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N° 4484

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 septembre 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, adoptée par le Sénat, relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique,

 

 

Par Mme Florence PROVENDIER,

 

 

Députée.

 

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

 Sénat :  339, 652, 653 et T.A. 122 (2020‑2021).

 Assemblée nationale :  4240.

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Commentaires des articles

Chapitre Ier Définir les bibliothèques et leurs principes fondamentaux

Article 1er Missions des bibliothèques territoriales

Article 2  Libre accès aux bibliothèques municipales et intercommunales

Article 3 Gratuité d’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales

Article 4 Composition des collections des bibliothèques territoriales

Article 5 Pluralisme et accessibilité des collections des bibliothèques territoriales

Article 6 Renouvellement des collections des bibliothèques territoriales

Article 7 Présentation des orientations générales des bibliothèques à l’assemblée délibérante de la collectivité

Article 8 Qualifications des agents des bibliothèques

Chapitre II Soutenir le développement de la lecture publique

Article 9 Missions des bibliothèques départementales

Article 10 Élargissement de l’éligibilité au concours particulier relatif aux bibliothèques de la dotation générale de décentralisation

Article 11 Schéma de développement de la lecture publique

Article 12 Cession à titre gratuit de documents détenus par les bibliothèques

Article 13 (supprimé) Gage de recevabilité financière

COMPTE RENDU DES Débats en commission

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 9 h 30

I. Discussion gÉnÉrale

II. examen des articles

annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

Annexe 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative aux bibliothèques et au dÉveloppement de la lecture publique


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   AVANT-PROPOS

 

Les bibliothèques constituent le premier équipement culturel en France, et pourtant, elles n’ont fait l’objet d’aucune loi spécifique à ce jour, contrairement aux musées ([1]) et aux archives ([2]).

À l’initiative de Mme Sylvie Robert, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, cette proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique a ainsi vocation à consacrer dans le code du patrimoine le rôle central que jouent les bibliothèques dans notre société. Elle fait suite au rapport au Gouvernement de la sénatrice sur « L’adaptation et l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques » (2015) et à son rapport d’information de juillet 2020 présenté avec Mme Colette Mélot sur « L’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques » ([3]). Cette proposition de loi s’inscrit également dans la droite ligne du rapport de MM. Erik Orsenna et Noël Corbin intitulé « Voyage au pays des bibliothèques - Lire aujourd’hui, lire demain » de février 2018 ([4]) et de la mission flash sur les suites données à ce rapport des députées Aurore Bergé et Sylvie Tolmont (mars 2021) ([5]).

Adoptée à l’unanimité par le Sénat en juin 2021, cette proposition de loi a ainsi pour ambition de réaffirmer les missions des bibliothèques territoriales dans l’accès à la culture, à l’information, à l’éducation, aux savoirs et aux loisirs mais également les grands principes qui guident leur action tels que l’accès libre et égal, la gratuité, le pluralisme des collections et la neutralité du service public. Ce texte traduit également les évolutions de notre temps en introduisant le numérique dans les usages et collections des bibliothèques et le fait que celles-ci soient des lieux multiples offrant d’autres services que ceux directement relatifs à la lecture publique. La proposition de loi souligne aussi le rôle central du bibliothécaire tant dans la médiation et l’accès au savoir que dans le lien social qu’il tisse.

Le Président de la République, a déclaré, le 17 juin dernier, la lecture « grande cause nationale » pour 2021-2022, avec pour ambition de mettre la lecture au cœur de la vie de tous les Français. Ainsi, les bibliothèques œuvrent dans l’intérêt de l’ensemble de la société. En effet, comme le soutient Victor Hugo dans Choses vues, par cette belle formule « Lire c’est voyager ; voyager c’est lire », les bibliothèques sont ces vaisseaux qui nous ouvrent les portes de la connaissance de soi, des autres et du monde. Ces écrins de liberté jouent ainsi un rôle essentiel au sein de la cité en ce qu’ils cultivent l’ouverture d’esprit, ouvrent le champ des possibles et permettent le vivre ensemble en contribuant à la citoyenneté et au plein exercice de la démocratie.

La rapporteure souhaite traduire dans la loi ce mouvement d’ouverture des bibliothèques.

La bibliothèque est un passeur qui sait se déployer hors les murs : la coopération des bibliothèques avec d’autres organismes culturels, éducatifs et sociaux tels que les écoles, les musées, les bibliothèques des prisons, des établissements hospitaliers, les associations est au cœur de ses missions. La rapporteure proposera un amendement pour que cette mission de coopération soit inscrite dans la loi.

La bibliothèque est aussi un lieu plastique, un « troisième lieu » selon les termes du rapport Orsenna-Corbin, qui s’adapte aux évolutions des technologies et des usages. Le principe de mutabilité pourrait ainsi figurer parmi les principes qui guident son action.

Les bibliothèques départementales jouent un rôle structurant dans la mise en réseau des bibliothèques de leur territoire, tant dans l’allocation des documents et objets que dans le conseil et la formation des bibliothécaires, professionnels et bénévoles. C’est pourquoi la rapporteure estime que les départements devraient avoir pour obligation de continuer à les faire vivre, de les entretenir et de les faire fonctionner.

Enfin, tout comme il n’y pas qu’une vie dans la vie, les livres peuvent avoir plusieurs vies. Afin de favoriser le développement de la lecture publique et de faciliter le « désherbage » réalisé par les bibliothèques, c’est-à-dire le retrait des collections des ouvrages dont elles n’ont plus l’usage, celles-ci pourraient avoir le droit de donner des livres à des associations, des fondations et des organismes de l’économie sociale et solidaire. La rapporteure proposera à cet effet un dispositif qui a tout d’un cercle vertueux, qui évitera de jeter au pilon des millions de livres et participera à l’économie circulaire.

 


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   PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

 

Lors de sa réunion du mercredi 22 septembre 2021, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation a adopté la présente proposition de loi en première lecture en opérant les modifications suivantes.

À l’article 1er, outre des modifications rédactionnelles, la commission a adopté cinq amendements pour :

– affirmer le principe d’égal accès aux bibliothèques territoriales ;

– ajouter la mission de favoriser le développement de la lecture ;

– expliciter la mission de médiation culturelle confiée aux bibliothèques territoriales, qui doit notamment garantir l’exercice des droits culturels, définis comme le droit de chacun de participer à la vie culturelle ;

– ajouter la mission de coopérer avec les organismes culturels, éducatifs et sociaux et les établissements pénitentiaires ;

– inscrire le principe de mutabilité parmi les principes que doivent respecter les bibliothèques dans l’exercice de leurs missions.

À l’article 4, la commission a introduit le mot « livres » parmi les documents que doivent contenir les collections des bibliothèques et a supprimé le décret d’application prévu pour déterminer la liste des documents et objets que peuvent contenir les collections.

À l’article 5, la commission a adopté un amendement disposant que les collections des bibliothèques territoriales doivent être exemptes de toutes formes de censure idéologique, politique, religieuse ou de pressions commerciales.

Enfin, la commission a adopté une nouvelle rédaction de l’article 12, créant un nouvel article L. 3212‑4 au sein du code général de la propriété des personnes publiques. Cet article permet aux bibliothèques de l’État et des collectivités territoriales de donner les livres dont elles n’ont plus l’usage et appartenant au domaine privé à des fondations, associations philanthropiques ou entreprises de l’économie sociale et solidaire et autorise la revente de ces livres par ces bénéficiaires.


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   Commentaires des articles

Chapitre Ier
Définir les bibliothèques et leurs principes fondamentaux

Article 1er
Missions des bibliothèques territoriales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er vise à définir dans le code du patrimoine les missions des bibliothèques des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que les principes qui encadrent l’exercice de ces missions.

I.   Le droit existant

Premier équipement culturel de proximité, la bibliothèque ne bénéficie pourtant que d’une place marginale dans le droit positif : la partie législative du code du patrimoine y consacre seulement cinq articles, soit bien moins qu’à chacun des autres domaines du patrimoine culturel – archives, musées, archéologie et monuments historiques.

Mis à jour par l’ordonnance n° 2017-650 du 27 avril 2017 ([6]), le livre III du code du patrimoine, dédié aux bibliothèques, n’en donne aucune définition, contrairement aux archives ou aux musées, par exemple. Il se borne à prévoir le financement des bibliothèques territoriales par la collectivité ou le groupement de collectivités dont elles relèvent (art. L. 310-1), leur soumission au contrôle scientifique et technique de l’État (art. L. 310-2) et des dispositions relatives aux agents qui y travaillent (art. L. 320-1 et L. 320-2). En outre, l’article L. 330-1 dénomme « bibliothèques départementales » les bibliothèques centrales de prêt transférées aux départements.

Or, les missions des bibliothèques ont profondément évolué depuis une vingtaine d’années, ce dont témoigne le rapport précité d’Erik Orsenna et Noël Corbin : les bibliothèques ne sont plus seulement des « lieux du livre », mais aussi des « lieux du vivre ». Les services proposés se sont diversifiés – animation culturelle, ludothèque, accompagnement dans les démarches administratives, formation aux outils numériques, etc. – autour et en complément du livre et de la lecture.

II.   les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

L’article 1er crée au début du titre Ier du livre III du code du patrimoine un article L. 310-1 A, dont l’objet est de définir les missions des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements, c’est-à-dire des bibliothèques municipales, intercommunales et départementales. Ni la Bibliothèque nationale, ni la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, ni les bibliothèques associatives, ni les bibliothèques universitaires ne sont concernées par le présent article.

L’alinéa 2 énonce la mission générale des bibliothèques qui consiste à « garantir l’accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ». Il consacre ainsi l’extension du champ des savoirs et des domaines auxquels donnent accès les bibliothèques, véritable ouverture sur le monde. Le terme de « loisirs » renvoie à la notion de « troisième lieu » employée dans le rapport d’Erik Orsenna et Noël Corbin, qui souligne le caractère désormais beaucoup plus transversal et ouvert des bibliothèques. Garantir l’accès à la culture signifie également lutter contre l’analphabétisme, l’illettrisme et « l’illectronisme ». Les bibliothèques doivent aussi prendre en compte l’allophonie de leurs usagers en proposant des ouvrages en langues étrangères et en créant des ponts entre langue française et langues étrangères.

Plus précisément, cette mission est déclinée en deux volets :

‑ l’alinéa 3 () a trait aux missions traditionnelles : la gestion des collections, que les bibliothèques territoriales constituent, conservent et communiquent – c’est-à-dire mettent à disposition ou prêtent. Le périmètre de ces collections ne se limite pas aux seuls livres, mais comprend divers documents et objets, physiques ou numériques, dont la liste doit être précisée par un décret en Conseil d’État, comme le prévoit l’article 4 de la présente proposition de loi ;

‑ l’alinéa 4 () a trait aux autres activités que les bibliothèques développent, énoncées comme « des services et des activités associés à leurs missions ou à leurs collections ». Il s’agit des activités de médiation culturelle, à travers des ateliers pour les enfants, des clubs de lecture, des expositions, etc. Il s’agit également de la fonction de médiation sociale que les bibliothèques peuvent jouer, notamment grâce à l’accès à l’informatique et à internet qu’elles offrent et qui les amènent à accompagner certains usagers dans l’accès au numérique. Ces activités peuvent prendre différentes formes mais doivent avoir un lien avec les missions ou collections des bibliothèques. La proposition de loi vise ainsi à subordonner la nouvelle polyvalence des bibliothèques aux objectifs d’accès à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs énumérés par l’alinéa 2.

En outre, l’alinéa 5 ajoute que les bibliothèques territoriales « transmettent également aux générations futures le patrimoine qu’elles conservent », et contribuent, de ce fait, au progrès scientifique. L’auteure et rapporteure de la proposition de loi au Sénat, Mme Sylvie Robert, a souhaité, par un amendement déposé en commission, séparer cette fonction patrimoniale des autres missions, pour tenir compte du fait que toutes les bibliothèques ne l’exercent pas avec la même intensité. Elle estime que 500 bibliothèques territoriales sur 15 000 exercent une fonction de conservation du patrimoine.

Enfin, l’alinéa 6 rappelle les grands principes démocratiques que doivent respecter les bibliothèques territoriales dans l’accomplissement de leurs missions :

– le pluralisme des courants d’idées et d’opinions, qui résulte du troisième alinéa de l’article 4 de la Constitution et est qualifié depuis 1990 par le Conseil constitutionnel de « fondement de la démocratie ([7]) ». Les implications de ce principe sont précisées par l’article 5 de la présente proposition de loi ;

– l’égalité d’accès au service public, qui participe du principe de l’égalité devant le service public, auquel la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît une valeur constitutionnelle en le faisant résulter de l’article 6 de la Déclaration de 1789 ;

– la neutralité du service public : corollaire du principe d’égalité ([8]), elle impose aux agents publics de s’abstenir de manifester leurs opinions politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques dans leurs relations avec les usagers. Ce principe est affirmé par l’article 25 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. La neutralité du service public en bibliothèque implique également le pluralisme des collections, comme le précise un rapport de l’inspection générale des bibliothèques sur le thème de la laïcité ([9]). Elle ne s’applique pas aux usagers, qui demeurent libres d’exprimer leurs opinions politiques ou religieuses tant qu’elles ne constituent pas des troubles à l’ordre public.

III.   la position de la rapporteure

La rapporteure est très attachée au rôle de médiation culturelle et sociale que doivent jouer, et jouent déjà, les bibliothèques territoriales, rôle défini en des termes plus juridiques au 2° de l’article L. 310-1 A nouvellement créé.

Dans cet esprit, elle propose de rappeler, à l’alinéa 2, que les missions des bibliothèques s’exercent dans l’intérêt de la société – et non seulement dans celui de leurs seuls usagers.

Par ailleurs, la rapporteure souhaite ajouter une mission aux bibliothèques territoriales, celle de coopérer avec les autres bibliothèques et les acteurs sociaux, éducatifs et culturels de leur territoire : les bibliothèques associatives, les écoles, les musées, les bibliothèques des prisons et des établissements hospitaliers, les librairies, les associations qui œuvrent pour la promotion de la lecture, les centres communaux d’action sociale, les services de la protection maternelle et infantile, etc. De multiples initiatives existent déjà, visant à promouvoir la lecture auprès de publics parfois éloignés des bibliothèques et des livres. Il s’agit d’en faire une mission pour toutes les bibliothèques.

Enfin, à l’alinéa 6 relatif aux grands principes que doivent respecter les bibliothèques en tant que services publics, la rapporteure souhaite ajouter le principe de mutabilité. Ce principe, dénommé aussi principe d’adaptation, est lié à celui de continuité du service public : il signifie que l’administration doit continuellement s’adapter aux changements. À l’origine énoncé par le Conseil d’État comme un principe autorisant l’administration à modifier unilatéralement les contrats si l’intérêt général l’exige (CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen), il constitue aussi une obligation pour le service public, celle d’évoluer en fonction des nouvelles circonstances d’exercice. En l’espèce, les bibliothèques doivent s’adapter à l’évolution des technologies et des usages.

*

Article 2
Libre accès aux bibliothèques municipales et intercommunales

Adopté par la commission sans modification

L’article 2 inscrit dans le code du patrimoine le principe de la liberté d’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales.

I.   les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Le présent article rétablit dans le code du patrimoine l’article L. 320-3 qui dispose que l’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales est libre : cela signifie qu’aucune discrimination ne peut être pratiquée dans l’accès à ces établissements, ce qui découle du principe d’égalité d’accès au service public énoncé par l’article 1er de la proposition de loi.

La liberté d’accès aux bibliothèques a été proclamée par plusieurs textes qui, s’ils n’ont pas de portée juridique, demeurent néanmoins des textes de référence pour les bibliothécaires dans l’exercice de leur métier. La charte des bibliothèques adoptée par le Conseil supérieur des bibliothèques en 1991 affirme ainsi, dans son article 4 que « les bibliothèques qui dépendent des collectivités publiques sont ouvertes à tous. Aucun citoyen ne doit en être exclu du fait de sa situation personnelle ». De même, en 1994, le manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique soutient que « les services qu’elle assure sont également accessibles à tous, sans distinction d’âge, de race, de sexe, de religion, de nationalité, de langue ou de condition sociale ».

De fait, la liberté d’accès est généralement mise en œuvre par l’ensemble des bibliothèques municipales et intercommunales, qui sont les établissements visés par le présent article. L’inscription de ce principe dans la loi permet néanmoins de le sécuriser.

Ce libre accès s’applique à l’entrée mais a aussi pour corolaire le fait que les usagers peuvent rester dans la bibliothèque aussi longtemps qu’ils le souhaitent, dans la limite des horaires d’ouverture. S’agissant de ces derniers, si la politique du Gouvernement au cours des dernières années a contribué à étendre les horaires d’ouverture, il ne serait pas opportun de traduire ce mouvement dans la loi, chaque collectivité devant rester maîtresse de ses horaires en fonction des besoins et des moyens locaux.

En revanche, les autres types de bibliothèques, notamment les bibliothèques d’étude et de recherche comme les bibliothèques universitaires, n’entrent pas dans le champ de cet article et peuvent continuer à réserver l’accès aux étudiants ou aux chercheurs. Les bibliothèques départementales ne sont pas non plus concernées par la liberté d’accès.

La liberté d’accès est ainsi ce qui caractérise les bibliothèques communales et intercommunales d’autres types de bibliothèques.

II.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article sans modification.

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Article 3
Gratuité d’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales

Adopté par la commission sans modification

L’article 3 introduit dans le code du patrimoine le principe de la gratuité d’accès et de consultation sur place dans les bibliothèques municipales et intercommunales.

I.   les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Cet article rétablit dans le code du patrimoine un article L. 320-4 qui prévoit que l’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales ainsi que la consultation sur place de leurs collections sont gratuits. Les bibliothèques départementales n’entrent pas dans le champ de cet article.

Complémentaire de la liberté d’accès énoncée par l’article 2, la gratuité d’accès est déjà largement pratiquée par l’ensemble des bibliothèques visées par cet article. L’article 6 de la charte des bibliothèques précitée stipule que « la consultation sur place des catalogues et des collections doit être gratuite pour l’usager ». La consécration législative de ce principe vise à conforter les bibliothèques municipales et intercommunales comme lieux culturels ouverts à tous.

Si cela exclut la mise en place de droits d’entrée payants, les bibliothèques peuvent cependant continuer à tarifer l’emprunt de documents. Ce choix est laissé à la discrétion des collectivités territoriales, en vertu de la libre administration que leur reconnaît l’article 72 de la Constitution.

II.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article sans modification.

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Article 4
Composition des collections des bibliothèques territoriales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 renvoie à un décret en Conseil d’État l’établissement de la composition des collections des collectivités territoriales et de leurs groupements.

I.   les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Cet article rétablit un article L. 310-3 dans le code du patrimoine relatif à la composition des collections des bibliothèques territoriales. Les termes employés, « documents et objets », ouvrent un champ assez vaste pour inclure d’autres biens que les traditionnels livres et ouvrages imprimés : CD, DVD, jeux, documents numériques, liseuses, mais également archives ou objets patrimoniaux. La liste est renvoyée à un décret en Conseil d’État, ce qui permettra de la faire évoluer plus facilement dans le temps.

II.   la position de la rapporteure

La commission a adopté un amendement introduisant le mot « livres » qui était totalement absent de cette proposition de loi sur les bibliothèques, ce qui était regrettable. Par ailleurs, cet amendement supprime le renvoie à un décret dans la mesure où il n’est pas indispensable de dresser un inventaire de tous les documents ou objets que peut contenir une bibliothèque d’autant que les supports peuvent évoluer avec la technologie.

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Article 5
Pluralisme et accessibilité des collections des bibliothèques territoriales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 affirme le caractère pluraliste et diversifié des collections des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ainsi que leur accessibilité.

I.    les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Cet article rétablit dans le code du patrimoine un article L. 310-4 qui dispose, dans le prolongement des principes énoncés par l’alinéa 6 de l’article 1er, que les collections des bibliothèques territoriales sont pluralistes et diversifiées. Il s’inspire largement de l’article 7 de la charte des bibliothèques précitée, selon lequel « les collections des bibliothèques des collectivités publiques doivent être représentatives, chacune à son niveau et dans sa spécialité, de l’ensemble des connaissances, des courants d’opinion et des productions éditoriales ».

Le pluralisme renvoie à la représentation des divers courants d’idées et d’opinions. Les collections des bibliothèques territoriales doivent ainsi refléter les différentes sensibilités politiques et idéologiques.

Le caractère diversifié des collections renvoie plutôt à la variété disciplinaire de la connaissance. Il s’applique également aux productions éditoriales : les bibliothèques doivent proposer des genres littéraires mais aussi des types de publications variés (livres, titres de presse, etc.).

Afin de tenir compte des différents modèles de bibliothèques existants, le Sénat a adopté, à l’initiative de sa rapporteure, un amendement précisant que c’est « à leur niveau ou dans leur spécialité » que les bibliothèques sont tenues à ces principes de pluralisme et de diversité. Cette mention permet de tenir compte de la taille des bibliothèques et de l’existence de bibliothèques municipales spécialisées. L’on ne saurait en effet exiger que les collections des bibliothèques de petites communes ou des bibliothèques spécialisées représentent de façon exhaustive l’ensemble des connaissances, courants d’idées et productions éditoriales.

Enfin, les collections « sont rendues accessibles à tout public, sur place ou à distance ». Par ces termes, le Sénat a voulu tenir compte du développement des consultations de catalogues et de documents à distance, notamment à l’occasion de la pandémie. Cela implique notamment l’usage d’outils permettant la consultation numérique des collections : site internet, catalogues en ligne, bases de données...

Cependant, cette notion d’accessibilité s’applique également aux personnes en situation de handicap. Ainsi, la rapporteure estime que la dernière phrase de l’article L. 310-4 impose aux bibliothèques de mettre en place les dispositifs permettant aux personnes en situation de handicap, en particulier les personnes malvoyantes, d’accéder aux collections. Si cet accès ne peut pas être garanti partout de façon instantanée, cette disposition implique d’accélérer le mouvement déjà entamé de constitution de collections d’éditions numériques et adaptées.

Pour les bibliothèques de petites collectivités, la mise à disposition d’ouvrages adaptés ne pourra passer que par la mise en réseau des bibliothèques, notamment à l’initiative des bibliothèques départementales.

II.   la position de la rapporteure

La rapporteure insiste sur le fait que l’accessibilité pour tous les publics inclut par définition les personnes empêchées ou en situation de handicap.

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Article 6
Renouvellement des collections des bibliothèques territoriales

Adopté par la commission sans modification

L’article 6 prévoit le renouvellement régulier et l’actualisation des collections des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements.

I.   les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Cet article rétablit un article L. 310-5 dans le code du patrimoine visant à tenir à jour les collections des bibliothèques territoriales. En écho avec l’article 7 de la charte des bibliothèques précitée, il prévoit que les collections sont régulièrement renouvelées et actualisées.

La présente disposition ne s’applique toutefois qu’aux collections qui appartiennent au domaine privé mobilier de la personne publique propriétaire. Celui-ci est défini de manière négative par l’article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques : font partie du domaine privé les biens qui ne relèvent pas du domaine public. En sont ainsi exclus les biens mobiliers énumérés par l’article L. 2112-1 du même code, c’est-à-dire ceux qui présentent « un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique », notamment « les collections de documents anciens, rares ou précieux des bibliothèques ». Appartenant au domaine public mobilier, ces documents patrimoniaux sont inaliénables.

II.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article sans modification. Elle souligne que le renouvellement des ouvrages suppose que les bibliothèques puissent faire de la place. La question du devenir des livres dont les bibliothèques n’ont plus l’usage fait l’objet de l’article 12 de la présente proposition de loi.

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Article 7
Présentation des orientations générales des bibliothèques à l’assemblée délibérante de la collectivité

Adopté par la commission avec modifications

L’article 7 dispose que les bibliothèques territoriales présentent les grandes lignes de leur politique documentaire devant l’organe délibérant de la collectivité dont elles relèvent.

I.    les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Le présent article rétablit dans le code du patrimoine un article L. 310-6 qui vise à promouvoir une réflexion ou un regard du conseil municipal, départemental ou de l’organe intercommunal délibérant sur la politique documentaire de leurs bibliothèques. Celle-ci recouvre la gestion et le développement des collections, c’est-à-dire la politique d’acquisition, de conservation, mais aussi d’accès aux collections.

Cet article prévoit que les bibliothèques territoriales élaborent les orientations générales de leur politique documentaire et les présentent devant l’organe délibérant de leur collectivité territoriale ou de leur groupement. Cela répond à un triple souci de clarté, de transparence et de dialogue. En effet, cette disposition oblige les bibliothèques à concevoir et formaliser un plan de développement de leurs collections et à le rendre public, ce qui permet, le cas échéant, d’en débattre.

Un amendement adopté en séance au Sénat ajoute par ailleurs que la présentation peut être suivie d’un vote. Celui-ci n’est toutefois pas obligatoire, afin de ne pas enfreindre la libre administration des collectivités territoriales.

L’article 7 prévoit également que les bibliothèques actualisent régulièrement les orientations générales de leur politique documentaire. Bien qu’il ne précise pas si chaque actualisation doit faire l’objet d’une nouvelle présentation devant l’assemblée délibérante de la collectivité, il paraît souhaitable de veiller à la publicité et la transparence des choix effectués.

II.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article sous réserve de deux amendements rédactionnels.

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Article 8
Qualifications des agents des bibliothèques

Adopté par la commission sans modification

L’article 8 vise à garantir la compétence professionnelle des agents travaillant dans les bibliothèques territoriales.

I.    le droit existant

Les cadres d’emplois des bibliothèques territoriales sont principalement ceux de :

– conservateurs territoriaux de bibliothèques (catégorie A), recrutés sur concours et formés par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui exercent des fonctions d’encadrement dans les bibliothèques municipales classées et les bibliothèques départementales ([10]) ;

– bibliothécaires territoriaux (catégorie A), recrutés sur concours, qui occupent des postes à responsabilité dans les bibliothèques municipales, intercommunales et départementales ([11]) ;

– assistants territoriaux de conservation du patrimoine et des bibliothèques (catégorie B), recrutés sur concours, qui contribuent au développement d’actions culturelles et éducatives et participent aux responsabilités dans le traitement, la mise en valeur, la conservation des collections et la recherche documentaire ainsi qu’à la promotion de la lecture publique ([12]) ;

– adjoints territoriaux du patrimoine (catégorie C), qui occupent des emplois de magasiniers dans les bibliothèques territoriales et peuvent être chargés de fonctions d’aide à l’animation, d’accueil du public et de promotion de la lecture publique ([13]).

Par ailleurs, les bibliothèques municipales et intercommunales classées peuvent bénéficier de la mise à disposition de conservateurs généraux et de conservateurs des bibliothèques qui ont la qualité de fonctionnaires de l’État, comme le prévoit l’article L. 320-2 du code du patrimoine. Ceux-ci, recrutés sur concours, sont formés à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB).

Cependant, les collectivités peuvent aussi affecter à leurs bibliothèques d’autres agents, notamment des bénévoles. En 2013, une enquête du ministère de la Culture montrait qu’il y avait 55 % de personnes bénévoles travaillant dans les bibliothèques, soit plus d’une personne sur deux ([14]).

II.   dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Le présent article crée un article L. 310-7 relatif à la compétence des agents travaillant en bibliothèque : il prévoit que ces derniers disposent des qualifications professionnelles adéquates pour exercer les missions définies à l’article L. 310-1 A du même code, créé par l’article 1er de la présente proposition de loi.

Il introduit la nécessité de présenter des qualifications professionnelles propres au travail de bibliothécaire. Sans établir une liste restrictive de formations ou de diplômes, il rappelle que ce métier ne peut pas s’improviser et suppose des compétences particulières.

Il s’agit surtout de reconnaître la valeur du métier de bibliothécaire. Comme l’écrivent Erik Orsenna et Noël Corbin dans leur rapport précité, « on ne s’autoproclame pas bibliothécaire. C’est un métier difficile que l’on ne maîtrise qu’après une longue formation. Et d’autant plus, justement, que les tâches n’ont cessé d’évoluer » ([15]).

Ainsi, les qualifications mentionnées par le présent article ne sauraient se limiter au catalogage et à la gestion purement technique des collections (enregistrement des prêts et des emprunts, rangement...), d’autant que ces tâches sont aujourd’hui en grande partie automatisées. Il est entendu qu’elles doivent également intégrer des aptitudes à la médiation culturelle.

III.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article sans modification.

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Chapitre II
Soutenir le développement de la lecture publique

Article 9
Missions des bibliothèques départementales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 9 définit les missions propres aux bibliothèques départementales.

I.    Le droit existant

Dans le livre III du code du patrimoine, le titre III, consacré aux bibliothèques départementales, ne comporte qu’un seul article L. 330-1, introduit par l’ordonnance n° 2017-650 du 27 avril 2017, qui dispose que les bibliothèques centrales de prêt sont transférées aux départements et sont désormais nommées bibliothèques départementales.

Créées par l’ordonnance n° 45-2678 du 2 novembre 1945, les bibliothèques centrales de prêt avaient alors pour mission de ravitailler en livres les bibliothèques publiques des petites communes grâce à un bibliobus. Une circulaire de la direction du livre précisait également que les bibliothèques centrales de prêt avaient une mission de diffusion culturelle auprès des communes, jouant « un rôle d’incitation lorsque la bibliothèque [municipale] est encore à créer ou de relais d’aide et de conseil lorsqu’une bibliothèque existe déjà ([16]) ».

Dans le cadre de la décentralisation, les bibliothèques centrales de prêt ont été transférées aux départements par la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, avant d’être rebaptisées bibliothèques départementales de prêt par la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 relative à l’action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique. L’article L. 1614-11 du code général des collectivités territoriales prévoit la compensation financière des dépenses de fonctionnement des bibliothèques départementales par la dotation générale de décentralisation.

La loi ne prévoit pas explicitement la compétence obligatoire des départements en matière de lecture publique. Ainsi, en 2016, la fermeture de la bibliothèque départementale de prêt des Yvelines au profit d’un « pôle de développement culturel » a soulevé de vives critiques, beaucoup craignant un désengagement du département en matière de lecture publique.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des départements sont dotés d’une bibliothèque départementale, hormis les départements les plus urbanisés d’Ile‑de‑France et les Yvelines. Leurs missions, désormais moins centrées sur l’approvisionnement en livres et davantage sur la formation des bibliothécaires et l’accompagnement en ingénierie des communes et groupements de communes de leur ressort, en font un maillon essentiel dans le développement de la lecture publique.

II.   les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Le présent article complète le titre III du livre III du code du patrimoine en créant un article L. 330-2 qui définit le rôle des bibliothèques départementales, décliné en cinq axes.

Le confie aux bibliothèques territoriales une mission d’équité géographique (alinéa 3) : elles sont chargées de développer le maillage territorial des bibliothèques, afin d’offrir à tous les citoyens un égal accès à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs – accès dont sont garantes les bibliothèques territoriales, comme l’énonce l’article L. 310-1 A (article 1er de la proposition de loi), qui s’applique également aux bibliothèques départementales. Cet alinéa conforte les bibliothèques départementales dans leur rôle d’ingénierie et de conseil auprès des collectivités territoriales, aujourd’hui au cœur de leurs activités.

Le dispose que les bibliothèques départementales favorisent la mise en réseau des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements (alinéa 4). Cela peut prendre diverses formes : mise en place d’actions culturelles communes entre bibliothèques territoriales, coopération dans la valorisation des fonds patrimoniaux, mais surtout mutualisation d’une partie des ressources documentaires, notamment numériques. La rapporteure estime que c’est par la mise en réseau et la coopération que les bibliothèques communales, avec l’aide des bibliothèques départementales, parviendront à rendre leurs collections accessibles à tous, notamment aux personnes en situation de handicap ou qui ne peuvent pas se déplacer.

Le réaffirme la mission originelle des bibliothèques départementales, à savoir la desserte des bibliothèques municipales et intercommunales (alinéa 5). La rédaction retenue prévoit que les bibliothèques départementales peuvent non seulement enrichir les collections des bibliothèques territoriales, mais aussi leur fournir, de façon plus générale, des services. Le Sénat a jugé utile de préciser, par l’adoption d’un amendement de sa rapporteure, que cette mise à disposition de collections et services peut également bénéficier directement au public, lorsque les bibliothèques départementales sont en accès libre (ce qui est rarement le cas).

Le reconnaît aux bibliothèques départementales une fonction de formation (alinéa 6), que toutes remplissent d’ores et déjà. Elles proposent en effet aux agents travaillant en bibliothèque des formations continues afin de les accompagner dans l’évolution de leur métier. La proposition de loi étend le bénéfice de ces formations aux collaborateurs occasionnels des bibliothèques des collectivités territoriales.

Le a été introduit par un amendement adopté par le Sénat en séance. Il inclut dans les missions des bibliothèques départementales l’élaboration d’un schéma de développement de la lecture publique, validé par l’assemblée départementale. Cette disposition contribue à affirmer la compétence des départements dans la gestion des bibliothèques départementales, sans toutefois la rendre explicitement obligatoire.

III.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article, sous réserve de précisions rédactionnelles.

Elle aurait souhaité inscrire dans la loi l’interdiction pour les départements de supprimer leur bibliothèque départementale. Malheureusement, l’article 40 de la Constitution rend irrecevable ce type d’amendement.

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Article 10
Élargissement de l’éligibilité au concours particulier relatif aux bibliothèques de la dotation générale de décentralisation

Adopté par la commission sans modification

L’article 10 étend le bénéfice du concours particulier « bibliothèques » de la dotation générale de décentralisation (DGD) à tous les groupements de collectivités territoriales ainsi qu’aux établissements publics de coopération culturelle et à certains groupements d’intérêt public.

I.    Le droit existant

La principale aide que l’État accorde aux bibliothèques territoriales prend la forme d’un concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD), prévu par l’article L. 1614-10 du code général des collectivités territoriales.

Les collectivités éligibles à la « DGD bibliothèques » sont les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les articles R. 1614-75 à R. 1614-95 du code général des collectivités territoriales précisent les modalités d’application du concours particulier bibliothèques de la DGD. Celui-ci comprend deux fractions :

– la première a pour objet de contribuer au financement des investissements et des dépenses de fonctionnement non pérennes au profit des bibliothèques municipales et intercommunales et des bibliothèques départementales ;

 la seconde, qui ne peut excéder 15 %, a pour objet de contribuer au financement des investissements et des dépenses de fonctionnement non pérennes au profit des bibliothèques municipales et intercommunales et des bibliothèques départementales susceptibles d’exercer un rayonnement départemental ou régional.

Dotée de 80,4 millions par an depuis 2008, la DGD bibliothèques a été abondée de 8 millions d’euros annuels supplémentaires à partir de 2018 dans le cadre du plan Bibliothèques afin de soutenir les extensions d’horaires d’ouverture. Pour 2021 et 2022, le plan de relance augmente encore de 15 millions d’euros les crédits de la DGD bibliothèques, afin de soutenir les investissements dans la construction et la rénovation énergétique des bibliothèques ainsi que dans l’extension de leurs horaires d’ouverture. Pour ces deux années, la DGD bibliothèque atteint donc le montant inédit de 103,4 millions d’euros.

II.   les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

Le présent article modifie l’article L. 1614-10 du code général des collectivités territoriales afin d’élargir le périmètre d’éligibilité à la DGD bibliothèques.

L’alinéa 1 remplace, dans la seconde phrase du premier alinéa dudit article, la référence aux établissements publics de coopération intercommunale par celle aux groupements de collectivités territoriales afin d’étendre le bénéfice de la DGD bibliothèques aux syndicats de communes.

L’alinéa 4 rend également éligibles à la DGD bibliothèques les établissements publics de coopération culturelle (EPCC) et les groupements d’intérêt public (GIP) comprenant des collectivités territoriales ou leurs groupements, pour leurs dépenses relatives aux bibliothèques dont ils assurent la gestion. Cette insertion vise à permettre de prendre en compte deux EPCC en particulier : la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême et le Centre international de recherche et documentation occitanes de Béziers.

III.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article sans modification.

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Article 11
Schéma de développement de la lecture publique

Adopté par la commission sans modification

L’article 11 prévoit l’élaboration d’un schéma de développement de la lecture publique pour les intercommunalités qui décident que la lecture publique est d’intérêt intercommunal.

I.    les dispositions ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

La compétence en matière culturelle des communautés de communes et communautés d’agglomération est optionnelle, comme le prévoient respectivement le 4° du II de l’article L. 5214-16 et le 5° du II de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales. Elle est en revanche obligatoire pour les formes d’EPCI plus intégrés comme les communautés urbaines (art. L. 5215-20 du même code) et les métropoles (art. L. 5217-2). Dans tous les cas, elle consiste en la construction, l’aménagement, l’entretien et la gestion d’équipements culturels d’intérêt communautaire, dont peuvent faire partie les bibliothèques et médiathèques et les points d’accès au livre.

Le I du présent article complète les dispositions relatives aux EPCI dans le code général des collectivités territoriales en créant un article L. 5211-63 qui vise à préciser le rôle des EPCI en matière de lecture publique. Il dispose que lorsqu’un EPCI décide que la lecture publique est d’intérêt intercommunal, il élabore et met en place un schéma de développement de la lecture publique. Ce faisant, il s’engage à créer les conditions favorables pour que l’ensemble de sa population ait accès au livre et aux bibliothèques.

Le II du présent article prévoit que le nouvel article L. 5211-63 entre en vigueur en 2023.

II.   la position de la rapporteure

La rapporteure propose d’adopter cet article sans modification.

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Article 12
Cession à titre gratuit de documents détenus par les bibliothèques

Adopté par la commission avec modifications

L’article 12 permet la cession gratuite à des associations des documents dont les bibliothèques territoriales n’ont plus l’usage.

I.    Le droit existant

Les collections des bibliothèques territoriales relèvent de la domanialité des personnes publiques. On distingue deux catégories de biens appartenant à des personnes publiques : ceux du domaine public et ceux du domaine privé.

Les biens appartenant au domaine public sont inaliénables. Cela signifie que la personne publique propriétaire ne peut les céder, ni à titre onéreux ni à titre gratuit. En vertu de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, appartiennent au domaine public « les biens présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique », notamment « les documents anciens, rares ou précieux des bibliothèques », c’est-à-dire ceux qui ont un intérêt patrimonial.

Le reste des collections appartient au domaine privé mobilier des personnes publiques. Cependant, cela ne signifie pas qu’il puisse être cédé à n’importe quelle condition. En principe, les biens du domaine privé des personnes publiques ne peuvent être aliénés ni à titre gratuit, ni à un prix inférieur à leur valeur vénale. Dès la fin du XIXe siècle, le juge administratif a fondé l’interdiction pour les personnes publiques d’aliéner à prix vil leurs biens sur la prohibition des libéralités ([17]). Ce principe a par la suite été consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-2017 DC du 26 juin 1986, selon laquelle « la Constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur ».

L’État peut toutefois déroger à cette règle dans six séries d’hypothèses prévues à l’article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques. En particulier, il lui est possible de donner des biens meubles dont la valeur n’excède pas un plafond à des associations à but non lucratif dont les ressources sont affectées à des œuvres d’assistance, à la condition que ces associations ne revendent pas les objets.

L’article L. 3212-3, qui étend certaines hypothèses aux collectivités territoriales, ne prévoit pas une telle mesure générale pour les dons de biens mobiliers à des associations. Il prévoit seulement que les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics peuvent céder gratuitement :

– des matériels informatiques dont ils n’ont plus l’emploi aux associations de parents d’élèves, aux associations de soutien scolaire, aux associations reconnues d’utilité publique et aux associations d’étudiants ;

– des matériels informatiques et logiciels nécessaires à leur utilisation dont ils n’ont plus l’emploi aux personnels de leur administration ;

– des biens archéologiques mobiliers déclassés du domaine public pour les besoins de la recherche, l’enseignement, l’éducation culturelle, la muséographie ou la restauration du patrimoine ;

– des biens scénographiques dont ils n’ont plus l’usage au profit de toute personne agissant, à des fins non commerciales, dans le domaine culturel ou dans celui du développement durable.

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

Le présent article complète l’article L. 3212-3 du code général de la propriété des personnes publiques en créant une nouvelle exception au principe d’incessibilité à titre gratuit des biens du domaine privé des collectivités territoriales pour les documents dont les bibliothèques territoriales n’auraient plus l’emploi.

Les bibliothèques procèdent en effet régulièrement au « désherbage » de leurs collections, c’est-à-dire au retrait des documents qu’elles ne souhaitent plus proposer au public (ouvrages en mauvais état, obsolètes, trop peu empruntés, etc.). Une partie est alors « mise au pilon », c’est-à-dire détruite.

Le dispositif prévoit que les bénéficiaires des cessions gratuites de ces documents sont des fondations ou associations relevant de la loi de 1901 qui doivent remplir deux critères cumulatifs :

– être mentionnées au b du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts, soit celles qui sont reconnues d’intérêt public ainsi que les associations cultuelles d’Alsace-Moselle ;

– affecter leurs ressources à des œuvres d’assistance, notamment à la redistribution gratuite de biens meubles aux personnes démunies.

En outre, l’article prévoit que les fondations et associations bénéficiaires ne peuvent revendre les biens qu’elles ont ainsi reçus, à peine d’être définitivement exclues du dispositif.

Il est à noter que l’article L. 3212-3 du code général de la propriété des personnes publiques est également modifié par le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « 3DS », actuellement en cours d’examen au Parlement. Ainsi, l’article 54 de ce projet de loi élargit les cas dans lesquels les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics peuvent procéder à des cessions gratuites de biens meubles. Il ne traite cependant pas du cas particulier des livres.

III.   la position de la rapporteure

Lorsque les bibliothèques « désherbent » pour faire de la place à de nouveaux ouvrages, elles sont confrontées à la question très pratique de savoir comment se défaire de ces livres dont elles n’ont plus l’usage. Concrètement, les alternatives sont les suivantes :

– vendre les livres sous forme de braderie : le cadre juridique de cette pratique est incertain ; par ailleurs, au niveau local et avec leurs moyens, les bibliothèques ont accès à un marché très réduit ;

– donner les livres à d’autres bibliothèques (d’écoles, de prisons par exemple) ou à des associations ; cependant, ces bibliothèques et associations ne sont pas intéressées par les livres en trop mauvais état ni par les ouvrages obsolètes ;

– jeter les livres qui n’ont pas trouvé preneur : c’est la solution juridiquement la plus sûre, mais elle n’est pas satisfaisante d’un point de vue éthique, social et environnemental ; de plus, elle coûte à la collectivité car l’enlèvement des bennes de recyclage est facturé ;

– donner les livres qui n’ont pas trouvé preneur à des organismes qui se chargent de leur trouver un réemploi ; cela peut être des associations, des fondations ou des entreprises de l’économie sociale et solidaire, qui se chargent de venir chercher les livres. Ces dernières reversent généralement une part des éventuels bénéfices qu’elles font sur la revente des livres aux collectivités ou à des associations choisies par les bibliothèques. Les conditions juridiques de cette pratique sont assez incertaines.

La rapporteure souhaite favoriser l’économie circulaire et faciliter le renouvellement des collections des bibliothèques. C’est pourquoi elle proposera un amendement visant à permettre aux bibliothèques de donner les livres dont elles n’ont plus l’usage à des associations caritatives et à des entreprises de l’économie sociale et solidaire, et à permettre à ces bénéficiaires de revendre les livres.

Du point de vue du renouvellement des collections, il est utile de faciliter un flux de sortie des collections courantes pour permettre aux bibliothèques d’acheter des documents neufs, dans un contexte où les capacités de stockage en magasin des bibliothèques restent stables et où la transformation des bibliothèques en tiers-lieux tend à réduire les linéaires de documents en libre-accès.

Par ailleurs, les ouvrages désherbés correspondant généralement soit aux livres les plus abîmés, soit aux livres les moins consultés, le risque d’une concurrence pénalisante pour le marché du livre neuf semble faible. Faciliter l’accès à la lecture grâce à la vente d’ouvrage à prix très modiques est aussi un moyen de donner accès au livre à des personnes qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les librairies.

La rapporteure propose de placer les dispositions relatives au désherbage des bibliothèques dans un nouvel article L. 3212-4 du code général de la propriété des personnes publiques, afin de ne pas lier le devenir du présent article 12 et de l’article 54 du projet de loi dit « 3DS ».

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Article 13 (supprimé)
Gage de recevabilité financière

Suppression maintenue

L’article 13 prévoyait un gage pour compenser les éventuelles charges financières créées par les dispositions de la présente proposition de loi. Celui-ci a été levé par l’adoption au Sénat, en séance publique, d’un amendement de suppression du Gouvernement.

Cet article assurait la recevabilité financière de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution. Il a été supprimé par l’adoption d’un amendement du Gouvernement.

La rapporteure propose de maintenir la suppression de cet article.

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   COMPTE RENDU DES Débats en commission

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 9 h 30

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique lors de sa réunion du mercredi 22 septembre 2021 ([18]).

I.   Discussion gÉnÉrale

M. le président Bruno Studer. Cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat au mois de juin dernier, à l’initiative de la sénatrice Sylvie Robert. Faisant l’objet d’une procédure accélérée, elle sera examinée en séance publique le 6 octobre, avec une seconde proposition de loi du Sénat visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs, que nous examinerons en commission mercredi 29 septembre.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Les bibliothèques constituent le premier équipement culturel en France. Pourtant, elles ne font l’objet d’aucune loi, contrairement aux musées et aux archives. À l’initiative de Sylvie Robert, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique a vocation à consacrer dans le code du patrimoine le rôle central que jouent les bibliothèques dans notre société. Elle fait suite à son rapport au Gouvernement sur l’adaptation et l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques de France ainsi qu’à son rapport d’information, rédigé avec sa collègue Colette Mélot, sur l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques. La présente proposition de loi s’inscrit également dans la droite ligne du rapport d’Erik Orsenna et de Noël Corbin, intitulé « Voyage au pays des bibliothèques. Lire aujourd’hui, lire demain », et à la mission flash d’Aurore Bergé et de Sylvie Tolmont, sur les suites données à ce dernier.

Adoptée à l’unanimité par le Sénat en juin 2021, la proposition de loi a ainsi pour ambition de réaffirmer les missions des bibliothèques territoriales dans l’accès à la culture, à l’information, à l’éducation, aux savoirs et aux loisirs. Le texte consacre également les grands principes qui doivent les guider, tels que l’égal et le libre accès, la gratuité, le pluralisme des collections et la neutralité du service public. Les articles sont volontairement définis en des termes suffisamment larges pour couvrir la pluralité des fonctions et des publics. Par exemple, l’obligation faite aux bibliothèques de garantir l’accès à la culture, à l’information, à l’éducation et aux savoirs inclut des objectifs plus spécifiques, tels que la lutte contre l’illettrisme, l’illectronisme ou encore l’analphabétisme.

Le texte traduit également les évolutions de notre temps, en introduisant le numérique dans les collections des bibliothèques et en offrant d’autres services que ceux directement liés à la lecture publique. Il souligne aussi le rôle central du bibliothécaire, aussi bien dans la médiation et l’accessibilité au savoir, que dans le lien social qu’il tisse.

Le Président de la République, dans son discours du 17 juin 2021, a déclaré la lecture grande cause nationale, reconnaissant de fait que les bibliothèques œuvrent dans l’intérêt de l’ensemble de la société. Comme le soutient Victor Hugo dans Choses vues : « Lire, c’est voyager ; voyager c’est lire ». Les bibliothèques sont les vaisseaux qui nous ouvrent les portes de la connaissance de soi, des autres et du monde. Écrins de liberté, ils jouent ainsi un rôle essentiel au sein de la cité en ce qu’ils cultivent l’ouverture d’esprit, ouvrent le champ des possibles et permettent le vivre-ensemble, en contribuant à la citoyenneté et au plein exercice de la démocratie.

La bibliothèque doit être accessible à tous. J’entends par là qu’il faut aussi garantir l’accessibilité des lieux et des contenus aux personnes en situation de handicap ou, plus largement, aux personnes empêchées. La bibliothèque est un vecteur qui sait se déployer hors les murs : la coopération avec d’autres organismes culturels, éducatifs et sociaux tels que les écoles, les musées, les bibliothèques des prisons et des établissements hospitaliers, les centres d’accueil de la petite enfance, les associations, est au cœur de ses missions. La bibliothèque est aussi un lieu plastique, un troisième lieu, qui s’adapte aux évolutions des technologies et des usages. Le principe de mutabilité pourrait ainsi figurer parmi ses grandes caractéristiques.

Alors que les bibliothèques départementales jouent un rôle structurant dans la mise en réseau des bibliothèques de leur territoire, tant dans l’allocation des documents et objets, que dans le conseil et la formation des bibliothécaires, professionnels et bénévoles, les départements devraient avoir pour interdiction de les supprimer, de cesser de les entretenir ou de les faire fonctionner. Malheureusement, l’amendement que j’avais déposé en ce sens a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, au motif que la loi ne peut interdire à un département de renoncer à une compétence. On en connaît pourtant des cas.

Tout comme il n’y a pas qu’une vie dans la vie, les livres peuvent avoir plusieurs vies. Afin de favoriser le développement de la lecture publique et faciliter le désherbage réalisé par les bibliothèques, celles-ci devraient avoir le droit de donner des livres à des associations, des fondations ou encore à des organisations de l’économie sociale et solidaire. Cette possibilité aurait tout d’un cercle vertueux : elle éviterait de jeter au pilon des millions de livres et participerait à l’économie circulaire.

Il est temps de consacrer dans la loi le rôle fondamental des bibliothèques, qui contribuent au développement de l’esprit critique, à l’émancipation de l’individu et à l’intégration sociale, autant d’ingrédients essentiels au vivre-ensemble et à notre démocratie.

Je remercie toutes les personnes qui ont participé aux auditions et aux réunions de travail préparatoires, ainsi qu’aux bibliothécaires et aux élus, qui m’ont accueillie avec un immense professionnalisme lors de mes visites.

Mme Aurore Bergé. « Ouvertes à tous, garantes du pluralisme de l’information et de l’égalité dans l’accès au savoir et à la culture, les bibliothèques et médiathèques participent activement à la transmission des valeurs de la République et constituent l’un des piliers de notre démocratie » : c’est par ces mots que s’ouvrait la lettre de mission confiée par la ministre de la culture à Erik Orsenna. L’académicien a alors entrepris un « voyage au pays des bibliothèques », un voyage au cœur de nos villes et de nos villages, auprès des professionnels et des bénévoles, qui sont un réseau essentiel permettant à nos bibliothèques de tenir dans certains territoires. Il a permis de mettre en lumière les 16 500 bibliothèques que compte notre pays, maillage grâce auquel chaque Français se situe à moins de vingt minutes de chacune d’entre elles. Il a aussi conduit à valoriser les missions essentielles qui sont assurées au service de tous les publics, ainsi que de renforcer les moyens octroyés aux bibliothèques, et d’élargir leurs horaires d’ouverture.

Depuis soixante ans, avec la création du ministère de la culture, les politiques culturelles s’articulent autour d’un principe fondateur : garantir à chaque citoyen l’accès à une culture universelle, conçue comme un bien public. C’est bien le cœur des missions qui sont exercées par les bibliothèques.

Elles sont aussi devenues les premiers tiers-lieux de notre pays, permettant d’affermir le lien social dans une société que l’on dit si souvent fracturée, morcelée, entre tous les publics, dans toute leur diversité, et de lutter contre les inégalités sociales et territoriales.

Le texte que nous examinons vient conforter leur rôle et le préciser – il était temps ! D’une part, il clarifie les dispositions relatives aux bibliothèques municipales, intercommunales, départementales, et consacre, pour la première fois dans la loi, leurs missions et leurs principes fondamentaux. D’autre part, il renforce le lien entre les bibliothèques publiques et les territoires, en structurant l’exercice de la compétence de la lecture publique et en favorisant les mises en réseau.

Vous avez mentionné le rôle des bibliothèques départementales. Mon département, les Yvelines, a été frappé par une décision unilatérale, qui a supprimé le réseau des bibliothèques départementales, supprimant toute formation pour les bibliothécaires ainsi que les moyens alloués à certains villages, pour faire vivre la lecture publique et la culture au cœur de nos territoires.

Pour des raisons légitimes, l’amendement que nous défendions n’a pas pu être retenu. Lorsque, dans quelques mois, nous parlerons des enjeux de décentralisation, nous devrons rester vigilants. Décentraliser, c’est aussi prendre le risque que certains élus, malheureusement, se désengagent de la culture. Quand les élus agissent, c’est formidable, mais quand ils se retirent du jour au lendemain et oublient les prérogatives essentielles qui leur incombent pour l’accès de tous à la culture, cela doit nous rassembler. On doit pouvoir, tout en déconcentrant les moyens, affirmer la place qui doit être celle de l’État dans les territoires, notamment dans le service public de la culture.

La présente proposition de loi a été adoptée à l’unanimité au Sénat. Le groupe La République en marche ne peut que souhaiter le même consensus au sein de notre commission et dans l’hémicycle, pour le livre, pour la lecture, pour l’émancipation de tous et pour la culture.

Mme Emmanuelle Anthoine. Les bibliothèques sont des temples de la connaissance et de l’expérience sensible du monde. Elles renferment des trésors accessibles à tous, grâce aux principes de liberté et de gratuité d’accès, utilement consacrés par le texte que nous examinons. Jusqu’à présent, notre droit se révélait lacunaire au sujet des bibliothèques, en dépit de la place que ces 15 000 établissements occupent dans notre vie culturelle de proximité. La proposition de loi consacre ces lieux de culture dans le code du patrimoine. Elle en donne une définition législative bienvenue – il était incompréhensible qu’elle n’existe pas.

Il est également juste d’avoir mis en évidence le rôle d’animation, outre celui de conservation, dans les missions dévolues aux bibliothèques. C’est effectivement en créant une effervescence autour des ouvrages que l’on renforce leur attrait. La proposition de loi a ainsi le mérite de lier bibliothèques et développement de la lecture publique, tant ils vont de pair. À cet égard, il est tout à fait pertinent de structurer les politiques en faveur de la lecture publique à l’échelon départemental. Les départements incarnent en effet le mieux les équilibres de chaque territoire.

Confier le maillage territorial aux bibliothèques départementales semble donc une bonne chose. Même si la lecture publique n’est pas une de ses compétences obligatoires, chaque département peut envisager de la soutenir. La mesure a pour corollaire l’élaboration d’un schéma de développement de la lecture publique à l’échelle du département, validé par l’assemblée départementale. Il convient d’associer les élus locaux à une telle politique publique, dans une logique de proximité. Un schéma de développement de la lecture publique élaboré et mis en œuvre au niveau des intercommunalités trouve naturellement des prolongements à l’échelon inférieur.

Le développement de la lecture publique nécessite, par ailleurs, des moyens. Aussi, l’extension du bénéfice du concours particulier Bibliothèques au sein de la dotation générale de décentralisation à l’ensemble des groupements de collectivités territoriales ainsi qu’aux établissements publics de coopération culturelle et aux groupements d’intérêt public gérant des bibliothèques, doit être accueillie favorablement.

Enfin, les principes de pluralisme, de diversité et de renouvellement des collections ainsi que d’égalité d’accès et de neutralité du service public, qui seront désormais ancrés dans notre droit, veillent à assurer la qualité de l’activité des bibliothèques.

L’équilibre et la portée du texte sont appréciables. Adoptée à l’unanimité par le Sénat, la proposition de loi ne peut que recueillir notre assentiment. Le groupe Les Républicains votera en sa faveur, en espérant qu’elle recueillera également l’unanimité dans notre assemblée.

M. Laurent Garcia. Si la crise sanitaire nous a placés face à de nombreuses difficultés, les débats qui se sont tenus autour des biens essentiels auront été l’occasion de nous rappeler qu’une société ne peut exister sans lecture. Le 17 juin, le Président de la République a ainsi déclaré la lecture grande cause nationale pour 2021-2022. L’objectif étant fixé, il convient, pour l’atteindre, de repenser notre politique publique en faveur de la lecture.

On le sait, la lecture reste une activité dont la pratique et l’accès dépendent fortement de facteurs liés à l’origine sociale. Si, dans la perspective de l’objectif présidentiel, nous voulons toucher l’ensemble des citoyens, les bibliothèques, ancrées au plus près de nos territoires, doivent être au cœur de notre stratégie. Ces dernières années, une réflexion politique a été engagée sur le statut juridique des bibliothèques et les possibles évolutions de leurs missions, donnant lieu à un constat et à la formulation de diverses propositions. Je salue ainsi le travail mené au sein de nos deux chambres, qui a abouti à deux rapports, l’un rédigé par Erik Orsenna et Noël Corbin, l’autre, par Colette Mélot et Sylvie Robert. Leurs conclusions dessinent les contours du texte que nous examinons. Il en émerge une proposition de loi équilibrée, qui, par la révision du statut des bibliothèques et de leurs missions, traduit le mouvement d’ouverture qu’elles ont opéré dans les dernières années.

Le texte s’attache d’abord à un travail de définition au sein du code du patrimoine. La disposition paraît essentielle puisqu’elle participe de la reconnaissance du rôle central des bibliothèques, en tenant notamment compte de leurs missions moins visibles, mais bien réelles. Les articles 2 et 3 consacrent la liberté et la gratuité d’accès aux bibliothèques territoriales, principes qui guident notre politique de développement et d’ouverture à la lecture pour tous. Les bibliothèques départementales ont un rôle structurant dans la mise en réseau des bibliothèques de leur territoire, que ce soit par l’allocation de documents et d’objets ou par le conseil et la formation des personnels. Nous accueillons favorablement la disposition qui vise à garantir l’extension de l’éligibilité de la dotation générale de décentralisation. La mesure, qui ouvre davantage l’accès à une aide financière de l’État, permettra d’accompagner l’ensemble des opérations en faveur des bibliothèques territoriales ainsi que les projets à rayonnement départemental ou régional, favorisant les actions de coopération avec d’autres institutions chargées du développement de la lecture.

Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés approuve particulièrement la possibilité pour les bibliothèques de céder à des associations ou à des fondations les ouvrages dont elles n’auraient plus l’usage. La mesure permet de lutter contre le gaspillage de livres, qui est un non-sens, tout comme elle participe à l’économie circulaire. Sur ce point, toutefois, nous soutiendrons la mise en place d’un dispositif qui laisse aux organismes de l’économie sociale et solidaire, tels qu’Emmaüs, la possibilité de revendre des ouvrages cédés.

Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera en faveur de l’adoption du texte.

Mme Sylvie Tolmont. La proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique poursuit trois grands objectifs : la consécration législative de ces établissements ; l’affirmation des grands principes républicains ; le renforcement du lien entre les bibliothèques et leurs territoires. Le fait est suffisamment rare pour être salué, ce texte a été adopté par nos collègues sénateurs à l’unanimité. Il est vrai que le sujet, défendu depuis de longues années, avec ténacité et compétence, par notre collègue sénatrice Sylvie Robert et inscrit à la demande du groupe socialiste, écologiste et républicain du Sénat, a eu le mérite de rassembler largement.

Les bibliothèques constituent un bien commun auquel sont particulièrement attachés les Français et leurs élus. Dans de nombreuses zones rurales, elles représentent même l’essentiel des biens culturels mis à leur disposition. Elles constituent de fait un réseau dense qui fait vivre partout un service public ouvert à tous et renforce l’attractivité d’un territoire, d’où leur importance dans le maillage territorial.

Paradoxalement, les bibliothèques étaient jusque-là le parent pauvre des domaines patrimoniaux, seul secteur culturel à n’avoir pas fait l’objet d’une loi spécifique et à rester dans une forme d’insécurité juridique. Jusqu’en 2017, les dispositions relatives à ces établissements ne traitaient que l’aspect administratif. L’ordonnance du 27 avril 2017 a permis de donner une cohérence au cadre institutionnel des bibliothèques en refondant entièrement le livre III du code du patrimoine. Comparaison n’est pas raison mais ce livre ne comporte que cinq articles, soit douze fois moins que le livre II dédié aux archives – son premier article indique simplement que les bibliothèques des collectivités territoriales et leurs groupements sont organisées et financées par la collectivité ou le groupement dont elle relève. Il était nécessaire d’offrir aux bibliothèques le cadre législatif précis et ambitieux qui leur faisait défaut.

Tel est l’objet de cette proposition de loi, bâtie autour de trois grands principes : la liberté d’accès aux bibliothèques des communes et de leurs groupements ; la gratuité de cet accès ; le pluralisme des collections, afin de maintenir la vocation universaliste des bibliothèques. Il s’agit également d’acter les mutations de ces lieux et l’évolution de leurs missions, qui dépassent désormais largement le simple accès aux livres et à la lecture.

Le texte insère huit articles dans le code du patrimoine, destinés à définir le rôle et les missions des bibliothèques des collectivités territoriales et de leurs groupements. En application de la liberté d’administration des collectivités, aucune obligation n’est formulée mais un cadre respectueux des compétences locales est présenté. Le Sénat a donc abouti à un texte équilibré, salué par les associations professionnelles, qui représente un pas supplémentaire dans la reconnaissance de l’importance de la lecture et des bibliothèques mais également des personnels bibliothécaires. En garantissant le droit à l’indispensable pluralisme des goûts, genres et orientations face aux pressions idéologiques et sociétales qui traversent le pays, il conforte également la possibilité de se forger un esprit critique et d’exercer son rôle de citoyen.

Le groupe Socialistes et apparentés votera évidemment et avec grande satisfaction cette proposition de loi, en lui souhaitant de susciter un rassemblement aussi large qu’au Sénat.

M. Pierre-Yves Bournazel. Au nom du groupe Agir ensemble, je salue, à mon tour, le travail de la rapporteure ainsi que l’engagement de notre collègue sénatrice Sylvie Robert, qui œuvre depuis plusieurs années afin qu’un texte relatif aux bibliothèques voie le jour. Permettez-moi également de saluer notre collègue sénatrice Colette Mélot.

Le choix du Gouvernement d’engager la procédure accélérée et l’enthousiasme exprimé par les différents groupes de la majorité ou de l’opposition témoignent du consensus suscité par cette proposition de loi. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de la place réservée aux bibliothèques dans notre droit. Alors que celles-ci constituent le premier équipement culturel de notre pays, elles n’ont jusqu’à présent fait l’objet d’aucune loi spécifique et seuls cinq articles du code du patrimoine leur sont consacrés. Nous partageons donc pleinement l’ambition de ce texte : inscrire dans le marbre de la loi la place, la vocation et les missions des bibliothèques de notre pays.

Bien plus que de simples équipements culturels, les bibliothèques sont avant tout des carrefours d’échanges, de rencontres, de débats, fréquentés chaque année par 40 % de nos concitoyens. En 2018, avec ma collègue Anne-Christine Lang, nous plaidions pour une plus grande ouverture de ces lieux de vie, de culture et de partage à Paris. L’accès pour tous à la lecture et au monde de l’imaginaire est un enjeu pour l’égalité des chances. Les bibliothèques sont « les lieux du vivre autant que les lieux des livres », pour reprendre les mots de l’académicien Erik Orsenna, coauteur, avec Noël Corbin, du rapport « Voyage au pays des bibliothèques » remis en 2018. Le présent texte s’inscrit dans la droite ligne des préconisations de cet excellent rapport, dont la mise en œuvre a fait l’objet d’une mission flash menée au sein de notre commission par Aurore Bergé et Sylvie Tolmont, en février dernier. Il rejoint ainsi la dynamique impulsée par le Gouvernement et notre majorité depuis 2017, d’abord au travers du plan Bibliothèques, qui a permis d’accroître de 8 millions d’euros les moyens alloués par l’État aux collectivités afin de soutenir les extensions d’horaires d’ouverture, puis avec le plan de relance, qui augmente de 15 millions d’euros en 2021 et en 2022 les crédits affectés aux investissements dans la construction et la rénovation de bibliothèques. Cette dynamique a été confirmée il y a quelques semaines par le Président de la République, qui a décrété, à juste titre, la lecture comme grande cause nationale.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui présente plusieurs avancées importantes. Les trois premiers articles réaffirment les missions des bibliothèques – accès à la culture, à l’information, à l’éducation et aux savoirs –, mais aussi les principes de liberté et de gratuité d’accès, conditions nécessaires à l’ouverture de ces lieux au plus grand nombre. Les articles 5 et 6 consacrent, quant à eux, le pluralisme et l’actualisation des collections, qui se doivent de refléter la diversité des courants d’idées et d’opinions traversant notre société.

Parce que le numérique a profondément bouleversé les pratiques et la consommation de biens culturels, la proposition de loi intègre ce champ nouveau dans les collections et les usages des bibliothèques, lieux appelés à devenir protéiformes et multiservices. Le texte encourage enfin la montée en puissance des collaborations entre les collectivités et consacre l’action des bibliothèques départementales, qui jouent un rôle essentiel de soutien aux petites structures, notamment en zone rurale.

Pour toutes ces raisons, le groupe Agir ensemble votera avec conviction en faveur de ce texte, qui consacrera dans la loi les principes fondamentaux et le rôle des bibliothèques, porte d’entrée de proximité vers la culture et la lecture. « Ma patrie, c’est la langue française » sont des mots d’Albert Camus. Oui, notre patrie, c’est bien la langue française : diffusons-la à travers nos bibliothèques !

M. Grégory Labille. Les plus de 15 000 bibliothèques présentes sur le territoire français sont une chance pour nos concitoyens et l’occasion de créer des liens entre eux, au travers des nombreux livres et œuvres culturelles mis à leur disposition. L’accès à la culture doit être encouragé, notamment pour notre jeunesse, en améliorant l’intérêt des lieux mêmes que sont les bibliothèques : plus seulement temples du livre, elles sont aussi des lieux de travail, d’échanges et de rencontres. J’en veux pour preuve que 50 % des utilisateurs n’empruntent pas de livres. Ainsi la bibliothèque comme lieu de vie peut permettre de retrouver du lien dans un environnement ouvert, entouré de mille richesses. À la fois lieu culturel et social, elle revêt d’autant plus d’importance que, dans une société bousculée par les débats incertains et imprécis, elle permet d’accéder à la connaissance dans le calme et la bienveillance. Je salue donc l’initiative de notre collègue sénatrice Sylvie Robert, qui a déposé cette proposition de loi à la suite de la remise de son rapport sur l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques.

Nos bibliothèques manquaient d’un cadre législatif aussi complet que celui accordé dans le code du patrimoine aux archives et aux musées. Ce texte constitue donc un fondement législatif important, rappelant de grands principes tels que la liberté et la gratuité de l’accès, ou encore la vocation universaliste des collections.

La rédaction de la proposition de loi est très satisfaisante, aussi ne soulèverai-je que deux points, qui seront développés par ma collègue Béatrice Descamps lors de l’examen des amendements. Tout d’abord, l’accès des personnes en situation de handicap doit constituer une priorité pour les bibliothèques, car la connaissance doit être ouverte et adaptée à tous. Ensuite, le renouvellement des collections conduit les bibliothèques à se débarrasser d’anciens livres. Nous devons privilégier une deuxième vie pour ces ouvrages sans nous montrer dogmatiques quant aux acteurs et aux moyens susceptibles d’y participer : il doit pouvoir s’agir d’organismes privés, du moment que cela profite à une association. Je crois d’ailleurs que Mme la rapporteure présentera un amendement en ce sens, ce que nous saluons.

Il est difficile de trouver un juste équilibre législatif pour ces établissements sans brider ou enfermer leurs actions, qui sont multiples. Parce que cette proposition de loi y parvient, le groupe UDI et indépendants la soutiendra.

M. Michel Larive. Il y a dix jours se clôturait la huitième édition des Journées nationales d’action contre l’illettrisme, organisée par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Ce fléau touche environ 2,5 millions de nos concitoyens, qui rencontrent des difficultés importantes dans la recherche ou l’exercice d’un emploi, dans leurs démarches administratives ou leurs gestes quotidiens. Je tiens donc à saluer cette initiative parlementaire à propos des bibliothèques et du développement de la lecture. Ces deux sujets essentiels sont rarement mis à l’honneur et n’ont été que trop peu soutenus par les gouvernements successifs. Je me réjouis donc que l’on puisse débattre en commission et dans l’hémicycle de la politique publique de développement des bibliothèques et de la lecture.

Les réformes de la majorité concernant ce secteur ont été réalisées au détriment de personnels. Ce fut le cas notamment lors de l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques le dimanche, décidée par le Gouvernement en application du rapport Orsenna-Corbin. Dans plusieurs villes, les salariés ont observé que cette extension des horaires d’ouverture n’a entraîné aucun recrutement supplémentaire. Par endroits, des places d’accueil des usagers ont même été supprimées, y compris celles réservées aux scolaires. Pour prendre l’exemple de Paris, la baisse des effectifs a engendré une réduction des horaires d’ouverture en matinée ou pendant les vacances scolaires.

Cela est symptomatique de la méthode de ce gouvernement, qui ne met jamais à disposition les moyens suffisants pour l’application de ses réformes. Certes, le concours particulier Bibliothèques au sein de la dotation globale de décentralisation est passé de 80,4 à 88,4 millions d’euros en 2018, mais ces crédits ne sont pas pérennes puisque le financement ne peut pas excéder cinq ans. On peut donc se demander comment les collectivités vont pouvoir maintenir les emplois créés une fois ce délai écoulé. La seule solution mise sur la table par M. Orsenna, c’est l’embauche de jeunes en service civique ou de contrats précaires, comme si bibliothécaire n’était pas un métier à part entière, spécifique et réclamant des qualifications et des compétences précises. Une bifurcation dans la politique publique en faveur des bibliothèques et du développement de la lecture est donc absolument nécessaire.

Ce texte a le mérite d’inscrire quelques grands principes dans la loi : la gratuité d’accès aux bibliothèques des collectivités territoriales, le pluralisme des collections ou encore le don des livres devenus inutiles. Toutefois, il ne permet pas de répondre aux tensions actuelles dans ce secteur, ne préserve pas les droits des personnels face à l’extension des horaires d’ouverture, n’assure pas l’égalité d’accès aux bibliothèques sur tout le territoire national, ne développe pas les actions hors les murs en faveur de la lecture, n’améliore pas la participation des usagers dans le fonctionnement des bibliothèques et ne protège pas le métier de bibliothécaire titulaire, à l’heure où le nombre de contractuels augmente fortement.

De plus, l’article 2, qui traite du principe de liberté d’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales, ne fait pas mention du passe sanitaire. Ce dernier est obligatoire pour accéder aux bibliothèques mais pas aux librairies ou aux centres commerciaux, ce qui crée une première incohérence. La deuxième incohérence, c’est que les bibliothèques universitaires, la Bibliothèque publique d’information (BPI), la Bibliothèque nationale de France (BNF) et les bibliothèques spécialisées ne sont pas soumises à l’obligation du passe sanitaire. Je regrette que l’occasion de dénoncer cette entrave à la liberté d’accès aux bibliothèques et à la lecture n’ait pas été saisie.

Ainsi, ce texte me paraît relativement consensuel mais manque d’ambition pour une véritable politique publique en faveur des bibliothèques et du développement de la lecture. C’est la raison pour laquelle le groupe France insoumise ne s’opposera pas à ce texte mais profitera de l’analyse des amendements pour être force de proposition.


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II.   examen des articles

La commission en vient à l’examen des articles.

Chapitre Ier
Définir les bibliothèques et leurs principes fondamentaux

Article 1er
Mission des bibliothèques territoriales

Amendement AC24 de la rapporteure.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Il s’agit de réaffirmer le principe d’égalité d’accès au service public tel qu’énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’accessibilité aux bibliothèques doit être garantie à tous, notamment aux personnes empêchées ou ayant un handicap.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC25 de la rapporteure.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans le texte que l’objectif est de favoriser le développement de la lecture, qui est l’une des missions fondamentales des bibliothèques.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC8 de Mme Aurore Bergé.

Mme Aurore Bergé. Il s’agit de valoriser la médiation culturelle, qui consiste à aller vers les publics pour garantir à tous l’accès aux bibliothèques et l’exercice des droits culturels, et pour assurer la diversification des publics. Les droits culturels sont un fondement très important pour garantir l’accès de tous, non seulement à la lecture, mais aussi à ce que représentent nos bibliothèques. L’objet de cet amendement est donc de renforcer la dynamique du « aller vers » pour garantir la participation de l’ensemble de nos concitoyens.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Je suis très favorable à l’introduction dans le texte de la notion de médiation culturelle. Les bibliothèques sont des lieux de rencontres humaines, où les bibliothécaires jouent le rôle essentiel de passeur de culture, œuvrant à la démocratisation culturelle. En revanche, je suis plus réservée sur l’inscription dans la loi de la notion de droits culturels, énoncée par l’UNESCO et figurant sans définition dans la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP. Ses implications juridiques pour les collectivités territoriales qui gèrent les bibliothèques sont en effet incertaines.

Avis de sagesse bienveillante.

Mme Michèle Victory. Je suis assez d’accord avec Mme Bergé : la notion de droits culturels est essentielle, car elle institue une nouvelle lecture dans laquelle la culture de chacun est importante. Aller vers, cela marche dans les deux sens, c’est aller les uns vers les autres. Je trouve donc intéressant que des actions soient entreprises sur ce sujet.

M. Michel Larive. Il y a quand même quelques nuances à apporter concernant les droits culturels, certains en profitant pour pouvoir privatiser. Il me semble plus intéressant de parler de droit à la culture.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Je suis tout à fait favorable à ce que l’on fasse référence aux droits culturels. Toutefois, il n’y a pas de définition juridique de cette notion. Madame Bergé, pourriez-vous nous préciser ce point ?

Mme Aurore Bergé. La notion de droits culturels a été consacrée par l’UNESCO et la loi LCAP, adoptée par notre assemblée en 2016, comme le droit de chacun de participer à la vie culturelle. La question n’est pas uniquement d’offrir un accès mais de faire en sorte que chacun puisse se sentir légitime à participer à la vie culturelle. S’agissant des bibliothèques, cet « aller vers » est absolument nécessaire : c’est le corollaire de la médiation et de l’action culturelles.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC26 de la rapporteure.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Cet amendement donne pour mission aux bibliothèques de coopérer avec l’ensemble des organismes proposant une offre culturelle et éducative sur leur territoire : les écoles, les centres d’accueil de la petite enfance, les musées, les bibliothèques des prisons et des établissements hospitaliers, les établissements médico-sociaux, les associations et les fondations qui œuvrent pour la promotion de la lecture. Cette coopération peut prendre la forme de prêts d’ouvrages, d’organisation d’événements ou d’actions de médiation culturelle et sociale.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC27 de la rapporteure.

Amendement AC11 de Mme Danièle Obono.

M. Michel Larive. Il s’agit de préciser que les bibliothèques sont des outils essentiels de l’éducation populaire. Celle-ci est désormais reconnue par les institutions, si bien qu’il existe une direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Elle est également mentionnée dans la charte du droit fondamental des citoyens à accéder à l’information et aux savoirs par les bibliothèques.

Créer des outils de l’éducation populaire, c’est considérer, comme Paulo Freire, que « personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde ». C’est adopter une posture d’accompagnement en partant de là où sont les gens, et non pas de là où on voudrait qu’ils arrivent, en invitant au questionnement et en prenant appui sur le vécu des personnes. Il nous semble indispensable de consacrer les bibliothèques comme des outils essentiels de l’éducation populaire.

Mme Florence Provendier, rapporteure. L’alinéa 2 de l’article 1er prévoit que les bibliothèques « ont pour missions de garantir l’accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ». Ces missions sont définies de façon suffisamment large et, de fait, incluent l’éducation populaire.

L’amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer.

M. Michel Larive. Il n’est pas satisfait. Je vous ai donné la définition de l’éducation populaire : c’est beaucoup plus large que ce que vous avez indiqué.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Tant au Sénat qu’à l’Assemblée, nous avons eu la volonté de retenir la définition la plus large possible, couvrant toutes les dimensions du sujet. Je considère donc que l’éducation populaire entre dans les missions telles qu’elles ont été inscrites dans la proposition de loi.

M. Michel Larive. Vous parlez de volonté et de consensus ; or nous n’avons pas été consultés. Le consensus, c’est avec tout le monde ! Je vais donc m’exprimer et apporter des critiques, parfois très positives – en l’occurrence, c’en était une.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC28 de la rapporteure.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Il s’agit d’inscrire dans la loi le fait que les bibliothèques doivent respecter le principe de mutabilité du service public, en adaptant leurs services aux évolutions des technologies et des usages. Ce principe, dénommé aussi principe d’adaptation, est lié à celui de continuité du service public. Il signifie que l’administration doit continuellement s’adapter aux changements.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2
Libre accès aux bibliothèques municipales et intercommunales

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Après l’article 2

Amendement AC17 de Mme Danièle Obono.

M. Michel Larive. Nous souhaitons que les bibliothèques des collectivités territoriales ainsi que les bibliothèques départementales soient exclues de l’obligation de présenter un passe sanitaire. En effet, le principe de liberté d’accès aux bibliothèques est remis en cause par l’instauration du passe sanitaire dans tous les lieux de culture. Comment le Gouvernement peut-il justifier que l’accès à une librairie ou à un commerce reste libre tandis que l’accès à une bibliothèque ou à une médiathèque est conditionné à la présentation d’un passe sanitaire valide ?

Les bibliothécaires de plusieurs petites et grandes villes ont exercé leur droit de grève afin de dénoncer l’exclusion des publics précaires. Ils refusent également le rôle de contrôle et de filtrage qui leur est imposé. Autre incohérence, les bibliothèques universitaires, la Bibliothèque publique d’information, la Bibliothèque nationale de France et les bibliothèques spécialisées ne sont pas soumises à l’obligation du passe sanitaire. Nous proposons donc que les bibliothèques des communes et des départements ne fassent plus partie des lieux où le passe sanitaire est obligatoire, afin de permettre à toutes et à tous d’avoir accès à la culture et à l’information.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Les exceptions propres aux bibliothèques universitaires, à la Bibliothèque nationale de France et à la Bibliothèque publique d’information relèvent d’une volonté de cohérence du dispositif retenu pour les activités d’enseignement et de recherche, auxquelles le passe sanitaire ne s’applique pas. Les bibliothèques universitaires font partie intégrante du dispositif applicable à l’enseignement supérieur. Quant au public de la BNF et de la BPI, il est majoritairement composé d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs. Cette dérogation a été étendue aux bibliothèques territoriales pour les étudiants, les enseignants et les chercheurs.

Je tiens tout de même à souligner l’efficacité du passe sanitaire. L’évolution de la crise sanitaire laisse d’ailleurs espérer un allégement prochain de ce dispositif pour tous les établissements culturels.

Avis défavorable.

M. Michel Larive. Quid alors des librairies et des rayons livres des grandes enseignes commerciales ?

Mme Florence Provendier, rapporteure. Ce n’est pas le sujet : je suis rapporteure d’un texte sur les bibliothèques.

La commission rejette l’amendement.

Article 3
Gratuité d’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Après l’article 3

Amendement AC15 de Mme Danièle Obono.

M. Michel Larive. Nous proposons d’inscrire dans la loi que l’association des usagers est essentielle afin que les bibliothèques accomplissent leurs missions et soient intégrées dans les quartiers, en particulier dans les quartiers populaires où elles sont parfois le dernier service public encore ouvert avec l’école primaire. Seulement 16 % de la population française est inscrite dans une bibliothèque. Pour garantir l’accès de toutes et tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche et aux savoirs, il est indispensable d’ouvrir les bibliothèques aux usagers, de favoriser leur implication tout en développant des actions dans et hors les murs.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Le métier de bibliothécaire suppose des compétences et des qualifications particulières, ce que rappelle l’article 8. Afin que les choix des bibliothécaires, notamment en matière d’acquisition, fassent partie de la démocratie locale, l’article 7 prévoit que les bibliothèques présentent leur politique documentaire devant le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’intercommunalité.

En tout cas, je peux vous assurer que dans toutes les bibliothèques que j’ai visitées, les bibliothécaires avaient à cœur de prendre en compte les attentes des usagers pour constituer leur fond.

Avis défavorable.

M. Michel Larive. Il ne s’agit pas de dire que ce sont les usagers qui décideront des collections qui seront présentées, mais seulement qu’il faut les associer.

La commission rejette l’amendement.

Article 4
Composition des collections des bibliothèques territoriales

Amendement AC30 de la rapporteure.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Il s’agit d’introduire le mot « livres » dans cette proposition de loi et de supprimer la constitution réglementaire d’une liste des types de documents contenus dans les bibliothèques. D’une part, il revient aux bibliothécaires, qui en ont la compétence, d’apprécier la constitution des collections. D’autre part, la nouvelle rédaction de l’article 4 permet de laisser le champ ouvert à des objets et documents variés comme des imprimantes 3D ou des instruments de musique.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 4 ainsi modifié.

Article 5
Pluralisme et accessibilité des collections des bibliothèques territoriales

Amendement AC6 de Mme Albane Gaillot.

Mme Albane Gaillot. Cet amendement vise à assurer une parité des collections présentes dans les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements lorsque cela est possible. Aujourd’hui, aucune obligation de diversité des collections en termes de genre n’existe. Si des efforts spécifiques locaux peuvent être observés et méritent d’être loués, les femmes demeurent minoritaires au sein des collections des bibliothèques, comme elles le demeurent plus généralement dans la culture française.

Parce que les bibliothèques demeurent une source culturelle majeure pour de nombreux concitoyens de tous âges, il apparaît opportun de favoriser une représentation paritaire des auteurs et autrices dans les collections des bibliothèques. Si cet article garantit une composition pluraliste et diversifiée des collections des bibliothèques, il apparaît nécessaire de préciser la dimension genrée de cette diversité.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Il est bien entendu essentiel que les autrices soient pleinement représentées, mais les principes de pluralisme et de diversité des collections qui sont posés par l’article comprennent celui de la parité : il peut s’agir du pluralisme des opinions, des courants d’idée, des aires géographiques ou civilisationnelles… Oui, la parité est fondamentale, mais la notion de pluralisme la recouvre et la dépasse largement.

Demande de retrait.

Mme Albane Gaillot. Le pluralisme couvre effectivement de nombreuses dimensions, dont celles de l’égalité et de la diversité. Cependant, il vaut toujours mieux écrire les choses, pour formaliser les engagements. Lors des auditions, j’ai à chaque fois posé la question du respect de l’égalité et de la parité dans le choix des collections : à chaque fois, on a évacué le problème et on m’a dit que cela n’entrait pas en ligne de compte en pratique. C’est pourtant un enjeu majeur pour les bibliothèques. Compte tenu de leur rôle dans la transmission du savoir, de la culture, du patrimoine et du matrimoine, il est important que la parité y soit respectée.

Mme Michèle Victory. Effectivement, alors que le domaine de la culture semblerait devoir être un peu plus paritaire que d’autres, ce n’est pas forcément le cas. Le concept de pluralisme est intéressant, mais il faudrait tout de même réfléchir à une rédaction qui permette d’insister davantage sur la parité.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Je suis entièrement acquise aux valeurs que vous défendez, mais il y a malheureusement des périodes de l’histoire où il y avait moins d’autrices que d’auteurs. En l’état actuel, le texte précise que les collections sont pluralistes et diversifiées. Nous essayons depuis le début d’employer les termes les plus généraux possible. En effet, si l’on introduit le concept de parité, il faudra le faire pour toute une série d’autres ; or si l’on commence à faire des énumérations, l’on va forcément oublier un genre, une esthétique, une langue, une aire géographique… Le pluralisme couvre vraiment l’idée que vous défendez.

M. Frédéric Reiss. C’est le terme qui convient.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC12 de M. Michel Larive et AC13 de Mme Danièle Obono.

M. Michel Larive. Je suis entièrement d’accord avec votre explication, madame la rapporteure. Nos amendements proposent de rendre plus explicite cette exigence de pluralisme dans les collections des bibliothèques des collectivités territoriales. Le premier pose le principe que les collections « doivent être exemptes de toutes formes de censure idéologique, politique, religieuse ou de pressions commerciales. » Le second, qui est un amendement de repli, précise qu’elles « sont indépendantes de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique. » Cela permettrait d’ajouter l’indépendance à la pluralité.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Nous sommes tout à fait d’accord. Les termes de l’amendement AC12 figurent dans le manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique, qui fait référence dans la profession. Je lui donne un avis favorable ; avis défavorable sur le second.

La commission adopte l’amendement AC12.

En conséquence, l’amendement AC13 tombe.

Amendement AC3 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. En tant qu’établissements recevant du public, les bibliothèques doivent être accessibles aux personnes en situation de handicap. On pense souvent à la rampe ou à l’ascenseur, mais il ne s’agit pas que de l’accès au bâtiment : il existe bien d’autres types de handicap. Il faut assurer aux personnes concernées l’accès aux contenus écrits des collections, par exemple en proposant une partie des fonds en braille ou en version audio, ou en les adaptant aux troubles cognitifs et de l’apprentissage, comme les troubles dys. L’amendement tend à compléter l’alinéa 2 en ce sens.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Même si l’égalité d’accès est prévue à l’article 1er, nous devons en effet être très vigilants quant à la prise en compte des handicaps, car la France a encore beaucoup à faire en matière d’inclusion, y compris dans les bibliothèques. Ainsi, 96 % des contenus demeurent inaccessibles aux personnes empêchées. L’association Valentin Haüy au service des aveugles et des malvoyants ne reçoit de l’État que 40 000 euros de subventions alors qu’elle assume une mission de service public en rendant disponibles pour toutes les bibliothèques des collections adaptées aux besoins des publics handicapés et empêchés. D’autres pays, en Europe du Nord par exemple, ont nationalisé cette activité ou contractualisé avec les associations qui remplissent cette mission.

Je propose que nous réfléchissions ensemble, d’ici à la séance, à une rédaction globale, intégrée à l’article 1er et qui viserait l’ensemble des personnes empêchées et des types de handicap, y compris l’illectronisme ou l’illettrisme par exemple. Dans cette optique, je vous demande de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AC14 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous proposons là que les usagers des bibliothèques soient associés – il n’est pas question de décision – à l’achat des nouveaux titres des collections des bibliothèques. Vous m’avez dit que c’était déjà dans la pratique ; il serait bon de l’acter comme principe. Il nous paraît indispensable de favoriser l’implication du public dans les activités des bibliothèques, en particulier lors de la constitution des collections. Cela permettrait, entre autres choses, de faire revenir du public dans les bibliothèques et de les rendre encore plus attractives qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment, sachant que les bibliothécaires sont compétents et que, d’après ce que j’ai vu, ils ont à cœur d’associer les publics concernés à la constitution des collections.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6
Renouvellement des collections des bibliothèques territoriales

La commission adopte l’article 6 non modifié.

Article 7
Présentation des orientations générales des bibliothèques à l’assemblée délibérante de la collectivité

Amendement AC5 de Mme Albane Gaillot.

Mme Albane Gaillot. Cet amendement va dans le même sens que le dernier que j’ai présenté. Vous m’avez répondu qu’il n’y avait pas forcément beaucoup d’autrices, mais elles sont pourtant nombreuses ! Parce qu’elles sont méconnues, elles ont justement besoin de visibilité, besoin d’être lues et découvertes. Les bibliothèques ont une place primordiale à tenir. La proposition de loi ancre dans le droit leur rôle dans la culture, dans la transmission de notre patrimoine et de notre matrimoine. Assurer la parité des collections, ou en tout cas se fixer l’objectif d’y parvenir serait une avancée concrète pour faire connaître toutes ces autrices qui sont aujourd’hui complètement invisibles.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC29 et AC31 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8
Qualification des agents des bibliothèques

La commission adopte l’article 8 non modifié.

Après l’article 8

Amendement AC21 de Mme Danièle Obono.

M. Michel Larive. Nous souhaitons dénoncer le recours grandissant aux contractuels dans les bibliothèques.

Il existe peu de données concernant cette réalité. Nous demandons donc que soit réalisé un rapport dressant un état des lieux du nombre de contractuels exerçant dans les bibliothèques des collectivités territoriales et leurs regroupements, expliquant les raisons pour lesquelles ce ne sont pas des emplois de fonctionnaires titulaires, et estimant le coût de leur titularisation et des actions de formation indispensables à l’exercice du métier de bibliothécaire. Ce rapport devra également brosser un tableau des conséquences de ce phénomène à la fois sur l’organisation des bibliothèques, sur la qualité du service rendu aux usagers et sur les conditions de vie de ces personnels subissant la précarité.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Il serait effectivement intéressant de disposer d’une étude actualisée portant non seulement sur les contractuels, mais aussi sur le recours aux bénévoles, qui jouent un rôle clé dans le fonctionnement des bibliothèques. Je vous propose de retirer votre amendement et de le redéposer en séance afin d’obtenir une réponse de la ministre.

M. Michel Larive. Par principe, je ne retirerai pas cet amendement mais je le redéposerai en séance en gardant bien en tête vos propos. Merci pour cette réponse.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre II
Soutenir le développement de la lecture publique

Article 9
Missions des bibliothèques départementales

La commission adopte successivement les amendements AC33, de précision, et AC35 et AC34, rédactionnels, de la rapporteure.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Article 10
Élargissement de l’éligibilité au concours particulier relatif aux bibliothèques de la dotation générale de décentralisation

La commission adopte l’article 10 non modifié.

Article 11
Schéma de développement de la lecture publique

La commission adopte l’article 11 non modifié.

Article 12
Cession à titre gratuit de documents détenus par les bibliothèques

Amendements AC36 de la rapporteure, AC4 de Mme Béatrice Descamps et AC16 de M. Michel Larive.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Je vous propose de réécrire complètement l’article 12.

Comme cela a été relevé par nombre d’entre vous, dans un but de renouvellement et d’actualisation de leurs collections, les bibliothèques doivent pouvoir se défaire des ouvrages obsolètes ou usés. C’est ce que l’on appelle le désherbage. Actuellement, la solution la plus sûre juridiquement pour les bibliothèques publiques consiste à jeter ces ouvrages, ce qui n’est évidemment pas satisfaisant. L’enlèvement et la destruction des livres leur sont même parfois facturés.

Dans les faits, les bibliothèques préfèrent les solutions qui offrent une deuxième vie aux livres : vente sous forme de braderie ou don à des associations ou à des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Cet amendement vise à donner un cadre à ces pratiques en permettant aux bibliothèques de l’État et des collectivités territoriales de donner ces livres à des fondations, associations philanthropiques ou entreprises de l’économie sociale et solidaire et en autorisant la revente de ces livres par les bénéficiaires.

Cette disposition a tout d’un cercle vertueux. Elle contribue, en offrant plusieurs vies au livre, au développement de la lecture publique ; elle participe à la création d’emplois, souvent en insertion ; elle permet de reverser une part des éventuels bénéfices tirés de la revente des livres aux collectivités ou à des associations choisies par les bibliothèques.

Mme Sylvie Tolmont. Je comprends, bien sûr, la philosophie de cette proposition, mais les livres ne doivent pas être vendus, seulement distribués. Le droit empêche les collectivités territoriales de céder gratuitement leurs documents relevant du domaine privé. L’article 12 est une nouvelle exception à ce principe. Je rappelle que, lors de la première lecture au Sénat, le même amendement, proposé par une sénatrice, avait reçu un avis défavorable, y compris de la ministre de la Culture Mme Bachelot.

La commission adopte l’amendement AC36 et l’article 12 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AC4 et AC16 tombent.

Article 13 (supprimé)
Gage de recevabilité financière

La commission maintient la suppression de l’article 13.

Elle adopte ensuite, à l’unanimité, l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 

– Texte adopté par la commission :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r4484-a0.asp

– Texte comparatif :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-cedu/l15b4484-compa_texte-comparatif.pdf

 

 


—  1  —

   annexe 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

 

 

 Union nationale Culture et Bibliothèques pour tous (UNCBPT) – Mme Anne Wambeke, présidente, et M. Dominique Andréani, administrateur

 Association des directeurs régionaux des affaires culturelles – M. Laurent Roturier, président, DRAC d’Île de France

       Audition commune :

- Association « Lire pour en sortir » – M. Alexandre Duval Stalla, président, et Mme Marie-Pierre Lacabarats, directrice générale

- Association « Lire c’est vivre »Mme Bernadette Coupechoux, présidente, Mme Nelly Tieb, membre fondatrice et trésorière, et Mme Lena Rosales Sarrut, bibliothécaire, directrice par intérim

 Fédération interrégionale du livre et de la lectureM. Mathieu Ducoudray, co-président, et Mme Florence Le Pichon, chargée de mission

 Association Valentin Haüy – M. Sylvain Nivard, président, et Mme Laurette Uzan, responsable de la médiathèque

 Ministère de la culture – Direction générale des médias et des industries culturellesService du livre et de la lectureM. Nicolas Georges, directeur, adjoint au directeur général, chargé du livre et de la lecture, et M. Jérôme Belmon, chef du département des bibliothèques

 Association Bibliothèques sans frontières – M. Jérémy Lachal, directeur général, Mme Gwénaëlle Suc, secrétaire générale, et M. Édouard Delbende, directeur du développement

 Table ronde rassemblant les acteurs des collectivités territoriales :

- France Urbaine  Mme Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe au maire de Lyon en charge de la Culture, et M. Sébastien Tison, conseiller en charge de la culture, du numérique, de la participation citoyenne et du sport

- Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) – M. Frédéric Hocquard, président

 Syndicat de la librairie françaiseMme Anne Martelle, présidente

 Conseil national du livreMme Régine Hatchondo, présidente, et M. Pascal Perrault, directeur général

 Syndicat national de l’édition* et le groupe des éditeurs Universitaires M. Pierre Dutilleul, directeur général, M. Alban Cerisier, membre du Bureau du SNE et secrétaire général du groupe Madrigall, M.  Julien Chouraqui, directeur juridique du SNE, et Mme Lore Vialle-Touraille, responsable juridique Hachette Livre et membre du groupe juridique du SNE

 Mme Sylvie Robert, sénatrice, auteure de la proposition de loi examinée

       Audition commune :

- Société Ammareal – M. Renan Ayrault, président, et M. Raphaël Boukris, co‑dirigeant

- Société Recyclivre – M. David Lorrain, président

       Audition commune :

Association des directeurs des bibliothèques de grandes villes (ADBGV) et Association des directrices et directeurs des bibliothèques municipales et groupement intercommunaux des villes de France M. Malik Diallo, président et directeur des bibliothèques de Rennes

Association française des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation (ADBU)  M. Marc Martinez, président

       Audition commune :

Association des bibliothécaires départementaux – Mmes Céline Meneghin et Céline Cadieu-Dumont, co-présidentes

Association des bibliothécaires de France Mme Alice Bernard, présidente

 Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) – M. Christian Janin, président, et M. Hervé Fernandez, directeur

 Société Dilicom  Mme Véronique Backert, directrice générale

 

 

 

 

Par ailleurs, la rapporteure s’est rendue dans les médiathèques et bibliothèques suivantes :

– Médiathèque Centre-Ville, Issy-les-Moulineaux (92) ;

– Médiathèque du Point-du-Jour, Boulogne-Billancourt (92) ;

– Bibliothèque municipale, Vanves (92) ;

– Médiathèque Aimé Césaire, La Courneuve (93) ;

– Ludo-Médiathèque intercommunale, Étrépagny (27) ;

– Médiathèque de l’association Valentin Haüy, Paris (75).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


—  1  —

   Annexe 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative aux bibliothèques et au dÉveloppement de la lecture publique

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1

Code du patrimoine

L. 310‑1 A (nouveau)

2

Code du patrimoine

L. 320‑3

3

Code du patrimoine

L. 320‑4

4

Code du patrimoine

L. 310‑3

5

Code du patrimoine

L. 310‑4

6

Code du patrimoine

L. 310‑5

7

Code du patrimoine

L. 310‑6

8

Code du patrimoine

L. 310‑7 (nouveau)

9

Code du patrimoine

L. 330‑2 (nouveau)

10

Code général des collectivités territoriales

L. 1614‑10

11

Code général des collectivités territoriales

L. 5211‑63 (nouveau)

12

Code général de la propriété des personnes publiques

L. 3212‑4 (nouveau)

 


([1])  Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

([2])  Loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives.

([3])  http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-581-notice.html

([4])  Erik Orsenna et Noël Corbin, « Voyage au pays des bibliothèques. Lire aujourd’hui, lire demain », 2018 : https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Voyage-au-pays-des-bibliotheques.-Lire-aujourd-hui-lire-demain

([5])  https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-affaires-culturelles/secretariat/missions-flash/suites-donnees-au-rapport-orsenna-sur-les-bibliotheques

([6]) Ordonnance prise en application du 2° du I de l’article 95 de la loi n° 2016‑925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine.

([7]) Décision n° 89-271 DC du 11 janv. 1990. Le Conseil constitutionnel a par la suite repris cette formule dans plusieurs décisions.

([8]) Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986.

([9]) Inspection générale des bibliothèques, « Laïcité et fait religieux dans les bibliothèques publiques », septembre 2016 : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid111263/laicite-et-fait-religieux-dans-les-bibliotheques-publiques.html

([10]) Décret n° 91-841 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques

([11]) Décret n° 91-845 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des bibliothécaires territoriaux

([12]) Décret n° 2011-1642 du 23 novembre 2011 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux de conservation du patrimoine et des bibliothèques

([13]) Décret n° 2006-1692 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints territoriaux du patrimoine

([14])  Direction des médias et des industries culturelles, Service du Livre et de la Lecture, « Bibliothèques municipales, données d’activité 2013 », Ministère de la Culture et de la Communication, 2015.

([15]) Rapport précité p. 46.

([16]) Circulaire DL 6 n° 1705 du 17 juillet 1978.

([17]) Conseil d’État, 17 mars 1893, Chemins de fer de l’Est.

([18]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11193699_614ad92fd53f0.commission-des-affaires-culturelles--creation-de-la-fonction-de-directrice-ou-de-directeur-d-ecole--22-septembre-2021