Logo2003modif

N° 4499

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, adoptée par le Sénat, visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance
entre ses acteurs,

 

 

 

 

 

Par Mme Géraldine BANNIER,

 

 

Députée.

 

——

 

 

Voir les numéros :

 Sénat :  252, 662, 663 et T.A. 121 (2020‑2021).

 Assemblée nationale :  4229.


 


  1  

SOMMAIRE

___

 Pages

avant-propos

synthÈse

I. prÉsentation des dispositions de la proposition de loi, modifiÉe par le sÉnat

A. adapter la loi sur le prix unique du livre aux pratiques du monde numÉrique

B. permettre aux communes de subventionner leurs librairies

C. assurer une meilleure protection des auteurs face aux autres acteurs de la filière

D. renforcer l’effectivitÉ de la collecte rÉalisÉe au titre du dÉpÔt légal numÉrique

II. principales modifications apportÉes par la commission

commentaires des articles

Article 1er Diverses modifications relatives au prix unique du livre

Article 2 Attribution de subventions aux petites et moyennes librairies indépendantes

Article 3 Encadrement des pratiques contractuelles dans l’édition littéraire et musicale

Article 4 Conciliation préalable devant le Médiateur du livre

Article 5 Réforme du dépôt légal numérique

Article 6 (supprimé) Gage

Travaux de la commission

I. Discussion gÉnÉrale

II. examen des articles

annexe 1 : Liste des personnes entendues par la rapporteure

Annexe 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi


—  1  —

   avant-propos

 

La loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, quarante après son adoption, a su conserver toute sa pertinence, tout en bénéficiant d’adaptations nécessaires, à la marge au fil du temps. Elle a largement contribué à ancrer l’idée selon laquelle le livre ne saurait être considéré comme un bien de consommation comme un autre, mais qu’il est au contraire « un bien culturel issu de la création de l’esprit, une promesse de lecture que l’on prête, que l’on offre, que l’on conseille ; un objet que l’on emporte partout et qui vous emporte souvent bien au-delà de ce qu’on imaginait avant de l’ouvrir ; un sujet de débat, d’émotions et de rêve » ([1]).

Elle semble avoir atteint, pendant plusieurs décennies, les objectifs qui lui avaient été assignés en 1981 : assurer l’égalité des citoyens devant le livre, vendu au même prix sur tout le territoire ; maintenir un réseau dense de détaillants, notamment dans les zones les plus éloignées des centres urbains ; soutenir le pluralisme de la création et l’édition, pour un soutien aux librairies indépendantes plus à même de favoriser l’achat de livres jugés plus difficiles.

De fait, la France bénéficie aujourd’hui de la plus grande densité de commerces de vente au détail de livres au monde, avec 20 000 points de vente physiques sur le territoire français, qui sont de nature assez diverse : les librairies indépendantes, au nombre de 3 500 environ ; les grandes surfaces culturelles telles que la FNAC ou Cultura, qui comptent plusieurs centaines d’implantations en France ([2]) ; les grandes surfaces non spécialisées, notamment les hypermarchés ainsi que les lieux de vente dédiés qui peuvent leur être rattachés, comme les Espaces culturels Leclerc, aujourd’hui au nombre de 225 ; les maisons de la presse, librairies-papeteries, kiosques, clubs, etc. La production éditoriale est, quant à elle, intense, et ce sont ainsi, en moyenne sur les deux dernières années, environ 100 000 titres qui sont publiés par an, dont un peu moins de 40 % de nouveautés ([3]).

Toutefois, le législateur a été contraint d’intervenir en 2014 ([4]) , alors que la vente en ligne représentait déjà une part non négligeable du marché et que certains de ses acteurs se livraient à une concurrence déloyale vis-à-vis des commerces physiques, en proposant à la fois la décote légale de 5 % sur le prix du livre et la gratuité de ses frais de port. Il s’agissait alors de préserver l’activité des libraires en leur permettant de se positionner face à Amazon sur le marché de la vente en ligne ([5]). Une double mesure frappant l’expédition de livres a donc été adoptée à l’issue des débats : d’une part, l’interdiction de pratiquer la décote de 5 % ; d’autre part, l’interdiction de la gratuité des frais de port. Le législateur n’était toutefois pas naïf quant à la portée de cette dernière disposition, d’ordre avant tout symbolique et psychologique.  

Force est de constater que la loi du 8 juillet 2014 précitée, encadrant les conditions de la vente à distance des livres, a eu un impact modéré sur les pratiques des acheteurs et n’a pas endigué la progression du marché en ligne des livres neufs. Elle s’établissait, en 2019, à 21 % ([6]) et s’est vraisemblablement accélérée en 2020 du fait des contraintes posées par la crise sanitaire. Elle n’a pas non plus entamé la position de premier plan du géant américain, dont on estime qu’il dispose aujourd’hui de 50 % des parts de marché du livre en ligne.

Aux dires de certains, la situation actuelle serait finalement analogue à celle dans laquelle se trouvaient les libraires indépendants en 1981 : la vente en ligne, comme l’achat en grandes surfaces dans les années 1970, serait en passe de devenir le modèle commercial dominant et ses acteurs se livreraient à des pratiques agressives comparables à celle des grandes surfaces culturelles et des hypermarchés d’alors en matière de prix, éclipsant de facto les librairies indépendantes. Ces similitudes plaideraient donc en faveur d’une mesure semblable de report de la concurrence sur d’autres éléments que le prix, afin de permettre aux librairies indépendantes de jouer à armes égales avec les plus grands détaillants. C’est précisément l’objet de l’article 1er de la présente proposition de loi, qui vise à instaurer un tarif plancher pour la livraison des livres neufs, auquel seraient donc assujettis l’ensemble des vendeurs en ligne.

*

Il importe, afin d’évaluer l’impact des dispositions de la présente proposition de loi, de rendre compte des dernières données disponibles tant pour ce qui relève de la filière économique du livre que des pratiques de lecture de nos concitoyens.

Il s’est vendu en France, en 2020, 422 millions de livres – dont 107 millions de livres au format poche. Ils représentent pour leurs éditeurs un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros ([7]). La littérature, en 2020, occupe le premier segment du marché en valeur, avec 585 millions d’euros de chiffre d’affaires, devant le livre scolaire, les livres de sciences humaines et sociales, les ouvrages jeunesse et bande dessinée, et les livres pratiques ([8]).

La vente par internet représentait, en 2019, 21 % des lieux d’achat de livres neufs hors livres scolaires ([9]). Elle tend, depuis plusieurs années, à croître, comme les ventes en grandes surfaces culturelles, au détriment des ventes en grandes surfaces alimentaires mais également de la vente par correspondance hors internet, notamment opérée par les clubs. Par ailleurs, d’après les informations recueillies par la rapporteure, les commandes rassemblant plusieurs titres seraient aujourd’hui, dans les faits, relativement rares.

Source : baromètre multi-clients Achats de livres Kantar pour MC/DGMIC.

Le marché de l’édition numérique représente, en 2020, un chiffre d’affaires de 263 millions d’euros, en progression de 13,5 % par rapport à 2019, notamment du fait des périodes de confinement qui ont émaillé l’année. Plus de 408 000 ouvrages sont ainsi disponibles en version numérique, contre 810 000 références pour le marché physique ([10]). Les livres professionnels et universitaires constituent toutefois l’essentiel du marché de l’édition numérique, avec deux tiers de son chiffre d’affaires, tandis que la littérature représente seulement 12,5 % de ce marché.

S’agissant des pratiques de lecture des Français, le baromètre publié chaque année par le Centre national du livre ([11]), fondé sur une enquête auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 personnes de plus quinze ans, fournit plusieurs informations éclairantes. En premier lieu, il apparaît que 87 % des Français interrogés ont lu au moins un livre au cours des douze derniers mois, en dehors des livres professionnels et des livres lus aux enfants. Ils déclarent lire principalement des romans, des livres pratiques et des livres relatifs à l’Histoire.

Par ailleurs, 63 % des personnes interrogées recourent exclusivement aux livres papier, tandis que 3 % seulement lisent exclusivement des livres numériques ; 20 % ont une pratique mixte, mais recourent cependant majoritairement au livre papier. En outre, 22 % des lecteurs de livres au format papier entrent dans la catégorie des « grands lecteurs » et déclarent lire plus de 20 livres par an : souvent diplômés de l’enseignement supérieur, ces grands lecteurs sont en majorité des femmes et, en nombre, des retraités.

En ce qui concerne les lieux d’achat de livres, 77 % des acheteurs déclarent se procurer des livres neufs en librairie. Les 23 % restants n’y recourent pas, principalement faute de librairie à proximité. À l’inverse, comme cela a été indiqué à la rapporteure, il semblerait que la proximité d’une librairie physique n’empêche pas la commande massive de livres en ligne ; c’est probablement liée à l’étendue du stock des vendeurs en ligne comme à la praticité de l’acte d’achat sur internet. Par ailleurs, dans 27 % des cas, les personnes interrogées n’achètent pas en librairie car elles pensent que le prix des livres en librairie est plus élevé qu’ailleurs, idée reçue qui a d’ailleurs été confirmée lors des auditions menées par la rapporteure.

S’il ressort de ces données que l’attachement des Français au livre et à la librairie est fort, cette dernière statistique inquiète sur la capacité de la loi sur le prix unique à atteindre son public, l’efficacité de la principale disposition reposant essentiellement sur sa connaissance par les Français. Une campagne de communication importante, telle que celle lancée à l’été par le Syndicat de la librairie française (cf. infra), apparaît dès lors comme une mesure complémentaire indispensable à toute évolution législative.

extraits de la campagne de communication du syndicat de la librairie française (juillet 2021)

campagne-prix-unique-livre-librairie-loi-lang-60dd81e449929411069633

*

Si la présente proposition de loi comporte plusieurs dispositions d’importance, il apparaît que la plus discutée à ce jour est celle relative à l’instauration d’un prix plancher pour la livraison des livres ; elle vise à mettre un terme à la situation concurrentielle défavorable dans laquelle se trouvent les librairies indépendantes, notamment les plus petites d’entre elles, et à leur permettre de répondre à la demande sociétale d’achats en ligne sans renoncer totalement à leurs marges.

Plusieurs personnes entendues par la rapporteure ont fait état de l’incapacité du législateur à évaluer avec certitude l’impact d’une telle mesure. Le renchérissement mécanique du prix du livre vendu à distance peut en effet avoir plusieurs effets sur le lecteur-consommateur, qui ne sauraient être correctement anticipés aujourd’hui :

        Un report des achats de livres en ligne vers les détaillants physiques, tous réseaux confondus, ceux pratiquant une décote ou disposant d’un stock important permettant une mise à disposition rapide des ouvrages ayant probablement une plus grande capacité à « capter » ces achats ; en zone urbaine, les librairies indépendantes pourraient bénéficier de ce report, comme les grandes surfaces alimentaires en zone rurale ;

        Un regroupement des achats de livres en ligne, afin d’amortir les frais de port ou de profiter d’une éventuelle gratuité au-delà d’un certain montant de commande ([12])  ;

        Un report sur le livre numérique, probablement marginal mais néanmoins possible, compte tenu de la progression que ce marché a connue pendant la crise sanitaire, notamment sur le segment du livre scolaire (cf. supra) ;

        Un report sur le livre d’occasion, qui ne serait pas concerné par la mesure et pourrait éventuellement continuer à bénéficier de tarifs de livraison inférieurs ;

        Une baisse des ventes en ligne sans report – entraînant une perte sèche pour l’ensemble de la filière –, du fait d’un renchérissement du prix du livre, qui pourrait apparaître démesuré s’agissant notamment d’une commande de livres de poche et ainsi freiner les achats non strictement nécessaires ;

        Un report du budget des ménages vers d’autres biens culturels ou d’autres loisirs et une accentuation de la polarisation du marché sur les grands lecteurs.

Si les effets de la proposition de loi sur le lecteur-consommateur sont difficiles à anticiper et dépendront vraisemblablement du tarif minimum déterminé par les pouvoirs publics, il n’est pas plus aisé d’évaluer l’impact de cette disposition sur le comportement des vendeurs. Toutes choses égales par ailleurs, chacun des acteurs de la vente du livre en ligne verra son chiffre d’affaires mécaniquement amélioré – y compris, donc, Amazon – puisque chaque envoi sera générateur d’un surplus qui n’existe pas aujourd’hui.

Dans un scenario optimiste, certaines librairies de taille moyenne parviendront à s’aligner sur ce tarif minimum et pourront ainsi devenir aussi compétitives que les entreprises qui pratiquent aujourd’hui la quasi-gratuité. Pour gagner des parts de marché, il leur sera toutefois nécessaire, en parallèle, d’agir sur d’autres leviers : l’organisation du réseau, la praticité des outils de commande, leur visibilité, la disponibilité des titres en « cliqué-retiré », la rapidité et la qualité de la livraison, la prescription en ligne via les réseaux sociaux notamment, etc.

Au final, comme l’ont indiqué certaines personnes entendues par la rapporteure, l’adoption d’une telle disposition relève d’un véritable « pari ». Cette incertitude consubstantielle au dispositif appelle probablement à une transcription législative de la recommandation du Conseil d’État tendant à recourir à l’expertise préalable de l’Autorité de la concurrence pour fixer ledit tarif et à prévoir « une évaluation ex post des impacts de la mesure en vue de son réexamen » ([13]).

*

Pour conclure, la présente proposition de loi a pour premier mérite de rappeler l’importance cruciale du sujet livre au cœur de notre société ; le voici à nouveau mis en lumière au sein de notre Assemblée, aux côtés de ceux qui le font : auteurs, éditeurs, libraires... De ceux qui en conservent les traces. L’objectif premier en est clair et consensuel : mettre fin à une distorsion de concurrence qui ne favorise pas le maintien d’un réseau de détaillants importants dans un contexte de développement et d’attrait de la vente en ligne. Le dispositif central devra toutefois clairement être appréhendé dans son efficacité. Le « pari » ainsi fait méritera, en tout état de cause, d’être toujours accompagné d’une recherche active, par tous les acteurs possibles, d’un accroissement toujours mesurable du nombre de lecteurs, parfois loin du livre, tant le livre est un bien inestimable, un trésor pour tous ceux qu’il peut un jour toucher.

 

 


—  1  —

   synthÈse

 

I.   prÉsentation des dispositions de la proposition de loi, modifiÉe par le sÉnat

La présente proposition de loi, déposée par Mme la sénatrice Laure Darcos en décembre 2020, a été adoptée par le Sénat le 8 juin dernier, dans le cadre d’une procédure accélérée. Elle comporte de nombreuses dispositions indispensables à l’adaptation au monde numérique de la régulation du secteur du livre.

A.   adapter la loi sur le prix unique du livre aux pratiques du monde numÉrique

L’article 1er de la présente proposition de loi comporte plusieurs mesures relatives au prix unique du livre. Tout d’abord, il vise à instaurer un tarif minimum applicable à la livraison de livres afin de réduire l’écart concurrentiel dont pâtissent aujourd’hui les librairies indépendantes vis-à-vis des détaillants plus importants qui dominent le marché de la vente en ligne.

Par ailleurs, l’article 1er tend à assurer une distinction plus nette entre le prix des livres neufs et celui des livres d’occasion, certaines places de marché s’attachant aujourd’hui à cultiver l’ambiguïté autour du prix unique du livre. Ainsi, l’affichage du prix des livres ne pourra pas laisser penser au public qu’un livre neuf peut être vendu à un prix inférieur à celui fixé par l’éditeur.

Ce même article vise également à encadrer les soldes directement organisés par les éditeurs et qui ont parfois pu prendre, grâce à la vente en ligne, une dimension problématique : il serait ainsi interdit aux éditeurs ayant une activité de détaillants de solder leurs propres ouvrages, les éditeurs gardant toujours la possibilité de baisser, pour l’ensemble de leur réseau, le prix des livres en question.

B.   permettre aux communes de subventionner leurs librairies

L’article 2 de la présente proposition de loi tend à permettre aux communes et à leurs groupements de verser des subventions aux petites et moyennes librairies indépendantes de leur territoire. Cette disposition, qui apparaît comme une demande forte des élus locaux, constitue un complément utile par rapport aux dispositifs fiscaux et budgétaires existants : il serait ainsi possible de gérer au cas par cas les situations particulières qui peuvent se présenter, sur chaque territoire, et de financer, au-delà du seul l’investissement, le fonctionnement de ces structures, indispensables à la diversité culturelle et à l’égalité d’accès à la culture.

C.   assurer une meilleure protection des auteurs face aux autres acteurs de la filière

L’article 3 de la présente proposition de loi assure une meilleure protection des auteurs dans le cadre des cessations d’activité, volontaires ou judiciaires, des maisons d’édition. Les auteurs seraient ainsi mieux informés de l’état des stocks à la date de la cessation, ainsi que des droits d’auteur restant dus.

Par ailleurs, l’article 3 permet l’extension à toute la filière d’un accord conclu en 2017, entre les représentants des auteurs et le Syndicat national de l’édition. Il encadre de fait deux pratiques contractuelles défavorables aux auteurs : la provision pour retours d’exemplaires invendus et la compensation des droits d’auteur dus entre plusieurs titres du même auteur.

L’article 4 de la présente proposition de loi permet aux auteurs et à leurs organisations de saisir le Médiateur du livre de toute question relevant de son champ de compétences, à savoir les litiges relatifs au prix unique du livre.

D.   renforcer l’effectivitÉ de la collecte rÉalisÉe au titre du dÉpÔt légal numÉrique

L’article 5 de la présente proposition de loi vise à donner plus d’effectivité aux obligations relatives au dépôt légal numérique.

En effet, les organismes dépositaires que sont le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et la Bibliothèque nationale de France (BnF) se sont heurtés, au fur et à mesure du développement des services en ligne, à divers obstacles techniques, tels que limitations d’accès et dispositifs de protection, relatifs à ces services, qui ont empêché la collecte de nombreuses œuvres.

L’article 5 modifie la procédure de dépôt légal numérique. Il prévoit que, lorsque les éléments soumis au dépôt légal ne sont pas librement accessibles aux organismes dépositaires, les personnes soumises à cette obligation devront les leur remettre, et ce dans un format dépourvu de toute protection.

II.   principales modifications apportÉes par la commission

À l’article 1er, la commission a adopté deux amendements identiques des groupes Mouvement démocrate et apparentés et La République en Marche demandant au Gouvernement la remise au Parlement, deux ans après l’entrée en vigueur du tarif minimum applicable à la livraison de livres, d’une évaluation des effets de la mesure sur le marché du livre, le réseau des détaillants de livres et l’accès du public à l’achat de livres.

Au même article, la commission a adopté un amendement de la rapporteure permettant aux détaillants de proposer la livraison au sein d’un commerce de vente au détail de livres à titre gratuit.

Au même article, la commission a adopté deux amendements de la rapporteure visant à faire figurer, au sein des lois du 10 août 1981 relative au prix du livre et du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, la mission de conciliation du Médiateur du livre.

À l’article 3, la commission a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant, pour la conclusion d’une convention entre l’éditeur et l’auteur relative à la compensation intertitres, l’accord formellement exprimé de ce dernier.


—  1  —

   commentaires des articles

Article 1er
Diverses modifications relatives au prix unique du livre

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article apporte plusieurs modifications à la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre. Il prévoit, d’une part, l’instauration d’un tarif minimum applicable à la livraison à domicile de livres neufs. Il vise, d’autre part, à assurer une distinction plus claire, lors de la vente, entre les ouvrages neufs et d’occasion. Enfin, il interdit aux éditeurs de pratiquer des soldes sur leurs propres ouvrages, lorsqu’ils agissent en qualité de détaillant.

I.   le droit existant

La loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre encadre depuis quarante ans la fixation du prix des livres neufs vendus en France. Ainsi, en application de l’article 1er de la loi précitée, tout éditeur ou importateur de livres est tenu de fixer le prix de vente de l’ouvrage au public, et leurs détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente compris entre 95 % et 100 % du tarif déterminé par l’éditeur. Des dispositions homothétiques ont été prises s’agissant des livres numériques par la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

Les exceptions au prix unique du livre

Le prix unique du livre ne concerne que les livres neufs. Aussi les livres d’occasion, définis comme ceux ayant déjà été vendus une première fois à une personne physique ou à une personne morale hors détaillants, peuvent faire l’objet d’un prix différent, généralement inférieur, mais parfois supérieur en cas de rareté.

Par ailleurs, en application de l’article 5 de la loi de 1981 précitée, les livres édités ou importés depuis plus de deux ans, et n’ayant pas fait l’objet d’un réapprovisionnement au cours des six derniers mois, peuvent être vendus à un prix inférieur par leur détaillant.

Certains acheteurs peuvent en outre bénéficier sur les livres neufs d’une décote supérieure, allant jusqu’à 9 % du prix fixé par l’éditeur. C’est le cas, en application de l’article 3 de la loi de 1981 précitée, de l’État, des collectivités, des établissements d’enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, des bibliothèques, des syndicats représentatifs et des comités d’entreprise.

Par ailleurs, la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition a encadré la possibilité de pratiquer une telle décote en cas de vente en ligne d’un livre neuf.

En effet, comme l’indique le rapport d’information de nos collègues Yannick Kerlogot et Michel Larive évaluant ladite loi ([14]), « les libraires indépendants, jusqu’ici préservés grâce à la loi Lang, ont dû faire face à la concurrence de nouveaux acteurs qui se sont implantés en France dans le courant des années 2000, notamment le pure player Amazon. Tant les libraires indépendants que les grands groupes français, essentiellement la Fnac, se sont alors plaints de la concurrence de ce nouvel acteur du marché qui pouvait se fonder sur sa plus grande solidité financière – adossée à son système d’optimisation fiscale – pour offrir aux internautes un double avantage : la décote de 5 % sur le prix des livres, autorisée par la loi Lang, et la gratuité des frais de port. »

L’alinéa 4 de l’article 1er de la loi de 1981 précitée fixe ainsi, depuis 2014, deux principes :

 l’interdiction de pratiquer une décote sur le prix du livre vendu à distance, sauf en cas de retrait en librairie,

 et l’interdiction de proposer la livraison à titre gratuit à l’acheteur ([15]).

Une exception est toutefois ménagée par la disposition selon laquelle « le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit ». Ainsi, la décote ne s’impute pas sur le prix du livre, mais sur le tarif de la livraison ce qui, pour l’acheteur, est toutefois transparent. En conséquence, le détaillant peut aujourd’hui fixer librement le tarif du service de livraison offert à l’acheteur, dès lors qu’il est supérieur à zéro euro.

 

Article 1er de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre en vigueur depuis le 10 juillet 2014

« Toute personne physique ou morale qui édite ou importe des livres est tenue de fixer, pour les livres qu’elle édite ou importe, un prix de vente au public.

« Ce prix est porté à la connaissance du public. Un décret précisera, notamment, les conditions dans lesquelles il sera indiqué sur le livre et déterminera également les obligations de l’éditeur ou de l’importateur en ce qui concerne les mentions permettant l’identification du livre et le calcul des délais prévus par la présente loi.

« Tout détaillant doit offrir le service gratuit de commande à l’unité. Toutefois, et dans ce seul cas, le détaillant peut ajouter au prix effectif de vente au public qu’il pratique les frais ou rémunérations correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par l’acheteur et dont le coût a fait l’objet d’un accord préalable.

« Les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l’éditeur ou l’importateur. Lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur. Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit, sans pouvoir offrir ce service à titre gratuit.

« Dans le cas où l’importation concerne des livres édités en France, le prix de vente au public fixé par l’importateur est au moins égal à celui qui a été fixé par l’éditeur.

« Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables aux livres importés en provenance d’un État membre de la Communauté économique européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, sauf si des éléments objectifs, notamment l’absence de commercialisation effective dans cet État, établissent que l’opération a eu pour objet de soustraire la vente au public aux dispositions du quatrième alinéa du présent article. »

Les commerces en ligne ont donc renoncé à la décote de 5 % au profit de frais de port fixés, pour Amazon, à un centime d’euro, l’abonnement à son service Prime permettant de les ramener à zéro ([16]). La FNAC, quant à elle, fixe ses tarifs à 1,99 euro pour les commandes de moins de 10 euros, et à un centime également pour les commandes supérieures à ce montant ; l’adhésion à son programme de fidélité permet toutefois de bénéficier de frais de port gratuits, et l’acheteur bénéficie tout de même, en magasin, d’une décote de 5 %. Pour d’autres détaillants, comme Gibert, la livraison est à un centime au-delà de 25 euros d’achats. Les plus grandes librairies indépendantes proposent également ce type de tarifs. La librairie Mollat, à Bordeaux, facture par exemple deux euros de frais de port jusqu’à 20 euros d’achats, puis un centime au-delà. À l’inverse, les librairies indépendantes de taille moins importante ne peuvent offrir de tels tarifs de livraison et sont contraintes de répercuter entièrement ou presque le tarif de l’opérateur postal.

tarifs proposés pour l’achat en ligne de l’anomalie d’Hervé le tellier*

Détaillant

Mode de livraison

Prix total payé par l’acheteur

Amazon

À domicile

20,01 euros

FNAC, Leclerc, Mollat

À domicile

20,01 euros

Retrait en magasin

19 euros

Cultura

À domicile

24,99 euros

Retrait en magasin

20 euros

Leslibraires.fr

À domicile

27,90 euros

Retrait en librairie

20 euros

Lalibrairie.com

À domicile

25 euros

Retrait en librairie

20 euros

* Tarifs constatés au 15 juillet 2021.

Le bilan de l’application de la loi de 2014 précitée est donc mitigé. D’un côté, son objectif peut être considéré comme atteint en ce que l’acheteur a toujours intérêt à se rendre dans un point de vente physique où, même sans décote, il s’acquittera d’un montant obligatoirement moins élevé, fût-il d’un centime. Elle aurait également eu l’effet psychologique escompté, en incitant certains lecteurs à adopter un mode de consommation « militant », et aurait également contribué à donner une plus grande visibilité à l’offre internet des librairies indépendantes ainsi qu’à développer leurs services de « cliqué-retiré » ([17]).

De l’autre, ces dispositions ont pu fournir un argument de vente supplémentaire aux principaux acteurs de la vente en ligne. En effet, comme l’indiquent MM. Yannick Kerlogot et Michel Larive dans le rapport d’information précité, « les consommateurs n’ont le plus souvent pas perçu de différence de prix après l’adoption de loi – la suppression de la décote est invisible sur les sites internet –, tandis qu’une facturation des frais de port à " seulement " un centime d’euro peut donner l’impression à l’internaute, alors même que ce centime constitue une augmentation du prix, qu’il réalise " une bonne affaire " en raison d’un montant dérisoire, par définition bien moindre que le coût réel pour l’entreprise. » ([18])

Au final, si la loi a constitué une étape indispensable, en opérant une distinction claire entre la vente en ligne et la vente physique dans l’esprit des consommateurs, les librairies physiques, notamment indépendantes, demeurent placées dans une situation concurrentielle très défavorable, les plus petites d’entre elles n’étant pas en capacité de tirer profit de la loi en proposant à leurs clients la décote de 5 % sur les achats ou retraits en librairie. Aussi une évolution législative apparaît‑elle nécessaire pour aller au bout de la démarche législative débutée en 2014.

II.   les dispositions de la proposition de loi, modifiÉe par le sÉnat

L’article 1er de la présente proposition de loi apporte plusieurs modifications importantes à la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre.

1.   La facturation de la livraison selon un tarif minimum fixé par les pouvoirs publics

Le 1° du I du présent article apporte deux modifications à la fixation du prix des services de livraison proposés par les détaillants.

D’une part, il précise, dans la version adoptée par le Sénat, que l’interdiction de gratuité vaut « directement ou indirectement » : ainsi, il est mis fin à la gratuité des frais de port, notamment celle possiblement liées à des offres de fidélisation des détaillants et aux commandes multi-produits.

D’autre part, il prévoit la fixation, par un arrêté des ministres chargés de la culture et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), d’un tarif minimal pour ce type de prestations.

Ce tarif serait fixé sur la base de deux critères :

– d’une part, les prix proposés par les prestataires de services postaux, prix qui sont toutefois très différents selon que le client du prestataire de service postal est une entreprise multinationale ou un libraire indépendant ([19]) et auxquels l’ARCEP n’aura pas nécessairement accès ([20])  ;

– d’autre part, « l’impératif de maintien sur le territoire d’un réseau dense de détaillants », qui doit a priori conduire à fixer un tarif suffisamment élevé pour permettre aux libraires de vendre également en ligne ou pour favoriser les pratiques de « cliqué-retiré ».

Le Conseil d’État, dans son avis, a toutefois mis en garde les autorités chargées de déterminer ce tarif contre une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre et le « risque de désincitation à la recherche de l’efficacité et d’atteinte à l’intérêt du consommateur que comporterait la fixation d’un tarif trop élevé » ([21]).

En tout état de cause, les tarifs de livraison seraient donc librement fixés par le détaillant, sous réserve qu’ils soient supérieurs à ce minimum règlementaire, aucune décote n’étant permise.

Enfin, le II du présent article prévoit, suivant les recommandations du Conseil d’État, une entrée en vigueur ces dispositions différée de six mois à compter de la publication de l’arrêté fixant ce tarif.

2.   La distinction claire du prix des livres neufs et des livres d’occasion

En 2015, quelques mois après l’adoption de la loi de 2014 précitée, le Médiateur du livre fut saisi, par les organisations professionnelles de la filière du livre, du sujet des pratiques de certaines « places de marché » : la présentation des offres de livres neufs et d’occasion pouvait laisser croire à l’acheteur qu’il était possible d’acheter un livre neuf à un prix inférieur à celui fixé par l’éditeur.

À l’issue d’une longue concertation, une Charte sur le prix unique du livre fut signée le 27 juin 2017, sous l’égide du Médiateur du livre, par les principaux acteurs de la filière (cf. infra). Elle avait notamment pour objet d’assurer, à l’issue d’une nouvelle négociation interprofessionnelle, une distinction plus claire entre le prix unique applicable aux livres neufs et le prix des livres d’occasion.

La Charte sur le prix unique du livre

La Charte signée le 27 juin 2017 par le Syndicat national de l’édition, le Syndicat de la librairie française, le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels et cinq grandes places de marché en ligne (Amazon, Cdiscount, FNAC, Leslibraires.fr et Priceminister), ainsi que deux détaillants vendant à la fois des livres neufs et d’occasion (Chapitre et Gibert), comportait les engagements suivants :

– Engagement n° 1 : instauration par les plateformes d’un mécanisme de prévention ou de notification automatisée des infractions, par exemple par un système de fixation automatisée du prix, de blocage des offres non conformes ou de notification automatisée au vendeur contrevenant ;

– Engagement n° 2 : mise en place d’une procédure simplifiée de signalement des offres non conformes par les organisations professionnelles et communication à ces mêmes organisations, dans des délais brefs, des informations détenues par les plateformes permettant l’identification des vendeurs professionnels contrevenant à la loi ;

– Engagement n° 3 : suspension des comptes des vendeurs récidivistes dans un délai maximal de trois mois ;

– Engagement n° 4 : distinction claire de l’affichage des offres de livres neufs et d’occasion, sur le site internet ([22]) des détaillants et dans les lieux de présentation en magasin ; indication de la mention « occasion » quel que soit l’emplacement de l’offre ; caractère non équivoque de l’affichage du prix, qui ne doit pas laisser penser qu’un livre neuf peut être vendu à un prix différent du prix fixé par l’éditeur ; interdiction faite aux vendeurs tiers de vendre des livres neufs dans la catégorie des livres d’occasion ;

– Engagement n° 5 : interdiction aux vendeurs tiers de qualifier un livre d’occasion de livre neuf ; toutefois, les mentions « livre d’occasion – comme neuf » sont autorisées.

Aucun accord n’ayant pu être trouvé entre les signataires sur ce point, le Médiateur du livre a lancé une concertation en janvier 2018, dont il ressort que seule une intervention législative est à même d’assurer la mise en œuvre de l’engagement pris dans le cadre de la Charte ([23]).

La rapporteure a pu constater que la distinction entre livres neufs et livres d’occasion n’était pas toujours assurée par les sites de vente en ligne, notamment en raison de la présentation des offres issues des places de marché (cf. encadré infra).

Ainsi, sur Amazon.fr, si le prix unique du livre neuf vendu par l’entreprise apparaît clairement, les mentions relatives aux offres de tiers entretiennent la confusion, puisqu’est indiqué le prix le plus bas pratiqué par des vendeurs tiers – en occasion, donc inférieur au prix fixé par l’éditeur pour le livre neuf – assorti de l’indication commune « offres de produits d’occasion et neufs ». Sur d’autres sites, comme Leslibraires.fr, il règne une confusion plus grande encore ; les livres d’occasion ne sont pas systématiquement signalés comme tels sur la page de recherche.

Sur le site internet du détaillant Gibert, s’il est indiqué que le prix réduit correspond à un livre d’occasion, la présentation d’un prix neuf barré entretient la confusion, en distillant l’idée de pseudo-soldes sur le prix des livres d’occasion… Sur Rakuten.com, la page de recherche opère une distinction claire entre le prix du livre neuf et celui du prix d’occasion, mais la page du livre met d’abord en avant les offres d’occasion, assorties d’un prix barré et de la mention « occasion – comme neuf », favorisant ainsi le marché de l’occasion au détriment du marché du neuf.

Si d’autres détaillants, comme la FNAC ou Chapitre, opèrent une distinction tout à fait claire entre le prix des livres neufs et d’occasion, il apparaît de fait nécessaire de pallier l’échec des négociations dans ce domaine par la voie législative.

 


PRÉSENTATION DES OFFRES EN LIGNE DE L’ANOMALIE, D’HERVÉ LE TELLIER (GALLIMARD), SUR AMAZON.FR, LESLIBRAIRES.FR, GIBERT.FR ET rakuten.com

Captures d’écran réalisées les 19 juillet 2021 et 13 septembre 2021.


—  1  —

C’est pourquoi le 2° du I du présent article prévoit que les personnes qui vendent à la fois des livres neufs et d’occasion sont tenues de distinguer à tout moment et quel que soit le mode de consultation le prix des livres neufs et des livres d’occasion. Cette obligation serait également applicable aux personnes qui fournissent les infrastructures, physiques ou numériques, permettant la vente de ces deux types de produits. En tout état de cause, l’affichage des prix ne devra pas laisser penser au public qu’un livre neuf peut être vendu à un prix différent de celui qui a été fixé par l’éditeur ou l’importateur.

C’est ainsi une double obligation, de moyens et de résultats, qui est mise à la charge des détaillants et qu’un décret devra préciser. Celui-ci devrait, en tout état de cause, conduire à encadrer plus fermement la pratique des prix barrés et prohiber la mention « comme neuf », à laquelle peut aisément être substituée d’autres termes non équivoques, tels que « en parfait état ».

Le III du présent article, suivant la recommandation du Conseil d’État, prévoit pour cette disposition une entrée en vigueur différée de six mois à compter de la publication dudit décret.

3.   L’interdiction de soldes faite aux éditeurs dans leurs activités de détaillants

L’article 5 de la loi du 10 août 1981 précitée prévoit une exception notable au prix unique du livre. Au-delà des livres d’occasion, les livres neufs peuvent aussi faire l’objet d’un prix inférieur à celui fixé par l’éditeur. En effet, les détaillants peuvent pratiquer des soldes sur les livres neufs édités ou importés il y a plus de deux ans, et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois.

Saisi par le Syndicat de la librairie française, le Médiateur du livre a estimé, dans une recommandation de 2016, que l’article 5 précité était applicable aux éditeurs dans leurs activités de détaillants de leurs propres ouvrages, à la condition que leurs stocks soient distincts, « l’un affecté à son activité d’éditeur, destiné à fournir les détaillants, et le second destiné à sa propre activité de vente de livres aux particuliers » ([24]). En effet, dans le cas contraire, l’éditeur ne saurait répondre à la seconde condition exigée par l’article 5 relative à la date du dernier réapprovisionnement.

Comme le rappelle le Médiateur du livre dans sa recommandation, les éditeurs procédant à des ventes directes disposent de plusieurs moyens pour solder leurs stocks. Ils peuvent en particulier retirer du circuit de la vente au détail l’ouvrage qu’ils souhaitent liquider, en modifier le prix à la baisse pour l’ensemble des détaillants ou encore réaliser des ventes à prime – permettant par exemple d’offrir un livre pour l’achat d’un autre – dans l’ensemble des points de vente. La possibilité aujourd’hui laissée par l’article 5 de la loi précitée de réaliser des soldes partiels n’apparaît donc pas indispensable à l’écoulement des stocks des éditeurs.

Du reste, les représentants des libraires et des auteurs ont estimé, comme le rapporte le Médiateur du livre dans son rapport d’activité pour 2017-2018, que « cette pratique [était] de nature à provoquer des déséquilibres au sein de la chaîne du livre, notamment à la faveur du développement des "ventes privées" en ligne. » ([25]) En effet, l’éditeur peut alors solder son propre stock tandis que ses ouvrages demeurent potentiellement vendus au prix fort par ses détaillants, les livrant ainsi à une concurrence que d’aucuns jugent déloyale. De surcroît, il apparaît difficile, dans les faits, de s’assurer d’une double gestion lorsque l’éditeur est également détaillant. Aussi la présente proposition de loi, dans sa version initiale, proposait-elle d’interdire aux éditeurs agissant comme détaillants de se prévaloir des dispositions de l’article 5 de la loi précitée.

Le Conseil d’État, dans son avis ([26]), a jugé que cette disposition « radicale » risquait de porter atteinte au principe d’égalité. Aussi le Sénat a-t-il modifié l’alinéa 5 du présent article afin de restreindre l’interdiction aux seuls livres édités par l’éditeur, lui laissant la possibilité de réaliser des soldes sur les ouvrages d’autres éditeurs dans le cadre de son activité de détaillant (3° du I du présent article). Dans les faits, les ventes en ligne, en solde, de ses propres ouvrages par l’éditeur seraient interdites dès lors que l’ensemble du stock n’a pas été rappelé auprès des détaillants en vue de sa liquidation.

4.   Le monopole du contrôle des dispositions relatives au prix unique du livre confié au Médiateur du livre

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, des agents du ministère de la culture peuvent procéder à des enquêtes pour vérifier la bonne application de la loi. Dans ce cadre, les agents des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) peuvent, en application des articles 8‑1 à 8-7 de la loi de 1981 précitée, accéder à tous les locaux à usage professionnel, demander la communication de tout document professionnel nécessaire à l’enquête et recueillir, sur convocation ou sur place, tous « renseignements et justifications » utiles.

Le présent article, dans sa version initiale, transférait cette compétence, dans les faits très peu utilisée par les DRAC, aux agents relevant du ministère de l’économie, soit à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), afin de donner plus de cohérence à la politique de contrôle.

Toutefois, en séance publique, un amendement de l’auteure de la présente proposition de loi, Mme Laure Darcos, a été adopté au 4° du I et au I bis du présent article afin d’abroger les articles 8-1 à 8‑7 de la loi du 10 août 1981 précitée, ainsi que, par coordination, l’article 7-1 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique compte tenu de « l’institution du médiateur du livre [qui] prouve, depuis 2014, son utilité et sa pleine efficacité pour veiller à la bonne application de ces lois » ([27]).

III.   la position de la rapporteure

La rapporteure, s’agissant de l’instauration d’un tarif minimal pour la livraison de livres neufs au domicile de l’acheteur, ne peut que faire état des positions extrêmement divergentes émises au cours des auditions qu’elle a conduites.

Si la majorité des acteurs de la filière est tout à fait favorable à cette disposition qui, dans son principe, n’est qu’un prolongement de l’esprit de la loi sur le prix unique du livre et un moyen de faire payer au consommateur le « juste prix » du transport, un certain nombre des experts entendus ont aussi fait part d’importantes réserves quant à l’efficacité du dispositif.

En effet, comme cela a été indiqué précédemment, la mesure pourrait avoir un effet limité, voire contreproductif, en particulier sur certains segments du marché du livre ou sur certaines catégories socio-professionnelles. S’il est clair que le public plutôt urbain et aisé aura les moyens de financer ce surcoût ou l’opportunité de se déplacer en librairie, tous les Français ne seront pas logés à la même enseigne. Dans les territoires disposant d’une plus faible densité de détaillants, il est possible que la diminution des ventes en ligne en ligne, envisageable, n’aboutisse qu’à un report imparfait sur le marché physique ; l’accès à la culture de certains publics serait ainsi quelque peu entravé, privant aussi la filière de revenus dont elle a besoin. 

Par ailleurs, beaucoup ont souligné le coût important de cette mesure pour les acheteurs, alors même qu’habituellement, les mesures réduisant les distorsions de concurrence sont plutôt favorables au consommateur. Certains ont même indiqué qu’elle pourrait constituer une barrière à l’entrée, en empêchant de nouveaux entrants d’offrir temporairement les frais de transport pour attirer de nouveaux clients. Enfin, il est possible, si le tarif fixé par les pouvoirs publics est supérieur aux coûts réels supportés par les entreprises de ventes de livre en ligne, qu’une rente économique se forme au profit des plus rentables d’entre elles.

Au final, le coût social relativement élevé de cette mesure ne peut que conduire la rapporteure à s’interroger sur le fait de savoir si l’objectif de la disposition – qu’elle ne remet évidemment pas en cause – pourrait être atteint par une dépense moindre, publique ou privée. De fait, même si cette mesure est adoptée, il est clair que le tarif minimal fixé par arrêté ne saurait intégralement compenser le différentiel des frais postaux actuel auquel font face les plus petites librairies, sauf à accepter une baisse importante du chiffre d’affaires sur la vente de livres en ligne.

Dès lors, sans action sur leur structure de coût, l’instauration d’un minimum tarifaire ne saurait, à lui seul, placer les petites et moyennes librairies indépendantes dans une situation comparable à celle des plus grands détaillants en ligne. Ainsi, au-delà du renforcement des moyens de Centre national du livre, la création d’un tarif postal spécifique accessible aux libraires – comme la poste allemande le pratique par exemple ([28]) –, apparaît souhaitable, faute pour la filière de parvenir à s’organiser pour réduire ses frais d’envoi.

Compte tenu des possibles effets adverses de la disposition envisagée, la rapporteure estime indispensable d’en prévoir a minima l’évaluation, afin de modifier, le cas échéant, le tarif plancher applicable à la livraison et d’en affiner les modalités.

En ce qui concerne les soldes opérés par les éditeurs, la rapporteure ne peut que souscrire à l’intention de l’auteure de la présente proposition de loi, comme aux modifications apportées par le Sénat, qui répondent à la remarque du Conseil d’État relative à l’équité du dispositif.

*

Article 2
Attribution de subventions aux petites et moyennes librairies indépendantes

Adopté par la commission avec modifications rédactionnelles

Le présent article permet aux communes et à leurs groupements d’accorder une subvention aux petites et moyennes librairies indépendantes.

I.   les dispositions de la proposition de loi, modifiÉe par le sÉnat

Le I du présent article introduit, au sein du titre V du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, relatif aux aides économiques versées par les communes, un nouvel article L. 2251-5 créant un dispositif de soutien propre aux entreprises ayant pour objet la vente au détail de livres neufs.

Pour pouvoir bénéficier d’une subvention, l’entreprise doit satisfaire, pour la période de référence – l’avant-dernière année précédant celle de l’attribution de la subvention ou, pour Saint-Barthélemy, Saint-Martin et les communes de Saint‑Pierre-et-Miquelon, l’année qui précède celle de l’attribution de la subvention –, à trois critères cumulatifs :

– la taille de l’entreprise : elle doit répondre aux critères fixés par l’annexe n° 1 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission européenne du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, qui définit les petites et moyennes entreprises comme occupant moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros ; les mêmes critères sont expressément repris pour la collectivité de Saint-Barthélemy et les communes de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon (alinéa 4), le droit de l’Union européenne étant en revanche directement applicable à la région ultrapériphérique (RUP) de Saint-Martin ;

– la détention du capital de l’entreprise à hauteur de 50 % au moins par des personnes physiques ou par une petite et moyenne entreprise indépendante dont le capital est détenu à hauteur d’au moins 50 % par des personnes physiques (alinéas 5 à 7) ;

– l’indépendance de l’entreprise vis-à-vis de toute autre enseigne, matérialisée par l’absence d’un contrat de franchise conclu en application de l’article L. 330-3 du code de commerce (alinéa 8).

Un décret en Conseil d’État doit fixer les conditions d’attribution des subventions (alinéa 1), qui doivent par ailleurs répondre aux stipulations d’une convention conclue entre la collectivité – pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy –, la commune ou le groupement de communes et l’entreprise (alinéa 9).

L’alinéa 10 du présent article prévoit également que le bénéfice de la subvention est subordonné au respect des exigences posées par l’article 53 du règlement précité en matière d’aides à la culture. Celui-ci dispose notamment que des aides publiques peuvent être octroyées en faveur des activités de distribution d’œuvres littéraires, sous la forme d’aide au fonctionnement ou à l’investissement ; il précise aussi que le montant de l’aide de fonctionnement ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour couvrir les pertes d’exploitation de l’entreprise et ne doit pas dépasser, s’agissant des aides à l’investissement, la différence entre les coûts à la charge de l’entreprise et la marge d’exploitation dudit investissement. Dans les deux cas, un « bénéfice raisonnable » demeure autorisé.

Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur différée au 1er janvier de l’année suivant celle de la promulgation de la loi (alinéa 11).

II.   la position de la rapporteure

Les auditions organisées par la rapporteure l’ont convaincue du bien-fondé de cette disposition, qui répond à une réelle demande des élus locaux et complète de façon opportune les dispositifs existants. Sur le fond, elle permet l’attribution d’une aide au fonctionnement. Sur la forme, elle est à la main des communes et de leurs groupements, au plus près des besoins culturels et d’aménagement des territoires.

*

Article 3
Encadrement des pratiques contractuelles dans l’édition littéraire et musicale

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article apporte plusieurs modifications aux dispositions législatives encadrant le contrat d’édition, à la fois dans le domaine du livre et de la musique. Il assure aux auteurs une plus grande protection en cas de cessation d’activité de l’éditeur et tire les conséquences de deux accords conclus en 2017 dans le domaine de l’édition littéraire et musicale.

I.   les dispositions de la proposition de loi, modifiÉe par le sÉnat

1.   Une protection des auteurs améliorée en cas de cessation d’activité de l’éditeur

L’article L. 132-15 du code de la propriété intellectuelle confère certains droits à l’auteur lorsque l’éditeur subit un redressement ou une liquidation judiciaire, qu’il cesse volontairement son activité ou qu’il cède son entreprise. Toutes les obligations à l’égard de l’auteur doivent ainsi être respectées par l’éditeur faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde ou d’un redressement judiciaire, comme par le nouvel acquéreur de l’entreprise en cas de cession. Par ailleurs, l’auteur peut résilier unilatéralement le contrat qui le lie à l’éditeur lorsque l’activité de l’entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation judiciaire a été prononcée. Dans ce dernier cas de figure, l’auteur peut se prévaloir d’un droit de préemption sur les exemplaires de ses ouvrages en stock.

Le a) du 1° du I du présent article complète l’article L. 132-15 précité pour prévoir qu’en cas de cessation de l’activité de l’éditeur, du fait d’une décision judiciaire ou de son propre fait, un état des comptes à date est adressé à chaque auteur lié à l’éditeur par un contrat d’édition. Y figure notamment le nombre d’exemplaires vendus depuis la dernière reddition des comptes ([29]), le montant des droits dus à l’auteur au titre de ses ventes, ainsi que le nombre d’exemplaires dans le stock de l’éditeur. Par ailleurs, l’éditeur – ou le liquidateur judiciaire, le cas échéant – est tenu de fournir à l’auteur les informations qu’il aura préalablement recueillies auprès de ses distributeurs et détaillants sur le nombre d’exemplaires de ses ouvrages disponibles dans leurs stocks respectifs.

Ainsi, l’information de l’auteur en cas de difficultés économiques de l’éditeur se trouverait nettement améliorée. Comme l’indique le Conseil d’État dans son avis, la reddition des comptes exigée par le présent article est « plus exigeante que l’obligation de reddition périodique des comptes par l’éditeur sur les exemplaires qu’il a vendus, énoncée à l’article L. 132-13 du CPI. L’exhaustivité de la reddition des comptes souhaitée à la date de cessation d’activité de l’entreprise d’édition est justifiée non seulement par la nécessaire transparence des relations contractuelles entre les auteurs et les éditeurs, mais aussi par l’objectif d’éclairer l’exercice du droit de préemption des auteurs sur les exemplaires invendus » ([30]).

Le b) du 1° du I du présent article modifie également les modalités de résiliation du contrat en cas de cessation d’activité ou de liquidation judiciaire. Il porte d’une part à six mois le délai à partir duquel l’auteur peut accéder à la résiliation de son contrat et il rend, d’autre part, cette résiliation automatique à compter de cette date. Ainsi, lorsque l’activité de l’éditeur a cessé depuis plus de six mois, ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, le contrat est résilié de plein droit, l’auteur n’ayant plus à faire la démarche consistant à demander sa résiliation.

Le Sénat a souhaité prévoir, au V du présent article, une entrée en vigueur différée de six mois de ces dispositions.

2.   La prise en compte de l’accord interprofessionnel du 29 juin 2017 dans le domaine de l’édition littéraire

Un accord interprofessionnel a été conclu le 29 juin 2017 entre le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Conseil permanent des écrivains (CPE) ([31]) afin d’encadrer deux pratiques contractuelles : la « provision pour retours » des exemplaires invendus, relativement répandue, et la « compensation intertitres », plus rare mais néanmoins existante.

a.   La pratique contractuelle de la provision pour retours

La provision pour retours est une disposition contractuelle qui permet à l’éditeur de différer le paiement d’une partie des droits d’auteur. En effet, lorsque l’éditeur a placé des livres auprès de ses détaillants, il ignore quelle quantité est susceptible d’être in fine vendue ou retournée. Aussi applique-t-il, dans le calcul des droits d’auteur, une correction du montant de ces droits par anticipation des retours, cette provision ayant vocation, en fonction des ventes réelles, à être, le cas échéant, en tout ou partie restituée à l’auteur au cours des exercices suivants.

Toutefois, il est apparu que ces provisions, lorsqu’elles étaient prévues par le contrat liant l’auteur à l’éditeur, faisaient généralement l’objet d’un encadrement insuffisant, tant en matière de durée – certaines provisions étaient ainsi « glissantes » d’une année sur l’autre, et donc quasi perpétuelles – que de montant.

Aussi l’accord de 2017 précité prévoit-il d’encadrer cette pratique, la provision pour retours devant être explicitement prévue par un contrat qui détermine également son taux et son assiette ou, à défaut, le principe retenu pour calculer son montant. La provision doit également être intégralement reportée au crédit du compte du livre lors de la reddition des comptes suivante, une nouvelle provision pouvant, au besoin, être constituée. Par ailleurs, aucune provision ne peut être constituée au-delà des trois premières redditions de compte annuelles qui suivent la publication, sauf en cas de remise en place significative opérée par l’éditeur, mais pour une durée d’un an et seulement pour les exemplaires faisant l’objet d’un nouvel envoi aux détaillants.

Le 2° du I du présent article, tirant les conséquences de cet accord, introduit un nouvel article L. 132-17-1-1 au sein du code de la propriété intellectuelle ; il prévoit la possibilité pour l’auteur et l’éditeur de livres imprimés de convenir d’une provision pour retours d’exemplaires invendus, et le contrat devra déterminer le taux et l’assiette ou, à défaut, les modalités de calcul de ladite provision.

Le a) du 3° du I du présent article complète l’article L. 132-17-3 du même code relatif à la tenue, par l’éditeur, d’un état des comptes, afin qu’il comporte également, pour les livres imprimés, le montant de la provision constituée et ses modalités de calcul si elle est prévue par le contrat.

Le b) du 4° du I du présent article complète en outre l’article L. 132‑17‑8 du même code, relatif à l’extension des accords interprofessionnels par arrêté du ministre en charge de la culture. En effet, l’article L. 132-17-8 précité permet au ministre en charge de la culture d’étendre à l’ensemble des auteurs et éditeurs les stipulations d’un accord interprofessionnel, dès lors qu’il aborde l’ensemble des sujets énoncés par l’article L. 132-17-8 précité. À défaut d’accord étendu, un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de ces dispositions. Le b) du 4° du I du présent article vise donc à inclure, dans la liste des sujets devant obligatoirement être traités par l’accord avant son extension à l’ensemble des auteurs et éditeurs, les conditions de constitution des provisions pour retours d’exemplaires invendus, afin de permettre l’extension de l’accord interprofessionnel de 2017.

Le II du présent article prévoit, s’agissant de la provision pour retours d’exemplaires invendus, un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension ou, à défaut, du décret mentionné au III de l’article L. 132-17-8, pour mettre en conformité les contrats d’édition conclus avant l’entrée en vigueur de la loi. Les dispositions relatives à la reddition des comptes sont quant à elles rendues applicables, par le III du présent article, à compter de l’exercice suivant cette mise en conformité des contrats.

b.   La pratique contractuelle de la compensation intertitres

Certains éditeurs assurent aujourd’hui la compensation des trop-perçus d’à-valoir ([32]) au regard des ventes réelles d’un livre par une ponction équivalente opérée sur les droits d’auteur dus au titre d’autres ouvrages du même auteur. Par exemple, si un livre pour lequel un à-valoir de 10 000 euros a été versé à son auteur ne produit que 8 000 euros au titre des droits d’auteur, alors l’éditeur prélève la différence sur les droits d’auteur dus au titre des ventes d’un autre ouvrage du même auteur.

La compensation intertitres, défavorable aux auteurs, est désormais encadrée par l’accord de 2017 précité, pour ses seuls signataires cependant. Ainsi, elle est interdite sauf si l’auteur exprime son accord formel par le biais d’une convention distincte des contrats d’édition qui le lient à l’éditeur. En tout état de cause, la compensation ainsi prévue ne peut empêcher le versement par l’éditeur de l’intégralité des à‑valoir prévus par chaque contrat.

Le b) du 3° du I du présent article complète ainsi l’article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle afin de prohiber cette pratique, sauf dans le cas où une convention contraire, distincte des contrats d’édition, est conclue dans les conditions prévues par l’accord interprofessionnel étendu par arrêté.

Le a) du 4° du I du présent article modifie l’article L. 132-17-8 du même code afin d’étendre le champ de l’accord interprofessionnel susceptible d’être étendu par un arrêté du ministre en charge de la culture aux dérogations contractuelles relatives à la compensation intertitres. Ainsi, les stipulations de l’accord de 2017 conclu entre le SNE et le CPE pourront être étendues à l’ensemble des auteurs et éditeurs.

Le IV du présent article prévoit que cette disposition est applicable dès l’entrée en vigueur de l’arrêté d’extension ou, à défaut, du décret en Conseil d’État prévu au III de l’article L. 132-17-8 du code précité.

3.   La mise en œuvre du code des usages et des bonnes pratiques de l’édition des œuvres musicales du 4 octobre 2017

Un code des usages des bonnes pratiques de l’édition des œuvres musicales a été adopté le 4 octobre 2017 par plusieurs organisations professionnelles d’éditeurs et d’auteurs de la filière musicale. Il comporte plusieurs dispositions, relatives à la définition du métier d’éditeur, à l’information de l’auteur préalablement à la signature d’un contrat de préférence, aux avances récupérables, à la remise de l’œuvre par l’auteur et à sa publication.

Le 5° du I du présent article introduit ainsi, au sein d’une nouvelle sous‑section du code de la propriété intellectuelle dédiée aux dispositions particulières à l’édition d’œuvres musicales, un article L. 132-17-9 permettant au ministre en charge de la culture d’étendre par arrêté les accords interprofessionnels relatifs aux obligations respectives des auteurs et éditeurs de musique, à la sanction de leur non-respect et traitant des usages professionnels. Ainsi, le code des usages et des bonnes pratiques précité pourrait être étendu à l’ensemble des auteurs et éditeurs de la filière musicale.

Enfin, au VI du présent article, le Sénat a souhaité permettre l’adaptation des dispositions du présent article dans les îles Wallis et Futuna.

II.   la position de la rapporteure

En ce qui concerne les dispositions du présent article relatives à la cessation d’activité, la rapporteure estime nécessaire d’apporter quelques modifications rédactionnelles pour notamment préciser la personne à qui incombera la reddition des comptes – l’éditeur ou, le cas échéant, le liquidateur judiciaire.

S’agissant de l’encadrement des provisions pour retours, la rapporteure ne peut, à l’évidence, qu’y être favorable, tant cette pratique peut nuire aux intérêts des auteurs dès lors qu’elle n’est pas encadrée.

Pour ce qui est de la compensation intertitres, la rapporteure estime souhaitable d’inscrire son interdiction au sein du code de la propriété intellectuelle, quitte à créer une exception en cas de contrat distinct conclu entre l’éditeur et l’auteur, dans des conditions qui ne laissent aucun doute quant au consentement de ce dernier.

*

Article 4
Conciliation préalable devant le Médiateur du livre

Adopté par la commission avec modifications rédactionnelles

Le présent article apporte deux modifications à la procédure obligatoire de conciliation préalable devant faciliter la résolution des litiges liés à l’application du prix unique du livre et du prix du livre numérique : d’une part, il crée une dispense en cas d’action en référé ou d’incapacité du Médiateur du livre à organiser cette conciliation dans un délai raisonnable ; d’autre part, il ouvre la saisine du Médiateur aux auteurs et à leurs organisations professionnelles.

I.   les dispositions de la proposition de loi, modifiÉe par le sÉnat

1.   L’introduction d’exceptions à l’obligation de conciliation préalable devant le Médiateur du livre

Le 1° du présent article modifie l’article 144 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation qui fixe les compétences et les pouvoirs du Médiateur du livre et lui donne notamment un pouvoir de conciliation. Ainsi, tous les litiges relatifs à l’application de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre et à la loi du n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique lui sont obligatoirement soumis.

Afin que cette compétence pré-juridictionnelle ne ralentisse pas la résolution de certains litiges caractérisés par l’urgence, le Sénat a adopté un amendement de l’auteure de la présente proposition de loi, précisé par un sous‑amendement du Gouvernement, complétant le I de l’article 144 précité pour prévoir deux exceptions à cette obligation faite aux parties :

– d’une part, en vue de l’introduction d’une action en référé devant la justice, par nature urgente ;

– d’autre part, en cas d’indisponibilité du Médiateur liée, par exemple, à une vacance de la fonction, situation fréquente depuis 2016 ([33]) qui conduirait à tenir la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige.

2.   L’élargissement aux auteurs de la capacité de saisir le Médiateur du livre

En application de l’article 144 de la loi de 2014 précitée, le Médiateur du livre peut être saisi par « tout détaillant, toute personne qui édite des livres, en diffuse ou en distribue auprès des détaillants, par toute organisation professionnelle ou syndicale concernée, par les prestataires techniques auxquels ces personnes recourent ou par le ministre intéressé ».

Ainsi, tous les acteurs de la filière, à l’exception notable des auteurs, disposent de cette faculté. Le 2° du présent article pallie cet oubli en élargissant le champ des personnes susceptibles de saisir le Médiateur du livre à tout auteur et à toute organisation de défense des auteurs, sans pour autant étendre le champ de compétences du Médiateur.

II.   la position de la rapporteure

La rapporteure est favorable à l’adoption du présent article, qui donne aux auteurs leur juste place et est susceptible d’améliorer l’efficacité du fonctionnement du dispositif de conciliation préalable et sa bonne articulation avec l’institution judiciaire.

*

Article 5
Réforme du dépôt légal numérique

Adopté par la commission avec modifications rédactionnelles

Le présent article a pour objet d’adapter les modalités du dépôt légal numérique en prévoyant que les documents numériques soumis au dépôt légal, lorsqu’ils ne sont pas librement accessibles aux organismes investis de cette mission, leur soient adressés par voie électronique, dans un format adéquat, par les personnes soumises à cette obligation.

I.   le droit existant

Le dépôt légal, instauré en 1537 par François Ier, a pour objet d’assurer la collecte, la conservation et la consultation ([34]) des « documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédias, quel que soit leur procédé technique de production, d’édition ou de diffusion » ([35]) mis à disposition du public, afin de conserver la mémoire du patrimoine culturel diffusé sur le territoire national.

Ainsi, les éditeurs, producteurs ou importateurs des documents définis par l’article L. 131-2 du code du patrimoine sont aujourd’hui tenus de remettre ou d’envoyer à l’organisme chargé de cette mission un « nombre limité d’exemplaires » ([36]) de tout document édité ou importé en France. Différents organismes assurent aujourd’hui la collecte de ces documents : la Bibliothèque nationale de France (BNF), le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) (cf. encadré infra).

Les organismes désignés au titre du dépôt légal

La BNF est responsable du dépôt légal des documents imprimés, des livres, des périodiques, des documents cartographiques, de la musique notée, des documents graphiques et photographiques, mais aussi des documents sonores, des vidéogrammes et des documents multimédias. Depuis 2006, elle est également chargée du dépôt légal de l’internet, conjointement avec l’Institut national de l’audiovisuel, et collecte dans ce cadre des sites web généralistes et des documents dématérialisés, tels que des logiciels et bases de données.

L’INA assure la collecte des documents audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés grâce à un dispositif de captation numérique actif en permanence pour 169 chaînes de télévision et de radio. L’INA est également le dépositaire du web média et collecte à ce titre les sites en rapport avec son activité d’archivage des productions issues du secteur de la communication audiovisuelle, tels que les sites des chaînes de télévision et de radio ou encore les flux des réseaux sociaux liés aux programmes diffusés par les chaînes.

Enfin, le CNC est chargé du dépôt légal des films français et étrangers diffusés en salle sur le territoire ainsi que des films publicitaires et institutionnels.

La loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (dite « loi DADVSI ») a entrepris d’adapter le dépôt légal à l’ère numérique, en faisant entrer dans le champ du dépôt légal les « signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication au public par voie électronique » ([37]) et en habilitant les organismes dépositaires à les collecter auprès des personnes qui les éditent ou produisent en vue de leur communication au public ([38]). Ainsi, les contenus échangés sur les réseaux sociaux, dès lors qu’ils ont le caractère de correspondance privée, ne sont pas concernés par cette collecte.

Pour permettre aux organismes dépositaires d’assurer directement la collecte de ces éléments – procédure originale par rapport au dépôt légal non numérique –, l’article L. 132-2-1 du code du patrimoine prévoit que la collecte peut se faire de façon automatisée et que la mise en œuvre d’un code ou d’une restriction d’accès ne peut faire obstacle à l’accomplissement de cette mission.

Toutefois, comme le constate l’auteure de la présente proposition de loi dans l’exposé des motifs de celle-ci, « la collecte automatisée des sites web et des documents numériques, prévue par la loi, fonctionne mal : elle laisse échapper les contenus numériques non librement accessibles (par exemple payants ou protégés par des processus d’authentification), qui sont chaque jour plus nombreux ». De fait, comme le note le Conseil d’État dans son avis, « au cours de la décennie écoulée, les services et contenus destinés au public ou à une catégorie du public sont très largement devenus payants ou communiqués sous clés d’accès, parfois pour des durées limitées […] les organismes dépositaires […] ont progressivement rencontré de plus en plus de difficultés pour organiser la collecte des contenus diffusés par les services de communication au public en ligne non librement accessibles » ([39]).

En ce qui concerne les œuvres cinématographiques, le passage au numérique a rendu plus difficile, pour le CNC, la collecte des fichiers numériques, par définition immatériels, par rapport aux bobines puis aux cd-rom, ces fichiers étant de surcroît cryptés de sorte à ne pas pouvoir être lus ni copiés. Ce sont ainsi deux tiers des films sortis en salle qui présenteraient aujourd’hui des difficultés au regard du dépôt légal. De la même façon, si la BNF a une habitude certaine de la collecte automatisée du web, elle est aujourd’hui en butte aux services payants ou à ceux dont l’accès est soumis au renseignement d’un mot de passe. Ce sont ainsi des milliers de documents – livres numériques, partitions, cartes et plans, titres de presse, jeux multimédias, etc. – qui ont échappé aux collections nationales au cours des dix dernières années. S’agissant de l’INA, les services de vidéos à la demande ainsi que certains réseaux sociaux comme Twitter échappent à l’action de son robot en raison de mots de passe ou de changement des interfaces de programmation.

II.   les dispositions de la proposition de loi, modifiÉe par le sÉnat

Le présent article entend dès lors corriger l’inadaptation actuelle de la collecte des documents numériques aux mutations des services de communication au public en ligne. Le Sénat, suivant les recommandations formulées par le Conseil d’État en annexe de son avis, a apporté plusieurs modifications aux dispositions du code du patrimoine relatives au dépôt légal.

Le 6° du I du présent article modifie l’article L. 132-2 du code du patrimoine, relatif aux personnes soumises à l’obligation de dépôt légal, afin d’inclure, pour chaque type de document – documents graphiques ou photographiques, logiciels et bases de données, phonogrammes, documents cinématographiques, services de radio et de télévision, vidéogrammes, documents multimédias – les personnes qui les éditent, les produisent ou les importent « y compris sous forme numérique ».

Le 8° du I du présent article modifie l’article L. 132-2-1 du même code pour fixer deux modalités distinctes de collecte auprès des éditeurs ou producteurs de signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature mis à disposition du public en ligne :

        dans le cas où ces éléments sont librement accessibles, alors les organismes dépositaires peuvent procéder eux-mêmes à leur collecte, y compris par un moyen automatisé, ou selon des modalités déterminées en accord avec les personnes soumises au dépôt légal ;

        dans le cas où ces éléments ne sont pas directement accessibles, alors ils doivent être transmis par voie électronique aux organismes dépositaires.

Par coordination avec les 6° et le 8° du I du présent article, le bis du I du présent article étend ces deux modalités de collecte aux documents édités, produits ou importés sous forme numérique par l’ensemble des autres personnes soumises au dépôt légal. Il crée à cette fin un nouvel article L. 132-2 au sein du code du patrimoine, renvoyant à l’article L. 132-2-1 modifié par le 8° du I du présent article (cf. supra).

En conséquence, le 3° du I du présent article modifie l’article L. 132-1 du même code, relatif aux modalités du dépôt légal, en prévoyant un acheminement possible par voie électronique.

Le 10° du I du présent article introduit au sein du code précité un nouvel article L. 132-7 qui prévoit que les personnes recourant au dépôt légal par voie électronique y procèdent dans un format permettant sa reproduction à des fins de conservation et de consultation par l’organisme dépositaire. Il prévoit également la négociation obligatoire d’accords entre les organismes dépositaires et les organisations professionnelles des déposants pour déterminer les modalités de sécurisation de transmission et de conservation des documents déposés dans ce format, accords qui peuvent être étendus par arrêté du ministre en charge de la culture. À défaut d’un tel accord dans les dixhuit mois suivant la publication de la loi, un arrêté du ministre de la Culture fixera lui-même ces modalités.

Par ailleurs, le 9° du I du présent article tire les conséquences de la création d’un droit voisin reconnu aux éditeurs et agences de presse par la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse et modifie l’article L. 132-5 du code précité afin de prévoir que ces derniers ne peuvent s’opposer à la reproduction et la communication au public des œuvres protégées par ce droit, dès lors qu’elles répondent aux conditions définies par l’article L. 132-4 du même code ([40]).

Le II du présent article vise à assurer l’application de ces dispositions dans les collectivités d’outremer. Le 1° permet leur application en Nouvelle‑Calédonie, tandis que les 2° et 3° visent respectivement les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctique françaises.

III.   la position de la rapporteure

La rapporteure ne peut que se satisfaire de l’inscription du présent article au sein de la proposition de loi, tant sa portée est inestimable pour la conservation du patrimoine multimédia et numérique et pour le monde de la recherche. Il sera ainsi remédié à un véritable retard constaté dans la collecte des documents sous forme numérique.

*

Article 6 (supprimé)
Gage

Suppression maintenue

Le présent article prévoyait un gage tendant à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi. Celui-ci a été « levé » par l’adoption au Sénat, en séance publique, d’un amendement de suppression du Gouvernement.

 

*

 


—  1  —

   Travaux de la commission

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs (n° 4229) ([41]).

I.   Discussion gÉnÉrale

M. le président Bruno Studer. Après l’examen, mercredi dernier, de la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, nous abordons ce matin un deuxième texte consacré au secteur du livre.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Voilà un peu plus de quarante ans, l’Assemblée nationale examinait un texte adopté préalablement par le Sénat sur le prix du livre. Au-delà des similitudes de procédure parlementaire, c’est la similitude de situation qui, présentement, saute aux yeux. J’en veux pour preuve ces propos que Jack Lang a tenus en séance publique, à l’Assemblée, alors qu’il était ministre de la culture : « La diffusion du livre connaît depuis quelques années une mutation commerciale dont les conséquences sont loin d’être neutres sur le plan culturel. En effet, longtemps assurée par un réseau de commerçants spécialisés – les libraires –, la vente du livre a vu apparaître et se développer peu à peu de nouvelles formes de distribution, lesquelles ont engendré une concurrence très vive ». En 1981, les hypermarchés cassaient littéralement les prix des livres qui se vendaient facilement, privant ainsi les libraires de ressources financières pourtant indispensables à la promotion d’ouvrages réputés plus difficiles.

La situation actuelle n’est pas loin d’être analogue, si ce n’est qu’Amazon a remplacé Leclerc et pratique des frais de port hors de portée des librairies indépendantes. Les moins importantes d’entre elles se trouvent de fait exclues de la vente en ligne. Telle est la situation malgré la loi sur le prix unique. Un livre de poche neuf, Candide par exemple, est actuellement vendu, réception comprise, entre 3,06 euros et 10,95 euros selon les détaillants. L’explication est simple : les petites librairies font face à des coûts très éloignés de ceux des grandes entreprises, en raison des frais facturés par les transporteurs et des frais de préparation auxquels cette logistique nouvelle les expose. Dès lors, soit elles répercutent les coûts réels sur leurs clients au risque, dans un grand nombre de cas, de les perdre, soit elles prennent tout ou partie de ces coûts à leur charge mais, alors, elles sacrifient leur marge. Les frais de port à un centime d’euro pratiqués par les grands détaillants les placent de facto devant un choix cornélien.

Pour remédier à cette situation, la proposition de loi déposée par Mme la sénatrice Laure Darcos entend permettre aux ministres chargés de la culture et de l’économie, en lien avec l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), de déterminer un tarif minimal applicable aux frais de port facturés pour la livraison d’un livre. Ainsi, la situation financière des libraires qui pratiquent la vente en ligne sera mécaniquement améliorée, toutes choses égales par ailleurs. On peut même imaginer que des librairies de taille moyenne qui parviendraient à internaliser une partie des coûts puissent s’aligner sur ce tarif minimal et deviennent dès lors compétitives par rapport à Amazon, la FNAC, Leclerc ou Gibert, en proposant le même tarif à leurs clients. Plus encore, une telle mesure pourrait inciter certains lecteurs à se déplacer en point de vente physique pour éviter ce surcoût. Cela serait pleinement en adéquation avec le soutien et le retour au commerce physique de proximité dont le contexte sanitaire a salutairement mis en évidence la nécessité. Nous savons aussi qu’un passage en magasin peut encourager des achats imprévus, dits « d’impulsion ».

L’idée est donc théoriquement séduisante. En effet, comme l’ont indiqué plusieurs personnes que j’ai entendues dans le cadre de mes auditions – et dont on ne peut pas dire qu’elles avaient toutes un parti pris –, il est également possible que cette mesure entraîne une diminution des ventes ou des reports vers d’autres marchés. Ils sont peu probables, sans doute, vers le livre numérique mais plus envisageables vers le livre d’occasion, d’autres biens culturels, voire d’autres loisirs qui ne financeront, hélas, ni les auteurs ni les éditeurs à un niveau équivalent.

En l’absence d’étude préalable, il est très difficile de savoir quelles seront les conséquences réelles de cette disposition, lesquelles dépendront aussi, bien sûr, du tarif qui sera déterminé par le pouvoir réglementaire : un tarif trop faible n’aiderait pas les libraires et ne modifierait probablement pas le marché ; un tarif trop élevé, a contrario, assurerait davantage un report sur le marché physique mais au prix, probablement, d’une perte sèche pour l’ensemble de la filière. Entre les deux, nous sommes amenés à faire un véritable pari, notamment parce que cette disposition pourrait être contournée d’une façon ou d’une autre
– nous le savons, l’imagination des GAFA excède le domaine fiscal…

Néanmoins, cette mesure pourrait peut-être faire évoluer les pratiques vers le « cliqué-retiré » et faire prendre davantage conscience au public des conséquences, pour l’activité locale et l’environnement, de sa façon de consommer, prise de conscience qui s’est d’ailleurs développée dans le contexte du confinement et que l’on ne peut qu’encourager. Peut-être devons-nous saisir ce moment, ce kairos.

Compte tenu des réserves qui ont été formulées et que je viens de rappeler, il me paraît indispensable de prévoir une évaluation périodique du dispositif par le Gouvernement et le Parlement afin, s’il le faut, d’ajuster le tarif voire d’abandonner la mesure si ses effets devaient être délétères.

Les territoires ruraux, notamment – à tout le moins ceux qui comptent le moins de détaillants –, pourraient pâtir d’un renchérissement du prix du livre en ligne et auront peut‑être besoin que l’on imagine un dépôt gratuit de livres, par exemple dans une maison France Services. Je pense également à nos compatriotes les plus défavorisés, en particulier parmi les jeunes et les étudiants, possiblement à la recherche d’ouvrages rares et pour qui une telle mesure pourrait avoir des conséquences négatives.

Par ailleurs, même si cela n’est pas du ressort du Parlement, il faudra réfléchir à des mesures complémentaires, notamment pour attirer les lecteurs – ou non-lecteurs, d’ailleurs ! – dans les points de vente physique. Je pense en particulier aux jeunes qui, grâce à l’opération « Tous en librairie » et au Pass culture, peuvent accéder plus facilement aux librairies, ou encore aux librairies ambulantes, salons locaux ou boîtes à livres qui sont d’excellents vecteurs, à la fois géographiquement et psychologiquement, pour aller au-devant de lecteurs potentiels. Je crois en effet qu’il ne faut pas négliger l’obstacle psychologique que constitue, pour certains, l’idée d’entrer dans une librairie. Dans ces cas-là, les professionnels de l’enfance et de l’éducation, les bibliothécaires et les libraires sont des acteurs essentiels pour promouvoir le livre et la lecture.

Plus prosaïquement, je crois qu’il faut aussi améliorer la communication autour de la loi sur le prix unique du livre. Un quart des personnes qui font leurs achats en dehors des librairies pensent que les livres y sont plus chers qu’ailleurs. En outre, qui sait qu’on a le droit de demander à son libraire de commander n’importe quel ouvrage ? Ce sont là des arguments importants à faire valoir pour attirer le public dans les librairies.

Un chantier de modernisation doit également s’ouvrir pour les libraires indépendants et l’ensemble de la filière de distribution. La proposition de loi tend à rendre moins vive la concurrence par les prix mais encore faut-il que les librairies deviennent plus compétitives s’agissant des autres éléments qui entrent en ligne de compte dans l’acte d’achat en ligne, comme la praticité de la commande et la rapidité de la mise à disposition, afin de gagner des parts de marché et de remporter ce pari.

Je n’entre pas davantage dans le détail car je suis certaine que nous y reviendrons au cours de nos débats. Il me paraît en revanche important de souligner que le texte comporte d’autres dispositions tout aussi essentielles, si ce n’est plus.

Je pense ainsi, à l’article 1er, à l’interdiction de soldes partiels faite aux éditeurs, lesquels ne sauraient solder leurs ouvrages, notamment en ligne, au détriment de leurs détaillants, et à l’exigence d’une distinction dénuée de toute ambiguïté en ce qui concerne la vente de livres neufs et d’occasion, notamment sur les places de marché qui se sont développées récemment sur internet.

Ensuite, à l’article 2, nous offrirons aux communes la possibilité de verser des subventions aux petites et moyennes librairies indépendantes. Les outils, principalement fiscaux, qui sont aujourd’hui à leur disposition ne permettent pas de gérer les situations au cas par cas et ne correspondent pas nécessairement aux besoins, à l’instant « T », des entreprises. Nous mettrons à leur disposition un outil budgétaire plus souple, qui doit aussi permettre de financer le fonctionnement des structures, alors que les crédits publics ne soutiennent généralement que l’investissement.

L’article 3 me semble d’une importance cruciale pour les auteurs. Un accord a été signé en 2017 avec le Syndicat national de l’édition (SNE) afin d’encadrer ces deux pratiques contractuelles très dommageables que sont la compensation intertitres et la provision pour retours d’exemplaires invendus. C’est une avancée notable, mais elle ne concerne aujourd’hui que les adhérents au SNE. L’article 3 permettra au ministre de la culture de l’étendre à l’ensemble des éditeurs. Cet article améliorera aussi de façon notable la situation des auteurs en cas de cessation d’activité, volontaire ou judiciaire, de leur maison d’édition, ce qui, dans le contexte actuel, n’est pas inutile.

Enfin, l’article 5 apporte des modifications indispensables et attendues au dispositif du dépôt légal numérique. Avec le développement de services en ligne de plus en plus sophistiqués, un nombre croissant d’œuvres et de documents échappe à la collecte automatisée de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et de la Bibliothèque nationale de France (BNF), tandis que le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est confronté à des fichiers numériques cryptés qu’il lui est impossible de lire et de copier à des fins de conservation. Par le biais d’accords avec les déposants, l’article 5 permettra de faciliter grandement la tâche des organismes dépositaires. Il est donc salutaire pour la conservation du patrimoine numérique et multimédia.

Voilà quelques points, loin d’être mineurs, que je souhaitais aborder. Nos débats se concentreront sans doute sur la mesure prévue à l’alinéa 2 de l’article 1er, qui est certainement la plus sujette à controverse.

Mme Céline Calvez. Il y a quarante ans, la loi Lang instaurait le prix unique du livre, dont nous pouvons tous mesurer les effets sur la diversité éditoriale mais aussi sur la densité de notre réseau de distribution du livre.

Cette proposition de loi de Mme la sénatrice Laure Darcos comprend de nombreuses dispositions et s’attaque, comme la loi Lang, à une distorsion de concurrence qui nuit à la vitalité des circuits de distribution du livre et, donc, à la lecture. S’opposent ainsi, d’une part, la quasi-gratuité des frais de livraison des livres lorsqu’ils sont commandés sur certaines plateformes de vente en ligne et, d’autre part, les tarifs dont « bénéficient » les libraires indépendants pour leurs envois. Les frais d’expédition qu’ils offrent ou facturent à leurs clients rognent leurs marges, déjà faibles.

Si la loi de 2014 a permis d’encadrer les conditions de la vente à distance des livres en interdisant la gratuité de la livraison, ce dispositif, contourné, est insuffisant, alors même que la part des achats de livres sur internet s’élève à plus de 20 %.

L’instauration d’un montant minimum de frais d’envoi aura principalement trois effets bénéfiques. Tout d’abord, une telle mesure encouragera encore davantage le retour des consommateurs dans les librairies, où l’on entre parfois sans savoir exactement ce que l’on cherche, ou alors parce que l’on souhaite un conseil. Près de 60 % des clients de la principale plateforme, que je ne nommerai pas, habitent dans des villes de plus de 20 000 habitants. Ensuite, pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer ou qui n’ont pas de librairie à proximité, le texte favorisera la commande en ligne sur les sites des libraires indépendants, dans le cadre de livraisons à domicile ou du click and collect. Des sites existent : encourageons-les et encourageons les libraires à les utiliser ! Certes, tous n’ont pas vocation à développer la vente en ligne mais nous garantirons à ceux qui le souhaitent de ne pas subir de distorsion de concurrence. Enfin, nous pouvons espérer que la tarification minimale des services de livraison permettra de limiter le nombre de commandes, en incitant les lecteurs à les grouper, et ainsi de réduire le coût environnemental. Il n’est décemment pas possible de multiplier les commandes à l’unité quand on peut attendre quelques jours.

Le groupe La République en marche défendra un amendement qui demande au Gouvernement de remettre un rapport, dans un délai de deux ans, sur les effets de ce dispositif non seulement sur le marché du livre et sur le réseau des détaillants mais aussi sur l’accès du public à l’achat de livres, et qui permettra d’analyser les effets de bord ou les pratiques de contournement.

Il est temps d’agir. Nous avons pu constater la capacité d’adaptation des libraires mais aussi leurs fragilités. Nous n’avons jamais autant parlé d’eux qu’en 2020, la crise sanitaire ayant montré combien les Français leur sont attachés. La baisse de leur chiffre d’affaires a été limitée, le Gouvernement leur a apporté un soutien sans précédent, et les expéditions de livres ont explosé pendant les deux mois au cours desquels l’État a pris en charge les frais d’envoi : en novembre 2020, elles ont augmenté de 508 % par rapport au même mois de l’année précédente.

Cette proposition de loi, bienvenue, permettra de réaffirmer le soutien des Français, du Gouvernement et des parlementaires à la filière du livre et de rétablir une forme d’équité avec les plateformes de vente. Parce qu’elle permettra aussi aux communes et aux intercommunalités d’attribuer des subventions aux librairies indépendantes, qu’elle confortera la réforme du contrat d’édition, et donc les relations entre auteurs et éditeurs, qu’elle élargira la saisine du Médiateur du livre et qu’elle améliorera la procédure du dépôt légal numérique, le groupe La République en marche, sous réserve des débats qui vont avoir lieu, votera en sa faveur.

Mme Constance Le Grip. Cette proposition de loi, déposée par Mme Laure Darcos, a été très largement adoptée par le Sénat en juin dernier. Je salue amicalement notre collègue du groupe Les Républicains, dont nous connaissons l’engagement ancien et sincère en faveur du livre, dans le cadre de ses activités professionnelles antérieures et désormais en tant que membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

Quarante ans après le vote de la loi Lang, qui a institué le prix unique du livre pour des raisons d’équité, cette proposition de loi vise à garantir l’application de ce principe en instaurant un tarif minimum pour la livraison des livres et, ainsi, à mettre fin à une distorsion de concurrence que nous jugeons contraire à l’esprit de la loi. La quasi-gratuité des frais de livraison des livres que pratiquent certaines plateformes de e-commerce nous semble en effet relever d’un contournement des dispositions législatives. Il s’agit de rétablir l’équité et l’équilibre entre les différents acteurs du secteur du livre mais aussi de lutter contre la fragilisation grandissante des librairies qui, même si elles ont mieux résisté à la pandémie que d’autres lieux culturels, n’a rien d’un fantasme.

Faut-il le rappeler ? La rentabilité du commerce de détail de livres neufs est des plus faibles. Malgré leurs formidables capacités de résistance, d’inventivité, de créativité, d’adaptation, nombre de librairies indépendantes peinent à atteindre l’équilibre et peuvent être menacées de disparition.

Depuis la loi de 2011 relative au prix du livre numérique et la loi de 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres, issue d’une proposition de loi du groupe UMP, aucun nouveau texte législatif n’a accompagné l’évolution de ce secteur, très bousculé par l’émergence des grandes plateformes de e-commerce. Le Président de la République s’en est ému en mai dernier. Il a plaidé en faveur d’un prix unique pour tous les livres neufs sur internet, frais de port inclus, en soulignant à juste titre que le prix unique est une force du modèle français, qui nous a permis d’avoir un tissu de librairies indépendantes étendu et divers. Il fait vivre la littérature et la création et favorise l’accès de tous à la diversité culturelle. Je rappelle que notre pays compte 3 300 librairies indépendantes, qui emploient quelque 13 000 salariés.

Cette proposition de loi est bienvenue, et le groupe LR la votera avec enthousiasme. L’ouverture de la saisine du Médiateur du livre aux auteurs et à leurs organisations représentatives, la réforme du contrat d’édition, notamment pour interdire la pratique de la compensation financière entre ouvrages, et le fait de donner aux collectivités territoriales la possibilité d’octroyer des subventions aux librairies indépendantes sont également des dispositions qui nous conviennent. Pour nous, les librairies sont essentielles.

Mme Sophie Mette. Je me réjouis que notre assemblée examine ce texte déposé par Mme la sénatrice Laure Darcos. Il comporte des avancées importantes pour la filière du livre et ses acteurs, que notre rapporteure connaît elle aussi parfaitement puisqu’elle est engagée depuis longtemps sur toutes ces questions.

Antoine Albalat, écrivain et critique littéraire de la fin du XIXe siècle, disait qu’un livre que l’on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un livre que l’on n’a pas lu. Il soulignait ainsi toute l’importance du rôle de la lecture. Si celle-ci peut être perçue comme un loisir, elle est surtout l’un des outils les plus puissants dont nous disposons pour contribuer à l’élévation de notre société. On ne le répétera jamais assez : aborder l’économie du livre et la lecture en général, c’est aborder des sujets essentiels pour la France et sa culture.

La proposition de loi prévoit des solutions pour améliorer la situation économique de cette filière, qui présente aujourd’hui encore de nombreuses fragilités.

L’article 2 autorise ainsi l’octroi de subventions aux libraires indépendants. Les Français, durant plusieurs mois, se sont émus des difficultés rencontrées par ces derniers lors des périodes de fermeture qu’a entraînées la pandémie. L’attachement de nos concitoyens à ces professionnels est indéniable. Il est de notre devoir d’accroître le soutien que nous leur apportons.

L’article 3 concerne l’encadrement des relations contractuelles entre les éditeurs et les auteurs. L’état des comptes exigé d’une entreprise d’édition en situation de cessation d’activité a vocation à protéger les auteurs. Un équilibre entre ces derniers et les éditeurs a été trouvé. Nous en débattrons à nouveau, et je ne doute pas de notre capacité à rester dans un esprit de consensus pour faire évoluer la situation dans le bon sens.

J’en viens à l’article 1er, qui est peut-être la mesure la plus emblématique du texte. À l’heure où les grandes plateformes en ligne, essentiellement étrangères, accaparent une immense part du marché français de la vente de livres à distance, notamment grâce aux livraisons massives et rapides qu’elles sont capables d’effectuer, la proposition de loi entend limiter la distorsion de concurrence en créant un dispositif inédit de fixation d’un tarif postal minimal pour la livraison des ouvrages achetés en ligne. Alors que les libraires ne sont plus en mesure de proposer des tarifs de livraison aussi concurrentiels que ceux des géants du numérique, l’idée est de contraindre ces derniers à pratiquer des prix de transport plus élevés afin de garantir aux libraires une véritable compétitivité.

Toucher ainsi au marché requiert de la prudence. J’ai donc déposé, avec Céline Calvez, un amendement qui demande au Gouvernement de remettre un rapport sur les effets de l’application de ce dispositif sur le marché du livre, le réseau des détaillants et l’accès du public à l’achat de livres. En outre, nous souhaitons que le Parlement procède rapidement à une évaluation de ce dispositif. Alors qu’aucun dispositif de ce type n’existe à ce jour en Europe, il est impératif d’analyser les effets de manière à adapter les modalités, si besoin est, pour gagner en efficacité. Peut-être inspirerons-nous, un jour, nos voisins. En attendant, tâchons de réduire au maximum l’écart de capacité entre les grandes plateformes et nos libraires.

Un livre devrait être un geste, disait l’écrivain Jacques Rigaut. Je crois que nous faisons aujourd’hui un geste pour le livre, pour tous ceux qui en ont la passion et qui la vivent. Vous l’avez compris, le groupe Démocrate soutient les orientations de cette proposition de loi et souhaite que nos débats puissent contribuer à l’avenir de la filière du livre.

Mme Michèle Victory. Le 10 août 1981, la loi relative au prix du livre était promulguée à l’initiative des socialistes. C’était une véritable révolution, un changement de paradigme en ce qui concerne la marchandisation des biens culturels, et plus particulièrement du livre. M. Jack Lang, ministre de la culture, déclarait alors à la tribune de notre assemblée « refuser d’abandonner le prix des biens culturels aux lois destructrices du marché ». S’il est, en effet, un objet source d’émancipation et de savoir qui doit être protégé, c’est bien le livre. Cette loi était protectrice à plusieurs égards, à la fois des Françaises et Français, où qu’ils se trouvent sur le territoire, des auteurs et de leur pluralité et, bien sûr, des librairies indépendantes qui faisaient face à une concurrence déloyale des hypermarchés.

Les bouleversements issus du numérique et l’arrivée de nouveaux modes de consommation sont la source d’inégalités criantes entre les librairies et des géants tels qu’Amazon. Or les librairies indépendantes constituent un maillon local de notre culture qui est indispensable à la vitalité des territoires. Elles donnent un accès à la culture à toutes et tous. La crise sanitaire a rappelé l’attachement des Françaises et des Français à ces commerces, qui n’ont jamais été aussi essentiels. Les librairies indépendantes participent à la médiation culturelle, qui permet de faire naître et grandir le désir et le plaisir de lire, et elles sont un lieu de rencontre et d’échange.

La proposition de loi consacre l’interdiction de la gratuité des frais de port des livres afin de répondre à la distorsion créée par l’offre d’Amazon, qui bénéficie, grâce à sa volumétrie, de tarifs préférentiels auprès de la Poste. Le texte a également pour but d’inciter les lecteurs à acheter des livres en librairies. Nous souscrivons pleinement à cet objectif qui, en plus de favoriser un acteur culturel auquel nous sommes attachés, permettra d’ancrer dans les esprits une préoccupation écologique, face à l’empressement effréné des acheteurs qui veulent tout plus vite, moins cher et tout le temps. On voit bien que le développement de la livraison à domicile, s’il peut se concevoir dans des territoires réellement éloignés des commerces, ne peut devenir la règle : c’est une catastrophe sous l’angle du développement durable.

Nous avons noté les réserves suscitées par cette mesure, notamment la crainte qu’elle n’atteigne pas son objectif, par exemple du fait de l’utilisation de paniers mixtes pour contourner le texte, directement ou indirectement. Il faudra, par ailleurs, fixer un tarif d’envoi qui ne soit ni un frein pour les clients ni une charge trop importante pour les libraires et les éditeurs. Vous avez évoqué cette question, madame la rapporteure. Nous sommes évidemment favorables à l’évaluation régulière que vous proposez.

Nous nous réjouissons que certaines enseignes, comme la FNAC, qui pratiquent des tarifs de fidélité, voient dans cette proposition, malgré la perte de marge qu’elle pourrait occasionner, un signal en faveur d’un changement des manières de consommer. Il est urgent, nous le savons tous, de rétablir un équilibre dans ce secteur, tant la progression du géant américain est forte depuis quelques années sur le marché du livre. Nous nous opposons au modèle social et écologique que promeut Amazon et nous saluons les initiatives en faveur des commerces de proximité et de la chaîne du livre dans son ensemble.

En effet, ne l’oublions pas, l’industrie du livre commence là où les auteurs et autrices imaginent, créent et travaillent, elle grandit par la confiance que leur portent des maisons d’édition – dont certaines, de petite taille, pratiquent l’autoédition et ne réalisent que peu de profits. Nous regrettons, à cet égard, que l’espoir suscité par le rapport de M. Bruno Racine ne soit pas suivi de mesures plus fortes de la part du ministère afin de répondre aux enjeux des autres acteurs de la filière et de trouver des réponses à la grande précarité des auteurs et autrices. Je reviendrai sur ce sujet en séance pour connaître le positionnement de la ministre. Nous souhaitons en savoir plus sur la vision du Gouvernement quant à la manière dont nous pourrions apporter un soutien clair et massif au secteur du livre – je pense, par exemple, au rétablissement du tarif préférentiel de la Poste qui existait il y a quelques années.

Le reste de la proposition de loi, qui comporte d’autres mesures concernant les relations contractuelles entre les éditeurs et les auteurs, l’élargissement des missions du Médiateur du livre et l’adaptation du dépôt légal aux œuvres numériques, nous satisfait.

À ce stade, mon groupe votera en faveur du texte. C’est un pari qu’il faut tenter, et nous serons au rendez-vous.

M. Benoit Potterie. Les livres, comme les librairies, font partie intégrante de notre patrimoine et de notre identité. C’est une exception française qui a trouvé un nouvel écho lors de nos débats passionnés sur l’ouverture des librairies pendant le confinement.

Nous célébrons cette année, on l’a dit avant moi, le quarantième anniversaire de la loi Lang du 10 août 1981. Ce texte a marqué notre histoire parce qu’il a constitué, avec la création du prix unique du livre, le premier jalon de la politique de soutien de l’État à ce secteur.

La première phrase de l’exposé des motifs de ce projet de loi a déjà été citée : « la diffusion du livre connaît depuis quelques années une mutation commerciale dont les conséquences sont loin d’être neutres sur le plan culturel ». Il s’agissait alors de l’émergence des grandes surfaces et des services de vente par correspondance. Il n’échappe à personne que l’économie du livre se caractérise actuellement par de nouvelles mutations, notamment le développement du e‑commerce, dont la part de marché est passée de 2,2 % à 21 % en vingt ans.

Cette évolution n’est pas neutre, parce qu’acheter un livre en librairie constitue une expérience : on parle avec le libraire, on regarde les différents livres, et généralement on ressort avec des ouvrages qu’on n’avait pas prévu d’acheter. Quand on commande sur internet, on sait déjà, en général, ce qu’on veut, et s’il arrive qu’on achète autre chose, c’est souvent en étant guidé par les algorithmes des plateformes, qui orientent vers tel ou tel produit. On peut mesurer très concrètement ce phénomène : en novembre 2019, 150 000 références différentes étaient vendues en France ; lors du second confinement, en novembre 2020, le chiffre a été divisé par trois.

Cette donnée montre qu’il est important de préserver nos librairies en assurant, au moins, une concurrence équilibrée entre les diverses formes de commerce. Tel est l’objectif de l’article 1er de la proposition de loi, qui permettra au Gouvernement d’établir une tarification minimale des frais de port. La livraison gratuite, offerte par certains géants du numérique, est une pratique que nous devons encadrer parce qu’elle tue les librairies.

Le présent texte donnera également aux communes et aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) la possibilité d’accorder, dans certaines limites, des subventions aux librairies indépendantes. C’est une autre mesure attendue et justifiée. Au-delà des produits qu’ils offrent, les commerces, notamment les librairies, sont des vecteurs de lien social et d’animation des centres-villes. Le fait de les soutenir dépasse donc la question de la concurrence entre les formes de commerce : c’est aussi un choix de société.

Par ailleurs, le texte tend à modifier les contrats d’édition pour faciliter les relations entre les auteurs et les éditeurs. Il clarifiera les règles concernant le droit d’auteur et étendra les possibilités de saisine du Médiateur du livre. Les mesures proposées sont le fruit de concertations entre les représentants professionnels des auteurs et des éditeurs. On peut se réjouir que le dialogue ait fonctionné.

La proposition de loi ne se limite pas au secteur du livre. L’article 5 prévoit, en effet, une modernisation des règles du dépôt légal des œuvres, qu’il faut adapter au numérique. Une évolution est nécessaire car le monde a changé depuis la création, en 2006, du dépôt légal numérique. Cet article du texte a été travaillé avec les organismes dépositaires, qui se heurtent à des blocages dans leur travail de conservation patrimoniale.

Je salue, pour terminer, l’excellent travail de Mme la sénatrice Laure Darcos, qui a rédigé cette proposition de loi et dont l’engagement au service du livre est connu. Le groupe Agir ensemble soutiendra sans réserve ce texte ambitieux, qui permettra de réaliser des avancées concrètes en faveur de l’ensemble des acteurs de l’économie du livre – libraires, auteurs, éditeurs et conservateurs.

Mme Agnès Thill. Je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, pour votre travail sur ce texte, ainsi que Mme la sénatrice Laure Darcos, qui est à l’origine de la proposition de loi. En cette période de rentrée parlementaire, je me réjouis que notre commission consacre du temps au thème essentiel du livre et de la lecture, dans le cadre du présent texte mais aussi de celui relatif aux bibliothèques, que notre commission a examiné la semaine dernière.

Le livre a toujours revêtu une importance particulière en France. On ne saurait oublier que le prix unique du livre a inquiété plus d’une grande enseigne lors de son adoption et qu’aujourd’hui, alors que nous célébrons le quarantième anniversaire de la loi Lang, de nombreux pays en Europe et ailleurs dans le monde ont repris cette idée. Le livre est un objet à part. Tantôt mémoire de notre histoire et de notre conscience collective, tantôt divertissement et échappatoire, il est un instant hors du temps qui donne du sens à nos vies.

Les Français ne s’y trompent pas. Longtemps hégémonique dans la communication des idées et des histoires, le livre a résisté à l’émergence de la télévision et à l’explosion d’internet. Il faut reconnaître, plus globalement, qu’il résiste à l’omniprésence des écrans, alors que plusieurs générations ont désormais grandi avec eux. Cet amour des Français pour les livres s’est vu au mois de novembre dernier lorsque, par milliers, nos concitoyens se sont offusqués de voir les librairies figurer dans la liste des commerces dits non essentiels lors du confinement.

Au fil du temps, grâce à l’intervention du législateur, les librairies ont pu garder une place à part dans le marché du livre. Néanmoins, si le prix unique a pu les protéger de grands magasins plus généralistes, l’arrivée des ventes sur internet nous oblige à agir avec d’autant plus de fermeté que les géants du numérique, comme Amazon, ne dépendent pas des ventes de livres. Pire, la faiblesse de leurs coûts de livraison peut même les conduire à vendre en étant déficitaires.

L’instauration d’un tarif minimal pour la livraison de livres est à saluer, de même que l’obligation de faire une distinction claire entre livres neufs et livres d’occasion. En 2014, le législateur avait identifié correctement les problèmes de concurrence déloyale posés par les grandes plateformes numériques mais l’arsenal alors adopté n’est pas suffisant face à des acteurs qui ne rougissent pas de proposer la livraison à un centime. Je m’interroge sur le tarif qui sera établi : pourriez-vous, madame la rapporteure, nous donner des précisions sur ce point ?

Je salue également l’aide qui pourra être apportée par les collectivités locales aux librairies indépendantes, qui sont plus de 3 000 en France. Ces petits commerces illustrent vraiment l’attachement des Français à la culture de proximité, à l’échange et à la découverte.

Enfin, je crois que les dispositions prévues par les trois derniers articles de la proposition de loi sont relativement consensuelles. Nous ne pouvons que nous féliciter des mesures plus protectrices qui figurent à l’article 3 au sujet des auteurs, dont la situation est souvent précaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants soutiendra pleinement la proposition de loi.

M. Michel Larive. Le bras de fer avec les géants du secteur du livre ne date pas d’hier. En 1981, la loi Lang tendait déjà à considérer le livre comme autre chose qu’une marchandise et refusait que le principe européen de la concurrence libre et non faussée lui soit appliqué. Ce texte a permis de protéger la librairie indépendante et les petits éditeurs. Depuis, le prix du livre est fixé par l’éditeur et le libraire ne peut appliquer une remise supérieure à 5 %. De plus, les livres ne peuvent être soldés que deux ans après leur parution. La bataille fut difficile. Leclerc et la FNAC s’étaient insurgés avec force contre le texte et certains considéraient qu’il était impossible de contraindre ces grandes entreprises. Pourtant, nous y sommes parvenus.

Quelques années plus tard, l’apparition des sites de vente en ligne, en particulier celui d’Amazon, a rebattu les cartes. Les librairies indépendantes étaient mises en danger, notamment en raison des pratiques concernant les frais de port. Une loi dite « anti-Amazon » a alors interdit, en 2014, aux sites de vente en ligne de cumuler la gratuité des frais de port et les 5 % de remise sur le prix du livre.

En avril 2018, nous avons remis, Yannick Kerlogot et moi-même, un rapport sur l’évaluation de cette loi, qui a montré en quoi elle était inefficace. Dès le lendemain de la publication du texte, les grandes plateformes, comme la FNAC et Amazon, ont facturé leurs frais de port à un centime d’euros. Ce montant dérisoire a aggravé la distorsion de concurrence entre les grandes plateformes et les détaillants. La volonté de lutter contre le contournement de la loi de 2014 est donc une bonne chose.

Vous proposez de rétablir un équilibre entre les librairies indépendantes et les acteurs du e-commerce que j’ai cités – la FNAC et, surtout, Amazon – en légiférant sur les tarifs de livraison et en permettant aux communes d’accorder des subventions aux petites et moyennes librairies. Ce dispositif revient donc à faire payer davantage les acheteurs et à s’appuyer sur le soutien financier des collectivités territoriales. Nous considérons qu’une attaque plus directe contre le modèle d’Amazon aurait été plus opportune. Il faut rappeler que cette entreprise détruit beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en crée, qu’elle participe à l’artificialisation des terres et qu’elle est une championne des émissions de CO2.

Nous regrettons que la proposition de loi ne soit pas l’occasion de taxer les profits exceptionnels qui ont été réalisés par Amazon pendant la crise, de réformer la fiscalité du e‑commerce, de lutter contre la fraude à la TVA et le contournement des taxes, et d’interdire ou de limiter la construction des entrepôts de e-commerce. Ces propositions sont soutenues par de nombreux syndicats et associations, et certaines d’entre elles ont déjà fait l’objet d’amendements lors de l’examen du projet de loi qui a fait suite à la convention citoyenne pour le climat, mais elles ont toutes été retoquées par la majorité.

La proposition de loi ne prévoit pas de dispositif permettant d’assurer à nos créateurs des conditions de vie dignes, alors que la moitié d’entre eux gagnent moins que le SMIC. Le texte ne permettra pas de renforcer l’équité et la confiance entre tous les acteurs du livre. Nous souhaitons vivement rétablir les conditions d’une concurrence équitable entre les libraires et les plateformes en ligne. Nous sommes pour qu’on conforte le prix unique du livre. Nous partageons le combat contre la gratuité des frais de port, qui multiplie artificiellement les commandes en ligne. Nous préférons que les lecteurs s’approvisionnent localement, auprès de nos librairies, qui, dans l’esprit de la loi Lang, sont de vrais messagers de la culture.

J’ai reçu des contributions venant de mon département, notamment de la librairie Majuscule de Foix et de la librairie Le bleu du ciel de Pamiers, qui sont favorables à une telle évolution. Nous vous proposerons des amendements visant à combler les déficits structurels du texte.

M. Bertrand Pancher. Je suis heureux que notre commission examine ce texte consacré à l’économie du livre. C’est un sujet que nous abordons peu, alors que nous y sommes tous profondément attachés. Nous l’avons démontré encore la semaine dernière lors de l’examen de la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique.

Le présent texte, qui a été largement adopté par nos collègues sénateurs, traite de deux questions complémentaires : le développement économique des librairies indépendantes et l’accès à la culture pour tous, partout sur le territoire. Dans ces deux domaines, un bouleversement est à l’œuvre depuis quelques années, notamment avec l’arrivée des plateformes de vente en ligne. Le e-commerce a complètement chamboulé nos modes de consommation, et le secteur du livre est particulièrement concerné : trop souvent, cela s’est fait au détriment des librairies indépendantes. La proposition de loi prévoit des outils qui nous semblent intéressants pour lutter contre la distorsion de concurrence entre les librairies indépendantes et les grandes plateformes, telles qu’Amazon.

La loi de 2014, qui interdit la gratuité des frais de port pour les ouvrages livrés à domicile, a montré ses limites. Il convient d’actualiser notre législation, d’autant que l’épidémie de covid et les confinements ont rappelé l’attachement de nos concitoyens à leurs librairies de proximité. Dès le premier confinement, nous avons été très nombreux à demander que les librairies soient considérées comme des commerces essentiels, afin de pouvoir rester ouvertes et accessibles à tous durant la pandémie. Dans ce même élan, il est essentiel de soutenir les librairies indépendantes, qui perdent constamment des parts de marché par rapport aux grandes plateformes. Il s’agit, ainsi, de contribuer à l’accès à la culture dans nos territoires et au développement de l’emploi en leur sein.

La proposition de loi comporte des dispositions pertinentes, en particulier l’encadrement des tarifs postaux. Le confinement de l’automne 2020, au cours duquel l’État a pris en charge les frais d’expédition des librairies afin de leur permettre de s’aligner sur la quasi-gratuité pratiquée par les grandes plateformes, a fait exploser les ventes en ligne des librairies – elles ont augmenté de 500 %. Cela démontre qu’il existe au niveau des frais de port un levier essentiel pour aider au développement des librairies indépendantes. Mais c’est également un outil à manier avec précaution : le niveau du tarif minimal déterminera l’efficacité de la loi. Le tarif devra être suffisamment faible pour ne pas décourager l’achat et la vente de livres en ligne, mais il devra être assez élevé pour être intéressant du côté des libraires, qui n’ont pas les mêmes capacités de négociation des tarifs. Il faudra aussi veiller à ce que le montant minimum des frais s’applique à toutes les modalités de livraison, à domicile mais aussi dans les points relais et les casiers, en dehors du commerce de détail de livres.

D’autres mesures inscrites dans la proposition de loi nous paraissent aller dans le bon sens, notamment celles qui favorisent une meilleure information des consommateurs – je pense, par exemple, à la distinction obligatoire entre livres neufs et livres d’occasion – et des auteurs, en ce qui concerne l’exploitation de leurs œuvres en cas de cessation d’activité de l’éditeur.

Mon groupe aborde donc plutôt favorablement le débat sur ce texte.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’article 1er de la proposition de loi tend à instaurer une tarification minimale des frais de livraison, que tous les détaillants devront respecter. C’est une disposition importante et attendue qui permettra de mettre fin à une situation inéquitable. Les plateformes de vente en ligne ne peuvent plus être avantagées par rapport aux librairies du fait de leur volume de vente. Nous sommes attachés à l’existence, sur tout le territoire, d’un maillage de librairies, de lieux de culture, de proximité et d’échange.

La vente à distance s’impose toutefois en certaines occasions, comme nous l’avons vu lors de la crise sanitaire. Les librairies ont dû s’adapter. Dans le cadre de notre politique de soutien à l’écosystème du livre, ne serait-il pas intéressant de créer, madame la rapporteure, une aide publique à l’expédition de livres pour les librairies et les petits éditeurs qui exercent également l’activité de détaillant ? Une telle aide existe pour l’expédition de livres à l’étranger – il s’agit de l’aide au transport, octroyée par la Centrale de l’édition au nom du ministère de la culture – mais elle ne concerne pas les expéditions en France. Ne peut-on pas envisager de l’étendre ?

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Je tiens à souligner le consensus au sein de notre assemblée concernant le rôle crucial du livre et la défense de nos 3 300 librairies. Un tel consensus n’est pas si fréquent, et je vous remercie pour vos propos.

Je suis heureuse que cette proposition de loi soit l’occasion de parler du livre – ce n’est pas non plus si fréquent – et de favoriser une prise de conscience, au sein du public, de l’importance de découvrir le livre, vecteur essentiel de réussite, en librairie.

Mme Thill m’a interrogée sur le tarif minimal. Il n’est pas facile d’anticiper la décision des pouvoirs publics. Pendant les auditions, les avis étaient assez partagés, les librairies indépendantes tablant sur 5 ou 6 euros – pour couvrir leurs coûts – quand les plus gros détaillants évoquaient plutôt 2 ou 3 euros. Il faut notamment voir si les petites librairies pourront s’aligner sur le tarif minimal.

Mme Anthoine m’a interrogée sur l’opportunité d’aides publiques à la livraison pour les librairies, sur le modèle de ce qui existe pour la presse. C’est une idée séduisante, mais il faudrait agir au niveau européen, ce qui demanderait du temps – au moins deux ans –, et il serait complexe de prouver la carence du marché en la matière.

 

II.   examen des articles

Article 1er : Diverses modifications relatives au prix unique du livre

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC17 de la rapporteure.

Amendement AC30 de la rapporteure.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Il s’agit de préciser que la gratuité reste possible en cas de livraison dans un commerce de vente au détail de livres, afin de ne pas pénaliser la pratique du « cliqué-retiré » dans les librairies.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC14 de la rapporteure.

Amendements AC18 et AC19 de la rapporteure.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Ces amendements tendent à insérer la mission de conciliation préalable du Médiateur du livre, prévue par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, au sein de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre et de celle du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements identiques AC1 de Mme Sophie Mette et AC13 de Mme Céline Calvez.

Mme Sophie Mette. L’instauration de tarifs postaux de livraison doit permettre de réduire la distorsion de concurrence sur le marché de la vente en ligne de livres, à l’heure où les libraires indépendants ne sont plus en mesure de proposer des tarifs aussi concurrentiels que ceux des grandes plateformes, comme Amazon, qui disposent, d’une part, d’importantes capacités logistiques et commerciales et, d’autre part, de tarifs préférentiels négociés avec la Poste.

Si, eu égard à ses objectifs, cette disposition apparaît tout à fait nécessaire pour rétablir une certaine équité entre les acteurs de la vente à distance de livres, on peut craindre, dans son application, un contournement de la part des grandes plateformes qui pourraient utiliser le système des paniers mixtes – l’achat d’un produit supplémentaire permettant aux consommateurs de bénéficier tout de même de la livraison gratuite – ou utiliser des abonnements pour contourner le tarif minimal de livraison.

Afin de mesurer les effets de la disposition proposée, mon amendement demande que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans un délai de deux ans suivant la publication de l’arrêté interministériel fixant le montant minimum de tarification, délai raisonnable qui permettra à la mesure de produire ses effets.

En outre, je l’ajoute car je ne pouvais le prévoir par le biais d’un amendement, il serait plus qu’opportun que notre commission se saisisse au plus tôt d’une évaluation de la présente proposition de loi.

M. le président Bruno Studer. C’est noté, madame Mette. L’évaluation devrait avoir lieu dans trois ans…

Mme Céline Calvez. Le groupe La République en marche a déposé un amendement identique. On n’évalue jamais assez. Le Gouvernement, comme le Parlement, devra notamment s’intéresser aux usages des lecteurs et à la transformation du réseau de détaillants.

Pourquoi prévoir un délai de deux ans pour ce rapport ? Il s’agit de laisser aux libraires le temps de s’approprier le dispositif. Je les invite à se lancer, à exposer la richesse de leur fonds, à tisser un autre lien avec leurs clients, tout en continuant à les accueillir au sein de leur librairie et à les conseiller.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Notre commission n’est, en général, pas favorable aux demandes de rapport. Mais en l’espèce il s’agit plutôt d’une évaluation ex post du dispositif, conformément à une recommandation du Conseil d’État. Je suis donc favorable aux amendements sous réserve d’une rectification : il convient de remplacer « la publication » de l’arrêté par son « entrée en vigueur » afin que le Gouvernement puisse remettre son rapport après deux réelles années de fonctionnement du dispositif.

Mme Constance Le Grip. Je note que, depuis hier, les demandes de rapports ont la cote dans notre commission et au sein de la majorité ! Les Républicains sont très favorables à l’évaluation, qui est l’une des missions essentielles du Parlement. Mais, depuis le début de la législature, les amendements de ce type présentés par les groupes d’opposition n’ont jamais eu l’heur de plaire à l’exécutif ou à la majorité. Manifestement, le vent tourne, comme l’a souligné Julien Ravier hier soir à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant, rapportée par notre collègue Anne-Laure Blin, et cela donne l’impression qu’il y a deux poids et deux mesures.

La commission adopte les amendements AC1 et AC13 rectifiés.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AC11 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous souhaitons mesurer l’opportunité de l’instauration d’un tarif préférentiel spécifique pour l’envoi de livres par les librairies indépendantes.

Le rapport d’information sur l’évaluation de la loi du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, présenté par Yannick Kerlogot et moi‑même, préconise d’explorer la possibilité de créer un tarif postal spécifique au livre, dont les pertes pour la Poste seraient compensées par l’État. Cette option serait en effet plus vertueuse que la situation actuelle consistant à compenser les fragilités structurelles du secteur par des aides publiques. C’est pourtant le choix fait à l’article 2 de la proposition de loi, qui autorise de nouvelles subventions en faveur des librairies indépendantes.

L’Allemagne a pris de telles dispositions tarifaires. En février 2017, l’association des éditeurs des Hauts-de-France a comparé les frais de port dans les deux pays : l’envoi d’un même livre coûtait 7,50 euros en France, quand le prix fixe allemand ne s’élevait qu’à 1,65 euro…

Amazon et la Fnac proposent la livraison à 1 centime d’euro grâce à des accords négociés. Très peu de librairies physiques ont pu négocier de tels accords, et le Syndicat de la librairie française estime que l’envoi d’un livre coûte en moyenne 6,50 euros à un libraire. Le rapport que nous demandons devra présenter une étude complète des coûts et des économies attendus, afin de mesurer l’impact que pourrait avoir une telle mesure.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Comme il ne s’agit pas, cette fois, d’une demande d’évaluation, je ne ferai pas d’exception. Avis défavorable.

Sur le fond, il est vrai que l’instauration d’un tarif préférentiel constituerait une solution optimale. Mais, comme l’illustrent les tarifs applicables à la presse, cela engendre certains problèmes, notamment en ce qui concerne la nécessaire compensation, par l’État, du manque à gagner de l’opérateur. Sans parler de la question de l’acceptation, par les autorités européennes, d’une nouvelle mission de service public, comme je l’ai déjà expliqué…

Il serait préférable que le secteur parvienne à s’organiser pour obtenir des tarifs plus intéressants de la part des transporteurs. Il faudrait notamment que la filière puisse proposer des volumes plus importants et absorber une partie des coûts des opérateurs. Ces réflexions doivent être entreprises en parallèle de l’adoption de la proposition de loi et ainsi, à terme, nous pourrons peut-être nous passer d’un tarif minimum pour la livraison.

Vous avez évoqué l’Allemagne. Nous en avons parlé lors des auditions : le marché postal allemand n’est absolument pas organisé comme le nôtre, y compris géographiquement, et le nombre de colis acheminés est bien supérieur, ce qui permet d’optimiser les coûts de livraison.

M. Michel Larive. À l’article 2, vous donnez la possibilité aux communes de verser des subventions aux librairies, mais cela risque de créer des disparités, les collectivités ayant plus ou moins les moyens d’agir. Ainsi, ma circonscription se situe dans une zone qui dispose de peu de moyens. Un tel dispositif sera formidable pour Paris, pour les grandes métropoles, et beaucoup moins pour l’Ariège… À l’inverse, un tarif postal fixe, en fonction du poids de l’envoi, est beaucoup plus égalitaire. D’ailleurs, on ne négocie pas le prix du timbre quand on envoie une lettre !

Mme Michèle Victory. L’intervention de M. Larive met en lumière la question de la compensation éventuelle de l’État pour un service qui peut être considéré comme public, surtout dans les territoires éloignés, où les citoyens veulent aussi accéder au savoir. Nous sommes prêts à faire ce pas, mais que compte faire le ministère ?

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Attribution de subventions aux petites et moyennes librairies indépendantes

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC15 et AC16 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendements AC9 et AC10 de M. Michel Larive (discussion commune).

M. Michel Larive. L’amendement AC9 vise à inscrire dans la loi l’obligation pour les collectivités territoriales ou leurs groupements de privilégier les réseaux de librairies locales, notamment indépendantes, par exemple lorsqu’elles renouvellent les collections de leurs bibliothèques. On compte environ 3 000 librairies indépendantes, employant près de 13 000 salariés. Nous souhaitons diriger les marchés publics de livres vers ces commerces, dont la rentabilité est faible, pour les préserver.

L’article 2 permettra aux communes et groupements de communes d’attribuer des subventions aux librairies. Ce type de mesure entretient un déséquilibre entre les territoires : certains auront des ressources suffisantes pour subventionner des librairies, alors que d’autres n’en auront pas la possibilité, notamment nos communes rurales qui peinent déjà à maintenir une école, faute de moyens.

Nous proposons d’aller un peu plus loin dans le soutien apporté aux librairies locales, grâce à une mesure qui reprend des dispositions actuellement en vigueur, issues du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, mais visant uniquement les fournitures de livres non scolaires dont la valeur estimée est inférieure à 90 000 euros hors taxe. Nous proposons d’étendre ces dispositions à tous les marchés publics liés au renouvellement de livres non scolaires afin qu’on tienne compte de l’impératif du maintien sur le territoire d’un réseau dense de détaillants, notamment indépendants, qui garantit la diversité de la création éditoriale et l’accès du plus grand nombre à cette création.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Je suis pleinement d’accord avec l’objectif, mais une telle disposition me semble avoir une portée normative relativement faible. L’article R. 2122-9 du code de la commande publique autorise déjà la passation de marchés de fournitures sans publicité ni mise en concurrence en dessous de 90 000 euros, en contrepartie d’une attention particulière aux librairies indépendantes. Cela me paraît suffisant. Je vous demande donc de retirer cet amendement.

M. Michel Larive. Il faut passer à l’action pour conforter la position des librairies, en agissant aussi au niveau des bibliothèques.

Dans le même esprit, l’amendement AC10 dispose que, lors des achats de livres, l’État, les collectivités territoriales et leurs opérateurs tiennent compte de l’impératif du maintien sur le territoire d’un réseau dense de détaillants, notamment indépendants.

Le dimanche 1er novembre 2020, alors que les librairies étaient fermées car elles avaient été considérées comme des commerces non essentiels par le Gouvernement, M. Jean Castex a appelé les Français à retarder leurs achats « plutôt que de commander, sur un grand site étranger, des produits par internet ». Pendant deux mois, les librairies ont bénéficié du remboursement de leurs frais d’envoi, ce qui a permis une augmentation des commandes. Mais une politique de défense des librairies ne peut se limiter aux conseils d’un Premier ministre – aussi sympathique soit-il –, ni à une mesure ponctuelle de soutien.

Nous proposons une disposition résolument volontariste qui permettra à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs opérateurs d’acheter leurs livres auprès des librairies locales, notamment celles indépendantes, plutôt qu’auprès de grandes entreprises, afin de soutenir le réseau de détaillants sur tout le territoire.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Même cause, mêmes effets. La rédaction de l’amendement n’est pas normative, et j’ai rappelé ce que prévoit l’article R. 2122-9 du code de la commande publique.

M. Michel Larive. Si l’amendement devient normatif d’ici à la séance publique, que se passera-t-il ?

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. Il faudra y travailler…

La commission rejette successivement les amendements.

Article 3 : Encadrement des pratiques contractuelles dans l’édition littéraire et musicale

La commission adopte successivement les amendements AC21, de précision, et AC20 et AC22, rédactionnels, de la rapporteure.

Amendement AC23 de la rapporteure.

Mme Géraldine Bannier, rapporteure. L’accord du 29 juin 2017 conclu entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition précise que c’est « par exception » qu’un ou plusieurs à-valoir non couverts portant sur un ou plusieurs titres, sous réserve d’une convention séparée des contrats d’édition et avec l’accord formellement exprimé de l’auteur, peuvent faire l’objet d’une compensation intertitres. L’amendement rappelle qu’il faut le consentement exprès de l’auteur, conformément à l’accord de 2017.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC24, AC25 et AC26 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Conciliation préalable devant le Médiateur du livre

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC27 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Réforme du dépôt légal numérique

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC28 et AC29 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 (supprimé) : Gage

La commission maintient la suppression de l’article 6.

Elle adopte ensuite, à l’unanimité, l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

– Texte adopté par la commission :

(https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4499_texte-adopte-commission#)

Texte comparatif :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-cedu/l15b4499-compa_texte-comparatif.pdf

 


—  1  —

   annexe 1 :
Liste des personnes entendues par la rapporteure

(par ordre chronologique)

  Audition commune :

 Société des gens de lettres (SGDL) – M. Christophe Hardy, président, et Mme Maia Bensimon, responsable juridique

 Conseil permanent des écrivains (CPE)  Bessora, présidente, Mme Paola Appelius, vice-présidente, et M. Emmanuel Rolland de Rengervé, co-secrétaire

  Amazon France (*)  M. Frédéric Duval, directeur général, et M. Yohann Bénard, directeur de la stratégie

  M. Jean-Philippe Mochon, médiateur du livre, et M. Simon Vialle, délégué auprès du médiateur du livre

  Table-ronde réunissant :

– Groupe Gibert Joseph – M. Olivier Pounit-Gibert, président du directoire, et M. Marc Bittoré, directeur général

 Groupe Fnac Darty (*)  Mme Cécile Trunet-Favre, directrice de la communication et des affaires publiques, et Mme Stéphanie Laurent, directrice des produits culturels

 France Loisirs  M. Adrian Diaconu, président, et M. Olivier PostelVinay, membre du comité stratégique et conseil éditorial du groupe

 Syndicat des distributeurs de loisirs culturels – M. Jean-Luc Treutenaere, président, et M. Éric Lafraise, secrétaire général

  Table-ronde réunissant :

 Lalibrairie.com  M. René-Yves Aupetit, directeur associé, et M. GeorgesMarc Habib, propriétaire

 Kube  Mme Aurore Choanier, présidente, M. Samuel Cimamonti, directeur général, et M. Anthony Darquey, directeur général délégué

 Association Paris Librairies – Mme Laura de Heredia, administratrice, Mme Anne-Laure Vial, administratrice, et Mme Elsa Pierrot, déléguée générale

 Leslibraires.fr – M. Thomas Le Bras, président

  Audition commune :

 Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général, M. Nicolas Georges, directeur, chargé du livre et de la lecture, et M. Rémi Gimazane, chef du département de l’économie du livre

 Centre national du livre (CNL) – Mme Régine Hatchondo, présidente, et M. Pascal Perrault, directeur général

  Table-ronde réunissant :

 Institut national de l’audiovisuel (INA) – Mme Eléonore Alquier, directrice adjointe à la direction déléguée aux collections de l’INA, et M. Jean-François Debarnot, directeur juridique

 Bibliothèque nationale de France M. Denis Bruckmann, directeur général, et M. Arnaud Beaufort, directeur général adjoint et directeur des services et réseaux

 Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) – M. Maxime Boutron, adjoint au directeur général délégué et directeur financier et juridique, et M. Laurent Cormier, directeur du patrimoine cinématographique

  Table-ronde réunissant :

 Mme Joëlle Toledano, professeur des universités, associée à la Chaire « Gouvernance et Régulation » de l’Université Paris-Dauphine

 M. Mathieu Perona, économiste

 M. François Rouet, économiste

  MM. François Hurard et Serge Kancel, inspecteurs généraux des affaires culturelles

  Syndicat de la librairie française (SLF) – Mme Anne Martelle, présidente, et M. Guillaume Husson, délégué général

  Rakuten France (*)  M. Matthieu Denime, directeur commercial, Mme Marine Chambon, juriste

  Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)  M. Loïc Duflot, directeur Internet, Presse, Postes et Utilisateurs

  Groupe La Poste (*)  M. Nicolas Routier, directeur général adjoint en charge du service public et de la régulation, et Mme Rebecca Peres, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires

  Syndicat national de l’édition (*)  M. Pierre Dutilleul, directeur général, M. Julien Chouraqui, directeur juridique, M. Arnaud Robert, secrétaire général du Groupe Hachette Livre, président de la commission juridique du SNE, Mme Juliane Charbois, directrice juridique du Groupe EDITIS, membre du groupe juridique du SNE, Mme Pascale Buet, présidente de la commission usages commerciaux

  Table-ronde réunissant :

 Librairie M’ Lire (Laval) M. Simon Roguet, gérant

 Librairie Mollat (Bordeaux) – M. Denis Mollat, directeur

 Librairie Le Bleuet (Banon)  M. Marc Gaucherand, propriétaire gérant

 Librairie La vie devant soi (Nantes)  Mme Charlotte Desmousseaux, fondatrice et gérante

  Mme Laure Darcos, sénatrice, auteure de la proposition de loi

  Autorité de la concurrence – Mme Lauriane Lepine-Sarandi, rapporteur général adjoint, et Mme Clélie Devienne, rapporteur

  Direction générale des entreprises  M. Aurélien Palix, sous-directeur réseaux et usages numériques, Mme Laura Hiel, directrice de projet « industries culturelles », et Mme Marie-Liane Lekpeli, cheffe de projet « industries culturelles et créatives »

  Groupe E. Leclerc (*)  M. Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique, et M. Alexandre Tuaillon, responsable des affaires publiques

  Table-ronde réunissant :

 Dislico – M. David Gobert, directeur général

 Editis – M. Valentin Boulet, directeur des projets du secrétariat général

 Hachette  M. Philippe Lamotte, directeur de la branche services et opérations, et M. Arnaud Robert, secrétaire général du Groupe Hachette Livre

 Union Distribution – M. Dominique Wettstein, directeur général

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


—  1  —

   Annexe 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1

Loi n° 81‑766 du 10 août 1981 relative au prix du livre

1er

1

Loi n° 81‑766 du 10 août 1981 relative au prix du livre

5

1

Loi n° 81‑766 du 10 août 1981 relative au prix du livre

8

1

Loi n° 81‑766 du 10 août 1981 relative au prix du livre

8‑1 à 8‑7 (abrogés)

1

Loi n° 81‑766 du 10 août 1981 relative au prix du livre

7

1

Loi n° 81‑766 du 10 août 1981 relative au prix du livre

7-1(abrogé)

2

Code général des collectivités territoriales

L. 2251‑5 (nouveau)

3

Code de la propriété intellectuelle

L. 132-15

3

Code de la propriété intellectuelle

Paragraphe 1 bis de la sous‑section 2 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie (L. 132‑17‑4‑1) (nouveau)

3

Code de la propriété intellectuelle

L. 132-17-3

3

Code de la propriété intellectuelle

L. 132-17-8

3

Code de la propriété intellectuelle

Sous‑section 3 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie (L. 132‑17‑9) (nouvelle)

3

Code de la propriété intellectuelle

L. 811-1-1

4

Loi n° 2014‑344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

144

5

Code du patrimoine

L. 132-1

5

Code du patrimoine

L. 132-2

5

Code du patrimoine

L. 132-2-1

5

Code du patrimoine

L. 132-2-2 (nouveau)

5

Code du patrimoine

L. 132-5

5

Code du patrimoine

L. 132-7

5

Code du patrimoine

L. 740-1

5

Code du patrimoine

L. 760-1

5

Code du patrimoine

L. 770-1

 

 


([1]) Rapport d’information n° 862 de MM. Yannick Kerlogot et Michel Larive sur l’évaluation de la loi n° 2014‑779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, avril 2018, p. 13.

([2])  Fin décembre 2020, il existait 213 magasins FNAC en France ; Cultura dispose aujourd’hui de 98 magasins en France.

([3]) 44 660 titres nouveaux sont parus en 2019, contre seulement 37 865 en 2020 du fait de la crise sanitaire, qui a conduit à des annulations ou à des reports de production.

([4]) Loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition.

([5]) Cf. rapport d’information précité.

([6])  Ministère de la Culture, « Le secteur du livre : chiffres clés 2018-2019 », avril 2020.

([7]) Les chiffres relatifs à l’édition sont issus des « Chiffres de l’édition 2020-2021 » publiés par le Syndicat national de l’édition.

([8]) La littérature représente ainsi, en 2020, 22,5 % du chiffre d’affaires des éditeurs, contre 14,9 % pour les livres scolaires, 13,7 % pour les livres de sciences humaines et sociales, 13,6 % pour la jeunesse, 12,5 % pour la bande dessinée – dont mangas –, et 12,1 % pour les livres pratiques.

([9]) Ministère de la Culture, « Le secteur du livre : chiffres clés 2018-2019 », avril 2020.

([10]) Données 2019 du ministère de la Culture.

([11]) Centre national du livre, Baromètre « Les Français et la lecture 2021 », 2021.

([12]) Une telle possibilité est à l’étude. Elle peut paraître appropriée au vu d’une marge accrue en cas d’un montant de commande supérieur, mais ne semble pas recueillir l’assentiment de l’ensemble des acteurs de la filière, d’après les informations recueillies par la rapporteure.

([13]) Conseil d’État, Avis n° 40248 sur la proposition de loi visant à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs, 11 mars 2021, p. 5.

([14]) Rapport d’information n° 862 déposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur l’évaluation de la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, présenté par MM. Yannick Kerlogot et Michel Larive, avril 2018, p. 18.

([15]) Cette précision, apportée par le Sénat, devait avant tout avoir un effet psychologique sur l’acheteur, pour qui l’achat d’un livre était nécessairement moins onéreux en librairie qu’en ligne, le cumul des deux avantages – la décote et la gratuité des frais de port – étant dorénavant prohibé.

([16]) Ces pratiques ont été avalisées par le Médiateur du livre, par une recommandation du 31 mars 2016, dès lors que le client s’acquitte effectivement du prix d’un abonnement et que les frais de port sur les livres demeurent payants durant l’éventuelle période d’essai gratuit.

([17])  Rapport d’information précité.

([18]) Rapport d’information précité, p. 28.

([19]) D’après les informations recueillies par la rapporteure, ces tarifs pourraient varier du simple au double.

([20]) L’ARCEP a accès aux tarifs offerts au public des prestataires, mais n’a pas connaissance des contrats, couverts par le secret des affaires, qu’ils peuvent signer avec les entreprises clientes,.

([21]) Conseil d’État, avis n° 402248 sur la proposition de loi visant à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs, p. 5.

([22]) En ce qui concerne les pages autres que la page de détail de l’offre, les modalités de cet affichage devaient être convenues entre les signataires dans un délai de six mois à compter de l’adoption de la Charte.

([23]) Médiateur du livre, rapport d’activité 2019/2020.

([24]) Recommandation du 31 mars 2016 relative à la pratique de sur-rabais par les éditeurs procédant à des ventes directes.

([25]) Médiateur du livre, Rapport d’activité 201-2018, p. 16.

([26]) Conseil d’État, op. cit., p. 6.

([27]) Exposé sommaire de l’amendement n° 7 rectifié présenté par Mme Laure Darcos lors de la première lecture de la présente proposition de loi par le Sénat.

([28]) La Deutschepost propose ainsi un tarif « Livres et marchandises » compris entre 1,90 euro et 2,20 euros pour des envois de moins d’un kilogramme et de cinq centimètres de hauteur. À titre de comparaison, un livre peut être envoyé en France par courrier postal, s’il fait moins de 3 centimètres de hauteur et de 500 grammes, pour 3,94 euros, ou par colis ; dans ce cas, le tarif public de La Poste est de 7,99 euros jusqu’à un kilogramme.

([29]) L’article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit en effet que l’éditeur est soumis à une obligation de reddition annuelle des comptes.

([30]) Conseil d’État, op. cit., p. 9.

([31]) Accord interprofessionnel relatif à la provision pour retours et compensation intertitres en matière d’édition du livre, 29 juin 2017.

([32]) L’éditeur peut en effet verser à l’auteur un à valoir sur les droits d’auteur issus des ventes de l’ouvrage, ceux‑ci venant ensuite compenser ledit à valoir. Quand le montant des droits d’auteur dépasse celui de l’à valoir, alors l’éditeur verse à l’auteur les droits correspondants aux ventes suivantes.

([33]) Depuis que le Médiateur existe, un délai de deux à quatre mois est constaté pour la nomination des personnes qui ont successivement exercé cette fonction.

([34]) Article L. 131-1 du code du patrimoine.

([35]) Article L. 131-2 du code du patrimoine.

([36]) Article L. 132-1 du code du patrimoine.

([37]) Article L. 131-2 du code du patrimoine.

([38]) Article L. 132-2-1 du code du patrimoine.

([39]) Conseil d’État, op. cit., p. 12.

([40]) L’auteur ne peut interdire la reproduction de son œuvre quand elle est nécessaire à sa collecte et à sa conservation, ni à sa consultation sur place par des chercheurs dûment accrédités par l’organisme dépositaire.

([41]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11227065_615413a25feb5.commission-des-affaires-culturelles--economie-du-livre-et-renforcement-de-l-equite-et-de-la-confian-29-septembre-2021