N° 4487

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 septembre 2021

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne,

 

PAR M. Christian HUTIN

Député

——

 

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3016

 


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

introduction

I. l’Évolution du cadre juridique s’appliquant à l’IESUE rend nécessaire la conclusion d’un nouvel accord de sécurité sociale avec cette agence

A. l’institut d’études de sécurité de l’Union européenne, héritier de l’Union de l’europe occidentale

1. Les missions et le fonctionnement de l’IESUE

2. Un régime de sécurité sociale soumis aux dispositions de l’accord de 1979

B. Le nouveau règlement du personnel instauré par La décision du conseil européen de 2016

II. Les dispositions du nouvel accord de sécurité sociale entre la France et l’IESUE

A. Un accord adapté À la spécificité des conditions d’emploi de l’institut

1. L’extension du régime de sécurité sociale autonome de l’Institut à de nouveaux risques et la création d’un droit optionnel d’affiliation

2. Les dispositions de coordination entre le régime de l’Institut et le régime français

B. Un accord qui répond aux intérêts de l’institut et de la France

Conclusion

EXAMEN en commission

ANNEXE  1

TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères

 


  1  

 

   introduction

 

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (IESUE), signé les 7 et 10 janvier 2019.

Cet accord a vocation à abroger et remplacer l’accord de 1979, qui n’est plus adapté à l’évolution du cadre juridique s’appliquant à l’IESUE. En effet, une décision de 2016 du Conseil de l’Union européenne ([1]) a instauré un nouveau règlement relatif au personnel de l’IESUE prévoyant la possibilité pour les agents contractuels de l’Institut de s’affilier au régime de protection sociale de l’Institut au lieu de la sécurité sociale française. Un nouvel accord bilatéral de sécurité sociale est donc nécessaire, afin de fixer les modalités d’exercice de ce droit d’option.

La conclusion d’un nouvel accord se justifie également en opportunité : il est plus adapté aux besoins spécifiques des agents concernés, préserve l’attractivité de Paris pour l’accueil de cet organisme, et aligne le régime de sécurité sociale de l’Institut sur ceux applicables aux autres organisations de l’Union européenne.

Votre rapporteur est donc favorable à l’adoption du présent projet de loi.

 

 


  1  

I.   l’Évolution du cadre juridique s’appliquant à l’IESUE rend nécessaire la conclusion d’un nouvel accord de sécurité sociale avec cette agence

A.   l’institut d’études de sécurité de l’Union européenne, héritier de l’Union de l’europe occidentale

1.   Les missions et le fonctionnement de l’IESUE

L’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne est une agence autonome de l’Union européenne (UE), créée le 20 juillet 2001 par l’action commune du Conseil relative à la création d’un institut d’études de sécurité de l’Union européenne ([2]), dont le siège est à Paris et qui dispose également d’un bureau de liaison à Bruxelles.

Elle est issue de l’ancien Institut d’études de sécurité de l’Union de l’Europe occidentale (UEO), lui-même crée le 23 octobre 1954. Dans les années 1990, le rapprochement de l’UEO avec les institutions européennes a conduit au transfert progressif à l’Union européenne d’une partie des tâches et attributions de l’UEO, jusqu’à la dissolution de cette dernière, le 31 mars 2010.

L’Institut d’études de sécurité de l’Union de l’Europe occidentale était un organisme subsidiaire de l’UEO, créé en 1989. Dans le contexte du transfert à l’UE des activités de l’UEO, la décision du Conseil du 20 juillet 2001 précitée a créé un Institut d’études de sécurité de l’Union européenne « incorporant les caractéristiques pertinentes des structures existant au sein de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) ».

Cette agence de l’Union Européenne a pour objectif de contribuer au développement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), y compris de la politique européenne de sécurité et de défense (PSDC). Elle a pour principale mission de fournir des analyses et d’organiser des débats afin de contribuer à la formulation de la politique de l’Union. Dans ce contexte, elle joue également le rôle d’interface entre les experts et les responsables européens à tous les niveaux.

La surveillance politique des activités de l’Institut est exercée par le Comité politique et de sécurité (COPS), sous la responsabilité du Conseil, tandis que le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité assure la direction opérationnelle de l’Institut. L’Institut dispose également d’une autonomie de fonctionnement, de la personnalité juridique et d’une totale indépendance.

Comme l’indique l’étude d’impact, le budget de l’IESUE est constitué des contributions des États membres de l’Union, selon la clé du revenu national brut (RNB). Le budget annuel s’établit à environ 5 millions d’euros et respecte un principe de croissance nominale zéro depuis 2013. Sur ce montant, la part correspondant aux contributions des États membres s’élève à 4 millions d’euros environ (4 229 000 en 2019), la France s’acquittant de 15 % de cette somme (639 275 d’euros en 2019). En outre, en 2011, à l’occasion de la vente des anciens locaux de l’UEO, que l’IESUE occupait gratuitement, les autorités françaises ont décidé d’allouer une partie du capital issu du produit de cession d’un montant d’environ 1,36 million d’euros, à sa relocalisation dans les nouveaux locaux (avenue de Suffren), qu’il occupe en tant que locataire. Ce montant a permis à l’IESUE de couvrir plus de 40 % du loyer chaque année entre 2011 et 2017, jusqu’à consommation complète de la somme.

2.   Un régime de sécurité sociale soumis aux dispositions de l’accord de 1979

Les organismes de l’Union de l’Europe Occidentale établis à Paris, dont l’Institut d’études de sécurité de l’Union de l’Europe occidentale, bénéficiaient de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l’UEO, signé à Paris le 21 juin 1979. En tant que successeur de l’Institut d’études de sécurité de l’Union de l’Europe occidentale, l’IESUE continue d’être régi par cet accord de sécurité sociale.

Cet accord de 1979 instituait une dérogation à l’application de la législation française en matière de pensions et de prestations familiales. Les agents de l’IESUE demeuraient toutefois assujettis à la législation française en ce qui concerne l’assurance maladie, les accidents du travail et maladies professionnelles, la maternité, l’invalidité et le décès.

B.   Le nouveau règlement du personnel instauré par La décision du conseil européen de 2016

À la suite du rapport sur le réexamen du fonctionnement de l’IESUE présenté, en 2011, par le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le Conseil a adopté, en 2014, la décision relative à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne ([3]), qui a clarifié le statut juridique de l’Institut, sans apporter de modifications substantielles à ses missions. Or l’accord de 1979 s’est révélé n’être plus adapté au nouveau cadre juridique dans laquelle s’inscrit l’action de l’organisation. Il ne répondait pas non plus à la situation de ses agents, très mobiles et disposant souvent de contrats courts.

Aussi, le Conseil a-t-il adopté, le 18 juillet 2016, une décision concernant le règlement du personnel de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne ([4]), qui vise à instaurer un nouveau règlement du personnel pour l’IESUE prévoyant notamment la possibilité pour les agents contractuels de l’Institut de s’affilier au régime de protection sociale de l’Institut, au lieu de la sécurité sociale française. L’article 14 de ce règlement précise que l’application de ce droit est subordonnée à l’entrée en vigueur d’un accord bilatéral de sécurité sociale autorisant sa mise en œuvre.

En conséquence, a été conclu un nouvel accord bilatéral de sécurité sociale, qui fixe les modalités d’exercice de ce droit d’option et abroge et remplace l’accord de 1979. Il a également étendu le champ du régime autonome de protection sociale de l’IESUE aux risques maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles.

La conclusion du présent accord est donc rendue nécessaire par les dispositions de la décision de 2016 du Conseil européen.

II.   Les dispositions du nouvel accord de sécurité sociale entre la France et l’IESUE

A.   Un accord adapté À la spécificité des conditions d’emploi de l’institut

1.   L’extension du régime de sécurité sociale autonome de l’Institut à de nouveaux risques et la création d’un droit optionnel d’affiliation

L’article 1er de l’accord prévoit une exemption des contributions et des cotisations aux régimes obligatoires français de sécurité sociale de base, dès lors que le directeur et les agents sous contrat employés au siège en France adhèrent au régime autonome de protection sociale de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne. L’article 2 instaure un droit d’option en faveur de l’affiliation au régime autonome de protection sociale de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne pour les risques maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité et décès.

Cette extension du régime autonome de protection sociale à de nouveaux risques permet de mieux prendre en compte les situations des agents de l’Institut, plus mobiles et davantage en contrats courts, et de leur proposer une couverture sociale la plus complète possible, compte tenu de la spécificité de leur organisation d’emploi.

En effet, une couverture privée prenant en charge également les soins réalisés en dehors de France correspond à un besoin de flexibilité de l’Institut pour ses agents, qui résident en France pour des missions de trois à cinq ans. Cela leur permettra notamment de pouvoir consulter un médecin là où ils le souhaitent en Europe et dans le monde, et ainsi de continuer à être suivis par leur médecin de famille, dans le pays de leur choix. Ils seront par ailleurs remboursés à hauteur de 90 % des frais engagés, tandis que le régime français ne les prendrait en charge que pour les soins inopinés, et à hauteur des tarifs de sécurité sociale français. Cette prise en charge répond mieux aux besoins des personnels expatriés, en matière non seulement de remboursement mais également de délais d’affiliation (les délais du régime privé étant significativement plus courts qu’à l’assurance maladie française).

Enfin, les agents de l’Institut basés à Bruxelles bénéficiant déjà de ce régime, cette extension du régime autonome de protection sociale à de nouveaux risques constitue une mesure d’harmonisation et d’équité : s’ils optent pour le régime privé, tous les personnels de l’Institut auront désormais accès aux mêmes prestations et remboursements.

L’entrée en vigueur de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’IESUE impliquerait la désaffiliation de la sécurité sociale française de dix-huit assurés, sur un effectif total de vingt-quatre personnes (au siège à Paris et au bureau de Bruxelles, tous statuts confondus, sauf les stagiaires). En ce sens, l’accord concernerait une proportion de dix-huit agents contractuels.

L’article 3 précise les prestations familiales versées par l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne, auxquelles ont droit les membres du personnel ainsi que leur conjoint.

2.   Les dispositions de coordination entre le régime de l’Institut et le régime français

L’affiliation à ces nouveaux risques étant optionnelle, l’accord permet d’en fixer les modalités d’exercice au regard de l’affiliation au régime français de sécurité sociale.

Ainsi, l’article 4 précise les dispositions de coordination pour les membres du personnel affiliés au régime autonome de protection sociale de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne qui quittent l’organisation et deviennent assujettis à un régime français de sécurité sociale. Elles permettent de protéger les droits de sécurité sociale des personnes qui passent du régime de sécurité sociale autonome de l’IESUE au régime français de sécurité sociale.

Ces dispositions permettront notamment de prendre en compte des périodes de service accomplies auprès de l’organisation, notamment aux fins de conditions de stage et de durée d’immatriculation requises par la législation française pour avoir droit aux prestations en nature et aux prestations en espèces du régime d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès et accidents du travail et maladies professionnelles. Les périodes accomplies auprès de l’IESUE, récapitulées sur une attestation dont le modèle est établi d’un commun accord par les parties, permettront la mise en œuvre de ces dispositions de coordination.

L’article 5 prévoit une disposition spécifique concernant l’assurance vieillesse et la possibilité de rachat de cotisations au régime général. Les anciens membres du personnel ayant appartenu au régime général de la sécurité sociale française avant leur entrée dans l’organisation auront la possibilité de racheter leurs cotisations au régime général français de sécurité sociale et aux régimes complémentaires. Ce rachat demeurera limité à leur temps de service dans l’organisation s’ils n’ont pas acquis de droits à pension et n’ont pas adhéré en temps utile à l’assurance volontaire. Il s’effectue dans les conditions de la législation française en vigueur au moment de la demande.

Enfin, de manière classique, les articles 6 à 8 traitent du règlement des différends, des modalités de révision et de dénonciation de l’accord, et de son entrée en vigueur.

B.   Un accord qui répond aux intérêts de l’institut et de la France

L’entrée en vigueur de cet accord permettrait des économies significatives pour l’IESUE, dans un contexte où son budget est sous forte contrainte, notamment en raison de la cessation, en 2017, de la contribution exceptionnelle française et de la perte de la contribution britannique. De plus, ces difficultés budgétaires alimentent les velléités fréquentes de relocalisation de l’IESUE à Bruxelles, où il a un bureau de liaison. Une telle délocalisation nuirait à l’attractivité de la France.

Enfin, le nouvel accord de sécurité sociale alignerait le régime de l’institut sur celui en vigueur dans les autres organisations de l’Union européenne. Il s’agit en effet de la seule organisation de l’Union ne disposant pas, pour l’heure, d’un régime autonome de sécurité sociale.

Sur les quatre-vingt organisations internationales établies en France, vingt-sept accords de sécurité sociale ont été identifiés, dont certains simplement sous forme d’échange de lettres. Par ailleurs, certaines organisations internationales ont un accord de siège qui leur octroie une exemption de sécurité sociale parmi les privilèges et immunités (institutions de l’Organisation des nations unies, Union européenne, Autorité bancaire européenne…). Certaines n’ont pas conclu d’accord, leur personnel étant affilié en France en application des dispositions du code de la sécurité sociale.

 


  1  

   Conclusion

 

Votre rapporteur est favorable à l’adoption du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne.

Ce nouvel accord permettra de mettre le régime de sécurité sociale de l’Institut en conformité avec la décision du Conseil européen de 2016, qui a modifié le règlement du personnel de l’institut. En outre, il permettra aux agents de disposer d’un régime plus adapté à leur organisation d’emploi, et comparable à celui qui prévaut dans les autres organisations de l’Union. Pour la France, il s’agit également de conforter l’attractivité de notre territoire en assumant notre responsabilité d’État hôte. 


  1  

   EXAMEN en commission

Le mercredi 22 septembre 2021, la commission examine, sur le rapport de M. Christian Hutin, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (n° 3016).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cette convention est un accord bilatéral de sécurité sociale. Il est exemplaire en ce qu’il apporte une réponse pragmatique à des situations rencontrées par des organisations internationales ayant leur siège en France.

L’accord vise à améliorer la situation, en France, des personnels contractuels de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (IESUE) en leur permettant de s’affilier au régime de sécurité sociale qui lui est propre, au lieu de se voir imposer une affiliation à la sécurité sociale française, souvent pour un court laps de temps, comme le prévoyait l’accord signé en 1979. Ces agents auraient ainsi un droit d’option sur le choix de leur régime de couverture sociale.

Au travers de cet accord, la France souhaite répondre au besoin de flexibilité de cette organisation internationale. Ses agents accomplissent des carrières marquées par une grande mobilité et aspirent à une continuité de leur suivi médical quel que soit le pays de l’Union européenne où ils travaillent. Ce n’est pas parce que l’on est mobile professionnellement que l’on doit être un intermittent de la santé.

Il convient également de veiller à ce qu’une mutation en France ne crée pas une rupture de traitement par rapport aux personnels du même organisme travaillant dans d’autres pays de l’Union européenne. Cet accord participe donc de l’attractivité du territoire français en alignant le régime de sécurité sociale des personnels de l’IESUE sur ceux en vigueur dans les autres organisations de l’Union européenne.

Le sujet réunit donc une préoccupation sociale et une préoccupation géopolitique d’affirmation de la sécurité.

M. Christian Hutin, rapporteur. Je tiens à dire au préalable que la réunion de ce matin a montré comme notre commission, depuis cinq ans, s’est hissée à la hauteur de ce qu’elle devait être. En son sein, chacun peut s’exprimer et nous avons noué avec bon nombre de pays des contacts de qualité. Je tiens à en remercier vivement le président Bourlanges, sa prédécesseure et tous les administrateurs de la commission, sans lesquels nous ne sommes rien.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui autorise l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre la France et l’IESUE, héritier de l’Institut d’études de sécurité de l’Union de l’Europe occidentale (UEO), organisme subsidiaire de l’UEO, qui a été dissoute en 2010, en raison du transfert progressif d’une partie de ses missions à l’Union européenne.

L’IESUE a pour objectif de contribuer au développement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), y compris de la politique européenne en matière de sécurité et de défense. Il a pour principale mission de fournir des analyses et d’organiser des débats afin de contribuer à la formation de la politique de l’Union européenne. Dans ce contexte, il joue également le rôle d’interface entre les experts et les responsables européens à tous les niveaux. Son siège est à Paris – nous avons cette chance, car ce n’est pas le cas de tous les organismes européens – et il dispose d’un bureau de liaison à Bruxelles.

Pourquoi signer ce nouvel accord de sécurité sociale avec l’IESUE ? Premièrement, il convient de se conformer au droit européen, qui a évolué. Une décision du Conseil de l’Union européenne du 18 juillet 2016 a instauré un nouveau règlement relatif au personnel de cet institut, qui prévoit notamment la possibilité pour ses agents contractuels de s’affilier à son régime de protection sociale au lieu de la sécurité sociale française. En vertu de l’article 14 de ce règlement, l’application de ce droit d’option est subordonnée à l’entrée en vigueur d’un accord bilatéral entre l’Institut et les autorités nationales compétentes, c’est-à-dire notre commission et l’Assemblée nationale, autorisant la mise en œuvre d’un tel accord. En conséquence, ce nouvel accord bilatéral de sécurité sociale a été conclu afin de fixer les modalités d’exercice de ce droit d’option. Ce dernier étend également le champ du régime autonome de protection sociale de l’IESUE aux risques de maladie, de maternité, d’invalidité, de décès, d’accident du travail et de maladie professionnelle.

Deuxièmement, un nouvel accord se justifie également parce que l’accord de 1979 n’est plus adapté du tout à la spécificité des conditions d’emploi des dix-huit agents du siège à Paris. Ce sont souvent des expatriés mobiles qui se retrouvent dans une situation extrêmement compliquée s’ils ont le malheur d’être souffrants au cours de leurs contrats, qui sont de courte durée. Une couverture privée prenant en charge également les soins reçus hors de France leur permettra notamment de pouvoir consulter un médecin là où ils le souhaitent dans le monde et de continuer à être suivis par leur médecin de famille dans le pays de leur choix.

Cette prise en charge répond mieux aux besoins des personnels expatriés, en termes de remboursement mais également de délais d’affiliation, l’assurance maladie française ayant parfois un délai de réponse beaucoup plus long que d’autres régimes – ceux du privé sont plus rapides. En outre, les agents de l’Institut basés à Bruxelles bénéficiant déjà de ce régime, cette extension du régime autonome de protection sociale à de nouveaux risques constitue une mesure d’harmonisation pour les agents de l’Institut : s’ils optent pour le régime privé, tous les personnels de l’Institut auront désormais accès aux mêmes prestations et remboursements et seront ainsi beaucoup plus tranquilles.

Cela participerait à l’attractivité de Paris puisque nous souhaitons que l’IESUE y reste. De plus, dans un contexte où son budget est réduit du fait du départ des Britanniques, l’entrée en vigueur de cet accord lui permettrait de réaliser des économies significatives, tout en ayant un très faible impact financier pour l’assurance maladie française.

Pour conclure, cet accord est loin de constituer une singularité dans les conventions signées par la France : sur les quatre-vingts organisations internationales établies en France, vingt-sept accords de sécurité sociale ont été identifiés, auxquels s’ajoutent les accords de siège de certaines organisations internationales, prévoyant également une exemption de sécurité sociale.

Nous ne pouvons que voter le projet de loi : si l’accord international ne concerne que dix-huit personnes, il participe dans l’esprit au fait qu’un certain nombre d’institutions européennes restent en France.

Mon groupe pourrait cependant – encore que cela ne soit pas sûr – demander un débat, jeudi prochain, sur cet accord international, dans la mesure où il touche un organisme conseillant l’Europe en matière d’investissements et de défense, ce qui permettrait au Parlement de parler quelque peu du contrat des sous-marins. Nous nous réservons le droit d’évoquer ce sujet en séance publique, ce qui ne nous empêche nullement de voter ce projet de loi puisque cet accord me semble tout à fait légitime.

Mme Liliana Tanguy (LaREM). Je salue le travail du rapporteur qui permet de souligner l’intérêt d’adopter ce projet de loi : il s’agit, en effet, de se conformer à la réglementation européenne, le règlement applicable au personnel de cet institut ayant été modifié par une décision du Conseil européen de 2016.

L’extension du droit d’option en matière de régime d’affiliation à la sécurité sociale des agents contractuels de l’Institut est essentielle au vu de la spécificité de leur mission, caractérisée par des contrats courts et une forte mobilité.

La France a également intérêt à la mise en œuvre de cet accord parce qu’elle renforcera effectivement l’attractivité de Paris, où se trouve le siège de ce même institut. Comme le souligne votre rapport, notre État hôte doit se montrer à la hauteur des responsabilités qui incombent à ce statut, notamment en prenant en compte les besoins de ses agents. D’un point de vue pragmatique, il faut pouvoir les accueillir dans les meilleures conditions, pour résister à la concurrence de Bruxelles et couper ainsi court aux velléités visant à y délocaliser l’Institut. Le projet de loi permet de pérenniser la localisation de son siège en France.

Vingt-sept sur les quatre-vingts organisations internationales établies en France sont régies par des accords de sécurité sociale. L’accord répond donc aux intérêts de l’Institut comme à ceux de la France. C’est la raison pour laquelle le groupe La République en marche est naturellement favorable à son adoption et votera donc le projet de loi.

M. Didier Quentin (LR). Je m’associe à la captatio benevolentiae du rapporteur adressée au président ainsi qu’à nos administratrices et à nos administrateurs : elle est parfaitement justifiée. Pour ce qui est de son rapport, je ne dirai, pour faire court, que : « Merci et bravo ! »

M. Bruno Fuchs (Dem). Je m’associe à ces louanges et exprime ma reconnaissance au rapporteur pour le travail qu’il accomplit dans cette commission. Son rapport ne laisse aucune ambiguïté concernant l’introduction d’un droit d’option au bénéfice des agents contractuels de l’IESUE, c’est-à-dire la possibilité pour eux de choisir leur régime de sécurité sociale en s’affiliant, s’ils le souhaitent, au régime de protection sociale de l’Institut plutôt qu’à la sécurité sociale française.

Alors qu’un nouveau règlement européen modifie le cadre juridique s’appliquant à l’Institut, il nous revient de voter un nouvel accord bilatéral qui tient compte de ces évolutions. Si l’accord initial de 1979 autorisait déjà une dérogation à l’application de la législation française en matière de pensions et de prestations familiales, ses personnels demeuraient assujettis au régime français en matière d’assurance maladie, d’accidents du travail, de maladies professionnelles, de maternité, d’invalidité et de décès. Dans les faits, ce nouveau texte, qui abroge et remplace celui signé en 1979, permettra donc de tenir compte de l’extension du régime autonome de protection sociale à ces risques, bien que l’affiliation les concernant demeure, bien sûr, optionnelle.

L’IESUE est une agence qui joue un rôle central dans le développement de la PESC mais aussi dans l’élaboration de la politique européenne de sécurité et de défense. À l’heure où il est plus que jamais primordial pour la France de se montrer attractive pour les travailleurs qualifiés, ce nouvel accord constitue une garantie supplémentaire de l’attractivité de Paris dans le cadre de l’accueil de cet organisme.

C’est donc sans surprise que le groupe Démocrates votera en faveur de ce projet de loi.

M. Alain David (SOC). Votre présentation a eu, monsieur le rapporteur, le mérite de mettre en lumière cette agence autonome de l’Union européenne installée à Paris. Il apparaît doublement légitime de nous pencher sur cet accord afin de tenir compte des évolutions du cadre juridique s’appliquant à l’IESUE et de prendre en considération les besoins spécifiques de ses employés.

Notre discussion peut également être l’occasion de faire le point sur l’attractivité de notre pays pour les institutions internationales. En effet, à l’issue du Brexit, il a été question de la venue en France ou dans d’autres pays de l’Autorité bancaire européenne (ABE) et de l’Agence européenne des médicaments (EMA). La première est désormais bel et bien installée désormais à La Défense et la seconde à Amsterdam, aux Pays-Bas.

En tout état de cause, nous voterons le projet de loi sur la base de cet excellent rapport.

M. Jean-Michel Clément (LT). Monsieur le rapporteur, il fallait le faire : vous l’avez fait, et brillamment ! Notre groupe ne voit, bien évidemment, aucune objection à adopter ce projet de loi qui ne constitue finalement que la régularisation attendue d’une situation.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je dissocierai le rapport, qui est excellent, de l’accord. Je le dis d’emblée, nous voterons ce projet de loi. Reste que, amoureux et défenseur de la sécurité sociale, j’aurais beaucoup aimé que la référence internationale et européenne en la matière soit française.

Je regrette que notre sécurité sociale soit plus longue à réagir que des assurances privées. Les pouvoirs publics français doivent donc prendre le rapport de Christian Hutin en considération, car il plaide pour son amélioration afin qu’elle constitue un des éléments de l’attractivité de notre pays pour des institutions internationales. C’est cela aussi, la France ! Celles qui viennent s’installer en France doivent le faire aussi parce que nous avons une bonne protection sociale et un bon système de santé. Tout cela a bien existé à une époque de notre histoire, mais s’est dégradé. Notre groupe rêve, agit et lutte pour retrouver ces joyaux de notre République.

En attendant, il faut permettre à chacun de se soigner et d’être remboursé, sans avoir à subir ce qui m’est arrivé : ayant un trou de cinq ans entre mes deux mandats de député, il m’a fallu un an pour repasser du système de sécurité sociale de l’Assemblée nationale au régime général de la sécurité sociale et pour faire valoir mes droits ! J’imagine donc ce que cela doit être pour des travailleurs internationaux en contrat court. Il est donc plutôt bien que ce dispositif existe. Malgré ces bémols, notre groupe votera en faveur de l’accord.

M. Christian Hutin, rapporteur. Je remercie Liliana Tanguy d’avoir lu le rapport avec autant de lucidité et d’intelligence, Didier Quentin pour son humilité, Bruno Fuchs pour la qualité de ses analyses teintées de l’esprit critique propre au journalisme, Alain David pour sa fidélité au mouvement socialiste et Jean-Michel Clément pour son habituelle brillante concision.

Je donnerai raison à Jean-Paul Lecoq : j’ai vu des types couverts de contrats de sécurité sociale – j’étais médecin de clubs de foot –, mais à l’inverse, on peut faire face à une carence. Lorsque ma carrière politique prendra fin, dans un an, je ne sais pas ce que sera ma couverture sociale et je n’aurai peut-être d’autre solution que de devenir l’ayant droit de ma femme – qui m’aime encore, fort heureusement. Prendre des responsabilités politiques, sans garantie de protection, peut représenter une difficulté. Heureusement, j’ai pu bénéficier de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale lorsque je suis tombé gravement malade. Sans doute faudrait-il veiller à ce que les organismes spécifiques accélèrent les procédures d’ouverture des droits. Ce rapport pourra témoigner que nous sommes un poil en retard par rapport à d’autres organismes privés.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le problème ne se situe pas entre le système public et les assurances privées, monsieur Lecoq, il se pose lorsqu’il s’agit d’affilier des personnes expatriées. Si l’organisme en question a dû bâtir un système, c’est parce qu’il devait gérer les droits de personnes provenant de plusieurs États ; les systèmes publics, en France et ailleurs, ne sont pas familiarisés avec ce type de gestion. Cet accord constitue donc une réponse pragmatique à une situation réelle ; il n’y a pas de dimension idéologique dans le choix qui vous est proposé, mais simplement la nécessité de faire face.

L’attractivité de la place de Paris n’est pas un argument idiot : les personnes doivent pouvoir s’installer en France pour y travailler en toute sérénité, sans risquer de se trouver dans une situation précaire.

 

La commission adopte l’article unique du projet de loi sans modification.

 

 


  1  

   ANNEXE N° 1

   TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères

 

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne, signé à Paris les 7 et 10 janvier 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 


([1]) Décision (PESC) 2016/1182 du Conseil du 18 juillet 2016 concernant le règlement du personnel de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne .

([2]) Action commune du Conseil du 20 juillet 2001 relative à la création d’un institut d’études de sécurité de l’Union européenne (2001/554/PESC).

([3]) Décision 2014/75/PESC du Conseil du 10 février 2014 relative à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne.

([4]) Décision (PESC) 2016/1182 du Conseil du 18 juillet 2016 concernant le règlement du personnel de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne .