—  1  —

N° 4524

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022
(n° 4482),

 

TOME I

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Par M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur général,

Député

——

 


—  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

FICHE  1 : Le contexte macroéconomique

I. L’Économie française, qui restera affectÉe par la crise, poursuit son rebond en 2022

A. Au niveau international, la reprise s’accompagne de tensions sur les prix et les approvisionnements

B. L’Économie française rattrape son niveau d’avant-crise

1. Les déterminants de la croissance en 2022

a. La consommation des ménages repart

b. Le marché de l’emploi se redresse mais connaît des tensions réelles de recrutement

c. La situation des entreprises s’améliore nettement

d. Le commerce extérieur continuera de peser sur la croissance française

e. La dynamique haussière des prix semble devoir demeurer ponctuelle

2. Quel est l’impact de la crise sur la croissance du PIB français ?

II. L’avis du Haut Conseil des finances publiques

1. Le scénario macroéconomique est, pour l’essentiel, validé

2. Des informations à compléter en matière de finances publiques

FICHE N° 2 : La rÉPonse des autorités publiques à la crise Économique : de l’urgence à la relance

I. Le choc Économique provoquÉ par la crise sanitaire a ÉtÉ amorti par l’intervention de l’État

A. Près de 80 milliards d’euros mobilisés depuis le début de la crise pour faire face à l’urgence Économique

1. Un support budgétaire ad hoc pour identifier l’effort de soutien aux entreprises et à l’emploi

2. La réponse à la crise a concerné tout le budget de l'֤État

B. Le Prêt garanti par l’État et les mécanismes de garanties

C. L’accompagnement fiscal et social des entreprises

D. des Évaluations positives pour le plan d’urgence

1. L’appréciation du comité « Coeuré » de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19

2. Les travaux de la Cour des comptes

E. La mise en extinction des dispositifs d’urgence

II. Un Programme de relance qui PrÉpare la sortie de crise

A. Une baisse d’impôts de production de 20 milliards d’euros : La fiscalité au service de la compétitivité

B. Un redémarrage de l’Économie prolongÉ par des investissements

1. Les crédits budgétaires de l’État sont majoritaires

a. La mission Plan de relance

b. Les crédits des autres missions budgétaires.

c. Un quatrième plan d’investissements d’avenir

2. La contribution des organismes de sécurité sociale

3. Des financements directs de la Banque des territoires et de Bpifrance

C. L’Évaluation du plan de relance

1. Les objectifs assignés au plan de relance

2. L’évaluation prochaine par le comité « Coeuré »

III. Des efforts dopÉs par la politique monÉtaire et budgÉtaire europÉenne

A. L’assouplissement des rÈgles budgÉtaires europÉennes

B. L’avancÉe dÉcisive d’un plan de relance europÉen financÉ par l’Émission d’une dette commune

1. Les mesures de soutien budgétaires d’urgence

2. Le plan de relance européen

a. L’instrument Next Generation EU

b. Les modalités de financement

i. Créer de nouvelles ressources propres

ii. Augmenter les contributions nationales

C. La politique monÉtaire, soutien dÉcisif à l’Économie et au secteur financier

1. Un programme massif d’achats d’actifs destiné à limiter les tensions sur les marchés financiers

2. La revue du mandat de la BCE

FICHE N° 3 : La situation des finances publiques

I. Les prélèvements obligatoires sont dynamiques en sortie de crise

A. Les prélèvements obligatoires jusqu’en 2020

1. L’évolution de long cours

2. La structure des prélèvements obligatoires

B. Les prélèvements obligatoires en 2021 et 2022

1. Le rebond de la dynamique des prélèvements obligatoires à la faveur de la reprise économique

2. Les nouvelles mesures de baisse des prélèvements obligatoires

II. Une amorce de normalisation de la dépense publique après le choc expansionniste provoqué par la crise

A. Un recul des dépenses publiques porté par la fin des dépenses exceptionnelles de crise

B. Une normalisation du ratio de dÉpenses publiques

C. La dépense publique en milliards d’euros courants

D. Une évolution de la dépense différenciée selon les sous-secteurs d’administration publique

III. Le déficit public connaît une amélioration marquée à partir de 2022

A. L’évolution du déficit public sur longue période

B. Le solde public resterait dégradé en 2021 avant de diminuer sensiblement en 2022

1. Le rebond de l’activité et la sortie des mesures d’urgence et de relance permettent l’amélioration progressive du déficit

2. L’actualisation de la trajectoire pluriannuelle

3. La présentation du déficit pour 2022 reste néanmoins incomplète

C. L’État continue de supporter l’essentiel du déficit public

a. L’État porte l’essentiel du déficit public

i. L’exécution budgétaire de l’État en 2020

ii. La prévision actualisée du déficit de l’État en 2021

iii. Le déficit de l’État en 2022

iv. La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise

b. Le solde des administrations publiques locales serait peu affecté par la conjoncture

c. La forte mobilisation des finances sociales dans la gestion de la crise

D. Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale

IV. La dette publique

A. Après l’augmentation historique de l’endettement public en 2020, la progression du ratio de dette publique ralentit nettement en 2021

1. Une dette publique élevée mais stabilisée fin 2019

a. Un niveau de dette élevé et une évolution divergente par rapport à nos voisins européens (2013-2017)

b. La stabilisation du niveau de l’endettement public à fin 2017-2019

c. Une trajectoire pré-crise moins exigeante que celle arrêtée en LPFP

2. Un choc haussier historique sur le niveau lendettement public en 2020

a. Une augmentation exceptionnelle du ratio de dette publique en France et dans la zone euro

b. Une progression plus élevée de la dette sociale

3. Le net ralentissement de la progression de l’endettement public en 2021

B. SI le ratio de dette publique diminue en 2022, une attention particulière doit être portée à la trajectoire pluriannuelle retenue et à la soutenabilite de la dette

1. La baisse du ratio de dette publique en 2022

2. La nécessité de stabiliser la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité sur le long terme

a. L’absence de risque d’insoutenabilité de la dette à court terme

b. La nécessité de la fixation d’une trajectoire de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité sur le long terme

3. Le cantonnement de la « dette covid »

FICHE N° 4 : LE BUDGET DE L’ÉTAT

I. Les recettes

A. Les recettes fiscales de l’État

1. Passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes

a. La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux

b. Les recettes fiscales de l’État hors budget général

2. Présentation générale

a. Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

i. L’évolution spontanée

ii. Les mesures législatives

iii. Les mesures de périmètre et de transfert

b. Évolution générale de 2021 à 2022

3. Présentation par impôt

a. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

b. L’impôt sur le revenu

c. L’impôt sur les sociétés

d. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

e. Les autres recettes fiscales

B. Les recettes non fiscales du budget général

C. Les prélèvements sur recettes

D. les dépenses fiscales en 2022

II. Les dépenses publiques, en recul dans le contexte de sortie de crise, demeurent à un niveau Élevé

A. un recul des dépenses de l’État en 2022 du fait de l’extinction des mesures exceptionnelLES de soutien

B. L’évolution des dépenses prioritaires de l’État depuis 2017

1. L’augmentation des dépenses sous norme

a. Le dynamisme de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances

b. Le renforcement du pôle régalien

c. La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de jeunesse

d. La hausse des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

2. Les dépenses non pilotables de l’État ont cru sous l’effet de dynamiques spontanées et de mesures discrétionnaires

III. LA confirmation DE L’ÉVALUATION DE L’IMPACT DES DÉPENSES SUR L’ENVIRONNEMENT

A. La diffusion de la démarche de green budgeting

1. Le « budget vert » français est l’aboutissement d’un travail parlementaire appuyé par celui d’une mission d’inspection

2. La pratique des budgets verts se répand dans l’Union européenne et dans le monde

B. La France, une pionnière du « budget vert » dans le monde

1. Le premier « budget vert » en France

2. Le « budget vert » 2022 en France : un enrichissement de l’information disponible

audition du président du haut conseil des finances publiques

audition du ministre de l’économie, des finances et de la relance et du ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics


—  1  —

   INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2022 amorce résolument un retour à la normale de nos finances publiques. Après deux années marquées par des déficits historiques (– 9,1 % en 2020 et – 8,4 % en 2021), le solde public devrait en effet s’établir à – 4,8 % en 2022. Ce redressement s’appuie à la fois sur la croissance vigoureuse attendue en 2021 puis en 2022 (respectivement + 6 % et + 4 %) et sur le net recul de la dépense publique en 2022. Par conséquent, la part de la dette publique diminuerait à la fin de l’année 2022 en s’établissant à 114 % du PIB, contre 115,6 % fin 2021 et 115 % fin 2020.

L’amélioration de la situation économique et budgétaire de notre pays résulte des choix politiques que nous avons faits depuis le début de la crise. Ces choix ont été et sont toujours, aujourd’hui, permis par le sérieux budgétaire mis en œuvre depuis le début de la législature. Ils se situent, au demeurant, dans la continuité de la politique budgétaire de la majorité qui est à la fois ambitieuse, raisonnable et réactive.

S’inscrivant dans le cadre d’une forte reprise économique, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit :

– de mettre fin aux aides d’urgence, qui ont constitué le « quoi qu’il en coûte ». La mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, dont la création et la mobilisation ont profondément marqué l’action publique depuis 18 mois, est certes prolongée en 2022. Le déroulement si peu prévisible de la pandémie l’exige par précaution. Toutefois, il s’agit, à ce stade, de mobiliser de façon très résiduelle 200 millions d’euros de crédits pour l’achat de matériels sanitaires, sans rapport avec les dizaines de milliards d’euros qui ont permis le financement en 2020 et 2021 du fonds de solidarité et de l’activité partielle ;

– de poursuivre et, pour l’essentiel, d’achever le plan de relance, en respectant l’enveloppe de 100 milliards d’euros initialement fixée. Ce plan devrait donner lieu à des redéploiements limités dans le présent texte et dans le prochain texte financier rectificatif pour 2021, sans que l’enveloppe globale ni la structure d’ensemble du plan ne soient modifiées ;

– de poursuivre le financement de politiques publiques prioritaires, dans le respect des lois de programmation militaire, pour la justice et pour la recherche, largement approuvées sur de très nombreux bancs des assemblées parlementaires. Les forces de sécurité du ministère de l’Intérieur devraient également bénéficier, conformément au « Beauvau de la sécurité », de moyens supplémentaires. Au total, le schéma d’emplois de 2017 à 2022 aura permis la création de 10 000 postes au sein de la mission Sécurités ;

– de protéger nos concitoyens les plus fragiles. 200 millions d’euros sont ainsi prévus pour financer une mesure nouvelle, ambitieuse et redistributive, en faveur des bénéficiaires de l’allocation adultes handicapés (AAH) les plus précaires. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de l’augmentation substantielle du montant de l’allocation au cours de la présente législature – les crédits de l’AAH en 2022 s’élèveraient à 12 milliards d’euros, dont 2,4 milliards au titre des mesures prises pendant le quinquennat. En outre, les bourses sur critères sociaux seront à nouveau revalorisées – pour un total de + 15 % sur le quinquennat – et les étudiants concernés continueront de bénéficier du ticket-restaurant à un euro.

Ces mesures s’accompagnent, bien évidemment, du respect de l’engagement majeur pris au début du quinquennat : celui de ne pas augmenter les impôts de nos concitoyens. 2022 sera au demeurant une année de baisse de la pression fiscale : c’est la dernière année pendant laquelle des contribuables paieront une fraction de la taxe d’habitation. La suppression de cette imposition locale, la baisse de l’impôt sur le revenu en 2020 et la baisse des cotisations sociales en début de quinquennat constituent chaque année un allègement des prélèvements obligatoires d’environ 25 milliards d’euros. Il n’est pas question de le remettre en cause. Il importe désormais, pour les ménages comme pour les entreprises, de bénéficier de la stabilité fiscale.

Cette stratégie économique et de finances publiques donne des résultats. Qui dirait aujourd’hui que la forte reprise économique que nous constatons n’a rien à voir avec le soutien massif aux salariés et aux entreprises mis en place depuis mars 2020 ? Qui dirait qu’elle n’est pas relayée par le plan de relance, auquel nous assumons d’y adjoindre un plan d’investissement à l’horizon 2030 ? Qui dirait qu’elle n’est pas confortée par une politique claire de modération fiscale, permettant notamment une hausse chaque année depuis 5 ans du pouvoir d’achat des Français, notamment les plus modestes, même dans le contexte d’une crise sanitaire et économique sans précédent depuis un siècle ?

Le texte qui nous est soumis comporte également des dispositions fiscales importantes, qui ont pour objectif de conforter et d’amplifier notre politique économique.

S’agissant de la fiscalité des ménages, l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, prévue par l’article 2, constitue une mesure d’un montant de 1,5 milliard d’euros en faveur du pouvoir d’achat des contribuables. Si cette indexation est classique, souvenons-nous qu’elle n’a pas été mise en œuvre dans les lois de finances pour 2012 et 2013, par deux majorités successives, alors que notre pays était en voie, comme aujourd’hui, de sortie de crise.

Les articles 4 à 6 constituent une partie du plan en faveur des indépendants présenté par le Président de la République le 16 septembre 2021. Les règles fiscales relatives au choix d’être imposé à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés seront plus simples et lisibles. Les transmissions d’entreprises individuelles seront moins coûteuses et plus aisées. Enfin, une capacité temporaire de tenir compte sur le plan fiscal de l’amortissement comptable des fonds commerciaux allégera le coût de leur transmission en sortie de crise. Il s’agit d’une baisse de la fiscalité évaluée à environ 300 millions d’euros chaque année sur 10 ans.

Les articles 8 et 29 améliorent notre fiscalité écologique. Le premier, issu du « Fontenoy du maritime », amplifie la portée de la déduction incitant les entreprises du secteur à équiper leurs navires et bateaux d’équipements propulsifs plus respectueux de l’environnement – ce n’est en rien un détail quand on constate le poids du transport maritime et fluvial dans les émissions de gaz à effet de serre et polluantes. Le second accroît encore les incitations fiscales à l’incorporation de biocarburants dans les carburants mis sur le marché.

Dans la continuité de l’action déterminée que nous menons depuis le début de la législature en faveur de l’efficacité du dispositif fiscal, il est par ailleurs proposé de supprimer plusieurs niches fiscales inefficientes (article 10) et taxes à faible rendement (article 30), ainsi que de conforter la modernisation du recouvrement de l’impôt (article 34). Si beaucoup reste à faire, la modernisation de nos finances publiques et de la loi fiscale aura discrètement mais résolument marqué l’actuelle législature. Formons le vœu de parvenir rapidement à compléter substantiellement ce mouvement par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), portée par le président de notre commission des finances Éric Woerth et moi-même et désormais bien engagée après son examen en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat.

L’amorce du retour à la normale de nos finances publiques dans le cadre du PLF 2022 ouvre la réflexion sur leur trajectoire au cours de la prochaine législature. On observe que, selon les projections du Gouvernement, l’endettement public rapporté à la richesse nationale augmenterait à partir de 2023, avant une inflexion à la baisse à compter de 2026. Notre déficit public serait ramené à moins de 3 % du PIB à partir de 2027. Cette trajectoire de rétablissement devra s’appuyer sur de nouvelles réformes soumises au choix des Français en 2022. Il est possible de fixer et mettre en œuvre une trajectoire appropriée et documentée d’évolution de la dépense publique. Celle‑ci, hors mesures d’urgence et de relance, aura d’ailleurs moins augmenté au cours du quinquennat qui s’achève qu’au cours de chacun des précédents.

Le projet de loi de finances, tel que déposé le 22 septembre dernier par le Gouvernement, sera enrichi, à son initiative, en dépenses comme en recettes. Il est regrettable que le Parlement n’ait pas été saisi initialement de l’ensemble des éléments constituant la politique budgétaire proposée par le Gouvernement pour 2022. Sachons néanmoins reconnaître qu’un plan d’investissement dans des technologies de rupture à l’horizon 2030, comme la mise en place d’un contrat d’engagement en faveur des jeunes les plus éloignés du marché du travail, nécessite un travail conséquent en amont. On ne peut, par ailleurs, que se réjouir du fait que l’examen du projet de loi de finances sera également l’occasion d’apporter une réponse adaptée à la hausse des prix de l’énergie.

Il convient bien entendu que le Gouvernement ouvre les débats correspondants en mettant à la disposition de l’Assemblée nationale l’ensemble des éléments nécessaires à sa bonne information.

 


—  1  —

   FICHE N° 1 : Le contexte macroéconomique

Résumé de la fiche

La récession déclenchée par la propagation de l’épidémie de la Covid-19 est historique et d’une ampleur plus forte encore que la grande crise financière de 2008-2009.

La reprise économique apparaît pourtant réelle à l’automne 2021, porté par le rebond de l’activité dans de nombreuses économies avancées, qui rejoint progressivement son niveau d’avant-crise. Ce rebond reste inégal selon les régions du monde, de nombreux pays restant vulnérables à la propagation de l’épidémie, et selon les secteurs – certains sont durablement affectés et reprennent moins vite que le reste de l’économie. 

Cette reprise mondiale ne se fait pas sans tensions, avec l’apparition de goulots d’étranglement dans certaines chaînes de production en raison du manque de certains composants intermédiaires, ou encore d’une forte augmentation du coût du transport maritime. Une accélération de l’inflation est observable dans plusieurs économies avancées dont les conséquences à moyen terme interrogent.

La France retrouverait son niveau d’activité d’avant-crise d’ici la fin de l’année 2021. La consommation des ménages y est dynamique, de même que l’investissement des entreprises, grâce aux nombreuses mesures de soutien mises en œuvre depuis le début de la crise sanitaire. Le marché du travail effacerait les stigmates de la crise en recréant de l’emploi. Le commerce extérieur pèserait cependant de façon négative sur la croissance, en raison de la spécialisation des exportations françaises sur certains secteurs durablement fragilisés.

Pour autant, la crise laissera des traces durables sur le potentiel de croissance de l’économie française, que de premiers travaux tentent d’évaluer.

Les prévisions relatives aux finances publiques de l’année à venir sont directement liées au contexte macroéconomique. Les objectifs fixés en termes de solde, de recettes et de dépenses publics doivent découler d’hypothèses macroéconomiques crédibles en termes de croissance, d’inflation, de taux d’intérêt et d’emploi.

Ces hypothèses, qui sont considérées comme des données exogènes à la conception du budget à venir, reposent sur des prévisions gouvernementales qui peuvent être comparées aux estimations externes en provenance de divers organismes statistiques ou économiques. Le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, est chargé d’apprécier la cohérence et la sincérité de ces prévisions.

Les principaux indicateurs nécessaires à l’élaboration du budget

Le scénario macroéconomique sur lequel repose l’élaboration d’un projet de loi de finances fait intervenir de nombreuses hypothèses macroéconomiques. Quatre d’entre elles sont particulièrement importantes.

Le taux de croissance

La prévision de croissance correspond au taux de croissance en volume du produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire corrigée de la variation des prix. L’hypothèse de croissance permet de bâtir une prévision du montant des recettes fiscales de l’exercice à venir. Le taux de croissance de l’année précédant celle sur laquelle porte le budget doit également être pris en compte car l’exigibilité de certains impôts présente un décalage d’une année avec leur assiette.

Le taux de croissance en valeur du PIB, quant à lui, tient compte de la variation des prix et figure au dénominateur du ratio de calcul du déficit public.

L’inflation

La prévision d’inflation est prise en compte dans la prévision des recettes, car elle a un impact immédiat sur certaines bases taxables, comme celle de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également un effet sur la prévision des dépenses, dans la mesure où certaines d’entre elles sont indexées à l’inflation. L’inflation a également pour effet de réduire le rendement mesuré de certaines mesures d’économies tendancielles (telles que les mesures de « gel » des crédits budgétaires en exécution).

Les taux d’intérêt

La prévision de taux d’intérêt permet d’anticiper la charge de la dette de l’État, c’est-à-dire le montant des intérêts à servir sur le capital de dette accumulé.

La Banque de France, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique monétaire de la zone euro, communique plusieurs statistiques et études économiques relatives à l’évolution des taux appliqués dans le secteur bancaire et des taux appliqués à la dette publique.

La masse salariale privée

Une grande partie de l’évolution des prélèvements obligatoires (les cotisations sociales, la fraction principale de la contribution sociale généralisée – CSG –, et l’impôt sur le revenu) est liée à l’évolution de la masse salariale dans le secteur privé. Cet indicateur est essentiel pour les prévisions de recettes et de déficit public toutes administrations publiques confondues.

L’enquête emploi de l’Insee concourt à fournir des données actualisées en continu sur la situation du marché de l’emploi en France.

I.   L’Économie française, qui restera affectÉe par la crise, poursuit son rebond en 2022

La crise sanitaire apparue début 2020 a profondément affecté l’économie française, qui avait jusqu’alors fait preuve de résilience dans un contexte international incertain.

Depuis la précédente crise financière, elle avait alterné entre période de rattrapage, en 2010 et 2011, de stagnation (2012 et 2013), puis de dynamisme retrouvé à partir de 2014, avec un point haut enregistré en 2017 s’appuyant sur la progression de l’investissement des entreprises et des ménages. Le rythme de croissance avait ensuite ralenti en parallèle de la détérioration des perspectives internationales.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,1

2,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

Croissance

1,9

1,8

–7,9

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux.

La contraction de la production en 2020 a atteint, dans ce contexte, un niveau inédit.

A.   Au niveau international, la reprise s’accompagne de tensions sur les prix et les approvisionnements

À l’automne 2021, l’économie mondiale se redresse. Le PIB mondial est dorénavant supérieur à son niveau d’avant la pandémie ([1]). Les progrès de la vaccination, qui atténuent les dangers liés à la pandémie compris le variant Delta, ainsi que les puissantes mesures de soutien aux entreprises et aux ménages mises en œuvre dans de nombreux pays, permettent une reprise rapide au moment de la réouverture de nombreuses activités économiques.

La croissance mondiale atteindrait ainsi 5,7 % en 2021, avant de décélérer à 4,5 % en 2022 – progressions bien supérieures au rythme d’avant-crise (2,6 % en 2019). Des plans d’investissements importants au sein de l’Union européenne et aux États-Unis viendraient soutenir la croissance dans ces zones.

Évolution de la croissance mondiale

(croissance du PIB réel, en %)

 

2019

2020

2021

2022

Monde

2,6

– 3,4

5,7

4,5

États-Unis

2,2

– 3,4

6,0

3,9

Chine

6,1

3,4

8,5

5,8

Japon

0,7

– 4,6

2,5

2,1

Brésil

1,1

– 4,4

5,2

2,3

Inde

4,2

– 7,3

9,7

7,9

Russie

1,4

– 2,5

2,7

3,4

Zone euro

1,3

– 6,5

5,3

4,6

France

1,5

– 8,0

6,3

4,0

Allemagne

0,6

– 4,9

2,9

4,6

Italie

0,3

– 8,9

5,9

4,1

Royaume-Uni

1,5

– 9,8

6,7

5,2

Source : OCDE, perspectives macroéconomiques, 21 septembre 2021.

Les États-Unis ont connu une récession limitée en 2020, ce qui ne les empêcherait pas de bénéficier d’un rebond important en 2021 (+ 6,0 %) et, dans une moindre mesure, en 2022. Le stimulus budgétaire massif a permis de conforter la consommation intérieure, alimentant la reprise de l’économie. Au total, l’économie y a retrouvé son niveau d’avant-crise dès le premier trimestre 2021.

La zone euro a été très affectée par la crise sanitaire, avec une récession deux fois supérieure à celle enregistrée au niveau international en 2020. Le redressement de 2021 y serait moins important, et équivalent en 2022. L’Allemagne retrouverait son niveau d’activité d’avant-crise dès la fin 2021, de même que la France (voir infra). À l’inverse, l’Espagne reste pénalisée par les difficultés du secteur touristique et ne retrouverait son activité de fin 2019 qu’à la mi-2022. L’Italie serait dans une situation similaire, mais les deux pays bénéficieraient de montants très importants en provenance du plan de relance européen. Dans ces deux pays, au premier trimestre 2021, l’activité se trouve très en-deçà de son niveau d’avant-crise (– 9,3 % en Espagne et – 6,4 % en Italie), ce qui est moins le cas en Allemagne (– 5,0 %) et en France (– 4,7 %).

Au sein de la zone euro, ce sont les secteurs du commerce, du transport et de l’hébergement-restauration qui contribuent le plus à la perte d’activité par rapport à l’avant-crise ([2]).

Le Royaume-Uni a également subi une grave récession, avant de connaître une dynamique de croissance importante en 2021 et 2022. En juillet 2021, le niveau d’activité y reste inférieur de 3,5 % à son niveau d’avant-crise. De même qu’aux États-Unis, le pays est néanmoins confronté à une forte dynamique d’inflation – qui pourrait dépasser les 4 % sur l’année ([3]).

La Chine, qui n’a pas subi de récession en 2020, enregistrerait un puissant rebond en 2021, à 8,5 %. Le pays a pu retrouver son niveau d’avant-crise dès la fin de l’année 2020, grâce à la dynamique des échanges extérieurs et la levée progressive des restrictions sanitaires. Il reste confronté, à court terme, à un certain nombre de fragilités liées à la situation de son marché immobilier et aux difficultés d’approvisionnement en électricité dans certaines régions du pays, qui tendent à freiner la dynamique de croissance de façon marquée ([4]).

L’Inde, beaucoup plus affectée lors de la crise avec une contraction de 7,3 % du PIB, devrait bénéficier d’une reprise économique rapide, proche de 10 % en 2021 et encore élevée en 2022. L’activité y est soutenue par une politique budgétaire expansionniste, mais le rebond pourrait être freiné par les nouvelles mesures de restrictions sanitaires introduites au 2ème trimestre 2021.

Le rebond économique enregistré dans le monde en 2021 n’est pas sans tensions. Dans de nombreux pays, l’activité et/ou le niveau d’emploi n’ont pas retrouvé leurs niveaux d’avant-crise. Les pays émergents et en développement ont, globalement, des taux de vaccination moins élevés, ce qui les expose à la diffusion du variant Delta, risquant de fragiliser plus encore les chaînes de production mondiales. Des pénuries importantes sont apparues dans certains secteurs-clés comme les semi-conducteurs ou le transport maritime – secteur où les prix ont triplé en un an.

Ces tensions s’accompagnent au demeurant d’une forte hausse de l’inflation. Plusieurs facteurs expliquent ce regain de la dynamique des prix : l’augmentation du prix des matières premières (+ 55 % en un an) et du transport maritime, les tensions sur l’offre liées aux difficultés d’approvisionnement, le rebond de la demande des consommateurs à la faveur de la levée des restrictions sanitaires et, enfin, des effets de rattrapage de prix dans certains secteurs qui avaient subi des baisses au début de la pandémie.

Ainsi, aux États-Unis, l’inflation annuelle a pu atteindre plus de 5 %, appuyé notamment par le vif stimulus budgétaire apporté pendant la crise, qui pourrait se poursuivre du fait des grands plans d’investissement de la nouvelle administration américaine. Au sein des pays du G20, l’inflation connaîtrait un pic à 4,5 % au dernier trimestre 2021, avant de reculer en 2022 avec la résorption attendue des difficultés d’approvisionnement. L’OCDE considère cependant que l’inflation devrait se stabiliser à un niveau supérieur aux taux moyens observés avant la pandémie ([5]).

B.   L’Économie française rattrape son niveau d’avant-crise

La quatrième vague épidémique n’a pas entraîné, en France, de recul majeur de l’activité économique, à l’inverse des trois précédentes. Celles-ci avaient, en effet, été accompagnées de restrictions sanitaires dont le dispositif a été affiné au fil du temps. Ainsi, alors que l’activité économique était inférieure de 30 % à son niveau d’avant-crise en avril 2020, ce chiffre n’était plus que de 7 % en novembre 2020 et 6 % en avril 2021.

Au moment de la quatrième vague épidémique, entre juillet et août 2021, l’activité se situe entre – 1 % et – 0,5 % de son niveau de fin 2019 ([6]). La progression de la vaccination et la mise en place du passe sanitaire ont donc permis d’atténuer fortement la corrélation, observée depuis le début de la crise, entre vague épidémique et contraction économique.

L’économie française devrait ainsi rattraper son niveau de fin 2019 avant la fin de l’année 2021. En 2022, l’activité se situerait à un niveau 1,5 % plus élevé qu’en 2019. Néanmoins, celui-ci ne permettra pas d’effacer l’ensemble des stigmates de la crise sanitaire, qui aura des effets structurels sur la trajectoire de croissance. Le président du HCPF a ainsi indiqué, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, que la comparaison du PIB en volume du PLF 2022 et celle du RESF de l’automne 2019 faisait apparaître une perte de richesse de plus de 300 milliards d’euros ([7])

Plusieurs signaux positifs, dont la bonne situation financière des entreprises et le déploiement du plan de relance appuient le dynamisme de l’économie, d’autant que la préservation des emplois et des revenus des ménages pendant la crise alimente également la consommation privée. Le marché du travail se redresse et efface en partie les traces de la crise.

En revanche, les tensions sur les approvisionnements en matières premières et composants industriels, leurs conséquences sur les prix de production et les difficultés de recrutements demeurent des inconnues importantes qui pourraient freiner la reprise.

PrÉvisions de croissance pour la France

(évolution en % du PIB en volume)

Institut

Date

2021

2022

FMI

Juillet 2021

5,8

4,2

OCDE

Septembre 2021

6,3

4,0

Commission européenne

Juillet 2021

6,0

4,2

Banque de France

Septembre 2021

6,3

3,7

Insee

Septembre 2021

6,25

Consensus Forecast

Septembre 2021

6,1

3,8

PLF 2022

Septembre 2021

6,0

4,0

Source : commission des finances.

Après le fort rebond post-crise de 2021, prolongé en 2022, la croissance s’appuierait sur des éléments structurels et de plus long terme.

1.   Les déterminants de la croissance en 2022

Alors que la consommation des ménages se redresse, que le marché du travail recrée des emplois et que l’inquiétude sur la situation financière des entreprises s’estompe, le commerce extérieur français continuerait de peser sur la croissance, alors qu’une accélération de l’inflation témoigne des frictions causées par la crise sanitaire au moment de la reprise économique.  

a.   La consommation des ménages repart

Après une dégradation en début d’année avec le troisième confinement, la consommation des ménages se situe, à la mi-2021, à un niveau proche de celui d’avant-crise. Dans l’hypothèse d’une absence de nouvelles mesures de restriction, elle devrait retrouver ce niveau d’ici la fin de l’année, portée par la dynamique de l’hébergement-restauration et des activités de loisir, à la faveur de la mise en œuvre du passe sanitaire.

En revanche, les restrictions sur les déplacements internationaux continueraient de peser et, par ailleurs, les achats de véhicule resteraient déprimés en raison des difficultés d’approvisionnement auxquelles le secteur automobile est confronté. De plus, malgré la dynamique observée sur ces dernières semaines, le niveau de consommation des ménages resterait significativement inférieur à son niveau d’avant-crise dans le secteur du transport et de l’hébergement-restauration.

Écart de niveau de consommation des ménages par rapport au niveau d’avant-crise

(en %)

Secteur

2020

2021

Agriculture, sylviculture et pêche

0,4

– 3

Industrie

– 4,7

– 1

Construction

– 8,0

– 1

Services principalement marchands

– 12,1

– 8

dont commerce

– 10,1

– 3

dont transports et entreposage

– 43,6

– 32

dont hébergement et restauration

– 35,5

– 29

Services principalement non marchands

– 8,3

– 1

Total

 7,6

 3,5

Source : Insee, Point de conjoncture du 7 septembre 2021.

Le maintien d’une part prépondérante des emplois et des salaires permis par les mesures d’urgence, couplé à une restriction des possibilités de consommation, a entraîné un surcroît d’épargne des ménages de grande ampleur. Selon la Banque de France, celui-ci atteindrait environ 170 milliards d’euros fin 2021, soit l’équivalent de sept points de PIB ([8]).

Le projet de loi de finances anticipe, à cet égard, le retour du taux d’épargne à un niveau similaire à celui d’avant-crise : il n’y aurait, dès lors, pas de déblocage marqué de l’épargne accumulée pendant la crise. Le taux d’épargne des ménages passerait ainsi de 21,4 % en 2020 à 15,2 % en 2022. Avec – 4,8 points, la baisse serait particulièrement forte entre 2021 et 2022, permettant de retrouver le niveau de 2019 (15,0 %).

L’OFCE a étudié un scénario dans lequel les ménages consommeraient 20 % de l’épargne issue de la crise. Plusieurs arguments plaident en effet pour cette hypothèse, dans la mesure où une grande part de l’épargne accumulée est liquide – donc facilement mobilisable –, mais également parce que cette épargne serait plus « subie » que « désirée » : dès lors, les perspectives sur le marché du travail étant favorable et le Gouvernement n’ayant pas annoncé de mesures de consolidation budgétaire, les effets sur la croissance, le marché du travail et les finances publiques pourraient être particulièrement favorables ([9]).

b.   Le marché de l’emploi se redresse mais connaît des tensions réelles de recrutement

Pour la première fois en dix ans et depuis la crise financière, l’économie française a connu une baisse de l’emploi total en 2020.

DÉcomposition des Emplois en France en 2020

(en équivalent temps plein)

Catégorie d’employeurs

Nombre d’emplois

Évolution annuelle

Entreprises privées

19,3 millions

– 1,0 %

Administrations publiques

5,7 millions

– 0,1 %

Ménages et institutions sans but lucratif au service des ménages

1,6 million

– 3,3 %

Total

26,6 millions

 0,9 %

Source : Insee, comptes nationaux 2020.

En particulier, l’emploi des entreprises privées a diminué en 2020 après deux années particulièrement dynamiques. Ces destructions d’emplois restent pourtant limitées au regard de ce dynamisme enregistré sur les deux années précédentes : l’emploi salarié à relativement résisté à la contraction de l’économie grâce au recours massif à l’activité partielle.

DÉcomposition des emplois par secteur en 2020

Secteur

Nombre d’emplois

Évolution annuelle

Industrie

2,8 millions

– 0,7 %

Industrie manufacturière

2,5 millions

– 0,8 %

Tertiaire principalement marchand

13,4 millions

– 1,7 %

Tertiaire principalement non marchand

7,7 millions

– 0,1 %

Branches marchandes non agricoles

18,1 millions

– 1,2 %

Total

26,6 millions

 0,9 %

Source : Insee, comptes nationaux 2020.

Le tertiaire marchand connaît la plus forte contraction, avec – 1,7 %, en lien avec le recul de l’emploi intérimaire, ainsi que les difficultés dans les secteurs de l’hébergement-restauration, des services aux ménages et du commerce. En comparaison, l’emploi industriel apparaît plus stable, alors que le secteur de la construction a continué à créer des emplois en 2020.

Si l’économie française a connu une baisse du nombre d’emploi en 2020, le taux de chômage diminue entre 2019 et 2020.

Taux de chÔmage depuis 2012

(en % de la population active)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Taux de chômage

9,8

10,3

10,3

10,4

10,0

9,4

9

8,4

8,0

Source : Insee, enquête Emploi.

Cet effet surprenant est lié aux difficultés à rechercher un emploi ([10]) dans un contexte de restrictions sanitaires : lors du premier confinement, le taux de chômage a nettement reculé (– 2,7 points en mars 2020 et – 2,6 points en avril), avant de rebondir. L’Insee calcule que, en neutralisant l’effet des deux confinements de l’année, le taux de chômage est quasi stable entre 2019 et 2020 ([11]).

L’année 2021 permettrait d’effacer une partie des traces de la crise sur le marché de l’emploi. Après une baisse de 355 000 emplois en 2020 par rapport à fin 2019, la reprise de l’activité conduirait à la création de 375 000 emplois sur l’année 2021.

Prévisions d’emploi

(en glissement annuel et en milliers)

 

2020

2021

2022

Emploi salarié agricole

0

0

0

Emploi salarié marchand

– 355

325

65

Emploi salarié non marchand

60

35

60

Total salariés

 295

360

125

Non-salariés

– 55

15

5

Emploi total

 355

375

130

En raison d’effets d’arrondis, la somme des lignes d’une colonne peut ne pas coïncider avec le total indiqué.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Les prévisions présentées ci-dessus ont été arrêtées par le Gouvernement avant la publication par l’Insee de l’estimation détaillée de l’emploi salarié au 2ème trimestre 2021. Selon cette nouvelle estimation, les créations d’emplois salariés marchand observées au 1er semestre atteignent 380 000, alors même que le Gouvernement prévoit + 325 000 sur l’ensemble de l’année 2021. Dès lors, le rebond de l’emploi en 2021 devrait être plus important que prévu, tirant vers le haut les recettes reposant sur la masse salariale de l’année.

Le taux de chômage serait globalement stable en 2021. Selon l’Insee, deux effets inverses se compenseraient avec, d’un côté, la reprise de l’emploi décrite plus haut et, de l’autre, le retour sur le marché du travail de personnes qui s’en étaient éloignées du fait de la crise sanitaire.

La reprise de l’économie s’accompagne néanmoins de fortes tensions sur les recrutements, dont le volume continuerait de progresser. Au mois de juillet 2021, 15 % des entreprises de l’industrie et des services et 40 % de celles du bâtiment se déclaraient limitées dans leur production par l’insuffisance de personnel. Il s’agit d’un niveau élevé, mais moins important que les points hauts atteints en 2018-2019.

La dynamique de création d’emplois se poursuivrait en 2022, mais dans une ampleur moindre qu’en 2021 (+ 130 000 emplois).

La crise aura-t-elle des effets durables sur l’emploi ?

La bonne dynamique de l’emploi ne permet pas d’affirmer que la reprise permettra d’effacer les stigmates de la crise. En effet, un risque d’effets d’hystérèse, c’est-à-dire de perte durable de chance de trouver un emploi, peut apparaître sur certaines populations fragilisées :

– les jeunes sont particulièrement affectés dans la mesure où ils occupent, en général, davantage de contrats précaires et dépendent davantage des flux d’embauches. Les données sur cette population apparaissent néanmoins rassurantes, avec un fort rebond des embauches en 2021 : au 2ème trimestre, le taux de chômage des jeunes atteint 19,8 %, soit le niveau le plus bas depuis plus de 13 ans ;

– les travailleurs ayant peu accès à la formation sont également très concernés, notamment ceux qui occupent des emplois précaires. Le risque de perte d’employabilité est particulièrement fort sur cette population, d’autant que la hausse du nombre de demandeurs d’emplois entre fin 2019 et le 2ème trimestre 2021 s’explique intégralement par la hausse du nombre de demandeurs d’emploi de longue durée.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

c.   La situation des entreprises s’améliore nettement

La situation des entreprises apparaît encourageante. Signe de cette bonne santé, l’investissement des entreprises a démontré une forte résilience pendant la crise, puisqu’il est déjà revenu à son niveau d’avant-crise au deuxième trimestre 2021, sous l’effet notamment de la bonne tenue des marges, des conditions de financement favorables et de la vigueur des investissements immatériels.

L’investissement resterait dynamique en 2022 (+ 5,1 %, après + 12,2 % en 2021), notamment grâce à un taux de marge qui resterait élevé, après avoir connu un point haut en 2021.

Compte des sociÉtÉs non financiÈres

Indicateur

2019

2020

2021

2022

Taux de marge (EBE/VA)

33,2

31,8

34,7

33,2

Taux d’épargne (épargne/VA)

23,2

21,9

25,2

24,1

Taux d’autofinancement (épargne /FBCF)

94,6

89,1

96,4

93,0

Taux d’investissement (FBCF/VA)

24,5

24,6

26,1

25,9

* L’EBE est calculé comme l’excédent généré par les activités d’exploitation des entreprises après rémunération de la main-d’œuvre. Il s’agit du capital dont disposent les sociétés non financières pour rémunérer leurs créanciers, payer leurs impôts et financer leurs investissements. Source : Eurostat.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Selon la Banque de France, le taux de marge des entreprises se maintiendrait ensuite à un niveau élevé, proche de celui atteint en 2019 et très au-dessus de sa valeur moyenne de la décennie précédente. L’effet de la reprise économique et des mesures de soutien dans le plan de relance (subvention à l’investissement et à l’embauche, baisse des impôts de production) permettraient de compenser un certain dynamisme des salaires et la disparition progressive de l’activité partielle ([12]).

d.   Le commerce extérieur continuera de peser sur la croissance française

La crise sanitaire a profondément affecté le commerce extérieur de la France.

Commerce extÉrieur de la France

(en %)

 

2020

2021

2022

Importations

– 12,2

9,0

10,4

Exportations

– 16,1

8,6

10,0

Demande adressée à la France

– 6,8

10,4

4,9

Contribution du commerce extérieur à l’évolution du PIB en volume

– 1,1

– 0,3

– 0,4

Balance commerciale (en %)

– 2,8

– 3,5

– 3,7

Balance commerciale (en mds)

– 65

– 86

– 95

Source : RESF 2022.

Les échanges extérieurs ont ainsi connu une forte contraction en 2020, le recul des importations étant cependant de moindre ampleur que celui des exportations.

Le Gouvernement anticipe que le rebond de l’activité entraînerait une forte hausse des importations (+ 9,0 % en volume en 2021 et + 10,4 % en 2022), alors que les exportations françaises resteraient perturbées par la crise et la spécialisation de la France sur des secteurs encore affectés par la crise (aéronautique, tourisme, matériel de transport). Celles-ci rebondiraient, dès lors, à un rythme plus lent : avec + 8,6 % en 2021, le rebond serait moins élevé que celui de la demande mondiale (+ 10,4 %), en raison de la reprise plus lente de la demande sur les secteurs où la France exporte beaucoup (aéronautique, matériel de transport).

En 2022, les exportations accéléreraient à + 10,0 %, un niveau bien supérieur à celui de la demande mondiale adressée à la France (+ 4,9 %) : les pertes enregistrées sur les secteurs de spécialisation française pourraient ainsi se résorber.

Au total, cependant, la balance commerciale française resterait dégradée à la fois en 2021 et 2022 : le déficit commercial se détériorerait de façon importante, augmentant de 20 milliards d’euros entre 2020 et 2022. Le commerce extérieur continuerait ainsi de peser négativement sur la croissance française en 2021 et 2022, mais dans une ampleur moindre qu’en 2020.

e.   La dynamique haussière des prix semble devoir demeurer ponctuelle

L’inflation connaît un regain depuis la fin de l’année 2020, en raison de la dynamique des prix de l’énergie et des matières premières mais aussi des effets de la crise sanitaire sur l’économie. En 2021, tant l’inflation totale que l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire corrigée de la volatilité des prix de l’énergie et de l’alimentation, se redressent. 

Évolution des prix par secteur

(en pourcentage)

 

2020

2021

2022

Alimentation

1,9

0,9

2,3

Tabac

13,7

5,6

– 0,1

Produits manufacturés

– 0,2

0,2

0,5

Énergie

– 6,1

9,0

3,7

Services

0,9

1,1

1,4

Inflation totale

0,5

1,5

1,5

Inflation sous-jacente

0,6

1,1

1,5

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Le rebond est net sur les produits énergétiques en 2021, alors que les cours pétroliers avaient plutôt joué à la baisse en 2020. Les prix des produits manufacturés et des services tendent également à se redresser. À l’inverse, la croissance des prix de l’alimentation et du tabac ralentissent.

En 2022, les prévisions du Gouvernement anticipent un ralentissement des prix de l’énergie qui serait compensé par une accélération sur l’ensemble des autres biens hors tabac (alimentation, produits manufacturés et services). L’inflation globale serait équivalente mais plus forte sur les autres secteurs hors énergie.

La hausse des prix de l’énergie en 2021

Le PLF 2022 est présenté dans un contexte de forte hausse des prix de l’énergie, que ce soit pour le gaz, l’électricité ou, dans une proportion plus mesurée, le pétrole.

Cette hausse est particulièrement marquée pour le gaz. Ainsi, les tarifs réglementés de vente du gaz naturel – qui suivent les cours mondiaux, à l’inverse des contrats en offre de marché à prix fixe sur plusieurs années –, ont fortement augmenté sur les derniers mois, la facture totale des ménages qui en bénéficient ayant progressé de 44 % depuis le 1er janvier 2020.

Le prix de l’électricité connaît également une hausse importante. Actuellement, le prix du mégawattheure tend à dépasser les 100 euros, contre une moyenne de 46 euros en 2020.

Enfin, le cours du pétrole se redresse de façon marquée à partir de 2021. Le cours du baril de Brent a progressé de plus de 50 % depuis le 1er janvier 2021, pour s’approcher des 80 dollars au début de l’automne. Sur un an, l’augmentation est encore plus spectaculaire, avec + 92 %. Des ruptures d’approvisionnement dans certaines parties du monde ainsi que la reprise de la demande avec le rebond économique sont à l’origine de cette augmentation des prix.

Quels sont les facteurs expliquant la hausse ? Les hausses exceptionnelles du prix du gaz sont liées à des facteurs à la fois structurels et conjoncturels :

– des niveaux de stocks très bas, après un hiver 2020-2021 particulièrement froid et long en Europe ;

– la demande asiatique de gaz est très élevée depuis quelques mois, limitant l’approvisionnement en Europe ;

– la Norvège et la Russie, principaux fournisseurs de gaz naturel en France et en Europe, ne sont pas en mesure d’augmenter leurs exportations pour répondre à la demande.

D’autres facteurs expliquent l’évolution du prix de l’énergie avec, en particulier, les prix des quotas carbone européens, dont la valeur a doublé en un an. Pour l’électricité, en particulier, la hausse des prix est liée à l’augmentation des coûts du MWh sur le marché européen, en lien elle-même avec la hausse du prix du gaz, et du quota de production de CO2.

Quelles perspectives à court et moyen terme ? Les prix de gros du gaz pour les produits futurs indiquent, actuellement, un maintien de niveaux de prix très élevés pendant l’automne 2021 et l’hiver 2021-2022, avant une baisse qui permettrait un retour à la normale en 2023.

L’association UFC-Que choisir estime, par ailleurs, que les tarifs réglementés d’électricité (qui bénéficient à 23 millions des 33 millions de ménages français), pourraient augmenter de 10 % au début de l’année 2022.

Enfin, du fait du déséquilibre entre offre et demande, la balance pétrolière mondiale devrait rester négative, la demande excédant l’offre, ce qui continuerait à soutenir les prix du but jusqu’à la fin de l’année. Cependant, en 2022, les pays producteurs augmenteraient leur production, conformément aux accords au sein de l’OPEP +, ce qui inverserait la tendance et pousserait les prix à la baisse.  

Sources : CRE, « Tarifs réglementés de vente de gaz naturel », communiqué de presse, 27 septembre 2021 ; UFC-Que choisir, « Alerte rouge sur les prix de l’électricité », 20 septembre 2021 ; MM. Jacques Percevois et Boris Solier, « Vers une envolée des prix du gaz et de l’électricité en 2022 ? », tribune d’actualité, 15 septembre 2021 et IFP Energies nouvelles, tableau de bord des marchés pétroliers, 20 septembre 2021.

Ce rebond de la dynamique des prix sera-t-il durable ? Plusieurs facteurs conjoncturels, liés aux désorganisations entraînées par la crise sanitaire, conduisent à penser que ce rebond resterait passager.

La reprise mondiale s’est accompagnée de tensions sur les approvisionnements et d’une remontée des cours des matières premières : en juillet 2021, les prix à la production avaient ainsi augmenté de 8 % environ en un an. Cette hausse se concentre sur certains secteurs avec, en particulier, les prix du transport maritime qui ont très fortement augmenté avec la hausse de la demande et, par ailleurs, le coût de certains matériaux dans la construction qui a vivement progressé. Les enquêtes menées auprès des entreprises indiquent que la part d’entre elles qui se déclare limitée par des difficultés d’approvisionnement a marqué en juillet un point haut par rapport aux années précédentes dans nombre de branches. La production automobile a, par exemple, fortement rechuté au premier semestre sous l’effet de la pénurie mondiale de composants électroniques ([13]).

Néanmoins, ces facteurs ne devraient pas jouer durablement sur la dynamique des prix. En France, la poussée inflationniste est essentiellement liée à celle des prix de l’énergie, ce qui limite les craintes portant sur l’inflation sous-jacente. Si l’inflation pourrait dépasser 2 % en glissement annuel, l’Insee n’anticipe pas, à ce stade, d’effet sur les salaires ou d’effets de « second tour » qui conduiraient à affermir la dynamique inflationniste ([14]).

Au niveau de la zone euro, la Banque centrale européenne identifie les mêmes tensions, liées au rebond des prix de l’énergie, aux tensions sur les chaînes d’approvisionnement ou à l’impact de la levée des restrictions sanitaires sur le prix de certains services. Entre juin et septembre, elle a d’ailleurs été conduite à réhausser de 0,3 point de pourcentage sa prévision d’inflation pour 2021 dans la zone euro en la portant à 2,2 % en moyenne sur l’année, avec un pic à 3,1 % au dernier trimestre.

Ces effets devraient s’estomper à partir de l’année prochaine ([15]), l’inflation globale devant diminuer à 1,7 % en 2022 et à 1,5 % en 2023. En particulier, la BCE considère que le rebond d’inflation n’a pas encore causé de modifications des anticipations d’inflation à moyen terme, qui pourraient jouer un rôle déterminant dans l’accélération de la dynamique des prix si celles-ci se traduisaient dans les dynamiques de négociations salariales.

2.   Quel est l’impact de la crise sur la croissance du PIB français ?

Le PIB français rattraperait, avant le début de l’année 2022, son niveau d’avant-crise, effaçant ainsi la perte d’activité sans précédent enregistrée en 2020. La crise n’en a pas moins causé un choc profond qui a heurté le chemin de croissance de l’économie.

L’Insee a cherché à évaluer le « terrain perdu » par l’économie française en raison de la crise. Cette notion désigne l’écart en décembre 2022 entre la valeur ajoutée effective (en volume) à cet horizon et la valeur ajoutée tendancielle ou contrefactuelle, c’est-à-dire le niveau qu’elle aurait atteint en l’absence de crise.

L’impact de la crise sur l’économie française peut être étudiée à partir de l’évolution du PIB potentiel. Cette notion mesure le volume d’activité d’une économie hors effets des fluctuations conjoncturelles et indique le niveau maximum d’activité qui peut être atteint durablement par une économie, c’est-à-dire sans générer de tensions inflationnistes, en utilisant pleinement ses facteurs de production (stock de capital, quantité de travail potentielle) et compte tenu du niveau de productivité globale de ces facteurs.

À cet égard, la persistance de la pandémie est susceptible d’affecter durablement l’activité de certains secteurs, et donc le PIB potentiel, à travers plusieurs canaux :

– des réorganisations de la production et des réallocations sectorielles, du fait des contraintes sanitaires ;

– des changements durables dans les préférences nécessitant une adaptation de l’offre dans certains secteurs ;

– une réduction des capacités productives de certains secteurs.

Au total, le « terrain perdu » entre valeur ajoutée totale et valeur ajoutée tendancielle atteindrait 1,6 point à fin 2022, avec une forte concentration sectorielle : les secteurs les plus affectés par la crise ([16]), qui représentent 15 % de la valeur ajoutée, concentrent près de 60 % de la perte de PIB. Ainsi, des secteurs resteraient durablement affectés par la crise, à la fois dans leur modèle de production et leurs perspectives de croissance. À l’inverse, les secteurs moins touchés effaceraient l’écart à la trajectoire tendancielle après 2022.

L’OFCE indique, pour sa part, que le PIB français accuserait un retard de 3,2 % fin 2021 et de 1,3 % fin 2022 par rapport à une tendance de croissance de 1,2 % par an. La moindre accumulation du capital productif privé et public par rapport à ce scénario tendanciel conduirait à réduire le PIB potentiel de moyen terme de 0,5 % fin 2021 ([17]).

Le Gouvernement, quant à lui, a révisé à la baisse son estimation de l’effet de la crise sur le PIB potentiel par rapport à la trajectoire de la LPFP 2018-2022 ([18]). Alors que le choc provoqué par la crise sur le PIB potentiel 2021 était estimé à – 2,25 % dans les prévisions associées au projet de loi de finances pour 2021, cette perte est révisée à – 1,75 % au sein du rapport économique, social et financier 2022. Trois éléments expliqueraient l’amélioration de cette prévision : un recul de l’activité en 2020 moins élevé que prévu, des comptes d’entreprises moins dégradés et un niveau d’investissement qui a moins reculé et, enfin, des perspectives d’emploi plus résilientes que ce qui avait été anticipé. 

hypothèses de croissance potentielle

(en %)

 

2019

2020

2021

2022

2023

PIB nominal (en volume)

1,8

– 8,0

6,0

4,0

1,6

PIB potentiel (en volume)

1,25

0,0

0,8

1,35

1,35

 

 

 

 

 

 

 

2024

2025

2026

2027

 

PIB nominal (en volume)

1,4

1,4

1,4

1,4

 

PIB potentiel (en volume)

1,35

1,35

1,35

1,35

 

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

II.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Bien qu’il n’ait pas été en mesure de se prononcer sur l’ensemble des données du scénario de finances publiques en 2022, le HCFP valide l’essentiel des hypothèses présentées par le Gouvernement avec le projet de loi de finances pour 2022.

1.   Le scénario macroéconomique est, pour l’essentiel, validé

Le Haut Conseil des finances publiques a validé l’essentiel des hypothèses macroéconomiques associées au projet de loi de finances pour 2022.

L’hypothèse de croissance apparaît « prudente » en 2021 et « plausible » en 2022 :

– en 2021, elle suppose une accélération de la reprise au troisième trimestre, déjà observée ;

– en 2022, elle est entourée d’aléas importants dans les deux sens : le Gouvernement fait l’hypothèse que le taux d’épargne retrouverait son niveau d’avant-crise, alors que le déblocage pourrait être plus élevé ; les conditions sanitaires et les difficultés d’approvisionnement peuvent, à l’inverse, limiter les dépenses des ménages ; le Gouvernement fait l’hypothèse d’un taux d’investissement des entreprises historiquement élevé, qui pourrait se révéler plus faible.

La prévision d’inflation apparaît « réaliste », avec une inflation sous-jacente soutenue par la transmission dans l’économie de la hausse des prix des matières premières, du coût du transport maritime et du prix de certains composants intermédiaires (composants électroniques).

En revanche, les prévisions d’emploi et de masse salariale apparaissent trop basses. Le Gouvernement ne tient pas compte, en effet, de la révision à la hausse par l’Insee, début septembre, de l’emploi au premier semestre 2021 (voir supra). Par ailleurs, les enquêtes de conjoncture restent nettement meilleures que leur moyenne historique, ce qui permet d’estimer que la croissance de l’emploi sera encore vive au troisième trimestre.

2.   Des informations à compléter en matière de finances publiques

Le Haut conseil considère néanmoins que les informations à sa disposition ne lui permettent pas d’émettre un avis sur le solde budgétaire prévu pour 2022. En effet, certaines mesures annoncées pendant l’été (plan d’investissement, revenu d’engagement) devraient faire l’objet d’amendements du Gouvernement au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2022 à l’Assemblée.

Les éléments concernant les dépenses étant incomplets, le HCFP considère qu’il n’est pas en mesure de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit. En revanche, il note que le poids des dépenses publiques dans le PIB serait 1,8 point au-dessus de son niveau de 2019 (avant intégration des dernières annonces). Toutefois, les dépenses nettes des mesures non pérennes ne seraient supérieures que de 0,4 point de PIB par rapport à leur niveau d’avant-crise – même si ce chiffre pourrait être sous-estimé selon le président du HCFP ([19]).

Ce n’est pas la première fois que le HCFP émet des réserves sur le solde budgétaire présenté. Dans son avis sur le PLF 2017, il avait considéré que la prévision de déficit était « improbable ». Dans son avis sur la 3ème LFR pour 2020, il avait relevé que certains plans de relance sectoriels annoncés n’avaient pas été traduits dans le PLFR.

Lorsque les détails concernant les dépenses nouvelles auront été arrêtés pour 2022, il appartiendra au Gouvernement de saisir le HCFP, en amont de la présentation des amendements correspondants au Parlement, afin que celui-ci puisse rendre un avis définitif sur la prévision de déficit en 2022.

Le Haut Conseil note, pour autant, que les prévisions de prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu et que les prévisions de dépenses sont raisonnables au regard des éléments transmis.

Le Haut Conseil rappelle également que la LPFP 2018-2022 constitue une référence dépassée pour l’appréciation du respect de la trajectoire de solde structurel. En particulier, l’absence de réévaluation de l’évolution du PIB potentiel pendant la crise fausse l’évolution du solde structurel.

En dernier lieu, le HCFP renouvelle ses inquiétudes sur le soutenabilité à moyen terme des finances publiques, qui appelle à la plus grande vigilance. Le Haut Conseil considère ainsi que tout surcroît de recettes par rapport à la prévision devra être consacré au désendettement.

 


—  1  —

   FICHE N° 2 :
La rÉPonse des autorités publiques à la crise Économique : de l’urgence à la relance

Résumé de la fiche

La réaction des pouvoirs publics au choc économique découlant de la crise sanitaire a été particulièrement rapide. En France, le dispositif de soutien aux entreprises a été mis en place dès les premiers jours du premier confinement, dans la foulée d’une première loi d’urgence ([20]) et de la première loi de finances rectificative pour 2020 (LFR 1) ([21]), toutes deux promulguées le 23 mars 2020.

Entre mars 2020 et septembre 2021, le versement de près de 80 milliards d’euros d’aides directes aux entreprises et aux ménages ainsi qu’un recours étendu aux prêts garantis par l’État ont permis un retour rapide à un niveau d’activité soutenu attestant de l’efficacité de l’intervention publique, mise en extinction à compter de l’été 2021 (I).

La consolidation de la croissance qui doit désormais permettre d’effacer les stigmates de la crise et d’orienter l’économie vers un modèle de développement industriel plus durable et plus compétitif a été anticipée par le déploiement du plan de relance dès 2020 et surtout depuis le début de l’année 2021. À fin août 2021, la moitié des 100 milliards d’euros qu’il comporte ont été engagés (II).

Les politiques budgétaires et monétaires européennes ont dopé les efforts français pour préserver puis relancer l’économie. Des mesures d’urgence ont permis d’alléger les contraintes de financement nationales, sur la base des programmes ad hoc et de la suspension des règles d’encadrement des finances publiques nationales. Un accord politique historique a, enfin, permis de mettre en place un instrument ambitieux pour financer les plans de relance nationaux s’appuyant sur un endettement commun (III)

I.   Le choc Économique provoquÉ par la crise sanitaire a ÉtÉ amorti par l’intervention de l’État

Le dispositif global de soutien à l’économie a été conçu comme une « boîte à outils » permettant de combiner des mesures différentes, sans cesse étendues, pour offrir les réponses les plus adaptées aux situations particulières de chaque entreprise. Le principal support de financement de ces mesures a été la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire qui a donné lieu à des décaissements de près de 72 milliards d’euros depuis le début de la crise auxquels s’ajoutent 7,9 milliards d’euros de mesures portées par le budget général (A) – et qui ont complété les dispositifs de garantie au premier rang desquels le prêt garanti par l’État (PGE) dont l’encours atteint 140 milliards d’euros à ce jour (B). Les dispositifs de subvention et le PGE ont fortement contribué à soulager la trésorerie des entreprises, qui ont également bénéficié de dispositifs fiscaux ad hoc (C). Le « retour à la normale » de l’économie attribué à l’efficacité des mesures publiques (D) a permis d’organiser une sortie des dispositifs d’urgence à compter de l’été 2021 (E).

A.   Près de 80 milliards d’euros mobilisés depuis le début de la crise pour faire face à l’urgence Économique

Depuis le début de la crise, l’État a mobilisé 79,7 milliards d’euros au titre des mesures de soutien à l’économie et aux ménages. L’essentiel de cet effort (41,8 milliards d’euros en 2020 et 30,1 milliards d’euros à mi-septembre 2021) a concerné quatre dispositifs regroupés au sein d’une mission budgétaire Plan d’urgence face à la crise sanitaire (1), mais de nombreuses autres mesures s’y sont ajoutées représentant 7,9 milliards d’euros (2).

1.   Un support budgétaire ad hoc pour identifier l’effort de soutien aux entreprises et à l’emploi

Pour financer les mesures de soutien à l’économie et l’emploi, le choix a été fait par les pouvoirs publics d’une mission budgétaire ad hoc, à même de garantir une certaine visibilité pour les acteurs économiques.

Dénommée Plan d’urgence face à la crise sanitaire, cette mission a été créée par la LFR 1 pour accueillir les crédits finançant les principales mesures en faveur des entreprises : fonds de solidarité et activité partielle puis renforcement des participations financières de l’État (programme créé en LFR 2) ([22]) et exonérations de cotisations sociales (programme créé en LFR 3) ([23]).

La mission comporte cinq programmes portant :

– le soutien à l’emploi au travers de l’activité partielle (programme 356 Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire) ;

– le soutien aux entreprises via le fonds de solidarité (programme 357 Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire).

– le programme 358 Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire a été créé par la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 (LFR 2) pour permettre des interventions en capital de l’État dans des entreprises fragilisées par la crise ;

– le programme 360 Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire pour compenser les exonérations exceptionnelles de cotisations sociales accordées aux entreprises a été créé par la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 (LFR 3) ;

– le programme 366 Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19, plus modeste a été créé par la LFI 2021 pour l’achat par l’État de matériels et d’équipements de protection.

Placée sous la responsabilité du ministre chargé des comptes publics, la mission a été dotée de moyens considérables au fur et à mesure de l’adoption des quatre lois de finances rectificatives de l’année. Au total, 114 milliards d’euros ont été crédités sur la mission et 72 milliards d’euros ont été dépensés à la mi-septembre 2021.

Si l’activité partielle a mobilisé le plus de crédits en 2020 (17,8 milliards d’euros), c’est le fonds de solidarité qui a entraîné le montant de décaissements le plus élevé en 2021 (24,2 milliards d’euros à la mi-septembre) comme le montre le tableau ci-dessous. 

Évolution des crÉdits ouverts par programme sur la mission

(en millions d’euros, AE = CP)

Programme

Crédits ouverts
en 2020

Crédits consommés en 2020

Crédits ouverts
en 2021

Crédits consommés  sep. 2021

Total
des crédits consommés en 2020-21

P356 Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire

22 633

17 806

5 200

2 390

20 196

P357 Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire

19 738

11 810

30 101

24 297

36 107

P358 Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire 

20 000

8 304

4 496

622

8 926

P360 Compensation à la sécurité sociale des allégements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire

8 200

3 900

4 000

2 500

6 400

P 366 Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19

 

 

528

270

270

Total

70 571

41 820

44 325*

30 079

71 899

* Ce montant inclut 28,5 milliards d’euros de reports et 15,8 milliards d’euros ouverts en LFI 2021 et LFR 2021.

** Ce montant n’inclut que les crédits votés et non reportés.

Source : commission des finances une extraction Chorus du 22 septembre 2021.

Le rythme des dépenses a suivi, globalement, l’évolution de la situation épidémique. Des pics de consommations ont été atteints à l’occasion des trois confinements, jusqu’à 7 milliards d’euros consommés chaque mois en avril et en décembre 2020. La levée, même partielle, des restrictions sanitaires conduit à des reflux spectaculaires de la consommation des crédits comme le montrent les graphiques suivants.

Évolution des ouvertures et de la consommation des crédits
sur l’ensemble de la mission en 2020


(en milliards d’euros, AE = CP)

Source : commission des finances d’après Chorus.

Évolution des ouvertures et de la consommation des crédits
sur l’ensemble de la mission en 2021*

(en milliards d’euros, AE = CP)

* L’extraction des données a été réalisée le 22 septembre 2021.

Source : commission des finances d’après Chorus.

Aux côtés des principaux dispositifs d’urgence, des mesures plus ciblées ont permis de répondre aux besoins particuliers nés de la crise sanitaire.

2.   La réponse à la crise a concerné tout le budget de l'֤État

Des mesures de soutien à des filières économiques (aéronautique, automobile, culture) ou aux ménages, notamment les plus modestes ont été prises en charge par le budget de l’État. Ainsi l’aide exceptionnelle de solidarité versée à deux reprises aux ménages modestes et aux étudiants a été imputée sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances (2,4 milliards d’euros en 2020). De même, les moyens en faveur de la politique d’hébergement d’urgence ont été renforcés sur la mission Cohésion des territoires (449 millions d’euros en 2020).

La Cour des comptes ([24]) dénombre 7,9 milliards d’euros de dépenses nettes ([25]) d’urgence ouvertes sur des missions du budget général autres que la mission Plan d’urgence pour l’année 2020. Le tableau suivant résume les dépenses supplémentaires justifiées par la crise sanitaire et fournit le détail des plus importantes d’entre-elles.

dépenses et Économies du budget général de l’État par mission
imputables à la crise sanitaire en 2020

(en millions d’euros)

 

Dépenses de crise

Économies permises par la crise

Évolution nette des dépenses liées à la crise

Justification des principales hausses

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

41 820

41 820

Mesures de soutien

Solidarité, insertion et égalité des chances

2 425

– 22

2 403

Aides exceptionnelles de solidarité

Cohésion des territoires

2 027

– 182

1 845

Report de la réforme des APL, augmentation des dépenses d’hébergement d’urgence, d’aide au logement et de la politique de la ville

Travail et emploi

1 531

– 1 074

457

Aides exceptionnelles à l’apprentissage, aide aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation, fonds de soutien aux entreprises adaptées, prise en charge des coûts pédagogiques de salariés en activité partielle par le FNE et aide à l’embauche des moins de 26 ans

Défense

1 094

– 1 141

– 47

Soutien à la filière industrielle

Écologie, développement et mobilité durables

965

– 337

628

Plan automobile et soutien à l’AFITF

Économie

815

– 6

809

Achats de masques

Santé

705

– 2

703

Soutien à Santé publique France

Médias, livre et industries culturelles

566

566

Soutien aux industries culturelles et au système de distribution de la presse

Recherche et enseignement supérieur

470

– 204

266

Mesures en faveur des étudiants précaires

Enseignement scolaire

190

– 260

– 70

 

Action extérieure de l'État

161

– 30

131

 

Sécurités

157

– 69

88

 

Relations avec les collectivités territoriales

139

139

 

Investissements d'avenir

135

– 315

– 180

 

Culture

117

– 31

86

 

Sport, jeunesse et vie associative

110

– 35

75

 

Régimes sociaux et de retraite

94

94

 

Aide publique au développement

91

– 80

11

 

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

90

– 85

5

 

Justice

77

– 239

– 162

 

Administration générale et territoriale de l'État

71

– 21

50

 

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

46

– 11

35

 

Direction de l’action du Gouvernement

25

– 10

15

 

Immigration, asile et intégration

18

– 26

– 8

 

Outre-mer

11

– 180

– 169

 

Engagements financiers de l'État

5

5

 

Conseil et contrôle de l'État

2

– 9

– 7

 

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2

– 9

– 7

 

Total BG

53 959

– 4 378

49 581

 

Total budget général

12 139

– 4 378

7 761

 

Source : Cour des comptes, Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation - juillet 2021, p 24.

Le soutien public à la crise n’a pas donné lieu qu’à des mesures budgétaires.

B.   Le Prêt garanti par l’État et les mécanismes de garanties

Un recours massif à la garantie publique a permis de se prémunir contre une crise de confiance.

Le dispositif des prêts garantis par l’État (PGE) a été mis en place dès mars 2020, par l’article 6 de la LFR 1. Ce dispositif exceptionnel a pour objet d’accorder la garantie de l’État, pour un montant d’encours plafonné à 300 milliards d’euros, aux prêts consentis à des entreprises non financières immatriculées en France par les établissements de crédit et les sociétés de financement. De premiers appels en garantie sont intervenus en fin d’année 2020, pour des montants réduits (11 millions d’euros). En 2020, l’encours des PGE a atteint 120 milliards d’euros. À fin août 2021, il atteint 140 milliards d’euros et bénéficie à plus de 685 000 entreprises ([26]) .

D’autres dispositifs de garantie ont été renforcés dans le contexte de la crise, sans toutefois qu’aucun ne donne lieu à la réalisation de dépenses budgétaires en 2020 :

– l’État a relevé de 15 milliards d’euros le plafond de sa garantie sur les émissions obligataires de l’Unédic, relèvement rendu nécessaire par les impacts de la crise sanitaire sur ses dépenses et ses recettes (voir commentaire de l’article 38 du tome 2 du présent rapport général), notamment le recours massif à l’activité partiel financée pour un tiers par l’Unédic. En 2021, la garantie de l’État à l’endettement de l’Unédic s’élève encore à 13 milliards d’euros contre 2,5 milliards d’euros en 2019 ;

– les dispositifs de réassurance publique des risques d’assurance-crédit court terme et crédit export, dont l’encours pourrait atteindre 15 milliards d’euros ;

– l’accroissement du plafond de garantie des prêts de l’agence française de développement (ÂGE) pour l’outre-mer et le secteur privé africain. L’État a notamment accordé sa garantie aux deux emprunts d’un montant respectif de 238 millions d’euros, d’une durée de 25 ans et comportant un différé de paiement de deux ans, accordés par l’AFD à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

– par ailleurs, des garanties ont été accordées à des instruments européens ou internationaux pour la gestion internationale de la crise comme la garantie accordée à l’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (Fonds « Sure »), la garantie de l’État à la Banque européenne d’investissement au titre du fonds pan-européen de garantie ou le doublement de la contribution au compte « Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance » du FMI.

C.   L’accompagnement fiscal et social des entreprises

La réponse publique a la crise a également mobilisé les leviers des prélèvements fiscaux et sociaux sur les entreprises afin d’alléger leurs contraintes de trésorerie. Dès le mois de mars 2020, le Gouvernement a ainsi ouvert la possibilité aux entreprises de reporter certaines échéances relatives aux charges fiscales et sociales.

Ces mesures ont inclus des reports des échéances d’impôts directs, dont l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe sur les surfaces commerciales. La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a mis en place un dégrèvement exceptionnel de CFE en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel. D’autres impôts spécifiques ont également pu être reportés, comme la taxe sur les salaires et la contribution à l’audiovisuel public pour les professionnels du secteur de l’hôtellerie-restauration, ou encore les prélèvements spécifiques aux jeux pour les casinos, clubs de jeux et opérateurs de paris sportifs ([27]).

Le Gouvernement a également accéléré le remboursement de certaines créances fiscales, dont tous les crédits d’impôts restituables en 2020 (crédit d’impôt recherche, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et crédits d’impôts sectoriels) ainsi que les excédents d’impôt sur les sociétés et les crédits de taxe sur la valeur ajoutée. Dans une même logique, le délai de remboursement des créances de report en arrière de déficits fiscaux, en principe de cinq ans, a été accéléré.

Le paiement de certaines cotisations sociales a également pu être reporté :

– les cotisations et contributions salariales et patronales dues au titre de la sécurité sociale, de la retraite complémentaire et de l’assurance chômage ;

– les contributions patronales au Fonds national d’aide au logement, le versement transport et la contribution solidarité autonomie ;

– l’ensemble des cotisations et contributions recouvrées par les Urssaf et les caisses de Mutualité sociale agricole (MSA) dans le cadre des guichets uniques et titres simplifiés ([28]).

Des exonérations de cotisations patronales et des remises de dette ont également été octroyées au profit des employeurs de certains secteurs particulièrement affectés par la crise et les restrictions sanitaires.

Au total, ces mesures ont représenté un soutien en trésorerie de 58,1 milliards d’euros à la mi-2021.

Impact des Mesures fiscales et sociales

(en millions d’euros)

Mesure

Montant

Report d’impositions (au 1er juillet 2021)

31 118,5

Reports, délais et accélérations

31 000

 Dont report et délais

3 550

Restitutions au titre des reports en arrière des déficits

118,5

Report de cotisations sociales (au 14 juin 2021)

21 400

Exonérations de cotisations patronales et remises de dette (au 5 juin 2021)

5 600

Total

58 118,5

Source : Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19, rapport d’étape, juillet 2021.

D.   des Évaluations positives pour le plan d’urgence

1.   L’appréciation du comité « Coeuré » de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19

Pour évaluer l’efficacité de l’intervention publique en faveur de l’économie, un comité de suivi et d’évaluation, dit « comité Coeuré », a été créé par l’article 6 de la LFR 1. Présidé par M. Benoît Cœuré, ancien membre du directoire de la Banque centrale européenne, il inclut des représentants des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, des associations des régions, des départements et des communes de France, des organisations représentatives patronales et de salariés, de la Cour des comptes et des administrations (Direction générale des finances publiques et Direction générale du Trésor). Le secrétariat du comité est assuré par France Stratégie et par l’Inspection générale des finances.

Son champ d’analyse couvrait les mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19. À l’occasion de son rapport final remis au mois de juillet 2021, le comité a fait part des connaissances accumulées après un an de crise ([29]) sur plusieurs axes.

En premier lieu, les mesures de soutien auraient permis de préserver la situation financière des entreprises. Dans l’ensemble des pays étudiés, en 2020, les défaillances d’entreprises ont diminué, mais de manière plus marquée en France (– 39 % en moyenne sur l’année). Les créations d’entreprises ont baissé en 2020 dans les grands pays européens, à l’exception de la France, où elles ont progressé de 4 % sur l’année. Le comité relativise la probabilité d’une envolée des faillites en sortie de crise.

Le comité estime en outre que la différence d’ampleur entre les pertes d’emploi et la perte d’activité en 2020 s’explique par le dispositif d’activité partielle. D’après les dernières données de l’INSEE, les pertes d’emploi engendrées par la crise ont été totalement résorbées à la fin du deuxième trimestre 2021. Entre le premier trimestre 2020 et la fin du deuxième trimestre 2021, 145 000 emplois salariés ont été créés comme le montre le graphique ci-dessous.

Évolution de l’emploi salarié privé et de l’activité partielle


(en milliers)

Source : INSEE, Emploi salarié – deuxième trimestre, septembre 2021.

Enfin, le fait que la baisse de l’investissement se soit limitée à la chute du PIB est interprété comme un signe de stabilisation des anticipations des entreprises, ayant pour origine les mesures mises en place par les pouvoirs publics  à même de permettre une reprise rapide à l’issue de la période de restrictions sanitaires. La chute de l’investissement a en effet été de 8,6 % en 2020, proche du recul du PIB, alors que généralement le cycle de l’investissement amplifie le cycle économique, à la hausse comme à la baisse. L’écart par rapport à la crise financière de 2008 est à cet égard frappant comme le montre le graphique suivant.

Cycle économique et investissement (variation annuelle en volume)

Source : Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19, rapport final, juillet 2021.

Au global, le comité juge positivement les dispositifs mis en place notamment du fait de leur caractère universel et de leur facilité d’accès. Ils font ainsi l’objet d’un « satisfecit d’ensemble, et leur traçabilité en temps réel est un progrès par rapport à la crise précédente ». Par ailleurs, « les montants des dispositifs ont été globalement suffisants pour préserver la situation financière de la grande majorité des entreprises ».

En revanche, le comité pointe deux fragilités en sortie de crise : le déséquilibre des échanges commerciaux du pays et le niveau d’endettement public.

En 2020, le déficit du commerce de biens est de 65,2 milliards d’euros en hausse de 7,3 milliards d’euros par rapport à 2019. Par ailleurs, l’excédent des services a diminué de 7,6 milliards d’euros, passant de 24 milliards d’euros en 2019 à 16,4 milliards d’euros en 2020. La dégradation du déficit du commerce extérieur a contribué de façon négative à la croissance du PIB à hauteur de –1,1 point de pourcentage pour l’année 2020.

Enfin, la dette publique française, déjà élevée, aura augmenté de près de 16 points de PIB en deux ans. La divergence accrue des situations d’endettement public au sein de la zone euro, en particulier entre la France et l’Allemagne, est un sujet d’attention à moyen terme.

Le comité estime que l’apurement du passif accumulé par les acteurs publics et privés ne pourra résulter que d’une croissance économique soutenue.

2.   Les travaux de la Cour des comptes

À la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a remis un rapport en juillet 2021 analysant les « dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation » ([30]).

La Cour, après s’être intéressée à l’évolution des dépenses de l’ensemble des administrations publiques du fait de leurs réponses économique et sanitaire à la crise, a proposé plusieurs appréciations qualitatives.

Elle a estimé que les dispositifs de soutien à l’économie et aux ménages ont été mis en place rapidement et efficacement. Leur accessibilité a été favorisée par un recours systématique aux outils informatiques.

Elle a jugé que les critères d’attribution et les modalités de calcul des soutiens publics ont été presque systématiquement définis de manière large, si bien qu’ils peuvent apparaître particulièrement généreux en comparaison des dispositifs étrangers de même nature. Des effets d’aubaines ont pu être permis par les recours croisés aux différentes aides.

Au global, les finances publiques, au prix d’un alourdissement de la dette, ont joué un rôle d’amortisseur des conséquences économiques et sociales de la chute de la production nationale, en se substituant pour partie aux employeurs ou aux clients.

Elle a donc appelé à un retrait rapide des aides d’urgence et à des contrôles renforcés pour détecter les éventuelles fraudes ainsi qu’à une vigilance sur l’évolution des dépenses publiques après crise.

E.   La mise en extinction des dispositifs d’urgence

Le retour à un niveau d’activité similaire à celui d’avant-crise permet d’envisager une sortie progressive des dispositifs d’urgence.

Le fonds de solidarité a été maintenu jusqu’en septembre 2021. À partir du mois d’octobre, il ne fonctionnera que dans les départements et territoires d’outre-mer dans lesquelles la situation sanitaire impose toujours des fermetures administratives obligatoires ([31]).

À partir du mois de juin 2021, les règles de prise en charge de l’activité partielle d’urgence ont évolué ([32])  :

– elles ont été maintenues à l’identique jusqu’à la fin du mois d’août pour les secteurs protégés (S1 et S1 bis). Le salarié bénéficie d’une indemnité de 84 % de son salaire net (et de 100 % au niveau du SMIC) et le reste à charge est nul pour l’employeur. À partir du mois de septembre, l’indemnité a été abaissée à 72 %. Le reste à charge pour l’employeur est passé à 15 % en juillet, 25 % en août puis 40 % à partir de septembre ;

– pour les entreprises du droit commun, hors secteurs protégés, l’indemnité salariée est restée à 84 % en mai et juin, puis est descendue à 72 % de juillet à septembre. Le reste à charge pour l’employeur a progressivement été augmenté depuis le mois de mai et est fixé à 40 % depuis juillet.

L’activité partielle de longue durée et l’activité partielle de droit commun ont vocation à prendre le relais en fin d’année.

L’article 25 de la loi de finances rectificatives pour 2021 supprime le dispositif d’exonération de cotisations sociales à compter du mois de juin 2021 (sauf pour les établissements qui demeurent fermés au-delà) et prolonge, en le modifiant, le dispositif d’aide au paiement pour les mois de juin à août 2021. Sont éligibles les employeurs relevant des secteurs S1 et S1 bis. Cette aide au paiement serait égale à 15 % des rémunérations dues au titre de ces périodes d’emploi contre 20 % jusqu’alors.

Enfin, les prêts garantis par l’État demeurent accessibles jusqu’au 31 décembre 2021 ([33]) . Suite aux annonces du ministre de l’économie, des finances et de la relance le 14 janvier 2021 ([34]), il a été convenu avec la Fédération bancaire française, que toutes les entreprises qui le souhaitent aient le droit d’obtenir un différé d’un an supplémentaire pour commencer à rembourser leur prêt garanti par l’État (PGE). Une entreprise ayant contracté un PGE en avril 2020, et qui ne serait pas en mesure de commencer à le rembourser en avril 2021, pourra ainsi demander un report d’un an et commencer à le rembourser à partir d’avril 2022.

II.   Un Programme de relance qui PrÉpare la sortie de crise

Après des mesures d’urgence ayant contribué à amortir le choc infligé à l’économie française par la crise sanitaire, le plan de relance présenté par le Gouvernement, le 3 septembre 2020, mobilise différents outils de politique économique pour continuer de soutenir ménages et entreprises et les aider à se projeter vers l’avenir.

Le plan de relance de 100 milliards d’euros, voté dans le cadre de la loi de finances pour 2021, est prévu pour une durée de deux ans jusqu’en 2022. Il allie baisse d’impôts, financements directs à l’économie et garanties de l’État. Ces moyens sont répartis entre trois priorités fixées par le Gouvernement : écologie, compétitivité et cohésion sociale.

Sur les 100 milliards d’euros prévus, le Gouvernement annonce avoir engagé près de 50 milliards d’euros à fin août 2021 et estime pouvoir atteindre 70 milliards d’euros à la fin de l’année ([35]) . Ces engagements se répartissent entre les trois axes Écologie (14 milliards d’euros), Compétitivité (17 milliards d’euros) et Cohésion (16 milliards d’euros).

Répartition du plan de relance selon les outils et les acteurs qui le financent

(en milliard d’euros)

 

Annoncés en septembre 2020

Engagés à fin août 2021

Plan de relance

100

47

Minoration d'impôts

20

10

Baisse des impôts de production

20

10

Financements directs

78

37

État

64

34

Mission budgétaire Plan de relance

36

16

Programme d'investissement d'avenir (PRIA 4)

11

4

Autres vecteurs budgétaires (dont crédits engagés en 2020)

17

14

Administrations de sécurité sociale

9

2

Ségur de la santé - investissement public

6

1

Unedic - activité partielle de longue durée

2

0

Cnaf - majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire

1

1

Hors administrations publiques

5

1

Banque des territoires

3

1

Bpifrance

2

1

Garanties de l'État

2

0

Source : Dossiers de presse de présentation générale des PLF pour 2021 et pour 2022.

Le plan de relance repose sur une logique d’investissement de court terme (deux ans) pour accroître l’ampleur du redémarrage économique : baisse des impôts de production (A) et missions budgétaires dont la mission Plan de relance. Des projets de plus long terme sont portés par le programme d’investissement d’avenir (PRIA 4), la Banque des territoires et BPIfrance (B).

A.   Une baisse d’impôts de production de 20 milliards d’euros : La fiscalité au service de la compétitivité

La loi de finances pour 2021 ([36]) a entamé une baisse des impôts de production dont le coût brut pour les finances de l’État s’élève à 10 milliards d’euros par an. Sur la période 2021-2022 retenue pour le plan de relance, il s’agit d’une minoration d’impôts de 20 milliards d’euros. La mesure sera pérenne au-delà.

L’objectif de la mesure est double : stimuler sans délai la compétitivité des entreprises françaises, notamment industrielles, et favoriser l’implantation de nouvelles activités sur le territoire.

Les impôts de production portent sur les facteurs de production des entreprises, indépendamment de leurs bénéfices (masse salariale, immobilisations, chiffre d’affaires, principalement). Ces impôts sont plus nombreux et leur montant est nettement plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l’Union européenne. Ils ont ainsi représenté 77 milliards d’euros en 2018 et 3,2 % du PIB, contre 1,6 % en moyenne dans l’Union européenne. Les entreprises industrielles supportent presque 20 % de ce poids ([37]).

Un consensus s’était dégagé avant la crise de la Covid-19 pour affirmer que ces impôts étaient particulièrement nocifs en raison des distorsions qu’ils engendraient sur les prix ([38]). Dans un contexte de crise économique, il a été estimé que ces impôts, parce qu’ils portent sur le haut du compte d’exploitation, pouvaient fragiliser davantage la trésorerie des entreprises et affecter négativement leur probabilité de survie ([39]). Le rapporteur général a complété et conforté ces constats dans son rapport d’application des mesures fiscales (RALF) consacré à la question des impôts de production en juillet 2020 ([40]) .

B.   Un redémarrage de l’Économie prolongÉ par des investissements

Le soutien budgétaire à l’économie rassemble la majeure partie des moyens consacrés au plan de relance. Il est porté par l’État à hauteur de 64 milliards d’euros (1), par les organismes de sécurité sociale pour 9 milliards d’euros (2) et par une mobilisation de 5 milliards d’euros des fonds propres de la Banque des territoires et de Bpifrance (3).

1.   Les crédits budgétaires de l’État sont majoritaires

Les 64 milliards d’euros de crédits portés par l’État se répartissent entre la mission Plan de relance, les autres missions budgétaires classiques et la mission Investissement d’avenir qui accueille un nouveau plan d’investissement d’avenir (PRIA 4) ([41]) .

a.   La mission Plan de relance

La mission Plan de relance est construite autour de trois programmes dont la responsabilité incombe à des sous-directeurs de la direction du Budget :

– le programme 362 Écologie a pour objectif d’accompagner la transition vers une économie verte et durable (42 % des autorisations d’engagement – AE) ;

– le programme 363 Compétitivité a pour but de créer conditions favorables à la relocalisation d’entreprises, au développement de leurs activités, à la préservation de l’emploi des salariés ainsi que d’amplifier la modernisation de l’État (16 % des AE) ;

– le programme 364 Cohésion a pour objectif de promouvoir la cohésion territoriale et sociale notamment en soutenant l’emploi (41 % des AE).

Les actions de la mission correspondent aux mesures du plan de relance présentées le 3 septembre. Pour chaque mesure, le Gouvernement a initialement publié un document rassemblant des fiches détaillant les politiques publiques menées et les indicateurs associés, les territoires bénéficiaires, le coût et le financement prévus ([42]).

Les autorisations d’engagement (AE) de la mission Plan de relance qui s’élèvent à 36,2 milliards d’euros ont été intégralement autorisées par la loi de finances initiale pour 2021. Les ouvertures de crédits de paiement (CP) seront étalées dans le temps : 21,8 milliards d’euros ont été votés lors de la loi de finances initiale pour 2021. Le présent projet de loi de finances propose 1,2 milliard d’AE et 12,9 milliards d’euros de CP supplémentaires. La mission affiche un niveau de consommation de 59 % en AE et de 57 % en CP au 22 septembre 2021 selon une répartition présentée par le tableau ci-dessous.

Répartition par action des AE et CP de la mission plan de relance

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 21

Consommés

LFI 21

Consommés

Programme 362 – Écologie

18 316

7 518

41 %

6 564

2 369

36 %

action 1 – Rénovation thermique

6 295

2 751

44 %

2 825

679

24 %

action 2 – Biodiversité, lutte contre l'artificialisation

1 220

403

33 %

417

70

17 %

action 3 – Décarbonation de l’industrie

1 000

238

24 %

281

84

30 %

action 4 – Économie circulaire et circuits courts

500

195

39 %

84

41

49 %

action 5 – Transition agricole

1 124

571

51 %

390

188

48 %

action 6 – Mer

250

122

49 %

45

37

82 %

action 7 – Infrastructures et mobilité vertes

3 607

2 090

58 %

1 300

1 043

80 %

action 8 – Technologies vertes

3 720

655

18 %

899

166

18 %

action 9 – Dotation régionale d'investissement

600

493

82 %

324

62

19 %

Programme 363 – Compétitivité

5 918

3 828

65 %

3 910

1 994

51 %

action 1 – Financement des entreprises

904

219

24 %

757

219

29 %

action 2 – Souveraineté technologique / résilience

1 497

1 194

80 %

853

549

64 %

action 3 – Plan de soutien à l’export

103,9

67

65 %

70

41

58 %

action 4 – Mise à niveau numérique de l'État, des territoires et des entreprises

1 813

1 340

74 %

1 094

393

36 %

action 5 – Culture

1 600

1 004

63 %

1 095

793

72 %

action 6 – Commandes militaires

0

4

 

42

0

 

Programme 364 – Cohésion

11 953

10 012

84 %

11 366

8 039

71 %

action 1 – Sauvegarde de l’emploi

4 988

4 450

89 %

4 988

4 450

89 %

action 2 – Jeunes

3 466

3 486

101 %

4 179

2 448

59 %

action 3 – Handicap

100

19

19 %

93

19

20 %

action 4 – Formation professionnelle

1 476

1 125

76 %

1 314

675

51 %

action 5 – Recherche

428

266

62 %

286

266

93 %

action 6 – Coopération sanitaire

50

 

0 %

50

0

0 %

action 7 – Cohésion territoriale

1 246

595

48 %

369

151

41 %

action 8 – Soutien aux personnes précaires

200

71

36 %

87

30

35 %

Total mission

36 187

21 358

59 %

21 840

12 401

57 %

Source : Commission des finances d’après une extraction Chorus du 22 septembre 2021

b.   Les crédits des autres missions budgétaires.

D’autres missions budgétaires portent des crédits intégrés au plan de relance à hauteur de 17 milliards d’euros (hors PRIA 4) annoncés par le Gouvernement et dont 14 milliards d’euros seront exécutés d’ici la fin de l’année 2021.

Parmi ces crédits se trouvent notamment :

– l’opération de recapitalisation de la SNCF (4,05 milliards d’euros) ;

– le soutien aux collectivités territoriales (3,1 milliards d’euros) ;

– les plans de soutien aux filières aéronautiques et automobiles (1,3 milliard d’euros) ;

– les aides à l’emploi des jeunes (0,9 milliard d’euros) ;

– l’abondement de la prime à la conversion et du bonus écologique dès l’été 2020 (0,6 milliard d’euros) ;

– la majoration exceptionnelle de l’allocation de rentrée scolaire en 2020 (0,5 milliard d’euros).

– le FNE-Formation, qui propose des formations aux employés en activité partielle (0,4 milliard d’euros).

c.   Un quatrième plan d’investissements d’avenir

La loi de finances pour 2021 a créé un quatrième plan d’investissement d’avenir (PRIA 4) doté de 11,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagements (AE). La taille cible de ce nouveau PRIA est de 20 milliards d’euros sur cinq ans.

Sur les 20 milliards d’euros du PRIA 4, les trois premières années ont été intégrées au plan de relance soit 11,4 milliards d’euros selon la décomposition présentée par le tableau suivant.

Mesures du plan de relance financÉes par le PIA4

(en milliard d’euros)

Action du plan de relance

AE 2021

Innover pour la transition écologique

3,4

Investissements prioritaires pour la souveraineté

2,6

Soutenir les écosystèmes d’enseignement supérieur

2,5

Soutien aux entreprises innovantes

2,0

Stratégie numérique pour les industries culturelles et créatrices

0,4

Soutien en fonds propres dans le cadre du plan Climat

0,5

Total

11,4

Source : commission des finances d’après le dossier de presse du plan de relance
du 3 septembre 2020 (lien).  

Les deux dernières années du PRIA 4, hors plan de relance, auront vocation à financer les nouvelles stratégies d’accélération entérinées par la nouvelle gouvernance du PRIA, ainsi qu’à prolonger les aides aux entreprises innovantes et aux écosystèmes d’innovation.

2.   La contribution des organismes de sécurité sociale

Trois mesures du plan de relance sont portées par des organismes de sécurité sociale à hauteur de 8,8 milliards d’euros.

Les conclusions du Ségur de la santé ont prévu un plan d’investissement de 19 milliards d’euros, dont 13 milliards d’euros découlent de la mesure de reprise de dette des établissements de santé qui avait été annoncée par le Premier Ministre en novembre 2019.

En outre, 6 milliards d’euros correspondent à un effort intégré au plan de relance, qui se répartissent ainsi :

– 2,1 milliards d’euros seront consacrés, en cinq ans à la transformation, à la rénovation, à l’équipement et au rattrapage numérique dans les établissements médico-sociaux ;

– les projets hospitaliers prioritaires et les projets ville-hôpital bénéficieront d’une enveloppe de 2,5 milliards d’euros sur cinq ans ;

– 1,4 milliard d’euros en faveur de l’interopérabilité et la modernisation des outils numérique seront dépensés sur trois ans. 

En outre, l’Unédic prendra en charge 2,2 milliards d’euros du financement de l’activité partielle de longue durée (APLD) ([43]), en complément des 4,2 milliards portés par l’action 1 Sauvegarde de l’emploi du programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance pour assurer la part de financement par l’État de cette mesure.

Enfin, la majoration de 100 euros de l’allocation de rentrée scolaire, versée à 3 millions de familles en août 2020, a représenté un coût de 600 millions d’euros pour la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

3.   Des financements directs de la Banque des territoires et de Bpifrance

Les 100 milliards d’euros du plan de relance intègrent 5 milliards d’euros de soutien de la Banque des territoires et de Bpifrance, toutes deux filiales de la Caisse des dépôts et des consignations. Ce montant s’inscrit dans un plan plus large annoncé par la Caisse des dépôts.

Au titre du plan de relance, 3 milliards d’euros sont issus du plan de relance propre à la Banque des territoires. Dans le cadre du programme Action Cœur de Ville, ils seront consacrés à un programme d’investissements et de prêts pour créer 100 foncières de redynamisation territoriale, permettant la restructuration de 6 000 commerces à horizon 2025.

La contribution de la Caisse des dépôts à la relance

Annoncé le 7 septembre 2020, le plan de relance de la Caisse des dépôts mobilisera 26 milliards d’euros de fonds propres. 20 milliards seront décaissés en deux ans, et les 6 milliards resteront à mobiliser après 2022.

Quatre axes structurent ce plan d’investissement :

– la promotion de la transition écologique à hauteur de 6,3 milliards d’euros 

– le soutien des secteurs de l’habitat et de la construction pour 11 milliards d’euros ;

le financement des entreprises à hauteur de 8,3 milliards d’euros ;

– une contribution de 500 millions d’euros à la cohésion sociale.

À ce plan d’investissement, s’ajoute un changement de doctrine de l’utilisation de l’épargne réglementée dont résulte une enveloppe de prêts supplémentaires d’environ 12 milliards d’euros. Ce changement s’appuie sur la collecte importante de l’épargne réglementée en 2020 : sur les 85 milliards d’euros épargnés par les Français en 2020, 28,6 milliards d’euros ont été placés sur leurs livrets A et livrets de développement durable et solidaire (LDDS) dont les encours atteignent 439,5 milliards d’euros en septembre :

– il sera en mesure de financer de nouveaux acteurs : les Agences de l’eau, de grandes fondations et associations reconnues d’utilité publique qui portent des projets liés à la transition énergétique, ou les ports maritimes ;

– les projets liés à la transition énergétique pourront faire l’objet d’un financement intégral ;

– la tarification des prêts sera plus attractive : les projets éligibles bénéficieront d’une tarification au taux du livret A majoré de 0,6 % (contre une majoration actuelle de 0,75 % à 1,3 % selon la nature du projet).

Enfin, la Banque des territoires et Bpifrance ont annoncé un plan Climat de 40 milliards d’euros mobilisés sous forme de prêts. Il visera à développer les énergies renouvelables et financer l’innovation dans les technologies vertes.

Bpifrance participe à hauteur de 2 milliards d’euros au plan de relance de l’État. Il s’agira de proposer des « produits Climat » (prêts verts, prêts économies d’énergie, interventions en fonds propres) qui constitueront des financements pour les entreprises.

C.   L’Évaluation du plan de relance

1.   Les objectifs assignés au plan de relance

Deux critères ont été définis comme cruciaux pour évaluer le succès du plan de relance : le moment du retour à un niveau d’activité comparable à celui de la fin de l’année 2019 et les nouvelles perspectives offertes aux acteurs économiques par l’investissement dans la transition écologique et dans la réindustrialisation du pays.

Les mesures du plan de relance peuvent alimenter l’offre et la demande via six canaux macroéconomiques par lesquels l’économie française bénéficiera du plan de relance à horizon 2025 :

– volet « demande », pour environ un tiers du total : ­ investissement public, pouvoir d’achat, autres dépenses publiques ;

– un volet « offre » pour environ deux tiers : fiscalité des entreprises, innovation, compétences et emploi, même si, pour une grande partie d’entre elles, les mesures de ce second volet soutiennent aussi la demande agrégée.

Concernant les effets du plan sur l’activité, le Gouvernement envisageait le scénario suivant au moment de sa présentation en septembre 2020 :

– En 2020, les effets du plan de relance seraient négligeables en raison d’un décaissement limité du plan à cet horizon (8 %) ;

– En 2021, le plan de relance devrait soutenir l’activité à hauteur de 1,5 point de PIB ;

À horizon 2022, la mise en œuvre du plan de relance permettra de retrouver le niveau de PIB d’avant crise.

2.   L’évaluation prochaine par le comité « Coeuré »

Le comité de suivi chargé de l’évaluation des dispositifs d’urgence a été reconduit et chargé de l’évaluation du plan France Relance par la loi de finances pour 2021 ([44]) .

Pour alimenter les débats budgétaires de l’automne 2021, il remettra un premier rapport d’étape au cours de la semaine du 18 octobre 2021. Il proposera un suivi de l’exécution du plan de relance et de premières évaluations sur quatre de ses dispositifs : MaPrimeRénov, la rénovation énergétique des bâtiments publics, le soutien aux investissements industriels, le plan « 1 jeune, 1 solution ».

III.   Des efforts dopÉs par la politique monÉtaire et budgÉtaire europÉenne

La réponse européenne à la crise s’est traduite par des mesures ambitieuses, mobilisant de nombreux leviers à la disposition des autorités communautaires.

A.   L’assouplissement des rÈgles budgÉtaires europÉennes

L’encadrement budgétaire européen a, d’abord, fait l’objet d’un assouplissement.

Le 20 mars 2020, la Commission européenne a proposé l’activation de la clause dérogatoire générale prévue dans le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Cette mesure inédite, jamais activée depuis son ajout en 2011 au PSC, permet aux États membres de déroger à leurs obligations budgétaires pour favoriser l’adoption de plans ambitieux pour un soutien à la hauteur de l’ampleur de la crise économique.

Le 23 mars suivant, les ministres des finances de l’Union se sont accordés sur le déclenchement de cette clause, qui a vocation à s’appliquer aussi longtemps que nécessaire pour permettre la mise en œuvre des mesures nationales destinées à contenir l’épidémie de covid-19 et à en atténuer les effets socio-économiques négatifs.

L’activation de la clause dérogatoire générale ne suspend pas, pour autant, les procédures d’encadrement budgétaire et macroéconomique mais permet à la Commission et au Conseil « de prendre les mesures nécessaires de coordination des politiques dans le respect du pacte, tout en s’écartant des obligations budgétaires qui s’appliqueraient normalement » ([45]).

La clause dérogatoire générale

La clause dérogatoire générale est prévue à la fois au sein des volets préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance.

S’agissant du volet préventif, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1 466/97 disposent qu’« en période de grave récession économique affectant la zone euro ou l’ensemble de l’Union, les États membres peuvent être autorisés à s’écarter temporairement de la trajectoire d’ajustement en vue de la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme [...], à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme ».

S’agissant du volet correctif, l’article 3, paragraphe 5, et l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1467/97 disposent qu’en cas de grave récession économique dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’Union, le Conseil peut également décider, sur recommandation de la Commission, d’adopter une trajectoire budgétaire révisée

Le 3 mars 2021, la Commission européenne a précisé que la décision de désactiver la clause dérogatoire générale devrait être prise à la suite d’une évaluation globale de l’état de l’économie fondée sur des critères quantitatifs, le niveau de l’activité économique dans l’Union constituant le principal critère quantitatif. Le 2 juin, sur la base des prévisions économiques du printemps, la Commission a annoncé que la clause dérogatoire générale continuera à s’appliquer en 2022 et devrait être désactivée à partir de 2023 ([46]).

La sortie de la clause dérogatoire générale pose la question de la révision des règles d’encadrement des finances publiques nationales, après l’augmentation massive de l’endettement au sein de l’Union avec la crise sanitaire. La Commission avait au demeurant réalisé, avant le début de la crise sanitaire, un réexamen de la gouvernance économique de l’UE. Cette revue devait permettre d’évaluer l’efficacité du cadre de surveillance économique au regard de trois grands objectifs :

– assurer la viabilité des finances publiques et une croissance économique durable, et prévenir les déséquilibres macroéconomiques ;

– permettre une coordination plus étroite des politiques économiques ;

– promouvoir la convergence des performances économiques des États membres.

Les règles du pacte de stabilité, affinées au fil des années, auraient eu des effets positifs selon la Commission européenne qui souligne que, début 2020, aucun État membre n’était soumis à la procédure pour déficit excessif, contre 24 en 2011. Par ailleurs, le déficit public a diminué de 6,4 % en 2010 à 0,9 % en 2019. Enfin, le taux de chômage a décru de 9,7 % à 6,2 % pendant la même période.

Conclusions du réexamen des règles de gouvernance économique de l’UE

Le réexamen conclut que le cadre de surveillance a soutenu la correction des déséquilibres macroéconomiques existants et le désendettement public, choses qui ont, à leur tour, contribué à créer les conditions d'une croissance durable, plus résiliente et moins vulnérable aux chocs économiques. Il a également favorisé une convergence soutenue des performances économiques des États membres et une coordination plus étroite des politiques budgétaires au sein de la zone euro. Ces règles sont d’autant plus importantes que, en l'absence d’une capacité centrale de stabilisation, la possibilité de diriger l'orientation budgétaire de l’ensemble de la zone euro repose exclusivement sur la coordination des politiques budgétaires nationales.

Cependant, certains États membres conservent une dette publique élevée, tandis que l’orientation budgétaire au niveau national a souvent été procyclique. En outre, la composition des finances publiques n'est pas devenue plus propice à la croissance, les gouvernements nationaux ayant régulièrement préféré augmenter les dépenses courantes plutôt que préserver l’investissement.

Enfin, le cadre budgétaire est devenu excessivement complexe, parce qu'il poursuit de nombreux objectifs, tout en devant tenir compte d’un large éventail de scénarios possibles. À ce degré de complexité, il a perdu en transparence et en prévisibilité, il est devenu plus difficilement communicable et moins propre à emporter l’adhésion politique.

Source : Commission européenne, « La Commission présente un réexamen de la gouvernance économique de l'UE et lance un débat sur son avenir », communiqué de presse, 5 février 2020

Ces conclusions pourront être revues et de nouveau débattues, une fois la crise sanitaire stabilisée, au regard des politiques budgétaires très expansionnistes menées par les États membres – d’ailleurs recommandées par les institutions européennes – qui ont contribué à une forte dégradation des comptes publics. Les trois objectifs présentés ci-dessus demeurent sans doute valables mais pourraient être complétés par un quatrième sur le financement de la transition écologique et numérique ainsi que par un cinquième concernant la simplicité et la lisibilité des règles adoptées. Le traitement des dépenses d’investissement permettant de dynamiser la croissance potentielle des économies européennes doit, en particulier, constituer un élément central du débat.

Quelle révision des critères de Maastricht ?

La sortie de la clause dérogatoire générale pose la question de la révision des critères de Maastricht afin de les rendre plus opérationnels dans le contexte de l’état de l’économie européenne en sortie de crise.

Plusieurs réflexions ont été menées sur le sujet. À l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2022 devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, le ministre de l’économie a souligné que, si certaines règles étaient désormais dépassées – les 60 % de dette publique –, d’autres restaient nécessaires – les 3 % de déficit (1).

Le Conseil d’analyse économique a, quant à lui, proposé une réforme d’ampleur des critères de Maastricht. La soutenabilité de la dette publique deviendrait le critère clé de l’appréciation de la bonne orientation des finances nationales. En pratique, chaque gouvernement retiendrait une cible de dette dont la pertinence serait évaluée par une instance nationale indépendante puis validée par le Conseil de l’Union européenne. Ce plafond de dette servirait dès lors à la programmation des finances publiques à moyen terme avec la fixation d’une cible de dette à cinq ans, puis la détermination d’une norme d’évolution de la dépense cohérente avec cette cible (2).

(1) Commission des finances de l’Assemblée nationale, audition de MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2022, XVème législature, session extraordinaire de 2020-2021, compte rendu n° 116. 

(2) Conseil d’analyse économique, « Pour une refonte du cadre budgétaire européen, note d’analyse, avril 2021.

B.   L’avancÉe dÉcisive d’un plan de relance europÉen financÉ par l’Émission d’une dette commune

1.   Les mesures de soutien budgétaires d’urgence

L’action européenne ne s’est pas cantonnée à des aménagements juridiques. L’Union a rapidement mis en œuvre, aux mois de mars et avril 2020, plusieurs mesures de soutien dans le cadre de la crise sanitaire et économique avec, en particulier, un paquet de 540 milliards d’euros décliné en trois volets :

– 240 milliards d’euros dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité (MES), au titre de prêts aux États membres, le déblocage des fonds se faisant sans conditionnalité s’ils sont utilisés pour le financement des coûts directs et indirects des soins de santé, de guérison et de prévention face à la pandémie ;

– 100 milliards d’euros de prêts dans le cadre du programme SURE  Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency ») pour soutenir les coûts liés à l’indemnisation du chômage ou aux mesures d’activité partielle prises par les États membres. Ce programme court jusqu’au 31 décembre 2021 ;

– 200 milliards d’euros mobilisés par effet de levier à partir du fonds paneuropéen de garantie de 25 milliards d’euros créé par la Banque européenne d’investissement (BEI).

L’allègement des contraintes sur les finances publiques nationales et les mesures de ce plan d’urgence européen auraient ainsi permis de mobiliser un total de 3 700 milliards d’euros.

SynthÈse de la rÉponse Économique europÉenne
À la crise liÉe au covid-19

(en milliards d’euros)

Mesure

Montant

Mesures nationales de liquidités
(incluant celles prises dans le cadre de l’assouplissement des règles d’aide d’État)

2 553

Mesures nationales prises dans le cadre de l’assouplissement des règles budgétaires

524

Mécanisme européen de stabilité

240

Financement d’investissements par la BEI

200

Programme SURE

100

Soutien budgétaire européen direct

70

Total

3 687

Source : Commission européenne, « Jobs and economy during the coronavirus pandemic »,
lien, septembre 2021

Le programme Support to Mitigate Unemployment Risks in an Emergency (SURE) a permis à l’Union d’octroyer des prêts à des conditions favorables à certains États membres afin de leur permettre de faire face à l’augmentation des besoins liés à la protection de l’emploi, pour un montant maximal de 100 milliards d’euros. La répartition effective par pays est précisée dans le tableau ci-dessous.

Répartition des montants proposés et décaissés
au titre de l’instrument SURE

(en millions d’euros)

Pays

Montant du prêt proposé

Montant décaissé

Italie

27 438

26 687

Espagne

21 324

17 956

Pologne

11 236

6 676

Belgique

8 197

6 200

Portugal

5 934

3 000

Grèce

5 265

2 728

Roumanie

4 099

3 000

Irlande

2 500

2 470

Tchéquie

2 000

2 000

Slovénie

1 113

1 113

Croatie

1 020

1 020

Lituanie

957

602

Slovaquie

630

630

Chypre

604

479

Bulgarie

511

Hongrie

504

504

Malte

420

243

Lettonie

305

192

Estonie

230

Total

94 287

75 500

Source : Commission européenne, « Instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (instrument SURE) », lien, septembre 2021.

2.   Le plan de relance européen

Au-delà de ces mesures d’urgence ambitieuses, l’Union s’est également dotée d’une capacité d’endettement commun afin de financer la relance européenne.

a.   L’instrument Next Generation EU

● Le Conseil européen de juillet 2020 a entériné la proposition d’autoriser la Commission européenne à emprunter, au nom de l’Union, les fonds nécessaires pour « relever les défis posés par la pandémie de Covid-19 » ([47]).

L’accord des chefs d’État et de gouvernements a ouvert la voie à la création de l’instrument « Next Generation EU », financé par des émissions obligataires à hauteur de 750 milliards d’euros ([48]) répartis entre 390 milliards d’euros de subventions et 360 milliards d’euros de prêts. Cet outil permettrait, en particulier, de financer en partie les plans de relance nationaux à des conditions préférentielles.

Actions financÉes par l’Émission obligataire de la Commission europÉene

(en milliards d’euros constants de 2018)

Instrument

Objectif

Montants

Facilité pour la reprise et la résilience

Principal instrument du plan de relance européen destiné à financer les plans de relance des États membres

Prêts

360 milliards

Subventions

312,5 milliards

REACT-EU

Instrument de cohésion économique des pays de l’Union

47,5

Horizon Europe

Programme européen de recherche et d’innovation

5

InvestEU

Outil de mobilisation de l’investissement public et privé

5,6

Développement rural

Instrument de la politique agricole commune (PAC) de nature environnementale et sociale

7,5

Fonds pour une transition juste

Outil d’accompagnement des mutations économiques et industrielles liées à la transition écologique

10

RescEU

Mécanisme européen de protection civile

1,9

Total

750

Source : relevé de conclusions du Conseil européen de juillet 2020.

Les conclusions de la réunion du Conseil européen de juillet 2020 ont été traduites dans la décision 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et dans le règlement 2021/241 du 12 février 2021 établissant la Facilité pour la reprise et la résilience.

La révision de la décision relative aux ressources propres

La mise en œuvre de l’outil Next Generation EU impliquait une modification du règlement en vigueur sur les ressources propres ([49]) afin de relever temporairement le montant des plafonds de ces ressources propres de 0,6 point de pourcentage.

Le plafond des ressources propres détermine en effet le montant maximum de ressources pour une année donnée qui peut être demandé aux États membres pour financer les dépenses de l’UE. Le plafond des paiements, quant à lui, est le montant maximum pouvant être décaissé.

La différence entre ces deux plafonds constitue la marge de manœuvre que la Commission européenne utilise comme garantie de l’emprunt. L’augmentation du plafond des ressources propres doit permettre d’accroître cette marge de manœuvre afin que la Commission puisse bénéficier des conditions les plus favorables pour ses émissions obligataires. Le relèvement devrait expirer lorsque tous les fonds empruntés auront été remboursés et que tous les passifs éventuels liés aux prêts accordés sur la base de ces fonds seront éteints – ce qui doit être le cas le 31 décembre 2058 au plus tard.

La révision de la décision sur les ressources propres relève, cependant, d’une procédure lourde, conformément à l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : adoption à l’unanimité du Conseil de l’Union après consultation du Parlement européen, puis approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Cela implique la ratification par 18 parlements nationaux, ainsi que par certains parlements régionaux.

En France, la loi n° 2021-127 du 8 février 2021 a autorisé l’approbation de la décision relative au système des ressources propres de l’Union européenne.

La nouvelle décision relative aux ressources propres a été ratifiée par tous les États membres au 31 mai 2021, ouvrant la voie à la mise en œuvre de l’outil Next Generation EU.

La Commission européenne a ainsi pu procéder à la levée de 20 milliards d’euros le 15 juin 2021, première opération de levée de dette dans le cadre de l’outil d’endettement commun. Les titres sont émis pour 10 ans, bénéficient de la notation AAA et offrent un rendement de 0,086 % – un montant limité mais supérieur à celui de l’Allemagne sur les titres de même échéance. Trois autres opérations ont suivi :

– le 29 juin 2021, pour 15 milliards d’euros ;

– le 13 juillet 2021, pour 10 milliards d’euros ;

– le 14 septembre 2021, pour 9 milliards d’euros.

Ainsi, début octobre 2021, la Commission européenne avait émis un total de 54 milliards d’euros. Deux autres levées devraient avoir lieu cette année, en octobre et novembre 2021, pour atteindre un total de 80 milliards d’euros ([50]).  

● Afin d’organiser la relance de l’économie européenne, les fonds devront être décaissés rapidement. La Commission doit, ainsi, rendre disponibles 70 % des 312,5 milliards d’euros prévus au titre des subventions de la Facilité pour la reprise et la résilience d’ici au 31 décembre 2022. Les 30 % restants seront mis à disposition en 2023.

La décision sur les ressources propres de décembre 2020 indique, quant à elle, que les engagements juridiques doivent être pris au plus tard le 31 décembre 2023 et que toute nouvelle activité d’emprunt devra avoir cessé à la fin 2026. Après cette échéance, les emprunts seraient limités aux opérations de refinancement destinées à assurer une gestion efficace de la dette.

Les montants non utilisés pour payer des intérêts seront utilisés à des fins de remboursement anticipé. Afin de parvenir à une réduction constante et prévisible des engagements, le remboursement annuel par l’Union ne devra pas dépasser 7,5 % des 390 milliards d’euros de dépenses prévues dans le cadre de l’instrument NGEU.

La Commission serait également autorisée à appeler les États membres à mettre provisoirement à disposition les ressources en liquidités nécessaires si les crédits autorisés inscrits au budget sont insuffisants pour couvrir les engagements découlant de l’emprunt.

Les premiers versements aux États membres, au 1er octobre 2021, sont retracés dans le tableau ci-dessous, pour un total de 51,5 milliards d’euros.

Premiers versements aux États membres au 1er octobre 2021

(en millions d’euros)

Pays

Montant

Portugal

2 200

Luxembourg

12,1

Belgique

770

Grèce

4 000

Italie

24 900

Lituanie

289

Espagne

9 000

France

5 100

Allemagne

2 250

Danemark

201

Chypre

157

Lettonie

237

Slovénie

231

Croatie

818

Tchéquie

915

Autriche

450

Total

51 530,1

Source : Commission européenne.

b.   Les modalités de financement

Le remboursement des sommes empruntées dans le cadre de Next Generation EU ne pourra intervenir que de deux façons : la création de nouvelles ressources propres ou l’augmentation des contributions nationales.

i.   Créer de nouvelles ressources propres

Dans sa résolution adoptée à propos des conclusions du Conseil européen de juillet 2020, le Parlement européen rappelait qu’il n’existe que trois possibilités concernant le remboursement de l’instrument de relance : effectuer des coupes au sein des programmes budgétaires jusqu’en 2058, augmenter les contributions des États membres et créer de nouvelles ressources propres.

Le Parlement considère que cette troisième option est la seule envisageable, afin « de contribuer au remboursement de la dette de l’Union tout en sauvant le budget de l’Union et en allégeant la pression fiscale qui pèse sur les finances nationales et les citoyens de l’Union » ([51]).

La position adoptée par le Conseil européen invite effectivement la Commission européenne à introduire de nouvelles ressources propres. L’objectif de ces nouvelles ressources propres serait de rembourser l’emprunt à partir de prélèvements sur des bases taxables encore peu mises à contribution ou qui portent sur des activités contraires aux objectifs climatiques de l’Union. Elles incluraient :

– une contribution nationale sur les emballages plastiques non recyclés sera mise en place à partir du 1er janvier 2021, composée d’une contribution nationale calculée en fonction du poids des déchets d’emballage plastique non recyclés (0,80 euro par kilogramme). Cette nouvelle ressource pourrait rapporter 7 milliards d’euros par an ([52]) ;

– la Commission est invitée à travailler à des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (entre 5 et 14 milliards d’euros par an) et à une redevance numérique (1,3 milliard par an), qui doivent être mises en place au plus tard le 1er janvier 2023.

La Commission doit également proposer une révision du système d’échange de quotas d’émission (SEQE), qui couvre actuellement les émissions de dioxyde de carbone, de protoxyde d’azote et des perfluocarbones, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime. Cette mesure pourrait rapporter 10 milliards d’euros par an.

Enfin, l’Union doit s’efforcer de mettre en place d’autres ressources propres au cours du CFP 2021-2027, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières.

Ces différentes étapes ont été formalisées au sein de l’accord interinstitutionnel entre Parlement européen, Conseil de l’Union et Commission européenne du 16 décembre 2020 ([53]). En particulier, il était prévu que la Commission présente ses propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, ainsi qu’une proposition connexe visant à mettre en place de nouvelles ressources propres sur cette base, d’ici juin 2021. Elle devait faire de même concernant la révision du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’Union européenne, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime.

La Commission a présenté ses propositions relatives au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à la révision du SEQE le 14 juillet 2021 ; en revanche, elle n’a pas accompagné cette présentation d’une proposition de révision de la décision ressources propres. À la date de publication du présent rapport, la Commission européenne n’avait pas encore présenté de proposition concernant une redevance numérique, contrairement à ce qui était prévu dans l’accord interinstitutionnel de décembre 2020. En effet, un accord final sur le projet Base Erosion and Profit Shifting de l’OCDE étant attendu en octobre, la Commission a reporté sa proposition de taxe sur les services numériques à cette échéance.

En tout état de cause, ces nouvelles ressources pourraient représenter, en retenant les hypothèses les plus favorables, un total de 125,5 milliards d’euros sur les sept années du CFP 2021-2027 ([54]). Le produit des nouvelles ressources propres introduites après 2021 sera utilisé pour le remboursement anticipé des emprunts contractés pour l’instrument Next Generation EU.

La proposition de la Commission européenne relative à l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) n’a pas été reprise dans les conclusions du Conseil européen. Celle-ci estimait le rendement de cette assiette, associée à un taux de 3 %, à 12 milliards d’euros par an sur la période 2021-2027 ([55]).

ii.   Augmenter les contributions nationales

En l’absence de nouvelles ressources propres qui couvriraient l’ensemble des montants empruntés, les États membres seraient amenés à augmenter leurs contributions au titre du revenu national.

Cette solution aurait un impact particulièrement important pour la France, alors que le Conseil européen de juillet 2020 a acté une augmentation conséquente des rabais accordés à certains autres États membres. En 2021, la contribution française au budget de l’Union européenne a ainsi augmenté de 700 millions d’euros afin de financer les réductions de contributions négociées par certains États membres.

RÉductions forfaitaires des contributions nationales

(en millions d’euros)

Pays

Rabais CFP 2014-2020*

Rabais CFP 2021-2027

Augmentation

Allemagne

3 358

3 671

9 %

Pays-Bas

1 510

1 921

27 %

Suède

693

1 069

54 %

Danemark

141

377

167 %

Autriche

132

565

328 %

* Sur le CFP 2014-2020, le chiffre agrège les différents « rabais » au titre de la ressource RNB, de la correction liée au financement du rabais britannique et des taux réduits de TVA dont certains de ces pays bénéficiaient.

Source : Commission européenne, document de travail « Financing the EU budget : report on the operation of the own resources system » mai 2018 et conclusions du Conseil européen de juillet 2020.

Ainsi, si le remboursement des sommes empruntées au titre de l’instrument Next Generation EU se fait, en l’absence de nouvelles ressources propres, par l’augmentation de la contribution RNB, la France pourrait être amenée à contribuer, au titre du remboursement du capital, à un total de 55,9 milliards d’euros ([56]).

C.   La politique monÉtaire, soutien dÉcisif à l’Économie et au secteur financier

1.   Un programme massif d’achats d’actifs destiné à limiter les tensions sur les marchés financiers

● Face à la dégradation des perspectives macroéconomiques, la politique monétaire a été assouplie partout dans le monde, par le biais d’une baisse des taux directeurs, la mise en place de programmes d’achat d’actifs et des interventions ciblées dans certains segments des marchés financiers.

La Banque centrale européenne (BCE) a mis en œuvre une réponse massive aux besoins nés de la crise.

Le 18 mars, la BCE a annoncé un programme d’achat d’urgence pandémique, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP), à hauteur de 750 millions d’euros. Quelques jours avant, le Conseil des gouverneurs avait décidé qu’une enveloppe temporaire de 120 milliards d’euros serait consacrée à des achats nets d’actifs supplémentaires d’ici la fin de l’année, en plus du programme déjà en place (« asset purchase program », ou « APP »).

Le PEPP a permis d’atténuer les risques pesant sur les canaux de transmission de la politique monétaire et la dégradation des perspectives d’activité dans la zone euro en assurant la liquidité de certains marchés d’actifs sous tension.

Ces mesures ont fait l’objet d’adaptations successives. Fin avril 2020, le Conseil des gouverneurs a décidé de l’assouplissement des conditions des opérations de refinancement de long terme (« targeted long term refinancing operations », ou TLTRO) via une baisse du taux d’intérêt et un élargissement des contreparties exigibles. Une nouvelle série d’opérations de refinancement non-ciblé de long terme (« pandemic emergency long-term refinancing operations », ou PELTRO) a été également décidée, afin de soutenir la liquidité dans le système financier de la zone euro.

En juin 2020, l’enveloppe du PEPP a été augmentée de 600 milliards pour atteindre 1 350 milliards. Six mois plus tard, le 10 décembre 2020, l’enveloppe totale du PEPP a été augmentée de 500 milliards d’euros, la portant à un total de 1 850 milliards d’euros. Selon sa dernière décision de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs continuera d’effectuer des achats nets d’actifs au moins jusqu’à mars 2022 et, dans tous les cas, jusqu’à ce qu’il juge que la crise du coronavirus est terminée ([57]).

Le Conseil des gouverneurs a récemment acté la diminution du rythme d’achat d’actifs dans le cadre du PEPP ([58]). La gouverneure de la Banque centrale européenne a cependant tenu à préciser qu’il ne s’agissant pas d’un « tapering », autrement dit un virage vers une politique monétaire moins accommodante, mais un « recalibrage » lié aux conditions sur les marchés financiers ([59]) – recalibrage ayant déjà eu lieu, d’ailleurs, en décembre 2020 et en mars 2021.

Par ailleurs, la BCE a décidé, en décembre 2020, de réinvestir les montants issus des remboursements en capital au titre du PEPP au moins jusqu’à fin 2023.

Le bilan des banques centrales, outil de politique monétaire

La direction générale du Trésor a étudié l’implication des programmes d’achat d’actifs, qui augmentent la taille du bilan des banques centrales, en matière de politique monétaire. La gestion de la taille de ce bilan serait en effet devenue, avant même la crise sanitaire et les mesures exceptionnelles qu’elle a entraînées, un instrument de politique monétaire à part entière au même titre que les taux directeurs, alors que ceux-ci sont proches de la limite basse. En particulier, les achats d’actifs influencent davantage les taux de long terme que ceux de court terme, à l’inverse des taux directeurs.

Or, pour un impact équivalent sur la croissance et l’inflation, les deux instruments affectent différemment le comportement des acteurs financiers et non financiers, la rentabilité des institutions financières, la charge de la dette publique ou encore les taux de change et les flux de capitaux internationaux.

Ainsi, les baisses de taux directeurs sont en théorie plus favorables à la rentabilité des banques que les achats d’actifs. Ceux-ci permettent néanmoins d’encourager la prise de risque financière : en réduisant le rendement des actifs « sans risque », ils doivent inciter les investisseurs cherchant le rendement à acheter des titres plus risqués. Par ailleurs, les achats d’actifs permettent de réduire la charge de la dette publique – avant-crise, les banques centrales européennes et américaines détenait plus de 20 % de la dette publique de leurs pays respectifs –, en particulier si la dette est principalement émise à des maturités de long terme. En revanche, les taux directeurs auraient plus d’effet sur le taux de change que les programmes d’achat d’actifs.

Direction générale du Trésor, « La taille du bilan des banques centrales, nouvel instrument de la politique monétaire », janvier 2018.

● Signe du succès de l’action de la BCE, les écarts de taux entre les pays membres de la zone euro sont restés contenus et, après un début de dissociation courant mars 2020, se sont rapprochés depuis la fin avril aux niveaux connus en 2019. Un même rétrécissement des écarts de taux a également été observé sur les actifs privés. Les mesures décidées par la BCE ont donc effectivement permis de stabiliser le secteur financier, en évitant notamment les mouvements de panique entraînant la fermeture de certains marchés d’actifs.

Ainsi, la politique monétaire très accommodante mise en œuvre depuis le début de la crise, avec des taux d’intérêts maintenus très bas et l’augmentation du portefeuille d’obligations d’État et de titres du secteur privé détenus par les banques centrales, a réduit les coûts de service de la dette publique des économies avancées, ce qui a permis d’accroître leurs marges de manœuvre budgétaires à court terme et réduit les risques d’instabilité sur les marchés financiers.

La BCE excède-t-elle le mandat qui lui est confié ?

Le mandat confié à la Banque centrale européenne (BCE) est codifié au sein de l’article 127 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE, ex-article 105 TCE).

Cet article stipule que l’objectif principal du Système européen de banques centrales (SEBC) est « de maintenir la stablilité des prix ».

Cet objectif premier n’est cependant pas le seul, la suite de l’article 127 stipulant que, sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC « apporte un soutien aux politiques économiques générales de l’Union, tel que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne ».

Or, cet article 3 fixe des objectifs larges à l’Union européenne en matière économique : « L’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein-emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement ».

Sous réserve de respecter l’objectif premier de stabilité des prix, la BCE pourrait ainsi, aux termes du traité, étendre ses préoccupations au marché de l’emploi, à l’augmentation du revenu par tête et aux considérations environnementales.

Les interrogations concernant l’étendue des mandats confiés aux banques centrales ne sont pas spécifiques à l’Europe. M. Jerome Powell, président de la Réserve fédérale des États-Unis, à l’occasion de l’actualisation du mandat de la Fed, a ainsi indiqué que des considérations liées aux inégalités sociales sont prises en compte au sein de l’objectif d’emploi confié à la Fed.

Sources : M. Jerome Powell, « New Economic Challenges and the Fed’s Monetary Policy Review », août 2020.

2.   La revue du mandat de la BCE

La BCE a également mené une revue de son mandat qui a abouti en juillet 2021. Elle conduit la BCE à procéder à plusieurs ajustements de l’appréciation qu’elle entend porter sur le mandat qui lui est confié par les traités. Trois points font l’objet d’inflexions importantes :

– la prise en compte de l’évolution des prix auxquels font face les propriétaires occupants, ce qui permettra de mieux refléter le coût du logement dans l’appréciation de l’inflation globale ;

– l’appréciation de l’objectif des 2 % d’inflation sera désormais apprécié sur le moyen terme. Autrement dit, la Banque centrale européenne pourra accepter une accélération de l’inflation de court terme, pendant quelques années, afin de compenser un ralentissement des prix antérieur. L’objectif ne sera donc plus d’atteindre une cible d’inflation « proche de, mais inférieure à » 2 %, comme c’était le cas jusqu’à maintenant ;

– le changement climatique sera pris en compte dans la mise en œuvre de la politique monétaire au sein de l’Eurosystème, ce qui se traduira dans les obligations de publications par les acteurs financiers, l’appréciation des risques, les achats d’actifs en provenance du secteur privé et l’acceptation des collatéraux pour le recours aux facilités de refinancement offertes par la BCE.

 

 


—  1  —

   FICHE N° 3 :
La situation des finances publiques

Résumé de la fiche

Les prélèvements obligatoires sont dynamiques en sortie de crise. Si le rebond du produit intérieur brut en 2021 et 2022 permet une diminution du taux de prélèvements obligatoires de 1 point en deux ans mais, les PO se redressent d’environ 10 % en valeur absolue sur la période.

Tous les indicateurs qui permettent d’appréhender l’évolution de la dépense des administrations publiques sont en recul en 2022. La dépense publique serait en repli de – 3,5 points en volume. Combiné avec la reprise économique, le ratio de dépenses publiques s’éleverait à 55,6 % du PIB soit un recul de – 5,2 points par rapport à 2020. En valeur, les dépenses des administrations publiques diminueraient de 29,9 milliards d’euros par rapport à 2021.

L’évolution de la dépense publique est différenciée selon les secteurs d’administration publique. L’État et les organismes de sécurité sociale ayant assumé l’essentiel de la réponse économique et sanitaire apportée à la crise, leurs dépenses connaissent le recul le plus important avec respectivement – 8,7 % et – 1,5 % en volume, hors crédit d’impôt. A l’inverse, les dépenses des collectivités territoriales sont de nouveau dynamiques (+ 1,3%) sous l’effet de la croissance de la masse salariale et de l’investissement local.

Le déficit public resterait élevé en 2021, avant de diminuer fortement en pourcentage de PIB et en valeur absolue. Après avoir atteint 8,4 % du PIB en 2021, celui-ci se résorberait partiellement à 4,8, passant de 205,6 à 124,5 milliards d’euros. L’essentiel de ce déficit public se concentre sur l’État, alors que les comptes des administrations publiques locales ont été relativement préservés pendant la crise et que les comptes de la Sécurité sociale se redressent, avec un déficit contenu prévu en 2022.

Après une stabilisation de l’endettement public rapporté à la richesse nationale entre 2017-2019, la France a connu un choc de dette historique (+17,5 points) en 2020. Si la fin progressive de la crise sanitaire et la reprise de la croissance font apparaître une légère diminution du ratio de dette publique en 2022 (114 % du PIB), il sera nécessaire de suivre une trajectoire avérée de désendettement à moyen terme.

I.   Les prélèvements obligatoires sont dynamiques en sortie de crise

Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts et cotisations sociales recouvrées par les administrations publiques et les institutions européennes. En comptabilité nationale, le taux de PO est calculé net des crédits d’impôt, afin de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques

Les prélèvements obligatoires connaissent, en tendance longue, une progression presque continue, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’année.

A.   Les prélèvements obligatoires jusqu’en 2020

La part des prélèvements obligatoires dans le PIB connaît une hausse régulière, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années (A) afin de financer les différents sous-secteurs d’administration publique (B).

1.   L’évolution de long cours

Les prélèvements obligatoires (PO) ont fortement augmenté entre 1974 et 1982, essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 4 points de produit intérieur brut (PIB) sur cette période, passant de 13,1 à 17,1 % du PIB. Le taux de PO a dépassé 40 % du PIB en 1982.

Ce taux a ensuite progressé par pallier, selon trois périodes que l’on peut ainsi définir :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les PO ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 et 42,1 % du PIB, avec une moyenne de 41,3 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41,2 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,7 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,7 % du PIB.

Les prélèvements obligatoires depuis 1974

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Taux

33,7

35,1

37,1

37,0

37,2

38,9

39,6

39,8

40,3

41,1

41,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Taux

41,9

41,3

42,1

41,2

40,9

40,9

41,2

40,7

41,3

41,9

42,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Taux

43,2

43,4

43,3

44,0

43,2

42,9

42,2

42,0

42,2

42,6

43,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Taux

42,3

42,1

41,2

41,5

42,7

43,9

44,9

44,8

44,5

44,6

45,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

Taux

44,7

43,8

44,5

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, base 2014.

La progression des PO dans la richesse nationale a donc été une tendance lourde. Le point le plus haut a été atteint en 2017 avec 45,1 % du PIB.

Au cours des deux précédentes législatures, les oscillations à la baisse et à la hausse ne sont pas corrélées à la couleur de la majorité politique. La hausse a été d’une ampleur comparable durant la période 2007-2012 (+ 1,6 point) et durant la période 2012-2017 (+ 1,3 point).

Cependant, de 2017 à 2019, le taux de prélèvements obligatoires avait commencé à baisser de façon sensible (– 1,3 point).

PrÉlÈvements obligatoires

Année

En milliards d’euros

En % du PIB

2002

669,5

42,2

 

2007

820,8

42,3

 

2012

916,3

43,9

2013

950,5

44,9

2014

962,2

44,8

2015

978,4

44,5

2016

995,3

44,6

2017

1 036,8

45,1

2018

1 057,5

44,7

2019

1 069,6

43,8

2020

1 024,5

44,5

2021*

1 072,2

43,7

2022*

1 126,8

43,5

* Prévisions associées au présent projet de loi de finances.

Source : INSEE, base 2014

La crise économique et sanitaire de 2020 a mis fin à cet effort de réduction du taux de prélèvements obligatoires, qui est remonté de 0,7 point. Cependant, dans le même temps, les prélèvements obligatoires ont diminué en valeur absolue de 45,1 milliards d’euros. Ce phénomène s’explique par un « effet dénominateur » : la contraction du PIB sur l’année 2020 a entraîné, mécaniquement, une remontée du taux de PO en diminuant le dénominateur de ce ratio.

Le taux de prélèvements obligatoires diminuerait de nouveau en 2021, à 43,7 % du PIB, à la fois en raison de mesures nouvelles – d’un effet total de – 15,2 milliards d’euros –, et d’une évolution spontanée moins dynamique que celle du PIB (+ 6,1 % pour les prélèvements obligatoires, contre + 6,5 % pour le PIB en valeur).

Cette baisse se poursuivrait en 2022, uniquement du fait de nouvelles mesures de baisse des prélèvements obligatoires pour un total de 4,1 milliards d’euros. L’élasticité attendue étant unitaire, l’évolution spontanée de ces prélèvements n’auraient pas d’effet sur le taux de PO en 2022.

2.   La structure des prélèvements obligatoires

Le tableau qui suit donne une répartition des PO telle que l’exécution pour 2020 la révèle pour chacun des sous-secteurs d’administration.

DÉcomposition des prÉlÈvements obligatoires en 2020

(en milliards d’euros)

Fiscalité globale

Fiscalité par sous-secteur d’administration

Principaux impôts

Montant 2020

 

692,2

État +

organismes divers d’administration centrale (ODAC) + Union européenne

 

308,9

TVA (part État)

113,8

Impôt sur le revenu (IR)

74,0

Impôt sur les sociétés (IS)

36,3

TICPE (part État)

15,9

Impôts transférés aux ODAC

20,8

Impôts transférés à l’UE

5,1

Droits de succession et de donation

17,6

Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité

8,0

Autres

17,4

Administrations publiques locales (APUL)

 

153,4

Taxe foncière (bâti et non bâti)

n.c.*

CVAE-CFE-IFER

n.c.*

Taxe d’habitation

14,5

TICPE (part APUL)

12,7

Taxe départementale sur les mutations à titre onéreux

11,4

TVA (part Régions)

4,0

Autres

n.c.*

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

 

230,8

CSG-CRDS

112,4

Taxe sur les salaires

14,5

Droits de consommation sur les tabacs

14,4

TVA (part ASSO)

45,4

Forfait social

5,4

Contribution sociale de solidarité des sociétés

4,1

Autres

34,6

 

Cotisations sociales

332,4

 

 

Total des prélèvements obligatoires

1 024,5

* Le RESF annexé au présent projet de loi de finances n’a pas actualisé les données relatives aux rendements de ces impositions.

Source : commission des finances. Les données des deux premières colonnes sont issues de la comptabilité nationale de l’Insee, tandis que les données de la dernière colonne proviennent de données issues de la comptabilité budgétaire de différentes annexes au PLF 2022.

Le tableau précédent cumule des sources chiffrées issues de comptabilités nationale (Insee) et budgétaire (annexes au présent PLF).

Dans l’ensemble des prélèvements obligatoires, les cotisations sociales représentent une proportion de 32,4 % et les impôts une proportion de 66,3 %.

B.   Les prélèvements obligatoires en 2021 et 2022

Les prélèvements obligatoires devraient atteindre 1 072,2 milliards d’euros en 2021, soit 43,7 % du PIB.

Évolution PRÉVISIONNELLE des recettes publiques sur la pÉriode 2017 à 2022

(en milliards d’euros et en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

 

 

PIB

(en volume)

2 297,2

2,3 %

2 363,3

1,9 %

2 437,6

1,8 %

2 302,9

 7,9 %

2 452,3

6,0 %

2 587,9

4,0 %

 

 

 

 

 

 

 

 

Recettes publiques

1 230, 1

53,5 %

1 261,0

53,4 %

1 274,6

52,3 %

1 210,4

52,6 %

1 279,1

52,2 %

1 330,1

51,4 %

dont prélèvements obligatoires*

1 036,8

45,1 %

1 057,5

44,7 %

1 068,6

43,8 %

1 024,5

44,5 %

1 072,2

43,7 %

1 126,8

43,5 %

dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29,0

1,5 %

36,5

1,5 %

35,9

1,5 %

26,1

1,1 %

22,4

0,9 %

22,4

0,9 %

dont autres recettes

168,3

7,3 %

171,6

7,3 %

174,7

7,2 %

164,8

7,2 %

189,8

7,7 %

186,5

7,2 %

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du Rapporteur général.

Les « autres recettes » correspondent à des cotisations sociales imputées que l’État se verse à lui-même (44,0 milliards d’euros en 2020), à la production de ses branches marchandes et aux ventes résiduelles (61,4 milliards), à la production pour emploi final propre, c’est-à-dire les biens et services développés en interne (15,4 milliards d’euros) ou encore aux revenus de la propriété publique (11,3 milliards).

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de
– 0,5, l’évolution spontanée est négative dans la même proportion, bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %. Enfin, le rendement d’un prélèvement obligatoire dont l’élasticité est supérieure à l’unité croîtra plus que proportionnellement au PIB.

1.   Le rebond de la dynamique des prélèvements obligatoires à la faveur de la reprise économique

Après une hausse de 0,7 point en 2020, le taux de prélèvements obligatoires sur le PIB diminuerait de 0,8 point en 2021, puis de 0,2 point en 2022. Les prélèvements obligatoires en valeur absolue augmenteraient de 102,3 milliards d’euros entre 2020 et 2022, passant de 1 024,5 milliards à 1 126,8 milliards d’euros. Le même effet dénominateur décrit plus haut joue donc, ici, en sens inverse.

Le Gouvernement retient une hypothèse d’élasticité unitaire en 2022, les prélèvements obligatoires devant évoluer de façon similaire à l’activité économique.

Évolution spontanée des prélèvements obligatoires

(en %)

Prélèvements obligatoires (PO)

Évolution spontanée en 2022

État

Impôt sur les sociétés

5,8

Impôt sur le revenu

8,5

TVA

5,5

Total

4,8

Organismes divers d’administration centrale

5,5

Administrations publiques locales

4,5

Administrations de sécurité sociale

Cotisations

5,8

Prélèvements sociaux

n.c.*

Total

4,9

Total des PO

5,5

* Le RESF annexé au présent projet de loi de finances ne présente pas d’hypothèse actualisée pour l’évolution spontanée de ces recettes.

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

2.   Les nouvelles mesures de baisse des prélèvements obligatoires

Le dynamisme des PO lié à la reprise de l’activité serait en partie compensé par les mesures nouvelles prévues dans le présent PLF et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, détaillées dans le tableau ci-dessous.

Principales mesures lÉgislatives sur les prÉlÈvements obligatoires
en 2022 (toutes APU)

(en milliards d’euros)

Mesures

Rendement

Mesures de baisse

 

Baisse du taux d’impôt sur les sociétés

– 2,9

Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales

– 2,8

Contemporanéisation du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (PLFSS 2022)

– 1,1

Affectation d’1 milliard d’euros de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) au Fonds national d’aide au logement (FNAL)

– 1,0

Suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

– 0,6

Surtaxe exceptionnelle sur les organismes complémentaires

– 0,5

Bascule entre cotisations/CSG

– 0,4

Réforme des crédits de paiement sur les droits de succession (LFI 2014)

– 0,3

Prorogation des aides fiscales à l’économie ultra-marine, assortie de mesures anti-abus – allongement de 15 ans pour les locations de tourisme (LFI 2019)

– 0,2

Prorogation et recentrage du dispositif de prêt à taux zéro (PTZ)

– 0,2

Prorogation du dispositif Pinel pour trois ans

– 0,2

Contentieux sur la retenue à la source- société d’assurance-vie – principal

– 0,2

Mesures de hausse

 

Transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisation

1,7

Effet retour sur l’impôt sur les sociétés de la baisse des impôts de production dans le cadre du plan de relance

1,3

Hausse des taux d’imposition des impôts directs locaux (TFPB)

0,6

Remboursement des créances anticipées de carry back (LFR 3 2020)

0,6

Abaissement du taux de plafonnement de la contribution économique territoriale (CET)

0,6

Transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE)

0,5

Défiscalisation des heures supplémentaires

0,4

Assouplissement des paramètres du carry back (LFR 1 2021)

0,4

Prolongation d’un an de la mesure de suramortissement à l’impôt sur les sociétés

0,3

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi.

Les mesures nouvelles ont un impact baissier de – 4,1 milliards d’euros sur les prélèvements obligatoires en 2022. L’effort est réparti de la façon suivante :

– une baisse de 2,6 milliards pour l’État ;

– une baisse de 0,6 milliards pour les administrations de sécurité sociale ;

– une baisse de 1,0 milliard pour les administrations publiques locales.

II.   Une amorce de normalisation de la dépense publique après le choc expansionniste provoqué par la crise

La dépense publique est attendue en recul en 2022 du fait de l’effet mécanique de la reprise de l’activité et du reflux des mesures massives de soutien à l’économie et des dépenses sanitaires.

Il existe plusieurs indicateurs permettant d’appréhender l’évolution de la dépense de l’ensemble des administrations publiques. Les montants des masses financières en jeu et leurs liens avec des facteurs exogènes puissants imposent d’utiliser une pluralité de grilles de présentation de la dynamique de la dépense. Cette pluralité d’approche est d’autant plus nécessaire en cette période où les prévisions économiques doivent être analysées avec précaution.

Le Haut conseil des finances publiques, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour l’année 2022, a jugé « raisonnables » les prévisions du Gouvernement en termes de dépenses publiques ([60]) . Il précise, néanmoins, que cette appréciation ne porte que sur les dépenses contenues dans le projet de loi de finances. Certaines dépenses supplémentaires ont été annoncées par le Gouvernement depuis le début de l’été et ne figurent pas dans le texte soumis au Haut Conseil à l’image de celles devant financer le plan d’investissement ou le contrat d’engagement. Il alerte sur la possibilité que leur adoption par voie d’amendement, au cours de l’examen parlementaire du projet de loi de finances, ait pour conséquences de rehausser le niveau des dépenses publiques pour l’année 2022.

A.   Un recul des dépenses publiques porté par la fin des dépenses exceptionnelles de crise

D’après les hypothèses présentées par le présent projet de loi de finances, la dépense publique reculerait de – 3,5 % en volume en 2022, après une hausse + 3,4 % en 2021 et + 6,6 % en 2020. En 2021, le recul de la dépense est la résultante de la combinaison de deux effets opposés :

– le retrait des mesures d’urgence et la fin du déploiement du plan de relance ;

– la progression du reste des dépenses publiques à hauteur de + 0,8 %. ([61]).

 

taux de croissance en volume de la dÉpense publique hors crÉdits d’impôt

Source : Rapport économique social et financiers 2021.

B.   Une normalisation du ratio de dÉpenses publiques

Depuis 1974, il n’y a eu que trois périodes de plusieurs années successives de baisses du ratio de dépenses publiques. Jamais la part de dépense publique dans la richesse nationale (ou ratio de dépense publique) n’avait atteint un niveau similaire à celui de 2020.

Le ratio de dépense publique a fortement progressé à la suite de la crise économique et financière en 2008-2009. Il avait atteint un maximum en 2013 à 56,5 %. Cette part a été réduite six années durant, à compter de 2014. En 2019, la dépense publique représentait 53,8 % de la richesse nationale produite en une année.

La crise de la Covid-19 a interrompu cette dynamique baissière. En 2020, le ratio de dépense publique atteint 60,8%, en hausse de 7 points par rapport à 2019. La forte progression du ratio de dépenses publiques en 2020 s’explique par deux effets :

– une hausse du numérateur pour financer les mesures d’urgence et de soutien à l’économie, et les dépenses de santé ;

– une baisse du dénominateur liée au recul du PIB.

Le recul des dépenses de crise en 2022, couplé à l’augmentation du PIB, permettent une normalisation progressive ­ et non achevée pour autant en 2022 ­ du ratio qui atteindrait 55,6 points en 2022.

Évolution de la part de la dÉpense publique hors crÉdits d’impôt dans le PIB depuis 1974

(en vert, les baisses de la part de dépense publique)

(en % du PIB)

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

39,8

44,5

45

44,2

45,2

45,5

46,4

49,0

50,2

50,7

51,6

+ 4,7

+ 0,5

 – 0,8

+ 1,0

+ 0,3

+ 0,9

+ 2,6

+ 1,2

+ 0,5

+ 0,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

52,3

51,9

51,3

50,6

49,4

50,1

51,2

52,6

55,2

54,6

54,8

+ 0,6

 – 0,4

 – 0,6

 – 0,7

 – 1,2

+ 0,7

+ 1,1

+ 1,4

+ 2,6

 – 0,6

+ 0,2 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

54,8

54,5

52,9

52,6

51,6

51,7

52,6

53,1

52,8

53,0

52,5

+ 0,1

 – 0,3

 – 1,6

 – 0,3

 – 1,0

+ 0,1

+ 0,9

+ 0,5

 – 0,3

+ 0,2

– 0,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

52,0

52,5

56,3

56

55,5

56,3

56,5

56

55,3

55,2

55,1

 – 0,5

+ 0,5

+ 3,8

 – 0,3

 – 0,5

+ 0,8

+ 0,2

 – 0,5

 – 0,7

 – 0,1

– 0,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2018

2019

2020

2021

(p)

2022

(p)

 

 

 

 

 

 

54,0

53,8

60,8

59,9

55,6

 

 

 

 

 

 

 – 1,1

 – 0,2

+ 7,0

 – 0,9

 – 4,3

 

 

 

 

 

 

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE, base 2014, Rapport économique social et financier pour 2022.

D’après la trajectoire pluriannuelle présentée par le Gouvernement, le retour au niveau de 2019 est envisagé pour 2025. Il s’agirait d’une évolution assez rapide comparée à celle observée après la crise financière de 2008. En 2019, le ratio de dépenses publiques, qui s’élevait à 53,8 % du PIB, demeurait toujours supérieur de 1,3 point à celui de 2008.

Prévision de l’Évolution de la part de la dÉpense publique hors crÉdits d’impôt dans le PIB

(en % du PIB)

Source : Rapport économique social et financier pour 2022.

 

C.   La dépense publique en milliards d’euros courants

D’après les données fournies au Rapporteur général par le Gouvernement, la dépense publique hors crédits d’impôts reculerait de 29,9 milliards d’euros courants en 2022 après des hausses de 89,7 milliards d’euros en 2020 et 67,8 milliards d’euros en 2021.

L’évolution de la dépense publique peut ainsi être présentée en milliards d’euros courants. Il s’agit sûrement de la présentation la plus lisible, mais elle n’est pas toujours la plus pertinente. Il faut garder à l’esprit que le montant en euros courants de la dépense publique est extrêmement sensible aux hypothèses macroéconomiques et en particulier aux hypothèses d’inflation et de croissance. Cette analyse ne peut donc qu’être complémentaire de celle de l’évolution en volume (qui neutralise l’effet de l’inflation) et de celle de l’évolution du poids de la dépense publique dans le PIB.

Évolution annuelle de la dÉpense publique

(en milliards d’euros)

Année

Dépense publique,

y compris crédits d’impôt

Évolution

annuelle

Dépense publique,

hors crédits d’impôt

Évolution

annuelle

2002

838,3

835,7

2003

868,7

30,4

865,6

29,9

2004

902,9

34,2

899,6

33,9

2005

941,1

38,3

936,8

37,2

2006

977,2

36,1

970,5

33,7

2007

1020,5

43,3

1010,3

39,8

2008

1061,9

41,4

1046,7

36,4

2009

1106,7

44,8

1089,6

42,9

2010

1135,0

28,3

1117,3

27,7

2011

1158,7

23,7

1141,6

24,3

2012

1192,9

34,2

1176,3

34,7

2013

1211,6

18,8

1195,7

19,4

2014

1230,0

18,3

1204,6

8,9

2015

1248,7

18,7

1216,3

11,7

2016

1266,4

17,8

1234,8

18,5

2017

1298,0

31,6

1266,2

31,4

2018

1315,1

17,0

1275,4

9,3

2019

1349,3

34,2

1311,1

35,6

2020

1419,6

70,3

1400,7

89,7

2021 (p)

1484,7

65,1

1468,6

67,8

2022 (p)

1454,5

– 30,1

1438,7

– 29,9

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE base 2014, comptes de la nation publiés pour les années 2002 à 2020 et les données fournies par le Gouvernement pour les années 2021 et 2022.

D.   Une évolution de la dépense différenciée selon les sous-secteurs d’administration publique

L’évolution de la dépense publique suit une dynamique particulière liée à la réaction des différents secteurs d’administration publique à la crise sanitaire. Le rôle prépondérant de l’État et des administrations de sécurité sociale dans la gestion des aspects économiques et sanitaires de la crise ont conduit à une augmentation du poids de leurs dépenses dans le PIB en 2020 et 2021. L’année 2022 marque un retour à des niveaux plus comparables à ceux observés avant crise.

Évolution de la dÉpense publique
hors crÉdits d’impÔt, par sous-secteur

Dépense finale (= hors transferts) hors crédits d’impôt (%PIB)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Variation 2017-2022 (Md€)

Administrations publiques centrales

Poids à champ courant dans le PIB : 18,8%

Évolution en volume à champ constant : +2,9%

 

18,0 %

-3,0 %

17,9 %

0,0 %

21,4 %

+12,3 %

21,4 %

+5,4 %

18,9 %

-8,7 %

56 Md€

Administrations de sécurité sociale

25,4 %

+0,7 %

25,2 %

+0,2 %

24,9 %

+1,2 %

27,9 %

+5,5 %

27,1 %

+1,8 %

25,7 %

-1,5 %

82 Md€

Administrations publiques locales

10,9%

+1,2%

10,8 %

+0,3%

11,0 %

+4,1%

11,5 %

-0,3%

11,3 %

+3,3 %

11,0 %

+1,3 %

35 Md€

Dont administrations publiques locales (hors investissement)

8,6 %

+3,0 %

8,4 %

-0,9 %

8,3 %

+1,0 %

8,8 %

+1,5 %

8,5 %

+0,9 %

8,3 %

+1,2 %

16 Md€

Total

55,1 %

+1,5%

54,0 %

-0,9%

53,8 %

+1,4%

60,8 %

+6,6%

59,9 %

+3,3 %

55,6 %

-3,5 %

173 Md€

Note : ces données sont présentées à champ constant, c’est-à-dire incluant la création de France Compétences.

Source : Données fournies au Rapporteur général par le Gouvernement

À champ constant, l’évolution de la dépense publique, hors crédits d’impôt, s’établirait à – 3,5 % en 2022. Cette baisse est principalement liée au recul des dépenses de l’État qui a financé les mesures d’urgence et de soutien à l’économie ainsi que, dans une moindre mesure, au repli des dépenses des administrations de sécurité sociale

● Les dépenses de l’État reculeraient en 2022 de – 8,7 % en valeur. Ce repli s’explique par l’extinction des mesures d’urgence et la fin du déploiement du plan de relance. Les dépenses des ministères continueraient toutefois de progresser pour le financement des priorités gouvernementales (solidarité, défense, sécurité, justice, éducation et recherche, aide publique au développement et écologie), compte non tenu à ce stade d’éventuels compléments apportés par amendements.

Le lecteur pourra se reporter à la fiche 4 du présent rapport pour étudier davantage dans le détail l’évolution des dépenses de l’État depuis le début du quinquennat ainsi que celle envisagée pour 2022.

● Le dynamisme retrouvé de la dépense locale en 2021 (+ 3,3 %) et en 2022 (+ 1,3%) s’explique par une hausse des dépenses de fonctionnement et d’investissement des collectivités territoriales. Les dépenses de fonctionnement sont portées par les mesures du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunération. Par ailleurs, l’investissement local ­ un temps freiné par le cycle électoral et la crise ­ connait un rattrapage important.

● Le recul modéré des dépenses des organismes de sécurité sociale en 2022 (– 1,5%) est lié à la baisse des dépenses exceptionnelles mobilisées pour la gestion de la crise sanitaire. Les prestations chômage diminuerait fortement (– 21,4 %) sous l’effet de la reprise économique, des moindres dépenses pour l’activité partielle et de la réforme de l’assurance chômage. Les dépenses de santé demeureraient contenues hors Covid et hors Ségur. Une provision de 5 milliards d’euros serait toutefois prévue pour la lutte contre la covid-19 au titre de la campagne vaccinale et des tests de dépistage pour l’année 2022. Les dépenses liées au Ségur de la Santé connaîtraient une augmentation moindre qu’en 2021, avec une marche supplémentaire de + 2,1 milliards d’euros en 2022 sur le volet rémunération après 6,4 milliards d’euros en 2021.

III.   Le déficit public connaît une amélioration marquée à partir de 2022

L’article liminaire du présent projet de loi de finances comprend un tableau de synthèse mentionnant les objectifs de déficit public et de déficit structurel pour 2022.

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2020 À 2022

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2020

Prévision

2021

Prévision

2022

Solde structurel (1)

– 1,3

– 5,8

– 3,7

Solde conjoncturel (2)

– 5,0

– 2,5

– 0,9

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 2,8

– 0,1

– 0,2

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 9,1

 8,4

 4,8

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4 – 3)

 6,3

 8,3

 4,6

NB : les chiffres étant arrondis au dixième, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : article liminaire du présent projet de loi de finances.

Article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative
à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

« La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre.

« Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les soldes structurels et effectifs de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.

« Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. »

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Cette mesure est également la référence à partir de laquelle la France évalue le respect de ses engagements européens.

La comptabilité nationale

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’inscrit dans un champ d’analyse macroéconomique. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) qui joue un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen. Ce sont ainsi les résultats de la comptabilité nationale qui permettent de savoir si la France respecte au non la règle selon laquelle le déficit ne peut en principe excéder 3 % du PIB prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La crise économique et sanitaire déclenchée en 2020 a mis fin à une décennie de consolidation budgétaire (A). Les effets de cette crise sur le déficit public continuent à se faire sentir en 2021 et s’atténueraient de façon marquée en 2022 (B).

Au sein des administrations publiques, l’État continue de supporter l’essentiel du déficit public (C). Enfin, le déficit de l’État en comptabilité nationale fait l’objet d’une analyse spécifique (D).

A.   L’évolution du déficit public sur longue période

Le dernier excédent public constaté date de 1974. Cette année-là, alors que les effets du premier choc pétrolier commencent à se faire sentir, les comptes publics affichent un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB. Depuis 1975, les comptes publics de la France sont en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020*

2021*

2022*

 

 

 

 

 

 

Solde

– 2,5

– 3,0

– 9,1

– 8,4

– 4,8

 

 

* prévisions du présent projet de loi de finances.

Source : INSEE, base 2014.

Avant 2020, le point le plus bas de solde effectif avait été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit de 7,2 % du PIB. En 2020, le déficit a été encore plus élevé.

L’évolution des principales données relatives aux finances publiques est retracée dans le tableau ci-dessous, à jour des comptes nationaux annuels publiés par l’Insee le 28 mai 2021.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2017 à 2022

(en milliards d’euros)

(en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

 

 

PIB

(en volume)

2 297,2

2,3 %

2 363,3

1,9 %

2 437,6

1,8 %

2 302,9

 7,9 %

2 452,3

6,0 %

2 587,9

4,0 %

 

 

Recettes publiques

1 230, 1

53,5 %

1 261,0

53,4 %

1 274,6

52,3 %

1 210,4

52,6 %

1 279,1

52,2 %

1 330,1

51,4 %

dont prélèvements obligatoires*

1 036,8

45,1 %

1 057,5

44,7 %

1 068,6

43,8 %

1 024,5

44,5 %

1 072,2

43,7 %

1 126,8

43,5 %

dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29,0

1,5 %

36,5

1,5 %

35,9

1,5 %

26,1

1,1 %

22,4

0,9 %

22,4

0,9 %

dont autres recettes

168,3

7,3 %

171,6

7,3 %

174,7

7,2 %

164,8

7,2 %

189,8

7,7 %

186,5

7,2 %

 

 

Dépenses publiques

1 298,0

56,5 %

1 315,1

55,6 %

1 349,3

55,4 %

1 419,6

61,6 %

1 484,7

60,5 %

1 454,5

56,2 %

dont crédits d’impôt enregistrés en dépenses

31,8

1,4 %

39,6

1,7 %

38,2

1,6 %

18,9

0,8 %

16,1

0,7 %

15,8

0,6 %

dont dépenses hors crédits d’impôt

1 266,2

55,1 %

1 275,4

54,0 %

1 311,1

53,8 %

1 400,7

60,8 %

1 468,6

59,9 %

1 438,7

55,6 %

 

 

Déficit public

68,0

 3,0 %

54,1

 2,3 %

74,7

 3,1 %

209,2

 9,1 %

205,6

 8,4 %

124,5

 4,8 %

 

 

Dette publique

2 254,3

98,1 %

2 310,9

97,8 %

2 357,7

97,5 %

2 649,3

115,0 %

2 835,6

115,6 %

2 949,7

114,0 %

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales.

Source : Insee, base 2014.

La barre des 3 % de déficit public a été franchie à cinq périodes :

– une première fois, très brièvement, en 1986 ;

– une deuxième fois, pour une période de six années entre 1992 et 1997 ;

– une troisième fois, pour une période de quatre années entre 2002 et 2005 ;

– une quatrième fois entre 2008 et 2016 soit au total neuf années consécutives :

– une cinquième fois à partir de 2020.

L’année 2017 avait marqué le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009. Ainsi, la réduction du déficit public, hors mesures exceptionnelles, avait été tendancielle, jusqu’à la crise déclenchée en 2020. Le niveau de déficit enregistré en 2020 (– 9,1 % du PIB) est, ainsi, le plus élevé enregistré depuis la création des comptes nationaux en 1948.

B.   Le solde public resterait dégradé en 2021 avant de diminuer sensiblement en 2022

Le présent projet de loi de finances prévoit une amélioration limitée de la prévision de solde public en 2021.

1.   Le rebond de l’activité et la sortie des mesures d’urgence et de relance permettent l’amélioration progressive du déficit

Le déficit s’améliorerait de 0,7 point entre 2020 et 2021 pour s’établir à – 8,4 % du produit intérieur brut. Cette amélioration est beaucoup moins importante que celle prévue initialement par le projet de loi de finances pour 2021, selon lequel le déficit devait s’améliorer de 3,5 points en un an pour atteindre 6,7 % du PIB. Cette prévision a ensuite été dégradée au cours de l’examen parlementaire du texte, pour atteindre – 8,5 % du PIB.

Évolution des prévisions de solde pour 2021

Soldes

LFI 2021

Pstab

LFR 1

PLF 2022

Solde structurel (1)

– 3,8

– 6,7

– 6,3

– 5,8

Solde conjoncturel (2)

– 4,5

– 2,2

– 3,0

– 2,5

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,2

– 0,2

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 8,5

 9,0

 9,4

 8,4

En raison d’effets d’arrondis, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : LFI pour 2021, Pstab 2021-2027, LFR 1 pour 2021 et présent PLF pour 2022.

Le solde pour 2021 reste néanmoins inférieur de 1 point à la dernière prévision associée à la première loi de finances rectificative de l’année (9,4 % de PIB). Entre temps, la prévision de croissance a été portée de 5 % à 6 %, permettant ainsi d’envisager une amélioration du solde public. Cette amélioration est, pour beaucoup, liée à ce rebond du PIB au dénominateur dans la mesure où le déficit exprimé en valeur absolue ne diminuerait que de 3,6 milliards d’euros. 

L’amélioration sensible du solde public serait constatée en 2022, année au cours de laquelle il atteindrait – 4,8 % de la production nationale. Cela représente également une amélioration par rapport à la prévision du programme de stabilité (– 5,3 %). En valeur absolue, le déficit diminuerait de près de 40 %, passant de 205,6 milliards d’euros en 2021 à 124,5 milliards en 2022.

Évolution du déficit public entre 2020 et 2022

(en milliards d’euros)

 

2020

2021

2022

Évolution 2020-2021

Évolution 2021-2022

Évolution 2020-2022

Recettes

1 210,4

1 279,1

1 330,1

68,7

5,7 %

51

4,0 %

119,7

9,9 %

Dépenses

1 419,6

1 484,7

1 454,5

65,1

4,6 %

 30,2

 2,0 %

34,9

2,5 %

Déficit

209,2

205,6

124,5

 3,6

 1,7 %

 81,2

 39,5 %

 84,8

 40,5 %

En raison d’effets d’arrondis au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du Rapporteur général.

La forte réduction du déficit, en milliards d’euros, entre 2021 et 2022 est portée par un rebond des recettes publiques de 51 milliards d’euros et par une diminution du montant total des dépenses publiques de 30,2 milliards. Par rapport à 2020, l’augmentation des recettes est particulièrement importante (+ 119,7 milliards d’euros), alors que les dépenses publiques augmenteraient de façon plus limitée (+ 34,9 milliards).

2.   L’actualisation de la trajectoire pluriannuelle

Le Gouvernement programme une amélioration progressive de ce déficit selon une trajectoire détaillé dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Évolution du solde public jusqu’en 2025

(en % du PIB)

Année

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

RESF 2022

– 8,4

– 4,8

– 4,3

– 3,8

– 3,4

– 3,0

– 2,6

Pstab 2021

– 9,0

– 5,3

– 4,4

– 3,9

– 3,5

– 3,2

– 2,8

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

À l’exception de l’actualisation des chiffres pour 2021 et 2022, le rapport économique, social et financier actualise à la marge la trajectoire du solde public entre 2023 et 2027 par rapport à celle du programme de stabilité 2021-2027, avec une amélioration de 0,1 point entre 2023 et 2025 et une amélioration de 0,2 point en 2026 et 2027.

Ces trajectoires soulignent, en tout état de cause, la caducité de la loi de programmation des finances publiques actuelle, comme le rappelle le Haut Conseil des finances publiques régulièrement depuis son avis sur le projet de loi de finances pour 2021 ([62]).

trajectoire de solde public de la loi de programmation des finances publiques pour les annÉes 2018 à 2022

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constitution et « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

3.   La présentation du déficit pour 2022 reste néanmoins incomplète

La présentation du déficit public en 2022 au sein du projet de loi de finances de l’année reste néanmoins incomplète dans la mesure où, selon le Gouvernement, d’importantes mesures en dépenses n’y sont pas incluses. Ces mesures incluent, en particulier, une fraction en 2022 d’un plan d’investissement à l’horizon 2030 ainsi que, éventuellement, la mise en place d’un contrat d’engagement pour les jeunes.

Le Haut Conseil des finances publiques a ainsi noté que, si la prévision de dépenses pour 2022 est raisonnable au vu des éléments transmis, elle n’inclut cependant pas l’intégralité des dépenses annoncées au cours de l’été et que le Gouvernement entend proposer en cours de débat parlementaire par voie d’amendement. Aussi, le HCFP considère qu’il ne lui est pas possible de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit pour 2022 ([63]).

Lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale dans le cadre de la présentation du présent texte, le ministre de l’économie s’est engagé à ce que ces dispositifs soient introduits en première lecture à l’Assemblée nationale. À cette occasion, une nouvelle saisine du HCFP devrait intervenir ([64]).

C.   L’État continue de supporter l’essentiel du déficit public

Parmi les quatre sous-secteurs d’administration publique, l’État est celui qui supporte la part la plus importante du déficit public.

Solde public par sous-secteur

(en points de produit intérieur brut)

Sous-secteur

2020

2021

2022

État

– 7,8

– 6,7

– 5,0

Organismes divers d’administration centrale

1,0*

– 0,1

0,3*

Administrations publiques locales

– 0,2

– 0,2

– 0,1

Administrations de sécurité sociale

– 2,1

– 1,4

0,0

Solde public

 9,1

 8,4

 4,8

* La reprise du capital de la dette SNCF prévue par l’Etat en 2020 (25 milliards d’euros) et en 2022 (10 milliards d’euros) n’a pas d’impact sur le déficit et la dette toutes APU. En revanche, elle dégrade le solde de l’Etat et améliore le solde des ODAC.

En raison d’effets d’arrondis au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis. 

Source : rapport économique, social et financier.

a.   L’État porte l’essentiel du déficit public

Le solde budgétaire de l’État est constitué par la somme du solde du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

i.   L’exécution budgétaire de l’État en 2020

En 2020, pour le budget général, les dépenses nettes, y compris les prélèvements sur recettes, se sont élevées à 443,7 milliards d’euros et les recettes nettes à 270,8 milliards. Le solde des budgets annexes et des comptes spéciaux est négatif pour 5,4 milliards d’euros. Le déficit budgétaire de l’État ressortait ainsi à 178,1 milliards d’euros.

ExÉcution 2020

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

377,7

Recettes fiscales nettes

256,0

PSR au profit de l’Union européenne

23,7

Recettes non fiscales

14,8

PSR au profit des collectivités territoriales

42,0

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 5,4

Solde

(I  II  III)

 178,1

Source : loi de règlement pour 2020.

ii.   La prévision actualisée du déficit de l’État en 2021

La loi de finances pour 2021 prévoyait un déficit du budget de l’État de 173,3 milliards d’euros.

La première loi de finances rectificative pour 2021 a porté ce déficit à 220,1 milliards d’euros, incluant les reports de crédits importants entre 2020 et 2021.

Le présent PLF actualise les prévisions pour 2021, en abaissant le déficit à 197,4 milliards d’euros.

prÉvision actualisÉe pour 2021

en milliards d’euros

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

424,7

Recettes fiscales nettes

278,6

PSR au profit de l’Union européenne

26,4

Recettes non fiscales

22,2

PSR au profit des collectivités territoriales

43,7

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 3,4

Solde

(I  II  III)

 197,4

Source : présent projet de loi de finances.

iii.   Le déficit de l’État en 2022

Selon les prévisions associées au présent projet de loi de finances, le déficit de l’État diminuerait de 54 milliards d’euros entre 2021 et 2022.

prÉvision pour 2022

en milliards d’euros

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

385,0

Recettes fiscales nettes

292,0

PSR au profit de l’Union européenne

26,4

Recettes non fiscales

18,9

PSR au profit des collectivités territoriales

43,2

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

0,3

Solde

(I  II  III)

 143,4

Source : présent projet de loi de finances.

Par rapport à 2021, le niveau des dépenses du budget général refluerait, alors que les recettes de l’État bénéficieraient d’un rebond marqué. 

passage du solde 2021 actualisÉ au solde du plf 2022

(en milliards d’euros)

 

2021

Prévision actualisée

Variation

2022

PLF

 

2021

Prévision actualisée

Variation

2022

PLF

Dépenses (I)

494,8

 40,2

454,6

Recettes (II)

300,8

10,1

310,9

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

424,7

 39,7

385,0

Recettes fiscales nettes

278,6

13,4

292,0

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

26,4

0

26,4

Recettes non fiscales

22,2

 3,3

18,9

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

43,7

– 0,5

43,2

Soldes des comptes spéciaux (III)

 3,4

3,7

0,3

Solde

(I  II  III)

 197,4

54

 143,4

Source : commission des finances.

iv.   La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise

On observe une tendance nette à la concentration du déficit public sur le déficit de l’État. En comptabilité nationale, la part de l’État dans le déficit public est ainsi passée de 82 % en 2012 à près de 94 % en 2016. Il devient même supérieur au déficit public à compter de 2017 à 2019, le déficit de l’État allant jusqu’à représenter 117 % du déficit public en 2019.

Cette tendance a été interrompue par la crise sanitaire, qui a pesé lourdement sur les finances sociales : en 2020, le déficit de l’État ne représentait plus que 85,7 % du déficit public.

DÉcomposition du solde public par sous-secteur d’administration
depuis 2010 (comptabilitÉ nationale)

(en milliards d’euros)

Année

Solde public

État

ODAC

APUL

ASSO

2010

– 137,4

– 122,9

11,3

– 2,0

– 23,9

2011

– 106,1

– 92,4

– 0,2

– 0,8

– 12,7

2012

– 104,0

– 85,1

– 2,6

– 3,7

– 12,7

2013

– 86,5

– 70,2

1,3

– 8,5

– 9,1

2014

– 83,9

– 74,3

2,6

– 4,8

– 7,4

2015

– 79,7

– 73,3

– 2,5

– 0,1

– 3,8

2016

– 81,3

– 75,9

– 6,2

3,0

– 2,2

2017

– 68,0

– 70,1

– 4,4

1,6

4,9

2018

– 54,1

– 66,0

– 2,6

2,7

11,7

2019

– 74,7

– 85,7

– 2,4

– 1,1

14,5

2020

– 209,2

– 179,3

23,0

– 4,2

– 48,7

En raison d’arrondis au dixième, la somme des soldes État, ODAC, APUL et ASSO peut ne pas correspondre au solde public.

Source : Insee, comptes nationaux.

b.   Le solde des administrations publiques locales serait peu affecté par la conjoncture

Le solde des administrations publiques locales est resté limité depuis le début de la crise : de 0,2 % du PIB en 2020, il diminuerait à 0,1 % en 2022.

Solde des APUL

 

2020

2021

2022

Solde des APUL (en % de PIB)

0,2

0,2

0,1

Solde des APUL (en mds)

4,2

4,2

3,1

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

c.   La forte mobilisation des finances sociales dans la gestion de la crise

Les comptes de la sécurité sociale se sont améliorés de manière continue entre 2010 et 2018. Ces régimes constituent l’essentiel de la catégorie des administrations de sécurité sociale (ASSO).

Ainsi, les déficits sociaux, composés du solde du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), périmètre que retient la Cour des comptes ([65]) pour estimer le déficit de la sécurité sociale, se sont établis à 1,9 milliard d’euros en 2019 au lieu de 20,9 milliards d’euros en 2011, soit une baisse de 19 milliards d’euros. Après un point haut en 2018 (– 1,2 milliard), le solde est de nouveau à la baisse, traduisant une aggravation des déficits avant même le déclenchement de la crise sanitaire.

Évolution des dÉficits sociaux de 2011 À 2020

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Maladie

– 8,6

– 5,9

– 6,8

– 6,5

– 5,8

– 4,8

– 4,9

– 0,7

– 1,5

– 30,4

ATMP*

– 0,2

– 0,2

+ 0,6

+ 0,7

+ 0,7

+ 0,8

+ 1,1

0,7

1,0

– 0,2

Famille

– 2,6

– 2,5

– 3,2

– 2,7

– 1,5

– 1,0

– 0,2

0,5

1,5

– 1,8

Vieillesse

– 6,0

– 4,8

– 3,1

– 1,2

– 0,3

+ 0,9

+ 1,8

0,2

– 1,4

– 3,7

FSV**

– 3,4

– 4,1

– 2,9

– 3,5

– 3,9

– 3,6

– 2,9

– 1,8

– 1,6

– 2,5

Sous-total Régime général + FSV**

 20,9

 17,5

 15,4

 13,2

 10,8

 7,8

 5,1

– 1,2

 1,9

 38,7

Régimes obligatoires de base + FSV**

 22,6

 19,1

 16,0

 12,8

 10,3

 7,0

 4,8

– 1,5

 1,7

 39,7

* accident du travail et maladie professionnelle.

** FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Cour des comptes.

Le déficit des comptes sociaux ne constitue pas, néanmoins, le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui prend également en compte le fonds de réserve pour les retraites (FRR) et les régimes complémentaires. Sur la longue période, le solde des ASSO tendait à s’améliorer, passant de – 23,9 milliards d’euros en 2010 à + 14,4 milliards en 2019.

Le solde de la sécurité sociale s’est dégradé à – 48,7 milliards en 2020 en raison des mesures d’urgence décidées en réponse à la crise sanitaire pour atteindre – 2,1 % du PIB. Les dépenses de santé et d’activité partielle ont fortement progressé tandis que le repli de l’activité a entraîné une baisse des recettes.

Évolution des dépenses et recettes des ASSO

(en % du PIB)

 

2020

2021

2022

Solde (en %)

 2,1

 1,4

0,0

Solde (en mds)

 48,7

 34,4

 1,1

Évolution des dépenses

6,4

3,5

– 0,2

 dont évolution des prestations

5,4

3,7

– 0,3

Évolution des recettes

– 3,7

6,1

4,9

 dont évolution des cotisations sociales

– 4,2

4,4

5,8

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent PLF.

Le déficit des administrations de sécurité sociale diminuerait à 34,4 milliards d’euros en 2021. L’amélioration serait encore plus significative en 2022 puisque ce déficit se résorberait dans sa quasi-totalité (– 1,1 milliard d’euros).

La nette amélioration des déficits sociaux en 2022 s’explique pour l’essentiel par un rebond important des recettes en 2021 (+ 6,1 %) et 2022 (+ 4,9 %), et par un ralentissement de l’augmentation des dépenses en 2021 (+ 3,5 %, contre + 6,4 % en 2020) et une légère baisse en 2022 (– 0,2 %).

DÉcomposition du solde des administrations de sÉCURITÉ sociale

(en milliards d’euros)

Année

2021

2022

Total Administrations de sécurité sociale (ASSO)

 34,4

 1,1

Recettes

650,1

681,8

Dépenses

684,5

682,8

 

 

 

Régime général + Fonds de solidarité vieillesse

 38,3

 21,3

Recettes

449,8

471,5

Dépenses

488,2

492,8

 

 

 

Unédic

 11,4

0,3

Recettes

39,6

42,0

Dépenses

51,0

41,7

 

 

 

Régimes complémentaires

0,9

3,5

Recettes

93,7

99,1

Dépenses

92,8

95,6

 

 

 

Cades

15,0

17,0

Recettes

18,7

19,2

Dépenses

3,6

2,2

 

 

 

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

 1,7

 1,7

Recettes

0,6

0,6

Dépenses

2,3

2,2

 

 

 

Organismes divers de sécurité sociale

1,1

0,0

Recettes

113,5

113,6

Dépenses

112,4

113,6

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

La diminution des déficits sociaux est particulièrement marquée sur le périmètre de l’Unédic, dont le solde retournerait à l’excédent en 2022 sous l’effet de la baisse des dépenses d’activité partielle. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse se résorberait également de façon importante, tout en restant en 2022 à un niveau élevé.

D.   Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale

Le déficit budgétaire de l’État est prévu pour 2022 à 143,4 milliards d’euros par l’article 19 du présent projet de loi de finances. Le déficit de l’État, en comptabilité nationale, serait toutefois inférieur de 14,3 milliards d’euros, puisqu’il est évalué à – 129,1 milliards d’euros par le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

La distinction entre comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

Traditionnellement, l’examen du projet de loi de finances avait pour but de débattre uniquement du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire d’une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui de la comptabilité la plus observée et la plus commentée car elle permet de mesurer le déficit budgétaire et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

Depuis 2013, l’examen du projet de loi de finances permet, grâce à l’examen de son article liminaire et grâce au RESF, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

Les résultats de la comptabilité nationale sont désormais au cœur du débat public : c’est à partir d’eux qu’il est possible de savoir si la France respecte ou non les règles européennes relatives à son déficit public (qui doit être inférieur à 3 %) ou à son solde structurel. Plusieurs retraitements – exposés dans le RESF annexé au présent projet de loi de finances – sont nécessaires pour passer du solde budgétaire au solde en comptabilité nationale.

L’écart entre le solde 2022 en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale s’explique par six principaux effets, retracés dans le tableau ci-dessous.

Principales ClÉs de passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire
au solde en comptabilitÉ nationale

(en milliards d’euros)

Les retraitements qui dégradent le solde en comptabilité nationale

Les retraitements qui améliorent le solde en comptabilité nationale

Reprise partielle de la dette de SNCF Réseau par l’État (affecte le solde de l’État, mais neutre sur l’ensembles des administrations publiques)

– 10

Traitement en comptabilité nationale des primes et décotes liées à l’émission de titres et des intérêts courus non échus

+ 13,6

Traitement des opérations du compte de concours financiers Prêt à des États étrangers

– 0,7

Traitement des crédits d’impôts

+ 6,6

Traitement en opérations financières des prises de participations et cessions de titres effectués sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

+ 3,4

Décalage d’enregistrement comptable liés aux recettes de l’Union européenne reçues au titre du Plan de relance

+ 1,8

Total

 10,7

Total

+ 25,4

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

IV.   La dette publique

La trajectoire d’endettement public a connu deux phases importantes durant la présente législature : d’une part, grâce aux efforts entrepris à compter de 2017, le ratio de dette publique a diminué de 0,6 point entre 2017 et 2019. D’autre part, suite au choc induit par la crise sanitaire en 2020, notre niveau d’endettement public a connu la plus forte augmentation de notre histoire récente (+ 17,5 points entre 2019 et 2020), s’établissant à des niveaux records de 115 % du PIB en 2020 et 115,6 % du PIB en 2021. Si la fin progressive de la crise sanitaire et la reprise de la croissance font apparaître une légère diminution du ratio de dette publique en 2022 (114 % du PIB), il sera nécessaire de suivre une trajectoire exigeante de désendettement à moyen terme.

A.   Après l’augmentation historique de l’endettement public en 2020, la progression du ratio de dette publique ralentit nettement en 2021

1.   Une dette publique élevée mais stabilisée fin 2019

a.    Un niveau de dette élevé et une évolution divergente par rapport à nos voisins européens (2013-2017)

L’accumulation de déficits publics depuis 1974 a eu pour effet la constitution d’un encours de dette conséquent. L’indicateur usuel pour apprécier la croissance de la dette publique est le montant de l’encours de la dette publique à une date donnée rapporté au PIB. Il permet d’appréhender la soutenabilité de la dette publique.

La dette publique française s’est établie à 2 376 milliards d’euros en 2019, soit 97,5 % du PIB. Comme l’ensemble des pays de la zone euro, la France a vu son ratio d’endettement s’accroître considérablement entre 2008 et 2012, sous le double effet de l’accumulation de l’encours de dette (effet numérateur) et de la chute ou de la faible progression du niveau du PIB (effet direct par le dénominateur et effet indirect par le numérateur par la moindre augmentation des recettes de prélèvements obligatoires corrélées à la croissance). En revanche, à partir de 2012, la trajectoire de l’endettement français a divergé de celle de ses partenaires européens.

COMPARAISON DES RATIOS DE DETTE DE LA FRANCE,
DE LA ZONE EURO ET DE L’Allemagne (2007-2019)

(en % du PIB)

Source : INSEE, comptes nationaux – zone euro à 19, Eurostat.

Si les différences de niveau d’endettement ne sont pas significatives selon la théorie économique, la divergence des trajectoires de dette révèle les fragilités des finances publiques françaises. Autrement dit, un niveau élevé de dette publique rapporté au PIB ne révèle pas forcément de fragilités quant à la soutenabilité de la dette, notamment si ce ratio suit une tendance baissière. L’objectif de réduction de l’endettement porté par le Gouvernement était donc nécessaire.

b.   La stabilisation du niveau de l’endettement public à fin 2017-2019

Entre 2013 et 2017, la croissance de l’endettement a été plus modérée, avant que le ratio ne recule pour la première fois depuis dix ans en 2018. On ne compte que neuf occurrences de recul du ratio d’endettement depuis 1978. D’après les prévisions actuelles du Gouvernement, une dixième occurrence aurait lieu en 2022 (voir développements infra).

LA DETTE PUBLIQUE DEPUIS 1978

(en vert, les périodes de baisse de la dette publique)

(en pourcentage du PIB au 31/12 de l’année)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Ratio

nd

nd

nd

nd

21,2

21,2

20,8

22,0

25,4

26,7

29,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

30,7

31,3

33,7

33,6

34,4

35,6

36,5

40,2

46,6

49,9

56,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

60,0

61,4

61,4

60,5

58,9

58,3

60,3

64,4

65,9

67,4

64,6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

64,5

68,8

83,0

85,3

87,8

90,6

93,4

94,9

95,6

98,0

98,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021 (p)

2022

(p)

 

 

 

 

 

 

Solde

97,8

97,5

115,0

115,6

114,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, base 2014, comptes de la nation et rapport économique social et financier 2022.

● Le ralentissement de l’accroissement de la dette a précédé l’amorce de son recul :

– entre 2007 et 2011, la dette a crû de + 23,3 points ;

– le rythme de la progression a été divisé par deux entre 2012 et 2016 à + 7,4 points.

– entre 2017 et 2019, le niveau d’endettement a décru de – 0,6 point.

● Ce recul de la dette dans la richesse nationale est intervenu précocement par rapport aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui envisageaient une croissance de la dette en 2018 et 2019. Ce recul s’explique à la fois par une croissance relativement dynamique et une faible évolution de l’encours de dette liée notamment à la modération de l’évolution des dépenses publiques.

COMPARAISON DU RATIO DE DETTE PUBLIQUE AUX PRÉVISIONS DE LA LPFP 20182022
POUR LES ANNÉES 2017 À 2019

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

Dette publique – LPFP

96,7

96,9

97,1

Variation

+ 0,2

+ 0,2

Dette publique observée

98,1

97,8

97,5

Variation

– 0,3

– 0,3

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et INSEE, « Les comptes des administrations publiques en 2020 », 28 mai 2021.

Malgré cette évolution plus favorable, le niveau de la dette a été supérieur à celui prévu par la LPFP en raison de traitements comptables. En particulier, le reclassement comptable de SNCF Réseau en administration publique par l’INSEE à compter de 2016 a entraîné une révision à la hausse du ratio de dette publique de 1,7 point en 2017. Le point de départ de la trajectoire du ratio de dette publique pour les années 2017 à 2022 a donc été rehaussé à due concurrence de l’impact du reclassement de SNCF Réseau.

c.   Une trajectoire pré-crise moins exigeante que celle arrêtée en LPFP

La LPFP a fixé pour objectif une réduction de plus de 5 points du ratio de dette publique entre 2017 et 2022. Après avoir été portée à 7,8 points par le programme de stabilité d’avril 2018, cette cible a été nettement abaissée par le Gouvernement à l’occasion de la présentation du programme de stabilité d’avril 2019, puis à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques de juin 2019 qui l’a fixée à 1,4 point. Le projet de loi de finances pour 2020 a diminué à nouveau la réduction prévisionnelle du ratio de dette publique entre 2017 et 2022 pour l’établir à 0,7 point de PIB. La révision du ratio depuis l’adoption de la LPFP s’explique :

– par des révisions à la baisse des taux de croissance du PIB. Celle-ci a un effet direct haussier sur le ratio de dette publique, toutes choses égales par ailleurs, par la minoration du dénominateur. Elle a également un effet indirect sur le numérateur par la minoration des recettes publiques, dont l’évolution spontanée est corrélée à la croissance ;

– par les mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages décidées en décembre 2018 puis en avril 2019, à la suite des conclusions du Grand débat national.

2.   Un choc haussier historique sur le niveau lendettement public en 2020

a.   Une augmentation exceptionnelle du ratio de dette publique en France et dans la zone euro

Dans le contexte de la crise sanitaire, la dégradation du déficit public en 2020 (– 9,1 % du PIB), la croissance de la dépense (+ 6,6 % en volume par rapport à 2019) et la chute du PIB (– 7,9 %) ont eu pour effet d’accroître très fortement le ratio de dette publique, en agissant à la fois sur le numérateur et sur le dénominateur de ce ratio. Il est ainsi passé de 97,5 % du PIB en 2019 à 115 % du PIB en 2020, soit une hausse de 17,5 points. En euros courants, la hausse représente 273,6 milliards d’euros et la dette s’établit à 2 649 milliards d’euros au 31 décembre 2020 (+ 11,5 %).

L’augmentation exceptionnelle du ratio de dette publique n’est pas propre à la France, bien qu’elle y soit supérieure à celle observée en moyenne dans la zone euro (+ 1,8 point). Le ratio de dette publique dans l’ensemble des pays de la zone euro passe en effet de 83,9 % fin 2019 à 98 % fin 2020.

De façon générale, les ratios de dette publique constatés à la fin de l’année 2020 sont légèrement moins dégradés qu’anticipé grâce à une résistance des économies de la zone euro plus forte qu’initialement prévue. En septembre 2020, le niveau de l’endettement public à la fin de l’année 2020 était en effet attendu à 117,5 % du PIB pour la France et à 100,7 % du PIB pour la zone euro.

COMPARAISON DE l’évolution des RATIOS DE DETTE DE LA FRANCE,
DE LA ZONE EURO ET DE L’Allemagne

(en points de PIB)

*Les données présentées pour l’année 2021 sont des prévisions.

Sources : Eurostat, Rapport économique, social et financier 2022 et commission européenne, projections économiques du printemps 2021.

b.   Une progression plus élevée de la dette sociale

L’évolution du niveau de dette en 2020 a divergé selon les sous-secteurs d’administration publique concernés. Si tous ces sous-secteurs, à l’exception de celui des organismes divers d’administration centrale, ont connu une progression de leur endettement, la hausse de la dette des administrations de sécurité sociale est particulièrement forte (+ 40 %).

évolution de la dette publique française par sous-secteur

(en milliards d’euros)

Sous-secteur d’administration publique

Au 31/12/2019

Au 31/12/2020

Évolution 2019-2020

État

1 907,1

2 084,8

9,3 %

Organismes divers d’administration centrale

64,9

63,6

– 2,0 %

Administrations locales

210,5

229,8

9,2 %

Administrations de sécurité sociale

193,2

271,1

40,3 %

Ensemble des administrations publiques

2 375,7

2 649,3

11,5 %

En % du PIB

97,5

115,0

– 

Source : INSEE, « Les comptes des administrations publiques en 2020 », 28 mai 2021.

 

Ainsi, la composition de la dette publique française a été légèrement modifiée en 2020. En 2020, la dette est portée à près de 79 % par l’État, à 2 % par les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ([66]), à près de 9 % par les administrations publiques locales (APUL) ([67]) et à environ 10 % par les administrations de sécurité sociale (ASSO).

DÉcomposition de la dette publique française

      En 2019              en 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

3.   Le net ralentissement de la progression de l’endettement public en 2021

Après une hausse de 17,5 point en 2020, le ratio de dette publique progresserait de 0,6 point en 2021. Il s’établirait ainsi à 115,6 % du PIB. Cette augmentation s’explique par un déficit public élevé (– 8,4 % du PIB) tandis que le rebond de l’activité (+ 6 %) permet de ralentir la croissance de l’endettement public.

Le déficit prévisionnel de l’année 2021 étant moins dégradé qu’anticipé et la croissance plus forte que prévue, le PLF pour 2022 prévoit un ratio de dette publique moins élevé que celui présenté dans le programme de stabilité au mois d’avril 2021 (117,8 % du PIB) et dans le DOFP au moins de juin 2021 (117,2 % du PIB).

TRAJECTOIRES DU RATIO DE DETTE PUBLIQUE

(en points de PIB)

Année

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

LPFP

97,1

96,1

94,2

91,4

-

-

-

-

-

Variation du ratio de dette publique

 

– 1,0

– 1,9

– 2,8

-

-

-

-

-

Programme de stabilité 2021

97,6

115,7

117,8

116,3

117,2

118,0

118,3

118,2

117,7

Variation du ratio de dette publique

 

+ 18,1

+ 2,1

– 1,5

+ 0,9

+ 0,8

+ 0,3

– 0,1

– 0,5

Débat d’orientation des finances publiques 2021

97,6

115,1

117,2

115,7

117,2

118,0

118,3

118,2

117,7

Variation du ratio de dette publique

 

+ 17,5

+ 2,1

– 1,5

+ 1,5

+ 0,8

+ 0,3

– 0,1

– 0,5

PLF pour 2022

97,5

115,0

115,6

114,0

115,2

116,1

116,3

116,2

115,7

Variation du ratio de dette publique

 

+ 17,5

+ 0,6

– 1,6

+ 1,2

+ 0,9

+ 0,2

– 0,1

– 0,5

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, programme de stabilité 2021, tome I du rapport du Gouvernement préparatoire au débat d’orientation des finances publiques 2022, projet de loi de finances pour 2022.

B.   SI le ratio de dette publique diminue en 2022, une attention particulière doit être portée à la trajectoire pluriannuelle retenue et à la soutenabilite de la dette

1.   La baisse du ratio de dette publique en 2022

D’après les chiffres du présent PLF, le ratio de dette publique diminuerait en 2022 pour s’établir à 114 % du PIB, grâce, d’une part, à une croissance dynamique (+ 4 %) et à une réduction du déficit (– 4,8 % du PIB) qui se situerait ainsi en deçà du déficit stabilisant le ratio de dette publique.

Le solde public stabilisant

Pour que le ratio dette publique / PIB soit stabilisé, il faut que le déficit public soit suffisamment faible pour que la croissance du PIB permette, par un effet dénominateur, de neutraliser l’effet numérateur. Le niveau de déficit pour lequel le ratio est stable est appelé déficit public stabilisant.

Le déficit public exprimé en pourcentage du PIB stabilisant le ratio de dette publique, hors flux financiers, est égal au produit du taux de croissance du PIB en valeur entre l’année N – 1 et l’année N et du rapport entre le stock de dette de l’année N – 1 et le PIB de l’année N.

Il est cependant important de rappeler que les mesures annoncées par le Président de la République relatives au plan d’investissement et au contrat d’engagement pour les jeunes ne sont pas comprises dans le texte initial et que leur intégration est de nature à modifier le montant du déficit public (voir infra). Par conséquent, le niveau de l’endettement public pourrait être supérieur à celui annoncé, à moins que l’activité soit plus dynamique que prévue.

2.   La nécessité de stabiliser la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité sur le long terme

a.   L’absence de risque d’insoutenabilité de la dette à court terme

La soutenabilité de la dette publique désigne la capacité pour un État à honorer ses engagements financiers dans le futur.

Plusieurs facteurs écartent la menace immédiate d’une situation d’insoutenabilité.

● La crise ne remet pour l’instant pas en cause la faiblesse des taux d’intérêt observée depuis les années 1980 dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Des causes structurelles expliquent cette tendance au long cours. Le taux d’intérêt réel est en effet le prix qui équilibre au niveau mondial l’épargne et l’investissement. Or, l’offre d’épargne s’accroît depuis les années 1990, sous l’effet notamment du vieillissement de la population. Parallèlement, l’investissement diminue en raison de la baisse de la productivité et du remplacement dans les pays avancés d’activités capitalistiques par des services qui le sont moins. Ces deux tendances s’accompagnent donc d’une baisse tendancielle du taux d’intérêt.

HISTORIQUE DES TAUX DE L’OAT À 10 ANS FRANÇAISE (moyenne annuelle)

(en %)

Source : commission des finances, d’après les rapports annuels de l’AFT et les prévisions du présent PLF.

● Cette tendance de fond a été amplifiée par la politique monétaire. La politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) menée depuis l’après‑crise de 2009, et singulièrement depuis 2014, a eu un effet baissier sur les taux d’intérêt de la dette française, comme sur celle de l’ensemble des États de la zone euro. En outre, la BCE a réagi très rapidement en 2020 à la crise sanitaire. Dès le 18 mars, elle a annoncé un programme d’achat d’urgence pandémique, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP). Cette action a été décisive pour maintenir les taux à des niveaux faibles et contenir les écarts de taux entre les pays membres.

La BCE a révisé sa forward guidance en juillet 2021 en indiquant que « les taux directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu’à ce qu’il [le Conseil des gouverneurs] constate que l’inflation atteint 2 % bien avant la fin de son horizon de projection et durablement sur le reste de son horizon de projection ». L’inflation constatée aujourd’hui dans la zone euro s’établissant autour de 1,5 %, il est anticipé que la politique monétaire de la BCE reste accommodante à moyen terme. Face à une reprise économique plus précoce qu’attendue, la BCE a cependant annoncé le 13 septembre 2021 qu’elle ralentirait le rythme de ses rachats mensuels de titres.

● La France parvient à financer sa dette à un moindre coût parce que les investisseurs ont confiance dans sa signature, condition nécessaire au financement de la dette publique dans de bonnes conditions. Le taux d’intérêt moyen de l’OAT à 10 ans (– 0,12 %) a été inférieur à celui de 2019 (0,23 %) et à celui retenu dans les hypothèses initiales du PLF 2020 (0 %). Ce taux d’intérêt devrait s’élever à 0,30 % en 2021 et 0,75 % en 2022 d’après les prévisions du présent PLF qui retient l’hypothèse prudente d’une remontée des taux longs.

Ainsi, la charge d’intérêt de la dette se maintient à des niveaux exceptionnellement bas entre 2020 et 2022, au moment où le stock de dette a augmenté très significativement. La hausse anticipée de cette charge en 2021 et 2022 par rapport à 2020 s’explique principalement par une inflation un peu plus élevée ([68]).

CHARGE DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT (1)

(en milliards d’euros)

(1) En charge budgétaire, retracée par les programmes 117 « Charge et trésorerie de l’État » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État »

Source : AFT, projet annuel de performance « Engagements financiers de l’État » et réponses du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

● Afin entre autres de réduire les risques d’insoutenabilité des États européens, l’Union européenne a décidé d’émettre 750 milliards d’euros de dette commune d’ici à 2026 pour financer le plan de relance européen Next Generation (voir supra). 30 % de ces émissions devraient prendre la forme d’obligations vertes, ce qui placerait l’Union européenne en tête des émetteurs mondiaux de titres verts. La première émission de dette (20 milliards d’euros) a été réalisée en juin 2021, l’objectif étant d’emprunter 80 milliards d’euros en 2021 puis 150 milliards euros par an jusqu’à 2026.

b.   La nécessité de la fixation d’une trajectoire de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité sur le long terme

Dans le contexte d’une croissance revenue à son niveau potentiel (hors effets de rattrapage pour les années 2021-2022), le maintien de taux d’intérêt faibles est indispensable pour assurer la soutenabilité de la dette publique, ce qui implique de conserver la confiance des marchés. Si le niveau du stock de dette à refinancer ne pose actuellement pas de problème, il est indispensable de fixer dès à présent une trajectoire claire et crédible d’endettement pour les prochaines années, qui permette de stabiliser puis diminuer à moyen terme le niveau de l’endettement public.

L’impact d’une hausse des taux d’intérêt sur la charge de la dette est en effet d’autant plus fort que le stock de dette est important. D’après les chiffres fournis par le Gouvernement, une augmentation de 1 % des taux d’intérêt aurait un impact de 2,5 milliards d’euros la première année, de 6 milliards d’euros la deuxième année et de 15 milliards d’euros la cinquième année.

IMPACT D’UN CHOC DE TAUX DE 1 % SUR LA CHARGE
DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Note : le graphique présente l’impact sur la charge de la dette de l’État en comptabilité nationale.

Source : projet annuel de performance de la mission Engagements financiers de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2022, octobre 2021, p. 37.

Or, la charge d’intérêts de la dette représente une dépense publique qui, en pesant sur le solde primaire, constitue un déterminant majeur de la capacité à stabiliser voire diminuer le ratio d’endettement public.

De plus, la confiance des marchés ne peut être conservée que si la trajectoire d’endettement public française est cohérente avec celle de nos principaux partenaires européens. Ainsi, il apparaît nécessaire d’éviter à tout prix la situation observée sur la période 2013-2017 d’une nette hausse ininterrompue du ratio de dette publique française dans un contexte où nos voisins se désendettent.


trajectoire du ratio de la dette publique française

Source : rapport économique social et financier 2022.

Après un recul du ratio de dette publique en 2022, la trajectoire de long terme présentée par le Gouvernement dans le présent PLF fait état d’une nouvelle hausse (+ 1,2 point) de ce ratio en 2023 et en 2024 (+ 0,9 point). Cette augmentation s’explique notamment par une croissance moins forte que celle attendue en 2022 alors que le déficit reste élevé (– 4,3 % en 2023 et – 3,8 % en 2024).

Cette trajectoire de l’endettement public prévoit une diminution très légère de ce ratio en 2026 (– 0,1 point) puis plus significative en 2027 (– 0,5 point). Cette trajectoire diffère légèrement de celle présentée par le Gouvernement à la Commission européenne dans son programme de stabilité 2021-2027 : le ratio de dette publique étant plus faible qu’anticipé en 2020 et 2021, son niveau a été abaissé dans les mêmes proportions à compter de 2023 tandis que les variations annuelles ultérieures attendues sont proches.

Enfin, il est important de rappeler que même en l’absence de matérialisation du risque d’insolvabilité, l’endettement constitue une perte de souveraineté. La charge de la dette constitue en effet une dépense qui réduit la possibilité pour l’État de disposer de marges de manœuvre financière pour mener sa politique budgétaire de façon autonome. En 2020, les dépenses de charge de la dette de l’État se sont ainsi élevées à 35,8 milliards d’euros, soit 9 % de l’ensemble des dépenses du budget général de l’État (390 milliards d’euros) et 1,8 % de l’encours de la dette négociable (2 001 milliards d’euros). Le remboursement de la dette en 2022 (38,4 milliards d’euros) aura peu ou prou le même impact sur le solde public que les crédits budgétaires alloués à la mission Défense (40,9 milliards d’euros en 2022).

écart de la dette publique à son niveau de 2020 (en points de PIB)

Source : Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2022, p.79.

L’analyse des différents programmes de stabilité réalisée par la Cour des comptes met en évidence une trajectoire de désendettement plus longue de la France par rapport à ses voisins. Les données actuellement disponibles ne permettent cependant pas de faire des comparaisons au-delà de 2024, alors que, selon le Gouvernement, 2025 marquerait un début de baisse du poids de l’endettement public en France.

3.   Le cantonnement de la « dette covid »

Le présent PLF prévoit la création d’un nouveau programme dans la mission Engagements financiers de l’État afin d’isoler 165 milliards d’euros de dette liée directement à la crise sanitaire de 2020, de la dette issue des déficits successifs antérieurs. Ce montant de 165 milliards d’euros retenu correspond aux écarts de déficits constatés sur la période 2020-2021 par rapport à ceux qui étaient anticipés à la fin 2019, retraités du plan de relance.

Le cantonnement de cette « dette covid » doit contribuer au renforcement de la lisibilité de l’information sur la trajectoire de la dette publique et constitue un engagement politique de la France à rembourser cette dette. Le Gouvernement prévoit ainsi un amortissement de la « dette covid » en vingt ans, d’ici 2042.

Le nouveau programme budgétaire, numéroté 369 et intitulé « Amortissement de la dette de l’État liée à la Covid-19 » est doté dès 2022 des 165 milliards d’euros identifiés en autorisations d’engagement.

Les crédits de paiement seront quant à eux fixés chaque année en fonction de la dynamique de croissance : 5,9 % du surcroît de recettes fiscales nettes dégagées chaque année au-delà de leur niveau de 2020 seront consacrés au désendettement, cette fraction permettant, dans la trajectoire prévisionnelle de croissance actuelle, de rembourser la « dette covid » d’ici 2042. Ainsi, la dette sera remboursée par les fruits de la croissance ([69]) et non par des hausses d’impôts : plus la croissance est élevée, plus les recettes fiscales nettes le sont également et plus la dette est amortie rapidement. A contrario, si les recettes fiscales nettes sont moindres qu’anticipées, l’échéancier prévisionnel d’amortissement de la « dette covid » s’allongera. 1,9 milliards d’euros en crédits de paiement sont inscrits sur le programme en 2022.

Ces crédits sont attribués, sous forme de dotation, à la Caisse de la dette publique (CDP), qui sera chargée du rachat de la « dette covid ». Concrètement, le programme budgétaire abondera le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État à partir duquel sera réalisé le versement à la Caisse de la dette publique. Ainsi, seront inscrits sur le CAS Participations financières de l’État une recette et un montant de crédits égaux aux montants des crédits ouverts sur le programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid 19 ».

La Caisse de la dette publique

La Caisse de la dette publique est un établissement public administratif mis en place par la loi de finances pour 2003 qui a pour objet de soutenir sur les marchés financiers la qualité de la signature de l’État. Elle a ainsi été utilisée pour amortir des titres émis par l’État ou repris à des tiers ([70]). L’Agence France Trésor est mise à disposition de la Caisse de la dette publique et chargée de la mise en œuvre du programme budgétaire. Le responsable du programme est le directeur général du Trésor qui est également le président de la Caisse de la dette publique.

Un contrat conclu entre la CDP et l’État détaillera le circuit opérationnel du remboursement. Il permettra également de préciser l’échéancier de remboursement et les modalités de calcul de l’abondement annuel de l’État à la CDP à partir de 2023, qui pourra légèrement différer de la fraction de 5,9 % de la croissance spontanée des recettes fiscales nettes prévue par défaut.

*

*     *

 


—  1  —

   FICHE N° 4 :
LE BUDGET DE L’ÉTAT

Résumé de la fiche

Les recettes fiscales de l’État rebondiraient nettement à la faveur de la reprise économique en sortie de crise. Elles atteindraient ainsi 292,0 milliards d’euros en 2022. Les recettes non fiscales, bien qu’un peu en retrait par rapport à 2021, seraient soutenues par les versements européens destinés à financer une partie du plan de relance français – la France devant bénéficier de 7,3 milliards d’euros en 2022. Les prélèvements sur recettes, quant à eux, se maintiennent à un niveau élevé, après l’augmentation de 25 % en deux ans du prélèvement au profit de l’Union européenne, qui se stabiliserait néanmoins entre 2021 et 2022 à 26,4 milliards d’euros. Les dépenses fiscales, avec 91,4 milliards d’euros au total, seraient stables depuis 2020, après l’extinction des créances de CICE.

Les dépenses de l’État reculeraient en 2022 de 46,5 milliards d’euros. Ce recul s’explique par le retrait des mesures d’urgence et la fin du déploiement du plan de relance qui mobiliseraient 58,3 milliards d’euros en moins en 2022 qu’en 2021. Les dépenses des ministères continuraient toutefois de progresser de 10,6 milliards d’euros en 2022 pour le financement des priorités gouvernementales (solidarité, défense, sécurité, justice, éducation et recherche, aide publique au développement et écologie), compte non tenu à ce stade d’éventuels compléments apportés par amendements..

Les dépenses de l’État auront augmenté de 72 milliards d’euros entre 2017 et 2022. Cette hausse est à mettre sur le compte des dépenses ordinaires (+ 37 milliards d’euros) finançant principalement les priorités précitées. Elle s’explique également par les transferts croissants de l’État aux collectivités territoriales et à l’Union européenne (+ 16,4 milliards d’euros sur cinq ans). Enfin, elle est liée aux dépenses massives de l’État durant la crise qui bien qu’en recul en 2022 demeurent élevées ( + 19, 4 milliards d’euros). L’agrégat qui connaît la baisse la plus importante durant ces cinq dernières années est celui de la charge de la dette (– 3,3 milliards d’euros) dans un contexte favorable d’inflation et de taux.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2022 marque la pérennisation du budget vert inaugurée pour le PLF 2021. Affiné en 2021, il devrait permettre d’analyser les dépenses fiscales et budgétaires au regard des enjeux environnementaux et de les évaluer par rapport aux objectifs de l’Accord de Paris.

I.   Les recettes

Les recettes nettes du budget général de l’État sont prévues à 310,9 milliards d’euros en 2022, au lieu de 300,8 milliards d’euros en 2021 et 270,7 milliards d’euros en 2020.

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État 2020-2022

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de l’État

Exécution

2020

Prévision révisée

2021

Prévision

2022

Impôt sur le revenu (IR)

74,0

77,0

82,4

Impôt sur les sociétés (IS)

36,3

36,4

39,5

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

113,8

92,4

97,5

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

6,9

17,5

18,4

Autres recettes fiscales nettes

25,0

55,3

54,4

Sous-total recettes fiscales nettes

256,0

278,6

292,0

Recettes non fiscales

14,8

22,2

18,9

Total

270,7

300,8

310,9

En raison d’effets d’arrondis, le total ou sous-total peut ne pas correspondre à la somme des rendements intermédiaires.

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Après prise en compte des prélèvements sur recettes – qui sont en réalité des dépenses au sens de la comptabilité nationale – il est prévu que les recettes nettes hors fonds de concours du budget général s’établissent à 241,3 milliards d’euros en 2022 au lieu de 230,7 milliards d’euros en 2021.

Recettes nettes de l’État 2019-2021

(en milliards d’euros)

Recettes

Exécution

2020

Prévision révisée

2021

Prévision

2022

Recettes nettes du budget général de l’État (1)

270,7

300,8

310,9

Prélèvements sur recettes (Union européenne) (2)

23,7

26,5

26,4

Prélèvements sur recettes (collectivités territoriales) (3)

42,0

43,7

43,2

Recettes nettes de l’État hors fonds de concours

(1  2 – 3)

204,9

230,7

241,3

En raison d’effets d’arrondis, le total ou sous-total peut ne pas correspondre à la somme des rendements intermédiaires.

Source : commission des finances.

Cette approche, retenue au sein du tome I de l’annexe Voies et moyens annexée au présent projet de loi de finances, présente néanmoins un risque de confusion entre les ressources du budget général de l’État et celles de l’État.

En particulier, les tableaux précédents éludent les recettes fiscales des budgets annexes et des comptes spéciaux et minorent la catégorie « autres recettes fiscales » des dégrèvements et remboursements d’impôts locaux.

Les développements qui suivent sur les recettes fiscales retiendront donc, parallèlement à la présentation habituelle, une autre présentation plus conforme à la réalité économique et budgétaire des impositions affectées à l’État (A).

Les principales données budgétaires relatives aux recettes non fiscales (B), aux prélèvements sur recettes (C) et aux dépenses fiscales (D) seront ensuite présentées successivement.

A.   Les recettes fiscales de l’État

L’analyse des recettes fiscales de l’État suppose au préalable d’indiquer les clés de passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes (1). Les recettes fiscales nettes sont ensuite présentées de façon générale (2) puis par principaux impôts (3).

1.   Passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes

Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général.

Remboursements et dégrèvements

En 2022, le montant des recettes fiscales brutes du budget général est prévu à 422,6 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements devraient s’élever à 130,6 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 292,0 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop-versés lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (124,0 milliards d’euros) se décomposeraient ainsi en 2022 :

– 85,9 milliards d’euros au titre de la mécanique de certains impôts, dont 63,5 milliards d’euros au titre des crédits de TVA et 12,5 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– 23,8 milliards d’euros au titre de soutien à des politiques publiques via des remboursements ou des crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû ;

– 14,4 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

Enfin, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteindraient 6,6 milliards. Ceux prévus au titre de la taxe d’habitation atteindraient 740 millions d’euros en 2022, contre 14,5 milliards d’euros en 2020.

Les recettes fiscales nettes du seul budget général ne rendent pas compte du montant total des recettes fiscales nettes affectées à l’État. Certes, le montant de 292,0 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses à l’article 19 du présent projet de loi de finances. Mais, sur un plan économique, cette présentation budgétaire est incomplète, le montant des recettes fiscales nettes perçues par l’État étant en réalité plus important.

Deux raisons expliquent cette différence entre la présentation retenue par les documents budgétaires et la réalité économique.

a.   La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux

En premier lieu, la présentation budgétaire habituelle déduit du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux. La Cour des comptes a critiqué cette présentation et recommandé que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de l’État ([71]). En effet, ceux-ci n’ont rien à voir avec la mécanique des impôts d’État et il n’est donc pas pertinent de les en soustraire. Comme pour les prélèvements sur recettes, les dégrèvements et remboursements des impôts locaux devraient figurer en dépenses.

En 2022, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux pris en charge par l’État sont estimés à 6,6 milliards d’euros au lieu de 7,8 milliards d’euros en 2021 et 22,9 milliards en 2020. En réintégrant ce montant aux recettes de l’État, la ligne « autres recettes fiscales nettes » ressortirait à 61 milliards d’euros au lieu de 54,4 milliards d’euros.

La proposition de loi organique relative à la modernisation des finances publiques, actuellement en cours de discussion au Parlement, propose une solution à ce problème en sortant les dégrèvements d’impôts locaux du total des remboursements et dégrèvements, et donc du calcul des recettes fiscales nettes de l’État.

b.   Les recettes fiscales de l’État hors budget général

En second lieu, cette présentation budgétaire ne tient pas compte des recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État. Cette fraction de la fiscalité est donc souvent omise dans l’analyse politique et économique des comptes de l’État, alors qu’elle n’est pas négligeable.

Pour 2022, le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État est prévu à 0,8 milliards d’euros.

Impôts affectés à des budgets annexes et comptes spéciaux de l’état

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte d’affectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2022

BA

Contrôle et exploitation aériens

Taxe de l’aviation civile

330,8

Taxe de solidarité

0

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

126

CAS

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution

377

Total

833,8

Source : Présent PLF, état A.

Au total, si l’on réintègre les recettes affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux (833,8 millions d’euros) ainsi que les dégrèvements et remboursements d’impôts locaux (6,6 milliards d’euros), le montant effectif des recettes fiscales nettes de l’État ne serait donc pas de 292,0 milliards d’euros mais de 299,4 milliards d’euros.

Recettes nettes de l’État en 2022

(en milliards d’euros)

Recettes nettes de l’État

Prévision

2022

Impôt sur le revenu (IR)

82,4

Impôt sur les sociétés (IS)

39,5

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

97,5

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

18,4

Autres recettes fiscales

54,4

Dont dégrèvements d’impôts locaux

6,6

Dont fiscalité affectée aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

0,8

Sous-total recettes fiscales nettes

299,4

Recettes non fiscales

18,9

Total

318,3

En raison d’effets d’arrondis, le total ou sous-total peut ne pas correspondre à la somme des rendements intermédiaires.

Source : commission des finances.

La présentation budgétaire traditionnelle est retenue dans l’analyse qui suit pour plus de clarté et surtout pour garantir un lien avec les documents budgétaires du Gouvernement. Ponctuellement, et de manière explicite, cette présentation sera replacée dans le contexte économique du montant effectif des recettes fiscales nettes de l’État.

2.   Présentation générale

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont estimées :

– à 278,6 milliards d’euros en 2021, en hausse de 22,6 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2020 ;

– et à 292,0 milliards d’euros en 2022, en hausse de 13,4 milliards d’euros par rapport à 2021.

Recettes fiscales nettes du budget général
de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2009

214,3

2010

237,0

2011

255,0

2012

268,4

2013

284,0

2014

274,3

2015

280,1

2016

284,1

2017

295,6

2018

295,4

2019

281,3

2020

256,0

2021 (révisé)

278,6

2022 (prévision)

292,0

Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

a.   Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

Les recettes fiscales sont évaluées à législation constante en fonction de la croissance du PIB, ce qui permet de déterminer leur « évolution spontanée ». Par la suite, cette évaluation est corrigée des mesures fiscales (nouvelles et antérieures) et des mesures de périmètre devant produire des effets durant l’année faisant l’objet du projet de loi de finances.

i.   L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative l’affectant n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 5 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 105 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Pour calculer cette évaluation, une hypothèse d’élasticité de chaque impôt à la croissance est déterminée.

La croissance spontanée des recettes est comparée à l’évolution du PIB en valeur plutôt qu’en volume. En 2022, l’évolution du PIB en volume est de + 4 % mais de +5,5 % en valeur.

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB en valeur est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, l’évolution spontanée est de + 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

Si le rendement de la TVA est nécessairement lié à l’activité tant celle-ci s’appuie en partie sur la consommation, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse, en principe, proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique. La crise économique commencée en 2020 a cependant modifié ce type d’analyse : le produit de l’IR s’est maintenu en 2020 et 2021, notamment du fait du choix des pouvois publics de garantir une très grande partie des revenus salariaux.

ii.   Les mesures législatives

Les mesures législatives sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances.

Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures législatives ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures législatives permet de mesurer l’impact des réformes fiscales décidées par le Parlement.

iii.   Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

b.   Évolution générale de 2021 à 2022

Les recettes fiscales nettes s’établiraient en 2022 à 292,0 milliards d’euros, en hausse de 13,4 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2021.

Des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2021 aux recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral en 2022

(en milliards d’euros)

Recettes fiscales

nettes 2021

(révisée)

Évolution

spontanée

Mesures

Recettes fiscales

nettes 2022

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

278,6

16,7

– 1,2

– 2,7

0,6

292,0

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Les mesures nouvelles du PLF pour 2022 entraînent une baisse des recettes fiscales nettes de 1,2 milliards d’euros, pour l’essentiel du fait de la contemporanéisation du crédit d’impôt pour les services à la personne (CI-SAP).

Les mesures de périmètre expliquent également une hausse de 0,6 milliard d’euros des recettes fiscales nettes affectées au budget de l’État, en lien, pour l’essentiel, avec la reprise de la fiscalité sur la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis, affectant la TICPE, la TVA et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

L’impact des mesures antérieures, enfin, ferait baisser de 2,7 milliards d’euros les recettes fiscales nettes entre 2021 et 2022. Elles concernent, en particulier, la finalisation de la réforme de la taxe d’habitation.

3.   Présentation par impôt

Les impôts les plus importants sur le plan budgétaire sont étudiés ci-après.

a.   La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

La TVA est un impôt d’État partagé avec la sécurité sociale. Elle joue à ce titre un rôle de variable d’ajustement dans les transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale. Depuis 2018, les régions bénéficient également d’une fraction de la TVA ([72]). Le partage des recettes de TVA entre les sous-secteurs d’administration publique s’est amplifié en 2021 avec l’affectation d’une fraction de TVA aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, et d’une nouvelle fraction de TVA aux régions dans le cadre de la baisse des impôts de production.

répartition du produit de la TVA depuis 2013

(en milliards d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Part État

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

92,4

97,5

Part Sécurité sociale

9,2

12,7

11,8

11,7

11,5

10,2

41,5

45,4

50,7

53,7

Part APUL

4,2

4,3

4,0

37,2

39,1

Total

145,5

151,0

153,6

156,1

163,9

171,1

174,8

163,2

180,3

190,3

En raisons d’effets d’arrondis au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1 et réponses au questionnaire du Rapporteur général.

La TVA affectée à l’État a baissé de façon importante en 2020, en raison de la baisse de la consommation et de l’investissement du fait de la crise. Son produit diminue une nouvelle fois de façon marquée en 2021, passant sous la barre des 100 milliards d’euros du fait d’importantes mesures de transfert aux collectivités territoriales dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation (23,0 milliards d’euros au bénéfice des départements, des EPCI et de la ville de Paris) et de la baisse des impôts de production (9,8 milliards d’euros transférés aux régions).

En 2022, les recettes de TVA nettes pour l’État augmenteraient du fait de leur évolution spontanée (+ 5,9 %) et de la reprise de la fiscalité en lien avec la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis (0,2 milliard d’euros). 

Des recettes nettes de TVA 2021 aux recettes nettes de tva 2022 (part État)

(en milliards d’euros)

TVA 2021

Évolution

spontanée

Mesures

TVA 2022

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

92,4

5,1

– 0,2

0,2

97,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

b.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu (IR) est affecté intégralement au budget général de l’État. Il a progressé de 23,9 milliards d’euros depuis 2011.

Rendement net de l’IR depuis 2011

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Rendement net

58,5

59,5

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

71,8

74,0

77,0

82,4

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

Les recettes d’impôt sur le revenu se sont maintenues en 2020, malgré la forte contraction de l’activité, progressant de 2,3 milliards d’euros par rapport à 2019. Les dispositifs d’accompagnement mis en place pour faire face à la crise sanitaire ont en effet permis de préserver, globalement, les revenus des ménages.

Les recettes d’IR nettes continueraient de progresser en 2021, de + 3,8 milliards selon la prévision révisée, qui se fonde sur une assiette 2020 qui a bien résisté et une assiette 2021 dynamique. La révision à la hausse des hypothèses de recettes liées au versement de dividendes (+ 4,2 milliards) et à l’évolution du marché immobilier (+ 1,3 milliard), tirent également à la hausse les recettes d’IR.

En 2022, les recettes d’IR progresseraient sous l’effet d’une forte évolution spontanée de l’impôt (+ 8,5 %) en raison du dynamisme des revenus 2021 et de la masse salariale en 2022. Deux mesures nouvelles réduiraient, cependant, les recettes collectées : la transformation du crédit d’impôt pour les services à la personne (CISAP) en dispositif contemporain (– 1,1 milliard) et l’amortissement fiscal des fonds de commerce nouvellement acquis dans le cadre du « Plan indépendants » (– 0,1 milliard).

Des recettes nettes d’IR 2021 aux recettes nettes d’IR 2022

(en milliards d’euros)

IR 2021

Évolution

spontanée

Mesures

IR 2022

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

77,0

6,5

– 1,2

– 0,1

82,4

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le total pour 2022 ne correspond pas exactement au rendement 2021 corrigé de l’évolution spontanée et des mesures nouvelles et antérieures.

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

c.   L’impôt sur les sociétés

L’IS est affecté intégralement au budget général de l’État.

Rendement net de l’IS depuis 2011

(en milliards d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Rendement net

53,0

41,3

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

33,4

36,3

36,4

39,5

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

Les recettes d’impôt sur les sociétés en 2020 ont atteint un niveau supérieur à celui anticipé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, en raison d’un bénéfice fiscal qui s’est moins contracté que prévu (– 14,0 %, contre – 24,0 % estimé dans le PLF 2021).

En 2021, les recettes d’IS sont revues à la hausse de 8 milliards d’euros par rapport à la LFR 1, en raison de la révision à la hausse du bénéfice fiscal 2020.

Enfin, en 2022, les recettes d’IS augmenteraient de 3,1 milliards d’euros, essentiellement du fait de l’évolution spontanée de l’impôt, mais également de l’effet retour de la baisse des impôts de production sur le bénéfice imposable (+ 1,3 milliards d’euros), partiellement compensé par d’autres mesures d’impact plus limité (– 0,3 milliard).

Des recettes d’IS 2021 aux recettes d’IS 2022

(en milliards d’euros)

IS 2021

Évolution

spontanée

Mesures

IS 2022

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

36,4

2,1

0,0

1,0

39,5

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

d.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est partagée entre l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétence.

Décomposition des recettes de TICPE

(en milliards d’euros)

Année

2021

2022

TICPE brute totale

31 624

32 953

Transfert aux départements

– 6 057

– 5 854

Transfert aux régions

– 5 186

– 5 274

Transfert IDFM (ex-STIF)

– 98

– 100

TICPE affectée à l’AFITF

– 1 285

– 1 368

Autres

387

TICPE État brute

19 385

20 357

Remboursements et dégrèvements

1 924

– 1 991

TICPE État nette

17 461

18 366

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Affectation de la TICPE 2020-2022

(en milliards d’euros)

Année

2020

exécution

2021

prévision

2022

prévision

État – budget général

9,1

17,5

18,4

État – CAS Transition énergétique

6,8

Sous-total État

15,9

17,5

18,4

Collectivités territoriales

11,1

11,2

11,1

Ile-de-France Mobilités

0,1

0,1

0,1

Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF)

1,6

1,3

1,4

Impacts de gestion

0,1

0,4

0,0

Total

28,5

31,6

33,0

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Les recettes de TICPE revenant au budget général de l’État ont beaucoup progressé avec la rebudgétisation du compte d’affectation spéciale Transition énergétique à partir de 2021. Le total des recettes de TICPE revenant à l’État progresserait en outre à la faveur du rebond de l’économie et de la levée des restrictions sanitaires (+ 1,6 milliard d’euros en 2021 puis + 0,9 milliard d’euros en 2022). L’évolution spontanée de l’impôt est ainsi particulièrement forte en 2021 (+ 34,7 %), avant de ralentir en 2022.

Les recettes nettes de TICPE au profit de l’État atteindraient 18,4 milliards d’euros en 2022, cette prévision intégrant l’impact de la compensation de la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis (+ 0,2 milliard) ainsi que le report au 1er janvier 2023 de la suppression du tarif préférentiel sur le gazole non routier ([73]).

Des recettes de TICPE 2021 aux recettes de tICPE 2022 (part État)

(en milliards d’euros)

TICPE 2021

Évolution

spontanée

Mesures

TICPE 2022

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

17,5

0,3

0,3

0,2

18,4

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

e.   Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales nettes sont calculées comme la somme de recettes brutes qui comprennent les droits de mutation à titre gratuit, l’impôt sur la fortune immobilière ou les taxes intérieures de consommation hors TICPE, nettes des remboursements et dégrèvements, qui regroupent les contentieux fiscaux, les admissions en non-valeur ou les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

● En 2021, les autres recettes fiscales nettes atteindraient 55,3 milliards d’euros, en forte hausse par rapport à 2020 (+ 30,3 milliards d’euros). L’augmentation s’explique par la combinaison de deux facteurs :

– une croissance spontanée très forte, soit + 29,9 %, portée par le rebond des impositions sur le patrimoine en raison du dynamisme des prix immobiliers et d’un effet de rattrapage des donations, mais également du dynamisme des dividendes et des plus-values immobilières, ainsi que celui des retenues à la source et des produits des jeux ;

– des mesures nouvelles à l’impact important (+ 22,9 milliards d’euros), avec l’affectation à l’État des dernières recettes de taxe d’habitation sur les résidences principales avant la suppression définitive (+21,5 milliards), compensée partiellement par la trajectoire de suppression de cet impôt (– 2,6 milliards). Enfin, la suppression de la part régionale de la CVAE avec la réforme des impôts de production aurait un effet mécanique de + 2,4 milliards d’euros.

● En 2022, ces autres recettes fiscales nettes s’établiraient à un niveau proche de celui de 2021 (54,4 milliards d’euros) en raison de mesures nouvelles dont l’impact serait négatif (– 3,6 milliards d’euros) avec, en particulier, une nouvelle étape de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (– 2,8 milliards d’euros).

B.   Les recettes non fiscales du budget général

Les recettes non fiscales de l’État comprennent cinq grandes catégories : les dividendes et recettes assimilées, les produits du domaine de l’État, les produits de la vente de biens et de services, les remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières, les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite.

● Les recettes non fiscales de l’État devraient atteindre 22,2 milliards d’euros en 2021. Il s’agit d’un montant en retrait par rapport à la prévision de la première loi de finances rectificative pour 2021, en raison, pour l’essentiel, d’un moindre versement de l’Union européenne au titre du plan de relance (5,1 milliards au lieu de 10 milliards d’euros en 2021).

Les autres évolutions principales par rapport à la dernière prévision proviennent de la baisse des dividendes des entreprises non financières (– 0,9 milliard), de la hausse des amendements prononcées par les autorités de la concurrence (+ 1,0 milliard), d’une augmentation des retours au budget général de la partie des recettes tirées des enchères de quotas carbone.

● En 2022, les recettes non fiscales diminueraient de 3,3 milliards d’euros pour atteindre 18,9 milliards au total, sous quatre effets principaux :

– de moindres dividendes et recettes assimilées (– 1,2 milliards d’euros) ;

– un recul important des recettes diverses avec la baisse de la rémunération de l’État pour les PGE (– 2,1 milliards) et le recul des produits divers dont le contrecoup de la rebudgétisation du fonds Barnier (– 0,7 milliard). L’augmentation des versements au titre du plan de relance européen (+ 2,3 milliards, pour atteindre un total de 7,3 milliards d’euros) compenserait partiellement ce recul ;

– la diminution des intérêts des prêts à des banques et à des États étrangers (– 0,4 milliard) en raison du contrecoup des intérêts sur la dette du Soudant perçus en 2021 ;

– un contrecoup sur les recettes tirées des amendements des autorités de la concurrence après celles perçues en 2021 (– 0,5 milliard).

Des recettes non fiscales 2021 aux recettes non fiscales 2022

(en millions d’euros)

Recettes 2021

22 198

Financement européen du plan de relance

+ 2 282

Baisse des divers produits de la rémunération de la garantie de l’État

– 2 148

Baisse des dividendes et recettes assimilées

– 1 205

Contrecoup des intérêts versés par le Soudan

– 410

Contrecoup du produit des amendements des autorités de la concurrence

– 508

Contrecoup de la rebudgétisation du fonds Barnier

– 1 219

Autres

– 85

Recettes 2022

18 904

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

C.   Les prélèvements sur recettes

Les prélèvements sur recettes ont connu une forte augmentation depuis 2019, portée par la hausse du PSR au profit de l’Union européenne entre 2019 et 2022 (+ 5,4 milliards d’euros, soit + 26 %).

Évolution des prÉLÈvements sur recettes depuis 2019

(en milliards d’euros)

Bénéficiaire du prélèvement sur recettes

2019

2020

2021

(prévision initiale)

2021 (prévision actualisée)

2022

Union européenne

21,0

23,7

27,2

26,5

26,4

Collectivités territoriales

40,9

42,0

43,4

43,7

43,2

Total

61,9

65,7

70,6

70,1

69,6

Source : présent projet de loi de finances.

Le PSR en faveur de l’Union européenne serait stable entre 2021 et 2022, après une hausse marquée par rapport à 2020 (+ 2,7 milliards d’euros).

Évolution du PSR UE entre 2021 et 2022

(en millions d’euros)

 

2021

2022

Ressource TVA

3 400

3 585

Ressource plastique

1 247

1 258

Ressource RNB

21 838

21 558

Dont rabais forfaitaires

1 352

1 365

Total

26 485

26 400

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I

Le PSR en faveur des collectivités diminuerait de façon limitée (– 0,5 milliards d’euros). Cette diminution s’explique par le contrecoup de la fin du soutien exceptionnel de l’État au profit des collectivités du bloc communal confrontées à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire.

D.   les dépenses fiscales en 2022

Le tome II de l’annexe relative aux Évaluations des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Le présent projet de loi de finances prévoit des dépenses fiscales de 91,4 milliards d’euros.

DÉpenses fiscales 2019-20212

(en milliards d’euros)

Année

2019

exécution

2020

exécution

2021

prévision

2022

prévision

Montant des dépenses fiscales

99,9

92,7

90,3

91,4

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

Le coût total des dépenses fiscales augmenterait ainsi de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2021.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 dispose que « le rapport entre, d’une part, le montant annuel des dépenses fiscales et, d’autre part, la somme des recettes fiscales du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements, et des dépenses fiscales ne peut excéder 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022 ».

Les données annexées au présent projet de loi de finances permettent de confirmer que les plafonds de la LPFP sont respectés depuis 2018 et continueraient à l’être en 2022.

Taux de dÉpenses fiscales dans les recettes nettes de l’État

(en % et en milliards d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

Montant des recettes fiscales nettes (en milliards d’euros)

281,3

256,0

278,6

292,0

Montant des dépenses fiscales (en milliards d’euros)

99,9

92,7

90,3

91,4

Total

381,2

348,7

368,9

383,4

Taux de dépenses fiscales plafond prévu par la LPFP (en %)

28 %

27 %

26 %

25 %

Taux de dépenses fiscales exécuté ou prévisionnel (en %)

26,2 %

26,6 %

24,5 %

23,8 %

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluation des voies et moyens, tome II.

Bien qu’il en soit dénombré 471 dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, le coût des dépenses fiscales est en réalité concentré sur un faible nombre d’entre elles.

Les 14 dépenses fiscales les plus coûteuses représentent à elles seules près de 50 % du montant total des dépenses fiscales. Le CICE, malgré sa suppression, continue d’avoir des effets du fait de créances passées, mais la disparition progressive des créances qu’il a engendrées tend à diminuer de façon significative le montant total des dépenses fiscales. Le coût du CIR connaîtrait une progression marquée entre 2021 et 2022 (+ 0,9 milliards) et rejoindrait ainsi le niveau de l’exécution 2020 (7,5 milliards d’euros).

Les 14 dÉpenses fiscales les plus coÛteuses en 2022

(en millions d’euros)

Dépenses fiscales

Montant

Crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR)

7,4

Crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi (CICE)

6,4

Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile

4,9

Abattement de 10 % sur les pensions

4,2

Taux de TVA de 10 % pour certains travaux de rénovation

3,7

Taux de TVA de 10 % sur les ventes à consommer sur place

3,4

Taux de TVA en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion

3,2

Exonération des aides versées par le fonds de solidarité

2,6

Exonération de l’épargne versée au titre de l’intéressement ou de la participation

2,4

Exonération des prestations familiales et de l’allocation aux adultes handicapés

2,0

Déduction d’IR pour des dépenses de réparations et d’amélioration

1,7

Application à Mayotte, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion de la taxe spéciale de consommation au lieu de la TICPE

1,7

Exonération d’IR pour les heures supplémentaires à compter du 1er janvier 2019

1,7

Réduction d’impôt au titre des dons

1,6

Total

41,68

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

II.   Les dépenses publiques, en recul dans le contexte de sortie de crise, demeurent à un niveau Élevé

Le retrait quasi-total des aides d’urgence ainsi que l’achèvement du déploiement du plan de relance en 2022 conduisent à une baisse des dépenses totales de l’État (A) d’environ 46,5 milliards d’euros par rapport à 2021. Par rapport au début de la législature, les dépenses courantes et les dépenses exceptionnelles de l’État sont en hausse de 423,2 milliards d’euros en 2017 à 495,2 milliards d’euros prévus pour 2022 (B).

A.   un recul des dépenses de l’État en 2022 du fait de l’extinction des mesures exceptionnelLES de soutien

Les dépenses totales de l’État atteindraient 495,2 milliards d’euros en 2022 ([74]) contre 541,7 milliards d’euros en 2021 soit une baisse de – 8,6%.

Ces dépenses sont mesurées par l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) qui rassemble, d’une part, les dépenses sous la norme de dépenses pilotables et, d’autre part, les dépenses dont l’évolution est considérée, selon les règles édictées par la LPFP 2018‑2022 ([75]), ne pas être directement pilotable par le Gouvernement.

Les dépenses sous norme progressant de 10,6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificative pour 2021 ([76]), c’est donc à la seconde catégorie de dépenses, les dépenses non pilotables, que l’on doit le reflux des dépenses de l’État envisagé pour 2022, comme le montre le tableau suivant.

Normes de dépenses de l’État entre 2017 et 2022

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

LFR 2021

PLF 2022

Écart PLF 2022/LFR 2021

Écart PLF 2022/2017

Crédits budgétaires

245,4

247,2

253,3

265,7

270,8

282,8

+ 12,0

+ 37,4

Taxes et recettes affectées

19,1

18,6

18,7

19,6

18,8

18,7

 – 0,1

 – 0,4

Budgets annexes et comptes spéciaux

6,8

6,8

6,6

6,7

6,6

6,9

+ 0,3

+ 0,1

Retraitement des flux internes à l'État

-5,8

-5,8

-5,8

-5,9

-5,9

-5,9

 –

 – 0,1

Norme de dépenses pilotables (a)

265,5

266,8

272,8

286,1

290,3

302,5

+ 12,2

+ 37,0

Évolution de la norme de dépense pilotable

 

+ 0,5 %

+ 2,2 %

+ 4,9 %

+ 1,5%

+ 3,6 %

 

+ 13,9 %

Transferts aux collectivités territoriales (b)

42,5

43,3

43,9

44,7

48,7

48,9

+ 0,2

+ 6,4

Dépenses du CAS Pensions

55,8

56,7

57,3

57,9

58,7

59,5

+ 0,8

+ 3,7

Autres dépenses des comptes spéciaux

1,3

1,6

2,1

1,1

0,1

0,1

 –

 – 1,2

Prélèvement sur recettes au profit de l'UE

16,4

20,6

21

23,7

26,4

26,4

 –

+ 10,0

Charge de la dette - y compris reprise de dette SNCF Réseau par l'État

41,7

41,5

40,3

36,2

38,7

38,4

 – 0,3

 – 3,3

Investissements d’avenir

0

1,1

1,1

2,1

4

3,5

 – 0,5

+ 3,5

Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

0

0

0

0

1,5

0,2

 – 1,3

+ 0,2

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

0

0

0

36,9

44,7*

0,2

 – 44,5

+ 0,2

Plan de relance

0

0

0

0

26,7

12,9

 – 13,8

+ 12,9

Abondement des participations financières de l'État (nouveau)

 

 

 

 

2

0,7

 – 1,3

+ 0,7

Amortissement du surcroît de dette lié à la covid-19 (nouveau)

 

 

 

 

 

1,9

+ 1,9

+ 1,9

Autres dépenses (c)

115,2

121,5

121,8

157,9

202,8

143,8

 – 59,0

+ 28,6

Objectif de dépenses totales de l'État (a+b+c)

423,2

431,6

438,5

488,7

541,8

495,2

 – 46,6

+ 72,0

Évolution de l'ODETE

 

+ 2,0 %

+ 1,6 %

+ 11,4 %

+ 10,9%

 – 8,6 %

 

+ 17,0 %

*Les crédits diffèrent de ceux présentés dans le rapport économique social et financier car ils incluent les reports de crédits sur cette mission.

Source : présent projet de loi de finances et loi de finances rectificative pour 2021.

Les dépenses sous normes budgétaires continueraient de progresser en 2022 pour financer les priorités du gouvernement dans un mouvement cohérent depuis le début du quinquennat (voir infra). Cette année, la norme de dépense pilotable connaitrait ainsi une hausse relativement soutenue de 10,6 milliards d’euros (+ 3,6%), moins élevée que celle observée en 2020 (+ 4,9%).

En revanche, les dépenses échappant à la norme de dépense, et notamment les moyens mobilisés pour faire face à la crise sanitaire, reculent de près de 59 milliards d’euros. Les dépenses d’urgence inscrites dans la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire passeraient de 44,7 milliards d’euros (après la LFR 1 pour 2021 et les reports opérés sur la mission) à 200 millions d’euros en PLF 2022. Les moyens consacrés au plan de relance dont le déploiement était prévu sur deux ans auront été pour une part prépondérante consommés cette année. Aussi, les crédits ouverts seraient de 12,9 milliards d’euros en 2022, après 26,7 milliards d’euros pour 2021.

B.   L’évolution des dépenses prioritaires de l’État depuis 2017

Sur l’ensemble du quinquennat, les dépenses de l’État progresseraient qu’elles soient sous norme + 37 milliards d’euros (1) ou non + 35 milliards d’euros (2).

L’essentiel des dépenses de l’État reposant sur des crédits budgétaires par mission, le tableau suivant permet d’apprécier les évolutions de financement par politique publique depuis 2017.

Évolution des Crédits de paiement du budget général (hors contribution directes de l’État au CAS Pensions et hors charge de la dette)

(en milliards d’euros)

 

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

PLF 2022

Écart PLF 2022 / LFI 2021

Écart PLF 2022 / 2017

Action extérieure de l'État

2,6

2,7

2,6

2,8

2,8

2,8

 –

+ 0,2

Administration générale et territoriale de l'État

3,3

3,1

3,2

3,1

3,5

3,6

+ 0,1

+ 0,3

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3,8

2,9

2,7

2,6

2,8

2,8

 –

 – 1,0

Aide publique au développement

2,7

2,9

3

3,4

3,9

4,9

+ 1,0

+ 2,2

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2,5

2,4

2,3

2,2

2,1

2

 – 0,1

 – 0,5

Cohésion des territoires

18,6

17,6

17,3

17,3

15,9

17,1

+ 1,2

 – 1,5

Conseil et contrôle de l'État

0,5

0,5

0,5

0,5

0,6

0,6

 –

+ 0,1

Crédits non répartis

0

0

0

0

0,3

0,4

+ 0,1

+ 0,4

Culture

2,7

2,8

2,8

3

3

3,3

+ 0,3

+ 0,6

Défense

33,2

34,2

35,7

37,5

39,2

40,9

+ 1,7

+ 7,7

Direction de l'action du Gouvernement

0,6

0,6

0,6

0,7

0,8

0,9

+ 0,1

+ 0,3

Écologie, développement et mobilité durables

16,2

17,4

17,7

19,2

19,2

19,5

+ 0,3

+ 3,3

Économie

1,7

1,6

1,6

2,7

2,5

2,9

+ 0,4

+ 1,2

Engagements financiers de l'État

0,6

0,6

0,3

0,4

2,8

3,7

+ 0,9

+ 3,1

Enseignement scolaire

50,6

51,8

52,5

53,4

54,9

56,5

+ 1,6

+ 5,9

Gestion des finances publiques

7,6

7,5

7,4

7,4

7,5

7,5

 –

 – 0,1

Immigration, asile et intégration

1,5

1,5

1,8

1,8

1,8

1,9

+ 0,1

+ 0,4

Investissements d'avenir

0

1,1

1,1

2,1

4

3,5

 – 0,5

+ 3,5

Justice

6,6

7

7,3

7,4

8,2

8,9

+ 0,7

+ 2,3

Médias, livre et industries culturelles

0,6

0,6

0,6

1,1

0,6

0,6

 –

 –

Outre-mer

2,3

2,3

2,2

2,2

2,4

2,4

 –

+ 0,1

Pouvoirs publics

1

1

1

1

1

1

 –

 –

Recherche et enseignement supérieur

26,4

27,1

27,3

28,2

28,2

29

+ 0,8

+ 2,6

Régimes sociaux et de retraite

6,3

6,4

6,2

6,2

6,2

6,1

 – 0,1

 – 0,2

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

0

0

0

36,9

6

0,2

 – 5,8

+ 0,2

Plan de relance

0

0

0

0

21,8

12,9

 – 8,9

+ 12,9

Relations avec les collectivités territoriales

3,3

3,6

3,5

3,6

3,9

4,2

+ 0,3

+ 0,9

Santé

1,1

1,2

1,2

1,1

1,3

1,3

 –

+ 0,2

Sécurités

12,5

12,8

13,3

13,8

13,9

14,7

+ 0,8

+ 2,2

Solidarité, insertion et égalité des chances

19,2

19,9

24,7

28,5

26,1

27

+ 0,9

+ 7,8

Sport, jeunesse et vie associative

0,9

1

1,1

1,2

1,3

1,6

+ 0,3

+ 0,7

Transformation et fonction publiques

0,2

0,2

0,3

0,3

0,7

0,7

 –

+ 0,5

Travail et emploi

16,2

13,9

12,7

12,9

13,4

13,4

 –

 – 2,8

Total

245,3

248,2

254,5

304,5

302,6

298,8

 – 3,8

+ 53,5,1

Évolution

 

+5,5

+ 6,3

+ 50,0

– 1,9

– 3,8

 

 

Total (hors missions Plan d'urgence face à la crise sanitaire et Plan de relance)

245,3

248,2

254,5

267,6

274,8

285,7

+ 10,9

+ 40,4

Évolution

 

+5,5

+ 6,3

+ 13,1

+ 7,2

+ 10,9

 

 

Source : Commission des finances d’après le dossier de presse du projet de loi de finances

1.   L’augmentation des dépenses sous norme

L’augmentation des dépenses sous norme entre 2017 et 2022, qui s’élève à 37 milliards d’euros, s’explique quasi-exclusivement par la hausse des crédits budgétaires (+ 37,4 milliards d’euros). Entre 2017 et 2022, 23 missions sous norme ont connu une augmentation de leurs crédits, tandis que les dotations de 8 d’entre-elles sont restées stables ou ont baissé (cf. tableau supra).

L’augmentation des crédits budgétaires est néanmoins concentrée sur quelques missions dont la mission Solidarités, insertion et égalité des chances ou sur les missions qui financent les priorités fixées par le Gouvernement (pôle régalien, éducation et jeunesse ou écologie) comme le montre le tableau ci-dessous. Il est également à noter que les trajectoires budgétaires fixées par les lois de programmation pour la défense, la justice, la recherche ou l’aide publique au développement ont été intégralement respectées sur le quinquennat.

Les 10 missions budgétaires dont les crÉdits ont le plus augmenté au cours du quinquennat

(en milliards d’euros)

 

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

PLF 2022

Écart PLF 2022 / LFI 2021

Écart PLF 2022 / 2017

Solidarité, insertion et égalité des chances

19,2

19,9

24,7

28,5

26,1

27

+ 0,9

+ 7,8

Défense

33,2

34,2

35,7

37,5

39,2

40,9

+ 1,7

+ 7,7

Enseignement scolaire

50,6

51,8

52,5

53,4

54,9

56,5

+ 1,6

+ 5,9

Investissements d'avenir*

0

1,1

1,1

2,1

4

3,5

 – 0,5

+ 3,5

Écologie, développement et mobilité durables

16,2

17,4

17,7

19,2

19,2

19,5

+ 0,3

+ 3,3

Engagements financiers de l'État

0,6

0,6

0,3

0,4

2,8

3,7

+ 0,9

+ 3,1

Recherche et enseignement supérieur

26,4

27,1

27,3

28,2

28,2

29

+ 0,8

+ 2,6

Justice

6,6

7

7,3

7,4

8,2

8,9

+ 0,7

+ 2,3

Aide publique au développement

2,7

2,9

3

3,4

3,9

4,9

+ 1,0

+ 2,2

Sécurités

12,5

12,8

13,3

13,8

13,9

14,7

+ 0,8

+ 2,2

Total

168,0

174,8

182,9

193,9

200,4

208,6

+ 8,2

+ 40,6

* Hors norme de dépense pilotable

Source : commission des finances d’après dossier de presse du présent projet de loi de finances

a.   Le dynamisme de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances

L’augmentation de 7,8 milliards d’euros des crédits alloués à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances entre 2017 et 2022 s’explique par les mesures de revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de la prime d’activité qui mobilisent 80 % de ses moyens, ainsi que par la recentralisation du versement du revenu de solidarité active (RSA) pour certains départements. Dans le détail :

– Au 1er janvier 2019, le montant maximal de la bonification individuelle de la prime d’activité (PA) a été augmenté de 90 euros. Améliorant le pouvoir d’achat de 1,4 million de foyer, le coût annuel de cette mesure s’élève à 4,4 milliards d’euros par an ;

– Entre 2017 et 2021, le montant de l’AAH a été revalorisé de façon à le porter à 904 € par mois (+ 11%). La mise en place d’un abattement sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l’AAH, prévu dans ce texte (article 43), représente une dépense supplémentaire de 200 millions d’euros.  Au total, la dépense d’AAH (12 Md€ en 2022) aura progressé de 2,4 milliards d’euros annuels ;

– la recentralisation du revenu de solidarité pour certains départements d’outre-mer en 2019 et 2020 ainsi que celle envisagée pour la Seine Saint Denis à titre expérimental par ce texte (article 12) conduisent à une dépense totale imputée sur le budget de la mission d’1,4 milliard d’euros en 2022.

b.   Le renforcement du pôle régalien

● En 2022, la mission Défense bénéficie d’un accroissement de ses crédits de 1,7 milliard d’euros (+ 3,9 %), en cohérence avec les prévisions de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM 2019-2025) ([77]). L’effort total sur le quinquennat s’élève à + 7,7 milliards d’euros.

Évolution des crédits de la mission Défense
(hors contributions au CAS Pensions)

(crédits de paiement, en milliards d’euros courants)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

LPM 2019-2025

 

 

35,9

37,6

39,3

41

44

Mission Défense

33,2

34,2

35,7

37,5

39,2

40,9

Note : les crédits de paiement de la mission Défense correspondent à l’exécution pour les années 2017 à 2020 et aux prévisions pour les années 2021 et 2022.

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; loi de finances initiale pour 2021, présent projet de loi de finances et LPM 2019-2025.

Les crédits supplémentaires ont contribué en priorité au renouvellement des équipements, à l’amélioration des conditions d’entraînement, au soutien des soldats et de leurs familles, à la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire et à l’amélioration des actions opérationnelles des armées.

En 2022, les effectifs de la mission seront renforcés de 492 équivalent temps-plein (ETP) notamment dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense. Par ailleurs, la mise en œuvre de l’amélioration de la politique de rémunération des militaires se poursuit.

● Les crédits de la mission Justice croitraient de 2,3 milliards d’euros entre 2017 et 2022. L’augmentation des crédits permet notamment d’augmenter les moyens de fonctionnement des juridictions pour une justice de proximité, de poursuivre l’effort de création de nouvelles places de prison et de financer le plan de transformation numérique du ministère.

En 2022, les crédits de la mission augmenteraient de 660 millions d’euros, dépassant les prévisions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice (LPJ) ([78]).

Le schéma d’emplois serait de + 720 ETP permettant de dépasser sur 2018-2022 les objectifs de recrutements fixés par la LPJ. En cinq ans, 6 861 emplois auront été créés contre 6 500 prévus par la loi de programmation.

Évolution des crédits (hors CAS Pensions) et des créations d’emplois

au sein de la mission justice selon la loi de programmation 2018‑2022

(en milliards d’euros courants)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2018-2022

Crédits de paiement prévus par la LPJ 2018-2022

 

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

38,3

Crédits de paiement exécutés ou prévus

6,6

7,0

7,3

7,4

8,2

8,9

38,8

Créations nettes d’emplois prévues par la LPJ 2018-22 (en ETP)

 

+ 1 100

+ 1 300

+1 620

+ 1 260

+ 1 220

+   6 500

Créations nettes d’emplois réalisées ou prévues (en ETP)

+ 1841

+ 1 136

+ 1 086

+ 2 419

+ 1 500

+ 720

+ 6 861

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; loi de finances initiale pour 2021, présent projet de loi de finances et loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Deux mesures nouvelles sont en outre financées par ce projet de loi : une hausse de 2 euros de l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle, pour porter cette dernière à 36 euros contre 28 euros en 2016. Par ailleurs, le volet d’amélioration des conditions de la détention en faveur des plus démunis ainsi que la création d’un statut de travailleur détenu prévus par le projet de loi relatif à la confiance dans l’institution judiciaire ([79]) est financé par les crédits de la mission.

● Les crédits demandés pour la mission Sécurités sont accrus de 800 millions d’euros par rapport à la LFI 2021, pour atteindre 14,7 milliards d’euros en 2022. La hausse des crédits permet d’engager la mise en œuvre des mesures du « Beauvau » de la sécurité comme le démarrage de nouveau projets de construction ou la rénovation de bâtiments existants, la modernisation des équipements et des véhicules des forces de sécurité, la montée en compétences des personnels et le renforcement de leur formation initiale, enfin la revalorisation des carrières grâce à des mesures catégorielles

Les crédits de la mission ont été consolidés grâce à 2,2 milliards d’euros supplémentaires sur le quinquennat. Le renforcement des moyens de la mission a financé la modernisation de l’équipement des forces de sécurité et des opérations de construction et de rénovation de commissariats et de casernes de gendarmerie.

Enfin, le dynamisme du schéma d’emplois de la mission permet de dépasser l’objectif de 10 000 création de postes sur le quinquennat.

Évolution des crédits de la mission SÉcuritÉs
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

 

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

PLF 2022

2017-2022

Crédits de paiement

12,5

12,8

13,3

13,8

13,9

14,7

+ 2,2

Schéma d’emploi (ETP)

2 299

1 750

2 362

1 914

1 470

946

10 740

ETP : équivalent temps plein travaillé

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; loi de finances initiale pour 2021, présent projet de loi de finances.

● Enfin, les crédits de la mission Aide publique au développement atteindraient 4,9 milliards d’euros en 2022, en hausse de 1 milliards d’euros par rapport à 2021 et de 2,2 milliards d’euros par rapport à 2017.

La hausse des crédits de la mission depuis le début du quinquennat permet de tenir l’engagement du Président de la République de consacrer 0,55 % du revenu national brut à l’APD en 2022. La nouvelle hausse prévue en 2022 dépasse l’objectif de 4,8 milliards d’euros de crédits de paiement pour l’année fixé par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 ([80]).

c.   La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de jeunesse

● Les crédits de la mission Enseignement scolaire croîtraient de 1,6 milliard d’euros (hors CAS pensions) en 2022 pour s’établir à 56,5 milliards d’euros. Il s’agit de la mission dont l’allocation de crédits est, de loin, la plus élevée, notamment grâce une augmentation de 5,9 milliards d’euros sur le quinquennat.

Évolution des crédits de la mission Enseignement scolaire
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

 

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

PLF 2022

2017-2022

Crédits de paiement

50,6

51,8

52,5

53,4

54,9

56,5

+ 5,9

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; loi de finances initiale pour 2021, présent projet de loi de finances.

L’accroissement prévu pour 2022 résulte de la sanctuarisation des effectifs pour poursuivre les efforts en faveur du premier degré et de l’accompagnement du handicap. Ce budget prévoit la poursuite de la revalorisation de 700 millions d’euros (coût en année pleine) des personnels de l’éducation nationale, notamment des enseignants en début de carrière et des directeurs d’école, initiée par le « Grenelle de l’éducation ».

● Les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur augmentent de 800 millions d’euros en 2022 sous l’effet de deux dynamiques.

L’année 2022 est la deuxième année de mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR) ([81]). Elle prévoit une augmentation progressive des crédits dédiés à la recherche, avec une hausse de 0,5 milliard d’euros en 2022 après une première augmentation de 0,4 milliard d’euros en 2021, pour un investissement cumulé de 25 milliard d’euros entre 2021 et 2030.

Les moyens en faveur de l’amélioration des conditions de vie étudiante progressent également (+ 200 millions d’euros) avec le maintien du ticket universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers et la revalorisation de 1 % des bourses sur critères sociaux à la rentrée 2021.

Au cours du quinquennat, la mission aura connu une hausse de ses crédits de près de 2,6 milliards d’euros.

Évolution des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

 

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

PLF 2022

2017-2022

Crédits de paiement

26,4

27,1

27,3

28,2

28,2

29,0

+ 2,6

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; loi de finances initiale pour 2021, présent projet de loi de finances.

d.   La hausse des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

La mission Écologie, développement et mobilité durables verrait ses crédits augmenter de 1 milliard d’euros en 2022 pour atteindre 19,5 milliards d’euros.

La hausse sur le quinquennat atteint 3,3 milliards d’euros sur le budget de la mission en faveur de la production d’énergies renouvelables, de la prévention des risques naturels, des aires protégées et de la biodiversité, et du développement du secteur ferroviaire.

Les crédits de la mission sont complétés par l’effort de 30 milliards d’euros du plan de relance en faveur de la transition écologique.

2.   Les dépenses non pilotables de l’État ont cru sous l’effet de dynamiques spontanées et de mesures discrétionnaires

La hausse des dépenses totales de l’État entre 2017 et 2022 s’explique pour près de 40 % par celles des dépenses non pilotables (+ 35 milliards). Parmi celles-ci, trois catégories se distinguent : des dépenses spontanées (+ 9,2 milliards d’euros), des dépenses discrétionnaires (+ 19,4 milliards d’euros) notamment liées au contexte de crise et une augmentation des transferts aux collectivités territoriales (+ 6,4 milliards d’euros) comme le montre le graphique ci-dessous.

Décomposition de l’évolution des dépenses totales de l’État entre 2017 et le PLF 2022


(en milliards d’euros)

Note : CAS : compte d’affectation spéciale, PSR : prélèvement sur recettes, UE : Union européenne, AFD : Agence française de développement, PFE : participations financières de l’État.

Source : commission des finances d’après le dossier de presse du présent projet de loi de finances.

● Depuis 2017, l’évolution des dépenses spontanées à hauteur de 15,6 milliards d’euros est principalement due à l’augmentation des montants accordés aux collectivités territoriales (+ 6,4 milliards d’euros) et à l’Union européenne (+ 10 milliards d’euros) au travers des prélèvements sur recettes (voir supra). La hausse des dépenses de l’État pour assurer les pensions des fonctionnaires civils et militaires qui transitent par le compte d’affectation spéciale Pensions (+ 3,7 milliards d’euros) est pratiquement compensée par la baisse de la charge de la dette (– 3,3 milliards d’euros) dans un contexte de taux et d’inflation faibles. Enfin, la baisse de 1,2 milliard d’euros des dépenses au titre des comptes spéciaux s’explique par la rebudgétisation d’une partie d’entre eux au cours des dernières années.

Le reste de la hausse des dépenses de l’État (+19,4 milliards d’euros) peut être attribué à des décisions discrétionnaires notamment pour assurer la gestion de la crise sanitaire.

Les crédits de la mission Investissements d’avenir devraient atteindre 3,5 milliards d’euros en 2022. L’augmentation des moyens de la mission a été progressive mais s’est accélérée depuis 2021 avec la création d’un quatrième volet du programme d’investissements d’avenir (PIA 4) auquel une enveloppe de 20 milliards d’euros devrait être consacrée sur les prochaines années. Les 3,5 milliards d’euros prévus pour 2022 se divisent entre 1,5 milliard d’euros pour le déploiement du PIA 3 et 2 milliards d’euros pour la mise en œuvre du PIA 4.

Le renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement (AFD) est une mesure ponctuelle sur deux ans (1,5 milliard d’euros en 2021 et 200 millions d’euros en 2022) visant à améliorer le ratio de solvabilité de l’agence. Celui-ci mesure le rapport entre les actifs pondérés en risque et le niveau de fonds propres réglementaires. Il s’est détérioré sous l’effet de l’augmentation de l’activité de l’AFD ces dernières années tandis que la crise sanitaire a eu pour conséquence d’augmenter la pondération en risque du bilan de l’agence.

Les crédits en faveur des missions budgétaires relatives à l’urgence et à la relance ont été exclus de la norme de dépenses puisqu’elles ont vocation à disparaître au-delà de 2022. Ils représenteront encore 13,1 milliards d’euros en 2022 qui augmenteront pour une année encore les dépenses non pilotables avant de disparaître au-delà.

Les 0,7 milliard d’euros prévus en 2022 pour l’abondement du CAS Participations Financières de l’État doivent permettre à l’agence des participations de l’État (APE) de mener des opérations patrimoniales. Cet abondement budgétaire a été rendu nécessaire par le fait que les conditions de marché n’ont pas permis depuis le début de la crise de procéder à des cessions de participations suffisantes pour disposer sur le compte d’un solde permettant de couvrir l’ensemble des besoins identifiés par l’agence.

Enfin, l’amortissement du surcroît de dette lié à la covid-19 estimé à 1,9 milliard d’euros en 2022 correspond à la mise en œuvre du cantonnement de la dette née de la crise (voir fiche 3).

● L’augmentation des transferts aux collectivités territoriales de 6,4 milliards d’euros sur le quinquennat s’explique pour plus de la moitié par la compensation à celles-ci de la baisse des impôts de production (3,6 milliards d’euros prévus pour 2022). Par ailleurs, les transferts au titre du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) sont en augmentation de près d’1 milliard d’euros).

III.   LA confirmation DE L’ÉVALUATION DE L’IMPACT DES DÉPENSES SUR L’ENVIRONNEMENT

Avec la prise en compte croissante de l’effet de l’activité humaine sur le réchauffement climatique, plusieurs travaux récents ont mis en lumière la nécessité de rendre plus lisibles les financements publics affectés à la transition écologique et d’évaluer l’impact des dépenses publiques sur l’environnement. S’inspirant de ces initiatives, la France a été le premier pays à réaliser en 2020 une évaluation environnementale à l’échelle de tout un budget national.

A.   La diffusion de la démarche de green budgeting

1.   Le « budget vert » français est l’aboutissement d’un travail parlementaire appuyé par celui d’une mission d’inspection

● L’initiative collaborative de Paris sur les budgets verts (« Paris Collaborative on Green Budgeting »), lancée en décembre 2017 par l’OCDE, la France et le Mexique au One Planet Summit, a initié une démarche internationale pour encourager les gouvernements à verdir leurs politiques budgétaires et fiscales, afin d’intégrer pleinement les enjeux environnementaux dans la mise en place des politiques publiques. Cette démarche s’appuie essentiellement sur le partage de bonnes pratiques et l’élaboration de recommandations. Deux axes ont structuré ces travaux : l’évaluation des impacts environnementaux des dépenses budgétaires et fiscales et l’appréciation de la cohérence de ces dépenses avec les besoins identifiés pour atteindre les objectifs environnementaux.

● À l’initiative de Mme Bénédicte Peyrol ([82]) et conformément à l’article 206 de la loi de finances pour 2019, les annexes générales aux projets de loi de finances ont été enrichies à compter de la loi de finances pour 2020 d’un rapport intitulé « Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de l’environnement et du climat ». Par souci de lisibilité, il s’est substitué à trois annexes existantes ([83]).

Ce rapport a constitué une première étape dans la démarche de construction d’un budget vert qui s’est concrétisée l’année suivante, lors de la présentation du PLF pour 2021 en septembre 2020 (voir infra).

● Parallèlement, une mission commune du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF) a rendu sa proposition de méthode pour une budgétisation environnementale ou « green budgeting » ([84]). L’objectif de la budgétisation environnementale est d’évaluer la compatibilité des budgets nationaux avec les objectifs environnementaux.

Les conclusions de la mission ont été utiles pour appréhender les enjeux budgétaires et fiscaux en matière environnementale. Ils chiffrent ainsi à 52,9 milliards d’euros en 2017 la fiscalité environnementale française, soit 2,3 % du PIB et 5,0 % des prélèvements obligatoires. À titre de comparaison, la fiscalité environnementale représentait la même année 2,4 % du PIB et 5,9 % des prélèvements obligatoires des pays de la zone euro. Sur ce montant, seuls 33 milliards d’euros relèvent des finances de l’État et donc du projet de loi de finances.

La mission a proposé une méthode pour évaluer les dépenses (y compris les dépenses fiscales) ayant un impact sur l’environnement, par une cotation comprise entre ‑1 et 3, selon que la dépense est défavorable ou très favorable sur six objectifs environnementaux :

– la lutte contre le changement climatique ;

– l’adaptation au changement climatique et la prévention des risques naturels ;

– la gestion de la ressource en eau ;

– l’économie circulaire, la gestion des déchets et la prévention des risques technologiques ;

– la lutte contre les pollutions ;

– la biodiversité et la gestion durable des espaces naturels, agricoles et sylvicoles.

Elle avait appliqué cette méthode aux dépenses de l’État telles que prévues par le projet de loi de finances pour 2019. D’après cette première analyse transversale mais encore partielle et fragile par certains aspects :

– entre 33 et 36 milliards d’euros de dépenses auraient eu un impact favorable sur au moins l’un des six objectifs, dont 30 milliards d’euros n’auraient eu aucun impact défavorable sur un des autres objectifs ;

– environ 25 milliards d’euros de dépenses auraient eu un impact défavorable sur l’un au moins des objectifs, dont 19 à 21 milliards d’euros n’auraient aucun impact favorable sur un autre objectif.

2.   La pratique des budgets verts se répand dans l’Union européenne et dans le monde

Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, la commission européenne a prévu d’adopter une démarche de « budget vert » pour les budgets de la période 2021-2027. L’Union européenne utilise la méthodologie des « marqueurs de Rio » selon laquelle un coefficient (de 0 %, 40 % ou 100 %) est affecté à chaque dépense budgétaire selon sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique et à la protection de biodiversité, les contributions négatives n’étant pas comptabilisées. Il est également important de souligner que l’Union européenne mène des travaux sur une taxonomie européenne verte permettant de déterminer le périmètre des activités considérées comme durables sur le plan environnemental.

En mai 2021, la commission européenne a publié un document de travail analysant les pratiques de budgétisation verte dans les États membres de l’UE ([85]). Cinq États-membres – la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie et la Suède – et l’Union européenne mettent aujourd’hui en œuvre une forme de budget vert, selon des pratiques différentes. La France, l’Irlande, l’Italie et l’UE recensent l’ensemble des dépenses et recettes qu’ils analysent au regard de différents objectifs tandis que la Finlande et la Suède ne mettent en avant que les dépenses qui ont des objectifs environnementaux. Seules la France et l’Italie évaluent aujourd’hui les dépenses ayant un impact dommageable à l’environnement.

En 2021, l’OCDE dénombrait 14 pays membres mettant en œuvre des démarches de green budgeting, soit un tiers des membres de l’organisation, et cinq pays souhaitant engager dans un futur proche ce type de démarche. 

B.   La France, une pionnière du « budget vert » dans le monde

1.   Le premier « budget vert » en France

En septembre 2020, la France est devenue le premier pays à analyser l’impact environnemental de l’ensemble de son budget, selon une démarche de budget vert. Un rapport sur « l’impact environnemental du budget » ([86]) intégrant le budget vert de l’État dans sa première partie s’est ainsi substitué au rapport sur le « Financement de la transition écologique » et a été annexé au PLF 2021. Ce rapport comporte :

– l’ensemble des dépenses de l’État et des ressources publiques ayant un impact favorable ou défavorable significatif sur l’environnement ;

– un état évaluatif des moyens financiers publics et privés mis en œuvre pour financer la transition énergétique et leur adéquation avec les volumes financiers nécessaire au respect des engagements européens, de l’accord de Paris et de l’agenda 2030 du développement durable de l’Organisation des nations unies (ONU) ;

– un état détaillant la stratégie en matière de fiscalité écologique et énergétique permettant d’évaluer la part de cette fiscalité dans les prélèvements obligatoires, les mesures d’accompagnement et l’efficacité des dépenses fiscales en faveur de l’environnement. Il devra préciser l’impact de cette fiscalité sur le pouvoir d’achat des ménages et sur les coûts de production et les marges des entreprises ;

– un état évaluatif des moyens de l’État et de ses établissements publics qui seraient nécessaires à la mise en œuvre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat ;

– un bilan des actions de maîtrise de la demande d’énergie, de l’évolution des charges de service public de l’énergie, des mesures de promotion des énergies renouvelables et de l’évolution de l’impact sur l’environnement de la consommation d'énergie, notamment de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre ;

– une version intégrée de la manière dont les instruments fiscaux incitent les acteurs économiques à la prévention des atteintes portées à l’environnement.

La démarche de cotation des dépenses et des recettes du budget 2021 a été menée sur la base de la méthodologie proposée par la mission IGF-CGEDD susmentionnée.

Le périmètre retenu est très large : il s’étend aux dépenses du périmètre de l’objectif total de dépenses de l’État (ODETE), c’est-à-dire aux dépenses intégrées dans la norme de dépenses pilotables ([87]), mais également aux prélèvements sur recettes à destination de l’Union européenne, aux transferts aux collectivités territoriales, aux dépenses des programmes d’investissement d’avenir, aux dépenses liées à la charge de la dette, au désendettement et aux pensions mais aussi aux dépenses de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » créée en 2020 et de la mission « Plan de relance » à partir de 2021. Ces dépenses représentent 488,4 milliards d’euros pour l’année 2021. Il s’étend également aux dépenses fiscales (89,5 milliards d’euros en 2021).

Le premier résultat de cet exercice est le suivant : sur les 574,4 milliards d’euros de dépenses budgétaires et fiscales évaluées pour l’année 2021, 52,8 milliards d’euros de dépenses (au sens large) non neutres ont été comptabilisées, soit 9 % d’entre elles, dont 42,8 milliards d’euros sont au moins une fois favorables à l’environnement. Elles recouvrent :

38,1 milliards d’euros de dépenses vertes favorables à l’environnement sur au moins un axe sans être défavorables par ailleurs, soit une hausse de 30 % par rapport à la LFI pour 2020 (29,6 milliards d’euros). Outre les crédits du plan de relance (6,6 milliards d’euros), les crédits budgétaires favorables à l’environnement recouvrent principalement les dépenses en faveur du développement des énergies renouvelables (6,9 milliards d’euros, + 1,6 milliard d’euros par rapport à la LFI 2020), une partie de l’aide publique au développement (1,9 milliard d’euros) et les taxes affectées aux agences de l’eau (2,2 milliards aux agences de l’eau). Les dépenses fiscales vertes représentent environ 3,4 milliards d’euros, la plus importante portant sur l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux d’amélioration énergétique (1,2 milliard d’euros) ;

4,7 milliards d’euros de dépenses mixtes qui occasionnent à la fois au moins un effet favorable et un effet défavorable, un niveau stable par rapport à 2020. Cette catégorie regroupe par exemple les dépenses relatives aux infrastructures de transport ou de recherche sur le nucléaire ;

10 milliards d’euros de dépenses qui ont au moins un impact défavorable sans avoir d’impact favorable par ailleurs, contre 11 milliards d’euros en LFI 2020. Ce périmètre recouvre principalement des dépenses fiscales (7,2 milliards d’euros), en particulier les exonérations ou taux réduits sur les taxes intérieures de consommation des produits énergétiques relatives aux carburants, ainsi que des dépenses budgétaires, à l’image des dépenses en faveur du transport aérien.

Cette synthèse est déclinée, pour chaque mission, par une fiche présentant la classification environnementale du montant des crédits budgétaires, des taxes affectées plafonnées et des dépenses fiscales qui lui sont rattachés. Aucune évaluation n’est cependant détaillée dans les projets annuels de performance présentant les missions.

2.   Le « budget vert » 2022 en France : un enrichissement de l’information disponible

Dans la continuité du PLF 2021, le PLF 2022 est accompagné d’une cotation intégrale des dépenses du budget selon leur impact environnemental. Le périmètre retenu reste le même – dépenses de l’ODETE et dépenses fiscales – mais la méthode de cotation est enrichie et fiabilisée. De plus, les dépenses effectivement neutres et les dépenses non cotées sont mieux différenciées et un volet performance regroupant une sélection d’indicateurs de performance rattachés à des dépenses ayant un impact environnemental est ajouté.

 

*

*     *

 


—  1  —

   audition du président du haut conseil
des finances publiques

Lors de sa réunion du 22 septembre 2021, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

M. le président Éric Woerth. Nous recevons, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, M. Pierre Moscovici, pour qu’il nous présente l’avis du Haut Conseil sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Je rappelle en effet qu’en application de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il revient au Haut Conseil d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques qui fondent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ainsi que sur la cohérence entre l’article liminaire du PLF et du PLFSS et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées dans la loi de programmation. La proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui a été adoptée par notre assemblée et doit être examinée prochainement par le Sénat, tend à étendre le champ de compétence du Haut Conseil, mais c’est une autre histoire.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité pour que je vous présente les principales conclusions de l’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022. Cette année sera celle, nous l’espérons tous, de la sortie de crise ; elle sera sans doute également la dernière année au cours de laquelle la clause dérogatoire du pacte de stabilité et de croissance sera en vigueur en raison des circonstances exceptionnelles.

Après le rebond de l’activité en 2021, l’année 2022 devrait marquer, en particulier sur le plan sanitaire, un retour à la normale, tant dans la marche du pays que dans la vie quotidienne de chacun ; nous pouvons tous nous en réjouir. En matière de finances publiques, il n’en ira pas de même. Rien, en effet, ne sera plus comme avant. Les finances publiques ont absorbé le choc de la crise ; le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 dessinent une situation relativement stabilisée à la sortie du « quoi qu’il en coûte ». Selon le scénario du Gouvernement, la dette atteindra un niveau record, en s’établissant à environ 114 points de PIB en 2022. Le poids de la dépense publique sera plus élevé qu’il ne l’a jamais été, à l’exception des deux années que nous venons de traverser. La particularité du contexte invite l’ensemble des institutions et organismes qui traitent de prévision économique à faire preuve d’humilité. Cette remarque vaut, bien entendu, pour le Haut Conseil, que je préside. La prévision est un exercice difficile ; elle le restera dans les prochains mois, voire les prochaines années.

Surtout, le contexte nous invite à l’action. Le cadre des finances publiques – ce n’est pas une autre histoire, cher président – doit évoluer à la sortie de cette crise majeure, comme ce fut le cas lors de la crise de la zone euro. Ainsi, le Sénat examinera prochainement en séance publique la proposition de loi organique relative à la gouvernance et la modernisation des finances publiques que vous avez défendue avec le rapporteur général. Par ailleurs, des réflexions sont engagées au niveau européen pour aménager le pacte de stabilité. Nos finances publiques ont traversé une crise inédite ; il nous faut en tirer, avec sérieux et sens des responsabilités, toutes les conséquences.

C’est dans ce contexte que le Haut Conseil a été saisi du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Rappelons brièvement la situation économique internationale. Dans la continuité du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021, le projet de loi de finances pour 2022 repose sur l’hypothèse de la poursuite d’une reprise économique mondiale vigoureuse, bien que moins forte qu’en 2021 – mais elle partait alors d’une base exceptionnellement dégradée. Cette reprise, d’ailleurs, reste conditionnée à l’évolution de la situation sanitaire. Mais, selon les prévisions disponibles, le PIB mondial devrait rebondir d’environ 6 % en 2021 puis de 4 % en 2022. En effet, la croissance économique mondiale fut très forte au premier semestre 2021. Selon la plupart des prévisionnistes, elle devrait l’être un peu moins au second semestre avant de continuer à décélérer, à un rythme convenable, en 2022.

La reprise est différenciée selon les pays, à l’instar de la chute de l’activité qui a varié selon l’intensité de l’épidémie, la composition sectorielle des économies et les mesures de santé publique. Ainsi, le PIB s’est contracté, sous l’effet de la crise sanitaire, d’environ 3 % aux États-Unis, de 7 % en zone euro et de 10 % au Royaume-Uni. Le rebond est également hétérogène : la croissance revient plus rapidement à son niveau d’avant la crise aux États-Unis qu’en zone euro.

La reprise est donc plus forte que prévu en 2021, mais un tassement est déjà perceptible au second semestre : l’activité ralentit en Chine et au Japon, notamment du fait des mesures de restriction prises pour lutter contre le variant delta et des difficultés d’approvisionnement. Cependant, elle n’est pas exempte de tensions concernant certains biens intermédiaires, en particulier les composants électroniques, ce qui pénalise la production automobile. Elle est également marquée par des difficultés de recrutement susceptibles de la freiner : la situation, différente selon les pays, peut être très tendue par endroits.

En définitive, l’activité dans la zone euro dépasserait son niveau de 2019 en 2022, mais le PIB demeurerait inférieur à ce qui était prévu avant la crise sanitaire. Nous retrouvons le niveau mais pas encore la trajectoire. Dans ce contexte, le retour de l’inflation est jugé temporaire par la majorité des institutions de prévision. En août, elle était supérieure à 5 % aux États-Unis et à 3 % dans la zone euro. Ce retour de l’inflation résulte de la reprise de l’activité, de la répercussion par les entreprises du coût des mesures sanitaires sur leurs prix mais aussi d’un effet de diffusion de la hausse des prix des matières premières et des biens intermédiaires.

Le principal facteur d’incertitude sur la croissance de l’activité reste l’aléa sanitaire, du fait du risque d’une résurgence de la pandémie ou d’une perte d’efficacité des vaccins face à de nouveaux variants ou au fil du temps. Des aléas positifs existent également, liés notamment au déblocage partiel de la surépargne accumulée pendant la crise ou aux plans de relance supplémentaires envisagés aux États-Unis et au Japon.

L’avis du Haut Conseil sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 comporte trois grands messages.

Tout d’abord, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement, le Haut Conseil considère que le taux de croissance du PIB envisagé pour 2021 est prudent, c’est-à-dire peut-être un peu conservateur. Quant à celui qui a été retenu pour 2022, il paraît plausible. En revanche, pour ces deux années, les prévisions en matière d’emploi et de masse salariale sont trop basses, ce qui emporte des conséquences pour les finances publiques.

S’agissant, ensuite, des prévisions de finances publiques, le Haut Conseil estime que le déficit prévu pour 2021 pourrait être moins dégradé qu’annoncé. Pour 2022, il a été saisi sur une base incomplète s’agissant des dépenses, puisque celles-ci ne comprennent pas certaines mesures importantes que le Gouvernement souhaite voir adoptées par amendement. Faute d’information sur leur chiffrage, le Haut Conseil ne peut, à ce stade, se prononcer sur le caractère plausible du solde public prévu pour 2022.

Enfin, la sortie de crise, meilleure que prévu, et le caractère particulier de l’année 2022 ne doivent pas masquer le fait que nos finances publiques sortent de la crise marquées par un niveau d’endettement inédit depuis la fin de la seconde guerre mondiale ainsi que par des dynamiques différentes en recettes et en dépenses qui invitent à la plus grande vigilance. La soutenabilité des finances publiques doit donc être activement défendue, y compris par une rénovation, une modernisation de leur système de gouvernance.

Permettez-moi d’entrer dans le détail de ces trois messages.

Le scénario macroéconomique sous-jacent du Gouvernement est soumis à l’appréciation du Haut Conseil en vertu de l’article 14 de la loi organique de 2012. Selon ce scénario, la croissance du PIB s’établirait à 6 % en 2021 et à 4 % en 2022. Cette prévision repose sur l’hypothèse d’une poursuite de l’amélioration de la situation sanitaire en France et dans la zone euro, qui reste néanmoins marquée par un certain degré d’incertitude. L’ensemble des instituts de prévision retient la même hypothèse, et le Haut Conseil y souscrit.

Pour 2021, cette hypothèse traduit une révision à la hausse des prévisions du Gouvernement par rapport au projet de loi de finances rectificative de juin dernier : le Gouvernement attendait alors 5 % de croissance, au lieu de 6 % aujourd’hui. Cette révision est fondée : elle s’inscrit dans le contexte d’indicateurs conjoncturels meilleurs qu’attendu enregistrés au cours de l’été. Bien que proche des autres prévisions, celle d’une croissance de l’activité de 6 % peut être considérée comme prudente – c’est le qualificatif retenu par le Haut Conseil pour 2021, au sens de légèrement conservatrice –, comme l’indiquent les analyses rendues publiques en septembre. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoit en effet une croissance de 6,25 % tandis que la Banque de France, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ou Rexecode tablent sur 6,3 %. Le consensus s’établit donc plutôt autour de 6,3 % que de 6 %. Dans l’ensemble de ces scénarios, le PIB français retrouverait son niveau de 2019 à la fin de l’année 2021 ou au début de l’année 2022, soit plus rapidement que ce qui était initialement prévu. Tant mieux !

Pour 2022, la prévision de croissance retenue par le Gouvernement s’élève à 4 %, ce qui est proche de celle des instituts de prévision. Le Haut Conseil la considère comme plausible. Des aléas à la hausse et à la baisse existent. Si les économies avancées sont devenues moins sensibles à l’évolution de l’épidémie, notamment du fait de la généralisation de la vaccination, la situation sanitaire demeure le principal aléa. Le Haut Conseil a identifié d’autres aléas à la baisse. L’effet du plan de relance, supposé d’un point de PIB en 2022, pourrait ne pas stimuler l’activité autant que prévu. De même, l’investissement des entreprises est prévu par le Gouvernement à un niveau historiquement élevé en 2022, ce qui pourrait ne pas se réaliser compte tenu des investissements importants consentis par ces dernières en 2020 et 2021 afin de mettre à niveau leurs outils numériques. Je le répète : nous parlons d’aléas, non de prévisions.

Des aléas à la hausse existent également. Le Gouvernement a retenu l’hypothèse que les ménages ramèneraient leur taux d’épargne à son niveau de 2019 ; or ceux-ci pourraient débloquer davantage l’épargne accumulée durant la crise, réduisant d’autant leur taux d’épargne. De même, l’activité pourrait être stimulée si des plans de relance complémentaires étaient mis en œuvre, notamment aux États-Unis ou au Japon.

Quant aux prévisions d’inflation du Gouvernement, elles s’établissent à 1,5 % pour 2021 et 2022, ce qui traduit un relèvement de sa prévision d’inflation sous-jacente. Ces prévisions sont affectées de nombreux aléas, à la hausse comme à la baisse, qui finissent par s’équilibrer. Par conséquent, le Haut Conseil juge les prévisions du Gouvernement réalistes – j’insiste sur les adjectifs, car ils ont leur sens dans notre taxonomie.

En revanche, il estime que celles concernant la masse salariale et l’emploi, pour 2021 et 2022, sont trop basses. En effet, elles ne tiennent pas compte des révisions importantes réalisées par l’INSEE le 8 septembre dernier, quelques jours avant la saisine du Haut Conseil. Ainsi, le Gouvernement anticipe une hausse de 327 000 emplois en fin d’année 2021 par rapport à la fin 2020 alors que les données de l’INSEE attestent d’une augmentation de 380 000 emplois dès le milieu de l’année 2021. De plus, les enquêtes de conjoncture montrent que la tendance favorable en matière de création d’emplois devrait se maintenir au troisième trimestre 2021. Pour 2022, du fait d’une base trop faible, la prévision d’emploi est également trop basse.

Récapitulons : s’agissant de la croissance, les prévisions du Gouvernement nous semblent un peu conservatrices pour 2021, plausibles pour 2022 ; en matière d’inflation, elles sont réalistes ; en matière d’emploi et de masse salariale, elles sont trop faibles pour 2021 et, par ricochet, pour 2022.

Sur le fondement de ces hypothèses macroéconomiques, le Gouvernement a prévu un déficit de 8,4 % en 2021, soit une amélioration d’un point depuis sa dernière prévision, réalisée à l’occasion du PLFR de juin dernier. Cette amélioration s’explique largement par des rentrées fiscales meilleures que prévu en lien avec l’amélioration de l’activité au cours de l’année.

Pour 2021, les prévisions de dépense apparaissent réalistes. Elles s’élèveraient à près de 60 % du PIB, en repli de près d’un point par rapport à 2020, mais encore six points au-dessus de leur niveau de 2019. Les dépenses de soutien et de relance représenteraient 91 milliards d’euros en 2021 – elles s’élevaient à 69 milliards d’euros en 2020. En revanche, la prévision de recettes publiques paraît trop basse. Le Haut Conseil considère en effet que, la prévision de masse salariale étant sous-estimée, celles des recettes publiques qui sont assises sur cette dernière – en particulier les cotisations sociales, la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), l’impôt sur le revenu – devraient être supérieures à ce qui est prévu. Compte tenu de recettes dont la prévision paraît trop basse et de dépenses qui paraissent réalistes, le Haut Conseil estime que le déficit pour 2021 pourrait être moins dégradé que prévu par le Gouvernement.

En 2022, la prévision de recettes est également affectée par la sous-estimation de la masse salariale pour 2021. Partant d’une base moins élevée, la masse salariale pour 2022 et les recettes publiques qui en dépendent devraient donc être plus élevées que prévu, à scénario de croissance inchangé. Par ailleurs, selon le scénario transmis au Haut Conseil, les dépenses des administrations publiques diminueraient de 2 %, sous l’effet de la baisse des dépenses de soutien et de relance, cette baisse étant en partie compensée par une hausse des dépenses ordinaires, en particulier dans le secteur de l’État et des administrations de sécurité sociale. Ainsi, l’objectif de dépenses totales de l’État contenu dans le PLF pour 2022 diminuerait de près de 40 milliards par rapport à la prévision d’exécution pour 2021. En revanche, les moyens de l’État seraient largement augmentés s’agissant des dépenses ordinaires, les missions des ministères augmentant de près de 12 milliards d’euros, dont environ un tiers correspond à des dépenses inscrites dans des lois de programmation : défense, recherche, aide publique au développement, justice.

Quant aux dépenses des administrations de sécurité sociale, elles stagneraient en valeur en 2022, la baisse des dépenses de crise compensant un certain dynamisme de la dépense ordinaire. La hausse des prestations de retraite et les dépenses liées au Ségur de la santé, qui sont durables, sont compensées en 2022 par la baisse des dépenses de santé liées à la crise, la quasi-extinction de l’activité partielle et, dans une moindre mesure, par les économies réalisées grâce à la réforme de l’assurance chômage. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) serait plus dynamique qu’il ne l’était avant la crise dans son périmètre dit ordinaire. En effet, il augmenterait de 3,8 % hors dépenses exceptionnelles, de 2,6 % hors Ségur et dépenses exceptionnelles, alors que son taux de croissance était compris entre 2,2 % et 2,5 % de 2017 à 2019.

Enfin, les dépenses des administrations publiques locales augmenteraient, selon le Gouvernement, d’un peu moins de 3 % en 2022, contre près de 5 % en 2021, le Gouvernement s’attendant à un ralentissement de l’investissement local après le rebond qu’il a connu en 2021, du fait d’un rattrapage des investissements non réalisés en 2020 et du cycle électoral.

Dans l’ensemble, la prévision de dépenses pour 2022 est raisonnable, au vu des éléments transmis au Haut Conseil. Mais ceux-ci sont incomplets, car ils ne prennent pas en compte des dépenses annoncées par le Gouvernement, comme le plan d’investissement ou le revenu d’engagement. Le Haut Conseil a demandé à ce dernier qu’il lui donne une estimation de ces deux postes de dépenses, mais les informations ne lui ont pas été communiquées, les arbitrages n’ayant pas été rendus.

Ces conditions de saisine ne permettent pas au Haut Conseil d’établir un diagnostic complet sur les projets de loi concernés. Les recettes pour 2022 sont probablement sous-estimées, de même que les dépenses ; elles peuvent donc s’équilibrer, mais nous ne pouvons pas dire dans quelle mesure. Ainsi, le Haut Conseil ne peut pas porter une appréciation sur la plausibilité du déficit public attendu par le Gouvernement à moins 4,8 points de PIB. Dans ces conditions, il rappelle que si, comme c’est vraisemblable, le scénario macroéconomique et de finances publiques était modifié pour prendre en compte ces mesures supplémentaires, une nouvelle saisine du Haut Conseil par le Gouvernement serait nécessaire pour qu’il puisse remplir son mandat et éclairer pleinement la représentation nationale et le citoyen.

Rappelons qu’aux termes de la loi organique, le Haut Conseil doit également se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLF 2022 avec celle de la loi de programmation des finances publiques. Il lui faut vérifier s’il existe un écart important – supérieur à 0,5 point de PIB – avec la trajectoire prévue. À cet égard, je l’ai dit à moult reprises, il est nécessaire d’adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques, celle-ci étant caduque, qu’il s’agisse du scénario macroéconomique – en particulier du niveau de PIB potentiel, devenu obsolète à la suite de la crise sanitaire – ou des finances publiques.

Toutefois, je me dois de vous donner les éléments à retenir de la situation du solde structurel par rapport à la programmation pluriannuelle. Le solde structurel calculé dans le PLF pour 2022 sur la base de l’hypothèse de PIB potentiel initialement prévue dans la loi de programmation s’établirait à moins 3,7 points de PIB, soit un écart de trois points avec la trajectoire prévue. Il s’agit d’un écart important au sens de la loi organique, mais le déclenchement de la clause de circonstances exceptionnelles permet à la France de s’écarter temporairement de cette trajectoire.

Le Gouvernement a actualisé, dans le cadre du PLF pour 2022, la révision qu’il avait apportée au niveau du PIB potentiel dans le cadre du PLF pour 2021, pour tenir compte des conséquences de la crise sur le potentiel productif de l’économie. Mesuré avec cette hypothèse révisée de PIB potentiel, le solde structurel s’établirait, non pas à moins 3,7 points de PIB, mais à moins 4,7 points de PIB, avant même l’intégration des dépenses manquantes, en particulier le plan d’investissement et le revenu d’engagement. Ce solde structurel se situe loin de l’objectif à moyen terme des finances publiques que s’est fixé la France dans la loi de programmation des finances publiques, qui est de moins 0,4 point de PIB. Je le dis pour la forme, car, encore une fois, la loi de programmation est obsolète, caduque. Il est tout à fait compréhensible que vous n’en ayez pas adopté une autre dans le contexte de la crise, mais, une fois la situation stabilisée, sans doute en 2022, nous ne pourrons en faire l’économie.

J’en viens à mon dernier message. La situation actuelle des finances publiques est exceptionnelle, inédite depuis 1945. La reprise, plus forte qu’attendu, et le maintien de taux à long terme proches de zéro – sous l’effet, notamment, de la politique monétaire – ne doivent pas masquer la réalité budgétaire sous-jacente. La situation des finances publiques s’est profondément modifiée. Le poids de la dépense publique, à l’issue du « quoi qu’il en coûte », est supérieur de près de deux points à ce qu’il était en 2019. De fait, on observe une sorte d’effet de cliquet. La mer se retire, mais pas complètement : à chaque sortie de crise, les dépenses publiques augmentent un peu – en l’espèce, de deux points de PIB !

La dette a augmenté de dix-sept points depuis 2019. Le PIB potentiel de l’économie française a probablement diminué et les importants allégements de prélèvements obligatoires décidés, tant pour les entreprises que pour les ménages, au cours des dernières années pèseront durablement sur les recettes publiques. Dès lors, il sera sans doute plus difficile que par le passé de réduire le poids de la dette dans le PIB. Il faudra donc adopter, comme la Cour l’a recommandé dans l’audit qu’elle a rendu au mois de juin, une double stratégie de croissance et de désendettement.

L’enjeu, pour la France, est d’enclencher durablement une décrue de l’endettement après plusieurs décennies de croissance quasi continue. Les dépenses de crise étaient nécessaires pour faire face à l’épidémie et éviter que l’économie ne s’affaisse, mais j’appelle, au nom du Haut Conseil, à la plus grande vigilance quant à la hausse rapide des dépenses ordinaires. Celles-ci ont crû d’une manière importante, et plus rapidement que le PIB, entre 2019 et 2022. Il semble ainsi essentiel que d’éventuels surplus de recettes soient, non pas immédiatement recyclés dans des dépenses nouvelles, mais affectés en priorité au désendettement.

Dans ce contexte, le Haut Conseil des finances publiques doit jouer son rôle. Rappelons qu’il a été créé par le législateur organique pour être la vigie des finances publiques et un tiers de confiance pour le Parlement lors de l’examen des projets de loi financière. Jamais, peut-être, il n’a été aussi nécessaire pour le Parlement de bénéficier d’une expertise indépendante sur le cadre macroéconomique et la situation des finances publiques. Plusieurs analyses indépendantes ont démontré que le Haut Conseil avait, depuis 2012, contribué à améliorer le réalisme des prévisions macroéconomiques, qui est au cœur de son mandat actuel.

Une réforme de ce mandat est prévue dans la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Je salue votre volonté d’œuvrer en faveur d’une rénovation moderne et utile de notre cadre de finances publiques. Les aménagements prévus dans cette proposition de loi organique, s’ils ne placent pas encore le Haut Conseil sur un pied d’égalité avec certains de ses homologues européens, assoient son mandat, qui est, pour l’heure, l’un des plus limités au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il s’agit d’abord d’étendre ce mandat à l’examen du réalisme des prévisions de recettes et de dépenses inscrites dans les projets de loi de finances initiale et rectificative. C’est un élément essentiel pour permettre au Haut Conseil d’exercer pleinement son rôle.

Le texte, tel qu’il a été adopté par la commission des finances du Sénat, prévoit de limiter cet examen à la cohérence avec le scénario macroéconomique, ce qui me paraît trop réducteur. Prenons l’exemple du présent avis : les hypothèses de dépenses sont cohérentes avec le scénario macroéconomique, mais elles ne sont pas toutes réalistes. Il en est de même pour les prévisions de recettes. La discussion du texte n’est pas terminée, mais il me semblait important de souligner ce point devant votre commission : le réalisme n’est pas la cohérence, il est plus puissant que cette dernière. Pour porter une appréciation complète sur les prévisions de finances publiques, le Haut Conseil doit pouvoir examiner le réalisme de l’évaluation des mesures nouvelles les plus significatives. Tant pour les recettes que pour les dépenses, le réalisme des prévisions dépend de la qualité du chiffrage des nouveaux dispositifs. Il ne s’agit nullement de se substituer au Parlement dans son rôle de contrôle de l’exécutif, mais au contraire de vous apporter des analyses indépendantes et complémentaires de celles que vous pouvez mobiliser. À cet égard, il faut aller au-delà de ce qui est prévu.

Enfin, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, vous souhaitiez confier au Haut Conseil l’élaboration d’un rapport sur la soutenabilité de la dette, complémentaire de celui du Gouvernement sur le même sujet. Cette disposition a été supprimée par un amendement gouvernemental dont les motifs ne m’ont pas totalement convaincu. Je regrette vivement cette suppression, alors que le ratio d’endettement de la France a augmenté de près de 17 points de PIB depuis le déclenchement de la crise sanitaire et que plusieurs de nos homologues européens disposent de cette capacité.

La dette doit faire l’objet d’un débat démocratique qui s’appuie sur des analyses indépendantes. C’est un sujet hautement politique. Ce qui peut inquiéter les marchés – j’en parlais avec plusieurs économistes membres du Haut Conseil –, ce n’est pas l’existence d’un tel débat, mais plutôt son absence. En outre, il ne faut rien cacher aux citoyens, mais au contraire éclairer les décisions et l’avenir. Il serait très regrettable qu’on ne saisisse pas l’opportunité qu’offre la proposition de loi organique pour poursuivre le mouvement de renforcement de la transparence des finances publiques.

M. le président Éric Woerth. Je vous remercie pour cet avis énergique, présenté sans langue de bois ; il comporte beaucoup de messages.

Il faut évidemment apprécier l’état de nos finances publiques à la lumière de la crise que nous avons traversée. Je partage votre analyse : rien ne sera plus comme avant. Encore faut-il ne pas conserver les mêmes réflexes. Nous devons donc tirer toutes les conséquences, toutes les leçons de la crise, non seulement en matière d’investissement et de préparation de l’avenir, mais aussi en matière de contrainte financière – contrainte qui est aussi vieille que le monde.

Avant d’en venir au fond, je reviendrai sur la forme. Hier, la presse, toujours bien informée, s’est fait l’écho de négociations et de débats avec le Gouvernement qui vous auraient conduit à édulcorer l’avis. Y a-t-il eu discussion – l’indépendance ne l’excluant pas – et le rapport a-t-il été modifié ?

Comme le Gouvernement, vous indiquez que, fin 2021 ou début 2022, nous retrouverons le niveau de PIB de 2019. Tant mieux ! Mais n’oublions pas la perte de richesse provoquée par cette crise, c’est-à-dire la part de PIB qui a définitivement disparu, à moins que la hausse du potentiel de croissance ne permette de la compenser. Elle est estimée à environ 280 milliards d’euros. Il faut l’avoir en tête afin d’évaluer correctement l’état des finances publiques, et plus largement celui de l’économie.

S’agissant de la croissance, vous estimez que les prévisions sont prudentes. Dont acte. Du reste, le Gouvernement a été globalement prudent dans ses prévisions, et il l’a indiqué. C’est une bonne chose. Si la croissance est plus importante, les résultats seront meilleurs que ceux prévus aujourd’hui.

Quant à l’inflation, est-elle si conjoncturelle que le disent les économistes ? Elle est aussi le fruit de tensions – je pense au niveau de la masse monétaire, aux tensions géopolitiques, aux tensions entre l’offre et la demande, aux tensions d’approvisionnement… –, pour certaines structurelles. Il est donc probable qu’elle reprenne de la vigueur, et peut-être un peu plus que ne le prévoit le Gouvernement. Certes, elle reste bien inférieure à l’objectif de 2 %, mais le fait qu’elle ait un caractère temporaire ou, au contraire, durable n’est pas sans conséquences.

Sur l’emploi, la masse salariale et les recettes, les prévisions sont également très prudentes : probablement enregistrerons-nous de meilleurs résultats.

Vous avez indiqué par ailleurs que le Haut Conseil a été saisi sur une base incomplète. Le sujet est important. Le Gouvernement a en effet décidé d’attendre avant de faire connaître toutes les dépenses qu’il souhaite engager. Le fera-t-il ou ne le fera-t-il pas ? Nous l’ignorons. Quoi qu’il en soit, vous vous abstenez – et c’est une grande nouveauté – de donner un avis sur le solde, estimant que vous n’en avez pas les moyens. Le Gouvernement présente une augmentation des dépenses courantes de l’État de l’ordre de 11 milliards d’euros. Elle est importante, tout en étant du même ordre de grandeur que les autres années, mais elle est probablement très sous-estimée. Le Gouvernement n’a pas l’obligation de saisir le Haut Conseil des amendements qu’il pourrait présenter, mais uniquement s’il entend réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposait initialement son projet. Souhaitez-vous néanmoins qu’il vous saisisse s’il dépose des amendements modifiant substantiellement l’équilibre ? En avez-vous discuté avec lui ?

Après avoir expliqué ne pas pouvoir vous prononcer, vous avez ajouté qu’il y aurait sans doute plus de dépenses mais également plus de recettes, de sorte que les secondes pourraient compenser les premières. Cette approche reste très généraliste. En tout état de cause, on ne peut gager l’augmentation des dépenses ordinaires par la baisse de dépenses exceptionnelles – cet effet cliquet serait terrible. Il ne faut pas mettre le doigt dans un tel engrenage : la crise ne peut avoir pour conséquence une augmentation du niveau des dépenses ordinaires au-delà de la norme. La France n’en a pas les moyens.

Enfin, en juillet, l’Assemblée nationale a amendé puis adopté la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques que j’avais déposée avec le rapporteur général, Laurent Saint-Martin. Nous verrons, après son examen par le Sénat, comment se passera la CMP. Peut-être pourra-t-on aboutir à des compromis positifs. En tout cas, il est utile que vous vous exprimiez sur ce sujet.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Tout d’abord, je tiens à souligner – puisque, depuis hier, les commentaires se focalisent sur le fait que le Haut Conseil n’aurait pas été pleinement éclairé – que le projet de loi de finances pour 2022 traduit des choix politiques assumés et sincères, qui reflètent notre capacité de bonne gestion, laquelle a été démontrée depuis le début de la législature, ainsi que notre capacité à protéger le pays – le « quoi qu’il en coûte » – et à relancer son économie grâce à différents types d’investissements, tout en augmentant les dépenses affectées à des politiques publiques prioritaires, notamment celles des ministères régaliens, pour lesquels un rattrapage politique était nécessaire – nous y reviendrons.

Cela dit, vous avez raison, des inconnues subsistent concernant le montant des crédits consacrés au revenu d’engagement et au plan d’investissement, qui feront l’objet d’amendements au projet de loi de finances pour 2022 et donneront lieu à une nouvelle analyse du cadrage macroéconomique par le Haut Conseil. J’observe, du reste, que, lors de l’examen du PLFR 3 pour 2020, vous aviez émis des réserves similaires au motif que les plans sectoriels n’étaient pas intégralement pris en compte dans le texte qui vous était soumis. Le fait est que nous ne sommes pas encore sortis de la zone de turbulence sanitaire qui perturbe nos travaux depuis dix-huit mois. Dans ce contexte, mes chers collègues, il est plus important de se pencher sur l’efficacité politique des mesures prises par le Gouvernement que de se préoccuper des incidences de la situation sur nos travaux.

En tout état de cause, il importe que le Haut Conseil puisse émettre un avis sur l’ensemble du projet de loi de finances. C’est pourquoi j’ai plaidé pour qu’il soit à nouveau saisi après le dépôt des amendements.

J’en viens au fond. Compte tenu des éléments les plus récents disponibles sur l’emploi et la masse salariale, le Haut Conseil considère que les prévisions de recettes pour 2021 et 2022 pourraient être sous-évaluées. Êtes-vous en mesure d’estimer les potentielles plus-values de recouvrement ?

Par ailleurs, en 2022, la part des dépenses publiques dans le PIB serait, avez-vous indiqué, supérieure de 2 points – 1,8 point en réalité, mais peut-être anticipez-vous sur les dépenses liées aux amendements à venir – à celle de 2019. Toutefois, si les dépenses d’urgence devraient être quasi nulles, celles consacrées à la relance se poursuivront. Aussi, pourriez-vous affiner votre constat, partagé par Éric Woerth : qu’en est-il si l’on laisse de côté les dépenses non pérennes, notamment celles du plan de relance ? Si nous ne prenons pas cet élément en compte, le débat est un peu biaisé.

Si je partage la préoccupation du Haut Conseil concernant le niveau de l’endettement public, j’observe néanmoins, pour 2021 et 2022 – et c’est ce qui me paraît intéressant – une nette baisse de la prévision du ratio de dette publique par rapport à celle du programme de stabilité et à celle qui a été mentionnée lors du débat d’orientation des finances publiques du mois de juillet. Cette tendance vous semble-t-elle de bon augure pour les années à venir ?

Le rebond actuel de l’inflation risque-t-il, selon vous, d’avoir des conséquences durables sur l’économie ? Nous connaissons tous les sujets de préoccupation de nos concitoyens, notamment en ce qui concerne les prix de l’énergie.

Vous formulez, en matière de politique budgétaire, une proposition nouvelle, qui consiste à consacrer au désendettement tout excédent de recettes par rapport à la prévision. Sur le fond, je suis d’accord avec vous, même si j’ai été étonné par la forme. Nous aurons l’occasion de discuter avec le Gouvernement de cette question, qui fera probablement aussi l’objet de débats dans le cadre des prochaines échéances électorales. Au demeurant, le projet de loi de finances pour 2022 ne reprend-il, d’une certaine façon, pas votre préconisation en affectant une part des fruits de la croissance au remboursement de la « dette covid » au sein d’un programme spécifique ?

En conclusion, grâce la proposition de loi organique que je défends avec Éric Woerth, nous avons, enfin, programmé l’instauration, de façon claire et officielle, d’un débat sur l’endettement public et les conditions de financement de la dette, et nous nous en réjouissons.

M. Pierre Moscovici. Je suis particulièrement attaché à la bonne information de la presse mais je suis fort marri, voire fâché, que des fuites, qui plus est impressionnistes, se soient produites. Car ce qui a été publié, ce n’est pas l’avis du Haut Conseil, ce sont des notations, d’ailleurs totalement erronées, sur le climat des discussions et sur certaines étapes d’élaboration de cet avis. J’ai donc rappelé, avec fermeté et douceur, leur devoir de discrétion aux membres du Haut Conseil. En tant que président de cette institution, je dois veiller à son indépendance, maîtriser ses débats et vous en présenter les résultats, et garantir sa crédibilité. Je n’ai donc pas apprécié ces fuites, qui, de surcroît, n’ont aucune forme de vraisemblance.

Comment procédons-nous ? Le Haut Conseil auditionne les administrations, qui viennent lui présenter le PLF et le PLFSS, après avoir entendu des prévisionnistes. Ensuite, nous avons, à partir d’un projet de rapport élaboré par le secrétariat général, un débat interne au cours duquel sont rédigées plusieurs versions successives du rapport ; cette année, il y en a eu trois. L’avis est donc le fruit d’une délibération collégiale progressivement éclairée ; le pluralisme de ces visions fait tout l’intérêt du Haut Conseil.

Je tiens à le dire de la façon la plus nette : il n’y a aucun contact, aucune négociation avec le Gouvernement durant la rédaction de l’avis. À aucun moment je ne me suis entretenu avec le ministre de l’économie ou avec le ministre chargé des comptes publics. Pour être tout à fait transparent, je leur ai parlé hier, pour leur dire que je regrettais ces fuites, qui ne confortent pas la crédibilité du Haut Conseil. Plus celui-ci sera discret, plus son mandat sera étendu, plus il travaillera sérieusement, plus il sera indépendant et plus sa crédibilité sera forte. J’ajoute qu’une extension de son mandat limiterait, en outre, le risque de fuites, car celles-ci traduisent toujours une certaine frustration. Encore une fois, nos travaux sont totalement indépendants et collégiaux : cet avis est le fruit des échanges des membres du Haut Conseil, et d’eux seuls. Il n’y a aucune forme d’influence extérieure : les négociations n’existent pas.

Vous m’interrogez, monsieur le président, sur la perte de richesse provoquée par la crise sanitaire. Si l’on compare la trajectoire du PIB en volume du PLF 2022 et celle du rapport économique, social et financier de l’automne 2019, cette perte atteint, en réalité, plus de 300 milliards d’euros. Il s’agit d’une perte définitive, qui correspond, pour partie, à la non-consommation – laquelle n’a pas d’incidence sur l’avenir –, pour partie, à la baisse de l’investissement et, pour partie, de manière plus limitée, à l’endettement du secteur public et du secteur privé, ce qui nous ramène encore à la question de la soutenabilité de la dette publique, sujet crucial.

S’agissant de l’inflation, le Haut Conseil estimait, dès le mois d’avril, qu’elle serait probablement, en 2021, plus élevée que prévu par le Gouvernement. De fait, elle s’est déjà redressée. La prévision du Gouvernement pour 2021 nous semble plausible, compte tenu de ce que nous connaissons des huit derniers mois, tout comme la prévision pour 2022. Il est vrai, monsieur le président, que des facteurs de hausse de l’inflation perdurent : l’augmentation passée des prix des matières premières commence à peine à produire ses effets ; le retour à la normale de la demande de services des ménages n’est pas achevé ; une pression sur les salaires n’est pas exclue en 2022. Mais, je le répète, les économistes n’attendent pas de hausse entretenue ou auto-entretenue de l’inflation, certains des facteurs de hausse étant transitoires.

Le Haut Conseil sera-t-il à nouveau saisi ? En tout cas, dans notre avis, nous passons le message au Gouvernement, et j’ai bien entendu le souhait de Laurent Saint-Martin, qui va dans le même sens. Si j’ai fait une mise au point un peu ferme concernant nos méthodes de travail, c’est parce que nous ne jouons pas et ne voulons pas jouer de rôle politique. Nous sommes là pour certifier ou garantir des chiffres. Quand le projet de loi est incomplet, la seule chose que je puisse dire, c’est qu’il y aura peut-être plus de recettes et de dépenses. Vous avez raison, monsieur le président, c’est une appréciation très généraliste, mais nous ne pourrons nous prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit de 4,8 % que lorsque nous aurons connaissance de tous les amendements et des chiffrages associés.

Lorsque ceux-ci seront connus, il serait pertinent, pour que le Haut Conseil joue pleinement son rôle, que nous en soyons saisis afin de vous indiquer si le chiffre définitif du déficit, tel qu’il résultera des modifications éventuelles du scénario macroéconomique, est plausible. C’est important non seulement pour vous, mais aussi – je le sais en raison de mes précédentes fonctions – vis-à-vis de Bruxelles, où l’on examine l’avis du Haut Conseil, institution indépendante, pour déterminer si le déficit est plausible ou non. Si je souhaite que nous soyons saisis des amendements, ce n’est pas pour ennuyer qui que ce soit ou pour porter un jugement politique, c’est pour certifier le chiffre, ce que nous ne pouvons faire en l’état.

Monsieur le rapporteur général, est-il possible d’affiner le constat du HCFP afin de connaître l’évolution des dépenses publiques 2022 nette des dépenses non pérennes, notamment celles liées au plan de relance ? Le ratio de dépense publique hors crédits d’impôts rapporté au PIB s’établit à 55,6 % en 2022. Si l’on retranche les dépenses non pérennes, qui représentent, toujours en 2022, 28,9 milliards, soit 1,1 % de PIB, on aboutit à un ratio de 54,5 %, soit une augmentation de 0,4 point par rapport à 2019. Mais j’appelle votre attention sur le fait qu’il s’agit d’une sous-estimation de la hausse pérenne du ratio de dépenses. En effet, toutes les dépenses annoncées ne sont pas prises en compte et celles liées aux vaccins, intégrées aux dépenses d’urgence, risquent d’être durablement plus élevées.

La baisse du ratio de dette publique en 2022 est-elle de bon augure pour les années à venir ? Le programme de stabilité prévoyait déjà une baisse du ratio de dette de 1,4 point de PIB en 2022, proche de celle prévue dans le PLF 2022. Cette baisse s’expliquait par un déficit inférieur au déficit stabilisant le ratio de dette, du fait notamment du rebond de la croissance nominale. Le programme de stabilité prévoyait une nouvelle remontée du ratio de dette de 0,8 point de PIB en 2023 et en 2024, puis de 0,3 point de PIB en 2025. En résumé, c’est moins mauvais que certaines prévisions antérieures, mais cela ne nous dispense absolument pas de débattre, probablement dès l’automne 2022, d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques qui soit dotée d’un caractère contraignant et programme de façon claire une trajectoire de dette s’infléchissant entre 2023 et 2027. C’est le souhait exprimé par la Cour des comptes dans le rapport qu’elle a remis au Président de la République et au Premier ministre. Les débats auront sans doute bientôt lieu devant les Français, puis ici, sous la prochaine législature.

Quant au cantonnement de la « dette covid », à ce stade, on ne connaît pas le détail du dispositif retenu. S’il s’agit simplement d’isoler un certain montant de dette dans un programme spécifique, cela n’aura pas de conséquences sur le montant de la dette à rembourser. S’il s’agit d’affecter tout surcroît de recettes, lié par exemple à une meilleure croissance, à ce programme spécifique, cela n’aura pas non plus d’effet particulier. Ce n’est que si le cantonnement s’accompagne d’une recette nouvelle que le ratio de dette s’améliorera, mais je n’ai rien entendu de tel et je n’ai rien à suggérer en la matière.

M. Alexandre Holroyd (LaREM). Je suis d’accord avec vous, monsieur le président du Haut Conseil : il est essentiel que seules les conclusions de son travail collégial comptent dans le débat public. C’est la garantie de sa crédibilité et de son indépendance.

Ce qui me frappe, dans l’avis que vous nous présentez et le projet de loi de finances pour 2022, c’est la cohérence des choix qui ont été faits avec la politique menée depuis 2017 : côté recettes, une baisse d’impôts sans précédent, contrairement à ce que certains ont pu prétendre ; un soutien de l’investissement, direct ou dans le capital humain, dans des domaines essentiels comme la sécurité ou la justice ; la volonté de protéger les Français.

Le président de la commission l’a dit, il est essentiel d’analyser nos finances publiques à la lumière de la crise que nous traversons. À la lecture de l’avis, ce qui me marque, c’est l’efficacité de la gestion de la crise, des mesures d’urgence et de la relance. De fait, vous indiquez que les indices du climat des affaires demeurent proches des points hauts atteints durant la décennie précédant la crise sanitaire, vous estimez qu’en moyenne, en 2022, le PIB se situerait 1,4 point au-dessus de son niveau de 2019 et vous observez une nette amélioration du marché du travail depuis le début de l’année.

Vous formulez deux remarques principales. La première concerne l’absence de deux dispositions dans le texte initial. Nous ne pouvons que vous rejoindre sur ce point, même si l’on peut comprendre qu’un plan d’investissement à l’horizon 2030 soit assez complexe à mettre en œuvre – nous aurons l’occasion d’y revenir dans les prochaines semaines.

La seconde concerne la prudence dont le Gouvernement fait preuve, tant en termes de prévisions de croissance que de recettes – depuis le début du quinquennat, du reste. Or il me semble que nous devons nous féliciter de conserver ainsi des marges de manœuvre pour les mois à venir.

À ce propos, vous insistez beaucoup, dans votre avis, sur le risque sanitaire. Mais qu’en est-il des autres risques, plus traditionnels ? Je pense notamment aux conséquences que pourrait avoir l’inflation si elle ne baissait pas rapidement.

Par ailleurs, pourriez-vous nous exposer la teneur de vos échanges avec vos homologues européens sur la gestion de la « dette covid », la problématique étant probablement similaire ailleurs en Europe ? Comment envisagent-ils d’éponger cette dette accumulée au cours des dix-huit derniers mois ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Je vous remercie pour cet avis, qui a le mérite de nous éclairer dans un environnement trouble. Lorsqu’on connaît le langage mesuré du Haut Conseil des finances publiques, on mesure l’enjeu et le caractère dramatique de la situation.

Comme vous le soulignez, le projet de budget comprend des trous dans les dépenses mais également dans les recettes, puisque celles issues de l’évolution des salaires sont sous-estimées.

À ceux de mes collègues de la majorité qui ont évoqué le sérieux budgétaire, je répondrai en soulignant l’écart qui existe entre la France et l’Allemagne, écart qu’illustrent deux chiffres. En 2021, la dette publique de la France va atteindre 115 % du PIB alors que celle de l’Allemagne n’est que de 70 % du PIB ; la balance commerciale de l’Allemagne présente un excédent de plus de 180 milliards d’euros, alors que notre déficit dans ce domaine atteint 82 milliards d’euros, soit une différence de plus de 260 milliards. Comment peut-on, dès lors, parler de sérieux budgétaire ?

Par ailleurs, le Gouvernement prévoit une baisse du taux d’épargne. Toutefois, celui-ci ne pourrait-il pas augmenter en l’absence d’une réforme des retraites ? On sait en effet que la situation des retraites est un souci majeur pour nos concitoyens et qu’elle les conduit à épargner.

Ma deuxième question porte sur la soutenabilité de la dette publique. On évoque le fait qu’une augmentation d’un point des taux d’intérêt conduirait à un surcoût de 30 milliards d’euros sur dix ans. Pouvez-vous le confirmer ?

Enfin, selon mes calculs, les dépenses ordinaires ont augmenté de 99 milliards d’euros en trois ans. Validez-vous ce chiffre ?

M. Mohamed Laqhila (Dem). Merci pour cet avis, qui ne manquera pas d’alimenter nos discussions au cours des prochains mois. Il prouve que nous avons raison de vouloir accroître le rôle du Haut Conseil dans le cadre de la proposition de loi organique présentée par le président Éric Woerth et le rapporteur général Laurent Saint-Martin.

Vous soulignez que les hypothèses de croissance sur lesquelles est fondé le projet de loi de finances pour 2022 sont prudentes – c’était déjà le cas en 2020. Nous ne pouvons que souscrire à ces hypothèses, compte tenu de la période d’incertitude dans laquelle nous nous trouvons. Du reste, l’essentiel du moindre déficit permet d’accroître davantage encore l’effort en faveur de la relance et du rétablissement de l’économie française. Grâce à tous les efforts consentis au cours des deux dernières années, le rapport entre la dette publique et le PIB commence à baisser, pour la première fois depuis dix ans.

S’agissant de l’inflation, l’hypothèse figurant dans le PLF est de 1,5 % pour 2021 et pour 2022, après 0,5 % en 2020. On observe en effet ces derniers mois une accélération de l’inflation, qui s’explique par la reprise et par le déséquilibre entre une offre mondiale qui demeure restreinte et une demande qui explose. Le consensus des économistes considère ce phénomène comme transitoire. Mais ne craignez-vous pas des effets de second rang, qui seraient dus, par exemple, à une hausse des salaires pouvant conduire à un dérapage de l’inflation à court terme ? Quels ont été les débats sur ce point au sein du Haut Conseil ? Y a-t-il un risque de surchauffe de l’économie française à moyen terme ?

M. Jean-Louis Bricout (SOC). Le PLF pour 2022 est incomplet, daté et tardif : ce sont les termes que vous avez employés lors de l’audition du ministère de l’économie et des finances par le Haut Conseil.

Vous envoyez d’ailleurs un signal en refusant, pour la première fois, de vous prononcer sur le niveau de déficit prévu pour l’an prochain. De fait, les prévisions de dépenses sont floues, puisque ne figurent pas dans le texte celles que le Gouvernement compte ajouter au cours de l’examen parlementaire. Vous ne le dites pas aussi clairement qu’en 2016, peut-être pour préserver les apparences, mais la réalité est tout aussi certaine : ce budget s’annonce insincère et l’objectif de déficit est improbable.

Cette situation nous remémore le début de la législature, quand fleurissaient les leçons de morale budgétaire du Gouvernement et de la majorité. Les qualificatifs employés aujourd’hui sont beaucoup moins forts qu’alors ; le Gouvernement peut vous remercier de votre bienveillance.

Le déficit est affiché à 4,8 %, niveau que vous ne validez pas. En effet, le Président de la République a annoncé 5 milliards d’euros de nouvelles dépenses. Pour les financer, le Gouvernement s’abrite derrière une prévision prudente de croissance et de recettes. Le jeu d’écriture n’a pas échappé à la presse. Dire que les dépenses rentreront dans l’ordre en 2022 n’engage que ceux qui veulent bien y croire. La hausse des dépenses courantes de 3,1 % en volume en 2021 me conduit à être tout à fait sceptique. Pensez-vous que le Gouvernement sera capable de compenser ces dépenses nouvelles ?

Il faut en finir avec la pratique consistant à ajouter par voie d’amendement gouvernemental des dispositifs qui coûtent monstrueusement cher : c’est contraire à l’esprit de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances. Tout amendement du Gouvernement doit être soumis à la même procédure que l’ensemble du PLF. On annonce 30 milliards d’euros pour le plan d’investissement et d’un à 3 milliards d’euros au titre du revenu d’engagement pour les jeunes. Si l’on prend en compte ces montants, quel déficit atteint-on ?

Enfin, quel est votre avis sur la ligne stratégique retenue ? La relance américaine est centrée sur la demande et permet plus qu’un rattrapage, puisque les États-Unis dépasseront les niveaux atteints avant la crise. Le choix du Gouvernement d’une relance par l’offre est-il le bon ?

Mme Patricia Lemoine (Agir ens). L’avis du Haut Conseil a le mérite d’être clair et de mettre en garde le Gouvernement sur des points essentiels.

Certes, nous aurions, nous aussi, préféré que l’intégralité des mesures budgétaires figurent dans le projet de loi initial. Mais il nous faut prendre en considération les circonstances exceptionnelles qui conduisent le Gouvernement à procéder ainsi.

S’agissant de la maîtrise de la dépense publique, je rappelle qu’à la fin de l’année 2019, la dette était stabilisée, le déficit public avait été ramené sous la barre des 3 % du PIB et la France ne faisait plus l’objet d’une procédure de déficit excessif. Dans le même temps, les impôts ont baissé dans des proportions inédites, tant pour les ménages que pour les entreprises.

Pour répondre à la crise, la doctrine du « quoi qu’il en coûte » a fait ses preuves, protégeant tout à la fois les ménages, les entreprises et les collectivités locales. Mais elle a bien entendu eu pour conséquence de dégrader les comptes publics. Le PLF 2022 marque donc la sortie du « quoi qu’il en coûte » ; il accompagne la relance et soutient l’investissement.

Cependant, nous aurons besoin d’une vision claire de la stratégie du Gouvernement pour retourner sous les 3 % de déficit public en 2027. Le rétablissement et la maîtrise des comptes publics sont une absolue nécessité, mais ils doivent se faire de manière intelligente pour ne pas casser la reprise. C’est aussi un besoin impérieux pour garantir la soutenabilité de la dette publique.

À ce propos, quelle est votre évaluation du risque que ferait peser une remontée des taux d’intérêt sur cette soutenabilité, alors que nous sommes dans un contexte de reprise de l’inflation – même si les prévisions en la matière laissent à penser que cette remontée serait temporaire ?

Mme Jennifer De Temmerman (LT). Le Haut Conseil des finances publiques n’a pu se prononcer que sur une version tronquée du PLF 2022. Une partie des annonces successives du Président de la République n’y figure pas et sera ajoutée ultérieurement par amendement – c’est le fait du prince. C’est particulièrement inacceptable dans le contexte actuel : avec ce texte à trous, nous avons l’impression que l’exécutif ajoute de l’incertitude à une situation budgétaire déjà obscure.

Vous indiquez être incapable de valider le réalisme de la prévision de déficit à 4,8 % du PIB en 2022, faute de disposer de tous les éléments. Ce niveau de déficit est donc amené à évoluer au cours des discussions parlementaires. Compte tenu du coût estimé des mesures annoncées, soit 30 milliards d’euros pour le nouveau plan de relance et 2 milliards d’euros pour le revenu d’engagement pour les jeunes, êtes-vous déjà en mesure de nous indiquer de combien de points de PIB le déficit risque de s’aggraver ? Notre groupe espère que le Haut Conseil sera saisi des amendements du Gouvernement pour formuler un nouvel avis.

Ayant été professeur de lettres, j’affectionne particulièrement les champs lexicaux. Celui que vous avez utilisé est intéressant : vous jugez le surcroît de recettes « probable », le taux de croissance en 2022 « plausible »… S’agit-il seulement d’effets de style, d’un langage diplomatique, ou bien ces qualificatifs traduisent-ils réellement un niveau de sincérité budgétaire plus ou moins élevé ? J’apprécie l’impressionnisme en peinture, beaucoup moins en matière de finances publiques.

Enfin, lorsqu’à l’alinéa 68 de l’avis, vous jugez raisonnables les prévisions de dépenses pour 2022 sans pour autant vous prononcer sur leur réalisme, faut-il comprendre que nous sommes face à un trompe-l’œil du Gouvernement ? Nous ne pouvons nous en satisfaire.

Mme Sabine Rubin (LFI). L’exigence de sincérité budgétaire figure à l’article 32 de la LOLF, qui dispose que « les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».

Or, comme vous l’avez vous-même relevé, s’agissant des charges, une série de mesures annoncées par le président Macron n’apparaissent pas dans le PLF. On ne sait pas en quoi elles consistent ni comment elles pourront être financées. Quant aux recettes, elles sont sous-estimées au regard des prévisions de croissance, qui font pourtant l’objet d’un consensus. Une hypothèse pessimiste est également retenue concernant l’emploi.

J’entends la majorité parler de prudence. Le Haut Conseil indique quant à lui que le PLF est incomplet. Je préfère dire qu’il s’agit d’une tambouille, voire d’une magouille de communication, dans le prolongement de celle, d’ailleurs pointée par la Cour des comptes, de la sous-exécution du budget en 2020, à hauteur de 30 milliards d’euros.

Ne peut-on se mettre d’accord sur des définitions précises ? Ce projet de budget est insincère au regard des prescriptions de la LOLF, le Gouvernement ne tenant pas compte des prévisions raisonnables – en l’occurrence celles de la croissance et de l’emploi.

M. Alain Bruneel (GDR). Je vous remercie pour votre présentation de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, qui est donc incomplet puisqu’il reste suspendu aux décisions verticales du Président de la République concernant certaines dépenses. Le Haut Conseil subit désormais le même traitement que celui qui est réservé aux députés depuis plusieurs années : le mépris permanent.

Au vu du caractère incomplet du projet de loi, je concentrerai mon intervention sur son aspect macroéconomique. Le Haut Conseil juge les prévisions de croissance, de 6 % pour 2021 et de 4 % pour 2022, plausibles. Est-on capable de mesurer la part de la croissance qui est imputable au plan de relance ?

On parle beaucoup des emplois non pourvus et du retour de l’inflation, qui laisseraient penser que l’activité est proche de son maximum. Pourtant, ces éléments restent très marginaux, alors même que l’économie n’a toujours pas retrouvé son niveau de 2019. Ne pensez-vous pas que des marges de croissance existent et qu’il faut encore amplifier la relance, comme aux États-Unis, en donnant la priorité à la demande et aux ménages, qui ont été largement oubliés lors du plan de relance ?

Enfin, le niveau d’épargne se situe à un niveau record, les restrictions liées à la pandémie ayant conduit les ménages les plus riches à épargner fortement. Comment analysez-vous cette épargne ? N’est-il pas nécessaire d’appliquer, au moins de manière temporaire, des mécanismes fiscaux pour la mobiliser, par exemple en imposant le patrimoine ?

Dans la dernière phrase de l’avis, le Haut Conseil propose d’affecter tout surcroît de recettes au désendettement. Dans un contexte où les besoins économiques et sociaux sont immenses, et alors que la crise n’est pas encore derrière nous, une telle proposition, dénuée de fondement économique, s’avère dangereuse et irresponsable.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous sommes rassurés de savoir que le Haut Conseil ne fait pas de politique. On a beaucoup critiqué le Gouvernement lorsqu’il nous est arrivé de découvrir certaines choses dans la presse, mais notre commission a été également un peu perturbée de lire hier, dans un journal économique, quelques-uns des éléments de l’avis qui nous est présenté ce matin.

À entendre mes collègues, j’ai le sentiment qu’ils oublient que nous ne sommes toujours pas sortis de la crise. Si ni le revenu d’engagement pour les jeunes ni le plan d’investissement ne figurent dans le PLF, c’est parce que les consultations se poursuivent pour adapter au mieux ces mesures aux besoins de l’économie, notamment au vu des difficultés de recrutement. Il est exact que cela complique le travail du Haut Conseil, et nous espérons tous que le Gouvernement le saisira de ses amendements. Mais il est vertueux de prendre le temps de consulter et d’ajuster les mesures – on nous a suffisamment reproché d’agir dans la précipitation.

Philippe Martin, dont un journal économique publie une interview ce matin, n’est pas en phase avec vos propos sur la soutenabilité de la dette publique. Il affirme en effet que, lorsque les taux d’intérêt sont aussi bas, on peut avoir un déficit et dégrader le ratio dette/PIB car il n’y a pas de risque pour cette soutenabilité. On aborde le débat sur ce point de manière trop figée. En matière climatique, par exemple, les catastrophes de cet été, notamment les inondations en Allemagne, montrent quel est le prix de l’inaction. Investir pour l’avenir, c’est éviter des dépenses accrues demain. Cela vaut également pour la santé, comme on a pu le constater à l’occasion de la crise sanitaire. Nous devons conserver cette perspective à l’esprit lors de nos prochains débats.

M. Patrick Hetzel. Vous avez indiqué que les éléments dont vous disposiez étaient, hélas ! incomplets, car le Gouvernement ne vous a pas fourni toutes les informations. Dès lors, considérez-vous que le budget peut être considéré comme sincère ou est-il insincère ?

La dette publique atteignant un niveau inédit de 3 000 milliards d’euros, estimez-vous que le budget présenté par le Gouvernement reste encore soutenable ?

Enfin, l’économiste Philippe Martin déclare ce matin dans Les Échos que « les nouvelles dépenses qui s’additionnent légitiment la réforme des retraites ». Partagez-vous cet avis ?

M. Michel Castellani. Je remercie le Haut Conseil pour cet avis équilibré et prudent.

Nous sommes à l’évidence confrontés à une situation très tendue et incertaine, puisqu’on ignore non seulement l’évolution de la pandémie mais aussi celle des taux d’intérêt, du commerce mondial et de la croissance mondiale. Se pose la question de savoir comment stabiliser les choses alors qu’il est difficile d’envisager l’augmentation des impôts et que tout le monde est d’accord pour baisser les dépenses publiques, sauf celles qui concernent la santé, le social, l’enseignement, la sécurité… bref : toutes !

Serait-il possible de mieux orienter l’épargne liquide domestique, qui est importante et croissante, vers les obligations d’État ? Le remboursement des dettes à l’étranger exerce un effet dépressif, alors que, opéré en circuit intérieur, ce même remboursement est neutre en matière de croissance. Dès lors, comment rendre l’endettement public plus attractif pour l’épargne intérieure ?

M. Fabrice Brun. Je souhaite aborder quelques questions concrètes, importantes pour décrypter le budget de la nation et l’évolution de la dette publique, alors que le ventilateur à milliards tourne à plein régime et que les effets de la crise sanitaire sont encore prégnants.

Depuis le début de janvier 2021, nous assistons à une remontée progressive du taux d’intérêt des obligations françaises à dix ans. Quelles sont les conséquences sur notre endettement à moyen terme ?

Quels sont les facteurs qui expliquent la remontée de l’inflation ? Est-ce un mouvement durable ? Surtout, quels peuvent en être les effets sur les taux intérêt et sur la charge de la dette ?

M. Julien Aubert. On sait que les surcoûts liés aux dépenses d’énergie seront importants dans les mois à venir. Au vu de la manière dont ils ont été intégrés dans le projet de budget, notamment pour l’accompagnement de la transition énergétique, pensez-vous que cela puisse conduire le Gouvernement à revoir sa copie en cours de route ?

M. le président Éric Woerth. On peut penser aussi, à cet égard, aux collectivités locales, dont les dépenses d’énergie sont très importantes.

M. Pierre Moscovici. Vous m’avez posé de nombreuses questions, dont plusieurs portent sur le champ lexical de l’avis – j’ai apprécié la leçon, madame De Temmerman.

Le Haut Conseil, je le répète, ne fait pas de politique. Ses discussions internes ne sont pas de nature politique, au sens partisan du terme, et je souhaite qu’il ne soit pas impliqué dans le débat politique : il a pour rôle d’éclairer le débat public, ce qui est différent.

Cet avis n’est ni doux ni dur, ni indulgent ni sévère. Il est collégial et objectif, et il est borné par un mandat. Ce qui compte, c’est la présentation que je fais devant vous, au nom du collège, de l’avis qui a été rendu public au moment même de l’ouverture des débats de votre commission, et non des articles de presse qui reprennent des versions antérieures de l’avis, et même des versions qui n’ont pas existé, ce qui est encore plus fantaisiste !

Mon rôle est de garantir la crédibilité du Haut Conseil, auquel je crois fondamentalement. J’y crois, car nous avons besoin d’un tel organe, collégial et indépendant : j’ai pu mesurer, dans des fonctions antérieures, combien il peut être, dans les pays européens où il est doté d’un rôle plus important, très positif pour le débat public.

J’y crois, car l’existence du Haut Conseil a contribué, cela a été démontré, à améliorer, en toute hypothèse, le réalisme des prévisions faites par le Gouvernement.

J’y crois, car la plupart des rapports consacrés à l’avenir des règles européennes soulignent la nécessité d’accroître le rôle des institutions budgétaires indépendantes. Mais pour être indépendant, il faut précisément respecter certaines règles, dont la discrétion fait partie, et s’en tenir à son périmètre de compétence et au mandat confié.

Vous m’avez interrogé sur la sincérité budgétaire, mais nous n’avons pas débattu de cette question au sein du Haut Conseil – la sincérité peut être appréciée ex post, par rapport à une loi qui a été votée. La Cour des comptes l’a fait une fois, et je crois – j’interviens un instant en tant que Premier président de la Cour – qu’elle ne doit le faire qu’avec une très grande prudence, car ce sont des sujets extrêmement radioactifs et une telle intervention ne se justifie que dans des cas tout à fait massifs. Tel n’est pas le cas, en l’espèce. L’avis du Haut Conseil porte sur la cohérence, le réalisme, notamment sur le plan macroéconomique. C’est pourquoi le champ lexical utilisé est extrêmement précis : quand nous disons que c’est plausible ou que c’est raisonnable, ça l’est.

Cet avis me semble pesé au trébuchet et rédigé de manière objective. Ne posons pas les questions en termes de sincérité. Lorsque nous indiquons que les éléments sont incomplets, nous constatons simplement que nous ne pouvons pas attester d’un chiffre ou le qualifier de plausible puisqu’il va être influencé par des facteurs qui, à l’heure où nous parlons, ne sont pas inclus dans les documents dont nous disposons. C’est la raison pour laquelle nous devons, me semble-t-il, être saisis des amendements annoncés, ne serait-ce que pour revenir quelques minutes devant vous et vous fournir une nouvelle évaluation du niveau de déficit que nous estimerons plausible. Ce sera excellent pour le Parlement, pour l’opinion publique, pour le débat public, pour le citoyen, et aussi pour ceux qui nous regardent en Europe.

J’en viens à un certain nombre de questions plus précises.

Une inflation plus élevée est sans doute favorable à court terme aux finances publiques, comme le montre une analyse publiée par le Haut Conseil. En revanche, un dérapage inflationniste durable aurait davantage de conséquences, en raison de ses effets sur le fonctionnement de l’économie. La situation la plus risquée serait celle où l’inflation reviendrait à des niveaux que nous avons connus dans le passé ; ce n’est pas le cas actuellement.

Nos partenaires n’opèrent pas de cantonnement de la « dette covid » – à ma connaissance, le mécanisme français de la Caisse d’amortissement de la dette sociale est unique –, ce qui ne les empêche pas de prévoir une diminution de leur ratio de dette assez rapide, et en tout cas plus rapide qu’en France. Vous avez évoqué l’Allemagne – vous auriez aussi pu citer les Pays-Bas –, mais la situation est en réalité la même dans la plupart des pays européens, y compris en Italie et en Espagne, comme l’a bien montré la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin dernier. Nous ne pourrons pas faire l’économie de ce débat après 2022.

Je vous confirme, madame Louwagie, que les dépenses ordinaires ont augmenté de 99 milliards d’euros sur la période, et qu’il faut y ajouter 30 milliards de dépenses supplémentaires liées à la relance et à l’urgence.

La prudence est une vertu, à condition bien sûr qu’elle soit réaliste et qu’elle ne serve pas à anticiper des bonnes nouvelles à venir. Nous devons donc être, si j’ose dire, « réalistement prudents ».

Vous m’avez demandé quel serait l’impact du plan d’investissement sur le déficit. Pour le savoir, nous devons attendre que le Gouvernement dépose les amendements correspondants. On parle de 30 milliards d’euros investis à l’horizon 2030, mais nous ignorons quel effet aura ce plan sur le scénario macroéconomique et l’état des finances publiques en 2022 – tout dépendra de son phasage et du rythme auquel il montera en puissance. Si j’en crois ce qui a été annoncé, le plan d’investissement devrait comprendre des mesures visant à accompagner la transition énergétique : ce sont ces éléments qui me permettront de répondre à la dernière question de M. Aubert. Je le répète, je ne peux pas savoir à quel montant s’élèveront les dépenses intégrées à ce titre dans le PLF pour 2022.

Le Gouvernement considère que le plan de relance devrait soutenir la croissance à hauteur de 1 point de PIB en 2022. Le Haut Conseil des finances publiques est un tantinet plus prudent : il estime que cet impact devrait être un peu plus faible puisque des investissements très importants ont déjà été réalisés en 2021.

Les taux d’intérêt sont déjà remontés au cours des derniers mois. Si cette tendance se poursuivait, elle pourrait avoir des conséquences notables sur la prévision d’évolution de la charge d’intérêts. Le risque de remontée des taux est l’un des principaux aléas auxquels pense le Haut Conseil quand il appelle le Gouvernement à la plus grande vigilance en matière de soutenabilité de la trajectoire des finances publiques. Si la charge de la dette s’est réduite du fait de la baisse des taux, la forte croissance de la dette publique la rend plus sensible à une hausse éventuelle. L’Agence France Trésor estime ainsi qu’une hausse d’un point des taux d’intérêt renchérirait la charge d’intérêts de la dette de l’État de 2,5 milliards d’euros la première année et de 28,9 milliards sur dix ans – l’impact de ce choc serait nettement plus élevé qu’estimé avant la crise sanitaire.

Enfin, le Gouvernement suppose que le taux d’épargne reviendra en 2022 à son niveau antérieur à la crise. Ce point a été débattu au sein du Haut Conseil : certains estiment que la surépargne accumulée pourrait être débloquée un peu plus rapidement, tandis que d’autres pensent que les ménages seront plus prudents. Dans la situation inédite où nous nous trouvons, nous n’avons pas tranché en faveur de l’un ou de l’autre de ces scénarios. L’hypothèse du Gouvernement est crédible, mais il est également possible que les ménages se comportent autrement.

Mesdames et messieurs les députés, il me paraîtrait logique et sain que je puisse revenir devant nous, une fois connus les amendements que le Gouvernement déposera, afin de vous présenter l’avis du Haut Conseil des finances publiques quant à la plausibilité du niveau de déficit en toute connaissance de cause, comme cela a toujours été le cas jusqu’à présent.

 


—  1  —

   audition du ministre de l’économie, des finances
et de la relance et du ministre délégué
auprès du ministre de l’économie, des finances
et de la relance, chargé des comptes publics

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous accueillons M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, pour qu’ils nous présentent le projet de loi de finances (PLF) pour 2022, adopté ce matin par le Conseil des ministres. Avec cette audition, qui suit celle, ce matin, du président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), nous entamons le long parcours d’examen des textes budgétaires.

La première partie du projet de loi de finances, la partie fiscale, sera examinée en commission mardi 5 octobre et mercredi 6 octobre. Le délai de dépôt des amendements expirera le jeudi qui précède, soit jeudi 30 septembre, à 17 heures. Ce délai est le plus confortable de la législature, le projet de loi de finances n’ayant jamais, depuis cinq ans, été présenté aussi tôt dans l’année.

En séance publique, la discussion de la première partie commencera lundi 11 octobre et s’achèvera le 18 octobre, ce jour étant celui du débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, en vue d’un vote solennel sur l’ensemble de la première partie mardi 19 octobre, après les questions au Gouvernement.

L’examen de la seconde partie en commission des finances commencera mardi 19 octobre et durera jusqu’au vendredi 22 octobre. La commission se saisira ainsi successivement des missions inscrites à l’ordre du jour de la séance publique à compter du lundi 25 octobre. Je rappelle qu’aucune audition de ministre n’est prévue, car nous avons auditionné ceux-ci dans le cadre du Printemps de l’évaluation, conformément au choix que nous avons fait en accord avec le bureau de l’Assemblée. Nous examinerons les articles non rattachés mercredi 3 novembre et jeudi 4 novembre, en vue d’un examen en séance publique à partir du mercredi 10 novembre.

Le vote solennel sur l’ensemble de la première lecture du projet de loi de finances pour 2022 aura lieu mardi 16 novembre. La commission pourrait être amenée à siéger un samedi, comme l’an dernier, en fonction des circonstances. En outre, deux lundis matin seront consacrés à l’examen des crédits en séance publique.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de vous retrouver pour la présentation du cinquième projet de loi de finances du quinquennat du Président de la République Emmanuel Macron. J’espère que vous n’êtes pas trop lassés de me voir effectuer cet exercice devant vous – mais nous en reparlerons lorsque nous entamerons le prochain quinquennat, et que nous serons tous repartis pour cinq ans dans un exercice de stabilité sans précédent sous la Ve République.

Quelles sont les lignes de force suivies par cette majorité, depuis le début du quinquennat, en matière de budget et de finances publiques ? La maîtrise des comptes publics, la baisse des impôts et la sincérité.

S’agissant de la maîtrise des comptes publics, j’entends çà et là des critiques, qui sont bien naturelles en démocratie. Il est bon que la majorité réponde, et rappelle au bon souvenir de chacun que nous sommes la majorité qui a sorti le pays de la procédure pour déficit excessif en 2018, que nous sommes la majorité qui a rétabli les comptes publics en 2018, que nous sommes la majorité qui a engagé la baisse de la dette publique, laquelle ne cessait d’augmenter depuis 2008 et avait crû de 30 points de PIB, et que nous sommes la majorité qui a engagé la plus importante réduction d’impôts depuis vingt ans.

Le rétablissement des comptes publics opéré de 2017 à 2019 n’est pas tombé du ciel. Il est le fruit de décisions courageuses, dont la majorité doit être fière, d’autant qu’elles ont été controversées quand elles ont été prises, au motif qu’elles étaient trop dures, alors qu’on nous reproche à présent exactement le contraire. Nous avons supprimé les contrats aidés, pour 2 milliards d’euros. Nous avons réduit les dépenses des chambres de commerce et d’industrie, pour un demi-milliard d’euros. Nous avons engagé la réforme d’Action Logement. Toutes ces décisions courageuses prises par la majorité nous ont permis de parvenir à ce résultat. Ce n’est pas la conjoncture qui a fait la réduction des déficits, c’est la politique du Gouvernement. Ce n’est pas la conjoncture qui nous a permis de revenir sous le chiffre de 3 % de déficit public, ce sont des choix courageux de réduction des dépenses.

Dans un deuxième temps, certes, nous avons fortement augmenté la dépense publique, parce que nous étions confrontés à la crise la plus grave que la France a eu à connaître, en matière économique, depuis 1929. C’est un choix politique revendiqué. Nous avons utilisé la dépense publique à bon escient, pour protéger les salariés et les entreprises. Je le dis à ceux qui multiplient les propositions d’augmentation des dépenses publiques – certains voulant nationaliser les autoroutes pour 40 milliards d’euros, d’autres augmenter de 10 % les salaires aux frais de l’État pour 25 milliards, d’autres encore doubler le salaire des enseignants pour 50 milliards : tout cela me semble très décalé par rapport à la situation, et ne constitue pas à mes yeux une utilisation à bon escient de l’argent public, à l’inverse de ce que nous avons fait pendant la crise.

Enfin, en 2022, nous reviendrons progressivement à la normale. Nous réduisons le déficit public de 8,4 % à 4,8 % du PIB, nous ramenons le niveau de la dette publique de 116 à 114 points de PIB et nous présentons un projet d’amortissement de la dette covid sur vingt ans.

La deuxième ligne de force, que l’on retrouve dans le présent projet de loi de finances, c’est la baisse des impôts, à hauteur de 50 milliards d’euros, soit la plus forte en France depuis vingt ans, répartie à parts égales entre les ménages et les entreprises. Elle inclut la réduction de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, la suppression de la taxe d’habitation (TH) et le début de la baisse des impôts de production – d’ailleurs, je me réjouis de constater que chacun, à présent, trouve des vertus à celles-ci ; certains en parlent, nous, nous le faisons. Quant à la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (IS), nous l’avons tenue. Nous avions promis que toutes les entreprises seraient soumises à un taux d’impôt sur les sociétés de 25 % en 2022. Ce projet de loi de finances concrétise cette promesse : toutes les entreprises, sans exception, ont rejoint la moyenne européenne de l’impôt sur les sociétés, soit 25 %.

Tout cela nous permet de parvenir à un taux de prélèvements obligatoires de 43,5 % en 2022, le plus bas depuis dix ans, mais qui nous permet uniquement de rejoindre la frange supérieure de la moyenne européenne. C’est pourquoi je considère que, dans notre pays, les augmentations d’impôts sont une impasse et que nous devons tenir la ligne de réduction des impôts des Français, pour nous rapprocher de la moyenne européenne et garantir leur niveau de vie.

La troisième ligne de force, c’est la sincérité budgétaire, qui consiste à dire que chaque euro dépensé doit être financé, et à reconnaître, comme Olivier Dussopt et moi-même l’avons fait, que deux objets ne figurent pas dans le projet de loi de finances qui vous est présenté. Le premier, c’est le plan d’investissement, dont l’élaboration prend du temps, consacré à la discussion et à la concertation avec les partenaires sociaux, les élus locaux, les chercheurs et les scientifiques, pour savoir où l’investissement doit être fait. Le second, ce sont les mesures pour les jeunes, dont l’absence s’explique par une raison simple : la conjoncture économique est radicalement différente de ce qu’elle était au début de l’été. Nous sommes confrontés à une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, ce qui change la donne en matière d’emploi des jeunes.

Un mot sur la conjoncture économique. La croissance revient ; elle revient partout, en Europe et aux États-Unis comme en Chine, et elle revient fortement. Dans ce contexte, la France se singularise par la puissance de sa reprise économique. Nous prévoyons 6 % de croissance pour 2021. Il y a trois mois, cette prévision aurait été jugée optimiste ; aujourd’hui, elle paraît presque prudente par rapport aux évaluations des organismes internationaux et de la Banque de France. Je maintiens néanmoins nos prévisions de croissance à 6 % pour 2021 et à 4 % pour 2022. Nous avons retrouvé le niveau de chômage d’avant-crise, nous l’avons même amélioré. Le niveau d’investissement dans les entreprises est élevé, et la consommation est dynamique.

Tout cela prouve, me semble-t-il, l’efficacité du plan de relance que nous avons mis en place – je le souligne à destination de la majorité et des membres de la commission qui l’ont aussi adopté. Tout cela prouve aussi que le « quoi qu’il en coûte » était une politique réfléchie, efficace et nécessaire, et que protéger les salariés, les compétences, les entreprises, les savoir-faire, les artisans, les commerçants et les professions libérales était bien moins coûteux que devoir réparer ensuite les dégâts de la crise économique. Ce choix de protection, par la dépense publique et l’investissement de l’État, l’histoire vient de montrer qu’il était le seul choix responsable, celui qui nous permet de retrouver rapidement de la croissance et qui nous épargne le drame du chômage de masse et celui de faillites par centaines de milliers.

Le projet de loi de finances que nous vous présentons fait un choix clair : celui de la relance et de l’investissement. Nous mettons fin au « quoi qu’il en coûte ». Le fonds de solidarité sera supprimé à partir du 1er octobre, sauf dans les départements et les territoires d’outre-mer, qui font encore l’objet de mesures sanitaires restrictives. Les dispositifs forfaitaires tels que le fonds de solidarité seront remplacés par des dispositifs sur mesure, comme le dispositif « coûts fixes ». Le premier coûte plusieurs milliards d’euros par mois, le second 150 millions. Nous accélérons le déploiement du plan de relance, déjà bien engagé, avec 50 milliards d’euros : notre objectif est d’avoir engagé 70 milliards d’euros d’ici la fin de l’année 2021. Enfin, le Président de la République présentera un plan d’investissement, dont l’objectif sera d’accélérer la réindustrialisation de la France et de garantir notre indépendance en matière de technologies clés, telles que l’hydrogène vert, l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs.

Ce projet de loi de finances fait, en deuxième lieu, le choix clair d’un réarmement régalien. Les crédits supplémentaires prévus pour les armées – 1,7 milliard d’euros –, pour la justice – 700 millions d’euros – et pour l’intérieur, dans le cadre du Beauvau de la sécurité – 1,5 milliard d’euros – témoignent de l’engagement du Président de la République et de la majorité en faveur de la sécurité des Français et des missions régaliennes de l’État.

J’entends dire çà et là que le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement multiplieraient les annonces, et qu’ils auraient, depuis plusieurs semaines, sorti le carnet de chèques et arroseraient largement les Français de dépenses publiques.

M. Gilles Carrez. C’est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je rappelle que toutes les dépenses annoncées par le Président de la République et par le Premier ministre l’ont été en juillet, et que M. le ministre délégué chargé des comptes publics et moi-même avons dit que les dépenses de l’État augmenteraient de 11 milliards d’euros en 2022. Toutes les mesures que je viens d’indiquer seront financées par cette augmentation. Nous avons également fait le choix de réutiliser les crédits non consommés de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire pour réduire le déficit public de 2021, preuve de notre bonne gestion budgétaire, et pour financer une dépense d’urgence provoquée par l’augmentation du prix du gaz, laquelle nous a amenés, M. le Premier ministre et moi-même, à proposer un chèque énergie de 100 euros supplémentaires, pour 600 millions d’euros au total.

Si certains critiquent ces dépenses, qu’ils assument devant les Français qu’ils ne font pas le chèque énergie ! Il est trop facile d’expliquer sur les plateaux de télévision qu’il y a trop de dépenses et trop d’engagements de l’État, en niant que nous les avions annoncés depuis le début du mois de juillet, et, dans le même temps, de ne pas préciser aux Français quelles dépenses on voudrait couper. Où la hache tombera-t-elle ? Sur le chèque énergie, destiné aux Français les plus modestes ? Sur le recrutement de policiers supplémentaires ? Sur la protection des agriculteurs ? Sur les dépenses d’investissement que nous avons prévues dans les nouvelles technologies ? Sur l’assurance récolte, grâce à laquelle les agriculteurs seront enfin protégés contre les risques de perte de revenus liés aux calamités climatiques ? Que ceux qui dénoncent les dépenses excessives disent lesquelles, parmi celles que nous avons annoncées, ils retrancheraient ! L’honnêteté politique devrait, me semble-t-il, dicter ce type de réponse.

En revanche, je répète que nous avons devant nous un calendrier clair de rétablissement des finances publiques, où figurent toutes les dépenses annoncées depuis le mois de juillet, soit 11 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, ainsi que les 8 milliards d’euros du Plan d’urgence, dont la quasi-intégralité sera consacrée à la réduction du déficit public. Y figurent également un calendrier de retour de celui-ci sous 3 % d’ici 2027 et un amortissement de la dette covid d’ici à 2042, sur vingt ans.

Les instruments pour le rétablissement des finances publiques, vous les connaissez. Nous refusons d’utiliser celui auquel ont constamment recouru les gouvernements précédents, toutes majorités confondues, qui est l’augmentation des impôts. Nous lui préférons l’accélération de la croissance, la poursuite des réformes de structure, telles que celle de l’assurance chômage au 1er octobre de cette année, et la pluriannualité des dépenses publiques, telle qu’elle a été proposée par Laurent Saint-Martin et par le président de votre commission, Éric Woerth, et dont j’estime qu’elle devra, le moment venu, prendre un caractère constitutionnel, pour nous permettre de faire de véritables choix démocratiques en matière de dépenses.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Je commencerai par dire le plaisir que j’ai à vous retrouver au début de ce marathon budgétaire, dans la perspective des heures de séance publique que nous aurons à passer ensemble pour examiner le projet de loi de finances pour 2022. Celui-ci a pour objectif de traduire nos orientations et les stratégies en matière de finances publiques et économique que nous avons mises en œuvre depuis le début du quinquennat et pour répondre à la crise.

J’évoquerai trois points.

D’abord, le budget, tel que nous vous le présentons, tient les engagements du Président de la République et du Gouvernement. Il permet un réarmement des fonctions régaliennes. Nous respectons et mettons pleinement en œuvre la loi de programmation militaire, grâce à une augmentation de 1,7 milliard d’euros des crédits du ministère des armées. Nous augmentons les moyens du ministère de l’intérieur à hauteur de 1,5 milliard d’euros, en intégrant les trajectoires que nous avions prévues ainsi que les annonces faites par le Président de la République lors de la conclusion du Beauvau de la sécurité. Nous augmentons de 8 %, pour la deuxième année consécutive, le budget du ministère de la justice. Chacun s’était accordé à dire, l’an dernier, qu’une telle hausse, bienvenue, était historique par son montant. Elle l’est désormais doublement.

Dans le même temps, nous fixons une deuxième priorité : la jeunesse et l’éducation. Le budget du ministère de l’éducation nationale progressera de 1,7 milliard d’euros, dont 700 millions d’euros consacrés à la revalorisation du traitement des enseignants et au financement de la première tranche de la participation de l’État employeur à la protection sociale complémentaire des agents. Ce que je dis pour le ministère de l’éducation nationale vaut pour les autres. Le présent projet de budget permet à chaque ministère de franchir la première étape de la mise en œuvre de cette participation de l’État employeur. Les crédits du ministère de l’éducation nationale permettront aussi de conforter certaines politiques, par la création, par exemple, de 100 000 postes de service civique, et par le recrutement de 4 000 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), pour conforter les efforts consentis depuis le début du quinquennat en matière d’accueil des enfants en situation de handicap à l’école, dont résulte la création de près de 30 000 postes d’AESH en cinq ans.

Dans ce même domaine de l’éducation, de la recherche et de la préparation de l’avenir, les crédits du ministère de l’enseignement supérieur augmenteront de 700 millions d’euros. 550 millions d’euros correspondent à la marche prévue dans le cadre de la loi de programmation de la recherche. La différence tient à la mise en œuvre d’actions spécifiques, notamment en matière de tutorat, à l’occasion de la crise, dans le cadre de la reprise de cours en présentiel.

Nous maintiendrons les efforts consentis depuis plusieurs années en matière de transition écologique, qui est notre troisième priorité. Nous avons systématiquement augmenté les crédits consacrés au ministère de la transition écologique. Cette année, c’est encore vrai : l’augmentation de ses crédits s’élève à 1,5 milliard d’euros, hors plan de relance – rappelons que l’écologie, en 2021 et en 2022, peut mobiliser un tiers des dépenses engagées dans ce cadre, ce qui constitue le plus fort accélérateur que nous ayons connu en la matière. Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne les mobilités, ce budget permettra de poursuivre la trajectoire de reprise de la dette de la SNCF, conformément aux dispositions que vous avez votées à l’occasion de la réforme de cette entreprise.

Quatrième priorité qui trouve une traduction dans ce budget : le soutien aux publics les plus fragiles, dans toute leur diversité. Nous maintiendrons en 2022 le plus haut niveau de places d’hébergement d’urgence que nous ayons connu, soit 190 000 places. Leur gestion ne sera plus à la saison, mais à l’année. Du point de vue budgétaire, cela se traduit par une augmentation des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence, de 2017 à 2022, de 1,8 milliard à 2,7 milliards par an, ce qui démontre notre engagement en la matière.

Nous vous proposons aussi, dans ce projet de budget, de traduire un engagement pris par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale, consistant à revaloriser le montant de l’allocation adulte handicapé (AAH) pour les personnes qui en sont bénéficiaires et vivent en couple. Déjà, il y a trois ans, nous en avions revalorisé le montant de 90 euros par mois. Nous vous proposons de créer un système d’abattement, qui permettra à 120 000 couples de bénéficier d’une augmentation de l’AAH à hauteur de 110 euros par mois, pour un montant total de 200 millions d’euros.

Nous poursuivrons les efforts consentis depuis plusieurs années en direction de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Les sommes consacrées à cette priorité représentent environ un milliard d’euros, de façon transversale, et le budget piloté directement par notre collègue Élisabeth Moreno augmente systématiquement. Il sera augmenté de presque 25 %, pour atteindre un peu plus de 50 millions d’euros. Certes, ce montant n’est pas comparable à ceux que nous évoquons s’agissant des autres ministères, mais ces crédits permettent plusieurs avancées, notamment l’ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre du service 3919 depuis le mois de septembre.

Au titre du soutien aux plus fragiles, j’aimerais souligner les efforts que nous consentons, et que vous avez accompagnés, dans un secteur très différent, qui relève de la solidarité internationale : celui de l’aide publique au développement (APD). Le budget de celle-ci représentera en 2022 plus de 0,55 % du revenu national brut, conformément à l’engagement du Président de la République. Il connaîtra une augmentation d’un milliard d’euros. À l’échelle du quinquennat, les crédits consacrés à l’APD auront augmenté de 70 %, ce qui est aussi une démonstration du respect des engagements pris en matière d’accompagnement des projets de développement et de solidarité.

Dernier engagement : celui qui concerne les relations financières entre l’État et les collectivités locales. Ce budget se caractérise, ce qui n’est plus véritablement une surprise, par le maintien du montant de la dotation globale de fonctionnement versée par l’État aux collectivités locales, à hauteur de 26,8 milliards d’euros. Nous avons fait le choix de maintenir, dans un premier temps, les crédits de la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, et ceux de la DSIL, la dotation de solidarité à l’investissement local, à hauteur de 2 milliards d’euros, comme les années précédentes. Rappelons que, dans le cadre du plan de relance, nous avons consacré 2,6 milliards d’euros au soutien exceptionnel à l’investissement des collectivités locales, en plus de ces 2 milliards annuels. Par ailleurs, nous avons pris la décision, il y a quelques jours, sous l’autorité du Premier ministre, d’abonder les crédits de soutien à l’investissement des collectivités locales. Ainsi, le projet de loi de finances que nous vous présentons propose d’abonder les crédits de la DSIL de 350 millions d’euros, à destination des projets inscrits dans les CRTE, les contrats de relance et de transition écologique, signés entre l’État et le Gouvernement.

La péréquation verticale continuera sa progression, à hauteur de 95 millions d’euros pour la DSU, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, et autant pour la DSR, la dotation de solidarité rurale. Nous consacrerons certains crédits aux politiques de la ville et de l’aménagement du territoire. Ainsi, 47 millions d’euros permettront le déploiement de 200 cités éducatives, et 35 millions d’euros financeront, au titre du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), le développement de nouvelles maisons France services sur tout le territoire.

Je tiens à porter à votre connaissance la décision que nous avons prise de ne pas vous proposer une réforme de l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau. À la demande du Parlement, les services du Gouvernement ont remis au début de l’été un rapport, qui a été rendu public, sur les difficultés soulevées par cette fiscalité. Il nous semble plus sage de consacrer un temps plus long à la concertation avant de proposer une réforme, dans la mesure où il s’agit à la fois d’une question de soutenabilité pour les opérateurs de téléphonie et de dynamique des recettes pour les collectivités territoriales.

Ce projet de loi de finances nous permettra de continuer à mener des réformes en matière de sincérisation budgétaire et d’en ouvrir d’autres. Je pense notamment à des opérations de rebudgétisation, comme celles menées sur le compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, au travail fin mené sur les taux de mise en réserve et aux exercices d’évaluation et d’appréciation des efforts consentis par la dépense publique pour l’environnement et, a contrario, des conséquences négatives que peuvent avoir les actions publiques sur l’environnement : nous publierons dans quelques jours le budget vert, lequel tiendra compte de l’intégralité des remarques formulées par les parlementaires impliqués dans ce dossier l’année dernière, notamment pour élargir la cotation aux budgets annexes et aux dépenses fiscales et affiner la question des dépenses neutres, afin que le budget vert soit un outil approfondi et amélioré d’appréciation de l’effet des dépenses publiques sur l’environnement.

Troisième caractéristique de ce budget, rappelée tout à l’heure par Bruno Le Maire : en matière de fiscalité, il s’inscrit dans la continuité de ce que nous avons fait jusqu’à présent. Il n’ouvre aucun chantier fiscal majeur, ne crée aucun nouvel outil. Nous vous proposerons tout au plus des mises en conformité et certaines modernisations et simplifications, notamment dans le champ des petites taxes, ainsi que de poursuivre la trajectoire d’intégration des biocarburants dans les carburants conventionnels, au titre de la TIRIB, la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants.

En revanche, sont prévues, dans la continuité de ce que nous avons fait jusqu’à présent, la baisse de l’impôt sur les sociétés, afin que toutes les entreprises soient éligibles au taux de 25 % l’an prochain, et la suppression d’une deuxième tranche de la taxe d’habitation pour les ménages dont la résidence principale est toujours imposée à ce titre. Cela représente environ 6 milliards d’euros, ce qui nous permettra d’atteindre un montant total de baisses d’impôts, à l’échelle du quinquennat, de 50 milliards d’euros. Il s’agit d’un montant important, qui nous permettra d’avoir un taux de prélèvements obligatoires de 43,5 %, soit le même qu’en 2011. Cela signifie qu’avec les suppressions d’impôts que nous vous aurons proposées, nous aurons effacé les augmentations de fiscalité opérées à partir de 2010-2011, à la suite de la crise systémique – puisque, je tiens à le rappeler à ceux qui semblent l’oublier, la hausse de la fiscalité a couvert les deux quinquennats précédents, et non uniquement le dernier.

Associée à la revalorisation des revenus du travail, que nous garantissons et accompagnons chaque année, cette politique fiscale nous permet de rendre du pouvoir d’achat aux ménages français. Je pense notamment à la prime d’activité et à ce que nous avons fait en matière d’exonération de cotisations et de transfert de leur recouvrement. Il faut avoir à l’esprit qu’à l’échelle de ce quinquennat, et en dépit de la crise que nous avons connue en 2020 et en 2021, la hausse moyenne du pouvoir d’achat sera de 1,6 % pour les ménages français, contre 1,4 % pour le quinquennat 2007-2012 et 0,4 % pour le quinquennat 2012-2017. Ce pouvoir d’achat rendu aux Français est utile, comme nous le constatons davantage encore en sortie de crise.

Je terminerai par quelques mots sur les résultats que nous attendons, et qui se traduisent dans les indicateurs macroéconomiques. Le fait que le déficit public soit ramené à 4,8 %, soit la moitié de ce que nous avons connu en 2020 et presque la moitié de celui que nous connaîtrons en 2021, est un point important, qui se mesure aussi en valeur : le déficit public est attendu autour de 125 milliards d’euros, contre 210 milliards cette année et l’année dernière. La dette publique sera stabilisée et diminuera même légèrement, s’établissant à 114 %. Le taux des prélèvements obligatoires, je le disais, atteindra 43,5 %. La dépense publique, quant à elle, représentera en 2022 un peu plus de 55 % du PIB, soit un niveau que nous avons connu avant la crise. Il y a encore un peu de chemin pour retrouver le niveau de 2019, à savoir 53,8 %, mais si nous arrivons à retrouver un niveau comparable à celui d’avant la crise, c’est aussi parce que, hors relance, les dépenses dites ordinaires de l’État n’augmenteront en volume que de 0,8 %, ce qui correspond peu ou prou à l’évolution que nous avons connue au cours des trois premières années du quinquennat et qui nous avait permis de tenir nos engagements européens et en matière de finances publiques.

M. le président Éric Woerth. Le projet de loi de finances doit être appréhendé à l’aune de la crise. S’il n’y avait pas eu de crise, des résultats comme ceux qui nous sont présentés seraient évidemment désastreux. Ils ne le sont pas quand on considère la puissance de la crise et ses effets. Néanmoins, cela rend extrêmement difficile toute comparaison avec les engagements antérieurs – on le voit, par exemple, lorsque le HCFP tente de mesurer les écarts par rapport à la loi de programmation, ce qui est tout simplement impossible, comme cela avait été le cas en 2009, d’ailleurs. S’agit-il, pour autant, d’un PLF de sortie de crise, c’est-à-dire qui tire les leçons de celle-ci et qui donne des perspectives ? Pas tout à fait.

C’est un PLF qui accompagne la sortie de crise. Les dépenses sont en diminution – j’y reviendrai – par rapport au pic de 2021, mais des dépenses courantes se substituent à un certain nombre de dépenses de crise. Les recettes, quant à elles, retrouvent un niveau équivalent à celui que l’on connaissait auparavant, c’est-à-dire de l’ordre de 290 milliards d’euros. Le déficit est presque divisé par deux. Il y a aussi beaucoup moins de croissance en 2022 qu’en 2021. La croissance ne sera-t-elle qu’un feu de paille, comme dans d’autres pays ? Le taux d’endettement diminue, mais son augmentation pourrait reprendre en 2023. On constate une stabilité fiscale, après des baisses importantes, tant pour les ménages que pour les entreprises.

Est-ce suffisant ? Je ne le crois pas. En effet, je vois poindre le risque d’une augmentation structurelle de la dépense ordinaire.

D’abord, vous êtes passés de l’activité partielle au PLF partiel, car vous ne présentez pas la totalité du budget. En effet, vous avez annoncé des amendements qui viendront augmenter les dépenses : il y aura un plan d’investissement, la création d’un revenu pour les jeunes et peut-être d’autres choses encore. Pourriez-vous au moins nous dire de quel type de dépenses il s’agira et à combien elles s’élèveront ? Vous aviez déjà annoncé 11 milliards de dépenses supplémentaires avant l’été, dont un tiers était consacré aux différentes lois de programmation thématiques. Cette nouvelle augmentation va-t-elle modifier les équilibres, notamment le solde ? Le HCFP sera-t-il de nouveau saisi par le Gouvernement ?

Ensuite, au-delà de l’État, quand on raisonne « toutes APU », c’est-à-dire toutes administrations publiques confondues, l’augmentation des dépenses courantes représente 32 milliards d’euros – 100 milliards sur trois ans –, selon les chiffres du HCFP. S’il n’y avait que les 11 milliards d’augmentation pour le budget de l’État, cela correspondrait à peu près au niveau moyen de l’augmentation de la dépense observée année après année ; ces 32 milliards toutes APU, en revanche, représentent une accélération de 25 % par rapport à la norme habituelle d’augmentation des dépenses. Cela va donc bien au-delà des dépenses liées à la crise.

Il est vrai qu’il ne faut pas réduire trop brutalement les dépenses, tout le monde en est d’accord, mais ce que nous a appris la crise de 2008-2009 – à cette époque, du reste, la BCE n’avait pas agi de la même façon –, ce n’est pas qu’il faut accélérer la hausse des dépenses courantes, c’est-à-dire de dépenses que l’on retrouvera chaque année, c’est au contraire qu’il faut privilégier les dépenses d’investissement, éviter les ruptures brutales et, pour ce faire, prévoir des sorties en sifflet. En définitive, le danger est de franchir une nouvelle étape dans la hausse durable des dépenses. D’ailleurs, en 2022, le niveau des dépenses rapportées au PIB se situe à 55,6 %, alors même qu’il s’agissait quasiment d’un sommet avant la crise. En résumé, vous ne pouvez pas gager l’augmentation des dépenses ordinaires par la baisse des dépenses exceptionnelles, parce que cela reviendrait à prolonger ces dernières.

Il me semble urgent d’envoyer un certain nombre de signes. Dans ce PLF, il y en a un, certes un peu timide mais réel : le cantonnement sur vingt ans de la dette covid de l’État – celle du secteur social étant déjà prise en compte par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) –, à hauteur de 165 milliards d’euros. Cela fait beaucoup en valeur absolue, mais c’est peu au regard des 3 000 milliards de dette publique. Vingt ans suffiront-ils, et ce mécanisme nous permettra-t-il de faire face aux autres crises qui surviendront ? Cela mérite évidemment que l’on en discute ; toujours est-il qu’il s’agit d’un signe important. D’autres me semblent indispensables, que ce soit la modification de certaines règles – il a été question de l’évolution de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, mais bien d’autres choses pourraient changer – ou l’encadrement et la revue des dépenses. La logique de moyens doit laisser la place à une logique d’efficacité de la dépense et la logique d’investissement doit prévaloir sur la logique de fonctionnement.

In fine, notre situation financière est-elle meilleure par rapport à celle des autres pays à la fin de la crise qu’elle ne l’était au début ? Autrement dit, est-ce que nous sortons de la crise dans un meilleur état financier que les autres pays, sachant que nous y étions entrés dans un état de relative faiblesse par rapport à eux ? Dépenser n’est pas réformer. Or ce PLF est bien plus l’expression de dépenses que de réformes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le projet de loi de finances pour 2022 s’inscrit dans la continuité de choix politiques forts et assumés, qui ont été faits bien avant le début de la crise. Tout comme M. le ministre de l’économie, je déplore que se fasse entendre la petite musique selon laquelle le Président de la République serait déjà en campagne et utiliserait à cette fin le budget pour 2022. À ce compte-là, mes chers collègues, vous auriez dû être cohérents et nous adresser le même reproche depuis le début de la législature, car en vérité la philosophie de ce projet de loi de finances est la même que celle qui nous guide depuis cinq ans : protéger notre économie, susciter des boosters de croissance, créer de l’emploi et baisser les impôts des ménages ainsi que ceux des entreprises.

Il est ainsi proposé dans ce texte de mettre fin aux aides d’urgence, autrement dit au « quoi qu’il en coûte », exactement comme cela avait été annoncé. Nous proposons également de poursuivre le plan de relance lancé il y a un an et de consommer effectivement l’enveloppe des 100 milliards d’euros, comme prévu, là encore. Nous continuons de financer des politiques publiques prioritaires, notamment dans le cadre des lois de programmation relatives à la défense, à la justice, à la recherche ou encore à l’aide publique au développement, adoptées pour certaines il y a bien longtemps. Nous protégeons les plus fragiles de nos concitoyens – je relève, à cet égard, les efforts consentis en faveur du chèque énergie, du soutien aux étudiants ou encore de l’allocation aux adultes handicapés. Enfin, non seulement nous n’avons pas augmenté les impôts de nos concitoyens, mais voilà cinq ans que nous les diminuons. C’était là un engagement majeur ; nous continuons à le mettre en œuvre, notamment avec la baisse de la taxe d’habitation et de l’impôt sur les sociétés.

Cette stratégie donne des résultats, nous l’avons prouvé. Qui dirait que la forte reprise économique n’a rien à voir avec le soutien massif aux salariés et aux entreprises qui a été déployé depuis dix-huit mois ? Qui dirait qu’elle n’est pas boostée par le plan de relance, auquel il faudra, en effet – nous l’assumons –, adjoindre un nouveau plan d’investissement à l’horizon de 2030 ? Qui dirait qu’elle n’est pas confortée par une politique claire de modération fiscale, qui confirme les baisses sans précédent opérées depuis le début du quinquennat – plus de 50 milliards d’euros –, lesquelles ont permis notamment de voir progresser chaque année le pouvoir d’achat des Français ?

Là où vous avez raison, mes chers collègues, là où nous avons raison collectivement, c’est quand nous disons que tout cela a un coût. Le niveau d’endettement est un sujet d’attention. C’est précisément pour cela que nous voulons, avec Éric Woerth, réformer la loi organique relative aux lois de finances ; il s’agirait, entre autres, d’organiser un débat sur la dette publique dans l’hémicycle, ce qui serait une première.

Cela dit, les prévisions relatives au ratio de dette publique pour 2021 et 2022 figurant dans le projet de loi de finances sont meilleures que celles présentées en avril dans le programme de stabilité. Messieurs les ministres, cette amélioration est-elle de nature à modifier la trajectoire de l’endettement public pour les prochaines années, y compris au-delà de 2022 ? Pouvez-vous nous préciser quelle serait la trajectoire actualisée ?

S’agissant toujours de l’endettement – vous voyez, mes chers collègues, que je tiens à vous rassurer et à vous démontrer qu’il s’agit à nos yeux d’un sujet important –, nous aurons l’occasion de débattre de la proposition du Gouvernement de cantonner la dette covid et d’entamer son remboursement grâce aux fruits de la croissance. Messieurs les ministres, pourriez-vous nous donner plus de détails sur la trajectoire de désendettement retenue ? Si j’ai bien compris, le montant de cette dette est évalué à 165 milliards d’euros et son remboursement s’effectuera sur une vingtaine d’années, ce qui représente 8 milliards d’euros par an environ en crédits de paiement.

Pour en revenir aux dépenses, et bien que les arbitrages soient encore en cours, pourriez-vous nous indiquer certaines des modalités de présentation budgétaire et les ordres de grandeur des mesures qui seront présentées par voie d’amendement – à savoir le plan d’investissement et le revenu d’engagement, qui sont encore les deux inconnues à ce stade ? En tant que rapporteur général, je vous demanderai de vous engager à ce que ces amendements arrivent en première lecture à l’Assemblée nationale – pas dans une autre chambre et pas à l’occasion d’une autre lecture.

S’agissant plus largement de la dépense publique, le graphique qui figure à la page 11 du projet de loi de finances et retrace son évolution à champ courant montre selon moi deux choses : d’une part, que le quinquennat qui s’achève aura vu la dépense publique progresser moins que les trois précédents ; d’autre part, que son augmentation en 2022 sera moindre qu’en 2020 et 2021, contrairement aux déclarations de certains – dont on attend de débattre des amendements qu’ils déposeront pour supprimer certains crédits… Une question se pose toutefois : dans quelle mesure, messieurs les ministres, ces constats pourraient-ils être modifiés à la suite des compléments que vous apporterez par voie d’amendement à ce texte dans les prochaines semaines ?

M. Alexandre Holroyd (LaREM). J’abonderai dans le sens de M. le rapporteur général : le PLF pour 2022 confirme les principales orientations qui sont celles de la majorité depuis cinq ans.

Il confirme que notre majorité est bien celle de la baisse des prélèvements obligatoires : 25 milliards en moins pour les Français, écrasés jusqu’alors par l’impôt, et 25 milliards de baisse pour les entreprises, ce qui permet de regagner peu à peu l’attractivité dont on a tant besoin.

Le PLF confirme aussi que cette majorité est celle qui se soucie des plus fragiles, à travers le chèque énergie, l’hébergement d’urgence, ou encore l’allocation aux adultes handicapés, qui aura connu au cours du quinquennat une revalorisation inédite dans notre histoire.

C’est également une majorité qui renforce le régalien – la justice, les armées, la police –, lequel avait été délaissé par les précédentes.

C’est enfin une majorité qui protège les collectivités territoriales : je note que, pour la cinquième année consécutive, la dotation globale de fonctionnement restera stable.

En outre, le PLF démontre l’incroyable efficacité de la réaction de l’État dans la crise : vingt mois après le début de la plus grande crise que l’on a connue depuis des décennies, le PIB a retrouvé son niveau antérieur à celle-ci, et il en va de même pour le chômage. Le pouvoir d’achat a été lui aussi protégé, malgré une diminution de 8 % du PIB l’année dernière. Quant à l’indice du climat des affaires, l’avis du Haut Conseil des finances publiques, qui nous était présenté ce matin, est très clair : il demeure proche des niveaux les plus élevés que l’on a connus durant la décennie précédant la crise sanitaire. Face à une crise d’une gravité sans commune mesure avec ce que l’on avait connu, la gestion a donc été d’une efficacité inédite.

Cette situation a évidemment des conséquences budgétaires, comme l’a dit M. le rapporteur général. Toutefois, le PLF offre un horizon clair pour le redressement des finances publiques, tout en préservant la compétitivité – il est difficile mais essentiel de trouver un équilibre entre ces deux exigences, puis de le préserver.

Le Haut Conseil des finances publiques note la prudence des prévisions du Gouvernement, ce qui est à mon sens une très bonne façon d’approcher les dépenses publiques. Il suggère d’affecter les recettes supplémentaires, s’il devait y en avoir, à un redressement plus rapide des finances publiques. J’aimerais connaître l’avis des ministres sur ce point.

Mme Véronique Louwagie (LR). La présentation du dernier projet de loi de finances d’une législature est une épreuve de vérité. Je me souviens d’avoir entendu dans cet exercice Michel Sapin, et quelque temps après Didier Migaud, alors président du Haut Conseil des finances publiques.

Monsieur le ministre de l’économie, vous et moi nous avons un point commun : nous sommes Normands. En règle générale, nous faisons donc la promotion du camembert. Or, aujourd’hui, vous nous présentez un budget ressemblant à un gruyère, avec des trous de tailles diverses. Il y a des trous concernant les dépenses – ce que vous ne contestez pas, d’ailleurs –, puisqu’il nous manque des informations à propos du revenu d’engagement et du plan d’investissement. Il y a également des trous en ce qui concerne les recettes, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques : celles qui sont assises sur les salaires, par exemple, sont sous-estimées.

Vous nous avez parlé d’« honnêteté politique », monsieur Le Maire, et vous, monsieur Dussopt, de « sincérité budgétaire ». Ce budget incomplet traduit pourtant une forme d’insincérité budgétaire – et c’est un expert-comptable qui vous le dit.

Je voudrais souligner, par ailleurs, le caractère abyssal de la dette : celle-ci avoisine les 3 000 milliards d’euros. Or, dans le cadre de ce budget, aucun débat sur la question n’est prévu ; cela devrait nous inquiéter, comme le soulignait ce matin le président Pierre Moscovici.

La majorité a fait des comparaisons avec les législatures précédentes. Quant à moi, je voudrais faire une comparaison avec l’Allemagne, pays avec lequel nous devrions former un tandem – ce qui suppose d’être synchronisés : fin 2021, notre dette a atteint 115 % du PIB, quand elle était de 70 % en Allemagne.

J’aborderai, pour finir, la question du niveau des dépenses publiques. La Cour des comptes a rappelé, en septembre dernier, qu’il était largement supérieur, avant la crise, à la moyenne de la zone euro – de l’ordre de 8,6 points de PIB en 2019. C’est un vrai problème.

M. Jean-Noël Barrot (Dem). Je voudrais marquer notre satisfaction. Nous sommes satisfaits, d’abord, des résultats de la loi de finances et des lois de finances rectificatives que nous avons examinées l’année dernière pendant la crise. Elles ont permis à l’économie française de résister mieux qu’ailleurs. La France est ainsi l’un des seuls pays où le taux de chômage a retrouvé un niveau comparable à celui d’avant la crise.

Nous sommes également satisfaits de la méthode, car le projet de loi de finances est présenté un peu plus tôt que prévu, ce qui nous laissera le temps de l’examiner – ainsi que les amendements que vous nous soumettrez, messieurs les ministres, dans les conditions qu’a indiquées M. le rapporteur général.

Nous sommes satisfaits, enfin, des choix politiques que reflète le texte. Il s’agit d’un budget de continuité et de stabilité ; c’est aussi le budget des promesses tenues. La fiscalité est stable, de même que les dotations aux collectivités. Les baisses d’impôts programmées – celle de la taxe d’habitation et celle de l’impôt sur les sociétés – sont maintenues, tout comme le sont les dépenses qui avaient été programmées bien avant la crise, notamment en matière de défense, d’aide au développement ou encore de transition écologique.

Vous le savez, messieurs les ministres, dans certains secteurs les entreprises rencontrent des difficultés de recrutement, et elles nous interpellent sur l’attractivité et la valorisation du travail. Ces difficultés pourraient ralentir le rebond de l’économie. Quelles sont les mesures votées par le passé ou inscrites cette année dans le budget qui permettraient d’y répondre ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Nous avons entendu ce matin l’avis du Haut Conseil des finances publiques. Or, pour la première fois de son histoire – récente il est vrai –, celui-ci s’est déclaré incapable de présenter un avis complet, dans la mesure où le PLF lui-même ne l’est pas. De fait, votre PLF est un véritable terrain de golf, tant les trous y sont nombreux : les annonces de plusieurs ministres, du Premier ministre et du Président de la République lui-même n’y sont pas toutes retracées. D’ailleurs, ce n’est pas le dernier budget du quinquennat du président Macron, c’est celui du président candidat à sa réélection.

Ainsi, plusieurs milliards d’euros de dépenses annoncées, à l’image du revenu d’engagement pour les jeunes ou encore du nouveau plan d’investissement, ne figurent pas dans ce PLF et devraient nous arriver par voie d’amendement. Or qui dit amendements dit absence d’étude d’impact et absence du temps pourtant nécessaire aux parlementaires pour mener un travail d’analyse sérieux. Et que l’on ne vienne pas nous répondre que la crise sanitaire explique ces manques : cela fait des mois que le groupe Socialistes et apparentés demande un revenu minimum pour les jeunes ainsi qu’un véritable plan de relance dans des domaines stratégiques comme l’énergie, la recherche biomédicale, l’alimentation, ou encore les transports.

On nous promet un revenu d’engagement. Est-il budgété ? Si oui, à quelle hauteur ? On nous annonce un plan d’investissement de 30 milliards d’euros. Quelle somme sera inscrite en 2022 ? Quels seront les secteurs stratégiques ciblés – à moins que vous ne continuiez le saupoudrage ?

Je voudrais aborder un autre point, selon moi majeur : la masse salariale de l’État. À en croire le HCFP, celle-ci serait minorée, peut-être pour donner à la droite l’image d’un exécutif taillant dans les effectifs. Il est facile d’annoncer des suppressions de postes, mais il est beaucoup moins aisé de les mettre en œuvre – tant mieux, d’ailleurs, si j’ose dire, car la crise aura au moins eu le mérite de révéler le manque criant d’effectifs et de moyens à l’hôpital, entre autres.

En ce qui concerne le financement des dépenses, si l’on peut compter sur la reprise pour augmenter les recettes fiscales et le produit des contributions sociales, on doit aussi regretter que les hauts revenus et les hauts patrimoines ne soient pas mis à contribution. Aucun dispositif de solidarité fiscale n’a été retenu, malgré l’échec du ruissellement, et les baisses d’impôts prévues pour 2022 sont maintenues.

Il a été question de 50 milliards d’euros de baisses d’impôts durant le quinquennat. Pourriez-vous nous fournir des éléments par décile concernant la baisse des impôts pour les ménages, et par catégorie d’entreprises pour la baisse des impôts dont celles-ci font l’objet ?

Je terminerai par une question certes annexe mais importante. Le décret concernant les établissements thermaux exploités en régie n’est toujours pas paru : pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?

Mme Lise Magnier (Agir ens). Ce projet de loi de finances marque, nous l’espérons tous, la sortie de la crise. Le temps a été effectivement à l’urgence en 2020, avec les projets de loi de finances rectificative successifs pour protéger, quoi qu’il en coûte, les ménages, les entreprises et les collectivités locales. Nous sommes convaincus, comme une très large majorité des Français, que l’action du Gouvernement a été massive et bien calibrée.

La loi de finances initiale pour 2021 conciliait tout à la fois l’urgence et la relance, afin de continuer à protéger les catégories les plus touchées par la crise, tout en amorçant la relance pour bâtir l’économie française de demain.

Il est donc effectivement temps de passer à un troisième temps, consacré au renforcement de la relance, à l’intensification de l’investissement et à la poursuite du recentrage de l’effort public sur les missions régaliennes de l’État.

Le groupe Agir ensemble ne peut qu’approuver ces trois priorités défendues à travers le projet de loi de finances pour 2022. Comme vous l’avez dit, elles s’inscrivent dans la continuité de l’action économique menée par le Gouvernement et la majorité depuis quatre ans. Nous saluons également la stabilité fiscale garantie par le texte – tout au moins, c’est l’impression qui émane d’un premier balayage. Cette stabilité est gage de clarté et de lisibilité, ce qu’attendent nos concitoyens et surtout les acteurs économiques.

En ce qui concerne la maîtrise de la dépense publique, vous le savez, notre groupe a toujours plaidé pour le plus grand sérieux budgétaire. C’est ce sérieux qui a permis de faire passer le déficit public sous la barre des 3 % du PIB avant la crise, faisant ainsi sortir la France de la procédure de déficit excessif. Mais la crise a évidemment changé la donne, et a eu un impact inédit sur nos finances publiques, à la hauteur de la réponse massive apportée par l’État. Il convient donc d’analyser le PLF à l’aune du choc massif qu’ont subi les finances publiques. Leur rétablissement est pour nous une nécessité, mais il doit être pensé selon deux critères : la qualité de la dépense publique engagée et le moment opportun pour mener des réformes susceptibles de se traduire par des économies.

En ce qui concerne la qualité de la dépense publique, le réarmement des missions régaliennes, conformément aux lois de programmation, ainsi que le renforcement de la relance et de l’investissement nous semblent pertinents.

S’agissant du calendrier proposé pour le rétablissement des finances publiques, nous devons être très vigilants afin de ne pas compromettre la soutenabilité de la dette publique. Nous saluons l’objectif d’un déficit à 3 % à l’horizon de 2027. Toutefois, pouvez-vous nous indiquer, au regard du budget que vous nous présentez, l’effort budgétaire en valeur qu’il nous faudra fournir dans les cinq prochaines années pour atteindre cet objectif ?

M. Charles de Courson (LT). Monsieur le ministre de l’économie, vous indiquez, dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances, que vous avez respecté trois grands engagements au cours des cinq dernières années.

Premièrement, vous dites avoir redressé les comptes publics entre 2017 et 2022. Or c’est faux. Si l’on raisonne en termes de déficit effectif, on en sera à 4,8 % en 2022, contre 3 % en 2017. Ce qui est plus significatif encore – et plus grave –, c’est le déficit structurel. Vous estimez qu’il sera de 3,7 % en 2022 – le Haut Conseil des finances publiques tablant quant à lui sur 4,7 % –, contre 2,4 % en 2017 et 2019. Autrement dit, après avoir été à peu près stable pendant trois ans, le déficit structurel augmente. Or, par définition, on ne compte pas dans ce chiffre les diverses mesures annoncées.

Ma première question est toute simple : avec un tel niveau de déficit structurel, où sont les économies en vue du redressement structurel des comptes publics ?

Deuxièmement, vous annoncez avoir amélioré durablement la compétitivité de la France. Si seulement c’était vrai ! Notre croissance est rognée par le déficit du commerce extérieur, qui est le signe de l’absence de compétitivité, ou à tout le moins d’une compétitivité insuffisante de notre économie. La balance commerciale de la France accuse un déficit croissant : 58 milliards d’euros en 2017 comme en 2019, mais 95 milliards en 2022, selon vos propres estimations, soit une augmentation des deux tiers. Le commerce extérieur coûte 0,3 à 0,4 point de croissance à la France chaque année. Certains de nos partenaires européens, notamment l’Allemagne, ont une balance commerciale structurellement excédentaire.

Ma deuxième question est donc la suivante : où sont, dans le budget pour 2022, les mesures destinées à améliorer notre compétitivité et à redresser notre balance commerciale ?

Troisièmement, vous parlez d’une baisse inédite voire massive des prélèvements obligatoires durant ces cinq ans, aux alentours de 52 milliards d’euros – 26 milliards pour les ménages et 26 milliards pour les entreprises.

D’abord, ces chiffres ne sont pas exacts. Vous estimez le taux des prélèvements obligatoires à 43,5 % en 2022 – chiffre que le Haut Conseil des finances publiques considère d’ailleurs comme sous-évalué –, alors qu’il était de 45,1 % en 2017. Cela fait 1,6 point de moins, ce qui représente 43 milliards d’euros. Si l’on en croit le HCFP, le véritable montant est de moins de 40 milliards.

Qui plus est, nous restons à un niveau nettement plus élevé que celui de l’Allemagne, où le taux est de 38,8 %, et au-dessus de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui s’établit à 33,8 %.

La pression fiscale demeure donc extrêmement forte. J’ajouterai qu’il est toujours facile de financer les baisses d’impôts à crédit. En effet, notre déficit structurel est en hausse de 1,3 point – voire 2,3 points –, ce qui veut dire qu’il a augmenté davantage que les prélèvements obligatoires n’ont diminué.

Comment comptez-vous réduire de manière substantielle notre pression fiscale de manière à rapprocher notre situation de celle de nos partenaires européens ?

M. Éric Coquerel (FI). Depuis cinq ans, Bruno Le Maire est le meilleur propagandiste de la politique du Gouvernement, mais chacun sait que propagande ne vaut pas vérité.

Ce budget dépense à la fois insuffisamment et mal. Il dépense mal, parce que vous avez de nouveau le regard tourné vers la question sacro-sainte du déficit. Vous nous avez d’ailleurs annoncé que, si Emmanuel Macron était réélu, il y aurait une baisse historique des dépenses publiques, de l’ordre de 0,7 % d’ici à 2027, et que les projets de loi de finances fixeraient désormais une sorte d’équivalent de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) des projets de loi de financement de la sécurité sociale – dont on connaît pourtant les résultats en termes de santé publique.

Deuxièmement, vous ne dépensez pas assez, dans la lignée de ce qui a été fait depuis deux ans – je parle des sommes réellement engagées, pas de celles qui ont été annoncées – dans le cadre du plan d’urgence et du plan de relance face au covid. Nous avons dépensé 6 % de notre PIB – quand les Américains investissaient 25 % du leur –, pour un résultat que vous décrivez de façon idéaliste : la relance économique serait là, on aurait retrouvé le niveau de chômage d’avant la crise. Or le nombre d’inscrits à Pôle emploi a augmenté de 5 % en deux ans ! En fait, les 6 % de croissance sont l’effet d’un rebond mécanique ; la réalité, ce sont les 300 000 suppressions d’emplois survenues depuis deux ans, dont 112 000 résultent de plans sociaux, sans parler de l’augmentation de la pauvreté. Selon les économistes Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, il faudrait 60 milliards d’euros supplémentaires pour traiter la seule question de la demande et des citoyens les moins favorisés. De plus, pour combler notre retard sur la stratégie nationale bas-carbone, il faudrait 15 à 18 milliards d’euros par an.

Pourquoi dépensez-vous mal ? Parce que vous continuez de réduire les recettes par des baisses d’impôt dont vous faites mine de penser qu’elles vont profiter à tous les Français, alors que tous les chiffres montrent que, jusqu’à présent, ce sont surtout les plus riches qui en ont bénéficié. Vous avez tout de même réussi l’exploit d’augmenter de 100 % le patrimoine des 500 plus grosses fortunes de France, avec une hausse de 30 % pour la seule année 2021 – un record absolu ! En outre, vous continuez de consacrer de l’argent aux entreprises, ce qui est très bien, mais sans condition, de sorte que, l’an dernier, seul 1,4 % de cet argent est allé aux salaires : il a surtout enrichi les actionnaires, qui ont touché 51 milliards d’euros de dividendes.

Enfin, ce budget comprend, pour un tiers – Laurent Saint-Martin estimant à 17 milliards d’euros, au bout du compte, le montant des nouvelles dépenses –, des éléments que l’on découvrira au fur et à mesure. C’est un problème de plus pour un budget qui ne saurait résoudre les problèmes de notre pays ni la crise à venir.

M. Jean-Paul Dufrègne (GDR). Ce dernier budget du quinquennat sonne l’heure du bilan. La majorité a loué la stabilité de la politique économique depuis 2017 ; je souscris entièrement à ce jugement, et le budget pour 2022 correspond bien aux standards habituels. Ne tournons pas autour du pot : vous êtes la majorité des riches.

Dans ce budget, aucune mesure fiscale nouvelle ; c’était annoncé de longue date, il n’y aura pas d’impôt de solidarité, même temporaire, après la crise. Pourtant, l’énorme stock d’épargne accumulé par les plus riches donnerait des marges de manœuvre ; mais vous êtes restés figés dans votre idéologie. Les baisses déjà votées seront reconduites : il y aura 6 milliards d’euros de prélèvements obligatoires en moins en 2022, du fait de la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les plus grandes entreprises et de la suppression de la taxe d’habitation des 20 % les plus riches. Je le redis, vous êtes la majorité des riches.

L’extinction progressive des dispositifs de soutien à l’économie offre de nouvelles marges de manœuvre budgétaires qui vous permettront de distribuer quelques crédits nouveaux à certains ministères, à quelques mois des échéances électorales. Ce procédé et la faible consistance de votre budget ne sauraient cacher votre idéologie néolibérale, tournée vers la réduction des dépenses et de la place de l’État. En laissant planer en permanence le spectre de la dette publique et en refusant d’aller chercher l’argent là où il est, c’est-à-dire chez les plus riches et dans les grandes entreprises, vous ne faites que confirmer que, bientôt, vous irez le prendre chez les plus pauvres grâce aux réformes antisociales prévues de longue date, comme celles de l’assurance chômage ou des retraites.

Les quelques dépenses nouvelles, qui ne sont en fait que des rattrapages et qui sont un élément de la future campagne présidentielle, ne cacheront pas le bilan net d’un quinquennat des riches, marqué par des baisses d’impôts faramineuses pour ces derniers et par une hausse sensible des inégalités économiques comme du nombre de pauvres et d’allocataires des minima sociaux.

Monsieur le ministre, la répartition des richesses dans notre pays est très injuste, reconnaissez-le. Pourriez-vous envisager une contribution exceptionnelle des hauts revenus et des hauts patrimoines, dont le produit serait réservé au remboursement de la dette covid ? Ce ne serait que justice. Mais vous direz sans doute non, puisque vous êtes la majorité des riches.

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour reprendre votre expression, monsieur le président, le présent projet de loi de finances accompagne la sortie de crise. Il ne laisse pas filer la dépense, il ne revient pas brutalement à l’austérité ; nous réduisons les dispositifs de soutien – la preuve, la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire connaît une sous-consommation de 8 milliards d’euros –, mais nous ne taillons pas massivement dans les dépenses publiques dès 2022, car cela tuerait la croissance, laquelle est la meilleure protection que l’on puisse apporter aux Français, pour leur niveau de vie et pour réduire la dette.

Je suis tout à fait prêt à saisir à nouveau le Haut Conseil des finances publiques ; nous n’avons rien à cacher, nous sommes totalement transparents. J’ai expliqué les raisons pour lesquelles ne figurent dans cette première version ni le plan d’investissement ni les mesures destinées aux jeunes les plus éloignés de l’emploi, mais, je le répète, je suis tout disposé à une seconde saisine.

Concernant la sortie de crise, la situation économique est bien meilleure qu’anticipé : la croissance de retour – plus de 6 % selon les instituts statistiques – est l’une des meilleures de la zone euro. L’objectif est désormais une croissance qui puisse durer : il ne s’agit pas de revenir à la croissance molle d’avant la crise. C’est cet objectif, celui du plan d’investissement, que nous essayons de faire partager à nos partenaires européens.

Concernant la réduction de la dépense, vous connaissez, monsieur le président, ma religion à ce sujet, celle-là même que vous avez présentée avec Laurent Saint-Martin : il faut changer les règles. Il y a des invariants : la croissance, les réformes de structure. Il y a une conviction forte : aucune augmentation d’impôts. Il y a enfin une méthode : la pluriannualité des dépenses. Pourquoi ? Parce qu’un volume global de dépenses sur cinq ans nous obligera tous à faire des choix démocratiques entre telle dépense et telle autre. Je propose depuis deux ans que la règle de pluriannualité des dépenses soit constitutionnelle. J’ai vu que l’un des candidats à l’élection présidentielle, Xavier Bertrand, reprenait cette proposition ce matin dans Les Échos ; tant mieux ! Si elle fait florès et si chacun, en particulier dans cette commission où siègent des spécialistes des comptes publics, comprend que la meilleure façon de tenir la dépense est de s’engager sur cinq ans, nous aurons fait tous ensemble œuvre utile – je tiens à vous en remercier, monsieur le président, ainsi que M. le rapporteur général.

Monsieur le rapporteur général, la dette va passer de 116 % du PIB en 2021 à 114 % en 2022. Sa réduction se ralentira ensuite puisque nous n’aurons plus le même niveau de croissance. Cela rend nécessaire de repasser sous les 3 % de déficit, dont je ne fais pas un fétiche, mais qui est le chiffre à partir duquel le ratio de dette sur PIB commence à baisser. Voilà pourquoi nous avons fixé à 2027 l’objectif de retour sous les 3 % de déficit.

La règle des 60 % de dette publique, qui pouvait avoir du sens à l’époque où un pays était à 55 % d’endettement public et un autre à 70 %, est obsolète aujourd’hui quand un État membre se rapproche des 70 % tandis qu’un autre, l’Italie, atteint presque les 170 %. Il faut donc imaginer – nous y travaillons avec nos partenaires européens, sur le fondement des propositions de la Commission et de manière sereine – la meilleure façon de réduire l’endettement public de chacun des membres de la zone euro sans que la règle s’impose comme un couperet à tous au même moment, ce qui est devenu tout simplement hors de portée. Une bonne politique de finances publiques tient compte de la réalité, et non des rêves de chacun.

D’autre part, il ne peut pas y avoir de zone monétaire commune sans règles communes. Ceux qui pensent que l’on peut s’affranchir de toutes les règles, alors que nous sommes dix-neuf et que nous avons été bien contents de profiter de la solidarité pendant la crise, se trompent. Certaines règles sont dépassées – les 60 % de dette publique –, d’autres restent nécessaires – les 3 % de déficit –, mais, de manière générale, nous avons besoin de règles communes, respectées par tous. La solidarité vaut quand les choses vont mal, mais aussi quand elles vont bien.

La dette covid s’élèvera à 165 milliards d’euros et elle sera isolée : nous avons prévu 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement pour commencer l’amortissement en 2022, et nous vous proposons que 6 % des recettes fiscales nouvelles soient affectées chaque année au remboursement de cette dette, afin de tenir l’objectif d’une fin d’amortissement en 2042. Vous voyez que nous ne voulons pas laisser toutes les recettes fiscales partir dans de nouvelles dépenses.

S’agissant enfin des deux éléments qui doivent être étudiés dans la suite de l’examen du projet de loi de finances, le plan d’investissement et les mesures de soutien aux jeunes, je vous confirme qu’ils seront introduits par voie d’amendement en première lecture à l’Assemblée nationale.

Monsieur Holroyd, je partage entièrement votre objectif d’affecter les recettes nouvelles à la réduction du déficit – et le surcroît de recettes nouvelles à l’amortissement de la dette, comme je l’ai dit. On ne peut pas parler de cagnotte quand il y a encore 4,8 % de déficit et 114 % de dette publique : il y a des comptes à rééquilibrer.

Madame Louwagie, au gruyère, je préfère le comté – ce qui paraît aller de soi pour un ministre des finances ! Dans le comté, il n’y a pas de trous ; dans notre PLF non plus. Simplement, deux objets sont mis à part, sur étagère ; nous les étudierons plus tard, pour des raisons sur lesquelles je ne reviens pas. Il y a dans ce budget une sincérité à laquelle nous tenons.

Monsieur Barrot, la pénurie de main-d’œuvre est l’une des deux grandes questions préoccupantes pour l’économie française, avec l’augmentation du coût des matières premières. Remédier à la première suppose d’accélérer le déploiement du mécanisme de formation et celui du PIC, le plan d’investissement dans les compétences, qui doit nous permettre de créer de nouvelles qualifications et formations pour ceux qui en ont besoin – Élisabeth Borne y œuvre. Il faut également maintenir les dispositifs de soutien à l’apprentissage, ce que le Premier ministre a décidé de faire en 2022 pour un demi-milliard d’euros – de l’argent bien employé. L’apprentissage est devenu en France une habitude et un succès, ce qui est une excellente nouvelle.

Il faudra aussi accompagner davantage, sur le modèle de la garantie jeunes, les jeunes les plus éloignés de l’emploi, sans diplôme, sans qualification, en rupture sociale. C’est difficile, mais c’est l’un des chantiers majeurs auxquels nous devrons nous atteler dans les semaines qui viennent.

En revanche, madame Pires Beaune, nous ne croyons pas au RSA pour les jeunes – même s’il est bon que nous ayons à ce sujet un débat démocratique. Selon nous, il faut des contreparties fortes et il faut accompagner avant de fournir un revenu, lequel ne doit être que le complément de l’accompagnement. Celui-ci, et le fait que les jeunes aient un emploi, sont la priorité absolue.

Quant à l’investissement, je veux vous rassurer : il n’y aura aucun saupoudrage. L’objectif est de privilégier quelques filières particulières, qui seront au cœur du plan d’investissement : l’hydrogène vert, pour lequel nous sommes remarquablement bien placés ; les semi-conducteurs, dont la pénurie peut, comme l’a montré la crise, ralentir le fonctionnement de certaines usines automobiles et d’autres usines industrielles partout en France ; les technologies liées à l’intelligence artificielle ; l’espace, domaine dans lequel nous devons rattraper notre retard en matière de lanceurs renouvelables.

Je vous confirme enfin que la baisse de l’impôt sur les sociétés profite à toutes les entreprises, les PME bénéficiant d’un taux réduit à 15 %. Quant à la baisse de l’impôt sur le revenu, elle a été concentrée sur les deux premières tranches, donc sur les contribuables les plus modestes.

Madame Magnier, l’effort budgétaire doit nous permettre, je l’ai dit, de parvenir à 3 % de déficit en 2027. Nous avons préféré cette date à celles de 2025 ou de 2028 et, plutôt qu’une trajectoire brutale, nous avons préféré un retour progressif à l’équilibre budgétaire pour ne pas risquer de casser la croissance. Celle-ci est, je le répète, l’une des plus fortes de la zone euro : il est essentiel de la préserver et de l’alimenter à long terme par le plan d’investissement.

Monsieur de Courson, vous avez dû mal m’écouter : je n’ai jamais prétendu avoir rétabli les comptes publics entre 2017 et 2021, seulement entre 2017 et 2019 – en 2020 et 2021, nous avons géré la crise économique la plus grave survenue depuis 1929.

Concernant le commerce extérieur, je partage votre analyse. Je dis depuis plusieurs semaines que le prochain défi que nous allons tous devoir nous atteler à relever est l’équilibre de la balance commerciale extérieure de la France, qu’il faut rétablir si nous voulons une nation économiquement puissante. Nous avons commencé à prendre des dispositions pour améliorer la compétitivité-coût : les mesures touchant les impôts de production, les charges sociales et l’ensemble des coûts qui pèsent sur les entreprises. Nous avons également entrepris d’améliorer la compétitivité hors coût, en maintenant le crédit d’impôt recherche, en soutenant l’innovation, en préparant le plan d’investissement. Tout cela devrait produire des résultats, mais je dis cela avec humilité : la dernière fois que la balance commerciale française n’a pas été dans le rouge, c’était il y a plus de vingt ans, en 2000, et depuis, elle connaît une lente et incessante dégradation. Soyons honnêtes : ce n’est pas en un an ou deux que l’on redressera la barre. Cela implique des choix stratégiques de long terme.

M. Dufrègne a justement salué notre stabilité, pour mieux la dénoncer – mais je prends cette attaque comme un compliment. Nous faisons en effet preuve de stabilité dans notre politique de l’offre, car je la crois bonne pour créer des emplois et pour la prospérité ; mais nous ne sommes pas « figés dans notre idéologie libérale » – Milton Friedman doit se retourner dans sa tombe en entendant traiter de libéral un ministre de l’économie qui a dépensé autant de milliards d’euros : ce n’est pas la position d’un libéral pur et dur. Je rappelle en outre que la « majorité des riches » a augmenté la prime d’activité des plus modestes, les primes défiscalisées, supprimé les charges salariales, revalorisé l’intéressement et la participation et permis à un salarié rémunéré au niveau du SMIC de toucher en moyenne 170 euros de plus par mois. J’appelle plutôt cela une politique de justice.

Enfin, monsieur Coquerel, quand vous me qualifiez de meilleur propagandiste, venant d’un connaisseur en la matière, le compliment vaut son pesant d’or ! Mais il ne s’agit pas de propagande : 750 000 emplois créés durant le quinquennat, chiffre de l’INSEE ; 6,3 % de croissance, chiffre de la Banque de France ; 6,2 % de croissance, chiffre de l’OCDE ; 6,1 %, chiffre du Fonds monétaire international ; taux de chômage de 8 %, source Pôle emploi ; gain de pouvoir d’achat de 1,4 % l’année dernière, chiffre de l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques. Soit tout le monde est propagandiste, soit personne ne l’est ; je crois que cette dernière option est la bonne.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, les mesures fiscales du plan Indépendants qui sont inscrites dans le PLF sont les suivantes : l’exonération des plus-values pour les cessions individuelles ; la modification des délais d’exercice du droit d’option ; la déduction fiscale, à titre temporaire, des amortissements pour les reprises de fonds de commerce ; le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants. Les autres mesures de ce plan seront inscrites dans le PLFSS ou dans un projet de loi dédié.

Madame Louwagie, madame Pires Beaune, il y a deux explications à l’écart constaté dans l’avis du Haut Conseil des finances publiques s’agissant des recettes. Premièrement, nous n’avons pas retenu l’hypothèse de 6,3 % de croissance, nous limitant à 6 % par prudence. Deuxièmement, il me semble, madame Pires Beaune, que vous confondez la masse salariale de la fonction publique et la masse salariale totale. Le Haut Conseil se réfère à l’évolution de la masse salariale totale et à ses effets sur les cotisations sociales. Nous avons arrêté le document transmis au HCFP le 8 septembre, avant la publication des chiffres de l’INSEE sur la reprise de l’emploi, ce qui peut expliquer que le Haut Conseil, travaillant sur des données plus récentes, juge sous-estimées des recettes de cotisations sociales liées à la masse salariale.

Enfin, certaines des mesures annoncées ne relèveront pas du PLF pour 2022. Ainsi, le chèque énergie sera financé dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021 par redéploiement de crédits d’urgence non consommés. Quant au décret relatif aux régies thermales – et à d’autres régies –, il sera soumis à l’avis du prochain Comité des finances locales ; les notifications seront faites dans la foulée et la totalité des versements sera effectuée avant le 31 décembre, pour bien respecter l’annualité budgétaire.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je vous remercie, messieurs les ministres, pour le travail constant qui est fait depuis le début du mandat, n’en déplaise à ceux qui n’y croient pas.

Ma question porte sur le prêt garanti par l’État (PGE). Alors que les vendanges sont en cours, on peut être inquiet pour les viticulteurs, qui ont subi de plein fouet le gel, les inondations, les maladies. Il leur sera très difficile d’amortir le PGE sur une durée de quatre ans ; ils risquent, ce faisant, de mettre en difficulté leur entreprise. Les trois quarts d’entre eux ont utilisé tout ou partie du PGE. J’ai conscience de la difficulté de l’exercice, mais ne peut-on trouver des solutions, par exemple en augmentant la durée d’amortissement du prêt ou en proposant des consolidations des encours bancaires à des taux d’intérêt bonifiés ? Le cas par cas peut fonctionner, mais on connaît les banques : si votre ministère ne prend pas une décision, ne diffuse pas un message fort, je crains qu’en 2022, voire en 2023, les viticulteurs – pour ne citer qu’eux – soient en difficulté.

M. Julien Aubert. Je vous poserai trois questions.

Premièrement, ne pensez-vous pas, que, lorsque l’on consacre 9,5 % du PIB à un plan de relance et que la croissance est de 6 points, on est plus en présence d’un diviseur que d’un multiplicateur keynésien ?

Deuxièmement, vous prévoyez 18,4 milliards d’euros de recettes au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Compte tenu de l’évolution des prix de l’énergie, ne comptez-vous pas baisser la taxation sur les énergies afin d’accroître le pouvoir d’achat des Français ?

Troisièmement, une diminution d’environ 200 millions d’euros des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation est inscrite dans le PLF pour 2022. Je ne comprends pas comment, dans ces conditions, vous comptez appliquer le plan de 300 millions d’euros annoncé en faveur des harkis par le Président de la République. S’agissait-il d’une proposition pour 2023 ?

M. Michel Castellani. Nous avons conscience que vous êtes confrontés à des objectifs contradictoires et que cet exercice budgétaire s’apparente à une quadrature du cercle. Nous vous souhaitons bien sincèrement de réussir.

Vous renforcez la fonction régalienne de l’État, ce qui est heureux, mais il conviendrait, parallèlement, de mieux territorialiser France Relance. Le plan apparaît mal calibré pour certains territoires. Il est parfaitement inadapté à la Corse, territoire qui est le plus affecté par la crise mais qui sera, in fine, le moins aidé. Il faut adapter du mieux possible la politique publique à la diversité des réalités territoriales de la France – et je ne parle pas seulement de la Corse.

M. Jean-René Cazeneuve. Les collectivités territoriales ont bien résisté à la crise. Les chiffres sont connus : elles ont supporté, pour faire face à la crise, des coûts de l’ordre de 4 milliards d’euros, contre 160 milliards pour l’État. Leurs dépenses sont restées stables en 2020. Elles ont retrouvé la capacité d’autofinancement qu’elles connaissaient en 2018. Elles ont mieux traversé la période que l’État et la sécurité sociale.

Je voudrais saluer, dans ce contexte, le maintien des dotations de l’État, même si cela est devenu assez banal, puisque cette politique est menée avec constance depuis cinq ans. Lors de la crise précédente, la majorité de droite avait agi tout autrement : l’une des premières décisions de François Baroin, alors ministre du budget, avait été de désindexer les dotations aux collectivités territoriales. Sous la législature précédente, la majorité de gauche a baissé ces mêmes dotations de 10 milliards d’euros par an – 50 milliards sur la durée du quinquennat – pour redresser les comptes de l’État. Nous avons fait un choix différent, et je salue les mesures qui ont été prises. Nous considérons que les collectivités territoriales sont des partenaires pour le plan de relance. Nous les soutenons, pour leurs dépenses tant d’investissement que de fonctionnement.

Quel sera le poids des dépenses des collectivités territoriales dans l’ensemble des dépenses publiques en 2021 et en 2022 ? Quelle sera la part de leur dette dans l’ensemble de l’endettement public ?

M. Jean-Louis Bricout. Pour faire écho aux propos de Mme Louwagie, je dirais que, si votre budget a l’odeur du maroilles, il a la consistance du gruyère. Il a un certain parfum de campagne : celui d’un président aux abois qui fait chauffer la carte bleue d’un compte à découvert. Le budget est plein de trous. De belles annonces sont faites, dont on ne trouve pas la traduction budgétaire, alors que la présentation du PLF devrait être un moment de vérité.

On peut se demander, par exemple, où sont les crédits du fonds friches : on ne peut parler de réindustrialisation des territoires sans prévoir les moyens correspondants.

Même question pour le fonds d’indemnisation relatif aux aléas climatiques. Les agriculteurs s’inquiètent. Ils veulent savoir si les 600 millions d’euros promis proviennent, ou non, de la ligne budgétaire de la politique agricole commune (PAC). On annonce un projet de loi pour 2023.

Enfin, on peut s’attendre, au cours de nos débats, à des amendements coûteux. Allez-vous, oui ou non, consulter pour avis le Haut Conseil des finances publiques, comme son président l’a demandé ce matin ?

Mme Marie Lebec. En ma qualité de rapporteure spéciale des crédits des transports – je parle également au nom de ma collègue co-rapporteure, Zivka Park –, je souhaiterais que vous précisiez les modalités pratiques de la fin de la reprise de la dette de la SNCF par l’État – à hauteur de 10 milliards d’euros – en 2022. La hausse des crédits du programme 355, qui porte sur la charge de la dette de SNCF Réseau, est-elle uniquement due à la reprise des 10 milliards d’euros supplémentaires ?

Je reviens également sur l’annonce de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. La pérennité de ce soutien est vitale pour la compétitivité du secteur ; elle renforcera la visibilité des opérateurs. Cette enveloppe est-elle prévue au sein du programme 203, Infrastructures et services de transport ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame Verdier-Jouclas, d’après nos évaluations, en dehors d’exceptions dont il faut tenir compte, il ne devrait pas y avoir de difficultés massives de remboursement des prêts garantis par l’État au printemps prochain. Nous avons déjà offert la possibilité à ceux qui le souhaitaient de reporter le remboursement d’un an, en le faisant débuter en 2022. Il faut être très prudent avant d’envisager une mesure générale, car cela ne rendrait pas service aux emprunteurs. À un moment donné, il faut rembourser les prêts que l’on a contractés. Lorsque la croissance est élevée et la situation économique favorable, c’est le bon moment pour rembourser ses dettes. Repousser sans cesse l’échéance peut être risqué.

Cela étant, je suis favorable à ce que nous apportions des réponses au cas par cas à certaines entreprises en grande difficulté, dans les secteurs particulièrement touchés. Je pense, par exemple, aux agences de voyages, dans un contexte marqué par une très faible reprise du trafic aérien de longue distance. Certains agriculteurs pourraient également rencontrer des difficultés particulières. Je privilégie un traitement au cas par cas. Nous sommes en discussion avec la Fédération bancaire française ; nous souhaitons qu’il soit fait preuve d’un peu plus de souplesse à l’égard de certains. Cela doit toutefois rester l’exception : la règle est le remboursement.

Monsieur Aubert, lorsque nous avons annoncé le plan de relance, on nous a dit : 100 milliards, ce n’est pas assez. À présent, certains nous disent que c’est trop. Je constate qu’au bout du compte, la relance économique est là. Ce qu’on attend d’un plan de relance, c’est une reprise de la croissance économique. Nous connaissons aujourd’hui, à cet égard, un des meilleurs résultats de la zone euro, ce qui montre que le plan de relance a été bien calibré et bien appliqué.

S’agissant du prix de l’énergie, nous avons fait le choix d’une réponse ciblée et massive, à travers le chèque énergie. Alors que celui-ci concernait 3,7 millions de personnes au début du quinquennat, il est aujourd’hui versé à près de 6 millions de personnes. Grâce à l’aide exceptionnelle de 100 euros, son montant moyen va passer à 250 euros. Nous allons faire en sorte qu’il soit attribué d’ici à la fin de l’année 2021, en puisant dans les crédits d’urgence. C’est bien une urgence, en effet, que de permettre aux gens de se chauffer dans de bonnes conditions. Pour l’heure, cela reste la meilleure réponse, mais nous suivons évidemment de très près l’évolution des prix de l’énergie.

Monsieur Castellani, nous nous attachons à territorialiser toujours plus France Relance.

Monsieur Bricout, nous avons presque fait le tour des fromages de France. Je recommanderai, pour terminer, le neufchâtel – qui se présente sous la forme d’un cœur.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Concernant les anciens combattants, la baisse des crédits est liée à la démographie et à la diminution du nombre d’ayants droit et d’ayants cause. La baisse n’est toutefois pas proportionnelle, car nous revalorisons la pension militaire d’invalidité – mesure qui était attendue par le monde combattant. Le Président de la République a annoncé une mesure concernant les harkis, qui n’est pas intégrée dans le PLF. En effet, nous ne savons pas encore si nous la financerons par le collectif budgétaire de fin de gestion ou par le PLF pour 2022. Cela dépendra des modalités choisies et du lien qu’il faudra éventuellement établir entre la loi de réparation annoncée et la budgétisation. Si la loi définissait des critères d’éligibilité, cela aurait nécessairement un impact sur le volume financier.

Pour ce qui concerne la territorialisation du plan de relance, j’abonde dans le sens de Bruno Le Maire. J’ai constaté, il y a quelques semaines, alors que je me trouvais en Corse, que 110 millions d’euros avaient déjà été mobilisés au profit de ce territoire. Cette somme, relativement importante, correspond tout à fait à la moyenne nationale.

Monsieur Cazeneuve, les collectivités territoriales devraient représenter 19,8 % de la dépense publique totale en 2022, soit 285 milliards d’euros sur un total de 1 439 milliards. La contribution des collectivités à l’endettement global, en 2022, devrait être nulle. En effet, nous pensons que le solde, tous comptes confondus, des collectivités en 2022 redeviendra légèrement excédentaire, comme il l’était en 2019 – année où il a atteint 1,2 milliard, avant de devenir nul en 2020.

Monsieur Bricout, le fonds friches relève du plan de relance. Il sera financé par redéploiement au sein de ce plan, à l’occasion du collectif de fin de gestion. Le PLF que nous vous proposons prévoit de premiers redéploiements au sein du plan de relance à hauteur de 1,2 milliard d’euros, notamment du fait d’une moindre mobilisation des garanties à l’export et d’une moindre consommation des primes à la conversion automobile. Le collectif de fin de gestion proposera d’autres redéploiements pour tenir compte des annonces qui ont été faites. C’est le cas, au sein de la mission Plan de relance, du fonds friches. La pérennisation annoncée par le Président de la République concernera l’exercice 2023. C’est le cas également s’agissant de mesures d’urgence : le chèque énergie sera ainsi financé au titre de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, par redéploiement, cette mission se caractérisant par une sous-consommation d’environ 8 milliards d’euros, du fait de la bonne reprise de l’activité économique.

Madame Lebec, la dette de la SNCF est bien reprise à hauteur de 10 milliards d’euros. La novation tient au fait que l’État reprend les obligations que la SNCF avait contractées. Cela s’apparente à la reprise d’un prêt. D’autre part, le financement du plan fret est bien prévu dans le programme 203 : il n’y a aucune inquiétude à nourrir à cet égard.

M. le président Éric Woerth. Je vous remercie, messieurs les ministres, pour vos explications.

*

*     *

 


([1]) OCDE, perspectives macroéconomiques, 21 septembre 2021.

([2]) Insee, « Retour en surface », Note de conjoncture du 1er juillet 2021.

([3]) Bank of England, « The hard yards – speech by Andrew Bailey », 27 septembre 2021.  

([4]) Les Échos, « En Chine, des coupures d’électricité monstres forcent les usines à l’arrêt », 27 septembre 2021.

([5]) OCDE, Perspectives économiques de septembre 2021.

([6]) Insee, Point de conjoncture du 7 septembre 2021.

([7]) Commission des finances, audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), sur l’avis du HCFP relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2022, mercredi 22 septembre, lien vidéo.

([8]) Banque de France, Projections macroéconomiques, septembre 2021.

([9]) OFCE, Perspectives de rentrée pour l’économie française 2021-2022 : la vague de la reprise, 17 septembre 2021.

([10]) Au sens du Bureau international du travail, qui a élaboré la définition de référence dans la mesure du chômage, le chômeur correspond à une personne sans emploi qui a effectué une démarche active de recherche d’emploi au cours des quatre dernières semaines, ou qui a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois, et qui se déclare disponible dans les deux semaines pour occuper un emploi.

([11]) Insee, L’emploi résiste, le halo autour du chômage augmente, mars 2021.

([12]) Banque de France, Projections macroéconomiques, septembre 2021.

([13]) Insee, Point de conjoncture du 7 septembre 2021.

([14]) Insee, « Retour en surface », Note de conjoncture du 1er juillet 2021, op. cit.

([15]) Banque centrale européenne, Projections macroéconomiques, septembre 2021.  

([16]) Les secteurs concernés sont les suivants : matériel de transport hors automobile, transport aérien, hébergement, production cinématographique, agences de voyage, foires et salons, arts et spectacles, transport hors aérien, matériel de transport automobile, cokéfaction raffinage, autre produits industriels (hors pharmacie et chimie), commerce et réparation automobile, restauration.  

([17]) OFCE, Perspectives de rentrée pour l’économie française 2021-2022 : la vague de la reprise, 17 septembre 2021.

([18]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.  

([19]) Commission des finances de l’Assemblée nationale, audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, mercredi 22 septembre 2021, lien vidéo.

([20]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

([21]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([22]) Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([23]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([24]) Rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2020, avril 2021.

([25]) La Cour déduit les mesures d’économies liées à la crise des dépenses nouvelles liées à la crise.   

([26]) Dossier de presse de présentation générale du PLF 2022.

([27])  Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19, rapport d’étape, juillet 2021

([28]) Ibid.  

([29]) Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de covid-19, rapport final, juillet 2021.

([30]) Cour des comptes, Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation - juillet 2021

([31]) Décret n° 2021-1180 du 14 septembre 2021 relatif à l'adaptation au titre du mois de septembre 2021 du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([32]) Décret n° 2021-674 du 28 mai 2021 relatif à l'activité partielle et au dispositif spécifique d'activité partielle en cas de réduction d’activité durable.

([33]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, article 6.

([34]) https://www.economie.gouv.fr/soutien-aux-entreprises-les-annonces-de-bruno-le-maire-du-14-janvier  

([35]) Dossier de presse de présentation générale du PLF pour 2022.

([36]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, articles 8 et 29.

([37]) Conseil d’analyse économique, MM. Philippe Martin et Alain Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, juin 2019 (lien).

([38]) Conseil d’analyse économique, MM. Philippe Martin et Alain Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, juin 2019 (lien).

Conseil d’analyse économique, Mme Camille Urvoy, Impôts sur la production : quel impact sur la compétitivité ?, juin 2019 (lien).

([39]) Conseil d’analyse économique, M. Philippe Martin et Mme Hélène Paris, Éclairage complémentaires sur les impôts, juillet 2020 (lien)  

([40]) Rapport d’information (n° 3279, XVème législature) de M. Laurent Saint-Martin sur l’application des mesures fiscales, 29 juillet 2020, (lien).  

([41]) À cet égard, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit notamment une ouverture de crédits de 1,2 milliard d’euros sur la mission Plan de relance, destinée à renforcer son action en matière d’emploi (par le biais de dispositifs de formation aux métiers d’avenir et en accentuant le soutien de l’État à Pôle emploi), d’infrastructures de transport fluvial et ferroviaire, de dépenses d’investissement du ministère de l’intérieur ou encore de recherche civile et militaire. Ces ouvertures de crédits additionnels sont compensées au sein de l’enveloppe de 100 milliards d’euros de France Relance par le plus faible impact que prévu initialement sur le budget de l’État du dispositif de garantie de l’État aux prêts participatifs prévu par l’article 209 de la loi de finances initiale pour 2021, ainsi que par de moindres recours aux dispositifs de prêts du Plan climat mis en œuvre par Bpifrance dans un contexte de meilleure tenue du bilan des entreprises et de prolongation des PGE

([42]) Gouvernement, dossier de presse Plan de relance, annexe mesures, 3 septembre 2020 (lien).

([43]) Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021, p 127.

([44]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, article 246.

([45])  Commission européenne, communication de la Commission au Conseil sur l’activation de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, n° COM (2020) 123, 20 mars 2020.

([46])  Commission européenne, « Paquet ‘Semestre européen’ du printemps : ouvrir la voie à une reprise forte et durable », communiqué de presse, 2 juin 2021.

([47])  Conseil européen, relevé de conclusion de la réunion des 17 au 21 juillet 2020.

([48])  Cette somme est exprimée en prix constants de 2018. En prix courants de 2021, elle atteint 806,9 milliards d’euros.

([49]) Règlement n°608/2014 du Conseil du 26 mai 2014 portant mesures d’exécution du système de ressources propres de l’Union européenne.

([50])  Commission européenne, « Next Generation EU : La Commission européenne va émettre près de 80 milliards d’euros d’obligations à long terme dans le cadre du plan de financement pour 2021 », communiqué de presse, 1er juin 2021.

([51])  Parlement européen, résolution du Parlement européen du 23 juillet 2020 sur les conclusions extraordinaires du Conseil européen du 17 au 21 juillet 2020.

([52])  Les évaluations des recettes tirées des nouvelles ressources propres citées sont celles de la Commission européenne dans sa proposition de plan de relance du 27 mai 2020. Source : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/factsheet_3_fr_29.05.pdf et Commission européenne, proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne, n  2018/0135 (CNS).

([53])  Accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres, lien.

([54])  Cette somme est calculée à partir de l’hypothèse selon laquelle la réforme du SEQE interviendrait au 1er janvier 2023 – ce qui constitue une hypothèse optimiste au regard des conclusions du Conseil européen qui ne donne pas d’échéance à la Commission européenne autre que la fin du CFP (2027) pour proposer cette réforme.

([55])  Commission européenne, proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne, n  2018/0135 (CNS).

([56])  La clé de la contribution de la France au titre du RNB atteint 17,9 %, L’application de ce taux au total des subventions prévues (312,5 milliards d’euros) correspond à 55,9 milliards d’euros. Ce calcul doit être corrigé de l’impact de la contribution au titre du plastique, qui entraîne une augmentation de 1,2 milliard d’euros de la contribution française en 2021. Le calcul ne prend pas en compte le montant des intérêts à acquitter sur ces sommes empruntées.

([57])  Banque centrale européenne, décision de politique monétaire du 9 septembre 2021, communiqué de presse.

([58]) Ibid.

([59])  Christine Lagarde, conférence de presse du 9 septembre 2021.

([60]) Avis n° HCFP - 2021 – 4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022, 17 septembre 2021.

([61]) Rapport économique, social et financier 2022.

([62]) Haut conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, 21 septembre 2020.

([63])  Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2021-4 relatif aux projets de lois de finances et de lois de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022, 17 septembre 2021.

([64]) Commission des finances, audition de MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2022, réunion du 22 septembre 2022, lien vidéo.

([65]) Cour des comptes, Les résultats de la sécurité sociale, juin2020.

([66])  Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) définis par la comptabilité nationale recoupent largement les opérateurs de l’État, notion de comptabilité budgétaire.

([67])  Les administrations locales regroupent les collectivités territoriales et des organismes divers d’administration locale, notamment les établissements publics locaux.

([68]) Environ 10 % du programme d’émission à moyen et long terme étant réalisé sous la forme de titres indexés sur l’inflation, une variation des indices de prix à la consommation de 1 % entraîne une hausse de la charge de la dette d’environ 2 milliards d’euros.

([69])  Le Gouvernement prévoit une croissance de 1,6 % en 2023 puis 1,4 % par an jusqu’en 2027. Source : Rapport économique et financier 2021, page 77

([70]) Par exemple, elle a été impliquée dans la reprise de la dette SNCF à hauteur de 25 milliards d’euros par le biais d’un système de prêts miroirs (article 229 de la loi de finances pour 2020) et le sera également cette année dans le cadre de la seconde étape de reprise par l’État de la dette SNCF à hauteur de 10 milliards d’euros (article 40 du présent PLF).

([71]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020, mission Remboursements et dégrèvements, avril 2021. La recommandation n° 3 reformulée préconise de « comptabiliser les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux en dépenses budgétaires de l’État ».

([72]) Article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([73])  Article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificatives pour 2021.

([74]) Le Gouvernement a déjà annoncé que certaines mesures supplémentaires seraient proposées par amendement et conduirait à une augmentation des dépenses du budget général. Ces mesures nouvelles porteraient sur l’investissement public de long terme et le contrat d’engagement pour les jeunes, pour des montants non connus à ce jour.  

([75]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([76]) Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

 

([77]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, article 3.

([78])  Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([79]) Projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, n° 4091 , déposé(e) le mercredi 14 avril 2021.

([80]) Loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

([81]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur

 

([82])  Amendement n° II‑2407 (Rect) au PLF pour 2019 (n° 1255). Cette initiative a été inspirée des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle rapportés par Mme Bénédicte Peyrol et M. Christophe Bouillon dans le rapport d’information (n° 1626) sur les outils publics encourageant l’investissement privé dans la transition écologique, Assemblée nationale, XVe législature, janvier 2019.

([83])  L’annexe générale présentant l’ensemble des crédits inscrits dans le projet de loi de finances en faveur de la protection de la nature et de l’environnement ; l’annexe générale sur le financement de la transition énergétique ; et le document de politique transversale sur la lutte contre le changement climatique.

([84])  Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des finances, Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale, septembre 2019.

([85])  European commission, Green Budgeting Practices in the EU:A First Review, discussion paper 140, may 2021.

([86]) Depuis 2020, toutes les annexes générales sont inscrites à l’article 179 de la loi de finances pour 2020.

([87])  La norme de dépenses pilotables comprend : les crédits ministériels, les budgets annexes, les taxes affectées à des tiers autres que les collectivités locales et la sécurité sociale lorsqu’elles sont plafonnées, certains comptes d’affectation spéciale (par exemple, gestion du patrimoine immobilier de l’État) et, enfin, le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».