolérant face au rôle joué par les délégataires et aux dysfonctionnements de ces services publics nécessaires à la santé et à la salubrité publiques.

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Liste des propositions

Proposition n° 1 : Privilégier les solutions de gestion équilibrée de la ressource et de limitation des pertes sur les solutions d’augmentation des prélèvements par un recours à des technologies inadaptées.

Proposition n° 2 : Mettre en place de véritables modèles prédictifs, par exemple en s’appuyant sur le BRGM, pour mieux connaître l’état de la ressource, notamment sur le long terme.

Proposition n° 3 : rendre obligatoire et systématique la collecte des données relatives à l’eau et à l’assainissement dans la base SISPEA en instaurant des sanctions pécuniaires ou des retenues sur le versement des dotations de l’État pour les collectivités qui ne rempliraient pas correctement les bases de données et les outils de connaissance patrimoniale des réseaux.

Proposition n° 4 : Rendre obligatoire l’harmonisation et la mise en ligne des données relatives aux réseaux d’eau et d’assainissement.

Proposition n° 5 : Mettre en place une base nationale des prélèvements en eau, alimentée de manière mensuelle, et corrélée avec les autorisations et droits de prélèvement qu’ils mettent en œuvre.

Proposition n° 6 : À la demande des autorités planificatrices comme les commissions locales de l’eau, rendre publique les données sur l’état de la ressource et des réserves d’eau détenues par des personnes privées prélevant sur le territoire d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux.

Proposition n° 7 : Reconnaître l’eau, et notamment l’ensemble des ressources naturelles en eau, comme bien commun.

Proposition n° 8 : Créer un référé environnemental, applicable en matière de l’eau.

Proposition n° 9 : Rendre opposable l’ensemble des documents de planification de la ressource en eau aux documents d’urbanisme et aux décisions individuelles.

Proposition n° 10 : Mettre fin aux droits d’usage acquis et exercés sous la forme de droits d’eau fondés en titre et fondés sur titre.

Proposition n° 11 : Sur le modèle espagnol, prévoir par la loi une hiérarchie des usages de la ressource en eau.

Proposition n° 12 : Faire des redevances pour prélèvement sur la ressource la provenance principale de financement de la gestion du grand cycle de l’eau.

Proposition n° 13 : Définir une durée maximale, valant pour les arrêtés d’autorisation de prélèvement, de rejet ou d’utilisation de la ressource en eau afin de s’assurer que les autorisations respectent l’évolution des régimes hydrologiques sous-jacents.

Proposition n° 14 : Renforcer la politique pénale en matière d’atteinte à la ressource en eau, en accroissant les moyens de la justice environnementale, en spécialisant la formation des magistrats et en alourdissant les peines prononcées.

Proposition n° 15 : Rehausser le plafond de redevances et abaisser la contribution à l’OFB afin de conférer aux agences de l’eau des moyens à même de leur permettre d’exercer leurs missions.

Proposition n° 16 : Engager une trajectoire de formation et de remontée des effectifs des opérateurs de l’eau et des services déconcentrés en charge de la police de l’eau, avec pour cible minimale la récupération des emplois supprimés depuis dix ans.

Proposition n° 17 : Accroître le nombre de sièges dévolus aux associations environnementales et aux associations d’usagers au sein des CLE et comités de bassin.

Proposition n° 18 : Diviser l’actuel collège des usagers, acteurs économiques et associations des CLE pour créer, sur le modèle des collèges des comités de bassin, un collège rassemblant la société civile ayant un usage économique de la ressource et un collège composé des représentants des usagers domestiques, récréatifs et des associations environnementales.

Proposition n° 19 : Compléter le système piézométrique du bassin de Volvic pour établir le délai de transfert des prélèvements en profondeur sur les résurgences et densifier le réseau national de surveillance piézométrique en le faisant passer de 1 775 à 2 000 points à l’horizon 2024.

Proposition n° 20 : Produire au plus tôt une étude hydrologique indépendante et exhaustive du bassin de Volvic, destinée à servir de base de travail les débats et l’élaboration de solutions éclairées.

Proposition n° 21 : Restituer au milieu naturel et en particulier aux nappes souterraines les eaux prélevées de manière excédentaire et les eaux industrielles traitées.

Proposition n° 22 : Prévoir la réduction des autorisations de prélèvements des eaux destinées à l’embouteillage avant et durant les périodes d’étiage, sauf lorsqu’il peut être démontré que ces prélèvements n’ont pas d’impact rapide sur les nappes et les milieux supérieurs.

Proposition n° 23 : Réaliser, de manière indépendante, une modélisation du fonctionnement global de l’hydrosystème du bassin de Vittel, et en particulier des relations entre les différents aquifères et les milieux de surface, afin de déterminer les volumes prélevables au sein de chaque nappe.

Proposition n° 24 : Définir un pourcentage seuil de la production totale destinée à l’export au-delà duquel les eaux exportées seraient soumises à la contribution sur les eaux minérales naturelles.

Proposition n° 25 : Abaisser le seuil déclenchant le versement du surplus de contribution sur les eaux minérales et l’affecter au budget de l’agence de l’eau territorialement compétente afin de financer des projets locaux de meilleure gestion de la ressource

Proposition n° 26 : Assurer la pérennité des concessions hydroélectriques existantes sans recours à une mise en concurrence, dans le respect du droit de l’Union européenne.

Proposition n° 27 : Concentrer les efforts de développement de la petite hydroélectricité sur l’amélioration de la capacité productive des sites existants sans accentuation de leur impact sur l’environnement.

Proposition n° 28 : Afin de financer la préservation de la biodiversité par le contribuable plutôt que par l’usager des services d’eau, baisser les transferts opérés par les agences de l’eau au profit de l’OFB en compensant par un financement à due concurrence provenant du budget général de l’État.

Proposition n° 29 : Rééquilibrer le système des redevances pour pollution entre les différents types de pollutions (domestiques, industrielles, agricoles) en accroissant le taux de la redevance pour pollution diffuse et en en élargissant l’assiette à d’autres produits polluants.

Proposition n° 30 : Accroître les taux des redevances pour prélèvements sur la ressource en eau pour les usages lucratifs.

Proposition n° 31 : Élaborer un guide public de la gestion de l’eau présentant les différents modes de gestion et permettant d’établir des comparaisons entre eux.

Proposition n° 32 : Instaurer une procédure de contrôle de la validité des études préalables et du choix du délégataire par une mission spécifique composée des autorités qualifiées en matière de finances publiques et de contrôle de gestion.

Proposition n° 33 : Défendre au niveau européen une position d’inclusion des services d’eau dans la directive relative aux concessions de services publics afin de soumettre les procédures de délégation aux mêmes contraintes que celles existantes en matière de marchés publics.

Proposition n° 34 : Renforcer le rôle des commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) en imposant une consultation de l’instance au moment de la renégociation des contrats et des projets d’avenants, et en lui permettant de commander des audits.

Proposition n° 35 : Élargir la composition des CCSPL et prévoir qu’au moins la moitié de leurs membres sont des représentants des usagers.

Proposition n° 36 : Harmoniser et systématiser la communication des éléments de compte détaillés aux collectivités délégantes par les entreprises délégataires, y compris pour les charges de personnel et prévoir des sanctions en cas de non-respect.

Proposition n° 37 : Prévoir dans la loi les caractéristiques et informations minimales devant figurer dans les contrats de délégation de services publics, notamment en matière de compétences, d’outils informatiques et de connaissance des réseaux, pour une bonne information des collectivités tout au long de la durée du contrat.

Proposition n° 38 : Rendre obligatoire la réalisation d’un audit global du service d’eau deux ans avant la date prévue de fin d’échéance du contrat de délégation de service public.

Proposition n° 39 : Rendre obligatoire la constitution de provisions pour l’amortissement du renouvellement du réseau dans le cadre de la comptabilité M4 applicable aux collectivités.

Proposition n° 40 : Instaurer des pénalités envers le délégataire qui inscrit dans ses comptes des provisions pour renouvellement de réseau sans procéder aux investissements correspondants, par prélèvement des agences de l’eau sur ces provisions.

Proposition n° 41 : Instaurer dans chaque contrat de délégation de service public une clause obligatoire fixant à l’avance les montants des indemnités pouvant être exigées en cas de rupture prématurée du contrat en cours d’exécution.

Proposition n° 42 : Afin d’améliorer la réversibilité des contrats, prévoir que les logiciels et équipements nécessaires à la gestion du service soient considérés comme des biens de retour même lorsqu’ils appartiennent au délégataire, au moins pendant une période de transition.

Proposition n° 43 : Élargir les obligations de transmission d’information prévues par l’article R. 1411-7 du CGCT pour y inclure toutes les informations relatives aux compétences humaines et aux moyens techniques permettant d’assurer la continuité du service public de l’eau.

Proposition n° 44 : Élargir les moyens techniques, humains et réglementaires mis à disposition des CCSPL ou, à défaut, inciter à la mise en place par les collectivités de structures ad hoc dans le domaine de l’eau composées essentiellement des usagers.

Proposition n° 45 : Assouplir le principe d’intangibilité financière des contrats de délégation pour permettre au délégant de récupérer une partie des profits des délégataires si ceux-ci en viennent à dépasser une marge « normale » déterminée en début de contrat.

Proposition n° 46 : Limiter toute modification des conditions contractuelles dans les deux ans précédant la fin du contrat, hors cas de nécessité absolue, et prévoir les termes d’un protocole de fin de contrat.

Proposition n° 47 : Instaurer une procédure de carence de l’exercice des compétences obligatoires en matière d’eau et d’assainissement permettant au préfet de se substituer à une autorité organisatrice défaillante, après consultation de celle-ci et des collectivités membres et autorisation par un décret en conseil des ministres.

Proposition n° 48 : Mettre en place une mission d’assistance technique nationale pour aider les collectivités à gérer leurs besoins en équipements et leurs moyens de gestion tant financiers que techniques.

Proposition n° 49 : Créer une autorité de régulation de l’eau et de l’assainissement qui aura la charge de définir des normes communes applicables à l’ensemble des cahiers des charges, de fixer des exigences minimales en termes de qualité du service, de fournir une assistance technique et juridique aux collectivités et de sanctionner les abus.

Proposition n° 50 : Donner aux agences de l’eau ou à une éventuelle autorité de régulation la compétence pour instaurer un plafond de prix de vente pour la vente de l’eau en gros afin d’éviter que l’un des gestionnaires ayant un accès privilégié à la ressource sur un territoire puisse en tirer un profit excessif.

Proposition n° 51 : Renforcer les contrôles de l’Autorité de la concurrence sur le secteur de la gestion de l’eau.

Proposition n° 52 : Accroître le contrôle de la collectivité publique sur les SEMOP, même après mise en concurrence préalable, tout au long de l’activité.

Proposition n° 53 : Renforcer les moyens des agences de l’eau et leur confier pour mission explicite de réduire les disparités intra-régionales en matière de prix de l’eau, en concertation avec l’ensemble des collectivités.

Proposition n° 54 : Engager un effet de levier en multipliant par cinq les volumes financiers dédiés au renouvellement des réseaux dans le plan de relance, afin d’atteindre 10 milliards d’euros d’investissements publics et privés par an dans les réseaux et équipements d’eau et d’assainissement.

Proposition n° 55 : Inclure le coût des travaux de modernisation dans la facture d’eau selon des modalités de calcul harmonisées, pour une meilleure information des citoyens et pour une plus grande transparence dans l’exercice des mécanismes de péréquation au niveau national et régional.

Proposition n° 56 : Inclure dans les contrats de DSP des éléments de transparence sur l’état des réseaux et fixer un objectif minimal d’efficacité des réseaux.

Proposition n° 57 : Revenir à un taux réduit de TVA à 5,5 % sur la partie assainissement du coût de l’eau pour faciliter la réalisation des investissements dans les réseaux d’eau sans trop augmenter la facture des ménages.

Proposition n° 58 : Obliger les concessionnaires à rendre public leur plan d’amortissement des investissements dans le réseau et instaurer des sanctions fiscales dès lors que le délégataire inscrit des provisions pour renouvellement du réseau sans procéder aux investissements correspondants.

Proposition n° 59 : Permettre aux communes et à leurs groupements compétents d’abonder les budgets des services publics d’eau et d’assainissement lorsque l’objet de cet abondement est de permettre une amélioration du rendement du réseau.

Proposition n° 60 : Donner aux communes et à leurs groupements la capacité de prévoir un avenant pour obliger le délégataire à implémenter les dernières évolutions technologiques permettant de diagnostiquer l’état des réseaux.

Proposition n° 61 : Généraliser le mouvement d’individualisation des factures d’eau des habitats collectifs via l’installation de compteurs individuels, en s’appuyant notamment sur les aides des agences de l’eau dans le cadre des programmes de modernisation des réseaux.

Proposition n° 62 : Favoriser l’émergence de systèmes de tarification progressive supprimant tout abonnement et frais fixes et assurant une première tranche gratuite correspondant aux mètres cubes d’eau vitaux.

Proposition n° 63 : Créer un mécanisme de péréquation au profit des services d’eau et d’assainissement structurellement fragiles mettant en œuvre une politique sociale de l’eau, financé par une taxe sur l’eau embouteillée.

Proposition n° 64 : Engager une réflexion sur une clarification législative des différenciations possibles de tarification de l’eau selon les usages, afin de libérer l’initiative locale en la matière.

Proposition n° 65 : Augmenter les effectifs des agences de l’eau pour aider à l’accompagnement des collectivités dans le déploiement du plan de relance, la maîtrise d’ouvrage et le montage des dossiers d’investissement.

Proposition n° 66 : Aux côtés des cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe, prévoir que l’urgence sanitaire, notamment liée à la défaillance de la distribution de l’eau, justifie la planification et le déclenchement du plan Orsec et les réquisitions des moyens nécessaires.

Proposition n° 67 : Maintenir, à titre transitoire, les équipes techniques de chaque régie existante au sein du syndicat mixte ouvert mis en place le 1er septembre 2021 en Guadeloupe, tout en mutualisant les fonctions stratégiques et de support.

Proposition n° 68 : Annuler les factures d’eau anciennes non réglées à la date de création du syndicat mixte unique de l’eau en Guadeloupe lorsqu’elle qu’elles ne correspondent pas à une consommation normale ou à la capacité financière des usagers.

Proposition n° 69 : Engager un plan de renouvellement général des compteurs d’eau en Guadeloupe.

Proposition n° 70 : Faire apurer par l’État les comptes de liquidation des syndicats et régies afin que le nouveau syndicat mixte ouvert et les communautés d’agglomération n’aient pas à supporter les conséquences des gestions passées.

Proposition n° 71 : Créer une filière de formation aux métiers de l’eau et utiliser les moyens de soutien à la création d’entreprises pour développer les métiers de l’eau en Guadeloupe.

Proposition n° 72 : Rendre systématique la recherche de la présence d’amibes thermophiles dans les eaux douces chaudes utilisées pour la baignade.

Proposition n° 73 : Faire de l’assainissement un objectif prioritaire au même titre que le rétablissement de la distribution d’eau potable en Guadeloupe.

Proposition n° 74 : Mettre en place un plan de protection de l’intégralité des aires d’alimentation des captages d’eau potable en Guadeloupe.

Proposition n° 75 : Améliorer la sécurité des installations d’eau potable en Guadeloupe contre les intrusions et les potentiels actes de malveillance.

Proposition n° 76 : Prendre en charge par l’État les frais de traitement de l’eau potable rendu nécessaire par la présence de chlordécone.

 


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PremiÈre partie :
LA RESSOURCE ET LE GRAND CYCLE DE L’EAU FONT-ILS L’OBJET D’ACCAPAREMENT PAR DES INTÉRÊTS PRIVÉS ?

Les accusations diverses d’accaparement de la ressource en eau

Conformément à l’objet de la résolution qui l’a mise en place, la commission d’enquête a entrepris de rechercher « les cas emblématiques de financiarisation, de prédation, de corruption et de mauvaise gestion de l’eau par les opérateurs privés en France », ce qui nécessite de s’intéresser à la gestion de la ressource en eau et des dynamiques de celle-ci, ainsi que des données sur ses usages. À cette occasion, la commission a pu juger que la connaissance sur ces informations cruciales pour prendre des décisions pouvait être améliorée.

L’état de la ressource sur le territoire national

Les ressources présentes et les enjeux du changement climatique

L’eau douce ne représente que 2,5 % de l’eau présente sur Terre. Les eaux souterraines représentent 30 % de la réserve mondiale d’eau douce, tandis que les glaciers en représentent 68 % et les eaux de surface 0,4 % ([10]).

Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la France dispose de 6 500 aquifères, dont 200 sont particulièrement importants. Ceux-ci sont abrités par des roches variées, qui peuvent être des roches très perméables (graviers, sables), des roches sédimentaires (calcaires, craie) ou des roches plus imperméables (granit). La dynamique des nappes phréatiques varie considérablement selon le type de roche qui les accueille ([11]).

Dans les départements et régions d’outre-mer, les variations saisonnières sont plus fortes et ils font face à une situation de pression sur la ressource en eau selon le BRGM.

L’eau douce reste une ressource rare : plus de 2 milliards de personnes vivent déjà dans des régions soumises à un stress hydrique et quelque 3,4 milliards de personnes, soit 45 % de la population mondiale, n’ont pas accès à des installations d’assainissement suffisamment fiables selon les Nations unies ([12]). Des études indépendantes établissent par ailleurs que, « d’ici à 2030, il manquera à l’humanité 40 % de l’eau dont elle aura alors besoin » ([13]).

Le réchauffement climatique menace aujourd’hui les réserves mondiales d’eau. Le groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans ses travaux les plus récents, estime que la température à la surface du globe pourrait croître de 1,1 à 6,4 °C supplémentaires au cours du XXIe siècle. Il s’agit d’une augmentation inédite dans l’histoire humaine. Les simulations réalisées dans le cadre d’Explore 2070 entre 2010 et 2012 indiquent une augmentation moyenne de la température de l’eau pouvant osciller localement entre 1,1 et 2,2 °C. À cette hausse résultant des changements climatiques s’ajoute celle imputable à certaines activités industrielles.

Les résultats du projet Explore 2070 montrent une diminution de la profondeur de la surface des nappes, accompagnée d’une réduction de leur recharge comprise entre 10 et 25 %. Il est toutefois important de noter que ces projections sont réalisées sans tenir compte de la hausse des besoins d’irrigation qui pourrait suivre celles des températures ([14]).

Comme l’ont remarqué M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), en parlant d’une « raréfaction de la ressource en eau » ([15]) ou M. Stéphane Rozé, référent national Eau au sein de la Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France (FNAB), en remarquant qu’au « sein du bassin hydrographique Loire Bretagne et en Bretagne, […] les périodes d’étiage sont de plus en plus importantes », ([16]) les phénomènes de réduction de la ressource en eau sont déjà visibles.

Une ressource de plus en plus menacée par les activités humaines

Par ailleurs, certains auditionnés ont souligné les risques de raréfaction non pas quantitative mais qualitative de l’eau. Ainsi, M. Riccardo Petrella, professeur émérite de l’université catholique de Louvain, relève qu’un tiers des nappes phréatiques de la planète n’est plus utilisable car trop pollué ([17]).Tel serait notamment le cas aux États-Unis, en Chine, en Russie ou en Inde. De plus, l’accès à l’eau potable reste limité. Aujourd’hui, 2,2 milliards de personnes n’y ont pas accès et 4,2 milliards de personnes n’ont pas accès à des installations hygiéniques ([18]).

Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, rappelle que ce constat n’épargne le territoire national : « Plus de 51 % des eaux de surface continentales de notre pays ont vu la morphologie de leur milieu se modifier ; plus de 43 % [des eaux de surface] sont affectées par des pollutions diffuses ; plus d’un quart sont victimes de pollutions ponctuelles. Ce constat glaçant vaut aussi pour les eaux souterraines : un tiers d’entre elles sont affectées par des pollutions diffuses, aux nitrates et aux pesticides, notamment. » ([19]).

Sur le territoire de la République, la Guadeloupe apparaît comme une zone où ces tensions sur la ressource risquent de se révéler plus rapidement qu’ailleurs ([20]). « La pluviométrie varie fortement d’un point à l’autre de l’archipel, est confrontée à une problématique de qualité de l’eau, à cause d’intrusions salines, en particulier sur Grande-Terre » ([21]).

Les différents usages sur le territoire national

Au niveau national, les usages de l’eau sont divers et inégaux. Selon les données publiées par le ministère de la Transition écologique, 32 milliards de mètres cubes d’eau sont utilisés par l’activité humaine en France chaque année ([22]), dont 3 milliards par l’agriculture ([23]).

La consommation d’eau potable représente la moitié de la consommation d’eau globale en France, avec une consommation moyenne de 146 litres d’eau par jour. Seule « une très faible proportion de cette eau est destinée à la boisson ou à la nourriture » ([24]) .

Les spécificités territoriales restent toutefois « extrêmement fortes », que ce soit au niveau des usages de l’eau ou de la part des eaux souterraines ([25]). Des variations existent aussi entre les territoires en matière de consommation quotidienne, avec, par exemple, 120 litres d’eau par jour dans le Nord, contre 360 litres par jour dans le Var ([26]). Entre 2000 et 2013, le volume prélevé pour l’alimentation en eau potable a diminué de manière notable (– 15 % entre 2003 et 2013) ([27]).

Au niveau international, l’agriculture est de loin le plus grand consommateur d’eau dans toutes les régions du monde, puisque les deux tiers (69 %) des prélèvements mondiaux lui sont imputables, la consommation des municipalités (10 %) et de l’industrie (21 %) représentant des volumes moindres ([28]).

Les prélèvements sur la ressource

Pour satisfaire les besoins humains et répondre à différents usages, l’eau doit être prélevée. Dans une année, les prélèvements d’eau s’élèvent à 32 milliards de mètres cubes selon le BRGM pour :

– le refroidissement des centrales nucléaires, qui consomme 50 % des volumes ;

– les usages domestiques, qui en consomment 17 % ;

– l’alimentation des canaux ;

– les usages agricoles, majoritairement concernant l’irrigation ;

– les usages industriels ([29]).

En France, « les deux tiers de l’eau potable proviennent des nappes phréatiques, tandis que les eaux souterraines représentent 40 % des eaux industrielles et agricoles » ([30]).

Les prélèvements sont réalisés sur la ressource par diverses entités publiques et privées.

Les usages industriels qui ont été étudiés dans le cadre de la commission d’enquête, ont été essentiellement les entreprises agroalimentaires qui prélèvent de l’eau dans les aquifères afin de l’embouteiller et de la vendre – comme eau minérale ou eau de source – sur le territoire national ou à l’export.

Par ailleurs, certaines entreprises privées, comme Veolia ou Suez, participent à des prélèvements de la ressource en eau afin de la distribuer, essentiellement sous forme d’eau potable, mais également pour alimenter des réseaux d’eau agricole ou industrielle.

Toutefois, l’alimentation des canaux et le refroidissement des centrales nucléaires constituent la majorité des prélèvements d’eau en France, mais ils ne constituent pas un facteur de stress hydrique dans la mesure où l’eau est très rapidement restituée dans le milieu naturel. Par contre, leur impact n’est pas neutre sur la température et la qualité de l’eau.

Les mises en danger de la ressource (agriculture, industrie, pollution)

Si en situation d’abondance, les usages et prélèvements de la ressource en eau ne posent pas de problème, sauf problèmes liés à la pollution, l’insuffisance de la ressource pour répondre à certains besoins ou sa raréfaction entraînent des situations de mise en danger de la ressource. Bien que tous les usages répondent à des besoins ou des activités légitimes, la raréfaction ou l’insuffisance de la ressource en eau forcent les usagers à s’adapter à un déséquilibre, conjoncturel ou structurel, et empêchent de répondre à tous ces besoins ou activités. Cette situation concurrentielle est accrue par les risques que fait peser le réchauffement climatique.

La ressource en eau est aujourd’hui mise en danger par certaines activités humaines, notamment l’agriculture et l’industrie.

Premièrement, la qualité de l’eau peut être altérée. Le professeur Riccardo Petrella note ainsi que l’eau est contaminée par des produits chimiques « utilisés dans le cadre des activités économiques ». Ces produits peuvent avoir des conséquences néfastes pour « la santé humaine et l’environnement » ([31]).

Deuxièmement, la disponibilité de la ressource en eau peut être mise en danger par certaines activités humaines. Ainsi, certains auditionnés ont mis en cause la responsabilité de certaines entreprises, comme Danone ou Nestlé, dans la baisse des niveaux d’eau des aquifères de Volvic et Vittel respectivement (cf. supra).

Les syndicats agricoles auditionnés ne partagent pas le point de vue des associations environnementales et estiment que l’on ne valorise pas assez les efforts considérables, à leurs yeux, de leur profession, mentionnant le poids relatif qu’elle occupe dans les prélèvements d’eau ([32]).

La vigilance autour des solutions qui déplacent le problème plutôt que le régler

Face à la raréfaction de la ressource en eau douce, que ce soit des eaux de surface ou des eaux souterraines, la tentation est souvent de ne pas interroger les usages, mais de trouver de nouvelles ressources.

Il est possible de recourir à des aquifères plus profonds ou des nappes d’eau fossiles, telles les nappes d’eaux fossiles sahariennes, qui ne se renouvelle pas ([33]).

Cependant en France, la tentation principale reste celle d’augmenter la ressource pour ne pas avoir à interroger les usages, en ayant notamment recours aux techniques de dessalement ou de purification de l’eau.

Le dessalement, une solution pour augmenter la ressource sans interroger les usages

Ainsi l’eau de mer, qui représente environ 97 % des réserves d’eau présentes à la surface de la Terre, représente une opportunité. Différentes techniques de dessalement, de plus en plus élaborées, permettent ainsi de transformer l’eau de mer, abondante, en eau potable.

Cette option est défendue par plusieurs auditionnés pour des territoires en stress hydrique, tel qu’à Mayotte ([34]).

Ainsi M. Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau DOM, « préconise le dessalement de l’eau de mer, qui revient à environ un dollar le mètre cube en recourant à des dispositifs classiques, mais à moitié moins en privilégiant des technologies plus performantes » ([35]).

Afin de faire face aux problèmes chroniques liés au manque d’eau en outre-mer, et notamment à Mayotte, l’État finance avec l’Office français de la biodiversité (OFB) « une étude de faisabilité en vue d’identifier des sites où implanter d’autres usines de dessalement » ([36]). Ces usines de dessalement devraient fournir « 6 000 à 10 000 mètres cubes d’eau journaliers supplémentaires en 2024 à Mayotte », selon M. Olivier Kremer, directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Mayotte ([37]).

Pourtant, certains auditionnés s’opposent au recours généralisé au dessalement de l’eau de mer.

Premièrement, la question du coût environnemental de cette technique est soulevée par M. Riccardo Petrella ([38]). S’il note que « le prix du mètre cube d’eau dessalée est aujourd’hui inférieur à un dollar, ce qui peut sembler compétitif », il souligne les conséquences environnementales négatives de cette pratique.

Deuxièmement, le cas de Mayotte soulève également la question de la gestion et le rendement des usines de dessalement. Une première unité de dessalement a ainsi été installée à Mayotte en 2018, destinée à produire 5 300 mètres cubes d’eau. Cependant, « une partie de l’usine est défaillante, sur les quatre lignes existantes seules deux fonctionnent car des membranes s’encrassent régulièrement » ([39]).

Ainsi M. Soibahaddine Chanfi, vice-président de l’association Les Assoiffés de Mayotte, accuse le délégataire de ne pas être en mesure de la faire fonctionner et que « certains marchés publics, comme celui d’exploitation de l’usine de dessalement de Petite-Terre, victime de bien des péripéties, ont été attribués à Vinci sans mise en concurrence » ([40]). Toutefois, dans le cas de Mayotte, M. Madi Souf, président de l’association des maires de Mayotte et maire de Pamandzi, souligne la nécessité d’une usine de dessalement supplémentaire pour répondre aux besoins de la population ([41]).

Par ailleurs, le fonctionnement d’une unité de dessalement conduit à séparer du perméat (eau déminéralisée) d’un côté et du concentrât (eau saumurée) de l’autre. Or ce concentrât doit souvent être rejeté dans le milieu naturel, ce qui est potentiellement risque de dénaturation du milieu.

C’est ainsi un risque que reconnaît M. Alby Schmitt, qui estime néanmoins que certaines technologies « permettent de rejeter une eau saumâtre moins concentrée, évitant ainsi la désertification des lagons observée dans d’autres pays » et que « l’expérience prouve qu’aucune difficulté d’ordre écologique ne s’oppose à l’implantation d’unités de dessalement à Mayotte » ([42]).

Cependant, le rapporteur interroge également le caractère inflationniste de l’expansion de la ressource par le recours au dessalement : le sentiment que l’on peut maîtriser la ressource conduit à négliger la sauvegarde des nappes existantes, ainsi que la réduction des pertes et les économies d’eau, au profit d’une production d’eau qui semble sans limite mais n’est pas sans conséquence.

Le traitement de l’eau par osmose inverse, un traitement qui manque d’utilité pour l’usager

Un mirage technologique comparable est le recours à une eau douce traitée par osmose inverse.

L’osmose inverse basse pression (OIBP) est un processus qui consiste à faire transiter de l’eau sous pression à travers une membrane afin de capter toutes les particules. Au cours des dernières années, une amélioration de la qualité des membranes a permis de déployer cette technique dans le cadre de basses pressions. L’eau obtenue est alors débarrassée des micro-particules, des micro-polluants, des perturbateurs endocriniens, des pesticides, des résidus médicamenteux, du chlore et du calcaire ([43]).

Ces raisons expliquent la volonté du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) d’investir dans cette technologie. Mme Véronique Heim, directrice des études et de la prospective du Sedif, explique ainsi vouloir équiper « les usines de Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne qui alimentent plus de 3 millions d’habitants en eau, pour un investissement total de 800 millions d’euros », prévoyant la réalisation du projet « jusqu’en 2030 » ([44]). Par ailleurs, M. André Santini, maire d’Issy-les-Moulineaux et président du Sedif, explique ne pas comprendre les critiques portées à l’OIBP, étant donné son rôle dans la lutte contre le chlore et les perturbateurs endocriniens ([45]).

D’ailleurs, « d’après une étude menée pour le Sedif, cette technologie, en supprimant une grande partie du calcaire de l’eau, ferait gagner 100 euros par an à chaque foyer, étant donné que les appareils électroménagers ne s’entartreraient plus, alors que cet investissement devrait coûter 20 euros par an à chaque foyer » ([46]).

Pourtant, l’OIBP fait l’objet de critiques. Premièrement, son coût financier est souligné par plusieurs auditionnés, comme M. Christian Villaume, président de l’Association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions, ou M. François Leblanc, consultant et ancien directeur général adjoint de la régie Eau de Paris. Ce dernier note que la mise en œuvre de cette technique dans le cadre du Sedif devrait coûter « entre 1 et 1,5 milliard d’euros et représentera environ 30 % du prix de l’eau » ([47]). Selon lui, cette technique mène à une « sur-technique » et une « sur-qualité » alors que d’autres processus moins coûteux, comme l’utilisation des charbons actifs, pourraient être envisagés.

Deuxièmement, ce processus présenterait des risques environnementaux et sanitaires, en raison « des rejets de concentrats dans les eaux usées », comme l’explique M. Philippe Rio, maire de Grigny, vice-président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart ([48]). Toutefois, Mme Corinne Feliers, cheffe du bureau de la qualité des eaux, souligne le fait qu’un « impact sera constaté seulement si ces rejets sont déversés dans le milieu naturel et susceptibles d’impacter une autre ressource en eau », hors réseaux d’assainissement préexistants ([49]).

Troisièmement, le rôle des prestataires et fournisseurs de cette technologie est questionné dans le cadre de la mise en œuvre de l’OIBP. François Blanc considère ainsi qu’ « en faisant la promotion de l’OIBP, un délégataire privé privilégiera une technologie complexe et nécessitant des investissements importants afin de créer en France un équipement de référence utile à son développement international » ([50]). Cependant, Mme Véronique Heim explique que « Veolia n’est pas le seul candidat à potentiellement répondre à ce type de marché ». En effet, « sous réserve d’obtenir les autorisations pour l’unité d’Arvigny, les travaux seront confiés au titulaire la société Stereau, qui appartient au groupe SAUR, adossée à une société suédoise » ([51]).

Proposition n° 1 : Privilégier les solutions de gestion équilibrée de la ressource et de limitation des pertes sur les solutions d’augmentation des prélèvements par un recours à des technologies inadaptées.

La nÉcessitÉ de mieux connaître les dynamiques de la ressource et les usages effectifs

Les modélisations à parfaire

Les débats qui ont eu lieu devant la commission d’enquête sur la ressource en eau ont souvent commencé par des controverses sur son état et sa dynamique sur un territoire donné. Ainsi, la gestion de la ressource en eau ne peut se faire qu’en comprenant précisément comment la ressource s’accumule, grâce aux précipitations, comment elle se retrouve dans les eaux de surface ou les nappes d’eau souterraines, et comment elle évolue sous l’action du milieu naturel et des activités humaines.

Au cours des auditions, le BRGM a noté la nécessité « de renforcer notre connaissance des départements et régions d’outre-mer » afin de mettre en œuvre « une gestion raisonnée, laquelle doit reposer sur un équilibre entre les ressources et les prélèvements ». Par ailleurs, en ce qui concerne la qualité des nappes, il est nécessaire d’anticiper l’émergence éventuelle de polluants. Enfin, il est important d’avoir une vision fiable des volumes prélevés ([52]).

Le BRGM explique par ailleurs qu’il pourrait améliorer la situation actuelle et renforcer la résilience des territoires « s’il disposait de modèles prédictifs robustes ». Le BRGM préconise que ces nouvelles études se fassent « à l’échelle des territoires, en intégrant les dimensions sociétales, économiques et politiques, afin de parvenir à une gestion collective appropriée » ([53]). Les bassins peuvent par exemple être des territoires de référence pertinents, même s’ils ne coïncident pas avec le découpage administratif du pays. Dès lors, un travail collectif, mené sur des échelles de temps adaptées à la dynamique des bassins, est indispensable, d’après le BRGM.

Proposition n° 2 : Mettre en place de véritables modèles prédictifs, par exemple en s’appuyant sur le BRGM, pour mieux connaître l’état de la ressource, notamment sur le long terme.

Les bases de données existantes et les enjeux de l’accès aux données

Les bases de données existantes sont nombreuses. Elles permettent d’accéder à un certain nombre de d’informations sur la ressource en eau et sa gestion en France.

La première est le système d’information sur l’eau (SIE), qui collecte et diffuse en accès libre des données, dont l’Office français de la biodiversité (OFB) garantit la qualité et l’homogénéité, sur l’eau, ses usages, les milieux aquatiques et les services publics d’eau et d’assainissement. Des référentiels techniques établissant des méthodes et des protocoles de collecte de données, ainsi que des standards de données et d’échanges ont été mis au point. Les producteurs de données sur l’eau doivent s’y conformer. Les données du SIE, qui alimentent des banques de données d’acteurs publics et privés, sont notamment utilisées pour la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau (DCE) ([54]) en France ([55]). Sauf exception fondée en droit, ces données sont à la disposition du grand public via un portail opéré par l’OFB : eaufrance.fr.

Dans un second temps, la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a confié à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), le soin de mettre en place un Système d’information sur les services publics d’eau et d’assainissement (SISPEA) ([56]). L’OFB reprend aujourd’hui la mission SISPEA. Depuis 2009, SISPEA recense et diffuse, au niveau national, de nombreuses données sur l’organisation, la gestion, la tarification et la performance des services publics d’eau et d’assainissement. Ces données sont à disposition des usagers et de tous les acteurs de l’eau qui souhaitent en prendre connaissance ou les exploiter à des fins d’études ou d’investigations plus poussées, via le site Internet ([57]).

L’Observatoire national des services publics d’eau et d’assainissement, recensant ces données à travers SISPEA, constitue un outil de pilotage des services publics d’eau et d’assainissement et répond au souci de transparence partagé par les usagers, les services de l’État, les collectivités, les élus et le monde économique.

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, rend obligatoire la transmission au dispositif SISPEA des données relatives à l’eau et à l’assainissement pour les collectivités de 3 500 habitants et plus.

En ce qui concerne la ressource en eau, sa surveillance est organisée grâce à un réseau de 1 775 piézomètres du BRGM, qui permet de suivre les niveaux d’eau en temps réel. D’autres acteurs participent également au suivi. Toutes les données sont compilées dans le portail Accès aux données sur les eaux souterraines (ADES). Chaque mois, le BRGM réalise un état des lieux des nappes phréatiques. Les nappes dont le niveau est haut ou très haut sont figurées en bleu sur une carte, tandis que les nappes dont le niveau est bas apparaissent en jaune ou en rouge. La situation au 1er mars 2021 révèle que les nappes phréatiques sont en cours de rechargement ([58]).

La connaissance des aquifères et les outils de modélisation permettent d’anticiper l’évolution des nappes. Le BRGM a notamment développé l’outil MétéEAU Nappes, grâce auquel il est possible de faire des prévisions quant à la manière dont les nappes phréatiques évolueront au cours de l’année, en intégrant les éléments climatiques fournis par Météo-France et les données relatives au niveau des eaux de surface. Comme le rapportent des membres du BRGM, « il devient ainsi possible d’anticiper la gestion collective des nappes d’eau » ([59]).

Enfin, les données de la banque nationale des prélèvements (BNPE) proviennent de déclarations par les préleveurs au titre des redevances pour les prélèvements en eau. Elles sont collectées par les agences de l’eau en métropole, les offices de l’eau dans les départements et régions d’outre-mer, et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) à Mayotte.

La BNPE dispose de données non pas fiscales mais relatives aux prélèvements, et à leurs usages. La concrétisation du projet de leur adjoindre des données issues de l’instruction des autorisations de prélèvement accordées par les directions départementales des territoires (DDT) a pris du retard.

La BNPE ne contrôle pas les données qu’elle rassemble. En cas d’anomalie manifeste concernant les volumes prélevés, par exemple, nous en référons à l’agence productrice des données. L’article L 213-11-1 du code de l’environnement autorise les agences de l’eau et les offices de l’eau à contrôler les déclarations des redevables, soit sur pièce, soit sur place, auquel cas des organismes habilités par le préfet coordinateur de bassin peuvent être mandatés pour s’en charger ([60]).

Toutefois, certains auditionnés ont souligné les limites de l’accès aux données et la nécessité pour les parties prenantes de s’approprier ces bases de données. Par exemple, Mme Camille Jonchères, membre du collectif Sécheresses explique avoir « croisé deux bases de données, à savoir celle des climatologues et météorologues, appelée le projet Drias (Donner accès aux scénarios climatiques régionalisés français pour l’impact et l’adaptation de nos sociétés et environnement) de Météo France, et celle des hydrogéologues, la base de données des limites des systèmes aquifères (BDLISA), pour aboutir à une carte fournissant des informations faciles d’accès » ([61]).

La base SISPEA reste d’ailleurs perfectible. Ainsi, M. François Hissel, directeur de la surveillance, de l’évaluation et des données de l’OFB relève « le caractère incomplet des données du rapport SISPEA [qui] vient de ce que seul un tiers des services – ceux desservant plus de 3 500 personnes – sont tenus de communiquer les leurs » ([62]). Selon lui, ces données « ne sont de toute façon pas destinées à piloter des services publics d’eau et d’assainissement » mais « se veulent de simples indicateurs de prix et de performance des services publics » ([63]). La disposition prise aux Assises de l’eau pour obliger l’ensemble des collectivités à communiquer leurs données reste alors encore à appliquer. Selon M. Eric Brejoux, chef de service « Connaissance et évaluation environnementale » de l’OFB, la mesure concernant le dispositif SISPEA prise lors des Assises de l’eau aurait pour objectif de rapprocher le dispositif SISPEA et l’Observatoire « loi Sapin » ([64]). Enfin, « tant que les services déconcentrés de l’État ne vérifient pas la cohérence des données fournies, elles n’alimentent pas le dispositif national », ce qui explique pourquoi certains départements, dont les Yvelines et l’Essonne, ne fournissent aucune donnée ([65]).

Cet outil ne permettrait d’ailleurs pas « d’identifier un lien entre le prix et les grands indicateurs de qualité, par exemple la conformité chimique ou la conformité biologique » ([66]), comme l’affirme M. Alexandre Mayol, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Lorraine, chercheur à l’unité mixte de recherche Bureau d’économie théorique et appliquée.

Enfin, M. Hissel remarque que « très peu de personnes connaissent le dispositif du système d’information des services publics d’eau et d’assainissement (SISPEA) dans chaque département » et « il suffit que l’une d’elles se retrouve en arrêt de travail pour que surgissent des difficultés » ([67]), son collègue, M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’OFB, indiquant qu’un « simple changement de poste interrompt parfois la collecte des données » ([68]).

Proposition n° 3 : rendre obligatoire et systématique la collecte des données relatives à l’eau et à l’assainissement dans la base SISPEA en instaurant des sanctions pécuniaires ou des retenues sur le versement des dotations de l’État pour les collectivités qui ne rempliraient pas correctement les bases de données et les outils de connaissance patrimoniale des réseaux.

Au niveau local, la connaissance de l’état du réseau et des usages de l’eau par les collectivités territoriales reste insuffisante, tout comme les moyens à disposition des services déconcentrés. M. Hervé Paul, vice-président référent cycle de l’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d’administration de la régie Eau d’Azur de la métropole de Nice, considère ainsi que « pour piloter et contrôler le service, il est impératif d’avoir accès à ces données fondamentales », à savoir les données financières et les données techniques. Les auditionnés ont alors souligné les difficultés pour obtenir des données exploitables dans le cadre de contrat de délégation de service public ([69]).

M. François Hissel note par ailleurs qu’il « existe un besoin certain d’assistance à la collecte de données », « les structures existantes, les DDT et les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) œuvrent à l’échelon départemental » et pouvant être adaptées ([70]).

Proposition n° 4 : Rendre obligatoire l’harmonisation et la mise en ligne des données relatives aux réseaux d’eau et d’assainissement.

Enfin, les données relatives aux prélèvements d’eau par des entreprises privées ne sont pas toujours connues par la puissance publique. Les données détenues par des acteurs privés devraient ainsi être plus largement ouvertes aux acteurs publics. Aujourd’hui, pour évaluer les prélèvements en eau des acteurs privés, les pouvoirs publics disposent des données servant à liquider les redevances pour prélèvements d’eau gérées par les agences de l’eau. Cependant, ces déclarations ne sont obligatoires qu’à partir d’un volume annuel supérieur à 10 000 mètres cubes et ces informations, diffusées par la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau, ne portent que sur les volumes annuels captés sur la ressource.

Proposition n° 5 : Mettre en place une base nationale des prélèvements en eau, alimentée de manière mensuelle, et corrélée avec les autorisations et droits de prélèvement qu’ils mettent en œuvre.

Par ailleurs, si ces données de prélèvements, nécessaires à la police de l’eau et au calcul des redevances des agences de l’eau, sont connues des services de l’État, tel n’est pas toujours le cas des informations relatives à l’état des réserves d’eau dont peuvent disposer certains exploitants ou entreprises privées (cf. infra. le focus sur la situation du bassin aquifère de Vittel).

Les industriels du secteur des eaux embouteillées, en particulier, possèdent des bases de données sur l’état quotidien des nappes d’eau souterraines qu’ils exploitent, collectées en temps réel par le biais de leurs propres piézomètres. Or, il est ressorti du déplacement de la mission d’information à Vittel, au sujet du conflit d’usage lié à la nappe des grès du Trias inférieur (GTI) dans la région de Vittel, que la mise à disposition de ses données sur l’état des réserves d’eau par Nestlé Waters constituait un point de tension local (cf. infra).

Proposition n° 6 : À la demande des autorités planificatrices comme les commissions locales de l’eau, rendre publique les données sur l’état de la ressource et des réserves d’eau détenues par des personnes privées prélevant sur le territoire d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux.

Faire de la gestion en commun de l’eau un principe supérieur aux autres droits : l’eau comme bien commun

Les instruments de droit international et européen applicables à l’accès à l’eau et à la régulation des usages

Les instruments de droit international

La France est engagée par un ensemble de traités, conventions, résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU) ([71]). Le droit à l’eau est un droit fondamental consacré internationalement. Ainsi, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le 28 juillet 2010, par 122 voix pour et 41 abstentions, un projet de résolution, présenté par la Bolivie, sur le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement dans lequel elle déclare que le droit à une eau potable salubre et propre est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme. Elle demande aux États et aux organisations internationales de fournir des ressources financières, de renforcer les capacités et de procéder à des transferts de technologies, en particulier en faveur des pays en développement.

Les principes fixés par le droit européen

Pour améliorer l’efficacité de sa politique dans le domaine de l’eau et la rendre plus lisible, l’Union européenne a adopté le 23 octobre 2000 une directive-cadre (DCE) ([72]) qui impose aux États membres d’atteindre en 15 ans un bon état écologique (état biologique, chimique, physico-chimique et hydromorphologique) des eaux souterraines et superficielles (eaux douces et côtières), par la recherche de plusieurs objectifs :

– la non-dégradation des ressources et des milieux ;

– le bon état des masses d’eau, sauf dérogation motivée ;

– la réduction des pollutions liées aux substances.

La DCE définit également une méthode de travail, commune aux États membres, qui repose sur quatre documents essentiels :

– l’état des lieux qui permet d’identifier les problématiques à traiter ;

– le plan de gestion qui correspond au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) qui fixe les objectifs environnementaux ;

– le programme de mesure qui définit les actions qui vont permettre d’atteindre les objectifs ;

– le programme de surveillance qui assure le suivi de l’atteinte des objectifs fixés.

L’état des lieux, le plan de gestion et le programme de mesure sont à renouveler tous les six ans. La directive-cadre demande de décrire les modalités de tarification de l’eau et de l’application du principe de récupération des coûts des services d’eau, y compris des coûts environnementaux, compte tenu de l’application du principe pollueur-payeur. Elle demande également d’assurer une participation active des acteurs de l’eau et du public à l’élaboration du plan de gestion, en prévoyant en particulier des consultations du public sur le programme de travail, sur l’identification des questions principales qui se posent pour la gestion de l’eau dans le district et, enfin, sur le projet de plan de gestion.

En France, ce texte a été transposé par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 ([73]). Elle complète notamment les dispositions régissant les documents de planification pour les conformer au modèle européen.

En 2010 et 2016, la France a rendu compte à la Commission européenne de la mise en œuvre de la DCE. Les données transmises incluaient notamment une évaluation de l’état des eaux, l’affectation à chaque masse d’eau d’un objectif et une estimation détaillée par bassin du coût des actions nécessaires pour l’atteinte de ces objectifs. L’objectif était d’atteindre d’ici 2015 un bon état général tant pour les eaux souterraines que pour les eaux superficielles, y compris les eaux estuariennes et côtières. Si cette échéance ne pouvait être atteinte dans les délais, il est possible de demander une dérogation pour repousser l’échéance à 2021, voire 2027.

À ce jour, les directives subséquentes adoptées pour la mise en œuvre de la DCE sont la directive n° 2006/118/CE du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, ainsi que la directive n° 2008/105/CE du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau. En parallèle, la directive « inondations » 2007/60/CE et la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) 2008/56/CE sont construites sur le même schéma que la DCE. En outre, la directive n° 91/271/CEE du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires impose des obligations de collecte et de traitement des eaux usées. Les niveaux de traitement requis et les dates d’échéance de mise en conformité sont fixés en fonction de la taille des agglomérations d’assainissement et de la sensibilité du milieu récepteur du rejet final.

Le principe pollueur-payeur a été officiellement reconnu par l’Union européenne en 1987 et s’est traduit, par exemple, par l’introduction dans la réforme de la politique agricole commune de 2003 de la conditionnalité des aides en fonction des bonnes conduites agroenvironnementales par les agriculteurs, notamment la « protection des eaux contre la pollution par les nitrates ». Des normes de qualité environnementale ont été établies par les autorités européennes et nationales pour l’évaluation des cours d’eau au titre de la directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000, qui fixait l’objectif d’un bon état des eaux en 2015.

Les données sur les pollutions diffuses, étudiées par le ministère de la Transition écologique, permettent d’établir des bilans réguliers de la présence des pesticides dans les cours d’eau et d’apprécier leur évolution. La délimitation des zones atteintes ou menacées par la pollution des nitrates d’origine agricole, dites « zones vulnérables », découle pour sa part de la directive « nitrates » de 1991 dont les orientations ont été reprises dans la directive-cadre sur l’eau. Elle impose une désignation de zones atteintes, l’élaboration et la mise en œuvre de programmes d’action par les agriculteurs ainsi qu’une surveillance des concentrations en nitrates et apports azotés dans les eaux de surface et souterraines.

La nouvelle directive de l’Union européenne 2020/2184 du 15 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine doit être reliée à la directive-cadre sur l’eau 2000/60/CE du 23 octobre 2000, qui fait de la restauration du bon état écologique des écosystèmes aquatiques une priorité ([74]). Certains auditionnés, comme M. Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, considère que « l’approche européenne vis-à-vis des droits de l’Homme est bonne » dans le cadre de l’eau ([75]).

Enfin, la justice européenne se veut par ailleurs protectrice. Dans un arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en 2020, le juge communautaire a mis en exergue que la directive-cadre sur l’eau souligne la nécessité de défendre le patrimoine commun de l’eau et des milieux aquatiques et a, en conséquence, condamné les opérateurs économiques qui asséchaient des cours d’eau. L’État a été mis en demeure de faire en sorte que les acteurs d’un bassin puissent développer leurs activités, mais en préservant l’eau, la biodiversité de l’eau et les milieux aquatiques ([76]).

Les apories du droit français, entre propriÉTÉ privÉe et patrimoine commun

Un droit de l’eau entre propriété privée et autorisation publique de prélèvements

Le droit de propriété sur l’eau

Le droit de propriété sur l’eau est limité par des dispositions législatives. Ainsi, toute l’eau ne peut être soumise à un régime de propriété.

Tout d’abord, l’article 552 du code civil prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ». Cette définition s’applique aux eaux souterraines et aux eaux de pluie ([77]). Les articles 640 à 645 du code civil précisent les servitudes et les droits d’usage associés aux différentes eaux. Ainsi, le propriétaire d’un terrain a l’obligation de subir la réception des eaux de pluie et leur écoulement vers les fonds inférieurs, sans pouvoir l’empêcher ni l’aggraver. Les prélèvements domestiques sont quant à eux régis par le code de l’environnement.

Ensuite, la loi limite le droit de propriété au sol. Ainsi, l’article 643 du code civil établit que les eaux de source formant un cours d’eau n’appartiennent pas au propriétaire du terrain. Il n’est donc pas possible de capter totalement une source à son profit. Les eaux de surface relèvent par conséquent de l’usage commun.

La propriété est donc bien liée au sol, à l’exception notable des eaux de source. L’article L. 210-1 du code de l’environnement vient alors limiter la propriété et l’usage de l’eau. Il dispose que « l’usage de l’eau appartient à tous » et s’applique « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement acquis ». De fait, en France, le droit de propriété privée de l’eau s’est réduit au bénéfice d’un droit à l’usage de l’eau. Le droit de propriété privée ne trouve plus à s’appliquer qu’aux eaux closes (mares, étangs, lacs) ainsi qu’aux eaux pluviales et eaux de source que le propriétaire du fonds peut capter et stocker. Quant aux riverains des cours d’eau et canaux non domaniaux, ils ne peuvent prétendre qu’à un droit d’usage, assorti de multiples servitudes d’écoulement des eaux, de drainage ou d’assèchement.

Quatre départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion) disposent d’un domaine public plus étendu, incluant notamment les sources et les eaux souterraines ([78]).

Les régimes de droits et d’autorisations

En application de l’article L. 214-1 du code de l’environnement, « Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d’alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ».

Le régime d’autorisation et de déclaration doit permettre d’évaluer et de prévenir l’atteinte à la ressource.

Historiquement, le régime d’autorisation confiée à l’administration s’est développé à compter de la Révolution française, notamment par l’instruction des 12 et 20 août 1790. Celle-ci attribue à l’administration le rôle de veiller au « libre écoulement des eaux » et d’indiquer les moyens de « diriger toutes les eaux du territoire vers un but d’utilité général ». Cette prérogative passe notamment par la délivrance d’autorisations d’activités. Ce mode de régulation va ensuite s’étendre, au domaine industriel, puis aux ouvrages d’irrigation, aux eaux souterraines enfin. ([79])

Actuellement, la sous-section 1 de la section du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement détermine la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du même code ([80]). Exceptions faites des droits d’eau, la prise d’eau, les rejets d’eau et les activités ayant un impact sur les milieux aquatiques ou la sécurité publique, au-dessus d’un certain seuil, sont donc encadrés par des déclarations ou autorisés par des arrêtés ([81]).

Ces différents seuils sont explicités par l’article R. 214-1 du code de l’environnement.

Sont soumis à déclaration les sondages, forages, y compris les essais de pompage, créations de puits ou d’ouvrage souterrain, non destiné à un usage domestique, exécuté en vue de la recherche ou de la surveillance d’eaux souterraines ou en vue d’effectuer un prélèvement temporaire ou permanent dans les eaux souterraines, y compris dans les nappes d’accompagnement de cours d’eau.

Les prélèvements permanents ou temporaires issus d’un forage, puits ou ouvrage souterrain dans un système aquifère, à l’exclusion de nappes d’accompagnement de cours d’eau, par pompage, drainage, dérivation ou tout autre procédé, sont soumis à autorisation si le prélèvement est supérieur ou égal à 200 000 mètres cubes par an, et à déclaration si le prélèvement est supérieur à 10 000 mètres cubes par an mais inférieur à 200 000 mètres cubes par an.

Les prélèvements et installations et ouvrages permettant le prélèvement, y compris par dérivation, dans un cours d’eau, dans sa nappe d’accompagnement ou dans un plan d’eau ou canal alimenté par ce cours d’eau ou cette nappe sont soumis à autorisation lorsqu’ils sont d’une capacité totale maximale supérieure ou égale à 1 000 mètres cubes par heure ou à 5 % du débit du cours d’eau ou, à défaut, du débit global d’alimentation du canal ou du plan d’eau, ou à déclaration lorsqu’ils sont d’une capacité totale maximale comprise entre 400 et 1 000 mètres cubes par heure ou entre 2 et 5 % du débit du cours d’eau ou, à défaut, du débit global d’alimentation du canal ou du plan d’eau.

Les prélèvements, ainsi que les installations et ouvrages permettant celui-ci, dans un cours d’eau, sa nappe d’accompagnement ou un plan d’eau ou canal alimenté par ce cours d’eau ou cette nappe, lorsque le débit du cours d’eau en période d’étiage résulte, pour plus de moitié, d’une ré-alimentation artificielle sont soumis à autorisation.

Les ouvrages, installations, travaux permettant un prélèvement total d’eau dans une zone où des mesures permanentes de répartition quantitative instituées, notamment au titre de l’article L. 211-2, ont prévu l’abaissement des seuils, sont soumis à autorisation lorsque leur capacité supérieure ou égale à 8 mètres cubes par heures, et à déclaration dans les autres cas.

Les prélèvements domestiques ou assimilés ne sont pas soumis à cette procédure. Ils ressortent de la procédure appliquée aux forages domestiques.

L’administration – dans les faits, les services des préfectures – peut s’opposer à une déclaration lorsqu’elle l’estime nécessaire.

Cependant, certains prélèvements et ouvrages existants avant 1992 bénéficient de droits fondés en titre ou sur titre.

Les droits d’eau fondés en titre et fondés sur titre

Un ouvrage hydraulique implanté dans le lit mineur d’un cours d’eau, quel que soit l’usage auquel il est destiné (production d’électricité, alimentation de plan d’eau ou de pisciculture, dérivation ou prélèvement d’eau), doit posséder une autorisation pour exploiter le débit ou la force motrice de l’eau. Cette autorisation est communément appelée « droit d’eau ».

Sur les cours d’eau non domaniaux, il existe deux types de droit d’eau :

– le droit fondé en titre, établi jusqu’en 1789 ;

– le droit fondé sur titre, délivré par l’autorité administrative depuis 1790.

L’importance en termes de nombre et de volumes d’eau concernés par ces ouvrages n’est pas déterminée : ce régime pose actuellement des difficultés essentiellement lorsque les ouvrages représentent un obstacle à la restauration de la continuité écologique des cours d’eau ([82]).

Des droits particuliers d’usage de l’eau, originaires de l’Ancien Régime et non soumis à autorisation ou renouvellement

Les droits fondés en titre sont des droits de prises d’eau attachés à des ouvrages pour l’usage des moulins, des étangs ou l’irrigation, que la fin des privilèges prononcée durant la nuit du 4 août 1789 n’a pas abolis. Ce sont des droits particuliers d’usage de l’eau, exonérés de procédure d’autorisation ou de renouvellement.

Ces droits d’usage tirent leur caractère « perpétuel » du fait qu’ils ont été délivrés avant que ne soit instauré le principe d’autorisation de ces ouvrages sur les cours d’eau ([83]).

Il convient de distinguer les droits d’eau qui constituent des prélèvements et ceux qui correspondent à une utilisation au sein du cours d’eau. Le droit d’eau attaché à des ouvrages tirant parti de l’énergie hydraulique comme les moulins ne prélève ainsi pas d’eau ([84]).

En revanche, les droits d’eau d’irrigation sont des prélèvements. Il en existe surtout dans le Sud-Est de la France, mais la surface des périmètres irrigués via ces droits a diminué ([85]).

La première grande loi sur l’eau française de 1898 limitera ces droits d’usage historiques, sans les remettre fondamentalement en cause, notamment pour permettre l’extension de l’irrigation ([86]).

Ces droits d’usage tirent leur caractère « perpétuel » du fait qu’ils ont été délivrés avant que ne soit instauré le principe d’autorisation de ces ouvrages sur les cours d’eau et de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, qui a régularisé les utilisations régulières antérieures ([87]). L’article L. 214-6 du code de l’environnement prévoit le maintien des droits acquis dans ce cadre : « Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. »

Ils sont établis soit par la possession d’un titre authentique (droit fondé sur titre), soit par l’existence de fait de l’ouvrage, incontestée et antérieure à l’abolition du régime féodal, le 4 août 1789 (droit fondé en titre). La présence d’un moulin sur la carte de Cassini permet d’établir ce droit, sans en préciser évidemment les limites juridiques (par exemple la hauteur autorisée de la chute). Ces droits anciens ont été continûment reconnus et reconduits par la loi et par la jurisprudence du Conseil d’État : c’est la notion d’ouvrage « ayant une existence légale » qu’on retrouve dans de nombreux textes.

D’un point de vue juridique, le droit fondé en titre donne à l’ouvrage et à ses usages une existence légale, sans qu’il soit nécessaire de les autoriser administrativement, mais naturellement, sous réserve de ne pas modifier la consistance des prescriptions du titre.

Des droits toutefois soumis à la police de l’eau et susceptibles d’être perdus

L’administration a la possibilité de modifier ou de supprimer pour des motifs tirés de l’intérêt général un droit fondé en titre. En effet, dans l’exercice de ses pouvoirs de police de l’eau, l’État peut imposer à l’exploitant de toute installation existante, des conditions destinées à préserver les milieux naturels aquatiques ([88]).

En outre, un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice de l’eau n’est plus utilisée par les propriétaires de l’ouvrage, notamment en raison de la ruine ou du changement d’affectation des éléments essentiels de l’ouvrage ([89]).

Ce droit perpétuel, qui a pu être considéré longtemps par la doctrine comme un droit réel administratif, est désormais reconnu par le Conseil d’État, comme un droit réel immobilier. Il est donc naturellement aliénable et transmissible par succession ou vente onéreuse, et un acte administratif au titre de la police de l’eau ne peut pas le retirer, hormis les cas de nécessité absolue, permettant de s’exonérer, sous certaines conditions, des dispositions du droit commun.

Des droits critiqués pour leur anachronisme

Leur fondement dans des mécanismes d’Ancien Régime peut susciter la critique, surtout dans un contexte de modification et raréfaction de la ressource lors des périodes d’étiage ([90]). Ils proviennent en effet d’une époque où la ressource était à la fois plus abondante et les usages moins nombreux et moins prégnants.

L’intérêt de consacrer l’eau comme bien commun

Le régime des biens communs

Le vocabulaire autour de la notion de bien commun reste théorique. Dans son sens le plus général, « est appelé bien commun tout bien ou toute ressource qui est porteur d’un intérêt collectif particulier par rapport au bien ordinaire » ([91]).

En économie, le bien public a été défini par Samuelson dans un article fondateur de 1954 ([92]), comme un bien non exclusif et non rival :

– non exclusif, car nul ne peut être exclu de la chose ;

– non rival, car l’usage que l’un en fait ne diminue en rien l’usage des autres.

C’est ainsi le cas des connaissances scientifiques non brevetées ou de l’air.

En droit, le bien public est le bien qui remplit un double critère :

– ce sont des biens qui appartiennent à une personne publique ;

– ce sont des biens qui font l’objet d’une affectation à l’usage du public ou à un service public.

Au regard de ce critère, en France hexagonale, l’eau captée en vue d’assurer un service public de distribution d’eau potable relève du domaine public (Conseil d’État, 16 novembre 1962, Ville de Grenoble).

De plus, les cours d’eau domaniaux relèvent du domaine public. En revanche, le statut de l’eau qui s’écoule dans ces cours d’eau demeure discuté ([93]). Mais des indices laissent penser qu’elle fait bien partie du domaine public : le fait par exemple que la pollution d’un cours d’eau non domanial constitue une pollution de grande voirie, infraction propre au domaine public ([94]).

Mais les départements d’outre-mer obéissent à un régime particulier du fait de la rareté des eaux, la plupart de leurs eaux relèvent du domaine public (article L. 5121-1 du code général de la propriété des personnes publiques, incluant les sources, les eaux souterraines, les cours d’eau et lacs naturels ; seules les sources à usage domestique sont exemptées).

Contrairement au droit italien, la notion de bien commun n’existe pas, en tant que catégorie juridique, dans les textes et dans le langage du droit. En droit français, l’expression « bien commun » semble contradictoire :

– le « bien » renvoie immanquablement à la propriété : c’est la chose appropriée ;

– le « commun » renvoi à une dimension collective, au partage.

Le bien commun serait une chose à la fois objet d’appropriation et commune. Les catégories juridiques mobilisées dans la réflexion sur les communs sont diverses ; il s’agit par exemple de la chose commune ou du patrimoine commun de la nation ([95]).

L’eau est-elle en droit positif un bien commun ?

Dans le code civil, l’eau n’a pas de statut juridique unitaire. Elle s’écoule dans une mosaïque de statuts. Classiquement, on trace une ligne de démarcation entre le régime des eaux non courantes et celui des eaux courantes. En premier lieu, s’agissant des eaux non courantes, elles relèvent d’un régime de propriété privée. Ainsi, les eaux de pluie, de source et les eaux souterraines appartiennent au propriétaire du fond sur lequel ou sous lequel elles s’écoulent.

En second lieu, s’agissant des eaux courantes, elles échappent, quant à elles, à la propriété privée : elles relèvent soit du domaine public, soit des choses communes.

D’un côté, existent les cours d’eau domaniaux : ce sont les fleuves et les rivières classés dans le domaine public. On considère en général, même si la question demeure débattue, que ce classement vaut à la fois pour le lit et pour les eaux ([96]).

D’un autre côté, on trouve les cours d’eau non domaniaux, c’est-à-dire les cours d’eau qui ne sont pas classés dans le domaine public. Ce sont pour l’essentiel les ruisseaux et les petites rivières. On s’accorde généralement à considérer que l’eau qui s’y écoule est chose commune ([97]) au sens de l’article 714 du code civil. Un modèle de commun est donc ici décliné, la chose commune renvoyant aux choses inappropriables et dont l’usage est commun à tous.

En somme, de manière traditionnelle, le commun est très largement refoulé en la matière. Ce refoulement traditionnel du commun a pris fin, à partir des années 1960, lorsque les phénomènes de pollution et de raréfaction de la ressource en eau ont suscité l’émergence de questions inédites : celles de sa conservation et de son partage équitable.

D’un côté, l’eau est une ressource économique saisie par la propriété et par le marché et, d’un autre côté, son caractère indispensable à la vie invite à l’appréhender comme un bien commun, au sens large, comme une chose à partager ([98]). Après avoir précisé que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation » ([99]), la loi pose plusieurs grands principes qui déterminent les droits et devoirs relatifs à son utilisation, marquant toutefois l’ambivalence de la notion.

L’eau comme bien commun sous-tend que l’eau est « une ressource à partager et à protéger » et « une chose inappropriable et dont l’usage est commun à tous » ([100]). Comme nous l’avons vu, les eaux de pluie, les eaux de source, les eaux souterraines appartiennent au propriétaire du fond sur lequel ou sous lequel elles s’écoulent. Au contraire, les eaux courantes échappent à la propriété privée.

Si des lois se sont succédées pour organiser une gestion publique de l’eau, l’intégration de l’eau dans le patrimoine commun de la nation n’a pas mené à la disparition des statuts privés et publics de l’eau.

Comme certains auditionnés l’ont expliqué, « il n’en demeure pas moins cependant que des règles globales d’organisation de l’usage commun et de préservation de la ressource en eau ont été mises en place, et ce, quel que soit son statut juridique, à travers par exemple un système de planification ou un régime d’autorisation pour certains usages » ([101]).

Pour autant, ce régime global, même s’il tend à construire une sorte de commun du point de vue de la gouvernance de l’eau, demeure « très insuffisant » pour certaines des personnes auditionnées ([102]). En effet, « les phénomènes d’accaparement, de surexploitation de la ressource en eau demeurent » et « le droit peine à concevoir l’eau comme une ressource partagée, comme un commun » ([103]).

La nécessité de faire de l’eau un bien commun en droit français

À l’étranger, le droit a pu être modifié afin d’assurer une protection accrue de la ressource en eau et tendre à l’effectivité de la notion de bien commun.

Dans un système juridique de droit civil comme au Québec, une loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection du 19 juin 2009 a qualifié l’eau de chose commune au sens de l’article 913 du code civil, qui est l’équivalent de l’article 714 du code civil français. Cette loi a posé un certain nombre de principes de réparation, de préservation, de participation, de transparence. Elle a également créé une action en justice qui permet de réparer les atteintes qui sont portées à la substance de l’eau ([104]).

En France, ce nouveau régime de l’eau comme choses communes pourrait s’articuler autour de deux axes :

– la reconnaissance du caractère inappropriable de l’eau dans sa globalité et de son nécessaire usage commun ;

– une obligation de conservation de la ressource en eau.

Cette qualification fournirait ainsi un fondement juridique pour garantir à tous l’accès, l’usage et la jouissance de la ressource en eau.

Elle entraînerait la suppression, ou tout au moins la limitation des droits liés à la propriété privée des eaux, notion qui apparaît aujourd’hui comme de plus en plus anachronique dans un contexte de crise écologique et de raréfaction de la ressource en eau.

Proposition n° 7 : Reconnaître l’eau, et notamment l’ensemble des ressources naturelles en eau, comme bien commun.

Dans l’esprit du rapporteur, l’érection de ce principe ne revient à nationaliser les eaux, mais à rendre obligatoire leur gestion en commun. Ainsi, au sens de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme ([105]), il s’agirait d’une limitation du droit de propriété existant et non d’un transfert de propriété, qui nécessiterait d’indemniser les propriétaires à hauteur de leur expropriation.

Les conséquences : une obligation de conservation de la ressource en eau

Le législateur a consacré la notion de patrimoine commun de la nation attaché à l’eau avec la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, afin de rendre compte des tensions existantes entre usagers autour de la disponibilité de la ressource en eau à la suite des cinq années de sécheresse qui ont affligé la France entre 1988 et 1992.

Reconnaître que l’eau est un bien commun obligerait à ce que chacun soit tenu d’une obligation de conservation afin d’assurer la permanence de l’usage commun.

Tout d’abord, cette obligation de conservation constituerait une ligne directrice dans la fabrication des normes relatives à l’eau.

Certains auditionnés soulignent les conséquences « positives » de cette notion ([106]). Celle-ci permettrait d’irriguer le droit de l’eau en veillant à la préservation de la ressource dans un contexte de raréfaction de l’eau. Ainsi, de nouveaux mécanismes juridiques ont d’ores et déjà fait leur apparition en droit positif afin de planifier, voire de prévoir, l’avenir de la ressource en eau. Par conséquent, la première conséquence de l’eau comme bien commun revêt tout d’abord l’idée de la rareté de l’eau, qui ne peut plus être considérée comme une chose épuisable.

Des règles globales d’organisation de l’usage commun et de préservation de la ressource en eau ont été mises en place, et ce quel que soit son statut. L’eau, est envisagée comme une ressource à partager, à protéger. Depuis lors, les lois se succèdent pour organiser sa gestion de manière globale. Certes, cette intégration de l’eau dans le patrimoine commun n’a pas fait disparaître les différents statuts de l’eau : biens privés, biens publics et choses communes.

Cependant, cette idée sous-tend la nécessité d’un « État planificateur et protecteur », rôle qu’il aurait abandonné pour « se retrancher derrière un rôle de police afin de laisser jouer des mécanismes de régulation » ([107]). Toutefois, les auditionnés notent que l’État est devenu « plus interventionniste avec la loi n° 923 du 3 janvier 1992 sur l’eau, comme le montrent différents mécanismes mis en place », à l’image de « la création d’un régime de police unifié, créé par l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 » ([108]). Pour la première fois, quelle que soit la structure juridique des cours d’eau, « la police de l’eau contrôlera à partir de caractéristiques ou d’incidents sur la ressource et exigera une déclaration ou une autorisation pour les prélèvements » ([109]).

Ensuite, l’eau comme bien commun « emporterait reconnaissance du caractère inappropriable de l’eau et de son nécessaire usage commun » ([110]). Par conséquent, il entraînerait la suppression de la propriété privée de l’eau, qui semble aujourd’hui « anachronique dans un contexte de crise écologique » selon certains auditionnés ([111]). De plus, la requalification de l’eau fournirait « un fondement juridique pour garantir à tous l’accès et l’usage de l’eau ».

La requalification de l’eau pourrait également « entraîner une obligation de conservation de la substance de la ressource en eau qui pèserait sur tout un chacun », ouvrant par exemple la voie à des actions en justice autorisant chaque citoyen à saisir le juge dès lors que la ressource en eau est menacée ou altérée dans son intégrité. Cela s’inscrit dans la recommandation n° 2 du rapport de la mission conjointe du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale de la justice (IGJ) ([112]), qui préconise de créer un référé judiciaire spécial en matière environnementale, qui pourrait s’appliquer en matière de l’eau.

Proposition n° 8 : Créer un référé environnemental, applicable en matière de l’eau.

Cette reconnaissance de l’eau comme bien commun pourrait passer par une modification des textes législatifs existants. Elle pourrait également être inscrite dans la Constitution, mais sans que cela ait des effets plus importants sur l’effectivité de la notion. Cependant, certains auditionnés proposent de modifier le texte constitutionnel pour affirmer que « la nation accorde un intérêt particulier à l’eau » ([113]). La modification des dispositions constitutionnelles pourrait entraîner une limitation accrue du droit de propriété privée et de la liberté d’entreprendre par le Conseil constitutionnel, au motif de la préservation de la ressource en eau. Par ailleurs, « il pourrait y avoir des impacts sur la distribution et la vente d’eau en bouteille » ([114]).

Les personnes auditionnées proposent également d’ajouter deux alinéas à l’article L. 210-1 du code de l’environnement qui reconnaît l’eau comme patrimoine commun afin de rattacher à cette idée de patrimoine un principe d’usage raisonnable. Ce principe est inspiré des droits américains et italiens en matière d’eau. Il permettrait d’habiliter le juge à sanctionner tout usage déraisonné des eaux privées ou publiques, en particulier le gaspillage. Si un certain nombre de dispositifs qui visent à lutter contre ces phénomènes existe déjà, la reconnaissance d’un principe général clarifierait la spécificité de l’eau en mettant l’accent sur cet impératif de préservation et en accordant un droit d’agir étendu ([115]).

La nécessité de préciser le droit français : si « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation », il faut réaffirmer la primauté de la gestion par la puissance publique

Pour l’exigence d’une gestion publique : le régime de propriété de l’eau et les droits acquis doivent être subordonnés à la gestion de la ressource

En théorie, si l’eau est un bien commun, elle devrait être contrôlée et distribuée dans le cadre du service public. La création, en 1964, des comités de bassin et des agences de l’eau a consacré l’eau comme un patrimoine commun de la nation.

Si l’eau ne peut alors être privatisée en tant que telle, « cela ne signifie pas pour autant qu’il ne peut pas y avoir de relations entre des entreprises privées et l’intérêt général, concernant l’exécution de l’exploitation de l’eau » , comme le note M. André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l’Association des maires de France (AMF) ([116]).

Cette gestion publique répond à l’approche théorisée par l’économiste Elinor Ostrom ([117]).

En tant que bien commun, l’eau devrait faire l’objet de décisions opposables à tous. En d’autres termes, « dès lors qu’elles sont collectives », les décisions « doivent être opposables à tous ».

Certains juristes auditionnés remarquent une difficulté posée par « la dichotomie française entre droit public et droit privé » ([118]).

L’« opposabilité » d’un droit est une notion juridique qui signifie que le droit qui a été reconnu au citoyen peut être « opposé » à une autorité chargée de le mettre en œuvre. Ceci peut être compris de deux manières :

– Le citoyen dispose de voies de recours pour obtenir la mise en œuvre effective de son droit ;

– La puissance publique a une obligation de résultat.

En France, deux outils de planification soutiennent la politique de l’eau en France : le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) (cf. infra. la deuxième partie du présent rapport).

Ces schémas viennent impacter de nombreux documents de planification et décisions administratives.

Le SAGE est élaboré uniquement lorsque cela est nécessaire pour atteindre les objectifs du SDAGE et du bon état des eaux au regard des enjeux locaux. Il est composé :

– d’un plan d’aménagement et de gestion des eaux (PAGD), qui fixe ses objectifs et les grandes orientations ;

– et d’un règlement, qui comporte des règles précises (art. 212-5-1 du code de l’environnement) ;

Il doit par ailleurs être compatible avec le SDAGE.

Mais aujourd’hui, le SDAGE et le SAGE ne sont pas opposables à tous les documents de planification et à toutes les décisions administratives.

Ils sont opposables aux seuls documents de planification et décisions administratives pour lesquelles la loi prévoit une obligation de compatibilité, c’est-à-dire une obligation de ne pas contrarier les objectifs du SDAGE ou du SAGE.

Pour les décisions relatives aux « installations, travaux, ouvrages ou activités touchant le domaine d’eau » (IOTA), le législateur a prévu une obligation renforcée de conformité avec le SAGE. C’est-à-dire que ces décisions doivent respecter les précisions précises fixées par ce règlement.

Compte tenu de leur objet même qui touche directement le milieu aquatique, les autorisations ou décisions prises sur une déclaration IOTA doivent :

– être compatibles avec le SDAGE ;

– être compatibles avec le PAGD du SAGE ;

– mais être conformes au règlement du SAGE et à ces documents graphiques (art. L. 212-5-2 du code de l’environnement ; Conseil d’État, 25 septembre 2019, n° 418658).

En application du code de l’urbanisme, les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans locaux d’urbanisme (PLU), les schémas régionaux des carrières, les plans de gestion des risques d’inondation et les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau doivent être compatibles avec le PAGD du SAGE.

Cependant, en matière d’urbanisme, les SDAGE et SAGE ne sont pas opposables aux permis de construire (Cour administrative d’appel de Nancy, 22 janvier 2015, n° 14NC00890). Cependant, cela ne signifie pas qu’ils n’ont aucun impact sur les autorisations d’urbanisme.

D’une part, le PLU, soumis à une obligation de compatibilité, peut reprendre des éléments du SDAGE. Ils seront alors directement opposables aux autorisations d’urbanisme.

D’autre part, ce document est certes un document juridique, mais c’est aussi un document scientifique objectif. Il peut constituer une donnée, pour le juge, pour apprécier si un projet porte atteinte à la sécurité des personnes, et éventuellement l’annuler sur le fondement de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme (CAA Nancy, 24 juin 2004, n°00NC01540).

L’appréciation d’un lien de conformité est assez simple. Il signifie que l’acte examiné doit respecter à la lettre les dispositions du document de référence.

La notion de compatibilité est plus complexe. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion, dans son arrêt du 21 novembre 2018, de préciser comment apprécier cette compatibilité. Il ne faut pas rechercher si la décision est conforme à un objectif précis, mais faire une analyse globale.

Compte tenu des décisions rendues en matière de SDAGE, la compatibilité d’un projet par rapport au SDAGE ou au SAGE, peut s’apprécier au regard des critères suivants :

 les objectifs impactés : le projet risque de converger vers une incompatibilité s’ils sont nombreux ou s’ils sont importants ;

– le degré de méconnaissance des objectifs : ce degré s’apprécie par rapport à tout le territoire couvert par le SDAGE ;

– l’intérêt général : ce critère devrait être pris en compte à la marge et pourrait influer pour des situations intermédiaires.

Afin de rendre lisible et effectif les documents de planification relatifs à la ressource en eau, il conviendrait de les rendre opposables et non uniquement compatibles pour les documents de planification en matière d’urbanisme comme pour les décisions individuelles.

Proposition n° 9 : Rendre opposable l’ensemble des documents de planification de la ressource en eau aux documents d’urbanisme et aux décisions individuelles.

Pour mettre fin aux droits d’usage acquis

Comme il a été démontré, de nombreux prélèvements disposent non pas d’autorisations, renouvelables et précaires, mais de droits fondés en titre ou fondés sur titre, dont l’existence limite la possibilité de gérer de manière globale et équitable la ressource en eau au niveau d’un bassin.

Il conviendrait donc de mettre fin, dans un horizon prévisible à ces droits pour les faire entrer dans un champ de programmation et d’autorisation des prélèvements sur la ressource.

Proposition n° 10 : Mettre fin aux droits d’usage acquis et exercés sous la forme de droits d’eau fondés en titre et fondés sur titre.

Pour limiter l’exercice du droit de propriété sur les eaux souterraines

L’article 552 du code civil prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ». Cette définition s’applique aux eaux souterraines et aux eaux de pluie ([119]).

Cependant, cette disposition entraîne une forme de privatisation de l’eau souterraine selon la propriété du sol, alors que l’eau souterraine provient d’autres sources qui, par théorie, ne sont la propriété de personne, comme les écoulements d’eau de pluie.

Par conséquent, tant qu’elle dépend de la propriété du sol, l’eau souterraine ne peut être considérée comme un « bien commun ». Seule une définition de l’eau comme bien commun permettra de limiter l’exercice des droits de propriété du détenteur du terrain au profit d’une gestion au niveau du bassin aquifère.

Pour assurer la pérennité de la ressource, principe qui doit s’appliquer à tous les usages – y compris en cas d’étiage

En raison des risques posés par le réchauffement climatique, les usages de l’eau doivent être adaptés aux conditions de sa disponibilité. Ainsi, la loi du 3 janvier 1992 prévoit une hiérarchisation des usages, à la suite de pénuries d’eau et de périodes de sécheresse.

Désormais, des priorités sont instituées et elles visent l’exigence de la santé, la salubrité publique, la sécurité civile et l’alimentation en eau potable. Le préfet a la possibilité de prendre des mesures de limitation et de suspension provisoire des usages. Un nouveau classement apparaît, en zone de répartition des eaux, qui constitue un signal fort de reconnaissance du déséquilibre durablement installé entre la ressource et les prélèvements en eau existants ([120]).

Toutefois, les usages prioritaires de la ressource en eau peuvent être directement menacés à certains endroits quand le poids des prélèvements professionnels est excessif et que les besoins de l’alimentation humaine, des hôpitaux et de la lutte contre les incendies sont insuffisamment protégés. L’étude des cas de Vittel et de Volvic témoigne de ces conflits d’usage de l’eau, notamment en période d’étiage (cf. infra).

Pour affirmer une hiérarchie des usages opposable, comme le prévoit le droit espagnol

La répartition de la ressource est peu priorisée dans le droit. La loi française esquisse certaines priorités dans la répartition de la ressource, partant du principe qu’est reconnu un droit d’accès à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous pour chaque personne physique pour son alimentation et son hygiène par l’article L. 210-1 du code de l’environnement. De plus, l’article L. 211-1 du même code prévoit que « la gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population ».

D’autres usages, eux, ne sont pas hiérarchisés dans le droit. Ainsi, ne sont pas hiérarchisés :

– la vie biologique du milieu récepteur, spécialement la faune piscicole et conchylicole ;

– la conservation et le libre écoulement des eaux ainsi que la protection contre les inondations ;

– l’agriculture, les pêches, les cultures marines, la pêche en eau douce, l’industrie, la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, les transports, le tourisme, la protection des sites, les loisirs et les sports nautiques ainsi que toutes les autres activités humaines légalement exercées.

L’article L. 211-1-1 du code de l’environnement précise toutefois que la préservation et la gestion durable des zones humides sont d’intérêt général et que les politiques publiques doivent tenir compte des difficultés particulières de leur conservation, exploitation et gestion durable, « notamment par une agriculture, un pastoralisme, une sylviculture, une chasse, une pêche et un tourisme adaptés ».

Sont plus globalement d’intérêt général « [la] protection [de l’eau], sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels ».

Ainsi, les normes françaises relatives à la hiérarchisation de l’usage de l’eau sont peu détaillées.

Au contraire, l’Espagne a prévu par l’article 60 de sa loi n° 29 du 2 août 1985 sur l’eau une hiérarchie des usages, avec huit rangs de priorité, dont en tête l’approvisionnement en eau potable, puis l’irrigation, puis l’hydroélectricité, puis les autres usages industriels, puis les quatre autres usages possibles. Selon certains auditionnés, cette hiérarchisation « n’est pas transposable directement, le cadre normatif n’étant pas le même », mais ils louent la clarté de cette loi ([121]).

En France, la pluralité des régimes juridiques rend difficile la mise en œuvre concrète de la hiérarchisation, puisqu’elle repose sur la police de l’eau, qui dispose de moyens limités ([122]).

Proposition n° 11 : Sur le modèle espagnol, prévoir par la loi une hiérarchie des usages de la ressource en eau.

Pour faire du prélèvement ou de l’atteinte à la ressource la source de financement de la gestion du grand cycle de l’eau

L’érection du principe de l’eau comme bien commun permettrait également une remise à plat du financement de la gestion du grand cycle de l’eau, fondée sur le prélèvement et l’atteinte à la ressource en eau et non pas majoritairement sur les usagers de l’eau potable et de l’assainissement (cf. IV de la présente première partie du rapport).

Proposition n° 12 : Faire des redevances pour prélèvement sur la ressource la provenance principale de financement de la gestion du grand cycle de l’eau.

LES AUTORITÉS PUBLIQUES PROTÈGENT-ELLES ASSEZ LA RESSOURCE EN EAU D’UNE ÉVENTUELLE MAINMISE DES INTÉRÊTS PRIVÉS ?

Si l’État exerce une action protectrice sur la ressource via son activité normative, il intervient également par sa régulation, par le biais de son pouvoir de police et de justice ([123]).

La police de l’eau doit permettre de prévenir et de constater les atteintes à la ressource en eau

Une police en construction, pensée pour la protection de la ressource

Une police qui doit permettre de prévenir et constater les atteintes à la ressource en eau

La police de l’eau, qui comporte des volets administratif et judiciaire, a pour objectif de préserver ou de retrouver des milieux et une ressource en eau de qualité, mais aussi de concilier les différents et parfois concurrents, usages de l’eau ([124]).

La police de l’eau désigne l’ensemble des activités d’instruction et de contrôle de la protection et de la qualité de l’eau dépendant de l’État et visant l’application des lois en ce domaine ([125]).

L’affirmation et l’autonomisation de ce pouvoir de police spécifique

Un régime unifié de police de l’eau a été créé par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, dite loi sur l’eau de 1992 et son décret d’application n° 93-743 du 29 mars 1993. Avec ce régime, la police de l’eau exige une déclaration ou délivre une autorisation pour les prélèvements, sur la base de caractéristiques ou d’impacts sur la ressource ([126]).

Les inspecteurs de l’environnement, qui sont des agents de la police de l’eau, sont autorisés depuis 2012 à constater l’ensemble des infractions relatives à l’environnement ([127]).

La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a créé en particulier les officiers judiciaires de l’environnement au sein de l’OFB. Ces derniers disposent ainsi des mêmes prérogatives que les officiers de police judiciaire.([128]) Ils bénéficient dorénavant de pouvoirs d’enquête complets, y compris celui de saisir les magistrats ([129]).

Un régime d’autorisation et de déclaration qui devrait s’adapter au contexte en devenir de raréfaction de la ressource

Un éventuel besoin d’une meilleure prise en compte des effets cumulatifs des prélèvements de faible volume

M. Simon Burner, directeur de European rivers network France – SOS Loire vivante, a attiré l’attention de la commission d’enquête sur le manque de prise en compte de l’effet cumulatif des prélèvements d’eau qui sont d’un volume trop faible pour être soumis à autorisation ([130]). Il semble en effet opportun d’inverser l’approche et de partir de la capacité de la ressource au vu des usages prioritaires et des services environnementaux que l’eau procure et non du droit à un prélèvement s’il n’excède pas un certain volume.

Réexaminer systématiquement et plus régulièrement les autorisations à la lumière des évolutions hydrologiques

S’agissant des prélèvements et des rejets faisant l’objet d’une autorisation, certaines personnes auditionnées par la commission d’enquête ont souhaité insister sur l’inadaptation du régime d’autorisation à la nouvelle donne du changement climatique et de la raréfaction de la ressource lors des périodes d’étiage. Au vu de la baisse des débits et niveaux durant ces périodes, des autorisations bien calibrées au moment de leur octroi peuvent devenir disproportionnées ([131])

L’État s’est déjà emparé de cet enjeu. Ainsi, M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) a indiqué à la commission d’enquête lors de son audition que « La prise en compte du changement climatique se traduit par une évolution des textes concernant les modalités de partage de la ressource en eau, notamment au sujet de la définition des volumes prélevables dans le cas de l’étiage. » ([132]) .

Toutefois, il reste l’enjeu du stock des autorisations déjà octroyées et qui s’avèrent obsolètes en raison de l’évolution des hydrosystèmes auxquels elles se rattachent ([133]).

Proposition n° 13 : Définir une durée maximale, valant pour les arrêtés d’autorisation de prélèvement, de rejet ou d’utilisation de la ressource en eau afin de s’assurer que les autorisations respectent l’évolution des régimes hydrologiques sous-jacents.

Un dispositif normatif adapté mais une action de contrôle et une réponse pénale encore insuffisantes

La conformité des usages de l’eau est contrôlée

Un dispositif de contrôle à deux niveaux

Les contrôles des prélèvements, rejets et autres impacts des acteurs se basent sur un double système de mesures et de communication par le préleveur et de contrôles effectués par l’administration.

Le premier niveau de contrôle s’appuie sur l’action de l’usager de la ressource. Les industriels et agriculteurs ayant une activité pouvant impacter l’environnement doivent disposer d’un système d’indicateurs internes permettant de surveiller les volumes qu’ils prélèvent ou leurs rejets ([134]).

Ils communiquent ces informations au moins une fois par an, et parfois en temps réel, aux services de l’État en charge du contrôle du respect des autorisations, le plus souvent à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et à la direction départementale des territoires (DDT) ([135]).

Le second niveau de contrôle est celui exercé par les services de l’État. Ces contrôles de second niveau de la part de l’État sont toutefois nécessaires ([136]). Ils peuvent être effectués a priori, a posteriori ou encore de manière inopinée ([137]). L’administration peut contrôler la réalité des mesures transmises par l’industriel ou la conformité du système de mesure.

Selon M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), « l’autodéclaration ne me semble pas choquante à partir du moment où de véritables contrôles inopinés peuvent être effectués. » L’enjeu réside donc en grande partie sur la réalité de l’incitation des acteurs à se comporter conformément à la réglementation exercée par l’éventualité du contrôle, qui est le résultat de la fréquence des contrôles, de leur nature et des suites qui sont données en cas de non-conformité. Les suites données à ces actions peuvent être de nature administrative ou judiciaire ([138]).

Le volume des contrôles semble insuffisant malgré l’action des services de l’État pour rationaliser leur action

L’administration effectue un volume important de contrôles ciblés

La police de l’eau a réalisé ces dernières années 20 000 à 25 000 contrôles annuels. Deux tiers d’entre eux ne mettent en évidence aucune entorse à la réglementation. Le tiers restant ne révèle parfois qu’un défaut de conformité mineur ne nécessitant pas un recours aux poursuites judiciaires ([139]).

La DGLAN et l’Office français de la biodiversité (OFB) s’efforcent à rendre les contrôles plus précis et efficaces. Ainsi, la DGALN a adressé à l’ensemble des services qu’elles animent une circulaire fixant les priorités en matière d’intervention de contrôle ([140]). L’OFB s’est quant à lui engagé dans la formation et la sensibilisation des autorités administratives (préfets et services déconcentrés de l’État) autour de la thématique de la police de l’eau ([141]).

M. Olivier Thibault a estimé lors de son audition que « nous sommes capables de hiérarchiser les contrôles », bien qu’il ait également convenu que « nous souhaiterions en réaliser davantage » ([142]).

Ce volume semble malgré tout insuffisant par rapport aux enjeux

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Pascal Lagrabe directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB a indiqué que certains « enjeux prégnants » comme « la pollution ou la sécheresse » devraient générer un plus nombre grand nombre « d’interventions » ([143]).

M. Simon Burner a quant à lui insisté sur le manque de connaissance et donc de contrôle sur les retenues d’eau, parlant de « milliers de retenues en France dont l’administration n’a même pas connaissance et celles-ci n’ont jamais été contrôlées » ([144]).

Les politistes Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, dans leur ouvrage Les politiques de l’eau dépeignent une situation de sous-contrôle chronique avec, en moyenne, un contrôle des stations d’épuration tous les 10 ans et un contrôle des agriculteurs en zone vulnérable une fois tous les 80 ans ([145]).

Une action des juridictions insuffisante face aux atteintes à la ressource

Le volume annuel de procédures judiciaires engagées en raison d’atteintes à la ressource en eau est de l’ordre de 3 000 à 4 000 procédures annuelles, souvent suite à des délits ([146]) . Selon Pascal Lagrabe de l’OFB, « l’autorité judiciaire ne poursuit que certaines infractions, selon leur gravité ou les circonstances ([147]). »

Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux pointent un écart entre la sévérité des peines prévues pour les atteintes environnementales et le fait que « depuis les années 2000, le nombre de condamnations et les peines prononcées en matière environnementale sont stables à un niveau faible, à quelques exceptions près » en se basant sur une étude datant de 2014 ([148]).

La faiblesse de ce nombre de condamnations est selon les auteurs le résultat du nombre réduit des contrôles mais aussi d’un manque de priorisation de la répression des atteintes à l’environnement par rapport aux atteintes qui font l’objet d’une plus forte réprobation sociale, comme l’atteinte aux biens et aux personnes.

Lors de son audition par la commission d’enquête, Sylvain Barone, chercheur en science politique au sein de l’unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) – Université de Montpellier, a fait état d’un taux de poursuite de 21 % à la suite de la constatation d’une infraction, au profit de procédures alternatives aux poursuites ([149]).

Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux développent en particulier le cas de la transaction pénale, qui au-delà de la partie symbolique plus faible que celle d’une condamnation, peut être vue comme un choix économiquement rationnel pour un acteur en situation de porter atteinte à la ressource en eau. Ils tirent d’une étude l’exemple de l’arbitrage possible entre le profit financier permis par l’irrigation d’une parcelle agricole en contravention avec un arrêté sécheresse et l’amende transactionnelle alors fixée à un montant de 300 euros (le quintuple s’il s’agit d’une personne morale) ([150]).

Sylvain Barone a avancé comme explication durant son audition le fait que « les magistrats sont relativement déconnectés des questions environnementales. Ils y sont peu formés et ne s’y intéressent guère, dans la plupart des cas. Les atteintes environnementales représentent 1 à 2 % du contentieux général. » ([151]).

Une dynamique de structuration et de renforcement de cette dimension de la protection de la ressource

Un effort de suivi des suites données au contrôle et de coordination avec les juridictions est engagé. Des actions sont déjà entreprises pour améliorer la coordination entre police de l’eau et juridictions afin que les actions soient suivies d’effets. L’établissement de protocoles communs entre l’OFB, le préfet et le procureur a ainsi été demandé ([152]).

Il est également en projet que des comités opérationnels de défense de l’environnement soient mis en place, dans le but de coordonner les suites données aux contrôles. L’objectif premier est que les contrôles ayant révélé des situations non conformes soient suivis d’effets ([153]).

Une spécialisation des juridictions et des magistrats sur les enjeux environnementaux est à l’œuvre. La tendance est ainsi une meilleure prise en compte du respect du droit de l’environnement, ce qui se traduirait par une spécialisation de certains magistrats ([154]) sur ces questions et la tenue d’audiences spécialisées, notamment relatives aux atteintes faites à l’eau ([155]).

La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée tend ainsi à spécialiser des juridictions en matière environnementale ([156]).

La volonté du Gouvernement de permettre une meilleure appropriation des questions environnementales par les magistrats est réelle. Le ministère de la Justice a ainsi édicté en 2015 une circulaire sur la politique pénale en matière d’environnement. La Chancellerie avait alors œuvré à des protocoles d’accord en vue d’une coopération des équipes judiciaires sous l’autorité des magistrats ([157]).

Par ailleurs, la Chancellerie a ainsi envoyé à tous les parquets de France une note relative à l’OFB et aux prérogatives des inspecteurs de l’environnement ([158])

Dans la même perspective, l’OFB s’investit dans des projets de formation et de sensibilisation des magistrats. Une convention avec l’École nationale de la magistrature devrait se finaliser bientôt, tandis que les programmes de formation qui existaient sous l’égide de l’ONCFS et de l’AFB ont toujours cours ([159]).

M. Pascal Lagrabe, a exprimé devant la commission son ressenti d’une bonne réception par les magistrats de ce renforcement du droit de l’environnement au sein de leur formation et de leur action, en raison notamment d’un phénomène générationnel, les jeunes magistrats se montrant très sensibles aux enjeux environnementaux ([160]).

Malgré ces avancées, M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’OFB, a reconnu lors de son audition par la commission d’enquête qu’il restait beaucoup d’efforts à fournir afin de former toute la chaîne de la procédure de police et judicaire ([161]).

De plus, si la commission d’enquête partage l’avis de M. Pascal Lagrabe lorsqu’il a rappelé lors de son audition l’utilité des alternatives aux poursuites et le souci de garder la prévention de la récidive comme objectif premier des procédures de sanction ([162]), le rapporteur estime que le volet répressif de la politique pénale en matière d’environnement doit néanmoins occuper une place plus importante. Ceci afin de réaffirmer le fait que porter atteinte à l’environnement, c’est à la fois porter atteinte à la société et manquer à ses devoirs d’être humain, mais aussi afin d’éviter que les acteurs économiques viennent à porter atteinte à la ressource à la faveur de calculs rationnels sur le faible risque pénal encouru.

Proposition n° 14 : Renforcer la politique pénale en matière d’atteinte à la ressource en eau, en accroissant les moyens de la justice environnementale, en spécialisant la formation des magistrats et en alourdissant les peines prononcées.

Des moyens de l’État qui ne semblent pas cohérents avec les ambitions de la politique de l’eau

L’organisation et les moyens de l’État et des opérateurs publics dans la protection de la ressource

Une action normative et de régulation qui repose sur une administration centrale mais surtout sur des opérateurs et des services déconcentrés 

L’État exerce à titre principal sa mission de protection de la ressource en eau par l’entremise d’administrations centrales, déconcentrées et d’opérateurs.

La direction de l’eau et de la biodiversité, qui appartient à la DGALN au sein du ministère de la transition écologique, contribue à élaborer le droit. Elle anime, en lien avec les préfets, les services déconcentrés, DREAL et DDT. Elle exerce la tutelle de certains opérateurs clefs de la politique de l’eau, en particulier celle de l’OFB et des agences de l’eau ([163]).

Au niveau des opérateurs, l’Office français de la biodiversité (OFB), est un établissement public issu, au 1er janvier 2020, de la fusion de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) avec l’Agence française pour la biodiversité (AFB), elle-même issue, au 1er janvier 2017, de la fusion de 4 entités :

– l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), établissement public chargé de mettre la France en conformité avec la directive cadre sur l’eau et de coordonner l’appui aux agences de l’eau ;

– l’agence des aires marines protégées, en charge des parcs naturels marins ;

– le groupe d’intérêt public (GIP) Atelier technique des espaces naturels (ATEN), s’occupant de formation à l’environnement ;

– l’association des parcs nationaux de France.

L’OFB s’est vue attribuer les missions suivantes :

– la police de l’environnement et la police sanitaire de la faune sauvage, occupant une grande partie de ses agents (1 700 inspecteurs de l’environnement, répartis sur l’ensemble du territoire, dans des services départementaux) ;

– la connaissance de l’eau, des milieux aquatiques et de la biodiversité ;

– l’appui aux politiques publiques au sens large ;

– la gestion en propre, ou l’appui à la gestion d’aires protégées ;

– et la mobilisation de la société en vue d’accompagner la transition écologique en matière d’eau et de biodiversité.

L’OFB coordonne de plus les systèmes d’information sur la biodiversité, l’eau, les milieux aquatiques et les milieux marins, c’est-à-dire qu’il collecte des données.

Il dispose de 2 638 équivalents temps plein travaillés (ETPT), auxquels s’ajoutent 160 ETPT hors plafond ([164]).

Les caractéristiques et missions des agences et offices de l’eau ont été détaillées au I de la présente première partie du rapport.

Les missions de police d’eau exercées par les services déconcentrés, notamment le recueil des déclarations, l’instruction des autorisations et une part des contrôles, sont exercés par les directions départementales des territoires (DDT) et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Les compétences de police relevant du domaine de l’eau potable et de l’assainissement, qui ne ressortissent pas stricto sensu de la protection de la ressource, relèvent quant à elles des communes et de leurs regroupements ([165]).

Des moyens conjoncturellement soutenus par les crédits du plan de relance

Les recettes de l’OFB, d’un montant de 457 millions d’euros, proviennent principalement d’une contribution des agences de l’eau de 373 millions d’euros, d’un transfert du ministère pour la transition écologique de 51 millions d’euros et de 21 millions provenant des crédits ouverts au titre du plan de relance ([166]).

Le budget annuel des agences de l’eau représente environ 2,1 milliards d’euros par an depuis 2019 ([167]).

Le plan de relance viendrait contribuer à hauteur de 250 millions d’euros pour accompagner les collectivités rurales dans la modernisation de leur réseau et la remise aux normes de leurs installations ([168]). Ces montants seront gérés par les agences de l’eau (200 millions) et les offices de l’eau (50 millions) ([169]).

Les deux ministres auditionnés par la commission d’enquête, Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance ont exprimé un avis à la tonalité légèrement différente sur les moyens alloués à la politique de l’eau. Si la ministre de la transition écologique a bien souligné que « nous disposons de moyens importants », elle a ajouté : « mais je tiens à le dire clairement et en responsabilité devant votre commission d’enquête : si nous devions avoir plus de moyens, nous saurions quoi en faire ! » ([170])

Le ministre de l’Économie, des finances et de la relance a tenu à rappeler l’engagement financier de l’État en affirmant que : « je veux battre en brèche l’idée selon laquelle l’État se désengagerait du financement de l’eau. » Il a pris notamment pour preuve le plan Anti-fuites, dont l’objectif est de diviser par deux la durée du cycle de renouvellement des réseaux. Ce plan prévoit une augmentation de 50 % des aides des agences de l’eau pour les territoires ruraux, ce qui représente un investissement de 2 milliards d’euros de ces agences pour le compte de l’État d’ici à 2024 afin de soutenir le renouvellement des canalisations. Il a également insisté sur les crédits alloués dans le cadre du plan de relance, comme l’avait fait madame la ministre de la transition écologique ([171]).

Un manque de moyens en contradiction avec les ambitions françaises en matière de protection de la ressource

Malgré ces moyens, il semble exister un décalage entre les objectifs en matière de protection de la ressource et les moyens consacrés à ces objectifs.

Nombre d’auditionnés ont fait état d’un « effet ciseau » entre, d’une part, des ambitions croissantes et, d’autre part, des moyens afférents qui ne suivent pas la même dynamique ([172])

Ainsi, une série de défis se présentent à la politique de l’eau et en particulier aux opérateurs de l’État : la directive-cadre européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000 sur l’eau, dite DCE, impose d’atteindre le « bon état » des rivières, lacs et eaux souterraines, le Gouvernement porte une volonté de préservation de la biodiversité tandis que, dans le petit cycle de l’eau, les investissements à réaliser sont nombreux pour moderniser les infrastructures.

Ce sont les agences de l’eau qui ont été le plus souvent invoquées comme preuve de cet écartèlement, surtout sur le plan budgétaire ([173]). En effet, celles-ci ont vu, à la faveur de l’adoption de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, leurs compétences élargies aux enjeux de la biodiversité ([174]).

Parallèlement, leurs moyens budgétaires et humains se sont réduits, comme ceux, avec des différences notables selon les cas, de l’OFB et des services déconcentrés.

Les agences de l’eau connaissent un manque structurel de moyens au vu de l’élargissement de leurs missions

Une baisse de leur moyen qui se cristallise autour du dispositif de « plafond mordant »

Déterminé par un arrêté conjoint du ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l’action et des comptes publics, le plafond annuel de taxes et redevances perçues, dit « plafond mordant », établit le montant maximal de taxes et redevances que pourra percevoir chaque agence de l’eau durant l’année ([175]).

Les montants excédant ce plafond sont reversés au budget général de l’État. Cependant, comme l’a souligné la ministre de la Transition écologique : « En pratique, ce plafond ne s’applique pas puisque les redevances ont été réévaluées par chacune des agences. » ([176])

Le plafond mordant a été institué par la loi de finances pour 2018 ([177]), parallèlement à la suppression du dispositif précédent, un prélèvement sur les fonds de roulement des agences de l’eau – dans les faits, sur les réserves financières de celles-ci – de l’ordre de 175 millions d’euros par an sur la période 2015-2017 ([178]).

Au fil du temps, les agences se sont donc organisées collectivement pour limiter cet écrêtement, à 6,8 millions d’euros sur plus de 2 milliards d’euros de redevances en 2020. Cet état de fait complique également le pilotage des agences qui doivent préserver leur rôle de mutuelle de bassin : il existe une demande forte au sein des acteurs du bassin pour que les redevances qu’ils paient financent bien les projets du bassin.

En outre, alors que le dixième programme (2013-2018) avait plafonné les recettes à 13,8 milliards d’euros (hors part des redevances reversées à l’ONEMA/AFB), soit 2,3 milliards d’euros annuels, le onzième programme (2019-2024) verra ses recettes limitées à 12,6 milliards d’euros, soit 2,1 milliards d’euros annuels et une baisse de 9 % par rapport au précédent programme. Le plafond mordant s’ajoute donc à une baisse des recettes.

Le plafond mordant et sa dynamique sont à l’origine d’une baisse structurelle des moyens des agences de l’eau. Le plafond mordant pour les agences a baissé au fil du temps et notamment entre le dixième et le onzième programme pluriannuel d’intervention (2019-2024) selon Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie ([179]). En effet, le plafond a été abaissé en 2019 à 2,105 milliards d’euros pour cette année-là contre 2,28 milliards en 2018 ([180]). Lors de son audition par la commission d’enquête, Olivier Thibault a fait état d’une réduction de 10 % du niveau du plafond ([181]).

Selon le ministère de la Transition écologique, le dixième programme visait à fournir des aides massives pour la mise en conformité des rejets des stations d’épuration, alors que le onzième programme a rééquilibré les aides au profit du « grand cycle » de l’eau (milieux naturels, adaptation au changement climatique) et consacré l’extinction progressive des primes pour épuration et des aides à l’assainissement non collectif.

DÉtail des ressources des agences de l’eau dans le cadre du onziÈme programme

en millions d’euros

Adour Garonne

Artois Picardie

Loire Bretagne

Rhin Meuse

Rhône Méditerranée Corse

Seine Normandie

Plafond de redevances en 2021

299,54

138,74

372,07

160,92

550,43

675,92

Plafond d’autorisations d’engagement
11e programme

1 696

797

2 166

948

2 913

3 997

Plafond d’avances remboursables
11e programme

97

203

6

20

62

560

Source : Agences de l’eau

La capacité d’intervention des agences de l’eau demeure significative et elle est fixée pour la durée du programme d’intervention, ce qui donne une visibilité pluriannuelle appréciable. Mais la baisse des plafonds de recettes et de dépenses limite leurs capacités d’intervention au service des collectivités.

Le plafond mordant a pour raison d’être d’éviter un phénomène de recettes et de fiscalité excédentaires. Lors de son audition par la commission d’enquête, Bruno Le Maire a donné la justification de l’existence de ce plafond mordant. Il s’agit de faire correspondre les ressources et les besoins. Si un opérateur bénéficie de taxes affectées comme cela est le cas des agences de l’eau, il faut que le rendement de ces taxes corresponde à ces besoins. Cela implique la mise en place d’un écrêtement des ressources excédant les besoins : « Sinon, on constitue, un peu partout sur le territoire français, des réserves financières qui ne sont pas indispensables. » ([182])

La baisse du plafond permet de plus de faire participer les agences à la baisse de la pression fiscale ([183]).

En 2021, l’arrêté du 27 février 2020 relatif à la détermination du plafond annuel de taxes et redevances perçues par chaque agence de l’eau pour l’année 2020 prévoit un plafond global de 2,156 milliards d’euros ([184]). Cette hausse s’accompagne cependant de l’entrée sous plafond de la redevance pour pollution diffuse dédiée au financement du plan Écophyto national et de l’augmentation de 41 millions d’euros de la contribution des agences de l’eau à l’OFB ([185]).

Sur ce constat, certaines personnes auditionnées par la commission d’enquête ont souhaité mettre en lumière les aspects positifs du plafond mordant :

 une incitation à la priorisation des interventions : Mme Sandrine Rocard comme M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence Adour-Garonne, ont mis en avant l’incitation à la priorisation que représente le plafond mordant, ce qu’ils voient comme un élément qui peut être positif. M. Choisy a toutefois nuancé en ajoutant que : « Cette démarche nécessite toutefois un travail plus important avec les collectivités ([186]). » ;

 une baisse de la fiscalité : Mme Rocard et M. Choisy ont rappelé lors de leur audition par la commission d’enquête que le système de plafonnement était appréciable par sa contribution à la baisse de la fiscalité ([187]).

Toutefois, ce plafond mordant a des effets néfastes pour l’action des agences de l’eau.

La conséquence la plus prégnante est la baisse de la capacité d’action des agences de l’eau. En effet, les redevances constituent leurs seules ressources ([188]). M. Choisy y voit en particulier une limite potentielle pouvant « empêch[er] la mise en œuvre des actions nécessaires à la préservation du bon état des eaux. » ([189]). Le plafond mordant est donc limitant pour les capacités de financement des agences de l’eau ([190])

M. Olivier Thibault a ainsi mis en lumière que la réduction de 10 % de plafond mordant a fait diminuer d’autant les redevances mais a fait baisser de 12 % les interventions ([191])

En outre, Mme Sandrine Rocard a rapporté que le plafonnement ajoute « incontestablement » de la complexité dans la gestion de la redevance ([192]).

La priorisation et la concentration de leurs aides auxquelles sont contraintes les agences de l’eau peuvent également avoir pour effet de priver de larges pans du territoire de la possibilité d’être soutenus. Ainsi, lors de son audition par la commission d’enquête, M. Régis Banquet, président de Carcassonne agglo, a pris l’exemple du territoire de son établissement public de coopération intercommunale (EPCI), pour illustrer ce phénomène. Ainsi 10 des 83 communes de cet EPCI se situent dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) et bénéficient des subventions de l’agence de l’eau, alors qu’elles ne représentent qu’1 % de la population. Les autres n’en disposent plus du fait de l’effort de priorisation des agences de l’eau ([193]).

Enfin, la stabilisation du plafond à un niveau bas constitue une préoccupation pour les acteurs locaux de l’eau. Ainsi, M. Guillaume Choisy a mis en avant lors de son audition que : « Le plafond pourrait être délétère, pénalisant, s’il reste figé. Cette inquiétude est remontée par les présidents de comité de bassin. » ([194])

Les agences de l’eau sont de plus le principal contributeur du budget de l’OFB

Sur les ressources des agences de l’eau, 373 millions d’euros iront en 2021 abonder le budget de l’OFB, ce qui réduit d’autant la capacité d’action des agences de l’eau.

Malgré cette contribution, l’OFB rencontre également des difficultés budgétaires. Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Loïc Obled, note que le « budget primitif 2021 laissait présager des difficultés ». Toujours selon M. Loïc Obled, un budget rectificatif est venu depuis lors rétablir la situation, mais cela situe un enjeu de sous-dotation initiale ([195]).

Une situation budgétaire qui sera difficilement soutenable à terme

Malgré la diminution des moyens de leur agence, les directeurs généraux auditionnés par la commission ont voulu rappeler qu’ils conservaient des capacités d’action importantes. Ainsi, Mme Sandrine Rocard, a déclaré que « les moyens financiers sont en baisse, mais les moyens d’action restent significatifs », tandis que M. Guillaume Choisy a avancé que « le plafond a des effets d’inquiétude plus que de réalité, car nous conservons des capacités de moyens. Le modèle fonctionne encore bien. »

En revanche, il existe une vraie inquiétude sur l’avenir car les crédits du plan de relance ne pourront équilibrer les budgets de manière pérenne ([196]). Sans ces volumes de crédits pour maintenir à flot les agences de l’eau, l’écart entre les missions des agences de l’eau et leurs capacités à les mener se fera très sensible.

Proposition n° 15 : Rehausser le plafond de redevances et abaisser la contribution à l’OFB afin de conférer aux agences de l’eau des moyens à même de leur permettre d’exercer leurs missions.

Peut-être plus encore que les moyens budgétaires, les moyens humains font défaut aux services et opérateurs de l’État

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Olivier Thibault a admis que « Les effectifs se trouvent en tout cas en tension et nos agents éprouvent des difficultés à hiérarchiser l’ensemble des actions qui leur sont demandées. » Il a fourni une estimation de baisse des effectifs des services déconcentrés de l’État et des opérateurs autour de 2 % par an depuis bientôt une dizaine d’années « au point de se retrouver désormais en tension » ([197]).

Il a cependant nuancé ce constat en avançant que « malgré tout que le système demeure efficient et que l’État est généralement capable de réagir en cas de problème majeur » ([198]).

S’agissant spécifiquement de l’OFB, Sylvain Barone a utilisé devant la commission d’enquête une image frappante pour montrer sa sous-dotation humaine. Il a avancé qu’à ce jour, les équivalents temps-plein (ETP) de contrôle de l’OFB ont chacun à leur charge 1 000 kilomètres de cours d’eau, si l’on opère une simple division ([199]).

Sans démentir ce calcul, la ministre de la Transition écologique et M. Olivier Thibault ont répondu que cet indicateur n’est certainement pas le plus pertinent pour juger de la capacité de contrôle de l’OFB ([200]). La ministre a également rappelé que l’OFB n’est pas la seule institution accueillant des agents en charge de la police de l’eau. Les DREAL et les DTT exercent également cette compétence et sont en conséquence dotés des moyens humains correspondants ([201]).

Il n’en reste pas moins que, si les effectifs ont été maintenus en loi de finances pour 2020, ils ont connu une baisse de 0,7 % dans le projet de loi de finances pour 2021, avec la suppression de 20 ETP ([202]). Depuis 2018, l’OFB a perdu au total 38 ETPT par rapport à ceux dont bénéficiaient alors l’ONFCS et l’AFB ([203]).

En sus, lors de son audition par la commission d’enquête, M. Loïc Obled a fait état d’un surcroît de sollicitation des agents de l’OFB, en raison de la complexification du droit et d’une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux. Ils sont saisis ou reçoivent des plaintes par les citoyens en plus du programme de contrôle qu’ils ont pu établir. Ils éprouvent donc des difficultés à répondre à ces demandes. Par ailleurs, l’attribution de la mission de mobilisation de la société à l’AFB a conduit à la réaffectation d’une partie des personnels à cette nouvelle mission. De la même manière, la priorité accordée aux parcs naturels marins s’est traduite par une augmentation des effectifs affectés à ces parcs, à la suite une nouvelle fois de redéploiements internes ([204]).

Lors de son audition, Mme Sandrine Rocard, a mis en relief que les moyens humains sont bien plus limitants que les moyens financiers pour les agences de l’eau. En effet 25 % des effectifs ont été supprimés en 10 ans. Elle a immédiatement après formulé un constat simple, partagé par la commission d’enquête : « Nous avons besoin de personnes sur le terrain ([205]). » 

Si une baisse sur la dernière décennie des effectifs des services déconcentrés a été enregistrée comme le soulignait M. Olivier Thibault, l’engagement a maintenant été pris de sanctuariser les effectifs de police dans les services départementaux, pour qu’ils puissent assurer leur mission ([206]).

Si l’État n’abandonne pas la politique de l’eau et en particulier la politique de protection de la ressource, il doit assumer ses louables ambitions en la matière en proposant d’octroyer aux opérateurs de l’État et aux services déconcentrés des moyens à la hauteur des missions attribuées.

Proposition n° 16 : Engager une trajectoire de formation et de remontée des effectifs des opérateurs de l’eau et des services déconcentrés en charge de la police de l’eau, avec pour cible minimale la récupération des emplois supprimés depuis dix ans.

La gestion locale de la ressource : SDAGE, SAGE et démocratie de l’eau

Un modèle français marqué par l’ambition d’une gestion démocratique de l’eau organisée au niveau du bassin et du sous-bassin

Le système de gouvernance par bassin via des agences de l’eau a été créé par la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution (dite loi sur l’eau de 1964) ([207]).

Un bassin versant se définit comme un territoire arrosé par un même réseau hydrographique cohérent, par exemple un fleuve et tous ses affluents ([208]).

La France est actuellement découpée en sept bassins métropolitains et cinq bassins ultramarins.

Les offices de l’eau ont été créés par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, dans chaque département ultramarin sauf Mayotte, avec des missions proches de celles des agences de l’eau ([209]).

Les agences et offices de l’eau en France

Carte des 11 grands bassins hydrographiques français

Source : système d’information sur l’eau Rhin-Meuse https://rhin-meuse.eaufrance.fr/

Les institutions locales de l’eau

Les institutions délibérantes

Les comités de bassin définissent les grands axes de la politique de l’eau de chaque agence de l’eau. Elle adopte un volet financier propre à l’agence, les programmes d’intervention ([210]).

Il est constitué :

– pour 40 %, d’un collège composé d’un député et d’un sénateur, de représentants des conseils départementaux et régionaux et, majoritairement, de représentants des communes ou de groupements de collectivités territoriales compétents dans le domaine de l’eau ;

– pour 20 %, d’un collège composé de représentants des usagers non économiques de l’eau, des milieux aquatiques, des milieux marins et de la biodiversité, des associations agréées de protection de l’environnement et de défense des consommateurs et des instances représentatives de la pêche ainsi que de personnalités qualifiées ;

– pour 20 %, d’un collège composé de représentants des usagers économiques de l’eau, des milieux aquatiques, des milieux marins et de la biodiversité ainsi que des organisations professionnelles ;

– pour 20 %, d’un collège composé de représentants de l’État ou de ses établissements publics concernés ([211]).

La commission locale de l’eau (CLE) est chargée d’élaborer, de suivre la mise en œuvre et de réviser les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE, cf. infra).

Les CLE sont composés de trois collèges :

– un collège des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux disposant au minimum de la moitié du total des membres de la CLE ;

– un collège des usagers, des propriétaires fonciers, des organisations professionnelles et des associations disposant au minimum du quart du total des membres de la CLE ;

– un collège des représentants de l’État, disposant au maximum du quart du total des membres de la CLE ([212]).

Un mode de gouvernance participatif qui constitue l’originalité et la force de la politique locale de l’eau en France. La gouvernance locale de l’eau associe donc toutes les catégories de parties prenantes : des élus, des autorités administratives, des usagers domestiques, économiques et récréatifs et des associations de protection. Cette configuration constitue une originalité au sein du paysage institutionnel français ([213]). On peut y voir une forme de démocratie participative ([214]), à laquelle les interlocuteurs de la commission ont rappelé leur attachement ([215]).

Les agences et les offices de l’eau constituent les institutions « exécutives » de la politique de l’eau au niveau du bassin

Les agences de l’eau sont des établissements publics d’état ([216]), créés par la loi sur l’eau de 1964 pour mettre en œuvre la gestion de l’eau par bassin. Placées sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, elles sont financées par des redevances réinvesties dans des aides aux collectivités, aux acteurs économiques et agricoles pour financer des actions favorisant la reconquête du bon état de l’eau ([217]). La compétence de la gestion de l’eau potable et de l’assainissement reste confiée aux collectivités locales.

En Outre-mer, les offices de l’eau ont été créés le 13 décembre 2000 sur le modèle et avec des prérogatives similaires à celles des agences de l’eau en métropole ([218]).

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (dite loi biodiversité), les agences de l’eau voient leurs compétences s’étendre aux enjeux de la biodiversité ([219])

Les schémas directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux représentent les feuilles de l’action de protection de l’eau au niveau local

La loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, dite loi sur l’eau de 1992, a créé un dispositif de planification visant à la bonne gestion de l’eau au niveau du bassin. Ce dispositif s’incarne dans chaque bassin ou groupement de bassin dans un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Le SDAGE établit pour six ans les orientations essentielles de la politique de l’agence de l’eau. Le SDAGE, s’appuyant sur un état des lieux des différents cours d’eau et nappes du bassin, fixe des objectifs environnementaux à atteindre et un programme de mesures associées permettant de faire progresser l’état des eaux du bassin. ([220]) Il constitue pour la France les « plans de gestion » des eaux prévus par la directive 2000/60/CE – cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dite DCE. Il est élaboré et adopté par le comité de bassin. L’agence de l’eau, les services déconcentrés de l’État et l’OFB assurent le secrétariat technique durant la phase d’élaboration ([221])

Au niveau des sous-bassins sont élaborés des schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) quand la situation locale exige un effort particulier de préservation de la ressource ([222]).

En cohérence avec le SDAGE, les SAGE doivent établir les trajectoires pour permettre une bonne gestion de l’eau au niveau local ([223]).

Le SAGE est un outil planification de la ressource en eau et des milieux aquatiques, prévu comme les SDAGE par la loi sur l’eau de 1992 ([224]), à l’échelle d’une unité hydrographique cohérente, celle d’un sous-bassin versant.

Le SAGE comprend un plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD), qui rassemble les objectifs et dispositions et un règlement qui édicte les règles à appliquer pour atteindre les objectifs fixés ([225]).

Les dispositions du PAGD sont opposables aux décisions administratives prises dans le domaine de l’eau, ainsi qu’aux documents d’urbanisme tels que le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et le plan local d’urbanisme (PLU) en l’absence de SCoT (cf. supra). Les services chargés de la police de l’eau doivent veiller au respect de ces règles, lors de leurs opérations de contrôle ([226])

Le SAGE est élaboré et adopté par la CLE et le secrétariat technique est assuré par la structure porteuse de la CLE. Le choix de la structure porteuse dépend du contexte local ([227]). Le SAGE prend force réglementaire via un arrêté préfectoral. Sa mise en œuvre et sa révision sont assurées par la CLE, assistée par la structure porteuse.

Ce modèle subit des critiques sur son caractère démocratique et sa pertinence au vu de la dynamique de raréfaction de la ressource

Une composition des assemblées qui laisserait une place trop restreinte à la société civile

Plusieurs personnes auditionnées par la commission d’enquête ont souhaité mettre en avant des déséquilibres dans la représentation des différentes parties prenantes.

De manière générale, il a été souvent regretté une proportion des votes réservée aux membres de la société civile trop restreinte dans les différentes commissions, ce qui les confinerait à un rôle quasi consultatif en pratique ([228]).

Au niveau des CLE, la majorité des voix accordée à un seul type d’acteurs du territoire, à savoir les collectivités, a été identifiée par Mme Christine Lecoanet, membre de la CLE du SAGE de la nappe des grès du Trias inférieur (SAGE du secteur de Vittel) comme un symptôme de ce déséquilibre ([229]).

Les associations environnementales ont en particulier exprimé un ressenti de sous-représentations au sein des assemblées locales de la politique de l’eau et ont appelé à un rééquilibrage des pouvoirs ([230]). À titre d’exemple, au sein de la CLE du SAGE de la nappe des grès du Trias inférieur (SAGE de la nappe des GTI), les associations de protection de l’environnement sont au nombre de quatre sur un total de 46 membres.

Ce poids prépondérant est accompagné d’une donne institutionnelle d’un collège au poids important, celui de l’État, qui a l’habitude de voter collectivement dans un seul sens ([231]). Cela semble logique au vu de la nécessité de cohérence dans l’action de l’État, mais dans le cas par exemple de la CLE du SAGE de la nappe des grès du Trias inférieur, cela implique qu’une fois que l’État a arrêté son choix, la position qui a sa faveur recueille avant toutes choses déjà 9 votes sur 46.

Lors de son audition, M. Simon Burner a regretté l’absence de citoyens au sein de la gouvernance de l’eau. Il est vrai qu’ils n’y sont pas représentés autrement que par l’entremise de leurs élus locaux ([232]).

Lors de l’échange à Vittel avec la délégation de la commission d’enquête, M. Daniel Grémillet, président de la coopérative Ermitage et membre à ce titre du collège des usagers, des propriétaires fonciers, des organisations professionnelles et des associations de la CLE du SAGE de la nappe des GTI, a exprimé quant à lui un sentiment de sous-représentations des acteurs économiques au sein de la CLE ([233]). Ces acteurs disposent de 4 sièges sur 46 au sein de cette CLE.

Lors des échanges avec la délégation de la commission d’enquête à Vittel, certains élus locaux estimaient que la répartition des sièges au sein de la CLE est satisfaisante et qu’elle permet à chacun de faire valoir ses opinions. Si la place des collectivités est aussi forte, elle peut se justifier par le fait que les élus locaux représentent les citoyens et leurs intérêts, ce qui justifie une place prépondérante afin de conserver à la démocratie locale une traduction concrète en capacité d’action.

Si les membres de la commission d’enquête sont très sensibles à cet argument et s’associent à l’idée que les élus locaux doivent conserver le plus grand nombre de sièges au sein des CLE, ils estiment qu’il serait bon de rééquilibrer la répartition au profit des associations environnementales et des associations d’usagers. En effet, la ressource en eau va malheureusement aller en se raréfiant et les conséquences environnementales de son utilisation vont se faire plus prégnantes encore qu’aujourd’hui. Il existe donc le besoin d’adapter les institutions à cette nouvelle donne en renforçant le poids des acteurs chargés exclusivement de la défense des intérêts environnementaux du territoire et des utilisateurs domestiques de la ressource.

Proposition n° 17 : Accroître le nombre de sièges dévolus aux associations environnementales et aux associations d’usagers au sein des CLE et comités de bassin.

Un besoin de clarification des collèges des CLE

Au sein des CLE, l’ensemble des représentants de la société civile est rassemblé au sein d’un seul collège, qui accueille donc les usagers, les propriétaires fonciers, les usagers économiques, domestiques et récréatifs de la ressource et les associations de protection de l’environnement. Cela est perçu par certains membres de ce collège comme une erreur de rassembler des acteurs qui n’ont en commun rien d’autre que de n’être ni fonctionnaire d’État ni élu local. Ainsi, les membres de ce collège défendent bien souvent des positions opposées entre représentants des usagers économiques qui ont besoin d’utiliser la ressource pour leur activité et associations environnementales dont la raison d’être est de prévenir les atteintes à l’environnement.

Il conviendrait donc, de diviser ce collège en deux afin d’arriver à des collèges plus cohérents ([234])

Proposition n° 18 : Diviser l’actuel collège des usagers, acteurs économiques et associations des CLE pour créer, sur le modèle des collèges des comités de bassin, un collège rassemblant la société civile ayant un usage économique de la ressource et un collège composé des représentants des usagers domestiques, récréatifs et des associations environnementales.

Une démocratie locale de l’eau qui se transformerait en réalité en négociation entre acteurs dominants

Au-delà des dispositifs institutionnels, il convient également de s’interroger sur la réalité de la gouvernance de l’eau à l’échelle locale et si elle s’exerce de manière inclusive et partagée comme le voudrait l’esprit des lois sur l’eau successives. Dans leur ouvrage Les politiques de l’eau, MM. Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux avancent que cette gouvernance relève souvent d’une « domination de certains acteurs » plutôt que d’un véritable dialogue entre toutes les parties prenantes. Ils pointent en particulier le poids des « utilisateurs de l’eau les plus riches », donc les acteurs économiques les plus puissants et les mieux organisés, au sein de la construction des politiques de l’eau ([235]).

Ce risque a pu être souligné par plusieurs personnes auditionnées. Ces mécanismes d’alliances entre acteurs dominants peuvent être illustrés par la trajectoire de la gestion locale de l’eau dans le secteur de Vittel/Contrexéville.

Le SAGE de la nappe des GTI actuellement en consultation est largement la traduction d’un protocole d’accord d’engagement des acteurs publics et privés pour la restauration quantitative des aquifères du secteur de Vittel conclu en février 2020 par les six principaux acteurs du secteur : les villes de Vittel et Contrexéville, le Syndicat intercommunal des eaux de Bulgnéville, le conseil départemental des Vosges, Nestlé Waters Supply Est et la fromagerie L’Ermitage (cf. infra). Ce protocole d’engagement volontaire, s’il a permis de réenclencher une avancée vers l’adoption d’un SAGE après l’échec du projet précédent, constitue un processus parallèle aux institutions normalement conçues pour permettre l’émergence des solutions de gestion locale de l’eau. Il n’a rassemblé que les acteurs les plus importants du secteur, dont un tiers d’acteurs économiques mais aucun usager ni association environnementale. Il contrevient en ce sens à l’esprit d’une démocratie locale de l’eau qui doit assurer la représentation de tous les types d’acteurs.

Toutefois, la séquence qui a précédé ce protocole d’engagement volontaire montre que le poids de la société civile n’est pas à sous-estimer. En effet, la CLE du SAGE de la nappe des GTI s’était accordée sur l’idée de résoudre en partie la situation de surexploitation de la nappe des GTI par l’apport d’eau depuis des secteurs sans tension. C’est en grande partie du fait de l’action des associations environnementales que ce projet a été finalement abandonné pour aller vers une logique unique de meilleure gestion de la ressource locale ([236]).

Toutefois, c’est plutôt leur action militante et de médiatisation qui a permis aux associations d’aboutir à ce résultat plutôt que leurs sièges au sein de la CLE ([237]).

Cette situation institutionnelle permet tout de même aux associations et aux usagers domestiques de participer aux débats, d’interroger et d’obtenir des réponses, d’accéder aux informations et de suivre l’évolution des travaux. En ce sens, cette place est donc déjà d’une importance considérable afin de pouvoir également mener leur action militante en dehors des institutions en leur permettant d’accéder aux interlocuteurs pertinents et aux informations de manière plus aisée.

Le cas de Volvic : un hydrosystème encore mal connu à la ressource en raréfaction qui est certainement le lieu de conflits d’usage

Une nappe glissante affectée par le changement climatique au fonctionnement encore mal connu

Situation du bassin de Volvic

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Source : document fourni lors de son audition par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

 

i.   Une nappe glissante en lien avec les eaux de surface

La nappe du bassin de Volvic est une nappe glissante : l’eau qui arrive dans l’impluvium dévale d’elle-même environ 700 mètres de dénivelé sous l’effet de la gravité et des caractéristiques géologiques.

Les eaux souterraines jaillissent en surface via des fronts de coulée, qui constituent les uniques sorties naturelles identifiées de ces eaux souterraines. Selon M. Marc Livet, hydrogéologue, sans prélèvements anthropiques, la totalité des eaux souterraines se retrouvent dans ces fronts de coulée, constitués par trois grandes sources ou résurgences, toutes situées sur la propriété de la famille de Féligonde.

Au vu de ce fonctionnement, les prélèvements dans la nappe constituent un volume quasiment équivalent en moins au niveau des résurgences ([238]). Le débat existe cependant sur la vitesse d’écoulement de la nappe et donc sur le délai et le point d’impact entre un prélèvement souterrain et son impact sur les résurgences.

Coupe du bassin de Volvic

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Source : document fourni lors de son audition par François Dominique de Larouzière

Une ressource d’une grande stabilité qui connaît une raréfaction caractérisée par une baisse du débit moyen et, de manière plus dommageable du débit d’étiage

Une baisse du débit moyen et d’étiage

Si le bassin de Volvic est extraordinairement régulier, il connaît néanmoins, comme tous les autres régimes hydrologiques, un étiage et des hautes eaux ([239]).

Le bassin de Volvic offre une ressource en eau de l’ordre de 500 litres par seconde en moyenne depuis un siècle.

Entre 2010 et 2020, cette ressource a connu une baisse significative ([240]). En 2020, le débit annuel moyen constaté était de 400 litres par seconde ([241])

Jusqu’à ces trois dernières années, le débit était relativement stable à l’étiage. Cependant, une sécheresse importante en 2019 a amené l’étiage à 290 litres par seconde ([242]).

En aval, au niveau des résurgences de la nappe, cette raréfaction de la ressource se manifeste, en particulier durant les périodes d’étiage, par un phénomène de tarissement ([243]). Ce sont donc bien les moments d’étiage qui constituent les potentielles périodes de tension sur la ressource et dans sa répartition entre les différents usages anthropiques (cf. infra). Il faut donc se garder de prendre le débit annuel moyen comme indicateur pertinent pour juger de la disponibilité de la ressource ([244]), car des manques ponctuels peuvent interdire totalement certains usages et provoquer des débats en matière de biodiversité.

Une réduction de la ressource liée à l’évolution du climat et du milieu selon les services de l’État

Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la diminution de la ressource semble plutôt liée à une baisse de la recharge par les pluies efficaces pénétrant dans la nappe ([245]). Les pluies efficaces se définissent dans le cadre d’un bassin versant comme celui de Volvic comme les eaux de pluie qui arrivent à échapper à l’évaporation et à recharger la nappe ([246]).

Cette réduction de la recharge de la nappe serait donc liée à deux phénomènes climatiques et une évolution du milieu : l’augmentation des températures, l’évolution de la répartition et de la qualité des pluies durant l’année et le rôle des forêts.

 Le réchauffement climatique peut venir amoindrir la proportion des pluies efficaces. En raison de la hausse des températures et des sécheresses, le sol naturel est plus sec et diminue l’infiltration de l’eau, qui a plus tendance à ruisseler en surface. De la même manière, si la pluie tombe au cours de périodes fortement ensoleillées, elle subit une évapotranspiration plus importante, ce qui limite son infiltration à travers les sols ([247]). L’augmentation de la température de 1,5 degré constitue une augmentation sensible. L’hydrogéologue coordonnateur du département avait estimé la perte de ressource liée à l’évapotranspiration à 50 litres par seconde sur cette hypothèse d’augmentation ([248]).

L’évolution de la répartition des pluies, dont le volume global est dans l’ensemble stable au sein de l’année ([249]), serait responsable d’une perte d’entre 35 et 60 litres par seconde ([250]).

Enfin, une perte de l’ordre de 30 litres par seconde est liée à l’accroissement de la surface occupée par les forêts ([251])

Certaines des personnes auditionnées par la commission d’enquête s’opposent cependant à cette vision d’une réduction de la ressource liée à des phénomènes climatiques et environnementaux.

M. Robert Durand, hydrogéologue, fait notamment valoir que la nature poreuse et perméable de l’impluvium permet une excellente infiltration de toutes les pluies tombant sur celui-ci. Selon lui, l’impact climatique n’est pas caractérisé et en conséquence : « nous devrions donc retrouver les mêmes débits qu’à l’époque. » ([252]). M. François Dominique de Larouzière, géologue des systèmes volcaniques et membre de l’association Protection des entrées sur les volcans d’Auvergne (PREVA) partage cette position et avance que la porosité de l’impluvium protège également largement des phénomènes d’évapotranspiration ([253]). M. Jacky Mass, président de l’association PREVA, défend également ce point de vue ([254])

Dans les éléments qu’il a communiqués au rapporteur de la commission d’enquête, Météo France a indiqué une hausse des températures, un assèchement des sols de janvier à septembre et un volume de pluviométrie globalement stable. À l’avenir, Météo France prévoit une poursuite de la hausse des températures, une hausse faible des précipitations annuelles (avec une tendance plus nette pour la saison hivernale) et une hausse plutôt modérée de la sécheresse des sols. À l’horizon moyen et lointain, l’assèchement pourrait être très marqué.

Une connaissance lacunaire du bassin et de son fonctionnement

Le suivi du bassin est assuré par huit piézomètres, tous situés en amont de la masse d’eau sur laquelle prélèvent les forages majeurs du bassin. Ce choix de positionnement a été opéré pour évaluer l’état écologique, chimique et quantitatif de la masse d’eau ([255]). Ce positionnement des piézomètres constitue pour M. François Dominique de Larouzière, géologue des systèmes volcaniques et membre de l’association Protection des entrées sur les volcans d’Auvergne (PREVA) un problème, car il ne permet pas l’évaluation des effets des prélèvements anthropiques ([256])

Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU - Eaux souterraines et changement global du BRGM a informé la commission d’enquête que « malheureusement, nous ne connaissons pas très bien le fonctionnement de cet hydrosystème. Aucune étude générale n’ayant encore été menée, nous pouvons seulement nous appuyer sur les éléments factuels fournis par le réseau piézométrique. » ([257]). M. Frédéric Bonnichon, maire de Châtel-Guyon, président de la communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans est allé jusqu’à dire que « l’une de nos grandes difficultés collectives est que nous ne connaissons pas assez cet aquifère. La réunion de décembre 2020 a surtout reconnu le besoin de mieux connaître cet aquifère » ([258]).

Une exploitation anthropique multiforme de la nappe et de potentiels conflits d’usage

Un usage de la ressource en eau marqué par des prélèvements et une exploitation piscicole

Les prélèvements autorisés sur l’impluvium se répartissent de la façon suivante : deux tiers des prélèvements le sont en faveur de l’eau potable ; le tiers restant est consacré à l’usage industriel de la Société des eaux de Volvic (SEV) ([259]).

Les prélèvements pour l’approvisionnement de la population en eau potable

Des autorisations de prélèvements pour l’alimentation en eau potable sont reconnues au syndicat mixte des utilisateurs d’eau de la région de Riom (SMUERR) et à l’intercommunalité Riom Limagne et Volcans.

Le SMUERR, qui approvisionne plus de 60 000 habitants, exploite la galerie du Goulet depuis 1982 pour un volume maximum annuel prélevable de 5,3 millions de mètres cubes (m3). Il alimente deux autorités organisatrices : l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) Riom Limagne et Volcans et le syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable (SIAEP) de la plaine de Riom.

L’intercommunalité Riom Limagne et Volcans est quant à elle autorisée à prélever 400 000 m3 par an ([260]).

En 2020, le SMUERR a distribué 4,2 millions de mètres cubes d’eau. Ce volume a diminué d’entre 800 000 et un million de m3 depuis une dizaine d’années. Cette réduction est le fruit de travaux d’amélioration du rendement des réseaux ([261]).

L’intercommunalité Riom Limagne et Volcans est également engagée dans une démarche d’amélioration de l’efficience de ses prélèvements. Les fuites ont été divisées par deux ce qui s’est traduit par une amélioration du rendement pour atteindre un niveau de 70 %. Le projet devant permettre de poursuivre cette progression est la création d’un syndicat intercommunal qui gèrerait les interconnexions ([262]).

La Société des eaux de Volvic

Le principal acteur industriel prélevant de l’eau du bassin de Volvic est la Société des eaux de Volvic (SEV). Société minéralière appartenant au groupe Danone depuis 1993, le SEV emploie 900 salariés, qui sont accompagnés de 200 à 300 intérimaires et sous-traitants selon les périodes de l’année ([263]).

Cette société réalise des prélèvements dans l’aquifère de Volvic depuis 1965 ([264]). La première autorisation octroyée à la SEV lui conférait un droit de prélèvement de 4,3 litres par seconde (136 636 mètres cubes (m3) annuel) ([265]).

La SEV s’est vue autorisée à accroître ses prélèvements pour accompagner son développement économique, jusqu’à un volume maximal accordé en 2000. C’est à cette date que la SEV a obtenu une autorisation de 88,6 litres par seconde (2 794 440 m3 annuel) ([266]).

Par arrêté pris en application du code de l’environnement, le préfet du Puy-de-Dôme a autorisé le 28 novembre 2014 des prélèvements pour une durée de 18 ans, permettant à la SEV d’exploiter la ressource en eau minérale de cinq forages sur la commune de Volvic. Grâce à cet arrêté, à la précédente limite annuelle maximale de prélèvements de 2 794 440 m3 se sont ajoutées une limite mensuelle de 272 304 m3 et une limite journalière de 11 040 m3.

La SEV a ainsi prélevé :

 2,7 millions de m3, soit 97 % du volume autorisé, en 2017 ;

 2,65 millions de m3 en 2018 ;

 2,43 millions de m3 en 2019 ;

 et 2,33 millions de m3 en 2020.

Les volumes utilisés par la SEV sont donc en nette baisse sur les quatre dernières années ([267]).

Les prélèvements de la SEV font l’objet d’une attention particulière. Chaque ouvrage de prélèvement de la SEV est équipé d’un compteur permettant de comptabiliser les prélèvements effectués. Ces mesures sont transmises par la SEV aux services de l’État ([268]). Ces services réalisent un contrôle administratif de ces données brutes en les analysant et en réalisant un rapport. Des contrôles inopinés peuvent aussi être réalisés par les installations classées pour la protection de l’environnement, pour relever et vérifier les compteurs. Dans le cas de Volvic, un contrôle annuel a été mis en place depuis 5 ans, ce qui se situe au-dessus de la moyenne du département sur l’ensemble des industriels ou préleveurs agricoles ([269]).

Les deux derniers contrôles inopinés ont eu lieu les 5 et 20 août 2020 ([270]).

Ce dispositif de contrôle n’a jamais révélé d’infraction de la SEV à son autorisation.

Des mesures de préservation de la ressource ont été mises en œuvre

Au moment de l’autorisation de 2014, les services de l’État ont mis en place plusieurs mesures dans l’optique de préservation de la ressource.

Il a été fixé une limitation des prélèvements à l’échelle journalière et mensuelle (en plus du débit maximal et moyen annuel) afin de préserver l’aquifère de prélèvements ponctuels trop importants ([271]). Ces limitations sont les mêmes quelles que soient les périodes de l’année ([272]).

Ensuite, un comité de suivi annuel a été mis en place, qui est présidé par le sous-préfet de Riom, ainsi qu’un dispositif de surveillance par des prélèvements réalisés grâce aux huit piézomètres du BRGM.

Enfin, l’article 10 de l’arrêté d’autorisation ouvre la possibilité d’une révision des niveaux de prélèvements pour garantir, si besoin, la pérennité des prélèvements destinés à la consommation humaine ([273]).

La SEV s’est engagée dans une démarche de réduction de ses prélèvements.

Entre 2017 et 2020 et avec des ventes constantes, la SEV a réduit de 380 millions de litres d’eau ses prélèvements.

Cela s’explique en partie par la réduction du ratio litre prélevé/litre embouteillé. Il est ainsi passé de 1,95 à 1,4 entre 2014 et 2021 grâce à des investissements ([274]).

Une exploitation pisciculture fait usage de l’eau jaillie des sources

En dehors de quelques autres prélèvements négligeables, un autre usage significatif de la nappe de Volvic est une exploitation piscicole, propriété de M. Édouard de Féligonde. L’élevage piscicole, sur ce site de Saint-Genest-l’Enfant où les eaux de la nappe jaillissent en surface, serait très ancien, puisque M. de Féligonde a fait état de traces d’élevages de truites datant du XIIIe siècle. Contrairement aux deux usages précédemment développés, la pisciculture ne prélève pas d’eau mais l’utilise comme milieu d’élevage pour les poissons.

La raréfaction des résurgences place certains usages en souffrance et a des conséquences environnementales

M. De Féligonde et l’association PREVA font état de diminution importante voire d’extinction des débits des fronts de coulée (résurgences des eaux en aval) depuis 2017 lors des périodes d’étiage. Le BRGM constate aussi une tendance au tarissement des sources (cf. supra). Cette diminution saisonnière du débit des eaux de surface engendre plusieurs conséquences dommageables du point de vue économique, de l’approvisionnement en eau potable pour certains projets de logement mais aussi du point de vue de la biodiversité.

Un impact fort sur l’activité piscicole

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. de Féligonde a témoigné des difficultés que connaît son exploitation. La première rupture d’eau connue par l’exploitation est intervenue en 2017 selon M. de Féligonde. Depuis cette année-là, la pisciculture est en rupture d’eau cinq mois par an. Le manque d’eau est la cause de la mort des poissons au sein de l’exploitation de M. de Féligonde.

Le pisciculteur fait état d’un préjudice direct supérieur à 26 millions d’euros et d’autres préjudices qui n’ont pas encore été évalués. M. de Féligonde a intenté en 2018 des procédures contentieuses contre Danone, le SMUERR, le syndicat d’adduction d’eau potable de la région de Riom (SAEP) et l’État ([275])

Une raréfaction qui pourrait venir remettre en cause l’accès à l’eau potable dans certaines zones du secteur

Le président de la communauté d’agglomération M. Frédéric Bonnichon Riom Limagne et Volcan, intercommunalité qui est service instructeur d’urbanisme pour ses communes, a indiqué à la commission d’enquête avoir préconisé aux maires des communes de Charbonnières-les-Varennes et de Volvic de rendre un avis défavorable à une vingtaine de demandes de permis de construire. Cette décision a été prise sur la base d’une incertitude d’être en mesure de fournir suffisamment d’eau à l’horizon des quinze ou vingt prochaines années ([276])

Cet élément apparemment à plusieurs égards troublant. Il révèle, si besoin en était, une méconnaissance de l’hydrosystème et de son évolution.

Il interroge également sur la priorisation des usages de l’eau dans la zone. En effet, l’article L. 211-1 du code de l’environnement, prévoit une hiérarchisation des usages de l’eau. Au premier rang de cette hiérarchie figurent les exigences en matière de santé et de salubrité publique, de sécurité civique et d’alimentation en eau potable. Or, l’on pourrait s’interroger sur la bonne application de cette disposition au bassin de Volvic.

Des élus veulent restreindre la capacité d’installation dans certaines zones d’habitants en vertu d’un potentiel manque à venir de la ressource en eau, dans une zone où un acteur industriel prélève à lui seul un tiers de la capacité annuelle de la ressource et sans qu’il ait été fait état d’une éventuelle restriction à venir de ses prélèvements. Si l’acteur industriel occupe une place économique et sociale centrale au sein de ce territoire, il semble disproportionné de refuser quelques permis de construire pour un motif d’une éventuelle indisponibilité à venir de la ressource au vu des volumes prélevés par la SEV.

Ces deux éventuels « conflits d’usage » sont les deux seuls portés à la connaissance de la commission d’enquête.

Au-delà des conflits d’usage, M. Marc Livet, M. Édouard de Féligonde et l’association ont rapporté à la commission d’enquête les conséquences de la réduction des débits des sources sur la biodiversité. La faiblesse voire l’absence de débits est selon eux la cause de la mort et de la disparition d’animaux et de végétaux dépendants de l’écoulement continu de l’eau, par exemple les salamandres sur la propriété de M. de Féligonde ([277]).

Une surexploitation, à confirmer, de la nappe en période d’étiage et de sécheresse

Le principal débat autour d’une éventuelle surexploitation et mauvaise répartition de la ressource porte sur le lien entre les prélèvements en amont (SEV et eau potable) et le tarissement des sources en aval durant les périodes d’étiage.

Les prélèvements de la SEV en périodes d’étiage et son exemption de réduction de ses prélèvements lors des périodes de sécheresse sont vus par certains acteurs comme injustes et causes de dommages écologiques et économiques

En effet, la baisse de la ressource avancée par l’État touche tout particulièrement la période d’étiage. Le débit à cette période peut être plus d’un quart inférieur au débit annuel moyen. Si la SEV consommait le même volume d’eau toute l’année, elle consommerait mécaniquement une proportion plus importante en période d’étiage.

Une saisonnalité de l’activité de la SEV qui accroît sa consommation lors des périodes d’étiage

La saisonnalité de l’activité de la SEV fait que les prélèvements sont plus importants durant les périodes chaudes (qui coïncident avec les périodes d’étiage) pour répondre à l’augmentation de la demande. Cette saisonnalité est de l’ordre de 20 à 30 % ([278]). En sus, il existe une contemporanéité de la hausse des ventes et des prélèvements car la SEV embouteille et distribue quasiment sans stockage. Cette absence de stockage est fondée sur des motifs économiques ([279]), car l’eau plate embouteillée pourrait, de l’avis même des professionnels du secteur, être conservée au moins plusieurs mois sans que cela ne pose de problème d’un point de vue sanitaire ou gustatif ([280]).

Si les niveaux d’étiage sont plus bas qu’auparavant, que les prélèvements de la SEV sont au plus haut, et que les uniques débouchés de la nappe sont les sources en aval, il apparaît raisonnable de penser que ces épisodes où la ressource est la plus en tension doivent avoir un impact sur les débits des sources. L’enjeu est de savoir l’intensité de l’impact de ces points bas et surtout le délai de répercussion entre les prélèvements et une baisse des débits des sources.

Une absence de limitations des prélèvements de la SEV lors des périodes d’étiage et même de sécheresse qui est dénoncée par certains acteurs

L’un des points majeurs de discorde se forme autour des prélèvements de la SEV durant les périodes de sécheresse.

Un nouvel arrêté cadre « sécheresse », l’arrêté cadre n° 20210587 du 1er avril 2021 planifiant les mesures de préservation des ressources en eau en période d’étiage, a été pris par le préfet du Puy-de-Dôme. Si cet arrêté permet au préfet de demander aux industriels la mise en place d’un plan d’utilisation rationnelle de l’eau sur les zones sous tension (actuellement en rédaction par la SEV) ([281]), il ne prévoit pas l’application des mesures de restriction aux prélèvements en profondeur de la SEV.

Cette exemption suscite notamment l’ire de l’association PREVA qui trouve anormal que l’un des plus grands préleveurs puisse conserver son rythme de prélèvements tandis que les autres acteurs sont eux contraints dans leurs usages. Il appelle à sa modification ([282]).

L’État justifie cette actuelle exemption par l’absence de preuves d’un lien entre les prélèvements de la SEV et les résurgences immédiates des eaux souterraines. Lors de son audition par la commission d’enquête, le préfet du département a indiqué que l’État n’avait pas de certitude sur le fait qu’une réduction des prélèvements de la SEV en période d’étiage ou de sécheresse permettrait d’alléger immédiatement la contrainte sur les eaux de surface. Il a avancé qu’ « en l’état de nos connaissances, il faudrait quatre ans pour que la réduction des prélèvements de la Société des eaux de Volvic ait une incidence directe sur le milieu naturel. Restreindre les prélèvements de Volvic ne présente donc aucun intérêt. […] Nous n’allons pas restreindre un industriel – qui fait vivre 900 salariés sur le territoire – si, en l’état de nos connaissances, cela ne produit aucune incidence sur le milieu. » Le préfet a tout de même ajouté que s’il avait connaissance que diminuer les prélèvements de la SEV pourrait avoir une incidence rapide sur les eaux de surface et les milieux, il utiliserait les facultés ouvertes par l’article 10 de l’arrêté du 28 novembre 2014 (cf. supra) ([283]).

Lors de l’audition de ses représentants par la commission d’enquête, l’État a indiqué travailler sur l’établissement du délai d’incidence entre les prélèvements et les résurgences en aval, dit « temps de transfert », s’il se confirme qu’il existe une incidence. Cette étude doit venir clarifier un lien qui est pointé par les associations sur la base notamment d’augmentation du débit des sources peu après des arrêts ponctuels des prélèvements de la SEV ([284]).

Des mesures de protection de la ressource déjà en œuvre ou programmées

Selon Marc Livet, « c’est l’un des bassins versants les plus encadrés. Le mérite en revient à la Société des eaux de Volvic, qui a constitué avec toutes les communes une structure de gestion de l’ensemble du bassin qui veille à la préservation de l’environnement. On dispose de tous les éléments nécessaires pour assurer une protection optimale de ce bassin, contrairement à beaucoup d’autres ([285]). »

Lors de son audition, le préfet du département a indiqué au rapporteur que les comités de suivi organisés depuis 2014 ont permis d’identifier les actions suivantes en vue de la préservation de la ressource :

– un travail d’adéquation entre les besoins et les ressources dans le cadre d’un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), mis en place cette année ;

– la poursuite de la connaissance sur les eaux souterraines de l’aquifère afin de préciser leur temps de renouvellement ;

– la poursuite de l’accompagnement de la SEV dans les économies d’eau : cet effort passera notamment par la mise en œuvre de son plan d’utilisation rationnelle de l’eau ;

– la poursuite de l’accompagnement des collectivités territoriales dans l’amélioration des rendements de leurs réseaux. Le rendement dans le Puy-de-Dôme est de 62 % en moyenne, ce qui laisse des marges de progrès importantes. Le plan de relance de l’agence de l’eau Loire – Bretagne accorde pour la première fois des subventions pour améliorer ces réseaux sujets aux fuites ;

– la création d’un comité de transparence autour de l’enjeu de la ressource en eau, qui s’est réuni pour la première fois en décembre 2020 ;

– La création d’un syndicat départemental de l’eau, actuellement en discussion entre le préfet du département et le président du conseil départemental.

L’établissement d’un diagnostic du fonctionnement et la limitation des ruptures dans le fonctionnement normal de la nappe sont à mener au plus tôt

Un travail de connaissance de la nappe à fournir sans délai

Parmi les auditionnés, un consensus est partagé autour d’un manque de compréhension fine de la nappe.

La commission d’enquête reprend à son compte la demande de densification du réseau de surveillance piézométrique du BRGM, déjà exprimée par la mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau de juin 2020 ([286]).

Proposition n° 19 : Compléter le système piézométrique du bassin de Volvic pour établir le délai de transfert des prélèvements en profondeur sur les résurgences et densifier le réseau national de surveillance piézométrique en le faisant passer de 1 775 à 2 000 points à l’horizon 2024.

Afin d’espérer une répartition de la ressource acceptable par tous, la première étape consiste certainement en l’acquisition d’une connaissance fine de l’hydrosystème local. Il convient surtout de pouvoir s’assurer du degré et des délais d’impact des prélèvements destinés à l’eau potable et de la SEV sur les sources en aval. Une donnée également clef sera de pouvoir établir une cible de débit minimal des résurgences du bassin, suffisant pour permettre les usages humains sans prélèvements et les services environnementaux.

Proposition n° 20 : Produire au plus tôt une étude hydrologique indépendante et exhaustive du bassin de Volvic, destinée à servir de base de travail les débats et l’élaboration de solutions éclairées.

Un effort dans l’efficience et la coordination des usages à poursuivre

Il est important de continuer à faire des efforts et d’optimiser les usages, notamment pour préparer les évolutions climatiques de demain qui viendront certainement raréfier plus encore la ressource ([287]).

La rupture du cycle de la nappe doit être limitée aux seuls volumes nécessaires à l’activité

La SEV va étudier la possibilité de réinjecter dans la nappe les eaux qu’elle prélève mais n’embouteille pas, pour le lavage notamment, à des endroits qui permettront à l’eau de reprendre son cours vers l’aval et leur sortie par les fronts de coulée ([288]).

Si le traitement de ces eaux permet de garantir leur qualité, il s’agit d’une poche importante de ressources pour permettre de maintenir des débits suffisants des sources en aval. Si la SEV veut maintenir son niveau de prélèvement, elle a tout intérêt à investir de manière adéquate pour aboutir à ce résultat.

Le même effort devra être produit pour les eaux destinées à la production d’eau potable qui ne sont pas injectées dans le réseau domestique.

Proposition n° 21 : Restituer au milieu naturel et en particulier aux nappes souterraines les eaux prélevées de manière excédentaire et les eaux industrielles traitées.

Dans l’attente d’une connaissance fine du fonctionnement de la nappe, une application du principe de précaution à tous les usages en période d’étiage

L’État ne dispose pas de certitudes quant au lien entre les prélèvements de la SEV et l’assèchement des sources en aval et ses conséquences économiques et environnementales. Toutefois, il ne peut apparemment pas l’exclure non plus, car il va mener des études afin d’éclaircir ce point.

En conséquence, l’application du principe de précaution, tel que prévu par l’article 5 de la Charte de l’environnement ([289]), pourrait inviter le préfet à utiliser la faculté ouverte par l’article 10 de l’arrêté d’autorisation de prélèvements accordé à la SEV en 2014 afin de minorer les prélèvements de la SEV avant, et durant les périodes d’étiage les plus sévères. Bien calibrées, ces réductions pourraient être compensées par la SEV par une utilisation plus poussée de ses autorisations de prélèvements durant les périodes des hautes eaux. Cela viendrait en revanche dégrader sa rentabilité en l’obligeant à embouteiller par anticipation et stocker les bouteilles. Toutefois, s’il est prouvé que les prélèvements de la SEV ne peuvent être la cause de la réduction du débit des résurgences en période d’étiage et de sécheresse, le préfet pourrait revenir immédiatement au régime préexistant.

Proposition n° 22 : Prévoir la réduction des autorisations de prélèvements des eaux destinées à l’embouteillage avant et durant les périodes d’étiage, sauf lorsqu’il peut être démontré que ces prélèvements n’ont pas d’impact rapide sur les nappes et les milieux supérieurs.

Le cas de Vittel : d’une surexploitation d’une ressource à la recherche d’une gestion partagée et soutenable de la ressource

La gestion de la ressource en eau dans le secteur de Vittel lui semblant être un cas emblématique pour son sujet d’étude, une délégation de la commission d’enquête s’est rendue sur place les 9 et 10 avril 2021. Ce déplacement a permis aux membres de la délégation de rencontrer un panel quasi exhaustif des acteurs locaux de l’eau mais surtout d’effectuer, d’une part, des visites de sites illustrant le potentiel impact de la surexploitation des eaux et, d’autre part, des installations de Nestlé Waters dans les Vosges.

L’hydrosystème du secteur de Vittel : la centralité de la nappe des grès du Trias inférieur (GTI)

Caractéristiques de la nappe des grès du Trias inférieur

La nappe des grès du Trias inférieur (nappe des GTI) est une des principales ressources en eau de l’ancienne région Lorraine. Il s’agit d’une nappe captive, à la recharge donc lente et avec une communication avec les autres aquifères et les milieux de surface limitée. Dans le département des Vosges, elle présente un contexte hydrogéologique particulier, avec une eau de très bonne qualité mais une capacité de recharge limitée dans le secteur de Vittel (cf. infra([290]). La qualité de son eau la rend exploitable pour des usages industriels (embouteillage, fromagerie etc.) et pour la production d’eau potable. Une portion de cet aquifère constitue le gîte hydrominéral C.

Dans l’étude Caractérisation des déficits piézométriques dans la partie Sud de la nappe des grès du Trias inférieur en Lorraine d’avril 2004, le BRGM a proposé de distinguer le périmètre du SAGE (cf. infra) en trois zones : sud-ouest, sud-est et nord. Le secteur de Vittel est le secteur sud-ouest ([291]).

Capacité de la ressource et évolution de la nappe des grès du Trias inférieur

Le BRGM a réalisé une modélisation en 2013 pour déterminer quel volume d’eau pouvait être prélevé dans cet aquifère. Deux facteurs géologiques majeurs font que la ressource dans le secteur sud-ouest est relativement limitée, en regard de la masse considérable de la nappe des GTI dans son ensemble.

Elle est tout d’abord compartimentée dans l’ouest des Vosges par deux failles : la faille dite « de Vittel », d’orientation est/ouest et la faille dite « de Relanges » d’orientation nord-est/sud-ouest. Ces failles constituent des barrières qui isolent presque parfaitement les différents secteurs les uns des autres ([292]).

Les secteurs de la nappe des GTI


Source : Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

En sus, dans ce secteur de l’ouest des Vosges, la recharge de la nappe des GTI est faible, car les affleurements des grès du Trias inférieur sont peu étendus et situés à contre pendage du sens d’écoulement de la nappe. La part des précipitations qui s’infiltrent est donc moins importante qu’ailleurs dans la nappe des GTI ([293]).

La recharge annuelle de la nappe des GTI dans ce secteur a été établie à 2,1 millions de m3. Il a été constaté sans doute possible que le volume de prélèvements était supérieur à la capacité de recharge de la nappe des GTI. Elle est donc, encore à ce jour, surexploitée. Le BRGM a également constaté une baisse significative de cette nappe. ([294]) Le déficit s’est creusé à compter des années 1970 ([295]).

Un hydrosystème qui offre d’autres ressources que la nappe des grès du Trias inférieur

L’attention s’est largement focalisée sur la nappe des GTI, car c’est elle qui est actuellement la plus exploitée et dont la surexploitation est connue. Il existe néanmoins d’autres eaux souterraines exploitables et exploitées dans le secteur. Toutefois, elles sont en règle générale moins propices aux prélèvements (qualitativement et quantitativement selon les cas) et sont donc moins bien connues et modélisées ([296]).

Il existe ainsi la masse d’eau souterraine des calcaires et argiles du Muschelkalk. Cet aquifère est actuellement peu exploité pour l’approvisionnement en eau potable des populations, en raison notamment de sa minéralisation par endroit. Cette minéralisation la rend en effet impropre à la potabilisation. Certaines portions de cet aquifère constituent les gîtes hydrominéraux dits A et B. Par ailleurs, cet aquifère est concerné par des pollutions aux nitrates. Le gîte est en liaison avec le milieu superficiel et beaucoup plus sensible au changement climatique à moyen et long terme que le gîte C ([297]).

Caractéristiques du territoire

Le territoire du schéma d’aménagement et de la gestion des eaux (SAGE) est un territoire relativement peu peuplé (densité de 36,4 habitants au km², contre une moyenne nationale de 105,1 habitants), avec une population concentrée dans quelques villes (Vittel, Contrexéville, Mirecourt, Charmes). Le bassin de population est composé de 59 243 habitants. Le territoire est en décroissance démographique depuis les années soixante-dix. Le territoire du SAGE compte 20 271 emplois et se caractérise par une forte présence industrielle et agricole. Les emplois dans l’industrie représentent 20 % des emplois du territoire (12,1 % en moyenne nationale) et les emplois dans le secteur de l’agriculture représentent 7,2 % des emplois du territoire (2,6 % en moyenne nationale) ([298])

Des prélèvements anthropiques qui sont la cause d’une surexploitation de la nappe des grès du Trias inférieur

Deux grands types d’acteurs opèrent des prélèvements sur les masses d’eau souterraines dans le secteur sud-ouest du SAGE. En premier lieu les collectivités locales et intercommunalités pour l’approvisionnement en eau potable de la population, puis la société minéralière Nestlé Waters, propriétaire des marques Vittel, Contrex et Hépar pour sa production d’eau minérale embouteillée.

i.   Les prélèvements anthropiques se répartissent entre les trois gîtes hydrominéraux déjà cités

Ces gîtes sont physiquement séparés sous terre par des espaces peu perméables de plusieurs dizaines de mètres ([299]).

Gîte A

Le gîte A est exclusivement utilisé à des fins d’embouteillage (cf. supra). Il est exploité par Nestlé Waters pour ses marques Hépar et pour une partie de sa production Contrex. Les volumes de prélèvement sont globalement stables entre 2007 et 2017, dans une fourchette comprise entre 800 000 et 900 000 m³ par an, dont 1/3 au nord de la faille de Vittel. En 2019, le volume prélevé s’est établi à 796 200 m³ ([300]), et à 752 276 m3 en 2020 ([301]).

Les mesures piézométriques réalisées ne mettent pas en lumière de tendance significative à la hausse ou à la baisse de cet aquifère ([302]).

Gîte B

Le gîte B est exploité par Nestlé Waters pour sa production « Vittel Grande Source » (eau de la marque Vittel destinée à la commercialisation en France) et pour une partie de sa production Contrex. Ces prélèvements sont compris entre 1,2 et 1,3 million de m³ par an. La société a prélevé 1,19 million de m3 dans ce gîte en 2020 ([303]).

Elle est également exploitée par des collectivités publiques pour la production d’eau potable à hauteur de 300 000 à 350 000 m³/an (315 261 m3 en 2017). 

Selon le plan d’aménagement et de gestion durable du SAGE et les réponses des services de l’État lors de l’audition du 22 avril 2021, cette nappe n’est pas en tension quantitative ([304]).

Gîte C

S’agissant des usages économiques, ce gîte est exploité pour la production de l’eau minérale « Vittel Bonne source » destinée à l’export et pour le thermalisme ([305]).

Les prélèvements effectués dans le gîte C via des forages, ce gîte étant situé en profondeur, ont connu un développement important à partir des années 1960 et jusqu’aux années 1990, notamment dans le secteur de Vittel/Contrexéville. Cette croissance est le fait d’une augmentation de l’exploitation industrielle mais également d’une démarche de substitution de leurs prélèvements dans des eaux moins profondes par des prélèvements dans le gîte C par les collectivités publiques. En effet, le gîte C constitue une ressource fiable tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, les masses moins profondes étant peu à peu touchées par les pollutions de surface ([306]).

La surexploitation connue concerne la nappe des GTI ou gîte C

La consommation d’eau dans la nappe a atteint un niveau haut dans le secteur sud-ouest avec 3 millions de m³ prélevés annuellement. La recharge annuelle de la nappe des GTI dans ce secteur étant de 2,1 millions de m³, un déficit chronique s’est installé. Cette situation a eu pour conséquence des baisses importantes des niveaux d’eau de la nappe, en particulier dans le secteur de Vittel/Contrexéville ([307]).

La baisse des niveaux atteint 6,01 à 13,12 mètres entre 1975 et 2020 selon la localisation des forages, avec une moyenne de baisse 13 à 28 centimètres par an. Cette baisse tend néanmoins à se ralentir sur les dernières années ([308]).

La surexploitation est toujours caractérisée avec des volumes prélevés de l’ordre de 2,6 millions de m3 ([309]).

Évolution piézométrique dans le secteur sud-ouest de la nappe des GTI

Source : Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

Le cumul des prélèvements, dans le secteur sud-ouest en déficit, montre une tendance nette à la baisse pour les usages industriels et d’une faible croissance pour les usages domestiques et assimilés. En 2010, les prélèvements totaux des industriels s’établissaient à 1 540 356 mètres cubes, et en 2019 à 1 025 224 mètres cubes, soit une baisse de 33 %. Cette baisse se traduit par un passage d’une part de 47 % de la consommation réalisée par les industriels en 2010 à 39 % en 2019 ([310]). De 2015 à 2019, les prélèvements destinés à l’alimentation en eau potable ont quant à eux progressé de 2,5 %, soit 38 000 m3 ([311]).

Évolution des volumes prélevés par usage dans le secteur sud-ouest

Source : Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

Les prélèvements effectués par les collectivités : des rendements globalement satisfaisants qui pourraient se voir encore améliorés

Dans le secteur sud-ouest, les prélèvements pour la production d’eau potable sont réalisés par trois syndicats intercommunaux d’eau et quatre communes ([312])

Dans le même secteur, le rendement moyen des réseaux d’eau potable s’élevait à environ 78 % en 2019 ([313]). La perte que représentent les 22 % de fuites s’élève à 430 000 m³ annuel. Ce rendement est cependant très varié d’une collectivité à l’autre. Certaines petites communes isolées présentent un rendement de l’ordre de 30 ou 40 %. Les collectivités publiques ont pris conscience de la nécessité d’améliorer les performances de leurs réseaux et leurs investissements peuvent s’inscrire, notamment, dans les plans d’aide des agences de l’eau ([314]).

La DDT a par ailleurs engagé en 2020 une opération de lutte contre les fuites en direction des collectivités ([315]).

Des prélèvements et consommations industriels qui représentent encore près de 40 % de la consommation totale

La société Nestlé Waters dispose de ses propres forages dans la nappe des GTI dans le secteur sud-ouest. En 2020, elle a prélevé environ 752 000 m3 dans le gîte A, 1,18 million de m3 dans le gîte B, 495 716 m3 dans le gîte C dans le secteur sud-ouest et 85 000 m3 dans le gîte C dans le secteur nord ([316]).

Elle bénéficie d’une autorisation préfectorale de prélèvements dans le gîte C de 1 000 000 m³ par an (arrêtés préfectoraux n° 415/2011 du 16 février 2011, n° 1488/2015 du 4 août 2015, n°52/10 du 6 janvier 2011 et n°1782/2001 du 18 juillet 2001). La société a déjà diminué de moitié ses prélèvements dans le gîte C secteur sud-ouest depuis 2010 ([317])

Nestlé Waters bénéficie aujourd’hui d’autorisations pour 65 forages au total dans les trois gîtes, dont seuls 25 sont exploités, dont 40 (15 sur le gîte A, 25 sur le gîte B) bénéficient de droits sur titre en application du régime d’antériorité à la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau. Aucun dossier de forage n’est donc en cours de régularisation ou d’instruction ([318]). L’ensemble des ouvrages bénéficie d’une autorisation selon les services de l’État ([319]) et Nestlé Waters ([320]). Certaines associations environnementales, dont le collectif Eau 88, avancent que neuf forages de Nestlé Waters sont illégaux, et ont donc effectué deux signalements au procureur d’Épinal en mai 2020.

Le dernier contrôle des ouvrages de prélèvement de Nestlé Waters a été réalisé par la direction départementale des territoires (DDT) en octobre 2020 et aucune non-conformité n’a été relevée ([321]). Les services de la DDT ont ainsi contrôlé dix ouvrages des gîtes A, B ou C, dans le cadre du plan de contrôle validé en mission interservices de l’eau et de la nature (MISEN). Ces contrôles portent cependant bien davantage sur l’état structurel de l’ouvrage et les conditions de son exploitation et de sa préservation, que sur la réalité des volumes prélevés ([322])

L’exploitation de l’eau minérale reste l’industrie la plus importante du bassin d’emploi : le groupe emploie 916 personnes au sein de son site des Vosges ([323]).

Lors de son déplacement dans les Vosges, la délégation de la commission d’enquête a été conduite à une décharge sauvage de bouteilles plastiques à They-sous-Montfort par le collectif Eau 88. Si la terre et la végétation qui recouvrent la décharge rendent difficile d’en apprécier les dimensions, celles-ci sont sans nul doute considérables. Ces décharges non-autorisées seraient le fait des prédécesseurs de Nestlé Waters sur le site ([324]), et dateraient des années 1960 et 1970 ([325]).

Lors de leur audition par la commission d’enquête, les élus locaux ont affirmé n’avoir jamais eu connaissance de cette décharge, ni de celle enfouie à Saint-Ouen-les-Parey avant que la presse s’en soit fait l’écho ([326]). Le préfet et les services déconcentrés de l’État ont formulé la même affirmation ([327]). Depuis que ces faits ont été portés à sa connaissance par voie de presse, le préfet a indiqué avoir saisi la justice avec les services de la gendarmerie et la police de l’environnement. La découverte de ces décharges donnera également lieu à des actions administratives ([328]).

Les représentants de Nestlé Waters ont quant à eux indiqué avoir eu connaissance de ces décharges depuis 2014. Entre 2014 et 2019, les experts de Nestlé Waters hydrogéologues ou chimistes de l’eau, ont procédé à des études et analyses de ces décharges ([329]).

La société a engagé en 2019 un diagnostic avec une société extérieure spécialisée dans la gestion des déchets qui « permettra d’envisager les mesures les plus adaptées à adopter, et nous travaillerons dans cette optique avec les autorités publiques et les maires ([330]). » Les résultats du diagnostic seront fournis à Nestlé Waters durant l’été. Les représentants de Nestlé Waters ont indiqué n’avoir pas prévenu de la situation l’État avant le début de l’année 2021.

On peut cependant s’interroger sur le silence et l’inaction, en dehors des éléments d’analyse et de diagnostic, de Nestlé Waters entre 2014 et 2019.

La coopérative Ermitage est une coopérative fondée en 1931, tournée vers la fabrication fromagère, exclusivement pour des fromages à croûtes lavées ([331]). Elle dispose d’une fromagerie située sur les communes de Bulgnéville et Saulxures-les-Bulgnéville. La fromagerie est alimentée par le Syndicat des Eaux de Bulgnéville et de la Vallée du Vair. La coopérative paie d’ailleurs son eau à un tarif supérieur à celui appliqué aux particuliers ([332]).

Elle dispose d’une autorisation pour une utilisation d’un volume de 650 000 m³ par an (arrêté préfectoral n°1325/2014 du 20/06/2014) mais consomme actuellement 400 000 m3 à l’année ([333])

La société a réalisé des investissements importants depuis 2007 pour améliorer l’efficience de son utilisation de l’eau, dont une partie est recyclée. Sa consommation d’eau a ainsi baissé de près de 20 % sur les dix dernières années, tandis que sa production croissait ([334]).

L’eau est pour l’Ermitage une « matière première » nécessaire à sa production et non un objet de commercialisation en tant que tel, comme cela est le cas pour Nestlé Waters. Cette matière première représente un coût majeur pour l’Ermitage, parmi les quatre coûts les plus importants ([335]), ce qui incite naturellement la coopération à maîtriser sa consommation.

Par ailleurs, la coopérative produit de l’eau via ses procédés industriels de traitement du lait. Ainsi, la coopérative rejette dans le milieu naturel plus d’eau retraitée, avec 610 000 m3, qu’elle n’en consomme ([336]).

La coopérative compte des effectifs salariés de 692 équivalents temps pleins (ETP), soit une progression de 18 % par rapport à 2010 ([337]).

VOlumes prélevés pour les usages industriels dans la nappe des gti dans le secteur sud-ouest


Source : Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

Un objectif de retour à l’équilibre et de recharge de la nappe des GTI qui s’incarne dorénavant dans le schéma d’aménagement et de gestion des eaux actuellement en cours de concertation

i.   Au cours d’un processus long et heurté, les acteurs locaux se sont peu à peu engagés dans une démarche de protection de la ressource

Le constat de baisse du niveau de la nappe des GTI a conduit en premier lieu à la signature d’un décret soumettant à autorisation préfectorale les forages de plus de 40 mètres de profondeur dans le secteur de Vittel / Contrexéville / Mirecourt.

En 2004, le déficit chronique n’ayant pas été résorbé, une zone de répartition des eaux couvrant sept cantons de l’ouest vosgien est définie par arrêté préfectoral. Cela a conduit à reconnaître réglementairement le déficit chronique de la nappe des GTI, et à renforcer le régime des autorisations de prélèvement au titre de la loi sur l’eau, en abaissant le seuil d’autorisation de 80 mètres cubes par heure à 8 mètres cubes par heure ([338]).

En 2009, les SDAGE des bassins Rhin-Meuse et Rhône-Méditerranée-Corse prévoient l’élaboration d’un SAGE dans l’ouest vosgien au vu du mauvais état quantitatif de la ressource en eau, afin de définir collectivement un usage durable de la ressource ([339]). Le périmètre du SAGE est établi par arrêté préfectoral la même année, et la commission locale de l’eau (CLE) est créée en 2010.

Entre 2011 et 2013, la CLE produit l’état initial et le diagnostic.

Entre 2013 et 2016, la CLE délibère autour de tendances et de plusieurs scénarios. En avril 2016, la CLE adopte une stratégie directrice pour SAGE : « Combler le déficit par des mesures d’économies d’eau et des mesures de substitution ».

En 2016, la section locale de l’association Anticor effectue un signalement au procureur de la République relatif à un conflit d’intérêts allégué de la présidente de la CLE et adjointe au maire de Vittel Claudie Pruvost, dont l’époux était cadre chez Nestlé Waters ([340]). Des poursuites pour prise illégale d’intérêts ont été engagées contre Mme Pruvost. L’audience est prévue en septembre 2021 ([341]). Mme Pruvost a depuis lors démissionné de son poste de présidente de la CLE ([342]).

En juillet 2018, la CLE fixe l’objectif de retour à l’équilibre de la nappe des GTI en 2021. L’écart entre le niveau d’équilibre et le niveau des prélèvements serait compensé par l’apport d’eau depuis l’extérieur du secteur sud-ouest pour l’approvisionnement en eau potable.

Une concertation s’engage autour de ce projet. En 2019, l’opposition des associations environnementales, d’une partie des élus et de la population locale interrompt le projet de substitution, autrement connu sous le nom de « pipeline » ou « aqueduc ». L’opposition se cristallise notamment autour d’un projet vu comme donnant la priorité aux usages industriels, la ressource pour la production d’eau potable devant être allée chercher ailleurs, entraînant des coûts liés à la création et l’entretien des nouveaux réseaux ou d’interconnexion ([343]).

Afin de sortir de l’impasse, des élus du territoire saisissent le comité de bassin Rhin-Meuse. Par une délibération du 18 octobre 2019, le comité de bassin propose aux acteurs locaux une solution alternative pour le SAGE, abandonnant le projet d’apport extérieur d’eau et se focalisant sur une meilleure utilisation des ressources locales ([344]) . En outre, à la suite de cette délibération du comité de bassin Rhin-Meuse, un changement majeur d’approche a été opéré. Si le SAGE devait à l’origine concerner uniquement la nappe des GTI, les travaux engagés depuis 2010 ont rendu clair le besoin de considérer l’ensemble des masses d’eau souterraines exploitables. Il a donc été décidé de poursuivre via une démarche multi-nappes ou multi-gîtes.

Cette délibération s’est traduite localement dans un protocole d’accord d’engagement des acteurs publics et privés pour la restauration quantitative des aquifères du secteur de Vittel conclu en février 2020 par les six principaux acteurs : les villes de Vittel et Contrexéville, le Syndicat intercommunal des eaux de Bulgnéville, le conseil départemental des Vosges, Nestlé Waters Supply Est et la fromagerie L’Ermitage. Présenté par le préfet de département à la CLE de janvier 2020, cet accord visait dans l’immédiat à achever la rédaction du SAGE, à créer un observatoire des masses d’eau souterraines du périmètre du SAGE, à réduire les prélèvements. La trajectoire de retour à l’équilibre de la nappe des GTI établie par ce protocole est pour le moment respectée.

Il développe également le projet de rétrocession de forages par Nestlé Waters à la ville de Vittel (cf. infra). À plus long terme, cet accord pose le principe de l’élaboration de contractualisations de type « contrat territorial eau climat (CTEC) » ([345]). L’association « Adduction d’eau potable GTI Vosges », créée le 19 janvier 2021, constituée entre les principales collectivités prélevant dans la nappe des GTI pour l’alimentation en eau potable (Ville de Vittel, ville de Contrexéville, SIE de Bulgnéville, SIE de l’Anger, Communauté de communes Terre d’Eau), aura vocation à élaborer et à mettre en œuvre ces CTEC ([346]). Le projet de SAGE (cf. infra) reprend la logique générale et des dispositions de ce protocole.

Le SDAGE Rhin-Meuse 2016-2021 prévoit enfin que, sauf exception, aucune nouvelle autorisation de prélèvement ne doit être délivrée dans la partie captive de la nappe des GTI ([347]).

Le 16 avril 2021, le projet de SAGE a été adopté par la CLE. Les différents services experts devront être consultés sur la délibération du 16 avril. Le projet sera ensuite soumis à une enquête publique, probablement de novembre 2021 à janvier 2022. À l’issue de ces étapes, un nouveau projet de SAGE sera soumis à délibération définitive à la CLE en mars 2022. Il prendra ensuite force réglementaire sous la forme d’un arrêté préfectoral ([348]).

En accord avec la position de la ministre de la transition écologique, si l’on peut regretter que la conclusion d’un accord fixant une trajectoire crédible de retour vers une exploitation soutenable de la nappe des GTI a pris si longtemps depuis les premiers signes de surexploitation, on peut se réjouir de ce SAGE ambitieux et équilibré ([349]).

i.   Le SAGE adopté vise un retour à l’équilibre au plus tard en 2027 l’équilibre grâce à des réductions de prélèvements de la ressource en eau partagées entre les acteurs

Le principe directeur du SAGE adopté est de permettre le maintien et la conciliation de tous les usages au sein d’une trajectoire vers une utilisation soutenable de la ressource locale d’eau ([350]).

Les objectifs du SAGE

L’objectif principal du SAGE est d’« atteindre l’équilibre quantitatif au plus tard en 2027 et recouvrer les capacités naturelles de régénération de la nappe des GTI, sans porter préjudice, ni quantitatif, ni qualitatif, aux autres masses d’eau. »

L’autre objectif majeur est de préserver les conditions d’un développement durable du territoire tout en maintenant la priorité accordée à l’approvisionnement en eau potable.

Les mesures du SAGE

La réalisation des objectifs du SAGE passera par une réduction des prélèvements dans la nappe des GTI dans le secteur sud-ouest tout en ne mettant pas en péril le fonctionnement d’autres masses souterraines ou des milieux superficiels ([351]).

Pour le secteur sud-ouest, le SAGE vise l’équilibre au plus tard 2027, avec un point de passage à 2,4 millions de m3 prélevés par an au maximum en 2024 ([352]). Cette trajectoire doit permettre d’engager dans un second temps une régénération de la nappe des GTI ([353]). Elle passera notamment par les dispositions ci-dessous.

Si le SAGE adopte l’approche multi-gîtes préconisée par les associations environnementales membres de la CLE, celles-ci désapprouvent ce SAGE. Elles avancent en effet que la logique reste la même que celle du projet abandonné en 2019, avec une priorité maintenue aux usages industriels et l’essentiel des efforts portés par les collectivités et les particuliers ([354]). Selon ces associations, ce sera aux collectivités et aux particuliers de s’organiser et de supporter l’essentiel des coûts pour réduire leurs prélèvements et en transférer une partie vers le gîte B ([355]).

De manière plus générale, les associations environnementales auditionnées par la commission font état d’une « rupture de confiance » à l’égard des représentants de l’État et des élus locaux, chargés de la défense de l’intérêt général ([356]).

Le SAGE prévoit une réduction des pertes d’eau par les collectivités via l’amélioration des réseaux. Les réseaux des collectivités alimentés par les forages situés dans le secteur sud-ouest ont des rendements variant de 60 à 82 %, pour un rendement théorique total de 78 % ([357]). Les pertes d’eau représentent 22 % du volume injecté dans les réseaux, soit un volume de 420 000 m³ en 2019. L’économie d’eau est estimée à 160 000 m³ si les communes de Contrexéville, Lamarche, Martigny les Bains, Sérécourt, Vittel, le Syndicat de l’Anger, le syndicat de Bel Air, le syndicat des eaux de Bulgnéville et de la vallée du Vair et le syndicat de Damblain et du Creuchot atteignent un rendement de 85 % et à 60 000 m³ supplémentaires si les communes de Vittel et Contrexéville atteignent un rendement de 90 % ([358]).

Les collectivités pourront bénéficier du soutien de l’État pour mener cette amélioration de leur réseau.

Lors de son audition par la commission d’enquête le 22 avril 2021, le préfet du département des Vosges, a indiqué qu’il veillerait à accompagner les collectivités et leurs regroupements en syndicats intercommunaux, grâce aux outils d’intervention de l’État en aide à l’équipement que sont la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et plus précisément la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ([359]).

En outre, le secteur de la zone de répartition des eaux est prioritaire pour le programme d’intervention de l’agence de l’eau Rhin-Meuse. M. Marc Hoeltzel, directeur général de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, lors de son audition par la commission d’enquête le 22 avril 2021, a fait part que dans le cadre de la dynamique engagée par le protocole, l’agence de l’eau est déjà en contact avec un certain nombre de communes. Si les taux des aides ne sont pas garantis car elles dépendent de divers critères, un financement à hauteur de 60 % est prévu pour les communes éligibles, ce qui constitue le financement de l’agence le plus élevé sur l’ensemble du bassin. Il est également à comparer avec les financements de 10 % à 20 % ou les avances remboursables qui étaient les instruments classiques du précédent programme.

M. Marc Hoeltzel estime qu’atteindre des rendements de 85 % « est largement à la portée de notre programme d’intervention d’ici 2027 » ([360]).

L’approche multi-gîte adoptée par le SAGE s’incarnera dans le transfert de certains prélèvements de la nappe des GTI vers d’autres ressources souterraines qui ne sont pas en tension. Afin de diminuer les prélèvements dans la nappe des GTI, les différentes catégories d’usagers pourront substituer certains prélèvements dans le gîte C par des prélèvements sur des ressources qui ne sont pas en tension dans certaines zones du gîte B ([361]).

Le SAGE fait ainsi mention du projet de rétrocession à la commune de Vittel d’un ou de plusieurs forages dans la nappe des calcaires des Muschelkalk appartenant à Nestlé Waters. Des études vont être lancées pour examiner la capacité de production et les impacts des prélèvements. Cette rétrocession s’effectue en contrepartie de l’abandon par la ville de Vittel de ses prélèvements dans la nappe des GTI. La réduction des prélèvements dans la nappe des GTI serait de 300 000 à 350 000 m³ par an ([362]). L’agence de l’eau s’est dite prête à signer un partenariat avec la ville de Vittel pour l’aider à renouveler ses forages et effectuer un transfert vers le gîte B et pour financer les travaux qui seraient nécessaires pour connecter ce forage au réseau de Vittel ([363]). Des essais de pompage seront réalisés au deuxième semestre de l’année 2021, ce qui permettra de vérifier les volumes qui pourront être prélevés. Si le projet ne rencontre pas d’embûche majeure, les prélèvements pourraient approvisionner Vittel d’ici 2024 ([364]).

Toute solution de substitution, avant sa mise en œuvre, devra faire l’objet d’une étude détaillée pour démontrer sa soutenabilité quantitative et qualitative pour la masse d’eau souterraine et pour les milieux superficiels ([365]). La commission d’enquête tient à insister sur ce point étant donné la connaissance lacunaire des volumes prélevables de manière soutenable au sein du gîte B. Lors de son audition par la commission d’enquête, Jean-Jacques Gaultier, député des Vosges et ancien président de la CLE a déclaré que : « Dix ans de relevés piézométriques seront en l’occurrence nécessaires pour quantifier la possibilité du transfert du gîte C vers le gîte B. Cela ne signifie pas qu’il faudra attendre dix ans pour commencer à restaurer l’équilibre de la nappe des GTI ([366]). » Les acteurs locaux semblent en effet avoir la certitude que si la capacité du gîte B n’est pas établie, la réserve en eau de la nappe B est très importante et permet de commencer l’effort de substitution ([367]).

Cela passe par des études d’impact comme celle que devra adjoindre Nestlé Waters concernant l’ensemble de ses forages à sa demande actualisée de modification d’autorisation environnementale. Cette nouvelle demande d’autorisation entraînera une enquête publique, avec passage en conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) pour permettre la prise des arrêtés sur les gîtes A et B ([368]).

Certaines associations environnementales membres de la CLE auditionnées par la commission d’enquête, dans cette situation d’incertitude, ne partagent pas la confiance des élus locaux, de l’État et des industriels dans la capacité du gîte B à venir compenser des réductions de prélèvements dans le gîte C. Elles pointent la méconnaissance du fonctionnement des nappes superficielles et des relations entre les nappes et avec le milieu superficiel. Elles craignent que des transferts vers des nappes plus superficielles du gîte B affectent les milieux superficiels ([369]). Ces associations, rassemblées au sein du collectif Eau 88, ont conduit le 9 avril 2021 la délégation de la commission présente dans les Vosges a constaté l’assec d’un cours d’eau, le Petit Vair, à une période de l’année où les nappes souterraines devraient être au plus haut et sans qu’une sécheresse ait encore eu lieu. Cet exemple vient interroger sur la réalité de la capacité des nappes superficielles à supporter de nouveaux prélèvements de grand volume. Ces mêmes associations avaient auparavant montré à la délégation la mort d’arbres centenaires dans le parc thermal de Vittel, morts qu’elles attribuent à l’asséchement du sous-sol où les arbres plongent leurs racines.

La commission d’enquête tient à rappeler que si les collectivités avaient opéré un transfert depuis le gîte B vers le gîte C dans les années 1960 et 1970, c’était en raison d’une ressource à la fois abondante, dont on pouvait être sûr qu’elle serait présente en volume et en qualité suffisante tout au long de l’année. La qualité de ce gîte avait permis d’assurer un prix de l’eau bas à la population. Un mouvement de retour, même partiel, vers des prélèvements dans les nappes plus superficielles du gîte comporte le risque que le prix de l’eau augmente ([370])

Le retour à l’équilibre de la nappe des GTI passera également par des économies d’eau par les particuliers et les collectivités publiques. En plus de la réduction des fuites dans les réseaux, d’autres mesures pour réaliser des économies d’eau sont possibles. Elles peuvent concerner les particuliers, les agriculteurs, les entreprises ou les collectivités. Si on ne retient que trois mesures identifiées comme ayant le meilleur rapport coût/efficacité dans le SAGE, les économies d’eau pourraient être de l’ordre de 64 000 m³ ([371]).

L’agence de l’eau de l’eau Rhin-Meuse est désireuse d’élargir la contractualisation avec les collectivités à d’autres types de travaux comme les dispositifs hydroéconomes pour les particuliers, avec des modalités de financement de l’ordre une fois encore de 50 à 60 % ([372]).

Lors de sa rencontre avec la délégation de la commission d’enquête à Vittel le 9 avril 2021, M. Robert Muller, président de l’Association de défense, d’éducation et d’information des consommateurs (ADEIC) et membre de la CLE a affirmé que si chacun doit prendre ses responsabilités dans l’effort de meilleure gestion de la nappe des GTI, il ne faut pas croire que ce sont les gouttes d’eau des consommateurs qui vont permettre de trouver la solution. Il a également mis en avant que si les industriels sont un bienfait pour le territoire via les emplois qu’ils procurent et le lait que la coopérative de l’Ermitage achète aux agriculteurs, il faut se garder de faire porter la majorité du poids financier du retour à l’équilibre sur les consommateurs, qui ne portent pas de responsabilité spécifique dans la situation de surexploitation ([373]).

La rationalisation de la consommation des industriels contribuera à la sortie de la situation de surexploitation. Nestlé Waters s’est engagé à baisser ses prélèvements à moins de 500 000 m³ par an dès 2021, soit une économie de 219 000 m³ par rapport la période 2016-2019. Ce niveau viendra être sanctuarisé par un nouvel arrêté préfectoral fixant un volume maximum prélevable de 500 000 m³ par an, actuellement en élaboration ([374]).

Les associations environnementales auditionnées demandent quant à elles que Nestlé Waters réduise ses prélèvements de 500 000 m3 à 200 000 m3 d’ici à 2023 afin de rétablir l’équilibre dans la nappe des GTI, au vu de sa responsabilité spécifique dans la surexploitation de la nappe à des fins lucratives ([375]).

Par ailleurs, Nestlé Waters vise à poursuivre la baisse de ses prélèvements via le projet Water ReUse. Via la réutilisation des eaux claires industrielles, Water ReUse doit permettre d’arrêter de prélever de l’eau destiné à des usages industriels dans la nappe des GTI. L’économie d’eau devrait être de 70 000 m3 la première année de mise en œuvre et de 70 000 m3 supplémentaires à compter de l’année suivante. Il implique un investissement de 3,3 millions d’euros entre 2021 et 2022 et devrait débuter en septembre 2021 ([376]).

Nestlé Waters n’augmentera pas parallèlement ses prélèvements dans les gîtes A et B ([377]).

Par ailleurs, la coopérative l’Ermitage est engagée dans une démarche d’investissement qui devrait lui permettre d’économiser 30 000 m³ par an.

La coopérative étudie de plus la possibilité de réutiliser l’eau qu’elle a produite et retraitée en collaboration avec l’agence de l’eau, et ainsi diminuer d’autant sa consommation. Il lui est actuellement interdit d’utiliser ses eaux industrielles propres pour laver les canalisations. La commission d’enquête s’associe à cette démarche de réflexion autour d’un procédé de réutilisation des eaux propres industrielles, qui, s’il présente toutes les garanties sanitaires, pourrait permettre des économies d’eau significatives dans le secteur de Vittel mais aussi dans de nombreuses usines ailleurs en France.

En raison de son activité qui exige de l’eau de qualité fromagère, la société ne pourra descendre en dessous d’un volume d’eau issue de la nappe du GTI de l’ordre de 450 000 m3 annuel. En conservant son autorisation préfectorale d’utilisation d’eau provenant d’un réseau de distribution d’eau potable de 650 000 m3 par an, la coopérative l’Ermitage prévoit donc d’utiliser à l’avenir 450 000 m3 d’eau issue de la nappe des GTI et 200 000 m3 issue d’une autre ressource afin de permettre son développement.

Le nécessaire approfondissement de la connaissance de l’hydrosystème passera par la création d’un observatoire hydrogéologique multi-nappes. Cet observatoire assurera la collecte, la conservation et l’analyse des données relatives à l’évolution quantitative des aquifères du secteur de Vittel et au suivi des prélèvements. Il sera financé par des fonds publics et confié à un opérateur indépendant. Les connaissances permettront le développement d’outils d’aide à la décision, ainsi que l’évaluation du SAGE. L’observatoire étudiera l’ensemble des aquifères et pas seulement la nappe des GTI ([378]). Une vision globale de l’hydrosystème apparaît nécessaire, plusieurs masses d’eau étant concernées par les prélèvements. Elle est rendue plus cruciale encore par la volonté de transferts de certains prélèvements de la nappe des GTI vers d’autres eaux souterraines.

Cet effort vers une meilleure connaissance de l’hydrosystème local semble particulièrement nécessaire aux yeux de la commission d’enquête. En effet, lors de l’audition des services déconcentrés de l’État, la présidente de la commission n’a pu obtenir d’estimation du déficit cumulé de la nappe des GTI dans le secteur de Vittel, la « dette d’eau » en quelque sorte. Les réponses des fonctionnaires d’État laissent même à penser que cette donnée n’a pas été considérée comme pertinente.

Elle apparaît pourtant comme peu complexe à produire via la somme des déficits annuels mais surtout elle peut sembler très intéressante pour évaluer l’effort de régénération à fournir ([379]).

Par ailleurs, les capacités de recharge annuelle des gîtes A et B ne font pas l’objet d’un consensus, contrairement à celle de la nappe des GTI. Cela rend donc difficiles d’estimer avec précision les marges de manœuvre dans leur exploitation. Les informations qui semblent cependant être partagées par les acteurs à l’exception des associations environnementales auditionnées sont celles d’une stabilité du niveau des gîtes A et B et d’une faiblesse des prélèvements actuels au vu de la recharge annuelle ([380]).

Proposition n° 23 : Réaliser, de manière indépendante, une modélisation du fonctionnement global de l’hydrosystème du bassin de Vittel, et en particulier des relations entre les différents aquifères et les milieux de surface, afin de déterminer les volumes prélevables au sein de chaque nappe.

Enfin, l’information relative au SAGE et à sa mise en œuvre sera partagée et diffuser, via des plans de communication ([381]).

L’enjeu de la contribution sur les eaux minérales : une recette qui n’est pas affectée à la restauration de l’équilibre de la ressource et qui crée un lien financier important entre industriels et collectivités

a.   Une contribution sur les eaux minérales naturelles à destination du marché national qui bénéficie aux communes

Cette contribution est prévue par l’article 1582 du code général des impôts une contribution sur les minérales naturelles, y compris les eaux minérales naturelles effervescentes et les boissons à base d’eau minérale naturelle ([382]).

Il s’agit d’un impôt communal dont l’instauration et le tarif relèvent d’une décision expresse de l’organe délibérant de la commune sur le territoire de laquelle se trouve une source exploitée pour la production et la distribution d’eau minérale naturelle. Son produit est versé au budget de la commune et, lorsque le produit de la contribution excède le montant des recettes réelles de fonctionnement de la commune pour l’exercice précédent, le surplus est attribué au conseil départemental.

La contribution est due par l’exploitant de la source, au titre des livraisons de ces eaux qu’il effectue, quel que soit leur conditionnement.

Le tarif ou les tarifs marginaux sont ceux délibérés par la commune, dans la limite de 0,58 euros par hectolitre.

La principale exonération de cette contribution est celle dont bénéficient les exportations, ou les livraisons à destination des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, de ces eaux ou boissons ([383]).

Cette exonération, si elle vise à soutenir la compétitivité des minéraliers présents sur le territoire national pour leur activité à l’international, peut également créer une incitation à l’export trop importante. Il conviendrait donc que cette exonération soit plafonnée. La production exportée excédant une proportion de la production totale serait assujettie à la contribution sur les eaux minérales naturelles.

Proposition n° 24 : Définir un pourcentage seuil de la production totale destinée à l’export au-delà duquel les eaux exportées seraient soumises à la contribution sur les eaux minérales naturelles.

Le rendement de cette contribution était de 21 millions d’euros sur l’ensemble de la France en 2016 ([384]).

Lors de son audition par la commission d’enquête le 22 avril 2021, Mme Claudie Pruvost a justifié l’existence de cette contribution par les coûts spécifiques que doit supporter une commune qui accueille une industrie minéralière sur son territoire, notamment à des fins de protection de la qualité de ces eaux destinées à être captées et vendue en tant qu’eau minérale. Elle a illustré son propos avec la réalisation il y a quelques années du contournement de la ville de Vittel. Ce contournement a nécessité des travaux spécifiques, car un géotextile a dû être placé sous cette route pour protéger la nappe souterraine ([385]).

Un impôt au rendement globalement faible mais qui peut créer un lien financier potentiellement néfaste entre l’industriel et la collectivité

Si le rendement de cette contribution peut paraître faible au niveau agrégé s’il est comparé aux rendements des grands impôts nationaux ou locaux, la commission d’enquête a constaté qu’il pouvait avoir un impact local non négligeable.

Ainsi, à l’occasion de ses travaux sur le cas de Vittel, la commission a appris que Nestlé Waters verse 6,2 millions d’euros au titre de cette contribution aux communes de Vittel, Contrexéville, Haréville, They-Sous-Montfort et Crainvilliers ([386]). S’agissant de la seule commune de Vittel, celle-ci perçoit 4 millions d’euros sur un budget total de 16 millions d’euros ([387]). Cet apport financier a permis à la ville de Vittel de développer et de maintenir jusqu’à aujourd’hui des infrastructures d’importance pour une commune de cette taille, comme le centre de préparation omnisports.

Cette contribution occupe donc une place majeure au sein des budgets des petites communes sur le territoire desquelles sont implantées des industries minéralières. Ce poids est tel que l’on peut s’interroger sur ses conséquences. En effet, une commune n’aura pas intérêt à promouvoir une politique de préservation de la ressource en eau via une réduction des prélèvements du minéralier car cela représente autant de rentrées fiscales en moins pour elle. Cela donne également un levier supplémentaire à l’industriel dans ses échanges avec les élus locaux et donc au sein des institutions locales de gestion de la ressource en eau, bien qu’il puisse déjà s’appuyer sur le puissant argument de l’emploi local.

Une contribution à revoir afin de limiter les risques de proximité trop forte entre communes et minéraliers et la pression à l’export

Si les communes qui accueillent des minéraliers doivent faire face à des coûts spécifiques liés à cette présence, ce qui justifie la contribution sur les eaux minérales, la place qui peut être prise par la contribution sur les eaux minérales au sein de leur budget apparaît trop importante. Cela est vrai malgré la disposition du code général des impôts qui prévoit que lorsque le produit de la contribution excède le montant des recettes réelles de fonctionnement de la commune pour l’exercice précédent, le surplus est attribué au département. Par ailleurs, l’absence de fléchage des fonds levés par cette contribution à des actions de préservation de la ressource apparaît également comme problématique quand les montants sont élevés.

Proposition n° 25 : Abaisser le seuil déclenchant le versement du surplus de contribution sur les eaux minérales et l’affecter au budget de l’agence de l’eau territorialement compétente afin de financer des projets locaux de meilleure gestion de la ressource

LE CAS DE L’HYDROÉLECTRICITÉ : LA NÉCESSITÉ DE GARANTIR UNE GESTION DANS L’INTÉRÊT COLLECTIF DE LA RESSOURCE

L’hydroélectricité : un secteur essentiel pour la souveraineté énergétique et la transition écologique de la France

Un secteur régi par un double régime d’autorisation et de concession selon la puissance des installations

L’hydroélectricité désigne l’activité qui permet de transformer l’énergie cinétique de l’eau en électricité ([388]).

Les différents types d’installations hydroélectriques se distinguent en fonction de leur capacité et leur modalité de retenue :

– les installations au fil de l’eau turbinent en continu tout ou partie du débit d’un cours d’eau ;

– les installations éclusées ou de centrale de lac retiennent de l’eau et la relâche pour la turbiner. Elles se distinguent par le volume de leur retenue d’eau ;

– les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) pompent de l’eau vers une retenue d’eau pendant les périodes basses de consommation d’énergie pour la turbiner durant les pics de consommation.

L’hydroélectricité est réglementée par l’État depuis la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, qui prévoit que « nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement sans une concession ou une autorisation de l’État ». Cette disposition est désormais codifiée à l’article L. 511-1 du code de l’énergie ([389])

Les installations hydroélectriques relèvent de l’un ou de l’autre de ces deux régimes juridiques (autorisation ou concession) selon la puissance maximale brute des installations ([390])

Les installations de moins de 4,5 mégawatts (MW) de puissance maximale brute nécessitent une autorisation délivrée par le préfet pour une durée limitée, et dont les règles d’exploitation dépendent des enjeux environnementaux locaux.

Les installations de plus de 4,5 MW relèvent du régime de concession. Les installations sont construites et exploitées par un concessionnaire, mais appartiennent à l’État. En deçà de 100 MW de puissance maximale brute, la concession est délivrée par le préfet, au-delà par la ministre de la transition écologique ([391]).

Une activité qui permet une production pilotable mais qui doit être conciliée avec des exigences environnementales et de sécurité

Caractéristiques énergétiques

Pour les installations fonctionnant via des retenues d’eau, elles permettent d’abord de produire de l’électricité de manière pilotable. En effet, les centrales de lac stockent une grande quantité d’énergie potentielle qui peut être produite rapidement et au moment voulu. Ces installations constituent le meilleur moyen de stockage d’électricité à grande échelle, et ce sans les inconvénients liés au stockage via des batteries ([392])

Cet aspect pilotable est un atout clé pour permettre à d’autres énergies renouvelables qui sont intermittentes et bien moins pilotables comme l’éolien ou le solaire de s’intégrer dans le système électrique ([393]).

De plus, les barrages hydroélectriques permettent en dernier ressort de stabiliser électriquement les centrales nucléaires par renvoi de tension en cas d’incident réseau grave.

L’hydraulique est par ailleurs indispensable aux autres outils du système électrique, par exemple pour le maintien du refroidissement des installations nucléaires ([394]).

Caractéristiques environnementales

L’énergie hydroélectrique nécessite une ressource qui n’est pas seulement une ressource destinée à produire de l’électricité, mais qui est multiusages : l’eau ([395]).

Les installations hydroélectriques peuvent avoir un effet perturbateur sur le milieu naturel et sur les autres usages de l’eau. Pour éviter d’avoir des effets trop dommageables, les installations hydroélectriques doivent :

– maintenir dans le cours d’eau un débit minimum (« débit réservé ») permettant de garantir les conditions nécessaires au développement de la vie dans la portion du cours d’eau qui est affecté par l’installation. Ce débit réservé représente au moins le dixième du débit moyen interannuel du cours d’eau sur lequel le seuil ou le barrage est installé ;

– garantir des moyens de passage ou des modes de gestion pour les espèces et pour les sédiments ([396]).

Les installations hydroélectriques, en particulier celles relevant de la grande hydroélectricité occupent une place clé dans la gestion de l’eau, étant donné que les barrages stockent 75 % des eaux de surface ([397]). Les barrages retiennent et relâchent l’eau. Ils doivent donc permettre la continuité écologique mais aussi les usages de l’eau qui ont lieu en aval de la retenue, comme l’irrigation ou le refroidissement des centrales nucléaires. En stockant l’eau, les barrages sont également en mesure d’écrêter les crues et d’effectuer du soutien d’étiage. Le changement climatique va accroître l’importance de ce rôle en venant jouer sur une nouvelle répartition de la pluviométrie qui aura pour conséquence une intensification à la fois des crues et des étiages ([398]).

Ainsi, selon les personnes auditionnées par la commission d’enquête, l’hydroélectricité est un outil imbriqué, dont les enjeux dépassent de loin la seule production d’électricité ([399]).

Enfin, si ce secteur bénéficie d’une bonne gestion, son impact environnemental est l’un des meilleurs comparés aux autres sources possibles d’énergie ([400]).

Ces particularités lui conférant un rôle stratégique singulier et essentiel dans la transition énergétique ([401]). Comme l’a rappelé Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique lors de son audition par la commission d’enquête : « L’hydroélectricité est une énergie renouvelable cruciale pour notre transition énergétique et pour la gestion de la ressource en eau ([402]). »

L’hydroélectricité doit concilier trois exigences : la sûreté des ouvrages et des équipements, la régulation de la ressource en eau, en particulier dans le cas d’épisodes climatiques extrêmes, et l’équilibre du système électrique ([403]).

L’hydroélectricité ayant malgré tout pour objet premier la production d’électricité, elle répond également à des logiques économiques de marché, notamment de rentabilité.

Une énergie renouvelable au poids considérable au sein du système électrique français

L’hydroélectricité est en volume la première énergie renouvelable en France. En 2020, 75 TWh ont été produits en France, soit plus de la moitié de la production d’électricité renouvelable et 13,5 % de la consommation nationale ([404])

Le parc hydraulique français compte plus de 2 500 installations, dont plus de 90 % sont des centrales au fil de l’eau ([405]).

La puissance totale des installations en France continentale se répartit entre types d’installations de la façon suivante :

– centrales au « fil de l’eau » : 26 % de la puissance totale ;

– centrales de type « éclusée » : 16 % de la puissance totale ;

– centrales de « lac » : 40 % de la puissance totale ;

– stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) : 18 % de la puissance totale ([406]).

Répartition de la puissance hydroélectrique en France hexagonale

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Source : France Hydroélectricité

La grande hydroélectricité : une gestion qui doit demeurer le fait des acteurs historiques

La grande hydroélectricité désigne les centrales d’une puissance supérieure à 10 mégawatts (MW). Les concessions, dont une large majorité relève de la grande hydroélectricité, représentent 90 % de la production totale du parc hydroélectrique ([407]).

a.   Une gestion actuellement confiée à trois acteurs historiques

La gestion des concessions hydroélectriques est actuellement le fait de trois acteurs dits « historiques ».

Électricité de France (EDF) gère une capacité de 7 milliards de m3 d’eau ([408]). EDF est le premier exploitant du parc hydroélectrique français avec environ 80 % des capacités installées en concession ([409]).

La Compagnie nationale du Rhône (CNR) ensuite, dont le capital est détenu à 50,03 % par des actionnaires publics, la Caisse des dépôts et consignations et 183 collectivités et à 49,97 % par Engie ([410]). La CNR est le concessionnaire du Rhône pour la production d’hydroélectricité, le transport fluvial et les usages agricoles ([411]).

La Société hydroélectrique du Midi (SHEM) est une PME régionale de plus de 300 salariés qui opère essentiellement sur des barrages d’altitude, et donc de stockage. La SHEM est concessionnaire pour l’exploitation d’ouvrages dans le massif des Pyrénées et le Massif central, pour près de 3 % du point de vue de la puissance installée. La SHEM est issue de compagnies de chemin de fer privées qui ont débuté l’électrification des lignes ferroviaires grâce aux barrages hydroélectriques au tout début du XXe siècle. La SHEM a intégré la SNCF à sa création et est restée en son sein jusqu’en 2006 avant de basculer progressivement chez Engie. La SHEM est cependant une société anonyme depuis 1992 ([412]).

Une perspective de mise en concurrence qui présente des risques de différentes natures

Une mise en concurrence du renouvellement des concessions hydroélectriques appelée par le droit communautaire

La directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession a rendu obligatoire la mise en concurrence du renouvellement des concessions hydroélectriques ([413]).

La situation française représente une particularité au sein des pays européens, dont les barrages sont le plus souvent la propriété des exploitants et ne sont donc pas soumis à des remises en concurrence ([414])

Si le droit communautaire devait conduire à une mise en concurrence des concessions arrivant à échéance, l’opposition des acteurs historiques et des gouvernements successifs a mené pour le moment à ce que cela ne soit pas le cas.

La mise en concurrence fait craindre une fragilisation du système électrique et hydrique français

S’agissant du système électrique

Afin de tirer le plein potentiel des avantages que procurent les ouvrages hydroélectriques, capables de pallier les défaillances du système électrique et d’intégrer les autres énergies renouvelables intermittentes et non pilotables comme le solaire et l’éolien, le parc de production doit être piloté de manière intégrée. Une répartition des 400 concessions françaises entre de multiples acteurs viendrait désintégrer ce parc qui est pour le moment réparti entre trois acteurs dont un largement majoritaire.

Selon M. Philippe André, porte-parole de la Fédération SUD-Énergie André : « Éclater ce parc entre de multiples acteurs coordonnés par un marché induit des coûts de transaction importants, désoptimise le système et rend moins fiable son exploitation ([415]). »

S’agissant de la sécurité des ouvrages

Les syndicats auditionnés mettent en avant un risque d’incident voire de rupture des barrages en cas d’ouverture à la concurrence. Ainsi M. Philippe André, porte-parole de la Fédération SUD-Énergie a indiqué à la commission d’enquête que : « EDF n’a heureusement connu aucune rupture de barrage, mais ces ruptures sont en nette augmentation dans le monde en raison de la course à la rentabilité ([416]). » M. André pense que de nouveaux gestionnaires viendraient mettre une pression financière sur les équipes, ce qui se traduirait par une dégradation de l’attention portée à la sécurité des ouvrages.

S’agissant de la gestion multiusages de la ressource et dans l’intérêt général

Selon M. Sébastien Michel, secrétaire fédéral de la Fédération de l’énergie et de la chimie – CFDT, la volonté de chercher à libéraliser ce marché risque de mettre à mal la gestion pensée pour permettre le multiusages face à des divergences d’intérêts ([417]).

Par ailleurs, la concurrence dans le renouvellement serait un aiguillon pour les candidats à rechercher la rentabilité maximale, ce qui serait problématique pour la dimension de gestion de l’eau inhérente à l’activité hydroélectrique de barrage ([418])

En effet, un opérateur ayant obtenu une concession dans une stricte logique économique pourrait être tenté de jouer avec ses stocks pour produire au moment où le prix est le plus élevé, ce qui ne correspond pas nécessairement au bon moment pour la gestion de la ressource ou pour la stabilité du système électrique, et ce malgré des cahiers des charges bien conçus qui permettraient de placer des garde-fous ([419]). M. Pascal Jacquelin, secrétaire national de la CFE Énergies a illustré devant la commission d’enquête les avantages d’une gestion guidé par l’intérêt général et les risques d’une gestion guidé par la rentabilité grâce à deux exemples : « Ce principe peut être illustré par l’exemple de la vallée de la Durance. À certaines périodes de l’année, notamment l’été, les choix se portent d’abord sur l’irrigation, l’adduction d’eau potable et le tourisme, avant l’optimum de production d’électricité de chaque barrage. De même, le soutien de débit des fleuves permet la disponibilité de la production électronucléaire en toute sûreté. En 2003, les retenues d’eau par la Suisse sur le Rhône, guidées par un optimum économique à court terme en Suisse, ont conduit à l’arrêt de centrales nucléaires dans la vallée du Rhône ([420]). »

La logique de concurrence doit être mise en regard de l’importance première de l’eau pour la transition écologique ([421]).

Dans la perspective de raréfaction annoncée de la ressource en eau dans les périodes d’étiage, le besoin d’une gestion dans l’intérêt général et non pas dans une logique de maximisation des profits pour le concessionnaire se fera sentir plus encore.

S’agissant de la bonne gestion actuelle des concessions

La situation d’incertitude quant à l’avenir du mode de renouvellement des concessions dans laquelle sont maintenus les acteurs historiques n’est pas propice à une bonne gestion de leur concession. Ainsi, M. Cyrille Delprat, directeur général de la SHEM, a déclaré devant la commission d’enquête : « Notre histoire s’inscrit dans les virages nombreux du renouvellement des concessions hydroélectriques. Plusieurs vallées ont ainsi des concessions échues, sans visibilité sur leur avenir, ce qui est contraignant pour les industriels et leurs salariés ([422]). » Dans le même sens, M. Yves Giraud, directeur d’Électricité de France (EDF) Hydro, a indiqué qu’« Aujourd’hui, nous sommes concessionnaires sans visibilité, car le droit européen et le droit français, l’un comme l’autre, obligent à la remise en concurrence de ces concessions ([423]). »

Une gestion qui doit rester le fait des acteurs historiques pour s’assurer qu’elle soit effectuée dans l’intérêt général

Une volonté partagée entre les acteurs nationaux d’éviter de devoir procéder à l’ouverture à la concurrence

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance s’est fermement opposé à l’idée d’une ouverture à la concurrence : « En l’état, nous n’envisageons pas d’ouvrir à la concurrence la gestion des barrages hydroélectriques. Nous discutons en ce moment avec la Commission européenne ([424]). » Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, a elle aussi déclaré qu’elle souhaitait éviter que le contentieux entre la France et la Commission européenne se solde par une reprise de la procédure de mise en concurrence des concessions hydroélectriques ([425]).

Les dirigeants des acteurs historiques comme les représentants des syndicats auditionnés par la commission d’enquête se sont eux aussi déclarés opposés à la mise en concurrence ([426])

Les concessions hydroélectriques ne doivent pas faire l’objet d’une mise en concurrence

Le Gouvernement et EDF défendent un projet de quasi-régie qui devrait permettre d’éviter une mise en concurrence des concessions détenues par EDF

Ce projet en discussion, dit « Grand EDF », est actuellement en négociation avec la Commission européenne. Il consisterait en la réunion des barrages hydroélectriques des concessions actuellement octroyées à EDF dans une quasi-régie dans laquelle les barrages seront détenus à 100 % par EDF, EDF SA étant elle-même détenue à 100 % par la puissance publique ([427]).

Aux yeux de M. Yves Giraud, ce projet de la quasi-régie est l’unique solution juridiquement viable pour éviter la mise en concurrence ([428]).

La quasi-régie désigne le type de contrat dit également « in house » qui peut être attribué directement, sans mise en concurrence, par un pouvoir adjudicateur dans le cas où celui-ci exerce sur une personne, juridiquement distincte de lui, un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l’essentiel de son activité avec le ou les pouvoirs adjudicateurs qui la détiennent. Cette exception résulte initialement de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Ce type de contrat constitue une exception aux contrats généralement signés en terme de commande publique et n’est conséquemment pas soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence évoquées dans le code de la commande publique.

Toutefois, le ministre de l’Économie a indiqué que ce projet ne se ferait pas à n’importe quel prix, et que « la ligne rouge absolue du Gouvernement français est l’unité du groupe EDF ([429]). »

Certains syndicats ont également exprimé durant leur audition une crainte d’une « filialisation » de l’hydraulique, qui serait coupé du reste du groupe EDF, nécessaire pour éviter l’ouverture à la concurrence. Selon eux, cela conduirait à segmenter le parc d’EDF et donc à avoir un pilotage moins efficace du système électrique français ([430]).

M. Jacky Chorin, membre du conseil d’administration d’EDF pour FO Énergie et Mines, s’est également déclaré opposé à ce que la solution de la quasi-régie se traduise par la « privatisation » concomitante d’Enedis ([431]).

La commission d’enquête soutient le Gouvernement dans sa démarche et appelle de ses vœux que ce projet soit couronné de succès afin d’éviter une mise en concurrence qui n’est pas envisageable pour un secteur aussi stratégique que celui de la grande hydroélectricité.

Une transformation d’EDF hydro ou d’EDF en établissement public industriel et commercial apparaît comme une solution moins susceptible de permettre d’éviter une mise en concurrence

Les syndicats ne partagent pas, dans leur grande majorité, la thèse de M. Yves Giraud selon laquelle il n’y aurait pas d’alternative au projet de quasi-régie pour ne pas connaître l’ouverture à la concurrence.

La CFE Énergies ([432]), ainsi que la fédération SUD-Énergie ([433]) n’ont pas exprimé de préférence marquée entre le statut de quasi-régie ou d’établissement public industriel et commercial (EPIC).

En revanche, la CGT ([434]), FO ([435]) et la CFDT ([436]) estiment que l’EPIC serait la meilleure solution pour échapper à la mise en concurrence et conserver l’unité du groupe.

Si cette solution de l’EPIC pourrait apparaître séduisante, elle ne semble pas propice à faire aboutir les négociations avec la Commission européenne. Selon M. Yves Giraud, un statut d’EPIC viendrait de surcroît complexifier la tâche d’EDF dans son activité de vente sur le marché de l’électricité à l’international, car il s’agit d’un statut spécifiquement français ([437]).

La concession de la CNR devrait également pouvoir éviter une mise en concurrence mais une attention particulière doit également être portée sur les concessions de la SHEM

Le Gouvernement souhaite prolonger de 18 ans la concession d’aménagement et d’exploitation du Rhône confiée à la CNR et dont le terme actuel est prévu au 31 décembre 2023 ([438]), comme pourrait lui permettre la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([439]).

Toutefois, il n’en va pas de même avec la SHEM, qui, si le projet de quasi-régie aboutissait, pourrait être la seule structure à devoir affronter la concurrence lors du renouvellement des concessions qu’elle détient actuellement. Cyrille Delprat, directeur général de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), a ainsi voulu attirer l’attention de la commission d’enquête sur cette situation qui « inquiète fortement » au sein de la SHEM ([440]).

Proposition n° 26 : Assurer la pérennité des concessions hydroélectriques existantes sans recours à une mise en concurrence, dans le respect du droit de l’Union européenne.

La petite hydroélectricité : optimiser sans mettre en cause la continuité écologique et les équilibres des bassins

Un segment en développement du fait d’un potentiel encore inexploité

Caractéristiques techniques et poids de l’hydroélectricité en France

La petite hydroélectricité désigne les centrales d’une puissance inférieure à 10 MW, mais la grande majorité des centrales présentent une capacité inférieure à 4,5 MW ([441]).

Cela représente environ 2 270 centrales, soit 2 200 MW de puissance installée et 6 TWh par an de production en moyenne, ce qui environ 10 % de la production hydroélectrique globale ([442]).

Les petites centrales hydroélectriques fonctionnent essentiellement au fil de l’eau, sans barrage de retenue ou réservoir et fournissent donc une énergie en continu ([443]).

Ce qui rend la petite hydroélectricité attractive est sa marge de développement, alors que le potentiel de croissance de la grande hydroélectricité en France est limité ([444]). Ceci explique que les dirigeants d’EDF Hydro et de la SHEM ont tous les deux fait part de leur intérêt et de leur volonté de développer ce secteur. Ces dirigeants avaient l’air confiants dans les capacités du secteur à assurer un développement de la petite hydroélectricité compatible avec le respect de l’environnement ([445]).

La programmation pluriannuelle de l’énergie publiée en avril 2020 prévoit d’augmenter le parc hydroélectrique de l’ordre de 200 MW d’ici 2023 et de 900 à 1200 MW d’ici 2028. La petite hydroélectricité fait l’objet d’un soutien via l’arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau des eaux captées gravitairement.

De plus, un appel d’offres pour le développement de la micro et de la petite hydroélectricité a par exemple été réalisé en 2019, afin de favoriser la construction de nouvelles installations complètes (barrage et centrale hydroélectrique), l’équipement de barrages ou de seuils existants, mais ne produisant pas à ce jour d’électricité, et en particulier l’équipement de sites d’anciens moulins ([446]).

Un développement de la petite hydroélectricité qui doit s’inscrire dans une logique d’optimisation des sites existants et toujours dans le respect de l’environnement

Certaines associations environnementales auditionnées ont dénoncé les dégâts causés par un développement non-maîtrisé de la petite hydroélectricité. M. Simon Burner, a ainsi mis en lumière les conséquences « importantes » sur les milieux, car « le cours d’eau se trouve haché et l’eau a tendance à se réchauffer. » Il a invité à mieux prendre en compte les effets cumulatifs des installations successives sur les cours d’eau et s’est inquiété d’une « vague de projets de petite hydroélectricité » ([447]).

Lors de la même audition que celle de M. Burner, Daniel Reininger a appelé l’État à exercer sa fonction régalienne qui consiste à contrôler le bon respect des arrêtés par des contrôles. Afin de respecter le principe de non-dégradation des masses d’eau établi par la DCE, il a également proposé d’optimiser les sites existants plutôt que de créer de nouveaux sites ([448]). La commission s’associe à cette recommandation qui semble être la meilleure voie vers l’augmentation des capacités de production et la limitation de l’impact sur l’environnement de cette croissance.

Proposition n° 27 : Concentrer les efforts de développement de la petite hydroélectricité sur l’amélioration de la capacité productive des sites existants sans accentuation de leur impact sur l’environnement.

LE FINANCEMENT DE LA PRÉSERVATION ET DE L’UTILISATION DE LA RESSOURCE via l’action des opÉrateurs de l’État DOIT ÊTRE REMIS EN COHÉRENCE AVEC SES PRINCIPES

LEs principes et mécanismes de financement des opÉrateurs de l’État

Un dispositif de financement qui repose sur les principes de « l’eau paie l’eau » et « pollueur-payeur »

Le fonctionnement des agences de l’eau et des comités de bassin s’est basé historiquement sur les principes de « pollueur-payeur » et de « l’eau paie l’eau ». ([449])

Le principe de « l’eau paie l’eau » s’incarne dans la facture d’eau et d’assainissement qui assure le fonctionnement du service mais aussi le financement de l’agence de l’eau ([450]).

Le principe « pollueur-payeur » veut que l’acteur à l’origine d’une atteinte à la ressource, au sens large, prenne en charge les coûts de la restauration du milieu. On peut ainsi considérer par commodité les prélèvements comme des atteintes à la ressource, s’acquitte d’un coût qui va permettre à la collectivité, via les agences de l’eau, de gérer cette atteinte. Selon les mots du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, M. Bruno Le Maire, lors de son audition par la commission d’enquête : « Il est légitime que le principe « pollueur-payeur » s’applique à une ressource aussi vitale que l’eau ([451]). »

Ce financement via ces principes impliquant une fiscalité affectée a pu apparaître comme spécifique au sein d’un univers français des finances publiques régi par le principe d’universalité ([452])

Les principales ressources des opérateurs reposent sur les redevances des usagers et pollueurs

Lors de son audition par la commission d’enquête, la ministre de la Transition écologique, Mme Barbara Pompili, a donné la décomposition suivante des ressources des agences de l’eau :

– redevance pour pollution de l’eau (domestique, industrielle, et liée à l’élevage) : 50 % du total, soit 1,1 milliard d’euros ;

– redevance pour modernisation des réseaux de collecte (domestique et industrielle) : 25 % des ressources, soit 539 millions d’euros ;

– redevance pour le prélèvement sur la ressource en eau : 18 %, soit 402 millions d’euros ;

– redevance pour pollution diffuse, hors part de l’OFB : 4 %, soit 97 millions d’euros ;

– redevance cynégétique : 2 % soit 46,5 millions d’euros.

Il existe d’autres redevances au rendement plus limité : la redevance pour la protection du milieu aquatique, 7,6 millions d’euros, la redevance pour obstacle sur les cours d’eau, 0,23 million d’euros, et la redevance pour stockage d’eau en période d’étiage, 0,19 million d’euros ([453]).

On voit avec cette répartition que les redevances sont la quasi-intégralité des ressources des agences de l’eau, que tous les acteurs du bassin agissant sur la ressource en eau, en la prélevant ou la polluant, acquittent. Si tous les acteurs contribuent, une très large part de celles-ci est acquittée par les particuliers ([454]).

Si le financement des agences de l’eau est fondé sur les principes « l’eau paie l’eau » et « pollueur-payeur », la situation invite à les affirmer pour les rendre effectifs.

LE PRINCIPE DIT DE « L’EAU PAIE L’EAU » BATTU EN BRÈCHE

Un financement du petit cycle de l’eau mais aussi de la biodiversité qui repose essentiellement sur l’usage domestique de l’eau

Des redevances conçues pour financer des actions dans le petit cycle de l’eau qui sont consacrées de manière croissante à d’autres buts

La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages a élargi les missions des agences de l’eau. Elle précise que chaque agence de l’eau peut contribuer à la connaissance, à la protection et à la préservation de la biodiversité terrestre et marine ainsi que du milieu marin. Avec cette évolution dans leurs missions, l’on est passé selon la ministre Barbara Pompili d’un principe « l’eau paie l’eau » à « l’eau, la biodiversité et les milieux marins paient l’eau, la biodiversité et les milieux marins » ([455]). Toutefois, les modalités de financement n’ont pas accompagné ce nouveau modèle et 85 % des redevances sont liées à un usage domestique de l’eau. La ministre avance que « ces redevances des usagers domestiques servent principalement à l’amélioration des réseaux de traitement et de distribution et à l’amélioration de la qualité dans l’ensemble des compartiments du grand cycle de l’eau. Ce sont donc bien le citoyen et le consommateur d’eau potable qui bénéficient le plus des aides issues de ces redevances – il faut voir les deux plateaux de la balance ([456]). » Le citoyen profite bien des bénéfices des actions en faveur de la préservation du grand cycle de l’eau, mais c’est l’usager qui en assure en grande partie le financement.

Par ailleurs, les moyens des agences ne se sont pas accrus dans le même mouvement que la croissance de leurs missions tandis que leur système de financement conservait une large prépondérance de ressources provenant des usagers domestiques et assimilés. Les agences de l’eau ont donc dû réduire leurs interventions sur le petit cycle de l’eau au profit du grand cycle de l’eau alors que l’usager payait la même somme pour une prestation mécaniquement moindre. Les nouvelles actions des agences de l’eau, aussi importantes soient-elles, ne rendent en effet pas directement service aux particuliers payant leurs factures d’eau, ce qui est pourtant le principe d’une redevance ([457]).

Cet état de fait est résumé par la réponse de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, à la commission d’enquête : « Nous ne raisonnons pas en taux de retour. Aujourd’hui, l’eau paye l’eau, mais également la biodiversité ([458]). » 

M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence de l’eau Adour-Garonne confirme également cette situation devant la commission d’enquête en avançant que : « L’eau paie l’eau et même un peu la biodiversité aquatique ([459]). »

De manière plus explicite encore, M. Faiçal Badat, adjoint au directeur général, en charge du développement durable des territoires, au sein de l’office de l’eau de La Réunion, a déclaré lors de son audition par la commission d’enquête que « suite à la loi biodiversité, la tendance est à faire payer autre chose que de l’eau aux recettes provenant de l’eau ([460]). »

Il est cependant complexe d’établir la proportion des budgets des agences de l’eau n’étant pas directement consacrées aux actions qui fondent les différentes redevances, en raison de la continuité entre les politiques de l’eau et la biodiversité. Il est en revanche possible de voir la progression du financement du grand cycle de l’eau par les agences de l’eau ([461]).

Les ressources des agences de l’eau représentent la principale source de financement de l’OFB

En application de l’extension des missions des agences de l’eau au grand cycle de l’eau via la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages, à compter de 2018, les agences de l’eau apportent une contribution annuelle à l’OFB (cf. supra) ([462]).

Cette contribution est d’un poids considérable puisqu’elle représente 80 % à 90 % du budget de l’OFB ([463]).

On peut donc suivre Philippe Marc, avocat spécialiste du droit de l’eau, qui a avancé durant son audition par la commission d’enquête que le grand cycle n’était pas financé par un canal et un niveau adéquat ([464]).

Financer les enjeux globaux de préservation et restauration de la biodiversité par le budget de l’État

Si, dans le système actuel, l’ambition n’est pas d’atteindre un taux de retour à l’euro près pour les particuliers qui règle leur facture d’eau, on peut rejoindre M. Olivier Thibault quand il déclare que le but est malgré tout « d’éviter que le consommateur d’eau paie la biodiversité ou l’agriculture ([465]). »

Un meilleur équilibre pourrait notamment émerger via un élargissement des assiettes ([466]) et de nouvelles redevances spécifiques à la biodiversité ([467]), qui viendraient déplacer une part de la fiscalité vers les enjeux du grand cycle de l’eau. L’idée sous-jacente serait d’arriver à une effectivité de l’enrichissement du principe « l’eau paie l’eau », par le principe de « la biodiversité paie la biodiversité » ([468]), tirant les conséquences des évolutions apportées par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages. Le Gouvernement est engagé dans ce processus de diversification des ressources des agences. La ministre de la transition écologique a indiqué que cette démarche doit se poursuivre ([469]).

Cependant, si le principe de « l’eau paie l’eau » quand il est bien appliqué, s’avère efficace ([470]), il ne semble pas en être de même du principe « la biodiversité paie la biodiversité ». En effet, les caractéristiques même de bien public de la biodiversité font qu’elle se prête moins à un financement via des redevances, mais bien plutôt via l’impôt. Cela est particulièrement vrai pour les actions de connaissance et d’expertise menées au niveau central par l’OFB, qui profite plus au citoyen qu’à l’usager réglant sa facture d’eau. Il conviendrait donc qu’a minima, le financement de l’OFB soit assuré en plus grande part par le budget de l’État et non par celui des agences de l’eau.

Proposition n° 28 : Afin de financer la préservation de la biodiversité par le contribuable plutôt que par l’usager des services d’eau, baisser les transferts opérés par les agences de l’eau au profit de l’OFB en compensant par un financement à due concurrence provenant du budget général de l’État.

Cela permettrait d’accroître la part de la solidarité nationale et de réduire celle des redevances dans le financement des opérateurs de la politique de l’eau, mais aussi de redonner des marges de manœuvre financières aux agences de l’eau même dans une hypothèse de maintien du plafond mordant à son niveau actuel.

UNE NÉCESSAIRE REMISE À PLAT DES REDEVANCES POUR ATTEINTE À LA RESSOURCE

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Olivier Thibault a déclaré : « D’importants efforts d’investissement doivent en tous cas être consentis, aussi bien dans les domaines de l’eau, de l’agriculture que de la biodiversité. La situation demeure en effet tendue. À ce jour, il reste en tout cas encore du travail à accomplir concernant la gestion des pollutions et de l’argent sera nécessaire pour y parvenir. » ([471]) Cela pose l’enjeu de la fiscalité et du financement autour plus largement des atteintes faites à la ressource en eau.

Des redevances liées aux atteintes à la ressource qui ne sont pas suffisantes et équitablement réparties

Selon la ministre de la transition écologique, le principe « pollueur-payeur » est très important et le système de financement des agences de l’eau est l’un des rares à reposer sur ce principe ([472]). Cette idée est cependant contestée par MM. Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, qui développent la thèse que le financement des agences de l’eau se fonde plutôt sur la volonté « d’instaurer un dispositif de financement stable permettant de mettre en œuvre la politique d’équipement prévue, tout en évitant d’entrer en conflit avec les pollueurs et préleveurs par des incitations trop négatives ou des demandes de compensations pour leurs atteintes à l’environnement ([473]). »

Dans une acception large, on peut considérer que les usages qui portent atteinte à la ressource sont ceux qui induisent une pollution de l’eau et ceux qui rompent le cycle de l’eau pour des motifs commerciaux.

Des redevances pour pollution qui portent de manière démesurée sur les usages domestiques

Les atteintes sous forme de pollution des eaux sont taxées à travers quatre redevances pollutions :

– la redevance pollutions domestiques ciblant les stations d’épuration : à titre d’exemple, 363 millions d’euros pour le bassin Seine-Normandie ;

– la redevance pollutions non domestiques provenant des industriels : 15 millions d’euros sur le bassin Seine-Normandie ;

– la redevance pollutions des activités d’élevage calculée en unités de gros bétail : pour 0,62 million d’euros sur le bassin Seine-Normandie ;

– la redevance pour pollutions diffuses : 32 millions d’euros sur le bassin Seine-Normandie. ([474])

Ces redevances ont vocation à financer les actions de préservation de la ressource. Elles se veulent également incitatives, en renchérissant le coût d’une population et donc en incitant les acteurs économiques à diminuer leur consommation. ([475])

Si les redevances pour pollutions diffuses, liées à l’agriculture ou aux activités chimiques, ont été augmentées de 50 millions d’euros voici deux ans par le Gouvernement, ([476]) cette présentation des différents rendements montre que l’écrasante majorité des montants acquittés l’est par les particuliers, avec 363 millions d’euros sur un total de 472 millions d’euros, soit 77 %, dans le cas de l’agence de l’eau Seine-Normandie. Il faut cependant garder en tête que la redevance pour pollution domestique frappe également les acteurs économiques, « dont la pollution est de même nature que la pollution domestique, ou dont l’importance des rejets est trop faible pour faire l’objet d’un calcul de type activités industrielles ([477]). »

On retrouve la même répartition au sein du bassin de La Réunion, car sur 100 euros de redevances, 77 euros proviennent de la pollution domestique, 5,5 de la pollution non domestique et 4 euros de la pollution diffuse ([478]).

Selon Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, « le différentiel observable, à ce sujet, entre les origines des pressions anthropiques sur la ressource et les contributions financières des différents types d’usagers bénéficie particulièrement au secteur agricole. Si les politiques de l’eau ont ciblé les effets de l’industrie (loi sur les installations classées en 1976, contrats de branche, redevances et aides à l’investissement, etc.), le secteur agricole, et en particulier l’agriculture intensive, est resté assez largement à l’écart de cet objectif ([479]). »

Cela peut s’expliquer par le fait que les pollutions diffuses d’origine agricole sont plus difficiles à établir que les pollutions localisées relevant des stations d’épuration ou de sites industriels ([480])

Étant donné le peu de compréhension que les particuliers ont de leur facteur d’eau, quand ils disposent d’un compteur et donc d’un levier sur leur consommation (cf. infra), mais aussi en prenant en compte la part des mètres cubes vitaux dans la consommation des particuliers, on peut de plus douter du caractère incitatif de la redevance pour pollution domestique.

Les taux de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau sont trop faibles pour permettre un rendement intéressant et avoir un effet incitatif

Les personnes dont l’activité fait appel à un prélèvement sur la ressource naturelle sont assujetties à une redevance dont l’assiette est constituée des volumes d’eau prélevés dans l’année ([481]). Cette redevance est bien conçue pour inciter à la modération des prélèvements et compenser une atteinte à la ressource car, selon le site de l’agence de l’eau Artois-Picardie, « Tout prélèvement effectué directement dans le milieu naturel contribue à faire baisser le débit des cours d’eau et le niveau des nappes souterraines au détriment des usages de l’eau situés en aval et perturbent la vie aquatique ([482]). »

Toutefois, il semble que les taux pratiqués pour les industriels préleveurs ne soient pas à la hauteur de l’atteinte faite à la ressource. Dans une note de synthèse publiée le 18 mai 2012, le Commissariat général au développement durable (CGDD) relève le caractère peu incitatif de la redevance pour prélèvement d’eau pourtant présentée comme le principal outil économique mis en place pour la gestion quantitative de l’eau ([483]). Selon le CGDD, les taux actuels de la redevance pour prélèvement d’eau – définis au niveau de chaque bassin hydrographique dans la limite de plafonds nationaux – ne reflètent pas la rareté locale de la ressource ni les pressions exercées par chaque type d’usager (ménages, industrie, agriculture). Il n’existe par ailleurs pas de modulation temporelle de la tarification. L’augmentation des taux des redevances de prélèvement pourrait contribuer à inciter les acteurs économiques à adopter des systèmes de production plus adaptés aux ressources en eau disponibles. Toutefois, pour que les irrigants réduisent effectivement leurs prélèvements, il conviendrait d’augmenter de façon considérable le montant des redevances, remarque-t-il. La tarification ne peut par conséquent constituer le seul outil de gestion quantitative des ressources en eau. Le CGDD insiste ainsi sur la nécessaire complémentarité des autres instruments de planification (SDAGE et SAGE), des actions de sensibilisation, la réduction des fuites, ou la mise en place d’incitations ou de réglementations pour l’installation d’appareils plus économes en eau.

Cela est spécialement vrai pour les minéraliers et les industries des eaux de sources qui commercialisent l’eau prélevée et rompent le cycle de l’eau en expédiant très majoritairement l’eau prélevée en dehors du bassin versant dont elle provient. En effet, dans son étude du cas de Vittel, la commission d’enquête a été très surprise d’apprendre que la redevance pour prélèvement acquittée pour Nestlé Waters auprès de l’agence de l’eau pour ses activités dans les Vosges ne s’élevait qu’à 95 000 euros en 2020 ([484]), pour un volume total de prélèvements de 2,52 millions de m3 d’eau ([485]) et un prélèvement compris entre un cinquième et un quart de la capacité de recharge annuelle de la nappe des GTI dans le secteur de Vittel ([486]). Dans le détail, les gîtes A et B sont soumis à un taux de 0,0108 euros par m3, tandis que le montant est dix fois supérieur pour le gîte C (nappe des grès du Trias inférieur), avec 0,108 euros par m3 ([487]).

Ces taux semblent très faibles au vu de l’atteinte portée à la ressource par les industries de l’eau en bouteille, qui, si elles prélèvent des volumes qui sont globalement faibles, peuvent représenter des pressions importantes sur la ressource au niveau local. Dans le cas de Nestlé Waters, ces montants qui parviennent à l’agence de l’eau pour financer la préservation de la ressource semblent plus inadéquats encore quand on les compare aux montants qui pèsent sur son activité au titre de la contribution sur les eaux minérales, 6,2 millions d’euros en 2020, et au titre de la contribution sur les boissons dont le titre n’excède pas 1,2 % de titre alcoométrique volumique prévue par l’article 1613 quater du code général des impôts, 5,9 millions d’euros en 2020 ([488]). En outre, ces montants bien plus importants ne sont pas fléchés vers la protection de la ressource en eau.

Lors de son audition par la commission d’enquête, Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie a confirmé que : « au sujet des redevances prélèvements, il ne s’agit pas d’une fiscalité affichant une tarification incitative […] Cet instrument n’est pas suffisamment utilisé comme un instrument économique permettant de gérer la consommation de la ressource. »

La mise en œuvre du principe « pollueur-payeur » peut être entravée par le plafond mordant

Comme l’a expliqué la ministre de la Transition écologique lors de son audition, le plafond mordant ne trouve en pratique quasiment pas à s’appliquer, car les redevances ont été réévaluées par chacune des agences pour atteindre un rendement inférieur au plafond ([489]). En 2020, six millions d’euros seulement ont été redirigés vers le budget général de l’État sur un total de redevance d’environ 2,1 milliards d’euros ([490]).

Si les agences ont réévalué leurs redevances en fonction du plafond mordant, donc à un niveau inférieur auquel elles les auraient fixées sans cette contrainte, cela constitue bien un élément problématique aux yeux de la commission d’enquête. En effet, les redevances doivent non seulement constituer une source de financement pour les agences de l’eau, mais elles sont également envisagées comme des outils de fiscalité écologique incitative. En devant inscrire les taux des redevances dans l’espace ouvert par le plafond-mordant, des agences de l’eau ne sont pas en mesure de faire jouer pleinement l’outil de la redevance pour adresser des signaux-prix aux acteurs et les inciter à des démarches d’économie de la ressource.

Réaffirmer le principe « pollueur-payeur »

Lors de son audition par la commission d’enquête, la ministre de la transition écologique a indiqué qu’il fallait effectivement continuer à promouvoir le principe « pollueur-payeur ». Elle travaille à une réforme des redevances en ce sens, qu’elle s’ingénie à pouvoir intégrer dans le prochain projet de loi de finances ([491]).

Des redevances pour pollution à faire peser de manière plus forte sur les pollutions d’origines économiques

S’agissant des pollutions, Mme Sandrine Rocard directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie a évoqué la piste d’une taxation de l’azote minéral sur le même principe que la redevance pollution diffuse ([492]).

De manière plus globale, il s’agirait de rééquilibrer le poids de cette fiscalité sur les pollutions entre les différents types de pollutions et renforcer l’effet incitatif de cette fiscalité sur les pollutions les plus dommageables. Cela pourra passer par la taxation de nouveaux produits polluants sur le modèle de la redevance pour pollution diffuse.

 Proposition n° 29 : Rééquilibrer le système des redevances pour pollution entre les différents types de pollutions (domestiques, industrielles, agricoles) en accroissant le taux de la redevance pour pollution diffuse et en en élargissant l’assiette à d’autres produits polluants.

Rehausser les taux des redevances pour prélèvement sur la ressource en eau

Les taux actuels de la redevance pour prélèvement sont trop faibles pour orienter les comportements et pour fournir aux agences de l’eau des capacités financières significatives.

La redevance pour prélèvement sur la ressource en eau est une composante du prix de l’eau qui vise à inciter à un usage économe de l’eau. Elle constitue une part du prix de l’eau payé par les ménages, de l’ordre de 1,3 % (sur la base d’un prix moyen de 3,40 euros) ([493]). Elle représente l’intégralité du prix de l’eau payé par les usagers économiques (usagers agricoles et industriels) lorsqu’ils ne sont pas raccordés au réseau d’eau potable et qu’ils prélèvent directement l’eau dans le milieu, prix auquel s’ajoutent des coûts liés à l’adduction et au traitement éventuel de l’eau (ainsi que les redevances pollution).

Pour que les redevances pour prélèvement aient un pouvoir incitatif, il est nécessaire que la demande en eau soit élastique c’est-à-dire qu’elle varie en fonction du prix de l’eau. Celle de l’agriculture pour l’irrigation par exemple, est sans doute inélastique à court terme, particulièrement en saison sèche.

À plus long terme, des changements de culture et des améliorations des systèmes d’irrigation sont possibles en réaction à une augmentation du prix de l’eau. L’augmentation des taux des redevances de prélèvement pourrait ainsi contribuer à inciter des acteurs économiques à adopter des systèmes de production plus adaptés aux ressources en eau disponibles. L’exemple israélien l’illustre bien. Israël a instauré un tarif progressif de l’eau sur la base de quotas alloués par exploitation agricole, conduisant à une augmentation de 68 % en moyenne du prix de l’eau à usage agricole entre 1995 et 2005. Les pratiques culturales se sont adaptées durablement à cette variation de prix (techniques d’irrigation plus efficaces, utilisation d’eaux recyclées…) puisque les trois quarts seulement des quotas étaient utilisés en 2005.

Proposition n° 30 : Accroître les taux des redevances pour prélèvements sur la ressource en eau pour les usages lucratifs.

 


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DeuxiÈme partie :
La gestion de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement par les acteurs privÉs :
un modÈle À parfaire pour garantir le contrÔle des responsables publics

La gestion des services d’eau est au croisement de plusieurs questions fondamentales concernant le prix, l’accès, la qualité et la transparence de gestion de l’eau. L’Union européenne a ainsi développé un corps de règles abondant concernant la gestion de l’eau et de l’assainissement. Elle a notamment reconnu à l’approvisionnement en eau le caractère d’un service d’intérêt économique général au sens des articles 14 et 106 § 2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et admis que cette activité puisse indifféremment, au choix des États membres, relever en tout ou partie du marché, ou être considérée comme d’intérêt général et soumise à des obligations de service public.

En France, la délégation de la gestion des services d’eau à des acteurs privés connaît actuellement un phénomène de reflux, bien que les gestionnaires privés couvrent encore 61 % de la population pour la distribution d’eau. Le système de régie est désormais majoritaire en nombre de services d’eau puisqu’il couvre près de 21 000 communes. Cependant, la place encore très importante des opérateurs privés dans la gestion des services d’eau pose de nombreuses questions : existe-t-il un phénomène de « capture » de certaines collectivités par de grands opérateurs privés ? Les règles qui encadrent les choix des délégataires et la modification des contrats sont-elles suffisamment protectrices des collectivités et des contribuables ? Les collectivités disposent-elles des moyens réglementaires, techniques et humains, leur permettant d’assurer un contrôle efficace des délégataires ? Sur toutes ces questions, il apparaît que des marges d’amélioration substantielles sont encore possibles.

La commission d’enquête s’est également intéressée au caractère oligopolistique du marché de la gestion privée de l’eau et de l’assainissement pour déterminer s’il favorisait des rentes et des marges indues pour certains acteurs privés. Certaines personnes auditionnées ont en effet défendu la thèse selon laquelle le marché français de l’eau serait partagé entre différents grands acteurs privés, avec un faible niveau de concurrence, voire la possibilité d’ententes entre ces acteurs, ce que la commission d’enquête n’est pas parvenue à établir de manière irréfutable en l’absence d’éléments de preuve. Dans ce cadre, l’opération d’acquisition de Suez par Veolia a également fait l’objet d’une attention particulière, s’agissant des deux plus grands acteurs privés du marché de l’eau en France. Si à court terme, les équilibres sur le marché français semblent préservés, le poids acquis par le premier groupe au détriment du second rend absolument nécessaire la constitution d’une autorité de régulation des services d’eau en France, à la manière de l’Autorité de régulation des communications et des postes (ARCEP). Cette autorité serait en outre un bon moyen, aux côtés d’autres dispositions proposées dans ce rapport, de renforcer le rôle d’appui de l’État aux collectivités territoriales dans le domaine de la gestion de l’eau.

La commission d’enquête a également cherché à déterminer si le mode de gestion, public ou privé, pouvait avoir une influence sur la qualité de services, le prix et l’investissement dans les réseaux. Si le système de régie présente de nombreux avantages en matière de contrôle par les élus et les citoyens et de connaissance du réseau, l’influence du mode de gestion sur le prix n’est pas évidente même si la régie semble disposer d’un léger avantage. Les facteurs extérieurs au mode de gestion (situation de la commune, proximité de la ressource, difficultés d’accès, etc.) semblent prépondérants dans la détermination du prix.

Enfin, au niveau des investissements indispensables pour maintenir et développer la performance et le rendement des réseaux de distribution d’eau, dont l’importance est illustrée par le fait que près de 20 % de l’eau transportée fuit dans la nature, il apparaît qu’une clarification des responsabilités et un renforcement du soutien public à l’investissement sont nécessaires. Cela pose notamment la question du financement des promesses des Assises de l’eau, et plus généralement de la politique de l’eau.

Le libre exercice de la compÉtence locale en matiÈre de distribution d’eau potable et d’assainissement implique À la fois responsabilitÉ et contrÔle

Pour la gestion de l’eau, l’échelle la plus large est celle du bassin versant, c’est-à-dire le périmètre des agences de l’eau (modalité de gestion choisie en Grande-Bretagne) et le périmètre le plus étroit est celui de la commune (modalité de droit commun en France, avant que la loi NOTRe ([494]) transfère la compétence de la gestion de l’eau aux intercommunalités). Entre ces deux possibilités, il existe de nombreuses déclinaisons possibles. Cette diversité d’échelle dans l’exercice de la compétence se retrouve également dans les modes de gestion. Ceux-ci peuvent être regroupés en trois catégories : la gestion directe, la gestion intermédiaire et la gestion déléguée, chacun de ces modes connaissant plusieurs déclinaisons.

Cependant, les règles de passation des délégations de service public en matière d’eau ne sont pas soumises aux règles de droit commun de la commande publique et les délégations de service public (DSP) de services d’eau sont exclues du champ de la directive. Par conséquent, tout en préservant la liberté de choix des collectivités territoriales, il apparaît nécessaire de renforcer substantiellement les règles concernant le choix et le contrôle des délégataires par les collectivités, notamment en renforçant le formalisme de certaines procédures insuffisamment respectées aujourd’hui. Dans ce cadre, l’État doit également retrouver un rôle pour accompagner les collectivités sur le plan technique et financier.

Le principe de la compÉtence locale implique de laisser aux dÉcideurs municipaux la responsabilitÉ de recourir ou non à un cocontractant privé

Le principe de libre administration des collectivités territoriales, inscrit à l’article 72 de la Constitution, garantit aux collectivités ou à leurs groupements le libre choix du mode de gestion en fonction de leurs contraintes propres. La loi NOTRe a cependant introduit une évolution historique en confiant la compétence principale en matière d’eau et d’assainissement à l’échelon intercommunal, obligeant les communes à transférer une compétence dont elles disposaient depuis près de deux siècles. Cela n’a toutefois pas modifié les modes de gestion à disposition des élus locaux, dont les principaux sont la régie et la délégation de services publics (DSP).

Néanmoins, on constate actuellement un phénomène de « remunicipalisation » et de retour en gestion publique des services d’eau, qui constitue une tendance lourde des deux dernières décennies. Cette réalité n’est cependant pas uniforme et la remunicipalisation peut en effet s’accompagner d’un découpage des différentes missions de gestion de l’eau dont certaines sont opérées en régie et d’autres en DSP, voire à travers des formes mixtes.

Le principe de la compétence municipale puis intercommunale

Ces dernières années, la gestion du service public de l’eau potable et de l’assainissement est en mutation, revenant sur des lignes séculaires. En effet, dès le XIXe siècle, l’État consacre durablement les communes dans leur rôle d’autorité organisatrice de la distribution de l’eau, notamment à travers la loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes. Cette loi permit d’organiser des syndicats répondant au principe de spécialisation, très utilisés dans le domaine de l’eau, qui permirent aux communes de disposer de moyens accrus. Ce type de structure se développe avant-guerre essentiellement dans les campagnes. Elles ont pour vocation à approvisionner les lavoirs et les fontaines ou d’assurer les missions d’hygiène et de lutte contre les incendies dans les villes.

Tout au long du XXe siècle, les communes se regroupent en intercommunalité pour gérer leurs services d’eau, en déléguant souvent la gestion de ces services publics à des entreprises privées. Après-guerre, les services d’eau potable échappent d’ailleurs à la vague des nationalisations. Cette opposition perdure jusqu’à ce jour comme a souhaité le rappeler le ministre de l’Économie, des finances et de la relance, M. Bruno Le Maire, devant la commission : « Nous laissons le choix aux collectivités entre l’exploitation en régie et la délégation au secteur privé. Je ne suis absolument pas favorable à la nationalisation de l’eau qui, en faisant disparaître la concurrence, pourrait conduire à une augmentation des prix et à une dégradation de la qualité de service. Le choix offert entre la régie et la délégation privée garantit le meilleur service au moindre coût pour les consommateurs et assure le respect du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales, qui exclut l’existence d’une structure unique pour la gestion de l’eau. Je rappelle enfin que 58 % des Français sont alimentés en eau grâce à un acteur privé. » ([495]).

Dès lors, l’histoire de la gestion de l’eau en France est marquée par la coexistence d’une gestion assurée par les communes et syndicats intercommunaux et une gestion déléguée à des entreprises privées. Malgré l’extension des pouvoirs de l’intercommunalité, 80 % de la distribution de l’eau était encore déléguée dans les années 1990. La gestion déléguée s’impose alors comme le modèle français du service public de l’eau, contrairement aux autres pays européens. Trois entreprises du secteur privé, Veolia, Suez et la Saur, concentrent l’essentiel de l’activité.

L’article L. 2224-7-1, tel qu’il a été introduit dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) par la loi sur l’eau du 30 décembre 2006, attribue la compétence exclusive en matière de distribution d’eau potable aux communes, venant ainsi conforter par la loi une pratique déjà courante.

Presque dix ans plus tard, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) marque une rupture et transfère de plein droit l’exercice des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement aux intercommunalités, en lieu et place des communes membres. Pour les communautés urbaines et les métropoles, ce transfert est effectif dès la publication de la loi (soit depuis le 8 août 2015) et pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, ce transfert devait avoir lieu à compter du 1er janvier 2020.

Des assouplissements aux modalités de transfert de ces compétences ont toutefois été apportés par la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de commune, avec l’introduction du mécanisme de minorité de blocage. Grâce à ce dispositif, les communes d’une communauté de communes qui n’exerce pas, à la date de publication de la loi, les compétences eau ou assainissement, ont la possibilité de reporter le transfert de l’une ou l’autre ou des deux compétences au 1er janvier 2026, si 25 % des communes membres de l’intercommunalité représentant 20 % de la population intercommunale s’opposent à l’un ou aux deux transferts avant le 1er juillet 2019.

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a encore assoupli les modalités de report de la prise de compétence eau et assainissement au 1er janvier 2026 par les communautés de communes en élargissant cette possibilité aux communautés de communes exerçant déjà, au 5 août 2018, une partie de la compétence eau ou une partie de la compétence assainissement sur tout ou partie de son territoire.

En matière de compétences, la loi NOTRe de 2015 a cependant accru le rôle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en matière d’eau et assainissement. Pour la première fois depuis près de deux siècles, les communes ne sont donc plus les autorités organisatrices du service public de l’eau et de l’assainissement. De fait, cela provoquera, à terme, la dissolution des EPCI sans fiscalité propre en charge de ces services, soit initialement près de 2 300 syndicats d’eau et 1 100 syndicats d’assainissement. À l’heure actuelle, on notera d’ailleurs que près 75 % des communes sont regroupées au sein de structures intercommunales pour le service eau potable contre 44 % pour le service de l’assainissement.

La loi NOTRe a ainsi eu pour effet de réduire l’émiettement des collectivités gestionnaires de services d’eau bien que celui-ci persiste. À l’heure actuelle, les données actuelles disponibles sur eaufrance.fr font état de 10 826 services d’eau (contre 12 500 en 2017) et 12 802 services d’assainissement collectif (contre 15 396 en 2017), avec 27 510 collectivités en 2017 et 20 420 collectivités en 2021. Le nombre de collectivités gestionnaires se serait réduit de 26 % en 4 ans. On est cependant loin des anticipations de la Gazette des communes qui estimait entre 1 500 et 3 500 le nombre de collectivités restantes à l’horizon de 2020. Mi‑2018, 32 % des EPCI disposaient déjà de la compétence eau potable et 44 % d’entre eux de la compétence assainissement collectif. Ces EPCI abritent la majorité de la population française : 62 % pour la distribution d’eau potable et 71 % pour l’assainissement collectif.

L’EXERCICE DES COMPÉTENCES EAU ET ASSAINISSEMENT AVANT ET APRÈS
LA LOI NOTRE

Source : Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E)

Il convient de souligner que le transfert d’une compétence donnée à un EPCI ou à un syndicat mixte par l’une de ses communes membres entraîne le dessaisissement corrélatif et total de cette dernière, en ce qui concerne ladite compétence. Dans cette hypothèse, la collectivité nouvellement compétente se substitue à celle à l’origine du transfert dans tous ses droits et obligations à l’égard des tiers (en application de l’article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales). La commune demeure néanmoins l’un des acteurs du pilotage de ce service, par l’intermédiaire de ses délégués (conseillers communautaires ou délégués syndicaux), désignés au sein de l’intercommunalité.

Parallèlement, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) sont une compétence confiée aux intercommunalités (métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes) par les lois de décentralisation n° 2014-58 du 27 janvier 2014 et n° 2015-991 du 7 août 2015, depuis le 1er janvier 2018. La réforme concentre à l’échelle intercommunale des compétences précédemment morcelées et permet une solidarité territoriale : elle organise le regroupement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre au sein de structures dédiées ayant les capacités techniques et financières suffisantes pour exercer ces compétences, lorsque le bloc communal ne peut pas les assumer seul à l’échelle de son territoire. Les actions entreprises par les intercommunalités dans le cadre de la GEMAPI sont définies ainsi par l’article L.211-7 du code de l’environnement :

– l’aménagement des bassins versants ;

– l’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, lacs et plans d’eau ;

– la défense contre les inondations et contre la mer ;

– la protection et la restauration des zones humides.

La loi NOTRe permet enfin à une communauté de communes ou à une communauté d’agglomération de déléguer tout ou partie des compétences eau et assainissement à l’une de ses communes membres ou à un syndicat d’eau par le biais d’une convention qui formalise un plan d’investissement et de gestion et un engagement à respecter un cahier des charges intégré à la convention. La convention, conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes, précise la durée de la délégation et ses modalités d’exécution, en les assortissant d’indicateurs de performance à respecter. À l’heure actuelle, 58 % des communes (contre 53,8 % en 2016) ont désormais transféré toutes leurs compétences eau et assainissement aux intercommunalités. Cet indicateur présente ainsi une progression légère de 1 à 1,5 point de pourcentage chaque année.

Les choix de gestion à la disposition des décideurs locaux

En France, le service de distribution de l’eau est, par obligation du législateur renforcée par les directives européennes, un service public industriel et commercial (SPIC), ce qui implique :

– un budget séparé pour le service doit être mis en place (et suivre les règles de la comptabilité M49) ;

– le budget du service doit être équilibré en recettes et en dépenses (article L. 2224-1 du CGCT) ;

– la commune ou collectivité ne peut affecter une part de son budget général aux dépenses du service ;

– le montant de la redevance payée par l’usager doit être la contrepartie du service rendu ;

– la tarification doit respecter le principe d’égalité des usagers.

Les communes et les groupements intercommunaux qui bénéficient de transferts de compétences de leurs communes membres en matière de production, de transport et de distribution d’eau, sont définis comme les autorités organisatrices du service public de distribution d’eau potable, obligatoirement assumé par ces dernières conformément aux dispositions de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales.

Le plus souvent propriétaires des installations, ces autorités organisatrices décident du mode de gestion adapté à leurs besoins. Elles décident également des choix tarifaires, de la fixation des niveaux de performance à atteindre, de la politique d’investissement, voire de la politique sociale.

La gestion de chaque service requiert ainsi plusieurs compétences ou missions :

– au titre de l’eau potable : la production par captage, la protection du point de prélèvement, le traitement, le transport, le stockage et la distribution de l’eau, la gestion de la clientèle ;

– au titre de l’assainissement collectif : le contrôle des raccordements au réseau, la collecte, le transport et l’épuration des eaux usées, la valorisation des boues produites, la gestion de la clientèle.

Les modes de gestion des services d’eau peuvent être regroupés en trois catégories : la gestion directe, la gestion intermédiaire et la gestion déléguée, chacun de ces modes connaissant plusieurs déclinaisons.

-         Régie directe : la collectivité locale gère directement le service dans un cadre de réglementation publique. Le service d’eau ou d’assainissement ne se distingue pas de l’autorité sous laquelle il est placé. Un budget annexe doit néanmoins être tenu ;

-         Régie autonome : le service est doté de l’autonomie financière, mais sans personnalité morale (il ne se distingue pas de l’autorité sous laquelle il est placé) ;

-         Régie personnalisée : le service est doté de l’autonomie financière avec la personnalité morale. Il a un statut proche de celui d’établissement public (avec un conseil d’administration et un directeur).

-         Régie intéressée : l’exploitation du service est confiée à un prestataire extérieur sous la responsabilité financière de la collectivité (« risques et périls » supportés par la collectivité). Le régisseur est associé à la détermination du prix et perçoit un forfait et un intéressement ;

-         Gérance : l’exploitation du service est confiée à un prestataire extérieur sous la responsabilité financière de la collectivité (« risques et périls » supportés par la collectivité). Le gérant n’est pas associé à la détermination du prix et ne perçoit qu’une rémunération forfaitaire ;

-         Affermage : gestion et entretien par le fermier des équipements mis à disposition par la collectivité pour une exploitation à ses risques et périls. Le fermier assure tout ou partie du renouvellement des installations qui restent la propriété de la collectivité. La rémunération du fermier est perçue directement auprès de l’usager après négociation avec la collectivité ;

-         Concession : le concessionnaire réalise et finance des ouvrages neufs et les extensions de réseau. Il assure l’entretien et le renouvellement des ouvrages correspondants et les remet à la collectivité en fin de contrat. Il gère le service à ses risques et périls. Sa rémunération est perçue directement auprès des usagers.

DiffÉrents mode de gestion des services d’eau et d’assainissement

Source : Fédération nationale des collectivités concédantes et régies.

L’affermage est aujourd’hui la forme de délégation la plus répandue (environ 80 % des délégations) même si, numériquement, les services gérés en régie sont désormais plus nombreux. Contrairement à la concession, l’affermage ne met pas à la charge du délégataire d’obligation d’assumer les premiers investissements. En effet, lorsque les investissements liés à la construction des ouvrages ont déjà été réalisés, les nouvelles conventions de délégation du service public de distribution d’eau potable tendent à la conclusion de contrats d’affermage, qui peuvent toutefois garder certains traits de caractère concessifs, mais dont l’objet principal est l’exploitation du service public.

L’affermage est donc une catégorie de délégation de service public par laquelle la collectivité confie à un tiers (dit « fermier ») le soin d’exploiter un service au moyen d’installations déjà construites en se rémunérant principalement auprès des usagers. Le fermier a essentiellement en charge la gestion du service (entretien des matériels d’exploitation, gestion de la clientèle).

Sur les 12 096 services publics d’eau potable recensés en France, 30,6 % sont gérés en délégation par un prestataire privé et couvrent près de 57,3 % de la population française. À l’inverse, 69,4 % des cas faisant l’objet d’une gestion directe par une personne publique couvrent 42,7 % de la population. Pour l’assainissement, 22,9 % des 14 355 services d’assainissement collectif existants sont gérés par des opérateurs privés, qui couvrent 61,4 % de la population ; 74,7 % de ces services font l’objet d’une gestion publique, pour 38,6 % de la population ([496]). Cela s’explique par la taille moyenne des services en gestion déléguée, trois ou quatre fois plus importante que la taille moyenne des services gérés en régie.

Le risque financier d’exploitation est supporté par l’opérateur qui assure avec ses propres personnels le bon fonctionnement du service et se rémunère auprès des usagers selon des tarifs définis sous le contrôle de la collectivité délégante. Ainsi, le juge administratif, lorsqu’il est saisi d’une question relative à la qualification d’un contrat, analyse les composantes de la rémunération du délégataire pour conclure à l’existence ou non d’un transfert de risque d’exploitation à la charge du titulaire, et donc à la qualification d’un contrat en convention de délégation de service public ou en marché public. Toutefois, une partie des sommes inscrites sur les factures d’eau revient à la collectivité pour couvrir ses frais d’investissement, notamment dans les réseaux (cf. infra).

En matière de gestion des services d’eau, il est également fréquent d’observer une gestion par le biais de marchés publics spécifiques. Des lots peuvent être prévus, par exemple, pour la facturation, les travaux de réparation de fuite, les travaux de renouvellement des canalisations, l’exploitation des usines et des captages, les relations avec les usagers, etc. Ce mode de gestion a l’avantage de confier des prestations à des entreprises sur des objets limités en gardant une marge de manœuvre plus grande pour la collectivité. Il peut y avoir l’avantage d’un plus grand pouvoir de direction de la part de la collectivité et d’une mise en concurrence plus efficace.

La régie intéressée est aussi un type de contrat utilisé par les collectivités car plus facile à contrôler, la collectivité gardant la direction du service. Le régisseur encaisse l’argent, mais il est rémunéré par la collectivité. Dans le cas d’une externalisation étendue, il est ainsi possible d’allier une régie intéressée pour la gestion principale du service d’eau et des marchés de prestation de services et de travaux pour les éléments annexes. Dans ce cas, le risque est également une augmentation des coûts liés à la gouvernance et à la rémunération de tous ces prestataires ainsi qu’une certaine dilution de la responsabilité (cf. II. C de la présente deuxième partie).

En tout état de cause, les motivations des choix des collectivités semblent, la plupart du temps, moins guidées par des orientations politiques ou idéologiques affirmées que par des éléments matériels contingents. Ces éléments matériels peuvent être la dépendance de longue date à un délégataire qui a conduit la collectivité à se désinvestir du suivi et du contrôle de la délégation, mais cela peut également relever de considérations plus pragmatiques comme la configuration du réseau, la difficulté d’accès à la ressource, les objectifs d’entretien ou d’extension du réseau, la capacité financière de la commune, etc.

Dans tous les cas, faire un choix éclairé suppose, pour la collectivité, de connaître le service d’eau et d’assainissement à travers ses points forts et ses points faibles, et notamment la connaissance précise des besoins d’investissements et des coûts d’exploitation. Cette connaissance dépend de la façon dont la collectivité s’est impliquée dans la connaissance de son service par le passé. Le choix de gestion sera plus difficile si la collectivité ne s’est pas impliquée dans la gestion de son réseau ou dans le contrôle de cette gestion.

Pour mieux favoriser l’appropriation par les collectivités des possibilités et des obligations qui s’offrent à elles, il apparaît souhaitable que l’État élabore un guide public de la gestion de l’eau présentant de manière détaillée les différentes options possibles.

Proposition n° 31 : Élaborer un guide public de la gestion de l’eau présentant les différents modes de gestion et permettant d’établir des comparaisons entre eux.

Des résultats relativement proches en termes de prix et de qualité de services

Selon les dernières données recueillies par l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, « En France, le prix moyen du service est plus élevé en moyenne de 9 centimes pour l’eau potable et de 14 centimes pour l’assainissement collectif pour les services gérés en délégation par rapport aux services en régie. L’écart était respectivement de 7 centimes et 17 centimes en 2017. Sur le principe et l’ampleur de l’écart, le résultat des données 2018 est conforme aux différentes études qui ont pu être réalisées ces dernières années » ([497]).

Au total, l’assainissement est 3,9 % plus cher lorsqu’il est géré par un opérateur privé dans le cadre d’une délégation de service public et l’eau potable est 5,4 % plus cher quand distribuée par un opérateur privé.

Mais dans les faits, il apparaît que les difficultés propres liées à la mise en place de l’eau et de l’assainissement expliquent mieux ces différences de prix que le choix entre gestion publique et gestion privée. Comme l’a expliqué le professeur Stéphane Saussier, « Deux facteurs principaux peuvent être avancés pour expliquer de tels écarts. Le premier est que le prix résulte des conditions dans lesquelles l’appel d’offres a eu lieu lors du passage à une délégation de service public. Le second est qu’une collectivité peut décider de confier la prestation à un opérateur privé dès lors que le service à gérer est complexe, par exemple en raison d’une forte pollution, d’une faible densité de population ou d’un sous-investissement chronique sur le réseau par le passé. […]

« Tout d’abord, le prix de l’eau s’explique bien par les caractéristiques du réseau : plus l’eau brute est de mauvaise qualité, plus les besoins de traitement, donc les investissements, sont conséquents. Les arguments des experts qui estiment que le prix de l’eau s’explique uniquement par des causes politiques sont donc erronés. Entrent également en ligne de compte l’origine de l’eau (souterraine ou de surface, brute ou mixte), ainsi que la densité de la population, le caractère touristique de la collectivité imposant des investissements destinés à gérer une surpopulation temporaire, ou encore la nécessité d’importer de l’eau brute ou déjà traitée.

« Le deuxième résultat correspond au mode de gestion. Une gestion publique induit systématiquement un avantage prix de 8 % en moyenne pour les collectivités de moins de 10 000 habitants, alors que les prix sont comparables pour les deux modes de gestion pour les collectivités de plus de 10 000 habitants. Ces comparaisons portent sur des réseaux aux caractéristiques identiques, notamment une même densité de population et un même type de traitement, mais n’intègrent pas des données relatives à la qualité du service.

« Le troisième résultat est plus fragile. L’objectif était de vérifier si la couleur politique des collectivités, ou un changement de maire durant la durée d’un contrat, pouvait expliquer le passage d’une délégation de service public à une régie, et inversement. Au final, il semble que, pour les collectivités de plus de 10 000 habitants, le principal élément expliquant le changement du mode de gestion est un prix de l’eau supérieur à ce que prévoyaient les études économétriques préalables. Il apparaît d’ailleurs que, selon la base de données de l’institut français de l’environnement, entre 1998 et 2008, le nombre de passages d’une délégation de service public vers une régie est équivalent au nombre de passages d’une régie vers une délégation de service public.

« Enfin, le dernier résultat est qu’un nombre croissant de collectivités choisissaient le même opérateur pour gérer la distribution d’eau et l’assainissement et faisaient en sorte que la date d’échéance des deux contrats soit identique. Différentes pistes peuvent être avancées pour expliquer cette tendance, allant de la corruption à la recherche d’efficacité et d’économies d’échelle. Notre étude n’a pas permis de mettre en évidence des synergies entre les deux contrats, mais d’autres études parviennent à un résultat contraire. En revanche, notre étude démontre que choisir un même opérateur pour gérer la distribution et l’assainissement induit un prix plus faible pour le consommateur. Cet élément s’explique sans doute par le fait que fixer une date d’échéance comparable pour les deux contrats permet d’améliorer l’attractivité d’une collectivité, alors que le nombre d’offres remises par appel d’offres est actuellement inférieur à deux en France. » ([498])

Par ailleurs, ce même rapport détermine que les réseaux en gestion directe avaient un rendement moyen de 78,1 %, alors que les réseaux en gestion déléguée avaient un rendement de 81,4 % en 2017.

En cherchant à analyser pourquoi les DSP ont un rendement de leur réseau supérieur de 3,74 points par rapport aux régies en 2017, M. Alexandre Mayol a réalisé un test statistique pour le rapporteur, qui a déterminé que cet écart est significatif et non lié à d’autres facteurs ([499]). Il démontre ainsi que les réseaux d’eau et d’assainissement gérés en DSP ont un rendement et donc une qualité de service supérieure, même si proche de celles fournies par les régies.

Quelle réalité du phénomène de remunicipalisation ?

Le retour à la gestion publique ou « remunicipalisation » débute dans les années 2000 puis s’accélère à partir de 2010, date qui marque le début d’une période de renégociation de nombreux contrats de délégation qui arrivent à terme. La découverte de scandales liés à des fraudes, comme à Grenoble, et au mauvais entretien des canalisations, comme à Bordeaux, ainsi que des considérations relatives aux différences de prix entre les deux modes de gestion (voir II. C de la présente deuxième partie), marquent l’émergence d’un nouveau retour à la gestion publique. Paris procède également à un retour en gestion publique à partir de 2010, ce qui a témoigné des difficultés rencontrées en matière de réversibilité des délégations, notamment d’un point de vue opérationnel (compétences manquantes, systèmes d’information non performants, etc.). La commune de Paris a d’ailleurs mis en avant une « exigence démocratique et de transparence dans la gestion » dans son opération de remunicipalisation.

C’est également le cas pour Grenoble qui a été marquée par quatre périodes qui ont donné lieu à des politiques différentes concernant un même service public de l’eau : une longue période de gestion publique directe de 1882 à 1989, une gestion privée par la société Lyonnaise des eaux de 1989 à 1995, une gestion dite « mixte » de 1995 à 1999, une gestion en régie publique de 2000 à nos jours. L’expérience grenobloise est généralement considérée par les partisans d’une gestion publique du service de l’eau comme un cas d’école révélant les risques d’une gestion privée de l’eau sur fond de corruption, comme l’a rappelé M. Raymond Avrillier devant les membres de la commission d’enquête ([500]).

En effet, en 1989, le maire de l’époque, M. Carignon, soumet au conseil municipal de Grenoble une délibération qui prévoit de « déléguer les services publics de l’eau et de l’assainissement » à une filiale de la Lyonnaise des eaux, créée pour la circonstance. Cette société sera reconnue avoir préalablement financé de manière illégale la campagne électorale de M. Carignon. Ce dernier sera condamné à cinq ans de prison, cinq ans d’inéligibilité, et 400 000 francs d’amende pour corruption, abus de biens sociaux et subornation de témoins.

Au-delà du risque de corruption directe, le contrat de gestion privée de l’eau de Grenoble a eu de nombreuses conséquences sur la gestion :

– le personnel public du service communal est passé sous le régime du droit privé de la Lyonnaise des eaux ;

– les compétences techniques et financières de la ville ont en grande partie disparu, ainsi que les documents, données et outils de base transférés au privé ;

– les tarifs n’étaient plus fixés chaque année par le conseil municipal, mais fixés pour 25 ans dans le contrat entre la ville et le groupe privé, avec des évolutions indicées dont la valeur réelle va échapper aux élus et aux usagers ;

– les comptes publics du service et les marchés deviennent des comptes sociaux et des marchés privés du délégataire passés entre filiales de la Lyonnaise des eaux ;

– enfin, le contrat de délégation au privé augmente les tarifs de l’eau de 51 % de 1990 à 1995.

M. Avrillier attribue ainsi ces nombreuses conséquences à l’absence des contrôles démocratiques en principe fixés par les textes constitutionnels, législatifs et réglementaires, et qui sont des devoirs des élus (par l’assemblée délibérante) et des cadres communaux, du préfet (qui doit contrôler la légalité des décisions des collectivités), des ministres, des services de l’État et de l’Agence de l’eau, des comptables et des juges des comptes publics. Les surcoûts de la gestion privée se sont traduits par des :

– surfacturations internes et externes ;

– une importance des frais de structure (ou de groupe) cachant des marges ;

– l’absence de justification des charges indirectes (dont les « frais de siège » ou « frais de groupe ») ;

– l’absence de justification des frais financiers, des coûts des apports en compte courant ou des prêts internes au groupe imputés au contrat ;

– la non-communication des produits financiers liés aux provisions pour renouvellement, ou pour risques d’impayés ou autres ;

– la non-communication des produits financiers liés aux délais de reversement des sommes dues à l’Agence de l’eau, à la collectivité et à d’autres instances ;

– la non-communication du coût réel des marchés passés avec les filiales sans mise en concurrence.

Selon M. Avrillier, avec le retour en régie, le taux de renouvellement des équipements a été trois fois plus important que durant la délégation au privé et le prix de l’eau a pourtant diminué de manière importante puis été stabilisé pendant près de dix ans. Cela aurait permis aux usagers grenoblois d’économiser 20 millions d’euros sur leurs factures d’eau, et 30 millions d’euros sur l’assainissement, rien que de 1996 à 2008, par rapport aux prix de la Lyonnaise des eaux en 1995. L’expérience grenobloise montre également que l’accès aux informations et l’analyse pluraliste ou contradictoire supposent l’existence d’une mémoire et d’un suivi des services de la collectivité, des échanges et comparaisons avec d’autres collectivités, des personnels compétents.

Malgré une réalité de ce phénomène de retour en gestion publique, la DSP demeure néanmoins bien implantée et couvre encore la majeure partie de la population.

Le phénomène de retour à la gestion publique est donc bien une réalité mais cette réalité n’est pas uniforme et la gestion déléguée continue de couvrir la majeure partie de la population, malgré un recul de 20 % des parts de marché en l’espace de 20 ans. Même dans les cas retour en régie, les partenariats avec les entreprises de l’eau et de l’assainissement sont multiples, sous la forme de contrat d’assistance, de contrat de prestations de service, etc. La collectivité garde toujours la propriété de son service et la direction de son service, même dans les cas de concession.

Par ailleurs, la taille du service et son mode de gestion sont très corrélés : la proportion de services en délégation est d’autant plus importante que leur taille (en nombre d’habitants) est élevée. On trouve près de cinq fois moins de services en délégation qu’en régie dans la catégorie des services de moins de 1 000 habitants, alors qu’on en retrouve en moyenne deux fois plus dans les catégories au-delà de 3 500 habitants.

Le cadre juridique applicable à la régie et à la délégation de service public (DSP)

Que ce soit en régie ou en DSP, les collectivités sont tenues de respecter un certain nombre de règles, dont nous verrons ultérieurement qu’elles peuvent être renforcées, notamment en matière de négociation et de renégociation des contrats, ainsi que sur le volet du contrôle au cours de l’exécution.

En premier lieu, les collectivités sont tenues de fixer un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution comprenant un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution de l’eau potable. Les collectivités sont également tenues de remettre un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public (RPQS) permettant de rendre compte aux usagers du prix et de la qualité du service rendu pour l’année écoulée. Elles établissent enfin un schéma d’assainissement collectif qui détaille les ouvrages de collecte et l’organisation du transport des eaux usées.

En ce qui concerne le mode de gestion, les obligations diffèrent en revanche. En effet, une régie est un mode de gestion du service public de l’eau (et peut désigner par extension l’entité qui gère ce service) qui ne nécessite pas directement de relation contractuelle avec un tiers, à l’inverse de la délégation de service public.

Les obligations réglementaires propres aux régies

Le fonctionnement des régies est prévu par le code général des collectivités territoriales. Dans la régie simple, la collectivité compétente assure avec son propre personnel la gestion du service (eau, transports, cantine, piscine, etc.). Elle procède à l’ensemble des dépenses et à leur facturation à l’usager. Elle peut faire appel à des prestataires extérieurs mais les rémunère directement dans le respect du code des marchés publics. C’est un simple service de la collectivité. Cependant, seules les communes fonctionnant avec des régies directes depuis 1926 et les communes de moins de 500 habitants peuvent encore utiliser ce mode de gestion.

En effet, la loi impose désormais de doter la régie de l’autonomie financière, afin de mieux contrôler l’équilibre financier imposé au service de l’eau et de l’assainissement. La régie peut être dotée pour cela de la personnalité morale. Elle devient alors un établissement public dont le budget est distinct de celui de la commune et qui dispose son propre conseil d’administration.

Dans le cas d’une régie personnalisée, l’entité en charge de la gestion du service dispose d’une autonomie financière et de la personnalité morale. Elles sont créées par délibération du conseil municipal et sont administrées par un conseil d’administration et un directeur désignés sur proposition du maire.

La gestion en régie n’exclut pas la possibilité pour les communes de se regrouper avec d’autres communes. Les collectivités ou leurs groupements peuvent constituer une régie pour l’exploitation directe d’un service public industriel et commercial mais doivent avoir recueilli l’avis de la commission consultative des services publics locaux (CCSPL). Les régies sont soumises au contrôle de la chambre régionale des comptes ou du pôle national d’apurement administratif (PNAA).

Certaines dispositions relatives aux régies, souvent d’ordre réglementaire, pourraient faire l’objet d’améliorations. Ainsi, selon les réponses écrites adressées à la commission d’enquête par M. Alexandre Abou, conseiller référendaire à la chambre régionale des comptes de Guadeloupe, le statut et les modalités de recrutement et de rémunération des directeurs des régies personnalisées pourraient être modernisés car ils correspondent trop souvent à des postes en contrat à durée déterminée mal rémunérés ([501]).

Les obligations propres aux DSP

Contrairement à une régie, une délégation de service public est désormais considérée comme un « contrat de concession de service public » au sens de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. Ce contrat est conclu par écrit et permet à une autorité délégante de confier la gestion d’un service public à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix.

Ainsi, selon l’article L. 1121-3 du code de la commande publique, « Un contrat de concession de services a pour objet la gestion d’un service. Il peut consister à concéder la gestion d’un service public. Le concessionnaire peut être chargé de construire un ouvrage ou d’acquérir des biens nécessaires au service. La délégation de service public mentionnée à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales est une concession de services ayant pour objet un service public et conclue par une collectivité territoriale, un établissement public local, un de leurs groupements, ou plusieurs de ces personnes morales ».

L’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise par ailleurs que la « convention de délégation de service public définie à l’article L. 1121-3 du code de la commande publique [doit être] préparée, passée et exécutée conformément à la troisième partie de ce code ».

De même que pour le marché public, trois éléments cumulatifs sont ainsi nécessaires pour identifier une délégation de service public :

– un élément matériel en la présence d’une personne publique ;

– un critère matériel, ce qui suppose l’existence d’un service public, une délégation effective de ce service public et une délégation par contrat ;

– enfin, un critère financier : il faut impérativement que la rémunération du cocontractant soit substantiellement liée aux résultats d’exploitation.

C’est sur le critère financier que se situe la principale différence entre un marché public et une délégation de service public (Conseil d’État, 15 avril 1996, Préfet des Bouches-du-Rhône et Conseil d’État, 30 juin 1999, SMITOM). S’il s’agit pour un marché public du paiement d’un prix défini à l’avance pour la réalisation d’une prestation, la rémunération doit être au contraire « substantiellement liée aux résultats d’exploitation » dans le cas de la délégation de service public.

Il convient cependant de souligner que « substantiellement » ne signifie pas « majoritairement », et ne conditionne pas de supporter la totalité des risques d’exploitation, même si c’est souvent le cas en pratique. La part de risque transférée au délégataire implique a minima une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le délégataire ne doit pas être purement nominale ou négligeable (Conseil d’État, 15 juin 1994, Syndicat intercommunal des transports publics de la région de Douai).

Le délégataire peut également être chargé de construire des ouvrages, de réaliser des travaux ou d’acquérir des biens nécessaires au service public.

Au regard du droit européen, on notera toutefois que l’eau fait partie des secteurs exclus de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, ce qui n’est pas sans poser de questions, notamment pour les délégations portant sur des montants modestes (cf. infra).

Le dÉLÉgataire de service public doit Être choisi en toute transparence et impartialitÉ

Les délégations de service public ne sont pas soumises à l’ensemble des règles qui s’imposent aux soumissionnaires de marché public. Cependant, des règles s’imposent aux collectivités en matière de choix du cocontractant.

Le cadre légal de choix du cocontractant

Les délégations de service public recouvrent des formes variées, parmi lesquelles les plus fréquentes sont les concessions de travaux publics et/ou de service public et affermage, mais aussi plusieurs autres types de contrats (régie intéressée, gérance ou autres contrats sui generis).

Elles ont longtemps constitué l’une des sources possibles de corruption car elles étaient traditionnellement soumises, en droit interne et jusqu’à la parution de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (dite « loi Sapin I »), à un régime d’attribution libéral, sans mise en concurrence, contrairement aux marchés publics.

La « loi Sapin I » a donc organisé la publicité, les conditions de mise en concurrence et d’examen des offres. Elle fut suivie par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier » du 2 février 1995 qui institue le rapport obligatoire annuel du maire sur la qualité et le prix du service, qui encadre la durée des contrats au-delà de 20 ans et qui interdit le versement de droits d’entrée pour remporter un contrat de délégation. M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble, rappelle ainsi que « à la signature d’un contrat de délégation, le maître d’ouvrage a souvent le sentiment que le coût d’une régie serait supérieur. La raison est qu’une régie doit équilibrer son budget, alors que le délégataire calcule la rentabilité sur l’ensemble de la durée du contrat. Cet élément explique pourquoi la Cour des comptes cherche à diminuer la durée des contrats, afin de limiter l’accumulation des bénéfices par le délégataire et d’accélérer la remise en concurrence. En effet, une telle procédure permet d’enregistrer une diminution du prix de la prestation comprise entre 8 % et 40 %. De tels taux démontrent que le point d’équilibre d’un contrat est atteint aux alentours de la dixième année. » ([502]).

 Enfin, la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public, dite « loi Mazeaud » précise les conditions tarifaires, limite celles concernant la prolongation des contrats, institue le rapport obligatoire du délégataire et le contrôle de ses comptes par les chambres régionales et territoriales des comptes. La loi Sapin se contente toutefois d’organiser la concurrence entre les candidats à la DSP et ne contient aucune indication quant à une éventuelle analyse comparative obligatoire avec un mode de gestion public.

Depuis 1993, la loi a également conservé la pratique ancienne de libre discussion entre le candidat délégataire et le représentant légal de la collectivité (maire ou président d’EPCI), qui permet à ce dernier de choisir le délégataire malgré l’avis de la commission consultative des services publics locaux (CCSPL). Cette procédure a cependant imposé de larges mesures de publicité et d’information depuis la préparation des documents de consultation (procédure de publicité et de mise en concurrence) jusqu’à la négociation du contrat (analyse des propositions formulées par les candidats).

En premier lieu, l’article L. 1411-5 du CGCT prévoit la constitution d’une commission pour analyser les dossiers de candidature et dresser la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-1 à L. 5212-4 du code du travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public.

Au vu de l’avis de la commission, l’autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public peut organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans les conditions prévues par l’article L. 3124-1 du code de la commande publique.

La commission est composée de l’autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public ou son représentant et de cinq membres de l’assemblée délibérante élus en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste pour les communes de plus de 3 500 habitants et pour les établissements publics. Lorsqu’il s’agit d’une commune de moins de 3 500 habitants, la commission est formée par le maire ou son représentant et par trois membres du conseil municipal élus par le conseil à la représentation proportionnelle au plus fort reste. Lorsqu’ils y sont invités par le président de la commission, le comptable de la collectivité et un représentant du ministre chargé de la concurrence peuvent participer, avec voix consultative, aux réunions de la commission. Leurs observations sont consignées au procès-verbal.

Peuvent enfin participer à la commission, avec voix consultative, des personnalités ou un ou plusieurs agents de la collectivité territoriale ou de l’établissement public désignés par le président de la commission, en raison de leur compétence dans la matière qui fait l’objet de la délégation de service public.

Il convient par ailleurs de souligner que les délégations de service public sont soumises à des règles d’attribution dont la violation est sanctionnée par le délit de favoritisme. Ce délit, créé par la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché, puis remanié dans la loi « Sapin I » précitée du 29 janvier 1993, désigne le délit d’octroi d’un avantage injustifié dans les marchés publics et les délégations de services publics. Il figure désormais à l’article 432-14 du code pénal.

La loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II », clarifie le champ de cette incrimination en l’étendant à tous les marchés publics et à tous les contrats de concession (qui comprennent les délégations de service public mais également les concessions de travaux). Elle a également créé une Agence française anticorruption (AFA) ayant pour mission d’aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme (ci-après atteintes à la probité).

On notera toutefois que, en matière de services d’eau, le nombre moyen de candidats au moment des appels d’offres est inférieur à 1,7 en moyenne, ce qui laisse planer des suspicions sur la réalité de la concurrence au sein du marché de l’eau (cfinfra).

L’encadrement de la contractualisation

Depuis l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et son décret d’application n° 2016- 86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, les modalités de publicité ont également été harmonisées. Des règles communes s’appliquent aux contrats de concession, qu’il s’agisse de concessions de travaux ou de services. Elles découlent de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.

Conformément à l’article R. 3122-2 du code de la commande publique, l’autorité concédante doit publier les contrats dont la valeur estimée hors taxes est égale ou supérieure au seuil européen (5,5 millions d’euros), un avis de concession dans les trois supports suivants : au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et dans un journal d’annonces légales (JAL) ou une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné. Ces règles permettent d’assurer une publicité suffisante auprès des opérateurs ayant vocation à être candidats, en particulier pour les concessions d’intérêt transfrontalier certain, et de respecter le principe de libre accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats.

Toutefois, en matière de concession de service public d’eau potable, la directive 2014/23/UE dite « Concessions » du 26 février 2014 exclut de son champ d’application les services publics dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’eau potable.

En conséquence, et par application du a) du 2°) de l’article R. 3126-1 du code de la commande publique, les contrats de concession relatifs à l’eau potable sont soumis à des règles de passation dérogatoires, prévues aux articles R. 3126-3 et suivants de ce code. L’autorité concédante qui envisage d’attribuer un contrat de concession, publie un avis de concession, qui comporte notamment une description de la concession et des conditions de participation à la procédure de passation.

Ainsi, en matière de concession d’eau potable, aucune obligation législative ou réglementaire de hiérarchisation des critères ne s’impose à l’autorité concédante, le Conseil d’État l’ayant encore récemment rappelé (Conseil d’État, 8 novembre 2019, Cap Nord Martinique). L’autorité concédante n’est pas non plus tenue de notifier sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre, ni de l’informer sur les raisons précises qui ont motivé la décision.

Dans le cas des concessions comprenant à la fois la gestion du service public d’eau potable et celui de l’assainissement, le Tribunal administratif de Nantes a cependant jugé que, faute de dispositions expresses en ce sens, ce type de contrat n’entrait pas dans le champ des dérogations prévues au chapitre VI du titre II, du livre Ier de la troisième partie réglementaire du code de la commande publique, relatif aux règles particulières à la passation de certains contrats de concession et impose que la procédure de droit commun doit être appliquée, ce qui inclut notamment l’obligation de hiérarchisation des critères (Tribunal administratif de Nantes, 4 novembre 2020, Société Veolia c. Communauté d’agglomération de Saumur Val-de-Loire).

Les contrats de DSP des services d’eau demeurent toutefois soumis à une procédure précise de publicité et de mise en concurrence, conformément aux règles de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination prévues par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Aussi, le choix du délégataire dans le cadre d’une convention de délégation de service public, ne saurait être fait sur la base de l’intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la seule personne du délégataire. Cependant, un contrôle de validation des études préalables au choix du mode de gestion et du rapport du président de l’exécutif pourrait être instauré afin d’éviter des abus dans le choix des prestataires. Ce contrôle serait assuré par une mission conjointe de la direction régionale des finances publiques (DRFIP), de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la chambre régionale des comptes (CRC).

Proposition n° 32 : Instaurer une procédure de contrôle de la validité des études préalables et du choix du délégataire par une mission spécifique composée des autorités qualifiées en matière de finances publiques et de contrôle de gestion.

Enfin, les délégations de service public doivent avoir une durée limitée dans le temps. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Dans le domaine de l’eau potable et de l’assainissement, ces conventions ne peuvent avoir une durée supérieure à vingt ans, sauf examen préalable par le directeur départemental des finances publiques, à l’initiative de l’autorité délégante, des justificatifs de dépassement de cette durée (article 34 de l’ordonnance du 29 janvier 2016). En pratique, leur durée est en moyenne de douze ans, une durée nettement plus longue que celle des marchés publics passés en la matière (ces derniers étant d’une durée usuelle de quatre à cinq ans).

La durée doit également tenir compte des investissements futurs. Par exemple, si la collectivité envisage de construire un nouvel équipement dans les dix années à venir, il pourrait sembler cohérent de caler la date de la fin du contrat par rapport à la mise en service de cet équipement. Les dates d’échéances des contrats voisins avec lesquels un projet d’intercommunalité existe doivent également être considérées (prise en compte du schéma départemental de coopération intercommunale). La durée du contrat doit ainsi être étudiée en fonction de la spécificité de chaque service et en fonction des investissements prévisionnels de première installation et de renouvellement. Par ailleurs, il conviendra d’appréhender cette durée également en fonction des objectifs de performance assumés par l’opérateur dans le cadre du contrat. La durée de la convention est précisée par la collectivité lors de l’appel à candidature.

3.   La nécessité de faire entrer la gestion de l’eau dans le droit commun de la commande publique

Le seuil européen des marchés publics de travaux et des contrats de concession est aujourd’hui de 5,5 millions d’euros. Il s’agit du seuil à partir duquel un marché de travaux doit faire l’objet d’une publicité européenne au Journal officiel de l’Union européenne ainsi qu’au BOAMP français. Il s’agit également du seuil à partir duquel l’acheteur doit passer le marché selon une procédure formalisée : appel d’offres ouvert ou restreint, dialogue compétitif, procédure avec négociation. En dessous de ce seuil, l’acheteur peut recourir à la procédure adaptée (MAPA).

Ce seuil, relativement bas, permet de soumettre aux directives européennes l’essentiel des grandes concessions de service public, ces dernières comportant généralement la réalisation de travaux d’infrastructure. Toutefois, ainsi que cela a été rappelé précédemment, la directive 2014/23/UE dite « Concessions » du 26 février 2014 exclut de son champ d’application les services publics dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’eau potable.

Jusqu’à présent, c’est l’Allemagne qui semble être à l’origine du blocage des tentatives visant à soumettre les services d’eau aux mêmes contraintes que les marchés publics, notamment la publication des modalités de mise en œuvre des critères de choix (hiérarchisation, pondération), un délai minimum de réception des candidatures et des offres et la publication restreinte (BOAMP et pas d’obligation de publier au JOUE). Cette posture de blocage est certainement motivée par la volonté de protéger les entreprises et services publics locaux de la concurrence européenne, notamment des grands groupes français.

Elle est toutefois préjudiciable au bon fonctionnement des DSP. Ainsi, il n’y a pas de délai de négociation applicable ; il n’y a pas d’obligation de présenter une offre finale à un moment donné ; des négociations peuvent être entamées avec un candidat dont l’offre n’est pas accompagnée de tous les documents ou renseignements exigés par le règlement de la consultation.

On notera cependant que lorsqu’une collectivité fixe des règles communes pour la procédure de négociation (en matière de présentation de l’offre ou de délai par exemple) elle doit s’y tenir, faute de respect du principe de transparence de la procédure. Certains opérateurs privés, représentés au sein de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), ont par ailleurs affirmé devant la commission qu’ils ne seraient pas hostiles à l’inclusion du secteur de l’eau dans le droit commun des concessions ([503]).

Proposition n° 33 : Défendre au niveau européen une position d’inclusion des services d’eau dans la directive relative aux concessions de services publics afin de soumettre les procédures de délégation aux mêmes contraintes que celles existantes en matière de marchés publics.

Au-delà des formes légales de la contractualisation, la loi contient également plusieurs dispositions relatives au contrôle des délégataires par les personnes publiques délégantes mais peu semblent véritablement appliquées.

Le dÉLÉgataire doit rendre des comptes à la puissance publique et au citoyen

Le recours à une délégation de service public n’affranchit nullement les collectivités ou leurs groupements de l’obligation d’assumer leur rôle d’autorité organisatrice du service public de l’eau et donc d’assurer un contrôle de l’exploitation du service réalisé par le délégataire afin que soit garantie l’exécution d’un service de qualité conforme aux engagements pris et adapté aux besoins des usagers.

Elles sont ainsi soumises aux contrôles ou avis d’autres autorités administratives :

– contrôle de légalité par l’autorité préfectorale ;

– contrôle exercé par les chambres régionales des comptes (CRC) ;

– contrôle exercé par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et ses services ;

– et le cas échéant, en cas de recours contentieux, par un contrôle des juges administratifs et judiciaires.

Le suivi de l’exécution de la convention par les élus et l’implication des consommateurs est également assuré par la commission consultative des services publics locaux (CCSPL) et par les services internes des collectivités. Toutefois, bien que plusieurs dispositions soient prévues dans la loi, leur mise en œuvre demeure souvent insuffisante, voire inexistante dans certains cas. Cela nuit notamment à la capacité des autorités publiques de sortir des contrats qu’elles passent et d’assurer ainsi leur réversibilité.

Les objectifs du contrôle et les instruments prévus par la loi

Dans le cas d’une DSP, l’objet du contrôle n’est pas de contrôler la gestion quotidienne du service, puisqu’elle est déléguée, mais plutôt de s’assurer de sa compatibilité avec les objectifs que l’on a définis, et d’imposer au délégataire de rendre des comptes, fidèlement, sincèrement de sa gestion, à la collectivité publique. Les principaux objectifs opérationnels sont :

– un réseau fonctionnel et en bon état ;

– un rendement correct ;

– une qualité conforme ;

– un prix acceptable ;

– une responsabilité claire des partenaires.

En outre, le délégant doit s’assurer de la capacité effective de son délégataire à faire respecter les grands principes du service public : continuité, mutabilité, égalité et neutralité. Le respect de ces principes impose des obligations de sincérité sur les comptes produits, comme étant la base de la confiance entre une collectivité et son délégataire. La continuité du service public impose des conditions de réversibilité qui peuvent être améliorées et qui suppose une information complète du délégant par le délégataire plutôt qu’un contrôle proprement dit (cf. infra).

La loi prévoit par ailleurs plusieurs instruments obligatoires de contrôle des DSP.

Il existe tout d’abord une commission consultative des services publics locaux (CCSPL), prévue à l’article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui doit donner son aval à une délégation de service public et permettre le contrôle de son exécution. La composition de la CCSPL est assez libre. Le président de l’EPCI ou son représentant en fait partie, le nombre de membres de l’assemblée délibérante est fixé librement mais ils sont désignés dans le respect de la représentation proportionnelle. Cette commission a aussi pour vocation de permettre, le cas échéant, l’expression des usagers des services publics par la voie des associations représentatives. Elle contribue ainsi à la participation des citoyens au fonctionnement des services publics. Il est également possible aux autorités qui le voudraient, en application de l’article L. 2143-2 du CGCT, de former des comités consultatifs dont ils fixent la composition pour une durée qui ne peut excéder la durée du mandat municipal en cours, et qui peuvent être consultés sur toute question ou tout projet concernant les services publics.

Par ailleurs, le maire présente au conseil municipal ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale présente à son assemblée délibérante un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’eau potable destiné notamment à l’information des usagers (article L. 2224-5 du CGCT), y compris en cas de délégation. Le rapport et l’avis du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante sont mis à la disposition du public dans les conditions prévues à l’article L. 1411-13 du CGCT.

L’article L. 3131-5 du code de la commande publique (anciennement L. 1411-3 du CGCT) prévoit également la production d’un rapport par les délégataires : « Le concessionnaire produit chaque année un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution du contrat de concession et une analyse de la qualité des ouvrages ou des services. Lorsque la gestion d’un service public est concédée, y compris dans le cas prévu à l’article L. 1121-4, ce rapport permet en outre aux autorités concédantes d’apprécier les conditions d’exécution du service public ». Le rapport annuel du délégataire n’a pas pour seul objet d’informer les élus sur les conditions d’exécution du service public. Il est également mis à disposition du public dans les 15 jours qui suivent sa réception par la collectivité (potentiellement avant même la réunion de l’assemblée délibérante) dans les conditions fixées à l’article L. 1411-13 du CGCT.

L’article R. 2222-1 du code général des collectivités territoriales précise en outre que « Toute entreprise liée à une commune ou à un établissement public communal par une convention financière comportant des règlements de compte périodiques est tenue de fournir à la collectivité contractante des comptes détaillés de ses opérations. ». Enfin, l’article R. 2222-3 du code général des collectivités territoriales prévoit « une commission de contrôle dont la composition est fixée par une délibération du conseil municipal ou du conseil de l’établissement. ». Cet article précise que « Dans toute commune ou établissement ayant plus de 75 000 euros de recettes de fonctionnement, les comptes mentionnés à l’article R. 2222-1 sont en outre examinés par une commission de contrôle dont la composition est fixée par une délibération du conseil municipal ou du conseil de l’établissement ». Avec ou sans commission de contrôle, il convient toutefois de rappeler que la collectivité dispose du pouvoir de contrôle de tous les éléments techniques et financiers des contrats et qu’un défaut de contrôle du délégataire par l’autorité délégante peut engager la responsabilité de cette dernière.

Pour les régies, les rapports entre propriétaire et exploitant sont moins formalisés, il n’y a pas de contrat comportant des pénalités éventuelles. L’obligation de production de rapport n’incombe pas à la régie, même si elle est tenue de fournir un bilan d’activité qui est examiné aussi par la CCSPL. Toutefois, un contrat d’objectif et de performance peut facultativement être signé entre la régie et la collectivité.

De manière plus générale, les collectivités sont tenues de transmettre au représentant de l’État dans le département ou la région (ou au sous-préfet de l’arrondissement) certains actes qu’elles produisent, notamment en matière de DSP dès lors que le montant des DSP est supérieur à 214 000 euros. S’il l’estime fondé, le préfet peut exercer un recours à l’encontre de la légalité de ces actes au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur devant le juge administratif.

Enfin, les chambres régionales des comptes sont tenues de procéder à l’analyse des DSP passées par les collectivités au titre de leurs procédures classiques de contrôle.

Leur mise en œuvre contrastée

Tous ces instruments de contrôle ne font pas l’objet d’une mise en œuvre effective et pourraient par ailleurs être renforcés.

Dans le cas des CCSPL, on constate que celles-ci se réunissent en général conformément aux dispositions législatives, c’est-à-dire au moment du choix de faire appel à un partenaire privé ou non, et uniquement à ce moment-là. Elles ne disposent donc pas d’un véritable rôle d’impulsion, de proposition ou de contrôle. Selon M. Germain Paran, président du Comité de défense des usagers de l’eau (CDUE), prenant l’exemple de la Guadeloupe, « La CCSPL compte cinq personnalités et huit membres du SIAEAG. Si nous émettions un avis défavorable, le comité directeur du syndicat, qui siégeait une heure après nous, passait outre. La CCSPL était inutile. » ([504]). Pour renforcer leur rôle, il serait souhaitable de prévoir une consultation de la CCSPL lors de la renégociation des contrats et des projets d’avenant aux contrats de DSP. Il serait également souhaitable de lui permettre de disposer d’un budget propre, ou tout au moins de la capacité de solliciter la collectivité pour la réalisation d’audits des services.

Proposition n° 34 : Renforcer le rôle des CCSPL en imposant une consultation de l’instance au moment de la renégociation des contrats et des projets d’avenants, et en lui permettant de commander des audits.

Il faudrait enfin permettre aux CCSPL de s’ouvrir davantage aux citoyens. En effet, selon la loi, le nombre des représentants d’association d’usagers est libre. Ces dispositions et l’absence de toute disposition réglementaire fixant sa composition ou son fonctionnement en font souvent une chambre d’enregistrement des décisions de la collectivité. Fixer la composition de la CCSPL en donnant un rôle affirmé aux représentants des usagers, à l’image de ce que le législateur a fait dans la loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, qui prévoit que les usagers représentent au moins la moitié des membres de la commission de surveillance, pourrait ainsi être de nature à renforcer considérablement son action.

Proposition n° 35 : Élargir la composition des CCSPL et prévoir qu’au moins la moitié de leurs membres sont des représentants des usagers.

Par ailleurs, les commissions de contrôle prévues à l’article R. 2222-3 du CGCT ne sont généralement pas mises en place. M. Alexandre Abou précise ainsi que : « Le soin est laissé à un agent désigné du service technique pour réaliser ce contrôle. Les agents vont par exemple contrôler que les factures envoyées à la collectivité dans le cadre de marchés par exemple correspondent à des travaux qui sont bien réalisés. Parfois les factures sont envoyées plusieurs fois. Ce premier contrôle par les agents ou la commission de contrôle sont utiles pour déceler les doubles envois, mais la formalisation par une commission de contrôle dont les travaux doivent être accessibles par la CCSPL devrait entre engagée. » ([505]).

Il convient par ailleurs de souligner que le contrôle des régies représente également un enjeu pour les autorités organisatrices. Une régie qui a un patrimoine dont une partie reste encore à la commune, qui dispose d’agents dont l’affectation a été décidée par la commune, qui ne rend pas compte de sa gestion et d’ailleurs qui n’a pas d’obligation de communiquer autant de documents qu’un exploitant privé, peut présenter des dysfonctionnements, comme la commission d’enquête a pu s’en rendre compte en Guadeloupe (cf. troisième partie du présent rapport). Cependant, dans la plupart des cas, les régies fonctionnent de manière professionnelle.

Concernant l’obligation de fournir des éléments de compte détaillés concernant les opérations liées à la délégation de services publics, on constate les mêmes insuffisances. Les entreprises délégataires fournissent bien un état du compte dédié au renouvellement des installations et des réseaux, mais pas de façon détaillée. Le niveau d’information en reste en général à la fourniture du bilan ou des dépenses consolidées.

Ne sont pas non plus fournis l’état détaillé des charges de personnel en fonction des sites et les quotes-parts consacrées aux différents services et contrats dans le cas où l’entreprise a plusieurs contrats. À cet égard, les comptes annuels de résultat d’exploitation (CARE) demeurent difficiles à juger et contrôler, notamment du fait des règles de répartition des charges entre les contrats entre les différents niveaux jusqu’au siège de l’entreprise délégataire ; cela concerne notamment les charges de personnel et de sous-traitance interne qui peuvent représenter le tiers voire la moitié des dépenses. Les sociétés dédiées peuvent apporter un peu plus de transparence sous réserve que la collectivité puisse procéder aux contrôles des flux financiers et de « services » entre la société dédiée et sa maison mère ou ses filiales.

Par conséquent, les comptes annuels de résultat d’exploitation devraient obligatoirement être présentés sur le modèle des comptes d’exploitation prévisionnels donnés lors de la signature du contrat initial, afin de permettre un rapprochement des réalisations et des prévisions. En outre, pour faciliter la tâche des collectivités, il conviendrait d’aligner les critères de gestion des délégataires sur la base publique du plan comptable général.

Proposition n° 36 : Harmoniser et systématiser la communication des éléments de compte détaillés aux collectivités délégantes par les entreprises délégataires, y compris pour les charges de personnel et prévoir des sanctions en cas de non-respect.

On constate enfin que la base de données SISPEA est très mal remplie alors qu’il s’agit d’une obligation réglementaire. Selon le professeur Mayol ([506]), on retrouve ainsi seulement 4 % de renseignement de la base de données sur la dette, 50 % de renseignement concernant la base de données sur le réseau et un taux moyen général de 50 % de renseignement de l’ensemble des bases de données.

La nécessité de conserver des moyens de contrôle interne

En matière de contrôle, il apparaît en outre que les collectivités territoriales ne disposent pas toujours des moyens humains et techniques nécessaires lors de la passation de DSP et pour le contrôle de la bonne exécution de celles-ci. Certes, les collectivités font aujourd’hui de plus en plus souvent appel à des bureaux d’études qui les conseillent. Par ailleurs, sous l’effet de la recomposition loi NOTRe, les services techniques montent en compétence dans les intercommunalités. Néanmoins, plusieurs évolutions peuvent être envisagées pour conforter cette nécessité pour les collectivités de développer leurs moyens de contrôle interne.

En premier lieu, il convient de préciser que la connaissance précise des compétences nécessaire au fonctionnement du service et la connaissance tout aussi précise des outils logiciels et de bases de données permettant le fonctionnement du service sont primordiales. Dans ce cadre, l’élaboration de cahier des charges type peut être particulièrement utile. La loi pourrait ainsi déterminer les caractéristiques et informations minimales que devrait avoir un contrat de délégation de service public.

Proposition n° 37 : Prévoir dans la loi les caractéristiques et informations minimales devant figurer dans les contrats de délégation de services publics, notamment en matière de compétences, d’outils informatiques et de connaissance des réseaux, pour une bonne information des collectivités tout au long de la durée du contrat.

Par ailleurs, en cas de reconduction envisagée d’une délégation, il est primordial pour les communes ou leurs groupements de procéder à un bilan du contrat suffisamment en avance par rapport à sa date d’échéance (deux ou trois ans par exemple). Il est en effet nécessaire de procéder, avant la fin du contrat, à une analyse des éventuels dysfonctionnements auxquels le nouveau contrat devra remédier.

Cette étude réalisée sur la base du contrat permettra d’identifier les clauses utiles ayant donné lieu à une bonne exécution par le délégataire, celles utiles n’ayant pas donné lieu à une bonne exécution par le délégataire, et enfin, les autres clauses qui ne se sont pas avérées pertinentes dans la poursuite des objectifs poursuivis et qui n’ont donc pas servi à une gestion optimale du contrat.

Cette recherche des dysfonctionnements du contrat et des marges d’amélioration possibles, notamment au regard de nouveaux besoins, peut également faire l’objet de questions posées en ce sens à la commission consultative des services publics locaux. Dans ce domaine également, la loi pourrait rendre obligatoire la production d’audit et d’avis avant la renégociation des contrats. Ces audits devraient fonctionner de manière parallèle aux prescriptions obligatoires qui pourraient être instaurées lors de la passation des délégations.

Dans tous les cas, il convient de souligner que la connaissance des coûts est délicate à établir, que l’on soit en régie, quand la valorisation du patrimoine est partielle et en DSP (avec les mutualisations de personnel entre les contrats, des charges générales au prorata de la valeur ajoutée, etc.). Seule une activité réelle d’audit peut permettre l’information et la supervision des exploitants par les propriétaires. Ces audits pourraient comporter :

– un audit de patrimoine. Pour être indépendant de l’exploitant pour ce qui concerne l’état du patrimoine et les investissements à mener ;

– un audit social pour connaître les compétences nécessaires au fonctionnement du service ;

– un audit du système d’information et des droits attachés ;

– un audit financier pour bien s’assurer notamment que tous les coûts sont bien pris en compte et que l’usager voit le coût réel du service.

Proposition n° 38 : Rendre obligatoire la réalisation d’un audit global du service d’eau deux ans avant la date prévue de fin d’échéance du contrat de délégation de service public.

Enfin, les collectivités doivent faire attention au fait que, trop souvent, le contrôle est limité à la partie technique (eau, déchets, transports) et l’activité de contrôle est laissée aux ingénieurs alors qu’il faut également développer les compétences juridiques et financières des agents en charge du contrôle et travailler avec les cabinets d’audit spécialisés. Pour aider les collectivités, il pourrait être souhaitable de prévoir dans chaque contrat le versement d’une redevance spécifique pour le contrôle. C’est une pratique déjà assez répandue, même si les montants demeurent souvent assez symboliques.

La nécessité de clarifier les responsabilités des acteurs

Un contrôle efficace passe également par une clarification des responsabilités respectives des délégants et des délégataires dans les contrats. En effet, alors que l’on pourrait attendre d’une DSP qu’elle conduise à une répartition équilibrée des risques, une partie importante du risque revient en réalité à la collectivité, notamment pour ce qui est du renouvellement des équipements. Le plus souvent aucune sanction n’est prévue pour contraindre le délégataire à investir dans le service conformément à ses obligations contractuelles et cela même si certains investissements augmentent directement la rentabilité du service.

De manière générale, les contrats ont pour vocation de fixer clairement les objectifs de performance à atteindre en termes, par exemple, de niveau du prix payé par les usagers, de délai de réponse aux évènements accidentels, de rendement des réseaux ou de qualité de l’eau produite. Les auditions menées par la commission convergent vers le sentiment que, globalement, la qualité des contrats s’améliore. Les indicateurs de performance sont mieux définis, les pénalités et les obligations plus précises même si les modalités d’information laissent à désirer.

Des points durs demeurent cependant à parfaire, notamment en matière d’entretien des réseaux. En effet, en théorie, les collectivités ou leurs groupements sont en charge des travaux de renforcement de capacité, d’extension du réseau et renouvellement global du réseau. L’exploitant est quant à lui chargé du renouvellement partiel, quand la longueur de réseau est inférieure à une certaine longueur (6 ou 12 mètres en général). En pratique, cette répartition est source d’ambiguïté : les collectivités peuvent charger le délégataire de procéder à des renouvellements d’équipements à l’occasion de réparation alors que les délégataires peuvent tendre à minimiser les travaux de renouvellement.

Cette situation peut encore se compliquer lorsque les différentes collectivités pourvoyeuses et utilisatrices des services d’eau ne parviennent pas à se coordonner et à s’entendre pour garantir la bonne interconnexion des réseaux. M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, rappelle ainsi que, dans le cas de la Guadeloupe, « La difficulté ne tient pas à un problème de ressources financières, puisque les crédits alloués dans le cadre du plan Eau DOM et même dans le budget de mon ministère ne sont pas complètement consommés. Le véritable problème, c’est la gouvernance. Lorsque, à la Guadeloupe, la répartition se fait par intercommunalités, que la production d’eau se situe dans une partie du territoire et que le manque d’eau se fait sentir à l’autre extrémité du territoire, on s’interroge sur l’interconnexion des réseaux, leur gestion et leur entretien au fil des ans. L’évident défaut d’entente entre les différents opérateurs a entraîné une défaillance massive dans l’entretien des réseaux. » ([507]).

M. Abou propose deux solutions de bon sens pour clarifier les responsabilités, que la commission souhaite porter à son tour. D’une part, il conviendrait d’obliger l’amortissement du renouvellement des réseaux par les collectivités en introduisant des dispositions spécifiques dans la comptabilité M4, puisque la comptabilisation de la provision pour renouvellement n’est prévue qu’à titre optionnel dans le plan comptable général et n’est pas spécifiquement prévue dans la M4.

Proposition n° 39 : Rendre obligatoire la constitution de provisions pour l’amortissement du renouvellement du réseau dans le cadre de la comptabilité M4 applicable aux collectivités.

En outre, il pourrait être souhaitable de prévoir des pénalités dès lors que le délégataire inscrit dans ses comptes des provisions pour renouvellement de réseau, afin de faire baisser artificiellement son résultat et ses impôts, sans procéder aux investissements suffisants.

Proposition n° 40 : Instaurer des pénalités envers le délégataire qui inscrit dans ses comptes des provisions pour renouvellement de réseau sans procéder aux investissements correspondants, par prélèvement des agences de l’eau sur ces provisions.

Les principes et clauses types à instaurer pour assurer une réversibilité de la prestation

Le principe de continuité du service public implique également que les collectivités puissent aisément évoluer d’un mode de gestion à l’autre. Cela implique des moyens précis de contrôle et d’information sur les modalités de gestion et notamment sur le personnel et les outils informatiques.

La question de la réversibilité à l’issue des DSP est ainsi cruciale : certaines collectivités ont fait état de l’absence de fourniture d’une base de données à jour et de difficultés, notamment avec les actifs et logiciels propriétaires, après des décennies de délégation de leurs services d’eau, ainsi que de l’impossibilité pour elles de contrôler le coût ou les investissements réalisés. Certaines collectivités peuvent ainsi apparaître « captives » des grands acteurs privés de l’eau à qui elles ont parfois délégué tous leurs instruments de gestion et d’information depuis des décennies. Or, le rapporteur estime essentiel de créer les conditions permettant d’assurer pleinement la continuité du service quand on passe d’un mode de gestion à l’autre.

Il convient d’abord de souligner que le Conseil d’État a validé la possibilité de résilier les contrats très longs sans pénalité (Arrêt Commune d’Olivet du 8 avril 2009), mais que certaines entreprises continuent de demander des indemnités en cas de résiliation. En effet, le risque financier d’une rupture de contrat doit être pris en compte et limité par des clauses précises dans le contrat initial. Le coût d’une fin prématurée de la délégation peut sinon s’avérer supérieur au montant de l’indemnité transactionnelle convenue entre les parties.

Ayant décidé de mettre un terme à la délégation de son service de l’eau, la commune de Grenoble a par exemple dû arbitrer entre diverses solutions, à savoir une résiliation unilatérale avec effet immédiat mettant à la charge de la collectivité une indemnité contractuelle de 43 millions d’euros, l’engagement d’une action en nullité des contrats, avec un risque indemnitaire évalué par le service juridique de la ville entre 11,4 et 21,3 millions d’euros ou une fin négociée du contrat. Cette dernière voie a été choisie, aboutissant à un accord en 1999, sur la base d’une indemnité transactionnelle fixée à 13,1 millions d’euros. En fait, l’examen des comptes de la délégation par la chambre régionale de comptes de Rhône-Alpes en 2002, sur les années 1996 à 2000, a fait estimer le coût de la fin prématurée du contrat à 18,3 millions d’euros, un abandon au délégataire de provisions de renouvellement des immobilisations, chiffrées à 5,2 millions d’euros, étant à ajouter à l’indemnité transactionnelle. Sortir d’une délégation de service public en cours de contrat peut ainsi s’avérer très cher pour les collectivités, ce qui rend nécessaire de fixer à l’avance les pénalités pouvant être exigées lors d’une évolution de ce type.

Proposition n° 41 : Instaurer dans chaque contrat de délégation de service public une clause obligatoire fixant à l’avance les montants des indemnités pouvant être exigées en cas de rupture prématurée du contrat en cours d’exécution.

Toutefois, les difficultés sont le plus souvent d’ordre technique. Elles viennent le plus souvent de systèmes d’information utilisés pour la gestion clientèle ou pour vérifier l’état des réseaux. Ainsi, dans le cas d’installations financées par le délégataire, susceptibles de donner lieu à indemnité si elles n’étaient pas amorties à l’échéance du contrat, la plus grande vigilance des collectivités est nécessaire afin qu’elles sauvegardent leurs intérêts ; en effet la perspective d’une remise des biens renouvelés par le fermier justifie déjà la comptabilisation d’une charge dans les comptes rendus financiers du délégataire.

Le problème concerne aussi les logiciels propriétaire (et donc non libres de droit) mais qui sont indispensables à la gestion du service, et qui, comme tels devraient être qualifiés de « bien de retour ». À Paris, des clauses insuffisantes concernant la dévolution du service de facturation et des moyens de gestion des abonnés ont été relevées par la Cour des comptes avant la remunicipalisation. Or, disposer du fichier des abonnés et d’informations sur les quantités consommées est indispensable à la continuité du service public, en particulier si la ville souhaitait assurer la gestion du service en régie. On pourrait dès lors considérer ces biens comme des biens de retour, mais qui appartiendraient au délégataire si « des garanties propres à assurer la continuité du service » sont données (cf. Conseil d’État, 2012, commune de Douai). Il faudrait que le délégataire propose une solution de continuité, même en mode dégradé, quitte à ce que le délégant investisse par la suite sur une mise à niveau de ses outils.

Proposition n° 42 : Afin d’améliorer la réversibilité des contrats, prévoir que les logiciels et équipements nécessaires à la gestion du service soient considérés comme des biens de retour même lorsqu’ils appartiennent au délégataire, au moins pendant une période de transition.

La réversibilité suppose également d’investir dans les compétences de connaissance et de contrôle par les agents de la collectivité et dans leur capacité à réaliser des audits techniques mais aussi des audits de compétences sur la base d’informations détaillées fournies par les délégataires. Pour cela une modification des obligations de transmission de document de la part du délégataire serait nécessaire (article R. 1411-7 du CGCT).

Proposition n° 43 : Élargir les obligations de transmission d’information prévues par l’article R. 1411-7 du CGCT pour y inclure toutes les informations relatives aux compétences humaines et aux moyens techniques permettant d’assurer la continuité du service public de l’eau.

La nécessité de permettre la transparence et le contrôle par les citoyens

La participation des citoyens au contrôle des services d’eau constitue enfin une grande faiblesse du dispositif général de contrôle. Il ne s’agit pas de remettre en cause le rôle et la légitimité des élus, mais il est certain que la participation des usagers, et plus généralement des citoyens, est essentielle. En effet, ce qui est souvent préjudiciable au service public, ce sont souvent le manque de vigilance des élus et le manque de capacité de contrôle des citoyens. Pour des lanceurs d’alerte comme M. Raymond Avrillier, il s’agit là d’un point crucial.

Il convient cependant de souligner que, en théorie, les citoyens peuvent être entendus sur toutes les questions qui ont une incidence sur la gestion de l’eau dans leur commune ou groupement de communes, par l’intermédiaire de leurs représentants qui siègent à la commission consultative des services publics locaux (CCSPL). Ces commissions sont obligatoires dans toute commune de plus 10 000 habitants, EPCI de plus de 50 000 habitants ou syndicats mixtes dont au moins une commune a plus de 10 000 habitants.

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité impose de transmettre au CCSPL ou de leur soumettre pour avis divers documents relatifs à l’évolution des services : projet de délégation, rapport annuel sur la qualité et le prix du service, rapport annuel du délégataire, bilan d’activité des services exploités en régie (article L. 1413-1 du CGCT).

Selon la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), en 2017, la très grande majorité des services gérés par les entreprises de l’eau (76 %) est ainsi pourvue d’une CCSPL. Ce taux serait plus faible si l’on prend en compte la totalité des services (51 %), du fait de la plus forte représentation des petites communes non tenues de mettre en place une CCSPL. Cependant, comme cela a été rappelé précédemment, la composition de la CCSPL est assez libre et le nombre des représentants d’association d’usagers n’est pas fixé par la loi ou par un règlement.

Les commissions consultatives des services publics locaux

Un des moyens de renforcer l’implication des citoyens pourrait donc être de formaliser la composition des commissions consultatives des services publics locaux dans la loi et de fixer à au moins la moitié la part des représentants des usagers. Par extension, le président de la CCSPL pourrait faire partie de la commission de DSP, avec voix consultative.

Il conviendra toutefois de bien faire attention à la répartition entre usagers économiques et non économiques, à l’instar de la réforme des comités de bassin qui a conduit à la création d’un collège séparé pour les usagers non économiques, afin de rééquilibrer la composition des conseils d’administration des agences de l’eau.

Il convient également de veiller à ce que les CCSPL disposent de moyens de contrôle étendus. En effet, les CCSPL, notamment dans les grandes villes et grands EPCI à fiscalité propre, sont sollicitées sur de multiples compétences exercées (eau, assainissement, énergie, transport de voyageurs, réseaux de chaleur, dans certains cas la collecte des déchets des ménages…), qui rendent plus difficile leur fonctionnement (nombreuses obligations « réglementaires » qui limitent le temps pouvant être consacré à approfondir les sujets) et la motivation des participants qui ne sont souvent intéressés que par un nombre limité de sujets.

C’est pourquoi d’autres dispositifs ad hoc ont pu être mis en place, parfois de longue date, par certaines collectivités : observatoire de l’eau à Paris, comité des usagers de l’eau à Grenoble, panel citoyen à Montpellier, « focus group » à Nantes… D’autres ont ouvert leur CCSPL à des citoyens tirés au sort même si ce n’est pas prévu par les textes. Dans le cas des régies ou des SPL, la plupart des collectivités ont ouvert les conseils d’exploitation ou d’administration à des représentants des usagers (domestiques, professionnels, chambres consulaires) mais aussi à d’autres acteurs de la société civile (associations environnementales, sportives, recherche…).

Pour ce qui concerne les services délégués, des expériences de « comité d’usagers » ont pu être mises en place ; la principale difficulté soulevée est que si ces parties prenantes peuvent être consultées voire associées à la gouvernance du contrat, celle-ci est fortement dépendante de la gouvernance de l’entreprise elle‑même, gouvernance sur laquelle ces parties prenantes n’ont pas prise (pas plus que les collectivités sauf dans le cadre des SEML et SEMOP mais qui posent d’autres interrogations sur le double positionnement des collectivités à la fois donneur d’ordre et actionnaire).

Proposition n° 44 : Élargir les moyens techniques, humains et réglementaires mis à disposition des commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) ou, à défaut, inciter à la mise en place par les collectivités de structures ad hoc dans le domaine de l’eau composées essentiellement des usagers.

Les conditions Économiques ayant conduit au choix du prestataire doivent Être maintenues tout au long de la prestation

Lorsque l’on est en présence d’une délégation de service public, dont la durée dépasse souvent la décennie, la possibilité de modifier le contrat en cours d’exécution doit être garantie. Cependant, ces avenants au contrat doivent être encadrés pour qu’ils ne puissent ni conduire à imposer une modification trop importante des équilibres économiques initiaux du contrat, ni instaurer des avantages factices, tels que des réductions de prix artificielles avant le renouvellement d’un contrat. À l’inverse, la dégradation trop importante de l’équilibre financier d’un contrat au détriment d’une collectivité doit pouvoir s’accompagner d’une remise en cause de l’équilibre économique du contrat.

Les conditions légales pour négocier un avenant

Le principe général de la liberté de conclure des avenants relève de la liberté des parties au contrat (Conseil d’État, 22 novembre 1907, Coste). Selon l’article L. 3135-1 du code de la commande publique, un contrat de concession peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence lorsque :

– des modifications ont été prévues dans les documents contractuels initiaux ;

– des travaux ou services supplémentaires sont devenus nécessaires ;

– des modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues ;

– un nouveau concessionnaire se substitue au concessionnaire initial du contrat de concession ;

– les modifications ne sont pas substantielles ;

– les modifications sont de faible montant.

Les communes et leurs groupements peuvent également utiliser leur pouvoir de modification unilatérale du contrat de délégation de service public lequel relève des « règles générales applicables aux contrats administratifs » (Conseil d’État 2 février 1983, Union des transports publics). Cette modification unilatérale, comme les modifications conventionnelles, doivent se conformer aux principes d’absence de bouleversement de l’économie générale du contrat (Conseil d’État 14 mars 1980, CITEM) et d’indemnisation du délégataire, sauf en cas de faute lourde de sa part (Conseil d’État 19 décembre 2012, Société AB Tran), lorsque cette décision entraîne pour lui des charges supplémentaires. L’article L. 3135-2 du code de la commande publique précise que, lorsque l’autorité concédante apporte unilatéralement une modification à un contrat administratif, le concessionnaire a droit au maintien de l’équilibre financier du contrat.

Des formes légales de consultation et d’information sont également prévues par la loi. En application de l’article L. 1411-6 du CGCT « tout projet d’avenant à une convention de délégation de service public ne peut intervenir qu’après un vote de l’assemblée délibérante ». En outre, tout projet d’avenant à une convention de délégation de service public entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % est soumis pour avis à la commission formée en vue de l’analyse des dossiers de candidature conformément à l’article L. 1411-5 du même code. L’assemblée délibérante qui statue sur le projet d’avenant est préalablement informée de cet avis.

La tentation de remettre en cause l’équilibre économique du marché

En théorie, la signature des avenants n’a pas pour but de revaloriser les contrats mais a pour origine des travaux essentiels, des améliorations à la marge des contrats ou des mises en conformité réglementaire, lors par exemple des mises en conformité des réseaux sur le plomb dans les années 2000 ou des avenants récents liés à la crise sanitaire sur l’épandage des boues liquides.

La directive Concessions de 2016 et le code des marchés publics laissent cependant apparaître de larges possibilités de modifications des contrats. Ainsi, le montant de la modification peut aller jusqu’à 50 % du montant du contrat de concession initial lorsque des travaux ou services supplémentaires sont devenus nécessaires pour le bon fonctionnement du service. En dehors de cette configuration, le montant de la modification considéré comme « non substantiel » correspond à un montant inférieur au seuil européen ou à 10 % du montant du contrat de concession initial (articles L. 3135-1, L. 3135-2 et R. 3135-1 à R. 3135‑10 du code de la commande publique).

Le taux de 50 % est apparu trop élevé à certains interlocuteurs de la commission. Devant la commission d’enquête, la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau a par exemple estimé que le montant ou le pourcentage de la modification du chiffre d’affaires ne sont pas de bons critères pour juger de l’impact économique d’un contrat et qu’il valait mieux raisonner en termes de marge effective ([508]). La FP2E estime également que les modifications doivent respecter les principes d’imprévisibilité, de causes extérieures et de non-bouleversement de l’économie du contrat ; en particulier, un avenant, même de moins de 10 %, ne devrait pas pouvoir « rétablir » l’équilibre économique d’un contrat qui se trouverait déficitaire pour cause sous-estimation initiale des dépenses ou de surestimation des recettes… Il ne devrait pas non plus pouvoir modifier la répartition des risques entre le délégant et le délégataire (le transfert de risque étant un principe de base des contrats de « concession »).

Au contraire, d’autres personnes auditionnées estiment que l’influence du droit de l’Union européenne s’est traduite par l’affirmation du principe de loyauté contractuelle, au détriment de l’appréciation des droits dits « exorbitants » de l’administration (résiliation unilatérale, droit de modification). M. Abou estime par exemple que, si l’exigence du respect de la loyauté contractuelle est en soi une bonne chose pour éviter des comportements opportunistes qui consisteraient à remettre en cause l’ensemble du contrat pour de petites irrégularités, cela a également conduit à la restriction des possibilités de résiliation unilatérale par l’administration, même en cas d’évolution défavorable de l’équilibre du contrat pour la collectivité. Le juge a ainsi clairement indiqué que l’apparition d’un déséquilibre entre les parties, au cours de l’exécution de la convention, n’est pas de nature à justifier une résiliation (Conseil d’État Béziers III, 27 février 2015). Cette évolution peut poser un problème dans la mesure où le principe de loyauté contractuelle fige les positions des deux contractants dans un état particulier.

Or cet état peut devenir, au gré de la modification des circonstances et surtout des renégociations, très favorable voire trop favorable à l’une des parties. C’est alors simplement un rapport de force qui se cristallise. On perd alors de vue l’objectif du service public d’efficacité, d’efficience selon des critères de service rendu aux usagers. Et la loyauté contractuelle empêche la remise en cause de cet état.

Certains avenants ont d’ailleurs explicitement pour objectif explicite de protéger les entreprises délégataires contre une évolution défavorable pour elles. Ainsi, un avenant de 1995 modifiant les contrats d’affermage de 1989 de Grenoble avait introduit une actualisation du prix de l’eau dès lors que la consommation devenait inférieure à 12 800 000 mètres cubes (m3) ce qui a été le cas de 1997 (12 629 000 m3) à 2000. L’actualisation avait permis de faire passer le prix de base du mètre cube d’eau consommé de 0,53 euros en 1996 à 0,55 euros (soit + 5,4 %) en 1999, avant que la décision ne soit prise de ne plus appliquer cette clause à compter de la dernière année. À Paris, avant la remunicipalisation, une clause dite de « rendez-vous » prévoyait une révision du prix de l’eau en cas de variation de plus de 10 % des volumes vendus sur l’ensemble de la ville.

Il convient ainsi de mettre en balance les avantages concédés en termes de rémunération des entreprises et les risques pris par l’entreprise (engagements de continuité, engagement de rendement, etc.) et de permettre de revenir sur le principe d’intangibilité de l’équilibre financier du contrat. Ce dernier pourrait se définir comme un équilibre à atteindre par rapport à des données expertisées sur la marge normale du contrat, en privilégiant le standard de « l’équivalence honnête » (« équivalence honnête entre les risques pris et les avantages concédés » selon la formule de Léon Blum). Cela se traduit par la définition d’une marge dans les comptes prévisionnels et l’exécution financière du contrat qui soit en relation avec les risques pris. Si l’entreprise prend à sa charge le risque de baisse de la demande de 20 % par exemple, au lieu de 10 % (sans demander de renégociation du contrat), il est normal que sa marge soit plus importante. Cela doit se traduire par une diminution de la rémunération du délégataire, ou une augmentation corrélative de la redevance versée à la collectivité publique en cas de sur-marge effectuée par le délégataire, sans que puisse être opposé le principe de l’intangibilité financière des contrats à cette rectification.

Proposition n° 45 : Assouplir le principe d’intangibilité financière des contrats de délégation pour permettre au délégant de récupérer une partie des profits des délégataires si ceux-ci en viennent à dépasser une marge « normale » déterminée en début de contrat.

La nécessité d’encadrer les avenants et modifications du contrat en cours de prestation

Enfin, certains avenants intervenant à des moments spécifiques soulèvent des interrogations légitimes. C’est le cas des avenants intervenant en fin de contrat. À ce moment, l’entreprise essaie parfois de se rattraper financièrement et on constate une tendance à une augmentation de rentabilité sans contrepartie. On le voit avec les contrats de DSP dans d’autres domaines, comme les déchets, avec la prise en charge par la collectivité de certaines charges qui incombaient auparavant à l’entreprise.

Il pourrait ainsi être souhaitable d’interdire toute modification du contrat autre que celles absolument nécessaires à la continuité du service public dans les deux ans précédant l’échéance du contrat. Parallèlement, alors qu’il est parfois difficile pour certaines collectivités de sortir des contrats, il pourrait être utile de rendre obligatoire un protocole spécifique visant à anticiper une fin de contrat éventuelle. Cette proposition a notamment été avancée par M. Marc Laimé devant la commission d’enquête ([509]).

Proposition n° 46 : Limiter toute modification des conditions contractuelles dans les deux ans précédant la fin du contrat, hors cas de nécessité absolue, et prévoir dès l’origine les termes d’un protocole de fin de contrat.

Enfin, la collectivité peut résilier unilatéralement le contrat pour un motif d’intérêt général. Elle peut expressément citer dans la convention les cas susceptibles d’ouvrir le droit de recourir à cette résiliation unilatérale du contrat. Il peut par exemple s’agir de l’hypothèse dans laquelle le délégataire ne prend pas en charge les installations du service à la date de prise d’effet du contrat, d’interruption pendant une période prolongée de la distribution de l’eau potable, de cession du contrat à un tiers sans autorisation de la collectivité, en violation des clauses du contrat, etc. Elle doit en pratique faire connaître son intention suffisamment tôt avant la date d’effet de la mesure de résiliation. En l’absence de toute faute de sa part, le délégataire a le droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour lui de la résiliation anticipée du contrat et compensant tant la perte subie que les gains dont il a été privé (notamment pour une illustration s’agissant d’un contrat d’affermage de distribution d’eau potable : CAA de Douai, 28 février 2008, société Veolia-Eau CGE).

En revanche, en cas de faute du délégataire d’une particulière gravité, la collectivité peut, après avoir apporté la preuve de cette faute, prononcer elle-même la résiliation du contrat. Ayant la nature d’une sanction et n’ouvrant le droit à aucune indemnisation du délégataire du fait de la faute commise (sauf lorsque les investissements non amortis réalisés par le délégataire profitent à la commune ou à son groupement), la déchéance doit être obligatoirement précédée d’une mise en demeure adressée au délégataire et restée sans effet dans le délai imparti par la collectivité. Le juge administratif peut être amené à contrôler si les motifs de résiliation invoqués sont constitutifs d’une faute grave.

L’État doit retrouver un rôle pour accompagner les autoritÉs organisatrices

En vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales et du transfert de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités, l’État a eu tendance à se désengager de l’assistance aux collectivités pour cette gestion de l’eau, notamment dans les territoires ultramarins. Il apparaît cependant que son rôle peut être essentiel sur différents aspects de l’aide à la gestion et au contrôle des services d’eau.

Les contrôles existants et le rôle possible de l’État en cas de défaillance d’une collectivité

L’État joue d’ores et déjà un rôle actif, à travers ses différents services et autorités dans le contrôle de la gestion de l’eau et des délégataires. Il s’agit par exemple des actions exercées par l’Autorité de la concurrence, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ou encore par les juridictions financières (cour des comptes et chambres régionales). Dans le domaine du contrôle fiscal des redevances dites domestiques, les agences de l’eau contrôlent également chaque année des redevables au statut privé aussi bien que public. Les grands groupes privés (SAUR, Véolia, Suez…) sont ainsi très régulièrement contrôlés. L’observatoire national des services publics d’eau et d’assainissement, piloté par l’Office français de la biodiversité, collecte de son côté une grande quantité de données, mais des moyens supplémentaires pourraient lui être alloués pour améliorer la complétude et la fiabilisation des données.

En outre, l’État exerce un contrôle de la légalité des actes des collectivités par l’intermédiaire des préfets. L’affaire grenobloise révèle cependant que ce contrôle a pu s’avérer défaillant puisque certains contrats ont pu être passés alors qu’ils contenaient des irrégularités manifestes.

On notera à cet égard que le code général des collectivités territoriales prévoit un pouvoir de substitution du préfet dans différents cas de défaillance ou de manquement d’une collectivité dans l’exercice de ses compétences. C’est notamment le cas en matière budgétaire et comptable avec l’article L. 1612-15 du CGCT qui confie au préfet le soin, sur demande de la chambre régionale des comptes, d’inscrire au budget d’une collectivité une dépense obligatoire lorsque celle-ci n’y figure pas, assortie si nécessaire des recettes correspondantes. L’article L. 1612-16 du même code lui permet également, après une mise en demeure, de mandater d’office une dépense obligatoire d’une collectivité, en lieu et place de son autorité exécutive. C’est aussi le cas en matière d’ordre public ou de santé publique : l’article L. 1311-4 du code de la santé publique permet ainsi au préfet de prendre des mesures d’urgence en cas de « danger ponctuel imminent pour la santé publique ».

En ce qui concerne spécifiquement les collectivités ultramarines, on rappellera avec intérêt que l’article 9 du projet de loi déposé par le Gouvernement le 26 janvier 2011, devenu la loi organique n° 2011‑883 du 27 juillet 2011 aux collectivités de Guyane et de Martinique, prévoyait initialement, avant réécriture du dispositif par le Sénat, un large pouvoir de substitution des préfets aux collectivités défaillantes. Les domaines de compétence pouvant faire l’objet de cette substitution étaient très vastes : la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité publique ou de l’environnement ainsi que le « respect des engagements internationaux et européens de la France » : ainsi, l’intégralité des normes communautaires peut faire l’objet d’une exécution par substitution aux collectivités territoriales. Selon le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, « une des justifications immédiates réside dans le fait que la France se trouve en infraction avec les règles européennes en matière de traitement des déchets, risquant d’importantes pénalités, en raison des défaillances en la matière des communes en Guyane et en Guadeloupe. ».

À la suite de la crise de l’eau en Guadeloupe et à la Réunion, mais aussi dans plusieurs communes métropolitaines, une disposition de ce type pourrait être de nature à permettre la reprise en main de services publics essentiels à la vie des citoyens lorsqu’il apparaît manifeste que les collectivités ne s’en occupent pas correctement. Ce dispositif avait toutefois été considéré à l’époque par une majorité de sénateurs comme une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales voire un « retour du gouverneur ». La commission des Lois du Sénat avait pourtant prévu un dispositif encadré permettant de mettre en place une procédure de constat de carence, initiée par le préfet et subordonnant la mise en œuvre de ses pouvoirs de substitution à un décret en conseil des ministres constatant l’état de carence. Notons que, dans le cas de l’eau, ce mécanisme pourrait s’avérer utile pour l’ensemble du territoire de la Nation, et non être réservé aux seuls territoires ultramarins.

Proposition n° 47 : Instaurer une procédure de carence de l’exercice des compétences obligatoires en matière d’eau et d’assainissement permettant au préfet de se substituer à une autorité organisatrice défaillante, après consultation de celle-ci et des collectivités membres et autorisation par un décret en conseil des ministres.

Une aide technique d’État à rétablir

Pour les communes et leurs groupements, il est particulièrement conseillé de recourir à un assistant conseil extérieur impartial et possédant les compétences juridiques, financières et techniques nécessaires lors de la délégation d’un service public ou lors de sa remunicipalisation. Diverses entités publiques ou privées proposent une offre de conseil aux collectivités mais le recours à ces prestataires doit se faire dans le respect des principes de la commande publique lorsque cette entité de conseil n’est pas un opérateur interne de la commune ou du groupement intercommunal.

La nécessité pour les collectivités d’investir dans cette assistance doit être considérée au regard des bénéfices futurs qu’elle peut apporter en termes de détermination des périmètres pertinents du service, des compétences de suivi et de contrôle qui doivent être mis en place en interne pour suivre l’exécution de la mission, d’anticipation des investissements nécessaires pour exécuter le service, de détermination du coût du service et des objectifs de performances à atteindre, ou encore de qualité du service rendu. Le coût moyen par habitant de ces missions d’assistance-conseil rapporté à celui de la délégation de service public, calculé sur toute la durée du contrat, est généralement négligeable.

Cependant, pour certaines collectivités, ce coût peut parfois constituer un frein, que ce soit pour des raisons financières, pratiques ou politiques. L’État pourrait ainsi être amené à jouer un plus grand rôle dans le soutien et l’assistance technique aux collectivités pour la gestion des services d’eau. Il pourrait ainsi veiller à accompagner les collectivités locales par la mise en œuvre d’une politique intelligente de rénovation des réseaux qui implique une analyse prédictive des besoins à partir des avancées technologiques les plus récentes. La question de la mutualisation des moyens et du transfert d’expériences, qui existaient auparavant dans le domaine public, se pose ainsi de manière renouvelée. Par le passé, chaque département comptait un service d’assistance technique aux exploitants de station d’épuration (SATESE), ce qui représentait sept cents ingénieurs et techniciens, mais cette institution a disparu au tournant des années 2000, à l’instar des laboratoires publics départementaux d’analyse de la qualité des eaux. Cette mission pourrait ainsi être restaurée.

Il conviendrait également pour l’État de développer une assistance technique au profit des agents comptables des régies d’accéder aux différents outils dont disposent les comptables publics de la direction des finances publiques (DGFiP), notamment en matière de recouvrement, alors qu’ils sont des comptables publics et en ont les mêmes prérogatives et obligations que ceux de la DGFiP.

Enfin, il faudrait fournir aux collectivités des outils, des modèles de clauses contractuelles, de tableaux de bord dont elles pourraient s’inspirer et favoriser ainsi l’analyse comparative. Il convient d’ailleurs de souligner que la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) s’emploie déjà à fournir quelques modèles aux collectivités. En effet, pour pallier l’absence de référentiel reconnu par tous les acteurs, le ministère de l’écologie et du développement durable a chargé, dès l’année 2000, la FNCCR d’élaborer un ensemble d’indicateurs de performance. Mis au point avec l’appui de l’école nationale du génie rural des eaux et forêts (ENGREF) et de l’école des mines de Paris, il en a résulté 21 indicateurs techniques plus particulièrement destinés aux gestionnaires, techniciens et aux élus ont été expérimentés avec succès par de grandes collectivités locales et des établissements publics de coopération intercommunale urbains et ruraux.

Toutes ces missions pourraient cependant être exercées plus efficacement par un service national, sous forme d’une mission d’assistance public-public pouvant répondre directement aux sollicitations des collectivités territoriales en plus de l’élaboration et du perfectionnement des outils de comparaison. Cette idée a d’ailleurs été soutenue devant la commission d’enquête par M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble, qui déclarait lors de son audition : « Ma dernière proposition concerne la mission d’appui du partenariat public-privé (MAPPP), qui a pour mission de rapprocher les intérêts privés et les intérêts des collectivités locales organisatrices, et qui dans les faits contribue à renforcer la force commerciale des grands groupes. Je propose pour ma part d’élargir les missions confiées à la MAPPP, qui dépend de la direction du Trésor, à l’appui aux partenariats public-public. En effet, au sein de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), j’ai participé à la création de France Eau Publique. Cette organisation, qui repose sur la solidarité entre collectivités, est très efficace. Cependant, elle repose sur le volontariat, alors que la MAPPP, qui bénéficie du travail de fonctionnaires de la direction du Trésor de qualité, soutient les intérêts privés. » ([510]).

Proposition n° 48 : Mettre en place une mission d’assistance technique nationale pour aider les collectivités à gérer leurs besoins en équipements et leurs moyens de gestion tant financiers que techniques.

La nécessité de restaurer une aide à maîtrise d’ouvrage publique

La création d’une agence nationale pourrait également être très utile et son rôle pourrait aller au-delà de celui d’une assistance technique telle que décrite ci-dessus. Cette proposition a été formulée dès 1998, lorsque le Haut conseil des services publics avait proposé la création d’une autorité de régulation de l’eau et de l’assainissement.

Au-delà de la définition de critères communs à l’ensemble des cahiers des charges, cette autorité pourrait ainsi fixer une exigence minimale dans la qualité du réseau (comme les régulateurs nationaux de type ARCEP), un plafond des rémunérations applicables (rémunérations de siège par exemple) et élaborer des contrats-types qui s’appliqueraient tant aux exploitants qu’aux propriétaires des réseaux. L’autorité de régulation pourrait également sanctionner de pénalités le non‑respect des procédures de renégociation (évaluation des services, etc.), les abus de position dominante, le dépassement des plafonds de rémunération fixé, etc. Elle pourrait être saisie par les préfets, après avis des chambres régionales et territoriales des comptes par exemple.

Proposition n° 49 : Créer une autorité de régulation de l’eau et de l’assainissement qui aura la charge de définir des normes communes applicables à l’ensemble des cahiers des charges, de fixer des exigences minimales en termes de qualité du service, de fournir une assistance technique et juridique aux collectivités et de sanctionner les abus.

 Cette agence pourrait englober en son sein la proposition de mission d’appui technique proposée précédemment.

Elle pourrait également exercer un rôle important en matière d’aide à la maîtrise d’ouvrage (AMO) pour les collectivités. En effet, lorsqu’une collectivité lance une procédure « loi Sapin », elle n’est pas obligée de demander un audit à un bureau d’études, mais cette pratique s’est répandue au fil du temps pour éviter les contentieux. L’AMO est supposé se livrer à une analyse technique, juridique et financière, mais, selon la taille des collectivités, le travail est plus ou moins bien fait. Dans ce cadre, la collectivité demande généralement à son AMO de procéder à une analyse comparative des modes de gestion. Cependant, l’activité des bureaux d’études n’est pas encadrée et leur indépendance ne peut être assurée. Certains observateurs, tel M. Marc Laimé, constate ainsi que « la gestion privée reçoit systématiquement la meilleure notation, assortie d’affirmations fantaisistes, quand elles ne sont pas fallacieuses, voire mensongères. Par exemple, les AMO mettent en avant le fait que le recours à la DSP permet de transférer les risques à l’opérateur privé. Quand la gestion est transférée à un délégataire, celui-ci la reçoit effectivement à ses risques et périls, mais uniquement en termes financiers et pas en termes de responsabilité juridique. Les tableaux comparatifs sont bâtis sur des abus de langage de ce type. Pour un lecteur non averti, les rapports des AMO laissent penser que la gestion privée présente tous les avantages. Par ailleurs, les rapports des AMO contiennent des plans prévisionnels financiers d’exploitation. Là encore, la gestion privée se révèle systématiquement moins chère que la gestion publique, grâce à un certain nombre de subterfuges. » ([511]).

Les cabinets spécialisés dans les AMO participeraient ainsi au fort taux de reconduction des délégations, taux qui s’élève à près de 95 %. Au-delà des critères minimaux établis de manière harmonisée pour l’ensemble des contrats et du renforcement des moyens de contrôle, l’agence nationale publique envisagée pourrait venir apporter une expertise indépendante, objective et gratuite en matière d’AMO au profit des collectivités.

Les auditions menées par la commission d’enquête en Guadeloupe ont montré que l’absence de compétences internes, l’absence d’expertise adéquate privée, l’absence d’expertise publique à même de juger des projets d’investissements a joué un rôle non négligeable dans des investissements non effectués ou effectués de manière inadéquate, avec des technologies inadaptées au climat local (cf. troisième partie du présent rapport).

Les questions de l’interconnexion des rÉseaux et de la vente d’eau en gros invitent À reposer la question de l’Échelle adÉquate d’organisation des rÉseaux

Les problématiques touchant à la gestion de l’eau sont souvent interconnectées entre elles, malgré des modes de gestion parfois cloisonnés. Ainsi, si l’État doit piloter la coordination de la politique de l’eau au niveau national, les régions pourraient également recevoir une mission de coordination de l’action des collectivités locales afin d’éviter tout doublon et gâchis de la ressource.

L’impossibilité de séparer réseaux et services

À titre d’exemple, à l’heure actuelle, malgré un patrimoine et des responsabilités partagés, l’assainissement des eaux usées et la gestion des eaux pluviales se différencient fortement et illustrent la difficulté à distinguer entre les petits et grands cycles de l’eau. Or, en temps de pluie, les systèmes d’assainissement, qu’ils soient unitaires ou séparatifs, rencontrent de manière récurrente des difficultés à collecter, transporter et stocker les eaux pluviales. Selon l’importance des pluies, cette situation peut provoquer des déversements et des débordements, pouvant conduire à des inondations. Ainsi, la maîtrise collective et partagée des systèmes de collecte et d’épuration permettrait une meilleure performance environnementale d’ensemble.

De la même manière, l’un des enjeux d’avenir, tel que rappelé dans la première partie de ce rapport, réside dans la protection de la ressource pour la production d’eau potable avec de plus en plus de sources affectées par des pollutions (nitrates, pesticides et polluants locaux). Dans ce contexte, les collectivités sont amenées à chercher une sécurité d’approvisionnement qui suppose une plus grande interconnexion des réseaux afin de permettre une réduction du nombre de captages exploités. Ceci doit être fait afin d’éviter à terme des surcoûts de potabilisation pour un grand nombre d’acteurs.

On peut également faire état de cette difficulté en matière de réutilisation des eaux usées. À l’heure actuelle, 0,2 % des eaux usées produites en France sont réutilisées, contre une proportion de 8 % en Italie et 14 % en Espagne (pays à stress hydrique plus aigu, donc avec des urgences plus fortes). Pour faire face aux périodes de sécheresse récurrentes et limiter les prélèvements d’eau dans un milieu naturel fragilisé, nos voisins européens comme l’Espagne et l’Italie ont développé la réutilisation des eaux usées traitées (REUT). Procédé inscrit dans l’économie circulaire, elle peut devenir l’une des solutions clés pour répondre de manière durable à cet enjeu. Cette solution n’a pas vocation à être dupliquée en tout lieu, mais doit au contraire s’adapter au plus proche des besoins du territoire. L’existence d’une réglementation européenne sera sans doute de nature à débloquer la situation française.

Pour toutes ces questions, l’interconnexion des réseaux et des services apparaît cruciale, ce qui pose la question de l’échelle de gestion. C’est également le cas, dans un registre légèrement différent, en matière de vente d’eau en gros entre réseaux.

Le nécessaire encadrement de la vente d’eau en gros entre réseaux

La plupart du temps, l’achat d’eau en gros se fait en gré à gré, sans mise en concurrence. Or, il arrive souvent que l’eau vendue en gros soit vendue beaucoup plus chère que le coût de revient. La marge acquise sur ces ventes permet d’abaisser le prix de l’eau distribuée aux usagers de son propre réseau. Il s’agit de décisions prises notamment par les élus locaux qui souhaitent ménager des tarifs plus avantageux pour leurs administrés. On retrouve ce problème de vente d’eau en gros quand il y a plusieurs exploitants et plusieurs autorités de gestion de l’eau qui œuvrent sur un territoire avec un accès concurrent à la ressource. Lorsque cela se produit, il peut être nécessaire de limiter l’effet d’aubaine que peut représenter, pour les gestionnaires de l’eau, la disposition monopolistique de la ressource en eau, notamment par l’instauration d’un plafond de prix de vente (le coût de revient de la ressource affecté d’un coefficient par exemple), tel que M. Alexandre Abou l’a proposé à la commission d’enquête ([512]).

On notera d’ailleurs que cette question a été l’un des éléments déclencheurs de la crise de l’eau en Guadeloupe. En effet, le SIAEAG a, en 2007, multiplié par quatre le prix de vente d’eau aux autres EPCI et gestionnaires de l’eau. Ainsi, l’un des avantages de la simplification du paysage de l’administration de l’eau avec la loi du 29 avril 2021 est que le syndicat mixte aura la main sur les différents contrats et pourra imposer des prix harmonisés quand il s’agit de vendre l’eau à un autre exploitant.

Proposition n° 50 : Donner aux agences de l’eau ou à une éventuelle autorité de régulation la compétence pour instaurer un plafond de prix de vente pour la vente de l’eau en gros afin d’éviter que l’un des gestionnaires ayant un accès privilégié à la ressource sur un territoire puisse en tirer un profit excessif.

La question de l’échelle de gestion : faut-il confier l’eau et l’assainissement à des autorités à la mesure du bassin, du sous-bassin ou de l’aire métropolitaine ? L’intérêt du modèle guadeloupéen

L’interconnexion des réseaux et la nécessité de ne pas introduire d’avantages indus à des acteurs bénéficiant d’un accès privilégié à la ressource posent également la question de la bonne échelle de gestion.

On peut ainsi distinguer deux types de périmètre de gestion quand on met à part la gestion de ressource en eau au niveau du bassin versant.

Le premier périmètre est celui de « l’administration du service », c’est-à-dire l’autorité organisatrice du service qui fixe les objectifs, le prix, les orientations du développement du service et qui contrôle. Le périmètre adéquat semble être l’agglomération voire le département surtout quand il est peu étendu, comme c’est le cas des îles de Guadeloupe et Martinique par exemple. Mais le périmètre du bassin versant, ou sous-bassin, aurait aussi un sens. Ainsi, une planification au niveau régional pourrait conduire à élaborer des documents de planification des infrastructures relatives à l’eau et empêcher la construction de structures inutiles (éviter par exemple la création d’usines d’assainissement à peu de distance l’une de l’autre, s’il est possible de les raccorder). Un autre avantage serait d’impliquer les régions et/ou les départements dans le financement des réseaux. M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, rappelle ainsi que, dans le cas de la Guadeloupe « La loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, issue d’une proposition déposée conjointement par Mme la députée Justine Bénin et par M. le sénateur Dominique Théophile, crée un syndicat unique dans l’archipel. En clair, sans ce texte, les intercommunalités ne se seraient pas rassemblées au sein d’un même ensemble qui donnera une vision complète, unique moyen de mener les bonnes opérations, puisque les réseaux sont interdépendants mais que, jusqu’à présent, il n’y avait pas interdépendance des décideurs » ([513]).

Le deuxième périmètre est celui de « l’exploitation », c’est-à-dire de la perception des recettes et l’engagement des dépenses d’exploitation. C’est le rôle des régies et des entreprises titulaires de contrats avec l’autorité organisatrice. Le périmètre adéquat est l’agglomération, pour des raisons de gouvernance, d’économie d’échelle et d’équité. Cela n’empêche pas une gestion différenciée des différents services. Ainsi, la métropole de Toulouse a 7 lots, certains gérés en DSP et d’autres en régie. Plusieurs raisons peuvent justifier cette gestion plus fractionnée :

– assurer une proximité pour les usagers ;

– la mise en concurrence ;

– ne pas confier la totalité de l’exploitation à une seule entité, fût-elle sous le contrôle d’une collectivité publique ;

– des raisons techniques liées à des types d’approvisionnements différents selon les services.

Pour ce qui est de la Guadeloupe, la seule motivation de la mise en place d’un périmètre unique est la chute du SIAEAG et le choix du financement de cette compétence par la région et le département. Cependant, la région n’a jamais eu de compétence pour la gestion de l’eau (ce qui n’est pas le cas du département). Il apparaît ainsi possible que des modes de gestion d’échelles différentes puissent tous avoir une justification en fonction de la configuration locale.

Toutefois, comme le montre l’exemple récent de la Guadeloupe, détaillé au sein de la troisième partie du présent rapport, les régions – même si ce n’est pas leur rôle – peuvent désormais participer à la rénovation des réseaux. Le choix pourrait donc être fait de déployer une structure d’administration de l’eau à l’échelle départementale ou supra-départementale, voire à la maille d’un bassin sur la question spécifique de la gestion des réseaux par exemple.

Le caractÈre oligopolistique du marché de la gestion privÉe de l’eau et de l’assainissement favorise-t-il des rentes et des marges indues ?

La dÉLÉgation de service public à des acteurs en situation d’oligopole conduit-elle à une prÉdation de l’eau par des acteurs privés ?

La situation de monopole naturel et « concurrence pour le marché, et non pas concurrence sur le marché »

La gestion de l’eau relève d’un monopole naturel. D’après M. Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial sur les droits de l’Homme à l’eau potable et à l’assainissement du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU), l’eau est « sous un régime inévitable de monopole naturel » ([514]). Dans la théorie économique, le monopole naturel est un monopole dont l’existence découle d’une production dont les rendements sont croissants.

Par ailleurs, il estime également que « le monopole naturel, qu’il soit géré par des acteurs privés ou publics, empêche, de facto, la concurrence sur le marché et permet uniquement la concurrence pour le marché ».

Ainsi, la concurrence concernerait avant tout l’obtention d’un marché mais pas la possibilité de recueillir les bienfaits de la concurrence dans le marché, une fois le contrat passé. M. Pedro Arrojo-Agudo note ainsi qu’« il n’existe pas de concurrence dans les marchés, car cela n’est pas possible ». La concurrence se fait donc « pour les marchés, c’est-à-dire pour conquérir les concessions, mais la gestion revient ensuite à une seule entreprise, publique ou privée » et « il n’existe donc pas de concurrence quotidienne, alors même que la concurrence de marché a des vertus intéressantes ». En conclusion, il souligne que « le monopole naturel empêche toute concurrence dans le marché » ([515]).

La question du prix agit également sur la logique de concurrence. M. Pedro Arrojo-Agudo explique ainsi que « les prix ont tendance à être plus élevés lorsque la gestion de l’eau est externalisée à des acteurs privés » car « une fois que les opérateurs privés ont conquis une concession, ils ont généralement le droit de contracter les achats et services auprès d’entreprises appartenant au même groupe qu’eux, sans appel d’offres public, donc sans concurrence » et que, par conséquent, « les prix pratiqués sont alors plus élevés et se répercutent au niveau de tarification » ([516]).

Certains auditionnés notent que « la question du partage de la rente de monopole est absente du débat ». Ainsi, « la plus-value, issue de la gestion de l’eau, part soit du côté de la collectivité locale (la plus-value est réinjectée pour autofinancer les investissements) soit du côté des actionnaires » ([517]).

Un marché en situation oligopolistique

L’écosystème de la gestion de l’eau répond aujourd’hui davantage à une logique d’oligopole que de concurrence. Les concessions sont réparties entre trois grands groupes et quelques autres, faisant partie de la fédération patronale des entreprises de l’eau (FP2E) ([518]), à savoir Veolia, Suez et la Société d’aménagement urbain et rural (SAUR). Ainsi, au niveau national, seules trois entreprises peuvent répondre à des appels d’offres sur l’ensemble du territoire national. Les autres opérateurs sont des acteurs locaux susceptibles d’intervenir uniquement dans un secteur géographique donné. De plus, les opérateurs nationaux ne participent pas à l’intégralité des appels d’offres lancés chaque année en France, estimant que certains marchés seront systématiquement renouvelés auprès du même opérateur ([519]).

Le marché de l’eau en France en 2017

Suez-Veolia : 5 minutes pour comprendre la «bataille de l’eau»

Source : Le Parisien, 6 octobre 2020.

L’absence de réelle concurrence est visible lors de la passation des contrats. Ainsi, l’OFB note qu’entre 2003 et 2017, le nombre moyen de candidatures reçues par les collectivités territoriales lors de la procédure est passé de 4,7 à 2,5 ([520]). Une tendance vers une situation d’oligopole semble donc à souligner.

La Commission européenne avait des doutes et a investigué en 2014 concernant la réalité de la concurrence dans le secteur de l’eau, mais n’a pas pu prouver ses dires ([521]). Il n’en demeure pas moins que l’émergence d’une situation monopolistique plaide, pour certains auditionnés, pour l’émergence d’une agence nationale ou d’un référent national, à des fins de régulation nationale ([522]).

En effet, le projet de fusion de Suez et Veolia « transformera un oligopole en un monopole, en dépit de toute logique de concurrence libre et non faussée » ([523]). D’autres auditionnés s’y opposent : comme M. Eddie Jacquemart, président national de la Confédération nationale pour le logement ([524]). Le risque serait selon certains auditionnés de voir un acteur devenir monopolistique sur le marché, ce qui pourrait entraîner une augmentation des coûts sans lien avec la qualité du service.

Certains auditionnés soulignent enfin qu’il existerait une entente entre les différents acteurs du secteur afin d’augmenter les prix et contourner la concurrence sur le marché en se partageant les contrats. Par exemple, M. Raymond Avrillier affirme que « ni les préfets, pourtant chargés du contrôle de légalité, ni la justice administrative n’ont assuré le contrôle de régularité, de telle sorte que le territoire s’est trouvé réparti à l’issue d’ententes, dont nous n’avons pas la preuve ».

Une personne auditionnée a également avancé que les entreprises de l’eau et de l’assainissement ont profité d’un marché français captif et relativement non-concurrentiel pour extraire des rentes ayant servi au soutien du développement international de ces entreprises, occasionnant une hausse des prix. La réponse apportée par les entreprises privées, dont Suez, consiste à affirmer que « le marché français étant mature », elles ont trouvé « des relais de croissance dans des zones où les besoins en infrastructures nouvelles sont importants » ([525]).

Proposition n° 51 : Renforcer les contrôles de l’Autorité de la concurrence sur le secteur de la gestion de l’eau.

Les avantages et les risques des nouvelles formes juridiques de gestion : SEMOP, SPL

Les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP)

Les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP) ont été créées par la loi n° 2014-744 du 1er juillet 2014 permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique, dont les dispositions ont été codifiées à l’article L. 1541-1 à L. 1541-3 du code général des collectivités territoriales. Il s’agit d’une forme d’entreprise publique locale permettant à une collectivité locale ou son groupement de lancer un appel d’offre en amont de la constitution de la société, pour désigner l’actionnaire opérateur qui s’associera avec elle pour l’exécution d’un contrat qui lui sera attribué.

Une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut créer, avec au moins un actionnaire opérateur économique, sélectionné après une mise en concurrence, une société d’économie mixte à opération unique. Constituée pour une durée limitée, à titre exclusif en vue de la conclusion et de l’exécution d’un contrat avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales la SEMOP a soit pour unique objet :

– la réalisation d’une opération de construction, de développement du logement ou d’aménagement ;

– la gestion d’un service public pouvant inclure la construction des ouvrages ou l’acquisition des biens nécessaires au service ;

– toute autre opération d’intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales.

Cet objet unique ne peut être modifié pendant toute la durée du contrat. Le contrat peut inclure la conclusion, entre la société d’économie mixte à opération unique et la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales, d’un bail emphytéotique administratif nécessaire à la réalisation de son objet.

Les SEMOP sont cadrées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », et la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II » ([526]).

Les auditions ont permis de montrer l’intérêt des SEMOP pour la gestion de l’eau et de l’assainissement. Ainsi, certains auditionnés ont relevé le fait que la SEMOP « contribue à atténuer […] l’asymétrie de l’information » puisque la collectivité est associée au projet partenarial et dispose, à cette fin, de plusieurs informations ([527]). Par ailleurs, le dispositif juridique des SEMOP présente l’intérêt :

– de conclure des partenariats de long-terme ;

– d’associer les compétences privées et publiques ([528]).

Cependant, les auditions ont aussi permis de relever les risques associés aux SEMOP. Premièrement, « lorsqu’une collectivité dispose d’une participation minoritaire, la société reprend généralement rapidement le contrôle des opérations. En complément, le partenaire, dans ce cadre, n’est pas sélectionné dans une démarche de mise en concurrence. Or cette absence de transparence peut favoriser le risque de collusion. » ([529])

Deuxièmement, « le fait qu’une collectivité soit le principal partenaire d’une société d’économie mixte (SEM) n’est pas toujours synonyme de bonne gestion. Ainsi, la SEM peut être amenée à accueillir l’ensemble des dettes ou des personnes dont ladite collectivité ne veut pas. » ([530])

Ainsi, malgré la mise en concurrence préalable, certains auditionnés ont déploré un manque de transparence, même dans le cadre d’une SEMOP.

Du côté des délégataires des services d’eau et d’assainissement, les SEMOP font l’objet d’un intérêt croissant car :

– en amont de la procédure, il existe des possibilités de discussion entre l’entreprise privée et l’entité adjudicatrice sur l’ambition du service public, le cahier des charges, la répartition du capital, le statut du personnel et le taux de marge acceptable pour le délégant et le délégataire ;

– pendant la phase de négociation, l’entité adjudicatrice « s’intéresse plus au projet » ;

– la gouvernance est partagée entre « les services, les élus et le délégataire » ;

– « l’expertise et la capacité d’innovation du privé peuvent s’exprimer » ([531]).

Proposition n° 52 : Accroître le contrôle de la collectivité publique sur les SEMOP, même après mise en concurrence préalable, tout au long de l’activité.

Les sociétés publiques locales (SPL)

Les sociétés publiques locales (SPL) ont été créées par la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales, dont les dispositions ont été codifiées à l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales et leurs groupements détiennent la totalité du capital des SPL.

Une circulaire en date du 29 avril 2011 est venue apporter des précisions sur le régime juridique applicable aux SPL. Par dérogation à l’art. L. 225-1 du livre II du code de commerce, ces sociétés qui revêtent la forme de société anonyme sont composées d’au moins deux actionnaires.

Le champ d’intervention des SPL recouvre :

– les opérations d’aménagement ;

– les opérations de construction ;

– les exploitations de services publics à caractère industriel ou commercial ;

– toutes autres activités d’intérêt général.

Cependant, si les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer des SPL dans des secteurs variés, elles ne peuvent le faire que dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi.

Certains acteurs auditionnés considèrent ainsi que « les SPL constituent un modèle l’avenir » car « ces structures ne mobilisent pas de fonds privés, permettent aux petites collectivités locales, qui ne peuvent financer le recours à de l’ingénierie privée, de porter des projets » et permettent de mieux mutualiser les moyens entre les différentes communes ([532]).

Toutefois, une SPL regroupe au moins deux autorités organisatrices, sinon quoi elles constitueraient une régie publique, et doivent par conséquent nommer un seul président, « ce qui implique parfois de se doter d’une gouvernance tournante » ([533]). D’autres acteurs remarquent également que le passage d’une délégation de service public de gestion de l’eau et de l’assainissement à une SPL n’implique pas nécessairement une baisse des prix, avec l’exemple de Rennes ([534]).

De plus, du côté des acteurs privés, il est indiqué qu’une « SPL n’est jamais remise en compétition » et que « malgré son statut privé », elle bénéficie parfois de contrats longs allant jusqu’à « 99 ans » ([535]).

Un rapprochement entre deux acteurs qui ne permet pas de dÉvelopper la concurrence

L’annonce de l’offre publique d’achat (OPA) de Suez par Veolia en août 2020 a conduit à de longues tractations et à de multiples rebondissements jusqu’en avril 2021, date de conclusion d’un préaccord entre les différentes parties prenantes qui officialise le rachat de Suez par Veolia. Depuis le lancement de l’opération, et jusqu’à ce jour, des interrogations multiples ont émergé concernant les raisons de l’OPA, son opportunité, le rôle joué par l’État et les conséquences de cette opération sur le groupe Suez et ses salariés ainsi que, plus largement, sur la gestion de l’eau en France, en particulier sur le niveau de concurrence qui sera préservé à l’issue de l’opération. La commission d’enquête s’est interrogée sur l’ensemble de ces sujets, ainsi que sur la réalité de certains éléments divulgués par voie de presse concernant une ingérence directe des plus hautes autorités de l’État pour soutenir cette opération.

Les raisons de l’OPA de Veolia sur Suez

Ainsi qu’il a été montré précédemment, Veolia et Suez sont les deux plus grands groupes français dans le domaine de la gestion des services d’eau et d’assainissement, suivis du groupe Saur. Veolia emploie 180 000 personnes, son chiffre d’affaires est de 27,18 milliards d’euros en 2019 et son actionnaire principal est l’État qui détient 5,7 %. Cependant, Veolia est une multinationale dont le capital est également détenu par des fonds d’investissement étrangers à hauteur de 60 %. En 2020, le groupe Veolia a servi 95 millions d’habitants en eau potable et 62 millions en assainissement, produit près de 43 millions de mégawattheures et valorisé 47 millions de tonnes de déchets.

Suez emploie 90 000 personnes, son chiffre d’affaires est de 18 milliards d’euros en 2019 et son actionnaire principal est actuellement Engie qui détient 32,1 % des parts. Dans le monde, le groupe dessert 64 millions d’habitants en services d’assainissement et produit 7,1 milliards de mètres cubes d’eau potable. Pour le marché de l’eau potable en France, le groupe Veolia domine largement ses deux concurrents avec près de 33 % des parts de marchés, tandis que les écarts sont plus resserrés en matière d’assainissement collectif avec le groupe Suez.

L’opération de rachat de Suez par Veolia s’inscrit au croisement de plusieurs éléments déterminants. En premier lieu, il existait une volonté du groupe Engie de se séparer de la participation historique, de 32 %, qu’il détenait dans Suez. M. Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie, a ainsi alerté les principaux acteurs de la volonté des dirigeants du groupe de se recentrer sur les énergies renouvelables. La participation détenue dans Suez serait ainsi trop importante en volume et pas assez importante en termes de pouvoir de décision puisqu’elle ne conduit pas à un contrôle du groupe. C’est ce qui a conduit le groupe Engie à officialiser, au courant de l’été 2020, sa volonté de revendre le capital de Suez qu’il détenait.

RÉpartition du capital de Suez

Suez-Veolia : 5 minutes pour comprendre la «bataille de l’eau»

Source : Le Parisien, 6 octobre 2020.

Le second élément déterminant est le contexte de retour en gestion publique de l’eau qui fait que la gestion privée perd du terrain en France. En effet, à la fin des années 1990, les trois « majors » desservaient 80 % des Français, contre un peu plus de 60 % aujourd’hui. S’agissant de l’assainissement, la gestion publique est désormais majoritaire. Par conséquent, l’essentiel des relais de croissance de Veolia et Suez se trouve aujourd’hui à l’étranger et la majeure partie de leur chiffre d’affaires s’effectue aujourd’hui hors des frontières françaises. Selon plusieurs personnes auditionnées, notamment MM. Amard et Aimé, Veolia était en difficulté dans certains pays et dans certains métiers, ce qui a pu pousser le groupe à s’engager dans cette opération de rachat de rachat de Suez.

Selon M. Laimé « S’agissant de l’eau potable, Suez desservait également davantage de clients que Veolia. En outre, Veolia accusait un certain retard en termes de digitalisation. La conjonction de ces différents facteurs a conduit Antoine Frérot à agir. S’il ne l’avait pas fait, Veolia aurait pu se trouver en difficulté, alors que Suez innovait dans le domaine des eaux industrielles et des smart cities » ([536]).

De son côté, le groupe Veolia affirme que l’objectif poursuivi est la construction d’un géant mondial, pour pouvoir défendre les entreprises françaises face à des opérateurs étrangers, notamment chinois. Le projet viserait ainsi à permettre tant à Veolia qu’à Suez de tenir leurs places de champions mondiaux. M. Frérot a ainsi indiqué aux membres de la commission d’enquête que la vente des parts d’Engie dans Suez intéressait vivement des sociétés étrangères comme Beijing Capital Group ou d’autres fonds d’investissement étrangers. M. Frérot a ainsi déclaré que l’une des motivations principales de l’opération était de faire en sorte que Suez demeure un groupe français. Cependant, ce propos doit être nuancé car ainsi qu’il a été rappelé, non seulement le capital de Veolia est détenu à 60 % par des actionnaires étrangers, mais le projet vise également à permettre au groupe GIP, fonds d’investissement américain détenu par un homme d’affaires Nigérien, de prendre le contrôle de 40 % de Suez, aux côtés de Meridiam (40 %) et de la Caisse des dépôts (20 %).

Par ailleurs, plusieurs personnes auditionnées par la mission ont souligné le fait que, même après la fusion, les deux grands groupes français que sont Veolia et Suez représenteront toujours moins de 5 % du marché mondial de l’eau, qui est immense et repose la plupart du temps sur des acteurs nationaux ou locaux.

Un autre argument avancé par Veolia est de permettre la construction d’un leader mondial dans le domaine de la transition écologique. À ce titre, le groupe défend l’idée selon laquelle cette fusion permettra une capacité d’innovation et de recherche renforcée. M. Frérot fait ainsi état de complémentarités possibles reposant par exemple sur le fait que Veolia est un pionnier du traitement et du recyclage des déchets toxiques, dont pourraient bénéficier les clients de Suez, alors que les solutions de Suez pour la méthanisation des déchets domestiques pourraient profiter à Veolia. Il confirme également que Suez a mis au point des logiciels à base d’intelligence artificielle, qui rendraient plus performants les centres de pilotage de Veolia.

Cependant, les économies d’échelle permises par cette opération semblent, à en croire M. Frérot, peu importantes puisqu’elles ne représenteraient que 500 millions d’euros sur une opération à plus de 13 milliards d’euros. 200 millions d’économies seraient ainsi réalisées sur les achats et 300 millions d’euros sur l’opérationnel, par l’application des meilleures pratiques.

Concernant le déroulé de l’opération, après huit mois de rebondissements, l’accord de principe adopté le 12 avril 2021, prévoit finalement la cession des actions de Suez à Veolia pour un prix de 20,50 euros par action (soit une augmentation de 32 % par rapport à l’offre initiale de Veolia en août 2020). Le prix de cession de l’action étant sensiblement plus élevé que la valeur de marché historique moyenne de l’action Suez, certaines personnes auditionnées par la commission d’enquête ont laissé entendre que l’opération était très bénéfique pour les actionnaires de Suez, mais beaucoup moins pour le groupe en lui-même dont l’avenir semble menacé par un périmètre restreint (cf. infra).

Le groupe Veolia prévoit toutefois, pour satisfaire aux impératifs de concurrence, de recéder les activités eau et déchets de Suez en France, ainsi que les participations en Afrique, en Inde et en Chine, à un consortium emmené par le fonds Meridiam, GIP et la Caisse des dépôts et consignations. Le nouveau Suez devrait ainsi représenter 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, contre 18 milliards aujourd’hui mais son actionnariat resterait majoritairement français.

À l’issue de l’opération, Veolia sera un groupe de 37 milliards d’euros de chiffre d’affaires, au sein duquel demeureront tous les actifs stratégiques identifiés par Veolia.

Le rôle imprécis de l’État dans le déroulement de l’opération

Le rôle de l’État au cours des différentes étapes de l’opération a pu sembler obscur à de nombreux acteurs et observateurs, en donnant l’impression que ce dernier appuyait simultanément sur le frein et sur l’accélérateur. Ainsi, selon M. Jérémy Chauveau, membre de la coordination syndicale CFDT de Suez, plusieurs membres du gouvernement se seraient d’abord montrés publiquement enthousiastes concernant la proposition de Veolia : « Trois jours après l’annonce de l’OPA, M. Jean Castex, le Premier ministre, a annoncé dans la presse que le projet faisait sens. Puis, M. Bruno Le Maire a rappelé qu’un projet pouvait toujours être amélioré, sans oublier, Mme Élisabeth Borne, la ministre du Travail, qui a déclaré qu’elle connaissait très bien M. Antoine Frérot, que l’emploi n’était pas en danger et que le projet faisait sens. Nous avons été surpris que les membres du gouvernement prennent si peu de recul et d’impartialité sur ce projet qui concerne pourtant le secteur de l’eau et des déchets, qui plus est en pleine pandémie » ([537]).

Par ailleurs, l’officialisation de la volonté du groupe Engie de se séparer de sa participation au sein de Suez remonte au 30 juillet 2020. Or, le principal actionnaire d’Engie est l’État qui détient un quart du capital (23,64 % du capital et 33,84 % des droits de vote d’Engie). Ainsi, lorsque M. Antoine Frérot, président de Veolia, contacte M. Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie, début août, afin de lui faire part de son intérêt et évoquer un projet potentiel de rachat, il est probable que l’État en ait été informé rapidement. Lorsque l’offre officielle de Veolia est formulée à la fin du mois d’août 2020, l’État manifeste pourtant une certaine surprise.

Veolia indique dans le même temps vouloir retirer son offre le 30 septembre si elle n’était pas acceptée, pour lancer une offre publique, ou bien pour renoncer au projet. Engie se retrouva ainsi, selon M. Clamadieu, en situation de devoir faire un choix dans un délai contraint alors que la vente des participations ne revêtait initialement aucun caractère d’urgence pour le groupe. Le cours de Bourse de Suez, qui était monté de 12 euros à 16 ou 17 euros, pouvait redescendre à sa valeur précédente, avec un risque de perte de valeur manifeste pour Engie. Engie donna donc son feu vert à l’opération, après une hausse de l’offre de Veolia de 15,50 à 18 euros par part, soit un montant total de 3,4 milliards d’euros. M. Clamadieu confirme ainsi l’intérêt du groupe pour l’offre de Veolia et justifie l’accord en l’absence de contre-offre solide de la part de Suez : « Après notre annonce de fin juillet, Veolia s’est montré beaucoup plus rapide que ce que nous avions imaginé. De plus, sa proposition présentait quelques avantages. A contrario, Suez n’a pas été en mesure de présenter une contre-offre crédible dans le délai qui lui était imparti. Il me semble que le délai compris entre le 2 juillet et le 5 octobre aurait été largement suffisant pour proposer une offre alternative. Celle-ci n’a toutefois pas eu lieu. Je pense donc effectivement que Suez a manqué d’anticipation sur ce sujet. » ([538]).

Les administrateurs représentant l’État ont cependant voté contre la vente des parts, à la demande du ministre de l’Économie et des finances, M. Bruno Le Maire. Ce dernier a ainsi rappelé les raisons de son opposition et assumé sa décision devant la commission : « Sept administrateurs se sont prononcés en faveur de la cession du bloc de Suez à Veolia, un administrateur s’est abstenu, trois administrateurs ont voté contre – dont un administrateur de l’État et l’administrateur représentant l’Agence des participations de l’État (APE) –, et deux administrateurs, représentants de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), n’ont pas pris part au vote. Vous auriez pu me demander pourquoi la réunion a connu des reports successifs. Cela s’explique par le fait que l’État s’opposait à cette décision. Nous avons essayé, pendant le week-end, de convaincre que la méthode suivie n’était pas la bonne – hélas, en vain. J’ai pris mes responsabilités en demandant aux représentants de l’État – notamment à l’administrateur représentant l’APE – de voter contre une opération qui ne remplissait pas les conditions que j’avais fixées. Je rappelle les cinq conditions que j’avais présentées de manière totalement transparente aux présidents de Veolia et d’Engie pour donner mon accord formel à cette opération : la pérennité de l’emploi, la logique industrielle, la préservation d’une offre concurrentielle de qualité, l’intérêt patrimonial et l’amicalité de l’offre » ([539]) .

Cependant, l’État n’a réussi à obtenir qu’un délai supplémentaire de 5 jours pour permettre à Suez de monter une offre alternative, qui aurait pu être organisée autour du fonds d’investissement Ardian. À l’issue du délai, la cession des parts à Veolia l’emporte et l’État est mis en minorité alors qu’il est le principal actionnaire d’Engie. M. Clamadieu a expliqué devant la commission d’enquête que, bien que l’État soit l’actionnaire principal, son poids se limite à un quart du capital et qu’il n’était donc pas en mesure de s’opposer à la décision prise à la majorité du conseil.

Il en va d’ailleurs de même pour les administrateurs représentant les salariés d’Engie, qui se sont également abstenus. MM. Alain Beullier et de Christophe Aubert, membres du conseil d’administration d’Engie et représentants des salariés, ont confirmé devant la commission le dilemme qui s’est posé à eux : « Nous représentons les salariés et nous sommes nous-mêmes salariés. Deux choix s’offraient à nous : soit voter contre la vente de la participation, et donc contre les salariés d’Engie, car contraire au plan stratégique d’Engie ; soit voter pour la vente de la participation, ce qui impliquait d’accepter la seule offre qui avait été faite, et qui tombait malheureusement sous le coup d’une loi antitrust. La seule offre que nous pouvions accepter en vendant notre participation financière était une offre qui démembrait l’activité eau France du reste de Suez. Notre position, qui consistait à ne pas prendre part au vote, revenait à nous positionner ni contre les salariés d’Engie, ni contre les salariés de Suez. Cette position a malheureusement été mal interprétée. » ([540]). Ils insistent également sur le fait que leur vote, quel qu’il ait pu être, n’aurait pas changé l’issue finale : « Que nous ayons tous les deux voté contre, ou que nous nous soyons abstenus – ce qui revient également à un vote contre –, l’issue du vote n’en aurait pas été changée. […] Nous sommes sortis de la salle en sachant pertinemment que même si nous avions voté contre, l’issue du vote n’en aurait pas été changée. » ([541]). Enfin, alors que la presse s’est fait l’écho de rumeurs concernant d’éventuelles pressions exercées par l’exécutif, et notamment par le secrétaire général de l’Élysée M. Alexis Kohler, les administrateurs salariés ont confirmé sous serment ne pas avoir reçu de coups de téléphone ou d’autres pressions concernant leur vote.

Pendant toute cette période, et après la vente effective des parts d’Engie, les syndicats de Suez n’ont cependant pas pu s’entretenir avec les membres du Gouvernement. Ainsi, selon l’un des responsables syndicaux de Suez, M. Philippe Jacq, « nous avons sollicité le Président de la République à deux reprises, par courrier, et sans succès. Il en va de même pour le Premier ministre et M. Bruno Lemaire, même si nous avons rencontré le directeur de cabinet de ce dernier. Quant à M. Emmanuel Moulin, nous ne l’avons jamais rencontré. Nous ignorons son rôle et quelles propositions, il devait porter au nom du gouvernement et du ministère de l’Économie » ([542]).

Pourtant, l’intersyndicale multiplie parallèlement les procédures pour non‑respect des règles sociales et le conseil d’administration de Suez crée une fondation incessible aux Pays-Bas pour y loger tous les actifs relatifs à l’eau. L’offre publique d’achat de Veolia est donc clairement, selon le droit boursier, une OPA inamicale. Cette attitude inamicale atteint son paroxysme lorsque, le 25 mars, le directeur juridique de Veolia, Éric Haza, adresse une lettre comminatoire à chacun des administrateurs de Suez leur demandant d’indiquer la position qu’ils ont prise sur la fondation néerlandaise, les menaçant de les poursuivre individuellement au civil et au pénal.

La position de Veolia a d’ailleurs été appuyée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui a remis un courrier affirmant que les moyens de défense du groupe Suez ne respectaient pas les règles de défense pour une opération de ce type. Les syndicats de Suez ont relevé alors que cette intervention de l’AMF était inhabituelle et que le collège de l’AMF pouvait ne pas être impartial, notamment du fait de la présence du secrétaire général de Veolia dans ses rangs. Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Bertrand Camus, a par ailleurs relevé que l’AMF n’avait pas sanctionné la procédure consistant pour Veolia à racheter seulement 29,9 % des parts de Suez (au lieu de racheter les 32 %) alors que cette opération avait pour but manifeste d’éviter de dépasser le seuil fatidique des 30 %, ce qui aurait conduit Veolia à devoir lancer une offre publique d’achat sur l’ensemble du capital. Or l’objectif de cette disposition est précisément d’éviter les prises de contrôle rampantes, et Veolia ne s’est pas caché que tel était bien le but de l’opération à terme. L’AMF n’a pourtant rien trouvé à y redire, alors qu’elle a été très prompte à réagir lorsque les dirigeants de Suez ont créé la fondation néerlandaise.

Obscur apparaît également le rôle de M. Gérard Mestrallet, nommé au même moment médiateur, agissant au nom de la société Equanim, entre les deux principaux acteurs. En effet, le gouvernement avait déjà demandé à M. Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor, d’œuvrer en tant que médiateur entre les deux parties. Selon des éléments rapportés par voie de presse, celui-ci aurait œuvré pendant plusieurs mois pour que Suez conserve une taille digne d’un groupe international, en gardant notamment le marché américain (proposition qui ne se retrouve pas dans l’accord final). Pourquoi doubler alors cette médiation, gratuite, par une autre médiation, qui plus est d’une personne qui a dirigé par le passé le groupe Suez ? L’État ne pouvait-il intercéder dans le choix du médiateur ?

Cette nomination apparaît d’autant plus étrange que M. Mestrallet déclarait, lors d’une audition au Sénat tenue en janvier 2021 ([543]) , que « L’approche de Veolia est hostile. Les propos ne sont pas amicaux. Les conditions mêmes dans lesquelles Suez a été approché ne permettent pas des discussions sereines dans l’intérêt des deux groupes et des salariés. Le conseil d’administration de Suez l’a fait clairement savoir : l’approche de Veolia est hostile, puisqu’elle vise à imposer unilatéralement son projet, sans concertation. Une OPA hostile est destructrice pour les équipes : elle entraîne une perte de motivation, d’adhésion, de sens et de valeur, surtout dans ce cas : on ne fusionne pas des machines - comme cela arrive dans l’industrie ou l’énergie - mais des hommes et des femmes ancrés dans des cultures d’entreprises différentes, avec des partenariats différents, qui réalisent une activité de services fondée sur du capital humain. Veolia veut créer un champion français, mais la France a déjà deux leaders de l’environnement. La taille de chacun d’eux n’est pas trop petite et n’a empêché aucun des deux d’accéder aux premiers rangs mondiaux ! Pas besoin de fusionner, les champions sont déjà là. »

Or, quelques mois plus tard, M. Gérard Mestrallet agissant pour Equanim perçoit une rémunération de 10 millions d’euros pour accompagner le projet de fusion, ce qui déclenche une plainte pour trafic d’influence de la part des syndicaux. Les syndicats relèvent également que la société Equanim comporte dans son effectif nombre d’anciens hommes et femmes politiques ainsi que des membres des Conseils d’administration de Suez et d’Engie. Surtout, cette médiation s’avère être un échec aux yeux de nombreuses personnes auditionnées : le nouveau groupe Suez, avec seulement 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et peu d’activité internationale, ne serait pas suffisamment viable pour pouvoir se développer dans les mois et années à venir.

Le rapporteur considère que la question essentielle demeure de savoir pourquoi l’État n’a pas pu s’opposer à la cession des parts de Suez. Il apparaît ainsi que l’État a trop affaibli sa participation dans le capital des différentes entreprises pour lui permettre de conserver une minorité de blocage. L’État n’a pas non plus cherché à se doter des outils tels que des « golden shares » (« action spécifique » ou « de référence ») permettant à celui qui les détient de conserver un droit de veto sur l’ensemble du capital d’une société dans certaines circonstances spécifiques. En effet, les actions de référence sont souvent détenues par un État dans le cas d’une compagnie publique soumise au processus de privatisation et de transformation en société cotée. C’est pourtant le cas pour Engie, en vertu de l’article L.111-69 du code de l’énergie qui prévoit qu’« en vue de préserver les intérêts essentiels de la France dans le secteur de l’énergie, notamment d’assurer la continuité et la sécurité d’approvisionnement en énergie, un décret prononce la transformation d’une action ordinaire de l’État au capital de Engie en une action spécifique ».

Enfin, l’Agence des participations de l’État aurait éventuellement pu jouer un rôle actif en reprenant à son compte les parts de Suez détenue par Engie, le temps de trouver un repreneur sur l’ensemble du périmètre d’Engie. Cette interrogation est partagée par les représentants salariés d’Engie : « L’APE aurait pu proposer de se porter acquéreur des 29 % et chercher par la suite un repreneur n’ayant pas de difficultés avec la loi antitrust, ce qui aurait permis de conserver l’intégralité de Suez. Or l’APE ne s’est pas exprimée sur le sujet. Elle était d’accord sur les questions de prix. De plus, nous nous accordions tous sur le projet industriel, qui intégrait des dispositions antitrust qui nécessitait la séparation des activités. […] L’ensemble des organisations syndicales et le conseil d’administration ont demandé le maintien de l’intégrité de Suez. Or pour qu’une entreprise reste intègre dans son périmètre, il faut que le repreneur ne soit pas soumis à des dispositions antitrust qui l’empêchent de le faire dans son intégralité. » ([544]).

S’agissant des procédures à venir auprès des autorités chargées du respect de la concurrence, Veolia devra en effet obtenir les autorisations requises sur les différents marchés concernés. Au sein des États membres de l’Union européenne, l’autorisation devra être obtenue auprès de la Commission européenne.

Les conséquences potentielles

À l’heure où est écrit le rapport de la commission d’enquête, l’opération de fusion partielle entre Veolia et Suez n’est pas parvenue à son terme et plusieurs mois seront encore nécessaires pour que l’ensemble des opérations, notamment la revente des parts au consortium et les migrations de contrats, soient effectuées. Il apparaît cependant nécessaire d’effectuer un tour d’horizon des craintes et des conséquences potentielles de cette opération à moyen et long terme, tant pour les groupes concernés que, plus largement, pour le marché de la gestion de l’eau en France.

Concernant le « nouveau Suez », son périmètre sera fortement réduit. D’un chiffre d’affaires (CA) de 18 milliards d’euros et 90 000 employés, il restera un groupe doté d’un CA d’environ 7 milliards d’euros et 45 000 employés. C’est toutefois sensiblement plus élevé que la première offre de Veolia qui prévoyait un nouveau Suez de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 25 000 employés.

Avec ce périmètre, Suez restera le second acteur français et continuera de figurer dans les cinq plus grands acteurs mondiaux des services à l’environnement par le chiffre d’affaires. Suez continuera à être présent dans l’eau et les déchets en France, mais aussi à l’international, notamment dans l’eau en Italie, République tchèque, Afrique, Asie centrale, Inde, Chine et Australie – alors que le projet initial de Veolia cantonnait Suez à ses activités françaises. Cette dimension internationale et intégrée est un facteur clé pour se positionner sur les marchés les plus complexes et bénéficier de la croissance de marchés en plein essor. Selon Bertrand Camus, directeur général de Suez auditionné par la commission ([545]), l’innovation restera un axe stratégique fort du « nouveau Suez » car le groupe conservera le CIRSEE, le principal centre de recherche de Suez en France, et l’unité dédiée aux solutions digitales et environnementales (SES), ce qui constitue là aussi une avancée majeure par rapport au projet initial de Veolia.

Enfin, le « nouveau Suez » pourra s’appuyer sur un actionnariat majoritairement français composé de la Caisse des dépôts à hauteur de 20 % et du groupe Meridiam à hauteur de 40 %. Ces actionnaires devront souscrire aux engagements sociaux de maintien de l’emploi pour quatre ans à compter de la clôture de l’OPA, et Veolia s’engage à maintenir l’emploi pour cinq ans pour les salariés de Suez qui rejoindront Veolia. Les actionnaires du nouveau Suez s’engagent par ailleurs à conserver leurs positions sur le long terme, jusqu’à une durée de 25 ans pour Meridiam. Les salariés devraient, à terme, représenter une part importante du capital avec un objectif de participation fixé à 10 %.

À en croire MM. Bertrand Camus et Antoine Frérot, le rapprochement n’aura pas d’impact sur le marché de l’eau et de l’assainissement en France. Suez aurait la surface requise pour maintenir l’intensité concurrentielle au même niveau (avec un chiffre d’affaires d’environ 5 milliards d’euros dans le pays) et gardera des capacités d’innovation et des références à l’international. Cette position est partagée par certains responsables syndicaux de Suez comme M. Noui Bourahli, qui a déclaré que « la création de "Suez V2" offre des possibilités de maintien de l’activité pérenne sur l’eau, eu égard au chiffre d’affaires dédié à ce nouveau Suez, proche des activités françaises de Veolia. Nous avons espoir qu’il y ait matière à se développer. Nous sommes en mesure à l’avenir de construire un Suez V2 capable de concurrencer Veolia à l’international » ([546]).

Ce sentiment n’est cependant pas partagé par de nombreux acteurs. Selon M. Marc Laimé, le nouvel actionnariat de Suez n’a pas l’expérience requise pour gérer et développer un groupe comme Suez. M. Laimé a ainsi déclaré en audition : « le nouveau Suez, réduit aux acquêts, est un attelage singulier. En effet, le fonds Meridiam est le fruit de conflits d’intérêts incessants. M. Thierry Déau, qui a commencé sa carrière dans le bureau d’études spécialisé de la Caisse des dépôts et consignations, a construit Meridiam, qui n’avait, jusqu’alors, aucune expérience de la gestion des services publics délégués dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. En outre, le retrait d’Ardian a été compensé par la présence extrêmement importante au capital de la Caisse des dépôts et de CNP. S’y ajoutent GIP, dont j’ignore d’où proviennent les fonds. Un tel attelage remplace une entreprise plus que centenaire, qui avait des capacités éminentes sur les volets techniques, juridiques et financiers. Elle se trouve aujourd’hui reprise en mains, en termes capitalistiques, par des acteurs sans expérience probante dans ce domaine » ([547]).

De son côté, M. Déau, fondateur et président de Meridiam, assure que Meridiam est un investisseur patient et peu gourmand qui s’engage à conserver cette activité pendant 25 ans. Il assure que Meridiam, en une quinzaine d’années d’existence, a déjà réalisé une centaine d’investissements dans les infrastructures, en partenariat étroit avec des collectivités, et n’en a revendu aucun. Il a également affirmé vouloir consacrer deux fois plus d’investissements annuels à l’activité eau en France que ne le fait Suez aujourd’hui et créer 1 000 postes d’apprentis dès la première année ([548]). M. Déau a ainsi déclaré devant la commission : « Nous avons proposé aux salariés une contractualisation de ces garanties. Elles couvrent à la fois le maintien de l’emploi et un engagement en matière de développement des compétences et d’apprentissage au sein de Suez. Ces garanties feront partie d’un accord que nous pouvons contractualiser avec la société et les représentants, et qui sera suivi par un observatoire détenant un pouvoir de contrôle ». Il ajoute que : « notre stratégie se base sur un plan d’investissement de 867 millions d’euros sur 5 à 7 ans. Cette stratégie porte sur la ressource en eau et l’innovation, avec un effort particulier quant à la numérisation pour accroître la transparence du service vis-à-vis des collectivités territoriales. Nous couvrons également un certain nombre d’autres sujets critiques en relation avec les déchets – par exemple, les boues organiques – et l’énergie car l’eau est grande consommatrice d’énergie. »

Au-delà de la compétence des différents repreneurs, un point d’interrogation majeure réside dans la capacité du nouveau Suez à réellement se développer à l’international alors que les deux marchés les plus prometteurs, le marché américain et le marché chinois, seront transférés en totalité à Veolia. Pour l’intersyndicale de Suez le périmètre minimal aurait dû être un chiffre d’affaires de 9 milliards d’euros incluant des activités à l’internationale, notamment sur le marché américain. C’est également l’une des raisons qui a poussé le fonds d’investissement Ardian à se retirer du projet de reprise de Suez. Mathias Burghardt, responsable de l’équipe infrastructure et membre du comité exécutif d’Ardian, juge ainsi que « Le marché français est un marché mature et stable. Il est important, pour maintenir une qualité de service et de recherche et développement et pour conserver les emplois, de garantir l’expansion sur les marchés internationaux. Il est absolument essentiel, de notre point de vue, de disposer de relais de croissance forts. Le marché américain était un marché particulièrement intéressant. Il va recueillir des investissements massifs sous la présidence Biden. De plus, le groupe Suez est un acteur de premier plan aux États-Unis. Sa filiale Suez Water Purification Systems Ltd (WPS) dispose de membranes de nouvelle génération pour maintenir la qualité de l’eau tout en utilisant moins de produits chimiques. » ([549]).

En outre, l’opération, si elle est bénéfique pour les actionnaires de Suez, pourrait obliger le groupe à consacrer des années d’effort pour se racheter au lieu de se développer. Toutefois, avec l’ambition d’atteindre 10 % du capital pour les salariés dans un horizon de 7 ans, la participation des salariés serait supérieure à celle prévalant aujourd’hui (5,6 % du capital).

Une autre interrogation concerne l’emploi, car les rapprochements se traduisent souvent par des suppressions d’emploi. Les dirigeants de Suez et de Veolia insistent tout d’abord sur la spécificité du marché de l’eau dans lequel les personnels restent les mêmes que le contrat bénéfice à l’un ou à l’autre. Les fonctions opérationnelles, qui représentent l’immense majorité de l’emploi, ne seraient donc pas concernées par des suppressions de postes. Concernant l’avenir des sièges, il serait également prévu qu’il n’y ait pas de suppression de postes opérationnels à cause du rapprochement. Au siège de Suez, qui compte 750 personnes, 150 personnels dirigeant l’activité eau en France rejoindront Meridiam et la moitié des 600 autres salariés sera affectée à la recherche, l’innovation, la construction de projet et la direction juridique pour Veolia. Restent les autres fonctions « supports » – la finance, les ressources humaines, achat, comptabilité –, mais M. Frérot s’est engagé à en reprendre environ les deux-tiers, soit 200 salariés.

Concernant Veolia, à l’issue des opérations, le groupe sera le premier acteur mondial dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, avec un chiffre d’affaires de près de 37 milliards d’euros. Néanmoins, Veolia ne pèsera pas plus de 5 % au niveau mondial dans le marché de l’eau, lequel est très segmenté.

Veolia devra porter un endettement colossal, puisque l’entreprise était déjà endettée à hauteur d’une douzaine de milliards d’euros et qu’il faudra y ajouter huit à dix milliards d’euros supplémentaires. La revente des actifs de Suez au nouveau consortium n’amortira que très partiellement cet endettement supplémentaire. Pour certains observateurs, cet endettement supplémentaire sera une source de fragilité pour le groupe et pourrait l’exposer davantage à des appétits étrangers en cas d’augmentation du capital.

Certains observateurs notent également que les opérations de fusion-acquisition sont loin d’être assurées du succès : une sur deux se terminerait mal. Par ailleurs, Veolia va être obligé de négocier avec les différentes autorités de la concurrence, qui ne vont peut-être pas toutes accepter le schéma proposé par le groupe. Les syndicats de Suez avancent enfin que le chiffre de 500 millions d’euros de synergies grâce au rapprochement des deux groupes est probablement sous-estimé, au regard d’une opération de 13 milliards d’euros et de 150 millions d’euros dépensés rien qu’en conseil et en lobbying.

Faut-il une autorité de régulation de l’eau face aux acteurs privés ?

La question d’un régulateur central se pose avec une acuité particulière avec la situation qui va résulter de la fusion. L’absence de régulateur central s’expliquait dans le domaine de l’eau et des transports par l’absence de monopole, même s’il existe une forme d’oligopole (cf. supra).

Cependant, l’eau et l’assainissement sont régulés par une multitude d’acteurs, à commencer par les collectivités locales. Les obligations de service public, le respect de la concurrence, la qualité du service rendu sont clairement définis et sanctionnés, même si, comme cela a été indiqué précédemment, les DSP dans le domaine de l’eau pourraient avantageusement rejoindre le droit commun en matière de concession. Ainsi, la question d’une autorité de régulation peut être posée mais sa motivation principale ne devrait pas tant être la régulation de la concurrence que l’aide technique et juridique aux collectivités, la péréquation des investissements et le développement des infrastructures pour faire face aux défis liés au changement climatique (cf I.E de la seconde partie du rapport).

Mathias Burghardt, responsable de l’équipe infrastructure et membre du comité exécutif d’Ardian, juge ainsi que : « En France, la DSP dans le secteur de l’eau est un affermage : l’essentiel des investissements est conduit par les collectivités territoriales et non par le secteur privé. Le système régulé prévaut aux États-Unis, en Italie et dans un certain nombre d’autres pays. Dans le système régulé, le secteur privé a la responsabilité des investissements et de la qualité du service. Un régulateur très présent procède à un point d’étape tous les cinq ans pour dimensionner les investissements nécessaires et fixer des critères de performance. De mon point de vue, la régulation offre un certain nombre d’avantages. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui dans un contexte de forte évolution technologique. Un certain nombre d’outils permettent de rendre les réseaux plus efficients, plus propres. Le régulateur permet ainsi de tenir des rendez-vous réguliers et d’atteindre une certaine homogénéité sur un vaste territoire. » ([550]).

Quelle influence des modes de gestion sur le coût et la qualitÉ de service À la population ?

La question des modes de gestion a été abordée précédemment dans ce rapport sous l’angle légal de l’évolution des compétences des collectivités, ainsi que du cadre juridique qui régit le passage des contrats de DSP, leur modification ainsi que leur contrôle durant leur exécution. Plusieurs propositions ont ainsi été formulées pour renforcer le contrôle des délégants sur les délégataires et permettre une plus grande réversibilité des contrats.

La commission s’est également interrogée sur les modes de gestion les plus adaptés, essayant de faire la part entre les avantages liés à une gestion publique ou privée des services d’eau, notamment sur le prix.

Les déterminants du choix entre gestion publique et gestion privée en matière de qualité de service et de coûts

Si le principe de libre administration des collectivités territoriales suppose de laisser ces dernières libres de leur choix de gestion, il est apparu au rapporteur que le système de gestion publique présentait, sous condition d’être géré de manière professionnelle et contrôlé de manière efficace, des avantages comparatifs certains plus importants que le recours à des concessions. Ces dernières peuvent toutefois s’avérer nécessaires lorsque la taille de la commune, la complexité des opérations à mener, la configuration spatiale ou la difficulté à la ressource rendent difficiles une gestion en régie.

Les concessions peuvent être sources de difficultés pour les collectivités territoriales, dont un certain nombre a déjà fait l’objet d’une présentation détaillée précédemment. Parmi les principaux griefs, on retrouve les éléments suivants :

– le contrat fait la loi entre les parties pendant de nombreuses années, les tiers ne peuvent agir sur le contrat ;

– les biens publics, ressources, installations, équipements, sont gérés par le concessionnaire dans la durée limitée du contrat mais les responsabilités incombant à chaque partie au contrat ne sont pas toujours claires, notamment pour le gros entretien et le renouvellement des équipements ;

– les tarifs ne peuvent être fixés chaque année car ils sont fixés dans le contrat pendant la durée du contrat ;

– les coûts sont opaques car internes au concessionnaire et à ses sous‑traitants (à l’inverse des marchés publics) ;

– l’état des installations reste peu contrôlable par le concédant (en sous-sol par exemple) ;

– la collectivité peut perdre des compétences, de la mémoire et des savoirs indispensables à une gestion efficace et transparente au profit des citoyens ;

– il est difficile de trouver des expertises indépendantes hors des concessionnaires, ce qui suppose notamment pour l’État de développer son assistance technique aux collectivités.

Il convient en outre d’ajouter que certaines entreprises délégataires pourraient être tentées d’abuser de leur position dominante pour favoriser des sociétés de leur groupe. C’est notamment ce qu’a dénoncé M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble, devant la commission : « Enfin, des exemples précis permettront par ailleurs d’illustrer la thématique des « gisements financiers ». Ainsi, dans le cadre du passage en régie, nous avons découvert que les voitures de service étaient louées à une société filiale de la Lyonnaise des eaux. Le fauteuil qui se trouvait dans mon bureau avait été acheté par le biais d’une centrale d’achat filiale de la Lyonnaise. L’informatique était également géré par une filiale de la Lyonnaise des eaux. Plus généralement, les financements de la société transitaient par un compte courant d’associés rémunérés. Or le retour à un schéma de financement traditionnel, associé à une diminution du cash-flow, a permis de diviser par dix le montant des frais financiers supportés par le prix de l’eau. » ([551]).

Ces difficultés potentielles peuvent être mises en perspective avec les avantages potentiels de la gestion publique. Parmi ceux-ci, on peut citer les points suivants :

– possibilité de faire évoluer le prix de l’eau de manière souple et continue en fonction de l’état des comptes ;

– report à nouveau possible dans le budget de la collectivité en cas d’excédent de recettes ;

– possibilités plus fréquentes de sanctionner l’autorité gestionnaire en cas de mauvaise gestion ou de manque d’investissements, contrairement à des délégations comprises entre 10 et 20 ans ;

– transparence des comptes (en réalisé et en comparaison) selon les règles du plan comptable général ;

– cogestion avec les citoyens plus facile : conseil d’exploitation ou conseil d’administration pouvant être ouverts plus facilement ;

– gestion publique a priori plus sobre en emplois en l’absence de personnels dédiés au démarchage commercial, à la publicité ou aux dépenses de siège ;

– connaissance du réseau constante et approfondie par des services techniques dotés de mémoire.

Ces considérations doivent cependant être nuancées au sens où l’ensemble des inconvénients et des avantages ne se retrouvent jamais en intégralité dans toutes les situations, lesquelles doivent être appréciées au cas par cas. Certaines régies peuvent être obscures et mal contrôlées tandis que certaines DSP peuvent conduire à une remontée efficace d’informations, voire à une association réelle des citoyens à la gestion du service. Ainsi, on retrouve aujourd’hui davantage de CCSPL dans les services d’eau gérés en DSP que dans les régies, bien que cela s’explique prioritairement par le fait que les plus grandes collectivités, qui doivent obligatoirement disposer d’une CCSPL, font le plus appel, proportionnellement, aux DSP.

En outre, en matière de gestion du patrimoine, on retrouve la même diversité de situations : dans bien des cas, les biens et réseaux gérés en régie sont aussi mal connus et non-valorisés que ceux qui font l’objet d’une délégation. Les raisons de cette méconnaissance peuvent être diverses : le patrimoine est important ou ancien, l’entretien n’est pas valorisable politiquement ou bien le patrimoine des services publics d’eau et d’assainissement est confondu avec le patrimoine général de la commune. En effet, il n’est pas rare que des installations d’eau soient financées par des prêts de la commune également utilisés pour financer d’autres investissements.

Toutefois, dans l’absolu, les avantages comparatifs de la gestion publique sur la gestion privée semblent l’emporter et pourraient expliquer le phénomène de retour en gestion publique. Cet avantage conféré à la gestion publique se retrouve dans un autre élément essentiel, à savoir le prix de l’eau, même si les écarts demeurent relativement modérés.

L’évolution du prix de l’eau et la différence entre régies et délégation de service public

Depuis deux décennies, les effets de ciseaux entre les recettes et les dépenses des services publics d’eau et d’assainissement se sont progressivement amplifiés :

– stagnation, puis diminution de la consommation, avec la réduction de l’activité industrielle raccordée et le développement de technologies économes en eau ;

– montée en puissance des redevances des agences de l’eau qui permettent de substituer des solidarités urbain-rural de bassin à la solidarité nationale (à la suite de la suppression des aides de l’État), ce qui instaure le début d’un circuit financier interne (« l’eau paie l’eau ») ;

– renforcement des exigences de qualité sanitaire et environnementale, qui génèrent d’importantes dépenses supplémentaires sans élargir l’assiette des recettes ;

– en secteur urbain : développement de filières de potabilisation, notamment d’eaux de surface, de haute technicité consommatrices en fonctionnement, remplacement des conduites en plomb, mise aux normes des stations d’épuration et des collectes d’eaux usées, développement de la maîtrise des eaux pluviales ;

– en secteur rural : poursuite du primo-équipement, plus orienté vers l’assainissement collectif, abandons de captages et interconnections pour répondre aux normes de potabilisation, toutes dépenses nouvelles en face desquelles les volumes de service rendu ne progressent que faiblement ; retrait progressif de l’ingénierie publique de l’État ; amorce en fin de période de la baisse des subventions départementales, restrictions du recours aux fonds européens.

À l’heure actuelle, ce sont ainsi environ 4 milliards de mètres cubes d’eau potable qui sont facturés chaque année aux consommateurs raccordés aux réseaux publics mais ce volume facturé a baissé de 15 % depuis 2011, soit une diminution significative de plus de 600 millions de mètres cube.

Tous ces facteurs ont conduit à une baisse du volume facturé et à une hausse des coûts de mise à niveau, qui s’est traduit par une augmentation du prix moyen de l’eau. Sur le plan législatif, l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques fixe cependant le principe, inscrit à l’article L. 210-1 du code de l’environnement, selon lequel « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiques acceptables pour tous ». Et l’on peut considérer que, globalement, le prix de l’eau demeure modéré en France avec un coût de l’eau – y compris assainissement – qui est en moyenne de 4,03 euros par mètre cube selon les données 2017 de l’observatoire des SPEA, soit une augmentation de 6,6 % sur la période par rapport à 2012. C’est notamment ce qu’a rappelé M. le ministre de l’Économie, des finances et de la relance Bruno Le Maire devant la commission : « Nous sommes l’un des pays où l’eau est la moins chère en Europe, à savoir 4 euros le mètre cube, contre 5,21 euros en Allemagne et 6,61 euros au Danemark, d’après les chiffres de l’Office international de l’eau (OIE) pour 2017. Un parallèle peut être fait avec l’électricité, qui est, en France, l’une des moins chères d’Europe. » ([552]).

Selon l’association « 60 millions de consommateurs » ([553]) qui obtient des résultats relativement proches, le prix moyen de l’eau pondéré au mètre cube aurait évolué de 3,35 euros en 2011 à 3,71 euros en 2020, soit 10,7 % de plus. Pour une personne consommant en moyenne quarante mètres cube d’eau par an, hors tarification sociale, le coût moyen est ainsi d’environ 150 euros par personne et par an, hors abonnement. Ce prix est cependant une moyenne et l’eau est plus chère à certains endroits qu’à d’autres, en particulier dans les territoires ultramarins (cfsupra). La part de l’eau dans le budget des ménages s’établit ainsi selon l’INSEE entre 0,8 et 0,9 % de leurs dépenses annuelles.

Cependant, l’indice des prix à la consommation ne gagnait que 3 % sur la même période. Le prix du service de l’eau a donc augmenté en moyenne deux fois plus vite que l’inflation générale sur la dernière décennie. Ces perspectives amènent les experts et les parties prenantes à s’interroger sur l’acceptabilité sociale d’une poursuite de la hausse des prix, sur l’équité sociale de la tarification et sur le maintien de l’accès à l’eau pour les populations les plus démunies (cf. IV.A).

Pour l’heure, cette augmentation du prix de l’eau dans les années 2010, après une décennie 2000 de relative stabilité, se constate quel que soit le mode de gestion retenu. Cela est notamment dû à une augmentation conséquente de la part assainissement (mise aux normes des stations d’épuration mais aussi augmentation de la TVA de 5,5 % à 7 % en 2012 puis à 10 % en 2014). En effet, l’assainissement était de 1,25 euro hors taxes en 2011 contre 1,52 euro hors taxes en 2020, soit une hausse de 21,8 % en dix ans, selon l’association 60 millions de consommateurs. En revanche, concernant la distribution, le coût était de 1,33 euro hors taxes en 2011 contre 1,36 euro hors taxes en 2020, soit seulement 2 % d’augmentation. Il existe ainsi toute une série de facteurs techniques complexifiant l’assainissement et la distribution : tensions sur la ressource, fortes précipitations, saisonnalité des volumes, traitement de l’eau plus exigeant, lutte contre les micropolluants, etc.

Toutefois, le prix du service d’eau (distribution et assainissement) apparaît en moyenne 5,4 % plus cher en délégation de service public (DSP) par rapport aux régies publiques, selon les données 2018 de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement. Cet écart n’est pas nouveau : en 2012, le prix du mètre cube (eau potable et assainissement collectif) s’élevait en moyenne à 1,88 euro en gestion directe contre 2,08 euros en gestion déléguée ([554]). Il semblerait que cette différence soit particulièrement marquée pour les collectivités de moins de 10 000 habitants qui bénéficieraient d’un prix de l’eau sensiblement moins élevé lorsqu’elles sont en régie publique.

La FP2E explique cet écart par le fait que les DSP interviendraient sur les services les plus complexes, notamment lorsque la qualité de la ressource est dégradée. La fédération explique également que les prix des entreprises peuvent être plus avantageux du fait que les entreprises de l’eau peuvent mutualiser leurs moyens humains et techniques entre plusieurs contrats, et passer des commandes de gros qui leur permettent d’obtenir des prix plus compétitifs sur certains produits et prestations. Par ailleurs, la FP2E fait remarquer que les régies ne font pas apparaître tous les coûts (entretien et connaissance du patrimoine) et n’ont pas de règles spécifiques quant à l’amortissement des investissements.

Évolution des diffÉrentes composantes du prix de l’eau par rapport À l’inflation dans le cas de l’île de France

 (Base 100 en 1995)

Source : Syndicat des eaux d’Île-de-France.

À l’inverse, les chambres régionales des comptes ont souvent observé que les charges facturées par les entreprises ne correspondent pas toujours à des prestations clairement identifiées. Tel est le cas des frais de siège qui en représentent une part significative. Ils sont liés aux prestations d’expertise fiscale ou comptable, à la gestion de la trésorerie ou des ressources humaines, aux services à la clientèle, à la direction juridique, à la gestion des risques, à la politique des achats ou la diffusion des meilleures pratiques, prestations assurées par le groupe du délégataire. Leur prise en compte forfaitaire, sans lien avec la réalité du service apporté à la délégation et susceptible d’être justifié, crée des distorsions de coût, qu’accentue parfois l’absence d’actualisation des critères de répartition de ces charges indirectes.

Globalement, il convient de souligner que la production d’eau potable demeure une activité très rentable : elle est produite à un coût proche de 20 centimes dans des conditions favorables (hors distribution) et revendue bien plus chère.

Pour certaines personnes auditionnées par la mission, la question d’une gratuité des premiers litres d’eau et d’un tarif progressif se poserait donc. À cet égard, le CGCT prévoit que le système de tarification de l’eau « peut comporter une part fixe et une part variable » mais il n’en fait pas une obligation. Par conséquent, les communes qui le souhaitent peuvent mettre en place une gratuité des premiers mètres cube. La gratuité proposée par notre collègue président de la mission d’information sur la ressource en eau, M. Loïc Prud’homme, serait ainsi celle des premiers litres, nécessaires à la boisson, la cuisine et l’hygiène, afin d’assurer des conditions de vie décente à l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens ([555]). Cette gratuité serait assortie d’une tarification progressive sur les mètres cubes suivants, jusqu’à atteindre des prix dissuasifs au-delà d’une certaine quantité d’eau par foyer afin de sanctionner les gaspillages et mésusages. À l’instar de la législation irlandaise, les entreprises ne seraient pas incluses dans le dispositif de gratuité et auraient leur propre grille de tarification.

En revanche, certains observateurs considèrent que la gratuité est un mauvais signal dans la mesure où il indique que l’eau n’a pas de valeur. Il serait alors préférable d’opter pour un tarif très social pour les plus défavorisés, par exemple 5 euros par mois comme à Madrid, pour une quantité limitée aux besoins normaux en fonction de la composition de la famille.

L’exemple de l’Irlande, qui connaît une gratuité de l’eau pour l’ensemble de la population, montrerait un gaspillage qui entraînerait parfois des pénuries et des rationnements de l’eau, y compris à Dublin. En outre, les autorités irlandaises seraient confrontées à un « mur d’investissements » nécessaires pour fiabiliser le réseau. 5,5 milliards d’euros doivent être investis d’ici à 2021 pour atteindre les exigences européennes ([556]) .

Sans aller jusqu’à imposer la gratuité des premiers litres d’eau à l’ensemble des collectivités, il serait souhaitable que les profits des délégataires, lorsqu’ils deviennent manifestement excessifs par rapport aux conditions normales de fonctionnement du service, puissent être reversés à la collectivité. Pour cela, il serait opportun de rendre obligatoire le calcul, selon une formule harmonisée au niveau national, de la valeur ajoutée du service de l’eau. Cette formule devrait empêcher les délégataires de masquer la valeur ajoutée réelle par des charges indirectes. Les chambres régionales des comptes ont en effet souligné à plusieurs reprises que la clé de répartition des charges entre les contrats pouvait permettre aux délégataires de biaiser le niveau des charges imputées aux contrats au détriment des contrats les plus rémunérateurs, dont la marge est masquée par les charges des autres contrats.

Plusieurs pistes pour limiter le coût de l’augmentation du prix de l’eau pour les ménages, ainsi que pour encourager les opérations d’investissement, ont par ailleurs été envisagées, telle qu’une baisse de la TVA sur l’assainissement collectif (retour à 5,5 %). On peut également évoquer l’instauration de redevances ou de taxes dédiées pour faire face aux problématiques des eaux pluviales et des inondations ou la mise en place d’une redevance spécifique pour les activités industrielles et tertiaires, ayant des rejets plus difficiles et plus coûteux à dépolluer (cf. IV). Il serait également souhaitable de réfléchir à des moyens de péréquation permettant de réduire les écarts de prix parfois très importants constatés entre les régions.

Comment expliquer les différences de prix d’une région à l’autre ? Faut-il y remédier ?

Contrairement à l’électricité, l’eau se transporte mal. Chaque service d’eau ou d’assainissement est donc réalisé dans un contexte local donné, différent d’une collectivité locale à l’autre, et selon des choix propres à chaque collectivité. Il convient en effet de tenir compte des caractéristiques du réseau, des nappes souterraines, de la qualité de l’eau brute ou de la densité de population. La densité de population est aussi un paramètre déterminant. Son influence sur le prix de l’eau est essentiellement liée à des économies d’échelle. Une plus grande densité augmente la rentabilité des équipements, puisque davantage d’usagers se partagent les coûts. C’est particulièrement marqué pour les dépenses liées à la distribution (installation des réseaux et entretien) : un plus grand nombre d’abonnés à un endroit précis nécessite la même longueur de réseaux. De la même manière, à certains endroits, l’eau est très peu chère pour des raisons hydrographiques ou géographiques et, inversement, plus la ressource est géographiquement éloignée des lieux d’utilisation, plus les coûts d’acheminement sont élevés (installation nécessaire de canalisations, de pompes, etc.). Cela explique la difficulté de comparer les coûts afférents sans tenir compte de ces contextes particuliers.

Selon l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, on constate ainsi de fortes disparités régionales quant au prix de l’eau : les prix moyens les plus élevés se situent en Guadeloupe (5,46 euros/m³), en Martinique (5,21 euros/m³), en Bretagne (4,87 euros/m³) et dans les Hauts de France (4,57 euros/m³) et, à l’opposé, en Provence-Alpes-Côte-D’azur (3,52 euros/m³), dans le Grand Est (3,77 euros/m³) et en Réunion (2,61 euros/m³), les prix se situent en bas de l’échelle. Certaines collectivités facturent le mètre cube d’eau à plus de 5 euros, tandis que d’autres affichent des prix inférieurs à 2 euros ([557]).

La question se pose ainsi de trouver un moyen afin de lisser ces variations, sans pour autant dessaisir les collectivités de leurs compétences. Entendue par la commission, la Confédération nationale du logement s’est ainsi montrée favorable à la mise en œuvre d’un fonds de péréquation au niveau national, voire à réfléchir à l’instauration d’un prix unique de l’eau sur l’ensemble du territoire ou d’une région. En unifiant le prix de l’eau à l’intérieur d’un territoire donné, on assurerait ainsi une solidarité des urbains vers les ruraux.

Il convient de souligner qu’une part de la solidarité était assurée historiquement par l’État via le fonds national pour le développement des adductions d’eau potable (FNDAE), compte d’affectation spécial du Trésor créé en 1954 par le ministère de l’agriculture, élargi en 1997 à la maîtrise des pollutions d’origine agricole, puis inclus en 2000 dans un Fonds national pour l’eau (FNE). Il était initialement alimenté à hauteur de 53 % par une redevance sur les consommations d’eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d’une distribution publique d’eau potable et à 47 % par un prélèvement sur les sommes engagées au pari mutuel urbain (PMU). L’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 a prévu que les recettes du PMU ne pourront plus abonder les crédits du FNDAE à compter de 2006. Face à l’importance des reports de crédits du FNDAE, l’Assemblée nationale a procédé à la suppression de l’affectation des recettes du PMU au FNDAE pour 2003 dans le cadre du projet de loi de finances en décembre 2002. La loi de finances rectificative n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 a supprimé, à compter du 1er janvier 2005, la taxe qui l’alimentait et qui s’élevait à 21,34 euros pour 1 000 m3 d’eau consommée. Ce fonds a ainsi disparu et les agences de l’eau ont désormais en charge cette part du financement des investissements des communes rurales relatifs à l’eau et à l’assainissement.

Celles-ci organisent une puissante solidarité de bassin (les redevances perçues sur la facture d’eau représentent de l’ordre de 20 % du montant total de celle-ci, les aides redistribuées aux SPEA sont presque de la même ampleur et viennent en diminution de leurs charges). Mais ce rôle historique des agences de l’eau a été malmené par l’extension continue des missions des agences de l’eau et par les prélèvements sur leur budget, notamment via le plafond mordant. Or, les subventions versées par les agences de l’eau sont très utiles pour équilibrer les dépenses d’exploitation et d’investissement (hormis des exceptions très encadrées relatives aux services de moins de 3 000 habitants) car, du fait de l’autonomie financière, les prix pratiqués par les services sont impactés des niveaux d’investissement décidés sur chaque service.

Proposition n° 53 : Renforcer les moyens des agences de l’eau et leur confier pour mission explicite de réduire les disparités intra-régionales en matière de prix de l’eau, en concertation avec l’ensemble des collectivités.

Enfin, la question des redevances doit être posée. Selon Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, « Il est vrai que 85 % des redevances sont issues des usages domestiques de l’eau, mais dans la mesure où ces redevances servent principalement à l’amélioration des réseaux de traitement et de distribution de l’eau et à l’amélioration de la qualité du grand cycle de l’eau, c’est bien le consommateur qui bénéficie le plus des aides issues de ces redevances. Une réforme de ces redevances est envisagée afin de renforcer l’application du principe pollueur-payeur, nous espérons qu’elle aboutira lors du prochain PLF. » ([558]).

La nÉcessaire remise à niveau des rÉseaux de distribution et d’assainissement …

La longueur des réseaux publics de distribution d’eau en France est estimée à 906 000 kilomètres, pour une valeur globale approximative de 300 milliards d’euros. Du bon état des réseaux dépendent la qualité sanitaire de l’eau distribuée et la continuité du service, mais aussi la préservation de la ressource à travers la limitation des fuites. Cependant, le volume d’eau perdue dans les fuites des réseaux de distribution est évalué à 20,2 % de la production d’eau potable, en sachant que l’optimum se situe plutôt vers un rendement de 90 %.

Le décret « fuites » de 2012 ([559]), a permis une très légère amélioration du taux de renouvellement des réseaux, évalué en 2020 à hauteur de 0,61 % pour l’eau potable et 0,42 % pour l’assainissement collectif, mais ce résultat demeure loin de l’exigence d’un taux de renouvellement de 1 % par an fixé lors des Assises de l’eau.

La période qui s’ouvre hérite donc de réseaux d’eau complexes et coûteux que les acteurs publics et privés ont trop délaissés pour faire face aux exigences des mises aux normes ou pour maintenir la facture d’eau à des niveaux jugés acceptables. Or, même si le taux de fuite ne pourra jamais être ramené à zéro, les fuites d’eau deviennent moins admissibles en situation de pénurie de la ressource et de conflits d’usage. Il est donc nécessaire d’aider les collectivités à engager ces travaux de renouvellement des réseaux.

Un état des lieux disparate

Un nombre limité de réseaux non efficaces mais une déperdition bien réelle de la ressource

Les performances d’un réseau sont très variables en fonction de l’âge des conduites, des matériaux utilisés et des modalités de pose, mais aussi des vibrations, de la topographie et de l’usage des sols. Le vieillissement des canalisations et l’usure des matériaux sont les principales causes des fuites sur les réseaux. Les matériaux fragiles et cassants comme la fonte grise ou l’acier constituent l’essentiel des conduites posées jusqu’au début des années 1960.

Selon la réglementation applicable, tout service ayant un rendement supérieur à 85 % est considéré comme conforme aux exigences réglementaires. L’indicateur de rendement du réseau d’eau potable mesure le rapport entre volume d’eau introduit dans le réseau de distribution et le volume d’eau consommé. En 2017, 18 % des services (sur les 5 401 observations disponibles du SISPEA), couvrant 9 % de la population, ne sont pas en conformité avec cette exigence, plutôt dans les services de petite taille.

L’eau potable prélevée n’ayant pas été facturée aux consommateurs représentait ainsi près de 1,2 milliard de mètres cube en 2016 : ce volume a été pour partie utilisé à des fins de service (nettoyage des réservoirs, purge des réseaux…) et pour partie perdu suite à des fuites sur le réseau de distribution.

Il convient de souligner que plus la taille du service d’eau est faible, moins les performances sont bonnes. Avec un indice inférieur à 70 %, les performances moyennes des services de moins de 50 000 habitants apparaissent très insuffisantes tandis que les services couvrant plus de 100 000 personnes ont un taux de rendement supérieur à 80 %. Toutefois, les interruptions de service non programmées demeurent très rares et évoluent entre 2,8 et 3,9 pour 1 000 abonnés (soit de l’ordre de 0,3 %) selon les années depuis 2009.

Taux de fuite et Évolution du rendement du rÉseau d’eau potable

Le non-renouvellement des canalisations est aussi préjudiciable à la santé. Selon le ministère de la santé, les canalisations publiques en PVC posées avant 1980 peuvent entraîner la présence de chlorure de vinyle monomère (CVM) dans l’eau du robinet, au-delà des valeurs limites, et ce particulièrement dans les zones rurales en bout de réseau, en raison du temps de séjour de l’eau dans les canalisations plus élevé que dans les agglomérations. Le ministère indique que la situation est par ailleurs hétérogène selon les territoires et que la solution la plus pérenne pour éviter les effets sanitaires est le remplacement des canalisations en PVC datant d’avant 1980, là où des dépassements sont constatés. Certaines de ces canalisations ont ainsi été posées en Guadeloupe, alors que ce matériau est inadapté aux conditions locales ([560]).

On remarque que le mode de gestion n’est pas un facteur particulièrement discriminant du rendement de réseau (rendement moyen, en gestion directe, de 78,5 % et en gestion déléguée, de 80,8 %). À cet égard, il convient de souligner que les entreprises de l’eau gèrent plus de la moitié du réseau de distribution français (511 000 km, soit 57 % du linéaire total). La FP2E indique que la période de pose est identifiée pour plus de 80 % de ce réseau et que les canalisations posées avant 1960 ne représentent plus qu’une faible part de la longueur totale du réseau en 2017 (environ 9 %) et font l’objet d’un renouvellement prioritaire. Elles font ainsi valoir qu’un kilomètre sur cinq de canalisation a moins de 27 ans.

Cependant, les informations concernant l’ensemble du réseau, public comme privé, demeurent trop parcellaires. L’indice de connaissance et de gestion des réseaux oscille autour d’une moyenne de 50 sur 120 et le taux de renouvellement est resté trop bas (moyenne de 0,5 % au cours des dix dernières années). Il peut être difficile d’imposer un standard général mais un standard en fonction de la vétusté et des conditions climatiques peut être imposé. Il serait souhaitable de passer de 0,58 % à 1,5-2 % par an dans le renouvellement des réseaux. À ce titre, les territoires ruraux souffrent de la disparition des anciennes directions départementales de l’agriculture (DDA), qui jouaient un rôle de conseil et d’accompagnement pour les services d’eau. Désormais, la commande publique de l’ingénierie est réalisée par gestion d’appels d’offres et elle ne correspond plus à un service public. Même si la loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », a permis des regroupements, un service disposant de quelques centaines d’abonnés éprouvera toujours des difficultés pour trouver une ingénierie privée afin de travailler sur ses problématiques liées à l’eau. Au final, la disparition de cet accompagnement a joué un rôle négatif dans le renouvellement des réseaux.

Ainsi, pour M. Arnaud Treguer, directeur commercial Europe du Sud et export de Saint-Gobain Pont-à-Mousson qui est l’un des principaux fabricants de canalisation, il apparaît que « les ingénieurs doivent également reprendre le pouvoir, en retrouvant l’esprit qui prévalait lors de « l’épopée de l’eau » des années 1950-1960. Pour y parvenir, il sera nécessaire d’établir un plan, d’autant que les 5 dernières années n’ont été marquées par aucun changement de braquet, malgré une volonté politique » ([561]).

Les difficultés de réalisation des investissements

Les investissements en matière d’infrastructure sont du ressort des collectivités qui peuvent en confier la réalisation à des entreprises dans le cadre de marchés publics ou de concessions. Dans une DSP ou même avec une régie, il y a une répartition de ces investissements entre l’exploitant du réseau et le propriétaire du réseau. Le propriétaire (la collectivité) est en charge des travaux de renforcement de capacité, d’extension du réseau et renouvellement global du réseau. L’exploitant, quand il est en concession, est chargé du renouvellement partiel, quand la longueur de réseau est inférieure à une certaine longueur (6 ou 12 mètres en général) ([562]). Comme indiqué précédemment, il en résulte des conflits de répartition qui font que les investissements nécessaires ne sont parfois tout simplement pas pris en charge.

Les Assises de l’eau en 2018 et 2019 ont par ailleurs témoigné du besoin accru de renouvellement du patrimoine. Ce besoin d’investissement et de renouvellement va sensiblement s’accroître et devrait logiquement se traduire par des niveaux de prix permettant d’intégrer cette stratégie patrimoniale. Cependant, les informations partielles disponibles sur le site eaufrance.fr concernant les dépenses d’investissement indiquent ainsi que ces dernières n’ont pas progressé au cours de la dernière décennie. La commande publique adressée au domaine de l’eau aurait atteint un point bas en 2014 et les montants se seraient modérément consolidés depuis lors.

À titre d’exemple, les dépenses en capital concernant l’assainissement collectif avaient sensiblement progressé au cours des années 2000 puis ont reculé de plus de 20 % entre 2008 et 2014, soit un écart de 560 millions d’euros. Ce ralentissement est en partie expliqué par l’achèvement de l’essentiel des mises en conformité des stations de traitement des eaux usées et du remplacement des branchements en plomb. Mais, à l’instar des tendances établies sur l’ensemble des services, les dépenses de renouvellement des réseaux confiées aux délégataires ont également baissé de 5 % entre 2013 et 2017, atteignant 500 millions d’euros en 2017 (hors annuités d’emprunt) contre 526 millions en 2013.

Ainsi, avec une moyenne de 0,53 % du réseau d’eau potable renouvelé chaque année depuis 2010, 190 années seraient nécessaires pour renouveler l’ensemble du réseau.

Les collectivités ne peuvent pas compter non plus sur les aides directes en provenance des budgets généraux des régions et (pour l’essentiel) des départements. Si la loi NOTRe maintient cette possibilité d’intervention des départements, les moyens mobilisés par ceux-ci sont bien souvent devenus une variable d’ajustement de leurs budgets dans un contexte où leurs dépenses obligatoires pèsent fortement sur leurs équilibres budgétaires : cette ressource est donc particulièrement précaire… Les volumes de ces subventions aux SPEA sont particulièrement mal connus mais représenteraient moins de 500 millions d’euros par an pour l’ensemble du territoire.

Ainsi, la volonté gouvernementale, à l’issue des Assises de l’eau de 2018, était de permettre de renouveler au moins 1 % du réseau chaque année, grâce à des mesures à destination des collectivités, notamment des aides pour améliorer la connaissance des réseaux et facilitation d’accès à des emprunts de longue durée (comme les Aqua prêts de la Banque des territoires) ainsi que des aides à l’investissement. En réalité, ce taux cible est très rarement atteint faute d’investissements, même si le milieu urbain présente beaucoup moins de problèmes que les milieux ruraux et périurbains.

Lors des Assises de l’eau, ce « mur d’investissements » a été bien diagnostiqué : il manque au moins 2,5 à 3 milliards d’euros d’investissements par an, en plus des 6 milliards d’euros actuellement investis. Plus on tarde à rattraper ces investissements, plus il faudra compter sur des financements complémentaires. Le plan de relance aurait pu porter ce rattrapage, malheureusement il ne consacre que 300 millions d’euros à l’eau. On peut y remédier par un investissement public supplémentaire ou alors par un investissement privé dans les services publics. Rien que par l’effet volume, ce montant permettrait de créer 10 000 emplois dans les métiers du renouvellement des réseaux.

Pour atteindre cet objectif de passer de 6 à 10 milliards d’euros investis par an, il convient de mobiliser tous les financeurs. Une augmentation substantielle des subventions publiques aux projets locaux d’investissements dans les réseaux et équipements d’eau potable et d’assainissement permettrait d’engager un effet de levier, ces subventions venant s’additionner aux contributions des collectivités et autorités organisatrices maîtres d’ouvrage et de leurs partenaires privés. En profitant de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt, l’enveloppe actuellement dédiée de 300 millions d’euros (dont 50 millions d’euros pour les territoires ultramarins) pourrait être multipliée par 5.

Proposition n° 54 : Engager un effet de levier en multipliant par cinq les volumes financiers dédiés au renouvellement des réseaux dans le plan de relance, afin d’atteindre 10 milliards d’euros d’investissements publics et privés par an dans les réseaux et équipements d’eau et d’assainissement.

Pour mener cette politique, il serait en outre souhaitable que toutes les collectivités travaillent à un schéma pluriannuel d’investissements car il est en effet nécessaire d’englober le renouvellement et la mise aux normes des stations d’épuration et des usines d’eau potable. La réalisation d’un tel schéma directeur a été généralisé dans les conclusions des Assises de l’eau le 29 août 2018.

Les schémas directeurs pour l’eau potable et l’assainissement généralisés par les Assises de l’eau de 2018

Les 22 168 communes et intercommunalités compétentes en matière d’eau potable et d’assainissement devront désormais systématiquement élaborer un schéma directeur pour l’eau potable et l’assainissement, là où aujourd’hui seule la tenue d’un état des lieux est obligatoire.

Le schéma directeur est un outil de programmation et de gestion pour la collectivité qui doit lui permettre d’avoir une vision globale des besoins et des solutions envisageables. Il est composé d’un diagnostic du système et d’un programme pluriannuel d’actions envisagé suite à ce diagnostic, assorti d’un plan de financement. Le programme d’actions est le fruit d’une analyse et d’une réflexion au cours desquelles différentes solutions techniques sont construites, examinées et comparées sur les plans technique, financier et environnemental.

Rappelons que les collectivités qui souhaitent bénéficier de la solidarité financière des autres collectivités pour leurs investissements dans l’eau (via les agences de l’eau) doivent présenter dans ce schéma pluriannuel d’investissements des éléments démontrant la soutenabilité financière à terme du service de l’eau.

M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, rappelle ainsi que « Il n’y a pas de solution miracle : l’argent ne suffit pas, il faut une bonne gouvernance, une bonne entente, un plan de bataille et une solide hiérarchisation des investissements. Pour avoir été maire et président de département, je sais d’expérience que c’est une vue de l’esprit d’imaginer ouvrir des tranchées dans tous les coins et faire tous les travaux d’un seul coup : cela ne fonctionnera pas. Il faut une vraie gouvernance, et des capacités d’ingénierie à la hauteur. J’irai même plus loin : je suis tellement convaincu que la situation n’est pas due à un manque de fonds que si tous les crédits sont consommés, je m’engage à trouver des ressources financières nouvelles, par redéploiement ou par création de lignes budgétaires nouvelles, pour accélérer les projets. » ([563]).

Selon M. Elie Domota, ancien secrétaire général de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) et porte-parole du Lyannaj kont pwofitasyon (LKP), des moyens financiers bien plus importants sont pourtant nécessaires, en particulier dans les outre-mer où la situation des réseaux est particulièrement problématique : « Il nous semble qu’au moins 1,3 milliard d’euros sont nécessaires, sur une douzaine ou une quinzaine d’années, pour lancer de grands travaux et mettre en place des usines neuves et un nouveau réseau de distribution d’eau et d’assainissement. Les 30 millions d’euros de l’État ou les 70 millions d’euros de la région et du département ne suffiront pas. Ils permettront uniquement de réaliser des travaux urgents afin que les habitants aient de l’eau potable. » ([564]). Malheureusement, les collectivités locales de la grande ruralité manquent de moyens humains et financiers pour élaborer des plans plus ambitieux, ce qui fait de l’accompagnement une question nécessairement globale.

La tentation de privilégier la facture d’eau sur la pérennité des réseaux

Le financement des réseaux est assis sur le prix de l’eau. Un appui financier extérieur peut cependant être nécessaire, sinon le renouvellement peut ne pas être soutenable : les agences de l’eau assurent théoriquement cet appui avec une solidarité de l’urbain vers le rural sous forme de taux bonifiés (l’investissement n’ayant pas le même impact selon la densité de la population). Ces aides viennent alléger le poids des travaux sur le prix de l’eau. Il en est de même des prêts de la Banque des territoires à maturité très longue : de quarante à soixante ans ([565]).

Plusieurs éléments peuvent toutefois jouer en sens inverse. Certaines collectivités ou entreprises délégataires peuvent être tentées de minimiser le prix de l’eau pour des raisons électorales ou de reconduction du contrat. Il convient donc de faire en sorte que la concurrence, ou la perspective d’une remunicipalisation possible, ne conduit pas à sacrifier les investissements nécessaires au profit d’une facture plus faible.

À cet égard, les agences de l’eau exercent une vigilance nécessaire et peuvent imposer un prix minimum lors de la passation des contrats. À titre d’exemple, sur le bassin Adour Garonne, et face au constat de l’insuffisance de renouvellement des réseaux d’eau potable et de la mise en conformité nécessaire des installations d’assainissement, un prix minimum est requis pour être éligible aux opérations d’eau potable ou assainissement, fixé actuellement à 1,50 euros HT redevances incluses. On note à cet égard que les travaux de modernisation du réseau sont parfois indiqués dans la facture d’eau, comme à Rennes. Ce mécanisme pourrait être généralisé et son mode de calcul harmonisé entre les territoires afin de faciliter la péréquation, notamment grâce à l’action des agences de l’eau. En effet, l’équité entre les territoires est essentielle car amortir un investissement sur 2 000 ou sur 20 000 abonnés ne revient pas du tout au même. La notion de solidarité devra ainsi être soutenue.

Proposition n° 55 : Inclure le coût des travaux de modernisation dans la facture d’eau selon des modalités de calcul harmonisées, pour une meilleure information des citoyens et pour une plus grande transparence dans l’exercice des mécanismes de péréquation au niveau national et régional.

La rénovation des réseaux doit également faire partie des obligations des régies comme des concédants et le cahier des charges doit déterminer une méthode et des objectifs obligatoires en matière de rénovation du réseau, afin d’éviter la nécessité de procéder à des investissements massifs.

En outre, en cas de délégation de service public, il est nécessaire de vérifier que les montants inscrits au titre du renouvellement dans le compte du délégataire correspondent bien au montant des travaux effectués (cf. supra). En effet, pour les délégataires, les provisions de renouvellement ont l’avantage de générer une importante trésorerie, dont les produits ne sont généralement pas comptabilisés dans le compte de la délégation et qui contribuent à améliorer la rentabilité des contrats. Pour lutter contre ce type d’abus, les collectivités doivent disposer d’une bonne connaissance du réseau, d’un contrôle réel des opérations d’investissement menées par les délégataires et d’une expertise technique interne.

Les moyens nécessaires ne sont pas uniquement financiers, mais relèvent aussi de l’ingénierie (nécessité de connaissance du patrimoine, de planification des renouvellements de réseaux, de vision de long terme, pour ne pas arriver à dégradations importantes et fuites). Avec la montée en puissance des intercommunalités, une meilleure structuration et une montée en compétences des services devraient intervenir mais la fixation d’un objectif d’efficacité minimale serait également de nature à favoriser l’investissement des délégataires.

Proposition n° 56 : Inclure dans les contrats de DSP des éléments de transparence sur l’état des réseaux et fixer un objectif minimal d’efficacité des réseaux.

Enfin, pour réussir à concilier l’objectif de ne pas trop augmenter la facture d’eau tout en réalisant les investissements massifs requis, il pourrait être souhaitable d’envisager un retour à 5,5 % de la TVA sur la partie assainissement. En effet, bien que les taux de TVA français pour l’eau potable et l’assainissement soient dans la médiane européenne, le doublement récent du taux de TVA sur l’assainissement a eu un effet sur les factures, que les autorités organisatrices et leurs opérateurs se sont évertués à minimiser, soit en y consacrant une part de leurs marges de productivité, soit en ajustant les investissements. Un retour au taux antérieur allégerait, toutes choses égales par ailleurs, de 200 millions d’euros par an la charge pour les ménages, soit environ 1 % de la facture.

Proposition n° 57 : Revenir à un taux réduit de TVA à 5,5 % sur la partie assainissement du coût de l’eau pour faciliter la réalisation des investissements dans les réseaux d’eau sans trop augmenter la facture des ménages.

Favoriser le renouvellement des réseaux par la connaissance et de nouvelles règles en matière de provision

La logique des contrats en place au début de la décennie 1990, conformément aux contrats-types du début des années 1980, était le provisionnement des sommes réservées au renouvellement, dans l’optique d’une gestion préventive destinée à remettre le patrimoine de la concession en bon état de fonctionnement et d’entretien à l’échéance de la délégation. Dans ce cadre, le délégataire doit procéder au remplacement du bien à l’identique afin de permettre la continuité d’exploitation ou le maintien d’un niveau de production donné. À cette fin, il peut constituer une provision. S’il le souhaite, la provision ainsi constituée annuellement est déductible à la clôture de l’exercice, le montant maximal de la provision étant alors égal à la différence entre le montant estimé de remplacement du bien à la clôture de l’exercice et son prix de revient affecté d’un coefficient progressif, quotient du nombre d’années d’utilisation du bien depuis sa mise en service par sa durée totale d’utilisation (article 39, 1-5°, alinéas 25 à 29 du code général des impôts).

Les provisions de renouvellement, destinées à financer le renouvellement des biens mis à la disposition du délégataire par la collectivité, sont établies sur la base de fichiers dits d’installations en jouissance temporaire (IJT). Lorsque le bien à renouveler n’est pas amorti par le délégataire, la charge de son renouvellement est égale au prix acquitté pour son remplacement. Dans ce cas, le prix de revient de l’acquisition initiale est retenu pour une valeur nulle ([566]) .

La condition selon laquelle les dépenses doivent être prévisibles avec une certitude suffisante à la clôture de l’exercice est normalement considérée comme remplie lorsque le délégataire établit un plan de renouvellement de son matériel et s’y conforme. Par ailleurs, le plan comptable général de 1999 précise que le maintien au niveau exigé par le service public du potentiel productif des installations concédées est assuré par le jeu des amortissements ou éventuellement par des provisions adéquates, en particulier, les provisions pour renouvellement.

Cette obligation de renouvellement doit trouver à se matérialiser pendant la période couverte par le contrat. Or les durées d’amortissement sont incluses sur la durée du contrat du délégataire, même quand la durée de vie des équipements est supérieure ou inférieure. M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble, déclarait ainsi devant la commission : « Le prix de l’eau couvre les dépenses destinées au service des usagers du service de l’eau et les dépenses engagées au titre du patrimoine. Le premier relève du compte d’exploitation, le second de la section investissements. Par ailleurs, les délégations de service public obéissent à une comptabilité commerciale, alors que les régies relèvent de la comptabilité publique. Or il existe des différences majeures entre ces deux dispositifs. En particulier, un tuyau d’une durée de vie de soixante-quinze ans est amorti sur la durée du contrat dans le cadre d’une délégation de service public, par exemple vingt ans, alors qu’il sera amorti durant une soixantaine d’années dans le cadre d’une régie. Ce rapport de un à trois permettra à une régie de multiplier par trois l’effort d’investissement. C’est ce que nous avons constaté à Grenoble à la fin de la délégation accordée à la Lyonnaise des eaux, et cette tendance a également été confirmée dans les autres collectivités ayant transformé une délégation de service public en régie. […] Cet élément explique pourquoi les investissements réalisés par un délégataire privé sont en moyenne limités à 0,5 % de la valeur du bien, alors que le taux optimal devrait être de 1 %. Pire, les provisions constituées en vue du renouvellement, mais non utilisées, ne sont jamais rendues à la collectivité au terme du contrat. » ([567]).

Il est donc nécessaire de faire jouer la menace de la sanction quand le délégataire inscrit des provisions pour renouvellement de réseau, sans procéder aux investissements suffisants (cf. proposition n° 40 supra) et de prévoir une publicité des plans d’amortissement des investissements dans les réseaux.

Proposition n° 58 : Obliger les concessionnaires à rendre public leur plan d’amortissement des investissements dans le réseau.

La réglementation pourrait aussi faciliter la gestion financière de l’exploitation des services en régie en autorisant la rémunération de leurs liquidités inemployées. Elle pourrait également assouplir les règles budgétaires applicables aux services publics d’eau et d’assainissement de manière à faciliter l’autofinancement des programmes de travaux neufs. En effet, la loi prévoit que les services publics d’eau potable relèvent des services publics industriels et commerciaux (SPIC) dont le financement est assuré par les redevances perçues auprès des usagers pour le service rendu. À ce titre, il est l’objet d’un budget spécial qui doit être équilibré en recettes et en dépenses, ainsi que le dispose l’article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales. Aux termes de l’article L. 2224-2 du CGCT, les communes/EPCI ne peuvent abonder le SPIC avec leur budget propre. Il pourrait donc être autorisé une exception dans le cas où cet abondement viendrait faciliter le renouvellement des réseaux. Les régies trouveraient ainsi une incitation directe à une gestion économique plus efficace en constituant l’autofinancement permettant le renouvellement des installations au lieu d’en faire peser directement le poids financier sur les générations futures d’usagers par des hausses brutales du prix de l’eau.

Proposition n° 59 : Permettre aux communes et à leurs groupements compétents d’abonder les budgets des services publics d’eau et d’assainissement lorsque l’objet de cet abondement est de permettre une amélioration du rendement du réseau.

Les avancées du décret « fuites »

Le décret n° 2012-97 du 27 janvier 2012, dit décret « fuites » relatif à la définition d’un descriptif détaillé des réseaux des services publics de l’eau et de l’assainissement et d’un plan d’actions pour la réduction des pertes d’eau du réseau de distribution d’eau potable, issu de l’engagement 111 du Grenelle de l’environnement, a pour objet d’inciter les collectivités en charge de services d’eau à améliorer leur rendement d’eau potable dès lors que celui-ci est inférieur à un rendement seuil dont le calcul est adapté à chaque situation.

En cas de non-conformité du service, l’élaboration d’un plan d’actions visant à réduire les fuites (donc à améliorer le rendement) est exigée : en cas de non-présentation de ce plan d’action ou, dans tous les cas, de non-présentation d’un descriptif détaillé des réseaux de transport et/ou de distribution, une pénalité financière équivalente au double de la redevance « préservation des ressources » des agences de l’eau (chargées de la mise en œuvre de ce décret) est appliquée.

Au-delà de la stricte comparaison avec un rendement seuil, les agences de l’eau disposent de marges de manœuvre en termes d’appréciation de la conformité du rendement d’un service. Ces dispositions sont applicables depuis 2014. Dans le cadre du décret « fuites », les majorations de redevance prélèvement pour non‑réalisation des descriptifs des réseaux ont été appliquées à partir de 2015 et celles pour la non-présentation de plans d’action de réduction des fuites l’ont été à partir de 2017.

Si ce décret marque une avancée sensible, sa mise en œuvre réelle souffre de plusieurs insuffisances. En effet, pour fonctionner, le décret « fuites » inclut des obligations réglementaires en matière de connaissance patrimoniale, à travers la base de données du système d’information des services publics d’eau et d’assainissement (SISPEA). Or, à ce jour, seuls 50 % des services d’eau ont rempli cette base. En ce qui concerne l’assainissement, le chiffre se situe entre 40 et 50 %. De son côté, l’indice de connaissance patrimoniale affiche une moyenne de 100 points sur 120 pour l’eau et de 63 points pour l’assainissement. Par conséquent, les entreprises en charge de la recherche des fuites peuvent parfois passer des heures à chercher la localisation des conduites. Cette situation découle de la disparition des cantonniers et des fontainiers, qui détenaient le savoir en matière de réseaux. Il est donc urgent de mettre en place une métrologie, afin de connaître l’ampleur des besoins de chaque service. Pour y parvenir, cette mesure devra devenir une obligation et non plus seulement une recommandation (cf. première partie du présent rapport).

Enfin, plusieurs collectivités s’appuient désormais sur des outils technologiques pour assurer la qualité de leurs réseaux. Des robots intelligents diagnostiquent par exemple l’état des canalisations. Ces outils fournissent une aide pour l’analyse et la prédiction. Il existe également des outils numériques de métrologie visant à caractériser le service ou des analyses de matériaux par ondes acoustiques. Il est ainsi désormais possible de prédire la durée de vie d’une canalisation, ainsi que de réaliser des remplacements prédictifs. Toutes ces techniques interviennent au service du renouvellement et permettent de mieux cibler les investissements, même si des renouvellements d’opportunité subsistent. Le coût et l’efficience technique de ces outils sont donc des atouts précieux pour les collectivités qui doivent donc obtenir le droit de les inclure au contrat en cas de DSP, sous condition d’une juste prise en charge, laquelle pourrait d’ailleurs être soutenue par l’État.

Proposition n° 60 : Donner aux communes et à leurs groupements la capacité de prévoir un avenant pour obliger le délégataire à implémenter les dernières évolutions technologiques permettant de diagnostiquer l’état des réseaux.

… doit Être financÉe notamment par la remise à plat des redevances

La tarification diffÉRENCIÉe, la gratuité des premiers mÈtres cubes d’eau et de l’abonnement : la garantie du droit universel à l’eau

Une politique sociale de l’eau qui dispose désormais d’un cadre législatif susceptible de permettre son épanouissement

La politique sociale de l’eau vise à lutter contre la « pauvreté en eau »

La politique sociale de l’eau peut se définir comme une politique dont l’objectif est d’éteindre ou de réduire les situations de pauvreté en eau. Cette notion de pauvreté en eau, notamment mise en relief par Madame Tsanga Tabi lors de son audition par la commission d’enquête ([568]), est caractérisée par un poids jugé excessif du coût de l’accès à l’eau pour certaines personnes. Ce poids peut avoir pour conséquence le non-paiement des factures d’eau ou la compression d’autres postes de dépenses. Par convention dans les études sur le concept de pauvreté en eau un ménage est considéré en situation de pauvreté lorsque sa facture d’eau représente plus de 3 % de ses revenus ([569]). Si en France, l’eau est relativement peu chère par rapport aux biens et services essentiels (logement, alimentation, énergie…), des milliers de foyers sont en situation de pauvreté en eau ([570]).

Une politique sociale de l’eau peut prendre la forme de modulations tarifaires visant à favoriser les ménages pauvres, de transferts financiers ou d’accompagnement vers des pratiques moins consommatrices d’eau.

Cette politique sociale se fonde notamment sur l’objectif 6 « Eau propre et assainissement » des objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) le 25 septembre 2015. Cet objectif vise à assurer d’ici 2030 un accès universel et équitable à l’eau potable, à un coût abordable. En droit national, l’article premier de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques disposait déjà que : « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. »

Un cadre légal qui s’est rapidement étoffé au cours des deux dernières décennies

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques permettait déjà la suppression des parts fixes des abonnements eau et assainissement et des modulations tarifaires, notamment progressives. Elle avait également créé un plafonnement de la part fixe de la facture.

Toutefois, la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite « loi Brottes » a permis un approfondissement expérimental de ce champ des politiques sociales de l’eau en France.

La loi Brottes a ouvert une expérimentation en laissant le soin aux autorités organisatrices de définir le dispositif de politique sociale de l’eau le plus adapté aux caractéristiques de leur territoire ([571]).

L’article 28 de cette loi dispose que : « En application de l’article 72 de la Constitution, une expérimentation est engagée pour une période de cinq années à compter de la date de promulgation de la présente loi en vue de favoriser l’accès à l’eau et de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau.
L’expérimentation peut inclure la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou d’une aide à l’accès à l’eau, en application de l’article L. 210-1 du code de l’environnement. »

Les nouvelles possibilités de tarification progressive et de ciblage des bénéficiaires via les données fiscales et sociales introduites par la loi Brottes constituent, pour l’économiste Alexandre Mayol, une véritable rupture ([572]).

Pour le financement des dispositifs, l’expérimentation permet également :

– le financement par le budget général de l’autorité organisatrice de tout ou partie du montant de l’aide attribuée pour le paiement des factures d’eau, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ;

– l’augmentation du montant maximal de la subvention attribuée au fonds solidarité logement (FSL), en dérogation de l’article L. 2224-12-3-1 du CGCT qui permet aux services publics d’eau et d’assainissement de contribuer aux aides attribuées pour le paiement des factures ([573])

Les décrets n° 2015-416 du 14 avril 2015 et n° 2015-962 du 31 juillet 2015 établissent la liste des 50 collectivités participant à l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau. ([574]) En 2019, après notamment des évolutions des autorités organisatrices participantes et de leurs compétences, ce sont 39 autorités organisatrices qui participaient à l’expérimentation ([575]).

La période d’expérimentation devait s’achever le 15 avril 2018. Une proposition de loi visant à la prorogation de l’expérimentation a été déposée devant le Sénat le 7 février 2018. Le dépôt de cette proposition de loi a permis, conformément à l’article LO1113-6 du CGCT de proroger d’un an cette expérimentation ([576]).

Cette loi a également posé l’interdiction de couper l’alimentation en eau dans une résidence principale ([577]).

L’article 196 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a autorisé la poursuite de l’expérimentation jusqu’au 15 avril 2021.

Enfin, l’article 15 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, dite loi « Engagement et proximité », prévoit la possibilité pour tous les services publics d’eau de :

– définir des tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer ;

– attribuer des aides financières en faveur de l’accès à l’eau et d’accompagner les bénéficiaires ;

– contribuer au fonds de solidarité logement jusqu’à 2 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues ;

– mettre en place une tarification incitative aux économies d’eau ([578]).

Les différentes modalités possibles de politique sociale de l’eau

Les dispositifs de tarification sociale de l’eau stricto sensu

La tarification sociale est une construction du système de prix de l’eau et de l’assainissement intégrant des objectifs sociaux. Elle consiste en une modulation censée permettre aux ménages les moins favorisés de voir leurs factures d’eau et d’assainissement allégées.

On peut citer comme exemples de tarification sociale de l’eau :

– la gratuité des premiers mètres cubes ;

– la tarification progressive ;

– la réduction ou suppression de la part fixe de la facture et des frais annexes ;

– la distinction des tarifs selon les publics ou les usages.

Les aides financières

Via ces aides, l’autorité organisatrice soutient la solvabilité des usagers fragilisés par divers types de transferts. Ces transferts sont conçus pour permettre à l’usager de régler plus aisément ses factures d’eau et d’éviter ainsi la situation de pauvreté en eau. Ces aides peuvent être versées directement sur le compte de l’usager, prendre la forme de « chèque eau » uniquement utilisable par l’usager pour régler ses factures d’eau ou encore par la réduction directe de sa facture.

Ces aides financières peuvent être forfaitaires et attribuées dès qu’un usager satisfait aux critères prévus. Elles peuvent également l’être au cas par cas selon la situation de chaque ménage.

La tarification sociale de l’eau en Belgique

Depuis la fédéralisation de la Belgique, la politique de l’environnement et de l’eau est de la compétence des régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles). Wallonie et Bruxelles mettent en œuvre un dispositif d’aide sociale au paiement des factures ; Bruxelles et la Flandre ont un dispositif de tarification progressive de l’eau.

La Wallonie a un dispositif comparatif à celui du Fonds social du logement

Dès 1996, les principaux distributeurs d’eau avaient mis en place un système afin de récupérer au mieux le montant des factures d’eau impayées. C’est sur cette base que la région wallonne, a étendu ce système d’aide financière au paiement des factures d’eau.

Un décret du 20 février 2003 a mis en place d’un Fonds social de l’eau (FSE) en région wallonne. La société publique de gestion de l’eau (SPGE) est chargée d’assurer la coordination du fonds social de l’eau (FSE) qui est un mécanisme financier, prévu dans le code de l’eau, pour aider les consommateurs en difficulté de paiement de leur facture d’eau.

Le distributeur doit prendre en charge une contribution destinée à alimenter le FSE. La contribution est fixée à 0,0271 euros par mètre cube d’eau facturé.

Le centre public d’action sociale (CPAS) établit la liste des personnes éprouvant des difficultés, temporaires ou non, à acquitter sa facture d’eau. Le CPAS fixe le montant de l’intervention financière. Mais, en toutes circonstances, l’intervention financière est limitée annuellement à une somme de 517 euros, majorée de 103 euros par personne à partir de la quatrième personne faisant partie du ménage du consommateur en difficulté de paiement.

En 2019, le Fonds a effectué 9 600 interventions pour un montant de 3,5 millions d’euros.

Bruxelles dispose d’un dispositif comparable

Le Fonds social de l’eau bruxellois permet aux centres publics d’action sociale :

– de prendre en charge tout ou partie du paiement d’une facture d’eau,

– de prendre en charge un montant calculé sur une base forfaitaire de 80 litres par jour et par personne, dans le cas d’un décompte de charges (avec ou sans instrument de mesure),

– d’engager un ouvrier chargé d’effectuer des réparations de fuites aux chasses d’eau ou de robinetteries chez les ménages en difficulté et de prendre en charge l’installation de dispositifs aidant à économiser l’eau (chasse à double débits, pommeau de douche ou robinet à faible débit, etc.) ou le placement de compteurs individuels afin de mieux maîtriser sa consommation,

– d’engager du personnel chargé d’émettre des conseils pour permettre aux ménages de diminuer leur consommation d’eau

Les difficultés de mise en œuvre d’une tarification progressive à Bruxelles

Depuis 2005, le parlement bruxellois a voté le principe d’une tarification progressive de l’eau. La facture dépend de la composition du ménage et du volume d’eau consommé, selon quatre tranches : la première est dite vitale (de 0 à 15 mètres cube par habitant par an), la suivante sociale (de 15 à 30 mètres cube), puis la normale (de 30 à 60 mètres cube) et enfin la tranche de confort (de 60 mètres cube et plus).

Il existe également un tarif spécial pour les personnes qui sont victimes de fuites d’eau : qu’il s’agisse d’une fuite cachée ou non, se trouvant au niveau d’une installation privée, un tarif réduit peut être octroyé pour les volumes dépassant deux fois la consommation habituelle.

Cependant, ce texte prévoyait également que les Bruxellois ne disposant pas d’un compteur d’eau individuel car habitant un immeuble collectif – les deux tiers des ménages selon une association – passent à un tarif « linéaire » (qui s’élève en moyenne à 4,03 euros par mètre cube d’eau pour le ménage moyen) au lieu du tarif progressif, ce qui aurait conduit à une hausse moyenne de 20 % de leur facture d’eau. Face au tollé, la mesure a été retirée en mars 2020.

Le principe de la tarification progressive est également appliqué en Flandre

En 2015, le gouvernement flamand a décidé de supprimer une quantité d’eau gratuite (15 mètres cube par membre d’une famille) au profit d’une tarification comprenant un tarif de base pour les 30 premiers mètres cube de l’habitation complété de 30 premiers mètres cubes par habitant officiel, et un tarif « confort » au-delà.

La condition nécessaire pour la mise en place d’un dispositif de tarification sociale : l’existence d’un registre de domiciliation de la population

Pour déterminer le volume d’eau à tarif social attribué à chaque foyer, les dispositifs belges doivent être en mesure de connaître le nombre de personnes desservies par chaque raccordement, soit :

– s’il s’agit de la résidence principale du client,

– et la composition de son foyer.

En ce qui concerne la fixation du nombre de personnes dans le ménage, le distributeur se base sur le registre national renseignant le nombre de personnes domiciliées au 1er janvier de chaque année. En effet, toute personne de nationalité belge ou étrangère ayant établi sur le territoire de la commune le siège de sa résidence principale doit se faire inscrire soit dans le registre de la population soit dans le registre des étrangers de la commune, dans un délai de huit jours.

Ce dispositif de déclaration obligatoire de domiciliation existe dans la plupart des pays d’Europe du nord – et en France, en Alsace-Moselle, même si la désuétude des sanctions pénales fait que la mise à jour n’est plus assurée ([579]).

Un tel dispositif pourrait être jugé constitutionnel dès lors qu’il serait justifié par un motif intérêt général. Le Conseil constitutionnel, dégageant la liberté d’aller et venir comme une liberté constitutionnelle, considère qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, « la sauvegarde des fins d’intérêt général ayant valeur constitutionnelle » ([580]) comme le maintien de l’ordre public, et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ([581]). Ainsi les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, comme la liberté d’aller et venir, doivent être justifiées par un intérêt général.

Une proposition de loi discutée à l’Assemblée nationale en 2014 avait proposé de mettre en place un tel dispositif, mais avait été alors repoussée ([582]).

Par ailleurs, dans le cas belge, des controverses surgissent pour les situations particulières. Ainsi, le distributeur avait décidé de tenir compte de la situation de garde alternée des ménages dans le calcul de la facture d’eau, en aménageant son tarif pour cette situation. Cependant, ce tarif spécial était une initiative propre du distributeur et ne reposait sur aucun fondement légal et a donc dû être supprimé en 2020.

Le dispositif ne prend pas en compte et donc ne nécessite pas de connaître les revenus du foyer, l’aide de nature sociale relevant du dispositif de fonds social pour l’eau.

L’accompagnement vers une consommation moins coûteuse et une fourniture directe et gratuite d’eau potable

Une meilleure réalisation du droit à l’eau peut également passer par un accompagnement des personnes économiquement fragilisées vers une réduction de leur consommation d’eau et donc de leur facture. Cela passe par des campagnes de sensibilisation aux gestes d’économies ou par le financement d’équipement économes en eau.

Afin d’atteindre les personnes qui ne possèdent pas d’accès au réseau d’eau potable, certaines collectivités mettent en place des fontaines publiques fournissant une eau potable et gratuite.

Des logiques préventives et curatives a priori alternatives mais souvent cumulatives en pratique

La logique préventive ambitionne d’empêcher l’émergence de situation de pauvreté en eau. La logique curative vise à éteindre ou minimiser ces situations.

La logique curative est en particulier mise en œuvre via des aides financières qui permettent bien souvent de réduire les dettes d’eau des usagers (accumulation des impayés).

Si la logique préventive doit permettre d’éviter autant que faire se peut les dispositifs curatifs, les autorités organisatrices doivent souvent compléter leur dispositif préventif par des mesures curatives pour répondre aux situations de pauvreté en eau préexistantes ou qui sont difficilement évitables.

Une politique sociale peut passer par des dispositifs généraux ou par des dispositifs ciblés sur les personnes en situation de pauvreté économique ou le plus susceptible de l’être. Si les dispositifs ciblés sont théoriquement plus justes et plus efficaces pour réduire la pauvreté en eau, ils nécessitent d’effectuer un ciblage des bénéficiaires, de les atteindre ou que ceux-ci puissent se déclarer auprès des services gestionnaires. Ils ont donc un coût administratif plus lourd. Ce coût est encore alourdi lorsqu’il s’agit de mesures attribuées au cas par cas et qui impliquent donc une action personnalisée et un effort d’instruction par les services.

Les expériences de politique sociale mettent en lumière les écueils de mise en œuvre efficace de ces politiques

Il est difficile de tirer un bilan global des expérimentations menées dans le cadre de la loi Brottes

Le rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau 2020 du Comité national de l’eau ne dresse pas d’autre bilan global qu’une certaine appétence des collectivités à s’emparer des possibilités offertes par la loi en matière de politique sociale de l’eau. Dans son rapport 2019, le Comité national de l’eau mettait en avant le fait que « Les territoires, leur activité et leur démographie étant en constante évolution, il est difficile d’évaluer l’impact des dispositifs ». On peut cependant constater des baisses de factures ou de la consommation en entrant dans le détail des dispositifs des territoires.

Des difficultés structurelles à toucher les bénéficiaires et sensibiliser les usagers pour des montants relativement faibles

Les politiques sociales de l’eau se heurtent à la large méconnaissance des systèmes tarifaires par les usagers, et même de leur niveau de consommation. Sur ce substrat, la complexification par une tarification sociale ne porte que peu auprès des usagers ([583]) sans un effort de communication important.

Les rapports annuels d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau du Comité national de l’eau pointe que « l’identification et l’atteinte des bénéficiaires potentiels sont les difficultés les plus rapportées par les collectivités expérimentatrices. » ([584]) N’ayant pas toutes les informations sociales et fiscales nécessaires pour mettre en œuvre leurs aides ciblées, elles ont dû recourir à des partenariats avec d’autres organismes (bailleurs sociaux, caisses d’allocations familiales etc.) détenteurs de ces informations. Elles se sont cependant souvent confrontées à des difficultés juridiques d’impossibilité de partage de ces données ou de difficultés à établir des partenariats efficaces avec les institutions, parfois multiples, possédant les données utiles.

La facture d’eau et d’assainissement étant relativement marginale dans les budgets des ménages, même défavorisés, l’efficience des mesures financières au cas-par-cas peut apparaître faible au vu des coûts administratifs pour identifier, atteindre et délivrer l’aide.

Pour les dispositifs déclaratifs, le phénomène de non-recours vient accroître cette difficulté. En effet, selon le rapport annuel 2020 d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau du Comité national de l’eau, « La quasi-totalité des dispositifs s’appuyant sur un système déclaratif témoigne de cette difficulté. La non-consommation du budget est très variable selon le dimensionnement de l’aide et peut atteindre jusqu’à 88 % du budget attribué chez certaines collectivités » ([585]). Selon certaines collectivités expérimentatrices, ce phénomène de non-recours est renforcé par l’interdiction de coupure d’eau, même en cas d’impayés, prévue par la loi Brottes. Les usagers comme les administrations sociales peuvent faire passer la pauvreté en eau au second plan en raison de cette protection qui évite des conséquences sociales graves même en situation d’insolvabilité des usagers.

In fine, au vu des montants relativement peu élevés en jeu, l’efficience des aides ciblées et surtout celles attribuées au cas par cas est faible. Lors de son audition par la commission, M. Jean-Pierre Rideau, ancien adjoint du sous-directeur de l’eau à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature a même avancé que le coût de gestion de ces dispositifs peut parfois être quasiment égal aux montants des aides délivrés ([586]).

Certains dispositifs préventifs peuvent comporter des effets pervers à anticiper

Les dispositifs de politique sociale peuvent avoir des effets contraires à ceux recherchés en pénalisant certains foyers en difficultés.

C’est en particulier ce qu’a constaté Alexandre Mayol dans ses études du dispositif expérimental de tarification sociale mis en œuvre à Dunkerque. Le Syndicat de l’eau du Dunkerquois a établi dès 2012 un tarif progressif constitué de trois tranches de prix. La première tranche de prix, de 0 à 80 m3 est qualifiée « d’eau essentielle ». Les travaux d’Alexandre Mayol montrent que le nouveau système tarifaire a conduit à une baisse d’environ 10 % en moyenne de la consommation d’eau, ce qui est positif d’un point de vue écologique ([587]). Toutefois, dans la mesure où le dispositif a été conçu en se basant sur un ménage type de quatre personnes, les familles nombreuses sont pénalisées par un dispositif reposant sur des tarifs progressifs par tranche de consommation. La collectivité a alors tenté de corriger ce biais en versant des chèques eau aux familles nombreuses. Cependant, en raison de la complexité des démarches induites, ce dispositif de chèques eau a bénéficié à un nombre très limité de familles ([588]).

Autre exemple mis en lumière par la chercheuse Marielle Montginoul lors de son audition par la commission d’enquête, une expérience menée dans la région flamande de Belgique qui rendait gratuits 15 m3 d’eau par an et par habitant a eu pour résultat une augmentation de la facture d’eau des 10 % des ménages les plus pauvres ([589]).

Une fois qu’elles ont identifié ces effets pervers, les autorités organisatrices essaient de les compenser, parfois par des aides financières curatives et au cas-par-cas. Cela vient alourdir le coût administratif de ces dispositifs. En effet, ce type d’aide implique un suivi fin nécessitant une activité importante des agents publics en charge de ce dispositif.

La politique sociale peut contribuer à un meilleur accès et une meilleure gestion de l’eau

Une politique sociale de l’eau efficace se fondera sur une information fiable pour les usagers et les autorités organisatrices

Les usagers connaissent mal leur consommation et le niveau de leur facture d’eau et d’assainissement. Cela tient en partie au fait que dans une grande partie des habitats collectifs, et en particulier dans les copropriétés ([590]), les habitants ne disposent pas de compteurs individuels et que leur facture est établie par une division de la facture globale par foyer selon le nombre d’habitants.

Si une autorité organisatrice souhaite utiliser le levier de la tarification sociale pour alléger de manière ciblée certaines factures et impliquer les usagers dans une démarche de réduction de leur consommation, il faut qu’elle puisse associer chaque foyer à un compteur et que chaque foyer puisse agir sur sa consommation ([591]). Il en va également d’une démarche de justice afin que chacun puisse tirer les fruits de son implication et de ses efforts par une baisse de sa facture d’eau et d’assainissement.

Proposition n° 61 : Généraliser le mouvement d’individualisation des factures d’eau des habitats collectifs via l’installation de compteurs individuels, en s’appuyant notamment sur les aides des agences de l’eau dans le cadre des programmes de modernisation des réseaux.

À cet effort sur les compteurs individuels doit s’adjoindre une connaissance a minima de la composition des foyers et de données spécifiques à chaque territoire, comme la consommation moyenne d’eau ([592]). Ces données relativement simples doivent pouvoir émerger notamment d’un partenariat efficace avec les acteurs sociaux et fiscaux.

Une politique sociale efficace pourra passer par le recours le plus poussé possible à des dispositifs tarifaires préventifs et des aides financières automatisées pour compenser certains effets indésirables.

Tant d’un point de vue de l’efficience administrative que de l’efficacité sociale et écologique, les tarifications progressives apparaissent comme une solution à privilégier. Cette solution est plébiscitée par des associations comme l’Union nationale des associations familiales et a été mise en œuvre par exemple par le Syndicat de l’eau du dunkerquois (cf. supra) ou par la régie Eau d’Azur ([593]). Si cette tarification doit évidemment partir d’une hypothèse d’un ménage moyen, défini selon la sociologie du territoire, elle doit également prévoir dans l’idéal une modulation selon le nombre d’enfants pour ne pas pénaliser les familles nombreuses. Cela peut passer par des aides financières ou une modulation du prix sur le modèle du quotient familial pour l’impôt sur le revenu.

Un tel système favorise mécaniquement les ménages composés de peu de membres, mais cela peut être accepté car les ménages pauvres sont statistiquement plus souvent des familles monoparentales ou des personnes isolées.

Cela doit s’accompagner d’une suppression des parts fixes et des frais annexes, qui, si ils sont souvent faibles ([594]), ont un effet mécanique dégressif ([595]).

Afin de garantir l’effectivité du droit d’accès à l’eau et réduire le phénomène des impayés, la première tranche de ce système de tarification doit correspondre aux mètres cubes vitaux tels que définis par l’Organisation mondiale de la santé, à savoir quarante litres d’eau par jour et par personne ([596]).

Proposition n° 62 : Favoriser l’émergence de systèmes de tarification progressive supprimant tout abonnement et frais fixes et assurant une première tranche gratuite correspondant aux mètres cubes d’eau vitaux.

Cette tarification progressive intégrale a pour avantage de s’appliquer à tous immédiatement. Elle présente donc un coût administratif relativement faible. Elle a également la vertu d’être préventive, et de permettre d’assurer d’emblée un accès abordable et juste à l’eau ([597]).

Ce système, s’il est bien connu des usagers, incite également ceux-ci à réduire leur consommation, ce qui est bénéfique pour la préservation d’une ressource en raréfaction ([598]).

Étant donné la faiblesse de l’efficience des aides curatives, ciblées et au cas-par-cas, il convient de recourir aussi peu que possible à ces dispositifs qui consacrent trop de moyens pour un impact trop faible. Ils gardent toutefois leur pertinence pour résorber les situations de grande pauvreté en eau à la marge du dispositif général de politique sociale de l’eau ([599]).

À moyen terme, une distinction de la tarification entre usages et un soutien aux territoires les plus fragiles par une taxe affectée sur l’eau embouteillée pourraient venir donner sa pleine dimension à la politique sociale de l’eau

La politique sociale de l’eau est actuellement pensée au sein du service d’eau et d’assainissement, en vertu du principe « l’eau paie l’eau ». Si ce principe est vertueux car il permet de révéler et d’internaliser le coût territorial de l’eau, il est inéquitable au niveau national car les territoires n’ont pas la même ressource en eau. Dans le cadre d’une politique sociale de l’eau, il est également inéquitable car les populations clientes des services d’eau sont de richesses très variables. Il est donc plus difficile de mettre en œuvre une politique sociale de l’eau ambitieuse au sein d’un territoire présentant des usagers à faible niveau de revenu moyen, a fortiori si la ressource est peu abondante. On peut donc se demander si le financement de l’eau et de l’assainissement et en particulier des politiques sociales de l’eau doit intervenir uniquement via la solidarité entre les usagers du service ou bien à un niveau plus large ou différent via un financement, intégral ou partiel, par l’impôt ([600]).

Un système de péréquation serait un moyen de permettre le développement de politique sociale de l’eau là où elles sont le plus nécessaires, dans les territoires à faible revenu moyen. C’est ce qu’appelle notamment de ses vœux l’association Consommation logement et cadre de vie ([601]). Afin d’éviter une péréquation qui viendrait perturber le bon fonctionnement du principe « l’eau paie l’eau », elle pourrait passer par le transfert ou la création d’une taxe prélevée sur l’eau embouteillée, à la production ou à la vente, au profit des politiques sociales de l’eau des autorités organisatrices, en prenant exemple sur une disposition de la proposition de loi n° 2715 visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement, dite « proposition de loi Glavany » ([602]).

Proposition n° 63 : Créer un mécanisme de péréquation au profit des services d’eau et d’assainissement structurellement fragiles mettant en œuvre une politique sociale de l’eau, financé par une taxe sur l’eau embouteillée.

Autre piste d’évolution de moyen terme, une différenciation de la tarification selon les usages pourrait soutenir la mise en œuvre de tarifs réellement abordables pour les besoins en eau des particuliers. Cette distinction pourrait s’opérer entre usages économiques de l’eau et usages domestiques. Elle effectuerait un transfert depuis une eau utilisée dans un but économique qui serait facturée à un coût plus élevé vers la baisse du prix des premières tranches de la tarification progressive de l’eau consommés par les particuliers. En situation de tarification progressive, un renchérissement du prix de l’eau et de l’assainissement pour les résidences secondaires serait également nécessaire pour a minima rétablir l’équité entre les usagers.

Si la jurisprudence administrative permet déjà certaines différenciations de la sorte, une clarification législative permettrait de libérer davantage l’initiative locale en la matière ([603])

Proposition n° 64 : Engager une réflexion sur une clarification législative des différenciations possibles de tarification de l’eau selon les usages, afin de libérer l’initiative locale en la matière.

Enfin, lors de son audition par la commission d’enquête le jeudi 3 juin 2021, Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, a indiqué qu’une boîte à outils de la tarification sociale de l’eau est en préparation pour les collectivités qui souhaitent mettre en place de nouvelles mesures en faveur de l’accès à l’eau. Elle a affirmé son soutien aux démarches de ce type ([604]).

Des marges de manœuvre budgÉtaires À consacrer à une remise à niveau des rÉseaux

Comme indiqué précédemment, la remise en état des réseaux et l’adaptation au changement climatique vont nécessiter des investissements importants, qui ne pourront pas tous reposer sur l’amélioration des redevances (cf. I de la présente partie). Il est impératif que l’État joue son rôle en accompagnement.

Les financements promis par les assises de l’eau doivent être débloqués

La volonté gouvernementale à l’issue des Assises de l’eau de 2018 était de redéployer les aides accordées dans le cadre du onzième programme concernant le renouvellement des réseaux, et ce au bénéfice des zones rurales ou défavorisées et à hauteur de 2 milliards d’euros sur la période. En parallèle, les collectivités devraient bénéficier de mesures destinées à les encourager à rattraper leur retard d’investissement dans le domaine de l’eau : emprunts de longue durée et à taux réduits de la Caisse des dépôts et consignations, contrats de progrès, aides à l’inventaire du patrimoine, aides à la gestion des eaux pluviales.

Selon Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, l’effort d’investissement serait garanti mais pourrait être supérieur : « d’ici 2024, 4,5 milliards d’euros seront engagés par les six agences de l’eau pour améliorer les installations de traitement, renouveler les réseaux et favoriser l’interconnexion. À cette somme vient s’ajouter une enveloppe dédiée de 850 millions pour améliorer la gestion des eaux pluviales, ainsi que 250 millions du plan de relance pour accompagner les collectivités rurales dans la modernisation de leur réseau et la remise aux normes de leurs installations. Nous disposons donc de moyens importants, qui nous sont alloués par le législateur, mais je tiens à le dire clairement et en responsabilité devant votre commission d’enquête : si nous devions avoir plus de moyens, nous saurions quoi en faire ! » ([605]).

Cependant, les aides financières promises par les assises de l’eau de 2018 telle qu’une augmentation de 50 % des aides des agences de l’eau pour les territoires ruraux qui font face à un mur d’investissement pour renouveler leurs installations, soit 2 milliards d’euros investis, n’ont pas été suivies d’effets.

De plus, le plan de relance prévoit un montant de seulement 300 millions d’euros de crédits budgétaires consacrés à des actions de sécurisation des infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales en métropole (250 millions d’euros) et dans les outre-mer (50 millions d’euros). Ces montants seront gérés au plus près des territoires et des porteurs de projets par les agences de l’eau en métropole et par l’Office français de la biodiversité et les DEAL en outre-mer.

Le rapporteur souligne que, pour l’entretien des canalisations, les crédits débloqués par le plan de relance seront de 220 millions d’euros en autorisations d’engagement dès 2021, répartis entre les différentes agences de l’eau. Ils s’inscrivent dans le cadre de l’objectif « Sécuriser les infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales en métropole et dans les outre-mer, afin de renforcer la résilience de l’alimentation en eau potable face aux risques de sécheresse et de lutter contre les sources de contamination de l’eau par un traitement plus efficace en station d’épuration ». Pour cela, il est prévu en métropole une aide à l’investissement pour la modernisation des réseaux d’eau potable et d’assainissement ainsi que des stations d’épuration, pour l’hygiénisation des boues en zone rurale et une accélération du plan Eau DOM en outre-mer pour faire face aux difficultés structurelles renforcées par la crise de la Covid-19. Cela permettra de financer la mise aux normes des stations de traitement des eaux usées, la rénovation des réseaux d’assainissement, y compris les mauvais branchements, ou des travaux de résorption des fuites. Mais ces sommes demeurent très insuffisantes et la capacité des agences de l’eau de les déployer efficacement et rapidement n’est pas assurée.

En effet, les agences de l’eau vont par conséquent devoir significativement renforcer leurs interventions alors même que leurs effectifs sont en baisse. À la mi-octobre 2020, elles avaient reçu 600 dossiers postulant au bénéfice de cette action du plan de relance. Il convient d’ailleurs de souligner que les réseaux d’eau potable ne sont pas financés directement, ils le sont dès lors qu’ils s’inscrivent dans des projets d’amélioration du rendement des réseaux en zones de revitalisation rurale, de sécurisation pour des problèmes de qualité d’eau ou de quantité d’eau, ce qui suppose des compétences et des capacités d’analyse humaines importantes.

Par ailleurs, les personnels des agences cumulent une présence forte dans les instances et lieux de gouvernance locaux, liés à l’eau, ce qui favorise des contacts privilégiés avec les élus et les usagers. Mais le personnel doit faire face à une inflation de dossiers de complexité grandissante. Pour situer la problématique de la réduction des postes et coûts salariaux des agences, le traitement des salaires des agents ne représente que 3 à 4 % de leur budget. Faire des économies sur ce poste apparaît ainsi dérisoire, sachant que les missions augmentent, que le fonctionnement des instances nécessite beaucoup d’énergie, tout comme la recherche des maîtres d’ouvrage, le montage des dossiers ou encore l’expertise qui est très pointue dans certains cas.

Proposition n° 65 : Augmenter les effectifs des agences de l’eau pour aider à l’accompagnement des collectivités dans le déploiement du plan de relance, la maîtrise d’ouvrage et le montage des dossiers d’investissement.

Les autorités gestionnaires doivent être accompagnées pour la réalisation des investissements de manière opérationnelle

Le consommateur est le premier financeur des travaux de rénovation des réseaux d’eau et des investissements opérés par les collectivités. En parallèle toutefois, il convient de tenir compte :

– des solidarités de premier niveau (communes et intercommunalités) ;

– des solidarités de deuxième niveau (redevances).

En pratique, les redevances alimentent une « caisse de mutualisation » à travers les agences de l’eau : malheureusement, l’État a coutume d’y effectuer des prélèvements (cf. première partie du présent rapport).

Ces restrictions pèsent sur la capacité des communes à renouveler leurs réseaux. Selon les documents fournis par l’agence de l’eau Adour-Garonne, cette dernière a par exemple attribué un peu plus de 26 millions d’euros d’aide aux réseaux en 2020, soit environ 10 % de son budget. Dans le bassin en question, le taux de renouvellement est pourtant inférieur à la moyenne nationale (0.47 % au lieu de 0.58 % au niveau national).

Cependant, la réalisation des investissements nécessite également une capacité technique, que toutes les autorités organisatrices n’ont pas à leur disposition en interne.

Ainsi à Mayotte, le Syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement de Mayotte (SMEAM) a signé en août 2018 avec l’État et un ensemble de partenaires institutionnels et financiers un contrat de progrès pour le service public de l’eau potable et de l’assainissement à Mayotte, assorti d’une programmation pluriannuelle des investissements d’un montant total de 140 millions d’euros, financé à titre principal sur des subventions de l’État et de l’Union européenne et à 35 millions sur le Syndicat par l’intermédiaire d’emprunts bancaires. Cependant, il apparaît que le syndicat mixte ne dispose pas des capacités nécessaires pour assurer la maîtrise d’ouvrage de ces travaux ([606]).

L’aide technique d’État doit ainsi permettre à ces autorités organisatrices de déléguer la maîtrise d’ouvrage à des équipes à même de réaliser ces investissements.

 


— 1 —

TroisiÈme partie :
Les territoires ultramarins, des territoires de la RÉpublique où protection de la ressource et accÈs à l’eau sont insuffisamment garantis

La commission d’enquête s’est penchée sur la situation de la ressource et de la gestion de l’eau de plusieurs départements d’outre-mer.

En effet, la ressource en eau dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion devrait bénéficier d’une protection plus importante, car dans ces territoires où il s’agit d’une ressource particulièrement précieuse, la plupart des eaux relèvent du domaine public, notamment les sources, les eaux souterraines, les cours d’eau et les lacs naturels, à l’exclusion des sources à usage domestique ([607]).

Cependant, les études de cas que la commission d’enquête a pu mener ont montré que la protection de la ressource en eau n’y bénéficiait pas d’un régime plus favorable.

À Mayotte et à La Réunion, la commission d’enquête a organisé deux tables rondes réunissant les acteurs du monde associatif et les responsables des autorités organisatrices et de l’État.

En Guadeloupe, la commission d’enquête a tenu 24 auditions pour entendre tous les acteurs de l’eau, passés et actuels, et comprendre la crise de l’eau que connaît ce territoire depuis plusieurs années. En outre, le déplacement d’une délégation de la commission d’enquête a été l’occasion de constater sur place les difficultés auxquels sont confrontés les gestionnaires et les usagers, pour lesquels le droit fondamental d’accès à l’eau n’est pas respecté.

Si la commission d’enquête n’a pas trouvé de cas documenté « de financiarisation, de prédation, de corruption » dans la gestion de la ressource en eau, ces territoires sont à la fois fragiles, car la ressource en eau y reste mal gérée, et confrontés à des situations de mauvaise gestion par les opérateurs en charge de la distribution de l’eau et de l’assainissement.

Ils présentent chacun des défis différents à relever pour faire face à la fois à une ressource fragile et à des services insatisfaisants afin de fournir une eau de qualité correcte de manière continue et un assainissement à même de protéger les espaces naturels contre la pollution d’origine humaine.

Des difficultÉs spÉcifiques aux territoires ultramarins ont nÉcessité un plan de rattrapage de dix ans

Des difficultÉs particuliÈres et anormales

Le service de l’eau et de l’assainissement, à la fois indispensable et basique, pourrait, à tort, être considéré comme solide et acquis. Or, il est en réalité fragile, notamment aux Antilles. Les défaillances y sont telles que la continuité du service public de l’eau n’est pas assurée en Guadeloupe et que le prix de l’eau est exorbitant à Saint-Martin. Dans certains territoires ultramarins, la dégradation des réseaux est telle que près de la moitié de l’eau acheminée est perdue pendant son acheminement.

Cette situation résulte d’un sous-investissement en matière de renouvellement des réseaux, ainsi qu’à la défaillance de leur maintenance par le propriétaire. L’état des réseaux reste la conséquence des années de maintenance passée mais aussi de la responsabilité du propriétaire, qui ne peut se défausser de sa responsabilité en cas de délégation de la gestion du réseau à une régie ou à un délégataire privé.

De fait, l’état des réseaux et les difficultés financières des collectivités d’outre-mer rendent nécessaires un plan d’investissement massif. En effet, la structuration de leurs services ne leur permettra pas une remise à niveau, même avec un prix de l’eau de 10 ou 20 euros le mètre cube. Il faudra donc faire jouer la solidarité nationale. Or, dans le cadre du plan de relance, seulement 50 millions d’euros ont été fléchés vers les territoires ultramarins alors qu’il est impératif d’avoir une maîtrise d’ouvrage dotée de moyens suffisants et une ingénierie publique à la hauteur. Il serait également utile que les offices de l’eau, qui sont les pendants pour les départements et régions d’outre-mer des agences de l’eau sur le territoire métropolitain, puissent utiliser leurs trésoreries parfois élevées pour financer davantage les réseaux, au même titre que la protection globale de la ressource.

Le plan Eau DOM

Conformément aux recommandations du rapport du comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP) et d’évaluation de la politique de l’eau, la conférence environnementale de 2013 acte, dans sa feuille de route ([608]), la nécessité d’agir « de façon spécifique dans les départements d’outre-mer pour y améliorer les infrastructures d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement ». Elle préconise l’élaboration d’un « plan DOM pluriannuel visant à améliorer la gouvernance de l’eau dans les DOM, à y renforcer l’ingénierie, et à consolider le financement des projets ».

Une mission d’inspection conjointe du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a été réalisée sur demande des ministres de l’environnement et des outre-mer. À la suite de cette mission, des « Propositions pour un plan d’action pour l’eau dans les départements et régions d’outre-mer et à Saint-Martin » ont été rendues publiques le 1er février 2016 ([609]).

Sur la base de ces recommandations, les ministres de l’environnement et des outre-mer, en lien étroit avec la ministre des affaires sociales et de la santé, ont engagé un plan d’action pour accompagner sur dix ans, les collectivités compétentes en matière d’eau potable et assainissement en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, Mayotte et Saint-Martin. Ce plan, dit plan Eau DOM, a été lancé le 29 juin 2016.

Il a vocation à accompagner les collectivités dans l’amélioration du service rendu à leurs usagers, en leur proposant un nouveau mode de contractualisation (contrat de progrès), défini par des principes directeurs déclinés au plus près des réalités de chaque territoire.

Le plan d’action pour les services d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, Mayotte et Saint-Martin vise à :

– mettre à niveau les services à l’usager et répondre ainsi aux attentes légitimes des populations à disposer d’un accès permanent à une eau de qualité, répondant aux normes sanitaires, à un coût raisonnable ;

– améliorer la gestion des eaux usées : traitement (pollutions) et raccordement (recettes) ;

– assurer la soutenabilité des services d’eau et maîtriser les prix : rétablir les équilibres financiers, améliorer la facturation et le recouvrement ;

– mieux intégrer les politiques d’eau potable et d’assainissement dans les grands enjeux du développement des territoires.

Pour atteindre ces objectifs, le plan fixe les principes suivants :

– renforcer la gouvernance des collectivités compétentes en eau et assainissement, en privilégiant le niveau des établissements publics de coopération intercommunale ;

– développer les capacités techniques et financières des services d’eau potable et d’assainissement, condition pour assurer la qualité et la soutenabilité de ces services ;

– redéfinir les priorités techniques pour un service de qualité et durable en développant l’entretien et la maintenance des installations, en améliorant la collecte et le raccordement aux réseaux ;

– mieux intégrer les politiques d’eau potable et d’assainissement dans les grands enjeux du développement des territoires.

50 millions dÉDIÉs dans le cadre du plan de relance

Les territoires d’outre-mer bénéficieront d’un volet spécifique du plan de relance, présenté le 3 septembre 2020, à hauteur d’1,5 milliard d’euros avec quatre axes prioritaires : des mesures sociales, dont les contrats aidés, la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement, la mise aux normes des bâtiments publics et la transformation de l’agriculture. Les territoires pourront aussi répondre aux appels à projets déployés au niveau national.

Le plan de relance national comporte des mesures répondant aux spécificités des départements et régions d’outre-mer.

Des sous-enveloppes spécifiques sont pré-fléchées pour les Outre-mer, pour accompagner les transformations durables de ces territoires et soutenir l’économie et la création d’emploi local.

Ainsi, 50 millions d’euros seront dédiés spécifiquement aux Outre-mer au titre de la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement et la production d’eau potable afin de faire face à la situation de pénurie et de coupures d’eau dans certains territoires (notamment aux Antilles, à Mayotte, ou en Guyane).

Cependant, comme pour le reste du territoire, ce montant devrait être multiplié pour que par un effet levier, le niveau d’investissement dans les réseaux permettent de les renouveler à un rythme supérieur à 1 % par an (cf. supra).

La distribution de l’eau et l’assainissement en Guadeloupe, un scandale dû à des dÉcisions trop longtemps repoussÉes

La Guadeloupe est un territoire qui dispose d’une ressource en eau abondante mais non répartie de manière égale sur son territoire. Cette situation impose une coopération et une mutualisation des ressources afin de pouvoir assurer sa distribution de manière performante.

À la suite d’une absence de contrôles et d’investissements dans le renouvellement des équipements et de dysfonctionnements de la facturation décrits comme un « accident industriel » ([610]) , les autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement, qui ont parfois repris la gestion en régie sans planification, se sont révélées incapables techniquement et financièrement d’assumer les tâches nécessaires pour garantir un service régulier de l’eau et de l’assainissement.

Si l’argent de l’eau a parfois servi à des usages qui n’étaient pas nécessaires – on songera aux Journées de l’eau organisées par le syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, dont les quatre éditions ont coûté 3,5 millions d’euros ([611]) – la commission d’enquête n’a pas obtenu d’éléments substantiels permettant de confondre les bénéficiaires de détournement de fonds et regrette que les dénonciations prononcées par les personnes auditionnées ont été soit très vagues et sans auteur identifié, soit non étayées par des éléments précis.

Ainsi, la commission d’enquête a pu rappeler aux personnes auditionnées qu’elles avaient la possibilité de lui communiquer de manière confidentielle les pièces et éléments de preuve qui auraient pu participer à la manifestation de la vérité, sans que ceux-ci s’emparent de cette possibilité.

Tout au plus, la commission d’enquête a pu constater que des élus qui étaient intéressés à l’affaire ont pu prendre part à des votes alors qu’ils auraient dû s’abstenir de siéger : ce manquement à l’éthique ne prouve pas que leur position ait fait l’objet d’une contrepartie. De la même manière, des pressions de représentants de l’État sur des élus ont été dénoncées, sans que la réalité des faits puisse être établie.

La crise de l’eau est une crise de gouvernance, prise dans une spirale délétère, et non la conséquence d’un détournement massif de fonds publics au profit d’acteurs privés. Elle est également la conséquence d’un manque de contrôle de l’État, obligé aujourd’hui de pallier l’incapacité des collectivités à rétablir la situation : « Je le redis, je ne suis pas le responsable de l’eau en Guadeloupe mais il se trouve que la situation est tellement dramatique que le Président de la République m’a demandé des résultats et la seule chose qui compte c’est qu’on remette de l’eau dans les tuyaux », a ainsi déclaré le ministre des Outre-mer M. Sébastien Lecornu ([612]). L’État doit aujourd’hui prendre sa part de responsabilité. Il ne peut se contenter de la posture attentiste consistant à rappeler que l’eau et l’assainissement sont des compétences locales, quand la défaillance de ces services publics a des conséquences sur la vie et la santé des populations de la Guadeloupe.

Les plans d’urgence, la mise en place d’un syndicat mixte unique à même de concevoir et de piloter la stratégie de restauration des équipements et réseaux, sont autant de bornes posées pour restaurer une situation dont la dégradation s’est étalée sur plusieurs années et n’est pas la conséquence d’un événement extérieur imprévisible.

Plusieurs personnes auditionnées ont évoqué des montants d’investissements nécessaires à la remise en place un réseau d’eau potable satisfaisant, mettre aux normes et déployer un réseau d’assainissement, supérieurs au milliard d’euros, sans pouvoir en fournir le détail. Ce plan exceptionnel de remise en état devra s’accompagner d’un effort continu d’investissement pour renouveler les équipements.

Il importe aujourd’hui de mobiliser les énergies afin de repenser la distribution d’eau et d’assainissement au niveau du territoire guadeloupéen, par une autorité associant les élus et les citoyens, avec le soutien technique et financier de l’État.

Une ressource naturelle abondante

La Guadeloupe se caractérise par l’abondance de sa ressource en eau. Comme le notait un audit des inspections générales en 2018 ([613]), « la Guadeloupe dispose d’une ressource en eau conséquente, parmi les plus élevées au monde, avec un potentiel disponible de 7 000 m3 par habitant et par an (3 000 dans l’Hexagone). »

Cette abondance n’est néanmoins pas répartie équitablement sur l’ensemble du territoire. La ressource est ainsi concentrée sur Basse-Terre, en particulier sur la Côte-au-Vent, alimentée par un niveau élevé de précipitations comme le montre la carte ci-dessous.

Représentation cartographique de la hauteur moyenne annuelle des cumuls de précipitation sur la période 1981-2010

https://www.senat.fr/rap/l20-394/l20-3941.png

Source : Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

La répartition inégale de la ressource en eau sur le territoire fait donc de son adduction, du « château d’eau » de Basse-Terre vers les autres portions du territoire guadeloupéen, un enjeu majeur. De l’organisation et de la bonne gestion du réseau dépend le bon approvisionnement des Guadeloupéens en eau potable.

L’eau potable prélevée a trois origines : les prises en rivière et le captage des sources, principalement en Basse-Terre ; les puits et les forages, sur Grande-Terre et Marie-Galante. Au total, 90 % de l’eau potable prélevée l’est sur le territoire de la Basse Terre, en particulier sur la Côte-au-vent.

La structuration du réseau reflète logiquement cette concentration de la ressource. Le réseau est ainsi organisé autour de l’aqueduc de gros diamètre « feeder » de Belle-Eau-Cadeau, qui achemine l’eau de Basse-Terre vers les îles de la Désirade et des Saintes en passant par l’agglomération, plus densément peuplée, de Pointe-à-Pitre. Deux autres feeders (Moustique et Vernou) desservent également l’agglomération de Pointe-à-Pitre.

STRUCTURE DU RÉSEAU D’EAU POTABLE ET VOLUMES PRÉLEVÉS À L’ÉCHELLE COMMUNALE EN 2018

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Source : Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

Une compÉtence longtemps exercÉe par des syndicats intercommunaux par dÉLÉgation de leurs compÉtences à une entreprise laissÉe sans contrÔle effectif

La multiplicité des autorités organisatrices

En 2011, pas moins de treize entités assuraient l’exercice des compétences eau potable et assainissement en Guadeloupe :

● quatre syndicats intercommunaux :

– le syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) ;

– le syndicat intercommunal du sud de la Côte‑sous‑le‑vent (SISCSV) ;

– le syndicat intercommunal des grands Fonds (SIGF) ;

– le syndicat mixte du Nord Grande-Terre (SMNGT) ;

● trois établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre :

– la communauté de communes du Sud Basse-Terre ;

– la communauté d’agglomération Cap Excellence

– la communauté de communes de Marie-Galante ;

● six communes : Deshaies, Sainte-Rose, Lamentin, Trois-Rivières, Vieux‑Fort et Morne-à-l’Eau.

Ce cadre a été profondément modifié au cours des dernières années, en particulier sous l’effet de la loi n ᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.

Le territoire de la Guadeloupe comporte désormais cinq communautés d’agglomération (Nord Basse-Terre, Nord Grande-Terre, Grand Sud Caraïbe, Cap Excellence, La Riviera du Levant) et une communauté de communes (Marie-Galante). Anticipant les évolutions rendues obligatoires par celle-ci, les intercommunalités de Guadeloupe ont pris en charge les compétences eau et assainissement dès 2016.

Ainsi, début 2021, cinq structures intercommunales exercent les compétences eau et assainissement :

– le syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), seul syndicat à s’être maintenu, regroupe la communauté d’agglomération de la Riviera du Levant (CARL), la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre (CANGT) ainsi que la communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre (CANBT) pour les seules communes de Petit-Bourg et Goyave ;

– quatre établissements publics de coopération intercommunale, à savoir la communauté d’agglomération Cap Excellence, la communauté d’agglomération du Nord Basse‑Terre, la communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbes et la communauté de communes de Marie-Galante. Seules les communautés d’agglomération Cap Excellence et Grand Sud Caraïbes ont un taux de production d’eau inférieur à leurs besoins. Ces deux EPCI sont donc clients du SIAEAG auquel ils achètent de l’eau traitée.

COLLECTIVITÉS COMPÉTENTES EN ALIMENTATION EN EAU POTABLE (2018)

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Source : Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

La diversité des modes d’exploitation et des exploitants

Les modes d’exploitation des services d’eau potable et assainissement sont variés, y compris sur le territoire d’une même autorité de gestion. Ainsi, sur le territoire du SIAEAG, plusieurs régies coexistent dont deux régies dotées de la personnalité morale ([614]) (RÉNOC-Eau et RÉNOC-Assainissement) qui couvrent la communauté d’agglomération du Nord Grande‑Terre. La régie, sous ses différentes formes, est à présent le mode d’exploitation le plus commun.

Plusieurs acteurs privés interviennent aussi dans le cadre de délégations de services publics : la Compagnie guadeloupéenne de services publics, filiale du groupe Saur, Karuker’Ô (filiale du groupe Suez) et l’entreprise locale Eaux’Nodis.

Après avoir joué un rôle majeur comme délégataire de service public de plusieurs syndicats de communes, la Générale des eaux de Guadeloupe, filiale de Veolia, a choisi de se retirer du marché (cf. infra.).

Les réorganisations récentes de la gestion du service de l’eau ont engendré une déconnexion entre les périmètres administratifs de gestion et les périmètres techniques des infrastructures, ce qui soulève des difficultés.

GESTION DES SERVICES DE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT EN GUADELOUPE

Autorité organisatrice

Territoire

Gestion AEP

Gestion assainissement

SIAEAG

CARL + CANBT (Goyave et Petit-Bourg)

Régie du SIAEAG eau

Régie du SIAEAG assainissement

SIAEAG

CANGT

Régie Nord caraïbes (RENOC) eau

RENOC assainissement

CACE

 

Régie Eau d’excellence

Régie Eau d’excellence

CCMG

 

Karuker’O

Karuker’O

CANBT

Pointe-Noire

CGSP

CGSP

CANBT – gestion (AEP)

commune de Deshaies

Deshaies

Eaux’Nodis

Régie

CANBT – gestion (AEP)

commune de Lamentin

Lamentin

Eaux’Nodis

KARUKER’O

CANBT – gestion commune de Sainte-Rose

Sainte-Rose

Régie communale

Régie communale

CAGSC

Bouillante,

Vieux Habitants

CGSP

CGSP

CAGSC

Vieux Fort

CGSP

Régie communautaire eau et assainissement

CAGSC

Autres communes

Régie communautaire eau et assainissement

Régie communautaire eau et assainissement

CAGSC – gestion commune de Trois-Rivières

Trois-Rivières

Régie communale

Régie communale

Source : Stratégie d’organisation des compétences locales de l’eau en Guadeloupe approuvée par arrêté préfectoral du 14 mai 2018 et modifié en janvier 2019 http://www.guadeloupe.developpement-durable.gouv.fr/la-strategie-d-organisation-des-competences-a2354.html

Face à cette multiplicité d’autorités et de gestionnaires, les usagers se sont retrouvés avec autant de prix de l’eau différents et divergents, sans que leur différence reflète la difficulté de fourniture du service. Il y a donc rupture d’égalité des usagers-citoyens devant ce service public local.

Les instruments de planification de l’eau en Guadeloupe

Plusieurs documents directeurs ont été conçus à l’échelle du territoire.

Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) est élaboré par le Comité de l’eau et de la biodiversité (CEB) en concertation avec les acteurs de l’eau. Il est prévu en application de la directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Le SDAGE en vigueur porte sur la période 2016‑2021. La prochaine version est en cours de concertation.

Conçu en 2011, le schéma départemental mixte d’eau et d’assainissement (SDMEA) est prévu par le SDAGE. Il présente une vision hiérarchisée et de long terme des grands investissements requis dans les années à venir en matière d’eau potable, d’assainissement ainsi que d’irrigation et hydroélectricité.

À l’appui du SDAGE, la stratégie d’organisation des compétences locales de l’eau (SOCLE), arrêtée le 20 janvier 2016, a vocation à accompagner les collectivités dans les restructurations induites par les modifications législatives récentes.

Une gestion trop longtemps laissée au bon vouloir des délégataires

Le paysage de la distribution de l’eau et de la Guadeloupe fait apparaître la coexistence de plusieurs modes de gestion. Cependant, avant 2014, la Générale des eaux de Guadeloupe, filiale de Veolia, assurait la gestion de plusieurs réseaux de distribution d’eau au moyen de délégations de service public confiées notamment par le syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), la communauté d’agglomération Cap Excellence et la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre, jusqu’en 2015-2016.

Plusieurs rapports de la chambre régionale des comptes avaient tiré un constat accablant de cette gestion.

Ainsi il apparaît que les autorités organisatrices se reposaient entièrement sur la Générale des eaux, sans s’être dotée de moyens de contrôle propre : en 2012, la chambre régionale des comptes alertait sur le fait qu’« en laissant la réalisation de l’inventaire à la GDE, le SIAEAG se met sous la dépendance de l’opérateur privé pour la connaissance de son patrimoine, lui laissant alors l’entière maîtrise de la programmation des travaux réalisés par l’établissement public. Il importe donc que le SIAEAG mette en place un recensement et une valorisation exhaustive de ses immobilisations, notamment en matière d’assainissement » ([615])

Comme le constatait la chambre régionale des comptes, « La programmation des investissements est très ambitieuse mais repose essentiellement sur les préconisations faites par le prestataire » ([616])Cette situation a conduit à un sous-investissement chronique dans les équipements. : « Le niveau de trésorerie est très important pour toute la période, tout comme le fonds de roulement. Ce niveau traduit un sous-investissement au regard du chiffre d’affaires du service d’eau et assainissement. » ([617])

Pourtant les cahiers des charges techniques des marchés passés en mars 2008 entre le SIAEAG et la Générale des eaux, dont le rapporteur a eu communication, mentionnaient de manière explicite les responsabilités de chacun des cocontractants : « Le SIAEAG et la Générale des eaux étaient liés par un marché de prestation. Or, avec ce type de marchés, il revenait bien à la Générale des eaux de traiter les fuites, mais dès lors qu’un changement d’article était requis, une autorisation devait être donnée à l’exploitant.» ([618]).

Cependant, les moyens techniques des autorités organisatrices à cette époque semblent ne pas avoir inclus les compétences techniques nécessaires pour à la fois surveiller l’activité du délégataire et assumer les tâches de renouvellement et de développement des installations, revenant au déléguant.

Ainsi, pour le seul SIAEAG, la présence de 33 agents en 2011 ne permettait pas au principal syndicat de distribution d’eau de Guadeloupe d’exercer un contrôle sur son prestataire : « L’analyse de l’organisation du SIAEAG fait apparaître des dysfonctionnements importants au regard des principes d’une gestion performante, comme l’absence, ou, à tout le moins, l’insuffisante diffusion de fiches de poste ou d’organigramme officiels. Le manque de compétence interne en matière d’administration sur les deux volets fondamentaux que sont le service juridique et le service financier préjudicie à l’organisme, sur le plan notamment de la sécurité juridique de ses contrats ou de la sincérité de ses comptes. » ([619])

Dans le même temps, « le SIAEAG dépense des sommes considérables dans les missions, les déplacements, les réceptions et la communication, pour des résultats qui demandent à être précisés et évalués. Ce sont 6 903 880 € qui ont été dépensés de 2005 à 2011, soit l’équivalent de 7 mini stations d’épuration, comme celle de Calvaire à Baie-Mahault ou de deux stations d’épuration comme celles de Saint-François, ou bien encore de deux années de capacité d’autofinancement du SIAEAG. En 2007, c’était près de la moitié des charges de gestion du SIAEAG, dépenses de personnel compris, qui était consacrée à ce type de dépenses, et deux fois les dépenses de personnel. L’ampleur de ce type de dépenses, qui devraient rester périphériques, est manifestement excessive pour un service public dont l’objet principal n’est pas de faire de la promotion mais bien de fournir une eau de la meilleure qualité possible et pour le meilleur prix possible. » ([620])

Un dÉRÈglement de la distribution dû à la conjonction de plusieurs dÉcisions

La commission d’enquête n’a pu que constater que la conjonction de plusieurs facteurs avait entraîné la distribution de l’eau dans un cercle vicieux, entre 2012 et 2016.

L’« accident industriel » de la facturation

Historiquement, le taux de recouvrement des factures était relativement bas : le rapport de la chambre régionale des comptes précité estime le taux d’impayés à 20 % en 2011.

Ceci ne prend pas en compte des branchements sauvages ou réalisés sans pose de compteurs, mettant en cause le principe même de l’équité et de la contribution de tous au service public de l’eau.

Par ailleurs, cette facturation était traditionnellement peu performante et peu fiable, le taux de renouvellement des compteurs étant de 3,28 % et 50 % des compteurs ayant plus de 10 ans, alors qu’il est de bonne pratique que l’âge moyen des compteurs soit de 12 ans ([621]) .

Il apparaît également que pour des raisons électoralistes, certains candidats ont appelé les usagers à cesser de payer leurs factures d’eau, en arguant que les sites de captage étaient situés sur leur commune et en leur promettant qu’après leur élection, ils pourraient bénéficier d’une remise qui n’a jamais pu être mise en place : « M. Paran était en réalité l’homme lige de M. Joël Beaugendre, maire de Capesterre-Belle-Eau. Lors de leur campagne en 1995, comme le château d’eau de Belle-Eau-Cadeau se situe sur leur commune, ils se sont déclarés propriétaires de l’eau, ce que j’ai d’ailleurs dénoncé. À l’issue d’un procès, le préfet a dû répartir l’actif et le passif du SIAEAG, qu’avaient quitté MM. Paran et Beaugendre. Ce dernier a déclaré à ses administrés : "Vous ne payerez pas l’eau", ce qui s’est vérifié. » ([622])

Ainsi, en 2011, le taux d’impayés au sein du SIAEAG était estimé à environ 20 % et représentait déjà un problème dans la gestion du service qui a été soulevé par la chambre régionale des comptes : « Le problème des impayés avait perturbé la délégation depuis longtemps. C’est le montant élevé des impayés qui avait justifié les avenants n°5 et 8 au contrat de DSP. […] Il y avait donc un partage du risque depuis 1991 (5ème avenant au contrat), puisque les impayés impactaient autant la trésorerie du délégataire que celle des collectivités, via le reversement de la surtaxe. » ([623]) 

Au second semestre 2011, la Générale des eaux a décidé de changer de logiciels de facturation, en passant au logiciel VCMS : « la Générale des eaux Guadeloupe est devenue pilote pour le déploiement de VCMS. En dépit des alertes des élus et d’usagers, elle s’est entêtée dans la réussite de ce projet alors que le Centre de Metz, lui aussi pilote, l’a abandonné » ([624]).

L’absence de maîtrise de cet outil a conduit à un « accident industriel », comme l’ont décrit eux-mêmes les dirigeants de la Générale des eaux ([625]) :

– des retards d’émission des factures supérieurs à 18 mois, sources de pertes d’adresses des débiteurs, d’incompréhension des factures, d’insolvabilité… ;

– l’émission, dans certains cas, de factures aberrantes, dont le nombre n’a pas pu être cerné avec précision et qui peut tenir à des facteurs administratifs ou techniques ;

– des appels de certains responsables associatifs ou élus à ne pas régler les factures d’eau aberrantes, qui a conduit à une multiplication des impayés ;

– le refus des autorités organisatrices de recourir de manière systématique à des procédures de recouvrement forcée ([626]).

La Guadeloupe et le centre de Metz étaient pilotes pour le déploiement de VCMS. La licence pour l’ancien système d’information n’a pas été renouvelée et devait s’arrêter. Le changement de logiciel clientèle non maîtrisé a eu lieu au second semestre de l’année 2011 : alors qu’à Metz, le projet a été rapidement abandonné, en Guadeloupe, la Générale des eaux a fait preuve d’acharnement pour tenter de faire fonctionner cet outil informatique manifestement inadapté.

La part de factures non délivrées, délivrées de manière tardive ou aberrantes fait cependant l’objet de controverses entre les personnes auditionnées : selon les dirigeants de la Générale des eaux, « Selon le contrat de marché public conclu en 2008, la Générale des eaux devait émettre des factures, les recouvrer et transmettre mensuellement au SIAEAG les montants correspondants. En 2012, l’année la plus difficile, nous avons transféré au SIAEAG un montant moyen d’une vingtaine de millions d’euros. Notre rapport annuel du délégataire (RAD) de 2012 indique que nous avons facturé près de 80 % des sommes requises. Si notre système a connu des défaillances, il n’en a pas moins fonctionné. […] Nous avons émis 80 % de nos factures en 2012 et les 20 % restants les années suivantes. Ce rattrapage a provoqué un effet de rejet chez certains abonnés. Je ne suis pas capable de vous indiquer la part de factures erronées » ([627]).

Cette situation n’a cependant pas disparu avec le changement de logiciel de facturation en 2015. La Guadeloupe connaît un problème persistant de facturation de l’eau : comme le résume le préfet, « Environ 39 % des factures n’étaient pas recouvrées en 2018. Il me semble important de ne pas affirmer que les Guadeloupéens ne paient pas l’eau. La principale raison de ce non-recouvrement des factures réside dans leur non-émission. Par ailleurs, une partie des factures émises sont contestables et donc contestées. Enfin, certains usagers ne règlent pas leurs factures, parce qu’ils estiment ne pas avoir bénéficié du service correspondant. » ([628])

Il semble que les factures arrivant avec plusieurs années de retard, et les factures aberrantes, dont le rapporteur a pu juger qu’elles n’avaient pas disparues, aient engagé un mouvement général de défiance et d’appel à ne pas payer les factures d’eau, justifiées ou non, allant bien au-delà des seuls usagers impactés par ces dysfonctionnements. Les encouragements présents et passés d’élus à ne pas régler les factures d’eau n’ont pas contribué à rétablir la confiance et le consentement à régler sa contribution au service public de l’eau.

Si cette situation a impacté le délégataire, elle a essentiellement pénalisé le déléguant, chargé de recouvrer les factures émises il y a plus de soixante jours : « Le contrat de 2008 nous rendait responsables de l’émission des factures et de leur recouvrement dans un délai de soixante jours. Au-delà, la décision de recouvrer ou non les sommes dues appartenait au SIAEAG. […] Le SIAEAG a décidé de ne plus priver d’eau les mauvais payeurs à partir de 2008 et de ne pas émettre de titres exécutoires » ([629]) .

Ainsi au sein du SIAEAG, le taux d’impayés est passé de 20 % en 2011 à 38,8 % en 2015 puis 43 % sur les factures d’eau pour 2018 ([630]).

Ce constat est désormais généralisé à l’ensemble de la Guadeloupe ; cependant, le taux d’impayés n’est pas corrélé aux difficultés de la distribution de l’eau potable. L’insatisfaction vis-à-vis de la qualité médiocre du service rendu n’est donc pas le seul facteur explicatif.

Taux d’impayÉs sur les factures d’eau de l’annÉe 2018

Source : Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

Les taux d’impayés sur les factures d’eau sont de 33 % en moyenne sur les factures émises en 2018 (hors Capesterre-Belle-Eau et les Saintes). Bien que le taux d’impayés moyen soit resté stable par rapport à 2017 (33 %), il est bien plus élevé qu’au niveau national, où il est inférieur à 2 % selon le rapport SISPEA pour 2017.

Par ailleurs, le recouvrement prend beaucoup de temps : selon un délégataire, « Les usagers laissent s’écouler un temps assez long avant de régler leurs factures. La moitié d’entre eux les acquittent avec deux ans de retard, ce qui complique la gestion financière et l’allocation des budgets, aussi bien à l’exploitation qu’aux investissements. » ([631]).

Dès 2009, le protocole d’accord signé le 4 mars 2009 entre le collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) d’une part, l’État, la région, le département et l’association des maires d’autre part, prévoyait l’arrêt de toute coupure pour les ménages ayant des factures impayées, principe généralisé par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013. Cette « loi Brottes » ([632]) de 2013 n’a pas créé le phénomène mais explique la recrudescence des impayés : ne pouvant couper ou limiter l’approvisionnement en eau des mauvais payeurs, les gestionnaires se voient privés de toute mesure de rétorsion.

Mais il semble également que l’autre volet de la loi Brottes – le recours à des aides du Fonds social du logement pour aider au paiement des factures d’eau des personnes démunies – n’ait pas été mis en place de manière efficace en Guadeloupe.

La mise en péril des finances des services de distribution d’eau

Cette amputation des recettes du service d’eau et d’assainissement représente un obstacle important au bon fonctionnement des services de la Guadeloupe, qui se retrouvent amputés d’une part conséquente de financement.

Ainsi, en mai 2015, l’analyse de la situation financière du SIAEAG par la mission d’expertise économique et financière ([633]) était sans appel :

«– Bilan et compte de résultat peu fiables ; dotations aux amortissements et provisions semblent sous-estimées et aucune provision pour risque et charge n’est comptabilisée ; le montant de la dette ne peut être annulé ;

«  situation financière dégradée, les recettes des activités sont inférieures à ses charges courantes ;

«  insuffisance de l’autofinancement net très important (– 4 771 K€ en 2014) ;

«  le travail sur la facturation est primordial ;

«  la mise en place d’un contrôle interne est nécessaire. »

Face à ces difficultés financières, le SIAEAG comme les autres autorités organisatrices n’ont pas su redresser leurs comptes en remettant à plat la facturation, en annulant les créances non recouvrables et en se concentrant sur les créances à recouvrer. Aussi incapables de financer la pérennité du service, les différents services ont accumulé les dettes auprès de leurs fournisseurs, qui ont parfois cessé de livrer les équipements et matériaux nécessaires au service.

L’insuffisance des investissements de renouvellement des équipements

Conséquence de ces difficultés financières, les travaux nécessaires au renouvellement des installations ont été négligés.

Ce sous-investissement chronique était cependant présent bien avant le début des difficultés de recouvrement des factures : les différents rapports de la chambre régionale des comptes mentionnent, de manière régulière, les faibles capacités d’autofinancement des autorités organisatrices, obérant leur capacité à réaliser les investissements nécessaires, malgré les aides existantes : « Au regard des importants besoins de financement pour les investissements à réaliser dans un avenir proche, le SIAEAG doit impérativement revoir ses relations financières avec ses clients pour obtenir d’eux un paiement effectif de leurs dettes et revoir l’organisation de la chaîne qui part de la facturation et va au recouvrement des créances, tant en interne qu’avec ses prestataires. Des économies sur le fonctionnement du SIAEAG peuvent amener à accroître substantiellement la capacité d’autofinancement, au bénéfice des tarifs et de la qualité du service rendu aux usagers. […] L’état des installations et les nécessaires mises aux normes imposent un accroissement important du niveau des investissements qui a déjà un impact sur le prix. » ([634])

Ce constat alimente le débat sur le prix de l’eau, certaines personnes auditionnées jugeant que les collectivités ont choisi délibérément de privilégier un prix de l’eau le plus bas possible pour l’usager, au détriment du financement des investissements nécessaires : « Les collectivités décident du prix de l’eau, en fonction du modèle contractuel qu’elles retiennent. En Guadeloupe, elles ont confié l’exploitation des réseaux à des délégataires ou opérateurs, en se réservant quant à elles la mainmise sur les investissements. Elles devaient donc fixer une surtaxe correspondante. À la différence d’autres collectivités, le SIAEAG a fait fondre la sienne, surtout à partir de 2008. Ce choix s’explique par l’ambition politique de proposer une eau moins chère. Les accords « Bino », après la crise financière de 2009, ont prévu, non seulement des investissements supplémentaires, compte tenu des risques de dégradation de la situation, mais aussi une baisse du prix de l’eau, une augmentation du salaire des agents de l’eau et, tout aussi grave, la suppression des pénalités appliquées à ceux qui ne payaient plus leur eau. En permettant d’un côté à la Guadeloupe de sortir d’une passe difficile, ils ont contribué de l’autre à déstabiliser la situation. » ([635]).

Entre le premier contrat signé entre le SIAEAG et son délégataire le 17 novembre 1968, et le cahier des clauses techniques particulières du marché de prestations de services relatif à la production, adduction et distribution de l’eau potable sur le périmètre du SIAEAG en vigueur au 1er avril 2008, dont le rapporteur a obtenu copie, les responsabilités des parties ont été précisées : ainsi entre 2008 et 2013, le cahier des charges du marché précité prévoit que « l’ensemble des travaux d’entretien et de réparations courantes fait partie des prestations confiées au Titulaire » en précisant notamment que « le remplacement ou la réhabilitation de canalisation sur une longueur supérieure à 12 mètres sont à la charge du Syndicat ». Ce critère de délimitation des responsabilités en fonction de la longueur de la canalisation à réhabiliter est habituel, mais reste contestable et ombrageux aux yeux du rapporteur.

Ces difficultés financières ont conduit à ce que le renouvellement régulier d’équipements et notamment de canalisations posées dans l’après-guerre et arrivant en fin de vie, n’a plus été effectué, causant la dégradation du réseau.

De plus, les investissements réalisés n’ont pas toujours contribué à améliorer le fonctionnement du réseau : « Depuis une dizaine d’années, seules des rustines sont posées, c’est-à-dire que seuls des tronçons de canalisations sont remplacés et quelques fuites, réparées. Certains ont investi dans des surpresseurs, ce qui relève d’une aberration technique, d’autres, dans des citernes à l’impact négatif sur la distribution d’eau. Des solutions ponctuelles, pour ne pas dire égoïstes, ont ainsi été mises en place. Ceux qui ont installé des surpresseurs dans certains quartiers obéissaient peut-être à des motivations politiques, mais en faisant fi des autres usagers, dès lors privés de l’eau qui leur revenait. Les investissements correspondants n’ont pas donné de résultats, parce que le problème de l’eau en Guadeloupe, structurel, porte sur la gouvernance de l’eau et la connaissance du réseau, de fait absente. » ([636])

Le départ précipité de la Générale des eaux

Face à cette situation, la Générale des eaux Guadeloupe a fait valoir ses difficultés croissantes pour entretenir des réseaux vieillissants et non renouvelés et des recettes en baisse constante, pour demander aux différentes autorités organisatrices la fin anticipée des marchés de délégation de service public.

Selon les chiffres cités par Veolia, l’exploitation des contrats de délégation de service public en Guadeloupe aurait été structurellement déficitaire :

RÉsultats de la GÉNÉrale des eaux Guadeloupe de 2008 à 2017 ([637])

(en millions d’euros)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Cumul

Chiffre d’affaires

71

59,8

57,9

53,1

57,2

50

61,7

50,9

39,4

12

513

Résultat

net

-0,3

-0,2

-0,4

-6,4

-28,9

-14,9

-20

-36,7

-13,9

-8,3

-130

Contribution siège

-2,2

-1,9

-1,9

-1,7

-2,1

-1,9

-1,8

-1,5

-0,4

-0,4

-15,8

Source : Éléments fournis par Veolia en réponse à des questions du rapporteur.

La fin des relations contractuelles avec le SIAEAG semble avoir joué un rôle majeur dans la décision de retrait. À l’échéance des deux marchés de prestations de services relatives à la production, l’adduction et la distribution de l’eau potable et relatifs à la collecte et au traitement des eaux usées, attribués le 31 mars 2008 pour une durée de cinq ans, deux prolongations ont eu lieu afin de lancer de nouvelles procédures de consultation finalement déclarées sans suite.

Le syndicat a donc été contraint à reprendre en régie la gestion de l’eau et de l’assainissement, dans des conditions sociales tendues, avec un changement de périmètre en raison du retrait d’un certain nombre de communes, et sans aucune anticipation et préparation de cette transition. Comme le décrit M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du SIAEAG, « À notre arrivée [en 2014], le service public de l’eau et de l’assainissement était assuré par la Générale des eaux Guadeloupe, avec des contrats de prestations de services. Une consultation en vue d’une délégation de service public a été relancée, à laquelle la Générale des eaux n’a pas répondu. Seule la Nantaise des eaux a proposé une offre, avec une réduction de plus de 40 % des effectifs, afin de réduire les charges salariales jugées trop importantes. L’offre de la Nantaise des eaux n’a pas été jugée recevable par le conseil syndical et son président, qui voulaient préserver l’équilibre social et économique de la Guadeloupe. Pour autant, le personnel de la Générale des eaux, ayant constaté que son employeur n’avait pas répondu à ce marché, a déclenché un mouvement social d’importance, privant bon nombre de foyers guadeloupéens d’eau potable.

« Pour rétablir le service public de l’eau, des négociations ont conclu à un protocole d’accord le 21 décembre 2014, signé par les collectivités en présence de l’État. Ce protocole engageait le SIAEAG à reprendre le personnel de la Générale des eaux dans le cadre d’une régie publique, faisant passer les effectifs de la collectivité de 34 à 153. Les régies du SIAEAG créées en 2008 ont alors été réactivées, permettant le transfert des 119 salariés de la Générale des eaux vers le SIAEAG. » ([638]).

À la suite de la perte de ces principaux marchés, la Générale des eaux Guadeloupe a signifié aux déléguant des autres contrats de DSP dont elle était titulaire son souhait de mettre fin, de manière anticipée, aux contrats qui avaient été conclus pour des durées allant parfois jusqu’en 2019.

Ainsi le 2 février 2016, la Générale des eaux et la communauté d’agglomération de Nord Grande-Terre ont signé un protocole transactionnel pour acter la fin des différents marchés les liant, au 31 décembre 2016. Il prévoit notamment la remise des biens et des données nécessaires à la poursuite du service, mais de manière lapidaire : ainsi « le délégataire s’engage à faire ses meilleurs efforts pour que les fichiers soient le plus à jour possible à la date de la remise à la collectivité et effectuera toute diligence utile à cette fin au cours de l’année 2016 ».

Le délégataire s’engage à verser 4 millions d’euros au titre de la part collectivité des factures d’eau qu’il sera chargé de percevoir en 2016, et 2,1 millions d’euros au titre des engagements non réalisés.

Enfin, comme il est courant dans ce genre de protocoles transactionnels, les parties renoncent réciproquement à tout recours.

Ainsi, pour une somme purement forfaitaire, correspondant aux sommes dues au titre de la part collectivité et des travaux entrepris, mais sans contrôle approfondi, l’autorité organisatrice a donné quitus à son délégataire pour une gestion qui avait encore 10 mois à courir, sans attendre un état des lieux et un état des comptes, qui ne devrait être établi qu’a posteriori.

Le même type de protocole transactionnel a été conclu entre le SIAEAG et la Générale des eaux.

Face à un titulaire de plusieurs marchés publics souhaitant cesser l’exécution des prestations car elle considère que l’équilibre économique du contrat est à son détriment, la personne publique est en situation de vérifier l’exécution des prestations, la qualité des services, d’exiger qu’un protocole d’accord garantisse la pérennité du service à l’issue du départ du prestataire et un dédommagement financier.

En signant ces protocoles transactionnels libérant la Générale des eaux de toute obligation, les autorités organisatrices ont montré une légèreté coupable, légèreté d’autant plus inexplicable que la reprise des prestations sous forme de régie n’a pas été anticipée de manière convenable.

Comme le détaille Espelia, « le départ de la Générale des Eaux Guadeloupe (Veolia) a également grandement participé à la fragilisation des services d’eau et d’assainissement. En effet, au-delà des conditions de départ de cet opérateur historique dont les modalités sont détaillées ci-après, ce retrait a abouti à la reprise en gestion publique « forcée » et en urgence de ces services sur une large partie du territoire guadeloupéen. Ce fut ainsi le cas sur le périmètre du SIAEAG (Régie à simple autonomie financière), de Cap Excellence (Régie « Eau d’Excellence ») et de la CANGT (Régie « RéNoC »).

« Si la mixité des modes de gestion mise en évidence à l’échelle des périmètres des nouvelles autorités organisatrices peut s’avérer vertueuse (ex : mise en concurrence saine entre différents opérateurs, adaptation des objectifs du service aux spécificités du territoire, etc.), elle présuppose pour autant que les autorités organisatrices soient dotées des moyens de contrôle et de suivi de ces opérateurs mais également d’une capacité à définir une ligne directrice et des objectifs clairs quel que soit le mode de production du service. La mise en parallèle des périmètres des opérateurs et des territoires administratifs permet ainsi de montrer que leurs contours ne se superposent pas, ce qui complique d’autant la mise en œuvre de projets de service à l’échelle des autorités organisatrices. » ([639])

La commission d’enquête a recueilli des témoignages présentant des faits de pressions sur des élus, ou des allégations de corruption. Cependant, les investigations destinées à trouver des éléments factuels pouvant corroborer ces déclarations n’ont pas permis de dégager des éléments de preuve. Cependant, elle a également entendu comment des élus intéressés à l’affaire – salariés de la Générale des eaux de Guadeloupe – ont pris part à des votes cruciaux, en violation des règles d’éthique prévue par le code pénal, ce qui montre une certaine proximité entre certains élus, certains représentants de l’État et les responsables de la Générale des eaux. Ces faits sont aujourd’hui atteints par la prescription, de trois ans à cette époque.

L’incapacité des nouvelles régies à remettre en place un système d’eau et d’assainissement performants

Face à la situation dégradée qui a justifié le retrait de la Générale des eaux, les élus ont surestimé leur capacité à rétablir la situation par la mise en place de régies.

Les transformations organisationnelles ont été rapides et importantes, dont la reprise du personnel. Les autorités organisatrices ont dû se réorganiser pour accueillir des agents en nombre. Le SIAEAG a vu ainsi ses effectifs augmenter de 100 agents (de 30 à environ 130), Cap Excellence de 95 et la régie de CANGT de 61 agents. Les modalités de ce transfert rapide, plus ou moins bien accompagné en termes de gestion des ressources humaines, ont laissé des séquelles. La perspective d’une réorganisation en cas de création d’une structure unique a été source d’inquiétude pour les personnels même si à la CANGT, le transfert semble avoir été géré de façon satisfaisante. Cette reprise a, de plus, alourdi les charges en obligeant les autorités organisatrices à se doter de moyens de gestion des ressources humaines (payes, etc.), dont elles ne disposaient pas.

Les autorités organisatrices ont été tenues de reprendre la gestion de la facturation dans des conditions défavorables : difficultés logicielles, bases de données d’abonnés non à jour, retard des facturations, nombreuses erreurs… Ainsi, en dépit d’une proportion de personnels largement supérieure à la moyenne, la majorité des exploitants connaît un retard de facturation de plusieurs mois, pouvant aller jusqu’à deux ans. La situation se redresse progressivement mais seulement sur certains secteurs (Cap Excellence, CANGT). Cette situation n’a pas favorisé le consentement à payer de la part de l’usager qui souvent ne comprend pas ces retards et n’est plus en mesure de savoir ce qu’il a consommé. À ceci s’ajoute la difficulté d’adresser correctement les factures quand les personnes ont déménagé. Ceci contribue à expliquer le faible taux de recouvrement constaté et complique structurellement l’action des opérateurs.

La reprise de l’exploitation a été complexe pour les collectivités concernées qui ont eu à faire face à des revendications sociales et ont hérité d’un service d’exploitation déficient (facturations non faites, fichiers abonnés non fiables).

Le diagnostic transversal du cabinet Espelia exposait ainsi « cette recomposition en profondeur et sur un laps de temps particulièrement réduit de la carte intercommunale agit comme un catalyseur des difficultés historiques rencontrées par le territoire ».

Le recours massif des usagers à la Médiation de l’eau traduit cette incompréhension. Cette initiative permet, en effet, de mieux expliquer les factures et d’obtenir, à l’amiable, de meilleurs règlements.

La désorganisation des échanges nécessaires à la distribution de l’eau

Du fait de la distribution inégale des ressources en eau, l’alimentation en eau potable repose sur un réseau interconnecté, où les autorités organisatrices déficitaires achètent de l’eau en gros aux fournisseurs disposant de ressources abondantes à Basse-Terre.

Or, La Générale des eaux assurait alors la gestion et la mutualisation de la ressource en eau sur tout le secteur interconnecté. Dans une certaine mesure, elle jouait le rôle de gestionnaire unique de la production et du transport de l’eau potable sur cette partie de la Guadeloupe. Comme le décrit M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du SIAEAG, « La mise en réseau qu’effectuait la Générale des eaux permettait de "jongler" sur le réseau » ([640]).

La conception d’un réseau interconnecté justifiait une approche solidaire et centralisée de la gestion de l’eau, comme l’explique l’ancien préfet M. Philippe Gustin : « Une telle conception du réseau implique une parfaite solidarité entre les territoires. En réalité, l’organisation de la gestion du service public de l’eau s’est longtemps ressentie des relations tendues entre ceux qui estimaient posséder la ressource et ceux qui la consommaient. Un rapport des inspections générales de juillet 2018 reconnaît la bonne conception d’origine du réseau, mais le fonctionnement et la répartition des différents opérateurs ont abouti au fait que ceux qui manquaient d’eau en achetaient à ceux qui la détenaient sans pour autant la leur payer. Les conditions de la défaillance généralisée du service, en particulier ces dernières années, se trouvaient dès lors réunies. » ([641]).

Or lorsque chaque territoire a repris la gestion en régie, les différents gestionnaires ont joué largement leur carte : « Je crois comprendre qu’il était plus simple pour elle de payer l’eau sur la base d’un prix fixé par le tribunal. L’eau lui était vendue à 0,80 centime d’euros le mètre cube. Le tribunal, en référé provision, a acté le prix de l’eau à 0,35 centime d’euros. Elle nous imposait donc une action juridique systématique, et elle payait l’eau à 0,35 centime d’euros. » ([642])

Profitant de l’absence de formalisation des prix de fourniture de l’eau en gros, les producteurs ont relevé unilatéralement les prix, afin de trouver des recettes sans affecter le prix de l’eau pour leurs usagers.

Dès 2012, la chambre régionale des comptes observait le manque de formalisation des conditions contractuelles de vente de l’eau en gros : « S’agissant de la vente d’eau en gros, une clarification des relations financières du SIAEAG avec les collectivités clientes est absolument nécessaire pour tracer une perspective crédible en termes d’investissements et de soutenabilité financière du développement de l’activité » ([643]).

Face à cette situation, les acheteurs ont cessé de régler leurs factures, obligeant les fournisseurs à se retourner devant les tribunaux pour en obtenir le paiement : « Malgré nos diverses tentatives (mensuelles, trimestrielles, etc.), il nous restait toujours des restes à percevoir très importants. Nous livrions à Cap Excellence entre 12 et 15 millions d’euros de volumes financiers d’eau distribuée par an, et nous terminions régulièrement l’année avec un montant résiduel de 910 millions d’euros. Avec Grand Sud Caraïbes, nous parvenions à recouvrir une partie des dettes grâce à l’intervention du préfet. Nous ne nous trouvons pas dans le même cas de figure avec Cap excellence et Eau d’excellence : le paiement s’effectuait, mais il était difficile et retardé. » ([644])

Cette absence de paiement régulier des factures entre opérateurs a également concerné le paiement des redevances perçues par ces opérateurs au profit de l’État et des personnes publiques comme l’office de l’eau : « En termes de ressources budgétaires, le non règlement de la facturation a un impact direct sur les ressources de l’office. À ce jour, 22 millions d’euros de créances, essentiellement dues par le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), doivent être recouvrées. L’office a mis en place des procédures auprès de la chambre régionale des comptes pour obtenir le règlement de ces créances. Nous avons obtenu un jugement favorable au cours de l’année 2020. Les créances du SIAEAG ont été majorées avec des pénalités de retard. Actuellement, nous mettons en œuvre une procédure de référé provision pour sécuriser la créance. À l’annonce de la création de la structure unique, nous craignons en effet que ces créances soient effacées, ce qui nous causerait un réel préjudice. » ([645])

Au total, la tentation de maximiser ses profits au détriment des territoires voisins a contribué à la désorganisation de l’alimentation en eau et à la multiplication des « tours d’eau », c’est-à-dire des coupures temporaires et programmées.

Plusieurs personnes auditionnées ont utilisé le terme de « balkanisation » pour qualifier la distribution de l’eau en Guadeloupe à cette période. Le rapporteur ne peut que le reprendre à son compte.

Le maintien de la défiance envers les autorités organisatrices

La continuité de l’approvisionnement en eau est affectée par des coupures d’eau fréquentes sur l’ensemble du territoire. Causées par des casses, des travaux ou encore des pénuries ponctuelles, elles affectent de façon aléatoire l’ensemble du territoire même si certaines zones y sont plus sujettes en raison de la vétusté de leur réseau.

À ces coupures aléatoires s’ajoutent des coupures planifiées sous la forme de tours d’eau. D’une durée de 12 à 24 heures selon les zones, elles s’inscrivent dans une logique de planification et de solidarité entre les usagers. Le programme des tours d’eau pour la semaine du 11 au 17 janvier 2021 faisait ainsi apparaître une coupure tous les trois jours, alternativement, dans les communes situées autour du feeder Belle-Eau-Cadeau.

Conséquence du maintien des tours d’eau, les usagers restent insatisfaits du service rendu, et se plaignent d’un service aléatoire dans sa continuité comme dans sa facturation.

De plus les tours d’eau, annoncés normalement sur Internet, ne sont pas toujours respectés.

Les problèmes de facturation continuent : le rapporteur a été saisi de factures aberrantes, notamment pour des usagers qui ne disposent pas quotidiennement de l’eau courante, sans doute conséquence de compteurs dysfonctionnant ou connaissant des fuites.

Une performance des réseaux toujours médiocre

À partir de 2014, l’office de l’eau a constaté une augmentation régulière du volume d’eau prélevé dans le milieu naturel (de l’ordre de 2 % par an), passant ainsi de 86,7 millions de mètres cubes en 2014 à 94,4 millions en 2018 ([646]).

Cette augmentation est fortement corrélée à celle des prélèvements pour la production d’eau potable, bien que dans le même temps la population guadeloupéenne n’ait cessé de diminuer : 18 900 habitants de moins entre les 1er janvier 2014 et 2019. Ces volumes d’eau supplémentaires sont en réalité prélevés pour tenter de compenser les pertes d’un réseau de distribution défaillant.

L’indice de connaissance et de gestion patrimoniale des réseaux d’eau potable est un indicateur noté sur 120 points. Il évalue notamment le niveau de connaissance du réseau et de ses branchements ainsi que l’existence d’une stratégie de renouvellement. La moyenne de cet indicateur sur la Guadeloupe est en 2018 de 31 points, alors que la moyenne nationale en 2017 était de 96 points, selon le dernier rapport annuel SISPEA de 2017.

En 2018, 78,3 millions de mètres cubes d’eau potable ont été mis en distribution sur l’ensemble de la Guadeloupe. Sur ce volume total, seulement 39 % de l’eau (30,5 millions) a été consommée par la population.

Part consommée et part perdue sur le volume d’eau mis en distribution à l’Échelle de la Guadeloupe

Source : Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence entre le volume mis en distribution et le volume réellement consommé :

– l’existence de nombreuses fuites sur les réseaux de distribution d’eau potable ;

– la vétusté de certains compteurs qui sous-estiment les volumes ou ne les comptent plus ;

– l’existence de piquages clandestins sur le réseau : selon M. Amélius Hernandez, président du SIAEAG de 1997 à 2014, « à certains moments, les conseillers généraux, en lien avec le prestataire Générale des eaux, ont pu permettre l’installation de canalisations qui n’étaient même pas référencées, pour les électeurs de tous bords. Les installations de canalisations et de compteurs étaient gratuites à l’époque. » ([647])

Taux de perte sur le rÉseau de distribution d’eau potable en 2018

Source : Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

Le taux de perte moyen à l’échelle de la Guadeloupe est de 61 % en 2018.

La distribution de l’eau potable en Guadeloupe est donc placée dans un cercle vicieux depuis plus de cinq ans :

– un service médiocre et intermittent qui n’encourage pas les usagers à régler volontairement leurs factures d’eau ;

– l’absence de recettes qui met en péril les finances des autorités organisatrices ;

– une situation de quasi-faillite qui les empêche de faire les investissements dans les réseaux ;

– une dégradation de l’état des réseaux qui explique les pertes et la nécessité de recourir aux tours d’eau ;

– la colère des usagers qui ne trouve pas de réponse. Ceux-ci ont été contraints d’investir dans des citernes et des réservoirs, avec des coûts parfois importants, pour faire face à la défaillance d’un service public essentiel.

Face À ce dÉRÈglement, Une coupable absence de rÉaction

Des équipements inadaptés

La délégation de la commission d’enquête a constaté nombre de mauvais choix d’équipements qui lui ont été présentés lors de visites sur le terrain.

Des choix de matériaux ont été réalisés et sont mis en accusation dans la défaillance des réseaux.

Ainsi, plusieurs auditionnés ont mis en cause le choix d’utiliser des canalisations en polyéthylène haute densité (PEHD), qui sera inadapté à la géologie et aux conditions climatiques de la Guadeloupe. Selon M. Harry Placide, directeur des régies RENOC, « 96 % des fuites sont sur des branchements sur notre territoire. Nous faisons face au phénomène de détimbrage : vieillissement prématuré du polyéthylène haute densité (PEHD) qui a été posé pendant une vingtaine d’années. Cette dégradation du matériau est une combinaison des facteurs climat, la température de l’eau supérieure à 22°C, la pression supérieure à 4 bars et le taux de chlore élevé depuis le passage en Plan Vigipirate. Ainsi, alors que leur durée de vie affichée est de 25 ans, en réalité, ces matériaux occasionnent des fuites au bout de simplement 5 ans. » ([648]).

Par ailleurs, des équipements ont été vendus avec des choix de technologies inadaptés, telles que l’usine de Belin et la station d’épuration de Lalanne à Port-Louis, pour lesquels l’ancien gestionnaire, le Syndicat mixte du Nord Grande-Terre (SMNGT) a retenu des choix inadaptés au contexte et au climat.

Pour l’usine de production d’eau potable de Belin, le syndicat aurait suivi les conseils de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF), qui assurait à l’époque des missions d’accompagnement et de maîtrise d’œuvre pour le SMNGT. L’usine n’ayant jamais fonctionné telle que prévu, elle n’a jamais été réceptionnée.

Pour la station d’épuration des eaux usées de Port-Louis, ce sont le maître d’ouvrage délégué (SEMSAMAR) et le maître d’œuvre (Société SAFEGE) qui ont proposé une technologie non adaptée aux effluents et à la zone de rejet. Aussi, l’entreprise choisie avait une expérience limitée en matière de filtration membranaire.

Le syndicat ne disposait pas des services techniques et d’expertise qui lui aurait permis de faire des choix éclairés. En outre, il semble que la taille des équipements ait été surdimensionnée pour satisfaire les objectifs de développement touristique des élus.

La commission d’enquête constate ainsi que l’absence d’expertise et de moyens techniques propres par les autorités organisatrices a conduit à des retards et du gaspillage d’argent public, alors que la situation de la distribution d’eau potable est de plus en plus en tension.

L’absence de réaction des élus et de l’État

La dégradation du service d’eau potable n’a pas eu lieu en quelques mois. Face à l’urgence de la situation, face au constat que les autorités organisatrices ne disposaient pas des moyens financiers nécessaires pour faire les travaux en urgence afin de limiter les pertes dans le réseau, le rapporteur constate que personne n’a voulu prendre la mesure du problème et les mesures qui s’imposaient.

Des autorités organisatrices qui ne se sont pas dotées des moyens de contrôler l’action des prestataires privés

Les élus portent une part de responsabilité : la commission d’enquête a ainsi été surprise par le manque de connaissance exacte, de la part d’élus ou d’anciens élus en charge de la gestion de l’eau, des responsabilités exactes incombant au déléguant et au délégataire dans l’entretien et le renouvellement des réseaux. Certains élus et anciens élus, membres des conseils des syndicats gestionnaires de l’eau, ont ainsi prétendu ne pas avoir eu connaissance des contrats qui ont dû être préalablement approuvés par les instances dirigeantes et être conservés dans les archives du syndicat ([649]). Le contrôle de l’action d’un cocontractant suppose pourtant de prendre connaissance des engagements réciproques contenus dans les documents contractuels.

D’une manière générale, les autorités organisatrices ne se sont pas dotées des compétences, notamment en cadres et ingénieurs de catégorie A, à même de juger des actions et des préconisations de leurs prestataires et notamment des délégataires. Ce constat est d’autant plus dérangeant que le poids surdimensionné de leur masse salariale fait l’objet de rapports récurrents, notamment de la part de la chambre régionale des comptes.

Un État qui n’a pas écouté les signaux de la dégradation du service et qui a failli dans son rôle de conseil des collectivités territoriales

Les représentants de l’État sur place ne pouvaient pas ne pas être au courant des difficultés rencontrées par des autorités organisatrices ne disposant plus des moyens nécessaires pour payer leurs agents et leurs fournisseurs et pour fournir un service d’eau de qualité. Dès 2013, les représentants de l’État sur place et à Paris auraient été prévenus de la dégradation du système, imputée alors au délégataire ([650]). Ils auraient pourtant dissuadé les responsables du SIAEAG d’entreprendre quoi que ce soit contre leur délégataire, la Générale des eaux, sans que la commission d’enquête puisse retrouver des éléments prouvant que de telles pressions aient bien eu lieu.

Le rôle de l’État ne peut être de se substituer aux autorités locales élues – comme l’a rappelé M. le ministre des Outre-mer, « Les préfets peuvent intervenir par voie d’arrêté en vertu de leur pouvoir de police, selon une procédure très encadrée par le juge, mais l’exercice des missions de service public décentralisées relève du bloc communal – communes ou intercommunalités, qui peuvent le déléguer à un syndicat –, responsable de sa gestion devant les électeurs, les usagers du service public et les contribuables. » ([651]).

De la même manière, l’État ne peut réquisitionner des opérateurs hors situation d’urgence : « Juridiquement, il convient de justifier d’une réquisition, c’est-à-dire d’une intervention de l’État, par le truchement du préfet, dans un champ de compétence qui ne lui incombe pas. Il faut donc qu’une urgence ponctuelle se présente, ce qui n’est pas le cas quand des problèmes persistent de façon pérenne. Sinon, une telle intervention reviendrait à retirer la compétence de l’assainissement aux collectivités, au mépris de la loi. » ([652]).

Cependant, l’État reste responsable de garantir la santé et la salubrité publiques, qui ne le sont plus lorsque l’eau n’est plus distribuée régulièrement et que l’assainissement n’est pas assuré.

Les services de l’État, et notamment la direction départementale de l’agriculture et des forêts, a longtemps été le pôle d’expertise auquel les autorités organisatrices ont fait confiance pour juger de la pertinence des solutions techniques et des investissements proposés par des acteurs privés. Or il apparaît que plus d’une fois, comme lors de la création de la station d’épuration de Petit-Bourg, ces avis ont conduit à des fiascos, par application de technologies à la fois chères et inadaptées.

Enfin, l’État reste responsable de la mise en application des directives européennes prescrivant la restauration d’un bon état général des eaux de surface et souterraines.

Or la Commission européenne a annoncé le 9 juin 2021 son intention de saisir la Cour de justice d’un recours pour non-respect des exigences de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ([653]), qui impose aux pays de l’Union européenne de collecter et traiter leurs eaux usées de manière appropriée ([654]).

Cette procédure contre la France a débuté en octobre 2017 : la Commission a estimé sur la base des données fournies en 2016 que 364 stations d’épuration ne respectaient par les exigences de la directive. Après une période d’échanges avec la Commission et quelques progrès, 169 n’étaient toujours pas adéquates fin 2019. La Commission a alors adressé à la France un avis motivé en mai dernier. Depuis, la liste s’est réduite mais 100 agglomérations de plus de 2 000 équivalents habitant restent sous la menace de sanctions. « Quinze de ces agglomérations ne satisfont pas non plus à d’autres exigences de la directive relatives à la protection des zones sensibles contre les nutriments », pointe également la Commission. « Dans ces zones, les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte ne sont pas soumises à un traitement plus rigoureux avant d’être rejetées ou, lorsqu’elles le sont, elles n’atteignent toujours pas le niveau d’exigence requis par la directive ».

Les mesures palliatives mises en œuvre

Plus qu’un plan d’ensemble, se sont succédées des mesures largement palliatives.

Le Plan de sécurisation de l’alimentation en eau potable (PSAEP)

Face à l’urgence, un Plan de sécurisation de l’alimentation en eau potable a été lancé par la préfecture en 2014 afin de permettre la réalisation des travaux les plus nécessaires. Les opérations ont été classées par ordre de priorité (« urgent 1 », « urgent 2 », « important » et « court terme ») pour un montant total prévisionnel de 93,7 millions d’euros.

Le volet guadeloupéen du Plan Eau DOM

Afin de mettre en place des investissements de plus long terme, le Plan d’action interministériel pour les services d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, Mayotte et Saint-Martin, dit « Plan Eau DOM », a été lancé en 2016. Il est mis en œuvre au niveau de chaque territoire par la conférence régionale de l’eau, au moyen d’appels à projets. La contractualisation entre les financeurs et la collectivité de gestion prend la forme d’un contrat de progrès.

La conférence régionale de l’eau pour la Guadeloupe regroupe notamment la région, le département, les services de l’État, l’office de l’eau, la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence française de développement et l’agence régionale de santé. Elle a arrêté son document stratégique en 2016.

Validé le 27 septembre 2016 par la conférence régionale des acteurs de l’eau, ce document définit quatre orientations stratégiques sur cinq ans :

– restaurer les capacités financières des services publics de l’eau et de l’assainissement ;

– redéfinir les priorités techniques pour offrir un service public de l’eau potable et de l’assainissement de qualité et durable ;

– accompagner les investissements lourds en eau et assainissement de manière ciblée, en lien avec la mise en œuvre effective des actions de renforcement des capacités financières et techniques des services ;

– mieux intégrer les politiques d’eau potable et d’assainissement dans les grands enjeux de développement du territoire.

Le plan d’actions prioritaires

En 2018, un Plan d’actions prioritaires (PAP) a aussi été élaboré par l’État, la région, le département et les collectivités locales. Il est doté d’un budget de 71 millions d’euros dont 36 millions d’euros provenant de l’État, de la région et du département, 30 millions d’euros issus du Fonds européen de développement régional et 5 millions d’euros versés par les établissements publics de coopération intercommunale. Il finance 38 projets, consacrés en priorité au renouvellement des réseaux afin de mettre fin aux pénuries.

Le Plan Eau Guadeloupe 2022 (PEG22)

Enfin, une mission interministérielle chargée d’évaluer la situation de la gestion de l’eau potable en Guadeloupe, s’appuyant sur les solutions déjà proposées, a défini dans son rapport d’audit de mai 2018 un plan d’actions pour l’eau, le Plan Eau Guadeloupe 2022 (PEG 2022).

Ce plan PEG22, décrit dans le rapport des inspections rendu en 2018, propose les axes suivants :

– le rétablissement rapide de l’accès à l’eau potable pour tous et la mise en œuvre des travaux les plus urgents avec comme objectif l’abandon des tours d’eau ;

– l’orientation vers une gestion durable des services publics d’eau potable ;

– la clarification de l’organisation de l’eau par la création d’une nouvelle structure en remplacement du SIAEAG ;

– l’amélioration des performances des services d’eau potable, notamment dans le cadre du renforcement de l’efficacité du Plan Eau DOM ;

– l’actualisation des schémas directeurs d’alimentation en eau potable.

Les mesures d’urgence prises en 2020 en lien avec la préfecture et les collectivités territoriales

En 2020, la crise sanitaire a aggravé les carences du système. Elle a aussi fait augmenter la demande en eau. Aussi le préfet a-t-il pris des mesures d’urgence – « opération coup de poing » avec le concours des collectivités territoriales. Des points de distribution d’eau par citernes ou en bouteilles ont été ouverts. L’expertise de Karuker’O, filiale de Suez, a été réquisitionnée pour rechercher les fuites et conduire des travaux en urgence ; 3 800 dysfonctionnements ont ainsi été réparés.

Comme l’a indiqué le préfet, « Au titre du plan d’urgence, nous avons ainsi octroyé à la région Guadeloupe 3,2 millions d’euros, provenant des crédits du plan de relance, sur les 4,6 qu’elle consacrera à la poursuite des travaux lancés lors de la réquisition ordonnée par mon prédécesseur. Ces travaux ont pris fin le 18 décembre dernier. » ([655]).

L’impossibilité de la mise en place d’un plan Orsec dans le cadre juridique actuel

La planification de l’organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) a pour objet de secourir les personnes, de protéger les biens et l’environnement en situation d’urgence. Il permet une mise en œuvre rapide et efficace de tous les moyens nécessaires sous l’autorité du préfet. Depuis l’adoption de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, désormais repris dans le code de la sécurité intérieure, le dispositif Orsec se décline aux niveaux départemental, zonal et maritime.

L. 742-2 du code de la sécurité intérieure prévoit ainsi qu’« en cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’État dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. »

Ce dispositif prévoit :

– des dispositions générales applicables en toutes circonstances,

– des dispositions propres à certains risques particuliers ou liées au fonctionnement d’installations déterminées (plans particuliers d’intervention notamment).

Une instruction interministérielle du 19 juin 2017 ([656]) a ainsi demandé aux préfets d’élaborer, avant le 31 décembre 2020, des plans Orsec eau potable pour faire face à des « ruptures qualitatives ou quantitatives » de l’approvisionnement en eau potable des populations. Cette instruction et le guide d’élaboration des plans qu’elle introduit visent à « définir les principes d’organisation de l’approvisionnement en eau potable des populations, en pourvoyant à ses besoins prioritaires ». Cette organisation doit être mise en œuvre, lorsque la fourniture d’eau n’est plus possible, pour des raisons qualitatives ou quantitatives, « quel que soit l’événement qui en est la cause ». Ces plans ne traitent toutefois pas des modalités de gestion des « situations classiques de problèmes qualitatifs de l’eau potable ».

Afin d’assurer la continuité de l’approvisionnement en eau, le dispositif doit en premier lieu permettre d’évaluer les risques de perturbations. Ce qui passe par une bonne connaissance des évènements susceptibles de se produire, des installations (production, stockage, distribution) et de leur vulnérabilité face à ces événements, ainsi que des usagers impactés.

Le plan doit permettre ensuite d’organiser la situation de crise. Cette deuxième étape est constituée de quatre points : le signalement d’un événement, l’évaluation de la situation, les différentes modalités de gestion de la perturbation, les modalités de retour à la normale.

En ce qui concerne les modalités de gestion de crise proprement dite, les plans doivent prévoir les modalités d’information de la population, la sécurisation du réseau d’adduction d’eau (possibilités d’interconnexion à un autre réseau, mobilisation exceptionnelle des ressources autorisées ou de ressources de secours, rationalisation des usages), les moyens de garantir la continuité d’approvisionnement par des moyens de substitution (eau embouteillée, eau ensachée, unités mobiles de traitement, camions citernes), la désinfection de l’eau à domicile par les usagers, voire la distribution d’eau non potable.

Le plan Orsec eau potable doit être intégré dans le plan Orsec départemental, et joint aux dispositions relatives au rétablissement et approvisionnement d’urgence des réseaux électricité, communications électroniques, eau, gaz, hydrocarbures (Retap Réseaux).

Face à la situation actuelle et à des mouvements sociaux ayant conduit les agents du SIAEAG à interrompre la distribution d’eau potable, certains élus ont appelé l’État à mettre en place un plan Orsec eau potable en Guadeloupe.

Cependant, en répondant à un recours déposé par des particuliers ([657]), le Conseil d’État a d’ores et déjà eu l’occasion de préciser que « le plan ORSEC constitue un dispositif destiné à être déclenché lors d’un évènement soudain et d’ampleur affectant, en l’espèce, la distribution de l’eau potable. Or, il résulte de l’instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe que la situation fortement dégradée de l’approvisionnement et de la distribution en eau en Guadeloupe constitue une situation de fait due à la dégradation des réseaux, qui perdure depuis de nombreuses années. Dès lors, pour regrettable et préoccupante que soit cette situation, elle ne relève pas, en tout état de cause, "d’un accident, d’un sinistre ou d’une catastrophe" au sens de l’article L. 742-2 précité du code de la sécurité intérieure » pour juger que ces dispositions « ne sauraient justifier que soit ordonné au préfet de la Guadeloupe de déclencher le plan ORSEC "eau" départemental ».

Aussi, en complément de la proposition visant à créer une procédure de carence de l’exercice des compétences obligatoires en matière d’eau et d’assainissement permettant au préfet de se substituer totalement à une collectivité locale défaillante, le rapporteur souhaite que les dispositions permettant le déclenchement du plan Orsec prennent également en compte les situations d’urgence sanitaire ou les circonstances sanitaires exceptionnelles aux cotés des cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe.

Proposition n° 66 : Aux côtés des cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe, prévoir que l’urgence sanitaire, notamment liée à la défaillance de la distribution de l’eau, justifie la planification et le déclenchement du plan Orsec et les réquisitions des moyens nécessaires.

La nÉCESSITÉ de prendre en charge la restauration du rÉseau d’eau et la mise en place d’un assainissement efficace par une autoritÉ unique soutenue par l’État

Les prestations servies aux usagers guadeloupéens du service public de l’eau ont de multiples conséquences sociales, économiques et environnementales.

Enfin, l’état critique du réseau et des infrastructures est aussi source d’atteintes à l’environnement, les pertes en eau épuisant sans raison le milieu aquatique et des stations d’assainissement mal entretenues émettant des rejets polluants.

Cette situation résulte, pour partie au moins, des défaillances des infrastructures et de l’organisation des services d’eau potable et d’assainissement. La lassitude et la colère légitimes suscitées par les dysfonctionnements ne sont pas étrangères aux impayés qui mettent à mal l’équilibre économique des structures en charge de la gestion du réseau. Elles n’ont actuellement pas la capacité de financer les investissements indispensables.

Face à l’urgence de la situation, tous les acteurs s’accordent sur la nécessité d’une solution rapide. Pour les Guadeloupéens, pour les usagers comme pour les élus locaux, il n’y a qu’une seule exigence : que l’eau coule normalement.

Plusieurs défis sont donc à relever par une autorité organisatrice unique, dont la mise en place est prévue le 1er septembre prochain.

Un impact notable sur l’activité économique

Le secteur agricole, le tourisme, l’économie dans son ensemble sont affectés, de même que les services publics et la vie en collectivité, avec des conséquences néfastes encore aggravées par la crise sanitaire internationale : « En 2018, nous avons comptabilisé 117 jours de coupure et, en 2019, un peu plus de 100. Dans ces conditions, l’entrepreneur ne peut plus assumer ses obligations. Ces coupures sont reconnues comme des dommages subis par l’entreprise, or tout dommage doit être en principe réparé. » ([658])

Les difficultés d’approvisionnement en eau potable se répercutent sur le réseau d’eau agricole, mis à contribution : « Le réseau d’eau agricole, récent, date de 1993 ou 1994. En bon état, il pose d’autant moins de problèmes que 80 % des agriculteurs ont renoncé à l’aspersion pour irriguer leurs terres au goutte-à-goutte. Ce réseau, construit grâce au fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), ne bénéficie cependant pas réellement au monde agricole. Nous utilisons 12 % de l’eau captée par les barrages, dont 85 % est potable » ([659]) .

La mise en place d’un syndicat unique, condition d’un retour à une approche stratégique mutualisée et planifiée

L’idée que la gestion de la distribution de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe nécessite une structure unifiée n’est pas neuve.

Le protocole d’accord signé le 4 mars 2009 entre le collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) d’une part, l’État, la région, le département et l’association des maires d’autre part, prévoyait une baisse de 3 à 10 % du prix de l’eau et la création d’un syndicat unique de gestion de l’eau « avant la fin de 2009 ».

Depuis 2014, des discussions ont régulièrement lieu « entre les différents acteurs du territoire sur la faisabilité de la mise en place d’une structure unique de l’eau en Guadeloupe ». Afin d’impliquer le plus grand nombre d’acteurs locaux, la forme retenue pour cette structure unique était systématiquement celle du syndicat mixte dit « ouvert », qui associe des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales et d’autres personnes morales de droit public, selon un régime juridique ad hoc (articles L. 5721-1 à L. 5722-9 du code général des collectivités territoriales). Cependant, sa création ne peut provenir que d’un accord unanime de ses membres.

Une première ébauche de concrétisation de cette structure avait pris forme, à l’initiative d’un groupe de travail mené par le sous-préfet de Pointe-à-Pitre en 2015. Les travaux de ce groupe avaient permis l’élaboration de projets de statuts présentés à la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) au mois d’octobre 2015.

Cette initiative n’ayant pas prospéré, la pertinence d’une unification de la gestion n’en est pas moins restée un objet de discussion entre les acteurs concernés. La CTAP du 28 mai 2019 a ainsi été l’occasion pour les élus locaux de renouveler leur accord de principe à la création « d’une autorité organisatrice unique en charge de l’eau et de l’assainissement sur l’ensemble du territoire guadeloupéen, sous la forme d’un syndicat mixte ouvert ».

Les compétences du syndicat mixte lui auraient été transférées en deux temps par les membres :

- dans un premier temps, les blocs de compétences relatifs aux actions pour la préservation de la ressource en eau, la production, adduction et distribution de l’eau potable, et l’assainissement collectif et non-collectif auraient été transférés au syndicat mixte dès sa création ; les compétences de « gestion des eaux pluviales urbaines » (GEPU) et « gestion des eaux et des milieux aquatiques et protection des inondations » (GEMAPI) auraient été transférées « dans un second temps ».

La création de ce syndicat mixte ouvert, initialement prévue au 1er janvier 2020, n’a néanmoins jamais eu lieu.

Ces échecs répétés n’ont pas entamé le consensus existant, sur le terrain, autour du principe de l’unification de la gestion. Une telle mesure remplirait un double objectif :

– pratique, en favorisant les économies d’échelle et les mutualisations de coût ;

– politique, en organisant la solidarité entre les territoires et en envoyant un signal politique fort aux usagers sur la reprise en main des services publics de l’eau et de l’assainissement.

Les modalités concrètes d’une telle unification n’ont néanmoins jamais emporté de consensus sur le terrain. Un nouveau projet de statuts a ainsi été établi au mois de décembre 2020 et adopté par le conseil régional, le conseil départemental et seulement quatre des cinq communautés d’agglomération, échouant à créer un accord suffisamment large sur ses termes, la communauté d’agglomération de Cap Excellence n’a pas adopté ce projet de statuts.

C’est pourquoi en adoptant la proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe n° 3669, déposé le 14 décembre 2020 par notre collègue Justine Bénin et les membres du groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés et conjointement au Sénat par M. Dominique Théophile, le Parlement a permis de dépasser ses querelles en créant, à compter du 1er septembre 2021, ce syndicat mixte.

Par ailleurs, celui-ci fonctionnera en associant la société civile et, singulièrement, les représentants des usagers. Pour que la solution proposée par cette exigeante proposition de loi soit viable, le syndicat unique doit être représentatif, avec les élus locaux, qui siégeront au sein du conseil syndical ; mais aussi avec les usagers, qui disposeront d’un droit de regard sur l’action de leurs élus et dont la parole sera indispensable pour que ce service public soit efficace.

Rétablir la confiance des usagers

La première mission de la gouvernance du syndicat mixte ouvert qui sera mis en place au 1er septembre 2021 sera de restaurer la confiance des Guadeloupéens envers la gestion de l’eau et de l’assainissement.

Pour cela, il conviendra, de renouveler les équipes dirigeantes, afin qu’une nouvelle génération puisse prendre en main la question de l’eau : « La Guadeloupe dispose de ressources humaines. Seulement, nous voyons à quoi a mené une gestion de l’eau toujours confiée aux mêmes personnes. Certaines s’en sont d’ailleurs retirées d’elles-mêmes. Il faut tirer les conclusions des défaillances, à la fois politiques et techniques, en vue de la préfiguration du SMO puis de la mise en place d’une gouvernance technique. » ([660]).

Par ailleurs, les rencontres faites par la délégation de la commission d’enquête ont montré qu’existent en Guadeloupe des agents, des techniciens et des ingénieurs de grande valeur, dont l’expérience et l’expertise n’ont pas toujours été écoutées par les élus. Il faudra que la nouvelle structure s’appuie sur ces compétences et les fasse progresser plutôt que d’avoir recours à une expertise extérieure qui n’a pas à assumer les conséquences de ses choix techniques.

Plusieurs auditionnés ont cependant reconnu que le nombre d’agents actuellement en poste dans les différentes autorités organisatrices, souvent intégrés à la suite du remplacement d’un délégataire par une régie, était supérieur et inadapté aux besoins et qu’un plan de départ volontaire, ainsi qu’un plan de gestion prévisionnelle des compétences, étaient nécessaires : « L’an dernier, environ 600 personnes travaillaient dans la gestion de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe. Il n’en faudrait, selon certaines études d’ailleurs financées par l’État, que 300 à 350. Cela n’implique pas qu’il faille du jour au lendemain supprimer les postes en trop. Certains agents m’ont impressionné par leur connaissance du réseau, acquise au fil de leur longue expérience. Il faudra donc veiller à préserver le savoir engrangé par le personnel des différents opérateurs. Les organisations syndicales sont partantes pour accompagner une partie des agents ayant suffisamment travaillé pour prendre leur retraite sans forcément y aspirer. Un plan de départ devra permettre, au cours des années à venir, d’atteindre un nombre d’employés cible, condition indispensable à l’efficacité du modèle économique à mettre en place. » ([661])

Dans ce cadre, il ne faudrait pas que la transition vers le syndicat mixte unique conduise à démanteler des équipes ayant à gérer la maintenance et le remplacement des équipements, ce qui ferait perdre un temps précieux dans la mise en œuvre du plan d’urgence. Aussi la proposition faite par le préfigurateur, visant à maintenir au sein du syndicat mixte ouvert, des établissements reprenant les régies existantes (Eau d’Excellence, RENOC) tout en mutualisant les fonctions support, apparaît comme la voie à suivre.

Proposition n° 67 : Maintenir, à titre transitoire, les équipes techniques de chaque régie existante au sein du syndicat mixte ouvert mis en place le 1er septembre 2021 en Guadeloupe, tout en mutualisant les fonctions stratégiques et de support.

Enfin, une fois que le plan d’urgence aura mis fin aux tours d’eau, il faudrait que les Guadeloupéens reprennent confiance dans l’équité et la justice de la contribution de tous à la facture d’eau.

Dans un premier temps, il faut que la mise en place d’une nouvelle autorité organisatrice au 1er septembre prochain et le rétablissement du service d’eau et d’assainissement solde les errements du passé.

À la demande du directeur régional des finances publiques, les autorités organisatrices existantes doivent procéder à un réexamen de leurs créances avant cette date. Si « Les comptes indiquent aujourd’hui une dette de 100 millions d’euros », dans les faits, il apparaît que personne ne connaît avec précision « quelle part des créances en cours est réellement recouvrable. Beaucoup, anciennes, prescrites, devraient être admises en non-valeur, mais les opérateurs s’y refusent, pour ne pas diminuer leur bilan. » ([662])

Cependant une fois admises en non-valeur ces factures d’eau prescrites ou non recouvrables, il reste encore beaucoup de factures en souffrance, certaines aberrantes, ou insupportables pour les foyers fragiles qui en sont débiteurs.

Pour rétablir la confiance des usagers, il convient de solder le passé et les errements constatés en annulant toutes les factures des usagers qui ne correspondent ni à une consommation normale, ni à leur capacité financière.

Proposition n° 68 : Annuler les factures d’eau anciennes non réglées à la date de création du syndicat mixte unique de l’eau en Guadeloupe lorsqu’elle qu’elles ne correspondent pas à une consommation normale ou à la capacité financière des usagers.

Pour cela, un plan visant, en même temps que de mettre à jour la connaissance du réseau, de remettre à niveau l’ensemble du parc de compteurs devrait être lancé. En ayant recours à la télémétrie, qui permettrait à chaque usager de connaître sa consommation en temps réel, on pourrait à la fois favoriser un usage économe et écologique de l’eau et le sentiment que régler sa facture d’eau est un geste civique car partagé par tous.

Proposition n° 69 : Engager un plan de renouvellement général des compteurs d’eau en Guadeloupe.

Faire bénéficier le nouveau syndicat unique d’une assistance technique et financière de l’État

Les organisations des différentes autorités organisatrices ne leur permettent pas aujourd’hui d’assurer convenablement la gestion quotidienne et les investissements nécessaires au renouvellement des réseaux.

L’État a eu un rôle dans la situation dans laquelle la distribution de l’eau et l’assainissement en Guadeloupe :

– en ne constatant pas les impérities de la comptabilité des différentes autorités organisatrices : ainsi, les différents rapports de la chambre régionale des comptes ont montré que la comptabilité des syndicats et régies était tenue de manière incorrecte ; ainsi, dans le cas du SIAEAG, les prestations d’assainissement n’étaient pas séparées dans une régie spécifique, faisant ainsi payer des prestations d’assainissement aux usagers de l’eau potable ([663]) ;

– en validant au titre du contrôle de légalité des pièces de marché et des avenants transactionnels qui contenaient des dispositions floues en termes de limites de la prestation et de responsabilités des cocontractants ;

– en fournissant une assistance technique soit inadaptée soit inexistante, alors que les autorités organisatrices ont dû faire face à des choix financiers et technologiques sans disposer des compétences nécessaires.

Comme le reconnaît le préfet, le syndicat mixte ouvert (SMO) ne pourra pas compter sur les seuls moyens existants dans les autorités organisatrices qu’il remplace et devra bénéficier d’une assistance de l’État : « L’État, à l’avenir, doit continuer de fournir un appui aux collectivités dans l’exercice de leurs compétences en eau et en assainissement. Concrètement, nous les accompagnons dans la constitution du SMO, techniquement et en matière d’ingénierie, mais aussi dans le financement des investissements que les EPCI, la région et le département souhaitent réaliser pour rénover les réseaux. Au titre du plan d’urgence, nous avons ainsi octroyé à la région Guadeloupe 3,2 millions d’euros, provenant des crédits du plan de relance, sur les 4,6 qu’elle consacrera à la poursuite des travaux lancés lors de la réquisition ordonnée par mon prédécesseur. » ([664])

Il est donc nécessaire que l’État prenne aujourd’hui ses responsabilités en fournissant une assistance technique pour que la planification stratégique du nouveau syndicat mixte ouvert soit mise en place en disposant de l’expertise adaptée à la distribution d’eau et à l’assainissement dans un climat tropical.

Cette assistance devra également être financière.

La question de l’avenir des dettes et des créances des opérateurs reste en suspens, malgré les déclarations des responsables de l’État.

Aux termes de la loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, « Les dettes financières des établissements publics de coopération intercommunale exerçant les compétences mentionnées au III et relatives aux investissements nécessaires à l’exercice de celles-ci sont transférées au Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe. Les autres dettes exigibles et les créances des établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au premier alinéa du présent IX ne sont pas transférées au syndicat mixte. »

Ainsi, le solde créditeur ou débiteur des dettes fournisseurs et du recouvrement des factures impayées des autorités organisatrices existantes ne seront pas transférées au syndicat mixte unique : la liquidation de ces structures devrait faire apparaître une dette, susceptible d’être transférée aux établissements publics de coopération intercommunale qui les ont créés. Si lors des débats sur la proposition de loi précitée, le ministre des Outre-mer, M. Sébastien Lecornu, a indiqué que « Les dettes fournisseurs représentent 44 millions d’euros, une somme considérable à l’échelle de la Guadeloupe » et « je vais demander à l’AFD et à la Caisse des dépôts de faire un tour de table par EPCI pour réussir à transformer la dette fournisseurs en dette bancaire » ([665]).

Selon le directeur régional des finances publiques, qui a demandé aux opérateurs de préciser à combien s’élevaient les dettes des collectivités et syndicats gestionnaires de l’eau en Guadeloupe, « Les comptes indiquent aujourd’hui une dette de 100 millions d’euros. Cependant, je ne sais quelle part des créances en cours est réellement recouvrable. Beaucoup, anciennes, prescrites, devraient être admises en non-valeur, mais les opérateurs s’y refusent, pour ne pas diminuer leur bilan. » ([666])

Cependant, le droit des collectivités territoriales et de leurs groupements interdit que l’emprunt vienne combler un déficit de la section de fonctionnement ou une insuffisance des ressources propres pour assurer l’amortissement de la dette. Il serait ainsi nécessaire que l’État autorise, par dérogation, à ce que des créances de fonctionnement soient prises en charge par un emprunt.

Il faudrait également que l’État fournisse une expertise pour analyser les comptes de liquidation des syndicats et des régies qui seront amenés à disparaître ou à être englobés dans le nouveau syndicat au 1er septembre prochain. Afin que la nouvelle autorité organisatrice puisse partir sur des bases saines, l’État pourrait examiner l’état des créances et des dettes, annuler celles qui sont irrécouvrables et solder le passif des gestions passées.

Proposition n° 70 : Faire apurer par l’État les comptes de liquidation des syndicats et régies afin que le nouveau syndicat mixte ouvert et les communautés d’agglomération n’aient pas à supporter les conséquences des gestions passées.

Planifier un effort d’investissement de manière pluriannuelle

Comme l’a expliqué M. Richard Samuel, chargé par le conseil régional de la préfiguration de la mise en place du syndicat mixte ouvert, une des premières tâches du syndicat consistera à conclure avec l’État un contrat de projet prévoyant un plan pluriannuel d’investissement et les moyens de son financement.

Plusieurs personnes auditionnées ont évoqué des chiffrages des investissements nécessaires pour remettre en place un réseau d’eau potable satisfaisant, mettre aux normes et déployer un réseau d’assainissement, supérieures au milliard d’euros, sans pouvoir en fournir le détail.

Avant même la mise en place du nouveau syndicat mixte ouvert, le rapporteur s’interroge sur l’absence d’une expertise globale qui aurait permis de chiffrer le coût de ces réparations et d’engager un plan prévisionnel pour mettre en œuvre ces investissements.

Comme le reconnaissait M. Jean-Louis Saint-Martin, président de Eaux’Nodis, « En principe, il faut renouveler chaque année entre 3 % et 5 % de la valeur patrimoniale du bien. En Guadeloupe, le réseau d’eau comprend plus de 3 000 kilomètres de canalisations. Il faudrait donc investir chaque année entre 100 et 150 millions d’euros pour maintenir le réseau dans son état actuel, sans même l’améliorer. Les investissements réalisés au cours des années écoulées étaient très loin de ce montant […] Pour assurer le renouvellement des canalisations au rythme que j’évoquais tout à l’heure, les collectivités devraient prélever 1,50 euro sur chaque mètre cube. Le montant à collecter doit résulter d’un calcul basé sur la taille du réseau et la part de celui-ci à renouveler annuellement. Les communes de Deshaies et Lamentin, qui n’arrivaient pas à collecter un montant suffisant, s’arrangeaient pour le compléter par diverses aides. Toutefois, même un soutien des collectivités majeures ne parvient pas forcément à compenser un prix de l’eau trop bas, ce qui explique la situation actuelle de certaines communes. » ([667]).

C’est ainsi que le rapport des inspections générales de 2018 estime que « sur la base d’un capital immobilisé initialement de l’ordre de 1 000 à 1 500 M €, c’est un minimum de 50 M € par an qu’il semble indispensable d’investir chaque année pour commencer à rattraper un peu le retard pris dans le renouvellement des investissements. » ([668]).

La loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe a prévu que les investissements nécessaires seront à la charge du syndicat, mais pourront aussi être financés par les collectivités membres, selon une clé de répartition qui ne pourra être écartée qu’à l’unanimité :

– la région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe contribuent chacun à hauteur de 25 % ;

– les contributions restantes sont réparties entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres au prorata du nombre d’abonnés situés dans leur périmètre géographique respectif, en distinguant les contributions dues au titre du service public de l’eau et celles dues au titre du service public de l’assainissement.

Les auditions des financeurs potentiels ont montré qu’une fois les conditions de sa solvabilité établies, le syndicat mixte ouvert pourra également bénéficier de prêts bonifiés par l’État ([669]).

Mais l’État ne pourra se contenter de débloquer des prêts : il importe ainsi au rapporteur de rappeler que l’investissement de l’État devra être à la hauteur des enjeux.

En outre, ces investissements ne pourront être réalisés que si une filière professionnelle s’élabore en Guadeloupe pour réaliser ses travaux, grâce à des entreprises guadeloupéennes et des Guadeloupéens formés à ces métiers : « Même en disposant de tout l’argent voulu, la nécessité de trouver des entreprises compétentes ne permettrait pas de consacrer plus de 60 millions d’euros par an à la remise en état du réseau d’eau en Guadeloupe. De fait, le plan d’actions prioritaires n’a mobilisé que 30 millions d’euros par an. À ce rythme, il faudrait près de trente ans avant d’arriver au bout du tunnel. » ([670])

Proposition n° 71 : Créer une filière de formation aux métiers de l’eau et utiliser les moyens de soutien à la création d’entreprises pour développer les métiers de l’eau en Guadeloupe.

Mettre en place un système d’assainissement préservant les milieux naturels

Les plans mis en place depuis 2014 se sont focalisés sur le retour d’une distribution fiable et continue de l’eau potable.

Cependant, le rapporteur alerte sur le fait que l’assainissement est d’ores et déjà un enjeu aussi important : il est ainsi nécessaire que le syndicat mixte unique développe son action sur ses deux aspects en parallèle : rétablir l’eau courante et mettre en place un système d’assainissement préservant les milieux naturels.

Aujourd’hui, seulement 44 % des habitants de la Guadeloupe vivent dans une zone raccordée à un système d’assainissement collectif.

Les stations de traitement des eaux usées sont caractérisées par leur capacité épuratoire, appelée « capacité nominale », qui correspond aux débits et aux charges d’effluents à traiter pour une utilisation maximum de l’installation. Elle est évaluée en équivalent-habitant (EH), qui est une unité de mesure se basant sur la quantité de pollution émise par une personne en un jour. En Guadeloupe, les stations d’épuration collectives sont réparties sur tout le territoire. Parmi celles-ci, 18 ont une capacité nominale supérieure ou égale à 2 000 équivalents habitants.

Chaque année, la conformité des principales stations de traitement est examinée par la DEAL, qui assure la police de l’eau en la matière. Les stations sont classées non conformes si elles ne respectent pas la réglementation nationale ou les prescriptions de leur autorisation préfectorale.

Pour l’année 2018, 67 % des stations de traitement de taille supérieure à 2 000 EH n’étaient pas conformes (contre 61 % en 2017). Cela représente 77 % du total des charges entrantes dans l’ensemble de ces stations. En 2018, l’âge moyen des stations de traitement des eaux usées était de 13 ans, alors que la durée de vie généralement admise pour ce type d’ouvrage, qui est de 30 à 40 ans.

Cette situation très dégradée est due, selon les cas, à des ouvrages de traitement hors service, à une exploitation défaillante, à des incidents ponctuels ou à la vétusté de certains ouvrages.

Ainsi, à Sainte-Rose, « Les stations sont vétustes et les mini-stations, pour la plupart construites dans des lotissements communaux, n’ont pas été entretenues et ont mal vieilli. Ainsi, aujourd’hui, elles ne traitent pas correctement la pollution. Les stations majeures fonctionnent certes en ce qui concerne l’aération, mais la clarification n’est pas optimale. Concernant la station d’épuration des eaux usées (STEP) de Nolivier, la collectivité a eu des difficultés à maintenir en état les outils de traitement. Aussi, aujourd’hui, elle dysfonctionne. » ([671]).

En ce qui concerne l’assainissement individuel, 84 % des communes du territoire sont couvertes par un service public d’assainissement non collectif, chargé du contrôle de tous les systèmes d’assainissement effectuant la collecte, le traitement, l’épuration, l’infiltration ou le rejet des eaux usées domestiques des habitations non raccordées au réseau d’assainissement collectif. Cependant, selon la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement ([672]), 75 % des systèmes d’assainissement individuel existants sont non-conformes. Plus de 300 mini stations d’épurations privées, pour une capacité totale estimée à 43 000 EH, sont très mal connues, très peu en règle, mal entretenues ou exploitées et dysfonctionnant pour la plupart, causant une pollution diffuse et des problèmes sanitaires et environnementaux.

Ces dysfonctionnements ont des conséquences négatives sur l’état environnemental des eaux littorales (origine principale supposée de la dégradation des récifs coralliens) et sur la qualité des eaux de baignade du territoire.

Ainsi, selon l’agence régionale de santé, « Les eaux de baignade, dont la qualité se dégrade depuis quelques années, nous inquiètent plus. Les eaux de baignade d’excellente qualité en Guadeloupe sont passées de 92 % à 75 % en quatre ans. Cette dégradation est liée à l’assainissement, qui échappe à notre périmètre, même si l’ARS s’y intéresse, du fait de ses conséquences sanitaires. » ([673])

« La situation en eau douce est assez catastrophique, puisque pratiquement tous les sites de baignade sont fermés. Quant à l’eau de mer, la plage de l’Anse à sable, à proximité d’une station d’épuration posant problème, est chroniquement fermée. La plage de Viard est, elle, fermée depuis plus de cinq ans. Des problèmes de pollution liée à des assainissements défectueux ont contraint à interdire la baignade sur la plage du lagon à Saint-François et celle du troisième pont à Grand-Bourg également. » ([674])

À ce titre, la délégation de la commission d’enquête s’était rendue à l’embouchure de la rivière du Galion, au sud de Basse-Terre, accompagnée de représentants de l’association des usagers Eaux de Guadeloupe pour constater qu’un regard de canalisation d’évacuation débordait en se jetant directement dans l’embouchure du fleuve ; malgré l’odeur, à quelques dizaines de mètres, des enfants privés d’école suite à une coupure d’eau rendant inutilisables les sanitaires, se baignaient dans une eau non contrôlée, l’endroit n’étant pas considéré comme une zone de baignade déclarée et testée par l’agence régionale de santé. C’est là tout l’enjeu de l’assainissement en Guadeloupe : l’abandon du réseau d’assainissement peut avoir des conséquences tout aussi fâcheuses que les difficultés d’approvisionnement en eau potable.

Si aujourd’hui le nombre de sites fermés est limité, d’ici quelques années, les sites de baignade disposant d’une eau de qualité correcte risquent de disparaître : « En réalité, en Guadeloupe, 64 % des eaux de baignade sont d’excellente qualité et 12 % de bonne qualité. Le chiffre actuel me semble moins important que son évolution. Chaque année, nous perdons de 6 % à 10 % d’eaux de qualité suffisante. Si cette évolution se poursuit, dans dix ans, il ne restera plus en Guadeloupe de points de baignade conformes. » ([675])

Par ailleurs, la Guadeloupe doit faire face à la présence potentielle d’amibes dans les bassins d’eau douce chaude (dont la température est supérieure à 25°C). Ces micro-organismes et spécifiquement l’espèce Naegleria fowleri, peut être à l’origine de cas de méningites à forte mortalité (95 %). La contamination se fait par inhalation, lorsque les amibes entrent en contact avec les muqueuses nasales.

Même si le risque reste très faible (seulement quelques cas reconnus dans le monde, un décès a hélas été constaté en Guadeloupe), L’Agence régionale de santé de Guadeloupe organise des campagnes exploratoires sur les principaux sites de baignade en eaux douces chaudes fréquentés (7 au total) présentes sur le territoire.

Pour l’année 2018, en parallèle du suivi régional, une campagne nationale a également été menée par l’ANSES (Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), en collaboration avec l’Institut Pasteur, pour la recherche des amibes thermophiles.

« Même si la détection de sa présence ne s’inscrit pas encore dans les normes françaises, l’ARS la contrôle, avec l’Institut Pasteur, sur tous les points de baignade connus où la température va de 32 °C à 40 °C. Nous y enjoignons le public, par des panneaux assez grands, à ne pas mettre la tête sous l’eau ni plonger. En cas de dépassement des seuils, nous demandons à interdire la baignade. » ([676])

Il apparaîtrait utile que les normes françaises de protection des eaux de baignade intègrent ce risque dans les contrôles de qualité sur les eaux de baignade.

Proposition n° 72 : Rendre systématique la recherche de la présence d’amibes thermophiles dans les eaux douces chaudes utilisées pour la baignade.

Les réseaux de collecte les plus anciens de Guadeloupe sont, dans leur grande majorité, en mauvais état. De fait, ils récupèrent d’importantes quantités d’eaux claires parasites (eaux de nappe, eaux marines ou eaux de pluie). Les eaux usées qui arrivent aux stations de traitement sont alors fortement diluées, ce qui engendre des problèmes pour le traitement, augmente les coûts d’exploitation et peut aboutir à la construction d’ouvrages neufs surdimensionnés et donc plus chers à entretenir.

D’autre part, les volumes d’eau transitant dans les réseaux, augmentés des volumes d’eaux claires parasites, peuvent dépasser la capacité hydraulique des ouvrages existants. Cela peut occasionner des dysfonctionnements et/ou des rejets directs dans le milieu naturel, qui peuvent eux-mêmes engendrer des problèmes environnementaux et sanitaires. Par conséquent, un effort particulier doit être fait sur la recherche des eaux claires parasites et la réhabilitation des réseaux de collecte.

Si des efforts ont été entrepris dans le cadre du plan Eau DOM, avec des appels à projets, la résorption de cette situation passera à la fois par des mesures de police administrative et par un effort pour solvabiliser la mise en conformité de ses dispositifs individuels.

Dans le cadre du projet de SDAGE pour 2022-2027, deux mesures sont prévues pour améliorer l’assainissement :

– aménager le territoire en cohérence avec les stratégies eau potable, assainissement, gestion des eaux pluviales, prévention des inondations ;

– améliorer la collecte et le traitement des eaux usées : améliorer la connaissance et la programmation, fiabiliser l’exploitation et l’entretien des ouvrages existants, fiabiliser l’auto-surveillance, réhabiliter et étendre les réseaux / améliorer le raccordement, réaliser les investissements prioritaires sur les ouvrages de traitement.

Ceci ne pourra pas être mis en œuvre sans qu’un effort financier plus important que celui consenti sur l’eau potable soit mis en œuvre pour mettre au niveau les installations d’assainissement, avant que la catastrophe en termes d’assainissement se transforme en une catastrophe écologique, sanitaire et touristique.

Proposition n° 73 : Faire de l’assainissement un objectif prioritaire au même titre que le rétablissement de la distribution d’eau potable en Guadeloupe.

Garantir la ressource en eau en protégeant les zones de captage

La protection des captages repose sur deux outils règlementaires.

Les périmètres de protection visent à prévenir principalement les risques de pollutions ponctuelles et accidentelles sur un point de prélèvement d’eau pour la consommation humaine. Des prescriptions obligatoires sont prises par arrêté préfectoral (déclaration d’utilité publique ou DUP) pour y parvenir.

Les aires d’alimentation de captages visent à limiter les pollutions diffuses. Un plan d’actions volontaire est élaboré avec l’ensemble des acteurs du territoire pour travailler sur la protection de la ressource.

Dans le cadre de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (DCE), les États membres de l’Union Européenne doivent notamment agir pour protéger leurs captages d’eau potable, dans le but de réduire les traitements appliqués à l’eau prélevée et lutter contre la détérioration de la qualité de la ressource (article 7 de la DCE). Les masses d’eau utilisées pour des captages d’eau destinées à la consommation humaine (ou pouvant l’être dans le futur) sont listées en tant que zones protégées (article 6 de la DCE).

En France, la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques et le décret n°2007-882 du 14 mai 2007 relatif à certaines zones soumises à contraintes environnementales et modifiant le code rural ont renforcé les outils réglementaires déjà existants. Ces textes ont rendu possible l’utilisation du dispositif de « zones soumises à contrainte environnementale » (ZSCE) sur les aires d’alimentation des captages. Ce dispositif peut intervenir à l’échelle de l’aire d’alimentation des captages présentant un enjeu particulier pour l’approvisionnement actuel ou futur en eau potable (protection quantitative et qualitative des captages d’eau potable).

Par la suite, le Grenelle de l’environnement a confirmé l’importance de l’enjeu de protection des captages destinés à l’alimentation en eau potable. La mise en œuvre des conclusions du Grenelle (article 27 de la loi n°2009-967 du 3 août 2009) prévoit ainsi d’assurer dès 2012 la protection d’un peu plus de 500 captages parmi les plus menacés par les pollutions diffuses. Ces captages dits « captages Grenelle » figurent par ailleurs parmi environ 2 700 captages classés eux-mêmes comme prioritaires dans le cadre des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE 2010-2015).

Suite à la Conférence environnementale de 2013, il a été demandé l’identification de 1 000 ouvrages prioritaires pour doubler l’effort de prévention mis en œuvre depuis le Grenelle de l’environnement. Cette liste inclut les 500 ouvrages Grenelle et 500 nouveaux ouvrages qui sont inscrits dans les SDAGE (2016-2021). Les captages « conférence environnementale » sont donc les captages identifiés comme prioritaires dans les SDAGE 2016-2021. Ces ouvrages ont été proposés par les services départementaux de l’état parmi les points d’eau pour lesquels la concentration en nitrates est supérieure à 40 mg/l et la concentration en pesticide est supérieure à 0,08 µg/l. 

En Guadeloupe, cette démarche n’est pas aboutie, comme l’ont confirmé plusieurs personnes rencontrées par la commission d’enquête. De nombreux captages ne font pas l’objet de mesures de protection adéquate visant à garantir l’absence d’activités à même de compromettre la qualité de la ressource en eau.

La Guadeloupe compte aujourd’hui 8 captages prioritaires, listés dans la disposition n°30 du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 (SDAGE) :

– La Plaine à Trois-Rivières ;

– Duchassaing au Moule ;

– Les Sources à Saint-Louis de Marie-Galante ;

– Belle-Eau-Cadeau à Capesterre-Belle-Eau ;

– Charoppin à Petit-Canal ;

– Pelletan à Port-Louis ;

– La Digue à Capesterre-Belle-Eau ;

– Belle-Terre à Gourbeyre.

Sur les aires d’alimentation de ces captages, des programmes d’actions visant à réduire les pollutions diffuses d’origine agricole (nitrates et pesticides) doivent être définis et mis en œuvre par les collectivités qui en sont propriétaires, en s’appuyant notamment sur la mise en place de mesures agroenvironnementales.

Actuellement, des zones de protection des aires d’alimentation des captages (ZPAAC) sont délimitées par arrêté préfectoral pour les seuls captages de Charropin et Pelletan.

Ainsi le projet régional de santé 2018-2028 indique que « En ce qui concerne la sécurisation de la ressource pour l’alimentation en eau potable, il conviendra d’achever la couverture du territoire en captages protégés ».

Proposition n° 74 : Mettre en place un plan de protection de l’intégralité des aires d’alimentation des captages d’eau potable en Guadeloupe.

Cette protection des captages contre les pollutions devrait s’accompagner d’une protection contre les intrusions et les actes de malveillance.

L’article R. 1321-23 du code de la santé publique précise que « Pour les installations de production et les unités de distribution d’eau desservant une population de plus de 10 000 habitants, la personne responsable de la production ou de la distribution d’eau réalise régulièrement une étude caractérisant la vulnérabilité de ses installations de production et de distribution d’eau vis-à-vis des actes de malveillance et la transmet au préfet, selon les modalités fixées par un arrêté des ministres chargés de l’intérieur et de la santé ».

Les efforts de sécurisation devront concerner autant la mise en place de mesures de sécurité passive (infrastructures et équipements) que des mesures de sécurité active (organisation, mobilisation du personnel, réalisation d’exercices d’entraînement à la sécurité).

Lors de ses visites sur le terrain, la délégation de la commission d’enquête a pu constater que la sécurité physique des installations d’eau potable en Guadeloupe était insuffisante. Ainsi des intrusions ont été détectés, conduisant à devoir vidanger et gâcher l’eau potable concernée pour désinfecter les installations pour éviter tout risque de contamination ([677]) .

Les agences et offices de l’eau disposent cependant d’aides à la protection des installations d’eau potable pour accompagner financièrement la protection des installations d’eau potable vis-à-vis des actes de malveillance au titre de leurs interventions en faveur de la mise en œuvre de la protection réglementaire des captages ou de la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable des collectivités ([678]).

Proposition n° 75 : Améliorer la sécurité des installations d’eau potable en Guadeloupe contre les intrusions et les potentiels actes de malveillance.

Assurer la distribution d’une eau potable de qualité

Si le rétablissement de l’eau courante est une priorité, il importe également que l’eau distribuée soit de qualité.

L’eau est considérée comme potable lorsqu’elle peut être consommée sans risque pour la santé. Sa qualité doit répondre à des règles sanitaires et techniques qui fixent notamment :

– les limites de qualité à ne pas dépasser pour les substances nocives ;

– les références de qualité pour les paramètres qui peuvent mettre en évidence un dysfonctionnement des installations de traitement ou être à l’origine d’inconfort ou de désagrément pour le consommateur.

Le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine est assuré par l’agence régionale de santé et s’ajoute à l’obligation réglementaire de surveillance permanente de la qualité de l’eau par l’exploitant. Ce contrôle a notamment pour but de s’assurer que les eaux sont conformes aux exigences de qualité réglementaires et qu’elles ne présentent pas de risque pour la santé des consommateurs. Les analyses effectuées dans le cadre du contrôle sanitaire sont réalisées à trois niveaux :

– sur les captages, pour évaluer la qualité de l’eau brute, suivre son évolution au cours du temps et mettre en œuvre une adaptation du traitement si nécessaire ;

– à la sortie des unités de potabilisation, pour s’assurer de la bonne mise en œuvre du traitement et la gestion des installations. En sortie d’usine, l’eau doit pouvoir être consommée ;

– au robinet des consommateurs, pour identifier une dégradation éventuelle de la qualité des eaux durant le transport dans le réseau de distribution.

Le contrôle sanitaire comprend l’analyse de paramètres bactériologiques, physico-chimiques et radiologiques (radioactivité naturelle de l’eau). Un échantillon prélevé au niveau d’un captage peut comprendre l’analyse de 150 à 250 paramètres, et un échantillon en sortie d’usine ou en distribution de 60 à 150 paramètres.

La fréquence d’analyse est fonction des quantités d’eau prélevées dans le milieu naturel, de la vulnérabilité de la ressource, du débit d’eau potable produit et du nombre de personnes alimentées par le réseau de distribution.

En Guadeloupe, ce contrôle sanitaire est renforcé :

– les analyses au niveau des captages sont réalisées entre une et quatre fois par an, au lieu d’une fois tous les deux à cinq ans comme le prévoit la réglementation nationale ;

– les fréquences d’analyse des installations concernées par le chlordécone sont deux à six fois supérieures à celles imposées par la réglementation nationale.

En 2018, l’ARS a réalisé 1204 prélèvements dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, qui viennent s’ajouter aux analyses d’autosurveillance réalisées par les exploitants. Un bilan des résultats, dans leur état de validation de septembre 2019, est présenté par l’office de l’eau ([679]).

La turbidité de l’eau est principalement provoquée par des épisodes de fortes pluies, qui apportent aux rivières des particules minérales plus ou moins fines après ruissellement sur les sols. La turbidité est une référence de qualité qui peut avoir une incidence directe sur la qualité bactériologique de l’eau. En effet, les particules minérales peuvent être des supports pour les bactéries. En 2018, le nombre total de dépassements constatés de la référence de qualité pour ce paramètre était de 36, contre 16 en 2017. Ces dépassements ont concerné 38 % des stations de traitement.

Sur l’ensemble des pesticides qui ont été analysés à la sortie des unités de potabilisation en 2018, seule la chlordécone a présenté de manière ponctuelle une non-conformité au niveau de certaines usines de production d’eau potable à Capesterre-Belle-Eau et Gourbeyre. Lors d’un dépassement de la limite de qualité, l’exploitant doit mettre en œuvre les mesures correctives nécessaires, informer la population et, au regard de la gestion du risque, appliquer les restrictions d’usage de l’eau édictées par l’ARS. Les dépassements situés entre la limite de qualité (0,1 pg/L) et la valeur sanitaire maximale (1,5 pg/L) sont encadrés au niveau national et régional, et concernent la gestion unique du risque selon les dispositifs mis en œuvre par les collectivités et les exploitants (dérogation, exploitation d’une autre ressource, délai de changement des filtres à charbons actifs, ...). En 2018, 2 non-conformités ont été constatées, contre 3 en 2017. Ces non-conformités ont concerné 2 unités de traitement.

L’eau qui est distribuée doit être désinfectée. Pour cela, du chlore est ajouté à l’eau en sortie des unités de potabilisation. Des postes de rechloration peuvent être installés sur le réseau pour maintenir un taux de chlore suffisant. L’absence de bactéries dans l’eau distribuée est liée à la qualité du traitement, mais peut aussi dépendre du bon usage des réseaux de distribution.

Or, les eaux de surface (qui représentent 77 % de l’eau prélevée en Guadeloupe) sont plus vulnérables à la contamination par des bactéries que les eaux souterraines, notamment à cause du transfert de ces agents pathogènes de la surface du sol aux rivières lors des épisodes de fortes pluies. En 2018, 55 % des unités de traitement n’ont présenté aucun cas de non-conformité bactériologique. Les cas de non-conformités les plus nombreux sont constatés sur les communes de Basse-Terre et de Saint-Claude (5 dépassements), ainsi que sur la commune de Vieux-Habitants (4 dépassements). Certains dépassements de la limite de qualité ont nécessité des restrictions de consommation de l’eau sur les territoires concernés.

Globalement, à l’échelle de la Guadeloupe, la qualité de l’eau du robinet peut être considérée comme bonne puisque 91 % des eaux respectent les limites et références de qualité pour les bactéries (Escherichia coli, entérocoques, coliformes et bactéries sulfito-réductrices). En 2017, 99 % des eaux respectaient ces limites.

Pour les usines devant traiter des eaux brutes contaminées par la chlordécone, la surveillance renforcée (autocontrôle et contrôle sanitaire) et le renouvellement régulier des filtres à charbon actif sont les seuls moyens pour permettre une distribution d’une eau conforme aux exigences réglementaires.

On rappellera que la présence de chlordécone dans les eaux de captage est la conséquence de l’utilisation de ce pesticide, qui a été autorisé par l’État entre 1972 et 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, en dépit de sa dangerosité ([680]) et qui est persistant dans les sols où il a été épandu et dans les bassins versants où les eaux de ruissellement le charrient. Par ailleurs, sa présence dans les eaux du réseau d’eau agricole a conduit à sa dispersion, depuis la zone de production bananière, vers des bassins versants où le chlordécone n’a pas été utilisé directement ([681]).

Or, les exploitants ont fait part de difficultés liées à la fourniture de filtres à charbon actif, du fait des créances fournisseurs accumulées par les opérateurs.

Si le coût de remplacement de ces filtres reste limité – 100 000 euros par an pour l’usine d’eau potable de Belle-Eau-Cadeau – il n’en reste pas moins que ce coût de traitement supplémentaire n’a pas être supporté par l’usager mais pourrait être pris en charge par l’État au titre de sa responsabilité dans la dissémination de ce polluant.

Interrogé par la commission d’enquête, le ministre des Outre-mer, M. Sébastien Lecornu, s’est déclaré « tout disposé à examiner cette question » ([682]).

Proposition n° 76 : Prendre en charge par l’État les frais de traitement de l’eau potable rendu nécessaire par la présence de chlordécone.

L’eau à Mayotte : une ressource insufFisante, des rÉseaux d’eau et d’assainissement sous-dÉVELOPPÉs

La ressource en eau limitÉe à Mayotte

Le district hydrographique de Mayotte est constitué d’un archipel situé dans le Canal du Mozambique dont la surface totale ne dépasse pas 380 km2, soit un peu plus de trois fois la superficie de la ville de Paris. La population est estimée à 257 000 habitants (recensement 2017), avec une estimation proche de 300 000 aujourd’hui, chiffres contestés localement du fait de l’existence d’une forte immigration illégale, pouvant représenter la moitié de la population. C’est le département français dont la population croît le plus rapidement (près de 4 % par an).

Deux îles rassemblent la quasi-totalité de la population : Grande Terre (363 km2) et Petite Terre (11 km2).

Malgré une pluviométrie importante (plus de 1 500 mm par an), « la ressource en eau y est inférieure au seuil de pénurie fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à 500 mètres cubes annuels par habitant. À titre de comparaison, la métropole dispose de 3 000 mètres cubes annuels par habitant et la Réunion, de 5 000 à 6 000 mètres cubes. » ([683]). La ressource nette (précipitations moins évapotranspiration) est faible, comprise entre 500 et 1 000 mètres cubes par an et par habitant ([684]), ce qui place l’île en situation de pénurie.

Les bassins versants ne dépassent pas quelques dizaines de km2 et les nappes sont de faible productivité. La ressource disponible varie fortement selon la pluviométrie de l’année. Les forêts de montagne contribuent également aux précipitations sur les reliefs par leur impact positif sur le cycle de l’eau. Mais la déforestation et l’urbanisation qui provoquent une baisse des capacités d’infiltration des sols et une augmentation du ruissellement et de l’érosion.

Il en résulte des crises récurrentes sur l’alimentation en eau potable accrues par les difficultés de son acheminement.

En l’absence d’un assainissement satisfaisant et d’une gestion performante des déchets, cours d’eau et ravines sont encombrés de déchets, y compris dangereux (batteries usagées…) et sont pollués par les eaux usées non traitées. Les cours d’eau relèvent du domaine public fluvial géré par le conseil départemental. Peu de contrôles y sont exercés.

Un rÉseau d’eau potable limité et dÉfaillant

Selon l’agence régionale de santé, les ressources en eau de l’île pour l’alimentation en eau potable sont limitées et réparties entre l’eau de surface (65 %), les ressources profondes via des forages (27 %) et le dessalement (8 %).

La situation sociale à Mayotte est sans commune mesure celle que connaissent les autres parties du territoire national. Actuellement, 90 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté français (revenus inférieurs à 867 euros par mois). 4 logements sur 10 sont en tôles et 57 % des logements sont surpeuplés.

31,5 % des ménages de l’île n’ont pas l’eau courante dans leur habitation. Les taux de connexion au réseau d’assainissement sont très faibles : alors que 37 % de la population vit dans des zones desservies par le réseau, 18 % seulement des ménages y sont connectés. Cette situation s’expliquerait en partie par des prix de raccordements prohibitifs pratiqués par les entreprises de travaux.

Selon Mme Aude Sturma, sociologue, « il faut en moyenne aux autres 17 % de leur budget pour honorer leurs factures d’eau. Le taux d’effort acceptable tournant autour de 3 %, le prix de l’eau fait dès lors figure d’enjeu majeur à Mayotte » ([685]), alors même que le prix est dans la moyenne nationale.

Les 31,5 % des ménages qui n’ont pas l’eau courante dans leur maison ont recours à différentes sources d’eau potable : 5 % d’entre eux vont aux bornes-fontaines, 0,6 % s’approvisionnent dans la rivière ou un ruisseau (souvent pollués par les eaux usées et les déchets) et les autres ont recours à un voisin (revente d’eau, partage d’un même compteur) ou aux vendeurs ambulants.

Lors des dernières saisons sèches, Mayotte a connu plusieurs crises de l’eau d’intensité variable. De l’été 2020 à janvier 2021, Mayotte a dû faire face à une crise de l’eau sur l’ensemble du territoire. Des mesures de rationnement progressives ont été mises en place par la préfecture de Mayotte afin d’économiser au maximum la ressource en attendant la saison des pluies.

Face à cette situation, le Syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement de Mayotte (SMEAM), établissement public en charge de l’adduction en eau potable et de l’assainissement collectif pour l’ensemble du territoire mahorais, semble incapable de faire face aux défis.

Six unités de production d’eau potable sont actuellement en service sur l’île : cinq stations de traitement des eaux douces superficielles et profondes en Grande Terre et une unité de dessalement de l’eau de mer en Petite Terre.

Ces capacités restent insuffisantes pour fournir une alimentation en eau continue et satisfaisante, et pour développer le réseau afin de couvrir l’ensemble de la population ; tout développement du réseau et donc de la consommation se heurte à la question d’une production d’eau limitée.

Dans le cas de Mayotte, où il n’existe pas de nappe phréatique mobilisable, le recours au dessalement de l’eau de mer est la solution technique la seule à même de fournir une eau de manière constante sans dépendre des aléas climatiques et du changement des conditions climatiques.

Un assainissement balbutiant

L’assainissement présente un retard majeur au regard des obligations de la directive des eaux résiduaires urbaines.

« Seule une proportion de 18 % de la population mahoraise est connectée à un service d’assainissement collectif. Les autres se contentent d’un assainissement traditionnel, rarement aux normes. Le problème de l’eau à Mayotte relève d’une crise permanente. Beaucoup sur l’île souffrent de maladies hydriques. L’enjeu sanitaire, de taille, atteint une ampleur nationale. En 2016, 40 cas de fièvre typhoïde sur les 149 diagnostiqués en France venaient de Mayotte, contre 3 % seulement de Guyane. » ([686])

Une partie de la population ne dispose d’aucun assainissement, même non collectif, ce qui présente des risques sanitaires évidents.

Les financements consentis à l’assainissement collectif (700 millions d’euros de 2018 à 2027) sont bien insuffisants au regard des investissements nécessaires à sa mise en conformité.

Des plans d’investissement qui n’arrivent pas à Être rÉALISÉs et une autoritÉ organisatrice qui n’arrive pas à rÉtablir sa situation

Le plan d’urgence « eau » du 27 février 2017, prévoyait des rotations de tankers depuis la Réunion, le lancement de forages, la construction d’une usine de dessalement et la création d’une troisième retenue collinaire. Seule la construction de la station de dessalement a été mise en œuvre, et ses résultats en terme de production restent inférieurs aux prévisions ([687]) .

Le Syndicat mixte de l’eau et de l’assainissement de Mayotte (SMEAM) a signé en août 2018 avec l’État et un ensemble de partenaires institutionnels et financiers un contrat de progrès pour le service public de l’eau potable et de l’assainissement à Mayotte, assorti d’une programmation pluriannuelle des investissements d’un montant total de 140 millions d’euros, financé à titre principal sur des subventions de l’État et de l’Union européenne et à 35 millions sur le Syndicat par l’intermédiaire d’emprunts bancaires.

Cependant, il apparaît que le syndicat mixte ne dispose pas des capacités nécessaires pour assurer la maîtrise d’ouvrage de ces travaux.

Depuis août 2020, la préfecture a dû prendre des mesures pour faire face à une crise de l’eau : mise en place de coupures d’eau techniques et de coupures d’eau diurnes, sensibilisation sur les bons gestes à adopter pour économiser l’eau distribution gratuite de 60 000 kits hydro-économes, opération « coup de poings » de recherche de fuites d’eau sur le réseau, réalisation en urgence de 4 forages supplémentaires.

La situation financière du SMEAM est toutefois critique en raison de défaillances internes dans sa gestion et de ses choix budgétaires : « Les comptes 2018 sont en déficit de 17,30 M€ et la trésorerie manquante pour régler les factures est de plus de 23 M€. L’économie de l’île en est fragilisée : les dettes fournisseurs à l’égard des entreprises du secteur des bâtiments et travaux publics représentent les deux tiers de celles des collectivités locales » ([688]).

La gouvernance du SMEAM laisse à désirer : ainsi la nouvelle vice-présidente chargée de l’exploitation et des investissements en eau potable, Mme Aminat Hariti, a déclaré avoir « découvert avec stupéfaction l’ampleur du déficit laissé par nos prédécesseurs, annoncé à 21 millions d’euros mais qui dépasse en réalité les 35 millions d’euros. Mener à bien les projets pour lesquels nous avions été élus au SIEAM ne s’annonçait pas évident dans ces conditions. » ([689])

La négociation d’un avenant au contrat de délégation de service public pour la distribution d’eau potable a conduit à des relations conflictuelles avec le délégataire malgré la nomination d’un médiateur. Au cours du premier trimestre 2019, le SIEAM a décidé de résilier le contrat de délégation de service public de l’eau potable avec la Société mahoraise des eaux (SMAE), filiale de Vinci Construction. La suspension de la décision par la juridiction administrative a toutefois conduit à une nouvelle renégociation et à la signature d’un avenant en juillet 2019 ([690]).

Malgré les critiques portant sur la SMAE qui « se livre[rait] à la prédation de l’argent public par le biais des marchés et impose[rait] à la population des factures exorbitantes » ([691]) , aucun élément de preuve n’a pu être produit à la commission d’enquête.

L’eau à La RÉunion : une ressource abondante, une qualitÉ insuffisante

L’eau, une ressource abondante à la RÉunion

L’île de La Réunion, d’origine volcanique, est soumise à un climat tropical aux précipitations très variables dans l’espace. La circulation atmosphérique d’est vers l’ouest rencontrant les hauts reliefs concentre les pluies à l’est de l’île. Le gradient est fort avec des pluies annuelles de moins de 1 m à l’ouest à plus de 10 m à l’est.

Le réseau hydrographique de 10 600 km de longueur, compte au total 13 rivières pérennes, trois étangs littoraux et plusieurs petits plans d’eau intérieurs. L’ensemble s’organise dans 12 bassins versants. Le littoral d’une longueur de 207 km se prolonge par un plateau continental court avec la présence de 25 km d’un récif corallien discontinu à l’ouest de l’île.

Le gradient inverse entre la population et les pluies se traduit par une tension sur la ressource en eau : celle-ci est abondante dans les bassins peu peuplés et au contraire rare au nord et à l’ouest où se trouvent la majorité des habitants. Les exploitations agricoles sont sur le bas des pentes et le littoral à l’exception du nord-ouest et du sud-est de l’île.

L’île dispose ainsi de ressources en eau très importantes : « La Réunion fait partie des territoires pouvant connaître des apports pluviométriques très importants, avec 7 600 millions de mètres cubes par an, dont 4,5 millions de mètres cubes « efficaces » (hors effets de l’évaporation et de la transpiration). En parallèle, la demande, qui oscille entre 220 et 245 millions de mètres cubes par an, se répartit comme suit :

« – eau potable : 70 % ;

« – agriculture : 25 % ;

« – industrie : 5 %. » ([692])

Même si le déficit en eau s’est aggravé pendant la saison de basses eaux 2020, avec une pluviométrie en baisse de 13 %, les besoins répartis entre la fourniture d’eau potable à la population, l’irrigation et l’industrie, peuvent donc être satisfaits.

Toutes les masses d’eau souterraines littorales situées à l’ouest entre Le Port et Sainte-Rose sont classées en zone de répartition des eaux.

Des amÉnagements de transfert d’eau contestÉs

Des aménagements lourds ont été mis en place par le Département afin de transférer de l’eau brute de l’est de l’île vers l’ouest. Le projet Irrigation du littoral ouest (ILO) a pour objectif de prélever les abondantes ressources en eau de l’est pour les transférer à l’ouest de l’île.

Ces aménagements ne sont pas sans soulever des critiques des représentants du monde associatif, et des experts en matière écologique : ainsi l’Autorité environnementale note que « Sans contester la nécessité d’alimenter en eau les habitants des zones aujourd’hui les plus peuplées et de fournir de l’eau pour l’agriculture, l’Autorité environnementale observe que ces aménagements ne seront compatibles avec le Sdage que dans la mesure où ils seront accompagnés d’efforts d’économie d’eau (baisse de la consommation et amélioration de l’efficacité des réseaux) et de dispositions et mesures fortes en matière d’urbanisme et d’agriculture afin d’éviter que la disponibilité apportée par les ouvrages n’amplifie le déséquilibre entre les territoires qu’ils ambitionnent de réduire et n’aboutisse à une pénurie généralisée à l’ensemble du territoire. » ([693])

Ce projet est accusé d’être réalisé au profit de grands propriétaires terriens, qui pourraient se livrer à de la spéculation immobilière sur les terrains agricoles dont ils sont propriétaires ([694]), sans pourtant que ces accusations soient étayées.

Une qualitÉ de l’eau insuffisante

Les eaux de surface et souterraines ne sont pas écologiquement satisfaisantes à la Réunion : « 56 % des masses d’eau, qu’elles soient souterraines ou en bordure littorale, ne sont pas en bon état. » ([695])

La qualité de l’eau du robinet distribuée à La Réunion reste insuffisante. Selon les données de l’agence régionale de santé, la moitié des Réunionnais disposent d’une eau de bonne qualité, mais l’autre moitié est alimentée par des eaux dont la sécurité sanitaire est insuffisante ([696]) .

L’eau distribuée à La Réunion est exclusivement captée dans le milieu naturel. Elle peut être d’origine souterraine, superficielle ou mixte, et chacune d’entre elles ont leurs propres caractéristiques. Les eaux souterraines sont logiquement mieux protégées que les eaux superficielles qui sont plus vulnérables.

Sur l’ensemble des 200 prises d’eau exploitées pour l’alimentation de la population à La Réunion, 51 % des volumes prélevés proviennent de captages d’eaux superficielles, et 43 % de la population reste alimentée exclusivement par des captages d’eaux superficielles en 2018. Les eaux subissent un traitement de potabilisation adapté à la qualité de l’eau brute prélevée au captage et sont ensuite distribuées. C’est la qualité initiale des eaux prélevées et la maîtrise des opérations de désinfection qui permettent de garantir la sécurité sanitaire des eaux distribuées. 

Depuis le 1er janvier 2020, le territoire de La Réunion compte cinq autorités organisatrices dédiées à l’eau potable et à l’assainissement, qu’il soit collectif ou pas, savoir la communauté d’agglomération du Sud (CASUD), la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), la communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST), la communauté intercommunale des Villes solidaires (CIVIS) et le Territoire de la Côte Ouest (TCO). La loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a ainsi permis de simplifier le paysage institutionnel, puisqu’elles étaient par le passé :

– au nombre de 21 pour l’eau potable ;

– au nombre de 16 pour l’assainissement collectif ;

– au nombre de 19 pour l’assainissement individuel ([697]) .

Une plainte a été déposée par l’Union fédérale des consommateurs (UFC) – Que Choisir, contre la Cise Réunion, filiale de la Société d’aménagement urbain et rural (Saur), qui continuerait à facturer et à distribuer de l’eau insalubre à plus de 80 000 personnes.

En 2018, 49 % des abonnés sont alimentés par des réseaux correctement équipés, dans la mesure où il s’agit d’eaux souterraines potabilisées par désinfection, ou d’eaux superficielles traitées par clarification avant désinfection. Mais, 46 % des abonnés, sont alimentés par des réseaux ne garantissant pas une sécurité sanitaire suffisante, du fait de l’absence de traitement de clarification des eaux d’origine superficielle avant désinfection. Néanmoins, une partie des abonnés (31 %) bénéficient d’une alimentation mixte. Ces modes d’interconnexion permettent de substituer par des apports souterrains les ressources superficielles lorsque celles-ci sont dégradées, réduisant ainsi le risque sanitaire en diminuant la fréquence et l’intensité des non-conformités. Enfin, 5 % des abonnés sont alimentés par des réseaux pour lesquels le risque sanitaire est avéré (détection de parasites pathogènes) ou permanent (absence de désinfection). Ces cas se situent sur certains secteurs des communes de Bras-Panon, Saint-André, Sainte-Marie, la Plaine des Palmistes, Cilaos et Salazie.

QualitÉ de l’eau à la RÉunion

Carte-qualité-eau-robinet-reunion-2018

Source : Agence régionale de santé de La Réunion https://www.eaudurobinet.re/index.php/controle-sanitaire/risque-microbiologique

D’autres contrôles sanitaires sont opérés sur la qualité de l’eau à La Réunion, notamment concernant les nitrates et les pesticides qui résultent d’activités humaines dont l’impact sur l’environnement est insuffisamment maîtrisé :

– présence de nitrates : les contrôles effectués montrent que 82,4 % des captages délivrent une eau de très bonne qualité sur le paramètre nitrates (concentrations inférieures à 10 mg/l), bien qu’une augmentation significative de la teneur en nitrates des ressources en eau a été enregistrée au cours des vingt dernières années à La Réunion, particulièrement sur les eaux souterraines plus impactées ;

– présence de pesticides : les contrôles réalisés ont détecté la présence de pesticides sur 18 % des captages, les régions Est et Sud étant les plus impactées par la présence de pesticides dans les nappes phréatiques (en lien avec une activité agricole plus importante). Néanmoins les concentrations détectées sont restées faibles et largement inférieures aux valeurs-guide sanitaires.

La qualité de l’eau du robinet peut également être impactée lors d’évènements climatiques (cyclones, fortes pluies, sécheresse…), ainsi que lors de travaux réalisés sur les réseaux.

L’eau en Martinique : La nÉCESSITÉ de penser une gestion mutualisÉe de la ressource

Une ressource en eau inÉgalement rÉpartie

La Martinique a une superficie de 1 128 km² avec une population qui s’établissait en 2016 à environ 380 000 habitants en diminution régulière depuis dix ans, soit une densité élevée de 334 habitants par km². L’origine volcanique de l’île influe sur la nature des sols et leur réaction à l’eau (capacité d’infiltration, de filtration, qualités agronomiques…).

Le territoire martiniquais est très contrasté avec d’une part un littoral et des plaines très anthropisés, et d’autre part les parties les plus élevées du territoire, peu peuplées et préservées en raison de leur caractère moins accessible.

Le climat est tropical humide, marqué par les alizés soufflant de l’est, caractérisé par deux saisons, l’une plutôt sèche et l’autre très humide et parfois marquée par des cyclones. Le nord montagneux enregistre une forte pluviométrie (mise à part la bande côtière « sous le vent ») qui atteint 4 500 mm par an sur la Montagne Pelée. Le sud peu accidenté est très ensoleillé et relativement sec.

RÉpartition spatiale de la pluviomÉtrie annuelle maximale et minimale
en Martinique

Source : Observatoire de l’eau de Martinique, État des lieux du district hydrographique de Martinique en 2019, https://www.observatoire-eau-martinique.fr/politique-de-l-eau/cadre-reglementaire/etat-des-lieux-du-district-hydrographique

La Martinique est dotée d’un réseau hydrographique comprenant plus de 200 cours d’eau permanents. La Lézarde constitue la rivière la plus importante avec une longueur de 33 km et un bassin versant de 132 km². Les rivières du nord, soumises à d’importants épisodes pluvieux, coulent dans des vallées encaissées et abruptes. Les rivières du sud présentent des têtes de bassin semblables à celles du nord mais leurs pentes s’affaiblissent et elles prennent l’allure de larges rivières de plaine.

La Martinique comprend de nombreuses zones humides avec 2 276 sites recensés. Elle comporte seulement trois plans d’eau dont deux naturels (l’étang du Plateau Larcher et le petit lac de la rivière Claire, la réserve de la Manzo étant artificielle).

Le district hydrographique de Martinique regroupe au total 49 masses d’eau se répartissant entre 20 masses d’eau cours d’eau dont une masse d’eau fortement modifiée (la Lézarde), 19 masses d’eau littorales, une masse d’eau de transition (l’étang des Salines), 8 masses d’eau souterraines et une masse d’eau plan d’eau (La Manzo) ([698]).

Masses d’eau souterraine et masses d’eau cÔTIÈres et de transition
en Martinique

Source : Observatoire de l’eau de Martinique, État des lieux du district hydrographique de Martinique en 2019, https://www.observatoire-eau-martinique.fr/politique-de-l-eau/cadre-reglementaire/etat-des-lieux-du-district-hydrographique

Des prÉLÈvements concentrÉs dans deux cours d’eau

Les prélèvements d’eau se sont élevés en 2016 à 55 millions de mètres cubes dont 77 % à destination de la consommation humaine, 20 % pour l’irrigation et 3,3 % pour le secteur industriel.

Les prélèvements sont principalement effectués dans les eaux superficielles (94 % contre seulement 6 % pour les eaux souterraines) et au nord de l’île. Quatre communes (Saint Joseph, Gros Morne, Lorrain, Fort de France) fournissent 85 % de l’eau potable en Martinique. Il n’y a pas de captage dans le sud de l’île.

Les deux principales ressources en eau pour la consommation humaine sont la Rivière Blanche (avec une production de 50 000 mètres cubes par jour sur un total de 120 000 mètres cubes par jour) et la Rivière Capot (entre 10 000 et 30 000 mètres cubes par jour).

L’eau, une fois captée, est acheminée vers les 27 usines de production d’eau potable (UPEP) présente 27 en Martinique.

Les usines de traitement alimentent 298 réservoirs de stockage qui sont autant de relais au sein du réseau de distribution. Ils représentent 2 jours de consommation moyenne.

Conformément à la législation, afin de sécuriser la qualité de l’eau captée, des arrêtés de captage interdisent un certain nombre d’activités autour des points de captage et sur les bassins versants dont ils dépendent. Plus une prise d’eau se situe en amont d’un cours d’eau, en zones naturelles ou forestières, moins sa qualité est susceptible d’être dégradée par des activités humaines. C’est le cas, par exemple, du captage de la Rivière blanche qui se situe à la limite de la forêt et des zones urbanisées.

Par contre, le captage de Colson sur les hauteurs de Fort-de-France et à proximité de zones urbanisées s’avère plus problématique. L’usine du Vivé, au Lorrain, au cœur de l’aire de production de bananes, capte une eau contaminée au chlordécone qui doit être traitée au charbon actif afin d’éliminer ce pesticide qui a été utilisé pendant de nombreuses années dans la culture de la banane.

Les points de captage non conformes, c’est-à-dire ceux gagnés par l’urbanisation ou pollués de façon chronique par les activités agricoles, et au débit faible ont été progressivement supprimés. Depuis le début des années 2000, quatre sites ont été abandonnés dans le Nord de la Martinique du fait de la pollution au chlordécone.

Ainsi la préservation de la ressource passe aussi par la maîtrise des plans d’occupation de l’espace.

Une distribution de l’eau et de l’assainissement complexe

Si la ressource en eau se trouve principalement dans le Nord de la Martinique, les zones de consommation pour les particuliers se situent dans le Centre et le Sud qui concentrent 76 % de la population. Il s’agit des zones de fortes densités de l’agglomération foyalaise et de ses prolongements vers la côte atlantique, avec les communes du François, du Robert ou de Trinité ou vers le sud avec les communes de Ducos, de Rivière Salée, mais aussi les stations balnéaires et résidentielles dont la croissance a été rapide ces dernières années.

Dans ces conditions, de multiples canalisations traversent l’île : un réseau complexe de 3 000 kilomètres de canalisations maille ainsi le territoire de la Martinique.

La distribution de l’eau potable, puis l’assainissement des eaux usées sont organisés à l’échelle de la Martinique dans le cadre de structures intercommunales qui en ont la responsabilité.

L’organisation de la distribution de l’eau est assurée par les trois communautés d’agglomération de l’île dans le cadre d’une délégation de service public. Il s’agit de la Communauté d’agglomération du Pays Nord Martinique (CAPNM ou Cap Nord), la communauté d’agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) et la communauté d’agglomération de l’Espace Sud de la Martinique (CAESM ou Espace Sud).

Ces communautés ont confié cette gestion à des délégataires privés comme la Société Martiniquaise des Eaux (SME) pour l’Espace sud et Cap Nord ou à une régie communautaire comme ODYSSI pour la CACEM.

La question de l’évacuation et du traitement des eaux usées s’est posée au fur et à mesure de la croissance démographique et de l’expansion de l’urbanisation en Martinique comme en métropole. En Martinique, on estime que 60 à 70 % de la contamination en matières organiques des eaux douces se fait par les eaux usées domestiques. Rappelons que les eaux polluées ont comme exutoire final la mer qui, en Martinique, n’est jamais à plus de 12 km. Or, la mer est aussi une zone de prélèvement pour la pêche et un espace de baignade et de loisirs de première importance pour cette île touristique. Par ailleurs, la protection des écosystèmes (mangroves, récifs coralliens et herbiers littoraux) a aussi toute son importance.

Aujourd’hui, deux systèmes de traitement existent : le traitement collectif, relié par un réseau de canalisations à une station gérée par un délégataire de l’une des trois communautés d’agglomération dans le cadre d’un réseau d’assainissement collectif (RAC), ou le traitement individuel appelé aussi assainissement non collectif (ANC) qui concerne les maisons individuelles et les petits ensembles collectifs privés. Seuls 40 % des abonnés martiniquais sont reliés à un réseau d’assainissement collectif (RAC) qui comptabilise, en 2017, 108 stations de traitement des eaux usées (STEU) pour une capacité totale de 366 855 équivalents-habitants, soit plus que la population martiniquaise actuelle.

Les plus importantes stations se situent au sein de l’agglomération foyalaise : à Dillon à Fort-de-France, au quartier Gaigneron au Lamentin et à la Pointe-des-Nègres à Schœlcher. Cette dernière station, moderne, a une capacité de 150 000 équivalents-habitants.

Le reste des abonnés, c’est-à-dire 60 % de la population, est relié à une installation privée dans le cadre d’un assainissement non collectif (ANC), dit également assainissement autonome ou individuel.

Le fonctionnement de ce type de stations est souvent problématique car elles ne sont pas toujours aux normes, elles sont parfois mal entretenues et elles génèrent des nuisances et des risques sanitaires. La prolifération des moustiques, vecteurs de nombreuses maladies, est régulièrement pointée du doigt par la police de l’eau, alertée fréquemment par les plaintes des riverains. Dans le cas de copropriétés, les stations représentent un coût de fonctionnement important. Signalons que l’épuration dite collective n’échappe pas toujours à certains dysfonctionnements, comme par exemple dans le cas de la station d’Acajou au Lamentin.

Le raccordement des installations relevant de l’assainissement non collectif au réseau collectif n’est pas toujours aisé du fait de la topographie de la Martinique. Par ailleurs, la dispersion de l’habitat est une difficulté supplémentaire. Dans tous les cas, les frais de raccordement au réseau d’assainissement collectif sont généralement élevés et pas toujours « répercutables » sur les abonnés, et en particulier ceux qui ne sont pas solvables.

Dans ces conditions, il est donc indispensable de poursuivre l’effort de mise aux normes des stations individuelles. Le marché de l’épuration est un marché important qui fait l’objet de campagnes publicitaires grand public de la part des entreprises spécialisées.

De façon positive, notons que les efforts fournis ont permis une amélioration sensible des eaux de baignade ces dernières années. La législation en vigueur, issue en bonne partie de directives européennes a fortement impulsé ces évolutions.

La gouvernance de l’eau en dÉbat

La gestion de la distribution et du traitement de l’eau en Martinique est sous la responsabilité des trois communautés d’agglomération. Cependant que ce ne sont pas toujours les mêmes prestataires qui effectuent la distribution et l’assainissement. En effet, concernant Cap Nord, pour l’assainissement collectif, le territoire de la communauté est divisé en trois entités spatiales sur lesquelles interviennent des prestataires souvent différents pour la gestion des canalisations ou des usines de traitement. Cette situation qui peut paraître complexe résulte de l’histoire de la gestion de l’eau en Martinique. Ainsi, dans le cas de Cap Nord, deux espaces géographiques distincts ont été regroupés au sein d’une même intercommunalité, à savoir le versant Nord Atlantique et le versant Nord Caraïbe de la Martinique.

Face à l’existence de ces diverses entités, la création d’un organisme unique de gestion de l’eau en Martinique est souvent posée. Il s’agissait d’ailleurs de l’une des mesures devant être mise en œuvre suite au mouvement de protestation contre la vie chère de 2009. Cette fusion permettrait de mener une politique de distribution de l’eau à l’échelle de la Martinique en mettant fin à l’opposition d’un Nord bien pourvu et d’un Sud dépendant. La situation actuelle se traduit par des transferts et achats d’eau entre les différentes entités, mais aussi par des restrictions plus fréquentes dans le Sud que dans le Nord même si, depuis quelques années, l’interconnexion des réseaux permet d’éviter de trop longues périodes de coupure d’eau dans le sud.

Un organisme unique permettrait également d’éviter les surcoûts liés aux transferts d’eau, de rationaliser la politique d’achats de matériel et d’investissement, comme le futur syndicat mixte unique pourra le faire en Guadeloupe.

Mais une autorité unique permettrait également d’harmoniser les prix de l’eau. Ces prix oscillent, en 2017, entre 4,79 euros (commune de Morne-Rouge) et 5,78 euros (Communauté d’agglomération de l’Espace Sud) le mètre cube, pour un prix moyen en Martinique de 5,44 euros (chiffres Observatoire de l’eau). En métropole, le prix moyen est de 3,85 euros.

Le prix de l’eau jugé élevé en Martinique et le montant des factures reçues par les abonnés, quelles qu’en soient les causes, ont porté la gestion de l’eau sur le devant de la scène médiatique à travers des mouvements de revendication citoyenne. Par exemple, le Comité citoyen du Sud Martinique ([699]) s’interroge sur les tarifs excessifs pratiqués au regard des coûts réels et des investissements réalisées et sur le train de vie des organismes liés à la gestion de l’eau. Les affaires de corruption, comme par exemple à Odyssi où des cadres ont été mis en examen en 2018 dans le cadre de soupçons d’attribution de marchés frauduleux entament sérieusement la confiance des citoyens dans les organismes de gestion de la distribution de l’eau.

Comme en Guadeloupe, les autorités organisatrices peinent à contrôler l’activité et les comptes de leur délégataire. Ainsi un rapport de la chambre régionale des comptes consacré à la Société martiniquaise des eaux note que « La délégation de la gestion suppose un contrôle de la part de la collectivité délégante sur l’entreprise délégataire. Jusqu’à maintenant le contrôle a été essentiellement technique. Le suivi financier continu de la DSP reste encore largement défaillant » ([700]).

Des menaces rÉcurrentes sur l’approvisionnement en eau : quelles solutions ?

L’approvisionnement en eau, sans être une question aussi prégnante que dans des espaces au climat plus aride, ailleurs dans le monde, fait cependant partie du quotidien des Martiniquais. Les coupures d’eau sont fréquentes et leurs causes multiples.

Le Carême, une période souvent difficile

Avec un total annuel moyen de précipitations estimé à plus de 2 milliards de m3 par an, la Martinique ne manque pas d’eau. Cependant, la production d’eau potable est extrêmement dépendante des captages des eaux de rivières. Ainsi, en période sèche, il arrive fréquemment que le débit des rivières se réduise dans des proportions importantes, mettant en péril les prélèvements. Lorsque les seuils de vigilance et d’alerte sont atteints, des mesures d’économie sont prises par les autorités préfectorales dans le cadre du « Plan alerte sécheresse » : interdiction d’utilisation de l’eau pour certaines activités domestiques non vitales, coupures tournantes.

Les coupures entraînent parfois, pour des raisons d’hygiène, la fermeture d’établissements recevant du public et, en particulier, les établissements scolaires. Les communes du centre Sud de la Martinique, mais aussi de Schœlcher et du Lamentin, pour des raisons de dépendance des approvisionnements, sont particulièrement concernées.

La solution de l’augmentation des prélèvements

Afin de faire face à la raréfaction de la ressource, l’augmentation des prélèvements et la multiplication des points de captage, dans le Nord essentiellement, est souvent avancée comme une solution. Cependant, plusieurs problèmes se posent. Assécher les rivières en aval des captages signifierait la destruction pure et simple des milieux aquatiques, c’est-à-dire de la flore et de la faune qui en font leur habitat. Un débit minimal biologique est d’ailleurs fixé par la loi (de 10 à 20 % des débits moyens).

Le projet de captage sur la Grande Rivière, à des fins agricoles, finalement abandonné en 2006 face à la contestation citoyenne, illustre bien ces questionnements. Par ailleurs, les captages actuels sont souvent les plus accessibles alors que de nouvelles installations seraient coûteuses.

En mai 2019, pour faire face à l’une des trois sécheresses les plus dures depuis 1947, après 2001 et 2003, trois nouveaux forages dans des nappes souterraines ont été mis en service, comme par exemple celui d’Absalon à Fond Lahaye.

En février 2021, après avoir dressé le bilan de la sécheresse et des intempéries de l’année 2020, CAP Nord, l’Espace Sud et leur opérateur la SME (Société martiniquaise des eaux) ont mis en place un plan d’actions préventives afin de limiter l’impact des sécheresses à venir sur la production et la distribution d’eau potable, en prévoyant des investissements pour mieux gérer la pénurie, augmenter la capacité des aqueducs, limiter les fuites, tout en informant mieux les usagers en temps réel ([701]) .

Des réseaux de distribution d’eau à rénover

Les réseaux, mis en place au fur et à mesure de l’équipement des zones urbaines, rurales puis périurbaines à partir des années 1970-1980, sont vieillissants, avec un âge moyen d’une quarantaine d’années. Le rendement des réseaux est compris entre 57,5 et 82 %.

La vétusté des réseaux et leur entretien défectueux, les mouvements de terrain fréquents, la longueur des réseaux due au phénomène de mitage pas toujours contrôlé par les plans d’urbanisme, expliquent cette situation.

Réduire les pertes sur le réseau de distribution permettrait des économies appréciables en période de sécheresse. Cela permettrait aussi des économies financières pour les abonnés puisque le coût de cette eau, traitée pour être potable mais pas distribuée, est répercuté directement sur la clientèle, d’où un rendement médiocre.

À partir des années 2010, une chasse à la fuite d’eau a été entreprise par les organismes de distribution. Depuis 2015, la SME, un exploitant situé dans les intercommunalités Cap Nord et CAESM, estime avoir ainsi économisé plus d’un million de m3 d’eau.

Cap Nord, l’Espace Sud et la SME ont, en 2020 amplifié leurs actions de réparation des fuites et d’amélioration des rendements de réseau. Pour le Sud, il s’agit de passer d’un rendement de 80 % à un rendement de 85 %. Pour le Nord, la réparation des fuites devrait permettre de passer d’un rendement de 59 % à un rendement de 75 % d’ici quatre ans.

Dans ces conditions, une rénovation importante des réseaux de distribution s’impose. On estime à 500 km le linéaire de tuyau à reprendre à court terme alors que pour l’instant, on s’emploie surtout à réparer les casses, au coup par coup. La difficulté tient au fait que le prix de l’eau en Martinique étant déjà jugé excessif, il semble impossible de l’augmenter davantage pour financer des travaux de rénovation du réseau. Il s’agit là d’investissements lourds que les organismes de distribution ne peuvent effectuer seuls sans l’aide des collectivités territoriales, de l’État ou de l’Union européenne. La réduction des frais de fonctionnement des organismes liés à la gestion de l’eau permettrait sans doute de dégager des marges de manœuvre permettant d’envisager plus sereinement les investissements à venir.

Les risques naturels accentuent la pression sur la distribution et les réseaux

En cas de fortes pluies, il arrive que face à la trop grande turbidité des eaux captées, les usines soient mises momentanément à l’arrêt. Par exemple, la distribution de l’eau sur la commune de Grand’Rivière a été fortement perturbée fin janvier 2018 durant une quinzaine de jours, suite à un glissement de terrain dans la rivière Gommier. L’impact sur la vie économique de cette commune touristique a été important.

Ce sont, cependant, les glissements de terrain associés au passage des cyclones ou des ondes tropicales qui occasionnent le plus de problèmes et des coupures de réseau. Ainsi, en mai 2009, des glissements de terrain ont engendré une vingtaine de ruptures de canalisation dont la plus importante a eu lieu à la sortie de l’usine de traitement de Vivé sur la commune du Lorrain. Cette usine alimentait alors un quart de la population de l’île. Dans l’urgence, des tuyaux ont été acheminés par avion depuis l’Hexagone. Le temps de réparer les dégâts, des coupures tournantes ont été mises en place pendant deux semaines. Des distributions d’eau par camions citerne et en bouteille ont été organisées… Or, les tuyaux de secours, sous-dimensionnés et fonctionnant comme un goulet d’étranglement, sont toujours en place. Ils ne permettent pas d’utiliser au maximum de ses capacités l’usine de Vivé (potentiel de 35 000 m3 par jour) afin d’alimenter les populations plus au Sud.

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Examen du rapport

Au cours de sa réunion du jeudi 15 juillet 2021, la commission d’enquête procède à l’examen du rapport.

Mme la présidente Mathilde Panot. Nous allons conclure cet après-midi les travaux de la commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences.

Je tiens tout d’abord à adresser mes vifs remerciements au rapporteur Olivier Serva et aux administrateurs, qui ont réalisé un travail très fourni. Nous pouvons nous en féliciter : la commission d’enquête a effectué quatre-vingt-une auditions et deux déplacements sur le terrain. Elle a ainsi consacré plus d’une centaine d’heures à l’écoute de toutes les parties prenantes : associations, universitaires, élus et anciens élus, services de l’État, responsables des entreprises concernées, ministres chargés du dossier de l’eau – soit 245 personnes au total.

Dans le cadre de ses pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place, le rapporteur a envoyé six demandes de communication de documents, relatifs notamment à la gestion des délégations de service public (DSP) en Guadeloupe.

La commission d’enquête a examiné de manière approfondie plusieurs cas emblématiques, dont la gestion de la ressource en eau du bassin de Volvic, la gestion assurée par le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif), la situation de l’eau à Mayotte et à La Réunion.

En outre, des délégations de la commission d’enquête se sont rendues sur le terrain pour rencontrer les acteurs locaux. Les 9 et 10 avril derniers, certains d’entre nous se sont ainsi entretenus avec les acteurs impliqués dans la gestion de la nappe des grès du Trias inférieur du secteur de Vittel, dans les Vosges, dont la surexploitation et les conflits d’usage font l’objet de controverses, un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) étant en cours d’élaboration. Du 7 au 16 juin, nous avons entendu l’ensemble des témoins et des acteurs, présents et passés, de la crise de l’eau en Guadeloupe.

Avant de donner la parole au rapporteur pour qu’il présente son projet de rapport, je souhaite détailler les enseignements que je retiens de nos travaux.

Il y a onze ans, grâce à l’impulsion de la Bolivie, l’Organisation des Nations unies (ONU) a reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental, essentiel à la vie et à l’exercice des droits humains. Onze ans plus tard, le temps est venu d’un sursaut, le droit à l’eau et à l’assainissement étant en danger à l’échelle mondiale. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous indique que, d’ici à 2025, la moitié de la population mondiale sera en situation d’insécurité pour l’approvisionnement en eau. D’ici à 2050, le changement climatique aura un impact sur 75 % des réserves d’eau souterraine, principale source d’eau potable pour 2,5 milliards d’êtres humains, sachant que la fonte des glaciers a déjà fortement affecté le cycle de l’eau.

L’ONU nous alerte : la sécheresse est en passe de devenir la prochaine pandémie. Une guerre de l’eau couve autour du Nil, et la première famine directement attribuable au dérèglement climatique touche plus d’un million de personnes à Madagascar en ce début d’été 2021. Le Canada brûle sous une canicule mortelle. En Allemagne, les pluies torrentielles ont causé plusieurs morts. Au Japon, plus d’un million d’habitants ont dû être évacués à la suite de pluies torrentielles et de coulées de boue.

La perturbation du cycle de l’eau, la raréfaction de la ressource, la mauvaise qualité de l’eau font désormais plus de morts dans le monde que toutes les guerres réunies. La pandémie de Covid-19 que nous sommes en train de vivre a confirmé l’urgence de garantir le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement.

Si le groupe La France insoumise a pris l’initiative de cette commission d’enquête, c’est parce qu’il estime que la marchandisation aggrave encore les dangers que le dérèglement climatique fait peser sur l’eau. Nous devons prendre très au sérieux l’alerte qui nous vient de la Californie, où il est possible, depuis septembre 2020, de spéculer en bourse sur l’eau. Nous devons tirer les leçons de ce qui s’est passé en Australie, premier État au monde à avoir organisé un marché de l’eau : pendant les méga-feux de 2019, une entreprise singapourienne a vendu à un fonds de pension états-unien, pour 490 millions de dollars, 89 millions de mètres cubes d’eau destinés à la culture d’amandes pour l’exportation. Cela illustre bien l’absurdité de la mainmise des intérêts privés sur l’eau.

Il convient de penser une gestion collective et démocratique de ce commun, afin de préserver la ressource en eau, quantitativement et qualitativement, et de garantir les droits humains en la matière. La présente enquête constitue notre contribution à cette réflexion. Je crois que nous ne nous sommes pas trompés en choisissant un tel objet d’étude, puisque le rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement du Conseil des droits de l’homme de l’ONU consacrera lui-même son prochain rapport, attendu pour octobre 2021, aux risques liés à la marchandisation de l’eau.

Je suis très heureuse que nous nous retrouvions sur les recommandations formulées dans le rapport d’Olivier Serva. Cela prouve qu’il y a là un intérêt général humain, et qu’il est urgent d’agir, la situation étant alarmante aussi dans notre propre pays.

Je suis heureuse que le rapport indique explicitement que la délégation de la gestion de l’eau au privé comporte des risques, ce qui conduit à préférer la gestion directe en régie publique.

Je suis heureuse que le rapporteur soit comme moi favorable – j’espère que nous le serons tous – à la gratuité des premiers mètres cubes d’eau indispensables à une vie digne. De la sorte, le droit à l’eau sera véritablement garanti, puisqu’il ne sera plus subordonné aux ressources des usagers. Pour les mètres cubes suivants, il conviendrait d’appliquer des tarifs différenciés en fonction de l’usage de l’eau. Réaffirmons avec force que l’eau ne peut pas avoir la même valeur lorsqu’on la boit, lorsqu’on la consomme pour se doucher, lorsqu’on la destine à des usages « de confort » – remplir une piscine, laver une voiture – ou lorsqu’on l’utilise à des fins économiques.

Les travaux de la commission d’enquête ont en outre montré qu’il était urgent que l’État soit beaucoup plus attentif à la situation de mainmise des intérêts privés sur la ressource en eau. Nous devrons impérativement changer certaines choses, soit dans le cadre du prochain projet de loi de finances, soit grâce à d’autres textes de loi, que nous pourrions d’ailleurs défendre ensemble.

Je suis enfin particulièrement heureuse que nous ayons consacré plus d’un tiers de nos auditions aux outre-mer, nos concitoyennes et concitoyens ultramarins étant les plus durement touchés par les atteintes quotidiennes au droit à l’eau. Nous pensons principalement à deux territoires : Mayotte, où la situation est absolument catastrophique, et la Guadeloupe, où la situation est urgente à bien des égards – nous y avons passé onze jours.

En Guadeloupe, la population subit des coupures d’eau quotidiennes ; certaines familles n’ont plus d’eau à domicile depuis trois à six ans ; des enfants manquent jusqu’à un mois et demi de cours par an parce qu’il n’y a pas d’eau à l’école – nous avons nous-mêmes rencontré, au cours de notre déplacement, des enfants qui n’étaient pas à l’école pour cette raison. Le gaspillage atteint des proportions terrifiantes : d’après les estimations, 60 à 65 % de l’eau est perdue à cause des fuites. De ce fait, alors même que la ressource en eau est importante en Guadeloupe – la quantité d’eau disponible par an et par habitant y est deux à trois fois supérieure à ce qu’elle est dans l’Hexagone –, les nappes phréatiques sont dans un état très inquiétant, la baisse de leur niveau induisant des risques de salinisation.

Enfin, la commission d’enquête a découvert l’ampleur des problèmes d’assainissement en Guadeloupe. La situation est vraiment catastrophique en la matière, ce qui entraîne des risques sanitaires très élevés, mais aussi des risques écologiques et économiques, pour l’ensemble de l’archipel. On nous a dit sur place que, dans dix ans, si l’on ne fait rien, il n’y aura plus nulle part en Guadeloupe d’eaux de baignade d’excellente qualité.

Je suis heureuse, je le répète, que nous nous soyons entendus sur des recommandations. Si le rapport est adopté, il nous reviendra de les promouvoir ensemble.

M. Olivier Serva, rapporteur. Je vous remercie chaleureusement, madame la présidente, d’avoir créé cette commission d’enquête sur le droit de tirage de votre groupe. J’avais moi-même exprimé des préoccupations à ce sujet, et je suis ravi que mon groupe, La République en marche, m’ait désigné rapporteur. J’ai travaillé avec vous en bonne intelligence, non seulement du point de vue politique, mais aussi parce que nous avons une approche commune de l’intérêt général. Qui plus est, nos relations de travail ont été tout à fait cordiales, sinon harmonieuses. Je remercie les membres de votre équipe, notamment Mmes Lorraine Champagne de Labriolle et Lynda-May Azibi.

Je remercie également tous les membres de la commission d’enquête, dont j’ai apprécié l’implication au fil de nos séances hebdomadaires. Mes remerciements s’adressent aussi à l’équipe du secrétariat de la commission d’enquête, avec qui j’ai travaillé étroitement et qui nous a assistés pendant nos longues heures d’audition. Je remercie enfin mes collaboratrices, Oxann Sahai, Elyssa Laurent et Keiza Nubret Grand-Bonheur, qui ont été elles aussi pleinement mobilisées.

Je vais maintenant vous présenter mes conclusions, dont vous avez pu prendre connaissance en lisant le projet de rapport.

Le sujet de notre étude était vaste : existe-t-il, en France, des cas emblématiques de financiarisation, de prédation, de corruption et de mauvaise gestion de l’eau par les opérateurs privés ? Quel est le rôle de l’État et des autorités organisatrices des services d’eau potable et d’assainissement ? Quelles en sont les conséquences ?

Vous l’avez dit, madame la présidente, la commission d’enquête a effectué quatre-vingt-une auditions et deux déplacements sur le terrain. Elle a ainsi consacré plus d’une centaine d’heures à l’écoute de toutes les parties prenantes : associations, universitaires, élus et anciens élus, responsables des entreprises concernées, ministres chargés du dossier de l’eau – soit, au total, 245 personnes.

Dans le cadre des pouvoirs d’investigation sur pièces et sur place dont je disposais en ma qualité de rapporteur, j’ai adressé six demandes de communication de documents, relatifs notamment à la gestion des DSP en Guadeloupe.

Nous avons examiné de manière approfondie plusieurs cas emblématiques, dont la gestion de la ressource en eau du bassin de Volvic, la gestion assurée par le Sedif, la situation de l’eau à Mayotte et à La Réunion.

La commission d’enquête a recueilli des témoignages d’élus ou d’anciens élus, rapportant des faits parfois graves de corruption, de détournement de fonds publics ou de pressions exercées sur des élus, mais sans que les auteurs soient en mesure d’apporter des éléments confirmant leurs déclarations.

En tout cas, notre commission a été confrontée à des cas de mauvaise gestion, notamment en Guadeloupe. Face à des entreprises privées, certains élus ne se sont pas donné les moyens nécessaires pour s’assurer que leur cocontractant fournissait les prestations demandées avec la rigueur et la qualité requises. Face à la dégradation d’un service public essentiel, les représentants de l’État n’ont pas pris de mesures pour garantir l’accès à l’eau et l’assainissement pour tous.

Le simple fait qu’un opérateur privé se voie confier la gestion de l’eau potable ou de l’assainissement ou qu’une entreprise opère des prélèvements sur la ressource en eau pour l’embouteiller et la mettre sur le marché n’est pas en soi constitutif de prédation ou de financiarisation de cette ressource. Cependant, la puissance publique – autorités communales et intercommunales, État – ne peut se désintéresser de ces activités privées et les laisser prospérer sans exercer un contrôle fin et constant. Selon moi, les intérêts privés peuvent entrer en collision avec les objectifs d’une gestion collective de la ressource et de la distribution de l’eau, si l’État ne garantit pas une régulation équitable et transparente.

La loi pose plusieurs grands principes qui déterminent les droits et devoirs relatifs à l’utilisation de l’eau. Ainsi, faut-il le rappeler, « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation ». Toutefois, cette notion est marquée par une certaine ambivalence.

Aussi convient-il de repenser le rôle de la puissance publique en matière de régulation des activités privées dans le domaine de l’eau, en définissant l’eau, par la loi, comme un bien commun, un bien à gérer en commun, une ressource qui doit être utilisée de manière responsable. Ensuite, il faut examiner la manière dont la gestion de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement par des acteurs privés pourrait être améliorée pour éviter que des entreprises en situation d’oligopole ne tirent des profits injustifiés de leurs missions de service public.

Après avoir étudié la situation dans quatre départements et régions d’outre-mer, je constate que la protection de la ressource et l’accès à l’eau ne sont pas garantis, du fait des moyens insuffisants des collectivités organisatrices et d’une vigilance insuffisante de l’État, trop longtemps tolérant face au rôle excessif des délégataires et aux dysfonctionnements de ces services publics, ainsi qu’à l’égard des dirigeants de l’époque.

Mon projet de rapport contient soixante-seize propositions, visant notamment trois objectifs : refonder la gestion de la ressource en eau et du grand cycle de l’eau autour de la qualification juridique de l’eau comme bien commun ; renforcer les moyens de contrôle de la puissance publique sur les acteurs privés chargés de la gestion du service public de l’eau et de l’assainissement ; rétablir le système d’eau et d’assainissement en Guadeloupe, en restaurant la confiance des habitants et en soldant les errements passés dans le cadre de la mise en place du syndicat mixte ouvert unique prévu par la loi du 29 avril 2021.

Mme la présidente vient de rappeler l’importance première de la ressource en eau et les menaces qui pèsent sur elle du fait de l’activité anthropique. Je pense que nous partageons tous ces constats. Il est vain d’espérer que des nouvelles technologies nous dispenserons de chercher avec application et constance à nous inscrire de manière durable dans notre environnement.

Pour améliorer la gestion de la ressource en eau, le premier des combats à mener est celui de la compréhension précise du fonctionnement de cette ressource et des conséquences de nos activités. Je recommande donc que des modèles prédictifs soient établis partout où c’est nécessaire et que le réseau de piézomètres soit densifié, en amont et en aval des points de captage. Le manque de certitudes scientifiques ne doit cependant pas servir de paravent à d’éventuels accaparements de la ressource. Ainsi, le cas du bassin de Volvic, marqué en particulier par une exploitation de la ressource en eau par la société minéralière du groupe Danone, invite à réaffirmer le besoin d’appropriation du principe de précaution afin de concilier les différents usages humains et environnementaux de la ressource.

Par ailleurs, le régime juridique qui encadre l’utilisation de la ressource en eau ne semble pas apporter toutes les garanties nécessaires à sa protection. Pour réorganiser la protection de la ressource, il me semble indispensable de graver dans notre droit que l’eau est un bien commun, dont seul l’usage est possible. Autrement dit, la production et la consommation de l’eau ne pourraient pas être divisées entre les individus, ni faire l’objet d’une appropriation individuelle. La notion de bien commun pourrait faire l’objet d’une reconnaissance constitutionnelle. Surtout, la loi pourrait établir une hiérarchie plus claire entre les différents usages de l’eau.

Au-delà du cadre juridique, la commission d’enquête s’est interrogée sur l’action effective menée par l’État pour protéger la ressource en eau. Or, malgré les efforts engagés, les contrôles effectués au titre de la police de l’eau et la réponse judiciaire ne sont pas encore à la hauteur de l’enjeu. Je recommande donc d’accroître les moyens de la justice environnementale, en spécialisant la formation des magistrats et en raffermissant la politique pénale.

L’insuffisance des contrôles soulève la question des moyens dont dispose l’État pour protéger la ressource en eau. En effet, ceux-ci ne semblent pas en cohérence avec les ambitions affichées. Du point de vue budgétaire, le plafond de redevance, dit « plafond mordant », et sa dynamique baissière sont à l’origine d’une diminution des moyens des agences de l’eau. Il conviendrait de relever ce plafond, dont le niveau actuel n’apparaît pas soutenable au vu des missions des agences de l’eau.

Plus encore peut-être que les moyens budgétaires, les moyens humains font défaut. Depuis une dizaine d’années, la baisse des effectifs s’établit à environ 2 % par an, avec des pics de suppressions d’emplois s’élevant à 25 % dans certaines agences de l’eau. Je recommande d’amorcer une trajectoire de remontée des effectifs des opérateurs et des services déconcentrés chargés de la police de l’eau, en fixant comme cible minimale la récupération des emplois supprimés depuis dix ans.

J’en viens à la démocratie locale de l’eau, modèle participatif dont la France peut être fière. Il conviendrait d’accroître le nombre de sièges dévolus aux associations environnementales et aux associations d’usagers au sein des comités de bassin et des commissions locales de l’eau (CLE). Cela permettrait d’adapter la composition de ces « parlements de l’eau » à la perspective de raréfaction de la ressource en eau, qui appelle à renforcer la défense de l’environnement et la priorité accordée à l’eau potable s’agissant des usages.

Autre cas emblématique d’accaparement allégué de la ressource en eau, le secteur de Vittel est caractérisé par une surexploitation de la nappe des grès du Trias inférieur, en raison de spécificités géologiques et de prélèvements industriels importants, notamment par la société Nestlé Waters. Se fondant sur une bonne connaissance de cet aquifère, les acteurs locaux ont finalement abouti à un projet de SAGE. Ce schéma trace une trajectoire qui devrait permettre la conciliation du développement du territoire et la préservation de la ressource. Toutefois, il faut insister sur la priorité qui doit être accordée à la réalisation d’une étude du fonctionnement global de l’hydrosystème du bassin de Vittel, en particulier des relations entre les différents aquifères et les milieux de surface. C’est la condition sine qua non de la réussite du SAGE.

Un enjeu majeur réside également dans le système d’imposition de l’eau et de financement de la protection de cette ressource. Ce dispositif de financement repose sur les principes vertueux de « l’eau paie l’eau » et du « pollueur-payeur ». Cependant, la réalité appelle à réaffirmer ces principes, afin de leur donner leur pleine effectivité.

En effet, le principe « l’eau paie l’eau » est battu en brèche par le fait que le financement du petit cycle de l’eau, comme de la biodiversité, repose essentiellement sur l’usage domestique de l’eau. La préservation de la biodiversité se doit d’être plus largement financée par le contribuable et moins par l’usager domestique. Cela devrait tout d’abord passer par une baisse des transferts opérés par les agences de l’eau au profit de l’Office français de la biodiversité (OFB), baisse compensée par un financement à due concurrence provenant du budget général de l’État.

S’agissant du principe « pollueur-payeur », les redevances liées aux atteintes à la ressource ne sont pas suffisantes ni équitablement réparties. Les redevances pour pollution portent de manière démesurée sur les usages domestiques et les taux de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau sont trop faibles pour que celle-ci soit incitative et lève des sommes intéressantes. Je propose donc de rééquilibrer le système des redevances pour pollution entre les différents types de pollutions – domestiques, industrielles et agricoles – en accroissant le taux de la redevance pour pollution diffuse et en élargissant l’assiette à d’autres produits polluants. Parallèlement, je suggère d’accroître les taux des redevances pour prélèvements sur la ressource en eau pour les usages lucratifs.

Dernier enjeu lié au grand cycle de l’eau que la commission d’enquête a tenu à aborder, l’hydroélectricité fait elle aussi l’objet de menaces liées à l’implication d’acteurs privés. Il s’agit d’un enjeu crucial, s’agissant d’un secteur essentiel pour la souveraineté énergétique et la transition écologique de la France, au vu de son poids dans le mix électrique français et de son importance pour l’environnement et les autres usages de l’eau. Concernant la grande hydroélectricité, nous soutenons la volonté des acteurs français d’éviter la mise en concurrence de l’octroi des concessions hydroélectriques à l’occasion de leur renouvellement. J’appelle donc à assurer la pérennité des concessions hydroélectriques existantes sans recours à une mise en concurrence. S’agissant de la petite hydroélectricité, il s’agit d’utiliser les structures existantes afin de ne pas pénaliser l’environnement.

Dans la seconde partie du rapport, nous nous sommes intéressés à la gestion de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement par les acteurs privés.

Plusieurs questions ont été posées concernant les modes de gestion publics ou privés de l’eau, leur impact sur le prix et la qualité des services, sur l’entretien des réseaux, sur les processus de passation des délégations et de contrôle des délégataires. Sur tous ces sujets, il nous est apparu que des marges d’amélioration substantielles existent.

Il convient d’abord de rappeler que les services gérés par des opérateurs privés ne représentent plus que 31 % des services d’eau potable, même s’ils concernent encore 60 % de la population. Il y a vingt ans, 80 % de la population tirait son eau de services gérés en DSP. Le recul est donc bien réel. Cela peut s’expliquer par le fait que les DSP peuvent poser des problèmes de gestion. Par exemple, le contrat fait la loi entre les parties pendant de nombreuses années sans possibilité d’action pour les tiers. Par ailleurs, les responsabilités quant à l’entretien et au renouvellement des équipements ne sont pas toujours bien définies entre le délégant et le délégataire. On remarque aussi que les coûts de gestion des délégataires sont parfois opaques et que les collectivités ne disposent souvent pas des compétences suffisantes en matière de gestion et de contrôle.

À l’inverse, l’exploitation en régie permet une gestion évolutive du prix de l’eau, un contrôle plus étroit des coûts et des investissements, une meilleure connaissance directe de l’état du réseau, une cogestion plus facile avec les citoyens et une gestion plus sobre en emplois, en l’absence de coûts de publicité ou de dépenses de siège.

Cela expliquerait notamment, en partie, la différence observée de 6 % entre le prix des services gérés en régie et ceux exploités en DSP. Cependant, la commission d’enquête note que le prix du service de l’eau a augmenté en moyenne deux fois plus vite que l’inflation générale au cours de la dernière décennie.

Une autre difficulté relative aux DSP concerne les conditions de leur passation. La directive du 26 février 2014 relative aux concessions de services publics exclut toujours de son champ d’application les services publics d’eau et d’assainissement. Par conséquent, le choix des délégataires et le déroulement des procédures sont moins encadrés que pour les marchés publics. Nous proposons d’inclure les services de l’eau dans la directive européenne relative aux concessions de services publics.

Enfin, des marges de manœuvre existent pour améliorer le contrôle des délégataires. Il convient en particulier de renforcer le rôle des commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL). Ces dernières ne disposent pas à l’heure actuelle d’un véritable rôle d’impulsion, de proposition ou de contrôle. La vigilance et l’association des citoyens aux procédures de sélection et de contrôle des délégataires sont les meilleurs garde-fous contre les dérives.

Il convient également de renforcer les contrats de délégation de services publics en prévoyant un certain nombre d’obligations minimales, comme la réalisation d’un audit de fin de contrat ou l’interdiction de toute modification du contrat hors cas de nécessité absolue dans les deux ans précédant son échéance.

Pour accompagner les collectivités, l’État a d’ailleurs un rôle important à jouer. Notre principale recommandation en la matière est de développer une assistance technique, juridique et financière au profit des collectivités sous la forme d’une autorité spécialisée dans ce domaine, comme cela existe pour les partenariats public-privé. Cette instance pourrait fournir des outils comptables, de l’expertise technique, des modèles de clauses contractuelles ou de tableaux de bord. Elle pourrait également prévoir des clauses minimales pour les contrats de délégation et sanctionner les abus.

Sur la question essentielle des réseaux, nous constatons que peu de progrès réels ont été enregistrés depuis les assises de l’eau de 2018. En effet, de manière générale, le rendement des réseaux d’eau n’est que de 80 % sur le territoire hexagonal, ce qui signifie que 20 % de l’eau qui passe par les canalisations est perdue. Atteindre un taux de 100 % est illusoire mais un rendement supérieur à 85 % est considéré comme conforme aux exigences réglementaires. Or, 18 % des services de l’eau ne sont pas en conformité avec cette exigence, notamment dans les services de petite taille. En Guadeloupe, le rendement est de l’ordre de 40 %.

Ainsi, avec une moyenne de 0,53 % du réseau d’eau potable renouvelé chaque année depuis 2010, 190 années seraient nécessaires pour renouveler l’ensemble du réseau, ce qui excède de loin la durée de vie des tuyaux, comprise, au plus, entre 50 et 100 ans.

Lors des assises de l’eau, il avait été acté qu’il manquait au moins 3 ou 4 milliards d’euros d’investissements publics et privés supplémentaires par an, en plus des 6 milliards actuellement investis, pour atteindre la cible minimale de renouvellement de 1 % du réseau chaque année. Nous en sommes encore trop loin, malgré l’effort du plan de relance, qui se traduit par l’affectation de 300 millions d’euros au secteur de l’eau. Nous demandons que les sommes prévues par le plan de relance soient au moins multipliées par cinq pour faire jouer un effet de levier suffisant permettant de déclencher, au moins à court terme, les investissements dont nous avons besoin.

Il conviendrait également d’inclure dans les contrats de DSP des éléments de transparence sur l’état des réseaux. S’agissant des régies, il faudrait aussi permettre aux communes et à leurs groupements d’abonder les budgets des services publics d’eau et d’assainissement lorsque l’objet de cet abondement est de permettre une amélioration du rendement du réseau.

Enfin, nous recommandons de renforcer les moyens et les effectifs des agences de l’eau, à charge pour ces dernières d’augmenter les budgets alloués aux investissements dans les réseaux. Cela implique notamment une réflexion de fond sur le financement de la biodiversité, qui ne doit plus dépendre des agences de l’eau mais bien des crédits ministériels.

Notre commission d’enquête s’est également penchée sur le cas de l’offre publique d’achat (OPA) de Suez par Veolia. Depuis le lancement de l’opération, et jusqu’à ce jour, des interrogations multiples ont émergé. Si les conditions de la concurrence ne devraient pas être affectées à court terme en France, puisque Suez continuera à y réaliser le même chiffre d’affaires, à moyen terme, en revanche, le dynamisme de Suez risque d’être affecté par la perte, au profit de Veolia, de certains marchés extérieurs dynamiques, comme le marché américain.

On a parfois eu du mal à suivre la position de l’État au cours des différentes étapes de l’opération. Le Gouvernement a d’abord mis en avant, dans plusieurs déclarations, l’intérêt du projet, avant que les administrateurs représentant l’État au conseil d’administration d’Engie ne votent contre la vente de ses parts, à la demande du ministre de l’économie et des finances.

L’État n’a pas su s’opposer à la cession des parts de Suez – ce qui, à mes yeux, est la question essentielle – parce qu’il a trop réduit sa participation dans le capital des entreprises concernées, ce qui l’a empêché de conserver une minorité de blocage. Il n’a pas non plus cherché à se doter d’outils tels que des « golden shares », qui permettent de conserver un droit de veto sur l’ensemble du capital d’une société dans certaines circonstances. À l’avenir, il conviendra de veiller à ce que les engagements en matière d’emplois de Veolia, ainsi que ceux du consortium à majorité française qui a repris Suez, soient véritablement respectés.

Enfin, j’en viens à la situation particulière des départements et régions d’outre-mer, où protection de la ressource et accès à l’eau sont insuffisamment garantis.

À Mayotte et à La Réunion, la commission d’enquête a organisé deux tables rondes réunissant les acteurs du monde associatif et les responsables des autorités organisatrices et de l’État.

La situation à Mayotte est la plus grave : la ressource en eau y est limitée, le réseau de distribution d’eau restreint et défaillant, l’assainissement balbutiant. Les plans d’investissement restent souvent inachevés, car l’autorité organisatrice ne dispose pas des capacités pour en assurer la maîtrise d’ouvrage.

À La Réunion, la ressource en eau est abondante, mais les investissements effectués pour organiser un transfert d’eau de l’est vers l’ouest et la qualité de l’eau potable distribuée ne sont pas satisfaisants.

En Martinique, la concentration de la ressource et l’organisation complexe de la distribution conduisent à des pénuries. Il faudrait réfléchir à une gouvernance unifiée de l’eau.

En Guadeloupe, la commission d’enquête a tenu vingt-quatre auditions pour entendre tous les acteurs de l’eau, passés et actuels, et comprendre la crise de l’eau que connaît ce territoire depuis plusieurs années. En outre, le déplacement d’une délégation de la commission d’enquête a été l’occasion de constater sur place les difficultés auxquelles sont confrontés les gestionnaires et les usagers, pour lesquels le droit fondamental d’accès à l’eau n’est pas respecté.

Pour comprendre l’intrication des problèmes auxquels la Guadeloupe est confrontée, je prendrai un seul exemple. La délégation de la commission d’enquête s’est rendue à l’embouchure de la rivière du Galion, au sud de Basse-Terre, accompagnée de représentants de l’association des usagers Eaux de Guadeloupe, pour constater qu’un regard de canalisation d’évacuation débordait en se jetant directement dans l’embouchure du fleuve. Malgré l’odeur, à quelques dizaines de mètres, des enfants se baignaient dans une eau non contrôlée, l’endroit n’étant pas considéré comme une zone de baignade déclarée par la mairie et testée par l’agence régionale de santé (ARS). Les enfants s’y trouvaient un jour de semaine parce que leur école était fermée, du fait de l’absence de distribution d’eau : c’est un cercle infernal.

Cette situation résulte d’un sous-investissement dans le renouvellement des réseaux, ainsi que des défaillances du propriétaire concernant la maintenance. L’état des réseaux est imputable à la Générale des eaux, mais aussi au propriétaire délégant, qui ne peut se défausser de sa responsabilité.

La distribution de l’eau potable en Guadeloupe s’inscrit dans un cercle vicieux depuis plusieurs années. Elle se caractérise par un service médiocre et intermittent, qui n’encourage pas les usagers à régler leurs factures d’eau ; par une facturation et un recouvrement décrits comme un « accident industriel » ; par l’absence de recettes, qui met en péril les finances des autorités organisatrices ; par une situation de quasi-faillite, qui les empêche d’accomplir les investissements dans les réseaux ; par une dégradation de l’état des réseaux, qui explique les pertes et la nécessité de recourir aux coupures d’eau tournantes – les « tours d’eau ». Les usagers, qui ne reçoivent pas de réponse, sont en colère ; ils ont été contraints d’investir dans des citernes et des réservoirs, ce qui représente parfois des coûts élevés.

J’ajoute que l’on subit actuellement, à la Guadeloupe, des coupures d’eau importantes liées à la réparation de l’usine de Belle-Eau-Cadeau, que nous avons visitée.

En raison d’une absence de contrôles et d’investissements dans le renouvellement des équipements et de dysfonctionnements de la facturation, les autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement, qui ont parfois repris la gestion en régie sans planification, se sont révélées incapables, sur les plans technique et financier, d’assumer les tâches nécessaires pour garantir un service régulier de l’eau et de l’assainissement.

Nous avons constaté nombre de mauvais choix d’équipements, lors de visites sur le terrain. La préférence donnée à certains matériaux est rendue responsable de la défaillance des réseaux. Des technologies non adaptées au climat et aux besoins – et plus coûteuses – ont également été retenues, sur les conseils de cabinets et de services de l’État.

La première mission du syndicat mixte ouvert qui sera mis en place, par la volonté du législateur, au 1er septembre 2021, sera de restaurer la confiance des Guadeloupéens dans la gestion de l’eau et de l’assainissement. Pour cela, je formule trois propositions.

Premièrement, je préconise de maintenir, à titre transitoire, les équipes techniques de chaque régie existante au sein du futur syndicat mixte unique, tout en mutualisant les fonctions stratégiques et de support.

Deuxièmement, je propose d’annuler les factures d’eau anciennes non réglées, lorsqu’elles ne correspondent pas à une consommation normale ou à la capacité financière des usagers.

Troisièmement, je suggère d’élaborer un plan de renouvellement général des compteurs d’eau en Guadeloupe.

L’État doit aujourd’hui prendre sa part de responsabilité. Il ne peut se contenter de la posture attentiste consistant à rappeler que l’eau et l’assainissement sont des compétences locales, quand la défaillance de ces services publics a des conséquences sur la vie et la santé des populations de la Guadeloupe.

La question de l’avenir des dettes et des créances des opérateurs reste en suspens, malgré les déclarations des responsables de l’État. Si les dettes d’investissement doivent revenir au futur syndicat unique, la loi prévoit que les autres dettes seront in fine à la charge des intercommunalités. Il me semble indispensable de faire apurer par l’État les comptes de liquidation des syndicats et régies afin que le nouveau syndicat mixte ouvert et les communautés d’agglomération n’aient pas à supporter les conséquences de la gestion passée.

L’état des réseaux et les difficultés financières rendent nécessaire un plan d’investissement massif, qui excède les capacités des autorités locales. Il faudra donc faire jouer la solidarité nationale. Or, dans le cadre du plan de relance, seuls 50 millions d’euros ont été fléchés vers les territoires ultramarins, alors qu’il est impératif d’avoir une maîtrise d’ouvrage dotée de moyens suffisants et une ingénierie publique à la hauteur.

Plusieurs personnes auditionnées ont estimé que le montant de l’investissement nécessaire à la remise en service d’un réseau d’eau potable satisfaisant, à la mise aux normes et au déploiement d’un réseau d’assainissement, est supérieur au milliard d’euros, sans pouvoir cependant en fournir le détail. Ce plan exceptionnel de remise en état devra s’accompagner d’un effort continu d’investissement pour renouveler les équipements.

Cependant, il ne faudrait pas oublier le problème de l’assainissement en Guadeloupe : l’abandon du réseau d’assainissement peut avoir des conséquences tout aussi fâcheuses – voire plus graves – que les difficultés d’approvisionnement en eau potable. Selon l’agence régionale de santé, chaque année, nous perdons de 6 à 10 % d’eaux de baignade de qualité suffisante. Si cette évolution se poursuivait, dans dix ans, il ne resterait plus, en Guadeloupe, aucune eau de baignade conforme, autrement dit de qualité excellente. Il faut faire de l’assainissement un objectif prioritaire, au même titre que le rétablissement de la distribution d’eau potable, notamment en protégeant les aires d’alimentation des captages.

Enfin, la Guadeloupe et la Martinique doivent vivre avec l’héritage du chlordécone. Plusieurs captages présentent des traces de ce pesticide persistant, qu’il faut éliminer. Si le coût de remplacement de ces filtres reste limité, il n’en reste pas moins que le coût du traitement supplémentaire n’a pas à être supporté par l’usager mais pourrait être pris en charge par l’État au titre de sa responsabilité, reconnue récemment, dans la dissémination de ce polluant.

Mme Catherine Kamowski. Il s’agit d’un rapport extrêmement intéressant, où j’ai retrouvé mon expérience d’élue de terrain, ayant notamment participé aux travaux d’une commission locale d’évaluation des charges transférées (CLECT). J’ai en effet exercé les responsabilités de maire d’une ville dotée d’une régie municipale des eaux avant qu’elle ne transfère en 2005 la compétence à la communauté d’agglomération de Grenoble, devenue métropole. J’étais également vice-présidente de la communauté d’agglomération, chargée des déchets urbains, et j’ai, à ce titre, géré le transfert, qui nous a pris une bonne année ; ce fut extrêmement instructif. Je précise que je n’exerce plus ces mandats locaux, mais je me rends compte à la lecture de vos remarques et de vos propositions, d’ailleurs pertinentes, que les pratiques de la métropole grenobloise relevaient de la bonne gouvernance, ce qui ne semble pas être le cas dans tous les territoires.

Vous avez raison, il faut analyser finement les avantages et les inconvénients des DSP et comparer les différents modes de gestion – régie, DSP, société publique locale (SPL), société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), etc. Ce fut le cas à Grenoble lors du renouvellement de la DSP relative à l’incinération des déchets. Il s’agit de questions extrêmement techniques, mais également politiques, au sens noble du terme. Le choix est toujours complexe, les implications, nombreuses, et le travail, très long. Les élus s’appuient sur les services des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des municipalités ou sur des cabinets recrutés spécialement pour les aider, car ils n’ont pas la science infuse – pour ma part, j’étais professeure d’anglais avant d’être élue, et n’étais pas spécialiste en matière de gestion des déchets.

Prend-on toujours la bonne décision ? Nous n’en sommes jamais sûrs, mais c’est à nous de la prendre et de la faire appliquer, car il s’agit bien d’un choix politique – je pense en particulier à la gratuité des premiers mètres cubes d’eau. Au sein de l’agglomération grenobloise – j’en reviens à mon expérience locale car il ne faut pas faire de généralisation hâtive –, nous n’avions pas fait le choix de la gratuité. Je ne sais pas ce que feront les nouveaux élus, mais cela nous avait semblé difficile à mettre en place, le nombre de mètres cubes gratuits assigné à chaque ménage dépendant, entre autres, de sa taille, ce qui entraîne d’importantes lourdeurs administratives et des coûts – pour vérifier les déclarations des ménages, la taille de ces derniers évoluant très régulièrement. Or, l’eau payant l’eau, les coûts induits doivent être répercutés soit sur l’usager, soit sur le contribuable.

Avec M. Vuilletet – qui me prie de l’excuser d’avoir quitté la salle car il devait assister à une autre réunion –, nous prendrons le temps de vous transmettre notre contribution par écrit.

Je reviens sur la notion de responsabilité des élus. Représentants du peuple, ils doivent se montrer dignes de la confiance qui leur a été accordée. Ils doivent donc prendre leurs décisions en connaissance de cause et en affronter les conséquences si jamais elles ne sont pas bonnes, la sanction ultime étant la non-réélection.

C’est pourquoi je suis d’accord avec vous : même si l’élu fait confiance à un délégataire de service public, il doit mettre en place des processus de contrôle idoines ou embaucher des personnels qualifiés pour exercer ce contrôle. Dans tous les cas – régie ou DSP –, un rapport annuel doit être présenté à l’assemblée délibérante compétente et publié, comme le prévoit la loi. Il faut rappeler ces exigences de contrôle et de transparence, voire prévoir des sanctions si elles ne sont pas respectées. Ce n’est qu’à ce prix que nos concitoyens retrouveront peut-être confiance en leurs élus. Je me réfère ici aux propositions nos 37 à 43, ainsi qu’à la proposition n° 56, qui sont d’ordre législatif ou réglementaire, et de niveau national ou local.

Je ne suis pas favorable à la codécision avec les usagers, mais la discussion est évidemment nécessaire en amont avec les différentes parties prenantes de la politique de l’eau, notamment dans le cadre des CCSPL.

Il me semble que le plan de relance finance l’eau et l’assainissement à hauteur de 2 milliards d’euros. Vous avez raison, ce n’est pas suffisant car il faudrait déjà 1 milliard pour la Guyane. Au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Véronique Louwagie et moi allons bientôt remettre notre deuxième rapport sur la territorialisation du plan de relance. Nous avons beaucoup échangé avec France relance, dont le site est remarquable. À cette occasion, j’ai sollicité les collectivités de ma circonscription, située en zone de montagne. Nous retrouvons les mêmes problèmes, de bassins versants ou d’investissements non réalisés. Ainsi les collectivités utilisent-elles toujours des tuyaux datant d’après la seconde guerre mondiale, et les fuites sont-elles de plus en plus importantes.

Tant pour la distribution de l’eau que pour l’assainissement, dans l’intérêt collectif, il nous faut peut-être inciter les élus, voire les obliger, à prévoir un plan pluriannuel d’investissement. Cela passe nécessairement par des mesures financières. C’est pourquoi votre proposition de TVA à 5,5 % sur la partie assainissement du coût de l’eau me semble une bonne idée, mais uniquement si des investissements sont votés, programmés, puis engagés. La décision devrait être prise localement – ce sera peut-être possible si le projet de loi 4D ou 3DS est examiné et adopté –, car tout le monde ne peut pas avancer au même rythme, les problématiques n’étant pas les mêmes partout, comme l’illustrent les cas de la Guadeloupe ou de Mayotte.

S’agissant de la proposition n° 66, je ne suis pas sûre qu’on ait besoin de déclencher le plan Orsec – organisation de la réponse de sécurité civile – en cas de défaillance de la distribution d’eau. Lors des sécheresses, les communes, ou les collectivités compétentes, organisent déjà l’approvisionnement en eau potable.

Mme la présidente Mathilde Panot. La proposition concerne la Guadeloupe.

Mme Catherine Kamowski. Effectivement, j’y ai pensé en même temps que je le disais…

S’agissant des dettes, on le sait bien, parfois, l’apurement est nécessaire pour repartir de zéro. Mais je préférerais que l’on parle de moratoire, dans l’attente d’une enquête permettant de déterminer ce qui relève de la responsabilité effective de la collectivité – elles gèrent l’eau et l’assainissement depuis très longtemps, tout de même – et ce qui relève de la faute de l’État, ou de l’impondérable et de l’insurmontable. Dans ce dernier cas, l’apurement de la dette est effectivement assez logique. Mais il faudrait une décision de justice, après enquête.

S’agissant de la proposition n° 71, les formations aux métiers de l’eau existent déjà.

Mme la présidente Mathilde Panot. Cette proposition et celle relative à l’apurement des dettes visent uniquement la Guadeloupe. Il y a des gens qui ont des factures de 17 000 euros.

Mme Catherine Kamowski. Je l’avais noté, mais mon propos était plus large, car il y a des dettes ailleurs. Je ne nie nullement l’urgence de la situation en Guadeloupe ; c’est d’ailleurs pourquoi j’insiste beaucoup sur la responsabilité des élus, qui doivent assumer les conséquences de leurs décisions ou de l’absence de décision.

S’agissant de la proposition n° 73, l’assainissement doit effectivement être un objectif prioritaire, puisque c’est lui qui nous rend la ressource en eau et améliore les eaux de baignade. Mais, pour que l’assainissement fonctionne bien et à moindre coût, il faut passer par un réseau séparatif – d’un côté, les eaux usées ; de l’autre, les eaux pluviales – ou bien par un service public d’assainissement non collectif (SPANC). Dans l’un et l’autre cas, il faut prévoir les investissements nécessaires.

La proposition n° 74 relève de l’évidence, mais il est parfois bon de le répéter.

J’en viens à votre avant-propos, madame la présidente. Il reprend – ce n’est pas une critique – un article présenté il y a un an par le président de votre groupe, M. Jean-Luc Mélenchon, lors de l’assemblée représentative 2020 de La France insoumise. Votre position n’est pas critiquable en soi, je la partage d’ailleurs en grande partie sur le fond, mais, sur la forme, il serait intéressant d’en indiquer les sources – c’est la professeure d’université qui parle.

De même, il conviendrait de mentionner la source des citations insérées dans l’avant-propos du rapport. Par exemple, lorsque vous évoquez des propos de M. Santini, vous faites référence non pas à son audition par notre commission d’enquête mais, si j’ai bien compris, à une remarque très désagréable qu’il vous a adressée à l’extérieur de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente Mathilde Panot. En effet. Lors d’une réunion du comité du SEDIF faisant suite aux travaux de la « mission 2023 », M. Santini a annoncé qu’il portait plainte contre X, pour diffamation publique, compte tenu de certains propos tenus au cours de l’audition des dirigeants du Syndicat par notre commission d’enquête. Lors d’une autre réunion du même comité, il a demandé la protection fonctionnelle du Sedif dans le cadre de cette procédure judiciaire. Alors que je répondais à la presse que les propos tenus devant une commission d’enquête ne pouvaient pas donner lieu à poursuite, il a rétorqué : « Ma chérie, on se retrouvera au tribunal et tu rigoleras moins. »

Mme Catherine Kamowski. Il serait bon de le préciser dans une note de bas de page ou une annexe. Le fait de circonstancier ces propos ne peut que vous protéger.

À la page 214 du projet de rapport, monsieur le rapporteur, vous écrivez : « Enfin, alors que la presse s’est fait l’écho de rumeurs concernant d’éventuelles pressions exercées par l’exécutif, et notamment par le secrétaire général de l’Élysée, M. Alexis Kohler, les administrateurs salariés ont confirmé sous serment ne pas avoir reçu de coups de téléphone ou d’autres pressions concernant leur vote. » J’ai l’impression que cette phrase contredit l’avant-propos de Mme la présidente.

Voilà les hiatus que j’ai pu relever après une lecture très rapide du rapport – et pourtant, je connais un petit peu la question ! Que diront ceux qui n’en sont pas spécialistes, par exemple les journalistes, qui se contenteront peut-être de lire l’avant-propos ? Le sujet est fondamental car l’eau est le bien le plus vital. Si les polémiques peuvent être tout à fait normales, il ne faudrait pas que certaines accusations, sur lesquelles je ne me prononce pas, éclipsent les nécessaires réflexions et actions à mener pour améliorer le fonctionnement du système d’eau et d’assainissement, au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens.

Mme Yolaine de Courson. La commission d’enquête a effectué un travail remarquable. J’ai eu beaucoup de plaisir à participer aux différentes auditions.

J’ai pris part au déplacement de la commission d’enquête à Vittel, qui était très intéressant et a donné lieu à la rédaction de la très bonne proposition n° 23. Dans ce genre de ville où des compagnies privées s’octroient un quasi-monopole sur les nappes phréatiques, la situation devient préoccupante, y compris pour les citoyens eux-mêmes, qui s’inquiètent pour l’avenir de la ressource bien que ces entreprises soient leurs premiers employeurs. Comme partout, il faut que des lois ou des règlements viennent protéger la ressource en eau, qui n’est pas éternelle.

Vous disiez, madame Kamowski, que l’assainissement faisait revenir l’eau dans le réseau. Mais à Vittel, à Volvic ou à Évian, ce n’est pas le cas !

Mme Catherine Kamowski. L’assainissement fait revenir l’eau dans le cycle, non dans le réseau.

Mme Yolaine de Courson. À l’échelle de la planète, vous avez raison. Mais des millions de litres de Volvic, d’Évian et de Vittel sont vendus à l’étranger ; la ressource intègre alors les cycles de l’eau dans d’autres pays.

En tant qu’élue d’un territoire très rural, je suis sensible à la proposition n° 14. Lorsqu’un petit village de quelques centaines d’habitants, entouré de terres agricoles, connaît un problème au niveau de la zone de captage, le maire a souvent beaucoup de mal à faire reconnaître la source du problème. Si un professionnel est en cause, le maire ne peut pas se le mettre à dos. Il faut donc qu’une entité indépendante intervienne. Or l’Office français de la biodiversité (OFB), qui joue aujourd’hui ce rôle de contrôleur et devrait même le jouer mieux, subit dans mon territoire des intimidations. Il y a vraiment quelque chose à faire dans ce domaine. En outre, je suis tout à fait d’accord avec l’idée de ne pas faire payer à l’usager la protection de la biodiversité.

En 2026, toutes les communes devront avoir transféré leurs compétences eau et assainissement à la communauté de communes. Je ne suis pas sûre que cela se fasse partout dans la plus grande sérénité. Certains villages se sentent propriétaires de leur eau, un peu comme dans Manon des sources ; ce sera donc compliqué. Comment pourrons-nous suivre la bonne réalisation de ce transfert ? Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que le rendement des réseaux d’eau était de 80 % à l’échelle nationale. Mais dans certaines communes rurales, notamment celles qui n’ont pas refait leur réseau d’eau depuis de nombreuses années, les pertes sont plus importantes, de l’ordre de 30 à 40 %. N’aurions-nous pas intérêt à réaliser, sous forme cadastrale, une évaluation de l’état des réseaux et de leur transformation ? Certains villages sont encore ravitaillés par des citernes ; ils paient l’eau encore plus cher à Veolia ou à Suez.

M. Olivier Serva, rapporteur. Merci, mes chers collègues, pour vos contributions et remarques.

S’agissant de l’implication des usagers dans la gestion des réseaux d’eau, madame Kamowski, la codécision va dans le sens de l’histoire, même si elle n’est pas toujours possible aujourd’hui. On ne peut plus se prévaloir d’une qualité d’élu pour imposer des décisions.

Le plan de relance prévoit non pas 2 milliards, mais bien 300 millions d’euros d’investissements dans les réseaux d’eau : 220 millions sont destinés aux agences de l’eau, 50 millions aux outre-mer et 30 millions à la rénovation des bornes d’épuration.

Il existe deux plans Orsec : le plan Orsec classique et le plan Orsec « eau potable ». Il faut donc distinguer deux régimes différents. Le plan Orsec « eau potable » prévoit notamment qu’en cas de coupure d’eau, comme il s’en produit en Guadeloupe, les autorités organisatrices doivent fournir aux usagers une solution de remplacement, par exemple des packs d’eau. Or elles ne le font pas, faute de moyens financiers.

Mme Catherine Kamowski. Cela s’applique-t-il surtout aux territoires ultramarins ?

M. Olivier Serva, rapporteur. Les plans Orsec « eau potable » existent dans toute la France.

Mme Catherine Kamowski. Une commune de l’Isère a connu ce problème il y a trois ou quatre ans : il y a eu une rupture de l’approvisionnement en eau, et la ville a livré des packs d’eau sans qu’il ait été nécessaire de déclencher le plan Orsec. Mais je peux comprendre que, dans certaines situations, il faille aller jusque-là.

M. Olivier Serva, rapporteur. C’est ce que j’étais en train de dire. Dans la situation que vous avez évoquée, il a été possible de fournir des packs d’eau à la population parce que la coupure était ponctuelle. En Guadeloupe, les coupures sont longues et récurrentes, et les autorités organisatrices n’ont pas la possibilité de livrer des packs d’eau de façon régulière et intensive. Il faut donc trouver d’autres solutions.

J’ai parlé non pas d’effacement, mais d’apurement des dettes. Chacun reconnaît qu’il y a eu un accident industriel, subi non par l’État mais par le délégataire de service public, à savoir la Générale des eaux. En principe, le régime juridique de la prescription quadriennale des créances s’applique, mais parmi ces créances, il faut séparer le bon grain de l’ivraie. Il faut libérer des poursuites d’huissier et autres mises en demeure les usagers qui ne bénéficient pas d’une eau de bonne qualité et faire en sorte que le nouveau syndicat mixte ouvert ait des créances saines.

S’agissant de l’assainissement, nous sommes d’accord : il faut construire des réseaux d’eau séparés, en profitant des subventions européennes, qui sont importantes, et s’assurer que les technologies employées sont les bonnes.

En tant que rapporteur, mon rôle se limite à traduire ce qui ressort de nos échanges ; il ne m’appartient donc pas de réagir à l’avant-propos de Mme la présidente, qui n’engage qu’elle. Quant à la page 214, dont vous avez lu un passage, elle correspond à la position du rapporteur de la commission.

Effectivement, madame de Courson, les transferts de compétences à l’horizon 2026 posent un vrai problème. Nous devons regarder cela de façon très précise.

Mme la présidente Mathilde Panot. Merci à vous tous pour ces discussions autour du rapport, qu’il serait intéressant de poursuivre.

Le débat sur la gratuité des premiers mètres cubes d’eau traverse l’ensemble des acteurs du secteur, y compris les associations d’usagers de l’eau. La gratuité des premiers mètres cubes, avec suppression de l’abonnement, du compteur et tarification différenciée selon les usages, a déjà été mise en place dans certaines villes. Vous opposez à cette mesure, madame Kamowski, une certaine lourdeur administrative et les contrôles importants qu’elle implique, notamment en cas de changement dans la composition du ménage. Je conviens qu’il faut examiner ce point, mais nous savons faire de tels contrôles, qui sont d’ailleurs tout aussi nécessaires lorsqu’on applique une tarification sociale. Qui plus est, dans le cas de la tarification sociale, le taux de non-recours est parfois très important. C’est pourquoi je donne ma préférence à la gratuité des premiers mètres cubes, qui permet de garantir réellement le droit humain universel à l’eau reconnu par l’ONU.

Madame de Courson, vous avez évoqué l’état des réseaux. Cet aspect fait l’objet de la proposition n° 3, « rendre obligatoire et systématique la collecte des données relatives à l’eau et à l’assainissement dans la base SISPEA […] » – une tâche qu’une partie des collectivités n’accomplissent pas –, et de la proposition n° 4, « rendre obligatoires l’harmonisation et la mise en ligne des données relatives aux réseaux d’eau et d’assainissement ». Je souscris par ailleurs aux propos de M. le rapporteur à ce sujet.

La réunion est suspendue de quinze heures vingt à quinze heures vingt-cinq.

Mme la présidente Mathilde Panot. Mes chers collègues, je vous informe que M. le rapporteur et moi-même avons transmis le rapport de notre commission d’enquête au procureur de la République. Il pourrait en effet justifier l’ouverture d’une enquête sur d’éventuelles malversations commises dans le cadre de l’attribution et de la gestion des marchés d’eau et d’assainissement en Guadeloupe.

Mme Catherine Kamowski. Mon expérience d’élue rejoint toutes les conclusions de notre commission d’enquête ; c’est pourquoi j’exprime, en mon nom propre et en tant que membre du groupe La République en marche, un avis très favorable au rapport. Néanmoins, je maintiens mes réserves s’agissant des accusations qu’il contient et des citations qui mériteraient d’être mieux sourcées.

La commission d’enquête adopte le rapport à l’unanimité.

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Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution de Mme Mathilde Panot, DÉPUTÉe du Val-de-Marne, PrÉsidente de la commission d’enquÊte, au nom du groupe la France Insoumise

Je souhaite, tout d’abord, réaffirmer que notre groupe parlementaire La France insoumise se retrouve dans les propositions issues du travail de plusieurs mois de la commission d’enquête sur la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences. Ces recommandations, votées à l’unanimité des députés de toutes sensibilités, sont une première victoire des idées pour toutes celles et ceux qui militent depuis si longtemps pour que l’eau soit reconnue comme un Commun. Mais plus qu’une victoire idéologique, ces recommandations attestent l’idée qu’à l’épreuve des faits, rien ne peut justifier de laisser les multinationales décider et s’accaparer la ressource la plus vitale au monde. Il s’agit désormais de mener la bataille des actes pour que ces recommandations ne restent pas lettres mortes.

Je veux ensuite dire à quel point nous ne nous sommes pas trompés sur le périmètre de cette commission d’enquête, initiée par notre groupe parlementaire grâce à son droit de tirage. Le rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement à l’ONU de 2014 à 2020, Léo Heller, avait rendu en 2020 un rapport intitulé La privatisation et le droit à l’eau potable et à l’assainissement. Le nouveau rapporteur, Pedro Arrojo, rendra en octobre 2021 un rapport soulignant les risques de la marchandisation de l’eau.

Ce préambule fait, je souhaite revenir dans cette contribution du groupe parlementaire insoumis sur des recommandations trop peu développées ou absentes du rapport.

Recommandation : Le droit fondamental à l’accès à l’eau potable et à un assainissement de qualité doit être inscrit dans la Constitution française. Le statut de l’eau en tant que Commun des vivants doit être consacré dans la Constitution française, afin de prévenir toute possibilité de financiarisation de l’eau.

J’insiste sur cette inscription dans la Constitution qui est évoquée rapidement dans le rapport. Car si le droit à l’eau et à l’assainissement était inscrit dans la Constitution française, l’État et les collectivités seraient sommés, si nécessaire par les tribunaux, d’agir concrètement, pour interdire aux multinationales de piller notre eau et pour garantir ce droit universel.

Recommandation : Lever le secret des affaires sur la gestion des services publics de l’eau et des communs.

Nos concitoyens d’Outre-mer en première ligne des violations du droit à l’eau et à l’assainissement

Notre commission d’enquête a passé un tiers des plus de cent heures d’auditions à s’intéresser à la situation de l’Outre-mer. Je m’en félicite car nos concitoyens et concitoyennes d’Outre-mer sont en première ligne des atteintes au droit fondamental à l’eau et à l’assainissement. Cette situation représente un scandale pour notre République sociale et, bien souvent aussi, un scandale écologique. Mais à partir des Outre-mer pourrait aussi, sous condition de volonté politique, naître la reconnaissance d’un véritable droit à l’eau et à l’assainissement qui montrerait la voie à tout le pays.

La situation à Mayotte

Je ferai une incise particulière sur Mayotte où la situation de l’eau est certainement la plus catastrophique de notre pays. À Mayotte, une filiale de Vinci émet des factures exorbitantes de plusieurs centaines voire milliers d’euros, alors que 90 % de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Elle envoie ensuite des huissiers recouvrer les factures, et quand les habitants ne peuvent les payer, ils les envoient demander aux services sociaux de payer leur facture. Il est inacceptable qu’en France, au XXIe siècle, l’eau représente 19 % des dépenses des Mahorais pour un service qui n’est pas rendu. La Mahoraise des eaux doit par ailleurs mettre en place d’autres points de vente pour les cartes des bornes monétiques d’eau, afin de garantir l’accès à l’eau à tous. Les rafles de la Police aux Frontières au niveau de ces bornes, qui sont le seul accès à l’eau pour les personnes les plus défavorisées, sont indignes et doivent cesser immédiatement.

Mayotte est un cas d’école qui démontre les limites de la fuite en avant technologique dans le domaine de l’eau. Des dispositifs à impact écologique vertueux étaient disponibles, tels que le reboisement et la végétalisation pour améliorer les capacités d’infiltration et de rétention d’eau des sols. Des dispositifs à impact écologique limité étaient disponibles tels que des retenues collinaires pour la captation de l’eau de pluie et de ruissellement. Pourtant, c’est une technologie coûteuse et nécessitant un entretien exigeant qui a été choisie. À la suite d’un incendie, l’usine nécessite des travaux coûteux de remise en état. Si les frais investis dans l’usine de dessalement avaient été dirigés vers des projets de reverdissement, l’archipel aurait par ailleurs bénéficié d’une amélioration du cycle de l’eau local, et d’une protection contre les effets du dérèglement climatique.

Des mesures d’urgence pour l’Outre-mer

Le rapport de la commission d’enquête liste des mesures indispensables pour améliorer durablement la situation en Outre-mer. Toutefois, celles-ci prendront leurs effets au fil des années et travaux réalisés, tandis que les ultramarins ont besoin de mesures concrètes pour améliorer leurs conditions de vie dès maintenant. Pour cela, le plan Orsec Eau potable doit être mis en œuvre à Mayotte et en Guadeloupe au plus vite. Pour tous les territoires concernés, un bouclier sur le prix de vente des eaux en bouteille doit être appliqué. Le prix de l’eau en bouteille est, à titre d’exemple, 2 à 5 fois plus élevé en Guadeloupe qu’en Hexagone. L’état de crise sanitaire doit être reconnu, notamment aux Antilles, où la contamination des eaux, des milieux et des habitants au chlordécone est une catastrophe dont on ne mesure pas la pleine ampleur, au regard des effets cocktails insuffisamment étudiés avec d’autres substances.

Recommandation : Instaurer un bouclier des prix sur les packs d’en en bouteille jusqu’à l’arrêt des tours d’eau et le rétablissement qualitatif de l’eau en Guadeloupe, ainsi que dans toute région où le service public de l’eau est défaillant comme à Mayotte, ou à la Réunion.

Mayotte :

Recommandation : Développer un plan de reboisement et végétalisation de Mayotte pour permettre une meilleure infiltration de l’eau dans les sols et les nappes phréatiques.

 

Recommandation : Lancer une enquête sur le dysfonctionnement, la mal-gestion et les prédations autour de l’usine de dessalement et la gestion de l’eau par la Mahoraise des Eaux, filiale de Vinci.

 

Recommandation : Annuler les factures exorbitantes des habitants à Mayotte, enquêter sur les pratiques de facturation abusive de l’eau à Mayotte.

 

Recommandation : Mettre en place plusieurs points de vente pour les cartes permettant d’utiliser les bornes monétiques d’eau potable. 

 

Recommandation : Cesser immédiatement les rafles de la Police aux Frontières à proximité des bornes monétiques. Cela porte atteinte au droit fondamental à l’accès à l’eau potable.

La Réunion :

Recommandation : Enjoindre EDF à développer une réutilisation ou redirection des eaux industrielles actuellement rejetées dans le lagon à St Anne.

 

Recommandation :  Rénover et augmenter les capacités de production des infrastructures de potabilisation de l’eau, en utilisant des technologies adaptées au climat et aux conditions locales.

 

Recommandation : Rénover les réseaux et lutter contre les fuites.

La Guadeloupe :

Recommandation : Supprimer les factures exorbitantes des citoyens en Guadeloupe.

 

Recommandation : Mise en place et adoption du plan Orsec eau potable.

 

Recommandation : Reconnaître le statut de crise sanitaire et écologique en Guadeloupe, sur l’enjeu de l’eau potable et de l’assainissement, de la contamination au chlordécone, et des effets cocktails avec d’autres substances dont les conséquences sont inconnues.

 

Recommandation : Garantir une participation décisionnelle des citoyens dans le nouveau Syndicat Mixte Ouvert, et dans toute structure de gestion de l’eau.

 

Recommandation : Garantir que ni la dette existante, ni les investissements pour la remise à niveau immédiate des réseaux, ne soient répercutés sur la facture des usagers de l’eau. 

 

Recommandation : Garantir l’avenir professionnel des salariés du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG). Si ceux-ci sont réorientés vers des structures existantes, prévoir une répartition équitable de cadres et de techniciens entre les structures, pour éviter le déficit de compétences techniques.

 

Recommandation : Mettre aux normes sécuritaires les captages et les équipements de la gestion de l’eau et de l’assainissement.

 

Recommandation : Mettre en place un plan de financement conséquent pour le renouvellement des infrastructures pour l’eau potable et l’assainissement, financé par l’État.

 

Recommandation : L’État doit financer le procédé de filtration au charbon pour le chlordécone. Favoriser le retraitement de la chaux et du charbon utilisés dans le processus de potabilisation sur place, plutôt que de l’envoyer en hexagone.

La régie publique pour garantir l’intérêt général

Les auditions de la commission d’enquête débouchent sur un constat alarmant quant à la primauté des intérêts privés sur l’intérêt général dans le cadre de certaines délégations du service public de l’eau et concessions à un gestionnaire privé. Le travail de Raymond Avrillier, ancien conseiller municipal de Grenoble et membre du conseil d’exploitation des régies d’assainissement et d’eaux de Grenoble-Alpes, a mis en évidence la corruption caractérisée à Grenoble dans les années 1990 entre la mairie de Grenoble d’Alain Carignon et la Lyonnaise des eaux, actuel Suez. Sans contrôle effectif des délégataires, le risque de dérives et de collusions est grand.

Il apparaît dans de nombreuses auditions de la commission d’enquête que la délégation du service public de l’eau au privé crée un terreau fertile pour la mainmise des intérêts privés, ainsi que des pressions contre les lanceurs d’alerte qui se dresseraient à leur encontre. Cela concourt à affirmer que la gestion publique en régie est le modèle à favoriser pour la gestion de l’eau et de l’assainissement.

À la suite de la mise en lumière du « système Carignon », Raymond Avrillier, Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble puis de la régie des eaux de Grenoble, et les nouveaux gestionnaires de l’eau grenobloise ont permis d’établir que sur un territoire donné, et à conditions égales, la gestion en régie était beaucoup moins chère pour les usagers. En comparant les données concernant la gestion sous la Lyonnaise des eaux, et ensuite celles lors du passage en régie, la différence est nette. Le rapport avec les usagers s’est amélioré, et leur participation à l’orientation de la politique de l’eau a permis de développer une politique de gestion et d’investissement sur le long terme, dans l’intérêt des grenoblois sur plusieurs générations. La politique de gestion privée est nécessairement limitée par la durée du contrat, rendant impossible une politique sur le long terme.

Les associations représentatives d’élus et délégants auditionnés ont souligné que le choix de délégation au privé était souvent fait par facilité et manque de compétences de la part des autorités organisatrices des services publics de l’eau potable et de l’assainissement. Afin de donner aux élus un véritable choix plutôt qu’une orientation par défaut vers la délégation de service public (DSP), il est impératif qu’ils soient accompagnés dans leur choix de mode de gestion. Les autorités délégantes doivent également disposer de techniciens compétents à même d’effectuer de véritables contrôles des délégataires pour éviter l’auto-contrôle de ces derniers.

Il serait également important de repenser la procédure dite « loi Sapin ». Chaque année, ce sont un milliard d’euros qui sont délégués au privé, tous services publics confondus, au moyen de la procédure « loi Sapin » : celle-ci organise la concurrence entre les acteurs privés sans envisager la gestion publique comme une alternative sérieuse. C’est une procédure administrativement lourde pour les autorités organisatrices qui n’en tirent que peu d’informations nouvelles, puisque celle-ci aboutit à un renouvellement avec le même délégataire dans 92 % des cas. La procédure doit être amendée pour mettre réellement en concurrence les délégations de service public et la régie.

À conditions égales et sur un territoire donné, Gabriel Amard, ancien maire de Viry-Châtillon et ancien président de la communauté d’agglomération et du conseil d’exploitation de la régie Eau des Lacs de l’Essonne, et Raymond Avrillier ont démontré que la régie était plus avantageuse que la délégation de service public :

-         Les investissements sont amortis sur le long terme et pèsent moins lourd sur la facture des usagers, tout en permettant de multiplier par trois les capacités d’investissement.

-         La régie réinvestit tout l’argent de l’eau dans l’eau plutôt que payer des directeurs commerciaux ou des frais de siège. En ce sens, elle permet aussi une gestion plus économe de l’eau.

-         Les achats sont soumis à la concurrence des marchés publics plutôt que sous-traités à des filiales du délégataire.

-         Les entreprises privées ont un objectif de profit permettant de dégager des dividendes pour les actionnaires. C’est autant d’argent perdu pour la gestion du service public de l’eau, l’investissement dans les réseaux et l’amélioration de la qualité de la ressource dans les milieux naturels.

-         Les entreprises privées sont soumises à une fiscalité plus forte que les régies publiques, qui se répercute sur la tarification de l’eau.

Recommandation : Affirmer que la gestion en régie publique avec une participation effective des usagers dans le processus décisionnel est le modèle de gestion du service public de l’eau à favoriser. C’est celui qui permet une plus grande transparence, un maintien des compétences techniques dans le domaine public et qui priorise l’intérêt des usagers, et la préservation de la ressource en eau.

 

Recommandation : Amender la procédure dite « loi Sapin » pour y inclure une mise en concurrence effective entre les acteurs privés et la régie publique.

 

Recommandation : Mettre en place la gratuité des premiers mètres cubes d’eau vitaux, du compteur et de l’abonnement au domicile principal, ainsi qu’une tarification différenciée en fonction des usages pour garantir l’effectivité du droit universel à l’accès à l’eau potable.

 

Recommandation : Soutenir et accompagner les autorités organisatrices en DSP en fin de contrat pour préparer la sortie de DSP et encourager la création de régies pour la gestion de l’eau potable et de l’assainissement.

 

Recommandation : Stopper la fuite en avant technologique du recours à des technologies coûteuses et inadaptées, qui déplacent un problème plutôt que d’y apporter une solution, au risque de l’aggraver. Prioriser les technologies et équipements adaptés au climat et aux conditions locales.

 

Recommandation : Obliger à l’application réelle du décret « fuites » du 27 janvier 2012 fixant à 85 % le rendement minimal des canalisations en France.

 

Recommandation : Rétablir la compétence et l’ingénierie d’État au sein d’une haute autorité de contrôle du service public de l’eau.

Stopper l’impuissance organisée de l’État

Le recul de l’État conduit toujours à laisser toute la place au privé. L’eau n’y fait pas exception, et les conséquences sont très graves. Le manque d’effectifs, l’austérité sur les budgets, les pressions exercées donnent lieu à une impunité des multinationales. Pour coïncider avec les cycles de l’eau et se réapproprier le temps long, l’expertise de l’État, la police de l’eau et les moyens financiers doivent être impérativement renforcés.

Recommandation : Supprimer le plafond mordant sur les redevances des agences de l’eau et les ponctions dans leurs frais de roulement au bénéfice du budget de l’État.

 

Recommandation : Augmenter les effectifs dans les institutions chargées de la mise en œuvre des politiques publiques de l’eau et de l’environnement.

 

Recommandation : Réviser les procédures de poursuites judiciaires pour atteinte à l’environnement et mettre fin à l’impunité de facto des pollueurs. Encadrer et limiter le recours aux procédures transactionnelles dans le contentieux environnemental.

 

Recommandation : La Banque nationale des prélèvements d’eau (BNPE) doit opérer un contrôle autonome inopiné des prélèvements auto-déclarés. Elle doit bénéficier de moyens humains et financiers supplémentaires pour mener à bien cette mission.

Minéraliers

Recommandation : Interdire l’exemption des nappes souterraines du champ d’application des arrêtés sécheresse.

 

Recommandation : Étendre le régime d’autorisation aux forages prélevant entre 10 000 mètres cubes et 200 000 mètres cubes par an, remplaçant l’actuel régime de déclaration.

 

Recommandation : Augmenter les redevances pour les prélèvements des embouteilleurs d’eau minérale et/ou de source.

 

Recommandation : Instaurer une taxe sur la vente de l’eau en bouteille pour financer les mesures en faveur de l’effectivité du droit universel à l’accès à l’eau potable.

 

Recommandation : Étendre la surtaxe sur les eaux en bouteille à l’export. Redistribuer la surtaxe entre l’ensemble des communes affectées par la présence de l’embouteilleur, pour éviter la dépendance des municipalités aux entreprises. 

 

Recommandation : Limiter sévèrement, voire interdire, les prélèvements pour la vente d’eau à l’export en période de sécheresse.

 

Recommandation : Le débit des résurgences en aval de captages doit être pris en compte dans les autorisations de prélèvement délivrées sur la nappe en amont, notamment concernant les prélèvements commerciaux pour la mise en bouteille d’eau minérale et/ou de source. Un débit minimal (à déterminer en fonction des besoins des écosystèmes, milieux et activités humaines en aval, en concertation avec les parties concernées) devra être respecté en toutes circonstances et les prélèvements en amont devront être adaptés pour les respecter.

 

Recommandation : Rediriger le surplus du captage du Goulet vers l’impluvium de Volvic.

 

Recommandation : Contrôler la légalité des forages de Danone au regard de la déclaration d’utilité publique (DUP) de 1982, effectuer une étude d’impact environnementale sérieuse sur l’aval et les sources de front de coulée.

 

Recommandation : Contrôler la légalité des forages de Nestlé au regard du code de l’environnement.

 

Recommandation : Garantir que les barrages français ne soient pas soumis à une mise en concurrence, et s’opposer au projet de démantèlement d’EDF.

Préservation des milieux aquatiques

La législation actuelle ne prévoit pas de protection pour les rivières en très bon état écologique. La législation ne se préoccupe pas suffisamment de la conservation des écosystèmes sains. Pourtant, la conservation coûte beaucoup moins cher que la restauration d’un écosystème endommagé, comme le démontre l’association Rivières Sauvages dans sa contribution.

Le partage de la ressource est également un sujet d’ampleur pour les années à venir. À ce titre, je souhaite souligner ce qu’on peut qualifier de mauvaise foi de la part des représentants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) qui, face au problème de sécheresse, refusent de reconnaître que la ressource diminue, et qu’il faudra la partager.

Ce positionnement destructeur est le produit d’une politique agricole commune (PAC) mortifère et inadaptée aux enjeux de notre époque. Nous devons changer de paradigme, et cesser la politique destructrice de construction de bassines de rétention d’une eau puisée dans les nappes phréatiques pour l’irrigation estivale.

Recommandation : Suspendre tous travaux de construction de nouvelles bassines de rétention d’eau pour l’irrigation. Interdire toute nouvelle construction de bassines de rétention d’eau pour l’irrigation qui reposerait sur le captage en nappe phréatique. En alternative, explorer l’opportunité de retenues collinaires d’eaux pluviales et de ruissellement sans étanchéité de fond de bassin pour créer des réserves d’eau, et déterminer l’impact de ces retenues sur les cours d’eau et le bassin versant en aval. 

 

Recommandation : Développer le reboisement, la végétalisation et les pratiques agricoles moins gourmandes en eau. Restaurer les sols pour améliorer leurs capacités de stockage et d’infiltration de l’eau en prévision des sécheresses dues au dérèglement climatique.

 

Recommandation : Mettre fin au déclassement des cours d’eau, et rétablir les cours d’eau déclassés.

 

Recommandation : Instaurer une protection législative des écosystèmes et rivières en très bon état écologique, et mettre en place une politique de conservation écologique.

La violation du droit à l’eau et à l’assainissement par les filiales internationales des multinationales françaises

Même si les agissements des multinationales françaises de l’eau à l’international ne faisaient pas partie du cadre de notre commission d’enquête, je tiens dans cette contribution à en dire quelques mots. La loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre de 2017 crée l’obligation pour les multinationales d’établir, mettre en œuvre et publier un plan de vigilance pour « identifier et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, ainsi que l’environnement ». De nombreux témoignages font état de violations du droit à l’eau et à l’assainissement par des entreprises du groupe Aguas Andinas, appartenant au groupe Suez. Privatisation du service public de l’eau, marchés captifs, hausse du tarif de l’eau qui prive 8 % de la population de Saltillo au Mexique d’accès à l’eau et à l’assainissement faute de moyens financiers pour régler leur facture, prise illégales d’intérêts, pollutions et destructions écosystémiques, les méfaits des entreprises du groupe Aguas Andinas au Chili, en Colombie et au Mexique sont graves et doivent être surveillés de près.

Faute de temps, la commission d’enquête n’a pu se pencher convenablement sur les agissements du Conseil mondial de l’eau comme vitrine internationale des intérêts de Veolia et des autres multinationales françaises de l’eau. À l’aune de la fusion entre Veolia et son principal concurrent Suez, il est plus important que jamais de surveiller cette plateforme de prédation des intérêts privés sur la gestion de l’eau qui s’adresse aux gouvernements du monde entier, au nom du prétendu « modèle français », au moyen du Forum mondial de l’eau. Pourtant le modèle français est bien celui de la régie publique : près de 21 000 communes sont gérées en régie, contre seulement 6 300 en délégation de service public. Et le recours au privé est en net recul puisqu’il y a vingt ans, on recensait encore 12 000 délégations de service au privé.

Le sentiment de toute puissance des lobbies de l’eau

À Volvic et à Vittel, les géants Danone et Nestlé se sont immiscés dans les instances de l’État, et la porosité de leurs discours avec ceux des représentants de l’État et des élus interroge.

À Vittel, les forages de Nestlé ont été régularisés après leur installation par des pouvoirs publics complaisants qui n’ont pas fait respecter la procédure d’autorisation a priori. Cela soulève la question des études d’impact environnementales exigées pour de tels ouvrages. Cette question de la légalité et régularité des forages se pose également à Volvic.

Les représentants de l’État, les élus et les multinationales aiment à répéter qu’ils ne disposent pas d’informations suffisantes pour prendre des mesures de restriction conséquentes des prélèvements des sociétés minéralières. Pourtant, des études du BRGM à Vittel et une thèse de M. Simon Rouquet financée par Danone et destinée à la direction départementale des territoires (DDT) présentent des informations suffisantes pour justifier l’application de mesures restrictives dans le respect du principe de précaution. Dans les deux cas, les décideurs publics commandent de nouvelles études, repoussant de facto les décisions.

Le déplacement que notre commission d’enquête a effectué à Vittel a permis de mettre en lumière la gravité du contrôle des élus par les minéraliers. Les élus ont dit explicitement à la commission d’enquête que les intérêts de Nestlé se confondaient avec les leurs, et qu’ils n’iraient jamais à l’encontre des intérêts de la multinationale. La surtaxe versée par Nestlé à la ville de Vittel représente un quart de son budget municipal. Face à une telle dépendance, il est illusoire d’imaginer un contrôle effectif sur l’entreprise.

Nestlé n’est pas étranger aux pratiques de prises illégales d’intérêts. Une élue de Vittel est actuellement poursuivie pour avoir siégé à la commission locale de l’eau (CLE) alors qu’elle avait des liens familiaux avec un cadre de Nestlé. La nouvelle association pour la protection de la nappe des grès du Trias Inférieur (GTI), qui a pour vocation de porter le schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), pose de sérieuses questions sur une répétition des erreurs du passé. Cette fois-ci, toutefois, les membres de l’association ne sont pas des salariés de l’entreprise et/ou leur conjoint, mais des élus et des structures publiques qui sont toutes directement ou indirectement, dépendantes de Nestlé dans leurs financements. Cela a d’ailleurs été dénoncé par un ensemble de maires exclus de l’association. Nous appelons à une vigilance accrue de cette association et des signataires du protocole d’engagement volontaire pour la sauvegarde de la nappe des GTI, pour éviter qu’ils prennent le pas sur la Commission locale de l’eau, dont l’indépendance a fait l’objet d’interrogations pendant nos auditions. Toute question dirigée vers sa présidente trouvait réponse dans la bouche du maire de Vittel, ou de son ancien maire, actuellement député des Vosges, alors que ni l’un ni l’autre ne siègent à la CLE.

L’omerta règne

En Guadeloupe, la loi du silence sur les responsabilités individuelles des élus était rendue sensible par le seul nom qui a été cité ; celui d’Amélius Hernandez, ancien directeur du SIAEAG, qui a, lui seul, fait l’objet d’une condamnation pénale.

La plainte pour diffamation contre X de M. André Santini et du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) suite à leur audition par la commission d’enquête m’interpelle également. Après avoir reconnu exercer des gels de travaux comme moyen de pression sur des EPCI qui souhaiteraient quitter le Sedif pour créer une régie, le président s’est exprimé à deux reprises devant le Sedif en dénigrant la commission d’enquête, son sérieux et ma présidence. Pourquoi une réaction aussi forte ? Toute personne qui s’exprime sous serment dans le cadre d’une commission d’enquête est protégé contre les poursuites pour diffamation. En tant qu’ancien député et ancien ministre, M. Santini ne peut l’ignorer. Cette plainte ne peut donc aboutir et ne tient donc qu’à une action d’intimidation, un message envoyé à toutes celles et ceux qui dénoncent des dysfonctionnements au sein du Sedif.

Concernant l’offre publique d’achat (OPA) de Veolia sur Suez, nous avons entendu des témoignages en contradiction avec ce que la presse a relaté. Les acteurs avaient un discours semblable, visiblement bien ficelé en amont :  M. Antoine Frérot, M. Gérard Mestrallet, M. Bertrand Camus, M. Thierry Déau et les administrateurs d’Engie se sont cités les uns les autres à chaque occasion, donnant à voir un fonctionnement concerté.

La question se pose également au sujet de M. Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, qui a refusé de se présenter devant la commission d’enquête. Le silence de M. Kohler en dit long sur le rôle de l’Élysée dans cette affaire.

Cette affaire constitue, pour notre groupe parlementaire, une véritable affaire d’État et un scandale industriel semblable à celui d’Alstom. En moins d’un an, en pleine crise sanitaire, un mastodonte de l’eau est parvenu à absorber et à démanteler son principal concurrent, lui permettant de faire sa loi aux collectivités locales grâce à la situation de monopole sur le marché de l’eau. Cette opération risque d’aboutir à une casse sociale sans précédent, alors que l’entreprise Suez compte 90 000 salariés dans le monde dont 30 000 en France. Cette opération n’aurait jamais pu voir le jour sans l’accord du plus haut sommet de l’État à chaque étape, État qui a mis en scène son impuissance dès le départ pour laisser Véolia parvenir à ses fins.

Je terminerai cette contribution par une citation de Mohamed Larbi Bouguerra, chimiste et universitaire qui résume bien la pensée du groupe parlementaire de la France Insoumise sur la question de l’eau : « La gestion et les usages de l’eau placent les hommes face à des questions essentielles sur leur éthique et leur rapport à la nature. À l’heure où paradent ceux qui connaissent le prix de toute chose et ignorent la valeur des choses, il importe de montrer que l’eau est un bien commun de l’Humanité et que nul ne saurait en être privé sous prétexte qu’il ne peut la payer. »

Mathilde Panot
Députée du Val-de-Marne
Présidente de la commission d’enquête
au nom du groupe La France insoumise

 


Contribution de Mme Annie Chapelier, DÉPUTÉe du Gard, vice-présidente de la commission d’enquÊte

L’eau est un bien commun, aux droits fragiles et insuffisants face à la valeur inestimable de cette ressource sans laquelle rien ne peut exister. Voilà ce qu’il s’agit de retenir des 76 auditions de la commission d’enquête pour construire autour de cette idée une meilleure protection de la ressource.

Contrairement à ce que l’on peut entendre, l’eau n’est pas une ressource rare sur la planète mais elle est pour sûr mal répartie et d’une qualité très variable. Son difficile accès accentue les inégalités sociales et plonge plusieurs milliards de personnes dans une forte précarité hydrique.

Dans la lutte pour sa sauvegarde et dans une situation d’urgence écologique, la Commission d’enquête a cherché des perspectives d’évolution du droit de la ressource en eau afin de renforcer sa protection, et ce, en ayant toujours à l’esprit l’ampleur des services rendus par la ressource.

*

Pour cela, la commission a souhaité, dès la première partie de son rapport, insister sur la nécessité de prioriser nos usages et de réfléchir à la tarification de ceux-ci qu’elle soit sociale ou différenciée – à l’image de ce qui est fait en Espagne. Un tarif différencié traduirait, pour Mme la vice-présidente, la priorité que nous souhaitons donner à l’alimentation et à l’hygiène bien avant les usages récréatifs ou commerciaux. Un tarif différencié permettrait aussi de mettre fin aux “ « incohérences d’usages » comme celles découvertes à Volvic - où il a été interdit à de nouveaux habitants de s’installer faute d’eau alors que les minéraliers peuvent, dans le même temps, toujours embouteiller à un rythme effréné.

D’autres actions doivent aller de pair avec une priorisation de nos usages :

– s’interroger sur nos usages et comprendre que la technologie ne peut être l’unique solution au risque que celle-ci vienne s’additionner aux problèmes déjà existants au lieu de les régler (techniques de dessalement ou de purification de l’eau) ;

– permettre l’effectivité de la notion de bien commun et du concept « une seule santé » en défendant le principe d’une eau en quantité mais surtout de qualité pour une meilleure santé. 

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Si nous voulons mieux protéger la ressource en eau, il nous faut l’appréhender de manière globale et mieux connaître les acteurs de l’eau.

En effet, à l’issue de ce travail approfondi, la commission d’enquête a recueilli suffisamment de témoignages d’élus ou d’anciens élus, rapportant des faits parfois graves de corruption ou de détournement de fonds publics pour comprendre que sa protection doit être améliorée de façon drastique. Sans moyens humains suffisants et une volonté politique toute aussi forte, l’eau se retrouve bien fragile face aux réalités du marché.

Protéger, c’est d’abord connaître. Une spécialisation des juridictions et des magistrats sur les enjeux environnementaux est à l’œuvre et c’est un pas de géant qu’il reste désormais à accomplir. Alors que l’Office français de la biodiversité s’investit dans des projets de formation et de sensibilisation des magistrats, c’est l’ensemble de la population qu’il faut sensibiliser au sujet en vulgarisant les données scientifiques dont nous disposons. 

Protéger, c’est aussi sanctionner en cas de faute. La commission d’enquête a, et ce à plusieurs reprises, été alertée de la faiblesse de la réponse pénale en cas de pollution de la ressource. La vice-présidente se rallie ainsi à l’avis du rapporteur, qui estime que le volet répressif de la politique pénale en matière d’environnement doit gagner en fermeté pour éviter tout calcul pertes/bénéfices de la part des acteurs professionnels. 

En renforçant les effectifs de la police de l’eau et leurs moyens d’actions, l’objectif serait ainsi de réaffirmer le fait que porter atteinte à l’environnement, c’est aussi porter atteinte à la société et manquer à ses devoirs de citoyen et d’être humain. Une meilleure réponse pénale et des effectifs à la hauteur de la tâche permettraient de défendre des principes de réparation, de préservation, de participation et de transparence comme ceux appliqués au Québec.

*

Enfin, la vice-présidente souhaite que la ressource en eau soit conçue dans un temps long, dans une réflexion globale sur le monde de demain que nous voulons, et ce, en connaissance des défis démographiques, sociaux et environnementaux que nous aurons à relever dans les années à venir.

La vice-présidente souhaite souligner le travail remarquable d’investigation, quasi exhaustif, qui a été réalisé par Mme la Présidente et M. le rapporteur sur ce dossier amenant à un rapport d’une très grande qualité.

Annie Chapelier
Députée du Gard
Vice-présidente de la commission d’enquête

 


Contribution de M. Guillaume Vuilletet, DÉPUTÉ du Val-d’Oise, membre de la commission d’enquÊte

Je voudrai en premier lieu souligner la qualité du travail effectué par la commission, et du rapport qui en découle. Je veux aussi saluer le travail de mon collègue Olivier Serva, rapporteur de la commission.

Même si l’adoption d’un rapport de commission d’enquête ne vaut pas adhésion de chacun des points d’un contenu dont il est difficile de faire un examen exhaustif en amont de son vote, je me reconnais dans nombre de ses conclusions.

Ainsi, je souscris globalement à la définition de l’eau comme bien public et à la description des enjeux écologiques qui est faite.

L’idée d’une tarification sociale des mètres cubes nécessaires à la vie quotidienne me paraît devoir être concrétisée.

Je ne crois pas, en revanche, qu’une gestion en régie directe soit systématiquement préférable à une gestion déléguée. Un principe d’efficacité doit prévaloir et je crois que l’existence d’entreprises leader permet, pour certains territoires, d’atteindre cette efficacité.

Je suis convaincu par ailleurs que ces entreprises sont indispensables à un haut degré de recherche et développement. Je m’étonne d’ailleurs de la vision négative et peu étayée de la technologie dite « de l’osmose inverse » qui peut, en effet, ne pas être adaptée à des territoires mais qui permet la captation et la dépollution d’eaux de surface avec un intérêt évident pour l’environnement et la gestion de la ressource.

Je me réjouis que le rapport ait mis en lumière les enjeux de l’assainissement, souvent minorés et « englobés » dans le principe général de « l’eau paie l’eau ». Je partage aussi le constat souvent dramatique de la gestion de la ressource en Outre-mer et en particulier en Guadeloupe.

Mais je veux aussi tout particulièrement souligner mon désaccord profond avec les avant-propos au rapport rédigés par la présidente. Ces avant-propos sont de sa seule responsabilité et il ne s’agit pas de contester ses prérogatives en la matière. Mais le fait que le rapport soit voté dans sa globalité justifie d’émettre une position, et leur contenu m’impose de m’en détacher.

Ainsi, les propos concernant l’attitude de l’État dans l’acquisition en cours de Suez par Véolia me paraissent erronés et relever d’un procès d’intention politique. Les auditions – je pense en particulier à celle du ministre de l’Économie – ont été éclairantes sur le fait que cette acquisition est menée dans des conditions qui n’ont pas le soutien de l’État.

De la même façon, le fait que le secrétaire général de l’Élysée n’ait pas été auditionné est décrit par des allusions qui ne correspondent pas à la vérité. La commission n’a jamais été sollicitée sur l’opportunité d’une nouvelle convocation.

Cela n’a d’ailleurs rien d’anormal : le fait qui la justifiait – un supposé appel téléphonique aux administrateurs salariés d’Engie – a été expressément démenti en audition sous serment par ces derniers. Il est d’ailleurs regrettable que la présidente n’ait pas souhaité relativiser ses propos en rappelant ces faits alors même qu’ils sont évidemment clairement soulignés dans le rapport.

Guillaume Vuilletet
Député du Val-d’Oise
Membre de la commission d’enquête

 


Contribution de M. Pierre Venteau, Député de la Haute-Vienne, membre de la commission d’enquÊte

Au regard des nombreuses préoccupations sur la bonne gestion de l’eau, qu’il s’agisse d’une régie supervisée par la collectivité ou d’une délégation de service public, la décision doit être prise avec le soucis constant de l’intérêt général, de la préservation de la ressource et de l’équilibre entre les usagers. Alors que nos auditions ont fait émerger le constat d’une ressource qui se raréfie, avec la question d’un affaiblissement des débits d’étiage et d’une disparité des niveaux de pluie selon les zones, l’heure est à la recherche d’une position qui prend à la fois en compte les spécificités de nos territoires, les besoins de nos concitoyens et ceux de notre industrie et agriculture en matière de bonne utilisation de la ressource.

La recherche de l’équilibre entre les usagers dans la consommation et la gestion de la ressource ne doit pas se traduire par une stigmatisation de l’agriculture à tout prix, mais bien par un accompagnement cohérent. Prévoir des sanctions coercitives ne semble pas être la bonne trajectoire puisque nos agriculteurs sont demandeurs pour réaliser cette transition. Il convient simplement de leur fournir les bons outils et les technologies permettant aujourd’hui de préparer au mieux cette transition agroécologique.

Plusieurs pistes de réflexion ont émergé lors des auditions : conceptualiser des stockages efficaces de la ressource, généraliser des pratiques agronomiques facilitant la rétention d’eau, prioriser les usages en faveur de l’autonomie alimentaire plutôt que les cultures de masse... L’eau, bien essentiel dans la production, doit désormais être gérée avec parcimonie au vu du défi environnemental auquel nous faisons face.

Outre la question de l’utilisation de la ressource, l’équilibre entre usagers se traduit également par une position intelligente sur la tarification de l’eau. Les auditions nous ont permis de constater que si le prix de l’eau s’explique en grande partie par les caractéristiques du réseau, la quantité de ressource perdue justifie un enjeu de modernisation de certains réseaux, ce qui, à terme, entrainera une augmentation du prix de l’eau. Bien que la proposition d’une tarification sociale commune a été globalement rejetée par les associations, chercheurs et gestionnaires auditionnés, se pose la question d’un meilleur encadrement des modalités de revente et de redistribution de l’eau. Différentes possibilités sont évoquées telles que la mise en place d’un coefficient maximal, la création de chèques eau ciblés pour les concitoyens les plus précaires ou encore une meilleure application du principe pollueur-payeur auprès des grandes entreprises.

Face à l’urgence de la question qui vient s’ajouter à l’impératif climatique déjà présent et outre la création du Varenne de l’eau qui permettra de lancer une consultation sur le sujet, la ministre de la Transition écologique a d’ores et déjà assuré que les agences de l’eau travaillent à améliorer le traitement et la distribution de l’eau, la tarification de la ressource et une meilleure organisation de celle-ci afin de répondre de la manière la plus équilibrée aux besoins des différents usagers sur le territoire.

Pierre Venteau
Député de la Haute-Vienne
Membre de la commission d’enquête

 


–  1 

 

ANNEXES

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Les comptes rendus des auditions sont consultables à l’adresse suivante : https://www2.assemblee-nationale.fr/15/autres-commissions/commissions-d-enquete/commission-d-enquete-relative-a-la-mainmise-sur-la-ressource-en-eau-par-les-interets-prives-et-ses-consequences/(block)/ComptesRendusCommission/(instance_leg)/15/(init)/0-15

Les auditions sont présentées dans l’ordre chronologique des réunions de la commission d’enquête.

Auditions du 11 mars 2021

M. Riccardo Petrella, professeur émérite de l’université catholique de Louvain, fondateur du comité international pour un contrat mondial de l’eau

M. Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur l’eau potable et l’assainissement, ancien député espagnol

Table ronde réunissant des associations de protection de l’environnement intéressées par la préservation de l’eau :

M. Raymond Avrillier, membre du conseil d’exploitation des régies d’assainissement et d’eaux de Grenoble-Alpes, ancien conseiller municipal (Association Démocratie Écologie Solidarité) de Grenoble et ancien vice-président de la communauté d’agglomération grenobloise, chargé de l’assainissement et des eaux pluviales

Auditions du 18 mars 2021

M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), accompagné de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global

Table ronde réunissant des universitaires sur la gestion et gouvernance de l’eau :

Table ronde réunissant des associations d’usagers et de consommateurs d’eau : 

Auditions du 25 mars 2021

M. Gabriel Amard, ancien maire de Viry-Châtillon, ancien président de la communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne, ancien président du conseil d’exploitation de la régie Eau des Lacs de l’Essonne, co-président de la coordination Eau Bien Commun France

M. Jean-Pierre Rideau, ancien adjoint du sous-directeur de l’eau à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

M. François Leblanc, consultant, ancien directeur général adjoint de la régie Eau de Paris

M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble, ancien directeur général de la régie des eaux de Grenoble

Auditions du jeudi 1er avril 2021

M. Hervé Paul, vice-président référent cycle de l’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), maire de Saint–Martin-du-Var, président du conseil d’administration de la régie Eau d’Azur, accompagné de M. Daniel Belon, directeur-adjoint de la FNCCR, et de M. Régis Taisne, chef du département cycle de l’eau de la FNCCR

M. Eric Brejoux, chef de service connaissance et évaluation environnementale de l’Office français de la biodiversité, Mme Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages et M. Cédric Duchesne, consultant chez A Propos, auteurs de l’enquête de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement – Impacts des procédures de mise en concurrence dites « loi Sapin »

Table ronde sur la gestion de l’eau, réunissant :

Table ronde sur le thème « l’eau comme bien commun » réunissant :

Auditions du jeudi 8 avril 2021

M. Marc Livet, hydrogéologue

Table ronde sur l’état et l’évolution du bassin aquifère de Volvic, réunissant :

Table ronde des associations et lanceurs d’alerte autour du bassin aquifère de Volvic, réunissant :

Table ronde des représentants de l’État et des collectivités territoriales et la gestion du bassin aquifère de Volvic, réunissant :

Représentants de Danone et de sa filiale, la Société des eaux de Volvic :

Auditions du jeudi 15 avril 2021

Table ronde sur les déterminants du prix de l’eau, réunissant :

M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), accompagné de M. François Hissel, directeur de la surveillance, de l’évaluation et des données de l’OFB, de M. René Lalement, directeur-adjoint au sein de la direction de l’appui aux stratégies pour la biodiversité de l’OFB et de M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB

M. Christophe Lime, président du réseau France Eau Publique (FEP), vice-président de Grand Besançon métropole, accompagné de M. Dan Lert, président de la régie Eau de Paris, adjoint à la maire de Paris, vice-président du réseau FEP, de M. Nicolas Juillet, président du Syndicat départemental des eaux de l’Aube (SDDEA), président de la communauté de communes de l’Orvin et de l’Ardusson, maire de Saint-Lupien, vice-président du réseau FEP et de M. Joseph Hermal, directeur général du Syndicat des eaux et de l’assainissement d’Alsace-Moselle, et de Mme Séverine Gorszczyk, chargée de mission au sein du réseau FEP

Table ronde sur la gestion de l’eau à Mayotte réunissant associations et chercheurs :

Table ronde sur la gestion de l’eau à Mayotte réunissant les représentants de l’État et les gestionnaires publics :

Auditions du jeudi 22 avril 2021

Table ronde sur la gestion de la nappe des grès du Trias inférieur du secteur de Vittel, réunissant les élus membres de la commission locale de l’eau et les élus locaux :

Table ronde sur la gestion de la nappe des grès du Trias inférieur du secteur de Vittel, réunissant les représentants de l’État :

Table ronde sur la gestion de la nappe des grès du Trias inférieur du secteur de Vittel, réunissant les industriels utilisant la ressource en eau :

Audition de la Fédération nationale des eaux conditionnées et embouteillées (FNECE) réunissant :

Table ronde sur la gestion de la nappe des grès du Trias inférieur du secteur de Vittel, réunissant les associations et lanceurs d’alerte :

Auditions du jeudi 6 mai 2021

Table ronde réunissant les associations représentatives des élus des communes et des intercommunalités :

M. Alexandre Abou, premier conseiller de chambre régionale des comptes, auteur de la thèse Le contrôle dans les délégations de service public d’eau

Table ronde sur l’agriculture et la ressource en eau, réunissant :

Auditions du mercredi 12 mai 2021

Table ronde sur le Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF) réunissant des élus des territoires desservis par le SEDIF :

Audition des dirigeants du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF) :

M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), accompagné de Mme Amélie Coantic, sous-directrice de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques

Table ronde sur les investissements dans le renouvellement des réseaux d’eau et d’assainissement et de lutte contre les fuites, réunissant :

M. Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E)

Auditions du jeudi 20 mai 2021

Mme Corinne Feliers, cheffe du bureau de la qualité des eaux au sein de la direction générale de la santé du ministère des Solidarités et de la santé, accompagnée de Mme Béatrice Jédor, adjointe à la cheffe de bureau

Table ronde réunissant des agences de l’eau et offices de l’eau :

Table ronde réunissant les gestionnaires de barrages hydroélectriques en France :

Table ronde réunissant les organisations syndicales d’Électricité de France (EDF) :

Auditions du jeudi 27 mai 2021

M. Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l’eau auprès de collectivités territoriales

Table ronde réunissant les syndicats représentatifs du groupe Suez :

M. Gérard Mestrallet, ancien président du groupe Engie, membre du cabinet de médiation Equanim

M. Bertrand Camus, directeur général de Suez

M. Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia, accompagné de M. Frédéric Van Heems, directeur général de l’activité eau de Veolia France

Auditions du jeudi 3 juin 2021

Table ronde sur la gestion de l’eau à La Réunion, réunissant les associations :

Table ronde sur la gestion de l’eau à La Réunion, réunissant les représentants de l’État et des gestionnaires publics :

M. Mathias Burghardt, responsable de l’équipe infrastructure et membre du comité exécutif d’Ardian

M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance

M. Thierry Déau, fondateur et président-directeur général de Meridiam

Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique

Auditions du lundi 7 juin 2021

M. Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie

M. Amélius Hernandez, ancien président du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG)

M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG)

Mme Sylvie Gustave-Dit-Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe, M. André Bon, directeur général adjoint en charge de l’eau et M. Julien Laffont, directeur de l’eau au sein du conseil régional

MM. Alain Beullier et Christophe Aubert, administrateurs représentant les salariés au sein du conseil d’administration d’Engie

M. Marcel Sigiscar, vice-président du conseil départemental de la Guadeloupe et président de l’office de l’eau de la Guadeloupe, accompagné de M. Dominique Laban, directeur de l’office de l’eau

M. Jocelyn Sapotille, maire de Lamentin et président de l’association des maires de Guadeloupe

Auditions du mardi 8 juin 2021

Table ronde réunissant les associations de protection de l’eau en Guadeloupe :

Table ronde réunissant les collectifs citoyens relatifs à l’eau en Guadeloupe :

Table ronde des acteurs économiques de la Guadeloupe, réunissant :

M. Joël Beaugendre, ancien maire de Capesterre-Belle-Eau, ancien député de la Guadeloupe

Auditions du mercredi 9 juin 2021

Audition des groupements de collectivités territoriales et autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe : M. Ferdy Louisy, maire de Goyave et président du Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG

Audition des groupements de collectivités territoriales et autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe, réunissant :

Audition des régies municipales en charge de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe, réunissant :

Auditions du vendredi 11 juin 2021

Audition des entreprises titulaires de délégation de service public de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe, réunissant :

Audition des dirigeants et anciens dirigeants de la Compagnie générale des eaux Guadeloupe :

M. Philippe Gustin, ancien préfet de la Guadeloupe, directeur de cabinet du ministre des Outre-mer

Mme Valérie Denux, directrice générale de l’agence régionale de santé (ARS) de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, accompagnée de M. Didier Roux, responsable du service santé et sécurité de l’environnement extérieur

M. Guy Bensaid, directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe

Audition des institutions bancaires finançant les investissements des collectivités territoriales et groupements de collectivités en Guadeloupe, réunissant :

M. Alexandre Rochatte, préfet de la Guadeloupe, accompagné de M. Jean-François Boyer, directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de la Guadeloupe, et de Mme Viviane Hamon, cheffe des projets structurants auprès du préfet

Auditions du mardi 15 juin 2021

M. Germain Paran, président du Comité de défense des usagers de l’eau (CDUE)

M. Elie Domota, ancien secrétaire général de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), porte-parole du Lyannaj kont pwofitasyon (LKP)

Auditions du mercredi 16 juin 2021

M. Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des Outre-mer

M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer

Auditions du mardi 22 juin 2021

M. Jacques Gillot, ancien président du conseil général de la Guadeloupe, ancien sénateur

M. Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe

 


ANNEXE N° 2 : LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES

Mme Josette Borel-Lincertin, présidente du conseil départemental de la Guadeloupe

M. Roger Lanoix, membre du Comité citoyen du sud de Martinique

 


ANNEXE N° 3 : Lettre de la prÉsidente au procureur de la République

 


([1])  Assemblée nationale, commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, rapport d’information (n° 1101) déposé par la mission d’information sur la ressource en eau et présenté par M. Adrien Morenas, président, rapporteur, et M. Loïc Prud’homme, vice-président, rapporteur, 21 juin 2018, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/mieau/l15b1101_rapport-information

([2])  Assemblée nationale, commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, rapport d’information (n° 3061) déposé en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau présenté par M. Loïc Prudhomme, président, et Mme Frédérique Tuffnell, rapporteure, 4 juin 2020 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b3061_rapport-information#

([3]) Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, (n° 3745) déposée par Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues, 18 janvier 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3745_proposition-resolution

([4])  Assemblée nationale, commission des Lois, rapport (n° 3824) sur la proposition de résolution de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, présenté par M. Guillaume Vuilletet, rapporteur, 3 février 2021

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b3824_rapport-fond

([5])  Assemblée nationale, commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, rapport d’information (n° 1101) déposé par la mission d’information sur la ressource en eau, présenté par M. Adrien Morenas, président, rapporteur, et M. Loïc Prud’homme, vice-président, rapporteur, 21 juin 2018, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/mieau/l15b1101_rapport-information ;

Assemblée nationale, commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, rapport d’information (n° 3061) déposé en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau, présenté par M. Loïc Prudhomme, président, et Mme Frédérique Tuffnell, rapporteure, 4 juin 2020 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b3061_rapport-information#

([6])  Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, Panorama des services et de leur performance en 2018, avril 2021

https://www.services.eaufrance.fr/docs/synthese/rapports/Rapport_SISPEA_2018_complet_DEF.pdf

([7])  Audition de Mme Claudie Pruvost, conseillère départementale, ancienne présidente de la CLE, 22 avril 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021027_compte-rendu et audition de M. Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe, 22 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021081_compte-rendu

([8])  La prise illégale d’intérêts est le fait, pour un agent public de prendre, recevoir ou conserver un intérêt dans une entreprise privée, alors qu’elle a un rôle de surveillance ou de contrôle de celle-ci, selon l’article 432-12 du code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. »

([9])  Article L. 210-1 du code de l’environnement, issu de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau.

([10]) Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu

([11]) Ibid.

([12]) Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau en 2021, https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/375725fre.pdf

([13]) Ibid.

([14]) Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Synthèse du projet Explore 2070 – Hydrologie souterraine, 2013

 https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/RE_Explore2070_4pages_Eaux_souterraines.pdf

([15]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu

([16]) Table ronde sur le thème « l’agriculture et la ressource en eau », 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021034_compte-rendu

([17]) Audition de M. Riccardo Petrella, professeur émérite à l’université catholique de Louvain, fondateur du comité international pour un contrat mondial de l’eau, 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021002_compte-rendu

([18]) Ibid.

([19]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu

([20]) Cf. troisième partie du présent rapport.

([21]) Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu

() Ibid.

([22]) Ibid.

([23]) Table ronde sur le thème « l’agriculture et la ressource en eau », 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021034_compte-rendu

([24]) Ibid.

([25]) Ibid.

([26]) Assemblée nationale, commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, rapport d’information n° 1101 déposé par la mission d’information sur la ressource en eau et présenté par M. Adrien Morenas, président, rapporteur, et M. Loïc Prud’homme, vice-président, rapporteur, 21 juin 2018, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/mieau/l15b1101_rapport-information

([27]) Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, en charge des relations internationales sur le climat, DATALAB Les prélèvements d’eau douce en France : les grands usages en 2013 et leur évolution depuis 20 ans, janvier 2017

([28]) Banque mondiale, Retraits annuels d’eau douce pour l’agriculture (% des retraits totaux d’eau douce) données issues de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et données d’AQUASTA, .https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/ER.H2O.FWAG.ZS

([29]) Table ronde sur le thème « l’agriculture et la ressource en eau », 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021034_compte-rendu

([30]) Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu

([31]) Audition de M. Riccardo Petrella, professeur émérite à l’université catholique de Louvain, fondateur du comité international pour un contrat mondial de l’eau, 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021002_compte-rendu

([32]) Table ronde sur le thème « l’agriculture et la ressource en eau », 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021034_compte-rendu

([33])  Jacques Deveaux, « L’eau fossile, l’or bleu du désert, n’est pas une panacée », France Info Afrique, 8 décembre 2015 https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/libye/leau-fossile-lor-bleu-du-desert-nest-pas-une-panacee_3066259.html

([34]) Cf. troisième partie du présent rapport.

([35]) Table ronde sur la gestion de l’eau à Mayotte réunissant les représentants de l’État et les gestionnaires publics, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021026_compte-rendu

([36]) Ibid.

([37]) Ibid.

([38]) Audition de M. Riccardo Petrella, professeur émérite à l’université catholique de Louvain, fondateur du comité international pour un contrat mondial de l’eau, 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021002_compte-rendu

([39])  Andry Rakotondravola, « Plan d’urgence eau Mayotte : où en est l’usine de dessalement ? », Mayotte Première, 8 avril 2019 https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/plan-urgence-eau-mayotte-est-usine-dessalement-769437.html

([40]) Table ronde sur la gestion de l’eau à Mayotte réunissant associations et chercheurs, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021025_compte-rendu

([41]) Table ronde sur la gestion de l’eau à Mayotte réunissant les représentants de l’État et les gestionnaires publics, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021026_compte-rendu

([42]) Ibid.

([43]) Audition de M. François Leblanc, consultant, ancien directeur général adjoint de la régie Eau de Paris, 25 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021011_compte-rendu

([44]) Audition des dirigeants du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF), 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021036_compte-rendu

([45]) Ibid.

([46]) Audition de M. Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia, 27 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021048_compte-rendu

([47]) Audition de M. François Leblanc, consultant, ancien directeur général adjoint de la régie Eau de Paris, 25 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021011_compte-rendu

([48]) Table ronde sur le Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF) réunissant des élus des territoires desservis par le SEDIF réunissant, 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021035_compte-rendu

([49]) Audition de Mme Corinne Feliers, cheffe du bureau de la qualité des eaux, et de Mme Béatrice Jédor, adjointe à la cheffe de bureau, au sein de la direction générale de la santé du ministère des Solidarités et de la santé, 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021040_compte-rendu

([50]) Ibid.

([51]) Audition des dirigeants du Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF), 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021036_compte-rendu

([52]) Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu

([53]) Ibid.

([54])  Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32000L0060:fr:HTML

([55]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), M. François Hissel, directeur de la surveillance, de l’évaluation et des données de l’OFB, M. René Lalement, directeur-adjoint au sein de la direction de l’appui aux stratégies pour la biodiversité de l’OFB et M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu

([56]) Table ronde sur le thème « l’agriculture et la ressource en eau », 6 mai 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021034_compte-rendu

([57]) Table ronde sur les déterminants du prix de l’eau, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu

([58]) Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu

([59]) Ibid.

([60]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), M. François Hissel, directeur de la surveillance, de l’évaluation et des données de l’OFB, M. René Lalement, directeur-adjoint au sein de la direction de l’appui aux stratégies pour la biodiversité de l’OFB et M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu

([61]) Table ronde réunissant des associations de protection de l’environnement intéressées par la préservation de l’eau, 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu

([62]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), M. François Hissel, directeur de la surveillance, de l’évaluation et des données de l’OFB, M. René Lalement, directeur-adjoint au sein de la direction de l’appui aux stratégies pour la biodiversité de l’OFB et M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu

([63]) Ibid.

([64]) Audition des auteurs de l’enquête de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement – Impacts des procédures de mise en concurrence dites « loi Sapin » : M. Eric Brejoux, chef de service « Connaissance et évaluation environnementale » de l’Office français de la biodiversité, Mme Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages et M. Cédric Duchesne, consultant chez A Propos, 1er avril, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021014_compte-rendu

([65]) Ibid.

([66]) Table ronde sur les déterminants du prix de l’eau, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu

([67]) Ibid.

([68]) Ibid.

([69]) Audition de M. Hervé Paul, vice-président référent cycle de l’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), maire de Saint–Martin-du-Var, président du conseil d’administration de la régie Eau d’Azur, M. Daniel Belon, directeur-adjoint de la FNCCR, et M. Régis Taisne, chef du département cycle de l’eau de la FNCCR, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021013_compte-rendu

([70]) Ibid.

([71]) Table ronde sur le thème de « la gestion de l’eau » réunissant M. Bernard Drobenko, professeur émérite de l’université du Littoral – Côte d’Opale, M. Jamal El Khattabi, maître de conférences à l’Université de Lille, membre du Laboratoire de génie civil et géo-environnement, et Mme Tsanga Tabi, ingénieur de recherche au sein de l’unité mixte de recherche Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement – École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg et Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021015_compte-rendu

([72])  Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32000L0060:fr:HTML

([73])  Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

([74]) Table ronde sur le thème de « la gestion de l’eau » réunissant M. Bernard Drobenko, professeur émérite de l’université du Littoral – Côte d’Opale, M. Jamal El Khattabi, maître de conférences à l’Université de Lille, membre du Laboratoire de génie civil et géo-environnement, et Mme Tsanga Tabi, ingénieur de recherche au sein de l’unité mixte de recherche Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement – École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg et Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021015_compte-rendu

([75]) Audition de M. Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial sur les droits de l’Homme à l’eau potable et à l’assainissement du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU), 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021003_compte-rendu

([76]) Ibid.

([77]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, et de Mme Amélie Coantic, sous-directrice de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu

([78]) Article L. 5121-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

([79])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([80]) Article R. 214-1 du Code de l’environnement https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043136646/

([81]) Audition de M. Daniel Reininger, président d’honneur d’Alsace nature, membre du directoire Eau de France Nature Environnement, jeudi 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([82])  Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, Circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’État et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, https://aida.ineris.fr/consultation_document/7053

([83])  Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, « Guide pratique relatif à la police des droits fondés en titre », septembre 2010, https://www.gesteau.fr/sites/default/files/gesteau/content_files/document/Guide_police_des_droits_fondes_en_titre.pdf

([84]) Audition de M. Jean-Louis Couture, membre du collectif Bassines non merci, jeudi 11 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([85]) Ibid.

([86])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, Les politiques de l’eau, LGDJ, Lextenso éditions, 2019.

([87])  Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, Guide pratique relatif à la police des droits fondés en titre, op. cit.

([88]) Ibid.

([89])  « Moulins : les droits d’eau fondés en titre », Les services de l’État dans le Cantal, http://www.cantal.gouv.fr/moulins-les-droits-d-eau-fondes-en-titre-a3837.html

([90]) Audition de Simon Burner, directeur de European rivers network France – SOS Loire vivante, jeudi 11 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([91]) Table ronde « l’eau comme bien commun », 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([92])  P. Samuelson, “The Pure Theory of Public Expenditure”, The Review of Economics and Statistics, vol. 36, n° 4, nov. 1954, p. 387-389.

([93])  Géraldine Chavrier, « La qualification juridique des cours d’eau domaniaux », RFDA 2004. 928.

([94])  Cf. la démonstration de M.-A. Chardeaux, Les choses communes, LGDJ, 2004, n° 120.

([95]) Éléments fournis au rapporteur par Mme Marie-Alice Chardeaux, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, suite à son audition du 1er avril 2021.

([96])  Sur les critères pris en considération : art. L. 2111-12 du CGPPP : alimentation en eau des voies navigables, besoin en eau de l’industrie et de l’agriculture, alimentation des populations ou lutte contre la pollution.

([97])  Du moins en France métropolitaine. Dans les départements d’outre-mer les eaux courantes font partie du domaine public (art. L. 5121-1 du code général de la propriété des personnes publiques).

([98]) Table ronde « l’eau comme bien commun », 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([99])  Article L. 210-1 du code de l’environnement, issu de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau.

([100]) Table ronde « l’eau comme bien commun », 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([101]) Ibid.

([102]) Ibid.

([103]) Ibid.

([104]) Ibid.

([105])  Déclaration du 26 août 1789 des droits de l’homme et du citoyen, Article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

([106]) Table ronde « l’eau comme bien commun » réunissant Mme Aurore Chaigneau, professeure de droit privé à l’université Paris-Nanterre, M. Florent Masson, professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France, Mme Marie-Alice Chardeaux, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, et M. Philippe Marc, docteur en droit public, avocat au barreau de Toulouse, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([107]) Ibid.

([108]) Ibid.

([109]) Ibid.

([110]) Ibid.

([111]) Ibid.

([112])  Bruno Cinotti, Jean-François Landel, Vincent Delbos, Daniel Atzenhoffer, Carole Simonnot, Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, rapport conjoint du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale de la justice (IGJ), octobre 2019 https://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0011377

([113]) Table ronde « l’eau comme bien commun » réunissant Mme Aurore Chaigneau, professeure de droit privé à l’université Paris-Nanterre, M. Florent Masson, professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France, Mme Marie-Alice Chardeaux, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, et M. Philippe Marc, docteur en droit public, avocat au barreau de Toulouse, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([114]) Ibid.

([115]) Ibid.

([116]) Table ronde réunissant les associations représentatives des élus des communes et des intercommunalités, 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021032_compte-rendu

([117]) Table ronde « l’eau comme bien commun » réunissant Mme Aurore Chaigneau, professeure de droit privé à l’université Paris-Nanterre, M. Florent Masson, professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France, Mme Marie-Alice Chardeaux, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, et M. Philippe Marc, docteur en droit public, avocat au barreau de Toulouse, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([118]) Ibid.

([119]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, et de Mme Amélie Coantic, sous-directrice de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu

([120]) Table ronde « l’eau comme bien commun » réunissant Mme Aurore Chaigneau, professeure de droit privé à l’université Paris-Nanterre, M. Florent Masson, professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France, Mme Marie-Alice Chardeaux, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, et M. Philippe Marc, docteur en droit public, avocat au barreau de Toulouse, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([121]) Table ronde « l’eau comme bien commun » réunissant Mme Aurore Chaigneau, professeure de droit privé à l’université Paris-Nanterre, M. Florent Masson, professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France, Mme Marie-Alice Chardeaux, maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil, et M. Philippe Marc, docteur en droit public, avocat au barreau de Toulouse, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu

([122]) Ibid.

([123]) Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([124]) « Qu’est-ce que la politique de l’eau », Les services de l’État dans le Gers, https://www.gers.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement/Gestion-de-l-eau/Pour-tout-savoir-sur-la-Police-de-l-eau/Qu-est-ce-que-la-police-de-l-eau

([125]) Ibid.

([126]) Audition de M. Philippe Marc, avocat au barreau de Toulouse, jeudi 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu#

([127]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([128]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([129]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([130]) Audition de Simon Burner, directeur de European rivers network France – SOS Loire vivante, jeudi 11 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([131]) Audition de M. Christian Villaume, président de l’Association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions jeudi 11 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([132]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([133]) Audition de M. Daniel Reininger, président d’honneur d’Alsace nature, membre du directoire Eau de France Nature Environnement, jeudi 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([134]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([135])  Audition de M. Samuel Vauthrin, référent Ressources en eau du Syndicat des eaux de sources (SES), jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021030_compte-rendu#

([136]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, op. cit.

([137])  Ibid.

([138]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([139]) Audition de M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([140]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, op. cit.

([141])  Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([142]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, op. cit.

([143])  Audition de M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([144]) Audition de Simon Burner, directeur de European rivers network France – SOS Loire vivante, jeudi 11 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([145])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([146])  Audition de M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([147]) Ibid.

([148])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([149]) Audition de M. Sylvain Barone, Chercheur en science politique au sein de l’unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) – Université de Montpellier, jeudi 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021007_compte-rendu#

([150])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([151])  Audition de M. Sylvain Barone, chercheur en science politique au sein de l’unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) – Université de Montpellier, jeudi 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021007_compte-rendu#

([152]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([153]) Ibid.

([154])  Audition de M. Sylvain Barone, chercheur en science politique au sein de l’unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), op. cit.

([155]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, op.cit.

([156]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([157])  Audition de M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([158]) Ibid.

([159]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), op. cit.

([160]) Audition de M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, op. cit.

([161]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([162]) Audition de M. Pascal Lagrabe, directeur-adjoint au sein de la direction de la police et du permis de chasser de l’OFB, op. cit.

([163]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([164]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([165])  Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([166]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), op. cit.

([167]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([168]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([169]) M. Éric Coquerel, Annexe N° 16 : Politique de l’écologie et prévention des risques, rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), 8 octobre 2020, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b3399-tiii-a16_rapport-fond#

([170]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, op. cit.

([171]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu#

([172]) Audition de M. Sylvain Barone, chercheur en science politique au sein de l’unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) – Université de Montpellier, jeudi 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021007_compte-rendu#

([173]) Audition de M. Daniel Reininger président d’honneur d’Alsace nature, membre du directoire Eau de France Nature Environnement, jeudi 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([174]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([175]) Arrêté du 28 janvier 2021 relatif à la détermination du plafond annuel de taxes et redevances perçues par chaque agence de l’eau pour l’année 2021, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043231562

([176]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([177]) M. Éric Coquerel, Annexe N° 16 : Écologie, développement et mobilités durables : paysages, eau et biodiversité prévention des risques expertise, information géographique et météorologie conduite et pilotage des politiques au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n° 1947), 5 juin 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b3399-tiii-a16_rapport-fond#

([178]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, op. cit.

([179]) Ibid.

([180])  Assemblée nationale, commission des finances, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n° 1947), Annexe N° 16 : Écologie, développement et mobilités durables : paysages, eau et biodiversité prévention des risques expertise, information géographique et météorologie conduite et pilotage des politiques présenté par M. Éric Coquerel, rapporteur, 5 juin 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b3399-tiii-a16_rapport-fond#

([181]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([182]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu#

([183]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([184]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041697916

([185]) Assemblée nationale, commission des finances, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n° 1947), Annexe N° 16 : Écologie, développement et mobilités durables : paysages, eau et biodiversité prévention des risques expertise, information géographique et météorologie conduite et pilotage des politiques présenté par M. Éric Coquerel, rapporteur, 5 juin 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b3399-tiii-a16_rapport-fond#

([186]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie et M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([187]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([188]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, op. cit.

([189]) Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence Adour-Garonne, op. cit.

([190]) Ibid.

([191]) Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([192]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([193]) Audition de M. Régis Blanquet, maire d’Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d’administration de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021032_compte-rendu

([194]) Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([195]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([196]) Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([197])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu# et de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([198]) Ibid.

([199]) Audition de M. Sylvain Barone, chercheur en science politique au sein de l’unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) – Université de Montpellier, jeudi 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021007_compte-rendu#

([200]) Auditions de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu# et de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([201]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, op.cit.

([202]) Ibid.

([203]) Assemblée nationale, commission des finances, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n° 1947), Annexe N° 16 : Écologie, développement et mobilités durables : paysages, eau et biodiversité prévention des risques expertise, information géographique et météorologie conduite et pilotage des politiques présenté par M. Éric Coquerel, rapporteur, 5 juin 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b3399-tiii-a16_rapport-fond#

([204]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([205]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([206]) Audition de M. Loïc Obled, directeur général délégué à la police, à la connaissance et à l’expertise de l’Office français de la biodiversité (OFB), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021023_compte-rendu#

([207]) Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([208]) Ibid.

([209]) Audition de M. Faiçal Badat, adjoint au directeur général, en charge du développement durable des territoires, au sein de l’office de l’eau de La Réunion, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([210]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([211]) Article L. 213-8 du code de l’environnement, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042657673/

([212]) Article R212-31 du code de l’environnement, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006189053/

([213])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([214])  Audition de M. Bernard Barraqué, directeur de recherches émérite au Centre national de la recherche scientifique – Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, jeudi 18 mars 2021

([215])  Audition de Simon Burner, directeur de European rivers network France – SOS Loire vivante, jeudi 11 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([216]) Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([217]) « Les agences de l’eau », Les agences de l’eau, http://www.lesagencesdeleau.fr/les-agences-de-leau/les-six-agences-de-leau-francaises/

([218]) Audition de M. Faiçal Badat, adjoint au directeur général, en charge du développement durable des territoires, au sein de l’office de l’eau de la Réunion, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([219])  Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([220]) Audition de M. Faiçal Badat, adjoint au directeur général, en charge du développement durable des territoires, au sein de l’office de l’eau de la Réunion, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([221]) « Qu’est-ce qu’un SDAGE ? », GEST’EAU La communauté des acteurs de gestion intégrée de l’eau, https://www.gesteau.fr/presentation/sdage

([222])  Ibid.

([223])  Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([224]) « Qu’est-ce qu’un SAGE ? », op. cit.

([225])  « Ibid.

([226])Commission locale de l’eau du Schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([227])  « Qu’est-ce qu’un SAGE ? », SDAGE et SAGE en Loire-Bretagne, https://sdage-sage.eau-loire-bretagne.fr/home/les-sage/quest-ce-quun-sage.html

([228])  Audition de Mme Bernadette Le Bihan Ardon, présidente de la Société réunionnaise pour l’étude et la protection de l’environnement – Réunion nature environnement (SREPEN-RNE), jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021049_compte-rendu

([229])  Échanges à Vittel entre Mme Christine Lecoanet, association UFC que choisir et membre de la CLE du SAGE de la nappe des grès du Trias inférieur, et la délégation de la commission d’enquête, le 9 avril 2021

([230])  Audition de M. Jean-Louis Couture, membre du collectif Bassines non merci, jeudi 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([231])  Audition de M. Christian Léger président de la Société d’études ornithologiques de La Réunion (SEOR), jeudi 3 juin, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021049_compte-rendu

([232])  Audition de M. Simon Burner, directeur de European rivers network France – SOS Loire vivante, jeudi 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([233])  Échanges à Vittel entre M. Daniel Grémillet, président de la coopérative l’Ermitage et membre de la CLE du SAGE de la nappe des grès du Trias inférieur, et la délégation de la commission d’enquête, le 9 avril 2021

([234]) Échanges à Vittel entre Bernard Schmitt, porte-parole d’Oiseau nature (collectif eau 88), et la délégation de la commission d’enquête le 9 avril 2021

([235]) Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([236])  Audition de Bernard Schmitt, porte-parole d’Oiseau nature (collectif eau 88), jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([237])  Audition de M. Jean-François Fleck, président de Vosges nature environnement (collectif Eau 88), jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([238])Audition de M. Marc Livet, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021017_compte-rendu#

([239])  Audition de M. Marc Livet, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021017_compte-rendu#

([240]) Ibid.

([241]) Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([242])  Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([243])  Audition de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU - Eaux souterraines et changement global du Bureau de recherches géologiques et minières, jeudi 8 avril, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([244])  Audition de M. Marc Livet, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021017_compte-rendu#

([245]) Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières), jeudi 18 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu#

([246]) Audition de M. Robert Durand, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([247]) Audition de M. Frédéric Bonnichon, maire de Châtel-Guyon, président de la communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([248]) Audition de Mme Caroline Mauduit, cheffe du service Eau, Environnement, Forêt de la DDT, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([249])  Éléments fournis à la commission d’enquête par Météo France.

([250]) Audition de Mme Caroline Mauduit, cheffe du service Eau, Environnement, Forêt de la DDT, op. cit.

([251]) Ibid.

([252]) Audition de M. Robert Durand, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([253]) Audition de François Dominique de Larouzière, géologue des systèmes volcaniques, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([254]) Audition de M. Jacky Massy, président de l’association PREVA – Protection des entrées sur les volcans d’Auvergne, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([255])  Audition de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU - Eaux souterraines et changement global du Bureau de recherches géologiques et minières, jeudi 8 avril, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([256])  Audition de François Dominique de Larouzière, géologue des systèmes volcaniques, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([257])  Audition de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU - Eaux souterraines et changement global du Bureau de recherches géologiques et minières, op. cit.

([258]) Audition de M. Frédéric Bonnichon, maire de Châtel-Guyon, président de la communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([259]) Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([260])  Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([261]) Audition de M. Laurent Thévenot, maire de Volvic, président du Syndicat mixte des utilisateurs d’eau de la région de Riom, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([262]) Audition de M. Frédéric Bonnichon, maire de Châtel-Guyon, président de la communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([263])  Audition de M. Jérôme Gros, directeur du site d’embouteillage de Volvic, directeur général de la Société des eaux de Volvic, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([264]) Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([265]) Audition de Mme Cathy Le Hec, directrice Ressource en eau et Environnement de Danone, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([266]) Ibid.

([267])  Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([268])  Audition de Mme Cathy Le Hec, directrice Ressource en eau et Environnement de Danone, op. cit.

([269])  Audition de Mme Caroline Mauduit, cheffe du service Eau, Environnement, Forêt de la DDT, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([270])  Audition de M. Jérôme Gros, directeur du site d’embouteillage de Volvic, directeur général de la Société des eaux de Volvic, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([271]) Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([272]) Audition de Mme Cathy Le Hec, directrice Ressource en eau et Environnement de Danone, op. cit.

([273]) Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, op. cit.

([274])  Audition de M. Jérôme Gros, directeur du site d’embouteillage de Volvic, directeur général de la Société des eaux de Volvic, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([275]) Audition de M. Édouard de Féligonde, propriétaire de la pisciculture de Saint-Genest-l’Enfant, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([276])  Audition de M. Frédéric Bonnichon, maire de Châtel-Guyon, président de la communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([277])  Audition de M. Édouard de Féligonde, propriétaire de la pisciculture de Saint-Genest-l’Enfant, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([278])  Audition de M. Jérôme Gros, directeur du site d’embouteillage de Volvic, directeur général de la Société des eaux de Volvic, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([279])  Audition de M. Ambroise Veillon, directeur général de la Société des eaux de Volvic, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([280]) Audition de MM Denis Cans, président de la maison des eaux minérales naturelles et de Samuel Vauthrin, référent ressources en eau du Syndicat des eaux de sources, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021030_compte-rendu#

([281])  Audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([282])  Audition de M. Jacky Massy, président de l’association PREVA – Protection des entrées sur les volcans d’Auvergne, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021018_compte-rendu#

([283])  Audition de Mme Cathy Le Hec, directrice Ressource en eau et Environnement de Danone, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([284])  Audition de Mme Caroline Mauduit, cheffe du service Eau, Environnement, Forêt de la DDT, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021020_compte-rendu#

([285]) Audition de M. Marc Livet, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021017_compte-rendu#

([286])  Assemblée nationale, commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Rapport d’information déposé en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau (n° 3061) présenté par M. Loïc Prudhomme, président, et Mme Frédérique Tuffnell, rapporteure, 4 juin 2020 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b3061_rapport-information#

([287]) Audition de Mme Cathy Le Hec, directrice Ressource en eau et Environnement de Danone, jeudi 8 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021021_compte-rendu#

([288])  Audition de M. Marc Livet, hydrogéologue, jeudi 8 avril 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021017_compte-rendu#

([289])  « Article 5. Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

([290]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([291]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([292]) Ibid.

([293]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([294]) Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières), jeudi 18 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu#

([295]) Audition de M. Luc Gerecke, maire de Contrexéville, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021027_compte-rendu#

([296])  Audition de M. Christophe Poinssot, directeur général délégué et directeur scientifique et de Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU – Eaux souterraines et changement global au sein du Bureau de recherches géologiques et minières), jeudi 18 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021006_compte-rendu#

([297])  Audition de M. Marc Hoeltzel, directeur général de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([298])  Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([299])  Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([300]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, op. cit.

([301])  Audition de M. Dominique Bemer, directeur départemental des territoires des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([302])  Ibid.

([303])  Audition de M. Dominique Bemer, directeur départemental des territoires des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([304]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, op. cit.

([305]) Ibid.

([306]) Ibid.

([307]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([308]) Ibid.

([309]) Audition de M. Alain Lercher, chef du service Environnement et risques de la direction départementale des territoires des Vosges https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([310]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([311])  Audition de M. Dominique Bemer, directeur départemental des territoires des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([312]) Ibid.

([313]) Ibid.

([314]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([315]) Ibid.

([316]) Audition de Mme Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([317])  Ibid.

([318])  Audition de M. Dominique Bemer, directeur départemental des territoires des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([319])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#,

([320])  Audition de M. François Negro, directeur des ressources en eau de Nestlé Waters France, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([321])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, op. cit.

([322])  Audition de M. Dominique Bemer, directeur départemental des territoires des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([323])  Audition de Mme Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([324])  Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([325])  Audition de Mme Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France, op. cit.

([326])  Table ronde réunissant des élus membres de la CLE, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021027_compte-rendu#

([327]) Audition des représentants de l’État, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([328])  Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([329])  Audition de Mme Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France, op.cit.

([330])  Ibid.

([331])  Audition de M. Daniel Grémillet, sénateur des Vosges, président de la fromagerie de l’Ermitage, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([332])  Ibid.

([333])  Ibid.

([334]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([335]) Rencontre de la délégation de la commission d’enquête avec M. Grémillet, sénateur des Vosges, président de la fromagerie de l’Ermitage, vendredi 9 avril 2021

([336]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, op. cit.

([337])  Audition de M. Daniel Grémillet, sénateur des Vosges, président de la fromagerie de l’Ermitage, op. cit.

([338])  Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([339]) Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([340]) « Vosges : Anticor fait un signalement au Parquet concernant la nappe d’eau GTI de Vittel », Vosges Matin, 26 juillet 2016 https://www.vosgesmatin.fr/edition-de-la-plaine/2016/07/26/vosges-anticor-fait-un-signalement-au-parquet-concernant-la-nappe-d-eau-gti-de-vittel

([341])  « Nappe GTI Vittel : le procès de la conseillère départementale Claudie Pruvost reporté au 15 septembre 2021 ! », Vosges tv, https://www.vosgestelevision.tv/Info-en-plus/Nappe-GTI-Vittel-proces-conseillere-QLBRomZhYQ.html

([342]) Audition de Marcel Claude, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([343])  Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([344])  Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([345]) Ibid.

([346]) Ibid.

([347]) Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([348])  Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([349])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([350]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([351]) Ibid.

([352]) Ibid.

([353]) Ibid.

([354])  Audition de M. Bernard Schmitt, porte-parole d’Oiseau Nature, membre du collectif Eau 88, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([355])  Audition de M. Jean-François Fleck, président de Vosges nature environnement, membre du collectif Eau 88, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([356])  Audition de Mme Renée-Lise Rothiot, porte-parole d’Oiseau Nature, membre du collectif Eau 88, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([357])  Audition de M. Dominique Bemer, directeur départemental des territoires des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([358]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([359])  Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([360])  Audition de M. Marc Hoeltzel, directeur général de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([361]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([362]) Ibid.

([363])  Audition de M. Marc Hoeltzel, directeur général de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, op. cit.

([364])  Audition de M. Alain Lercher, chef du service Environnement et risques de la direction départementale des territoires des Vosges https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([365]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([366])  Audition de M. Jean-Jacques Gaultier, députés de Vosges et ancien président de la CLE, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021027_compte-rendu#

([367])  Audition de M. Jean-Bernard Mangin, maire de Auzainvilliers, président du syndicat intercommunal des eaux de Bulgnéville et de la vallée du Vair, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021027_compte-rendu#

([368])  Audition de M. Alain Lercher, chef du service Environnement et risques de la direction départementale des territoires des Vosges https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([369])  Audition de M. Jean-François Fleck, président de Vosges nature environnement, membre du collectif Eau 88, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([370]) Échanges à Vittel entre les élus locaux de la CLE et la délégation de la commission d’enquête le 9 avril 2021.

([371]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([372])  Audition de M. Marc Hoeltzel, directeur général de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([373])  Échanges à Vittel entre M. Robert Muller, président de l’Association de défense, d’éducation et d’information des consommateurs (ADEIC) et membre de la CLE, et la délégation de la commission d’enquête le 9 avril 2021.

([374]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([375])  Audition de M. Jean-François Fleck, président de Vosges nature environnement, membre du collectif Eau 88, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021031_compte-rendu#

([376])  Audition de M. Ronan Le Fanic, directeur du site de production Nestlé Waters Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([377])  Audition de M. François Negro, directeur des ressources en eau de Nestlé Waters France, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([378]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([379])  Audition de M. Yves Seguy, préfet des Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([380])  Audition de M. Yannick Verdenal, ingénieur Qualité sanitaire des eaux à l’ARS Grand Est, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([381]) Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, op. cit.

([382]) « TCA – Contributions sur les boissons non alcooliques – Contribution sur les eaux minérales », Bulletin officiel des finances publiques, https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/11566-PGP.html/identifiant%3DBOI-TCA-BNA-30-20191230

([383]) Article 1582 du code général des impôts, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037993582/2019-01-01

([384]) Audition de Marie-Ange Badin, déléguée générale de la Maison des eaux minérales naturelles (MEMN), jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021030_compte-rendu#

([385])  Audition de Mme Claudie Pruvost, conseillère départementale, ancienne présidente de la CLE, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021028_compte-rendu#

([386])  Audition de Mme Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([387]) Échanges à Vittel entre M. Franck Perry, maire de Vittel et la délégation de la commission d’enquête, 9 avril 2021.

([388]) « Hydroélectricité », ministère de la transition écologique, https://www.ecologie.gouv.fr/hydroelectricite

([389])  Ibid.

([390]) Ibid.

([391]) Ibid.

([392]) Audition de M. Pascal Jacquelin, secrétaire national de la CFE Énergies, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([393])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Electricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([394]) Audition de Mme Karine Granger, responsable de la délégation au Conseil supérieur de l’énergie de la Fédération nationale des mines et de l’énergie – CGT, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([395])  Audition de M. Sébastien Michel, secrétaire fédéral de la Fédération de l’énergie et de la chimie – CFDT, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([396])  « Hydroélectricité », ministère de la transition écologique, https://www.ecologie.gouv.fr/hydroelectricite

([397])  Audition de M. Philippe André, porte-parole de la Fédération SUD-Énergie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([398]) Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Electricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([399]) Audition de Mme Karine Granger, responsable de la délégation au Conseil supérieur de l’énergie de la Fédération nationale des mines et de l’énergie – CGT EDF, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([400]) Audition de M. Pascal Jacquelin, secrétaire national de la CFE Énergies, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([401])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Électricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([402]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([403]) Audition de Mme Karine Granger, responsable de la délégation au Conseil supérieur de l’énergie de la Fédération nationale des mines et de l’énergie – CGT EDF, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([404]) Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Électricité de France (EDF) Hydro, op. cit.

([405]) Commission de régulation de l’énergie, Coûts et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, janvier 2020, https://www.cre.fr/Actualites/la-petite-hydroelectricite-une-filiere-d-une-grande-diversite

([406]) « Chiffres clés », France hydro électricité, https://www.france-hydro-electricite.fr/lhydroelectricite-en-france/chiffres-clefs/

([407])  « Hydroélectricité », ministère de la transition écologique, https://www.ecologie.gouv.fr/hydroelectricite

([408])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Électricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([409]) Benjamin Mallet, « France : EDF espère une clarification du cadre de l’hydroélectricité », Reuters Les Échos investir, 9 octobre 2020 https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/france-edf-espere-une-clarification-du-cadre-de-l-hydroelectricite-1930299.php

([410])  Audition de Mme Elisabeth Ayrault, présidente de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([411]) « Qui est CNR », CNR, https://www.cnr.tm.fr/cnr/qui-est-cnr/

([412]) Audition de M. Cyrille Delprat, directeur général de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([413])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Electricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([414]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([415])  Audition de M. Philippe André, porte-parole de la Fédération SUD-Énergie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([416])  Audition de M. Philippe André, porte-parole de la Fédération SUD-Énergie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([417])  Audition de M. Sébastien Michel, secrétaire fédéral de la Fédération de l’énergie et de la chimie – CFDT, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([418])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Électricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([419])  Audition de Mme Karine Granger, responsable de la délégation au Conseil supérieur de l’énergie de la Fédération nationale des mines et de l’énergie – CGT EDF, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([420])  Audition de M. Pascal Jacquelin, secrétaire national de la CFE Énergies, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([421])  Audition de Mme Karine Granger, responsable de la délégation au Conseil supérieur de l’énergie de la Fédération nationale des mines et de l’énergie – CGT EDF, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([422])  Audition de M. Cyrille Delprat, directeur général de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([423])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Electricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([424]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu#

([425])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([426]) Audition de Mme Elisabeth Ayrault, présidente de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([427])  Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu#

([428])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Electricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([429])  Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, op. cit.

([430])  Audition de M. Jacky Chorin, membre du conseil d’administration d’EDF pour FO Énergie et Mines, et de Mme Anne Debrégeas, porte-parole de la Fédération SUD-Énergie , jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([431])  Audition de M. Jacky Chorin, membre du conseil d’administration d’EDF pour FO Énergie et Mines, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([432]) Audition de M. Pascal Jacquelin, secrétaire national de la CFE Énergies, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([433])  Audition de Mme Anne Debrégeas, porte-parole de la Fédération SUD-Énergie , jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([434])  Audition de Mme Karine Granger, responsable de la délégation au Conseil supérieur de l’énergie de la Fédération nationale des mines et de l’énergie – CGT, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([435])  Audition de M. Jacky Chorin, membre du conseil d’administration d’EDF pour FO Énergie et Mines , jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([436])  Audition de M. Sébastien Michel, secrétaire fédéral de la Fédération de l’énergie et de la chimie – CFDT , jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021043_compte-rendu#

([437])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Électricité de France (EDF) Hydro, jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([438]) « Hydroélectricité », ministère de la transition écologique, https://www.ecologie.gouv.fr/hydroelectricite

([439])  Audition de Mme Elisabeth Ayrault, présidente de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([440])  Audition de M. Cyrille Delprat, directeur général de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([441]) « Hydroélectricité », ministère de la transition écologique, op. cit.

([442]) « Chiffres clés », France hydro électricité, https://www.france-hydro-electricite.fr/lhydroelectricite-en-france/chiffres-clefs/

([443])  « Hydroélectricité », ministère de la transition écologique, op. cit.

([444])  Audition de M. Cyrille Delprat, directeur général de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), op. cit.

([445])  Audition de M. Yves Giraud, Directeur d’Électricité de France (EDF) Hydro et de M. Cyrille Delprat, directeur général de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), jeudi 20 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021042_compte-rendu#

([446])Sénat, Réponse de madame la ministre de la transition écologique à la question écrite n° 13512 de monsieur le sénateur Gérard Dériot, publiée le 10 octobre 2020, https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ191213512.html

([447]) Audition de Simon Burner, directeur de European rivers network France – SOS Loire vivante, jeudi 11 mars, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([448]) Audition de M. Daniel Reininger, président d’honneur d’Alsace nature, membre du directoire Eau de France Nature Environnement, jeudi 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021004_compte-rendu#

([449])  Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([450]) Ibid.

([451]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu#

([452])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([453]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([454]) Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([455])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([456]) Ibid.

([457])  Audition de M. Bernard Barraqué, directeur de recherches émérite au Centre national de la recherche scientifique – Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, jeudi 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021007_compte-rendu#

([458])  Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([459])  Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence de l’eau Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([460])  Audition de M. Faiçal Badat, adjoint au directeur général, en charge du développement durable des territoires, au sein de l’office de l’eau de La Réunion, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([461])  Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([462])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([463])  Audition de M. Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l’Office français de la biodiversité, jeudi 1er avril 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021014_compte-rendu

([464])  Audition de M. Philippe Marc, avocat au barreau de Toulouse, jeudi 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021016_compte-rendu#

([465])  Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), mercredi 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021037_compte-rendu#

([466])  Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([467])  Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence de l’eau Adour-Garonne, op. cit.

([468])  Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, op. cit.

([469])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([470])  Audition de M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, op. cit.

([471]) Ibid.

([472])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([473])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([474])  Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([475])  Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence de l’eau Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([476])  Ibid.

([477]) « Redevances pour pollution de l’eau d’origine domestique et modernisation des réseaux de collecte », Eau Seine Normandie, http://www.eau-seine-normandie.fr/les-aides-et-redevances/les-redevances/pollution-de-l-eau-d-origine-domestique-et-modernisation-des-reseaux-de-collecte

([478])  Audition de M. Faiçal Badat, adjoint au directeur général, en charge du développement durable des territoires, au sein de l’office de l’eau de La Réunion, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([479])  Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, op. cit.

([480])  Ibid.

([481]) « Redevance prélèvements sur la ressource en eau », agence de l’eau Artois-Picardie, https://www.eau-artois-picardie.fr/prelevements-sur-la-ressource-en-eau

([482])  Ibid.

([483])  Commissariat général au développement durable, La redevance pour prélèvement d’eau : quelle utilisation pour la gestion quantitative de la ressource ? Le point n° 127, mai 2012 http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0076/Temis-0076146/Point_127.pdf

([484]) Élément fourni par Nestlé Waters à la demande de la commission d’enquête.

([485]) Élément fourni par Nestlé Waters à la demande de la commission d’enquête.

([486])  Commission locale de l’eau du schéma d’aménagement de la gestion des eaux de la nappe des grès du Trias inférieur, Plan d’aménagement et de gestion durable, avril 2021 https://sagegti.vosges.fr/ressourcerie/-les-documents-du-sage

([487]) Audition de M. Ronan Le Fanic, directeur du site de production Nestlé Waters Vosges, jeudi 22 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021029_compte-rendu

([488])  Éléments fournis par Nestlé Waters à la demande de la commission d’enquête.

([489])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([490])  Audition de M. Guillaume Choisy, directeur général de l’agence de l’eau Adour-Garonne, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([491])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, op. cit.

([492])  Audition de Mme Sandrine Rocard, directrice générale par intérim de l’agence de l’eau Seine-Normandie, jeudi 20 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021041_compte-rendu#

([493]) Commissariat général au Développement durable, op. cit.

([494])  Loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030985460/

([495])  Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu

([496])  Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, Panorama des services et de leur performance en 2018, avril 2021

https://www.services.eaufrance.fr/docs/synthese/rapports/Rapport_SISPEA_2018_complet_DEF.pdf

([497])  Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, Panorama des services et de leur performance en 2018, avril 2021

https://www.services.eaufrance.fr/docs/synthese/rapports/Rapport_SISPEA_2018_complet_DEF.pdf

([498])  Audition de M. Stéphane Saussier, professeur à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) – université Paris I Panthéon-Sorbonne et directeur de la chaire Économie des partenariats public-privé, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu

([499]) Éléments fournis au rapporteur après la table ronde « les déterminants du prix de l’eau », 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu

([500])  Audition de M. Raymond Avrillier, membre du conseil d’exploitation des régies d’assainissement et d’eau de Grenoble-Alpes, ancien conseiller municipal (Association Démocratie Écologie Solidarité) de Grenoble (1989-2008) et ancien vice-président de la communauté d’agglomération grenobloise, chargé de l’assainissement et des eaux pluviales (1995- 2008), 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021005_compte-rendu

([501])  Audition de M. Alexandre Abou, premier conseiller de chambre régionale des comptes, auteur de la thèse Le contrôle dans les délégations de service public d’eau, 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-ceeau/20-21/c2021033.asp

([502])  Audition de M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble (1997 – 2001), ancien directeur général de la régie des eaux de Grenoble (2001 – 2016), 25 mars 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021012_compte-rendu

([503])  Audition de M. Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021039_compte-rendu

([504])  Audition de M. Germain Paran, président du Comité de défense des usagers de l’eau (CDUE), 15 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021076_compte-rendu

([505])  Réponses écrites suite à l’audition de M. Alexandre Abou, premier conseiller de chambre régionale des comptes, auteur de la thèse Le contrôle dans les délégations de service public d’eau, 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-ceeau/20-21/c2021033.asp

([506])  Audition de M. Alexandre Mayol, maître de conférences en sciences économiques à l’Université de Lorraine, chercheur à l’unité mixte de recherche Bureau d’économie théorique et appliquée, 15 avril 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu

([507])  Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, 16 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021079_compte-rendu

([508])  Audition de M. Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), 12 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021039_compte-rendu

([509]) Audition de M. Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l’eau auprès de collectivités territoriales, 27 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021044_compte-rendu

([510])  Audition de M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble (1997 – 2001), ancien directeur général de la régie des eaux de Grenoble (2001 – 2016), 25 mars 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021012_compte-rendu

([511]) Audition de M. Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l’eau auprès de collectivités territoriales, 27 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021044_compte-rendu

([512])  Audition de M. Alexandre Abou, premier conseiller de chambre régionale des comptes, auteur de la thèse Le contrôle dans les délégations de service public d’eau, 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021033_compte-rendu

([513])  Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, 16 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021079_compte-rendu

([514]) Audition de M. Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial sur les droits de l’Homme à l’eau potable et à l’assainissement du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU), 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021003_compte-rendu

([515]) Ibid.

([516]) Ibid.

([517]) Table ronde sur le thème de « la gestion de l’eau » réunissant M. Bernard Drobenko, professeur émérite de l’université du Littoral – Côte d’Opale, M. Jamal El Khattabi, maître de conférences à l’Université de Lille, membre du Laboratoire de génie civil et géo-environnement, et Mme Tsanga Tabi, ingénieur de recherche au sein de l’unité mixte de recherche Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement – École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg et Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021015_compte-rendu

([518]) Audition de M. Raymond Avrillier, membre du conseil d’exploitation des régies d’assainissement et d’eaux de Grenoble-Alpes, ancien conseiller municipal (Association Démocratie Écologie Solidarité) de Grenoble (1989-2008) et ancien vice-président de la communauté d’agglomération grenobloise, chargé de l’assainissement et des eaux pluviales (1995- 2008), 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021005_compte-rendu

([519]) Audition des auteurs de l’enquête de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement – Impacts des procédures de mise en concurrence dites « loi Sapin » : M. Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l’Office français de la biodiversité, Mme Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs, usages et M. Cédric Duchesne, consultant chez A Propos, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021014_compte-rendu

([520]) Ibid.

([521]) Table ronde sur les déterminants du prix de l’eau, réunissant M. Stéphane Saussier, professeur à l’institut d’administration des entreprises Paris-Sorbonne, directeur de la chaire Économie des partenariats public-privé, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu

([522]) Audition de M. Alexandre Abou, premier conseiller de chambre régionale des comptes, 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021033_compte-rendu

([523]) Audition de M. Raymond Avrillier, membre du conseil d’exploitation des régies d’assainissement et d’eaux de Grenoble-Alpes, ancien conseiller municipal (Association Démocratie Écologie Solidarité) de Grenoble (1989-2008) et ancien vice-président de la communauté d’agglomération grenobloise, chargé de l’assainissement et des eaux pluviales (1995- 2008), 11 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021005_compte-rendu

([524]) Table ronde réunissant des associations d’usagers et de consommateurs d’eau, 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021008_compte-rendu

([525]) Réponse écrite de Suez.

([526]) Audition de M. Éric Bréjoux, chef de service « Connaissance et évaluation environnementale » de l’Office français de la biodiversité, 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021014_compte-rendu

([527]) Audition de M. Alexandre Abou, premier conseiller de chambre régionale des comptes, 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021033_compte-rendu

([528]) Ibid.

([529]) Ibid.

([530]) Ibid.

([531]) Réponse écrite de Suez aux questions du rapporteur.

([532]) Audition de M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble (1997 – 2001), ancien directeur général de la régie des eaux de Grenoble (2001 – 2016), 25 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021012_compte-rendu

([533]) Ibid.

([534]) Audition de M. Alexandre Abou, premier conseiller de chambre régionale des comptes, 6 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021033_compte-rendu

([535]) Réponse écrite de Suez aux questions du rapporteur.

([536]) Audition de M. Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l’eau auprès de collectivités territoriales, 27 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021044_compte-rendu

([537]) Table ronde réunissant les syndicats représentatifs du groupe Suez : M. Wilhem Guette, coordinateur syndical CGT, M. Jérémy Chauveau, membre de la coordination syndicale CFDT, M. Noui Bourahli, coordinateur syndical FO, M. Eric Guillemette, coordinateur syndical CFE-CGC et M. Philippe Jacq, coordinateur syndical CFTC, 27 mai 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021045_compte-rendu

([538])  Audition de M. Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie, 7 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021055_compte-rendu

([539])  Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu

([540])  Audition de MM. Alain Beullier et de Christophe Aubert, membres du conseil d’administration d’Engie, 7 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021059_compte-rendu

([541])  Ibid.

([542])  Table ronde réunissant les syndicats représentatifs du groupe Suez : M. Wilhem Guette, coordinateur syndical CGT, M. Jérémy Chauveau, membre de la coordination syndicale CFDT, M. Noui Bourahli, coordinateur syndical FO, M. Eric Guillemette, coordinateur syndical CFE-CGC et M. Philippe Jacq, coordinateur syndical CFTC, 27 mai 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021045_compte-rendu

([543]) Audition de M. Gérard Mestrallet, ancien président-directeur général d’Engie et ancien président du conseil d’administration de Suez, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, 20 janvier 2021 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210118/devdur.html#toc2

([544])  Audition de MM. Alain Beullier et de Christophe Aubert, membres du conseil d’administration d’Engie, 7 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021059_compte-rendu

([545])  Audition de M. Bertrand Camus, directeur général de Suez, 27 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021047_compte-rendu

([546]) Table ronde réunissant les syndicats représentatifs du groupe Suez : M. Wilhem Guette, coordinateur syndical CGT, M. Jérémy Chauveau, membre de la coordination syndicale CFDT, M. Noui Bourahli, coordinateur syndical FO, M. Eric Guillemette, coordinateur syndical CFE-CGC et M. Philippe Jacq, coordinateur syndical CFTC, 27 mai 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021045_compte-rendu

([547]) Audition de M. Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l’eau auprès de collectivités territoriales, 27 mai 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021044_compte-rendu

([548])  Audition de M. Thierry Déau, fondateur et président-directeur général de Meridiam, 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021053_compte-rendu

([549])  Audition de M. Mathias Burghardt, responsable de l’équipe infrastructure et membre du comité exécutif d’Ardian, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021051_compte-rendu

([550])  Audition de M. Mathias Burghardt, responsable de l’équipe infrastructure et membre du comité exécutif d’Ardian, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021051_compte-rendu

([551])  Audition de M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble (1997 – 2001), ancien directeur général de la régie des eaux de Grenoble (2001 – 2016), 25 mars 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021012_compte-rendu

([552])  Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021052_compte-rendu

([553]) Fanny Guibert, « Eau du robinet : pourquoi de telles hausses des factures ? », 60 millions de consommateurs, 22 mars 2021 https://www.60millions-mag.com/2021/03/22/eau-du-robinet-pourquoi-de-telles-hausses-des-factures-18449

([554])  Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, Panorama des services et de leur performance, septembre 2018 https://www.services.eaufrance.fr/docs/synthese/rapports/Rapport_SISPEA_2015_complet_DEF.pdf

([555]) Assemblée nationale, commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, rapport d’information n° 1101 déposé par la mission d’information sur la ressource en eau et présenté par M. Adrien Morenas, président, rapporteur, et M. Loïc Prud’homme, vice-président, rapporteur, 21 juin 2018, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/mieau/l15b1101_rapport-information

([556])  « L’exemple de l’Irlande, où s’est rendue la mission, illustre assez bien le dysfonctionnement que peut entraîner la gratuité de l’eau pour l’ensemble de la population. La gratuité de l’eau pour la population existe depuis toujours dans ce pays. Abandonnée sous la pression de la crise et de l’Union européenne, elle a dû être rétablie en 2017, la population n’acceptant pas la remise en cause de ce principe. Le résultat le plus tangible de cette gratuité est l’ampleur des gaspillages qui conduit les Irlandais à laisser les robinets ouverts en cas de gel, plutôt que de les purger. Cela a entraîné une pénurie et un rationnement de l’eau à Dublin au mois de mars. Mais surtout, les gestionnaires de l’eau et les autorités irlandaises se trouvent confrontés à un « mur d’investissements » nécessaires pour fiabiliser le réseau. L’Irlande ne respecte pas les directives de la Commission européenne concernant, notamment, le traitement de l’eau potable et des eaux usées. Selon l’Irish Water, 5,5 milliards d’euros doivent être investis d’ici à 2021 pour atteindre les exigences européennes. » Rapport de la mission d’information sur la ressource en eau précité.

([557])  Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, Panorama des services et de leur performance, septembre 2018

https://www.services.eaufrance.fr/docs/synthese/rapports/Rapport_SISPEA_2015_complet_DEF.pdf

([558])  Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu

([559])  Décret n° 2012-97 du 27 janvier 2012 relatif à la définition d’un descriptif détaillé des réseaux des services publics de l’eau et de l’assainissement et d’un plan d’actions pour la réduction des pertes d’eau du réseau de distribution d’eau potable https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000025208197/

([560])  Audition des groupements de collectivités territoriales et autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe, 9 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021067_compte-rendu

([561]) Table ronde ayant pour thème « les investissements dans le renouvellement des réseaux d’eau et d’assainissement et de lutte contre les fuites » réunissant M. Alain Grizaud, président, et Mme Leslie Laroche, secrétaire générale du syndicat professionnel Les Canalisateurs et M. Arnaud Treguer, directeur commercial Europe du Sud et export de Saint-Gobain Pont-à-Mousson, 12 mai 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021038_compte-rendu

([562])  Audition des entreprises titulaires de délégation de service public de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021069_compte-rendu

([563])  Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, 16 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021079_compte-rendu

([564])  Audition de M. Elie Domota, ancien secrétaire général de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), porte-parole du Lyannaj kont pwofitasyon (LKP), https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021077_compte-rendu

([565])  Audition des institutions bancaires finançant les investissements des collectivités territoriales et groupements de collectivités en Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021074_compte-rendu

([566])  Instruction n° 112 du 18 juin 1998 CGI, art. 39-1-5° NOR : ECOF9810032J de la direction générale des impôts https://bofip-archives.impots.gouv.fr/bofip/25549-AIDA.html/identifiant=4E-3-98-19980618

([567])  Audition de M. Jacques Tcheng, ancien directeur général de la société des eaux de Grenoble (1997 – 2001), ancien directeur général de la régie des eaux de Grenoble (2001 – 2016), 25 mars 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021012_compte-rendu

([568]) Audition de Mme Marie Tsanga-Tabie, ingénieur de recherche au sein de l’unité mixte de recherche Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement – École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg et Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, jeudi 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021015_compte-rendu#

([569])  Ibid.

([570])  Comité national de l’eau, Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, décembre 2020 www.cne.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_experimentation_brottes_2020.pdf

([571])  Comité national de l’eau, Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, mai 2019 https://www.ecologie.gouv.fr/bilan-2019-lexperimentation-tarification-sociale-leau

([572])  Audition de M. Alexandre Mayol, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Lorraine et chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu#

([573])  Comité national de l’eau, Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, mai 2019 https://www.ecologie.gouv.fr/bilan-2019-lexperimentation-tarification-sociale-leau

([574])  Ibid.

([575])  Ibid.

([576])  Comité national de l’eau, Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, décembre 2020 www.cne.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_experimentation_brottes_2020.pdf

([577])  « Distribution d’eau potable », Économie.gouv.fr, https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/eau-potable-distribution

([578])  Comité national de l’eau, Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, décembre 2020 www.cne.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_experimentation_brottes_2020.pdf

([579]) Cf. Assemblée nationale, commission des Lois, rapport n° 1866 de Mme Virginie Duby-Muller sur la proposition de loi de Mme Virginie Duby-Muller et plusieurs de ses collègues relative à la déclaration de domiciliation, 9 avril 2014 https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r1866.asp

([580])  Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.

([581])  Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure.

([582])  Cf. rapport n° 1866 de Mme Virginie Duby-Muller précité.

([583])  Audition de M. Alexandre Mayol, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Lorraine et chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu#

([584])  Comité national de l’eau, Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, mai 2019 https://www.ecologie.gouv.fr/bilan-2019-lexperimentation-tarification-sociale-leau

([585])  Comité national de l’eau, Rapport d’analyse de l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau, décembre 2020

www.cne.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_experimentation_brottes_2020.pdf

([586])  Audition de M. Jean-Pierre Rideau, ancien adjoint du sous-directeur de l’eau à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, jeudi 25 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021010_compte-rendu

([587])  Éléments fournis par M. Alexandre Mayol au rapporteur de la commission d’enquête.

([588])  Audition de M. Alexandre Mayol, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Lorraine et chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu#

([589])  Audition de Mme. Marielle Montginoul, chercheuse au sein de l’UMR Gestion de l’eau, acteurs, usages (G-Eau) – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu#

([590]) Ibid.

([591])  Audition de M. Alexandre Mayol, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Lorraine et chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu#

([592])  Audition de Mme Marie Tsanga-Tabie, ingénieur de recherche au sein de l’unité mixte de recherche Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement – École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg et Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, jeudi 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021015_compte-rendu#

([593])  Audition de M. Hervé Paul, vice-président référent cycle de l’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), maire de Saint–Martin-du-Var, président du conseil d’administration de la régie Eau d’Azur, jeudi 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021013_compte-rendu#

([594])  Audition de Mme. Marielle Montginoul, chercheuse au sein de l’UMR Gestion de l’eau, acteurs, usages (G-Eau) – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), jeudi 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021022_compte-rendu#

([595]) Éléments fournis par l’association Consommation logement et cadre de vie au rapporteur de la commission d’enquête.

([596])  Audition de M. Gabriel Amard, ancien maire de Viry-Châtillon, ancien président de la communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne, ancien président du conseil d’exploitation de la régie Eau des Lacs de l’Essonne, co-président de la coordination Eau bien commun France, jeudi 25 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021009_compte-rendu#

([597]) Éléments fournis par l’association Consommation logement et cadre de vie au rapporteur de la commission d’enquête.

([598]) Audition de Mme Isabelle Gaillard, présidente de l’Union départementale des associations familiales de l’Essonne, vice-présidente de la commission permanente des programmes et de la prospective du comité de bassin Seine-Normandie, jeudi 18 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021008_compte-rendu#

([599]) Éléments fournis par l’association Consommation logement et cadre de vie au rapporteur de la commission d’enquête.

([600])  Audition de M. Hervé Paul, vice-président référent cycle de l’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), maire de Saint–Martin-du-Var, président du conseil d’administration de la régie Eau d’Azur, jeudi 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021013_compte-rendu#

([601])  Éléments fournis par l’association Consommation logement et cadre de vie au rapporteur de la commission d’enquête.

([602])  Audition de M. Bernard Drobenko, professeur émérite de l’université du Littoral – Côte d’Opale, jeudi 1er avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021015_compte-rendu#

([603])  Audition de M. Gabriel Amard, ancien maire de Viry-Châtillon, ancien président de la communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne, ancien président du conseil d’exploitation de la régie Eau des Lacs de l’Essonne, co-président de la coordination Eau bien commun France, jeudi 25 mars 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021009_compte-rendu#

([604]) Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, jeudi 3 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021054_compte-rendu#

([605]) Ibid.

([606]) Audition de M. Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau-DOM, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021026_compte-rendu

([607])  Article L. 5121-1 du code général de la propriété des personnes publiques :

« Dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, sous réserve des droits régulièrement acquis par les usagers et propriétaires riverains à la date du 6 avril 1948 et validés avant le 6 avril 1953 :

« 1° Les sources et, par dérogation à l’article 552 du code civil, les eaux souterraines font partie du domaine public de l’État ;

« 2° Les cours d’eau et lacs naturels, sous réserve de leur déclassement, font partie du domaine public fluvial défini à l’article L. 2111-7 du présent code. »

([608])  Ministère de la transition écologique, La conférence environnementale, 8 février 2019 https://www.ecologie.gouv.fr/conference-environnementale

([609])  Maxime Tandonnet (IGA) - Étienne Lefebvre (CGEDD) - Emmanuel Rébeillé-Borgella (CGEDD)- Pierre-Alain Roche (CGEDD) - François Colas-Belcour (CGAAER) - Jean-Claude Vial (CGAAER), Propositions pour un plan d’action pour l’eau dans les départements et régions d’outre-mer et à Saint-Martin, 1er février 2016 https://www.interieur.gouv.fr/Publications/Rapports-de-l-IGA/Rapports-recents/Propositions-pour-un-plan-d-action-pour-l-eau-dans-les-departements-et-regions-d-outre-mer-et-a-Saint-Martin

([610])  Audition de M. Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021070_compte-rendu

([611])  Chambre régionale des comptes de Guadeloupe-Guyane-Martinique, annexe à la lettre n° 1212 du 18 décembre 2012 rapport d’observations définitives sur la gestion du syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, année 2005 et suivantes, 18 décembre 2012 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/24529

([612])  Barbara Olivier-Zandronis « Sébastien Lecornu : Je vais en profiter pour rencontrer les élus et faire un point sur tous les dossiers en cours » France-Antilles, 1er janvier 2021 https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/politique/sebastien-lecornu-je-vais-en-profiter-pour-rencontrer-les-elus-et-faire-un-point-sur-tous-les-dossiers-en-cours-583421.php

([613]) Conseil général de l’environnement et du développement durable (Aline Baguet et Alby Schmitt),inspection générale de l’administration (Marc-René Bayle) et inspection générale des finances (François Werner), Audit sur l’eau en Guadeloupe, rapport inter-inspections, 15 mai 2018 https://www.vie-publique.fr/rapport/37541-audit-sur-leau-potable-en-guadeloupe

([614])  Le code général des collectivités territoriales distingue deux types de régies : la régie dotée de la seule autonomie financière, administrée par un conseil d’exploitation, et la régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, administrée par un conseil d’administration, qui constitue un établissement public local à part entière.

([615])  Chambre régionale des comptes de Guadeloupe-Guyane-Martinique, annexe à la lettre n° 1212 du 18 décembre 2012 rapport d’observations définitives sur la gestion du syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, année 2005 et suivantes, 18 décembre 2012 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/24529

([616]) Ibid.

([617]) Ibid.

([618]) Audition de M. Harry Placide, directeur des Régies eau nord Caraïbes (RENOC), 8 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021067_compte-rendu

([619]) Rapport de la chambre régionale des comptes précité.

([620]) Ibid.

([621]) Espelia, Diagnostic transversal du secteur de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe réalisé dans le cadre du plan Eau-Dom, février 2018

https://www.guadeloupe.gouv.fr/content/download/15330/100616/file/Diag_Transversal_VF.pdf

([622])  Audition de M. Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des Outre‑mer, 15 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021078_compte-rendu

([623]) Rapport de la chambre régionale des comptes précité.

([624])  Audition de M. Harry Placide, directeur des Régies eau nord Caraïbes (RENOC), 8 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021067_compte-rendu

([625]) Audition de M. Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021070_compte-rendu

([626])  « En novembre 2008, il est passé à 19 M€ en raison du non recouvrement de créances récentes. À ce moment, le SIAEAG a demandé à la GDE de suspendre le recouvrement. Le recouvrement n’a repris qu’en mai 2012 pour les gros clients et en septembre 2012 pour les particuliers, ce qui a grandement contribué à compromettre le recouvrement des créances, ce que confirme la GDE dans sa réponse aux observations de la chambre. En novembre 2011, le montant des créances non recouvrées s’élevait à 11,2 M€, dont 6,4 M€ pour la part fermière et 1,9 M€ pour la part syndicale et communale. Ces créances sont en instance de recouvrement par une société spécialisée. Le taux de recouvrement n’est plus que de 3 % selon cette société et évolue bien sûr à la baisse au fur et à mesure que le temps passe. Les montants que le SIAEAG peut espérer de ces recouvrements sont donc modestes. Un certain nombre de créances sur les communes (ventes d’eau aux communes) devraient néanmoins pouvoir être récupérées. » Rapport de la chambre régionale des comptes précité.

([627])  Audition de M. Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021070_compte-rendu

([628])  Audition de M. Philippe Gustin, ancien préfet de la Guadeloupe, directeur de cabinet du ministre des Outre-Mer, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021071_compte-rendu

([629]) Audition de M. Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021070_compte-rendu

([630])  Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

([631])  Audition de M. Cyril Hammouda, directeur général délégué de Karuker’Ô Suez France, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021069_compte-rendu

([632])  Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique propre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et des éoliennes. Ce texte prévoit l’interdiction de couper l’eau d’une résidence principale, même en cas de factures impayées (article L.115-3 du code de l’action sociale et des familles).

([633])  DRFIP Champagne-Ardenne, Analyse de la situation financière du SIAEAG par la mission d’expertise économique et financière (MEEF), mai 2015, citée par Conseil général de l’environnement et du développement durable (Aline Baguet et Alby Schmitt),inspection générale de l’administration (Marc-René Bayle) et inspection générale des finances (François Werner), Audit sur l’eau en Guadeloupe, rapport inter-inspections, 15 mai 2018 https://www.vie-publique.fr/rapport/37541-audit-sur-leau-potable-en-guadeloupe

([634]) Rapport de la chambre régionale des comptes précité.

([635])  Audition de M. Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021070_compte-rendu

([636])  Audition de M. Alexandre Rochatte, préfet de la Guadeloupe, 11 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021075_compte-rendu

([637])  Sur cette période, Générale des Eaux Guadeloupe a bénéficié à deux reprises d’une mesure de renflouement de son actionnaire : une augmentation de capital de 15 M€ en 2012, puis une autre de 69,2 M€ en 2015. Sur la période 2005-2010 la Société a distribué 3,9 M€ de dividendes en cumul, à rapprocher des 98,2 M€ apportés en augmentations de capital et abandon de créance entre 1998 et 2017.

([638]) Audition de M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du SIAEAG, 7 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021057_compte-rendu

([639]) Espelia, Diagnostic transversal du secteur de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe réalisé dans le cadre du plan Eau-Dom, février 2018

https://www.guadeloupe.gouv.fr/content/download/15330/100616/file/Diag_Transversal_VF.pdf

([640]) Audition de M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du SIAEAG, 7 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021057_compte-rendu

([641])  Audition de M. Philippe Gustin, ancien préfet de la Guadeloupe, directeur de cabinet du ministre des Outre-Mer, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021071_compte-rendu

([642]) Audition de M. Xavier Cordoval, op. cit.

([643])  Chambre régionale des comptes de Guadeloupe-Guyane-Martinique, annexe à la lettre n° 1212 du 18 décembre 2012 rapport d’observations définitives sur la gestion du syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, année 2005 et suivantes, 18 décembre 2012 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/24529

([644])  Audition de M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du SIAEAG, op. cit.

([645]) Audition de M. Dominique Laban, directeur de l’office de l’eau de la Guadeloupe, 7 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021060_compte-rendu

([646])  Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

([647]) Audition de M. Amélius Hernandez, ancien président du SIAEAG, 7 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021056_compte-rendu

([648])  Audition de M. Harry Placide, directeur des Régies eau nord Caraïbes (RENOC), 8 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021067_compte-rendu

([649])  « Mme la présidente Mathilde Panot. Quelles étaient les obligations contractuelles de la Générale des eaux en matière d’entretien et de renouvellement des réseaux ?

« M. Joël Beaugendre. Nous n’avons jamais eu connaissance des contrats. La DDAF nous a déclaré que ceux-ci faisaient partie des secrets commerciaux »

Audition de M. Joël Beaugendre, ancien député, ancien vice-président du SIAEAG, 8 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021065_compte-rendu .

([650])  Audition de M. Amélius Hernandez, ancien président du SIAEAG, 7 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021056_compte-rendu

([651])  Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, 16 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021079_compte-rendu

([652])  Audition de M. Alexandre Rochatte, préfet de la Guadeloupe, 11 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021075_compte-rendu

([653])  Directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:31991L0271

([654]) Commission européenne, « Eaux urbaines résiduaires : la Commission décide de saisir la Cour de justice d’un recours contre la France pour son traitement des eaux résiduaires », communiqué de presse du 9 juin 2021, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_21_1546

([655]) Audition de M. Alexandre Rochatte, préfet de la Guadeloupe, 11 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021075_compte-rendu

([656])  Instruction Interministérielle n° DGS/VSS2/DGCS/DGSCGC/2017/138 du 19 juin 2017 relative à l’élaboration du dispositif de gestion des perturbations importantes de l’approvisionnement en eau potable (ORSEC-Eau potable)

([657])  Conseil d’État, 19 octobre 2020, requête n° 445271 https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-10-19/445271

([658]) Audition de M. Dominique Virassamy, président de l’association Sauvez notre entreprise guadeloupéenne, 8 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021064_compte-rendu

([659])  Audition de M. Patrick Sellin, président de la chambre d’agriculture de Guadeloupe, 8 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021064_compte-rendu

([660])  Audition de M. Philippe Gustin, ancien préfet de la Guadeloupe, directeur de cabinet du ministre des Outre-Mer, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021071_compte-rendu

([661])  Audition de M. Philippe Gustin, ancien préfet de la Guadeloupe, directeur de cabinet du ministre des Outre-Mer, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021071_compte-rendu

([662]) Audition de M. Guy Bensaid, directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021073_compte-rendu

([663]) Rapport de la chambre régionale des comptes précité.

([664])  Audition de M. Alexandre Rochatte, préfet de la Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021075_compte-rendu

([665]) Assemblée nationale, compte rendu de la séance du jeudi 28 janvier 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2020-2021/premiere-seance-du-jeudi-28-janvier-2021

([666]) Audition de M. Guy Bensaid, directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021073_compte-rendu

([667])  Audition de M. Jean-Louis Saint-Martin, président de Eaux’Nodis, 9 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021069_compte-rendu

([668])  Conseil général de l’environnement et du développement durable (Aline Baguet et Alby Schmitt),inspection générale de l’administration (Marc-René Bayle) et inspection générale des finances (François Werner), Audit sur l’eau en Guadeloupe, rapport inter-inspections, 15 mai 2018 https://www.vie-publique.fr/rapport/37541-audit-sur-leau-potable-en-guadeloupe

([669]) Audition des institutions bancaires finançant les investissements des collectivités territoriales et groupements de collectivités en Guadeloupe, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021074_compte-rendu

([670])  Audition de M. Philippe Gustin, ancien préfet de la Guadeloupe, directeur de cabinet du ministre des Outre-Mer, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021071_compte-rendu

([671])  Audition de M. Rosan Capalita, chef des services responsable de la régie des eaux de Sainte-Rose, 9 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021068_compte-rendu

([672]) Guillaume Steers, Chef de pôle eau à la direction de l’Environnement, de l’aménagement et du logement, Focus sur l’assainissement, https://www.guadeloupe.gouv.fr/content/download/21950/135881/version/1/file/03_Assainissement.pdf

([673])  Audition de Mme Valérie Denux, directrice générale de l’agence régionale de santé de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021072_compte-rendu

([674]) Audition de M. Didier Roux, responsable du service santé et sécurité de l’environnement extérieur, de l’agence régionale de santé (ARS) de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021072_compte-rendu

([675])  Ibid.

([676])  Audition de M. Didier Roux, responsable du service santé et sécurité de l’environnement extérieur, de l’agence régionale de santé (ARS) de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, 11 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021072_compte-rendu

([677])  Eric Stimpfling, « Vidange de l’usine de Moustique : 10.000 m3 d’eau potable gâchés ! », Guadeloupe Première, 26 avril 2021 https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/basse-terre/petit-bourg/vidange-de-l-usine-de-moustique-10-000-m3-d-eau-potable-gaches-993478.html

([678]) Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement(Astee), Protection des installations d’eau potable vis-à-vis des actes de malveillance- guide de recommandations, novembre 2017 https://www.astee.org/publications/protection-des-installations-deau-potable-vis-a-vis-des-actes-de-malveillance/

([679])  Office de l’eau de la Guadeloupe, Les chiffres clés de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe pour 2020 http://www.observatoire-eau-guadeloupe.fr/outils/base-documentaire/documents-de-planification/plan-eau-dom/chiffres-cles/publication-2020/rapport-chiffres-cles-2020/view

([680])  Assemblée nationale, commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires, rapport d’enquête de Mme Justine Bénin n° 2440, déposé le 26 novembre 2019 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cechlordec/l15b2440-ti_rapport-enquete

([681]) Réponses de Mme Josette Borel-Lincertin, présidente du conseil départemental de la Guadeloupe, aux questions du rapporteur, 22 juin 2021.

([682])  Audition de M. Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, 16 juin 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021079_compte-rendu

([683]) Audition de M. Alby Schmitt, ancien coordinateur du Plan Eau-DOM, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021026_compte-rendu

([684])  Autorité environnementale, avis délibéré sur le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) du district hydrographique de Mayotte (cycle 2022-2027), 24 février 2021 http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/210224_sdage_mayotte_delibere_cle0ea141.pdf

([685])  Audition de Mme Aude Sturma, sociologue au sein de l’unité mixte de recherche Centre d’étude et de recherche travail organisation pouvoir du CNRS et de l’université de Toulouse, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021025_compte-rendu

([686]) Ibid.

([687]) Ibid.

([688]) Chambre régionale des comptes de Mayotte, rapport d’observations définitives, Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte, Exercices 2017 et suivants, 14 octobre 2019 https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-09/RER2020415_0.pdf

([689]) Audition de Mme Aminat Hariti, vice-présidente chargée de l’exploitation et des investissements en eau potable du Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021026_compte-rendu

([690])  Chambre régionale des comptes de Mayotte, rapport d’observations définitives, op. cit.

([691])  Audition de M. Soibahaddine Chanfi, vice-président de l’association Les Assoiffés de Mayotte, 15 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021026_compte-rendu

 

([692])  Audition de M. Pascal Gaucin, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de La Réunion, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021050_compte-rendu

([693])  Autorité environnementale, avis délibéré sur le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) du bassin de La Réunion (cycle 2022-2027) 27 janvier 2021 http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/210127_sdage_la_reunion_delibere_cle7e6b53.pdf

([694])  Audition de Mme Bernadette Le Bihan Ardon, présidente de la Société réunionnaise pour l’étude et la protection de l’environnement – Réunion nature environnement (SREPEN-RNE), 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021049_compte-rendu

([695])  Ibid.

([696]) Agence régionale de santé de La Réunion, https://www.eaudurobinet.re/ .

([697])  Audition de M. Pascal Gaucin, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de La Réunion, 3 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/ceeau/l15ceeau2021050_compte-rendu

([698])  Autorité environnementale, avis délibéré sur le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) du district hydrographique de la Martinique (cycle 2022-2027), 24 février 2021 http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/210224_sdage_martinique_delibere_cle7b6d12.pdf

([699]) Réponses aux questions envoyées par le rapporteur.

([700])  Chambre régionale des comptes de Martinique, Rapport d’observations définitives sur la gestion de la délégation de service public de l’eau et de l’assainissement avec la société martiniquaise des eaux (SME) année 2009 et suivantes, 9 septembre 2017, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/societe-martiniquaise-des-eaux-sme-martinique

([701])  Brigitte Brault, « La SME tire les enseignements des pénuries d’eau en 2020 et du mécontentement des usagers », Martinique Première, 2 février 2021, https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/la-sme-tire-les-enseignements-des-penuries-d-eau-en-2020-et-du-mecontement-des-usagers-924187.html