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N° 4524

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022
(n° 4482),

 

TOME II

examen de la premiÈre partie
du projet de loi de finances

conditions gÉnÉrales de l’Équilibre financier

 

Par M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur général,

Député

——

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

examen des articles

Article liminaire Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2022, prévision d’exécution 2021 et exécution 2020

première partie : conditions générales de l’équilibre financier

titre premier dispositions relatives aux ressources

I. – Impôts et ressources autorisés

A – Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts existants

B – Mesures fiscales

Article 2 Indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu et des seuils et limites qui lui sont associés

Article 3 Sécurisation du champ des prestations de services éligibles au crédit d’impôt en faveur des services à la personne

Après l’article 3

Article additionnel après l’article 3 Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales des pourboires en 2022, dans la limite de 20 % du salaire annuel

Après l’article 3

Article 4 Aménagement des délais d’option pour les régimes d’imposition à l’impôt sur le revenu pour les entrepreneurs individuels

Après l’article 4

Article additionnel après l’article 4 Allongement de la durée du statut « jeunes entreprises innovantes »

Après l’article 4

Article additionnel après l’article 4 Exclusion des réductions d’impôt du bénéfice d’imputation pouvant faire l’objet d’un report en arrière

Après l’article 4

Article additionnel après l’article 4 Création d’un suramortissement pour l’acquisition de matériels agricoles à propulsion électrique

Après l’article 4

Article 5 Aménagement des dispositions d’exonération des plus-values de cession d’entreprises ou de titres détenus par les chefs d’entreprises et renforcement du crédit d’impôt pour la formation des chefs d’entreprise

Après l’article 5

Article additionnel après l’article 5 Cessions résultant de transferts d’actifs dans la comptabilité auxiliaire d’affectation d’entreprises d’assurance au titre de plans d’épargne retraite

Après l’article 5

Article additionnel après l’article 5 Critères d’application du régime des bénéfices non commerciaux aux plusvalues de cession d’actifs numériques

Après l’article 5

Article additionnel après l’article 5 Plus-values de cession d’un jeton non fongible

Après l’article 5

Article additionnel après l’article 5 Option d’imposition des plus-values de cession d’actifs numériques dans l’assiette du revenu global

Article additionnel après l’article 5 Neutralité fiscale des opérations de cantonnement d’actifs illiquides par les organismes de placement collectif

Après l’article 5

Article additionnel après l’article 5 Produits afférents à des versements sur plans épargne retraite (PER) résultant de transferts de plans d’épargne pour la retraite collectifs (PERCO)

Après l’article 5

Article 6 Faculté temporaire d’amortissement fiscal des fonds commerciaux

Article 7 Mise en conformité avec le droit européen des retenues et prélèvements à la source applicable aux sociétés non résidentes

Article 8 Aménagement du dispositif de déduction exceptionnelle en faveur des équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises ou de passagers d’utiliser des énergies propres

Après l’article 8

Article additionnel après l’article 8 Fin de la prise en compte de l’énergie issue du soja dans le calcul des objectifs cibles d’incorporation de biocarburants de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT)

Article 9 Simplification et mise en conformité avec le droit de l’Union européenne du système de la taxe sur la valeur ajoutée

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Taux de 5,5% pour la TVA applicable aux opérations d’acquisition-amélioration de logements locatifs sociaux financés par un prêt locatif social (PLS)

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Prorogation, jusqu’au 31 décembre 2022, de la majoration des plafonds de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable à la Martinique, à la Réunion et en Guadeloupe

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Relèvement du plafond du tarif réduit d’accise sur le rhum produit dans le DOM et importé en métropole

Article 10 Suppression de dépenses fiscales inefficientes

Après l’article 10

II – Ressources affectées

A – Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 11  Fixation pour 2022 de la dotation globale de fonctionnement ainsi que des variables d’ajustement

Après l’article 11

Article 12  Expérimentation de la recentralisation du RSA

Article 13 Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales

B – Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 14 Mesures relatives à l’ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

C – Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 15 Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

Article 16 Actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources de l’audiovisuel public (compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ») et stabilisation du tarif de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

D – Autres dispositions

Article 17 Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Article 18 Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne

TITRE II : dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges

Article 19 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois


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   examen des articles

Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques de l’année 2022,
prévision d’exécution 2021 et exécution 2020

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article présente sous forme d’un tableau les prévisions de soldes de l’ensemble des administrations publiques pour 2022 et 2021 ainsi que les données correspondantes d’exécution pour 2020.

Pour 2022, le déficit public est estimé à 4,8 % du produit intérieur brut (PIB), dont plus de la moitié (– 3,7 %) proviendrait de sa composante structurelle. Le solde conjoncturel se résorberait (– 0,9%) par rapport à 2021, tandis que l’impact des mesures temporaires ou exceptionnelles demeurerait limité (– 0,2 %).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Aux termes de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([1]), la loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comportent un article liminaire qui présente « un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

Le présent article traduit cette exigence pour le projet de loi de finances pour 2022. Il porte sur l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales (APUC), administrations publiques locales (APUL) et administrations de sécurité sociale (ASSO).

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2020 À 2022

(en % du PIB)

Soldes

Exécution 2019

Exécution 2020

Prévision 2021

Prévision 2022

Solde structurel (1)

– 2,2

– 1,3

– 5,8

– 3,7

Solde conjoncturel (2)

0,2

– 5,0

– 2,5

– 0,9

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 1,0

– 2,8

– 0,1

– 0,2

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 3,0

 9,1

 8,4

 4,8

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5=4-3)

 2,0

 6,3

 8,3

– 4,6

Source : commission des finances et article liminaire du présent PLF.

I.   Le dÉficit public se rÉsorbe après un point haut en 2020

L’année 2020 a marqué une rupture avec l’effort continu de réduction du déficit public, tant en part de PIB qu’en valeur absolue, depuis la crise financière de 2009.

Le rebond de l’activité et la sortie progressive des mesures exceptionnelles permettraient une amélioration en 2021 qui s’accélérerait en 2022.

A.   La crise sanitaire a mis fin À l’effort de rÉduction du dÉficit

La crise sanitaire qui a touché la France en 2020 a mis fin à un effort continu de réduction du déficit public depuis 2009.

DÉficit public depuis 2009

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

En % du PIB

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,6

3,0

2,3

3,1*

En milliards d’euros

138,9

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

81,3

68,0

54,1

74,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

 

 

En % du PIB

9,1

8,4

4,8

 

 

 

 

 

 

 

 

En milliards d’euros

209,2

205,6

124,5

 

 

 

 

 

 

 

 

* Le déficit public est aggravé, en 2019, par la mesure exceptionnelle de bascule du CICE en baisse de cotisations sociales, à hauteur de 0,8 point de PIB.

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), comptes nationaux jusqu’en 2020, présent PLF pour les années 2021 et 2022

Le déficit public s’est établi à 9,1 % du PIB en 2020, un niveau jamais atteint depuis la création des comptes nationaux en 1948. Le solde resterait dégradé en 2021, à – 8,4 % du PIB. Cela représente une amélioration par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2021, qui prévoyait – 9,4 %. Entre temps, la prévision de croissance a été portée de 5 % à 6 %, permettant ainsi d’envisager une réduction du solde public. L’amélioration serait, pour beaucoup, liée à ce rebond du PIB au dénominateur, dans la mesure où le déficit exprimé en valeur absolue ne diminuerait que de 3,6 milliards d’euros.

L’année 2022 verrait une amélioration substantielle du déficit public, celui-ci atteignant – 4,8 % du PIB, en baisse de 3,6 points par rapport à 2021 et de 4,3 points par rapport à 2020.

B.   Des prÉvisions pour 2021 et 2022 qui s’amÉliorent

Les dernières prévisions de solde public pour 2021 étaient issues de la première loi de finances rectificative pour 2021, adoptée le 19 juillet ([2]).

Évolution des prÉvisions de solde pour 2021

Soldes

LFI 2021

Pstab

LFR 1

PLF 2022

Solde structurel (1)

– 3,8

– 6,7

– 6,3

– 5,8

Solde conjoncturel (2)

– 4,5

– 2,2

– 3,0

– 2,5

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,2

– 0,2

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 8,5

 9,0

 9,4

 8,4

En raison d’effets d’arrondis, le solde effectif peut ne pas correspondre à la somme 1+2+3

Source : LFI pour 2021, Pstab 2021-2027, LFR 1 pour 2021 et présent PLF pour 2022.

Alors que le programme de stabilité 2021 et la première loi de finances rectificative pour 2021 avaient aggravé la prévision de déficit pour 2021, le projet de loi de finances pour 2022 revient à un niveau proche de celui prévu en loi de finances initiale pour 2021.

Le présent article traduit en effet une amélioration de la prévision de déficit public de 1,0 point en 2021, sous l’effet :

– d’une révision à la hausse de la croissance du PIB en 2021, elle-même en partie en lien avec la réévaluation du PIB en 2020 par l’Insee ;

– d’une actualisation à la baisse des dépenses en raison de sous-consommations attendues sur certaines enveloppes ouvertes en LFR 1 (activité partielle et fonds de solidarité).

Ces éléments ne sont que partiellement compensés par la hausse anticipée sur certaines dépenses, notamment la charge financière des obligations indexées sur l’inflation dans un contexte de prix plus dynamiques que prévu et la croissance plus forte qu’attendu de l’investissement local.

Le solde public pour 2022 serait également amélioré de 0,5 point par rapport à la trajectoire présentée dans le cadre du programme de stabilité 2021-2027 présenté en avril 2021 par le Gouvernement. En effet, la croissance du PIB est également revue à la hausse en 2022 et l’environnement de prix plus dynamique augmente la croissance du PIB exprimée en volume. Au total, ces effets réduiraient le déficit de 1,2 point de PIB.

À l’inverse, plusieurs facteurs contribuent à dégrader le déficit en 2022. Les prévisions plus élevées d’inflation pèsent également de façon négative sur le solde, en entraînant des dépenses de prestations sociales et une charge de la dette plus élevée, pour un total de 0,1 point de PIB. Enfin, des mesures nouvelles annoncées depuis le programme de stabilité dégradent le solde de 0,6 point : nouvelles mesures dans le cadre du Ségur négociées pendant l’été 2021 et effets de la crise sur l’Ondam, ajustement à la hausse du rythme d’exécution de la relance et nouvelles dépenses en faveur des ministères (renforcement des moyens des ministères de l’intérieur et de la justice, financement de l’hébergement d’urgence, mesures au bénéfice du ministère de l’éducation nationale).

II.   Le solde structurel retrouve de la lisibilité À partir de 2021 mais ne s’inscrit plus dans un cadre pluriannuel

Après une année 2020 marquée par des choix de comptabilisation qui ont faussé la lecture de l’évolution du solde structurel, celle-ci deviendrait plus significative à partir de 2021.

A.   Le déficit structurel se creuse en 2021 avant de diminuer en 2022

Le solde structurel permet de rendre compte du déficit public corrigé de l’impact de la conjoncture économique et des mesures temporaires (1). Il s’établirait en 2021 à un niveau très dégradé avant de commencer à se résorber en 2022 (2).

1.   Le solde structurel, notion essentielle d’encadrement des comptes publics

La notion de solde structurel doit permettre de donner une vision plus sincère de l’équilibre des comptes publics.

a.   Une composante du solde public suivie au titre des engagements européens de la France

Le solde budgétaire public comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture, censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration du cycle économique, et l’autre, indépendante de la conjoncture, dite structurelle. Le solde structurel correspond au solde corrigé des effets du cycle économique : il s’agit du solde qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel.

L’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de solde structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est normalement mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([3]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque la dette de l’État membre dépasse 60 % de son PIB).

b.   Des modalités complexes de calcul

Le calcul des composantes conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel. Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une construction économétrique sujette à diverses mesures et interprétations, qui peut être définie « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([4]). Par suite, la croissance potentielle est définie comme le niveau de croissance au-delà duquel apparaissent des tensions inflationnistes.

Les hypothèses d’écart de production permettent d’estimer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit, selon une méthodologie de calcul décrite dans l’annexe 2 du rapport annexé à la LPFP pour les années 2018 à 2022.

Une approche plus simple, mais généralement vérifiée − appelée « règle du pouce » −, consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est légèrement supérieur à la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes de dépenses sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, considérée comme étant de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Toute surestimation de l’écart de production, découlant par exemple de la surestimation du niveau de croissance potentielle, conduit à sous-estimer le niveau du déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG. La crise a précisément provoqué ce genre de phénomène (voir infra).

Pour le calcul du solde structurel, seules les dépenses de chômage sont considérées comme dépendantes de la conjoncture, le reste des dépenses étant supposées structurelles – soit parce qu’elles sont de nature discrétionnaire, soit parce que leur lien avec la conjoncture est difficile à mesurer. L’ensemble des prélèvements obligatoires sont considérés dépendre de la conjoncture, le reste des recettes étant supposé indépendant du cycle ([5]).

c.   Les hypothèses de calcul du déficit structurel

Les hypothèses initiales de calcul du déficit structurel ont été fixées dans la LPFP pour les années 2018 à 2022.

HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

PIB potentiel (en milliards d’euros de 2010)

2 154

2 181

2 209

2 236

2 264

2 294

2 325

Écart de production (en % du PIB)

– 1,5

– 1,1

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces hypothèses ont été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis portant sur le projet de LPFP pour les années 2018 à 2022 ([6]). Elles fournissent toujours la base de l’encadrement national des finances publiques.

2.   Le déficit structurel s’établirait à 3,7 % du PIB en 2022 après un pic en 2021

Le présent projet de loi de finances prévoit des évolutions sensibles du solde budgétaire structurel en 2021 et 2022.

a.   L’amélioration du solde structurel en 2020 n’est pas significative

Le présent article indique que le solde structurel 2020 a été exécuté à hauteur de – 1,3 % du PIB, alors qu’il atteignait – 2,2 % du PIB en 2019. Cette évolution surprenante est liée à des choix de comptabilisation qui brouillent la lecture du solde structurel en 2020.

L’ensemble des mesures d’urgence adoptées au fil des lois de finances rectificatives pour 2020, qui ont atteint 2,8 % du PIB, ont en effet été enregistrées comme mesures temporaires. À l’inverse, les mesures du plan de relance ont été intégrées dans la composante structurelle du solde.

La définition des mesures ponctuelles et temporaires

La Commission européenne a développé, dans le rapport Public Finance in the EMU 2015, une doctrine de classification pour les mesures ponctuelles et temporaires, reposant sur cinq principes :

– la mesure est intrinsèquement non-récurrente ;

– le caractère ponctuel et temporaire ne peut être décrété par la loi ou par une décision du Gouvernement, ce qui implique que la Commission ne se sent pas tenue par la caractérisation présentée ;

– les composantes volatiles des recettes et des dépenses ne doivent pas être considérées comme ponctuelles et temporaires ;

– les mesures discrétionnaires conduisant à creuser le déficit public ne sont pas, sauf exception, considérées comme ponctuelles et temporaires ;

– seules les mesures ayant un impact significatif, c’est-à-dire supérieur à 0,1 % du PIB, sur le solde public peuvent être traitées comme ponctuelles et temporaires.

En tout état de cause, la Commission adopte une approche au cas par cas et se réserve la décision de classer ou non une mesure donnée comme ponctuelle et temporaire.

Source : annexe II de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

La comptabilisation des mesures d’urgence et de relance a donc contribué à brouiller l’évolution du solde structurel en 2020. Le HCFP a d’ailleurs considéré que l’ajustement structurel en 2020 n’était pas significatif, l’évaluation étant affectée par les conventions retenues par le Gouvernement concernant la nature des dépenses engagées depuis le déclenchement de la crise sanitaire.

Le Gouvernement est d’ailleurs revenu sur ce choix au titre de l’exercice 2021, en intégrant les mesures de réponse à la crise au sein du solde structurel en 2021. Le HCFP a ainsi souligné, dans son avis sur le premier PLFR pour 2021, que, « les mesures d’urgence et de relance ont fait l’objet d’un traitement différent en 2020 et 2021, ce qui enlève toute pertinence à la comparaison du solde structurel entre les deux années »  ([7]) .

b.   L’année 2021 est marquée par une dégradation importante du solde structurel

Le déficit public en 2021, en voie d’amélioration par rapport à 2020, connaîtrait néanmoins une dégradation de sa composante structurelle. Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi que le solde structurel diminue de 4,5 points entre 2020 et 2021 pour atteindre – 5,8 % du PIB potentiel. Le changement de comptabilisation des mesures d’urgence et de relance en 2021 contribue fortement à la dégradation de la composante structurelle du déficit.

L’impact de la composante structurelle serait, en tout état de cause, significativement supérieur à la part conjoncturelle du déficit (– 2,5 %) qui, elle, s’améliore par rapport à son niveau de 2020 (– 5,0 %). L’impact des mesures exceptionnelles et temporaires serait fortement réduit (– 0,1 %) par rapport à 2020 (– 2,8 %).

L’amélioration conjoncturelle, couplée avec la fin des mesures d’urgence, compenserait ainsi la dégradation du solde structurel, ce qui entraînerait la réduction du déficit public effectif.

c.   En 2022, une résorption partielle du déficit structurel

Le présent article prévoit une amélioration du solde public en 2022, à la fois dans sa composante structurelle et dans sa composante conjoncturelle.

Le solde structurel s’améliorerait ainsi de 2,1 points pour atteindre – 3,7 % du PIB potentiel – bien que cette amélioration repose sur des hypothèses de croissance potentielle caduques (voir infra). L’amélioration du déficit conjoncturel, de 1,6 point, serait un peu moins forte. L’impact des mesures ponctuelles et temporaires resterait constant. Le HCFP rappelle, dans son avis sur le présent PLF, que les évolutions heurtées du solde structurel entre 2020 et 2022 tiennent à la fois au caractère exceptionnel des évolutions de recettes et de dépenses entraînées par la crise sanitaire et aux modalités de calcul du solde structurel retenues par le Gouvernement ([8]).

La sortie progressive des mesures d’urgence ainsi que l’amélioration de la conjoncture dont témoigne le rebond de l’économie contribuent ainsi à une réduction puissante du déficit public en 2022, pour un total de 3,6 points.

B.   La loi de programmation des finances publiques, une rÉfÉrence toujours caduque

Le Gouvernement avait proposé, dans la LPFP 2018-2022, une trajectoire des finances publiques conduisant à quasiment diviser par trois le solde structurel entre 2017 et 2022.

Le solde structurel devait donc s’améliorer de plus d’un point de PIB pendant le quinquennat, alors même qu’une réduction significative des prélèvements obligatoires aurait été consentie. Cela supposait donc un effort structurel conséquent en dépenses. Toutefois, l’ajustement structurel prévu avait été, depuis 2018, beaucoup moins marqué que prévu dans la LPFP, sans toutefois se traduire par un « désajustement ».

La crise a percuté cette trajectoire et rend définitivement caduque la programmation présentée au sein de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Le Haut Conseil des finances publiques considère que cette loi « constitue désormais une référence dépassée, qu’il s’agisse du scénario macroéconomique ou de finances publiques » ([9]). Il a rappelé cette position dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2022 ([10]).

En particulier, le calcul du solde structurel repose toujours sur l’estimation du PIB potentiel par cette loi de programmation, alors que le Gouvernement a déjà présenté de nouvelles estimations de la croissance potentielle au sein du rapport économique, social et financier annexé au PLF 2021, hypothèses qu’il a actualisées à l’occasion du présent projet de loi de finances.

HypothÈses actualisées d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

2,2

1,7

1,5

– 8,0

6,0

4,0

Croissance potentielle (LPFP)

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Croissance potentielle (RESF 2021)

1,1

1,25

1,25

1,25

– 0,3

0,6

1,35

Croissance potentielle (RESF 2022)

1,1

1,25

1,25

1,25

0,0

0,8

1,35

PIB (en milliard d’euros)

2 234

2 295

2 353

2 426

2 302,9

2 452,3

2 587,9

PIB potentiel (en milliard d’euros)

2 268

2 307

2 354

2 416

2 416

2 609,3

2 644,5

Écart de production (en % du PIB)

– 1,5

– 0,5

– 0,0

0,3

– 7,2

– 2,4

0,2

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général et calculs de la commission des finances.

La révision présentée en annexe du présent projet de loi de finances est plus favorable que celle présentée avec le PLF 2021 : le PIB potentiel serait quasi stable en 2020, contre une baisse de 0,3 % prévue auparavant. Le rebond serait plus élevé de 0,3 point en 2021 également. Au total, comme le souligne le HCFP, le PIB potentiel serait en retrait de 1,75 point en 2022 par rapport à la trajectoire de la LPFP, contre une baisse de 2,25 points dans le RESF 2021. La nouvelle trajectoire prévoit un retour de la croissance potentielle en 2022 à son niveau prévu par la LPFP (+ 1,35 %).

La révision de la croissance potentielle en 2021 et 2022 entraîne une modification sensible de la répartition du déficit public entre composante structurelle et conjoncturelle. Ainsi, avec les hypothèses révisées, le déficit public en 2022 serait entièrement d’origine structurelle, à 0,1 point de PIB potentiel près, alors que la conjoncture jouerait favorablement sur le solde.

Solde public sur la base d’hypothÈses potentielles révisées

(en % de PIB potentiel)

 

Exécution

2020

Prévision

2021

Prévision

2022

Solde structurel (1)

– 1,9

– 6,8

– 4,7

Solde conjoncturel (2)

– 4,3

– 1,5

0,1

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

– 2,8

– 0,1

– 0,2

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

– 9,1

– 8,4

– 4,8

Source : HCFP.

Néanmoins, les hypothèses de la LPFP servent toujours de référence à l’analyse du HCFP et pour le déclenchement du mécanisme de correction prévu par la loi organique du 17 décembre 2012. À cet égard, le Haut Conseil constate, dans son avis sur le PLF 2022, que le solde structurel s’établirait à t – 3,7 points de PIB en 2022, soit un niveau inférieur de 2,9 points à celui prévu par la loi de programmation, ce qui correspond à un écart important au sens de la loi organique de 2012.

Le mécanisme de correction de la loi organique

L’article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis rendu préalablement au dépôt du projet de loi de règlement.

Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter, à l’occasion du DOFP, des mesures de correction. Ces mesures doivent intervenir dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année. Un retour à la trajectoire de solde structurel doit intervenir dans un délai maximal de deux ans à la suite de l’année pendant laquelle l’écart important a été constaté.

Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées par le TSCG, c’est-à-dire quand elles correspondent « à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique ».

Cependant, le Haut Conseil estime depuis le printemps 2020 que les conditions économiques sont réunies pour déclencher la clause des circonstances exceptionnelles, de nature à justifier des écarts à la trajectoire de la LPFP. Cette loi de programmation constitue, dès lors, une « référence dépassée », selon les termes employés par le HCFP.

Ajustement structurel et effort structurel prÉsentÉs
par le Gouvernement

(en points de PIB potentiel)

 

PLF pour 2022
(sept. 2021)

LPFP
(janvier 2018)

 

2020

2021

2022

Cumul

2020-22

2019

2020

2021

Cumul

2019-21

Solde structurel
(solde N=solde N-1+ajustement structurel)

-1,3

-5,8

-3,7

-

-1,9

-1,6

-1,2

-

Ajustement structurel (1=2+3)

1,2

-4,5

-2,5

-5,8

0,3

0,3

0,4

1,0

Effort structurel (2)

1,3

-5,2

2,6

-6,5

0,3

0,4

0,5

1,2

dont effort en dépense*
(hors crédits d'impôt)

1,6

-4,6

2,7

-0,3

0,4

0,5

0,5

1,4

dont mesures nouvelles en recettes

-0,6

-0,6

-0,1

-1,3

-0,1

-0,5

0,0

-0,6

dont clé en crédits d’impôt

0,4

0,0

0,0

0,4

0,0

0,4

0,0

0,4

Composante non discrétionnaire (3)

-0,1

0,7

0,4

1,0

0,0

-0,1

-0,1

-0,2

* Hors France Compétences

Note : les chiffres étant arrondis, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.

Source : Haut Conseil des finances publiques

III.   La rÉforme du cadre organique des finances publiques renforcerait l’importance de l’article liminaire

Une proposition de loi organique (PPLO) relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, à l’initiative du Rapporteur général et du Président de la commission des finances, est actuellement en cours de discussion au Parlement. Cette PPLO doit renforcer l’importance de l’article liminaire en développant les informations qu’il contient.

Une des principales mesures de cette révision du cadre organique des finances publiques prévoit la détermination, par la loi de programmation des finances publiques, de deux normes d’évolution de la dépense publique exprimées respectivement en volume et en milliards d’euros courants.

Afin de renforcer la lisibilité et le poids du cadre pluriannuel dans les discussions des projets de loi de finances (PLF), le texte prévoit également de compléter l’information contenue au sein des articles liminaires des PLF. Ceux-ci rappelleraient ainsi les objectifs de solde structurel et effectif sur l’ensemble de la période de programmation, de même que les prévisions au titre des deux nouvelles normes en dépense.

Le Sénat a choisi d’apporter plusieurs modifications au texte adopté à l’Assemblée avec, en particulier, l’adoption d’une règle encadrant l’évolution des recettes publiques pour compléter les normes en dépense.

*

*     *

Amendement I-CF552 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de revenir sur la méthode de calcul retenue par le Gouvernement pour arrêter le niveau du déficit structurel en 2020, certaines mesures étant considérées comme temporaires et donc sans impact sur celui-ci.

Dans son avis, la Commission européenne relève que ces mesures, comme la baisse des impôts de production, ne sont ni compensées ni temporaires, ce qui modifie le lien entre dépenses conjoncturelles et dépenses structurelles. Elle a en effet évalué le déficit structurel de la France pour 2020 à - 5,1 % du PIB.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons eu ce débat notamment avec le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ainsi qu’avec la Cour des comptes : effectivement, en 2020, le Gouvernement avait fait le choix de comptabiliser l’ensemble des mesures d’urgence et de relance, parce que ponctuelles et temporaires, hors du solde structurel.

Il a depuis rebasculé l’ensemble de ces mesures dans le solde structurel : la difficulté est donc désormais résolue. Ce qui compte est de s’y tenir, en cohérence avec l’ensemble des autres pays européens. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement I-CF552.

Amendements I-CF479 de M. Charles de Courson, I-CF551 de Mme Valérie Rabault, I-CF480 de M. Charles de Courson et I-CF550 Mme Valérie Rabault (discussion commune).

M. Charles de Courson. Je propose que l’on indique « non renseigné » dans la colonne 2022. Pourquoi ? Parce que de l’aveu même du rapporteur général, 5 à 6 milliards d’euros de dépenses n’ont pas été budgétés. Je n’ai jamais vu ça !

Cela permettra d’attendre que le Gouvernement dépose ses amendements pour modifier cette colonne. On pourrait porter la même indication dans les colonnes relatives à 2020 et à 2021, puisque le même rapporteur général nous indique qu’elles n’ont pas de sens.

M. Jean-Louis Bricout. Effectivement, certaines dépenses annoncées ne se retrouvent pour l’instant pas dans le budget, notamment le plan d’investissement, le revenu d’engagement pour les jeunes, le plan pour Marseille, la création d’une assurance récolte pour les agriculteurs victimes de catastrophes climatiques à hauteur de 600 millions d’euros, la dotation pour compenser le déficit de La Poste et la réparation pour les harkis. Cela modifie évidemment le déficit public.

Nous proposons donc de passer de - 4,8 % à - 6,2 % du PIB.

M. Charles de Courson. Le HCFP estime le déficit structurel à 4,7 points de PIB en 2022 : il nous faut donc en tirer les conséquences et recalibrer ainsi la colonne concernée.

M. Jean-Louis Bricout. Si l’affichage pourrait nous conduire à estimer que tout ne va pas si mal que cela, en réalité les chiffres diraient autre chose s’ils étaient correctement imputés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si les grands agrégats de finances publiques seront probablement revus d’ici la fin de l’examen du projet de loi de finances à la lumière d’amendements gouvernementaux, nous devons travailler avec précision avec ce qu’il y a aujourd’hui dans le texte.

Nous ne pouvons donc pas modifier les trajectoires ni de croissance ni de solde public, qu’il soit conjoncturel ou structurel : laissons donc les chiffres concernés en l’état car ils seront très probablement révisés.

J’ai entendu parfois que ce budget était insincère, or ce terme n’est pas exact. L’insincérité était un reproche formulé à l’égard du PLF 2017 parce que l’exécution budgétaire ne pouvait pas être conforme à l’autorisation.

Si ce texte n’a rien d’insincère, il faut s’attendre effectivement à une révision du solde structurel et du solde public d’ici la fin de son examen.

M. le président Éric Woerth. Nous sommes nombreux à avoir dit qu’il n’était pas insincère mais incomplet.

La commission rejette successivement les amendements I-CF479, I-CF551, I-CF480 et I-CF550.

Elle adopte l’article liminaire non modifié.

*

*     *

 


—  1  —

   première partie : conditions générales de l’équilibre financier

titre premier
dispositions relatives aux ressources

I. – Impôts et ressources autorisés

A – Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État.

Il prévoit également que, sous réserve de dispositions contraires, les dispositions fiscales du présent projet de loi de finances s’appliquent au 1er janvier 2022.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’autorisation de percevoir les ressources publiques

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du projet de loi de finances de l’année renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par l’article 1er voit son champ précisé par le 1° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([11]), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF. Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public : revenus industriels et commerciaux, rémunérations de services rendus, fonds de concours, remboursements de prêts et d’avances, produits de cessions… Elle couvre les impositions de toutes natures affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Le présent article matérialise ainsi le monopole de la loi de finances sur l’autorisation de percevoir les impôts et les impositions de toutes natures. En particulier, c’est elle qui autorise le prélèvement des impositions de toutes natures affectées à la protection sociale et non la loi de financement de la sécurité sociale. 

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours –, ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État, sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au PLF relative aux évaluations des voies et moyens.

La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([12]).

II.   Le dispositif proposÉ

Le dispositif de l’article 1er du projet de loi de finances comporte immuablement deux parties.

Le I du présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État pendant l’année 2022.

Le II précise les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances qui ne comportent pas de date d’application particulière. L’application par défaut de ces dispositions est fixée à compter du 1er janvier 2022.

Deux exceptions sont traditionnellement prévues :

– l’une pour l’impôt sur les sociétés prévoyant que celui-ci est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2021 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct ;

– et l’autre pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’appliquant à l’impôt dû au titre de 2021 et des années suivantes.

L’entrée en vigueur du prélèvement à la source pourrait conduire à l’extinction progressive de la deuxième exception. Toutefois, elle est encore nécessaire car l’article 2 du présent projet de loi prévoit de revaloriser les tranches d’imposition applicables pour l’imposition des revenus de l’année 2021 afin de neutraliser les effets de l’inflation.

*

*     *

La commission adopte l’article 1er non modifié.

*

*     *


B – Mesures fiscales

Article 2
Indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu
et des seuils et limites qui lui sont associés

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à l’indexation :

– du montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR) ainsi que de plusieurs seuils et plafonds intervenant dans le calcul de l’impôt, à hauteur de l’évolution des prix hors tabac anticipée pour 2021 par rapport à 2020, soit + 1,4 %. Le coût de la mesure est évalué à 1,5 milliard d’euros.

– des limites des tranches des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source, soit le taux transmis à l’employeur dans les cas où l’administration n’est pas en mesure de calculer le taux personnalisé ou lorsque le contribuable en fait la demande, à hauteur de l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

Dernières modifications législatives intervenues

À l’exception d’une interruption pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012, les lois de finances initiales procèdent, chaque année, à l’indexation du barème de l’IR sur le taux d’inflation anticipé, afin de neutraliser les effets de l’inflation sur le niveau d’imposition à l’IR des ménages.

L’article 2 de loi de finances initiale pour 2020 a modifié le barème de l’impôt sur le revenu et certains dispositifs d’allègement de la structure du bas de barème pour permettre une baisse d’impôt de 5 milliards d’euros en 2020, concentrée sur les contribuables dont le taux marginal relève des deux premières tranches d’imposition :

– le taux de la première tranche imposable a été abaissé de 14 % à 11 % et les seuils d’entrée dans les deuxième et troisième tranches imposables ont été abaissés pour neutraliser l’effet de la baisse de l’impôt pour les ménages les plus aisés ;

– la réduction d’impôt au taux maximal de 20 % en faveur des foyers fiscaux aux revenus modestes a été supprimée ;

– les paramètres de la décote ont été modifiés.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’état du droit

A.   L’indexation annuelle du barème de l’impôt sur le revenu, une pratique courante des lois de finances initiales

Traditionnellement, la loi de finances de l’année revalorise les seuils des différentes tranches du barème de l’impôt sur le revenu (IR) applicable aux revenus de l’année à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution des prix s’est appliquée de façon quasi continue depuis 1969, de manière différenciée selon les tranches du barème dans un premier temps, puis de manière indifférenciée depuis 1981.

Depuis cette date, le principe de l’indexation annuelle du barème de l’IR sur l’évolution de l’inflation constitue une mesure plutôt consensuelle de modération de la pression fiscale reconduit, sauf exceptions limitées, chaque année en loi de finances initiale.

Dans un contexte économique et budgétaire contraint, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([13]) a procédé au gel des seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et des années suivantes, permettant ainsi des recettes supplémentaires de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 ([14]) n’est pas revenue sur le gel et ce n’est qu’avec la loi de finances pour 2014 ([15]) que la pratique de l’indexation est réapparue.

Après 2013, chaque loi de finances initiale a ainsi procédé à une revalorisation des tranches du barème de l’IR, respectivement, de 0,8 % ([16]), 0,5 % ([17]), 0,1 % ([18]), 0,1 % ([19]), 1 % ([20]), 1,6 % ([21]), 1 % ([22]) et 0,2 % ([23]).

ÉVOLUTION DU TAUX D’INFLATION ET DE L’INDEXATION DU BARÈME
DE L’IMPÔT SUR LE REVENU DEPUIS 2011

Année N

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Indexation du barème réalisée en PLF de l’année N

1,5 %

0 %

(gel du barème)

0 %

(gel du barème)

0,8 %

0,5 %

0,1 %

0,1 %

1 %

1,6 %

1 %

0,2 %

Coût de la mesure en année N (pertes de recettes d’IR)

(en millions d’euros)

1 100

0

0

700

485

100

100

1 100

1 176

1 100

230

Source : commission des finances.

L’inflation constatée l’année N peut s’avérer légèrement différente du taux d’indexation du barème car il est établi sur la base des prévisions d’inflation arrêtées à l’été de l’année N, lors de l’élaboration du PLF pour l’année N + 1. Au cours des dernières années, l’écart entre l’inflation anticipée et l’inflation constatée n’a in fine jamais dépassé 0,1 point.

L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution du niveau des prix permet de maintenir constante la pression fiscale qui pèse sur les contribuables, c’est-à-dire le rapport entre l’impôt dû et le revenu. Dit autrement, elle « neutralise » les effets liés à l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.

A contrario, si le barème n’évoluait pas dans les mêmes proportions que le niveau des prix, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait. La progressivité du barème impliquerait qu’une part plus importante de leurs revenus soit soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter en cas de changement de tranche. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre. L’indexation est donc une mesure favorable aux contribuables.

B.   Une réforme d’ampleur de l’impôt sur le revenu en loi de finances initiale pour 2020

L’article 2 de la loi de finances initiale pour 2020 a prévu une importante réforme d’allègement de l’imposition à l’IR, pour un montant total de 5 milliards d’euros environ, concentrée sur les contribuables dont le taux marginal relève des deux premières tranches d’imposition. Cette réforme est applicable aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.

En premier lieu, le barème de l’IR a été modifié :

– le taux de la première tranche du barème a été abaissé de 14 % à 11 % ;

– les seuils d’entrée dans les deuxième et troisième tranches imposables ont été abaissés pour neutraliser l’effet de la baisse de l’impôt sur les ménages les plus aisés.

En deuxième lieu, les paramètres de calcul de la décote ont été revus.

Codifié à l’article 197 du CGI (a du 4), le mécanisme de la décote consiste à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif de la différence entre un montant fixe et une fraction du montant de l’impôt précité, lesquels sont fixés à l’article 197 du CGI, afin de décaler et lisser l’entrée dans le barème de l’IR. Les montants associés à la décote sont fixés à l’article 197 et évoluent traditionnellement chaque année dans les mêmes proportions que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

L’article 2 de la loi de finances initiale pour 2020 a atténué la pente de la décote pour la porter de ¾ 75 % à 45,25 % et les montants associés ont été modifiés.

ÉVOLUTION DE LA DÉCOTE DEPUIS 2015

Année

2016

(revenus de 2015)

2017

(revenus de 2016)

2018

(revenus de 2017)

2019

(revenus de 2018)

2020 (revenus 2019)

2021 (revenus 2020)

Montant de la décote pour une personne seule (en euros)

1 165

1 165

1 177

1 196

1 208

779

Montant de la décote pour les contribuables soumis à une imposition commune (en euros)

1 920

1 920

1 939

1 970

1 990

1 289

Fraction du montant d’impôt

3/4

3/4

3/4

3/4

3/4

45,25 %

Source : commission des finances.

*Hors revalorisation liée à l’inflation.

En troisième lieu, la réduction d’impôt de 20 % sous conditions de ressources a été abrogée puisque les modifications apportées à la décote et au barème de l’IR couvraient les effets de ce mécanisme, le rendant ainsi caduque.

 

Premier bilan de la réforme de l’impôt sur le revenu

D’après les bases de données disponibles relatives à l’imposition des revenus de l’année 2019, la réforme de la baisse de l’impôt sur le revenu inscrite en LFI 2020 concernerait 17 377 000 de foyers fiscaux, pour un gain total estimé à 5 183 millions d’euros, soit un gain moyen par bénéficiaire d’environ 298 euros.

Ventilation des foyers fiscaux bénéficiaires de la baisse d'impôt sur le revenu par décile de RFR de l'ensemble des foyers fiscaux

Borne inférieure du décile

Borne supérieure du décile

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la baisse d'impôt sur le revenu

Montant du gain moyen
(en euros)

0,0

2 600

3 000

340

2 600

8 800

2 000

40

8 800

12 800

1 000

60

12 800

16 100

600 000

10

16 100

19 300

2 226 000

80

19 300

23 600

2 412 000

350

23 600

29 800

2 294 000

320

29 800

38 300

2 928 000

180

38 300

53 900

3 552 000

490

53 900

 

3 359 000

350

Total

17 377

298

Source : DGFiP.

 

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   L’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, à hauteur de 1,4 %

1.   La revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu

Le 1° du B du I procède à l’indexation du barème de l’IR sur les revenus perçus ou réalisés en 2021 en revalorisant chacune des limites des tranches de 1,4 %. Ce taux correspond à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac en 2021 par rapport à 2020, qui figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent PLF.

BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU APPLICABLE AUX REVENUS DE 2021

Jusqu’à 10 225 euros

0 %

10 225 euros – 26 070 euros

11 %

26 070 euros – 74 545 euros

30 %

74 545 euros – 160 336 euros

41 %

Fraction supérieure à 160 336 euros

45 %

Source : commission des finances.

● L’indexation du barème est également une référence pour l’évolution d’autres types de montants conditionnant, selon les cas, une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage fiscal. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

LISTE DES DISPOSITIFS DONT LES SEUILS, PLAFONDS OU ABATTEMENTS éVOLUENT EN FONCTION DE LA REVALORISATION DU BARèME DE L’IR

Dispositifs

Référence

Impôt sur le revenu

Seuils de chiffre d’affaires du régime micro-entreprise

Article 50-0 du CGI (1)

* évolution triennale

Seuils et plafonds applicables pour déterminer le régime d’imposition des exploitants agricoles

Article 69 du CGI

* évolution triennale

Seuils et plafonds applicables pour déterminer le régime d’imposition des groupements agricoles d’exploitation en commun

Article 71 du CGI

* évolution triennale

Abattement sur le bénéfice imposable des exploitants soumis à un régime réel d'imposition

Article 73 B du CGI

* évolution triennale

Seuil et plafond de la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut

3° de l’article 83 du CGI

Seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial

1 de l’article 102 ter du CGI

* évolution triennale

Régime du micro-entrepreneur

Article 151-0 du CGI

Modalités d’imputation des déficits agricoles

1° du I de l’article 156 du CGI

Déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable

2° ter du II de l’article 156 du CGI

Abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes modestes invalides ou âgées de plus de 65 ans

article 157 bis du CGI

Abattement applicable aux pensions et retraites

a du 5 de l’article 158 du CGI

Évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie

1 de l’article 168 du CGI

Retenue à la source spécifique sur les revenus salariaux et assimilés des contribuables non-résidents

article 182 A du CGI

Retenue à la source spécifique sur les sommes perçues par des contribuables non-résidents en contrepartie de prestations artistiques

Article 182 A bis du CGI

Application du taux minimum aux contribuables non-résidents

Article 197 A du CGI

Réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers

ter de l’article 200 du CGI

Grilles de taux par défaut du prélèvement à la source (voir infra)

e du 1 du III de l’article 204 H

Seuil de RFR associé au bénéfice du taux nul en matière de prélèvement à la source

2 du II de l’article 204 H

Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d’imposition en bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

article 302 septies bis
du CGI

*évolution triennale

Fiscalité directe locale

Plafonds pour les exonérations et dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties (par conséquent, plafonds applicables pour certains dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public)

I, I bis, II de l’article 1417 du CGI

Plafonds pour l’exonération totale ou progressive de taxe d’habitation

II bis de l’article 1417 du CGI (abrogation prévue au 1er janvier 2023 dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation)

 

 

Dégrèvement de taxe d’habitation en faveur des personnes âgées ou veuves, de condition modeste, qui cohabitent avec leurs enfants majeurs demandeurs d’emploi également de condition modeste

IV de l’article 1414 du CGI (abrogation prévue au 1er janvier 2023 dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation)

Dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public en faveur des personnes âgées ou veuves, de condition modeste, qui cohabitent avec leurs enfants majeurs demandeurs d’emploi également de condition modeste

f du 2° de l’article 1605 bis du CGI (à partir du 1er janvier 2021)

Autres domaines fiscaux

Barème de la taxe sur les salaires (TS)

2 bis de l’article 231 du CGI

Seuil de chiffre d’affaires pour la franchise en base

article 293 B du CGI

Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d’imposition en taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

article 302 septies A du CGI

Exigibilité de la TS pour les associations

article 1679 A du CGI

Source : commission des finances.

2.   La revalorisation des plafonds applicables au quotient familial

La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne de celle des différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt s’agissant de l’avantage retiré du quotient familial.

Visant à corriger la progressivité du barème de l’impôt en fonction de la situation de famille et des charges du foyer fiscal, le quotient familial a pour conséquence d’alléger, à revenu égal, la charge fiscale pesant sur les familles par rapport à celle des redevables taxés sur un nombre inférieur de parts, en permettant d’imposer les revenus ainsi fractionnés dans des tranches plus basses.

Depuis la loi de finances pour 1982, l’avantage fiscal qui résulte de l’application du quotient familial est plafonné, de sorte que, pour les contribuables soumis au plafonnement, cet avantage tend à diminuer, en valeur relative par rapport à l’impôt dû, à mesure que le revenu augmente. Ainsi, le plafonnement bénéficie plus fortement aux contribuables dont les revenus sont les moins élevés.

Le 2° du B du I du présent article procède à l’indexation des plafonds de l’avantage retiré de l’application des différentes parts et demi-parts qui composent le quotient familial.

INDEXATION DE PLAFONDS ASSOCIÉS AU CALCUL DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

(en euros)

Objet de la limite ou du seuil

Pour l’imposition des revenus de 2020

Pour l’imposition des revenus de 2021

Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial

1 570

1 592

Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du CGI

3 704

3 756

Plafond de l’avantage retiré de la demi-part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des ab et e du 1 de l’article 195 du CGI

938

951

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des cdd bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI

1 565

1 587

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194 du CGI

1 748

1 772

Source : commission des finances.

Par ailleurs, le rattachement au foyer fiscal d’un enfant majeur marié, pacsé ou chargé de famille, de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’il poursuit ses études, ouvre droit à un abattement sur le revenu imposable, en application de l’article 196 B du CGI. Le A du I du présent article fixe le montant de l’abattement à 6 042 euros pour l’imposition des revenus de 2021.

3.   La revalorisation de la décote

En application de l’article 2 de la loi de finances initiale pour 2020, la décote consiste désormais à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif de la différence entre, pour les revenus de l’année 2020, 779 euros (hors indexation sur l’inflation) et 45,25 % de son montant pour les célibataires, divorcés ou veufs, ou de la différence entre 1 289 euros (hors indexation sur l’inflation) et 45,25 % de son montant pour les contribuables soumis à une imposition commune.

Le 3° du B du I du présent article procède à l’indexation de la décote, en portant son montant à 790 euros dans le premier cas et à 1 307 euros dans le second.

Par conséquent, pour les revenus réalisés ou perçus en 2021, la décote trouverait à s’appliquer tant que l’impôt issu du barème serait inférieur à 1 746 euros pour une personne célibataire, divorcée ou veuve et inférieur à 2 889 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune.

Par ailleurs, la décote viendrait annuler l’imposition, telle qu’elle résulte du barème progressif, lorsque celle-ci serait inférieure à 544 euros pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, et à 1900 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

B.   La revalorisation des grilles de taux par défaut applicables pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2022

Le taux de la retenue à la source que doivent effectuer les collecteurs est calculé par l’administration fiscale selon les modalités définies à l’article 204 H du CGI. Toutefois, lorsque le débiteur ne dispose pas du taux individualisé ou lorsque l’administration n’est pas en mesure de transmettre un taux suffisamment « à jour » de la situation fiscale du contribuable, il est fait application des grilles de taux dit « par défaut », prévues aux a à c du III de l’article 204 H du CGI.

Trois grilles, respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du 1 du III), en Guyane et à Mayotte (c du 1 du III), précisent le taux applicable pour chaque tranche de base mensuelle de prélèvement. Les grilles spécifiques établies pour ces territoires ultra-marins tiennent compte des effets de la réduction de 30 % ou 40 %, selon les cas, qui s’y applique.

Les 1° à 3° du C du I du présent article procèdent à une revalorisation des montants retenus pour les bases mensuelles de prélèvement, dans les limites inscrites dans les tableaux ci-dessous.

GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT »
POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS EN MÉTROPOLE

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 420 €

0 %

Inférieure à 1 440 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 420 € et inférieure à 1 475 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 440 € et inférieure à 1 496 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 475 € et inférieure à 1 570 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 496 € et inférieure à 1 592 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 570 € et inférieure à 1 676 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 592 € et inférieure à 1 699 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 676 € et inférieure à 1 791 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 1 699 € et inférieure à 1 816 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 1 791 € et inférieure à 1 887 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 816 € et inférieure à 1 913 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 887 € et inférieure à 2 012 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 1 913 € et inférieure à 2 040 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 012 € et inférieure à 2 381 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 040 € et inférieure à 2 414 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 381 € et inférieure à 2 725 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 414 € et inférieure à 2 763 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 725 € et inférieure à 3 104 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 2 763 € et inférieure à 3 147 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 3 104 € et inférieure à 3 494 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 3 147 € et inférieure à 3 543 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 3 494 € et inférieure à 4 077 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 3 543 € et inférieure à 4 134 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 4 077 € et inférieure à 4 888 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 4 134 € et inférieure à 4 956 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 4 888 € et inférieure à 6 116 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 4 956 € et inférieure à 6 202 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 6 116 € et inférieure à 7 640 €

20 %

Supérieure ou égale à 6 202 € et inférieure à 7 747 €

20 %

Supérieure ou égale à 7 640 € et inférieure à 10 604 €

24 %

Supérieure ou égale à 7 747 € et inférieure à 10 752 €

24 %

Supérieure ou égale à 10 604 € et inférieure à 14 362 €

28 %

Supérieure ou égale à 10 752 € et inférieure à 14 563 €

28 %

Supérieure ou égale à 14 362 € et inférieure à 22 545 €

33 %

Supérieure ou égale à 14 563 € et inférieure à 22 860 €

33 %

Supérieure ou égale à 22 545 € et inférieure à 48 292 €

38 %

Supérieure ou égale à 22 860 € et inférieure à 48 967 €

38 %

Supérieure ou égale à 48 292 €

43 %

Supérieure ou égale à 48 967 €

43 %

Source : commission des finances d’après le présent article.

GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN GUADELOUPE, À LA RÉUNION ET EN MARTINIQUE

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 629 €

0 %

Inférieure à 1 652 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 629 € et inférieure à 1 728 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 652 € et inférieure à 1 752 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 728 € et inférieure à 1 904 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 752 € et inférieure à 1 931 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 904 € et inférieure à 2 079 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 1 931 € et inférieure à 2 108 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 079 € et inférieure à 2 296 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 108 € et inférieure à 2 328 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 296 € et inférieure à 2 421 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 328 € et inférieure à 2 455 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 421 € et inférieure à 2 505 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 455 € et inférieure à 2 540 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 505 € et inférieure à 2 755 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 540 € et inférieure à 2 794 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 755 € et inférieure à 3 406 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 794 € et inférieure à 3 454 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 3 406 € et inférieure à 4 359 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 3 454 € et inférieure à 4 420 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 4 359 € et inférieure à 4 952 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 4 420 € et inférieure à 5 021 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 4 952 € et inférieure à 5 736 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 5 021 € et inférieure à 5 816 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 5 736 € et inférieure à 6 872 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 5 816 € et inférieure à 6 968 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 6 872 € et inférieure à 7 640 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 6 968 € et inférieure à 7 747 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 7 640 € et inférieure à 8 684 €

20 %

Supérieure ou égale à 7 747 € et inférieure à 8 805 €

20 %

Supérieure ou égale à 8 684 € et inférieure à 11 940 €

24 %

Supérieure ou égale à 8 805 € et inférieure à 12 107 €

24 %

Supérieure ou égale à 11 940 € et inférieure à 15 865 €

28 %

Supérieure ou égale à 12 107 € et inférieure à 16 087 €

28 %

Supérieure ou égale à 15 865 € et inférieure à 24 215 €

33 %

Supérieure ou égale à 16 087 € et inférieure à 24 554 €

33 %

Supérieure ou égale à 24 215 € et inférieure à 52 930 €

38 %

Supérieure ou égale à 24 554 € et inférieure à 53 670 €

38 %

Supérieure ou égale à 52 930 €

43 %

Supérieure ou égale à 53 670 €

43 %

Source : commission des finances d’après le présent article.

GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN GUYANE ET À MAYOTTE

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Inférieure à 1 745 €

0 %

Inférieure à 1 769 €

0 %

Supérieure ou égale à 1 745 € et inférieure à 1 887 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 769 € et inférieure à 1 913 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 887 € et inférieure à 2 104 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 1 913 € et inférieure à 2 133 €

1,3 %

Supérieure ou égale à 2 104 € et inférieure à 2 371 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 133 € et inférieure à 2 404 €

2,1 %

Supérieure ou égale à 2 371 € et inférieure à 2 463 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 404 € et inférieure à 2 497 €

2,9 %

Supérieure ou égale à 2 463 € et inférieure à 2 547 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 497 € et inférieure à 2 583 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 547 € et inférieure à 2 630 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 583 € et inférieure à 2 667 €

4,1 %

Supérieure ou égale à 2 630 € et inférieure à 2 922 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 667 € et inférieure à 2 963 €

5,3 %

Supérieure ou égale à 2 922 € et inférieure à 4 033 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 963 € et inférieure à 4 089 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 4 033 € et inférieure à 5 219 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 4 089 € et inférieure à 5 292 €

9,9 %

Supérieure ou égale à 5 219 € et inférieure à 5 887 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 5 292 € et inférieure à 5 969 €

11,9 %

Supérieure ou égale à 5 887 € et inférieure à 6 830 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 5 969 € et inférieure à 6 926 €

13,8 %

Supérieure ou égale à 6 830 € et inférieure à 7 515 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 6 926 € et inférieure à 7 620 €

15,8 %

Supérieure ou égale à 7 515 € et inférieure à 8 325 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 7 620 € et inférieure à 8 441 €

17,9 %

Supérieure ou égale à 8 325 € et inférieure à 9 661 €

20 %

Supérieure ou égale à 8 441 € et inférieure à 9 796 €

20 %

Supérieure ou égale à 9 661 € et inférieure à 12 997 €

24 %

Supérieure ou égale à 9 796 € et inférieure à 13 179 €

24 %

Supérieure ou égale à 12 997 € et inférieure à 16 533 €

28 %

Supérieure ou égale à 13 179 € et inférieure à 16 764 €

28 %

Supérieure ou égale à 16 533 € et inférieure à 26 496 €

33 %

Supérieure ou égale à 16 764 € et inférieure à 26 866 €

33 %

Supérieure ou égale à 26 496 € et inférieure à 55 926 €

38 %

Supérieure ou égale à 26 866 € et inférieure à 56 708 €

38 %

Supérieure ou égale à 55 926 €

43 %

Supérieure ou égale à 56 708 €

43 %

Source : commission des finances d’après le présent article.

Le III du présent article prévoit que ces modifications des grilles de taux par défaut seront applicables aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2022.

III.   L’IMPACT DE LA MESURE

Le coût budgétaire de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu et des seuils et limites qui lui sont associés est chiffré à 1,5 milliard d’euros pour l’année 2022, au titre des moindres recouvrements de recettes d’impôt sur le revenu pour l’État.

Une absence de revalorisation conduirait ainsi à alourdir la pression fiscale sur les ménages. Cette mesure permet donc de maintenir à un niveau constant le pouvoir d’achat des ménages imposables.

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF481 de Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement nous propose de réévaluer toutes les limites de tranche d’impôt sur le revenu de 1,4 % au motif que le taux d’inflation prévisionnel est de 1,4 %. Or j’ai été étonné par l’extrême progression du produit de cet impôt : plus de 7 % ! Comment s’explique-t-elle ? Par le fait que l’année dernière les bases ont été réévaluées de 0,2 % : or le taux d’inflation ne sera pas de 0,2 % en 2021.

Je propose donc de réévaluer non pas de 1,4 % mais de 2,4 % afin de tenir compte du différentiel entre l’inflation réelle et l’inflation retenue pour 2021 et du contexte inflationniste.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est précisément ce que fait le texte puisque c’est sur l’inflation anticipée pour 2021 que se base la revalorisation du barème de l’IR pour l’imposition des revenus de l’année 2021, soit 1,4 % hors tabac, ce qui permet de faire progresser au travers de cet article le pouvoir d’achat des ménages de 1,5 milliard d’euros.

Votre préoccupation est donc bien satisfaite : l’inflation retenue ne s’élève pas à 0,2 % mais à 1,4 % hors tabac.

M. Charles de Courson. Il faut tenir compte de la réévaluation l’année dernière de 0,2 %. Je rappelle en outre que l’on paye l’IR non plus sur les revenus de l’année n – 1 mais sur ceux de l’année n. Il nous faut donc tenir compte du différentiel d’inflation entre le 0,2 % retenu l’année dernière et le 1,4 % de cette année et donner un coup de pouce de 1 point en passant de 1,4 % à 2,4 %.

La commission rejette l’amendement I-CF481.

Amendement I-CF195 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Alain Bruneel. Il s’agit d’instaurer un barème de l’impôt sur le revenu véritablement progressif, composé de onze tranches, contre cinq aujourd’hui, offrant un rendement de 73 milliards d’euros tout en permettant une baisse d’impôt pour les foyers modestes et moyens avec un taux d’entrée à 10 %, contre 11 % aujourd’hui, et un taux marginal à 48 %, en conformité avec le cadre constitutionnel.

Ainsi l’IR d’un couple percevant 3 200 euros par mois s’élèverait à 103 euros, soit deux fois moins qu’actuellement, puisqu’il est imposé à hauteur de 216 euros. La baisse s’appliquerait jusqu’aux revenus égaux à 3 900 euros nets mensuels pour un célibataire.

Notre proposition réinstaure une progressivité réelle de l’IR qui n’a cessé de décliner depuis de nombreuses années : en 1993, il comportait quatorze tranches, contre sept en 1994 et cinq en 2007. La transformation économique, écologique et sociale ne pourra s’opérer qu’en rétablissant une véritable justice fiscale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je note que c’est sous la législature précédente que le nombre de tranches a été réduit. Si je peux entendre l’argument relatif à l’intérêt d’une progressivité accrue et d’un nombre plus important de tranches, je suis défavorable à l’amendement en raison du taux marginal que vous augmentez à 48 %. Aucun Français ne doit voir son impôt augmenter en cette fin de législature.

La commission rejette l’amendement I-CF195.

Amendement I-CF827 de Mme Marie-Christine Dalloz, amendements identiques ICF72 de M. Marc Le Fur et I-CF484 de M. Charles de Courson, et amendement I-CF1067 de M. Jean-Noël Barrot (discussion commune).

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de revenir sur le quotient familial : depuis quelques années, les couples avec enfants sont pénalisés, et on s’apercevra trop tard de la répercussion de cette évolution sur la politique familiale française.

M. Marc Le Fur. Quelque 800 000 foyers victimes de telles décisions relatives au quotient familial ont vu leurs revenus diminuer. Or l’aide aux familles est légitime en soi, et non une annexe des aides sociales : il convient de revenir à la politique pratiquée antérieurement.

M. Charles de Courson. L'article 4 du projet de loi de finances pour 2013 avait pris acte de l’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial : c’était une erreur. La situation démographique de notre pays, qui n’est pas bonne, se dégrade : l’amendement est un appel au Gouvernement pour une véritable politique familiale et pour un relèvement de ce plafond. On ne fait pas des enfants pour de l’argent. Il est donc proposé de revenir aux plafonds antérieurs.

M. Christophe Jerretie. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés propose l’augmentation du plafond du quotient familial à 1 620 euros. Notre cher haut-Commissaire au plan a vanté les mérites de la démographie, dont l’élément-clé reste la famille. Il serait souhaitable, dans le cadre de notre modèle social et économique, de lui donner raison.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne souhaite pas revenir sur ce sujet dont nous discutons chaque année. S’agissant du coût budgétaire des propositions avancées, l’amendement de M. Le Fur coûterait 2 milliards d’euros, celui de Mme Dalloz 600 millions et celui de M. Jerretie 100 millions. Avis défavorable, donc.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF827, les amendements identiques I-CF72 et I-CF484, et l’amendement I-CF1067.

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3
Sécurisation du champ des prestations de services éligibles au crédit d’impôt en faveur des services à la personne

Résumé du dispositif et effets principaux

Suite à l’annulation par le Conseil d’État dans une décision du 30 novembre 2020 d’une partie de l’instruction fiscale relative au champ d’application du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, le présent article modifie l’article 199 sexdecies du code général des impôts (CGI) en y introduisant explicitement la liste des prestations ouvrant droit au bénéfice de l’avantage fiscal lorsqu’elles sont réalisées hors du domicile du contribuable mais dans le cadre d’une offre de services incluant des activités effectuées dans le domicile.

Dans une logique d’approfondissement de la sécurisation du cadre fiscal en vigueur, il introduit également la mention des plafonds applicables pour certaines dépenses dont la prise en compte est aujourd’hui uniquement prévue par la doctrine fiscale.

L’incidence budgétaire de cette mesure est quasi nulle, un gain budgétaire limité et non chiffrable étant anticipé en raison de la suppression d’une légère extension du champ du crédit d’impôt dans sa décision précitée.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances rectificative pour 2006 a transformé la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile en crédit d’impôt pour les seuls contribuables actifs et les couples dont les membres exerçaient tous deux une activité professionnelle. Le bénéfice du crédit d’impôt a ensuite été étendu aux contribuables en recherche d’emploi par la loi dite DALO du 5 mars 2007.

L’article 82 de la loi de finances pour 2017 a généralisé le bénéfice du crédit d’impôt à l’ensemble des ménages pour leurs dépenses relatives à l’emploi d’un salarié à domicile, à compter du 1er janvier 2017.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de Mme Christine Pirès-Beaune qui prévoit que le contribuable doit indiquer dans sa déclaration d’impôt sur le revenu les activités de services à la personne au titre desquelles il a engagé des dépenses éligibles pour bénéficier de l’avantage fiscal associé.

IV.   État du droit

A.   Un crédit d’impôt central dans notre système socio-fiscal

1.   L’universalisation du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile depuis le 1er janvier 2017

Afin de favoriser l’emploi dans le secteur des services à la personne et lutter contre le travail au noir, un dispositif fiscal incitatif en faveur de l’emploi des salariés à domicile a été créé par la loi de finances rectificative pour 1991 ([24]) et codifié à l’article 199 sexdecies du CGI, sous la forme d’une réduction d’impôt sur le revenu. Le montant de la réduction d’impôt s’établissait à 50 % des dépenses exposées pour l’emploi d’un salarié à domicile, dans la limite d’un plafond qui a varié dans le temps ([25]).

La loi de finances rectificative pour 2006 ([26]) a transformé cette réduction d’impôt en un crédit d’impôt pour les seuls contribuables actifs et les couples dont les membres exerçaient tous deux une activité professionnelle. Le bénéfice du crédit d’impôt a ensuite été étendu aux contribuables en recherche d’emploi en 2007 ([27]). Un plafond majoré pour la première année d’imposition pour laquelle le contribuable bénéficie de l’avantage fiscal a été introduit par la loi de finances pour 2009 ([28]).

La forme hybride de cet avantage fiscal, avec le maintien d’une réduction d’impôt pour certains contribuables et l’existence d’un crédit d’impôt pour d’autres, a conduit à une iniquité : en 2016, environ un cinquième des foyers fiscaux employant un salarié à domicile ne bénéficiait d’aucun avantage fiscal ([29]) et l’aide fiscale pouvait être in fine plus importante pour les foyers fiscaux aisés que pour ceux aux revenus modestes. Face à ce constat, il a été décidé de généraliser le bénéfice du crédit d’impôt à l’ensemble des ménages pour leurs dépenses relatives à l’emploi d’un salarié à domicile, à compter du 1er janvier 2017 ([30]).

2.   Des conditions d’éligibilité souples

L’article 199 sexdecies du CGI prévoit donc que les dépenses exposées par un contribuable domicilié en France au titre de l’emploi d’un salarié à domicile ouvrent droit à un crédit d’impôt égal à 50 % de leur montant.

L’article 199 sexdecies du CGI renvoie à deux articles du code du travail pour définir le périmètre des dépenses concernées.

Ainsi, l’article L. 7231-1 du code du travail indique que les services à la personne portent sur les activités de garde d’enfants, d’assistance aux personnes âgées et handicapées ainsi que sur les services relatifs aux tâches ménagères ou familiales.

L’article D. 7231-1 du code du travail dresse, par voie réglementaire, la liste exhaustive de ces activités qui sont nombreuses et hétérogènes.

 

Liste des activités de service à la personne (article D.7231-1 du code du travail)

– garde d’enfants à domicile, en dessous d’un âge fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de la famille (1° du I) ;

– accompagnement des enfants en dessous d'un âge fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé de la famille dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) (2° du I) ;

– assistance dans les actes quotidiens de la vie ou aide à l’insertion sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques qui ont besoin de telles prestations à domicile, quand ces prestations sont réalisées dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 7232-6 du code du travail, à l’exclusion d’actes de soins relevant d’actes médicaux à moins qu’ils ne soient exécutés dans les conditions prévues à l’article L. 1111-6-1 du code de la santé publique et du décret n° 99-426 du 27 mai 1999 habilitant certaines catégories de personnes à effectuer des aspirations endo-trachéales (3° du I) ;

– prestation de conduite du véhicule personnel des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives quand cette prestation est réalisée dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 7232-6 du code du travail (4° du I) ;

– accompagnement des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante) quand cet accompagnement est réalisé dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 7232-6 du même code (5° du I) ;

– entretien de la maison et travaux ménagers (1° du II) ;

– petits travaux de jardinage, y compris les travaux de débroussaillage (2° du II) ;

 

 

– travaux de petit bricolage dits « homme toutes mains » (3° du II) ;

– garde d’enfants à domicile au-dessus d’un âge fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de la famille (4° du II) ;

– soutien scolaire à domicile ou cours à domicile (5° du II) ;

– soins d’esthétique à domicile pour les personnes dépendantes (6° du II) ;

– préparation de repas à domicile, y compris le temps passé aux courses (7° du II) ;

– livraison de repas à domicile (8° du II) ;

– collecte et livraison à domicile de linge repassé (9° du II) ;

– livraison de courses à domicile (10° du II) ;

– assistance informatique à domicile (11° du II) ;

– soins et promenades d’animaux de compagnie, à l’exception des soins vétérinaires et du toilettage, pour les personnes dépendantes (12° du II) ;

– maintenance, entretien et vigilance temporaires, à domicile, de la résidence principale et secondaire (13° du II) ;

– assistance administrative à domicile (14° du II) ;

– accompagnement des enfants de plus de trois ans dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) (15° du II) ;

– téléassistance et visio assistance (16° du II) ;

– interprète en langue des signes, technicien de l’écrit et codeur en langage parlé complété (17° du II) ;

– prestation de conduite du véhicule personnel des personnes qui ont besoin temporairement d'une aide personnelle à leur domicile, du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives (18° du II) ;

– accompagnement des personnes qui ont besoin temporairement d’une aide personnelle à leur domicile dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante) (19° du II) ;

– assistance aux personnes qui ont besoin temporairement d'une aide personnelle à leur domicile, à l'exclusion des soins relevant d’actes médicaux (20° du II) ;

– coordination et délivrance des services mentionnés (21° du II).

Les services doivent être rendus :

– soit par un salarié dont le contribuable est l’employeur direct ;

– soit par une association, une entreprise ou un organisme déclaré auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et qui, sauf dérogation, rend exclusivement des services à la personne ;

– soit par un organisme à but non lucratif ayant pour l’objet l’aide à domicile et habilité au titre de l’aide sociale ou conventionné.

L’emploi doit être exercé à la résidence, située en France, du contribuable ou d’un de ses ascendants. La résidence concernée peut être la résidence principale ou secondaire. Cependant, la doctrine fiscale admet que les prestations peuvent également être effectuées en dehors du domicile lorsqu’elles sont comprises dans une offre globale de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile ([31]) (voir développements infra).

● L’avantage fiscal est calculé sur l’ensemble des dépenses liées à la rémunération du salarié effectivement versées par l’employeur c’est-à-dire les salaires nets, les cotisations sociales et patronales et éventuellement, les frais de gestion facturés par un organisme déclaré au titre du placement du salarié chez l’employeur.

En cas d’emploi indirect, l’avantage fiscal est calculé sur le montant des sommes facturées par l’organisme au titre de la prestation de services – à l’exclusion de toute fourniture de marchandise.

Dans les deux cas, doivent être déduites les allocations ou indemnités de toute origine versées au contribuable pour financer les frais d’emploi d’un salarié (comme par exemple, l’allocation personnalisée d’autonomie ou le complément de libre choix du mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant).

● Le montant annuel des dépenses ouvrant droit à l’avantage fiscal est plafonné, à des niveaux variables selon les configurations :

– dans la généralité des cas, ce plafond est fixé à 12 000 euros, ce qui correspond à un avantage fiscal maximal de 6 000 euros ;

– ce plafond de 12 000 euros est majoré de 1 500 euros par enfant à charge et par membre du foyer fiscal âgé de plus de soixante-cinq ans, sans toutefois pouvoir excéder 15 000 euros, soit un avantage fiscal maximal de 7 500 euros ;

– ces plafonds de 12 000 et 15 000 euros sont portés respectivement à 15 000 et 18 000 euros pour la première année d’imposition pour laquelle le contribuable bénéficie de l’avantage fiscal ;

– le plafond de dépenses est porté à 20 000 euros (soit un avantage maximal de 10 000 euros) pour les contribuables invalides ou qui ont une personne invalide à leur charge, et qui sont dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne.

Outre ces plafonds généraux, sont également prévus, par voie réglementaire ([32]), des plafonds spécifiques à certaines activités :

– les dépenses correspondant aux travaux de petit bricolage sont plafonnées à 500 euros par an et par foyer fiscal ;

– les dépenses correspondant aux petits travaux de jardinage sont plafonnées à 5 000 euros ;

– les dépenses correspondant aux prestations d’assistance informatique sont plafonnées à 3 000 euros.

Le montant de l’avantage fiscal est par ailleurs pris en compte pour le calcul du plafonnement global des niches fiscales à 10 000 euros, prévu par l’article 200-0 A du CGI.

 Depuis la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu le 1er janvier 2019, le crédit d’impôt fait l’objet d’un mécanisme d’avance. Le crédit obtenu au titre des dépenses engagées une année n est versé, sous forme d’acompte, à hauteur de 60 % en janvier de l’année n+1 puis le reliquat est versé au cours de l’été.

Face au succès de l’expérimentation relative à la mise en place d’un crédit d’impôt contemporain prévue par l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, il est prévu de généraliser progressivement le caractère immédiat de ce crédit d’impôt à compter de janvier 2022 (cf. le PLFSS pour 2022). Seront ainsi concernés dès janvier 2022 les particuliers employeurs qui utilisent la plateforme Cesu (à l’exception de ceux qui perçoivent l’aide personnalisée d’autonomie – APA – et la prestation de compensation du handicap – PCH), puis, à compter d’avril 2022, les particuliers qui font appel à une entreprise prestataire et, enfin, les bénéficiaires de l’APA et de la PCH à compter de la fin du premier semestre 2022. Les particuliers employeurs qui utilisent Pajemploi (garde d’enfant) ne sont pour l’instant pas concernés par cette généralisation du crédit d’impôt contemporain.

Concrètement, cela signifie que le particulier employeur ne verse plus à son salarié que 50 % de sa rémunération, l’avantage fiscal étant déduit de façon instantanée par les Urssaf sur la plateforme Cesu. Les contribuables qui passent par une entreprise prestataire verseront également uniquement 50 % du prix de la prestation, l’autre moitié était directement payée par l’État aux entreprises.

Outre le gain de trésorerie et de simplicité pour les contribuables, l’objectif de cette réforme est de réduire le recours au travail au noir et de créer des emplois dans le secteur.

3.   Un crédit d’impôt qui bénéficie à 11 % des foyers fiscaux français

Le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile est la troisième dépense fiscale la plus coûteuse en France et la première portant sur l’impôt sur le revenu. En 2020, son coût total s’élevait à 5 milliards d’euros et bénéficiait à 4,2 millions de ménages, soit 11 % des foyers fiscaux français.

Évolution du coût et du nombre de bénéficiaires de l’avantage fiscal

Source : commission des finances d’après tome 2 des voies et moyens annexés au PLF et DGFiP.

Suite à la généralisation du crédit d’impôt en 2017, le nombre de bénéficiaires ([33]) et le coût total du dispositif ont fortement augmenté (+ 35 %). Comme c’est traditionnellement le cas pour les dépenses fiscales portant sur l’impôt sur le revenu, l’incidence budgétaire est décalée d’une année et est observée ici en 2018.

Il est important de relever que les ménages les plus aisés bénéficient proportionnellement toujours plus de ce crédit d’impôt que les ménages les plus fragiles. Les foyers faisant partie du dernier décile de revenus sont à la fois plus nombreux à bénéficier du crédit d’impôt (33 % de l’ensemble des ménages bénéficiaires) et le montant de crédit d’impôt qui leur est accordé est plus élevé que celui des autres déciles. 48 % du coût total de la dépense est concentré dans ce dernier décile de revenus.

distribution des bénéficiaires du crédit d’impôt à la personne
par décile de RFR (revenus 2019)

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire RALF adressé par le Rapporteur général au Gouvernement.

Le Rapporteur général invite le lecteur à se référer au rapport effectué sur la mission Remboursements et dégrèvements, annexé au projet de loi de règlement du budget de l’année 2020 ([34]), pour de plus amples informations sur les caractéristiques de ce crédit d’impôt, Mme Pires-Beaune ayant consacré ses travaux du Printemps de l’évaluation à l’analyse de ce dispositif fiscal.

B.   L’apparition d’une insécurité juridique sur le champ d’application du crédit d’impôt aux prestations réalisées à l’extérieur du domicile

1.   L’intégration sous conditions des prestations réalisées à l’extérieur du domicile dans le champ du crédit d’impôt par la doctrine fiscale

● Par instruction fiscale publiée au BOFIP le 20 septembre 2017 ([35]), la doctrine administrative a précisé que le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile s’applique également aux prestations réalisées à l’extérieur du domicile, dès lors qu’elles sont comprises dans une offre de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile. L’instruction mentionne deux prestations spécifiques concernées :

– l’accompagnement des enfants sur le parcours école/domicile ou sur le lieu d’une activité périscolaire, lorsqu’il est lié à la garde d’enfants à domicile ;

– le transport des personnes ayant des difficultés de déplacement lorsque le contribuable recourt à une prestation éligible effectuée à son domicile dont la prestation de transport constitue l’accessoire.

● La circulaire de la direction générale des entreprises du 11 avril 2019 relative à la déclaration et à l’agrément des organismes de services à la personne ([36]) a rappelé que le crédit d’impôt peut s’appliquer aux activités effectuées hors du domicile, mais à partir de ou vers celui-ci, et uniquement à la condition d’être comprises dans une offre globale incluant une activité effectuée au domicile. Les prestations éligibles sont les suivantes :

– l’accompagnement des enfants dans leurs déplacements en dehors de leur domicile ;

– la conduite du véhicule personnel des personnes âgées, handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives et l’accompagnement de ces personnes dans leurs déplacements ;

– la livraison de repas ou de courses à domicile ;

– la collecte et la livraison à domicile de linge repassé ;

– la conduite du véhicule personnel des personnes temporairement dépendantes et l’accompagnement de ces personnes dans leurs déplacements.

2.   La mise en cause par le Conseil d’État de l’interprétation de la doctrine fiscale

● Dans sa décision du 30 novembre 2020 ([37]), le Conseil d’État a annulé le paragraphe de l’instruction fiscale publiée au BOFIP prévoyant que le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile s’applique aux prestations réalisées à l’extérieur du domicile, dès lors qu’elles sont comprises dans une offre de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile, au motif que ces commentaires administratifs « ajoutent à la loi dont ils ont pour objet d’éclairer la portée » ([38]).

Il a en effet considéré qu’en prévoyant explicitement que l’emploi doit être exercé à la résidence du contribuable ([39]) , l’article 199 sexdecies du CGI ouvrait droit au bénéfice du crédit d’impôt pour les seules sommes versées en rémunération des services qui sont rendus au domicile du contribuable ([40]), « tels que la garde d’enfants, l’assistance dans les actes quotidiens des personnes âgées, les travaux ménagers ou la livraison de repas à domicile ([41]) ».

Il exclut ainsi du champ du crédit d’impôt les prestations réalisées à l’extérieur du domicile dans le cadre d’une offre de services incluant une activité effectuée au domicile. Plusieurs prestations prévues au II de l’article D. 7231-1 du code du travail, dont la nature même est d’être exercées à l’extérieur du domicile, sont concernées par cette exclusion : l’accompagnement des enfants dans leurs déplacements en dehors du domicile, la conduite du véhicule personnel des personnes âgées, handicapées, atteintes de pathologies chroniques ou qui ont temporairement besoin d’une aide dans leurs déplacements en dehors de leur domicile et leur accompagnement dans ces déplacements, la téléassistance et la visio assistance.

● De plus, dans sa décision, le Conseil d’État inclut expressément la livraison de repas à domicile dans le champ des services considérés comme rendus au domicile du contribuable et donc éligibles au crédit d’impôt tandis que la doctrine administrative n’admet pas ce type de prestation en dehors d’une offre de services globale incluant une activité réalisée au domicile.

Cette décision conduit donc à l’extension du champ des services à la personne éligible au crédit d’impôt en y incluant, de façon autonome, c’est-à-dire sans les lier à une offre de services, certaines activités qui ne donnent lieu qu’à un bref passage au domicile du contribuable. Outre la livraison des repas mentionnée par le Conseil d’État, l’évaluation préalable de l’article indique que la collecte et la livraison à domicile de linge repassé sont des activités potentiellement concernées par l’extension de ce champ d’application.

● Il est important de relever que la circulaire de la direction générale des entreprises du 11 avril 2019 susmentionnée qui reprend la doctrine sur l’offre globale de service reste en vigueur, le Conseil d’État ayant été uniquement saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre l’interprétation fiscale publiée au BOFIP sur ce sujet. Ainsi, à ce stade, aucune activité n’a été, en pratique, exclue du champ du crédit d’impôt.

En revanche, la livraison des repas à domicile même lorsqu’elle est effectuée en dehors de services globaux incluant une activité réalisée au domicile entre désormais dans le champ du crédit d’impôt.

V.   droit proposé

Si le champ des prestations ouvrant droit au bénéfice du crédit d’impôt n’a été que légèrement modifié par la décision du Conseil d’État, les contribuables pouvant toujours se prévaloir de la circulaire mentionnée supra, le cadre fiscal applicable mérite d’être clarifié et sécurisé afin de prévenir le cas où cette circulaire serait également annulée lors d’un recours pour excès de pouvoir.

Ainsi, le présent article prévoit d’élever au niveau législatif la doctrine administrative relative au champ d’application du crédit d’impôt, en modifiant l’article 199 sexdecies.

A.   la sécurisation du cadre fiscal applicable

● La principale modification consiste en l’ajout d’un alinéa à l’article 199 sexdecies qui précise que les services définis aux 2°, 4° et 5° du I et aux 8°, 9°, 10°, 15°, 16°, 18° et 19° du II de l’article D. 7231-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2021, sont regardés comme des services fournis à la résidence lorsqu’ils sont compris dans un ensemble de services incluant des activités effectuées à cette même résidence (b) du 1°).

Les prestations suivantes ouvrent donc droit à l’avantage fiscal lorsqu’elles sont réalisées en dehors du domicile mais dans le cadre d’une offre de services incluant des activités effectuées dans le domicile :

– l’accompagnement des enfants en dessous d’un âge fixé par arrêté dans leurs déplacements en dehors de leur domicile ;

– la conduite du véhicule personnel des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques du domicile au travail, sur le lieu de vacances, ou pour les démarches administratives ;

– l’accompagnement des personnes âgées, des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, dans leurs déplacements en dehors de leur domicile ;

– la livraison de repas à domicile ;

– la collecte et la livraison à domicile de linge repassé ;

– la livraison de courses à domicile ;

– l’accompagnement des enfants de plus de trois ans dans leurs déplacements en dehors de leur domicile ;

– la téléassistance et la visio assistance ;

– la conduite du véhicule personnel des personnes ayant besoin temporairement d’une aide personnelle à leur domicile, du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les démarches administratives ;

– l’accompagnement des personnes ayant besoin temporairement d’une aide personnelle à leur domicile en dehors de leur domicile.

Ce nouvel alinéa permet, d’une part, de sécuriser l’intégration, dans le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt, des dépenses déjà prévues par l’instruction fiscale annulée et la circulaire susmentionnée. Il y ajoute, de façon explicite, la téléassistance et visioassistance qui n’était pas expressément mentionnée par ces documents mais qui était, de fait, comprises dans le champ d’application du crédit d’impôt.

D’autre part, il exclut les activités induisant un bref passage au domicile des contribuables du champ du crédit d’impôt lorsqu’elles ne font pas partie d’une offre globale de services.

Le a) et le c) du et le du présent article procèdent à diverses coordinations dans l’article 199 sexdecies relatives à l’insertion de ce nouvel alinéa.

● Dans une logique d’approfondissement de la sécurisation du cadre fiscal applicable, le du présent article introduit également à l’article 199 sexdecies un renvoi aux plafonds annuels prévus par foyer fiscal par l’article D. 7233-5 du code du travail pour certaines dépenses (500 euros pour les travaux de petit bricolage, 3 000 euros pour les dépenses d’assistance informatique et internet à domicile, 5 000 euros pour les dépenses de petits travaux de jardinage). En effet, si la prise en compte de ces plafonds est prévue par voie réglementaire et par la doctrine fiscale ([42]), il n’y est pas fait référence dans la norme législative.

En l’absence de précision dans le dispositif du présent article, ces dispositions entrent en vigueur à compter de l’imposition des revenus de l’année 2021.

B.   Impact de la mesure

Cette modification de l’article 199 sexdecies ne devrait avoir aucune incidence budgétaire dès lors que la circulaire de la direction générale des entreprises du 11 avril 2019 est toujours en vigueur et le cadre applicable est toujours le même.

Elle entraîne cependant un gain budgétaire non chiffrable pour l’État à compter de janvier 2022, ce qui justifie sa place en première partie, puisqu’elle supprime l’extension du champ du crédit d’impôt à la livraison de repas à domicile en dehors d’une offre globale de services.

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF784 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je propose, à l’alinéa 5, de supprimer la référence : « 8° ». Pourquoi ? Parce que l’article 3 vise à préserver la stabilité du cadre fiscal du secteur des services à la personne (SAP) en tenant compte de la décision du Conseil d’État du 30 novembre 2020. En ce sens, il reprend la doctrine sur l’offre globale de services telle que précisée par la circulaire concernée.

Or, et en l’état, en mentionnant le 8° de l’article D. 7231-1 du code du travail, l’article vise à soumettre l’activité de livraison de repas à domicile à une condition d’offre globale de services, ce qui va à l’encontre de la décision que je viens de mentionner qui rappelle que « les services à la personne énumérés par cet article comprennent des services rendus au domicile du contribuable ou de son ascendant, tels que la garde d’enfants, l’assistance dans les actes quotidiens des personnes âgées, les travaux ménagers ou la livraison de repas à domicile ».

En étant définie comme une activité réalisée au domicile, la livraison de repas à domicile, activité à destination des publics fragiles, des personnes âgées en situation de handicap et ou de perte d’autonomie, ne peut être soumise à une offre globale de services comprenant des services réalisés au domicile étant donné que cela est déjà le cas de cette activité. Pour cette raison, il convient de supprimer la mention du « 8° ».

En outre, cette même activité de livraison de repas à domicile est déterminante pour le maintien des séniors à domicile et pour la lutte contre la perte d’autonomie.

En effet, elle leur permet de disposer de repas adaptés et équilibrés et de bénéficier d’un lien social au moment du passage à domicile du professionnel, qui en profite pour déceler d’éventuels signaux alarmants d’aggravation de la perte d’autonomie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La livraison de repas à domicile reste bien dans le périmètre du crédit d’impôt mais dans le cadre d’une offre globale de services dont au moins une activité est effectuée au domicile du contribuable.

Je suis d’accord sur le fond, cher collègue, avec votre argumentaire : il faut vraiment faciliter et encourager ce service de livraison de repas à domicile pour les personnes qui ne peuvent plus les confectionner elles-mêmes. Mais il faut que plusieurs services, dont un au sein du domicile, soient assurés dans le cadre d’une offre globale. Nul besoin, donc, d’adopter votre amendement. Avis défavorable, donc.

Je rajoute que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 comporte une réforme de la contemporanéisation du crédit d’impôt en question : il est donc préférable d’en sécuriser auparavant le périmètre plutôt que de le modifier et de risquer de jeter le trouble sur cette réforme.

M. Charles de Courson. Vous êtes d’accord sur le fond : si nous votons le texte en l’état, la livraison de repas à domicile aux personnes âgées et dépendantes sera exclue du crédit d’impôt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non, pas si elle fait partie d’une offre globale.

M. Charles de Courson. De nombreux services portent uniquement sur la livraison de tels repas et ceux-là seront exclus du crédit d’impôt.

M. le président Éric Woerth. Le dispositif vise seulement à éviter les excès.

Mme Christine Pires Beaune. Aujourd’hui, la livraison de repas au domicile d’une personne âgée n’ouvre déjà pas droit – et c’est normal – au crédit d’impôt : il ne s’applique effectivement que si une offre globale est proposée. Je ne comprends donc pas votre amendement, cher collègue.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La livraison de repas à domicile entre bien dans le champ du crédit d’impôt, dès lors que le service fait partie d’une offre globale. Il n’y a donc aucune difficulté. Il convient de stabiliser le périmètre, dans le cadre de la contemporanéisation du crédit d’impôt, de manière à ce que cette réforme entre en application dès le mois de janvier 2022.

La commission rejette l’amendement I-CF784.

Amendement I-CF848 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’article 3 a pour objet de préserver la stabilité du cadre fiscal du secteur des services à la personne en tenant compte de la décision du Conseil d’État. Toutefois, en visant le 16° de l’article D. 7231-1 du code du travail, il soumet l’activité de téléassistance et visioassistance à une condition d’offre globale de services. Or cette activité, considérée à juste titre comme étant réalisée au domicile des contribuables, n’a jamais été soumise à cette condition.

La rédaction de l’article conditionnerait le bénéfice du crédit d’impôt pour cette activité à la consommation par le contribuable d’autres prestations réalisées à titre principal. La téléassistance est pourtant déterminante pour maintenir les seniors à domicile et lutter contre la perte d’autonomie. Selon les termes de la circulaire du 11 avril 2019 relative aux services à la personne, l’activité de téléassistance et vidéoassistance fait partie « des outils de maintien à domicile des personnes âgées, handicapées ou isolées » ; elle permet « d’émettre une alerte en cas d’urgence, de rompre l’isolement en multipliant les possibilités de contact, enfin, de rassurer l’abonné quant aux éventuels risques liés à l’isolement. La prestation de téléassistance permet de s’appuyer sur des objets connectés ou des dispositifs de détection. Il peut s’agir également de suivre les déplacements habituels à proximité du domicile par un système de géolocalisation. » Il convient de continuer à reconnaître qu’il s’agit d’une activité à part entière et de maintenir le bénéfice du crédit d’impôt pour les personnes âgées y ayant recours, comme c’est le cas depuis 2005, sans le conditionner à l’inclusion dans une offre globale de services.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Cette activité entre bien dans le champ du crédit d’impôt, dès lors qu’elle fait partie d’une offre globale de services.

M. Marc Le Fur. Autant le risque de dérive que comportait l’amendement précédent me semblait évident, car de nombreux restaurateurs sont susceptibles d’effectuer des livraisons, autant le service visé ici est vraiment destiné à des personnes âgées et à des personnes handicapées, et un certain nombre de sociétés ou de grandes mutuelles qui le proposent – je pense notamment à Groupama – ne fournissent pas d’autres prestations en même temps. Ce sont les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) ou encore les comités d’entraide qui offrent ces autres services. Je ne vois donc pas quel argument on pourrait opposer à cette disposition. Le public visé a particulièrement besoin de ce type d’assistance, liée à l’âge et au handicap. Or les personnes morales qui fournissent ce service ne proposent pas simultanément d’autres prestations. Je ne vois donc que des avantages à adopter l’amendement. Du reste, c’est une question de cohérence : on ne peut pas parler en permanence du quatrième âge mais ne rien faire en sa faveur. Il faut tirer quelques conclusions objectives de l’ambition que l’on se fixe en la matière.

M. Charles de Courson. Les prestations en question, qui incluent désormais des dispositifs de géolocalisation ou de détection des mouvements – il est possible, par exemple, de déclencher une alerte quand une personne âgée ne bouge plus, car cela peut signifier qu’elle est tombée ou qu’elle s’est évanouie – sont très spécifiques. Conditionner le crédit d’impôt à leur inclusion dans une offre globale, comprenant notamment les services d’une femme de ménage, me paraît totalement déraisonnable : cela oblige à réaliser des montages abracadabrantesques. Nous devons donc modifier le texte.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai l’impression que certains découvrent le périmètre du dispositif à l’occasion de ce débat. Il n’y a aucun manque : les personnes ayant besoin des services en question n’ont aucune difficulté à y accéder au motif que le champ du crédit d’impôt ne serait pas adapté.

Autant je comprenais l’amendement précédent, car il faisait suite à une décision du Conseil d’État, autant ce n’est pas le cas pour celui-ci. Les services de téléassistance inclus dans des offres globales permettent de bénéficier du crédit d’impôt.

M. Marc Le Fur. Dans mon département, les offres de téléassistance n’incluent pas les services d’une femme de ménage ou d’une aide-soignante. Je ne vois donc pas comment elles donneraient droit au crédit d’impôt. Peut-être faudrait-il préciser que, pour bénéficier de celui-ci, la personne ayant recours aux dispositifs de téléassistance doit solliciter d’autres services, mais que ces derniers ne sont pas nécessairement fournis par la même personne morale ?

Mme Véronique Louwagie. Il y a certainement une grande différence, à cet égard, entre les territoires urbains, où ce service est proposé dans un cadre global, et les territoires ruraux, où il est proposé seul.

M. Charles de Courson. La maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie (MARPA) que je préside avait opté pour un système intégré, mais cela ne fonctionnait pas. Il y a désormais un nouveau prestataire qui ne fournit qu’un service de téléassistance, et tout va très bien.

Si mon amendement n’était pas adopté, il y aurait une rupture d’égalité entre les sociétés fournissant ce service seul et celles qui le proposent dans le cadre d’une offre globale. Cela empêcherait le développement d’une concurrence véritable.

La commission rejette l’amendement I-CF848.

Amendements I-CF405 de M. Éric Coquerel, I-CF644 de M. Matthieu Orphelin, ICF902 de M. Alain Bruneel et I-CF789 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

M. Éric Coquerel. Je résumerai mon amendement par la formule suivante : crédit d’impôt, oui, aubaine pour les riches, non. En moyenne, la réduction d’impôt obtenue grâce au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile est de 625 euros. Nous proposons donc de plafonner les gains fiscaux possibles à cette hauteur. Cela éviterait que ce dispositif ne mette encore plus à mal la justice fiscale.

Nos amendements s’inscrivent tous dans une logique globale. Celui-ci doit ainsi être lu dans le prolongement de celui qui concernait l’impôt sur le revenu, que je n’ai pas pu défendre mais dont vous connaissez la teneur : nous proposons une refonte fiscale permettant d’assurer une plus grande progressivité.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement vise à diviser par deux le montant du plafond du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’une personne à domicile : il s’agit de le faire passer de 12 000 à 6 000 euros. Un rapport parlementaire a montré que 1 % seulement des ménages obtenaient un crédit d’impôt supérieur à 4 000 euros, et que seuls 10 % recevaient plus de 2 000 euros. En abaissant le plafond, on sortirait de la logique d’optimisation fiscale qui guide certains des ménages les plus aisés et l’on en reviendrait à ce qui était l’objectif initial de ce crédit d’impôt. Le plafond a d’ailleurs connu des variations importantes : il était fixé à 4 000 euros en 1994, a été porté à 14 000 euros en 1996, abaissé à 7 000 euros puis remonté au niveau actuel. Associée à une réforme de l’impôt sur le revenu, cette disposition permettrait de rendre l’impôt plus progressif.

M. Alain Bruneel. Nous souhaitons nous aussi revoir le plafond du crédit d’impôt pour les emplois à domicile, fixé à 12 000 euros par an – sauf pour quelques exceptions. Le coût global de la niche est de 4,8 milliards par an. Le plafond actuel équivaut quasiment à l’emploi à temps complet d’un employé payé au SMIC. Cela représente une dépense hebdomadaire de 235 euros. Nous considérons que lorsque l’on est capable de payer une telle somme pour l’exécution du ménage ou du jardinage, on n’a pas besoin de cet accompagnement fiscal. Nous proposons donc un aménagement, au demeurant modeste, à savoir un abaissement du plafond de 12 000 à 8 000 euros. Pour les personnes en situation de handicap, la situation serait inchangée : le plafond resterait à 20 000 euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous nous disiez, monsieur le rapporteur général, qu’il n’y avait aucun manque dans le dispositif. Force est pourtant de constater qu’il en existe. Ainsi, peuvent bénéficier du crédit d’impôt les foyers composés de personnes en couple ou pacsées qui sont toutes les deux salariées, toutes les deux demandeuses d’emploi ou dont l’une est salariée et l’autre demandeuse d’emploi, mais ce n’est pas le cas des couples dont l’un des membres est en activité et l’autre retraité. Le dispositif ne s’applique pas non plus de la même façon à tous les retraités. Il est donc source d’iniquités.

Au-delà de la question de l’emploi à domicile, je suppose que, tout comme moi, vous rencontrez dans vos permanences des personnes dont le conjoint se trouve dans un EHPAD. Le coût d’une place dans ce genre d’établissement est élevé pour des personnes touchant de petites pensions de retraite, même quand elles sont en couple. Or il n’est pas reconnu fiscalement. Proposer une offre globale, un peu comme les bouquets de télévision, c’est bien, mais il serait intéressant de se pencher sur toutes les questions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements sont en réalité assez différents.

Monsieur Coquerel, monsieur Orphelin, monsieur Bruneel, vous demandez de baisser le plafond du crédit d’impôt. Éric Coquerel, vous dites oui au crédit d’impôt, mais pas pour les riches. Mais avec votre amendement, c’est pour toutes les classes moyennes que vous le supprimeriez, notamment pour les personnes qui travaillent et ont recours à des gardes d’enfant. Je ne partage pas cette conception. Nous devons au contraire continuer à encourager fiscalement ces familles à utiliser de tels services.

Par ailleurs, n’oubliez pas qu’une des vertus de ces outils fiscaux est de lutter contre le travail au noir. De ce point de vue-là aussi il me paraît donc difficile de justifier une baisse du plafond.

Quant à vous, madame Dalloz, vous demandez l’universalisation du crédit d’impôt services à la personne. Or celle-ci est effective depuis 2017. Votre amendement est donc satisfait.

Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Matthieu Orphelin. La taxe d’habitation a été supprimée pour les quatre cinquièmes des Français les moins aisés, ce qui était prévu et avait été annoncé, mais il a été décidé de la supprimer également pour les 20 % les plus aisés, au nom de l’inconstitutionnalité supposée de la mesure. Or il aurait été tout à fait possible de coupler celle-ci à la baisse du plafond du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile, comme nous le proposons, ou au renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu. L’ensemble des cadeaux aux plus aisés représente quasiment 8 milliards d’euros par an, soit quinze fois la somme supplémentaire que vous consacrez au chèque énergie. C’est considérable.

M. le président Éric Woerth. Ce ne sont pas des cadeaux : il est normal que les ménages bénéficient d’une réduction d’impôt liée à l’emploi qu’ils procurent. Mettez-vous aussi à la place de ceux qui sont employés !

M. Matthieu Orphelin. Seuls 1 % des ménages touchent plus de 4 000 euros au titre de ce dispositif.

M. Alain Bruneel. Le crédit d’impôt marque une solidarité envers les personnes ayant des revenus peu élevés. Je ne vois pas pourquoi celles ayant de bons revenus en bénéficieraient. Quant au risque de travail non déclaré, on trouvera toujours une excuse pour laisser le plafond au même niveau. En l’occurrence, il revient à l’État de faire des contrôles.

M. Éric Coquerel. Nous ne proposons pas de supprimer l’abattement pour les personnes handicapées, les personnes âgées et les gardes d’enfant. Cela laisse donc beaucoup de marge. De plus, pour tous les autres cas, nous conservons la possibilité d’un abattement dans la limite de 625 euros.

En ce qui concerne les classes moyennes, peut-être la définition de cette catégorie est-elle devenue si large qu’on finit par y placer 99 % de la population. Toujours est-il que les personnes bénéficiant d’un abattement de plus de 2 000 euros ne représentent que 10 % des Français. La mesure ne vise donc pas les classes moyennes.

La commission rejette successivement les amendements I-CF405, I-CF644, I-CF902 et I-CF789.

Amendement I-CF190 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. J’ai publié il y a quelques mois un rapport sur le crédit d’impôt pour les services à domicile. Or j’ai eu toutes les peines du monde à obtenir de Bercy la liste des activités pour lesquelles le bénéfice de ce crédit d’impôt est sollicité, tout simplement parce que l’information n’est pas demandée aux contribuables. Cela nous empêche d’évaluer de façon sérieuse la pertinence des services éligibles et celle du niveau de prise en charge. Nous devons donc obtenir cette information. Tel est l’objet de l’amendement.

Bénéficier d’un crédit d’impôt pour l’entretien de sa maison ou pour la garde d’enfants, c’est une chose ; le toucher pour faire garder sa résidence secondaire, c’en est une autre. Un crédit d’impôt profitant à 50 % des contribuables et un autre qui est surtout favorable à 1 %, ce n’est pas la même chose.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je tiens à vous remercier pour vos travaux sur la question, et je partage votre constat : il existe une difficulté pour analyser la pertinence de chacun des services. Cela rend extrêmement complexe le travail de contrôle et d’évaluation de l’efficience de la dépense publique. Je ne sais pas s’il convient d’obliger le contribuable à déclarer la nature des services utilisés, mais nous devons avoir accès à l’information détaillée.

Je suis donc favorable à l’amendement. Je ne sais pas s’il faudra le défendre jusqu’au bout, mais il est sûr qu’il faut provoquer la discussion en séance avec le Gouvernement. Dans la déclaration d’impôt sur le revenu, il existe une case où l’on peut détailler la nature des services ainsi que leur montant. Peut-être faudrait-il rendre obligatoire le fait de la remplir. Je n’y serais pas opposé si cela nous permettait de garantir la qualité des données.

Mme Véronique Louwagie. Pour la première fois, lors de la déclaration des heures effectuées au mois de septembre, les personnes qui utilisent le chèque emploi service universel (CESU) ont dû indiquer, en choisissant parmi une vingtaine de propositions, la nature de l’activité de la personne embauchée, en plus du nombre d’heures et du taux horaire.

Mme Christine Pires Beaune. J’avais effectivement auditionné, dans le cadre de mon rapport, toutes les associations impliquées dans le système du CESU. Dans cet amendement, il s’agit de la déclaration fiscale. Il suffirait de proposer la liste des vingt-six activités donnant lieu au crédit d’impôt et de laisser le soin au contribuable de cocher une case. Cela n’aurait rien de compliqué. Quoi qu’il en soit, je remercie M. le rapporteur général pour son avis favorable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour avoir eu moi aussi l’occasion de remplir une déclaration CESU en septembre, je puis vous dire que, dans le Jura, il n’était pas demandé de sélectionner des activités. Peut-être s’agit-il d’une expérimentation dans certains territoires ?

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement est de bon aloi car il nous permettra d’avoir un débat en séance sur la question, comme nous le souhaitons. S’agissant du CESU, il n’est possible pour l’instant de déclarer qu’une seule activité : si un employé en exerce plusieurs, il faut indiquer l’activité principale. Cette déclaration groupée est donc susceptible de « cacher » plusieurs activités – sans mauvaise intention, bien entendu. Pour disposer de données fines, il faudrait pouvoir distinguer les activités.

M. Marc Le Fur. Je ne suis pas opposé à cet amendement, mais il convient de rappeler que la grande idée du CESU, c’est la simplicité. Or ma crainte est que l’on complique l’exercice à force d’affiner.

La commission adopte l’amendement I-CF190 (amendement I1382).

La commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement I-CF667 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il vise à améliorer le dispositif du forfait mobilités durables (FMD). Il s’agit d’abord de relever le plafond du forfait de 500 à 800 euros par an. Nous proposons ensuite d’augmenter le montant du cumul possible entre ce forfait et l’abonnement de transports en commun, fixé à 600 euros, ce qui est insuffisant, notamment pour les habitants de la région parisienne également titulaires d’un passe Navigo. Enfin, l’amendement vise à rendre obligatoire la prise en charge du forfait mobilités durables pour les grandes entreprises, car le dispositif peine à se généraliser, alors qu’il est bénéfique à la fois pour les salariés et pour les entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous rejoins en ce qui concerne la pertinence du forfait mobilités durables. Toutefois, nous avons déjà relevé son montant de 400 à 500 euros dans la loi de finances pour 2021. Par ailleurs, dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, le plafond en cas de cumul entre le FMD et la prise en charge par l’employeur de l’abonnement de transports en commun a été porté à 600 euros. Je vous propose d’en rester à ce que nous avons voté précédemment. Avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Malheureusement, en l’état, le dispositif n’est pas assez incitatif, notamment en région parisienne. De plus, sa généralisation n’est pas assez rapide. Nous devions faire un point après l’entrée en vigueur de la loi dite climat et résilience. Force est de constater qu’une très large majorité des entreprises ne le propose toujours pas à leurs salariés. À ce stade, vous ne m’avez pas répondu sur ce point.

La commission rejette l’amendement I-CF667.

Amendements identiques I-CF489 de M. Bertrand Pancher, I-CF498 de Mme Sabine Rubin et I-CF612 de Mme Cécile Delpirou.

M. Michel Castellani. Il s’agit de créer les conditions d’un cumul effectif entre le forfait mobilités durables et la participation de l’employeur à l’abonnement de transports en commun. L’amendement vise à exclure le montant annuel de la participation de l’employeur à l’abonnement de transports en commun du calcul de l’avantage fiscal, lequel est fixé à 500 euros.

Mme Cécile Delpirou. Cet amendement, proposé par la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), vise à créer les conditions d’un véritable cumul entre le forfait mobilités durables et la participation de l’employeur à l’abonnement de transports en commun. Le plafond actuel ne permet pas de rendre ce cumul effectif. Il est donc proposé d’exclure du calcul de l’avantage fiscal la participation de l’employeur à l’abonnement de transports. Cette participation resterait exonérée de charges. Ce serait une mesure efficace pour mettre en œuvre une politique d’intermodalité ambitieuse à l’échelle du pays, au service de la cohésion des territoires et de la transition écologique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous propose que nous nous en tenions aux avancées adoptées l’an dernier et cette année. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF489, I-CF498 et ICF612.

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Article additionnel après l’article 3
Exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales des pourboires en 2022, dans la limite de 20 % du salaire annuel

Amendement I-CF1071 de M. Jean-Noël Barrot, I-CF469 de M. Jean-Paul Mattei, ICF1068 de M. Jean-Noël Barrot (discussion commune).

M. Jean-Noël Barrot. À travers ces amendements, nous vous proposons d’inscrire dans le code général des impôts l’engagement pris par le Président de la République devant les professionnels de la restauration de défiscaliser les pourboires.

Cet engagement, salué par la profession, répond à un double constat. D’une part, en raison du développement des moyens de paiement numériques, nous avons perdu l’habitude d’arrondir l’addition et de verser un pourboire, privant ainsi les salariés du secteur de ce complément de rémunération. D’autre part, les hôtels, cafés et restaurants (HCR) rencontrent d’importantes difficultés de recrutement. Cet été, 160 000 postes étaient ainsi à pourvoir. Cette situation risque de brider la reprise. En défiscalisant les pourboires, nous créons une incitation qui rendra les métiers du secteur plus attractifs et permettra de limiter les difficultés de recrutement.

M. Jean-Paul Mattei. Nous avions déjà déposé des amendements similaires l’an passé. Nous sommes donc très heureux de l’annonce du Président de la République. Nous sommes bien conscients du fait que la disposition nécessite des modifications multiples du code général des impôts et du code de la sécurité sociale – car nous proposons également que cette rémunération complémentaire ne soit pas soumise aux charges sociales. Le Gouvernement compte-t-il déposer des amendements pour préciser le dispositif, qui est assez complexe ? Quoi qu’il en soit, cette mesure me semble très positive pour la restauration.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sur le principe, cela ne vous étonnera pas, je suis favorable à cette proposition. Toutefois, il faut être vigilant à deux aspects : le cadrage dans le temps du dispositif et sa non-substitution au salaire. L’amendement qui me paraît le plus compatible avec ces deux exigences est le I-CF1068, qui instaure en 2022 un plafonnement à 20 % du salaire. J’y suis donc favorable et demande le retrait des deux autres.

M. Charles de Courson. Je me pose de nombreuses questions à propos de la défiscalisation des pourboires. Traditionnellement, ces derniers sont versés en espèces. Le serveur met l’argent dans sa poche – même s’il existe parfois une mutualisation avec ses collègues – et cela échappe à toute cotisation sociale ainsi qu’à l’impôt sur le revenu car il y a une tolérance de fait. On nous dit que, désormais, beaucoup de gens payent par carte et qu’il faudrait ajouter, sur les factures, une rubrique consacrée au pourboire. Mais qu’est-ce qui vous garantit, chers collègues, que c’est bien le personnel qui bénéficiera du pourboire ? C’est une affaire délicate.

M. Jean-Noël Barrot. Monsieur de Courson, vous avez raison de souligner que la question comporte une dimension technique. Le travail sur cet aspect a été engagé par la Fédération bancaire française. Un certain nombre d’acteurs proposent des solutions passant non pas par des terminaux de paiement mais par des codes QR, auxquels nous nous sommes habitués ces derniers mois. Cela permet de distinguer les flux. Mais pour que ces solutions puissent être déployées et que les restaurateurs les adoptent, encore faut-il que la fiscalité soit neutralisée.

M. le président Éric Woerth. Si je comprends bien, ces amendements visent à concrétiser la proposition du Président de la République, mais en l’étendant au-delà des cartes bancaires ?

M. Jean-Paul Mattei. Ils concernent pour l’essentiel l’utilisation des cartes bancaires.

M. le président Éric Woerth. Pour l’instant, dans la plupart des cas, les clients laissent des billets ou des pièces sur la table.

M. Jean-Noël Barrot. Comme l’a très bien dit M. de Courson, les pourboires versés en liquide sont de facto défiscalisés. Rien ne changerait de ce point de vue.

M. le président Éric Woerth. Sauf si l’employé les déclare, auquel cas il mérite qu’on lui érige une statue…

M. Éric Coquerel. Je m’oppose à ces amendements. Le Gouvernement plaide pour une hausse des revenus des travailleurs, tout en omettant de dire que ce sont les salaires qui devraient augmenter. Les hausses passent donc par des primes ou d’autres revenus qui ont deux particularités : ils ne sont pas contractualisés et échappent à l’imposition sur le revenu et aux cotisations sociales.

J’ai peur que nous nous dirigions vers ce qui existe déjà dans les pays où l’on facilite le paiement du pourboire ou du service par carte bleue et que ce type de revenu ne devienne le seul que touche le salarié, de manière discrétionnaire. Cela pourrait même aboutir à un revenu inférieur à l’actuel salaire…

M. Alexandre Holroyd. Les pays auxquels fait référence M. Coquerel sont des pays qui protègent très peu les salariés. Il ne s’agit pas ici de diluer la protection des salariés et de la remplacer par la défiscalisation des pourboires, mais d’ajouter cette dernière à une protection très élevée des salariés.

Monsieur de Courson, votre question est intéressante, mais le paiement du pourboire en liquide n’apporte pas plus de garanties au serveur que le paiement par carte. Au contraire, dans un terminal moderne, vous pouvez facilement indexer qui a servi la table et donc, potentiellement, assurer une meilleure traçabilité des pourboires. Ensuite, leur répartition au sein de l’équipe, incluant ou non les personnels qui ne sont pas en salle, est du ressort de chaque établissement, comme c’est déjà le cas actuellement.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement pose des questions pratiques : quelles seront les modalités de partage des pourboires entre les différentes personnes qui travaillent dans l’établissement – versement au seul serveur ou répartition entre les membres de l’équipe ? Lorsqu’ils dépasseront 20 % du salaire annuel brut, les pourboires seront-ils bien soumis à cotisations ? Si tel est le cas, cela aura un coût pour le chef d’entreprise. Enfin, quelles seront les conséquences de cette réforme sur le calcul des indemnités de départ à la retraite ou de licenciement ?

Mme Émilie Cariou. La philosophie de cet amendement m’interpelle et les questions de Mme Louwagie sont les bonnes : vous présentez ce dispositif comme une mesure favorable au pouvoir d’achat, mais il s’agit plutôt de transférer une partie de la responsabilité de l’augmentation du pouvoir d’achat des employeurs de la restauration sur les clients. C’est dangereux car, une fois de plus, on ne demande aucun effort aux employeurs. Vous rendez les Français collectivement responsables de l’augmentation du pouvoir d’achat de ces travailleurs. Il faut impulser une politique salariale dynamique plutôt que de faire reposer la rémunération de ces salariés sur le bon vouloir de chacun.

M. le président Éric Woerth. Faire rentrer une économie informelle dans l’économie formelle nécessite toujours quelques règles, mais cela assure également une meilleure protection des salariés, me semble-t-il.

Mme Cendra Motin. Les pourboires sont déjà intégrés à la déclaration sociale nominative, avec un régime de cotisations sociales spécifique. Allez sur le site de l’URSSAF, vous constaterez que cela existe déjà. Que certains ne procèdent pas aux déclarations, c’est autre chose. Ils l’ont d’ailleurs regretté pendant la crise car cela leur aurait permis de bénéficier de davantage d’aides. Ne nous engageons donc pas dans de faux débats ! Le régime existe, il est codifié. Reste à permettre, ou non, aux salariés de percevoir ces pourboires en toute légalité, sans cotisations et sans impôts, ou pas.

M. Jean-Noël Barrot. M. Holroyd a déjà partiellement répondu à Mme Cariou et M. Coquerel sur la substitution. Il serait extrêmement réducteur de clamer que la politique du Président de la République et de la majorité en faveur du pouvoir d’achat se limite aux pourboires. Cela fait bien longtemps que les branches ont été invitées par le ministre de l’économie, des finances et de la relance à engager des discussions et, ce matin, la branche hôtellerie-restauration a annoncé des revalorisations salariales comprises entre 6 et 10 %. Les deux vont donc de pair : défiscalisation des pourboires et revalorisation des salaires fixes.

Le partage des pourboires, quant à lui, relève de la responsabilité de chaque établissement. En outre, le sujet est différent de celui de leur traitement fiscal.

S’agissant des cotisations, les débats auront lieu dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Mais c’est simple : au-delà de 20 % du salaire annuel brut de l’employé, le chef d’entreprise versera les pourboires nets des cotisations sociales patronales. Sur cette somme, le salarié paiera ses cotisations salariales et l’impôt sur le revenu.

Les questions techniques qui se posent sont indépendantes du cadre fiscal de simplification que nous souhaitons voir adopté.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La mesure proposée par Jean-Noël Barrot est une demande du secteur et de ses employés. Pourrait-on en conséquence considérer qu’il s’agit d’une avancée qui convient à tout le monde ?

Nous le constatons tous, les gens donnent moins de pourboires car la monnaie fiduciaire disparaît petit à petit des poches des Français. Si nous voulons préserver le revenu complémentaire qui existait dans ces métiers, il faut inclure les nouveaux moyens de paiement. En l’état actuel du droit, la comptabilisation des pourboires sur les paiements par carte est complexe, notamment pour l’employeur.

Demain, pour répondre à Charles de Courson, on peut parfaitement imaginer que, comme dans les pays anglo-saxons, le serveur soit « tracé » sur l’addition et le paiement et que le pourboire lui soit directement transféré. Les systèmes d’information des caisses et des paies de ce secteur sont prêts, sous réserve peut-être de quelques ajustements logiciels.

C’est donc une avancée gagnant-gagnant, neutre pour l’État.

Est évoqué un risque de substitution. Outre le fait que l’amendement prévoit la fiscalisation et la socialisation des pourboires au-delà de 20 % du salaire annuel brut de l’employé, je me permets de vous rappeler qu’en France, le SMIC constitue une protection, contrairement à certains pays anglo-saxons, où les salaires fixes sont extrêmement bas puisqu’on y parie sur la rémunération variable.

M. Charles de Courson. En l’état actuel du droit, les pourboires sont-ils déductibles des frais professionnels ? Je crois me souvenir que non. Si nous votons cet amendement, le deviendront-ils ?

Les amendements I-CF1071 et I-CF469 sont retirés.

La commission adopte l’amendement I-CF1068 de M. Jean-Noël Barrot (amendement I-1383).

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Après l’article 3

Amendements identiques I-CF97 de M. Marc Le Fur et I-CF255 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Marc Le Fur. Beaucoup d’entreprises sont à la recherche de collaborateurs et n’en trouvent pas. Elles doivent donc pouvoir recourir aux heures supplémentaires. Notre amendement vise à supprimer le plafond de 5 000 euros qui s’applique aux exonérations d’impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons régulièrement ce débat. Les heures supplémentaires sont déjà exonérées d’impôt sur le revenu jusqu’à 5 000 euros et c’est une belle avancée. La suppression du plafond ne concernerait que peu de salariés et probablement pas ceux qui en ont le plus besoin.

Votre amendement prévoit également de réinstaurer la mesure de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour l’ensemble des entreprises. La question peut se poser. Mais nous considérons que la priorité, ce sont les travailleurs, d’autant que des baisses de charges des entreprises ont été pérennisées durant ce quinquennat, en complément des baisses d’impôts – tant de production que sur les sociétés. Mon avis sera donc défavorable.

M. Éric Coquerel. Nous nous étions déjà opposés à la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est toujours le même problème : il ne s’agit pas tant de faire travailler plus ceux qui ont déjà du travail que de mieux les payer pour le travail qu’ils effectuent, tout en embauchant d’autres personnels, plutôt que de recourir aux heures supplémentaires. En outre, de tels dispositifs contribuent à alimenter le trou de la sécurité sociale et le déficit de notre système de retraite. Ils sont mauvais et nous nous y opposons.

M. Marc Le Fur. Monsieur le rapporteur général, vous estimez que la question peut se poser concernant les cotisations patronales. Pourriez-vous préciser votre réponse ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement soulève le sujet des charges patronales sur les heures supplémentaires. Je vous ai donc répondu que nous avons baissé les charges des entreprises durant ce mandat comme jamais auparavant. La compétitivité des entreprises doit s’apprécier globalement, en prenant en compte les baisses de charges et les baisses d’impôts. Certains nous le reprochent d’ailleurs, mais je reste persuadé que nos décisions étaient les bonnes, l’amélioration de la compétitivité des entreprises leur ayant permis d’embaucher. L’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires doit d’abord bénéficier à ceux qui les effectuent, c’est-à-dire les salariés.

La commission rejette les amendements identiques I-CF97 et I-CF255.

Amendements I-CF225 et I-CF226 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)

Mme Véronique Louwagie. J’ai déjà déposé cet amendement les années passées. Il s’agit de prendre en compte les difficultés d’accès aux soins de nos concitoyens, du fait des difficultés de recrutement des hôpitaux de proximité. L’avenir de ces centres hospitaliers, notamment dans les territoires ruraux, dépend de leur capacité à recruter.

L’exonération d’impôt sur les bénéfices, qui s’applique aux médecins libéraux depuis 2015 dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), a été reconduite plusieurs fois depuis car elle fonctionne bien. Sur le même modèle, il conviendrait d’exonérer les praticiens hospitaliers de ces territoires d’impôt sur le revenu. L’amendement I-CF225 propose une exonération de cinq ans et l’amendement I-CF226, de repli, propose trois ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vos amendements concernent en réalité médecins hospitaliers et médecins de ville. La lutte contre la désertification médicale doit être une priorité, nous sommes d’accord, mais l’exonération d’impôt sur le revenu n’est pas le bon outil.

Nous disposons déjà d’incitations : la prime, pouvant aller jusqu’à 50 000 euros pour l’installation ; la bonification des honoraires ; les aides d’État qui reposent sur des mécanismes de garantie financière ou des bourses d’études.

Mme Véronique Louwagie. Certes, monsieur le rapporteur général, ces dispositifs existent, mais ne suffisent pas. Pourquoi cette exonération, qui fonctionne pour les médecins libéraux puisque vous la maintenez, ne pourrait pas s’appliquer aux praticiens hospitaliers ? Il semble incohérent de maintenir un dispositif pour une catégorie de professionnels, sans l’étendre à une autre.

M. Charles de Courson. L’amendement de notre collègue met en lumière la difficulté pour les petits hôpitaux ruraux de recruter des médecins. Cela leur impose parfois le recrutement d’intérimaires, dont le coût explose. Sa proposition ne permettrait-elle pas de réduire les dépenses dans les petits hôpitaux locaux ?

M. le président Éric Woerth. La situation est la même dans les hôpitaux urbains.

M. Charles de Courson. Mais dans nos hôpitaux, on ferme des services parce qu’on n’arrive plus à recruter.

Mme Véronique Louwagie. Vous avez sûrement raison, monsieur le président, mais, dans les territoires ruraux, si nous n’arrivons pas à recruter, c’est la survie des services qui est en péril, voire celle des hôpitaux eux-mêmes. D’où ma proposition, que nous pourrions envisager de tester, même temporairement.

Mme Anne-Laure Cattelot. Le projet de loi de finances (PLF) n’est pas le bon véhicule. Les dispositifs fiscaux existent, et sont maintenus pour le moment, probablement dans l’attente d’une grande réforme : celle de la réglementation de la profession médicale, sur laquelle nous allons finir par nous entendre !

Étendre ce dispositif fiscal aux médecins hospitaliers ne fonctionnerait pas forcément. Vous le savez comme moi, beaucoup de maires offrent déjà quasiment gîte et couvert aux médecins pour les faire venir et les hôpitaux sont prêts à prendre les intérimaires « mercenaires » – ou que l’on peut qualifier comme tels quand on connaît leurs tarifs.

M. Éric Coquerel. Je suis d’accord avec cette analyse, à la nuance près que nous payons les conséquences des décisions prises depuis 1995. Les budgets des hôpitaux publics ne correspondent plus aux besoins mais à un plafond, déterminé à l’avance dans le cadre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Tout cela les a appauvris…

Si les médecins manquent, que dire des médecins scolaires, qui manquent cruellement partout. Il faut donc réformer le système, mais nous ne sommes pas favorables aux défiscalisations et aux exonérations qui aboutissent à ce que l’argent manque. Il conviendrait plutôt de rendre les revenus plus attractifs.

La commission rejette successivement les amendements I-CF225 et I-CF226.

Amendements I-CF995, I-CF996 et I-CF997 de M. Xavier Paluszkiewicz (discussion commune).

M. Xavier Paluszkiewicz. L’amendement I-CF99 vise à élargir le dispositif d’abattement sur les traitements et salaires de source étrangère. Les nouveaux modèles de convention fiscale visant à l’élimination de la double imposition pour les revenus de source étrangère, produits par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), conduisent à une augmentation de l’assiette fiscale sur la base de laquelle est calculée l’imposition. L’assiette fiscale ainsi calculée n’est désormais plus exempte de cotisations sociales mais intègre l’ensemble des revenus bruts issus de sources étrangères. Ces nouvelles règles de calcul induisent une inégalité devant les charges fiscales pour le contribuable percevant des revenus de source étrangère, dans la mesure où l’impôt sur le revenu est prélevé sur tous les revenus bruts et non après déduction des cotisations sociales. L’assiette est, en conséquence, plus large que celle du contribuable ordinaire. L’amendement entend rétablir le principe d’équité en élargissant le taux d’abattement sur les salaires et pensions de source étrangère.

L’amendement I-CF996 supprime le plafond du dispositif d’abattement sur les salaires et pensions. L’amendement I-CF997, de repli, vise quant à lui à élargir le dispositif d’abattement sur les traitements et salaires issus de sources étrangères, en augmentant le plafond d’abattement de 30 %.

Mais le Gouvernement ayant décidé vendredi dernier la suspension de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, je retire ces amendements.

Les amendements I-CF995, I-CF996 et I-CF997 sont retirés.

Amendements identiques I-CF487 de M. Bertrand Pancher et I-CF692 de M. Matthieu Orphelin.

M. Michel Castellani. Il s’agit de moduler le remboursement des frais de déplacement déductibles de l’impôt sur le revenu en fonction des émissions de CO2 et du poids des véhicules, dans un souci écologique.

M. Matthieu Orphelin. Il faut qu’on avance sur ce sujet. Le remboursement des frais kilométriques est toujours basé sur la puissance administrative – le nombre de chevaux. Nous devons basculer vers les émissions de CO2 et à la masse du véhicule afin d’être plus efficace dans la lutte contre les dérèglements climatiques et plus justes. En outre, il s’agit d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous en avons déjà débattu au cours des précédents PLF, mais aussi lors de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Nous avons fait le choix – et nous l’assumons – de ne pas mettre en place un tel dispositif car il pourrait impliquer une hausse d’impôts non négligeable, et donc une perte de pouvoir d’achat importante, pour les salariés qui utilisent leur véhicule tous les jours. Nous avons préféré une mesure incitative par voie réglementaire – une majoration de 20 % pour les véhicules électriques. Nous proposons de ne plus modifier le dispositif, c’est pourquoi mon avis sera défavorable.

M. Matthieu Orphelin. C’est dommage car cela constitue une forme d’archaïsme… Le dispositif de remboursement des frais kilométriques avait beaucoup évolué au cours du quinquennat précédent, permettant de limiter le développement des plus grosses cylindrées. Il aurait fallu continuer dans la même direction.

La commission rejette les amendements I-CF487 et I-CF692.

Amendement I-CF242 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il faut aider les chefs d’entreprise à transmettre leur entreprise. Or, lorsqu’ils engagent des frais d’étude et de diagnostic pour préparer, organiser et anticiper la transmission d’entreprise, ces frais ne peuvent être déduits de l’impôt sur le revenu. C’est l’objet de cet amendement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il existe déjà des aides publiques, des chambres de commerce et d’industrie, des régions, pour financer ce type d’études, importantes pour une entreprise. Je ne vous en veux pas d’avoir déposé cet amendement car le mitage fiscal est à peu près notre seul outil en tant que parlementaire, mais il faut arrêter de déduire de l’impôt à peu près tout ce qui est utile dans la vie. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF242.

Amendement I-CF698 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Je présente cet amendement avec mes collègues du groupe Les Républicains. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, il faut simplifier et ce n’est pas notre première offensive pour éviter de faire payer de l’impôt sur l’impôt.

Ce premier amendement vise à rendre la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) totalement déductibles de l’impôt sur le revenu. En l’état du droit, la CSG acquittée au titre des revenus d’activité, qui s’élève à 9,2 %, est déductible à 6,8 %. Il y a sans doute des raisons historiques et on peut en débattre. Mais il est anormal de payer l’impôt sur le revenu sur un impôt qu’on a déjà payé et donc sur un revenu qu’on n’a pas perçu. De la même façon, les allocations de chômage sont taxées à hauteur de 6,2 %, mais la CSG n’est déductible qu’à hauteur de 3,8 %.

Le chiffrage d’une telle réforme est complexe, pour des raisons tenant à l’impossibilité de connaître le taux moyen d’imposition sur le revenu de l’ensemble de la population au titre de chaque catégorie de revenus, et son coût sans doute significatif.

Je présenterai également d’autres amendements visant également à nettoyer les dispositifs qui fiscalisent les revenus non perçus.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’aurais du mal à ne pas comprendre la philosophie de votre amendement. Je partage votre souci de salubrité et de cohérence fiscales. L’impôt sur l’impôt fait partie des bizarreries fiscales fortuites en France. Il est lié à des réformes fiscales successives. Mais je ne pourrai émettre un avis favorable car un tel dispositif est extrêmement complexe à chiffrer – nous n’y parvenons pas – et son coût est probablement colossal.

Il conviendrait plutôt de s’engager dans une réforme franche et massive de la CSG et de l’impôt sur le revenu, ce qui implique une réforme systémique de la fiscalité des particuliers. En effet, longtemps, la CSG a navigué entre son statut de cotisation et d’impôt, parfois déductible et parfois non déductible, ce qui entraîne alors une double taxation. Dans d’autres pays – je l’ai constaté avec Marc Le Fur aux États-Unis –, une forme de CSG a parfois été considérée comme un impôt – c’est le cas actuellement –, parfois comme un « non-impôt » puisque le principe des cotisations y est inconnu.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’un impôt, la CSG n’étant absolument pas contributive. Certes, notre système fiscal comporte des bizarreries, mais la bizarrerie ne profite jamais au contribuable. Comment expliquer qu’on doive payer de l’impôt sur un revenu qu’on n’a pas touché ? Cela vaut quelle que soit la nature du revenu – nous y reviendrons par le biais d’autres amendements.

Je sais bien qu’il est difficile de chiffrer le coût, probablement important, d’une telle réforme. Raison de plus pour la faire car le système actuel est injuste. Pour rester à iso-fiscalité, il serait préférable d’augmenter le taux de l’impôt. On ne peut toujours renvoyer ces débats à des réformes systémiques qui ne voient jamais le jour ou s’effondrent avant même d’avoir été débattues. Nous devons affirmer notre rejet de l’impôt sur l’impôt.

M. Charles de Courson. Notre président a raison. Souvent, les gens me font part de leur incompréhension : comment leur expliquer qu’ils sont taxés sur un revenu qu’ils n’ont pas touché – c’est le cas pour la part non déductible de la CSG par exemple ? Même quand je leur explique la différence de nature entre CSG déductible et non déductible, cela reste incompréhensible. Il faut faire cette réforme, en compensant les pertes fiscales. En conséquence, il faudra soit augmenter le taux de la CSG – cette solution a ma faveur –, soit jouer sur l’impôt sur revenu.

Peut-être notre rapporteur général pourrait-il demander un rapport évaluant la faisabilité d’une telle réforme à iso-fiscalité ? On ne peut parler de simplification du bulletin de paie sans la réaliser, tout comme il serait pertinent d’intégrer la CRDS dans la CSG.

Mme Marie-Christine Dalloz. Certes, la demande n’est pas nouvelle, mais faut-il pour autant maintenir le système en l’état ? La majorité estime toujours que nos propositions sont trop compliquées ou trop coûteuses. Monsieur le rapporteur général, vous nous renvoyez à une réforme systémique de la fiscalité. Mais notre proposition est simple, même si elle est difficile à chiffrer. Si nous ne nous attachons pas à la mettre en œuvre, nous n’avancerons pas.

Depuis des années, les Français subissent cette double imposition. Notre amendement a le mérite de la cohérence et de la lisibilité. Vous communiquez beaucoup sur les baisses d’impôts mais, la réalité, c’est que les Français ne les constatent pas. Au contraire, cette double taxation les pénalise.

Mme Émilie Cariou. Le débat est intéressant. Alors que les entreprises ont connu d’importantes baisses de fiscalité, que fait-on pour les contribuables personnes physiques ? En outre, il est fallacieux de répondre qu’on ne sait pas chiffrer quand on connaît nos systèmes informatiques.

J’aurais malgré tout une réserve : si une telle réforme est concevable sur les salaires, il ne faut pas continuer à pouvoir déduire la CSG versée sur les revenus du capital de l’impôt sur le revenu, au risque que certains contribuables réalisent d’énormes plus-values sans payer d’IR. C’est d’ailleurs déjà le cas avec la déduction partielle. Si la réforme devait voir le jour, il faudrait donc au préalable réaliser ce toilettage.

M. Éric Coquerel. On peut toujours regarder le problème par le petit bout de la lorgnette, en analysant seulement les cas particuliers. Mais on ne saurait ignorer que l’impôt est de moins en moins redistributif en France. Depuis 2017, la justice fiscale est de plus en plus ébréchée pour les plus riches. En outre, le plus gros défaut de la CSG est sa non-progressivité. Je ne suis donc pas prêt à voter un amendement censé corriger un problème alors qu’en réalité, le problème est ailleurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un débat très intéressant, qui d’ailleurs me passionne.

Ce qui intéresse les Français, madame Dalloz, c’est de savoir si les prélèvements obligatoires augmentent ou diminuent. Je n’ai guère entendu que la non-déductibilité d’une part de CSG leur posait un problème majeur au quotidien. En revanche, beaucoup m’ont dit que le taux de prélèvements obligatoires était trop élevé. Les Français savent et reconnaissent que les prélèvements obligatoires ont baissé de 25 milliards depuis 2017. Voilà quelle est la priorité, au lendemain de la crise, pour relancer la consommation et l’investissement.

Je ne dis pas que le débat ne doit pas avoir lieu, mais je suis surpris de vous entendre dire que, si l’on ne sait pas chiffrer le coût de cette mesure, ce n’est pas si grave ; que l’on peut l’adopter et voir ensuite le résultat. Nous avons tous ici, je l’espère, le souci de la bonne tenue des finances publiques ! Par ailleurs, je maintiens que, même si nous adoptions cet amendement, nous ne résoudrions pas la question principale, à savoir le statut de la CSG par rapport à l’impôt sur le revenu. Cela mériterait à mon avis une réforme d’une autre ampleur.

M. le président Éric Woerth. Nous allons donc continuer à payer de l’impôt sur l’impôt ! On peut invoquer des arguments très intelligents pour s’opposer à notre proposition, mais le fait que l’on paye un impôt sur des revenus qui ne sont pas perçus pose tout de même un petit problème de principe. Aucune majorité ne l’a traité ; la vôtre ne le fera donc pas non plus.

La commission rejette l’amendement I-CF698.

Amendement I-CF793 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. À l’instar d’autres secteurs économiques, celui du bâtiment a beaucoup souffert de la crise sanitaire. Au-delà, nous avons un problème en matière de rénovation énergétique dans l’ensemble du parc locatif. Par cet amendement, qui aurait un certain coût – je sais déjà ce que vous allez me répondre, monsieur le rapporteur général –, nous proposons de donner aux bailleurs la possibilité de déduire sans limite du revenu global soumis à l’impôt sur le revenu les déficits fonciers résultant de travaux visant à améliorer la performance énergétique. Autrement dit, nous autoriserions le dépassement du plafond actuel. Il s’agirait d’une mesure ponctuelle, qui permettrait à la fois de relancer de nombreux chantiers – sachant que le bâtiment n’est pas le secteur qui a été le plus accompagné pendant la crise sanitaire – et de répondre aux objectifs en matière de rénovation énergétique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si vous connaissez ma réponse, madame Dalloz, c’est parce que nous avons déjà débattu de la question à de multiples reprises. Je rappelle néanmoins que le dispositif de déduction des déficits fonciers est très avantageux ; il ne faudrait pas laisser penser le contraire. Lorsque le déficit dépasse la limite d’imputation, le surplus peut être imputé sur les revenus fonciers des dix années suivantes. Le régime fiscal est donc très favorable. J’émets un avis défavorable sur l’amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF793.

Amendements I-CF992, I-CF993 et I-CF994 de M. Xavier Paluszkiewicz (discussion commune).

M. Xavier Paluszkiewicz. Ils visent à étendre aux pensions de retraite de source étrangère le dispositif d’abattement applicable aux pensions françaises. Le Gouvernement ayant décidé vendredi dernier de suspendre l’application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise – négociée en 2016 et ratifiée en 2018 –, ils n’ont plus lieu d’être. C’est pourquoi je les retire.

Les amendements I-CF992, I-CF993 et I-CF994 sont retirés.

Amendement I-CF794 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il concerne la demi-part des veuves. C’est un vaste débat, et je sais très bien, là aussi, quelle sera la réponse.

La demi-part fiscale auparavant accordée aux veufs et aux veuves a été supprimée, sauf pour celles et ceux qui ont supporté à titre exclusif ou principal la charge d’un enfant pendant au moins cinq ans. Sur les 3,6 millions de contribuables concernés par cette suppression, 2 millions sont devenus imposables ou ont vu leur impôt augmenter.

Le présent amendement vise à rétablir la demi-part au bénéfice non pas de tous les veufs et veuves, mais de celles et ceux qui ont eu un enfant à charge, sans considération de durée. La mesure serait donc moins onéreuse ; notez que nous avons fait un effort.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne reprends pas les arguments que nous avons déjà exposés à plusieurs reprises.

La commission rejette l’amendement I-CF794.

Amendement I-CF930 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Les particuliers qui versent un don à une association bénéficient d’un avantage fiscal. Or certaines associations ont un comportement que je qualifierais d’antirépublicain. Je pense à celles – notamment L214, mais ce n’est pas la seule – qui se sont fait une spécialité de l’intrusion dans les exploitations, en particulier les élevages, pour dénoncer les agriculteurs, voire les attaquer. L’État doit cesser de financer ces associations, de les subventionner par les déductions fiscales dont bénéficient les donateurs. Nous devons agir.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je maintiens que la réponse à ce problème doit être de nature non pas fiscale, mais pénale. Nous ne subventionnons pas ces associations en particulier : il existe des outils fiscaux applicables de manière globale aux dons par les particuliers versés aux associations. Si certaines associations ont des comportements légalement répréhensibles, c’est la réponse pénale qui doit prévaloir.

M. Charles de Courson. Et la dissolution !

M. Marc Le Fur. La réponse pénale peut valoir à l’égard des individus, mais les associations dont ils sont membres continuent à bénéficier de ces financements. Qui plus est, ces associations utilisent à fond la législation : elles s’enregistrent en Alsace-Moselle, où les présidents et responsables d’association ont la possibilité d’être salariés. Nous sommes en train d’organiser le financement d’associations dont nous réprouvons pourtant les agissements. Il faut absolument que nous évoluions à ce sujet.

M. le président Éric Woerth. Il faudrait peut-être voir avec les ministères compétents – justice ou intérieur – s’il est possible de ne plus appliquer la déduction à tout ou partie des dons perçus par l’association lorsque les faits en question ont fait l’objet d’une condamnation.

La commission rejette l’amendement I-CF930.

Amendement I-CF44 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Les gares font partie de notre patrimoine et contribuent à un aménagement durable du territoire. Nous proposons d’ouvrir la possibilité de financer par le mécénat la protection de ce patrimoine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous voyons bien d’où vient l’amendement. Néanmoins, ne connaissant ni le coût de la mesure ni les véritables besoins en la matière, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF44.

Amendement I-CF1069 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Depuis la création du crédit d’impôt famille en 2006, le plafond des dépenses retenues n’a pas été augmenté. L’amendement vise à le relever de 2 300 à 2 750 euros, pour tenir compte de l’inflation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne reviens pas sur ce débat.

M. Charles de Courson. Jean-Noël Barrot a raison : le dispositif finit par perdre de son sens. D’ailleurs, plutôt que de bricoler en proposant chaque année un relèvement du plafond, nous ferions mieux de l’indexer, comme cela a été fait pour toute une série de prestations. Cela éviterait ces amendements à répétition.

L’amendement I-CF1069 est retiré.

Amendements I-CF796 et I-CF797 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le contexte de réduction des émissions de gaz à effet de serre, on ne peut pas occulter les résidences secondaires, qui représentent 9 % du parc de logements en France. En effet, ce patrimoine est susceptible de se dégrader. Il convient donc d’inciter les contribuables, sans considération de leurs revenus, à procéder à la rénovation énergétique de l’ensemble des immeubles qu’ils détiennent.

L’amendement I-CF796 vise à rendre éligibles au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) les travaux de rénovation énergétique effectués sur les résidences secondaires, mais uniquement lorsque celles-ci sont situées dans une ZRR. Bien sûr, l’application de la mesure serait limitée dans le temps. Elle contribuerait à la relance du secteur du bâtiment.

Aux termes de l’amendement I-CF797, le CITE s’appliquerait en cas d’acquisition d’une chaudière à gaz à très haute performance énergétique, possibilité qui avait été supprimée en 2020. Le crédit d’impôt serait toutefois plafonné à 600 euros pour une maison individuelle ou pour une partie privative d’un immeuble, et à 200 euros par logement pour les équipements collectifs. La mesure serait applicable jusqu’au 31 décembre 2022. Elle favoriserait elle aussi la relance du secteur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le débat de fond que vous soulevez est pertinent, mais vos amendements portent sur le CITE, outil qui a été définitivement remplacé par MaPrimeRénov’. Il faudrait d’ailleurs abroger dans le code général des impôts toutes les dispositions relatives au CITE… Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Je soutiens ces amendements. J’ajoute que les résidences secondaires sont désormais fortement pénalisées du point de vue fiscal, puisqu’elles seront bientôt les seules à être assujetties à la taxe d’habitation. Si l’on ne prévoit pas de mesures plus encourageantes à leur égard, il y aura dans les zones rurales un vrai problème, en tout cas une iniquité.

La commission rejette successivement les amendements I-CF796 et I-CF797.

Amendements identiques I-CF633 de Mme Sylvia Pinel et I-CF841 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. La réglementation environnementale 2020 entrera en vigueur pour les logements neufs le 1er janvier 2022. Son principe ne fait pas l’objet de discussions, mais il importe d’accompagner cette transition, car les surcoûts de construction sont évalués à 10 % et le coût global d’acquisition d’un logement neuf pourrait progresser d’au moins 5 %. Pour prendre en compte ces évolutions très sensibles et soutenir le marché, nous proposons d’accompagner les ménages en instaurant un crédit d’impôt équivalent à 15 % des annuités d’emprunt pendant cinq ans, dans la limite d’un plafond de 5 000 euros pour une personne seule et de 10 000 euros pour un couple, majoré de 1 000 euros par personne à charge. Cette mesure est proposée par la Fédération française du bâtiment.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mon avis est défavorable, pour deux raisons.

D’une part, il existe déjà des outils qui favorisent l’acquisition dans le neuf : le dispositif Pinel, le prêt à taux zéro, les aides à la primo-accession. Ils fonctionnent, même s’ils sont perfectibles, d’où les corrections qui leur sont régulièrement apportées. Nous les avons prorogés, notamment dans la dernière loi de finances initiale.

D’autre part, madame Louwagie, la mesure que vous proposez coûterait tout de même 1,5 milliard ! À force de faire de la dépense fiscale, on ne s’y retrouvera plus dans les comptes publics. Mon rôle est aussi de tenir les compteurs.

La commission rejette les amendements identiques I-CF633 et I-CF841.

Amendements I-CF1031 de Mme Valérie Rabault, I-CF650 et I-CF648 de M. Matthieu Orphelin (discussion commune).

Mme Claudia Rouaux. Nous proposons d’instaurer un crédit d’impôt pour que nos concitoyens puissent faire face à la hausse sans précédent de leur facture énergétique, de chauffage comme de carburant.

Au début du mouvement des gilets jaunes, souvenez-vous, les préfets avaient reçu des manifestants. Plusieurs d’entre eux avaient fait valoir qu’il ne leur restait que 100 euros pour vivre à la fin du mois, une fois les charges retranchées de leur salaire. Pour ces personnes, qui vivent en milieu rural, le véhicule est souvent le seul moyen d’aller travailler, et la chaudière au fioul, le seul moyen de se chauffer. Désormais, avec une augmentation de leur facture énergétique de l’ordre de 20 %, elles ne pourront tous simplement plus se nourrir. Il faut absolument les aider.

M. Matthieu Orphelin. Nous sommes au début d’une crise énergétique très forte. Le prix du baril de pétrole est repassé ce matin au-dessus de 80 dollars. Nombre de nos concitoyens ne peuvent plus payer leur facture de carburant ou de chauffage. Je prends bonne note des premières annonces faites par le Premier ministre la semaine dernière concernant les prix du gaz et de l’électricité. Toutefois, elles ne répondent que partiellement au problème, et j’invite le Gouvernement et la majorité à aller beaucoup plus loin.

L’amendement I-CF650 vise à créer un chèque énergie « crise énergétique », qui pourrait être déclenché par le Gouvernement les années où le prix des énergies est exceptionnellement élevé, comme c’est le cas en ce moment. Le chèque énergie bénéficie actuellement à un peu moins de 6 millions de personnes ; les années de crise énergétique, le nombre de bénéficiaires passerait à 20 millions de foyers, ce qui engloberait les classes moyennes. Le montant du chèque serait augmenté et pourrait être modulé en fonction de la densité de population du lieu de résidence – si c’est le prix du pétrole qui est élevé – ou des conditions climatiques du lieu de résidence – si c’est le prix du gaz ou du fioul qui est élevé.

L’amendement I-CF648 tend à instaurer le même dispositif tout en renforçant, en outre, les aides à la transition. En matière de rénovation énergétique des logements, il favoriserait le recours à MaPrimeRénov’ pour les rénovations globales et performantes – sachant que le dispositif fonctionne bien pour les gestes unitaires. Il étendrait à 10 millions de foyers le programme habiter mieux sérénité de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), actuellement réservé aux ménages modestes, pour favoriser là encore des rénovations globales. En matière d’acquisition de véhicules propres, il renforcerait les aides existantes et ouvrirait à tous les Français l’éco-prêt à taux zéro prévu à titre expérimental par la loi d’orientation des mobilités pour les seules zones à faibles émissions mobilité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cela ne vous étonnera pas, je ne crois pas que les crédits d’impôt, c’est-à-dire la dépense fiscale, soient à ce stade la bonne réponse pour faire face à la flambée des prix de l’énergie. Celle-ci ayant un caractère transitoire, il nous faut la compenser par des mesures temporaires et maîtrisées du point de vue de nos finances publiques.

C’est précisément ce qu’a annoncé le Premier ministre. Nous allons recourir à plusieurs outils : un gel du tarif réglementé du gaz jusqu’en avril 2022 et, le cas échéant, une réduction de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) ; un plafonnement à 4 % de la hausse du prix de l’électricité, qui passera techniquement par une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) ; une augmentation du chèque énergie de 100 euros par foyer, qui sera inscrite dans le projet de loi de finances rectificative de la fin de cette année.

Je préfère apporter ainsi une réponse adaptée s’inscrivant dans la même temporalité que les hausses de prix plutôt que de franchir un palier supplémentaire en matière de dépense fiscale, compte tenu de l’effet cliquet que nous connaissons bien. Avis défavorable sur les trois amendements.

M. Matthieu Orphelin. Présenter des amendements modifiant tel ou tel crédit d’impôt est souvent la seule façon pour les parlementaires de défendre des mesures en première partie du PLF. Par ailleurs, le dispositif que je propose a vocation à s’appliquer uniquement les années où le prix des énergies est élevé ; on pourrait très bien le déclencher une année donnée, le cas échéant en cours d’exercice.

La baisse des taxes que vous évoquez – à ce stade, elle n’est pas encore inscrite dans le PLF, mais peut-être le Gouvernement présentera-t-il des amendements en ce sens – est nettement moins redistributive que les mesures que nous proposons : elle profitera en priorité aux ménages les plus aisés parce qu’ils consomment plus, alors même que la facture énergétique représente une part moins importante de leur budget. Je persiste à penser que nos mesures seraient plus intéressantes pour les classes moyennes et les ménages les moins aisés.

Pensez-vous comme moi, monsieur le rapporteur général, qu’il serait opportun de renforcer les dispositifs d’aide pour favoriser les rénovations globales ? Seules 1 000 des 500 000 aides accordées au titre de MaPrimeRénov’ concernent des rénovations globales. Quant au programme habiter mieux sérénité de l’ANAH, il finance 30 000 rénovations performantes par an, ce qui n’est pas suffisant. Or la principale façon de lutter contre l’envolée de la facture énergétique, c’est de réduire les besoins.

Mme Claudia Rouaux. Monsieur le rapporteur général, les aides annoncées par le Président de la République ne suffiront pas à compenser les hausses des prix de l’énergie, notamment pour les gens qui perçoivent les salaires les plus modestes et vivent très loin de leur lieu de travail.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne peux pas laisser dire que les mesures annoncées sont une rustine ou un pourboire. Je rappelle les décisions prises : blocage de la hausse des prix, baisse de la fiscalité, revalorisation du chèque énergie de 100 euros pour les foyers les plus modestes. Cette dernière mesure répond à votre préoccupation légitime, monsieur Orphelin : elle est sinon redistributive, du moins adaptée aux ménages les plus modestes. On ne peut pas prétendre qu’il n’y a pas eu d’anticipation, ni de réaction forte : la hausse des prix doit être compensée et le sera.

En matière de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments privés, nous sommes passés d’un crédit d’impôt, le CITE, à une aide directe, MaPrimeRénov’. Ce qui m’embête avec vos propositions, c’est que l’on reviendrait sur cette avancée. Pour le reste, il est exact que la rénovation des bâtiments privés est plutôt une politique des petits pas. En général, les ménages n’ont pas les moyens de faire une rénovation globale de leur logement. C’est tout l’intérêt de MaPrimeRénov’ : le dispositif est souple et mobilisable rapidement ; on peut procéder étape par étape. Il fonctionne bien, et c’est précisément pour cette raison que nous augmentons les crédits qui lui sont affectés.

M. Éric Coquerel. Les mesures que vous prenez ne sont effectivement pas un pourboire, puisqu’elles ont une contrepartie électorale : vous plafonnez la hausse des prix jusqu’en avril, date à laquelle il y aura, chacun le sait, une élection. Par ailleurs, ces mesures ne compenseront pas les augmentations subies par les gens depuis un an.

Pour notre part, nous proposons une autre solution, qui ne coûterait pas cher à la collectivité : taxer à due proportion de l’augmentation des prix les entreprises qui vendent du gaz et de l’électricité, sachant qu’elles ont continué à verser des dividendes dont le montant va croissant. Il faut redistribuer les gains aux consommateurs.

M. Matthieu Orphelin. Je vous alerte une fois de plus, monsieur le rapporteur général : la hausse des prix de l’énergie est aujourd’hui le sujet majeur de discussion dans de nombreux territoires. Nous ne sommes pas allés au bout de ce qu’il faudrait faire en ce qui concerne le montant du chèque énergie et le nombre de ménages qui en bénéficient.

Pour favoriser les rénovations globales, nous proposons des crédits d’impôt, mais il ne tient qu’au Gouvernement de renforcer les aides existantes. Je ne partage pas du tout votre avis : il faut donner aux gens les moyens non pas seulement de faire des petits gestes, mais d’investir dans une rénovation globale. À cette fin, il convient d’augmenter le montant des primes et d’instituer un éco-prêt à taux zéro, avec des conditions de ressources et des plafonds moins limitatifs que ceux qui sont en vigueur. Cela permettrait aux gens de réduire plus efficacement leur facture énergétique.

M. le président Éric Woerth. Vous avez certainement remarqué qu’on n’a jamais dépensé autant, crédits d’impôt compris.

On peut toujours ajouter de la dépense à la dépense, multiplier par deux tel ou tel dispositif…

M. Matthieu Orphelin. C’est de la dépense utile !

M. le président Éric Woerth. Toute dépense est utile, monsieur Orphelin, et c’est toujours la dépense marginale que l’on juge la plus importante. Vous oubliez simplement toutes les dépenses précédentes.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1031, I-CF650 et ICF648.

Amendement I-CF488 de M. Bertrand Pancher.

M. Michel Castellani. Il vise à instaurer, en faveur des ménages les plus modestes, un crédit d’impôt destiné à compenser l’impact de la composante carbone des taxes intérieures de consommation.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF488.

Amendement I-CF998 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Il tend à faire bénéficier les résidents imposables percevant des revenus luxembourgeois et français d’une année blanche. Toutefois, il n’a plus lieu d’être, l’application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ayant été suspendue.

L’amendement I-CF998 est retiré.

Amendement I-CF363 de M. Éric Coquerel, amendements identiques I-CF196 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF1047 Mme Émilie Cariou, amendements identiques I-CF989 de M. Jean-Louis Bricout et I-CF1048 de Mme Émilie Cariou (discussion commune).

M. Éric Coquerel. L’amendement I-CF363 devrait vous satisfaire, monsieur le président : nous prévoyons non pas des dépenses, mais des recettes supplémentaires. En effet, nous proposons de porter les taux des deux tranches de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) respectivement de 3 % à 9 % et de 4 % à 12 %. Rappelons que la CEHR ne touche que les revenus annuels supérieurs à 250 000 euros et que son assiette comprend exclusivement les revenus du travail – les revenus du capital ne sont pas concernés.

Le 8 juillet 2021, Bruno Le Maire a déclaré que la France parvenait à mieux maîtriser les inégalités parce qu’elle avait un système de redistribution très élevé, et que surtaxer les plus riches n’était pas la bonne solution. S’il était présent aujourd’hui, il me ferait sans doute la même réponse.

Pourtant, au cours des cinq dernières années, les inégalités ont explosé comme jamais, et le système est devenu de moins en moins redistributif. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Gouvernement a tout fait pour ne pas surtaxer les plus riches : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ; instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ; suppression de la taxe d’habitation, qui concernera bientôt les 20 % les plus riches ; baisse de l’impôt sur le revenu pour les plus riches.

D’après l’Institut des politiques publiques, avec les budgets de 2018, 2019 et 2020, les 10 % les moins riches n’ont rien gagné et les personnes relevant du décile suivant ont gagné quelques dizaines d’euros. Pour trouver des gains significatifs, il faut s’intéresser aux 1 % les plus riches : 4 500 euros en moyenne. Qui plus est, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes de France a doublé au cours des cinq dernières années, sachant qu’il a augmenté de 30 % l’année dernière.

Dès lors, il semble possible de faire contribuer davantage les plus riches en augmentant leur imposition. On me fera peut-être valoir qu’ils risquent alors de partir. Or les Pandora papers nous ont apporté la réponse : ils paient moins d’impôts et ils partent quand même.

M. le président Éric Woerth. Il y a déjà un impôt sur le revenu supplémentaire. On l’oublie souvent.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous sommes là au cœur du réacteur. Nous venons de discuter du montant du chèque énergie et du nombre de ses bénéficiaires. On nous a rétorqué que le Gouvernement faisait déjà beaucoup.

Par l’amendement I-CF196, nous proposons de porter les taux de la CEHR de 3 % à 6 % et de 4 % à 8 %. Rappelons quel est le public concerné : les célibataires dont le revenu est supérieur à 250 000 euros et les couples dont le revenu dépasse 500 000 euros. Selon les estimations fournies par Bercy, notre proposition porterait le rendement de la CEHR à environ 2 milliards d’euros. Si vous étiez prêts à en discuter, nous serions disposés à couper la poire en deux : un milliard, ce serait déjà très utile en ce moment.

À aucun moment au cours de cette crise vous n’avez mis à contribution les hauts revenus. Vous avez financé tous les dispositifs de soutien par la dette, dont le niveau vous sert désormais de prétexte pour diminuer des dépenses publiques – je pense notamment au nouveau système de calcul de l’allocation chômage, contre lequel les gens vont protester aujourd’hui dans la rue. C’est inacceptable, et nous continuerons de dénoncer cette situation. Certains passeront l’hiver bien au chaud, contrairement à d’autres.

Mme Émilie Cariou. Il est identique au I-CF196 de M. Dufrègne. Je rappelle que la CEHR a été instaurée par la majorité qui soutenait Nicolas Sarkozy, afin de contribuer à la résorption du déficit des administrations publiques. Les écarts de richesse et de niveaux de vie s’étant accrus, nous proposons de faire contribuer plus fortement ces très hauts revenus, à savoir les célibataires dont le revenu est supérieur à 250 000 euros et les couples dont le revenu dépasse 500 000 euros – il faut tout de même se rendre compte de ce que cela représente. Toutes les dépenses des plans d’urgence et de relance ont été financées par la dette, comme l’a relevé M. Dufrègne, mais aussi par la prorogation de la CRDS, laquelle frappe tous les revenus, y compris les plus faibles. L’amendement I-CF1047 vise donc une mesure de justice fiscale.

L’amendement I-CF1048 prévoit notamment de rétablir le seuil de déclenchement de la CEHR à 250 000 euros pour les couples, contre 500 000 euros actuellement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut reconnaître à Éric Coquerel l’intention d’accroître les recettes, mais l’augmentation des taux qu’il propose est telle qu’elle rendrait l’impôt confiscatoire et en diminuerait fortement l’assiette.

Si je suis opposé à l’augmentation des prélèvements obligatoires, ce n’est pas par dogmatisme, c’est parce que je fais le constat clinique que l’impôt sur le revenu français – auquel, Éric Woerth a raison, s’ajoute une surtaxe que nous n’avons pas supprimée – est le plus redistributif. En aucun cas on ne doit remédier à la crise par une augmentation d’impôt, quelle qu’elle soit. La reprise de la consommation et de l’économie exige que l’horizon fiscal soit dégagé ; ce projet politique, la majorité l’assume.

Nous avons donc, sur ce point, un désaccord de fond. Au-delà de son caractère symbolique, l’augmentation des impôts est une fausse bonne réponse. Il suffit de regarder ce qui s’est passé lors des crises précédentes : une telle mesure grèverait la croissance et l’investissement dont nous avons précisément besoin. Avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Il faut arrêter d’envisager la fiscalité à travers le seul prisme de l’impôt sur le revenu, dont le produit ne représente que 20 % des recettes totales. Si l’on considère la fiscalité dans sa globalité, il n’est pas vrai que le système est de plus en plus redistributif. Au contraire, il avantage les plus riches – tous les chiffres le montrent. C’est tellement vrai que, partout, leurs revenus explosent ! Il y a cinq ans, les inégalités étaient encore un peu moins fortes en France que dans les autres pays mais, depuis, vous avez rattrapé ce retard.

M. le président Éric Woerth. Tous les chiffres montrent que la France est probablement le pays le plus redistributif au monde.

M. Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le président, je comprends que vous vouliez passer rapidement sur ces amendements…

M. le président Éric Woerth. Pas du tout, mais c’est chaque année la même chose.

M. Jean-Paul Dufrègne. …dont, comme le rapporteur général, vous ne partagez pas l’esprit. Ils visent à accroître l’imposition des 0,1 % des contribuables les plus riches, ceux-là mêmes dont le taux effectif de prélèvement, qui est d’environ 45 %, est identique à celui des 10 % des ménages les plus pauvres. Il s’agit donc d’une mesure de justice fiscale. Arrêtez de parler de redistribution et faites ce que nous proposons, qui est de redistribuer un peu plus dans un contexte où les besoins sont criants. Si vous ne les voyez pas, ouvrez les yeux !

M. Matthieu Orphelin. Premièrement certains pays, notamment l’Espagne, ont créé une contribution supplémentaire analogue à celle qui est proposée. Deuxièmement, n’oublions pas que les ménages les plus aisés bénéficient d’un cadeau imprévu : la suppression de la taxe d’habitation, dont le coût s’établira à plus de 5 milliards en 2022, plus de 7 milliards en 2023. Cet avantage réservé aux ménages du dernier décile augmentera au cours des deux années à venir, confirmant le constat suivant : les plus aisés sont ceux qui ont le plus bénéficié de la hausse du niveau de vie et des revenus.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’évolution du niveau de vie se calcule en pourcentage et non en valeur : l’étude publiée hier par Les Échos le démontre assez bien. Si l’on cumule les mesures fiscales ou budgétaires du quinquennat – car, outre la fiscalité, il faut prendre en compte le chèque énergie, par exemple, qui représente 100 euros supplémentaires pour les ménages les plus modestes –, aucune catégorie n’est sacrifiée au regard de la hausse du niveau de vie ! C’est une donnée objective ; je ne fais pas, ici, de politique politicienne. Les mesures votées par notre commission depuis quatre ans et demi bénéficient en priorité aux classes que l’on appelle modestes ou moyennes, en particulier à ceux qui travaillent.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF363, les amendements identiques I-CF196 et I-CF1047 et les amendements identiques I-CF989 et I-CF1048.

Amendement I-CF355 de Mme Frédérique Lardet.

M. Saïd Ahamada. Si le développement récent du télétravail est globalement une bonne chose, il a néanmoins des effets pervers – augmentation de certaines maladies professionnelles, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires… – qui sont à l’origine de conditions de travail inéquitables. C’est pourquoi nous proposons un dispositif qui, sur le modèle du forfait mobilité et du titre mobilité, permettrait à l’employeur de prendre en charge tout ou partie des frais liés au télétravail supportés par ses salariés. Cette prise en charge prendrait la forme d’une allocation forfaitaire dont le plafond serait fixé à 600 euros par an et par salarié et qui serait exonérée de cotisations et de contributions sociales et d’impôt sur le revenu.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il importe en effet, au lendemain de la crise, d’adapter notre droit pour prendre en compte le développement du télétravail. Cependant, votre amendement est partiellement satisfait puisqu’il est d’ores et déjà possible de déduire l’ensemble des frais professionnels, dont ceux qui sont liés au télétravail. En outre, le dispositif proposé, qui s’inspire du titre-restaurant, contribuerait à la défiscalisation du salaire. Il soulève donc la question d’une double prise en charge, la défiscalisation s’ajoutant à la déduction. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement et d’y retravailler d’ici à la séance publique afin d’éviter toute double prise en charge.

L’amendement I-CF355 est retiré.

Amendement I-CF276 de M. Éric Girardin.

M. Xavier Paluszkiewicz. Il est demandé aux propriétaires de logement en assainissement non collectif des mises aux normes engendrant des coûts importants, évalués entre 5 000 et 10 000 euros. Si tous les travaux sont à la charge exclusive du propriétaire, ce dernier peut néanmoins demander à la commune d’assurer les travaux de mise en conformité. Mais il devra lui rembourser tous les frais engagés. Le mécanisme du crédit d’impôt permettrait aux contribuables d’obtenir du Trésor la restitution d’une partie de la dépense qu’ils ont supportée l’année précédant l’établissement de l’impôt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, en raison notamment du caractère très coûteux de la mesure proposée.

La commission rejette l’amendement I-CF276.

Amendement I-CF277 de M. Éric Girardin.

M. Xavier Paluszkiewicz. Il s’agit de créer un crédit d’impôt adossé au coût des complémentaires santé des retraités percevant moins de 2 000 euros. L’accès aux soins peut en effet demeurer difficile et onéreux pour les retraités économiquement fragiles. Ce crédit d’impôt leur permettrait de bénéficier d’une meilleure garantie à moindre coût.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La question est importante, mais l’amendement pose plusieurs problèmes techniques. Il créerait un effet de seuil important concernant le coût de la complémentaire, fixé à 1 500 euros ; surtout, il ne traite pas la question des foyers fiscaux, ni celle des rentiers par exemple. Il mérite donc d’être retravaillé. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer ; sinon, avis défavorable.

L’amendement I-CF277 est retiré.

 

Article 4
Aménagement des délais d’option pour les régimes d’imposition à l’impôt sur le revenu pour les entrepreneurs individuels

Résumé du dispositif proposé

Le présent article allonge les délais d’option et de renonciation à un régime réel d’imposition pour les petites entreprises imposées à l’impôt sur le revenu à même de bénéficier d’un régime « micro ».

Le délai d’option, ou de renonciation à cette option, pourra ainsi être exercé jusqu’à la date de dépôt de la déclaration afférente à la période d’imposition précédent celle au titre du laquelle l’option ou la renonciation s’applique, en pratique le premier jour ouvré suivant le 1er mai.

Dernières modifications intervenues

– L’article 55 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a instauré des mesures de neutralité fiscale dans les cas où des exploitants réalisant des bénéfices agricoles (BA) ou des bénéfices non commerciaux (BNC) passent d’un régime réel d’imposition à un régime de micro-entreprise ou inversement.

– L’article 22 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a revalorisé les seuils des régimes d’imposition des micro-entreprises, permettant ainsi d’augmenter significativement les plafonds de chiffre d'affaires ou de recettes des régimes micro-bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et micro-BNC. Par ailleurs, il a été mis fin à la corrélation existant entre le régime micro et celui de la franchise en base de TVA.

– La loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a instauré par son article 33 le régime des micro-exploitations agricoles dit « micro Là » en remplacement du forfait agricole. L’article 14 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a supprimé l’exclusion du régime micro-BA pour les contribuables imposables selon le régime du bénéfice réel au titre des bénéfices ne provenant pas de leur exploitation agricole.

– L'article 24 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (TPE) a modifié les articles 50-0 et 102 ter du CGI pour permettre le maintien des régimes micro-BIC et micro-BNC en cas de dépassement des seuils jusqu'à la fin de l’année de franchissement du seuil considéré et faire en sorte que le bénéfice du régime ne soit plus perdu rétroactivement dès le premier jour de l'année de franchissement.

– L'article 20 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 a coordonné le champ d’application des régimes micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux, article 50-0 du CGI) et micro-BNC (bénéfices non commerciaux, article 102 ter du CGI) avec celui de la franchise en base de TVA.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Les régimes d’imposition à l’impôt sur le revenu pour les entrepreneurs individuels

Les travailleurs indépendants assujettis à l’impôt sur le revenu (IR) peuvent relever de deux types de régime d’imposition :

– le régime réel (dans le cadre des BNC, régime de la « déclaration contrôlée ») ;

– les régimes micro-fiscaux, ou « micro » : les régimes « micro-BIC », le régime « micro-BNC » et le régime « micro-BA ».

Dans le cadre du régime réel, les bénéfices sont imposés d’après les règles de droit commun, notamment s’agissant de la déductibilité des charges supportées dans l’intérêt de l’exploitation ou encore des amortissements.

Dans le cadre des régimes « micro », en revanche, l’assiette imposable est déterminée par application au chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) d’un abattement forfaitaire, variable selon l’activité, représentatif des charges.

Les redevables qui relèvent d’un régime micro-fiscal – et donc du régime micro-social – constituent, depuis le 1er janvier 2016, la catégorie des « micro-entrepreneurs » (qui s’est substituée à celle des autoentrepreneurs ([43])).

1.   Les régimes micro

a.   Présentation des régimes « micro » des travailleurs indépendants

Deux régimes « micro‑BIC » sont prévus à l’article 50‑0 du code général des impôts (CGI). Le régime « micro‑BNC » est prévu à l’article 102 ter du CGI tandis que le régime « micro-BA » est prévu à l’article 64 bis du CGI.

Pour les BIC tirés d’activités de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à consommer sur place ou à emporter, ainsi qu’à celles de fourniture de logements, hors locations en meublé ([44]) :

– l’abattement est de 71 % ;

– sous réserve que le CA HT de l’année précédente n’ait pas excédé 176 200 euros.

Pour les BIC tirés d’autres activités industrielles et commerciales, c’est-à-dire essentiellement les prestations de service et la location en meublé :

– l’abattement est de 50 % ;

– sous réserve que le CA HT de l’année précédente n’ait pas excédé 72 600 euros.

Pour les BNC, le régime « micro » consiste à appliquer aux revenus non commerciaux bruts un abattement de 34 %, sous réserve que le CA HT de l’année précédente n’ait pas excédé 72 600 euros.

Pour les BA, le régime « micro », qui a succédé au forfait agricole, consiste à appliquer à la moyenne des chiffres d’affaires de l’année d’imposition et des deux années précédentes un abattement de 87 %, sous réserve que cette moyenne n’ait pas excédé 82 800 euros.

L’abattement, quel que soit le régime, ne peut être inférieur à 305 euros.

Certains contribuables sont toutefois exclus du bénéfice des régimes « micro » à raison de leurs activités (telles que la location de matériels ou de biens de consommation durable ou encore les activités occultes) ou encore de leur forme juridique (comme les sociétés de personnes).

Depuis 2014, le bénéfice d’un régime « micro » n’est pas perdu lors de l’année de franchissement du plafond de CA HT, mais seulement à compter de l’année suivante ([45]).

synthèse des régimes « micro » des travailleurs indépendants

Activités

Catégorie de revenu

Fondement législatif
(article du CGI)

Plafond normal de CA HT
(en euros)

Abattement forfaitaire

Commerce et hébergement

BIC

50-0

176 200

71 %

Prestations de service et locations meublées

BIC

50-0

72 600

50 %

Activités agricoles

BA

64 bis

82 800

87 %

Activités non commerciales

BNC

102 ter

72 600

34 %

Source : commission des finances.

b.   Des obligations administratives, fiscales et comptables simplifiées

Au-delà des modalités simplifiées de détermination de l’assiette imposable, les contribuables relevant d’un régime micro-fiscal bénéficient d’obligations comptables et fiscales allégées.

Ils sont ainsi dispensés de la tenue d’une comptabilité complète et donc de l’établissement d’un bilan et d’un compte de résultat.

Sont seules exigées :

– pour les contribuables relevant du « micro‑BIC », la tenue d’un livre-journal retraçant leurs recettes professionnelles ainsi que, pour ceux dont les activités relèvent du commerce ou de l’hébergement, la tenue d’un registre détaillant leurs achats (5 de l’article 50‑0 du CGI) ;

– pour les contribuables relevant du « micro‑BNC », la tenue d’un document enregistrant le détail journalier de leurs recettes professionnelles (4 de l’article 102 ter) ;

– pour les contribuables relevant du « micro-BA », la tenue d’un document enregistrant le détail journalier de leurs recettes professionnelles (IV de l’article 64 bis du CGI).

Par ailleurs, la détermination de la valeur ajoutée peut, dans le cadre des régimes « micro », obéir à des règles simplifiées. Sur option des redevables, la contribution économique territoriale (CET) peut être plafonnée en fonction de la valeur ajoutée. Cette dernière, en vertu du 4 du I de l’article 1586 sexies du CGI, est déterminée selon des modalités relativement complexes tenant compte de différents facteurs ; toutefois, en application du a du I de l’article 1647 B sexies du CGI, la valeur ajoutée des contribuables relevant des régimes « micro‑BIC » ou « micro‑BNC » est, dans le cadre du plafonnement de la CET, égale à 80 % de la différence entre le montant des recettes et celui des achats.

2.   La possibilité d’opter pour le régime réel

Le régime d’imposition des entreprises varie en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise et de son activité. Le régime réel simplifié et le régime réel normal s’appliquent aux bénéfices réalisés au cours de l’exercice et à la taxe sur la valeur ajoutée. C’est le niveau de détail demandé dans le cadre des obligations comptables qui différencie ces deux régimes. En effet, alors que les entreprises soumises au régime réel simplifié doivent simplement déposer un bilan comptable simplifié, celles soumises à un régime réel normal doivent télédéclarer un bilan comptable complet.

synthèse des régimes réels des entreprises

Activités

Catégorie de revenu

CA HT permettant de bénéficier du régime réel simplifié (en euros)

CA HT aboutissant à une imposition au régime réel normal (en euros)

Commerce et hébergement

BIC

Entre 176 201 et 818 000

Au-delà de 818 000

Prestations de service et locations meublées

BIC

Entre 72 601 et 247 000

Au-delà de 247 000

Activités agricoles

BA

Entre 82 801 et 365 000

Au-delà de 365 000

Activités non commerciales

BNC

Entre 72 601 et 247 000

Au-delà de 247 000

Source : commission des finances.

Le régime réel simplifié s’applique de plein droit aux entreprises industrielles ou commerciales qui sont exclues du régime micro-BIC ou micro-BNC en raison de l’importance de leur chiffre d’affaires, de leur forme juridique ou de la nature de leur activité, sous réserve que leur chiffre d’affaires hors taxe réalisé l’année précédente n’excède pas une limite fixée à :

– 818 000 euros s’il s’agit d’entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à consommer sur place ou à emporter, ou d’entreprises de fourniture de logements, hors locations en meublé ;

– ou 247 000 euros pour les autres activités de prestations de services.

Le régime réel simplifié s’applique également aux entreprises agricoles qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 365 000 euros hors taxe sur trois années consécutives.

Au-delà de ces seuils – ou en-deçà pour les entreprises qui font commerce d’activités occultes ou qui possèdent certaines formes juridiques incompatibles, comme les sociétés de personnes – le régime réel s’applique de plein droit.

Nonobstant le chiffre d’affaires, la sujétion à un régime « micro » n’est pas obligatoire : tout redevable, même s’il est éligible au « microBIC », « microBNC » ou au « micro-BA », peut opter pour un régime réel s’il le souhaite.

La durée de l’option pour le réel est d’un an, tacitement renouvelée chaque année ([46]). L’exercice de l’option est encadré par des délais, qui varient selon la catégorie de revenu :

– dans le cadre des BIC, en application du 4 de l’article 50‑0 du CGI, l’option pour le régime réel doit être exercée avant le 1er février de l’année au titre de laquelle elle s’applique ;

– dans le cadre des BNC, en application des dispositions combinées du 5 de l’article 102 ter et des articles 97 et 175 du CGI, l’option pour le régime réel de la déclaration contrôlée doit être exercée au plus tard à la date de la déclaration de résultats au titre de laquelle elle s’applique. Cette déclaration de résultat doit parvenir à l’administration au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai. Elle était fixée, pour l’année 2021, au 4 mai.

– dans le cadre des BA, en application du V de l’article 64 bis du CGI, l’option pour le régime réel peut être exercée jusqu’à la date de la déclaration de résultats de l’année ou de l’exercice précédant celui au titre duquel elles s’appliquent, soit le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

La renonciation aux différentes options exercées par les contribuables doit intervenir avant le 1er février de l’année suivant la période pour laquelle elles ont été exercées, ou tacitement reconduites.

L’option pour le réel offre une souplesse opportune. Certains contribuables n’ont en effet pas intérêt à relever d’un régime « micro », qui ne permet pas, en raison de l’abattement forfaitaire, de déduire les charges pour leur montant réel ni de tenir compte de l’amortissement des immobilisations. Le régime micro fait également obstacle, toujours du fait de la détermination forfaitaire de l’assiette imposable, à l’imputation des déficits sur le revenu global du foyer.

En conséquence, un contribuable dont les charges excèdent le montant correspondant à l’abattement forfaitaire ou qui a constaté un déficit aura a priori intérêt à opter pour le régime réel.

B.   Le programme gouvernemental en faveur des travailleurs indépendants

1.   Le succès des régimes micro

Parmi les contribuables titulaires de revenus relevant des BIC, des BNC ou des BA, on compte à la fin du mois de décembre 2020 1 928 000 micro-entrepreneurs, c’est-à-dire des redevables relevant d’un régime micro-fiscal et du régime micro-social.

D’après les données publiées par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (URSSAF) ([47]), les micro-entreprises ont connu en 2020 un coup d’arrêt par rapport à l’année précédente : environ 1 071 000 micro-entreprises étaient dites « économiquement actives », c’est-à-dire qu’elles avaient enregistré un chiffre d’affaires positif au dernier trimestre 2020. Ce nombre de micro-entreprises actives est le plus faible depuis 2011, en lien avec la crise sanitaire actuelle.

Sur l’ensemble de l’année 2020, leur chiffre d’affaires global s’est établi à 15,94 milliards d’euros, soit 0,8 % de plus qu’en 2019, malgré un deuxième trimestre en baisse de 17,3 % sur un an, et grâce à un quatrième trimestre plus dynamique, en hausse de 5,7 % sur un an.

À la fin de l’année 2020, pour l’ensemble des micro-entreprises, le chiffre d’affaires trimestriel moyen diminue sur un an de 2,8 % – après avoir augmenté de 9,2 % en 2019 –, pour la première fois depuis 2015, et s’est établi à 4 368 euros.

Faciliter la vie de ces petites entreprises, qui ont démontré dans les années récentes leur dynamisme, est donc une priorité du Gouvernement ; une mesure de simplification efficace et attendue consisterait à rendre les passages d’un régime « micro » à un régime « réel simplifié » encore plus fluides.

2.   Un délai d’option enserré dans des délais trop brefs

L’option pour un régime réel et la renonciation subséquente à un régime « micro » doit être notifiée avant le 1er février de l’année au titre de laquelle le contribuable souhaite que cette option ou cette renonciation s’applique pour le régime BIC, et avant le 1er jour ouvré suivant le 1er mai pour les régimes micro-BNC et micro-BA.

En pratique, la plupart des contribuables disposent d’un délai réduit à un mois après la clôture de leur exercice afin de procéder à l’analyse de ce dernier et d’en tirer les conclusions, en matière d’option, pour le nouvel exercice.

Compte tenu de ce délai contraint, certains contribuables peuvent ne pas bénéficier de l’ensemble des informations nécessaires afin de réaliser, de manière parfaitement éclairée, le choix le plus pertinent s’agissant de leur régime d’imposition.

Or, le choix d’un régime « micro » peut se révéler pénalisant : c’est par exemple le cas si l’entreprise engage un montant de charges supérieur au montant de l’abattement forfaitaire représentatif de charges associé à son régime. C’est également le cas si elle peut par ailleurs bénéficier d’un allègement fiscal lié à un dispositif zoné ou du crédit d’impôt recherche, ou encore si les obligations comptables dont elle s’acquitte s’avèrent trop légères pour prétendre à un financement bancaire, le régime réel permettant davantage de répondre aux besoins des entreprises en croissance qui réalisent des investissements.

À l’inverse, l’option pour un régime réel peut ne pas être pertinente si l’entreprise enregistre des charges inférieures au montant de l’abattement forfaitaire du régime micro.

Ainsi, un allongement des délais d’option pour les plus petites entreprises, qui constituent à certains égards la substruction commerciale de la société française et qui doivent à ce titre être assujetties à des obligations fiscales et comptables les plus simples et fluides possibles, constituerait une évolution intéressante.

II.   Le dispositif proposé

A.   Un allongement du délai d’option ou de renonciation à l’option pour les régimes réels simplifiés

1.   L’allongement du délai d’option pour le régime réel BIC

Le 1° A du I du présent article modifie le 4 de l’article 50-0 du CGI de sorte que l’option pour un régime réel BIC puisse être exercée jusqu’au dernier jour du dépôt de la déclaration de l’exercice ou de l’année précédant la période au titre de laquelle l’option est exercée, soit le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

Le C du I du présent article modifie la fin du dernier alinéa du IV de l’article 69 du CGI afin qu’un exploitant agricole dans sa première année d’activité puisse exercer son option pour le régime réel simplifié jusqu’à la date du dépôt de la déclaration des résultats pour cette première année, soit le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

Il est prévu que ces dispositions s’appliquent, selon le II du présent article, aux options formulées à compter du 1er janvier 2022.

L’option pour le régime BNC réel simplifié ou le régime BA réel simplifié, qui peut être réalisée jusqu’au 1er mai de l’exercice à laquelle elle se rapporte, n’est pas modifiée par le présent article.

2.   L’allongement du délai de renonciation pour les régimes BIC, BNC et BA

Le 2° du A du I du présent article modifie le 4 de l’article 50-0 du CGI afin d’octroyer aux entreprises la possibilité de renoncer à l’option pour un régime BIC réel jusqu’au dernier jour du dépôt de la déclaration de résultat de la période précédant celle au titre de laquelle l’option ou la renonciation est exercée.

Le B du I du présent article modifie la dernière phrase du V de l’article 64 bis de sorte que les contribuables soumis au régime BA réel simplifié sur option puissent y renoncer jusqu’au dernier jour du dépôt de la déclaration de résultat de la période précédant celle au titre de laquelle l’option ou la renonciation est exercée.

Le D du I modifie quant à lui la fin du dernier alinéa du 5 de l’article 102 ter du CGI de sorte que les contribuables soumis au régime BNC réel simplifié sur option puissent y renoncer jusqu’à la date du dépôt de la déclaration de résultat précédant celle au titre de laquelle la renonciation s’applique.

Ces dispositions s’appliquent, selon le II du présent article, aux renonciations formulées à compter du 1er janvier 2022.

récapitulatif des dates butoir d’option et de renonciation à un régime réel simplifié d’imposition à l’impÔt sur le revenu

 

Activation de l’option

Renonciation à l’option

Droit actuel

Évolution proposée par le présent article

Droit actuel

Évolution proposée par le présent article

BIC

1er février

1er jour ouvré suivant le 1er mai

1er février

1er jour ouvré suivant le 1er mai

BA

1er jour ouvré suivant le 1er mai

1er jour ouvré suivant le 1er mai

1er février

1er jour ouvré suivant le 1er mai

BNC

1er jour ouvré suivant le 1er mai

1er jour ouvré suivant le 1er mai

1er février

1er jour ouvré suivant le 1er mai

Source : commission des finances.

B.   L’impact économique et budgétaire

1.   Un coût non chiffré ?

Le chiffrage de l’impact budgétaire de la mesure consiste à évaluer le différentiel d’imposition à l’impôt sur le revenu pour les entrepreneurs individuels qui, bénéficiant de l’allongement du délai d’option ou de renonciation pour changer de régime d’imposition, modifieraient le choix qu’ils auraient formulé en l’absence de mesure.

Dépendant donc de comportements individuels et de stratégies entrepreneuriales, le coût de la mesure n’est pas évalué par l’évaluation préalable du présent article. Il devrait être, en tout état de cause, relativement faible.

2.   Une meilleure adaptation du régime d’imposition à la situation réelle de l’entrepreneur

En harmonisant les délais applicables aux trois catégories de revenus
– BIC, BNC, BA – s’agissant de l’option pour un régime réel simplifié ainsi que pour sa renonciation constitue une simplification de calendrier évidente.

Cette harmonisation « par le haut » – les délais étant, dans la plupart des cas, allongés de plusieurs mois – permettra aux contribuables de tenir compte des résultats de la dernière année d’activité achevée ainsi que des premiers mois de la période en cours pour déterminer le régime le plus adapté à leur activité.

Il est à noter que le présent article doit faire l’objet de commentaires au BOFiP qui viendront expliciter la mesure, s’il en était encore besoin, au plus grand nombre.

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La commission adopte l’article 4 non modifié.

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Après l’article 4

Amendements identiques I-CF705 de Mme Patricia Lemoine, I-CF769 de Mme Véronique Louwagie et I-CF822 de Mme Lise Magnier, et amendement ICF228 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune).

Mme Patricia Lemoine. Il existe une rupture d’égalité entre les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu et celles qui sont soumises à l’impôt sur les sociétés : alors que les bénéfices des premières sont imposés en totalité à l’impôt sur le revenu et soumis aux charges sociales, les secondes ne subissent pas les effets de la progressivité de l’impôt sur le revenu sur la totalité des bénéfices, et l’assiette de leurs charges sociales est limitée aux bénéfices distribués.

Nous proposons donc de créer un compte d’attente qui n’intégrerait pas dans l’immédiat le périmètre du résultat fiscal de l’exercice et sur lequel l’entrepreneur individuel aurait la possibilité de provisionner la part du résultat affectée aux réserves, dans la limite de 13 % du résultat fiscal et de 7 000 euros par exercice, les sommes déposées sur ce compte ne pouvant excéder un plafond de 35 000 euros. Celles-ci bénéficieraient d’une suspension des taxes qui prendrait fin en cas de prélèvement des sommes par l’exploitant.

Mme Véronique Louwagie. J’ajoute que le compte d’attente permettrait de favoriser le financement de l’investissement, les entreprises disposant pour ce faire de sommes plus importantes puisqu’elles ne seraient ni fiscalisées ni soumises à charges sociales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je serai bref, car cet amendement est un marronnier. Je reste opposé au compte d’attente pour deux raisons principales. D’une part, il soustrairait à l’impôt une part des bénéfices que je juge trop importante – même si je soutiens les entrepreneurs individuels, en faveur desquels le Gouvernement a fait d’importantes annonces. D’autre part, l’entrepreneur a le choix entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, qui présentent tous deux des avantages et des inconvénients : on ne peut pas avoir fromage et dessert. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Certes, le Gouvernement a fait des annonces concernant le statut d’entrepreneur individuel. Mais il importe de se pencher sur les différences entre les deux types d’imposition, notamment sur le passage de l’impôt sur le revenu à l’impôt sur les sociétés – je déposerai en seconde partie un amendement relatif au report de l’imposition des plus-values. Le problème est récurrent et doit nous conduire à mener une réflexion sur le statut de l’entreprise. Je m’étonne, à ce propos, que le texte comporte peu d’éléments issus des annonces gouvernementales ; peut-être les examinerons-nous en seconde partie. En tout état de cause, ce n’est pas un marronnier, monsieur le rapporteur général : c’est un problème réel pour beaucoup d’entrepreneurs.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF705, I-CF769 et I-CF822, ainsi que l’amendement I-CF228.

Amendements identiques I-CF269 de Mme Véronique Louwagie et I-CF899 de Mme Lise Magnier, amendement I-CF881 de M. Pierre Person (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. Les investissements dans les cryptoactifs connaissent depuis quelques années une croissance importante. Or, à ce jour, chaque opération donne lieu au calcul d’une plus-value ou moins-value qui est fictive pour les entreprises, tant les opérations sont nombreuses et les actifs ainsi que les risques sur leurs liquidités volatils. L’imposition des opérations d’échange soulève ainsi trois problèmes. Le premier est lié à la liquidité – l’impôt doit être réglé en euros alors que l’échange entre deux actifs numériques ne produit pas de recettes en euros pour l’entreprise – le deuxième est lié à la volatilité et le troisième à la charge administrative car, si une entreprise effectue un nombre important d’échanges, le calcul des plus-values associées à chacun d’entre eux est compliqué.

Nous proposons donc, à l’instar du dispositif prévu pour les particuliers, de neutraliser les opérations d’échange entre actifs numériques en compensant plus-values et moins-values. Les entreprises seraient alors imposées sur les plus-values réalisées lorsque l’opération a donné lieu à une disponibilité, c’est-à-dire à la sortie du dispositif.

M. Pierre Person. Depuis la publication de notre rapport sur les monnaies virtuelles, monsieur le président, le secteur des cryptoactifs a beaucoup évolué : ces derniers se sont généralisés et de nouveaux usages apparaissent, qui s’éloignent de la spéculation geek pour se rapprocher de la banque de demain. Toutefois nos entreprises sont confrontées à certaines problématiques, notamment bancaires ou dans notre dispositif fiscal.

Il s’agit donc d’améliorer la vie des entreprises en déplaçant le fait générateur de l’imposition, actuellement constitué par le transfert de propriété ; cette mesure serait indolore pour l’administration fiscale. Des entreprises comme Sorare et Ledger ont levé des centaines de millions d’euros ; nous nous devons de les défendre dans le contexte de la reprise économique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je remercie les auteurs des amendements d’avoir accompli ce travail, à la suite du très bon rapport de Pierre Person et d’Éric Woerth sur le sujet. Il nous faut, c’est évident, faire évoluer le droit dans ce domaine : les cryptoactifs se développent et font désormais partie de la vie des entreprises et des investisseurs. Toutefois, je suis défavorable à ces amendements, car je ne suis pas tout à fait certain que la mesure proposée soit neutre pour le fisc. De fait, si l’on neutralise les opérations d’échange « crypto-crypto » entre entreprises, le dispositif peut entraîner, en cas de variation de valeur, une perte pour les finances publiques.

Il est vrai que se pose la question de savoir si, dans le cadre de ce type d’échanges, la taxation doit intervenir au moment de l’échange ou, en cas de plus-value, à la fin de l’année, comme c’est le cas pour les particuliers. Mais, ce que vous proposez, c’est un sursis d’imposition jusqu’à la cession des actifs échangés, ce qui créerait un risque de perte pour les finances publiques. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Si je vous ai bien compris, vous pourriez accepter un amendement qui limiterait la compensation entre plus-values et moins-values à l’année civile. Si tel est bien le cas, je suis prête à récrire mon amendement en ce sens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ma position n’est pas arrêtée. Je dis simplement qu’il faudra déterminer si la taxation doit intervenir au moment de l’échange ou à la fin de l’année civile, à l’instar de ce qui se fait en matière de taxation du capital, par exemple. À cet égard, je suis favorable aux amendements qui visent à harmoniser les règles applicables aux cryptoactifs avec celles qui s’appliquent aux autres types d’investissements ; en revanche, je serai défavorable à ceux qui risquent d’entraîner une perte de recettes pour les finances publiques.

M. Pierre Person. Nous comprenons votre position. Nous allons donc travailler à un amendement qui soit de nature à vous rassurer quant aux effets de la mesure sur les deniers publics. Notre objectif, j’insiste, n’est pas de créer une exonération mais de simplifier la vie des entreprises concernées, lesquelles ne se servent pas des cryptoactifs pour spéculer mais pour apporter des liquidités à un marché.

Les amendements identiques I-CF269 et I-CF899, ainsi que l’amendement I-CF881, sont retirés.

Amendement I-CF918 de M. Dominique Potier.

Mme Claudia Rouaux. Il s’agit de lutter contre les écarts excessifs de rémunération au sein de l’entreprise en s’appuyant sur l’outil fiscal. De fait, l’indécence des injustices salariales nuit à la performance des entreprises et fragilise la cohésion sociale. Puisqu’il est impossible, sur le plan constitutionnel, de limiter à la source ces écarts de rémunération, le groupe des députés socialistes et apparentés défend l’idée d’une régulation fiscale au sein de l’entreprise : au-delà de douze fois le salaire minimal, les charges salariales ne seraient plus déductibles du calcul de l’impôt sur les sociétés. Ce facteur 12 repose sur un fondement éthique : nul ne peut gagner en un mois ce qu’un autre gagnerait en un an.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons une approche différente du combat pour la réduction des inégalités. Je crois, pour ma part, qu’il faut favoriser l’embauche et l’investissement des entreprises, ce que nous faisons, et qu’il ne faut en aucun cas passer par la fiscalité et alourdir leurs charges. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. J’ajoute que, s’il était voté, l’amendement serait très facilement contournable puisqu’il est possible d’être rémunéré dans plusieurs entreprises.

La commission rejette l’amendement I-CF918.

Amendement I-CF933 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Les modifications apportées au régime de l’intégration fiscale en 2019 ont rendu réellement non déductibles les abandons financiers dès lors que les entreprises qui en bénéficient ne sont pas soumises à une procédure commerciale qui constate leurs difficultés. Cet amendement vise à alléger les contraintes juridiques qui pèsent en la matière sur les entreprises, contraintes qui ne sont pas justifiées et qui les pénalisent face à la concurrence internationale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Autant nous avons accepté le principe de la déductibilité des abandons de créance locative dans le cadre du deuxième PLFR pour 2020, autant il serait excessif d’étendre le dispositif à tous les abandons de créances. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF933.

Amendement I-CF496 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il s’agit d’inclure explicitement les investissements réalisés par l’hôtellerie de plein air, c’est-à-dire les campings, dans le dispositif du crédit d’impôt pour certains investissements réalisés et exploités en Corse. Certes, une clarification est intervenue au mois d’août dans le Bulletin officiel des finances publiques, mais l’interprétation de la direction générale des finances publiques varie d’un département à l’autre. J’ai donc déposé cet amendement pour obtenir une réponse claire et précise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Tout d’abord je vous rassure : les entreprises du secteur de l’hôtellerie de plein air ont bien la possibilité de pratiquer un amortissement dégressif. Par ailleurs, je rappelle que le secteur a été très fortement aidé, à juste titre, pendant la crise. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.

L’amendement I-CF496 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF258 de Mme Émilie Bonnivard.

Amendement I-CF955 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il vise à créer un suramortissement de 40 %, similaire à celui qui avait été instauré par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015, afin d’accompagner le secteur des cafés, hôtels et restaurants, qui a été particulièrement touché par la crise. Ce suramortissement, limité dans le temps, ne serait effectif que dans les territoires qui dépendent substantiellement du tourisme.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le choix politique entre suramortissement, d’une part, et aides directes à l’investissement, d’autre part, fait l’objet d’un débat. Le suramortissement est un outil pertinent, en particulier dans un contexte de reprise économique, mais nous avons opté pour un accompagnement de l’investissement par la subvention, notamment dans le cadre du plan de relance et des fonds sectoriels. C’est pourquoi mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF955.

Amendement I-CF808 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de porter de 20 % à 40 % le suramortissement exceptionnel que peuvent pratiquer les personnes morales pour les véhicules utilitaires légers propres dont le poids autorisé en charge est supérieur ou égal à 2,6 tonnes et inférieur à 3,5 tonnes. Le coût de cette mesure, qui contribuerait au renouvellement du parc automobile pour les petits trajets locaux, ne serait pas exorbitant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les incitations à l’acquisition d’un véhicule propre – bonus-malus et prime à la conversion – sont satisfaisantes, y compris pour les véhicules visés dans l’amendement. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement I-CF808.

Amendement I-CF1064 de M. Saïd Ahamada.

M. Saïd Ahamada. Il s’agit d’étendre au transport aérien le mécanisme de suramortissement que j’ai fait adopter pour le transport maritime. Ce mécanisme concernerait l’achat d’avions neufs permettant de réduire d’au moins 15 % les émissions de CO2.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1064.

Amendement I-CF553 de Mme Valérie Rabault.

Mme Claudia Rouaux. Il vise à étendre le régime d’étalement des subventions prévu à l’article 42 septies du code général des impôts aux aides financières dont bénéficient les entreprises dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie, et ce quelle que soit la nature, publique ou privée, du financeur. Il ne s’agit pas d’une exonération d’imposition mais bien de l’extension d’une faculté d’étalement du paiement de l’impôt.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF553.

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Article additionnel après l’article 4
Allongement de la durée du statut « jeunes entreprises innovantes »

Amendements identiques I-CF194 de Mme Christine Pires Beaune et ICF463 de M. Francis Chouat.

Mme Christine Pires Beaune. Dans le cadre de nos travaux sur le crédit d’impôt recherche, le rapporteur général, Francis Chouat et moi-même avons rencontré les responsables de jeunes entreprises innovantes, notamment du secteur de la recherche médicale, où les études sont très longues, qui souhaitent pouvoir bénéficier du statut de jeune entreprise innovante pendant une période plus longue. Aussi proposons-nous de porter la durée de ce statut de sept ans à dix ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette proposition me semble aller dans le bon sens. Nos investissements et nos actions en matière de relance doivent en effet s’inscrire dans un climat fiscal et réglementaire propice à la recherche et développement et à l’innovation. Le statut de jeune entreprise innovante est efficace ; il convient donc d’allonger sa durée, notamment pour les investissements de très long terme. Je pense aux secteurs de la santé, de la biotech, de la medtech ou de la santé mentale. Avis favorable.

M. Francis Chouat. Ce serait une bonne mesure.

M. Jean-Noël Barrot. Je voterai bien entendu l’amendement, mais je m’interroge : il étendrait la durée d’un privilège réservé aux très jeunes entreprises, dont on sait que ce sont celles qui créent le plus d’emplois. Il est vrai que, dans certains secteurs, une entreprise qui a dix ans est encore jeune, mais dans d’autre pas du tout : n’aurait-il pas fallu cibler précisément les secteurs concernés ?

M. Charles de Courson. Je voterai également l’amendement, mais je souhaiterais connaître le coût actuel du dispositif et celui de la modification proposée.

Mme Christine Pires Beaune. Nous n’avons pas pu évaluer le coût de la mesure, mais nous aurons peut-être des éléments d’ici à la séance. Par ailleurs, je comprends la préoccupation de M. Barrot mais, si nous ciblons davantage le dispositif, je crains qu’il ne devienne inconstitutionnel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les entreprises qui relèvent du statut de jeune entreprise innovante ont largement investi dans la recherche et le développement et ont tissé des liens directs avec la recherche publique. Le dispositif est ciblé : si l’on prolonge le dispositif, c’est ce type de travaux qui seront financés. Le délai actuel est un peu trop court pour certains secteurs de la recherche et du développement, ce qui peut casser des dynamiques et empêcher l’aboutissement de projets. Les biotechs, par exemple, restent « jeunes » longtemps et mettent au moins dix ans avant de produire un résultat. Les investisseurs envisagent ce placement sur le long terme.

Quant au chiffrage, il faudra le préciser, mais si le dispositif est utilisé, c’est par principe pour des travaux de recherche et de développement qui devraient déboucher sur de la rentabilité.

La commission adopte les amendements identiques I-CF194 et I-CF463 (amendement I-1384).

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Après l’article 4

Amendements I-CF510 de M. Michel Castellani et I-CF509 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune).

M. Michel Castellani. Il s’agit de permettre, de manière exceptionnelle et temporaire, de cumuler deux avantages fiscaux pour la Corse, les exonérations prévues pour les zones de développement prioritaire et le crédit d’impôt pour investissements, afin de favoriser la reprise et l’assainissement de l’économie dans ce territoire. Nous ne visons que les entreprises corses les plus touchées par la crise, à savoir celles qui dépendent de l’activité touristique.

Par ailleurs, il serait temps de remettre à plat l’ensemble des dispositifs pour établir un statut fiscal qui relance la croissance dans l’île.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. M. Castellani a raison, il faut remettre à plat toutes ces mesures fiscales, en particulier les dispositifs de zonage. En l’espèce, la proposition de cumuler les deux avantages fiscaux n’est pas raisonnable : ils sont différents l’un de l’autre et l’on ne saurait bénéficier des deux. De surcroît, la rédaction pérennise le cumul, ce qui est excessif. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF510 et ICF509.

Amendement I-CF239 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le régime de la micro-entreprise doit être un levier, un soutien au démarrage de l’activité. C’est pourquoi nous vous proposons de le limiter à deux ans pour qu’il conserve son caractère intermédiaire, le temps que l’entreprise se développe et puisse relever d’un autre régime.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le régime de la micro-entreprise a pu être considéré comme favorisant une concurrence déloyale. Le sujet est complexe. Je ne souhaite pas, à titre personnel, limiter ce régime car les bénéficiaires en ont besoin. De surcroît, vous ne faites référence qu’au micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux), en oubliant le micro-BNC (bénéfices non commerciaux) voire le micro-BA (bénéfice agricole).

La réforme, qui est récente, devra être évaluée en temps voulu. Je comprends votre intention mais nous attendons avec impatience la reprise économique et ce n’est pas le moment de pénaliser les entrepreneurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF239.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF296 de M. Mohamed Laqhila, I-CF869 de Mme Lise Magnier et I-CF935 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Amendements identiques I-CF298 de M. Mohamed Laqhila, I-CF872 de Mme Lise Magnier et I-CF940 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Lise Magnier. Il s’agit d’un amendement de repli.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Vous balayez ces amendements d’un revers de la main alors que l’incertitude qui entoure la qualification de ces rémunérations pose problème.

M. Charles de Courson. Selon la doctrine administrative, la rémunération des fonctions techniques des associés d’une société ayant pour objet l’exercice d’une profession libérale soumise à un statut législatif, réglementaire ou dont le titre est protégé relève de la catégorie des traitements et salaires. Or, dans plusieurs arrêts, le Conseil d’État classe cette rémunération dans celle des bénéfices non commerciaux.

C’est à nous de trancher ! Qu’en pense le rapporteur général ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Mattei, je réponds avec grand plaisir à tous les amendements dès lors qu’ils sont présentés.

Sur le fond, la doctrine doit être clarifiée. C’est en cours. La différence se ferait en fonction de l’existence ou non d’un lien de subordination – les professionnels concernés sont d’accord : en l’absence de lien, l’imposition suivrait le régime des bénéfices non commerciaux, et en cas de subordination celui des traitements et salaires.

La commission rejette les amendements identiques I-CF298, I-CF872 et ICF940.

Amendements identiques I-CF216 de Mme Lise Magnier, I-CF491 de Mme Véronique Louwagie, I-CF564 de Mme Patricia Lemoine, I-CF1059 de Mme Émilie Cariou et I-CF1061 de M. Hervé Pellois.

Mme Lise Magnier. Il s’agit de favoriser le développement des prestations de service environnemental.

Les exploitants agricoles développent des actions pour restaurer des écosystèmes, améliorer la biodiversité ou capter du carbone. Ces actions, dont la société tire des avantages, n’entrent dans aucun régime particulier et il est difficile de leur donner une qualification juridique ou fiscale. Pour autant, l’ensemble de ces pratiques est toujours en lien avec la conduite culturale de l’exploitant.

Afin d’apporter une sécurité juridique et fiscale aux exploitants pour des actions qui bénéficient à toute la population française, nous proposons de confirmer à travers la loi fiscale que ces actions sont imposées dans la catégorie des bénéfices agricoles lorsqu’elles génèrent des revenus. C’est le cas lorsqu’elles sont à l’initiative d’acteurs privés ou publics qui font appel aux exploitants agricoles pour recourir à des pratiques favorables à l’environnement et ainsi améliorer leur bilan carbone, voire leur image.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de simplifier la vie des agriculteurs à qui l’on demande de faire évoluer leurs pratiques.

Mme Émilie Cariou. Rappelons que nous avons pris des mesures analogues pour les revenus du photovoltaïque.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne comprends pas quels seraient les revenus liés aux dépenses que vous citez. Les panneaux photovoltaïques étaient source de revenus. En l’espèce, ce que vous citez – plantation et entretien de haies, mise en place de jachères mellifères, fauche tardive… – sont autant de charges. Pourquoi fiscaliser au régime des bénéfices agricoles ce qui ne permet pas de recevoir un bénéfice ? Je vous invite à retirer ces amendements.

M. Charles de Courson. Prenez un exploitant agricole qui passe un contrat avec la fédération départementale des chasseurs pour planter des haies : il supporte des charges, imputables sur son revenu agricole, mais il perçoit également des recettes. S’agit-il de bénéfices agricoles ou de revenus tirés d’une activité extra-agricole ? La question est importante, notamment pour ceux qui sont à la limite du plafond.

M. Hervé Pellois. L’entretien des haies peut générer des recettes, par exemple lorsque le bois taillé est vendu. Dans mon département, des entreprises se sont spécialisées dans ce domaine.

M. le président Éric Woerth. Mais en dehors des recettes commerciales, des aides ne sont-elles pas accordées pour favoriser ces actions ? Les actions pour capter le carbone, par exemple, génèrent-elles des recettes ? C’est la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) qui est à l’origine de cet amendement. Demandons-lui de préciser son intention d’ici l’examen en séance publique.

M. Charles de Courson. Prenons l’exemple des jachères mellifères : au lieu de réaliser quatre coupes de luzerne, on demande à l’agriculteur de n’en faire que trois pour laisser aux abeilles de quoi butiner. En contrepartie, l’agriculteur est indemnisé à hauteur de la perte de revenus que cela représente. C’est bien une recette.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis d’accord pour que l’on demande des précisions. En attendant, je vous invite à retirer les amendements.

Les amendements identiques I-CF216, I-CF491, I-CF564, I-CF1059 et I-CF1061 sont retirés

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements en discussion commune I CF249 et I-CF250 de M. Bruno Fuchs.

Amendements identiques I-CF854 de Mme Marie-Christine Dalloz et ICF908 de M. Julien Aubert et amendement I-CF229 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune).

Mme Marie-Christine Dalloz. En raison de la crise sanitaire et des événements climatiques du printemps et de l’été derniers, il conviendrait d’autoriser à la fois le blocage de la valeur fiscale des stocks pendant la durée de leur conservation et le bénéfice du dispositif créé en 2019, lequel ne s’applique normalement qu’en cas de renonciation aux mesures prévues pour pallier les effets de l’irrégularité des revenus agricoles – étalement d’un résultat exceptionnel ou imposition sur la moyenne triennale des résultats agricoles.

Le cumul de ces deux avantages permettrait à certaines entreprises, notamment viticoles, de sortir de l’impasse.

M. Julien Aubert. En raison des épisodes climatiques extrêmement violents qui ont frappé la filière cette année, il faudrait assouplir les distinctions habituelles au bénéfice de nos exploitants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons proposé le choix entre deux options, le lissage et le blocage, qui ont des avantages et des inconvénients différents en fonction de la situation de chacun. Je ne suis même pas sûr que les exploitants demandent à bénéficier des deux dispositifs. L’intérêt à choisir est réel. Avis défavorable.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est en début d’année que le choix se fait : le gel du printemps et les pluies torrentielles de cet été ont changé la donne. Cet amendement permettrait de réguler la situation, au titre de la seule année 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends, mais je rappelle également que le délai pendant lequel l’option ne peut être dénoncée a été raccourci. Par ailleurs, en cas d’aléas, la réponse de la puissance publique doit être une indemnisation rapide des exploitants, quelle que soit l’option retenue. Il ne serait pas une bonne chose de les pousser à modifier fréquemment leur choix en fonction de la survenue d’événements extérieurs à leur activité.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF854 et ICF908 et l’amendement I-CF229.

Amendements identiques I-CF217 de Mme Lise Magnier, I-CF494 de Mme Véronique Louwagie, I-CF577 de Mme Patricia Lemoine et I-CF956 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Lise Magnier. Ils visent à lever un frein important au recours à l’épargne en coopérative. Cette modalité de constitution de l’épargne professionnelle permet à l’associé coopérateur de bénéficier d’une plus grande stabilité des revenus tirés de sa coopérative. En effet, quand les prix de l’année sont supérieurs à un prix de référence, l’exploitant ne reçoit que ce dernier : la différence avec le prix de vente réel constitue une créance représentative de l’épargne de précaution, qui peut être rémunérée par la coopérative.

En cas de retrait de l’associé de la coopérative, par exemple en raison de l’arrêt d’une production, l’exploitant doit augmenter son résultat annuel de l’intégralité du montant de la déduction afférente à l’épargne en créances, puisqu’il sort du dispositif de la déduction pour épargne de précaution (DEP). Dans le même temps, il ne peut, au mieux, pratiquer une nouvelle déduction qu’à hauteur de 41 400 euros via une DEP classique, sur compte bancaire.

La sanction est immédiate : un résultat imposable sensiblement alourdi l’année du départ, alors même que l’exploitant n’a pas utilisé son épargne de précaution mais a simplement été contraint légalement de la réintégrer.

Ces amendements tendent donc à permettre à l’exploitant de transférer le montant des créances DEP qu’il détient sur sa coopérative sur le compte d’épargne monétaire en banque dédié à la DEP, à l’instar de ce que la loi prévoit pour l’épargne constituée sur des stocks en cas de vente de ces derniers.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette mesure rendrait le dispositif plus transparent et tout le monde y gagnerait.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le problème est que ce dispositif pourrait inciter des exploitants à quitter les coopératives, dans une stratégie d’optimisation, ce que personne ne souhaite. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF217, I-CF494, ICF577 et ICF956.

Amendements identiques I-CF855 de Mme Marie-Christine Dalloz et ICF909 de M. Julien Aubert.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de modifier les conséquences de l’utilisation de l’épargne professionnelle constituée dans le cadre de la DEP en supprimant la réintégration fiscale des déductions utilisées pour faire face aux conséquences d’un aléa d’origine climatique, naturelle ou sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ne pas réintégrer revient à opérer une déduction sur une déduction. Nous en avons déjà discuté. Puisque nous avons dénoncé l’impôt sur l’impôt, soyons cohérents et restons-en là.

M. Julien Aubert. Les événements climatiques de 2021 ont tout de même été hors-norme. Si vous ne voulez pas assouplir le dispositif pour en tenir compte, quelle est votre réponse ? Refusez-vous par principe de toucher aux règles budgétaires, ou avez-vous prévu d’autres mesures par ailleurs ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons mis 200 millions d’euros sur la table pour aider les exploitants qui avaient souffert du gel. C’est notre réponse. Je ne suis pas certain que les exploitants attendent de nous que nous réformions en profondeur le dispositif de l’épargne de précaution. Il me semble préférable de continuer à les accompagner de manière structurelle grâce à la nouvelle DEP, qui donne de meilleurs résultats que l’ancienne DPA (déduction pour aléas), tout en étant capables de les indemniser le plus vite possible lorsqu’ils sont victimes d’aléas climatiques.

La commission rejette les amendements identiques I-CF855 et I-CF909.

Amendement I-CF234 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de faciliter plus qu’elle ne l’est la situation des exploitants agricoles qui ont des activités accessoires, commerciales ou non.

Il existe un dispositif qui évite aux exploitants de tenir une comptabilité propre à ces activités, en plus de la comptabilité liée aux activités agricoles. Cependant, cette simplification a une limite : lorsque les exploitants agricoles veulent bénéficier de dispositifs purement agricoles, comme les déductions pour investissements ou aléas ou l’abattement jeunes agriculteurs, qui ne peuvent avoir pour base de calcul que des recettes issues d’une activité agricole, ils doivent à nouveau établir une comptabilité propre.

Pour simplifier encore, je propose d’appliquer pour ces dispositifs particuliers une sorte de règle de trois, qui détermine la proportion des activités agricoles par rapport aux activités totales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Attention au risque de concurrence déloyale. La pluriactivité doit être encadrée : si vous mettez fin au système actuel, vous risquez de mettre en difficulté ceux qui pratiquent les mêmes activités dans le secteur commercial. Il peut aussi y avoir des difficultés d’application qui mettraient un coup d’arrêt à la pluriactivité telle qu’elle existe. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. J’ajoute que la répartition au prorata du chiffre d’affaires suppose que les différentes activités aient à peu près la même rentabilité, ce qui n’est pas forcément le cas. On pourrait aboutir à des optimisations pour ceux qui ont à la fois des BA, des BIC et des BNC.

La commission rejette l’amendement I-CF234.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF235 de Mme Véronique Louwagie.

Amendement I-CF247 de Mme Véronique Louwagie et amendements identiques ICF218 de Mme Lise Magnier, I-CF499 de Mme Véronique Louwagie et I-CF590 de Mme Patricia Lemoine (discussion commune).

Mme Lise Magnier. Il s’agit d’instaurer un régime de fusion neutre fiscalement pour les sociétés agricoles à l’impôt sur le revenu, à l’instar du régime existant pour les sociétés d’exercice libéral, afin de faciliter les transmissions et reprises de sociétés.

Mme Véronique Louwagie. Il est important de favoriser le regroupement et la fusion des exploitations agricoles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il ne me semble pas pertinent d’étendre aux sociétés agricoles les règles relatives aux sociétés civiles professionnelles. Aussi serai-je défavorable à votre proposition, comme je l’ai été les années précédentes.

L’amendement I-CF247 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques I-CF218, I-CF499 et ICF590.

Amendement I-CF390 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Nous proposons de supprimer l’abattement de 40 % sur les dividendes. Après deux années extrêmement difficiles pour la plupart des Français, on s’aperçoit que certains ont au contraire des revenus qui explosent. Je rappelle que les P.-D.G. du CAC 40 ont augmenté leurs revenus de 10,5 % en moyenne par rapport à 2019 et ont versé 22 % de dividendes supplémentaires à leurs actionnaires, soit 51 milliards de plus qu’en 2020. Bien évidemment, notre proposition de taxer les dividendes n’a pas été entendue. De surcroît, ces mêmes personnes sont responsables de la suppression de 60 000 emplois, qui trouvent leur cause dans des politiques de restructuration, sans aucun rapport avec la crise sanitaire.

Agissons au moins pour que ces sommes soient davantage imposées qu’elles ne le sont aujourd’hui pour rétablir l’équilibre entre les revenus du travail et ceux du capital.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Votre amendement ne permet pas de réguler les dividendes, mais de taxer ceux qui les font entrer dans leur imposition sur le revenu, ce qui ne semble pas correspondre à votre objectif. De surcroît, cet abattement pour les dividendes soumis à l’impôt sur le revenu s’explique par le fait qu’ils sont déjà préalablement taxés.

Mme Émilie Cariou. Le taux de l’impôt sur les sociétés ne cesse de baisser depuis plusieurs années. Il faudrait, au moins, revoir le niveau des abattements, qui date de l’époque où les taux de l’IS étaient beaucoup plus élevés.

La commission rejette l’amendement I-CF390.

Amendement I-CF364 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Il tend à supprimer le crédit d’impôt recherche (CIR). Il ne s’agit pas d’arrêter de soutenir les travaux de recherche des entreprises mais de mettre fin à un système qui présente de plus en plus d’inconvénients.

Un rapport de France Stratégie du 1er juin 2021 a démontré que le CIR n’avait aucun effet significatif sur la valeur ajoutée, l’investissement, l’emploi ou l’attractivité de la France.

Par ailleurs, alors que, selon un rapport du Sénat, 80 % des emplois créés en recherche et développement le sont au sein des entreprises de moins de 500 salariés, cinquante grands groupes captent à eux-seuls la moitié du CIR, dont le coût pour les finances publiques a augmenté de 50 % depuis 2008. L’ancien rapporteur général, Joël Giraud, avait lui-même reconnu que c’était un problème.

Et je ne parle pas des conséquences pour la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Sanofi a beau être un grand bénéficiaire du CIR, cela ne l’a pas empêché de lancer des plans massifs de licenciement – 1 700 dans le monde, 1 000 en France, dont 400 chercheurs – sans se montrer capable de trouver un vaccin contre le covid. Le plus grand laboratoire de la patrie de Pasteur perçoit de l’argent public, licencie des chercheurs et déclare forfait pour le vaccin ! Vous en penserez ce que vous voulez mais une chose est certaine, le CIR n’atteint pas ses objectifs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai participé hier à un événement consacré à la biotech et à la medtech : tous les investisseurs et les jeunes dirigeants d’entreprise m’ont demandé ce qu’allait devenir le crédit d’impôt recherche ! Ce n’est pas un outil parmi d’autres, c’est l’élément central de notre attractivité dans le domaine de la recherche et du développement.

Le dispositif n’est pas parfait, j’en conviens. Il faudra, en particulier, revoir certaines clauses anti-abus. Mais si nous supprimions le CIR, nous nous mettrions de sacrés bâtons dans les roues, à l’heure où nous devons investir encore davantage dans la recherche et le développement pour relancer notre compétitivité, imaginer les industries de demain et assurer notre souveraineté.

Mme Émilie Cariou. Je fais partie de la commission d’enquête sur la désindustrialisation. Les économistes que nous rencontrons sont unanimes : l’éparpillement des aides et les aides non ciblées ne sont pas une bonne solution. Les études démontrent que le CIR bénéficie excessivement aux services, en particulier les services financiers, mais pas assez à la production. Nous devrons réfléchir aux moyens de mieux cibler le CIR.

M. Éric Coquerel. Nous n’avons sans doute pas les mêmes sources, monsieur le rapporteur général : il y a quelques semaines, j’ai rencontré des salariés et des chercheurs de Sanofi qui m’ont demandé pourquoi l’État continuait à financer par le crédit d’impôt recherche une entreprise qui supprime des postes de chercheurs en France.

À chaque budget, nous déposons les mêmes amendements et chaque année, vous nous répondez qu’il y a peut-être des choses à corriger. Sauf que rien n’a changé dans le CIR en quatre ans et que le problème s’aggrave ! Si, comme votre prédécesseur, vous convenez qu’il y a bien des problèmes, il serait peut-être temps d’accepter certains des amendements que nous proposons pour corriger le tir.

M. Francis Chouat. Je conseille à Éric Coquerel et Émilie Cariou la lecture du rapport d’information n° 4402 établi par le groupe de travail sur le crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche. Cela permettra peut-être que les discussions progressent et que des décisions soient prises. Je ferai, dans la seconde partie du projet de loi de finances, des propositions précises concernant la nécessité de rendre le CIR beaucoup plus incitatif en fonction des secteurs et des entreprises. Cela me paraît beaucoup plus productif que ces amendements robespierristes qui ne font rien avancer.

M. Michel Castellani. Ce débat revient régulièrement. Le crédit d’impôt recherche est un apport important, pour ne pas dire indispensable. Il est très demandé et je connais, en Corse, des structures qui ne pourraient pas s’en passer. Cela dit, vu les sommes engagées, il faut mieux en définir les contours et en contrôler tant l’utilisation que les résultats.

M. le président Éric Woerth. Nous avons ce débat à chaque fois. J’ai le sentiment que le crédit d’impôt recherche est un dispositif plutôt efficace, même s’il coûte cher. On ne peut pas lier l’échec de telle entreprise sur tel sujet au fait que le crédit d’impôt recherche soit trop fort ou pas assez fort. Heureusement, les entreprises ont la possibilité de s’organiser. Elles bénéficient de ce crédit d’impôt sur les dépenses de recherche réalisées en France.

La commission rejette l’amendement I-CF364.

Amendement I-CF406 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement de repli vise à réduire la disparité entre l’avantage donné aux plus grands groupes et celui accordé aux PME, dont j’ai dit à quel point elles participent à la recherche en France. Nous proposons donc que le crédit d’impôt soit plafonné au niveau du groupe et non d’une entité.

Je tiens à rassurer mon collègue Chouat : nous avons bien lu ce rapport. Je lui conseille à mon tour la lecture du rapport de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, présidée par Gilles de Margerie et installée auprès de France Stratégie – pas vraiment des robespierristes ! –, qui achève le cycle d’études consacrées à l’évaluation du CIR. Ce rapport invalide le lien que fait M. le rapporteur général entre le crédit d’impôt recherche et l’investissement : pour l’instant, on n’en trouve pas trace !

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF406.

Amendement I-CF197 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le crédit d’impôt recherche fait débat car son coût a explosé, passant d’environ 400 millions à plus de 6 milliards d’euros ces dernières années. Une telle explosion s’explique par le fait que son coût n’est pas maîtrisable et dépend du comportement des entreprises bénéficiaires. Un plafonnement par entreprise permettrait de limiter le montant global du CIR, ainsi que sa concentration sur les grandes entreprises. Comme l’a montré un rapport d’Oxfam en 2017, deux tiers des créances du crédit d’impôt recherche étaient attribués aux grandes entreprises et aux entreprises intermédiaires. Pour limiter les effets d’aubaine des grands groupes, nous proposons de réintroduire un plafond au crédit d’impôt, à 16 millions d’euros, niveau du plafond en 2008 avant qu’il ne soit supprimé. Cela permettrait de dégager des moyens pour aider les entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Il faut savoir ce que l’on veut, au lendemain de la crise. Monsieur Dufrègne, vous êtes le premier à dire, et je vous rejoins, que nous devons renforcer la souveraineté de notre pays et de notre continent dans un certain nombre d’industries du futur, notamment dans le domaine de la santé. Nous n’y arriverons pas sans recherche et développement (R&D), ni en plafonnant le CIR : cela enverrait un signal de défiance à tous ceux qui viennent investir dans l’innovation et la recherche de notre pays. Soyons cohérents : c’est une dépense fiscale importante, c’est vrai, c’est même la première de notre pays, mais c’est probablement aussi la plus rentable.

M. Charles de Courson. L’amendement précédent plafonnait le CIR à 100 millions au niveau du groupe, pénalisant l’aéronautique et l’automobile ; avec un plafond à 16 millions, combien d’entreprises allez-vous planter ! Ce n’est pas raisonnable.

La commission rejette l’amendement I-CF197.

Amendement I-CF1058 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Le crédit d’impôt recherche constitue un coût annuel de plus de 6 milliards d’euros. Il y a quinze ou vingt ans, c’était 400 millions : l’augmentation tient à la modification de sa base de calcul, qui ne repose plus sur l’augmentation du volume de recherche mais sur la totalité de ce volume. Il n’en demeure pas moins utile, puisque nos entreprises développent un volume de recherche inférieur à celui de nos voisins européens.

Avec cet amendement, je propose de conditionner les dépenses de CIR de plus d’un million d’euros à la relocalisation d’unités de production en France et en Europe. De telles dépenses sont réalisées par les plus grandes entreprises, celles qui délocalisent aujourd’hui – car, si notre économie a beaucoup plus délocalisé d’emplois que d’autres États européens, c’est parce qu’elle est davantage fondée sur des multinationales et manque de PME. Ainsi, Sanofi a supprimé plus de 2 000 emplois alors qu’elle touche plus de 130 millions d’euros de crédits d’impôt recherche chaque année depuis quinze ans. Faisons au moins de ce crédit d’impôt un outil de politique industrielle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous avez raison, madame Cariou, mais l’alinéa 2 de l’article 244 quater B du code général des impôts dispose précisément que les opérations de R&D doivent être réalisées en France ou en Europe.

Mme Émilie Cariou. Les dépenses de recherche sont évidemment faites en France, sinon elles n’ouvriraient pas droit au crédit d’impôt recherche. En l’occurrence, je vous demande d’en faire un outil de politique industrielle, en conditionnant l’octroi d’un crédit d’impôt sur les dépenses de recherche à la localisation d’unités de production. Le but est de créer de l’emploi en France et en Europe, au-delà de la recherche. Nous avons pu constater notre état de dépendance pour un certain nombre de produits, notamment pharmaceutiques. Nous vous demandons de mener une politique de stratégie industrielle.

M. Éric Coquerel. Il faut au minimum imposer des contreparties. Alors que son bénéfice net a chuté à 625 millions d’euros en 2020, Michelin a augmenté ses dividendes de 15 %. On ne peut donner de l’argent aux entreprises sans vérifier que cet argent est bien consacré à l’investissement, l’emploi et la recherche, et non à l’augmentation des profits, voire à la délocalisation ! Ce n’est plus possible ! Nous devrions tous nous entendre sur ce point : une entreprise qui, comme Sanofi, supprime des emplois en France ne devrait plus recevoir de l’argent public.

M. le président Éric Woerth. S’il n’y avait pas le crédit d’impôt recherche, il n’y aurait sans doute plus de recherche en France.

M. Éric Coquerel. Non, ce n’est pas vrai ! Chaque année, des sites et des postes de chercheurs sont supprimés dans ce pays ! Vous dites toujours que certaines choses doivent être améliorées, et certaines études font des constats justes, mais pas un seul amendement n’a été adopté en quatre ans pour corriger le tir : ce n’est pas normal.

M. le président Éric Woerth. Je pense que c’est un dispositif solide et qu’il n’y aurait plus de recherche en France depuis bien longtemps s’il n’existait pas. Certains chercheurs partent mais d’autres arrivent, et des unités localisent leur recherche en France. Je ne suis pas sûr qu’il faille lier production et recherche : cela ferait perdre tout son intérêt à cet outil.

La commission rejette l’amendement I-CF1058.

Amendement I-CF412 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Il est proposé de créer une pénalité financière correspondant au double du montant du crédit d’impôt recherche touché dans l’année en cas de suppression de postes de recherche.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF412.

Amendement I-CF818 de M. Alain Bruneel.

M. Alain Bruneel. Je soutiens le dispositif du crédit d’impôt recherche parce que nous avons besoin de la recherche. Toutefois, nous n’avons pas prévu suffisamment de garde-fous. Nous proposons donc qu’une entreprise ait l’obligation de maintenir ses emplois lorsqu’elle touche un crédit d’impôt recherche.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. La baisse des impôts de production permet la relocalisation des emplois. Certes, il faut aussi des incitations à la relocalisation des emplois de production, mais les lier à la R&D est une fausse bonne idée.

M. Alain Bruneel. Il faut fixer des règles : quand un crédit d’impôt recherche est accordé à une entreprise, celle-ci doit s’engager à maintenir ses emplois. Nous aurions dû l’exiger de Sanofi.

Mme Émilie Cariou. Cela m’attriste de vous entendre évoquer les impôts de production. Les entreprises industrielles dégagent peu de valeur ajoutée et sont donc peu assujetties à la CVAE, contrairement aux entreprises de services et de la finance. Si vous voulez que la France ne soit plus qu’une place financière, continuez comme cela ! Mais pour renforcer notre souveraineté économique, il ne faut pas miser sur la baisse des impôts de production mais sur des outils destinés à favoriser la réindustrialisation – un CIR amélioré, par exemple.

La commission rejette l’amendement I-CF818.

Amendement I-CF504 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Il a pour objet d’offrir un cadre fiscal plus incitatif aux installations de production d’hydroélectricité en zone non interconnectée (ZNI), dont le handicap physique est important et où le coût moyen de production de l’électricité est plus élevé qu’en métropole. Il ne s’agit pas de compenser les surcoûts de production pour le consommateur final – c’est l’objet du cadre territorial de compensation élaboré par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) – mais d’inciter les collectivités qui le souhaitent à investir dans une énergie propre, à savoir l’hydroélectricité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable à cette proposition d’exonération d’IS pour ces installations. La Corse est intégralement classée en zone d’aide à finalité régionale (ZAFR), presque totalement classée en ZRR, et bénéficie des nouvelles zones de développement prioritaire (ZDP) que nous avons créées ensemble l’an dernier. Il faudrait dès lors exclure aussi ces dispositifs ; or vous dites vous-même dans votre exposé sommaire qu’il serait inéquitable de cumuler les avantages fiscaux. Je vous prends donc au mot et vous donne un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF504.

Amendement I-CF468 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement est le corollaire de celui que nous avons adopté plus tôt sur les pourboires. Il vise à exonérer d’impôt sur le revenu les pourboires versés par les clients aux salariés. Cela suppose de travailler à la fois sur l’impôt sur les sociétés ou les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par les cafés et hôtels restaurants, et sur l’impôt sur le revenu. J’ai bien conscience que cela est compliqué : il s’agit donc d’un amendement d’appel pour que le Gouvernement nous aide à bien cadrer ce dispositif que nous venons de créer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous en avons déjà parlé. Demande de retrait.

L’amendement I-CF468 est retiré.

Amendement I-CF745 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cela fait des années que j’alerte le Gouvernement sur le risque d’effondrement de la production de logements : cela a fini par arriver, comme le Premier ministre l’a reconnu lors du congrès HLM à Bordeaux. Cet amendement propose d’exonérer les organismes de foncier solidaire (OFS) de l’IS et de la contribution économique territoriale (CET) pour leurs activités liées aux baux réels solidaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Les organismes sans but lucratif sont en principe hors du champ de l’IS et de la cotisation foncière des entreprises (CFE). De plus, les organismes HLM sont quant à eux expressément exonérés d’IS pour leurs opérations d’intérêt général. Votre amendement est donc au moins partiellement satisfait.

M. François Pupponi. Cela fait cinq ans que j’essaye d’expliquer ce problème : les organismes fonciers solidaires ont été créés mais ne bénéficient pas de l’exonération des acteurs historiques. C’est un oubli qu’il convient de réparer.

M. Charles de Courson. Je soutiens l’amendement Pupponi : il faut avoir une cohérence entre les différentes formes d’organismes qui produisent du logement social. Les OFS sont les derniers à avoir été créés et, même s’ils pèsent peu dans la production, ils ne doivent pas subir de discrimination.

La commission rejette l’amendement I-CF745.

Amendement I-CF366 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. C’est un amendement dont l’acuité est encore plus forte avec la révélation du scandale des Pandora papers. Il vise à taxer les multinationales à hauteur de leur bénéfice réellement réalisé en France. C’est ce que nous appelons l’impôt universel sur les entreprises. Le principe en est simple : si une entreprise délocalise ses profits, l’administration fiscale peut comparer les bénéfices déclarés en France avec les chiffres d’affaires déclarés en France. S’il existe une différence anormale, alors l’administration fiscale se fonde sur le chiffre d’affaires pour déterminer le montant de l’impôt. C’est d’autant plus nécessaire qu’en 2015, ce type d’évasion fiscale a coûté à la France 36 milliards d’euros, le détournement global des recettes publiques étant quant à lui estimé entre 80 et 100 milliards d’euros. La lutte contre l’évasion fiscale massive constitue une cause d’intérêt général parce que cet argent, volé à la collectivité, pourrait servir à bien d’autres choses. Il n’y a peut-être pas d’argent magique, comme on ne cesse de nous le répéter, mais il y a de l’argent volé !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pandora papers ou non, il est évident que la question de la lutte contre l’évasion et la fraude est centrale. Je ne laisserai pas dire que rien n’a été fait au cours de cette mandature. Les réponses ne sont pas aussi simples que celles présentées dans cet amendement, et vous le savez pertinemment, monsieur Coquerel. Nous avons augmenté les contrôles fiscaux, nous avons obtenu des avancées majeures sur la fiscalité des géants du numérique, nous avons fait avancer des initiatives au sein de l’Union européenne – la présidence française de l’Union européenne (PFUE) sera une opportunité majeure pour poursuivre en ce sens –, nous avons enregistré des progrès importants au G20 et à l’OCDE depuis le printemps dernier. Outre ces avancées multilatérales, nous avons également conclu des conventions fiscales. L’amendement que vous proposez ne résoudrait rien, ni à court ni à moyen terme. Demande de retrait, même si nous partageons la finalité de votre amendement.

M. Éric Coquerel. Cela résoudrait au moins une partie des problèmes. En revanche, tout ce que vous avez énuméré ne sert à rien : même après une dizaine d’affaires du type des Pandora papers, la somme de l’évasion fiscale dans le monde ne cesse d’augmenter ! Vous passez votre temps à baisser les impôts des plus riches pour qu’ils ne partent pas : voyez le résultat !

Vous parlez de progrès au niveau européen : aucun des paradis fiscaux cités dans les Pandora papers ne se trouve dans la liste européenne des paradis fiscaux ! Et je ne parle pas des pays européens qui devraient en faire partie… Vous évoquez aussi les contrôles fiscaux, ce qui veut dire que vous n’avez pas encore examiné la partie dépenses de ce PLF : année après année, les effectifs de la direction générale des finances publiques (DGFiP) baissent, il ne peut donc pas y avoir davantage de contrôles fiscaux dans ce pays ! Il faut vraiment prendre le taureau par les cornes. Cette mesure n’y suffira pas seule, mais elle aurait au moins l’intérêt de taxer les entreprises sur ce qu’elles font réellement dans le pays.

La commission rejette l’amendement I-CF366.

Amendement I-CF200 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Les plus grands groupes se dérobent à l’impôt au détriment des petites entreprises. Outre les niches fiscales, parfaitement légales – niche Copé, régime mère-fille – dont ils profitent pleinement, les grands groupes pratiquent une stratégie d’évitement fiscal qui coûterait à l’État environ 6 milliards d’euros d’après un rapport de la Cour des comptes.

L’amendement vise à opérer une modification de l’assiette de l’impôt sur les sociétés des multinationales, afin que celle-ci soit déterminée par la part des bénéfices mondiaux réellement réalisés en France, en utilisant la clé de répartition du chiffre d’affaires. De cette manière, les déplacements fictifs de bénéfices deviennent inefficaces. Cette mesure obligerait les grandes entreprises à payer leur juste part d’impôt. Un premier accord a été trouvé lors du G20 mais il mettra beaucoup de temps à entrer en vigueur. Rien n’empêche la France d’agir unilatéralement en attendant, comme l’ont fait les États-Unis.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF200.

Amendements identiques I-CF515 de M. Charles de Courson et I-CF856 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Charles de Courson. Dans la loi de finances pour 2019, nous avions adopté un dispositif nouveau de déduction pour épargne de précaution, plus souple et plus performant que le système antérieur, pour les entreprises agricoles ou viticoles. Toutefois, cela exclut les activités agricoles menées en société. Par souci de parallélisme, cet amendement étend le bénéfice de la déduction pour épargne de précaution aux sociétés exerçant une activité agricole très prépondérante – au moins 90 % du total de l’activité. Je rappelle qu’à peu près 60 % de la valeur ajoutée agricole est désormais produite dans le cadre de sociétés, et non plus dans des entreprises individuelles. Cela permettrait d’avoir un système homogène.

Mme Marie-Christine Dalloz. Alors que le monde agricole a été incité à se structurer en sociétés, les entreprises qui ont suivi le mouvement d’une intégration fiscale complète se trouvent pénalisées dans le cadre du dispositif de la DEP. Dans le contexte que nous connaissons, il serait intéressant de les faire bénéficier de ce dispositif, à la seule condition qu’elles consacrent 90 % de leur activité à une activité agricole, ce qui correspond à l’esprit de la DEP d’origine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Il existe deux régimes d’imposition différents, IS et IR, et la DEP relève de l’IR. Le système est optionnel, tout dépend du choix de l’exploitant.

M. Charles de Courson. Nous avons créé la DEP pour faire face aux fortes fluctuations de l’activité agricole. Cette année, la vendange est épouvantable ; ceux qui ont fait une DEP vont pouvoir la mobiliser pour lisser leur revenu. Qu’il s’agisse d’une société ou d’une entreprise individuelle, les fluctuations sont les mêmes : pourquoi les uns bénéficieraient-ils de la DEP, qui est un bon dispositif, et pas les autres ?

M. Marc Le Fur. C’est d’autant plus regrettable que la DEP est un très bon système, très facile d’utilisation. Dans certaines régions, elle ne concerne qu’un tiers des exploitations agricoles, puisque près des deux tiers sont en société. De plus, la DEP s’est substituée à d’autres systèmes, en particulier la dotation pour investissement, qui servaient aussi aux sociétés. Bref, on a remplacé un système général par un dispositif qui ne vaut que pour les entreprises individuelles.

La commission rejette les amendements identiques I-CF515 et I-CF856.

Amendement I-CF201 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Alain Bruneel. Le présent amendement vise à définir la notion d’établissement stable pour les entreprises du numérique ayant une présence significative en France pour qu’elles s’acquittent de l’impôt sur les sociétés dans notre pays. La Commission européenne estimait en 2015 que les GAFA payaient moitié moins d’impôt que les entreprises traditionnelles, la perte pour les finances publiques étant estimée à 5,4 milliards d’euros. Nous proposons de quantifier l’activité sur notre territoire des géants du numérique et d’imposer ceux-ci comme les autres entreprises dès lors que leur activité atteint un certain seuil.

Cet amendement bénéficie d’un soutien transpartisan, puisqu’il a été adopté par une large majorité au Sénat. Il s’appuie sur un dispositif proposé par la Commission européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un débat que nous avons régulièrement. Si sa finalité est louable, ce dispositif serait rendu inopérant par les conventions fiscales existantes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF201.

Amendement I-CF747 de M. François Pupponi

M. François Pupponi. Il s’agit d’étendre à d’autres zones que les zones tendues le taux réduit d’impôt sur les sociétés (IS) applicable aux entreprises qui cèdent des locaux en vue de la construction de logements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : je considère que le zonage actuel est satisfaisant. En outre, ce n’est pas à vous, monsieur Pupponi, que je rappellerai tous les efforts que nous avons consentis en faveur de la construction de logements depuis le début de la crise.

La commission rejette l’amendement I-CF747.

Amendement I-CF1030 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Pour l’heure, la diminution des impôts de production n’est pas financée. Nous proposons donc un moratoire de deux ans sur la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés. Ce serait une solution responsable et raisonnable. Elle serait en outre conforme aux recommandations du Conseil d’analyse économique, qui, dans une note, préconise la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ainsi que le maintien de la cotisation foncière des entreprises (CFE) – mais ne se prononce pas sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Pourtant, le Gouvernement fait le choix de diminuer la CVAE, la CFE et la TFPB.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, qui avait été ralentie dans un premier temps, doit être maintenue. Un taux de 25 % en 2022, ce n’est pas qu’un chiffre, c’est aussi une promesse de campagne et un climat de confiance à instaurer auprès de ceux qui créent de l’emploi, les entrepreneurs. Cela nous permettrait d’être à peu près compétitifs par rapport à nos voisins européens. Cette compétitivité, nous l’appelons de nos vœux, et il faut que cela se traduise par des actes. Revenir sur notre engagement de baisser l’impôt sur les sociétés, ce serait adresser aux entreprises un signal particulièrement contreproductif.

La commission rejette l’amendement I-CF1030.

Amendement I-CF204 de M. Alain Bruneel.

M. Alain Bruneel. Cet amendement vise à supprimer la « niche Copé », un dispositif fiscal qui accorde aux entreprises une exonération, à hauteur de 88 %, d’impôt sur les sociétés pour les plus-values provenant de cession d’actifs.

Alors que le taux de l’impôt sur les sociétés ne cesse de baisser, son assiette est en outre réduite par de nombreuses niches. La niche Copé en diminue les recettes d’environ 5 milliards d’euros.

Du point de vue économique, il n’y a aucune raison pour que les cessions de titres, qui peuvent rapporter plusieurs millions d’euros de plus-values aux entreprises, soient exclues de l’impôt sur les sociétés. Ce dispositif profite surtout aux grands groupes, aux holdings qui multiplient les participations, pour une utilité sociale relativement limitée. Le Conseil des prélèvements obligatoires, instance placée sous l’autorité de la Cour des comptes, avait d’ailleurs déclaré qu’il n’était pas capable de prouver l’efficacité d’un dispositif qui profitait à 95 % aux grandes entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je rappelle que la quote-part de frais et charges (QPFC) est en France de 12 %, alors qu’elle est de 5 % voire nulle dans d’autres États européens. Le dispositif actuel me semble à la fois attractif et équilibré ; je suggère de ne pas le modifier. Il me semblerait bienvenu d’assurer une certaine stabilité fiscale au lendemain de la crise.

La commission rejette l’amendement I-CF204.

Amendement I-CF127 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous proposons de rehausser le plafond du taux réduit de 15 % de l’impôt sur les sociétés de 38 120 euros à 50 000 euros de bénéfice. Ce serait un message fort envoyé aux petites et moyennes entreprises (PME), qui souffrent actuellement de la volatilité du prix des matières premières, de difficultés d’approvisionnement et de problèmes de recrutement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : si je comprends voire approuve la finalité de l’amendement, la baisse du taux ou la hausse du plafond d’imposition trouve ses limites dans la recherche du juste équilibre entre la recherche de la compétitivité et la préservation des finances publiques. Entre la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, celle des impôts de production et ce que nous avons déjà fait il y a un an en matière de taux réduit pour les très petites entreprises (TPE), je pense que nous disposons d’un environnement fiscal compétitif et conforme aux normes. Nous devons le préserver.

La commission rejette l’amendement I-CF127.

Amendement I-CF126 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Dans le même esprit, nous proposons que les PME qui s’engagent à incorporer dans leur capital une partie de leurs bénéfices soient taxées sur ces derniers au taux réduit de l’impôt sur les sociétés, de manière à les inciter à investir.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement I-CF126.

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Article additionnel après l’article 4
Exclusion des réductions d’impôt du bénéfice d’imputation pouvant faire l’objet d’un report en arrière

Amendement I-CF1087 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit d’exclure les réductions d’impôt du bénéfice d’imputation applicable dans le cadre du dispositif de report en arrière du déficit.

La commission adopte l’amendement I-CF1087 (amendement I-1385).

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Après l’article 4

Amendement I-CF624 de Mme Sylvia Pinel, amendements identiques ICF819 de Mme Véronique Louwagie et I-CF871 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

M. Michel Castellani. Les entreprises du bâtiment ont beaucoup souffert et souffrent encore. L’objet de l’amendement I-CF624 est d’étendre le droit à remboursement anticipé – dès le dépôt de la déclaration de résultat – de la créance de carry-back aux entreprises dont la clôture des comptes interviendra au plus tard à la fin mars 2022. Les entreprises du bâtiment pourraient ainsi disposer rapidement d’une aide à la trésorerie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF819, proposé par la Fédération française du bâtiment, vise à tenir compte des difficultés consécutives au choc de prix enregistré sur les matériaux de construction. Il avait été ouvert une possibilité de report en arrière du déficit constaté sur les bénéfices enregistrés au titre des trois derniers exercices et sans plafonnement – ce qu’on appelle le carry-back. Par cet amendement, il s’agit d’étendre le droit à remboursement anticipé de la créance de carry-back aux entreprises dont la clôture des comptes interviendra au plus tard fin mars 2022.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement que j’ai déposé est identique, mais il me semblerait plus logique d’aller jusqu’à une clôture des comptes fin juin 2022, soit une demi-année fiscale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit là de mesures de trésorerie particulièrement efficaces au cœur de la crise, car elles permettent aux entreprises de rebondir. Dans la loi de finance rectificative de juillet dernier, nous avions déplafonné le dispositif afin de « purger » l’année 2020. Pour la reprise, en revanche, je ne suis pas sûr que le carry-back soit l’outil le plus pertinent : ce qu’il faut, c’est booster l’investissement.

Avis défavorables sur ces amendements, qui ne touchent pas la bonne cible au bon moment.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF624 et les amendements identiques I- CF819 et I-CF871.

Amendement I-CF8 de Mme Anne-Laurence Petel.

Mme Anne-Laurence Petel. Cet amendement, élaboré avec la Confédération générale des SCOP, a pour objectif de financer la transformation d’une entreprise en société coopérative et participative (SCOP) en offrant la possibilité de déduire de l’impôt sur les sociétés les intérêts des prêts contractés. Il existe déjà un dispositif de déduction des intérêts d’emprunt pour le rachat de leur entreprise par des salariés sous la forme d’une holding. Nous proposons d’appliquer le même dispositif aux SCOP. Une telle disposition s’inscrirait parfaitement dans le prolongement de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, et de la montée en puissance des salariés dans la gouvernance des entreprises ; elle contribuerait en outre au maintien de l’activité dans les territoires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Merci, madame Petel, pour cet amendement qui va me permettre de rappeler les dispositifs existants pour faciliter la transformation d’une entreprise en SCOP : déductibilité des intérêts d’emprunts contractés pour acquérir les parts de la SCOP ; régime préférentiel d’imposition des plus-values. Le régime fiscal actuel est donc déjà très favorable à la transformation en SCOP. Dans ces conditions, et même si je vous rejoins sur la nécessité d’encourager celle-ci, il me paraît excessif de créer un nouveau crédit impôt. S’il faut aller plus loin, ce n’est pas à travers la fiscalité, c’est plutôt en faisant prendre conscience à chacun de l’intérêt qu’il y a à transformer sa structure en SCOP. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF8.

Amendement I-CF1049 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Il s’agit de faire participer les sociétés d’assurance à la solidarité nationale en augmentant le taux de la taxe sur leurs excédents de provisions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : je ne souhaite pas, au lendemain de la crise que nous avons vécue, que nous taxions quelque secteur que ce soit, et cela même si celui de l’assurance n’a pas toujours été à la hauteur de nos attentes pour ce qui concerne l’accompagnement des entreprises.

M. Marc Le Fur. L’art de la litote !

La commission rejette l’amendement I-CF1049.

Amendement I-CF6 de Mme Anne-Laurence Petel.

Mme Anne-Laurence Petel. Cet amendement, lui aussi élaboré avec la Confédération générale des SCOP, vise, tout comme l’amendement I-CF8, à faciliter la transformation d’une société en SCOP. Pour ce faire, nous envisageons la création d’un dispositif favorisant l’épargne de trésorerie avant la transformation des entreprises qui souhaitent s’engager dans cette voie.

Le coût du rachat des parts du chef d’entreprise sortant est souvent un obstacle à une telle transformation. Nous proposons de transposer aux SCOP le dispositif de l’ancienne déduction pour aléas – aujourd’hui déduction pour épargne de précaution –, qui permet à un exploitant agricole de verser une partie de son résultat sur un compte bancaire spécifique, dont l’utilisation répond à des conditions fixées par la loi. En l’espèce, les sommes versées devraient être utilisées dans les sept ans pour racheter les actions ou parts sociales des associés sortants, ce qui permettrait d’étaler la charge dans le temps. Cela serait dans l’intérêt à la fois des salariés et du chef d’entreprise et contribuerait au maintien de l’activité dans nos territoires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Outre le fait que je pense que le régime fiscal est déjà largement favorable à la transformation en SCOP, on se heurte là à la difficulté déjà signalée d’appliquer le dispositif d’épargne de précaution à des personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés. Pour ces deux raisons, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF6.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF73 de M. Marc Le Fur.

Amendement I-CF125 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’aider les entreprises à effectuer leur transition numérique. On a vu au cours de la crise sanitaire, notamment durant les périodes de confinement, qu’un grand nombre d’entreprises étaient dans l’obligation d’évoluer. C’est pourquoi nous proposons de créer un dispositif fiscal les incitant à engager des dépenses en vue de s’équiper en nouvelles technologies.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Numériser et équiper les entreprises en nouvelles technologies, trois fois oui ; le faire en créant un nouveau crédit d’impôt, trois fois non ! Il faut que nous acceptions collectivement l’idée que le meilleur moyen d’inciter les entreprises à évoluer, que ce soit en matière d’équipement numérique, de lancement sur les marchés à l’export ou de transformation en SCOP, c’est de les aider à investir, et non d’engager de nouvelles dépenses fiscales. À cet égard, le chèque France numérique est un outil très utile. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF125.

Amendement I-CF1072 de M. Patrick Mignola.

M. Jean-Paul Mattei. La reprise de la croissance, permise notamment par la réussite des dispositifs d’urgence et de relance mis en place par le Gouvernement, appelle un partage plus juste des fruits de la croissance entre le capital et le travail, notamment à travers divers dispositifs d’intéressement des salariés à la réussite de l’entreprise. Les députés du groupe Dem souhaitent engager une dynamique de conclusion de nouveaux plans d’intéressement, en aménageant le régime fiscal et social de cette modalité de partage des fruits de la croissance. Le présent amendement tend ainsi à rétablir temporairement le crédit d’impôt en faveur de l’intéressement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Par le passé, pour remédier aux taux très élevés, on avait beaucoup « mité » l’assiette de manière à favoriser l’intéressement. Aujourd’hui, le cadre fiscalo-social est favorable : les entreprises peuvent déduire de la base taxable les participations versées, et ces participations sont exonérées de taxe sur les salaires et de cotisations sociales. Si l’on ajoutait un crédit d’impôt, il ne resterait plus grand-chose à taxer…

M. Jean-Paul Mattei. C’est l’objectif.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Certes, mais mon rôle est de vous rappeler qu’il faut trouver le point d’équilibre entre incitation et préservation des finances publiques. En l’espèce, on irait trop loin – ou bien il faudrait remplacer le dispositif actuel par un crédit d’impôt.

Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je suis toujours heureux d’entendre les héritiers de Jean Lecanuet rendre hommage à l’héritage du général de Gaulle…

Je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur général, concernant le « mitage » de la base fiscale. Mais si l’on avait proposé une baisse massive de certains impôts pour les entreprises qui s’engagent dans des dispositifs de ce genre, qu’auriez-vous répondu ? Au-delà des aspects purement budgétaires ou économiques, le développement de la participation et de l’intéressement des travailleurs a l’intérêt de changer les relations sociales au sein des entreprises, en particulier les grandes – c’est plus compliqué pour les petites. Dans la perspective du débat dans l’hémicycle, voire des prochaines échéances électorales, pourriez-vous nous dire si, quoiqu’opposé au « mitage » de la base fiscale et au crédit d’impôt, vous seriez favorable à une méthode plus directe ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. D’abord, il me semble que l’héritage du général de Gaulle porte sur la participation plutôt que sur l’intéressement…

M. Julien Aubert. C’est Pepsi et Coca !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ensuite, des avancées importantes ont été réalisées en la matière dans le cadre de la loi PACTE : par exemple, nous avons réduit le forfait social presque à néant pour les entreprises qui mettent en place un partage de la valeur du type intéressement et ou participation. Et sur le principe, je préférerai toujours des baisses des impôts et des taxes pour l’entreprise qu’un « mitage » de l’assiette.

La commission rejette l’amendement I-CF1072.

Amendement I-CF500 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Émilie Bonnivard. Il s’agit de créer un crédit de 30 % d’impôt sur les sociétés pour l’investissement dans des audits de cybersécurité ou l’acquisition de solutions de protection des données du système informatique de l’entreprise. Avec le confinement, le télétravail s’est développé, parfois au mépris des règles de cybersécurité, ce qui a mis certaines entreprises en difficulté. L’objectif de l’amendement est de les inciter à renforcer leur sécurité numérique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable – même si je suis d’accord sur le fond : il est indispensable d’aider les entreprises en matière de numérique et de cybersécurité, mais il faut le faire par l’aide à l’investissement et non par la dépense fiscale.

La commission rejette l’amendement I-CF500.

Amendement I-CF375 de M. Gérard Leseul.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement, inspiré par le Mouvement Impact France et la coalition #Nous sommes demain, tend à créer un crédit d’impôt pour soutenir la transition numérique durable des PME en incitant à la réalisation d’études d’impact environnemental des services numériques, à l’acquisition d’équipements reconditionnés et à la mise en œuvre d’une stratégie de transformation numérique adaptée. C’est une mesure indispensable pour les économies d’énergie et le climat.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF375.

Amendement I-CF811 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de revenir au taux de 0,9 % pour la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, dont le taux avait été porté à 1,3 % pour financer France Télévisions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : s’il est vrai que le fléchage des recettes de cette taxe, créée pour compenser la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public, a évolué, il reste qu’elle a un rendement nécessaire au budget général de l’État.

La commission rejette l’amendement I-CF811.

Amendements I-CF18 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF262 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune).

Mme Émilie Bonnivard. Nous avons adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 un dispositif de report en arrière du déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021. Dans la pratique, de très nombreuses entreprises sont exclues de ce dispositif. C’est en particulier le cas des entreprises saisonnières du secteur de la montagne, dont l’exercice est clos en fin d’année et non au 30 juin. En décalant l’échéance au 31 décembre 2021, mon amendement vise à leur permettre d’en bénéficier et d’améliorer ainsi leurs fonds propres.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement tend à étendre le dispositif de report en arrière du déficit aux exercices clos jusqu’au 31 décembre 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : tout l’intérêt du carry-back était d’apporter de la trésorerie aux entreprises au cœur de la crise, en permettant le report en arrière du déficit 2020 et en le déplafonnant. Avec la reprise, ces secteurs ont désormais plutôt besoin d’aide pour les investissements, et c’est ce que nous leur apportons, notamment à travers le plan de relance. Poursuivons dans cette voie !

M. Charles de Courson. Prolonger de six mois le dispositif paraît logique dès lors que 90 % des entreprises clôturent leur exercice au 31 décembre. Pourquoi ne pas se caler sur l’année civile ?

Mme Émilie Bonnivard. Les entreprises du secteur de la montagne ont été touchées par la crise surtout au cours de l’hiver 2020-2021, puisqu’elles réalisent la plus grande partie de leur activité durant cette période de l’année. Ce que nous souhaitons, c’est qu’elles puissent bénéficier du même dispositif d’aide à la trésorerie que les autres entreprises, dans la temporalité qui leur est propre.

La commission rejette successivement les amendements I-CF18 et I-CF262.

Amendements I-CF458 de M. Éric Coquerel et I-CF199 de M. Alain Bruneel (discussion commune).

Mme Sabine Rubin. Par l’amendement I-CF458, nous souhaitons revenir sur la baisse des impôts de production décidée l’an dernier et qui est un cadeau fait aux grandes entreprises, en particulier les plus polluantes, puisque les secteurs favorisés sont la production d’électricité, la production de gaz, les industries extractives et la finance.

De surcroît, cette baisse est sans lien avec la crise et il n’y a aucune garantie qu’elle ait un effet positif sur l’investissement. En effet, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), son effet multiplicateur ne sera que de 0,3, ce qui est très faible.

Enfin, elle n’aura guère de répercussions sur les petites entreprises, qui n’y gagneront que 125 euros.

M. Alain Bruneel. Nous proposons nous aussi de revenir sur la baisse de 50 % de la CVAE. Les entreprises ont déjà bénéficié lors de ce quinquennat d’une baisse de 8 points de l’impôt sur les sociétés. Cette disposition leur offre 10 milliards d’euros supplémentaires.

De surcroît, toutes n’en profiteront pas puisque la CVAE n’est payée que par les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 500 000 euros. L’étude d’impact indiquait d’ailleurs que les grandes entreprises capteraient à elles seules 26 % des bénéfices de cette baisse.

Cette mesure très onéreuse ne constitue en rien un dispositif de relance. Comme les autres baisses d’impôt non ciblées, elle n’aura aucun effet sur l’économie réelle, à savoir l’activité et l’emploi.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comment peut-on, le matin, souhaiter la relocalisation de la production en France et, l’après-midi, revenir sur la baisse des impôts de production qui ont un effet direct sur la relocalisation de la production industrielle dans notre pays ? Il faut faire preuve d’un peu de cohérence !

Vous dites que la baisse ne touchera pas les petites entreprises, mais c’est faux : toutes les entreprises qui s’acquittent de la CVAE et de la CFE en bénéficieront, en proportion de ce qu’elles paient. Il s’agit d’un outil fiscal important, qui représente 10 milliards d’euros par an, et c’est un acte politique fort en faveur de la souveraineté industrielle de notre pays.

Avis défavorable

Mme Émilie Cariou. Désolée, monsieur le rapporteur général, mais en dessous de 500 000 euros de chiffre d’affaires, aucune entreprise ne paie la CVAE. La mesure ne concerne donc pas les très petites entreprises. Quant aux PME, elles bénéficient d’un barème très progressif ; par conséquent, elles paient peu de CVAE. C’est un impôt concentré sur les grandes entreprises.

Les deux tiers de la baisse de CVAE va à 3 % des entreprises et, au sein de ces 3 %, ce sont les entreprises financières qui en bénéficient le plus car ce sont elles qui dégagent le plus de valeur ajoutée. L’effet sur la réindustrialisation n’est donc pas du tout avéré. Cela nous a d’ailleurs été confirmé, il y a quelques jours, dans le cadre de la commission d’enquête sur la désindustrialisation : des économistes nous ont dit que la baisse des impôts de production n’aurait pas d’effet sur la relocalisation des unités industrielles. Demandez à M. Kasbarian !

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas ce que les chefs d’entreprise disent !

La commission rejette successivement les amendements I-CF458 et I-CF199.

Amendements identiques I-CF41 de M. Fabrice Brun, I-CF115 de Mme Lise Magnier, I-CF492 de Mme Véronique Louwagie, I-CF574 de Mme Patricia Lemoine et I-CF951 de Mme Marie-Christine Dalloz, amendement I-CF1045 de M. Hervé Pellois (discussion commune).

M. Fabrice Brun. Par ces amendements identiques, nous souhaitons lutter contre le greenwashing. Un certain nombre d’entreprises lavent plus vert en achetant à l’étranger des tonnes de carbone évitées non labellisés. Notre idée est, par un crédit d’impôt, de favoriser le label bas-carbone, dont la ministre de la transition écologique est récemment venue faire la promotion dans les forêts ardéchoises.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il importe en effet de lutter contre les dérives du greenwashing – je n’aime pas le terme mais il est adapté. Il serait bon de labelliser le carbone acheté, comme le propose la FNSEA.

M. Hervé Pellois. Pour prendre un exemple, une entreprise qui souhaite améliorer son image de marque peut trouver sur le marché du carbone entre 3 et 8 euros la tonne, sans aucune visibilité sur la réalité de l’action correspondante. En revanche, si elle veut participer à la plantation et à l’entretien en France d’une haie labellisé bas-carbone, il lui en coûtera 200 euros la tonne. On comprend que la tentation soit grande d’opter pour le carbone low-cost !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’objectif politique, je le partage : il convient d’éviter autant que possible le greenwashing par achat à l’étranger de tonnes de carbone non conforme à nos normes environnementales. Mais quant à créer un crédit d’impôt pour inciter les entreprises à adopter un comportement normal ! Tant que vous y êtes, pourquoi ne pas en accorder un à ceux qui attachent leur ceinture en voiture ? Il faut prendre les choses par le bon bout : le principe de base, c’est qu’il ne faut pas faire de greenwashing. Il conviendrait plutôt d’examiner comment empêcher le développement de telles pratiques. Le travail à faire est réglementaire, pas fiscal. Avis défavorable à tous les amendements.

Mme Anne-Laure Cattelot. L’an dernier, nous avions évoqué la possibilité d’agir à travers le mécénat mais on nous avait opposé le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. À l’heure actuelle, les entreprises peuvent passer par l’intermédiaire de fondations – par exemple l’Office national des forêts a créé sa propre fondation en 2020 – mais ces outils sont encore peu utilisés. Il faudrait impérativement les développer.

Les forêts vont bénéficier d’un budget de 150 millions d’euros dans le cadre du plan de relance sur deux ans. Or les besoins identifiés pour la replantation sont de 300 millions d’euros par an. On ne peut pas exiger de l’État qu’il dégage une telle somme pendant trente ans. Il faut donc trouver d’autres solutions.

Le mécénat d’entreprise nous permettrait de fournir les efforts nécessaires dans les forêts d’Ardèche ou d’ailleurs. À côté du greenwashing, il existe du mécénat sérieux, par exemple au Togo ou en Malaisie. Si la France n’est pas compétitive en matière de compensation carbone, c’est qu’une grande part du coût de la plantation est liée à celui de la main-d’œuvre – qui n’est pas le même au Togo et en France. On aurait donc bien besoin d’un petit coup de pouce fiscal pour éviter d’avoir à piocher dans les crédits budgétaires.

La commission rejette les amendements identiques I-CF41, I-CF115, I-CF492, I-CF574 et I- CF951, puis elle rejette l’amendement I-CF1045.

Amendement I-CF512 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit, là aussi, de freiner la tendance au greenwashing en réservant le crédit d’impôt aux entreprises qui choisissent d’acheter des tonnes équivalent carbone labellisées « bas carbone ».

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF512.

Amendement I-CF981 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Il est important d’inciter les entreprises françaises à un « patriotisme touristique » en soutenant, par un crédit d’impôt, l’organisation de leurs événements sur le territoire national. Les professionnels de l’événementiel et du tourisme bénéficient des retombées du tourisme d’affaires – 32 milliards d’euros avant la crise du covid.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est un enjeu de souveraineté et je partage cet objectif. Toutefois, plutôt qu’un crédit d’impôt, le soutien pourrait prendre la forme de crédits budgétaires ou d’aides à l’investissement.

La commission rejette l’amendement I-CF981.

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Article additionnel après l’article 4
Création d’un suramortissement pour l’acquisition de matériels agricoles
à propulsion électrique

Amendement I-CF109 de M. Éric Girardin.

M. Xavier Paluszkiewicz. Un dispositif de suramortissement à hauteur de 20 %, pour l’acquisition de tout matériel agricole à propulsion électrique, permettrait d’accompagner les professionnels agricoles ou viticoles dans la transition énergétique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Un amendement similaire, ce matin, a reçu un avis défavorable. Ce sera donc également un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Les tracteurs électriques font leur apparition chez les viticulteurs, qui se mettent progressivement à l’agriculture raisonnée et recourent de moins en moins aux intrants chimiques. Il convient de les encourager dans cette voie.

La commission adopte l’amendement I-CF109 (amendement I-1397).

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Après l’article 4

Amendement I-CF154 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Je propose d’instaurer un dispositif exceptionnel de neutralisation des conséquences de l’utilisation de la dotation pour aléas (DPA) et de la déduction pour épargne de précaution (DEP), non seulement sur le résultat fiscal réalisé en 2021, mais également sur le revenu professionnel. Cette mesure fiscale transitoire, dans l’attente du dispositif plus global d’assurance récolte qui ne produira ses effets qu’en 2023, permettrait de sécuriser le revenu des agriculteurs.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF154.

Amendements I-CF369 de Mme Mathilde Panot et I-CF461 de M. Éric Coquerel (discussion commune).

Mme Sabine Rubin. Nous proposons d’instaurer une taxe exceptionnelle sur ceux que nous appelons « les profiteurs de crise ». Alors qu’un million de personnes basculaient dans la pauvreté, certains ont empoché des sommes astronomiques. Comme le relève le dernier rapport de l’Observatoire des multinationales, les entreprises du CAC40 – qui touchent toutes des aides publiques liées au covid – ont versé près de 51 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit 140 % des profits réalisés en 2020. Pour rétablir l’équité et la justice, nous proposons de taxer à 50 % le surplus des bénéfices réels réalisés pendant la crise, au regard du résultat de l’année précédente. Cette taxe s’appliquerait aux entreprises de 500 salariés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros.

Par ailleurs, pour parer au problème de la sous-déclaration des bénéfices, nous proposons d’appliquer le principe d’imposition universelle des entreprises : si le ratio bénéfice français sur bénéfice mondial est significativement inférieur au ratio chiffre d’affaires français sur chiffre d’affaires mondial, l’administration fiscale doit pouvoir corriger la déclaration des bénéfices.

Les députés de 1916 avaient adopté la contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels effectués pendant la guerre ; nous proposons, avec l’amendement I-CF461, de décréter une année blanche sur les profits du CAC40 et des plus grosses multinationales, en taxant les profits réalisés en 2020 qui excèdent ceux d’une période d’activité normale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne pense pas qu’il faille accompagner la sortie de crise d’une hausse de la fiscalité. Et puis, je vois mal ce que peut être un « profiteur de crise ». Plutôt que de leur taper dessus, saluons le fait que ces entreprises aient réussi à maintenir leur activité, à croître parfois et à créer des emplois ! Enfin, j’ai du mal à saisir la comparaison avec l’année 1916, si ce n’est qu’elle précède 1917 – une référence pour vous !

M. Charles de Courson. Non, le renvoi à 1916 est intéressant car il n’y avait ni impôt sur les sociétés ni impôt sur le revenu à l’époque !

La commission rejette successivement les amendements I-CF369 et ICF461.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF539 de M. Michel Larive.

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Article 5
Aménagement des dispositions d’exonération des plus-values de cession d’entreprises ou de titres détenus par les chefs d’entreprises et renforcement du crédit d’impôt pour la formation des chefs d’entreprise

Résumé du dispositif proposé

Le présent article découle du « Plan indépendants » présenté par le Président de la République le 16 septembre 2021. Il comporte plusieurs dispositions visant à faciliter la reprise d’entreprises, certaines temporaires et liées à la crise sanitaire, d’autres pérennes.

Premièrement, le dispositif accroît les plafonds du dispositif prévu à l’article 238 quindecies du code général des impôts (CGI), qui prévoit que les plus-values réalisées à l’occasion de toute transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité peuvent, sous certaines conditions – et notamment de taille de l’entreprise – bénéficier d’une exonération.

Deuxièmement, le dispositif élargit les conditions d’application de deux dispositifs liés à l’exonération des plus-values professionnelles – le premier en cas de départ à la retraite du cédant, le second à l’occasion de toute transmission de petite ou moyenne entreprise, sous conditions – en autorisant la cession de l’activité à un autre cessionnaire que le locataire-gérant, si ce mode particulier d’exercice de l’activité a été choisi.

Troisièmement, le présent article assouplit de manière temporaire le délai de cession permettant au cédant qui part à la retraite de bénéficier d’une exonération sur les plus-values réalisées à l’occasion de la transmission.

Quatrièmement, le dispositif prévoyant l’exonération des plus-values des dirigeants de petites et moyennes entreprises partant à la retraite est prolongé jusqu’au 31 décembre 2024.

Enfin, afin de faciliter l’accès des travailleurs indépendants à la formation, est prévu un doublement du montant du crédit d’impôt en faveur de la formation des dirigeants exerçant dans une entreprise de moins de 10 salariés imposée au régime réel.

Dernières modifications intervenues

– L’article 150-0 D ter du CGI prévoit l’application d’un abattement de 500 000 € sur les plus-values de cession réalisées par les dirigeants de PME faisant valoir leur droit à la retraite, sous réserve du respect de certaines conditions. La dernière modification de ce dispositif a été effectuée par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 instituant le prélèvement forfaitaire unique, qui a reconduit ce dispositif pour les cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2022.

– Le dispositif d’exonération des plus-values de cession dans le cadre du départ à la retraite de l’exploitant agricole de l’article 151 septies A du CGI a été institué par l’article 35 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

Initialement, seul un délai d’un an à compter de la cession était prévu pour faire valoir ses droits à la retraite et cesser toute fonction dans l’entreprise cédée. L’article 19 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 est venu étendre son champ d’application à l’hypothèse où la cessation d’activité et le départ à la retraite interviennent dans le délai d’un an avant la cession. L’article 38 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 est enfin venu prolonger le délai à deux années avant ou après la date de la cession.

– Le dispositif d’exonération de l’article 238 quindecies du CGI a été institué par l’article 34 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005. Cet article prévoyait, sous conditions, l’application de l’exonération lorsque le fonds est donné en location-gérance et que la cession est effectuée au profit du locataire.

– Le crédit d’impôt codifié à l’article 244 quater M du CGI a été institué par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. La dernière modification du dispositif est issue de l’article 29 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, qui a borné son application aux heures de formation effectuées jusqu'au 31 décembre 2022.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Transmission d’entreprises et formation des dirigeants

1.   La taxation des plus-values professionnelles

Les plus-values professionnelles sont les profits de caractère exceptionnel réalisées par les entreprises à l’occasion de la cession d’éléments d’actif immobilisé, en cours ou en fin d’exploitation. Tant qu’elle est latente, une plus-value n’a pas d’incidence fiscale : elles sont prises en compte au titre de l’année ou de l’exercice au cours desquelles elles sont réalisées ou constatées.

Plusieurs régimes spécifiques d’exonération ou de report d’imposition sont prévus en faveur des plus-values constatées lors des opérations de transmission de petites et moyennes entreprises (PME) ([48]).

L’un de ces régimes est commun à tous les types de transmission d’entreprises, à titre onéreux ou gratuit, et peut concerner tant celles relevant de l’impôt sur le revenu (IR) que celles soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) : son application dépend de la valeur de l’exploitation transmise.

Les autres régimes sont réservés à des modes de transmission particuliers et aux entreprises qui relèvent de l’impôt sur le revenu : apport en société, transmission à titre gratuit et cession de l’entreprise par l’exploitant qui prend sa retraite. Ce dernier cas particulier retiendra plus particulièrement notre attention.

a.   La transmission d’une entreprise dont la valeur est inférieure à 500 000 euros

Aux termes de l’article 238 quindecies du code général des impôts (CGI), les plus-values réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité ([49]) sont exonérées :

– totalement lorsque la valeur des éléments transmis n’excède pas 300 000 euros ;

– partiellement et de manière dégressive lorsque la valeur de ces éléments est comprise entre 300 000 et 500 000 euros : la fraction exonérée est obtenue en appliquant au montant de la plus-value réalisée un taux égal à la différence entre, au numérateur, le montant de 500 000 euros et la valeur des éléments transmis et, au dénominateur, le montant de 200 000 euros.

Cette exonération peut concerner tous types d’entreprises, qu’elles soient soumises à l’IS ou à l’IR.

Exemple de calcul d’exonération partielle sur le fondement du 2° de l’article 238 quindecies du CGI

Soit un commerçant qui réalise une plus-value de 50 000 euros à l’occasion de la vente de son fonds de commerce pour une valeur de 400 000 euros.

Taux d’exonération : (500 000 – 400 000) / 200 000 = 75 %

Montant exonéré : 37 500 €

Montant imposable : 12 500 €

Pour apprécier ces seuils, il est tenu compte :

– soit de la valeur des éléments transmis servant d’assiette aux droits d’enregistrement qui frappent la cession des fonds de commerce ou de la valeur des éléments similaires utilisés dans le cadre d’un fonds artisanal ou agricole ;

– soit, en cas de transmission de l’intégralité des droits ou parts d’une société de personnes, de la valeur vénale des droits transmis susceptibles de bénéficier de l’exonération, mais aussi, le cas échéant, de la valeur des droits transmis au cours des 5 années précédentes.

Peut bénéficier de l’exonération la transmission, à titre onéreux ou gratuit :

– d’une entreprise individuelle, commerciale, libérale, artisanale ou agricole relevant de l’impôt sur le revenu ;

– d’une branche complète d’activité ;

– de l’intégralité des parts d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu détenue par un associé exerçant son activité professionnelle dans le cadre de la société.

Dans tous les cas, l’activité transmise doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans. Le décompte de la durée d’exercice de l’activité est effectué à partir du début de l’activité, c’est-à-dire à partir de la création ou de l’acquisition de la clientèle ou du fonds par le contribuable, jusqu’à la date de la clôture de l’exercice au titre duquel la plus-value est déterminée.

La portée de cette exonération est large : elle concerne l’ensemble des plus-values, à court ou à long terme, constatées sur les éléments d’actif immobilisé à l’occasion de la transmission, exception faite des plus-values immobilières qui restent imposables dans les conditions de droit commun – l’abattement de durée de détention peut, le cas échéant, s’appliquer à ces plus-values immobilières.

Les conditions d’application particulières de l’exonération à une activité qui fait l’objet d’un contrat de location-gérance

La location-gérance, encadrée par les articles L. 144-1 et suivants du Code de commerce, consiste pour le propriétaire d’un fonds de commerce – le bailleur – à accorder à une personne – le locataire-gérant – le droit d’exploiter librement ce fonds sans lui en attribuer la propriété. Cette exploitation, qui doit se faire aux risques et périls du locataire-gérant, s’effectue en contrepartie d’une redevance.

L’application de l’exonération à la cession d’une activité mise en location gérance est possible mais suppose le respect des conditions d’application du dispositif, et en particulier qu’il n’y ait aucun lien de dépendance entre le cédant et le cessionnaire.

Le VII de l’article 238 quindecies du CGI exige également que l’activité ait été exercée depuis au moins 5 ans au moment de la mise en location et que la transmission soit réalisée au profit du locataire.

L’exonération est également applicable lorsque le cédant a donné son fonds en
location-gérance à une société qu’il contrôle, à condition que la cession porte simultanément sur ce fonds et sur les droits détenus dans la société locataire.

b.   La cession d’entreprise lors d’un départ en retraite

i.   Le dispositif d’abattement bénéficiant aux dirigeants de PME

Selon l’article 150-0 D ter du CGI, les dirigeants qui cèdent leurs titres et qui font valoir leur droit à la retraite peuvent bénéficier d’un abattement fixe de 500 000 euros sur les plus-values réalisées, sous certaines conditions :

– la cession porte sur l’intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, dans le cas où seul l’usufruit est détenu, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société ;

– le cédant doit avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les 5 années précédant la cession, les fonctions de gérant de société à responsabilité limité (SARL) ou en commandite par actions (SCA), associé en nom d’une société de personnes ou président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions (SA).

Applicable aux cessions effectuées à compter de 2006 ([50]), ce dispositif a été créé afin de faciliter les transmissions d’entreprises et permettre aux dirigeants de constituer un capital retraite. Il doit être distingué du dispositif d’exonération de l’article 151 septies A du CGI (v. infra) qui ne concerne que les exploitants de PME relevant de l’IR.

Ce dispositif a été modifié en dernier lieu par la loi de finances pour 2018, qui l’a reconduit pour les cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2022 ([51]).

ii.   Le dispositif d’exonération bénéficiant à l’exploitant de PME

Selon le 3° du I de l’article 151 septies A, les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux d’une PME relevant de l’impôt sur le revenu pour cause de départ en retraite de l’exploitant, ainsi que les plus-values pour report d’imposition taxables à cette occasion (v. infra) peuvent, sur option, être exonérées sous certaines conditions.

L’option pour ce régime d’exonération est exercée lors du dépôt de la déclaration de cession.

Le cumul de ce dispositif avec l’exonération applicable en fonction de la valeur des éléments cédés de l’article 238 quindecies du CGI est possible (v. supra) : un exploitant qui ne bénéficie que d’une exonération partielle peut demander à bénéficier du régime prévu en cas de départ en retraite pour la fraction des plus-values qui reste imposable.

Applicable quelle que soit la nature de l’activité – commerciale, artisanale, libérale ou agricole – l’exonération est réservée aux entreprises :

– qui emploient moins de 250 salariés et qui soit réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros, soit ont un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros ;

– et dont le capital ou les droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une ou plusieurs entreprises qui ne remplissent pas les conditions d’effectif, de chiffre d’affaires ou de total de bilan précitées.

Pour que l’exonération s’applique il convient :

– que l’activité ait été exercée pendant au moins 5 ans ;

– que le cédant ne contrôle pas l’entreprise cessionnaire ([52]) ;

– que le cédant cesse toute fonction dans l’entreprise cédée – s’il s’agit d’une société de personnes ou d’une entreprise individuelle – ou dans la société dont les parts sont cédées, et qu’il fasse valoir ses droits à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession.

La computation du délai aux fins de bénéficier de l’exonération de 3° du I l’article 151 septies A du CGI

Le départ à la retraite et la cessation des fonctions peuvent intervenir l’un avant la cession et l’autre après – ou inversement – mais le délai entre le premier et le dernier de ces évènements ne peut excéder 24 mois.

Exemple : un exploitant cesse son activité le 1er janvier 2020 et cède son exploitation le 1er juillet 2020, il doit partir à la retraite le 31 décembre 2021 au plus tard.

La date à laquelle le cédant fait valoir ses droits à la retraite s’entend de la date à laquelle il entre en jouissance de ses droits dans le régime obligatoire de base auprès duquel il est affilié à raison de l’activité cédée, ou qu’il entre en jouissance des droits qu’il a acquis auprès d’un régime complémentaire.

La cession d’une activité qui a fait l’objet d’un contrat de location-gérance peut bénéficier de l’exonération, dans les conditions identiques à celles de l’article 150-0 D ter du CGI (v. supra), c’est-à-dire, notamment, à condition que l’activité ait été exercée pendant 5 ans au moment de la mise en location et que la transmission soit réalisée au profit du locataire.

Le report d’imposition sur les plus-values

Le régime du report d’imposition sur les plus-values vise les contribuables qui vendent leurs actions pour investir dans de nouveaux titres financiers.

L’article 150-0 B ter du CGI prévoit que les apports de titres consentis au bénéfice d’une société contrôlée par le contribuable entraînent la constatation de la plus-value d’apport et la mise en report automatique de l’imposition de cette plus-value.

Ainsi, la plus-value est calculée et déclarée au moment de l’échange de titres, mais son imposition est différée au moment où s’opère la cession des titres reçus lors de l’échange.

Lorsque la plus-value réalisée par le cédant relève du régime des
plus-values professionnelles, la plus-value en report d’imposition est exonérée dès lors que la plus-value dégagée à l’occasion du départ en retraite bénéficie elle-même de l’exonération.

2.   Le crédit d’impôt en faveur de la formation des dirigeants

L’article 244 quater M du CGI, introduit par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises ([53]), dispose que les entreprises imposées d’après un régime réel d’imposition sur les bénéfices – sur le revenu ou sur les sociétés – ou exonérées d’impôt quels que soient leur forme juridique et leur secteur d’activité, peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal au produit du nombre d’heures passées par le chef d’entreprise en formation multiplié par le taux horaire du salaire minimum de croissance.

Ce crédit d’impôt pour la formation des dirigeants d’entreprise est plafonné à la prise en compte de 40 heures de formation par année civile – soit 410 euros pour une formation effectuée sur les neuf premiers mois de l’année 2021 ([54])  – et s’applique aux heures de formation effectuées jusqu’au 31 décembre 2022 ([55]).

B.   Des dispositifs perfectibles

1.   Des viscosités structurelles

a.   Un allongement du délai de transmission lorsque le locataire-gérant connaît des difficultés

Les plus-values réalisées à l’occasion de la cession d’une entreprise lors du départ à la retraite du cédant peuvent bénéficier de deux dispositifs d’exonération prévus aux articles 151 septies A et 238 quindecies du CGI
(v. supra).

Pour autant, le bénéfice de cette exonération est exclu lorsque la cession d’un fonds de commerce donné en location-gérance au moment de la cession est effectuée au profit d’un tiers.

Or, il est des circonstances où la situation financière du locataire-gérant, obérée, empêche la reprise de l’entreprise. Dans un tel cas, le propriétaire peut, afin de bénéficier de l’exonération des plus-values réalisées à l’occasion de la cession, renoncer temporairement à la cession.

De telles situations, devenues courantes après les mois écoulés difficiles pour le commerce durant la crise sanitaire, nuisent à la fluidité de la transmission des fonds.

b.   Des plafonds d’exonération qui ne sont plus adaptés aux réalités économiques

Les plafonds d’exonération de l’article 238 quindecies du CGI – de 300 000 et 500 000 euros – ont été définis par la loi de finances rectificative pour 2005 ([56]). Ils n’ont, depuis, jamais été modifiés.

Il apparaît, selon l’exposé des motifs du présent article, que ces plafonds « ne sont plus adaptés aux réalités économiques ». Si le constat opéré par le Gouvernement est sans nuance, il apparaît néanmoins souhaitable d’actualiser ces plafonds pour les rendre plus adaptés aux valorisations actuelles des fonds de commerces.

Par ailleurs, ladite méthode de valorisation comporte désormais des ambiguïtés du fait du renvoi à des dispositions relatives aux droits de mutation à titre onéreux dont certaines ont été modifiées depuis, sans qu’une coordination ait été opérée à l’article 238 quindecies du CGI.

2.   Des difficultés conjoncturelles

a.   Un délai de vente trop bref du fait de la crise sanitaire

Certains exploitants ou dirigeants de PME ayant atteint l’âge de la retraite – où qui ont été contraint de faire valoir leurs droits à la retraite de manière anticipée du fait de la crise sanitaire – rencontrent actuellement des difficultés pour trouver un repreneur.

Or, afin de profiter de l’exonération ([57]) ou de l’abattement ([58]) sur les plus-values issues de la vente de l’activité, il convient que le délai entre le départ à la retraite et la cessation des fonctions n’excède pas 24 mois.

Aussi, du fait de la crise sanitaire, les entrepreneurs concernés risquent de dépasser ce délai et donc perdre le bénéfice de ces dispositifs, sauf à consentir à céder leur activité à un prix inférieur à ce à quoi ils pourraient prétendre.

b.   Un abattement visant les dirigeants de PME proche de son terme

Les dirigeants qui cèdent leurs titres et qui font valoir leur droit à la retraite peuvent bénéficier d’un abattement fixe de 500 000 euros sur les
plus-values réalisées, aux termes de l’article 150-0 D ter du CGI.

En l’état du droit, ce dispositif doit s’éteindre au 31 décembre 2022 et ne pourrait concerner les cessions réalisées après cette date.

c.   Un crédit d’impôt pour la formation qui profite moins aux dirigeants de TPE

Le bénéfice du crédit d’impôt pour la formation des dirigeants est déterminé dans les mêmes conditions pour l’ensemble des entreprises éligibles, quelle que soit leur taille.

Or, l’absence des dirigeants de très petites entreprises pendant la durée de leur formation peut avoir un impact relativement plus négatif sur le chiffre d’affaires et donc constituer un frein plus important à la décision de recourir à des formations.

En outre, le crédit d’impôt étant reversé à l’entreprise plusieurs mois après le paiement de la formation – par hypothèse le 1er octobre de l’année N+1 pour une entreprise dont les comptes sont clôturés le 31 décembre – le coût de trésorerie est plus important pour les entreprises de tailles plus modestes.

II.   Le dispositif proposé

A.   Une fluidification des transmissions et des transitions professionnelles

1.   Des améliorations pérennes

a.   Une facilitation de la transmission des fonds en location-gérance

Le A du I du présent article complète le 2° du IV de l’article 151 septies A du CGI afin de faire bénéficier d’une exonération les plus-values réalisées à l’occasion de la cession d’une activité faisant l’objet d’un contrat de location-gérance à une autre personne que le locataire-gérant, lorsque le cédant part à la retraite, sous réserve que la cession porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation.

Cette modification vise également les plus-values réalisées à l’occasion de toute transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche d’activité, selon le 4° du B du présent article, qui complète le VII de l’article 238 quindecies du CGI.

Ainsi, l’abattement prévu par cet article (v. infra) pourra également s’appliquer aux cessions de fonds de commerces donnés en location-gérance, y compris lorsque cette cession est réalisée au profit d’une autre personne que le locataire-gérant.

b.   Un rehaussement du plafond d’exonération pour la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité

Le B du I du présent article modifie l’article 238 quindecies du CGI en rehaussant les plafonds d’exonération, auparavant de 300 000 euros pour une exonération totale et de 500 000 euros pour une exonération partielle, à respectivement 500 000 euros pour une exonération totale et 1 000 000 pour une exonération partielle.

Le c du 1° du B du I précise la méthode de calcul dégressive concernant l’exonération partielle où il s’agira d’appliquer au montant de la plus-value réalisée un taux égal à la différence entre, au numérateur, le montant de 1 000 000 euros et la valeur des éléments transmis et, au dénominateur, le montant de 500 000 euros.

Exemple de calcul d’exonération partielle sur le fondement du 2° de l’article 238 quindecies du CGI tel que résultant du présent article

Soit un commerçant qui réalise une plus-value de 200 000 euros à l’occasion de la vente de son fonds de commerce pour une valeur de 700 000 euros.

Taux d’exonération : (1 000 000 – 700 000) / 500 000 = 60 %

Montant exonéré : 120 000 €

Montant imposable : 80 000 €

Le 2° du B du I du présent article complète le d du 2 du II de l’article 238 quindecies du CGI de manière à soumettre le dispositif d’exonération partielle de plus-values à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité au respect des règlements relatifs aux aides « de minimis » ([59]).

Les a et b du 1° du B du I clarifient en outre les conditions d’appréciation des plafonds d’exonération en définissant plus explicitement les modalités de détermination des actifs transmis. Ainsi, il sera tenu compte du prix stipulé des éléments de l’actif transmis, ou leur valeur vénale, auxquels seront ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit.

2.   Des extensions temporaires

a.   Un allongement temporaire des délais de cession après le départ à la retraite de l’entrepreneur individuel ou du dirigeant

Le III du présent article prévoit, par dérogation aux dispositions du 3° du I et du b du 1° du IV bis de l’article 151 septies du CGI, une mesure d’assouplissement temporaire du délai de cession permettant de bénéficier de l’exonération des plus-values de cession des parts d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu ou d’une entreprise individuelle, dès lors que le cédant fait valoir ses droits à la retraite dans un délai de 24 mois avant ou après la cession.

Ce délai est porté à 36 mois lorsque le cédant fait valoir ses droits à la retraite à une date située entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.

Un tel assouplissement est également prévu, dans les mêmes conditions, par le III du présent article, modifiant le c du 2 du II de l’article 150-0 D ter du CGI, pour les dirigeants de PME partant à la retraite.

b.   Une prorogation du dispositif d’abattement fixe en faveur des dirigeants de PME

Le II du présent article modifie le C du VI de l’article 28 de la loi de finances pour 2018 ([60]), de sorte que l’abattement d’assiette fixe de 500 000 euros sur les plus-values de cession de titres réalisées par les dirigeants de PME est prolongé jusqu’au 31 décembre 2024.

c.   Un doublement du crédit d’impôt pour la formation des dirigeants en direction des dirigeants de TPE de moins de 10 salariés

Le C du I du présent article insère un I bis nouveau à l’article 244 quater M du CGI afin que les dirigeants d’entreprises qui satisfont à la définition de la microentreprise au sens du droit européen, c’est-à-dire celles de moins de 10 salariés, bénéficient d’un crédit d’impôt pour la formation dont le montant sera doublé par rapport au droit commun, afin de faciliter l’accès de ces dirigeants à la formation professionnelle.

Cette mesure pour les dirigeants des plus petites entreprises est particulièrement bien indiquée dans la mesure où l’activité de tels dirigeants a un poids significatif dans les résultats de telles structures : toute mesure les incitant à suivre des formations développant leurs compétences est donc à encourager.

Ce dispositif s’appliquera, conformément aux dispositions du IV du présent article, aux heures de formation effectuées à compter du 1er janvier 2022.

B.   L’impact budgÉtaire et Économique

1.   L’impact budgétaire

Le présent article possède un impact budgétaire négatif sur l’année 2022 :

– en permettant à un plus grand nombre d’entrepreneurs de bénéficier d’une exonération de plus-values dégagées à l’occasion de la transmission de leur activité lors de leur départ à la retraite ;

– du fait de l’accroissement des plafonds du dispositif spécifiquement destiné aux plus-values réalisées lors du départ à la retraite de l’exploitant.

Outre ces éléments, il possède également un impact budgétaire supplémentaire sur l’année 2023 :

– lié à la prorogation du dispositif d’abattement sur les plus-values de cession réalisées par les dirigeants de PME lors de leur départ à la retraite ;

– du fait du doublement du montant du crédit d’impôt pour la formation des dirigeants de TPE pour l’année 2022, dont l’effet budgétaire se manifestera en 2023. L’évaluation préalable du présent article estime le coût de ce doublement à environ 50 millions d’euros.

Il est regrettable que l’absence de données déclaratives spécifiques relatives à la valeur des cessions à l’origine de ces plus-values ne permette pas de chiffrer ni le coût d’un relèvement des seuils mentionnés à l’article 238 quindecies du CGI, ni l’extension du bénéfice de l’exonération aux cessions à toute personne de contrats de location-gérance. De même, l’absence de données déclaratives dédiées ne permet pas de chiffrer le coût de l’extension du bénéfice de l’exonération aux cessions à toute personne de contrats de location-gérance, s’agissant de l’article 151 septies A du CGI.

Les modifications de ces dispositifs n’ont donc pu donner lieu à un chiffrage dans le cadre de l’évaluation préalable du présent article.

2.   L’impact économique

Le volet pérenne de la réforme doit aboutir à deux améliorations dans la vie des affaires concernant les PME.

D’une part, cet article conduit à éviter les situations de blocage liées à l’incapacité d’un locataire-gérant à reprendre une activité mise en location-gérance, et donc à fluidifier les transmissions de fonds lorsque le propriétaire souhaite faire valoir ses droits à la retraite.

D’autre part, le dispositif accroît substantiellement les plafonds d’exonération tout en clarifiant les conditions touchant à la valorisation des entreprises pouvant en bénéficier. En cela, il fait œuvre utile de modernisation.

Ces éléments sont de nature à renforcer la continuité de l’activité économique et la juste rémunération des gérants et dirigeants de PME lorsqu’ils quittent la vie professionnelle à travers la constitution d’un capital-retraite.

Le volet temporaire de la réforme poursuit également l’objectif de fluidifier la vie économique et la transmission des entreprises : en allongeant de 24 à 36 mois le délai pour procéder à la cession de l’entreprise, l’objectif est de donner plus de souplesse aux entrepreneurs individuels et dirigeants d’entreprises à l’IS touchées par la crise sanitaire afin de transmettre ce bien économique dans les meilleures conditions ; en prorogeant, jusqu’à 2024, l’abattement dont bénéficient les dirigeants de PME, il leur est donné une meilleure visibilité.

En revanche, il est regrettable que le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants ne soit pas, par la même occasion, prorogé. En ne faisant qu’augmenter son montant pour les dirigeants de TPE, la conjonction du présent dispositif avec le IV de l’article 244 quater M du CGI ne rend effective le doublement de la rémunération des heures de formation que pour celles réalisées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022.

 

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Amendement de suppression I-CF459 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’article 5, qui étend le régime d’exonération de l’impôt sur les plus-values réalisées en cas de cession d’entreprise, ouvre la voie à d’importants effets d’aubaine. Jusqu’à présent, cet avantage fiscal avait au moins pour intérêt de favoriser la reprise par les locataires-gérants, de sorte que les revenus du patrimoine n’étaient pas entièrement décorrélés de l’activité. Que l’entreprise soit la source d’activité du repreneur ne sera plus une condition : même si elle consiste en un capital produisant simplement de la rente, la reprise ouvrira droit à une exonération d’impôt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis surpris que vous ne souhaitiez pas encourager le plan Indépendants, dont cet article découle. Il vise à aider, au sortir de la crise, ces petits entrepreneurs qui ne ménagent pas leur peine. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. L’article 5 porte en réalité sur l’ensemble des PME – elles peuvent employer jusqu’à 250 personnes et réaliser un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros. Le régime d’exonération en cas de cession, c’est-à-dire vente ou donation lors d’un départ à la retraite, n’est soumis à aucun critère de taille ou de chiffre d’affaires. C’est bien là le problème !

La commission rejette l’amendement I-CF459.

Amendement I-CF460 de Mme Sabine Rubin

Mme Sabine Rubin. Il s’agit d’un amendement de repli, par lequel nous voulons restreindre les exonérations d’impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession d’une entreprise aux seules cessions au profit du locataire-gérant ou des salariés de l’entreprise.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF460.

Amendement I-CF1075 de M. Jean-Paul Mattei

M. Jean-Paul Mattei. L’article 5 va dans le bon sens car il permet d’augmenter les plafonds ouvrant droit à l’exonération de taxation des plus-values en cas de transmission d’entreprise, une mesure mise en place lorsque Nicolas Sarkozy était ministre du budget. Toutefois, tel qu’il est rédigé, il change la définition de la valeur prise en compte pour arrêter la valeur de la transmission en y intégrant l’ensemble des éléments cédés, y compris les stocks, et non plus seulement les éléments transmis servant d’assiette aux droits d’enregistrement mentionnés aux articles 719,720 ou 724 du code général des impôts ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d’une exploitation agricole. Je propose de clarifier la rédaction en limitant la cession à l’actif immobilisé.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous remercie pour votre vigilance. Il est vrai que la rédaction, en l’état, n’exclut pas clairement l’actif circulant. Je vous propose de retirer l’amendement en vue de la séance, afin d’échanger sur ce point avec le Gouvernement.

L’amendement I-CF1075 est retiré.

Amendements identiques I-CF293 de M. Mohamed Laqhila et I-CF866 de Mme Véronique Louwagie, amendement I-CF828 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. Je propose d’aller au-delà de l’ajustement temporaire prévu par l’article 5 et de proroger le dispositif d’abattement sur les plus-values jusqu’au 31 décembre 2027. Il est important de donner du temps et de la visibilité aux entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La prorogation de trois ans de ce dispositif apporte de la visibilité, mais je ne souhaite pas que nous allions au-delà : six ans, c’est plus qu’une législature ! Il faut laisser aux prochains gouvernants le soin de prolonger, ou pas, ce dispositif. Avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Nous parlons bien ici d’exonérer les plus-values ! Je rejoins le rapporteur : même si nous comprenons l’importance de soutenir les petits commerçants, les artisans et les indépendants, une prorogation de trois ans est suffisante !

Mme Véronique Louwagie. Les entreprises, qui font aussi face à des difficultés de recrutement de cadres ou de dirigeants, ont besoin de visibilité.

La commission rejette les amendements identiques I-CF293 et I-CF866, puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF828.

La commission adopte l’article 5 non modifié.

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Après l’article 5

Amendements identiques I-CF198 de M. Alain Bruneel et I-CF697 de Mme Christine Pires Beaune, amendement I-CF399 de Mme Sabine Rubin (discussion commune).

M. Alain Bruneel. L’amendement vise à mettre fin à l’avantage fiscal dont le capital bénéficie depuis 2017. Lorsque vous dites que les impôts des Français ont baissé, vous parlez surtout de ceux des riches… La suppression de l’imposition au barème des revenus du capital au profit d’un taux unique, la flat tax, coûterait plusieurs milliards à l’État, sans qu’aucune étude ait pu montrer de lien avec une hausse de l’investissement ! La majorité, qui met en avant la rationalité, l’évaluation, ne peut nier cette évidence. Emmanuel Macron lui-même avait annoncé que les réformes sur la fiscalité du capital seraient assorties d’une clause de revoyure. Nous y voilà : il est temps d’abroger cette disposition qui n’a eu pour effet que d’accroître le niveau des dividendes !

M. Jean-Louis Bricout. La flat tax restera un marqueur de ce mandat, figeant l’image d’Emmanuel Macron en président des riches. Pour le monde de la finance, c’est fromage et dessert : les actions et les dividendes ont été retirés de l’assiette de l’impôt sur le patrimoine et ils ont été imposés au minimum. Ceux qui gagnent leur vie en boursicotant sont ainsi moins imposés que ceux qui tirent leurs revenus du travail ! Nous vous demandons de supprimer la flat tax et de revenir à des choses plus raisonnables – il conviendrait au moins d’augmenter la part de l’impôt sur le revenu dans le taux global du prélèvement forfaitaire unique (PFU).

Mme Sabine Rubin. Non seulement la flat tax a favorisé l’accumulation des richesses par quelques-uns et l’accroissement des inégalités mais, en plus, elle a eu un effet contraire à ce qui était attendu : les investissements dans les PME ont été réduits de 70 %. La flat tax a eu un effet « désincitatif ». Voilà un argument supplémentaire en faveur de sa suppression !

M. le président Éric Woerth. Le monde de la finance n’est pas totalement séparé de l’économie réelle ! Vous l’avez peut-être remarqué en 2008 : lorsqu’il s’arrête, cela bloque toute l’économie et il faut des années pour s’en remettre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Madame Rubin, je serais curieux de connaître vos sources concernant l’investissement dans les petites entreprises. Je n’ai pas les mêmes chiffres : depuis 2017, l’investissement dans les entreprises (IDE) progresse de façon continue et il a retrouvé, au premier trimestre de 2021, son niveau d’avant la crise.

Monsieur Bricout, pourquoi ne gardez-vous pas pour la séance vos slogans éculés contre « le président des riches » ? La question est la suivante : est-ce que le PFU fonctionne, est-ce qu’il crée de l’investissement ? Oui ! Pour la deuxième année consécutive, la France est en tête des pays européens pour l’IDE. Ne pensez-vous pas que les ouvertures de capital dans les petites entreprises, l’augmentation des investissements particuliers sont liées au PFU ? Ne voyez-vous pas que l’élargissement de l’assiette fait que, même avec un taux inférieur, le produit fiscal pour l’État est plus élevé ?

Nous pouvons être en désaccord sur bien des sujets mais, postures politiques mises à part, j’ai du mal à comprendre ce que vous reprochez à cette réforme fiscale. Elle a créé de l’investissement domestique et international, elle a rendu le paysage fiscal attractif. Pourquoi ne pas considérer collectivement que c’est une mesure bienvenue, qui nous a permis de mieux rebondir après la crise ?

M. Daniel Labaronne. Je rappelle qu’il existe un comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital et que les éléments qui seront publiés très prochainement dans son troisième rapport démentent les conclusions péremptoires de Mme Rubin.

M. Charles de Courson. On ne peut contester que le PFU a entraîné une augmentation de l’investissement : désormais, les PME distribuent les profits, profits qu’elles capitalisaient autrefois en raison de la taxation. Par ailleurs, il faut de l’épargne pour financer les investissements et la modernisation du pays. Or celle-ci ne tombe pas du ciel ! Les gens cesseront d’épargner si, après avoir payé leur impôt sur le revenu, ils sont taxés une seconde fois.

Mme Sabine Rubin. Le PFU, ce n’est pas deux fois l’impôts sur le revenu ! Je veux bien vous croire sur le rendement de la flat tax, monsieur le rapporteur général. Mais si elle a rapporté plus que prévu, c’est qu’il y a eu un transfert des salaires et des investissements vers le versement de dividendes, non vers l’investissement dans l’entreprise. J’aimerais avoir, lors de la séance, vos éléments chiffrés sur la prétendue augmentation des investissements dans les entreprises.

M. Jean-Louis Bricout. Il y a trois façons de répartir une création de valeur : la distribution de dividendes, que vous favorisez avec des taux très bas d’imposition et de cotisations sociales – il ne faut pas se demander pourquoi les caisses se vident – ; la redistribution de salaires ; l’investissement. Si la distribution de dividendes augmente, davantage d’impôts rentrent, c’est automatique ; mais cela se fait au détriment des salaires ou de l’investissement, alors que les entreprises ont du mal à recruter. Tout cela est lié.

Mme Émilie Cariou. Les bénéfices, avant d’être distribués, ont été soumis à l’impôt sur les sociétés. Sachant que cet impôt a baissé, on peut se poser la question de leur niveau de taxation. Certes, la réforme était bienvenue en 2017, car elle simplifiait un système trop complexe d’imposition des dividendes et des plus-values ; mais quatre ans plus tard, il est temps de discuter du niveau du taux de PFU. Je vous présenterai un amendement en ce sens.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF198 et I-CF697 et l’amendement I-CF399.

Amendement I-CF59 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement est l’occasion de rappeler les enjeux énormes du renouvellement des générations d’agriculteurs, aussi bien en termes d’emploi, d’aménagement du territoire que de souveraineté alimentaire – devra-t-on demain manger ukrainien ou brésilien ? Je propose d’instituer un abattement temporaire sur les revenus fonciers tirés de la location d’un bien à un jeune agriculteur, dans le cadre du statut du fermage. C’est ainsi que nous pourrons soutenir les installations agricoles, essentielles pour la « ferme France ».

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement n’est pas nouveau, puisqu’il a été déposé pour la première fois en 2016 : deux majorités, déjà, l’ont rejeté !

M. le président Éric Woerth. Depuis, les jeunes agriculteurs ont pris de l’âge…

M. Fabrice Brun. Chacun ses marronniers – ou ses châtaigniers ! (Sourires.)

La commission rejette l’amendement I-CF59.

Amendements I-CF694 et I-CF695 de M. Philippe Latombe (discussion commune).

M. Philippe Latombe. Il est assez fréquent, dans les entreprises en développement, que des salariés investissent en capital dans leur entreprise, aux côtés des investisseurs. Trois décisions du Conseil d’État, en juillet, ont introduit une incertitude quant au régime applicable en matière fiscale et sociale à ces management packages.

S’inspirant des régimes existant dans les pays anglo-saxons, le premier amendement vise à faciliter le contrôle d’un éventuel avantage accordé lors de l’investissement, et à sécuriser le régime fiscal et social applicable aux revenus ultérieurs tirés des droits, parts, titres ou valeurs mobilières émis par l’entreprise au sein de laquelle les personnes exercent leur activité, lorsque la détention de ces droits est subordonnée à l’existence ou au maintien d’une fonction ou d’une relation de service avec l’entreprise – telle qu’un contrat de travail, un mandat social ou un contrat de prestation de services. Le second amendement, de repli, ne prévoit pas le contrôle de l’avantage par l’administration fiscale.

Il faut absolument clarifier les choses : d’abord, le régime fiscal qui s’applique aux management packages en cours n’est pas celui prévu au départ ; ensuite, le régime fiscal doit permettre de fidéliser les salariés, dans une époque où les entreprises se heurtent à des difficultés de recrutement. Il est normal que ceux-ci puissent tirer une rémunération de leur contribution, par l’investissement, à la croissance de l’entreprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je reconnais que les trois décisions du Conseil d’État nous contraignent à avancer sur cette question. Toutefois, les acteurs de la place ne sont pas tous d’accord sur la réponse à apporter. Je vous propose donc de retirer ces amendements en vue de la séance, lors de laquelle le Gouvernement pourrait s’engager à mettre en place un groupe de travail, auquel participeraient les représentants d’entreprises du numérique, comme France digitale, des fonds d’investissement, comme France Invest, et du patronat. Ne nous précipitons pas pour légiférer !

M. le président Éric Woerth. Il est vrai que cela ne peut rester en l’état.

M. Philippe Latombe. Nous devons clarifier le régime de toute urgence car des difficultés commencent à se poser dans les entreprises, qui souffrent de ne pas être assez attractives auprès des dirigeants et cadres supérieures. Je maintiens ces amendements afin de rappeler l’absolue nécessité d’avancer sur cette question.

La commission rejette successivement les amendements I-CF694 et I-CF695.

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Article additionnel après l’article 5
Cessions résultant de transferts d’actifs dans la comptabilité auxiliaire d’affectation d’entreprises d’assurance au titre de plans d’épargne retraite

Amendement I-CF1074 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Christophe Jerretie. Il s’agit de tirer les conséquences fiscales de la réforme issue de la loi PACTE. L’amendement vise à neutraliser les conséquences fiscales immédiates des transferts réalisés entre la comptabilité générale et les différentes comptabilités auxiliaires d’affectation d’une même entreprise d’assurance quand celle-ci opère ces transferts pour répondre à une obligation légale. Le texte prévoit donc la mise en sursis d’imposition du profit ou de la perte constatée à l’occasion du transfert d’éléments d’actifs, provenant de la comptabilité générale ou d’une comptabilité auxiliaire d’affectation dans une comptabilité auxiliaire d’affectation de plans épargne retraite (PER). Ce sursis s’applique à la double condition que ces opérations soient réalisées selon les valeurs nettes comptables et que le transfert ait reçu l’approbation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Ces dispositions s’appliqueront aux transferts vers un canton PER réalisés à compter des exercices clos au 31 décembre 2021, étant rappelé qu’ils doivent être réalisés avant le 1er janvier 2023.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est la suite logique de ce que nous avons réalisé avec la loi PACTE et je salue le travail d’évaluation mené par Jean-Noël Barrot. Je proposerai moi-même un amendement portant sur la neutralisation fiscale des actifs provenant d’organismes de placement collectif (OPC). Avis favorable.

M. Charles de Courson. Tout cela va dans le sens de l’engagement gouvernemental en faveur de la neutralité lors des transferts.

La commission adopte l’amendement I-CF1074 (amendement I-1386).

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Après l’article 5

Amendements I-CF471 et I-CF474 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Le passage de l’entreprise individuelle à l’entreprise en société, que le plan Indépendants va favoriser, entraîne un frottement fiscal. Le fait d’apporter l’entreprise individuelle à une société génère une plus-value, qui est reportable. Mais on reste, excusez-moi l’expression, « collé » à la valeur initiale du fonds. Or celui-ci peut se déprécier avec le temps et les crises. L’objet de ces amendements est de limiter la taxation de la plus-value à la valeur vénale du fonds au moment de la cession. On ne va pas pénaliser le porteur en le taxant sur 300 000 euros, la valeur initiale, alors que son fonds ne vaut plus que 100 000 euros !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Notre désaccord, de fond, n’est pas nouveau. Avec ces amendements, on sort complètement de la logique qui prévaut en matière de report d’imposition. Cela revient à faire payer à la collectivité les variations de valeur. Cela me gêne. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Dans l’exemple qui a été donné, si le fonds est revendu un jour à 200 000 euros, le porteur sera taxé sur une plus-value de 100 000 euros…

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, vous avez raison de dire que l’on revient sur le mécanisme de report d’imposition, mais vous avez tort de vous opposer à ces amendements, car il est question ici de justice fiscale. Effectivement, la plus-value constatée n’est pas soumise à l’impôt mais si le bien se déprécie, alors le vendeur doit être taxé à la hauteur de cette moins-value. Il faut coller à la réalité.

M. Jean-Paul Mattei. C’est un débat important. Depuis très longtemps, on favorise la mise en société. Comme l’apporteur ne touche pas d’argent – il reçoit des titres, pas des liquidités –, le report d’imposition s’applique, comme en matière de donation d’entreprise individuelle. Je ne demande pas une exonération de la plus-value, je demande qu’il soit possible de prétendre à une réduction de l’imposition si la valeur vénale du fonds est inférieure à la valeur initiale. Comme il n’y a pas eu de mutation, l’État n’est pas perdant. C’est tout le débat entre le report et le sursis – régime où est prise en compte la valeur au moment de la cession.

Mme Émilie Cariou. Ce débat est très intéressant car les plus-values des personnes physiques, notamment des entrepreneurs et des indépendants, sont placées sous le régime du report d’imposition. Leur appliquer le régime de sursis permettrait d’amortir ces fluctuations de prix. Ce serait une réforme intéressante, qui supposerait toutefois d’aménager, en l’absence de suivi comptable, les états déclaratifs. J’avais moi-même travaillé sur l’application du régime du sursis aux plus-values des indépendants – ce serait une réforme à mener dans le cadre du plan Indépendants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nos positions sont différentes. Pour ma part, je considère que l’impôt payé n’a pas à varier en fonction de l’évolution de l’activité.

Mme Véronique Louwagie. Lorsque la plus-value est constatée, au moment de l’apport, l’apporteur n’encaisse aucune trésorerie. Ce qu’il encaisse, c’est la valeur du fond – éventuellement moindre – au moment de sa cession. Il n’est pas logique de le taxer sur une valeur qu’il n’a pas encaissée !

La commission rejette successivement les amendements I-CF471 et ICF474.

Amendement I-CF878 de M. Pierre Person.

M. Pierre Person. Cet amendement prévoit un abattement de taxation des plus-values à hauteur de 3 000 euros lorsque l’acquisition d’un bien ou d’un service est réalisée à l’aide d’actifs numériques.

Nos concitoyens détiennent plusieurs milliards d’euros en crypto-actifs. Les nouvelles plateformes d’échange envisagent de devenir de futures banques, et certaines d’entre elles représentent d’ailleurs une capitalisation supérieure à des banques françaises. C’est le cas de Coinbase, récemment introduite en bourse et dont la valeur est supérieure à celle de la Société générale ou de la BNP. Ces plateformes permettent depuis peu à un détenteur de crypto-actifs de payer directement par le biais d’une Carte bleue, dans n’importe quel commerce.

Or, pour être en conformité avec la législation fiscale, il faut déclarer tous les ans la plus-value réalisée à l’occasion de chaque micro-transaction effectuée, y compris s’il s’agit de l’achat d’une baguette de pain effectué grâce à un cryptoactif.

Cet amendement a pour objectif d’entamer une réflexion sur cette question, afin de simplifier la vie des contribuables qui veulent se conformer au droit fiscal mais doivent pour ce faire déclarer une multitude de transactions, ce qui est en pratique presque impossible.  On estime que 400 000 transactions ont été réalisées en 2020 avec des cartes bleues utilisant des crypto-actifs, et le phénomène a vocation à s’étendre. L’amendement permettra à cet argent de réintégrer l’économie réelle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Demande de retrait. Vous pourriez déposer de nouveau cet amendement en séance pour en discuter avec le Gouvernement.

Ajouter cet abattement de 3 000 euros à celui de 305 euros qui existe déjà pose quelques difficultés, notamment en termes d’égalité devant l’impôt, selon qu’un contribuable cède ses crypto-actifs ou les utilise comme moyen de paiement.

Il convient d’attendre d’y voir un peu plus clair sur le devenir des monnaies numériques de banque centrale, afin de bâtir un cadre juridique global. L’amendement est donc prématuré.

M. Pierre Person. J’insiste sur le fait que ces paiements vont se généraliser, alors qu’en 2018, ils étaient encore peu fréquents. Il faut réfléchir à la manière de traiter fiscalement cet usage, pour que cela ne soit pas dommageable pour le contribuable, en suscitant notamment trop de contraintes administratives.

Le jour où les monnaies des banques centrales seront digitalisées, il n’y aura pas de passerelle et la question ne se posera plus. C’est la raison pour laquelle il faut agir rapidement.

L’amendement I-CF878 est retiré.

Amendements identiques I-CF271 de Mme Véronique Louwagie, I-CF880 de M. Pierre Person et I-CF917 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement a été proposé par l’Association pour le développement des actifs numériques, qui a constaté que de plus en plus souvent les entreprises qui ont émis ou émettent des jetons en attribuent aux personnes qui participent à la création d’un projet, afin de les motiver – ce dont on doit se réjouir.

La qualification de cette attribution est cependant complexe. L’amendement propose de définir le régime fiscal applicable aux attributions de jetons gratuits pour les personnes attributaires, en l’alignant sur celui applicable aux attributions gratuites d’actions.

M. Pierre Person. Cette pratique se généralise. Les entreprises du secteur des crypto-actifs souhaitent stimuler leurs collaborateurs en les rémunérant pour partie avec des jetons. Je relève aussi que Lionel Messi est payé pour une part en crypto-actifs. L’amendement permet de clarifier la situation en s’inspirant du dispositif applicable aux actions gratuites.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si les attributions gratuites d’actions (AGA) constituent en effet une incitation au développement de l’entreprise, je suis plus dubitatif s’agissant des attributions gratuites d’actifs numériques (AGAN), qui sont une forme de rémunération complémentaire.

Les deux pratiques ne sont pas comparables : les régimes et les finalités sont différents. Dans le premier cas, il y a un intéressement indirect à la performance de l’entreprise par le biais de l’évolution du cours de ses actions. Dans le second, l’évolution du prix du jeton n’est pas liée à celle de la valeur de l’entreprise – à moins que l’activité de celle-ci soit directement liée à ce cryptoactif.

M. Pierre Person. On en revient au débat sur la nature du jeton. Est-ce un utility token, c’est-à-dire une promesse de service, ou bien un security token, c’est-à-dire un titre financier représentatif des performances de la société ? Même si elle existe d’un point de vue légal, cette distinction n’est pas toujours claire. Certains jetons présentent les deux caractéristiques.

La question est en fait la suivante : faut-il donner aux acteurs économiques la possibilité d’utiliser légalement ces jetons à titre incitatif, ou bien faut-il rester dans une zone de flou – ce qui à mon sens n’est pas souhaitable ?

M. Charles de Courson. Si je comprends l’attribution gratuite d’actions, j’ai du mal à admettre celle de jetons représentatifs de crypto-monnaies.

Restons prudents s’agissant de ces dernières. Je rêve pour ma part que le monopole d’émission de ces crypto-monnaies soit confié aux banques centrales, ce qui permettra de sortir de la confusion actuelle.

M. Julien Aubert. Il y a deux manières d’aborder le sujet.

Soit on s’inspire étroitement de la logique de l’attribution gratuite d’actions, en distinguant les jetons représentatifs de la valeur de l’entreprise des autres jetons.

Soit on considère qu’il s’agit d’une question ayant trait au développement des crypto-monnaies en France et à la compétitivité internationale, nécessitant de dissiper un flou juridique. Il faut alors assumer le fait que le dispositif proposé est un élargissement.

La première solution présente l’inconvénient de la complexité. En effet, comme Pierre Person l’a relevé, la nature de certains jetons est hybride. Cela entraînera des difficultés de définition, et donc des contentieux fiscaux.

Je suis favorable à la deuxième solution, en considérant qu’il est de notre intérêt de développer cette économie – quitte à revoir ultérieurement le dispositif si certains effets de bord se manifestaient.

La commission rejette les amendements identiques I-CF271, I-CF880 et ICF917.

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Article additionnel après l’article 5
Critères d’application du régime des bénéfices non commerciaux aux plusvalues de cession d’actifs numériques

Amendements identiques I-CF272 de Mme Véronique Louwagie, I-CF883 de M. Pierre Person et I-CF920 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement a été suggéré par l’Association pour le développement des actifs numériques.

L’imposition des plus-values tirées par un particulier d’opérations de cessions d’actifs numériques varie selon qu’il s’agit d’une activité professionnelle ou d’une activité non-professionnelle, conformément à l’article 150 VH bis du code général des impôts. Cette distinction n’est pas définie de manière suffisamment claire par la législation, ce qui est source d’incertitude.

L’amendement propose donc que les bénéfices qu’un particulier tire d’opérations sur des actifs numériques soient considérés comme provenant d’une activité non commerciale ou assimilés aux bénéfices non commerciaux.

M. Pierre Person. En 2018, le régime fiscal des personnes physiques détenant des crypto-actifs, et notamment celui des plus-values, avait été clarifié. Force est cependant de constater qu’une insécurité juridique demeure pour bon nombre de contribuables, qui s’interrogent sur l’opportunité de partir à l’étranger – comme le leur recommandent tous leurs conseils.

Doivent-ils être imposés dans le cadre du prélèvement forfaitaire unique ou bien dans celui du régime des bénéfices non-commerciaux (BNC) ? La réponse n’est pas claire. L’amendement propose une solution sans équivoque.

Actuellement, le régime d’imposition varie en fonction de deux critères quantitatifs : le nombre de transactions et le montant des plus-values. Or, dans le domaine des crypto-actifs, le nombre de transactions peut être considérable même pour un particulier, car un outil aussi simple qu’un téléphone portable suffit pour en réaliser une multitude. Quant aux plus-values, elles peuvent être extrêmement importantes.

Il faut donc préciser le régime d’imposition des particuliers, afin qu’une zone d’ombre juridique ne fasse pas passer le taux d’imposition de 30 % à plus de 60 % selon que l’on est considéré comme professionnel ou non.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est en effet pertinent d’apporter une clarification. Je suis d’accord avec tous les amendements concernant les crypto-actifs qui visent à rendre leur régime fiscal cohérent avec celui d’autres types d’investissement plus classiques. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques I-CF272, I-CF883 et I-CF920 (amendement I1398).

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Après l’article 5

Amendements identiques I-CF273 de Mme Véronique Louwagie et I-CF921 de Mme Lise Magnier, amendement I-CF882 de M. Pierre Person (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement propose d’offrir la possibilité d’imputer des moins-values sur les plus-values de cession d’actifs numériques et de permettre un report de ces moins-values jusqu’à la dixième année suivant la cession, comme pour les plus-values de cessions de valeurs mobilières.

M. Pierre Person. Mon amendement propose d’étendre aux crypto-actifs le régime d’imposition des actifs traditionnels. C’est la démarche que nous avions engagée en 2018, à ceci près que n’avait pas été prise en compte la question des moins-values. Prendre en considération ces moins-values, ce n’est pas faire un cadeau aux détenteurs de crypto-actifs. Cela revient aussi à leur dire que grâce à la déduction de celles-ci, il leur est possible de réinvestir leurs avoirs dans l’économie réelle.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’avantage fiscal me paraît excessif. Cela dit, les dispositions vont dans le bon sens même si elles doivent encore être travaillées. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF273 et I-CF921 et l’amendement I-CF882.

Amendements identiques I-CF738 du président Éric Woerth et I-CF919 de Mme Véronique Louwagie.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement a pour objet d’inciter à réinvestir dans l’économie réelle les plus-values de cessions de crypto-actifs. Une large partie de ces plus-values ne sont pas réalisées car elles ne sont pas transformées en monnaie fiat et demeurent dans l’univers crypto.

Je propose d’inciter à cette transformation en monnaie fiduciaire afin de financer l’économie réelle, en orientant limitativement les investissements vers le domaine culturel. Ce dernier constitue en effet un espace d’investissement moins prisé que d’autres, du fait de sa moindre rentabilité. L’objectif est de passer de l’économie crypto à l’économie réelle en incitant au réinvestissement des plus-values, avec une limitation dans le temps pour éviter les effets d’aubaine.

Mme Véronique Louwagie. Il est en effet très important de proposer un dispositif pour inciter à réinvestir ces plus-values.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut s’assurer que la fiscalité des plus-values de cession de crypto-actifs est correcte et ne dépasse pas celle des plus-values de cession d’autres actifs. Nous avons répondu à cet objectif en adoptant précédemment les amendements clarifiant le régime fiscal des plus-values réalisées par des particuliers.

Pour le reste, il existe déjà des dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement dans certains secteurs, avec par exemple de l’IR-PME, les SOFICA ou le mécénat. Ces amendements vont trop loin en cumulant des avantages à la sortie – l’imposition des plus-values – et à l’entrée – l’investissement dans certains secteurs.

Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Toute la question est de savoir si ce niveau d’imposition des plus-values de 30 % est suffisamment attractif. Je ne le pense pas.

Les sommes investies dans ces différents crypto-actifs ne reviennent pas facilement dans l’économie réelle, surtout si leurs détenteurs sont un peu joueurs.

L’amendement les incite à transformer leurs plus-values en monnaie fiat et à investir. Des avantages fiscaux existent déjà pour le faire dans certains secteurs, comme les PME, mais ils ne sont sans doute pas suffisants. D’où le dispositif proposé, dont l’application est strictement limitée dans le temps.

M. Charles de Courson. Pourquoi proposer un avantage seulement pour les sommes investies dans le secteur culturel ? Le dispositif serait plus intéressant s’il visait plus largement d’autres secteurs de l’économie réelle.

M. le président Éric Woerth. Parce que ce domaine a besoin d’argent et ne séduit pas facilement les investisseurs. C’est un choix, que l’on peut discuter, destiné à attirer les sommes importantes qui circulent en crypto-actifs.

M. Pierre Person. L’objectif est d’éviter que l’argent investi dans l’écosystème des crypto-actifs se contente de tourner en rond à des fins spéculatives excessives. Ces objets sont l’avenir de la finance, mais ils doivent servir l’économie réelle. Plusieurs milliards d’euros sont précisément détenus par des Français en crypto-actifs. En outre, la disposition prévue permettra de flécher des financements sur certains secteurs.

Mme Émilie Cariou. J’approuve la démonstration du rapporteur général. D’une part, il faut s’assurer d’une imposition à un niveau correct des plus-values de cession de crypto-actifs. D’autre part, il existe une multitude de dispositifs d’incitation fiscale pour investir, et il n’est pas nécessaire d’en créer de nouveaux.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’un sujet très nouveau, qu’il ne faut pas aborder exclusivement au travers de schémas anciens. Ces derniers méritent d’être adaptés, afin que les milliards d’euros de crypto-actifs qui ne servent à rien puissent être utilisés au profit de secteurs qui ont besoin d’argent et qui sont limitativement identifiés.

Mme Véronique Louwagie. Notre rôle est bien de trouver les outils d’incitation pour que ces sommes servent à l’économie traditionnelle.

M. Jean-Paul Mattei. Les amendements permettront peut-être de guérir certains cas d’addiction à ces investissements, qui s’apparentent parfois à un jeu. Comme Charles de Courson, je considère cependant qu’on pourrait élargir les secteurs concernés par la mesure. Mais il s’agit d’un premier pas et je voterai ces amendements.

La commission rejette les amendements identiques I-CF738 et I-CF919.

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Article additionnel après l’article 5
Plus-values de cession d’un jeton non fongible

Amendement I-CF879 de M. Pierre Person.

M. Pierre Person. Cet amendement vise à éclaircir le régime fiscal d’un type particulier de crypto-actifs : les jetons non fongibles (ou non-fungible tokens – NFT).

Alors que dans le monde centralisé d’internet tout peut être copié, ces NFT permettent de garantir, par un mécanisme davantage décentralisé, que des services, de la propriété intellectuelle ou de l’art ne puissent plus l’être. Or les NFT sont assimilés à des actifs numériques traditionnels, alors qu’ils représentent quelque chose de différent compte tenu de leur valeur intrinsèque. Le droit des obligations ne comprend pas de définition des NFT, ce qui est d’une certaine manière une bonne chose car tout cela est amené à évoluer.

L’amendement prévoit une imposition des jetons non fongibles en fonction de leur actif sous-jacent, en les séparant du régime d’imposition des plus-values de cession d’actifs numériques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme vous l’avez très bien expliqué, il faut faire avancer ce dossier. Quelques points méritent cependant d’être éclaircis, notamment en ce qui concerne l’identification exacte de l’actif sous-jacent, pour éviter des abus potentiels. Une discussion avec le Gouvernement en séance publique permettra de s’assurer que les détails seront précisés par la voie réglementaire. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Dispose-t-on d’une définition juridique précise de ces jetons non fongibles ? Quel est leur lien avec un actif réel ?

M. le président Éric Woerth. La définition des jetons non fongibles figure dans l’amendement.

M. Pierre Person. Une partie du dispositif concernant les jetons non fongibles se trouve dans la loi PACTE. L’amendement la complète mais ne résout pas toutes les questions juridiques, car il intervient dans le seul domaine fiscal.

La nature des NFT est très abstraite et complexe, mais ces actifs représentent des biens tangibles circulant dans l’économie réelle, déjà définis par le droit des obligations. Il faudra préciser la définition juridique des actifs non fongibles dans d’autres textes.

L’amendement porte moins sur la nature juridique de ces actifs que sur le régime d’imposition des plus-values qui peuvent en être retirées.

M. Charles de Courson. Je m’interroge sur cette notion d’actif sous-jacent.

La commission adopte l’amendement I-CF879 (amendement I-1387).

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Après l’article 5

Amendements identiques I-CF270 de Mme Véronique Louwagie et I-CF903 de Mme Lise Magnier, amendement I-CF884 de M. Pierre Person (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement vise à inciter les détenteurs d’actifs numériques à les réinvestir dans l’économie réelle. Pour cela, il propose de mettre en place un régime de report d’imposition des plus-values en cas d’apport à une entreprise, sur le modèle du régime de l’apport-cession.

M. Pierre Person. Certaines personnes ont réalisé d’importantes plus-values depuis 2012, encore détenues sous forme de crypto-actifs. Ils peuvent souhaiter investir cette plus-value latente en créant leur société. Le Portugal et le canton de Zoug, par exemple, permettent de le faire sans payer d’impôt sur les plus-values ou en bénéficiant d’un report d’imposition.

Mon amendement propose d’inciter les détenteurs d’actifs numériques à contribuer au financement d’entreprises en instaurant un régime de report d’imposition de la plus-value au moment de l’apport des crypto-actifs à une société, avec un régime similaire à celui de l’apport-cession. Les conditions pour en bénéficier sont précisées de manière assez restrictive.

Une nouvelle fois, il s’agit d’orienter l’argent investi en crypto-actifs vers l’économie réelle et l’innovation, en permettant à celui qui a déjà pris un risque d’en prendre de nouveau un en créant sa société.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Concentrons-nous sur la mise en cohérence de la fiscalité, mais ne créons pas de nouveaux avantages fiscaux. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF270 et I-CF903 et l’amendement I-CF884 de M. Pierre Person.

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Article additionnel après l’article 5
Option d’imposition des plus-values de cession d’actifs numériques dans l’assiette du revenu global

Amendements identiques I-CF274 de Mme Véronique Louwagie et I-CF922 de Mme Lise Magnier.

Mme Véronique Louwagie. Un impôt forfaitaire de 12,8 % a été introduit dans la loi de finances pour 2019 afin d’assujettir les plus-values issues de la cession d’actifs numériques.

Pour les revenus mobiliers, les contribuables ont le choix entre l’imposition forfaitaire et le barème progressif de l’impôt sur le revenu, ce qui est assez intéressant pour les ménages les moins aisés.

L’amendement propose d’appliquer la même règle pour les actifs numériques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit d’étendre les possibilités de choix dont disposent les contribuables, par souci de cohérence. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques I-CF274 et I-CF922 (amendement I-1399).

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Article additionnel après l’article 5
Neutralité fiscale des opérations de cantonnement d’actifs illiquides
par les organismes de placement collectif

Amendement I-CF1085 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement vise à assurer la neutralité fiscale des modifications apportées par la loi PACTE à la procédure de cantonnement des actifs devenus illiquides par les organismes de placement collectifs (SICAV et fonds communs de placement).

La commission adopte l’amendement I-CF1085 (amendement I-1388).

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Après l’article 5

Amendement I-CF1053 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Je ne suis pas défavorable au PFU, car sa simplicité en fait un instrument d’attractivité. En revanche, je propose d’augmenter son taux afin de financer les services publics et les politiques sociales.

La précarité explose dans notre pays et je considère que ceux qui se sont enrichis grâce à des dividendes ou des plus-values peuvent contribuer davantage à la solidarité nationale. Pour ce type de revenus, l’amendement relève la part fiscale du PFU de dix points et fait donc passer le prélèvement total de 30 à 40 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis opposé à l’augmentation du taux du PFU. Il faut une certaine stabilité fiscale pour aider la reprise économique. En outre, si le PFU a fonctionné, c’est aussi parce que nous avions décidé d’un taux attractif de 12,8 %. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Cet amendement est excessif, mais on peut débattre de l’opportunité de porter le taux du PFU au niveau de celui de la première tranche de l’impôt sur le revenu, soit 14 %.

Mme Émilie Cariou. Ce taux est désormais de 11 %.

M. Charles de Courson. Dans ce cas, il faudrait ajuster le taux du PFU à la baisse. (Rires.)

Mme Émilie Cariou. Je ne répondrai pas à cette provocation de M. de Courson. Nous parlons de revenus du capital et non de revenus du travail : un peu de décence ! On ne peut pas comparer des plus-values énormes, de plusieurs millions d’euros, avec les revenus des personnes qui gagnent à peine plus que le SMIC. Cela ne me fait pas rire.

M. Charles de Courson. C’est une erreur de considérer qu’il y a deux catégories de personnes : une infime minorité qui détient le patrimoine, et les autres. Cela ne correspond pas à la réalité économique et sociale. Des personnes modestes disposent aussi d’un patrimoine et en tirent des revenus.

La commission rejette l’amendement I-CF1053.

Amendements identiques I-CF703 de Mme Patricia Lemoine et I-CF782 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Patricia Lemoine. Cet amendement part d’un constat simple : la taxation des plus-values de cession de biens immobiliers autres que la résidence principale est souvent un frein à leur vente. Or une partie de ces plus-values, qui peuvent être parfois très importantes, pourrait être réinjectée dans l’économie, notamment de proximité, en permettant aux propriétaires souhaitant valoriser une partie de leur patrimoine de financer la création ou la reprise d’entreprise sans les léser.

Il est proposé que la plus-value réalisée lors d’une telle vente bénéficie d’une exonération totale, dans la limite de 250 000 euros de plus-value nette imposable par bien cédé au cours d’une même année civile.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à l’établissement d’un lien entre l’imposition des plus-values immobilières et l’investissement dans une société. L’amendement ne précise d’ailleurs pas de quel type de société il s’agit. Il ne faudrait pas que l’argent soit investi dans une société ayant une activité immobilière, car on voit bien l’outil d’optimisation fiscale ainsi que les risques inflationnistes qui en résulteraient.

Il faut veiller à ne pas créer trop de niches fiscales. La fiscalité française en matière de revenus du capital et de plus-values immobilières est bonne. Restons-en là. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF703 et I-CF782.

Amendements identiques I-CF67 de M. Stéphane Peu et I-CF530 de Mme Sylvia Pinel.

M. Alain Bruneel. Afin de soutenir la création de logements sociaux, l’article 150 U du code général des impôts prévoit une exonération d’impôt sur les plus-values constatées par les personnes physiques lors des cessions d’immeubles au profit soit d’organismes de logements sociaux, soit d’autres cessionnaires, qui s’engagent à réaliser des logements sociaux.

Ce régime a été institué en 2005, pour une durée de deux ans et a ensuite été reconduit à sept reprises. Il est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022. Il est proposé de le pérenniser afin d’éviter d’avoir, tous les deux ou trois ans, une situation d’incertitude sur son maintien qui entraîne à chaque fois le blocage des opérations en cours dans les six mois qui précèdent l’échéance.

Par ailleurs, il est proposé de corriger la rédaction de cet article sur plusieurs points.

Les modifications apportées par la loi de finances pour 2021 ont conduit, indirectement, à exclure de ce dispositif les opérations d’acquisition-amélioration réalisées par les bailleurs sociaux, c’est-à-dire les acquisitions d’immeubles anciens destinés à être transformés en logements sociaux – alors que ces opérations étaient éligibles jusqu’en 2020. L’amendement propose de corriger ce point afin de ne pas pénaliser ces opérations qui sont indispensables pour la création de logements sociaux, notamment dans les zones tendues où le foncier est rare.

M. Michel Castellani. Le code général des impôts prévoit une exonération d’impôt sur les plus-values constatées par les personnes physiques lors des cessions d’immeubles au profit soit d’organismes de logements sociaux, soit d’autres cessionnaires, qui s’engagent à réaliser des logements sociaux.

Ce régime a été créé en 2005 pour favoriser la création de logements sociaux, initialement pour une durée de deux ans. Il a été reconduit sept fois.

Il s’agit de le pérenniser afin d’éviter les incertitudes qui se manifestent périodiquement au sujet de son maintien. 

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne souhaite pas revenir sur les mesures de clarification que nous avons adoptées en 2021.

La commission rejette les amendements identiques I-CF67 et I-CF530.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF332 de M. Mohamed Laqhila.

Amendements I-CF100 de M. Fabrice Brun et I-CF527 de Mme Sylvia Pinel (discussion commune).

M. Fabrice Brun. Il est important de soutenir la dynamique du marché immobilier en revenant à la situation existant avant 2012 pour la cadence et les taux d’abattement pour durée de détention ouvrant droit à une exonération totale des plus-values immobilières à l’impôt sur le revenu. Cette durée de détention serait de nouveau fixée à quinze ans.

M. Michel Castellani. Le régime d’imposition des plus-values immobilières n’incite pas à vendre et conduit même à favoriser la rétention immobilière.

Afin de dynamiser le secteur, cet amendement a pour objet d’opérer une modification des taux de l’abattement prévu pour la plus-value brute réalisée lors de la cession d’un immeuble.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Les modifications des durées d’abattement que vous proposez auraient de lourdes conséquences sur les finances de l’État et des collectivités territoriales.

La commission rejette successivement les amendements I-CF100 et I-CF527.

Amendement I-CF540 de Mme Sylvia Pinel.

M. Michel Castellani. L’amendement vise à neutraliser les abattements inscrits à l’article 150 VC du code général des impôts en cas de vente de terrains à bâtir ou de biens immobiliers bâtis, ou de droits s’y rapportant. La suppression de ces abattements devrait dissuader les propriétaires des biens concernés de les conserver pendant des décennies.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF540.

Amendements identiques I‑CF113 de Mme Lise Magnier, I‑CF150 de Mme Véronique Louwagie, I‑CF603 de M. Charles de Courson et I‑CF635 de Mme Sylvia Pinel.

M. Michel Castellani. La loi de finances pour 2021 a instauré un mécanisme d’abattement sur les plus-values pour renforcer l’attractivité et accélérer le déploiement des opérations de revitalisation du territoire (ORT) et des grandes opérations d’urbanisme (GOU).

Cet avantage fiscal s’applique aux plus-values immobilières résultant de la cession de biens immobiliers bâtis, ou de droits relatifs à ces mêmes biens, situés, pour tout ou partie de leur surface, dans le périmètre d’une GOU ou dans celui d’une ORT. Les amendements proposent d’étendre les dispositions adoptées l’an dernier aux zones A bis et A pour inciter les propriétaires fonciers à céder leurs biens et remettre ainsi sur le marché les gisements fonciers nécessaires pour accroître l’offre de logements et atténuer la hausse des prix des logements neufs dans ces territoires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui risque de casser la dynamique que l’on a créée avec les GOU et les ORT.

M. Charles de Courson. Il est vrai que le nombre d’ORT et de GOU s’accroît, mais pas du tout à la hauteur des besoins. Or l’un des facteurs qui limite la construction, c’est la disponibilité du foncier.

La commission rejette les amendements identiques I‑CF113, I‑CF150, I‑CF603 et I‑CF635.

Amendements identiques I‑CF128 de Mme Véronique Louwagie et I‑CF426 de M. Michel Zumkeller.

Mme Véronique Louwagie. J’ai déjà, comme d’autres collègues, déposé cet amendement par le passé.

L’article 5 va dans le bon sens, puisqu’il proroge un dispositif qui permet aux chefs d’entreprise de bénéficier d’une exonération à hauteur de 500 000 euros lorsqu’ils cèdent leurs titres à l’occasion de leur départ à la retraite. Nous proposons que cette transmission d’entreprise puisse intervenir à tout moment, et pas seulement au moment du départ à la retraite : au moment qui paraîtra le plus opportun, au moment où des acheteurs se présenteront, au moment où le développement de l’entreprise favorisera sa transmission. Supprimer la condition relative au départ à la retraite du dirigeant permettra de favoriser les transmissions d’entreprises, qui est un vrai problème.

M. Michel Zumkeller. Nous proposons, comme notre collègue, d’assouplir ce dispositif qui fonctionne bien. Nous demandons seulement qu’il puisse s’appliquer à n’importe quel moment de la vie du chef d’entreprise. Cette souplesse facilitera les transmissions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le but de cet article, qui avait fait l’objet de discussions avec les chefs d’entreprise et les indépendants, était de préparer un capital-retraite, pas de détaxer ou de défiscaliser les cessions d’entreprises. Je crois qu’il faut s’en tenir à l’esprit de l’article et ne pas en faire une grande niche fiscale. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I‑CF128 et I‑CF426.

Amendement I‑CF1078 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. L’article 5 favorise la transmission d’entreprises au moment du départ à la retraite, mais l’article 150-0 D ter du code général des impôts contient un critère qui restreint beaucoup la portée de cette disposition, puisqu’il faut détenir au moins 25 % du capital pour en bénéficier. Imaginons un cabinet d’avocats où il y aurait dix associés détenant chacun 10 % du capital : aucun d’entre eux ne pourra bénéficier de ce dispositif. Nous proposons donc de faire passer le seuil de 25 à 1 %. L’an dernier, Charles de Courson avait déjà défendu un amendement allant dans ce sens. Cela permettrait de faire bénéficier de ce dispositif une part beaucoup plus importante des professions libérales, qui exercent souvent en commun.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Si je comprends bien, monsieur Mattei, vous cherchez à contrer la dilution des droits.

M. Jean-Paul Mattei. Aujourd’hui, une personne qui détient moins de 25 % du capital ne peut pas bénéficier de l’article 150-0 D ter. Or, souvent, dans une structure comptant plusieurs associés, les fondateurs ne cèdent pas le restant de leurs parts pour continuer de bénéficier de ce régime. La mesure que je propose est incitative : elle doit permettre de faire entrer au capital de l’entreprise de jeunes associés : j’ai pris l’exemple des avocats, mais cela peut concerner de très nombreuses professions. En l’état, avec ce seuil de 25 %, cette disposition ne peut pas s’appliquer à des structures comprenant plus de quatre associés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement a tout de même la spécificité de ne concerner que les professions réglementées, les sociétés d’exercice libéral (SEL) et les sociétés civiles professionnelles (SCP), ce qui pourrait poser un problème constitutionnel. Je vous invite à le retirer et à déposer un nouvel amendement dont l’objet serait plus large.

M. Jean-Paul Mattei. Si j’ai retenu les professions réglementées, c’est parce que, dans ces domaines, il faut souvent s’associer pour pouvoir exercer son activité : c’est une vraie contrainte.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, entre 25 % et 1 %, il y a de la marge. Si l’on fixe le seuil à 10 %, le dispositif s’appliquera aux sociétés de 10 associés. Il y a certes des cabinets d’avocats et des études de notaires qui en comptent davantage, mais cela irait dans le bon sens. Le seuil de 1 % proposé par notre collègue n’est peut-être pas le mieux choisi, car je ne suis même pas sûr qu’il existe des cabinets libéraux comptant 100 associés. On pourrait mieux calibrer les choses, retenir un seuil compris entre 5 et 10 % : cela couvrirait 90 à 95 % des cas. Le rapporteur général m’a semblé relativement ouvert sur cette question.

M. Jean-Paul Mattei. Je retire mon amendement. Je le redéposerai peut-être en proposant un seuil à 5 ou 10 %.

L’amendement I‑CF1078 est retiré.

Amendement I‑CF230 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. De la même façon que l’on impute les déficits fonciers sur le revenu global, je propose que l’on puisse imputer les moins-values de cession de valeurs mobilières, afin de limiter le risque pris par les ménages français qui investissent dans des PME.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous rappelle que les revenus fonciers sont imposés au barème de l’impôt sur le revenu et ne relèvent pas du PFU. Il n’y a donc pas lieu d’adopter cet amendement, que nous avions d’ailleurs déjà examiné l’an dernier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF230.

Les amendements I‑CF470 et I‑CF475 de M. Jean-Paul Mattei sont retirés.

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Article additionnel après l’article 5
Produits afférents à des versements sur plans épargne retraite (PER) résultant de transferts de plans d’épargne pour la retraite collectifs (PERCO)

Amendement I‑CF1076 de M. Jean-Noël Barrot et sous-amendement I‑CF1092 de M. Alexandre Holroyd.

M. Christophe Jerretie. Cet amendement propose de rapprocher l’imposition des plus-values issues des versements volontaires non déductibles sur les plans épargne retraite (PER) collectifs de celui existant pour les plus-values des versements volontaires sur les plans d’épargne pour la retraite collectifs (PERCO). Deux ans après la promulgation de la loi PACTE, 50 % des encours des PERCO n’ont toujours pas été transférés vers les nouveaux PER collectifs.

M. Alexandre Holroyd. Mon sous-amendement vise à bien préciser le champ d’application de cette disposition : elle ne concerne que les plans d’épargne retraite collectifs qui ont fait l’objet d’un transfert depuis un PERCO.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis de sagesse, sur le sous-amendement et l’amendement.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1092 puis l’amendement I-CF1076 ainsi modifié (amendement I-1400).

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Après l’article 5

Amendement I‑CF1079 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. C’est à la fois un amendement que j’aimerais voir adopter et un amendement d’appel, qui doit nous amener à avoir une réflexion sur la fiscalité des revenus fonciers, qui est particulièrement contraignante. Ces revenus sont taxés à 17,2 % au titre des contributions sociales, à quoi s’ajoute le barème de l’impôt sur le revenu. Une personne qui se trouve dans la tranche à 14 % se trouve donc pénalisée par rapport à la flat tax. C’est pourquoi je propose que les ménages modestes qui louent un logement à un loyer abordable puissent, s’ils le souhaitent, opter pour la flat tax.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je sais que j’ai des idées un peu arrêtées sur ce sujet mais je tiens à conserver l’esprit du PFU : il a été créé pour les revenus du capital. Il va de pair avec la réforme de l’ISF et doit favoriser les investissements mobiliers. Je souhaite m’en tenir à ce cadre.

M. Charles de Courson. Nous avons ce débat depuis le début de la législature et la création de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). On nous a alors expliqué que les biens immobiliers n’étaient pas des biens productifs. En réalité, ils le sont, puisqu’ils produisent des services qu’on appelle des logements. Ils sont tout aussi productifs qu’une machine et l’amendement de notre collègue me paraît tout à fait cohérent : la distinction entre les biens patrimoniaux pseudo-productifs et ceux qui ne le seraient pas, c’est-à-dire l’immobilier, pose un vrai problème. Je soutiendrai donc cet amendement.

M. Jean-Paul Mattei. Nous avons effectivement un désaccord, monsieur le rapporteur général. Je considère que l’investissement immobilier est aussi productif que l’investissement dans les entreprises. C’est particulièrement vrai dans le contexte actuel, à une époque où il importe d’investir pour rendre les logements plus vertueux. L’investissement immobilier peut aussi contribuer à l’aménagement du territoire. Par le passé, j’ai déposé un amendement qui proposait de sortir de l’IFI tout bien loué plus d’une année, parce qu’il rentrait dans une logique économique. Je crois qu’une vraie réflexion sur la fiscalité immobilière s’impose. Le décalage est trop grand entre la fiscalité qui s’applique aux revenus des capitaux, investis dans l’entreprise, et celle qui s’applique aux revenus de l’immobilier, parfois confiscatoire : si l’on ajoute la taxe foncière et l’IFI, la taxation des revenus immobiliers est excessive par rapport à la flat tax.

La commission rejette l’amendement I‑CF1079.

Amendement I‑CF232 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Je propose d’étendre l’application du régime des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) aux PME technologiques qui franchissent temporairement certains seuils.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce sera un avis défavorable, pour les mêmes raisons que lors du précédent projet de loi de finances.

La commission rejette l’amendement I‑CF232.

Amendement I‑CF101 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement, que j’avais également défendu l’année dernière, propose de revenir à l’exit tax, telle qu’elle avait été conçue à l’origine, afin de taxer les plus-values latentes. En la modifiant, c’est un cadeau de plusieurs centaines de millions d’euros que vous avez fait à quelques centaines de contribuables. Il faut restaurer l’exit tax pour lutter contre une certaine forme d’évasion fiscale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je sais, M. Brun, que vous êtes très soucieux de l’attractivité de notre pays. Or vous savez à quel point il importe, au lendemain de la crise, d’avoir des conditions fiscales et réglementaires non seulement attractives, mais surtout stables et cohérentes, durables et claires. C’est ce que demandent la plupart des contribuables. Ne revenons pas sur ces réformes qui ont porté leurs fruits.

La commission rejette l’amendement I‑CF101.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I‑CF397 de M. Mohamed Laqhila.

Amendement I‑CF1037 de Mme Sophie Mette.

Mme Sophie Mette. Cet amendement a pour objet de transposer au classement des objets mobiliers la fiscalité des acquisitions d’œuvres d’art par les musées.

Les demeures ouvertes au public sont en effet souvent de véritables musées privés, situés dans des territoires ruraux dont l’attractivité doit être maintenue. Il s’agit de permettre aux objets mobiliers de s’y fixer, en évitant les ventes les plus préjudiciables.

Il est légitime de considérer le consentement à un classement mobilier comme un « don de servitude », puisque le propriétaire accepte d’être privé de la valeur internationale de son bien ou même de priver celui-ci de toute mobilité. Il est ainsi logique que cette moins-value fasse l’objet d’une réduction d’impôts de 66 % au même titre que la valeur d’une œuvre donnée à un musée.

Il est également équitable de permettre à un propriétaire de régler ses droits de succession, de donation ou de partage par l’abandon de telles servitudes à l’État. Il est aussi souhaitable de permettre à une entreprise de financer une indemnité de classement par l’extension des dispositions fiscales relatives à l’acquisition des trésors nationaux.

En cas de classement simple ou comme ensemble historique mobilier, le bénéfice d’un avantage fiscal, s’inscrivant par hypothèse dans le cadre d’une servitude consentie, ne peut naturellement être cumulé avec l’indemnisation prévue par l’article L. 622-4 du code du patrimoine et réservée aux classements faits d’office. En outre, lorsqu’une servitude de maintien in situ est mise en place, l’usage, au moment du classement, des dispositions des articles 200, 238 bis ou 1716 bis du code général des impôts ne peut évidemment être cumulé avec l’indemnisation prévue à l’article L. 622-1-2 du code du patrimoine.

Le présent amendement s’applique aux classements intervenus postérieurement à sa promulgation. Les œuvres bénéficiant de ces mécanismes fiscaux sont assorties de garanties d’exposition au public introduites dans le code du patrimoine par un amendement lié.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général.  Je ne suis pas certain que votre proposition soit le meilleur moyen de favoriser l’investissement dans notre patrimoine, pour lequel nous faisons déjà beaucoup.

À la réduction fiscale pour les dons, que vous avez évoquée, s’ajoutent les actions menées par la Fondation du patrimoine et le Loto du patrimoine, ainsi que les crédits du programme 175 Patrimoines, que nous voterons dans la seconde partie du PLF. Enfin, dans le cadre du plan de relance, sur une enveloppe de 600 millions d’euros, 40 millions seront consacrés aux subventions aux monuments historiques qui n’appartiennent pas à l’État, et les propriétaires privés y sont éligibles.

Objectivement, je pense que l’on a rarement fait autant pour le patrimoine et les monuments historiques qu’au cours de cette législature. Mais il faut aussi conserver une fiscalité favorable aux acquisitions d’œuvres d’art par les musées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF1037.

Amendements I‑CF121 de M. Fabrice Brun, I‑CF1029 de Mme Véronique Louwagie, amendements identiques I‑CF122 de M. Fabrice Brun et I‑CF520 de M. Charles de Couson, amendement I‑CF430 de M. Michel Zumkeller (discussion commune).

M. Fabrice Brun. Il s’agit d’alléger la fiscalité qui pèse sur les donations et de mettre fin à la double peine fiscale qui caractérise les droits de succession dans notre pays. Des dispositions qui se sont appliquées jusqu’en 2012 ont bien fonctionné et nous proposons d’y revenir en permettant aux parents de transmettre à leurs enfants par donation, sans frais, 160 000 euros tous les dix ans, au lieu de 100 000 euros tous les quinze ans, comme le prévoit le régime actuel.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF1029 du groupe Les Républicains s’appuie sur quatre constats. Premièrement, l’âge moyen auquel on hérite ne cesse de reculer : il dépasse déjà 50 ans et atteindra 58 ans en 2050. Deuxièmement, afin de ne pas décourager le travail et l’épargne, la taxation du patrimoine par donation ne doit intervenir qu’au-delà d’un seuil raisonnable. Troisièmement, un bon équilibre avait été trouvé dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) et sa remise en cause, en 2012, avait produit une déflagration. Enfin, des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis ont des régimes de donation nettement plus favorables que la France. Nous faisons désormais partie d’un groupe très restreint qui comprend aussi la Corée, la Belgique et le Japon, où les impôts sur les successions et les donations représentent plus de 1 % des recettes fiscales.

Nous proposons donc de réviser le dispositif actuel et de faire passer la fréquence des dons de quinze à dix ans. Cela permettrait aux parents et aux grands-parents de donner 100 000 euros à leurs enfants et petits-enfants beaucoup plus souvent. Ce serait également une incitation fiscale bienvenue, à un moment où les Français ont un surplus d’épargne qui s’élève à 200 milliards d’euros. Cette disposition permettrait de réinvestir une partie de cette épargne dans l’économie, puisque les enfants et les petits-enfants consomment davantage. C’est une mesure de baisse d’impôt mais il faut rappeler que nous sommes des champions en matière de taux de prélèvements obligatoires, puisque nous avons le taux le plus élevé de l’Union européenne.

M. Charles de Courson. Je propose de réduire les délais du mécanisme de rappel fiscal, tel que prévu par l’article 784 du code général des impôts.

Ce mécanisme impose à tous les contribuables d’indiquer, dans les actes de donation entre vifs et dans toute déclaration de succession, l’existence de donations antérieures. Actuellement, le calcul des droits de mutation à titre gratuit se fait en prenant en compte ces donations, à l’exception de celles réalisées il y a plus de quinze ans.

Ce délai a été modifié à plusieurs reprises : réduit à six ans dans la loi de finances pour 2006, il a été rehaussé à dix ans en loi de finances rectificative pour 2011 puis à quinze ans en loi de finances rectificative pour 2012.

Cet amendement propose de revenir à un délai réduit à dix ans, afin d’encourager les donations entre vifs dans le cadre de la sortie de crise et de la reprise.

M. Michel Zumkeller. Dans la même logique que notre collègue Charles de Courson, nous proposons de ramener le délai à huit ans. Une telle disposition permettrait aux donations les plus petites de se faire de façon plus raisonnable et d’être moins taxées.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, qui ont tous un coût important. Je rappelle que la loi TEPA, qui permettait des dons de 150 000 euros, a coûté un milliard d’euros. Il faut toujours avoir à l’esprit ce qu’une telle mesure représente pour les finances publiques. Au-delà, j’ai toujours considéré que la question des transmissions familiales, qu’il s’agisse de donations ou de successions, devait faire l’objet d’un débat plus sociétal que fiscal, la fiscalité n’étant que la résultante de choix politiques assumés. Il m’a toujours paru un peu étrange de traiter ces questions dans le cadre d’un PLF, en faisant l’économie d’un grand débat démocratique, car c’est vraiment une question très structurante. Je ne doute pas que nous aurons, au cours des prochains mois, un grand débat sur la question de la transmission.

M. le président Éric Woerth. Il faut se méfier des grands débats, monsieur le rapporteur général, car ils ont rarement lieu. Renvoyer à un grand débat est aussi une façon de reporter la discussion. L’élection présidentielle est parfois l’occasion de débattre : ce fut le cas en 2007, avant l’adoption de la loi TEPA. Il est vrai que la succession est une question plus large que celle des droits de succession, mais nos collègues proposent des mesures concrètes qui permettraient d’accélérer la transmission des patrimoines, laquelle génère aussi de la fiscalité, puisque les jeunes qui reçoivent ces sommes les dépensent.

M. Fabrice Brun. Le président a raison : vous ne considérez que le coût de la mesure, sans prendre en compte les recettes. Or elle produit de la fiscalité. L’épargne des Français n’a jamais été aussi importante, elle a crû de 200 milliards d’euros pendant la pandémie et il importe de faire circuler cet argent pour alimenter l’économie. Il ne faut pas le laisser dormir. Or les mesures que nous proposons permettront d’en réinjecter une partie dans l’économie française, en favorisant l’activité, les achats, les investissements, et donc la fiscalité. Je vous invite, monsieur le rapporteur général, à prendre également en compte les bénéfices de l’opération.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, à chaque fois que nous avons proposé des mesures relatives aux successions depuis le début de cette législature, la majorité nous a répondu qu’un grand débat aurait lieu plus tard sur cette question. Or nous arrivons à la fin du quinquennat et je constate qu’aucun débat n’a été lancé.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, nos amendements portent sur différents critères : la durée, le montant et le délai de rappel. Vous pourriez au moins lâcher sur le délai de rappel et le ramener à huit ou dix ans, comme nous le proposons. Ce serait un petit amendement… Les autres questions, nous les verrons en séance.

La commission rejette successivement les amendements I‑CF121 et I‑CF1029, les amendements identiques I‑CF122 et I‑CF520 et l’amendement I‑CF430.

Amendement I‑CF473 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Je propose d’optimiser le pacte Dutreil, qui prévoit un abattement de 75 % sur la valeur des biens transmis lors de la transmission d’une entreprise, à condition que l’héritier s’engage à conserver les parts ou actions pendant six ans, ou quatre ans sous le régime de l’engagement collectif réputé acquis.

Je propose de porter l’abattement à 90 %, à condition de garder les titres pendant huit ans. Cela permettrait que l’entreprise reste plus longtemps dans les mains de ceux qui en ont hérité ou qui sont donataires. Je rappelle que les donations peuvent aussi concerner les salariés et qu’elles ne se limitent pas au cadre familial. Cette obligation pour les donataires de conserver les titres pendant huit ans serait une bonne chose pour les entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il me semble important de garantir la stabilité des critères en matière fiscale, qu’il s’agisse de la durée aussi bien que des taux d’exonération. Je comprends très bien votre objectif, mais je pense que le taux actuel de 75 % est bon, parce qu’il est connu. D’ailleurs, il n’a pas été modifié depuis une quinzaine d’années. La durée de détention des titres pourrait peut-être être un peu allongée, mais je la trouve globalement bonne. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, vous venez de dire une chose pleine de bon sens. J’ai toujours trouvé que cette durée de quatre ans était extrêmement courte. On nous a objecté, lorsque nous avons débattu de ces questions, que les fonds de commerce peuvent tomber rapidement. C’est vrai, mais le pacte Dutreil ne concerne pas que les fonds de commerce. Dans l’industrie, les cessions sont beaucoup plus lentes, et je ne parle pas de l’agriculture : dans ce secteur, quatre ans, ce n’est rien. J’ai cru comprendre que vous seriez prêt à allonger le délai de détention, puisque vous avez reconnu que cette durée était trop courte. On pourrait aussi imaginer un système optionnel : un taux à 75 % pour quatre ans qui passerait à 80 ou 85 % pour une durée de huit ans.

La commission rejette l’amendement I‑CF473.

Amendement I‑CF1077 de M. Patrick Mignola.

M. Christophe Jerretie. Cet amendement du groupe Dem vise également à lever une limitation du pacte Dutreil en autorisant la triple interposition dans la mise en place comme dans le maintien en cas d’apport par une holding personnelle du pacte Dutreil. Cette disposition encouragera l’actionnariat salarié, que nous soutenons depuis le début de cette législature, et permettra de régler les problèmes qui se posent lors du transfert de certaines entreprises de taille intermédiaires (ETI) ou de PME dans des holdings familiales.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I‑CF1077.

Amendement I‑CF662 de M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Cet amendement concerne également l’actionnariat salarié, dont il est souvent question et qu’il faut encourager. Nous proposons la création d’un dispositif d’exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les entreprises qui s’engagent en faveur de l’actionnariat salarié. Cette disposition favorisera le partage de la valeur et la souveraineté économique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable aux amendements qui lient la question de l’actionnariat salarié à celle du pacte Dutreil. Pour moi, c’est vraiment une fausse bonne idée. Il faut encourager l’actionnariat salarié, nous sommes d’accord là-dessus, mais l’actionnariat salarié concerne tout le monde, alors que le pacte Dutreil ne concerne que le cas particulier des transmissions d’entreprise. Je crois qu’on aurait tort de lier les deux sujets. Il faut inciter au développement de l’actionnariat salarié, d’une part, et garantir des conditions fiscales favorables à la transmission d’entreprise, d’autre part. Les outils favorisant l’actionnariat salarié doivent être universels, or toutes les entreprises n’entrent pas dans le cadre du pacte Dutreil : certaines sont rachetées, d’autres fusionnent…

M. Michel Zumkeller. Vous dites qu’il faut favoriser l’actionnariat salarié mais si vous refusez toutes nos propositions, nous n’arriverons à rien. Ce que nous proposons n’est peut-être pas la solution idéale, mais c’est une manière de favoriser l’actionnariat salarié. Si vous avez d’autres idées, donnez-les-nous !

M. Jean-Paul Mattei. Vous avez dit, monsieur le rapporteur général, que le régime du pacte Dutreil n’avait pas bougé depuis des années : il a quand même été modifié au moment de la loi PACTE. L’interposition de holdings avec des salariés pose des problèmes d’interprétation et d’application du pacte Dutreil. Je comprends qu’il soit difficile de faire bouger les choses dans le cadre de ce PLF mais il me semble important que nous ayons une réflexion globale sur ces questions. Nous l’aurons peut-être lorsque nous débattrons du projet de loi sur l’activité des indépendants, même si ce n’est pas exactement le même sujet. En tout cas, il faut absolument améliorer ce régime. Certaines pratiques peuvent être choquantes : je pense à des personnes qui gardent des titres et qui les revendent au bout de quatre ans pour profiter d’un effet d’aubaine. Il faut réfléchir à la fois à la participation et à la durée de détention pour favoriser une inscription de l’entreprise dans la durée. C’est un gage de sécurité pour les partenaires et les salariés.

La commission rejette l’amendement I‑CF662.

Amendement I‑CF124 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il s’agit de faciliter les donations des grands-parents à leurs petits-enfants. Il est fréquent que les grands-parents hésitent à transmettre de leur vivant, par crainte de ne pouvoir assumer les dépenses liées au grand âge.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez un nouvel abattement spécifique de 31 865 euros sur les droits de succession pour les legs des grands-parents à leurs petits-enfants. Je rappelle que les grands-parents peuvent déjà consentir, en franchise d’impôt, des donations à hauteur de ce même montant, et ces donations sont renouvelables tous les quinze ans. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I‑CF124.

Amendements identiques I‑CF112 de Mme Lise Magnier, I‑CF123 de Mme Véronique Louwagie et I‑CF416 de M. Michel Zumkeller, amendements identiques I‑CF116 de Mme Lise Magnier, I‑CF138 de M. Fabrice Brun, I‑CF541 de M. Charles de Courson, I‑CF850 de Mme Marie-Christine Dalloz et I‑CF1038 de Mme Sophie Mette, amendement I‑CF545 de M. Charles de Courson (discussion commune).

Mme Lise Magnier. Je propose de prolonger le dispositif visant à accompagner la trésorerie de nos petites et moyennes entreprises, qui a été introduit dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative de 2020 et qui s’est éteint le 30 juin 2021. Si la crise sanitaire est terminée, ses effets, eux, se poursuivent, avec la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières. Les pénuries auxquelles nos entreprises doivent faire face mettent vraiment à mal leur trésorerie.

M. le président Éric Woerth. Je ne suis pas sûr que ce dispositif ait très bien marché : le rapporteur général nous le dira.

M. Charles de Courson. Mon amendement I‑CF541 reprend l’une des trois propositions qui ont été faites précédemment : il s’agit de porter le plafond de la donation de 100 000 à 150 000 euros. C’est une façon de tenir compte de l’inflation, puisque le seuil de 100 000  euros a été fixé il y a longtemps.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je propose également de porter ce plafond de 100 000 à 150 000 euros. Pour un jeune couple qui cherche à faire l’acquisition d’une résidence principale, cela peut constituer un apport important. Comme le rappelait notre collègue Fabrice Brun, il ne faut pas prendre en compte seulement le coût que cela peut représenter : c’est aussi une manière d’investir dans l’économie.

M. Charles de Courson. L’amendement I‑CF545 est une variante de celui que je viens de défendre : au lieu de remonter le seuil de 100 000 à 150 000, je propose de le porter à 122 600 euros, ce qui correspond à une prise en compte exacte de l’inflation depuis 2005.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce débat est intéressant, car il illustre parfaitement ce que je disais tout à l’heure, à savoir que le débat sur les transmissions est plus sociétal que fiscal.

Même s’il faut attendre les chiffres définitifs, je suis à peu près certain que peu de Français se sont saisis de la disposition qui a été introduite dans le troisième projet de loi de finances rectificative de 2020 – je rappelle que je n’y étais pas favorable. Pour qu’une telle disposition fonctionne et qu’une dynamique puissante s’enclenche, il faut qu’elle s’inscrive dans un projet politique et qu’on en explique la finalité.

Je n’ai jamais caché que j’étais plus favorable aux donations qu’aux successions ; je dis juste qu’il faut avoir un débat de fond. Si nous devions prolonger la mesure introduite pendant la crise, au-delà du fait que j’y suis opposé sur le fond, je pense qu’elle resterait inefficiente. Par ailleurs, la somme de 200 000 euros, proposée par certains d’entre vous, me paraît vraiment trop élevée.

La commission rejette successivement les amendements identiques I‑CF112, I‑CF123 et I‑CF416, les amendements identiques I‑CF116, I‑CF138, I‑CF541, I‑CF850 et I‑CF1038 ainsi que l’amendement I‑CF545.

Amendements identiques I‑CF117 de Mme Lise Magnier, I‑CF548 de M. Charles de Courson, I‑CF851 de Mme Marie-Christine Dalloz, et I‑CF1039 de Mme Sophie Mette, amendement I‑CF555 de M. Charles de Courson (discussion commune).

M. Charles de Courson. Mon amendement I‑CF548 vise à encourager les transmissions entre vifs, en évitant les difficultés de successions non anticipées. Il est proposé de porter l’abattement de 100 000 à 150 000 euros pour les donations effectuées par des donateurs âgés de moins de 80 ans. C’est un amendement qui doit encourager les grands-parents à donner de l’argent à leurs enfants et à leurs petits-enfants. Cela ne sert à rien, à 80 ans, de garder une partie de son patrimoine.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous proposons de porter l’abattement de 100 000 à 150 000 euros, mais avec une condition d’âge, puisque cela ne concernerait que les donateurs âgés de moins de 80 ans. Il ne s’agit pas vraiment d’une mesure successorale, mais d’une mesure qui anticiperait les transmissions. Le coût de cet amendement serait moins important qu’un amendement plus général s’appliquant aussi aux personnes de plus de 80 ans. Pour l’économie, il est fondamental de faire circuler l’argent.

M. Charles de Courson. L’idée de l’amendement I‑CF555 est d’introduire un abattement supplémentaire de 22 600 euros sur la part de chacun des enfants lorsque le donateur est âgé de moins de 80 ans au jour de la transmission. Dans notre droit, les droits de mutation augmentent avec l’âge. Nous proposons d’introduire une petite tranche supplémentaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour les personnes de moins de 80 ans, il y a déjà l’abattement de 100 000 euros en ligne directe et l’exonération de 31 865 euros pour les dons en espèces dans un cadre familial. On arrive donc déjà à un total de 131 865 euros. Je ne suis pas sûr qu’il faille ajouter un autre abattement. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques I‑CF117, I‑CF548, I‑CF851 et I‑CF1039 et l’amendement I‑CF555.

Amendement I‑CF393 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Nous proposons de faire évoluer le régime dit Sérot-Monichon afin de favoriser l’engagement des propriétaires forestiers dans une sylviculture plus écologique. Actuellement, le régime Sérot-Monichon prévoit, dans le cadre des successions ou donations de bois, forêts ou parts de groupements forestiers, une exonération de 75 % des droits de mutation, lorsque le bénéficiaire présente une garantie de gestion durable.

Cette gestion forestière durable est attestée par un simple document de gestion forestière peu contraignant. Il ne permet qu’une prise en compte a minima des enjeux liés à la biodiversité et au climat. Pour favoriser une activité sylvicole plus proche des cycles naturels, nous proposons, premièrement, de baisser l’actuelle exonération à 50 % et, deuxièmement, d’ajouter une exonération à 75 % pour le bénéficiaire qui prend l’engagement, pour lui et ses ayants cause, sur les terrains concernés, de mettre en œuvre une gestion sylvicole contribuant à augmenter le puits de carbone, en particulier dans les sols forestiers, et à améliorer l’état de conservation de l’habitat forestier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends très bien la philosophie de votre amendement. Je pense toutefois que ce n’est pas le code général des impôts qu’il faut modifier, mais le code forestier, si nous voulons définir de nouveaux critères de gestion durable, ce qui est une bonne idée. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à proposer, dans un autre amendement, des modifications du code forestier.

M. Charles de Courson. Le dispositif dit Sérot-Monichon est conditionné à un plan simple de gestion, qui inclut déjà des contraintes importantes – programmation, prise en compte de la nature des sols, etc. Si on le durcit davantage, le résultat, c’est que plus personne ne voudra détenir de forêts.

La commission rejette l’amendement I‑CF393.

Amendements identiques I‑CF120 de Mme Lise Magnier, I‑CF544 de M. Charles de Courson, I‑CF852 de Mme Marie-Christine Dalloz et I‑CF1041 de Mme Sophie Mette.

M. Charles de Courson. La question est toute simple : veut-on, oui ou non, maintenir le caractère familial des exploitations agricoles et viticoles ? Actuellement, les exploitants qui ont plusieurs enfants ont un très gros problème de transmission, puisqu’en général un seul d’entre eux reprend l’exploitation. L’idée est de favoriser le maintien de l’unité de l’exploitation.

Les biens loués par bail à long terme bénéficient d’une exonération partielle sous condition de conserver les biens reçus pendant au moins cinq ans.

Les entreprises bénéficient d’une exonération de 75 % sous condition de conserver les biens professionnels ou les titres de la société pendant au moins quatre ans, en vertu du pacte Dutreil, dont nous avons déjà discuté.

Il s’agit de prévoir un engagement de conservation beaucoup plus long – au moins dix-huit ans – constituant une garantie pérenne de stabilité pour les exploitations familiales, en contrepartie d’une exonération totale de droits de mutation à titre gratuit.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous proposez une exonération totale, à condition que les biens soient conservés pendant dix-huit ans. Si je comprends bien, vous reprenez un peu le modèle du bail à long terme rural, qui sécurise l’exploitation. Cependant, en dehors de ce cadre, l’exonération totale pose question. Avis défavorable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Franchement, quel sens y aurait-il à conserver une exploitation pendant dix-huit sans l’exploiter ? Vu le nombre d’exploitations viticoles ou agricoles françaises qui passent actuellement dans des fonds étrangers, il faut absolument trouver des solutions pour favoriser les transmissions directes, si nous ne voulons pas voir le patrimoine français détenu par des capitaux exclusivement étrangers.

M. Jean-Paul Mattei. Il est vrai que la fiscalité sur les propriétés agricoles est défavorable. On évoquait le pacte Dutreil. Je rappelle qu’en matière de bail à long terme, on a certes relevé le seuil à 300 000 euros, mais que l’on n’a une exonération que de moitié. Mme Dalloz a parfaitement raison : on apporte les terres à des sociétés de capitaux qui, elles, vont bénéficier d’un autre régime. Et là, on ouvre la porte au rachat de nos terres par des capitaux étrangers. Il faut vraiment réfléchir à cette question car nous allons favoriser des montages qui sont à haut risque pour le maintien de notre patrimoine.

M. Charles de Courson. Pour vous répondre, monsieur le rapporteur général, l’exploitant bénéficie d’un bail de dix-huit ans, qui assure sa stabilité, et le propriétaire s’engage, quant à lui, à garder le bien pendant dix-huit ans, en contrepartie de l’exonération. Le risque, sinon, c’est qu’en cas de succession, les héritiers mettent le terrain en vente, ne serait-ce que pour payer les droits de mutation. Le malheureux fermier se trouve alors contraint, soit de racheter les terres, en s’endettant pendant trente ans, soit de partir.

L’amendement I-CF120 est retiré.

La commission rejette les autres amendements identiques I‑CF120, I‑CF544, I‑CF852 et I‑CF1041.

Amendement I-CF119 de Mme Lise Magnier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il nous est proposé d’appliquer l’exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) aux biens ruraux donnés à bail jusqu’à 600 000 euros, en contrepartie d’un engagement de détention de dix ans. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF119.

Amendements I-CF673 de Mme Sabine Rubin, I-CF652, I-CF1063 et I-CF653 de M. Matthieu Orphelin et I-CF205 de M. Alain Bruneel (discussion commune).

Mme Sabine Rubin. Il s’agit de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont la suppression n’a aucun impact sur l’investissement, selon France Stratégie, ni sur le retour des exilés fiscaux, selon l’Institut des politiques publiques. En revanche, elle a contribué à l’enrichissement de quelques-uns : les 5 % des contribuables les plus riches y gagnent 6 500 euros par an, les 0,1 % les plus nantis 86 290 euros par an et les 100 premiers contribuables plus d’un million par an. Nous souhaitons, en outre, renforcer la progressivité de cet impôt, afin qu’il soit plus juste et plus rentable.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement I-CF652 a pour objet de créer un ISF climatique. Sa base serait identique à celle de l’ancien impôt sur la fortune, mais en seraient totalement exonérés les biens financiers qui présentent un avantage écologique ou social, c’est-à-dire les placements labellisés Greenfin ou équivalent, investissements socialement responsables (ISR) ou équivalent, ainsi que les parts d’entreprises de l’économie sociale et solidaire. Nous proposons également d’appliquer, dans un second temps, un malus sur les biens financiers extrêmement nocifs pour l’environnement, notamment ceux qui sont liés aux énergies fossiles.

L’amendement I-CF1063 diffère du précédent en ce qu’il vise à exonérer, en outre, les placements financiers réalisés dans des activités jugées écologiquement ou socialement bénéfiques pour la société selon des critères fixés par la loi française ou la taxonomie européenne.

Enfin, le I-CF653 a le même objet, mais il est moins élaboré que les deux précédents.

M. Alain Bruneel. L’amendement, qui a pour objet de rétablir une imposition sur le patrimoine, reprend les dispositions de l’ISF tel qu’il existait en 2017, en intégrant toutefois dans son assiette les patrimoines dits professionnels après abattement.

La suppression de l’ISF a réduit les recettes fiscales de 2 à 4 milliards d’euros, sans la moindre efficacité puisque des études indépendantes, notamment celle de France Stratégie, ont mis en évidence l’absence d’effet sur l’investissement. Dans le même temps, la France compte toujours plus de millionnaires et de milliardaires et le patrimoine est de plus en plus concentré dans les mains des très riches. Face à cette situation, il est temps de passer aux actes et de revenir sur la suppression de l’ISF.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable au rétablissement de l’ISF tel qu’il existait avant 2018.

Comment peut-on affirmer que les réformes fiscales du début du quinquennat n’ont pas influé sur la situation de l’investissement dans notre pays ? Dans son rapport, France Stratégie indique qu’on ne peut pas établir un lien direct entre une baisse de la fiscalité et une hausse de l’investissement. De fait, on ignore si c’est la baisse du taux de tel prélèvement obligatoire auquel est assujettie telle personne qui est à l’origine de l’investissement dans tel type de PME ou tel fonds d’investissement. C’est normal : en l’absence de fléchage, il n’y a pas de traçabilité. La seule question qui doit nous intéresser en tant que décideurs politiques, c’est celle de savoir si le caractère plus attractif de la fiscalité porte ses fruits en matière d’investissement privé. La réponse est oui : les investissements sont plus importants aujourd’hui qu’au début du quinquennat et ils ont retrouvé, au premier trimestre de cette année, le niveau qu’ils avaient atteint avant la crise.

Votre argument tiré du rapport de France Stratégie ne tient donc pas : il n’est pas nécessaire, pour juger que le climat de confiance est favorable à l’investissement, de connaître l’utilisation qui a été faite de chaque euro issu de la baisse de la pression fiscale.

Par ailleurs, je me réjouis que, pour Matthieu Orphelin, investissement en capital et transition écologique puissent aller de pair. Mais il n’est pas besoin de rétablir l’impôt sur les grandes fortunes et de flécher la fiscalité pour favoriser ce type d’investissements, comme en témoignent les nombreux placements réalisés dans les fonds labellisés (ISR) ou respectant des objectifs « environnement, social et gouvernance » (ESG).

Avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Je respecte l’argument du rapporteur général selon lequel le marché peut évoluer seul, mais je ne le partage pas. Je crois, pour ma part, qu’il faut accentuer l’évolution actuelle en incitant la finance à se mettre au service de la transition écologique et sociale. Tel est l’objet de mes amendements.

Mme Sabine Rubin. Monsieur le rapporteur général, si, comme vous le dites, il est difficile, dès lors que les réductions d’impôt ne sont pas fléchées, d’établir un lien direct entre la politique fiscale et les investissements, comment pouvez-vous affirmer que celle-ci a favorisé les investissements ? Je ne comprends pas votre logique. En tout état de cause, un impôt sur la fortune progressif permettrait de récupérer 10 milliards d’euros, ce qui n’est pas neutre lorsqu’on souhaite maîtriser les finances publiques.

M. Alain Bruneel. On peut contester le rapport de France Stratégie ; cela fait partie du débat. Quoi qu’il en soit, si nous proposons le rétablissement de l’ISF, c’est parce que les milliardaires sont de plus en plus nombreux et que leur contribution au plan de relance, par exemple, serait un juste retour après les aides accordées par l’État aux entreprises pendant la pandémie, laquelle ne les a pas empêchées de verser des dividendes.

La commission rejette successivement les amendements I-CF673, I-CF652, I-CF1063, I-CF653 et I-CF205.

Amendement I-CF243 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Depuis le 1er janvier 2018, les personnes possédant un patrimoine immobilier sont fortement taxées, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) s’ajoutant aux taxes sur les revenus fonciers et aux impôts locaux. Qui plus est, cet impôt fait figure d’exception en Europe. C’est pourquoi nous vous proposons de le supprimer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Voilà l’amendement provenant de l’autre rive : après le rétablissement de l’ISF, on nous propose la suppression de l’IFI. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Le fait de couper la poire en deux peut parfois ressembler au jugement de Salomon : ce n’est pas forcément la meilleure solution. La volonté de rétablir l’ISF, que je ne partage pas, obéit à une logique, de même que l’amendement de Mme Louwagie. S’il est plus productif de taxer les revenus plutôt que le patrimoine, pourquoi maintenir la taxation d’une partie de celui-ci ? Pourquoi distinguer le mobilier de l’immobilier ? J’ai toujours considéré que l’ISF était un impôt mal conçu, dont la collecte coûtait cher, mais l’IFI incite ceux qui ont des moyens à investir dans le mobilier plutôt que dans l’immobilier. Je ne suis pas certain que ce soit la solution, d’autant que la spéculation actuelle pourrait conduire à une modification de la physionomie de cet impôt. Pourquoi ne pas aller au bout de la logique ?

La commission rejette l’amendement I-CF243.

Amendement I-CF1050 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Nous nous situons quant à nous entre les deux rives, puisque nous ne proposons ni la suppression de l’IFI ni le rétablissement de l’ISF, mais la réintégration – dans l’assiette de l’impôt sur le patrimoine qu’est l’IFI – des biens non productifs, notamment les liquidités non nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle et les contrats d’assurance vie non investis en unités de compte.

Il s’agit de revenir à la pure doctrine macroniste, qui visait à exonérer de l’impôt sur le patrimoine les seuls biens productifs, à savoir les titres et les actions. De fait, l’IFI est allé trop loin puisque des comptes bancaires qui ne servent pas à l’investissement productif échappent à cette taxation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je reconnais que, par cet amendement, Mme Cariou recherche une cohérence ultime en proposant de taxer tout ce qui relève de la rente. Mais son amendement soulève deux difficultés. Premièrement, il ne serait pas aisé de distinguer le monétaire des unités de compte dans la déclaration de l’impôt. Deuxièmement, nous avons tout de même besoin que les épargnants investissent dans les obligations d’État, d’autant plus que notre dette augmente.

M. Charles de Courson. L’amendement est très intéressant. En effet, l’objectif de l’IFI, qui était de taxer les rentes, n’est absolument pas respecté. Ainsi, les obligations d’État ne sont pas incluses dans l’assiette de cet impôt. Par ailleurs, on ne peut pas affirmer que les propriétaires immobiliers sont des rentiers : non seulement ils sont confrontés à de nombreuses incertitudes – paiement des loyers, travaux… – mais, sans le parc locatif privé, les problèmes de logement seraient insolubles. Je ne voterai pas l’amendement, mais il a le mérite de souligner l’incohérence de l’IFI.

La commission rejette l’amendement I-CF1050.

Amendements I-CF1035 de Mme Sophie Mette, I-CF76 et I-CF77 de M. Marc Le Fur (discussion commune).

Mme Sophie Mette. Il s’agit d’encourager l’ouverture au public des monuments historiques privés. Celle-ci contribue en effet à stimuler l’économie locale – transports, gîtes, chambres d’hôte, salons de thé, restaurants… – et à créer des emplois directs de guide, de gardien ou de jardinier. Nous proposons donc d’exonérer, même temporairement – durant deux ans, par exemple –, de l’IFI les monuments historiques ouverts au public, afin de redynamiser le patrimoine, notamment local. Une telle mesure s’inscrit dans la logique d’exonération productive de l’impôt sur la fortune immobilière.

M. Marc Le Fur. Il s’agit de valoriser le patrimoine et de soutenir les propriétaires qui investissent pour le préserver, en exonérant de l’IFI le patrimoine privé ouvert au public, pourvu que cette ouverture fasse l’objet d’un accord avec la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et qu’il s’agisse de monuments historiques, classés ou inscrits.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’ouverture au public d’un monument historique permet déjà de bénéficier, dans le cadre de l’impôt sur le revenu (IR), d’un avantage fiscal pour charges foncières. Je ne suis pas certain qu’il faille étendre cette niche à l’IFI. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Les deux impôts ont une logique différente : l’IR taxe un revenu, l’IFI taxe un patrimoine – en l’espèce des monuments historiques, difficiles à gérer.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, les propriétaires qui ouvrent leurs bâtiments au public sont tout sauf des rentiers ! Il serait logique qu’en application de votre théorie de la rente, vous excluiez de l’IFI les bâtiments classés ouverts au public. L’avantage fiscal que vous évoquez est la déductibilité des travaux, qui sont, à la différence du reste du foncier, imputables sur les autres revenus.

M. Marc Le Fur. J’ajoute que ce patrimoine ne rapporte pas, il coûte. M. Bern a fait des propositions en la matière. Il faut démontrer notre intérêt pour ce patrimoine historique et, surtout, pour ceux qui font l’effort, non seulement de le préserver, mais aussi de l’ouvrir au grand public, donc de le valoriser.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1035, I-CF76 et I-CF77.

Amendement I-CF702 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement vise à supprimer l’impôt sur l’impôt qui s’applique à la fortune immobilière. Le patrimoine immobilier est en effet soumis à d’autres taxes, notamment la taxe d’habitation, qui n’est pas supprimée pour les résidences secondaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le contribuable peut déjà déduire de la valeur des biens imposés à l’IFI les dettes afférentes aux impositions autres que celles incombant à l’occupant, c’est-à-dire foncières. Mais il est vrai que ce n’est pas le cas de la taxe d’habitation, qui est maintenue pour les résidences secondaires.

On ne peut pas parler d’impôt sur l’impôt. On pourrait en revanche éventuellement parler, si l’on adoptait votre amendement, de déduction sur déduction puisqu’il permettrait de déduire la taxe d’habitation en plus de la taxe foncière. Cela dit, se posera certainement, à terme, la question du maintien de la taxe d’habitation sur les seules résidences secondaires, notamment de son lien avec les collectivités territoriales.

M. le président Éric Woerth. Je déposerai du reste en vue de la séance publique un amendement visant à étatiser la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, puisque telle est la logique choisie par le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement I-CF702.

Amendements I-CF659 de M. Matthieu Orphelin, I-CF396 de Mme Chantal Jourdan et I-CF941 de M. Matthieu Orphelin (discussion commune).

M. Matthieu Orphelin. Ces amendements visent à moderniser le régime d’exonération de l’IFI pour les propriétés de bois et forêts dans l’optique de soutenir une sylviculture la plus durable possible. Actuellement, cette exonération est de 75 %. Nous proposons de l’abaisser à 50 % lorsque les bénéficiaires disposent d’un simple document de gestion forestière qui ne prend en compte qu’a minima les enjeux liés à la biodiversité et au climat, de la maintenir à son niveau actuel lorsque les bénéficiaires respectent les écoconditions relatives à la biodiversité et à la conservation des puits de carbone – en insistant sur le rôle des sols forestiers, dont la préservation est désormais reconnue d’intérêt général à la suite de l’adoption de la loi dite climat et résilience – et de la porter à 100 % pour les surfaces en libre évolution.

L’amendement I-CF941, qui est de repli, a donné lieu devant la commission du développement durable à des échanges constructifs avec le rapporteur pour avis de la commission, M. Zulesi. Il diffère du précédent en ce qu’il ne prévoit pas d’exonération totale de l’IFI pour les surfaces en libre évolution.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous ferai la même réponse que sur un amendement précédent. Si l’on veut introduire des critères de gestion durable, ce que je peux comprendre, mieux vaut modifier le code forestier plutôt que le code général des impôts.

La commission rejette successivement les amendements I-CF659, I-CF396 et I-CF941.

Amendement I-CF244 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement a trait aux terres agricoles louées par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial, qui bénéficient d’une exonération de l’IFI à hauteur de 75 % jusqu’à 101 897 euros et de 50 % au-delà. Ce seuil ayant été fixé il y a un certain temps et paraissant très faible au regard de l’évolution du prix des terres agricoles, je vous propose de le porter à 300 000 euros. Il s’agit d’inciter les propriétaires à louer par bail à long terme pour renforcer la sécurité des exploitants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En somme, vous proposez de transposer à l’IFI le seuil d’abattement retenu pour les DMTG. De fait, nous avons déjà assoupli la fiscalité des biens ruraux donnés à bail à long terme en portant à 300 000 euros le seuil d’exonération à 75 % au titre des DMTG. Je ne suis pas certain que votre proposition soit pertinente en l’état.

Je propose d’en rester au droit existant, compte tenu des modifications auxquelles nous avons déjà procédé concernant les successions.

M. Charles de Courson. Vous le dites vous-même, monsieur le rapporteur général : il existe un problème de coordination entre les DMTG et l’IFI. Pourquoi avoir relevé le seuil d’exonération des DMTG et pas celui de l’IFI ? Ce n’est pas cohérent. Qui plus est, le coût de cette mesure serait très faible. Le prix moyen des terres étant de 7 000 euros l’hectare, le plafond de 300 000 euros correspond à un peu plus de 40 hectares. Or la grande majorité des propriétaires fonciers n’ont que quelques dizaines d’hectares.

La commission rejette l’amendement I-CF244.

Amendements identiques I-CF95 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF523 de M. Charles de Courson, I-CF785 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1036 de Mme Sophie Mette.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’accorder une exonération d’IFI aux propriétaires de foncier agricole qui affectent durablement leur bien à une exploitation agricole ou viticole par un bail à long terme d’au moins dix-huit ans. De plus en plus de propriétaires sont en effet tentés de vendre, ce qui oblige les agriculteurs à mobiliser de la trésorerie pour acheter ces biens.

M. Charles de Courson. Le revenu brut d’un bien foncier est, en moyenne, légèrement supérieur à 1 % de sa valeur. Une fois certaines charges retirées, on passe en dessous de 1 %. La pression fiscale est telle, avec un taux moyen de l’IFI autour de 1 %, que le revenu devient négatif. La tentation est alors forte, pour le propriétaire non exploitant, de vendre. Les exploitants agricoles et viticoles, qui préfèrent rester locataires par des contrats de baux à long terme, se trouvent alors contraints d’exercer leur droit de préemption et de racheter, quitte à s’endetter durant des années.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est préférable d’avoir un patrimoine constitué de valeurs mobilières plutôt que de biens immobiliers. Ceux-ci sont si lourdement imposés que l’exonération partielle des biens ruraux loués à long terme ne suffit pas pour dissuader les propriétaires de les vendre. Or la mise en vente du foncier exploité en location peut déstabiliser les exploitations familiales.

Mme Sophie Mette. Notre objectif est d’inciter les propriétaires fonciers à conserver leurs biens immobiliers, surtout lorsqu’ils sont durablement affectés à des exploitations agricoles et viticoles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mettons-nous bien d’accord : rien n’a changé, en l’espèce, depuis la réforme de l’ISF. Les règles qui s’appliquent à l’IFI sont les mêmes. Vous pointez du doigt la différence de traitement entre le patrimoine mobilier et les biens ruraux donnés à bail. Les biens donnés à bail dans un cadre familial sont totalement exonérés. À défaut de cadre familial, l’exonération est de 75 % jusqu’à 100 000 euros et de 50 % ensuite. Ce régime fiscal ne saurait être considéré comme défavorable. Les biens ne sont pas intégralement soumis à l’IFI et il n’y a pas de réelle distorsion entre le régime des biens mobiliers et celui des biens ruraux donnés à bail. La fiscalité des biens ruraux donnés à bail à long terme a déjà été assouplie et les mesures d’exonération sont importantes. Il ne me semble donc pas nécessaire de revoir la législation, qui ne crée pas d’inégalité. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas d’accord. Les amendements concernent les biens fonciers, non les biens immobiliers. Les tarifs de location des biens fonciers sont encadrés par un arrêté préfectoral. En moyenne, ils représentent 1 % du capital net. Or, il faut s’acquitter, sur cette somme, de l’impôt sur le revenu, de la CSG et de la CRDS au taux majoré puisqu’il s’agit d’un revenu du patrimoine. Au bout du compte, il ne reste plus grand-chose – la rentabilité peut même être négative. Au contraire, si le patrimoine est constitué de valeurs mobilières, les dividendes versés représentent environ 3 % du capital, sans parler des plus-values. Vous me répondrez que les plus-values sur le foncier existent aussi. Certes, mais les situations sont très variées : dans certains territoires, les prix, non seulement ne sont pas stables, mais baissent ; dans d’autres, ils augmentent. Et c’est sans compter le prélèvement forfaitaire unique ! Vous le voyez, l’écart de rentabilité peut être énorme.

M. Jean-Paul Mattei. Reprenons l’historique de l’ISF. L’outil de travail était taxé et il fallait être un dirigeant pour en être exonéré. L’ISF est donc devenu l’IFI. Encore aujourd’hui, l’exploitant propriétaire du foncier ne rencontre pas de difficulté puisqu’il s’agit de son outil de travail. En revanche, les terres posent problème : les avantages fiscaux ne seront pas les mêmes selon qu’elles font partie d’une indivision ou d’un groupement foncier agricole. Charles de Courson a raison : la rentabilité d’un hectare de terre est très faible et ne couvre même pas le montant de l’IFI, ce qui n’encourage pas la conservation du foncier. Les terres agricoles doivent être considérées comme un bien particulier.

La commission rejette les amendements identiques I-CF95, I-CF523, I-CF785 et I-CF1036.

Amendement I-CF790 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement vise à relever le plafond actuel de déduction des dons au titre de l’IFI de 50 000 à 75 000 euros.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF790.

Amendement I-CF792 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Gouvernement entend débloquer, de manière exceptionnelle, l’épargne retraite des travailleurs non salariés qui rencontrent des difficultés économiques du fait de la crise. Le montant de l’exonération d’impôt sur le revenu est plafonné à 2 000 euros, ce qui ne paraît pas suffisant eu égard à l’ampleur de la crise. Nous proposons que les travailleurs non salariés puissent débloquer le montant d’épargne retraite qui corresponde à leurs besoins, d’autant plus que ce n’est pas cette population qui a le plus bénéficié du « quoi qu’il en coûte ».

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF792.

Amendement I-CF422 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Après une année record en 2019, les ventes dans le secteur de l’immobilier de luxe ont continué d’augmenter de 10 % en 2020. Et l’année 2021 s’annonce plus lucrative encore pour le secteur. Parallèlement, notre pays compte 600 000 logements insalubres.

Cet amendement vise à instaurer une taxe sur les grosses ventes immobilières. Ses recettes seraient destinées à renforcer la lutte contre l’habitat insalubre, notamment les programmes de requalification.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. En général, taxer l’immobilier a des répercussions sur les prix. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF422.

Article 6
Faculté temporaire d’amortissement fiscal des fonds commerciaux

Résumé du dispositif proposé

Cet article vise à adapter temporairement le traitement fiscal de l’amortissement comptable de certains fonds commerciaux acquis du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023.

Par dérogation à la déconnexion entre appréciations comptable et fiscale de tels fonds, seront admis en déduction les amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux acquis durant cette période.

Corrélativement, le présent dispositif prévoit également une mesure destinée à articuler les provisions pour dépréciation et les amortissements constatés au titre d’un même fonds, afin de prévenir toute double déduction.

Le coût générationnel de cette mesure est estimé à environ 3 milliards d’euros d’ici 2033.

Dernières modifications intervenues

– L’article 39 du CGI a été modifié en dernier lieu par l’article 8 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectifivative pour 2021 afin d’introduire un mécanisme d’incitation fiscale à l’investissement des grandes entreprises en faveur de la transition écologique.

– L’article 38 sexies de l’annexe III au CGI a été modifié en dernier lieu par l’article 5 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté sans modification.

I.   L’État du droit

A.   L’amortissement comptable des fonds commerciaux ne fait pas l’objet de traitement fiscal

1.   Fonds de commerce et fonds commercial

a.   Le fonds de commerce, notion juridique

Si le fonds de commerce est l’élément essentiel de l’actif professionnel du commerçant, il ne fait pas l’objet d’une définition légale. Les articles L. 141-5 et L. 142-2 du Code de commerce énumèrent néanmoins certains des éléments qui peuvent le constituer.

Ainsi, l’article L. 141-5 du Code de commerce relatif au privilège du vendeur dispose que ce dernier ne porte que sur les éléments « du fonds énumérés dans la vente et dans l’inscription et, à défaut de désignation précise, que sur l’enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage ».

L’article L. 142-2 du code de commerce relatif au nantissement de fonds de commerce dispose quant à lui que « sont seuls susceptibles d’être compris dans le nantissement soumis aux dispositions du présent chapitre comme faisant partie d’un fonds de commerce : l’enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l’outillage servant à l’exploitation du fonds, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés ».

Le fonds de commerce comprend ainsi :

– des éléments corporels, tels que le mobilier, le matériel et l’outillage servant à l’exploitation du fonds, ainsi que les agencements et installations ;

– des éléments incorporels, tels que la clientèle et l’achalandage, le droit au bail, l’enseigne et le nom commercial, les marques de fabrique, les brevets, les licences et autorisations administratives lorsqu’elles peuvent être cédées.

Le fonds de commerce, notion juridique, doit être distingué du fonds commercial, notion comptable.

b.   Le fonds commercial, notion comptable

Cette notion est négativement définie à l’article R. 123-186 du Code de commerce : « les éléments acquis du fonds de commerce qui ne peuvent figurer à d’autres postes du bilan sont inscrits au poste " fonds commercial" ».

Le plan comptable général (PCG) dispose quant à lui que ce poste comptable enregistre « les éléments incorporels du fonds de commerce acquis qui ne font pas l’objet d’une évaluation et d’une comptabilisation séparées au bilan et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’entité » ([61]).

La note de présentation du règlement comptable du 23 novembre 2015 ([62]) précise que le « fonds commercial est une notion juridique spécifique en droit comptable français qui constitue la partie "pivot" du fonds de commerce, notion consacrée par le droit commercial français. Il est composé principalement de la clientèle, de l’achalandage, de l’enseigne, du nom commercial et, plus largement, des parts de marché ».

2.   Le traitement fiscal et comptable des fonds commerciaux

Pour rappel, l’amortissement est la constatation comptable de la dépréciation irréversible que subissent les immobilisations du fait de l’obsolescence technique ou de l’usure du temps.

a.   L’amortissement des fonds commerciaux

La normalisation comptable a pour objectif de mettre en place des règles communes afin de rapprocher et d’harmoniser les pratiques comptables des entreprises. Une fois harmonisés, les états financiers des entreprises peuvent faire l’objet d’études comparatives plus pertinentes, notamment par les investisseurs.

Les pays membres de l’Union européenne sont soumis à la normalisation de l’Union. La directive du 26 juin 2013 ([63]) est la dernière grande modification du droit comptable européen : elle a fait l’objet d’une transposition par plusieurs arrêtés, dont l’arrêté du 4 décembre 2015 portant homologation de deux règlements comptables ([64]) en ce qui concerne les fonds commerciaux.

Applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, les nouveautés ont porté sur la définition du fonds commercial (v. supra) et l’évaluation des actifs incorporels et du fonds commercial postérieurement à leur date d’entrée dans le patrimoine de l’entité.

Ainsi, selon l’article 214-3 du PCG ([65]), le fonds commercial est réputé avoir une durée d’utilisation non limitée : il est donc, en principe, non amortissable.

Néanmoins, lorsqu’il est possible de déterminer une durée d’utilisation limitée, la présomption – simple – peut être renversée et le fonds amorti sur cette durée, ou à défaut sur 10 ans lorsque cette durée ne peut être estimée de manière fiable.

Par simplification, l’article L. 126-16 du Code de commerce dispose que les petites entreprises peuvent amortir sur 10 ans l’ensemble de leurs fonds commerciaux.

Est considéré comme une petite entreprise au sens de cette disposition – et par renvoi à l’article D. 123-200 du Code de commerce – les commerçants, personnes physiques ou personnes morales, pour lesquels, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils suivants ne sont pas dépassés :

– un total du bilan de 6 000 000 euros ;

– un montant net de chiffre d’affaires de 12 000 000 euros ;

– un nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 50.

Pour les fonds commerciaux dont la durée d’utilisation n’est pas limitée, un test de dépréciation sera réalisé au moins une fois par exercice, qu’il existe ou non un indice de perte de valeur ([66]).

Les dépréciations comptabilisées sur le fonds commercial ne peuvent jamais être reprises ([67]).

b.   L’absence de déductibilité fiscale des fonds commerciaux

Il se déduit des dispositions du 2° de l’article 39 du code général des impôts (CGI) et de l’article 38 sexies de son annexe III qu’un élément d’actif incorporel identifiable peut donner lieu à une dotation à un compte d’amortissement uniquement s’il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition, que ses effets bénéfiques sur l’exploitation prendront fin à une date déterminée.

Or, l’article 38 sexies de l’annexe III du CGI cite nommément le fonds de commerce en tant qu’immobilisation ne se dépréciant pas de manière irréversible.

L’élément d’actif incorporel, lorsqu’il fait partie des éléments constitutifs d’un fonds de commerce et qu’il est représentatif d’une certaine clientèle attachée à ce fonds, ne peut donner lieu à une dotation spécifique d’amortissement que si, en raison de ses caractéristiques, il est dissociable à la clôture de l’exercice des autres éléments représentatifs de la clientèle attachée à ce fonds ; la seule circonstance que les éléments aient été individualisés en comptabilité ne suffit pas à démontrer leur caractère dissociable ([68]) .

Ne sont ainsi admis en déduction que les amortissements afférents aux éléments de l’actif incorporel qui peuvent être individualisés au sein de la valeur globale du fonds : il en est ainsi des brevets ([69]), d’un droit au bail ([70]) ou d’une autorisation de mise sur le marché ([71]).

Ainsi, le fonds de commerce, qui ne se déprécie pas de manière irréversible, n’est pas amortissable ; il peut en revanche donner lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l’article 39 du CGI ; cette dépréciation constatée est admise en déduction du résultat imposable dans les conditions de droit commun.

De fait, l’amortissement des fonds commerciaux prévu, à certaines conditions, par le droit comptable, n’est pas déductible fiscalement.

Amortissement et dépréciation

L’amortissement correspond à une perte de valeur irrémédiable alors qu’une dépréciation correspond à une perte de valeur liée à un incident : elle n’est pas définitive. Tous les éléments d’actif peuvent être concernés par une dépréciation.

La dotation aux amortissements apparaît en charge dans le compte de résultat : elle est déductible du résultat imposable – lorsqu’elle ne concerne pas un fonds de commerce – et ne peut être reprise.

En revanche, si la valeur d’un bien déprécié redevient égale à sa valeur nette comptable, la dévalorisation doit être reprise pour inverser ou annuler la dotation aux provisions : cette reprise majore le résultat fiscal de l’entreprise.

B.   Une disjonction entre droit fiscal et droit comptable crÉatrice de rigiditÉs mais protectrice de l’assiette taxable

1.   Une prise en compte de la déductibilité fiscale des fonds commerciaux soutiendrait les opérations d’acquisition et de reprise des fonds…

Admettre la déduction fiscale de l’amortissement comptable des fonds commerciaux permettrait de réduire le coût de la reprise d’une entreprise pour les investisseurs et donc d’encourager l’acquisition de fonds commerciaux ainsi que le maintien de l’activité.

En effet, les entreprises cessionnaires, qui investissent dans la reprise des fonds commerciaux, pourraient ainsi bénéficier d’une économie d’impôt résultant directement de la possibilité de déduire du résultat imposable l’amortissement comptable constaté relativement auxdits fonds.

Pour le cédant, une telle mesure rendrait plus aisée la cession de son fonds dans une période d’incertitude économique.

2.   …mais aboutirait à une double déduction fiscale si elle se cumulait avec la comptabilisation des dotations aux provisions pour dépréciation

Jusqu’à la réforme du plan comptable général entrée en vigueur à compter des exercices ouverts au 1er janvier 2016, la jurisprudence était en accord avec la pratique comptable s’agissant de l’absence d’amortissement des fonds de commerce.

L’idée qui prévalait – et qui prévaut dans tous les cas du point de vue du droit fiscal – était de ne pas accroître artificiellement l’écart entre la valeur bilancielle de l’entreprise et sa valeur transactionnelle réelle, conformément au principe selon lequel la comptabilité doit donner une image fidèle du patrimoine de l’entreprise.

En outre, la structure du bilan des entreprises, à savoir l’importance des immobilisations incorporelles inscrites à l’actif des entreprises françaises et la relative faiblesse de leurs fonds propres, militait pour une approche conservatrice des immobilisations comptables.

Enfin, un amortissement purement fiscal du fonds de commerce était écarté du fait du coût budgétaire potentiel de la mesure.

Désormais, l’immobilisation d’un fonds de commerce peut être admise par le droit comptable, pour les petites entreprises, quand elle ne peut jamais l’être pour le droit fiscal. Il s’agit d’une première déconnexion des règles comptables et fiscales concernant les fonds commerciaux dont il est établi qu’ils ont une durée d’utilisation limitée d’une part, et les fonds commerciaux acquis par les petites entreprises d’autre part.

Pour autant, admettre la déductibilité fiscale d’un amortissement comptable d’un fonds de commerce pourrait aboutir à une double déduction s’il faisait l’objet, par ailleurs, d’une provision pour dépréciation. Cet écueil est à éviter.

II.   Le dispositif proposé

A.   Une adaptation temporaire du traitement fiscal de l’amortissement comptable des fonds commerciaux

1.   Une possibilité temporaire d’admettre en déduction fiscale l’amortissement comptable d’un fonds commercial

Le 1° du présent article insère deux alinéas après le premier alinéa du 2° de l’article 39 du code général des impôts.

Premièrement, il se propose d’inscrire clairement dans la loi le principe selon lequel « ne sont pas admis en déduction les amortissements des fonds commerciaux ».

Mais, dans un second temps, il dispose que « par dérogation à l’alinéa précédent, sont admis en déduction les amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux lorsqu’ils sont acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023. »

Ainsi, le présent article confirme le principe de la déconnexion
fiscalo-comptable de l’amortissement du fonds de commerce mais la suspend, dans le même temps, pour les fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023.

2.   Une adaptation corrélative des modalités de comptabilisation des dotations aux provisions pour dépréciation constatées au titre de ces mêmes fonds

Le 2° du présent article complète le quinzième alinéa du 5° de l’article 39 du code général des impôts pour prévoir que, par dérogation, la provision constatée à raison d’un fonds commercial dont l’amortissement est admis en déduction est rapportée aux résultats imposables de chacun des exercices suivant celui au titre duquel elle a été déduite, pour un montant égal à la différence entre l’amortissement qui aurait été pratiqué si la provision n’avait pas été comptabilisée et l’amortissement effectivement comptabilisé à la clôture de l’exercice.

Cette modalité de reprise de la provision permet d’assurer son transfert à un compte d’amortissement et donc de garantir la simple déductibilité fiscale des amortissements afférents aux fonds commerciaux dépréciés, qui présentent un caractère dérogatoire.

Cette mesure, qui articule dépréciation et amortissement constatés au titre d’un même fonds, est destinée à éviter une double déduction fiscale.

B.   L’impact Économique et budgÉtaire

1.   Un impact budgétaire majeur

Le présent article constitue un effort budgétaire substantiel qui s’inscrit dans le « Plan indépendants » présenté par le Président de la République le 16 septembre 2021.

L’évaluation préalable du présent article considère que la mesure proposée n’est pas chiffrable car dépendant « non seulement du nombre de fonds commerciaux qui seront acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023, mais également du taux de recours au dispositif d’amortissement, non déterminables ex ante ».

Comme pour l’ensemble des fois où l’activation d’un dispositif est laissée à l’appréciation d’un contribuable, ce constat est peu contestable.

Néanmoins, l’évaluation préalable réalisée par le Gouvernement fait état de projections ayant été effectuées sur le périmètre des seules petites entreprises au sens de l’article L. 123-16 du Code de commerce, à partir des montants d’immobilisations incorporelles créées ou acquises qu’elles ont déclarées dans leurs liasses fiscales au titre des exercices clos en 2019.

La dépense étant générationnelle, elle doublerait la première année avant d’arriver à son rythme de croisière – l’amortissement étant de 10 ans pour un fonds commercial, sauf si une durée différente et fiable peut être retenue ; il est linéaire – puis d’être divisée par deux la dernière année, par convention.

coÛt budgÉtaire estimé du prÉsent article

(en millions d’euros)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

2032

2033

Total

Coût

125

250

250

250

250

250

250

250

250

250

250

125

3 000

Source : commission des finances à partir des données de l’évaluation préalable du présent article.

Il convient de noter que, selon l’évaluation préalable, « cette projection constitue un fort majorant car elle retient comme hypothèse que toutes les petites entreprises pratiqueront l’amortissement de leurs fonds commerciaux et qu’elle ne tient pas compte du gain pour l’État qui résulterait de la reprise des provisions pour dépréciation des fonds commerciaux qui auront donné lieu à la déduction d’un amortissement comptable ».

2.   Une plus grande liberté de gestion laissée aux propriétaires de fonds commerciaux

En laissant la possibilité à un chef d’entreprise d’amortir son fonds commercial, le présent article apporte une aide fiscale importante à la transmission des fonds, dans une phase de reprise économique.

En effet, le principe même d’amortir un fonds de commerce peut, de prime abord, surprendre : dégrader ainsi son résultat conduit à déprécier ses fonds propres, donc à donner une image dégradée – même si fidèle – de sa situation financière. Contrairement à la provision pour dépréciation – qui doit être reprise en cas de retour à meilleure fortune – le chef d’entreprise acte ici une dépréciation définitive de son fonds commercial, ce qui apparaît étonnant concernant un bien dont la valeur fluctue par nature, sauf à considérer que la conjoncture économique est irrémédiablement compromise.

En réalité, la motivation est ici uniquement fiscale : le choix a été fait de permettre aux chefs d’entreprise de dégrader la valeur de leur fonds commercial afin d’en diminuer l’assiette taxable, réduisant ainsi le coût de la reprise par le cessionnaire et facilitant sa survenance pour le cédant.

Un dernier point reste à souligner. Face à la perte de valeur normalement prévisible, le chef d’entreprise dispose comptablement de deux pistes : l’amortissement ou la provision. Contrairement à la provision, où le chef d’entreprise doit simplement démontrer que la perte est probable dans son principe et dans son montant, l’évaluation de l’amortissement donne lieu à un examen attentif du commissaire aux comptes et de l’administration fiscale. Ainsi, les amortissements exagérés donnent lieu à rectification comptable et affectent les comptes annuels. Or, l’évaluation – préalable à l’amortissement – d’un fonds de commerce est malaisée. Devra-t-elle être effectuée à l’aune de la valeur d’achat, historique ? Ou bien sera-t-elle actualisée par référence à un marché actif ? Un commentaire de l’administration fiscale semble ici souhaitable afin d’expliciter les conditions d’application de cet article, aux conséquences budgétaires importantes.

*

*     *

Amendements identiques I-CF292 de M. Mohammed Laqhila, I-CF314 de M. Patrick Hetzel, I CF865 de Mme Lise Magnier, I CF867 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF870 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. L’article 6 prévoit d’ouvrir, à titre temporaire, la possibilité d’admettre en déduction fiscale l’amortissement comptable des fonds commerciaux. Cette possibilité serait ouverte pour les fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023. L’amendement vise à étendre cette possibilité à l’amortissement comptable des fonds libéraux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas en désaccord avec vous mais le fonds libéral n’est pas reconnu par la loi. Il s’agit d’une construction jurisprudentielle. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel. La jurisprudence ayant consacré cette notion, c’est une raison de plus pour en discuter ! Surtout, nous sommes des législateurs et rien ne nous interdit de reconnaître le fonds libéral dans une loi de finances.

M. Jean-Paul Mattei. Je comprends votre raisonnement, monsieur le rapporteur général, mais on parle, d’un point de vue comptable et non juridique, de la patientèle, dont la valeur est prise en compte.

La commission rejette les amendements identiques I-CF292, I-CF314, I-CF865, I-CF867 et I-CF870.

Amendements I-CF1086 du rapporteur général, I-CF542 de M. Charles de Courson et I-CF830 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit d’avancer l’entrée en vigueur de la déductibilité fiscale de l’amortissement comptable des fonds commerciaux au jour du vote de la première partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.

M. Charles de Courson. La mesure proposée par le Gouvernement va dans le bon sens mais elle est temporaire. Nous proposons de la rendre permanente.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je propose d’étendre le bénéfice temporaire de la mesure au 31 décembre 2024, ce qui apporterait plus de visibilité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’objectif de cette mesure est de fluidifier la vente des fonds qui ont perdu de la valeur du fait de la crise. Il est donc normal qu’elle soit temporaire. Nous l’avons prévue jusqu’à fin 2023 mais il sera toujours temps de la prolonger si nécessaire. Je proposais simplement, pour ma part, de ne pas attendre la promulgation de la loi de finances.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1086, I-CF542 et I-CF830.

Elle adopte l’article 6 non modifié.

Article 7
Mise en conformité avec le droit européen des retenues et prélèvements à la source applicable aux sociétés non résidentes

Résumé du dispositif proposé

Le présent article tire les conséquences des décisions jurisprudentielles ayant jugé certains dispositifs de retenue à la source contraires aux principes de liberté de circulation des capitaux et de libre prestation de services garantis par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), dans la mesure où la retenue à la source due par une personne morale ou un organisme non-résident est calculée sur une assiette brute alors que, placée dans une situation identique, une société française serait imposée sur un bénéfice établi après déduction des charges supportées pour l’acquisition et la conservation de ces revenus.

Les personnes morales et organismes non-résidents établis dans l’Union européenne ou dans l’Espace économique européen percevant des revenus de source française qui entrent dans le champ de l’article 182 B du CGI pourront donc bénéficier d’un abattement forfaitaire de charges égal à 10 %, appliqué immédiatement lors du prélèvement de la retenue à la source. Ces organismes pourront également demander a posteriori la restitution de la différence entre la retenue à la source prélevée et la retenue à la source calculée à partir d’une base nette des charges réelles supportées pour l’acquisition et la conservation de ces revenus.

Les personnes morales et organismes non-résidents soumis à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI pourront également demander une telle restitution a posteriori, calculée dans les mêmes conditions.

Le présent dispositif clarifie d’autre part les modalités d’application du dispositif de restitution de retenue à la source visant les sociétés étrangères déficitaires.

Dernières modifications intervenues

– L’article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a supprimé la retenue à la source applicable aux distributions de dividendes de source française à des organismes de placement collectif. L’article 58 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 a clarifié en dernier lieu les conditions d’application de l’exonération de retenue à la source instituée par le 2 de l’article 119 bis du CGI au titre des dividendes de source française perçus par des organismes non-résidents.

– Le dispositif de retenue à la source prévu à l’article 182 A bis du CGI a été créé par l’article 25 de la loi n° 2008 – 1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 afin d’instaurer une retenue à la source distincte de celle prévue à l'article 182 B du CGI, applicable aux sommes payées en contrepartie de prestations artistiques fournies ou utilisées en France, par un débiteur qui exerce une activité en France, à des personnes ou des sociétés relevant de l’IR ou de l’IS qui n'ont pas d'installation professionnelle permanente en France. Il a été modifié en dernier lieu par l’article 31 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, qui a précisé que le taux de retenue à la source de 75 % s’applique aux rémunérations bénéficiant à des personnes domiciliées ou établies dans un État ou territoire non coopératif (ETNC) inscrit sur la liste de l’Union européenne et ne répondant pas aux critères fixés par celle-ci en matière de dispositifs offshore. Cet article a rendu par ailleurs cette retenue libératoire de l’impôt sur le revenu et non remboursable.

– Le dispositif de retenue à la source prévu à l’article 182 B du CGI a été créé par l’article 10 de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d’imposition des Français de l’étranger, ainsi que des autres personnes non domiciliées en France. Il a été modifié pour la dernière fois par l’article 31 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, qui a étendu le champ d’application du taux de retenue à la source de 75 % aux rémunérations visées à l’article 182 B du CGI bénéficiant à des personnes domiciliées ou établies dans un ETNC inscrit sur la liste de l’Union européenne et ne répondant pas aux critères fixés par celle-ci en matière de dispositifs offshore. Cet article a rendu par ailleurs la retenue à la source libératoire de l’impôt sur le revenu.

– Le dispositif de restitution de retenue à la source en faveur des sociétés étrangères déficitaires de l’article 235 quater du CGI a été créé par l’article 42 de la loi n° 2019 – 1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 afin de mettre en conformité la législation fiscale nationale avec le droit de l’Union européenne.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté sans modification.

I.   L’état du droit

Une société ne disposant pas d’un établissement stable en France, ou n’y exploitant pas une entreprise au sens du droit interne, peut néanmoins recevoir des revenus de source française : produits financiers, produits de la propriété industrielle ou commerciale, revenus fonciers, rémunération de services, etc.

Ces revenus trouvant leur source en France au sens de l’article 164 B du code général des impôts (CGI), ils doivent être soumis à l’impôt en France, sous la réserve de l’application d’une convention fiscale internationale.

Cette imposition des revenus versés par une personne en France à des bénéficiaires non-résidents fait, en fonction de la nature des sommes concernées, l’objet de retenues et prélèvements à la source destinés à garantir le bon recouvrement de l’impôt sur des flux dirigés vers l’étranger.

A.   Les retenues et prélèvements à la source applicables aux revenus des sociétés non résidentes

Pour mémoire, et de façon schématique, une retenue à la source est une modalité d’imposition consistant, pour le débiteur des revenus, à acquitter l’impôt dû sur ces sommes, le bénéficiaire des revenus percevant alors un montant net de retenue à la source. Tel est notamment le cas pour les retenues à la source prévues à l’article 119 bis du CGI, aux termes de l’article 1672 du même code.

Ces dispositifs s’appliquent sous réserve des stipulations des conventions fiscales conclues par la France avec d’autres juridictions fiscales.

1.   La retenue à la source sur certains revenus non salariaux perçus par des personnes établies hors de France

Plusieurs dispositifs de retenues et prélèvements à la source sont applicables aux revenus non salariaux perçus par les personnes morales non résidentes.

Ainsi, les sommes versées en contrepartie d’une prestation artistique réalisée par une personne qui n’est pas établie en France font l’objet d’une retenue à la source en application de l’article 182 A bis du CGI.

En vertu du III de cet article, le taux de la retenue à la source est fixé à 15 %.

Le IV du même article porte ce taux à 75 % si le bénéficiaire de la distribution est établi dans un des États ou territoires non coopératifs (ETNC) au sens de l’article 238‑0 A du CGI, sauf démonstration que cette distribution n’a pas pour but la fraude fiscale à travers la localisation des revenus dans l’ETNC.

Les États et territoires non coopératifs (ETNC)

Les ETNC sont définis à l’article 238‑0 A du CGI, la notion ayant été enrichie par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (1) qui a transposé en droit national la liste européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales (2).

Est considérée comme ETNC, au regard des critères français d’origine, une juridiction fiscale :

– qui, à la date du 1er janvier 2010, a vu sa situation au regard de la transparence et de l’échange de renseignements en matière fiscale examinée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qui n’a pas conclu avec la France, ni avec au moins douze autres juridictions, une convention d’assistance administrative permettant l’échange de renseignements en matière fiscale. Cette liste doit être mise à jour au moins une fois par an ;

– qui a conclu avec la France une telle convention, sans que cela ne rende possible l’obtention des renseignements requis ;

– à qui la France a proposé la conclusion d’une telle convention, mais qui ne l’a pas fait ;

– ou qui est considérée par le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations comme ne procédant pas aux échanges requis pour l’application de la législation fiscale.

Depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées par la loi relative à la lutte contre la fraude précitée, sont également des ETNC les juridictions figurant sur la liste européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales :

– au motif du non-respect du volet du critère reposant sur l’équité fiscale relatif à la facilitation de la création de structures offshore ;

– ou au motif du non-respect de l’un des deux autres critères reposant, d’une part, sur la transparence fiscale, d’autre part, sur la mise en œuvre des mesures du projet « BEPS » (3) de l’OCDE.

La qualification d’une juridiction en ETNC conduit à la mise en œuvre d’une série de contre-mesures visant les opérations associant une personne établie dans un ETNC :

– pour tous les ETNC, les conditions de mise en œuvre de certains outils anti‑abus sont facilitées ;

– pour les ETNC inscrits sur la liste au titre des critères français d’origine ou en raison du non-respect du volet « offshore » du critère européen reposant sur l’équité fiscale, s’ajoutent la privation du bénéfice de certains dispositifs préférentiels d’imposition et l’application de taux majorés d’imposition.

(1) Loi n° 2018898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, article 31.

(2) Conseil de l’Union européenne, 5 décembre 2017, Liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales, 15429/17 FISC 345 ECOFIN 1088. La dernière mise à jour de cette liste a été réalisée suite à la communication C 66/40 du 26 février 2021.

(3) « Base érosion and profit shifting », soit « érosion de la base imposable et transfert de bénéfices ».

L’article 182 B du CGI prévoit également l’application d’une retenue à la source sur certains revenus non salariaux perçus par des personnes établies hors de France.

Les revenus visés sont les suivants :

– les produits perçus par les inventeurs ou au titre de droits d’auteur ;

– les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies en France ;

– les sommes correspondant à des prestations sportives fournies ou utilisées en France, nonobstant les dispositions de l’article 182 A du CGI ;

– les bénéfices des professions libérales, des charges et des offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçant.

Son taux varie en fonction de la nature du revenu :

– le taux de droit commun correspond au taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS), en vertu du premier alinéa du II de l’article 182 B, c’est-à-dire 27,5 % ou 26,5 % pour les exercices ouverts en 2021 et 25 % pour ceux ouverts à compter de 2022 ;

– ce taux est ramené à 15 % pour les rémunérations de prestations sportives ;

– il est porté à 75 % si le bénéficiaire des sommes est établi dans un ETNC, en application du III de l’article 182 B du CGI.

2.   La retenue à la source sur les dividendes distribués à des sociétés non résidentes et les exonérations prévues

En application du 2 de l’article 119 bis du CGI, les dividendes distribués par une société française à une société non résidente au titre de la participation de la seconde dans la première font l’objet d’une retenue à la source, sous réserve de certains dispositifs d’exonération.

Les distributions faites au profit de sociétés résidentes, quant à elles, sont soumises à l’IS.

a.   Le principe de la retenue à la source sur les dividendes perçus par des sociétés non résidentes

Les produits concernés par la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI sont ceux mentionnés aux articles 108 à 117 bis du même code, c’est-à-dire les produits des actions, titres et parts sociales ainsi que les revenus fiscalement assimilés à ceux-ci – par souci de simplification, ils seront désignés dans le présent commentaire sous le terme de « dividendes ».

Le taux de cette retenue à la source est fixé à l’article 187 du CGI, auquel renvoie le 2 de l’article 119 bis :

– le taux de droit commun est de 26,5 % ([72]) ;

– il est de 17 % pour les obligations négociables ;

– il est de 15 % pour certains revenus, tels que les dividendes perçus par des organismes sans but lucratif qui auraient été imposés selon les modalités prévues au 5 de l’article 206 du CGI s’ils étaient établis en France (application combinée de l’article 187 et du 2° de l’article 219 bis du même code) ;

– il est porté à 75 % lorsque le bénéficiaire de la distribution est établi dans certains ETNC, sauf démonstration que cette distribution n’a pas pour but la fraude fiscale à travers la localisation des revenus dans l’ETNC.

Ainsi qu’il a été vu, cette retenue à la source s’applique sous réserve des conventions fiscales, dont les stipulations peuvent, par exemple, prévoir un taux moins élevé, voire une exonération totale des dividendes.

Cette retenue à la source est liquidée sur le montant brut des revenus mis en paiement, selon l’article 48 de l’annexe II du CGI.

b.   L’exonération prévue au titre du régime mère-fille

La retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI ne s’applique pas, aux termes de l’article 119 ter du même code, aux distributions de dividendes relevant du régime des sociétés mères et filiales (« régime mère-fille ») prévu par la directive européenne du 30 novembre 2011 ([73]).

Sont éligibles à ce régime les dividendes distribués par une société française soumise à l’IS à une société établie dans l’Union européenne ou un État partie à l’EEE elle-même passible dans son État de résidence de l’impôt sur les bénéfices des sociétés qui y est applicable, sous réserve que cette société européenne détienne directement, depuis au moins deux ans, au moins 10 % de sa filiale française, ou qu’elle prenne l’engagement d’une conservation d’un tel niveau minimum de détention pendant au moins deux ans (premier alinéa du c du 2 de l’article 119 ter).

L’exonération est également applicable aux dividendes perçus en contrepartie d’une participation d’au moins 5 % au sein de la filiale française, en vertu du second alinéa du même c, à la condition que la société mère européenne soit privée de la possibilité d’imputer la retenue à la source dans son État de résidence (tel est notamment le cas si la société est déficitaire sans possibilité de reporter en avant le crédit d’impôt correspondant à la retenue à la source).

Le tempérament relatif au niveau de participation minimum ouvrant droit au bénéfice de l’exonération de retenue à la source résulte de la décision Denkavit de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) rendue le 14 décembre 2006 ([74]) et vise à éliminer toute entrave à la liberté d’établissement en assurant le même traitement aux dividendes, qu’ils soient distribués à une société française ou établie dans l’Union européenne. Il est en effet rappelé que, dans le cadre du régime mère-fille français, le niveau de participation de la société mère française exigé est de 5 %. Initialement prévu par la seule doctrine fiscale, le tempérament applicable aux dividendes résultant d’une participation comprise entre 5 % et 10 % a reçu une consécration législative à travers la loi de finances rectificative pour 2015 ([75]).

L’exonération prévue dans le cadre du régime mère-fille n’est toutefois pas applicable aux distributions entrant dans le champ de la clause anti-abus prévue au 3 de l’article 119 ter qui, en transposant la directive du 27 janvier 2015 ([76]), vise à lutter contre les montages dont la finalité principale est fiscale et qui sont dépourvus de substance économique.

L’exonération des distributions au profit
de certains organismes de placement collectif

Une autre hypothèse d’exonération de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI porte, en vertu de ce même 2, sur les distributions faites à des organismes de placement collectif (OPC) établis dans l’Union européenne ou dans une juridiction fiscale liée avec la France par une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, sous réserve que ces OPC étrangers soient comparables aux OPC de valeurs mobilières (OPCVM) de droit français.

Cette exonération résulte d’une décision de la CJUE rendue le 10 mai 2012 dans le cadre du contentieux dit « OPCVM » (1) et dans laquelle la Cour avait jugé contraire à la libre circulation des capitaux la législation française qui soumettait les OPC étrangers à une retenue à la source, alors que les OPCVM français n’acquittaient pas l’IS (certains en sont exonérés au titre des bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal, les autres se trouvent en dehors de son champ d’application).

La mise en conformité au droit de l’Union européenne a été réalisée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (2).

(1) CJUE, 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC SA et autres, C338/11 à C347/11.

(2) Loi n° 2012958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, article 6.

c.   L’exonération de retenue à la source pour les sociétés étrangères déficitaires et en liquidation judiciaire

i.   Une exonération issue du droit européen

L’introduction dans le CGI de l’article 119 quinquies procédait d’une démarche de mise en conformité avec le droit de l’Union européenne et était consécutive à une mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne le 28 mars 2014.

Avant que cet article n’existe, les sociétés étrangères déficitaires ou en liquidation judiciaire étaient passibles de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis.

En revanche, une société française dont le résultat est déficitaire ne réalise, par définition, aucun bénéfice et ne paie dès lors aucun IS au titre du ou des exercices déficitaires. Une société en liquidation judiciaire, quant à elle, et bien que n’étant pas par principe expressément exonérée d’IS, n’acquitte en pratique pas cet impôt dans la plupart des cas, eu égard à sa situation économique.

La Commission européenne estimait, dans sa mise en demeure, que cette situation conduisait à faire peser sur les sociétés étrangères déficitaires ou en liquidation une charge fiscale supérieure à celle supportées par les sociétés résidentes placées dans la même situation, les dividendes étant imposés s’ils sont distribués à une société étrangère alors qu’ils ne le sont pas si la distribution est faite au profit d’une société française.

Cette configuration, selon la Commission, méconnaissait la liberté de circulation des capitaux définie à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Pour mémoire, il est rappelé que cette liberté s’applique non seulement au sein de l’Union européenne, mais également aux échanges associant des entreprises et organismes situés dans des juridictions tierces à l’Union.

L’article 119 quinquies du CGI, introduit par l’article 82 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([77]), prévoit l’exonération des dividendes distribués à des personnes morales étrangères qui satisfont à trois conditions cumulatives.

En premier lieu, aux termes du 1° de l’article 119 quinquies, la société doit être établie dans un État membre de l’Union européenne ou dans une juridiction fiscale ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

L’assistance internationale en matière de recouvrement

L’assistance internationale en matière de recouvrement est un moyen efficace de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, en permettant à un État de solliciter d’un autre État le fait de procéder, pour son compte, au recouvrement de créances fiscales. Cette assistance permet donc de surmonter l’obstacle lié à l’absence d’habilitation pour les autorités fiscales d’un État d’engager une action en recouvrement sur un territoire échappant à leur juridiction.

Les instruments juridiques consacrant l’assistance en matière de recouvrement sont multiples :

– des conventions fiscales bilatérales contenant une stipulation sur l’assistance au recouvrement – les conventions conclues par la France contiennent ainsi généralement des clauses reprenant le contenu des articles 26 et 27 du modèle de convention fiscale de l’OCDE (1) ;

– des conventions bilatérales dédiées à ce volet ; le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) fournit la liste de vingt-neuf accords bilatéraux conclus par la France et le lien vers leur contenu (2) ;

– des conventions multilatérales ad hoc, telle celle élaborée sous l’égide de l’OCDE et du Conseil de l’Europe (3) ;

– au sein de l’Union européenne, la directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 précitée fournit un standard minimum commun à l’ensemble des États membres.

(1) OCDE (2018), Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune : Version abrégée 2017.

(2) BOFiP, BOI-ANNX-000307, mise à jour du 21 juin 2019.

(3) Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale du 26 janvier 1988 et Protocole d’amendement à la convention du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale du 27 mai 2010.

Cette condition de localisation s’applique non seulement au siège de direction de la société étrangère, mais également à l’établissement stable dans le résultat duquel les dividendes distribués sont inclus, permettant d’assurer que l’exonération porte sur des dividendes logés dans une juridiction liée à la France par des mécanismes permettant de recouvrer l’impôt dû.

En outre, la société étrangère (et, le cas échéant, son établissement stable) doit être soumise à l’impôt sur les bénéfices des sociétés applicable dans l’État ou le territoire d’établissement.

En deuxième lieu, et en application du 2° du même article, le résultat fiscal de la société étrangère (ou de son établissement stable) doit être déficitaire.

Ce caractère déficitaire est déterminé en fonction des règles fiscales applicables dans la juridiction d’établissement, en vertu desquelles le résultat est calculé.

En troisième lieu, et comme le prévoit le 3° du même article, la société étrangère doit, à la date de la distribution, être en difficulté.

Cette dernière condition est satisfaite si la société fait l’objet dans sa juridiction de résidence d’une procédure comparable à la procédure de liquidation judiciaire française prévue à l’article L. 640‑1 du Code de commerce. Pour mémoire, et aux termes de cet article L. 640‑1, la procédure de liquidation judiciaire est ouverte aux débiteurs en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

Dans l’hypothèse où aucune procédure comparable à celle de la liquidation judiciaire n’existe dans l’État ou le territoire d’établissement, le 3° de l’article 119 quinquies du CGI reprend les conditions matérielles d’ouverture de la procédure française qui viennent d’être mentionnées. Dans une telle configuration, la société étrangère doit, à la date de la distribution des dividendes, être en cessation des paiements et son redressement doit être manifestement impossible.

Chacune des trois conditions précédemment exposées doit, pour ouvrir droit à l’exonération, être satisfaite au titre de l’exercice de perception des dividendes. La preuve de leur satisfaction incombe à la société étrangère, qui doit en justifier auprès de la société résidente distributrice.

ii.   Une mise en conformité supplémentaire réalisée au sein de la loi de finances initiale pour 2020

L’économie générale de l’article 119 quinquies du CGI a été remise en cause par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans une décision Sofina rendue le 22 novembre 2018 ([78]). À cette occasion, la CJUE a relevé que l’imposition des dividendes distribués à une société résidente déficitaire était « reportée sur un exercice ultérieur bénéficiaire, procurant ainsi un avantage de trésorerie » ([79]). La Cour en a tiré la conclusion que, au titre de l’exercice fiscal de distribution – dont il doit être tenu compte pour apprécier l’éventuel traitement désavantageux –, la société étrangère est immédiatement et définitivement imposée alors que la société française ne l’est pas, voire ne le sera jamais dans la mesure où il résulte de la législation française la possibilité d’une « exonération en cas de cessation d’activités » ([80]).

En conséquence « l’exclusion d’un avantage de trésorerie dans une situation transfrontière alors qu’il est octroyé dans une situation équivalente sur le territoire national constitue une restriction à la libre circulation des capitaux » ([81]) et pourrait dissuader les prises de participation transfrontières.

L’article 42 de la loi de finances pour 2020 ([82]) a tiré les conséquences de cette décision de trois manières :

– l’exonération prévue à l’article 119 quinquies du CGI pour les sociétés étrangères déficitaires et en liquidation a été élargie à l’ensemble des autres dispositifs de retenues et prélèvements à la source ([83])  ;

– les sociétés étrangères déficitaires peuvent désormais solliciter la restitution de la retenue ou du prélèvement à la source acquitté, assorti d’une imposition en report, selon le nouvel article 235 quater du CGI. Ce report prend fin une fois la société redevenue bénéficiaire ou en cas de manquement aux nouvelles obligations déclaratives qui permettent à l’administration fiscale de suivre la situation de cette société et garantissent le recouvrement de l’impôt. Schématiquement, la société étrangère sollicite de l’administration la restitution des sommes versées au titre d’une retenue ou d’un prélèvement à la source. Ces sommes font l’objet d’une imposition reportée, le report prenant fin au retour à meilleure fortune de la société, c’est-à-dire lorsqu’elle redevient bénéficiaire ;

– enfin, une société étrangère peut désormais obtenir la restitution de la retenue à la source calculée sur le fondement de la présomption prévue à l’article 115 quinquies si elle démontre que les bénéfices de source française n’ont pas été désinvestis hors de France.

Synthèse du mécanisme de restitution de retenue à la source (RAS)
et d’imposition en report pour les sociétés étrangères déficitaires

Source : Assemblée nationale, rapport n° 2301 fait par M. Joël Giraud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2020, tome II.

Pour pouvoir bénéficier, d’une part, de la restitution des sommes retenues ou prélevées à la source au titre des revenus et profits perçus ou réalisés, d’autre part, du report de l’imposition de ces revenus et profits, la société étrangère déficitaire est tenue au respect d’obligations déclaratives définies aux III et IV de l’article 235 quater du CGI.

Aux termes du III et du second alinéa du IV de cet article, la société étrangère doit déposer auprès du service des impôts des non résidents une déclaration comportant les informations suivantes :

– l’identité et l’adresse du bénéficiaire des revenus et profits, c’est-à-dire de la société étrangère déficitaire ;

– le montant du déficit enregistré, déterminé en application des règles de la juridiction de résidence de cette société, conformément au 2° du I de l’article 235 quater ; 

– un état de suivi des revenus et profits en report d’imposition, qui doit être annexé à la déclaration.

Le dépôt de cette déclaration doit être fait dans un délai de trois mois suivant la clôture de l’exercice durant lequel est intervenu le fait générateur de la retenue ou du prélèvement à la source dont la société sollicite la restitution.

Aux termes de la première phrase du premier alinéa du IV de l’article 235 quater du CGI, l’imposition et son report prennent effet à la date à laquelle la déclaration est déposée.

Illustration du calendrier de dépôt de la déclaration prévue au III de l’article 235 quater rétabli du CGI

Une société étrangère A, dont les exercices coïncident avec l’année civile, a perçu d’une filiale française, le 15 octobre N, des dividendes qui ne sont pas éligibles au régime mère-fille. Ils font l’objet d’une retenue à la source sur le fondement du 2 de l’article 119 bis du CGI.

Le résultat de cet exercice N, en application des règles de la juridiction d’établissement de la société, est déficitaire.

Pour pouvoir se prévaloir du dispositif prévu à l’article 235 quater du CGI et donc bénéficier de la restitution de la retenue à la source et du report de l’imposition des dividendes, la société A devra déposer la déclaration prévue au III de ce même article au plus tard le 31 mars N + 1.

Pour que le report d’imposition soit maintenu au titre des exercices suivants celui au titre duquel la restitution a été demandée, la société doit, en application du IV de l’article 235 quater du CGI, produire pour chacun de ces exercices une déclaration indiquant :

– son résultat fiscal, déterminé en application des règles de sa juridiction de résidence ;

– l’état de suivi des revenus et profits dont l’imposition est reportée, annexé à la déclaration.

Le délai de production de cette déclaration est le même que celui prévu pour la déclaration initiale : trois mois suivant la clôture de chaque exercice.

B.   Des mécanismes de retenues à la source insatisfaisants

1.   Des modalités de calcul de base de retenue à la source contraires à la libre circulation des capitaux

a.   S’agissant de l’article 119 bis du code général des impôts

L’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ».

Selon une jurisprudence constante de la CJUE, entrent dans le champ des mesures interdites, en principe, par l’article 63 du TFUE, celles qui « sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre » ([84]) .

S’agissant, par exemple, des fonds de pension, la CJUE a déjà jugé que constitue un traitement moins favorable l’application aux dividendes versés à des fonds de pension non-résidents d’une charge fiscale plus lourde que celle supportée par les fonds de pension résidents au titre des mêmes dividendes ([85]). Cette charge fiscale plus lourde peut notamment résulter du refus de la possibilité de déduire des frais professionnels. En présence de frais professionnels directement liés à une activité ayant généré des revenus imposables dans un État membre, les résidents et les non-résidents sont placés dans une situation comparable, de sorte qu’une législation qui refuse aux non-résidents la prise en compte de telles dépenses, accordée en revanche aux résidents, est indûment discriminatoire ([86]).

Pour qu’une législation fiscale nationale puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il convient – classiquement – que la différence de traitement entre résidents et non-résidents concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.

Or, la Commission européenne a adressé, le 18 février 2021, une lettre de mise en demeure à la France ([87]), l’exhortant à modifier ses règles en matière de retenue à la source concernant les dividendes versés aux compagnies d’assurances en unité de compte établies dans d’autres États membres de l’Espace économique européen (EEE) ([88]). En effet, les dividendes français reçus par les compagnies d’assurance en unités de compte établies dans des États membres de l’EEE font l’objet d’une retenue à la source définitive, selon les modalités prévues à l’article 119 bis du CGI, alors que les mêmes compagnies établies en France soit ne subissent pas une telle retenue, soit peuvent imputer la retenue à la source effectuée sur l’impôt sur les sociétés, ce qui a pour effet de réduire à zéro l’imposition – les dividendes reçus constituent des provisions déductibles ou des réserves techniques ([89]).

Ayant eu à se prononcer peu après la lettre de mise en demeure de la Commission européenne, le Conseil d’État, se fondant également sur la jurisprudence de la CJUE relative aux fonds de pension, a jugé que dans l’hypothèse où le versement des dividendes entraîne une augmentation corrélative de la provision technique constituée par une société britannique, la différence d’imposition des dividendes de source française, selon qu’ils sont perçus par une société française ou par une société établie dans un autre État membre de l’UE ou de l’EEE et soumis à une retenue à la source, est susceptible de constituer une atteinte à la libre circulation des capitaux prohibée par l’article 63 du TFUE ([90]).

Dans cette décision le Conseil d’État a également jugé qu’une telle différence de traitement n’était justifiée, en l’espèce, ni par une situation objectivement incomparable – l’activité des sociétés d’assurance-vie étant encadrée par la même directive européenne, qu’elles soient résidentes ou non-résidentes – ni par une raison impérieuse d’intérêt général.

b.   S’agissant de l’article 182 B du code général des impôts

L’article 56 du TFUE dispose que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation ».

Le fait qu’une retenue à la source soit appliquée à la rémunération de prestataires de services non-résidents de l’État membre dans lequel les services sont fournis alors que la rémunération versée aux prestataires résidents de cet État membre n’est pas soumise à une telle retenue n’est pas, selon la Cour de Justice de Luxembourg, en tant que tel contraire au droit de l’Union ([91]).

En revanche, l’impossibilité de déduire de l’assiette de cette taxe les frais professionnels, alors que les résidents sont imposés sur leurs revenus nets, après déduction de ces frais, constitue une atteinte à la libre prestation de services ([92]).

Les frais professionnels sont entendus, dans la jurisprudence européenne, comme ceux qui sont « indissociablement liés à cette activité, quels que soient le lieu ou le moment où ces frais ont été exposés » ([93]).

L’article 182 B du CGI, qui vise, pour rappel, les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France, a pourtant résisté à l’analyse du Conseil constitutionnel.

Ce dernier, qui a eu à en connaître au regard du principe d’égalité devant la loi, a estimé qu’en imposant les personnes qui ne disposent pas d’installation professionnelle permanente en France sur les sommes qu’elles reçoivent en rémunération de leurs prestations fournies ou utilisées en France, cette disposition instaurait une différence de traitement avec les personnes qui, disposant en France d’une telle installation, étaient admises à déduire les charges engagées pour leur activité et n’étaient donc pas imposables que sur leur seul bénéfice. Pour autant, le Conseil constitutionnel a jugé que cette différence de traitement était fondée sur un critère objectif et rationnel, dès lors qu’en instituant la retenue à la source, le législateur avait entendu garantir le montant et le recouvrement de l’imposition due, à raison de leurs revenus de source française, des personnes à l’égard desquelles l’administration fiscale française ne dispose pas du pouvoir de vérifier et de contrôler la réalité des charges déductibles qu’elles ont éventuellement engagées. Dès lors, aucune violation du principe d’égalité devant la loi ne pouvait être relevée ([94]).

Si le respect de la Constitution était ainsi, sur ce point, concédé, le Conseil d’État devait relever quelques mois plus tard et à raison, par le biais des conclusions de son rapporteur public, que des « doutes sur la conformité de l’article 182 B du CGI au principe de la libre prestation de services, en raison de la prise en compte d’une assiette brute, ont déjà été exprimées à plusieurs reprises » ([95]). Suivant les conclusions, la formation de jugement constatait, sur ce point, une violation du droit européen.

Cette position a été confirmée dans un litige postérieur, dans lequel le Conseil d’État a très clairement statué :

« Aux termes de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation (…) ". L'article 57 du même traité précise : " Au sens des traités, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes (…).

Ces stipulations, telles qu’interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, s’opposent à une législation nationale qui exclut que le débiteur de la rémunération versée à un prestataire de services non résident, déduise, lorsqu’il procède à la retenue à la source de l’impôt, les frais professionnels que ce prestataire lui a communiqués et qui sont directement liés à ses activités dans l’État membre où est effectuée la prestation, alors qu’un prestataire de services résident de cet État ne serait soumis à l’impôt que sur ses revenus nets, c'est-à-dire sur ceux obtenus après déduction des frais professionnels » ([96]).

2.   Une application de l’article 235 quater du CGI qui soulève des difficultés pratiques

La mise en œuvre de l’article 235 quater du CGI au 1er janvier 2020 a mis en lumière deux difficultés : la première a trait à l’incertitude qui entoure une imposition en report portant sur plusieurs exercices, la seconde est relative au délai qui enserre la demande de restitution, jugé trop bref en pratique.

a.   Une incertitude quand l’imposition en report porte sur plusieurs exercices

Pour rappel, le dispositif mis en place par l’article 235 quater du CGI issu de l’article 42 de la loi de finances pour 2020 est un mécanisme de restitution temporaire qui autorise le bénéficiaire des revenus à solliciter la restitution des impositions versées via le dépôt d’une déclaration auprès du service des impôts des non-résidents dans les trois mois de la clôture de l’exercice au cours duquel est intervenu le fait générateur de la retenue ou du prélèvement ([97]).

La restitution rend alors la personne morale étrangère redevable d’une nouvelle imposition égale au montant des retenues et prélèvements restitués.

Dans leur rédaction actuelle, les dispositions de l’article 235 quater du CGI ne précisent pas, dans l’hypothèse où la société redevient bénéficiaire et que les impositions en report deviennent dès lors exigibles, l’ordre dans lequel ces impositions deviennent exigibles dans l’hypothèse où les impositions en report portent sur plusieurs exercices. Cette incertitude fait naître une insécurité juridique problématique.

b.   Un délai de demande de restitution trop bref

Le report d’imposition est maintenu pour chacun des exercices suivant celui au titre duquel la déclaration a été produite par le bénéficiaire, sous réserve que celui-ci dépose auprès du service des impôts des non-résidents, dans les trois mois de la clôture de chacun de ces exercices suivants, une déclaration faisant apparaître un résultat déficitaire au titre desdits exercices. Un état de suivi des revenus et profits dont l’imposition est reportée est joint en annexe des déclarations annuelles sur un formulaire établi par l’administration.

Le non-respect de ce bref délai, qui ne tient au surplus pas compte des dates de dépôt des déclarations fiscales propres aux États de résidence, possède une conséquence importante : la fin du non-report d’imposition.

De sorte, les remontées du terrain font état de la trop grande rigueur de cette sanction, liée à un calendrier trop resserré.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Une mise en conformitÉ avec le droit europÉen et des ajustements portant sur les retenues À la source applicable aux sociÉtÉs non-rÉsidentes

D’une part, le présent article tire les conséquences des décisions jurisprudentielles ayant jugé certains dispositifs de retenue à la source contraires aux principes de liberté de circulation des capitaux et de libre prestation de services garantis par le TFUE, dans la mesure où la retenue à la source due par une personne morale ou un organisme non-résident est calculée sur une assiette brute alors que, placée dans une situation identique, une société française serait imposée sur un bénéfice établi après déduction des charges supportées pour l’acquisition et la conservation de ces revenus.

D’autre part, il clarifie les modalités d’application du dispositif de restitution de retenue à la source visant les sociétés étrangères déficitaires.

1.   L’ouverture aux personnes morales ou organismes non-résidents de la possibilité de déduire les charges directement rattachées aux revenus soumis à une retenue à la source

Le 1° du I du présent article ajoute un I bis à l’article 182 B du CGI afin de mettre en conformité au droit de l’Union européenne la retenue à la source pesant sur les sociétés non résidentes en matière de dividendes.

Si la base de la retenue à la source est constituée par le montant brut des sommes et des produits versés, le nouvel I bis propose, lorsque le bénéficiaire des sommes soumises à la retenue à la source est une personne morale ou un organisme dont les résultats ne sont pas imposés à l’impôt sur le revenu entre les mains d’un associé – et dont le siège ou l’établissement stable dans le résultat duquel les sommes ou produits sont inclus est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n'étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A du CGI – de déterminer la base de cette retenue sous déduction d’un abattement représentatif de charges égal à 10 % de ces sommes ou produits.

Cet abattement forfaitaire de charges de 10 % directement appliqué lors du prélèvement de la retenue à la source possède un taux identique à celui prévu à l’article 182 A bis du CGI en matière de prestations artistiques fournies ou utilisées en France.

Le 3° du I du présent article vient rétablir l’article 235 quinquies du CGI ([98]), venant préciser que le bénéficiaire des produits et sommes soumis aux retenues à la source prévues au 2 de l’article 119 bis ainsi qu’aux articles 182 A bis et 182 B du CGI, pourra demander que l’imposition ainsi versée lui soit restituée à hauteur de la différence entre cette imposition et l’imposition déterminée à partir d’une base nette des charges d’acquisition et de conservation directement rattachées à ces produits et sommes.

Ainsi, lorsque le montant des charges supporté par les personnes morales soumises à la retenue à la source de l’article 182 B du CGI est supérieur au montant de 10 % déduit forfaitairement au moment du prélèvement de la retenue à la source, la présente disposition leur ouvre la possibilité de demander a posteriori la différence entre la retenue à la source prélevée et la retenue à la source calculée sur une base nette des charges réelles supportées pour l’acquisition et la conservation des revenus.

Les organismes et personnes morales sujets à la retenue à la source de l’article 119 bis du CGI, qui ne bénéficient pas de la possibilité de déduire forfaitairement un abattement représentatif de charges au moment de la retenue, pourront en revanche se prévaloir de cette demande de remboursement a posteriori « au réel ».

Dans les deux cas – que ce soit pour les revenus traités par l’article 119 bis ou pour ceux traités par l’article 182 B du CGI – les conditions suivantes doivent être réunies :

– le bénéficiaire des produits et sommes est une personne morale ou un organisme dont les résultats ne sont pas imposés à l’impôt sur le revenu entre les mains d’un associé, et dont le siège ou l’établissement stable dans le résultat duquel les produits et sommes sont inclus est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A – ou, pour la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis, dans un État non-membre de l’Union européenne ou qui n'est pas un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative, sous réserve que cet État ne soit pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A et que la participation détenue dans la société ou l’organisme distributeur ne permette pas au bénéficiaire de participer de manière effective à la gestion ou au contrôle de cette société ou de cet organisme ;

– les charges d’acquisition et de conservation de ces produits et sommes seraient déductibles si le bénéficiaire était situé en France ;

 les règles d’imposition dans l’État de résidence ne permettent pas au bénéficiaire d’y imputer la retenue à la source.

Cette demande de restitution devra être déposée au service des impôts des non-résidents dans les conditions prévues aux articles R*196-1 et R*196-3 du livre des procédures fiscales (LPF).

Ces dispositions s’appliquent aux retenues à la source dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2022, selon le III du présent article.

2.   La clarification des modalités d’application du dispositif de restitution de retenue à la source visant les sociétés étrangères déficitaires

Le 2° du I du présent article modifie l’article 235 quater du CGI afin d’aménager les modalités de mise en œuvre du dispositif de restitution de retenue à la source pour les entités étrangères déficitaires.

Ainsi, le a du 2° du I précise que la restitution prévue par l’article 235 quater pourra être demandée dans le délai de réclamation prévu aux articles R*196-1 et R*196-3 du LPF, c’est-à-dire au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement du rôle.

Ensuite, le b du 2° du I étend le délai pour déposer les déclarations afin de bénéficier du report d’imposition dans les conditions prévues au IV de l’article 235 quater du CGI de trois à six mois après la clôture de l’exercice au titre duquel le report est sollicité.

Enfin, le c du 2° du I précise quant à lui que lorsque les impositions mises en report en application du II de l’article 235 quater du CGI portent sur des exercices distincts, la déchéance de ce report s’applique en priorité aux impositions les plus anciennes.

3.   Une précision rédactionnelle

Le II du présent article propose une précision rédactionnelle bienvenue consistant à actualiser le taux applicable en matière de retenue à la source prévue à l’article 187 du CGI, à compter du 1er janvier 2022. Ce taux sera aligné avec le taux normal de l’impôt sur les sociétés à cette date, à savoir 25 %.

B.   L’impact budgÉtaire et Économique

1.   Un impact budgétaire dès 2022 qui ne peut être chiffré avec précision

Les mesures définies par le présent article s’appliquent à compter des retenues à la source dont le fait générateur intervient à partir du 1er janvier 2022. De fait, l’impact budgétaire de cet article doit intervenir dès 2022.

Pourtant, son étude d’impact allègue que « le coût de la mesure n’est pas chiffrable en raison de l’impossibilité de connaître le montant des charges réellement supportées par les sociétés non-résidentes, ces charges n’étant pas, à ce jour, déclarées en France ».

En outre, « le système d’information de la DGFiP ne permet pas de restituer informatiquement les données relatives à l’identification des bénéficiaires soumis aux retenues à la source prévues au 2 de l’article 119 bis, à l’article 182 A bis et à l’article 182 B du CGI. Il n’est donc pas possible d’identifier les entités non-résidentes potentiellement concernées ».

Le Rapporteur général ne peut que regretter l’impossibilité matérielle de procéder à un chiffrage mais apprécie néanmoins la tentative d’estimation conduite par le Gouvernement au sein de son exposé des motifs – du moins pour l’impact sur les revenus imposés au titre des articles 182 A et 182 B du CGI, de 40 millions d

En tout état de cause, il serait souhaitable que les systèmes d’information de l’administration fiscale évoluent pour isoler les montants des versements et des impôts associés concernés par le présent article.

2.   Des mesures améliorant la sécurité juridique des sociétés étrangères et renforçant l’attractivité de la France en matière d’investissements

Dans la mesure où il procède, pour l’essentiel, à une mise en conformité au droit de l’Union européenne de plusieurs retenues et prélèvements à la source, le présent article prémunit la législation française de risque juridique vis-à-vis des normes européennes et limite ainsi les risques contentieux.

Il améliore donc la sécurité juridique du droit national.

Enfin, au-delà de l’aspect tenant à la mise en conformité avec le droit de l’Union européenne, les modifications apportées aux retenues et prélèvements à la source garantiront une égalité de traitement entre les sociétés étrangères et les sociétés résidentes.

En plus d’assurer une pleine concurrence effective entre ces sociétés, les mesures proposées pourront renforcer l’attractivité de la France auprès d’investisseurs étrangers :

– ceux-ci auront une totale liberté dans le choix de la forme juridique de leur exploitation en France, sans risquer un traitement fiscal désavantageux ;

– les prises de participation au sein de sociétés françaises ou les revenus tirés d’activités en France connaîtront des modalités d’imposition non pénalisantes, pouvant dès lors accroître l’opportunité de développer de telles activités.

*

*     *

La commission adopte l’article 7 non modifié.

 

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Article 8
Aménagement du dispositif de déduction exceptionnelle en faveur des équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises ou de passagers d’utiliser des énergies propres

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article facilite l’utilisation du dispositif de déduction exceptionnelle incitant à l’acquisition d’équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises et de passagers d’utiliser des énergies propres, en lui apportant quatre modifications :

– Il étend le champ des équipements dont l’acquisition ouvre droit à la déduction, à des équipements utilisant de nouvelles sources d’énergie « propre » ;

– Il supprime le critère relatif à la proportion d’escales dans les ports français ou au temps de navigation dans la zone économique exclusive française (ZEE), qui est l’une des conditions ouvrant droit au recours à ce dispositif ;

– Il précise les conditions dans lesquelles, lorsque le bien concerné est donné en crédit-bail ou en location avec option d’achat, l’entreprise qui donne le bien en crédit-bail ou en location peut pratiquer cette déduction.

– En contrepartie, un plafonnement de la déduction par navire est introduit, afin de limiter les effets d’aubaine et l’impact de ces modifications sur le budget de l’État.

Il s’agit de renforcer les incitations au verdissement de la flotte de transport maritime et fluvial afin de favoriser la sauvegarde de l’environnement marin et d’améliorer la qualité de l’air sur le littoral et dans les ports français.

Cette mesure, annoncée par le Président de la République lors des Assises de la mer le 14 septembre 2021, découle des concertations menées dans le cadre du « Fontenoy du maritime », qui s’est déroulé au premier semestre 2021.

L’impact budgétaire est évalué à un montant négligeable en 2022, à 2 millions d’euros en 2023, à 7 millions d’euros en 2024 et à 12 millions d’euros en 2025.

Dernières modifications législatives intervenues

Le dispositif de déduction exceptionnelle en faveur des équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises ou de passagers d’utiliser des énergies propres a été inséré dans un nouvel article 39 decies C du CGI par l’article 56 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Il a été modifié par l’article 48 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté deux amendements à cet article :

– Le premier, déposé par Mme Christine Pires Beaune et les membres du groupe Socialistes et apparentés, renvoie la liste des équipements éligibles à un décret, afin que soit analysé de manière plus précise leur bilan environnemental ;

– Le second, déposé par M. Jean-Marc Zulesi au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, substitue à la liste des nouveaux carburants éligibles une désignation plus générale, englobant tous les carburants dont les performances en matière d’émissions de CO2, d’oxydes de soufre, d’oxydes d’azote et de particules fines et ultra-fines sont au moins équivalentes à celles du gaz naturel liquéfié.


I.   L’État du droit

L’article 39 decies C du CGI, introduit en loi de finances pour 2019 ([99]) puis modifié en loi de finances pour 2020 ([100]), prévoit un dispositif exceptionnel de déduction afin d’inciter les propriétaires de navires et de bateaux de transport de marchandises ou de passagers d’investir dans des équipements de propulsion plus respectueux de l’environnement. Il s’agit d’un suramortissement de nature uniquement fiscale, et non comptable, qui s’ajoute à la déduction pratiquée au titre de l’amortissement.

A.   les justifications de la mesure et les circonstances de son adoption

Cet article a été introduit en PLF pour 2019 ([101]) puis modifié en PLF pour 2020  ([102]) par amendement.

a.   Le constat : un mode de transport fortement polluant

Les exposés sommaires de ces amendements soulignaient le caractère fortement polluant du transport maritime, qui fonctionne à l’heure actuelle essentiellement au fioul lourd et constitue une source de pollution atmosphérique importante dans les lieux où son activité est concentrée, en particulier les ports et les détroits. Les pollutions en cause sont surtout composées d’oxydes de soufre, d’oxydes d’azote et de particules fines.

De manière plus générale, selon l’Organisation maritime internationale, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) dues au transport maritime ont augmenté de 9,6 % entre 2012 et 2018, passant de 977 à 1 076 millions de tonnes. La part des émissions dues au transport maritime dans le volume des émissions de GES d’origine anthropique aurait également augmenté, passant de 2,76 % à 2,89 % sur la même période  ([103]).

Selon France Nature Environnement, la pollution de l’air due au transport maritime causerait chaque année en Europe 50 000 à 60 000 décès prématurés. La teneur en soufre du fioul lourd utilisé par les navires, qui est 3 500 fois supérieure à celle des véhicules diesel automobiles, serait particulièrement en cause. France Nature Environnement estime, en outre, qu’un paquebot générerait autant de pollution aux particules ultrafines qu’un million de voitures.

b.   L’émergence de la mesure

Le souci de réduire la pollution engendrée par le transport maritime a été manifeste dès le début du quinquennat, notamment lors du Comité interministériel de la mer (CIMer) de novembre 2017. La mesure n° 18 du plan présenté à l’issue de celui-ci  ([104]) prévoyait ainsi : « L’État soutient la transition énergétique vers le gaz naturel liquéfié (GNL). À cette fin, il accompagne les acteurs portuaires, maritimes et industriels, dans la réalisation de projets d’installations fixes ou mobiles de GNL et poursuit les travaux d’adaptation de la réglementation portuaire afin de faciliter le soutage du GNL dans des conditions sûres et économiquement viables dans les ports. En parallèle, il met en œuvre le cadre d’action national pour le développement des carburants alternatifs dans le secteur des transports et le déploiement des infrastructures correspondantes ».

Lors des Assises de l’économie de la mer de novembre 2017, le Premier Ministre s’était engagé à ce que, sur le plan financier, le ministre de l’économie et des finances étudie « la révision des modalités d’amortissement des investissements concernant l’achat de nouveaux navires ou de modes de propulsion », notamment ceux alimentés au GNL.

En réponse à une question orale, le 20 février 2018, la Secrétaire d’État Brune Poirson avait indiqué que « des travaux sur la révision des modalités d’amortissement des navires avaient été lancés pour répondre à la nécessité de favoriser le renouvellement de la flotte ».

En outre, le 19 juin 2018, une résolution visant à renforcer la lutte contre la pollution du transport maritime et à promouvoir les carburants marins alternatifs avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. À cette occasion, M. Joël Giraud, rapporteur général du budget, avait invité à ce que des propositions relatives aux incitations fiscales à la transition énergétique des navires soient formulées dans le cadre du PLF pour 2019.

c.   Les modifications introduites en loi de finances pour 2020

Le dispositif adopté en loi de finances pour 2019 n’a pas pu entrer en vigueur en raison du refus de la Commission européenne de l’approuver. En effet, il avait été prévu que l’accord de celle-ci constituerait une condition à son entrée en vigueur, la Commission devant se prononcer sur sa conformité à la réglementation européenne en matière d’aides d’État. Or la Commission a considéré que l’assiette du dispositif, qui s’appuyait sur la valeur d’origine du navire, était trop large par rapport à la définition des « coûts admissibles » prévue par les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie ([105]).

Afin de répondre à ces objections, le dispositif adopté en loi de finances pour 2020 a retenu une assiette réduite, égale à la différence de valeur entre un navire neuf propulsé au gaz naturel liquéfié (GNL) ou avec des technologies décarbonées et celle d’un navire doté d’une propulsion classique. Le taux de la déduction a été considérablement augmenté afin de compenser cette réduction d’assiette.

En outre, la loi de finances pour 2020 a rendu éligibles à ce mécanisme les achats de biens destinés à équiper les navires existants afin de leur permettre de fonctionner avec des énergies plus propres. Il s’agissait d’agir, non seulement sur le flux des nouveaux navires et bateaux, mais également sur le stock de la flotte existante.

Cette mesure a fait l’objet de commentaires publiés au Bulletin officiel des finances publiques le 10 juin 2020 ([106]). Ceux-ci ont été rapportés en faveur d’un nouveau commentaire, publié le 13 janvier 2021 ([107]).

B.   champ d’application

1.   Les entreprises concernées

Cette déduction exceptionnelle est ouverte :

– aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, quelles que soient leur forme et la nature de leur activité ;

– aux entreprises dont les bénéfices proviennent de l’exercice d’une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole et sont soumis à l’impôt sur le revenu selon un régime réel d’imposition.

Il en découle que sont exclues de ce dispositif les entreprises de transport maritime dont les résultats sont imposés selon le régime de la taxation au tonnage prévu à l’article 209-0 B du CGI ([108]).

La déduction s’applique aux entreprises qui acquièrent un ou plusieurs biens éligibles en vue d’en équiper un navire ou un bateau de transport de marchandises ou de passagers éligible.

Lorsque le bien concerné fait l’objet d’un contrat de crédit-bail ou d’un contrat de location avec option d’achat, la déduction peut être pratiquée par l’entreprise crédit-preneuse ou locataire ou par l’entreprise crédit-rentière ou bailleresse. Pour cette dernière, toutefois, la déduction n’est possible que si le locataire ou le crédit-preneur ne la pratique pas lui-même, et si l’avantage en impôt ainsi obtenu est intégralement rétrocédé à l’entreprise locataire ou crédit-preneuse sous forme de diminution de loyers accordée en même temps et au même rythme que celui auquel la déduction est pratiquée ([109]).

En dehors de ces deux types de contrats, le droit de pratiquer la déduction revient au propriétaire juridique du bien.

2.   Navires et bateaux concernés

La déduction s’applique aux investissements éligibles équipant des navires armés au commerce ([110]) battant pavillon d’un des États membres de l’Union européenne (UE) ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) répondant à l’une de ces deux conditions :

– ses escales dans les ports français représentent plus de 30 % du nombre des escales pour chaque année de la durée normale d’amortissement des navires ;

– sa durée de navigation dans la zone économique exclusive française (ZEE) représente plus de 30 % du temps de navigation.

Sur demande de l’administration, le contribuable est tenu de présenter tout document visé par l’administration chargée du transport maritime, certifiant que l’une de ces deux conditions est respectée ([111]).

La déduction s’applique également aux investissements réalisés dans des bateaux ([112]) de transport de marchandises naviguant dans les eaux intérieures au sens de l’article L. 4000-1 du code des transports, soit dans les cours d’eau, estuaires et canaux en amont du premier obstacle à la navigation des navires et dans les lacs et plans d’eau, ainsi que dans ceux naviguant en mer dans les conditions prévues par l’article L. 4251-1 du même code, c’est-à-dire uniquement pour accéder aux installations de stationnement établies dans des zones maritimes situées à proximité de la limite transversale de la mer ([113]).

La doctrine fiscale admet, cependant, que sont également éligibles les bateaux de transport de marchandises ou de passagers destinés à la navigation dans la zone située entre le premier obstacle à la navigation des navires et la limite transversale de la mer ([114]).

3.   Investissements éligibles

La déduction s’applique aux biens inscrits à l’actif immobilisé relevant de l’une des catégories suivantes.

a.   Équipements spécifiques utilisés pour la propulsion principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale

Il s’agit des équipements permettant l’utilisation de l’hydrogène ou de toute autre propulsion décarbonée comme mode de propulsion principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale des navires et bateaux concernés  ([115]).

L’administration a précisé que ces équipements peuvent utiliser l’électricité, la propulsion vélique ou le GNL. Ils comprennent des équipements tels que la pile à combustible, les équipements de stockage et de compression de l’hydrogène, les moteurs électriques, les accumulateurs, les moteurs alimentés au GNL, les réservoirs permettant le stockage du GNL, et les équipements véliques (mâts, voiles, cordages, accastillage et gréement) ([116]).

Ces équipements doivent être acquis neufs. Ils peuvent être installés sur des navires et bateaux acquis neufs ou d’occasion, ou déjà en service.

b.   Biens destinés au traitement des oxydes de soufre, des oxydes d’azote et des particules fines contenus dans les gaz d’échappement

Il s’agit des équipements de traitement des émissions atmosphériques des navires et bateaux ([117]). Cela inclut les tours de lavage des fumées désignées sous le nom d’« absorbeurs-neutraliseurs » ou scrubbers en anglais ([118]).

Sont seuls éligibles ceux de ces équipements qui permettent aux navires et bateaux dans lesquels ils sont installés d’atteindre un niveau de performance environnementale supérieur à celui imposé par la réglementation au regard d’au moins l’un des deux critères suivants :

– un niveau d’émission d’oxydes de soufre inférieur à celui fixé à la règle 14 de l’annexe 6 de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, dite convention MARPOL ou, lorsque le navire y est soumis, par la directive 2012/33/UE du Parlement et du Conseil du 21 novembre 2012 ([119]) ;

– un niveau d’émission d’oxydes d’azote inférieur à celui correspondant au niveau III tel que défini au paragraphe 5.1 de la règle 13 de l’annexe 6 de la convention MARPOL.

En matière d’oxydes de soufre, la règle 14 de l’annexe 6 de la convention MARPOL limite, à compter du 1er janvier 2020, à 0,5 % en masse la teneur en soufre des combustibles marins des navires exploités à l’extérieur des zones de contrôle des émissions et, depuis le 1er janvier 2015, à 0,1 % en masse celle afférente aux navires exploités à l’intérieur desdites zones.

Reprise par la directive 2012/33/UE précitée, la valeur limite de concentration en soufre des combustibles marins de 0,5 % en masse s’applique depuis le 1er janvier 2020 aux combustibles utilisés dans les eaux territoriales des États membres de l’UE, leurs zones économiques exclusives et leurs zones de prévention de la pollution. Cette directive ajoute une exigence à l’égard des navires à quai dans les ports de l’UE plus de deux heures, la teneur en soufre des combustibles qu’ils utilisent ne devant pas dépasser 0,1 % en masse.

Pour être éligibles au dispositif de déduction exceptionnelle, les équipements, qui doivent être acquis neufs et installés sur des navires ou bateaux de transport de marchandises ou de passagers en service, doivent permettre à ces navires ou bateaux d’atteindre un niveau de performance environnementale supérieur à celui fixé par l’un des deux critères précités, même s’ils n’y sont pas soumis par la réglementation en vigueur.

c.   Biens destinés à l’alimentation électrique durant les escales par le réseau terrestre ou au moyen de moteurs auxiliaires utilisant le GNL ou une énergie décarbonée, et biens destinés à compléter la propulsion principale par une propulsion décarbonée

L’éligibilité de ces biens est prévue par le 4° du paragraphe I de l’article 39 decies C du CGI.

L’administration a indiqué que ces biens recouvrent notamment :

– les systèmes à bord permettant le branchement électrique du navire ou du bateau sur une potence électrique située à quai ;

– les générateurs électriques à bord, servant au fonctionnement du navire ou du bateau à quai, alimentés par du GNL ou par une autre énergie décarbonée comme l’hydrogène ;

– les « kites » déployés à l’avant d’un navire ou d’un bateau pour économiser du carburant ;

– les voiles servant à la propulsion du navire ou du bateau.

Pour être éligibles, les équipements doivent être acquis neufs et installés sur des navires ou bateaux déjà en service.

C.   modalités de calcul de la déduction exceptionnelle

1.   Assiette de la déduction

a.   Pour les équipements spécifiques utilisés pour la propulsion principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale et les biens destinés au traitement des gaz d’échappement

Comme le prévoient les 1°, 2° et 3° du paragraphe I de l’article 39 decies C du CGI, l’assiette est dans ce cas constituée par les coûts supplémentaires générés par l’installation de ces équipements ou biens dans les navires et bateaux éligibles par comparaison avec les coûts d’installation des équipements et biens dont les performances environnementales sont moindres.

Comme prévu par le dixième alinéa du I du même article, les coûts supplémentaires, hors frais financiers, directement liés à l’installation de ces équipements sont déterminés par la différence entre leur valeur d’origine, hors frais financiers, et la valeur d’origine, hors frais financiers, des équipements similaires qui auraient permis l’utilisation du fuel lourd ou du diesel marin comme mode de propulsion principale, ou des équipements similaires qui auraient utilisé ces carburants pour la production d’électricité destinée à la propulsion principale du navire ou du bateau de transport de marchandises et de passagers considéré.

La doctrine fiscale est revenue de manière extrêmement précise sur les modalités de calcul de cette assiette ([120]).

La loi précise que ne doivent pas être retenus dans les deux termes de la différence les coûts qui ne sont pas directement liés à l’installation des équipements éligibles. L’administration a indiqué qu’il s’agit notamment des équipements de confort du navire ou bateau, des équipements d’accueil des passagers ou du personnel, de la coque et du remplacement de l’hélice ([121]).


Comme prévu par le onzième alinéa du I de l’article 39 decies C du CGI, les coûts supplémentaires, hors frais financiers, directement liés à l’installation des équipements éligibles sont déterminés par différence entre leur valeur d’origine, hors frais financiers, et la valeur d’origine, hors frais financiers, des équipements qui auraient dû être installés sur le navire ou le bateau de transport de marchandises et de passagers considéré pour satisfaire à la règle 14 de l’annexe 6 de la convention MARPOL ou, lorsque le navire y est soumis, aux dispositions de la directive 2012/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 modifiant la directive 1999/32/CE en ce qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins, ou au niveau III d’émission d’oxydes d’azote selon les stipulations du paragraphe 5.1 de la règle 13 de l’annexe 6 de la convention MARPOL.

b.   Pour les biens destinés à l’alimentation électrique durant les escales par le réseau terrestre ou au moyen de moteurs auxiliaires utilisant le GNL ou une énergie décarbonée

Comme prévu par le 4° du paragraphe I de l’article 39 decies C du CGI, la déduction exceptionnelle applicable aux biens destinés à l’alimentation électrique durant les escales par le réseau terrestre ou au moyen de moteurs auxiliaires utilisant le GNL ou une énergie décarbonée ainsi qu’aux biens destinés à compléter la propulsion principale par une propulsion décarbonée est calculée en retenant l’intégralité de leur valeur d’origine, hors frais financiers.

2.   Taux applicables et période d’éligibilité

Le taux de la déduction exceptionnelle est de :

– 125 % pour les équipements, acquis à l’état neuf, permettant l’utilisation d’hydrogène ou de toute autre propulsion décarbonée comme énergie propulsive principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale des navires et bateaux éligibles  ([122]);

– 105 % pour les équipements, acquis à l’état neuf, permettant l’utilisation du GNL comme énergie propulsive principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale des navires et bateaux éligibles ([123]).

Ces dispositions s’appliquent aux équipements neufs dont le contrat d’acquisition ou le contrat de construction des navires ou bateaux dans lequel ils sont installés dès l’origine est conclu à compter du 1er janvier 2020 et jusqu’au 31 décembre 2024. Elles s’appliquent également aux biens pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat dans le cadre d’un contrat conclu à compter du 1er janvier 2020 et jusqu’au 31 décembre 2024.

Le taux de la déduction exceptionnelle est de :

– 85 % pour les biens destinés au traitement des oxydes de soufre, oxydes d’azote et particules fines contenus dans les gaz d’échappement installés sur un navire ou un bateau de transport de marchandises ou de passagers en service  ([124]);

– 20 % pour les biens destinés à l’alimentation électrique durant les escales par le réseau terrestre ou au moyen de moteur auxiliaire utilisant le GNL ou une énergie décarbonée ainsi qu’aux biens destinés à compléter la propulsion principale du navire ou du bateau de transport de marchandises ou de passagers par une propulsion décarbonée ([125]).

Ces dispositions s’appliquent aux biens acquis à l’état neuf ou pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat dans le cadre d’un contrat conclu à compter du 1er janvier 2020 et jusqu’au 31 décembre 2024, en vue de les installer sur un navire ou un bateau en service.

3.   Répartition de la déduction

Comme précisé au paragraphe II de l’article 39 decies C du CGI, la déduction est répartie linéairement à compter de la mise en service des biens sur leur durée normale d’utilisation.

En cas de cession ou de remplacement du bien avant le terme de cette période, elle n’est acquise à l’entreprise qu’à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de la cession ou du remplacement, calculés pro rata temporis.

Dans le cas d’un crédit-bail ou d’une location avec option d’achat, la déduction est répartie pro rata temporis sur la durée normale d’utilisation du bien à compter de l’entrée en location. Si l’entreprise crédit-preneuse ou locataire acquiert le bien et en remplit les conditions, elle peut continuer à appliquer la déduction. En cas de cession ou de cessation du contrat de crédit-bail ou de location avec option d’achat, ou de cession du bien, la déduction n’est acquise à l’entreprise qu’à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de la cession ou de la cessation, qui sont calculés pro rata temporis ([126]).

D.   conséquences attachées au non-respect d’une des conditions de la déduction

Si l’une des conditions prévues aux I à IV de l’article 39 decies C du CGI cesse d’être respectée pendant la durée normale d’utilisation du navire, le contribuable perd le droit de pratiquer la déduction, et les sommes déduites au cours de l’exercice et des exercices précédents sont rapportées au résultat imposable de l’entreprise qui en a bénéficié au titre de l’exercice au cours duquel cet événement se réalise ([127]).

E.   encadrement européen

Le paragraphe VI de l’article 39 decies C du CGI dispose que le bénéfice de la déduction exceptionnelle est subordonné au respect de l’article 36 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

L’administration fiscale a précisé les modalités d’application de cette disposition ([128]). Afin que la déduction exceptionnelle soit considérée comme une aide conforme à cet article, il convient de respecter les conditions suivantes :

– l’investissement permet au bénéficiaire d’augmenter le niveau de protection de l’environnement découlant de ses activités en allant au-delà des normes applicables de l’UE, indépendamment de l’existence ou non de normes nationales obligatoires plus strictes que les normes de l’UE ;

– l’investissement permet au bénéficiaire d’augmenter le niveau de protection de l’environnement découlant de ses activités en l’absence de normes de l’UE ;

– le montant de l’aide ne doit pas excéder 40 % du coût de l’investissement éligible.

Chaque entreprise doit déterminer le montant de l'aide octroyée sur chaque exercice afin de s’assurer que le cumul des aides ainsi octroyées ne dépasse pas le plafond global d’intensité des aides autorisé.

II.   Le dispositif proposÉ

Le paragraphe I du présent article (alinéas 1 à 20) modifie le dispositif adopté en lois de finances pour 2019 et 2020 sur trois points :

– il étend le champ des équipements dont l’acquisition ouvre droit à la déduction, en tenant compte des évolutions technologiques ;

– il supprime le critère relatif à la proportion d’escales dans les ports français ou à la durée de navigation dans la ZEE française ;

– il précise les conditions dans lesquelles, lorsque le bien concerné est donné en crédit-bail ou en location avec option d’achat, l’entreprise qui donne le bien en crédit-bail ou en location peut pratiquer cette déduction.

Il s’agit de renforcer les incitations au verdissement de la flotte de transport maritime et fluvial en élargissant l’accès à ce dispositif.

En contrepartie, un plafonnement de la déduction par navire est introduit, afin de limiter les effets d’aubaine et l’impact de ces modifications sur le budget de l’État.

Le I procède, en outre, à des actualisations de références et à des coordinations.

Le paragraphe II (alinéa 21) précise les modalités d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions.

Le « Fontenoy du maritime »

La modification du dispositif en vigueur portée par le présent article est issue des concertations menées dans le cadre du « Fontenoy du maritime » au premier semestre 2021. Initié par Mme Annick Girardin, ministre de la mer, en novembre 2020, le « Fontenoy du maritime » vise à renforcer la compétitivité du pavillon français, à soutenir l’industrie maritime, à développer l’emploi et les compétences dans le domaine maritime et à accélérer la transition énergétique de la flotte.

Elle a été annoncée par le Président de la République le 14 septembre 2021 lors des Assises de la mer qui se sont tenues à Nice, en même temps que l’ouverture de la possibilité de cumuler un crédit-bail avec la garantie de projet stratégique, afin d’encourager le recours au pavillon français, et celle d’un cumul du crédit-bail et de la garantie interne, afin de favoriser la construction par des chantiers français.

D’autres mesures du Fontenoy visent à améliorer les conditions d’emploi des marins français, notamment des allègements de cotisations sociales pendant trois ans. Un colloque sur le dumping social maritime a également été annoncé dans le cadre de la présidence française de l’UE.

Enfin, le Président de la République a annoncé l’ouverture d’une enveloppe supplémentaire de 50 millions d’euros pour la pêche dans le cadre du plan de relance et d’investissement. Le programme « France Vue sur mer » pour la remise en état des sentiers littoraux devrait également voir sa dotation passer de 5 à 10 millions d’euros.

A.   L’ouverture de la déduction à de nouveaux équipements

Cette modification est apportée par le 1° du A du I (alinéas 3 et 4) du présent article.

Il étend à de nouveaux équipements la déduction prévue au 2° du paragraphe I de l’article 39 decies C du CGI, qui porte sur 105 % des coûts supplémentaires immobilisés directement liés à l’installation d’équipements permettant l’utilisation du GNL comme énergie propulsive principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale.

Il prévoit d’étendre cette disposition, sous les mêmes conditions, aux équipements acquis à l’état neuf permettant l’utilisation de gaz de pétrole liquéfié (GPL), de gaz naturel comprimé, de l’ammoniac, du méthanol, de l’éthanol ou du diméthyl éther comme énergie propulsive principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale des navires et bateaux de transport de marchandises ou de passagers et affectés à l’activité des entreprises concernées, lorsque le contrat d’acquisition de ces équipements ou de construction du navire ou du bateau est conclu à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2024.

Les nouveaux types de carburants permettant de bénéficier de la déduction

Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est un mélange d’hydrocarbures légers stocké à l'état liquide et issu du raffinage du pétrole (40 % des ressources mondiales) et plus généralement du traitement du gaz naturel (60 % des ressources mondiales).
Il est composé d’environ 80 % de butane (C4H10) et 20 % de propane (C3H8). C’est un carburant dit propre, issu du raffinage du pétrole brut. Son utilisation présente des avantages par rapport au gazole en permettant de réduire de 50 % les émissions d’oxyde d’azote, de 50 % celles des monoxydes de carbone et de 90 % celles des hydrocarbures et des particules.

Le gaz naturel comprimé (GNC) est un mélange d’hydrocarbures légers composé principalement de méthane (CH4) et stocké à l’état gazeux à haute pression. Il prend ainsi moins de place et peut être facilement transporté. Lors de son utilisation, il émet 27 % de CO2 en moins comparé à l’essence, très peu d’oxydes nitreux, d’oxydes de soufre et d’emonoxyde de carbone et aucun métal toxique ni particules fines.

L’ammoniac (NH3), qui est la seconde molécule la plus produite, en termes de volume annuel, par les industries chimiques, a la capacité de stocker l’énergie, en particulier l’hydrogène. Sous forme liquide, il peut servir de carburant. Il n’est pas carboné et n’émet donc pas de CO2 dans sa phase d’usage. En revanche, sa combustion produit des oxydes d’azote qui rendent un système de dépollution indispensable.

Le méthanol (CH3OH), dit également alcool méthylique, carbinol ou esprit de bois, est un carburant liquide composé essentiellement de méthane ou de gaz naturel. Il n’émet ni hydrocarbure, ni oxyde d’azote, ni monoxyde de carbone. Il présente une forte efficacité énergétique et sa production est peu coûteuse, mais il est corrosif et présente une toxicité élevée.

L’éthanol est un carburant vert conçu à partir de plantes et de végétaux contenant du saccharose, comme la canne à sucre, la betterave à sucre ou certaines céréales (blé, riz). Il se présente sous forme liquide. Lorsqu’il est utilisé comme carburant, ses émissions de gaz à effet de serre sont 50 % moindres que celles des carburants fossiles. Il est, de plus, peu coûteux.

Le diméthyl éther (DME) est un gaz synthétisé à partir de gaz naturel, de biomasse, de charbon ou de résidus lourds de raffinerie, facile à liquéfier et à transporter. Il produit moins d’oxydes d’azote et 95 % de moins de dioxyde de carbone que l’essence, et son utilisation n’émet aucune particule.

Le b) du 1° du B du paragraphe I (alinéas 16 et 17) prévoit que l’entreprise qui prend en location un bien neuf dans le cadre d’un contrat de crédit-bail ou de location avec option d’achat peut également bénéficier d’une déduction égale à 105 % des coûts d’investissement supplémentaires induits par l’acquisition, à l’état neuf, d’équipements permettant l’utilisation du GPL, du GNC, de l’ammoniac, du méthanol, de l’éthanol ou du diméthyl éther, lorsque ceux-ci sont utilisés aux fins précisées supra. Le contrat doit, dans ce cas, être conclu à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2024. Les a) du même 1° (alinéa 15) et 3° dudit B (alinéa 18) procèdent à des coordinations.

B.   la suppression du critère relatif À la proportion d’escales dans des ports français ou À la durée de navigation dans la ZEE française

Cette suppression est prévue par le 3° du A du paragraphe I (alinéa 8) du présent article. Ce dernier supprime, au neuvième alinéa du paragraphe I de l’article 39 decies C du CGI, la condition de recours à la déduction consistant, pour les navires, à réaliser plus de 30 % du nombre de ses escales dans des ports français, ou à passer plus de 30 % de leur temps de navigation dans la ZEE française, pour chaque année de la durée normale d’amortissement des navires.

C.   la mise en place d’un plafonnement À la dÉduction

En contrepartie de l’élargissement des équipements concernés, et des bénéficiaires de cette déduction, le 5° du I (alinéas 12 et 13) prévoit que l’assiette de cette déduction sera désormais plafonnée : le montant des coûts supplémentaires immobilisés ne sera retenu, pour le calcul de la déduction, que dans la limite de :

– 15 millions d’euros par navire pour les coûts directement liés à l’installation d’équipements permettant l’utilisation du GNL, du GPL, du GNC, de l’ammoniac, du méthanol, de l’éthanol ou du diméthyl éther comme énergie propulsive principale ou pour la production d’énergie électrique destinée à la propulsion principale des navires et bateaux concernés ;

– 10 millions d’euros par navire pour les coûts directement liés à l’installation des biens destinés au traitement des oxydes de soufre, oxydes d’azote et particules fines contenus dans les gaz d’échappement.

En revanche, aucun plafonnement n’est introduit concernant l’assiette utilisée pour le calcul de la déduction pour l’installation d’équipements permettant l’utilisation d’hydrogène ou de toute autre propulsion décarbonée.

D.   la clarification de l’application de la déduction dans le cas d’une location avec option d’achat ou d’un contrat de crédit-bail

Le 3° du B du I (alinéa 19) précise les conditions dans lesquelles, lorsque le bien concerné est donné en crédit-bail ou en location avec option d’achat, l’entreprise qui donne le bien en crédit-bail ou en location peut pratiquer cette déduction. La condition voulant que le locataire ou le crédit-preneur ne pratique pas lui-même la déduction, qui va de soi, est remplacée par la condition que le locataire ou le crédit-preneur ait opté pour le régime de taxation au tonnage ([129]). En effet, dans ce cas, l’entreprise locataire ou crédit-preneuse ne peut pas bénéficier elle-même de la déduction.

La condition voulant que l’avantage en impôt soit intégralement rétrocédé à l’entreprise locataire ou crédit-preneuse sous forme de diminution de loyers demeure inchangée.

E.   l’actualisation d’une référence et une modification de cohérence

La directive 1999/32/CE du Conseil du 29 avril 1999 concernant une réduction de la teneur en soufre de certains combustibles liquides et modifiant la directive 93/12/CEE a, compte tenu des nombreuses modifications apportées depuis son adoption, fait l’objet d’une codification par la directive 2016/802/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 concernant une réduction de la teneur de soufre de certains combustibles liquides. Toutefois, cette dernière directive n’a pas modifié les seuils d’émission de dioxyde de soufre prévus par la directive 1999/32/CE, modifiée par la directive 2012/33/UE.

En conséquence, le présent article remplace les références à la directive 2012/33/CE par des références à la directive 2016/802/UE. Cette actualisation est opérée par le a) du 2° (alinéa 6) et le a) du 4° du A du I (alinéa 10).

Il est également procédé à une modification de cohérence tendant à remplacer, pour les bateaux de transport de marchandises et de passagers, la référence aux règles de l’annexe 6 de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, qui, comme l’intitulé de cette convention l’indique, a vocation à s’appliquer aux navires, et non aux bateaux, par une référence au règlement (UE) 2016/1628 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 ([130]). Ce règlement fixe, en effet, des limites d’émission pour les gaz d’échappement par catégorie de moteurs et plage de puissance.

Cette modification est opérée par le b) du 2° du A du I (alinéa 7) et par le 4° du A du même I (alinéas 9 à 11).

III.   L’impact budgÉtaire, Économique et environnemental

L’évaluation préalable annexée au présent article évalue le coût de cette déduction à un montant négligeable en 2022, puis fait l’hypothèse d’une montée en puissance du dispositif. Celui-ci coûterait, dans l’hypothèse d’un taux d’impôt sur les sociétés de 25 % :

– 2 millions d’euros en 2023 ;

– 7 millions d’euros en 2024 ;

– 12 millions d’euros en 2025 ;

– 15 millions d’euros par an à partir de 2026.

Un coût global de 220 millions d’euros est avancé, pour les années 2022 à 2040.

Sur le plan économique, cette mesure devrait stimuler les commandes aux producteurs d’équipements permettant l’utilisation d’énergies décarbonées pour la propulsion des navires et bateaux, des biens destinés au traitement des oxydes de soufre et d’azote et des particules fines dans les gaz d’échappement.

Sur le plan environnemental, elle favorise la sauvegarde de l’environnement marin et l’amélioration de la qualité de l’air sur le littoral et dans les ports français.

*

*     *

Amendement I-CF763 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à soumettre la possibilité de déduire l’acquisition ou le renouvellement des équipements visés par l’article à une analyse environnementale globale favorable de leur impact, considéré sur l’intégralité de leur cycle de vie, y compris pour ce qui concerne la production et la consommation du carburant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce sont des précisions utiles. Sagesse.

La commission adopte l’amendement I-CF763 (amendement I-1389).

Amendement I-CF48 de la commission du développement durable

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement tend à tenir compte de l’évolution des technologies qui permettent de lutter contre les pollutions liées à l’émission de particules fines ou ultrafines.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends l’esprit de cet amendement qui vise à ne pas figer dans la loi la liste des carburants concernés. Nous en reverrons peut-être la rédaction d’ici l’examen en séance mais, en attendant, j’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF48 (amendement I-1390).

Amendements I-CF49 de la commission du développement durable et I-CF367 de Mme Lise Magnier (discussion commune).

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre la période de l’élargissement du suramortissement à de nouveaux modes de propulsion.

Mme Lise Magnier. Nous proposons de prolonger cette période jusqu’en 2030.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La proposition de la commission du développement durable créerait un effet d’aubaine et celle de prolonger ce dispositif jusqu’en 2030 ne me semble pas nécessaire à ce stade. Avis défavorable.

L’amendement I-CF49 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF367.

Amendement I-CF50 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à prévoir un taux de suramortissement de 105 % pour l’acquisition d’une propulsion vélique auxiliaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends l’esprit de cet amendement mais il ne serait pas logique d’accorder le même taux à la propulsion principale et à la propulsion auxiliaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF50.

Amendement I-CF51 de la commission du développement durable.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Nous proposons que la déduction fiscale prévue par l’article 39 decies C du CGI soit répartie, non sur la durée normale d’utilisation d’un navire mais sur huit ans, ce qui correspond à la durée minimale fixée par le Bulletin officiel des finances publiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le suramortissement proposé est déjà très généreux – 125 % pour l’hydrogène et 105 % pour le gaz naturel liquéfié – et le projet de loi élargit considérablement la possibilité d’y recourir. Il prévoit en effet d’allonger la liste des carburants permettant d’en bénéficier et de supprimer la condition de proportion d’escales dans les ports français. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF51.

L’amendement I-CF52 de la commission du développement durable est retiré.

La commission adopte l’article 8 modifié.

Après l’article 8

Amendements identiques I-CF187 de Mme Lise Magnier et I-CF582 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La loi de finances pour 2018 a étendu l’application de la contribution climat-énergie au gaz de pétrole liquéfié combustible sans toutefois distinguer entre les gaz liquides traditionnels et ceux d’origine renouvelable. Or les acteurs de la filière des gaz liquides multiplient leurs efforts pour accélérer le verdissement de l’approvisionnement en gaz liquides d’origine renouvelable. Depuis mars 2018, un nouveau gaz renouvelable, le BioGPL, est disponible en France.

Produit à partir des déchets industriels recyclés et d’huiles végétales, il présente des performances énergétiques et des usages identiques à ceux du propane standard mais améliore très significativement ses performances environnementales. Son facteur d’émissions, enregistré à la base carbone de l’Agence de la transition écologique (ADEME), est faible, ce qui permet de réduire les émissions de 73 % par rapport aux gaz liquides traditionnels.

Hélas, les bioproduits ne bénéficient pas d’une fiscalité favorable. En cohérence avec les dispositions votées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, cet amendement vise à appliquer au BioGPL un taux de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui corresponde à son facteur d’émissions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La directive européenne sur la taxation de l’énergie, qui date de 2003, est caduque et doit être mise à jour. La Commission européenne en a d’ailleurs présenté une révision le 14 juillet dernier. Vous avez raison, il n’est pas normal que des carburants et combustibles soient taxés de la même manière, que leurs origines soient fossiles ou renouvelables, et quelles que soient leurs performances en termes d’émissions. Pour bien faire, il faudrait tout d’abord que la directive soit revue pour que l’on puisse ensuite l’appliquer. Avis défavorable, en attendant.

M. Charles de Courson. Savez-vous quand cette directive sera prise ? Si la date est proche, que risquons-nous à voter une telle disposition, quitte à prévoir un sous-amendement ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous y réfléchirons d’ici l’examen en séance publique mais, vous le savez, les délais peuvent être longs.

Les amendements identiques I-CF187 et I-CF582 sont retirés.

Amendement I-CF912 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La crise des gilets jaunes, qui ne devrait pas être oubliée, a révélé un profond malaise chez de nombreux Français, notamment face à l’explosion du coût de l’énergie. Cet amendement tend à instaurer une mesure d’absorption des chocs de prix du carburant en rétablissant le mécanisme de la TICPE flottante.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre proposition d’une TICPE flottante rappelle l’expérience de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante, dont votre famille politique avait dénoncé l’inefficacité et le caractère asymétrique. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. C’est comme la primaire à droite…

M. le président Éric Woerth. La comparaison est osée !

M. Julien Aubert. …on n’est pas obligé de refaire ce qui n’a pas fonctionné, mais on peut garder l’idée ! Votre solution, celle du chèque énergie, est moins ambitieuse et soulève inévitablement des questions d’éligibilité des classes moyennes et de coût budgétaire. Cet amendement est un amendement d’appel, qui pose la question de la fiscalité, sachant qu’il est compliqué de passer par la TVA.

La commission rejette l’amendement I-CF912.

Amendement I-CF378 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons de supprimer les niches fiscales polluantes : avantage accordé au gazole non routier (GNR), remboursement sur le kérosène aérien à usage commercial, remboursement du gazole pour le transport routier, exonération de taxe sur le carburant maritime, exonération de taxe carbone pour les sites industriels …

Selon le Réseau action climat (RAC), ces subventions ont atteint 18 milliards d’euros, faisant de la France le pays d’Europe où l’écart entre la réalité et l’objectif d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale est le plus important.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La grande différence dans nos approches, c’est que nous essayons de conceptualiser la transition juste et que vous prônez la rupture brutale. Depuis quatre ans et demi, nous essayons de travailler sur la question des niches brunes, notamment avec le budget vert, conduit par Bénédicte Peyrol. Il est absolument nécessaire d’accompagner les filières, car il y a de l’emploi en jeu. C’est difficile, mais nécessaire.

La commission rejette l’amendement I-CF378.

Amendements identiques I-CF87 de M. Marc Le Fur et I-CF798 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Marc Le Fur. Dans leurs déplacements, les pompiers utilisent un carburant soumis à la TICPE. Je propose d’exonérer les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de cette taxe. On parle beaucoup des échanges entre le Président de la République et les pompiers, ce serait l’occasion de faire quelque chose.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le financement des SDIS est assuré pour moitié par les communes, et pour l’autre moitié par les départements. Le secours aux personnes est une mission régalienne – avec le schéma départemental, l’État organise la coordination en matière de sécurité des biens et des personnes –, mais les collectivités sont mises à contribution pour financer l’ensemble du service. Les déplacements des véhicules d’intervention, véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) et véhicules de secours aux asphyxiés et aux blessés (VSAB) sont à la charge des collectivités territoriales, qui supportent une double peine en acquittant la TICPE. Il serait urgent que l’État, avec une telle exonération, contribue au financement des SDIS.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Là encore, le débat revient chaque année. Aucune institution publique ou acteur public n’est exonéré de TICPE dans ses fonctions, qu’il s’agisse de la police et de la gendarmerie, pour l’État, ou des SDIS, pour les départements. Certes, le fruit de la TICPE revient à l’État, mais celui-ci refinance les collectivités territoriales. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF87 et I-CF798.

Amendement I-CF466 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Voici un amendement qui devrait plaire à M. le rapporteur général, puisque loin d’une rupture brutale, il prépare une transition juste : nous demandons que soit mise en place une trajectoire de diminution du remboursement de la TICPE sur le gazole applicable au secteur du transport routier de marchandises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le secteur du transport routier devrait sortir de cette crise sans trop de dégâts sociaux et se trouve dans un marché hyperconcurrentiel. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Nous parlons d’une trajectoire. Supprimer progressivement ces exonérations serait aussi le moyen d’engranger des recettes. Or, pour effectuer la transition douce que vous appelez de vos vœux, il faut des moyens !

La commission rejette l’amendement I-CF466.

Amendements identiques I-CF371 de Mme Lise Magnier et I-CF944 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean-François Mbaye. Nous proposons d’exonérer de taxe intérieure sur la consommation (TIC) le gaz naturel et le méthane lorsqu’ils sont employés comme carburant d’un véhicule de transport, aussi bien de personnes que de marchandises, fluvial ou ferroviaire. L’objectif est d’accroître l’attractivité de ces produits au bilan carbone moins élevé que le diesel, à l’instar de l’électricité et de l’hydrogène.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends la finalité de cet amendement mais je trouve la mesure un peu radicale. Je rappelle que la fin du tarif spécifique pour le GNR n’est nullement abandonnée et entrera bientôt en vigueur, le 1er janvier 2023. Concernant le transport fluvial, l’article 8 du PLF prévoit un élargissement considérable de la déduction exceptionnelle pour l’acquisition d’équipements utilisant des énergies à faibles émissions de gaz à effet de serre (GES). Enfin, de nombreux investissements sont prévus – des annonces auront lieu dans quelques jours – pour la décarbonation du transport ferroviaire.

La transition que vous souhaitez est en cours. Il est préférable de la soutenir par des moyens budgétaires et de co-investissement plutôt que par des moyens fiscaux. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF371 et I-CF944.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF374 de Mme Lise Magnier.

 Amendement I-CF945 de M. Jean-François Mbaye.

M. Jean-François Mbaye. Nous proposons d’exonérer de TIC le gaz naturel et le méthane lorsqu’ils sont produits de manière renouvelable.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF945.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements I-CF381 de Mme Lise Magnier et I-CF178 de M. Fabrice Brun.

Amendement I-CF911 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La facture d’électricité des Français a bondi en dix ans. Initialement, l’augmentation servait à financer les énergies renouvelables. Ensuite, l’affectation de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) a été rectifiée et sa dénomination changée en taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) mais le taux est resté le même. Or pour inciter le recours à des énergies non fossiles, il convient d’alléger la fiscalité et de créer un différentiel favorable à l’électricité. Tout l’inverse risque de se produire si le mécanisme que vous avez mis en place pour le gaz se révèle trop généreux. D’où cette proposition radicale : supprimer progressivement la TICFE, sur quatre ans. Cela permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux Français et d’encourager le recours à l’électricité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les mesures que vous avez qualifiées de « brouillonnes » sont pourtant claires : le bouclier tarifaire comprend le gel des tarifs réglementés du gaz jusqu’à avril 2022, le plafonnement de la hausse des prix de l’électricité – à travers une baisse d’impôt qui bénéficiera aux 70 % de ménages abonnés au tarif bleu – et la revalorisation de 100 euros du chèque énergie dans le collectif budgétaire de fin d’année.

Si la hausse des prix est temporaire, la réponse doit être transitoire. Mais avec l’extinction progressive de la TICFE, c’est une mesure pérenne que vous proposez. Je ne suis pas sûr qu’il soit raisonnable de supprimer une taxe qui rapporte 10 milliards d’euros par an, si l’on inclut les taxes communale et départementale. En revanche, nous pouvons actionner des leviers à la baisse afin de plafonner la hausse des tarifs de l’électricité en cas de flambée des prix. Il faut essayer de coller au mieux à la réalité, celle de l’inflation, et non supprimer une ressource importante pour l’État.

M. Julien Aubert. C’est une différence de stratégie. Vous savez que le gel des tarifs réglementés est juridiquement périlleux – j’ai connu une ministre de l’écologie, Mme Royal, qui s’y était risquée. Nous ne pourrons constater les effets de cette politique qu’après la présidentielle – sans doute est-ce voulu.

Il y a derrière cela un problème structurel : on a alourdi la fiscalité sur les énergies fossiles et l’électricité alors qu’on souhaitait voir les usages électriques se développer. Profiter de cette crise pour restaurer l’équilibre et enclencher un mouvement structurel serait le moyen d’éviter des mécanismes de compensation.

On essaie de rattraper le plus de monde possible avec la patrouille du chèque énergie, sauf que la transition énergétique coûte cher et que de plus en plus de personnes seront concernées par ces hausses. Les calculs de nos collègues socialistes, d’ailleurs, révèlent le décalage entre ce que les Français vont vraiment payer et ce qui sera effectivement compensé.

Enfin, nous sommes deux fois moins ambitieux que vous ! En effet, la taxe d’habitation rapportait deux fois plus que la TICFE ; lorsque sa suppression a été annoncée, cela n’a impressionné personne.

M. Charles de Courson. Notre collègue Aubert est une boîte à idées ! Le problème, c’est que la TICFE permet de financer les énergies renouvelables, la péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées, des aides pour une partie des DOM-TOM. Si on la supprime, l’État devra compenser.

M. Julien Aubert. Il n’y a plus de compte d’affectation spéciale (CAS) Transition énergétique ; la TICFE abonde le budget de l’État.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La fin du CAS Transition énergétique est tout à fait salutaire et j’imagine que vous vous en félicitez. Vous avez raison de dire que certains se sont essayés au gel du tarif réglementé et qu’ils s’y sont cassé les dents. C’est précisément la raison pour laquelle le Gouvernement déposera un amendement visant à sécuriser cette mesure. Comme pour la primaire à droite, il faut s’inspirer des exemples passés pour faire mieux !

La commission rejette l’amendement I-CF911.

Amendement I-CF179 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il serait opportun de faire bénéficier les entreprises de transport interurbain, notamment les autocars, des conditions de fiscalité sur l’électricité dont bénéficient les exploitants urbains.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement est satisfait : le code des douanes ne fait pas de distinction entre autobus et autocars.

La commission rejette l’amendement I-CF179.

Amendements I-CF627, I-CF628, I-CF629 de M. François-Michel Lambert (discussion commune).

M. Michel Castellani. Le premier amendement vise à mettre en place une écocontribution de 0,03 euros sur les produits non fermentescibles et non couverts par la responsabilité élargie des producteurs (REP), lorsqu’il est impossible de faire la démonstration de l’existence d’une filière de récupération. Il faut arrêter de taxer aveuglément les gestionnaires des déchets : ils ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits !

Les deux amendements suivants sont des amendements de repli : l’écocontribution ne serait appliquée qu’aux produits en plastique mis sur le marché et n’entrant dans aucune des filières de récupération ; elle serait instaurée sur les produits plastiques fabriqués à partir de résine vierge.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Instaurer une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en amont revient à créer une TVA supplémentaire. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF627, I-CF628, I-CF629.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF16 de M. Vincent Descoeur.

Amendement I-CF576 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Cet amendement d’appel propose de réserver à la collectivité de Corse la fraction du produit de la part de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dite « déchets » collectée sur le territoire corse. En 2019, l’Assemblée de Corse avait adopté une délibération en ce sens. Cette ressource permettrait de financer les diverses politiques déployées, comme le plan pluriannuel sur les déchets dont la collectivité s’est dotée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cela irait à l’encontre du principe d’universalité budgétaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF576.

Amendement I-CF472 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Les producteurs d’engrais sont soumis à la TGAP du fait des émissions engendrées par ce secteur. Mais leur contribution reste infime car les seuils d’émission de polluants à partir desquels les entreprises sont taxées sont beaucoup trop élevés et certains polluants majeurs, comme l’ammoniac, sont exclus de cette taxe.

Pour sortir de la dépendance aux engrais de synthèse, nous proposons, par cet amendement qui reprend une proposition des Amis de la Terre, d’inclure les émissions d’ammoniac dans la TGAP.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’article 268 de la loi dite climat et résilience prévoit une trajectoire annuelle de réduction des émissions d’ammoniac du secteur agricole. Il est toujours préférable d’agir de façon concertée avec la filière plutôt que de façon punitive, par la fiscalité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF472.

Amendements identiques I-CF15 de M. Vincent Descoeur et I-CF626 de M. François-Michel Lambert, amendements I-CF546 de Mme Patricia Lemoine et I-CF969 de Mme Martine Leguille-Balloy (discussion commune).

M. Michel Castellani. François-Michel Lambert propose de reporter l’augmentation de la TGAP issue de la loi de finances pour 2019. Certes, un signal prix sur l’élimination des déchets peut favoriser le recyclage, mais cette réforme passe à côté de son objet et entraîne simplement une hausse des taxes payées par les collectivités pour la gestion des déchets. Reporter la hausse de la TGAP serait un acte de solidarité nationale ; il permettrait aux collectivités de disposer des moyens nécessaires pour maintenir le cap du développement de l’économie circulaire.

Mme Patricia Lemoine. Les diverses augmentations de prix – gaz, électricité notamment – grèvent le pouvoir d’achat des Français. Pour concilier le respect des engagements environnementaux et la prise en compte de la situation économique, nous proposons de figer les taux de TGAP appliqués en 2021 pour l’année 2022, et de reprendre en 2023 l’évolution qui a été prévue.

Mme Martine Leguille-Balloy. Nous devons tenir compte des circonstances très particulières de ces derniers mois. L’afflux de populations au moment des confinements, notamment sur le littoral, a entraîné une augmentation importante des déchets ; ces personnes sont reparties et les autochtones se retrouvent à payer les taxes induites par leur séjour. Geler le montant de la TGAP permettrait de compenser un peu cette situation injuste.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les collectivités ont eu le temps nécessaire pour se préparer à cette augmentation de la TGAP, qui n’est pas une surprise. En outre, depuis le 1er janvier 2021, le taux de TVA sur les activités de recyclage a baissé, ce qui constitue une incitation. Enfin, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) a prévu la création de onze nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs (REP). L’environnement actuel est tout à fait propice au maintien du calendrier initial. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF15 et I-CF626, ainsi que les amendements I-CF546 et I-CF969.

Amendement I-CF968 de Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Martine Leguille-Balloy. Ce sont des situations tout à fait exceptionnelles qui justifient l’amendement précédent. Nous proposons, là encore, une solution pragmatique et équitable avec cet abattement sur la TGAP « enfouissement » dans les territoires peu denses. En effet, dans les départements ruraux, le recours à l’enfouissement comme traitement final est souvent plus subi que choisi. Compte tenu du nombre d’habitants et des efforts déployés sur le tri, les quantités d’ordures ménagères résiduelles sont faibles – dans mon département, elles sont passées de 280 à 140 kilogrammes par habitant –, ce qui ne permet pas aux collectivités d’envisager la construction d’un incinérateur. Nous nous retrouvons donc, malgré nos efforts, à payer beaucoup plus cher pour nos déchets.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends très bien le problème, mais convenez qu’instaurer un abattement sur la TGAP « enfouissement » constituerait une incitation à l’enfouissement que personne ne souhaite. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF968.

Amendements I-CF350 de Mme Lise Magnier et I-CF691 de M. Charles de Courson (discussion commune).

Mme Lise Magnier. Nous proposons de clarifier l’éligibilité des cultures intermédiaires au pourcentage national cible d’incorporation d’énergie renouvelable de 1 % prévu pour les carburéacteurs.

M. Charles de Courson. Ce taux de 1 % d’incorporation d’énergie renouvelable dans le carburant des avions est préconisé par l’Union européenne. Les cultures intermédiaires sont une pratique agricole vertueuse pour le sol, l’eau, la biodiversité et l’agronomie.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous apporterai une réponse plus précise d’ici l’examen en séance, mais vos amendements me semblent satisfaits par le point 40 de l’article 2 de la directive sur les énergies renouvelables. Si tel n’était pas le cas, j’émettrais un avis favorable. Dans l’intervalle, je vous invite à retirer ces amendements.

Les amendements I-CF350 et I-CF691 sont retirés.

Article additionnel après l’article 8
Fin de la prise en compte de l’énergie issue du soja dans le calcul des objectifs cibles d’incorporation de biocarburants de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT)

Amendements identiques I-CF193 de Mme Lise Magnier, I-CF573 de M. Michel Castellani et I CF1014 de M. Bruno Millienne.

Mme Lise Magnier. En 2020, nous avions adopté un amendement à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2021 précisant que « ne sont pas considérés comme des biocarburants les produits à base d’huile de soja et d’huile de palme, incluant les PFAD ». Or cette disposition législative n’a été ni codifiée dans le code des douanes ni appliquée par l’exécutif, lequel a estimé que le plafonnement de l’utilisation d’huile de soja dans les biocarburants, prévu au même article, était supérieur en droit à l’exclusion de l’huile de soja des biocarburants. Suite à un courrier de l’association Canopée auprès du Secrétariat général du Gouvernement, la codification de cet amendement a été inscrite dans la version du code des douanes qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Le présent amendement vise à clarifier la situation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’an dernier, souvenez-vous, nous avions voté deux dispositions contradictoires, l’une et l’autre applicables. Les amendements que vous proposez tendent à résoudre la contradiction observable à compter du 1er janvier 2022 en excluant toute prise en compte des produits énergétiques à base d’huile de soja, et je suis d’accord avec votre choix.

Néanmoins, je me permets de corriger un point : contrairement à ce que vous avez indiqué, la disposition selon laquelle les produits à base d’huile de soja ne sont pas considérés comme des biocarburants a bien été inscrite dans le code des douanes, dans sa version entrant en vigueur le 1er janvier 2022, conformément au vote du Parlement.

Mme Lise Magnier. Je n’ai pas dit le contraire !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est l’association Canopée, avez-vous dit, qui l’a fait inscrire dans le code. Or elle y figurait avant. En revanche, il est exact qu’elle n’a pas été appliquée à ce stade, puisque son entrée en vigueur avait été fixée au 1er janvier 2022.

En tout cas, je fais le même choix que vous – exclure toute prise en compte de l’énergie issue du soja –, car il est plus favorable à la transition écologique. J’émets donc un avis favorable sur les amendements.

M. Charles de Courson. Je suis cosignataire de l’amendement I-CF573. Je signale que nous avions oublié de traiter un autre problème : celui des substrats de l’huile de colza. Nous y viendrons tout à l’heure.

La commission adopte les amendements identiques I-CF193, I-CF573 et I-CF1014 (amendement I-1396).

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1013 de M. Bruno Millienne.

Amendement I-CF477 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Le présent amendement vise à inclure l’azote de synthèse dans l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses dont doivent s’acquitter les agriculteurs.

En Autriche, une redevance sur le recours aux engrais azotés de synthèse a été instaurée en complément d’une politique de soutien au développement de l’agriculture biologique. Cela a donné des résultats significatifs en matière de réduction des engrais chimiques.

En dépit de cet exemple, vous allez probablement me répondre que la transition ne doit pas être punitive ou qu’il ne faut pas passer par la fiscalité. S’agissant des engrais chimiques et du gazole, comment allez-vous inciter les secteurs concernés à évoluer si vous ne les y contraignez pas par une fiscalité dont le produit permettra d’aider ceux qui ont des pratiques vertueuses ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

La commission rejette l’amendement I-CF477.

Amendement I-CF446 de M. Éric Coquerel.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF446.

Amendement I-CF342 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. Chaque année en France, on recense 63 000 tonnes de déchets déposés sauvagement, souvent en pleine nature, dans les forêts ou les prairies. Il s’agit en quasi-totalité de déchets issus du bâtiment. C’est un problème majeur : ces dépôts sauvages nuisent grandement à nos territoires et plongent les maires dans un grand désarroi, face à la logistique de la collecte et à la charge financière qu’elle représente.

Nous savions qu’il faudrait à peu près deux ans pour que la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi Poirson », soit pleinement opérante. Celle-ci prévoit que les éco-organismes financent le nettoiement des dépôts sauvages contenant des déchets de produits pour lesquels ils sont agréés chaque fois que les dépôts sauvages excèdent une tonne de déchets non dangereux ou inertes, ou 0,1 tonne de déchets dangereux. Mais rien n’est prévu pour les milliers de dépôts sauvages de petite envergure, qui jonchent nos fossés ou les abords de nos forêts. Nous en sommes témoins quotidiennement.

C’est pourquoi je propose de compléter l’action de la nouvelle filière REP pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment par l’affichage d’une écocontribution. Nous attendons de l’éco-organisme qu’il organise efficacement la reprise des déchets, notamment grâce à des points de collecte localisés de façon pertinente. Une quote-part de 0,75 % serait appliquée et versée à un organisme d’État chargé de la transition écologique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La filière REP pour le secteur du bâtiment sera créée le 1er janvier 2022, en application de la loi que vous avez citée.

Je ne suis pas forcément opposé à l’affichage de l’écocontribution jusqu’au consommateur final, qui existe dans d’autres filières. Nous pourrons demander au Gouvernement pourquoi il n’a pas été prévu en l’espèce. En revanche, l’idée de réserver une quote-part de 0,75 % à l’ADEME me paraît plus contestable, même si je n’ai rien, bien au contraire, contre les travaux et les actions menés par l’ADEME.

À ce stade, je serais plutôt d’avis de ne pas perturber la filière. Je vous invite à retirer votre amendement. Nous pourrions réfléchir ensemble à la question de l’affichage de l’écocontribution en laissant de côté celle du fléchage de la quote-part. Avis défavorable à l’amendement en l’état.

Mme Anne-Laure Cattelot. Je suis d’accord pour revoir la rédaction de l’amendement. Je précise que ces 63 000 tonnes de déchets qui jonchent le territoire ici ou là sont finalement peu de chose par rapport aux 46 millions de tonnes de déchets produits chaque année par le secteur du bâtiment. Il faut donc un dispositif très spécifique pour gérer ces petits dépôts, d’autant que ce sont souvent des communes au budget modeste qui sont chargées de la collecte ; les maires, je l’ai dit, sont en grand désarroi.

L’amendement I-CF342 est retiré.

Amendement I-CF365 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je propose, avec de nombreux collègues du groupe Socialistes et apparentés, d’instaurer une contribution additionnelle dénommée « taxe de solidarité sur les billets d’avion ». Cette proposition s’inspire des travaux de la Convention citoyenne pour le climat et prend modèle sur des démarches engagées en Allemagne ou au Royaume-Uni.

Le dispositif serait parfaitement ciblé et dimensionné : le montant de la taxe varierait, d’une part, en fonction de la distance parcourue – trajet inférieur ou supérieur à 2 200 km –, d’autre part, en fonction du type de vol – vol commercial classique ; vol en classe affaires ; vol sur un avion d’affaires – ce dernier donnerait lieu à une majoration.

Sans déstabiliser l’industrie aéronautique, une telle taxation apporterait la juste contribution d’un très faible pourcentage de nos concitoyens qui utilisent un quota carbone totalement démesuré par rapport à l’ensemble de nos concitoyens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à votre proposition, même si j’ai bien conscience qu’elle émane de la Convention citoyenne pour le climat. Nous avons une divergence de vues : j’estime que le transport aérien est suffisamment taxé ; vous proposez des montants de taxe beaucoup plus élevés que ceux qui sont en vigueur. Le niveau général de taxation appliqué en France est parmi les plus élevés d’Europe. Il est, par exemple, vingt fois supérieur à ce qu’il est en Suède.

Vous connaissez le marché aussi bien que moi. Plutôt que d’affaiblir le secteur du transport aérien français, il faut l’accompagner vers sa décarbonation. C’est ce que nous faisons, massivement, avec le ministre délégué chargé des transports. Je ne souhaite pas passer par les outils fiscaux que vous proposez. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Après avoir entendu les annonces faites cet été par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), on ne peut pas rester sans rien faire. Bien sûr, l’industrie aéronautique connaît une mutation, et je proposerai en séance publique que le produit de cette taxe soit affecté – je sais que ce n’est pas votre philosophie générale – à la transition énergétique des moteurs d’avion. En tout cas, on ne peut pas s’en tenir à ce constat : quelques pour cent de l’humanité émettent le carbone qui va détruire l’humanité dans son ensemble.

M. le président Éric Woerth. Les choses ne sont peut-être pas aussi simples…

La commission rejette l’amendement I-CF365.

Amendement I-CF891 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il relève du même esprit que le précédent. Il vise à cibler et taxer la publicité faisant la promotion des véhicules dont le taux de pollution est supérieur à la norme généralement admise.

En matière d’automobile, la publicité joue un rôle très important dans la fabrique de l’imaginaire et des désirs. On considère que l’industrie automobile consacre à la publicité environ 3,3 milliards d’euros, soit 1 500 euros par véhicule – 5 % à 10 % du prix du véhicule suivant sa taille. C’est colossal : cela représente 10 % de l’ensemble des dépenses de publicité dans notre pays.

Taxer ceux qui orientent les acheteurs vers des véhicules particulièrement polluants me paraîtrait la moindre des choses. Je le répète, un petit nombre de nos concitoyens consomment le crédit carbone de l’ensemble de la France – voire de l’humanité, si l’on tient compte des interdépendances.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons débattu de ces questions à de nombreuses reprises. Pour ma part, vous le savez, je n’ai jamais été très favorable aux taxes sur la publicité. Qui plus est, le moment ne me semble pas opportun. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF891.

Amendements I-CF531 de M. François-Michel Lambert et I-CF675 de Mme Sabine Rubin (discussion commune).

M. Michel Castellani. Pour contenir et inverser la tendance à l’augmentation du poids moyen des véhicules, qui affecte tous les segments de l’offre automobile, l’amendement I-CF531 prévoit l’abaissement à 1 300 kilogrammes du seuil d’entrée dans la taxe sur la masse en ordre de marche et l’application d’un barème progressif. Il s’agit de pénaliser les véhicules les plus lourds.

Mme Sabine Rubin. Depuis 2016, les émissions de CO2 des voitures neuves sont reparties à la hausse, alors qu’elles avaient diminué entre 2009 et 2016. Les ventes de SUV explosent : multipliées par sept en dix ans, elles représentent désormais 40 % des ventes de voitures neuves. L’impact écologique explose lui aussi : ces véhicules étant plus lourds, ils rejettent 20 % de CO2 de plus que les autres.

L’amendement I-CF675 vise à rétablir le malus au poids à son juste niveau. La Convention citoyenne pour le climat avait demandé l’introduction d’un tel malus sur les ventes de voitures neuves et son application aux véhicules de plus de 1 300 kilogrammes – lesquels représentent actuellement 26 % du parc automobile. Après avoir refusé cette mesure, vous l’avez acceptée en la rendant inopérante, puisque vous avez fixé le seuil à 1 800 kilogrammes – ce qui correspond à seulement 1 % du parc. Nous demandons de revenir au seuil proposé par la Convention, ce qui rendrait la mesure nettement plus efficace.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne veux pas refaire le match à propos du malus au poids. J’ai souvent été en désaccord avec les propositions formulées à ce sujet ; j’avais notamment relevé un certain nombre de contradictions. Mon avis demeure défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF531 et I-CF675.

Amendement I-CF238 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Une fiscalité spécifique s’applique sur le gazole agricole et sur le gazole non routier. Un certain nombre d’agriculteurs réalisent aujourd’hui des travaux publics. Pour lutter contre une prétendue concurrence déloyale de leur part, un dispositif a été instauré, comprenant un registre de suivi des travaux non agricoles et une liste de matériels réputés être utilisés exclusivement à cette fin. Il s’agit d’une tâche administrative très lourde, à la charge des exploitants agricoles. Nous proposons de la supprimer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement est satisfait : la liste d’engins que vous évoquez a été supprimée par la loi de finances rectificative pour 2021.

L’amendement I-CF238 est retiré.

Amendements I-CF389 et I-CF391 de M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Ces amendements concernent l’un et l’autre l’utilisation de matières recyclées. J’insiste sur l’amendement I-CF389, qui vise à instaurer, dans la suite logique du système de bonus-malus annoncé, une taxe incitant les fabricants à incorporer davantage de matières recyclées dans les emballages plastiques. Ce serait bon avant tout pour la planète, mais aussi pour les finances publiques : si l’Union européenne venait à créer une taxe sur les plastiques non recyclés, comme elle l’envisage sérieusement en ce moment, cela coûterait pas moins de 1,3 milliard d’euros à la France, qui se classe à l’avant-dernière place en Europe pour le recyclage du plastique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’idée d’une taxe incitative n’est pas inintéressante en soi. Toutefois, il ne me paraît guère envisageable de créer une nouvelle taxe sans concertation avec les filières concernées et les parties prenantes.

Sans chercher à botter en touche, je rappelle que la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire prévoit de nombreuses avancées concernant le plastique. Certaines mesures sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021 ; d’autres seront appliquées à compter du 1er janvier 2022 : l’interdiction du suremballage plastique des fruits et légumes frais de moins de 1,5 kilogramme ; la fin des achats par l’État des plastiques à usage unique ; la fin des sachets de thé en plastique non biodégradables et des jouets en plastique dans les menus. À cela s’ajoutera l’institution de onze nouvelles filières REP.

Je ne suis pas convaincu qu’il faille passer par une taxe supplémentaire pour progresser dans le sens que vous souhaitez. Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF389 et ICF391.

 

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Article 9
Simplification et mise en conformité avec le droit de l’Union européenne
du système de la taxe sur la valeur ajoutée

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article contient de nombreuses mesures relatives à la TVA. Il s’agit, pour l’essentiel, de procéder à des transpositions de directives européennes, de tirer les conséquences dans la loi de certaines décisions juridictionnelles, de sécuriser les recettes budgétaires issues de la TVA et de simplifier le fonctionnement du système de TVA pour les entreprises :

–  tout d’abord, le présent article transpose dans notre droit des exonérations de TVA déjà en vigueur mais non transposées dans la loi bénéficiant aux livraisons et importations de biens effectuées dans le cadre de relations diplomatiques ou à destination des institutions européennes et internationales et de certaines forces armées, ainsi qu’aux livraisons de biens et prestations de services destinées à la Commission européenne ou à une agence créée par celle-ci, dans le cadre de la lutte contre le Covid‑19 ;

–  ensuite, il tire, pour les opérations bancaires et financières exonérées de TVA, la conséquence de décisions juridictionnelles ayant écarté pour non-conformité au droit européen la règle voulant que l’option pour l’imposition à la TVA ouverte aux assujettis pour certaines opérations exonérées ne puisse s’exercer que de manière globale, et non opération par opération ;

–  de plus, il transpose de manière plus précise une disposition relative à la base d’imposition à la TVA des bons à usage multiple, à la demande de la Commission européenne ;

–  il modifie les modalités d’exigibilité de la TVA sur les livraisons de biens en cas de versement d’un acompte, afin de prévoir que, dans ce cas, la TVA devient exigible au moment de l’encaissement. Cette modification découle d’une décision juridictionnelle ;

–  ensuite, il renforce les conditions d’accréditation des représentants fiscaux, dont la désignation est obligatoire pour certaines entreprises étrangères. Il s’agit de sécuriser les recettes fiscales correspondantes ;

–  il achève le transfert du recouvrement de la TVA à la direction générale des Finances publiques pour les personnes non assujetties mais bénéficiant d’un numéro de TVA, à des fins de simplification ;

–  il adapte le droit national aux nouvelles règles fixées en matière de statistiques européennes par le règlement n° 2152/2019, ce qui entraîne la suppression de la déclaration des échanges de biens (DEB) ;

–  il ajuste, à des fins de simplification, les taux de TVA applicables aux produits alimentaires, en étendant l’application du taux réduit de 5,5 % aux produits normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ;

–  il étend le taux réduit de 5,5 % aux appareillages, matériels et équipements pour handicapés bénéficiant du forfait innovation ou de la procédure d’accès précoce ;

–  il actualise les taux de TVA applicables aux produits sanguins.

L’impact budgétaire global est difficile à chiffrer en raison de la variété de ces mesures mais est, en toute logique, faible, les mesures proposées consistant essentiellement en des ajustements techniques.

Dernières modifications législatives intervenues

– Certaines de ces mesures ne sont pas encore inscrites dans la loi. C’est le cas :

▪ des exonérations de TVA en faveur des livraisons et importations de biens effectuées dans le cadre de relations diplomatiques ou à destination des institutions européennes et internationales et de certaines forces armées, ainsi que des livraisons de biens et prestations de services destinées à une institution européenne dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ;

▪ des dispositions relatives à l’accréditation des représentants fiscaux.

– les dispositions relatives à la taxation sur option des opérations bancaires et financières exonérées, figurant à l’article 260 B du CGI, ont été modifiées par l’article 162 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;

– celles relatives à la base d’imposition des bons à usage mutliple l’ont été par l’article 73 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

– celles relatives à la date d’exigibilité de la TVA sur les livraisons de biens, par l’article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

– les dispositions relatives au recouvrement de la TVA à l’importation ont été modifiées par l’article 181 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;

– celles relatives à la déclaration des échanges de biens (DEB) ont été modifiées par l’article 34 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

– celles relatives aux taux réduits de TVA prévus par les articles 278-0 bis et 278 bis du CGI ont été respectivement modifiées par l’article 38 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et par l’article 45 de la loi n° 2020-1721 de finances pour 2021.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le régime de la TVA applicable en France est pour l’essentiel d’origine européenne. En raison du principe de primauté attaché au droit européen, les lois et règlements français ne sont applicables que pour autant qu’ils sont compatibles avec les objectifs définis par les directives en vigueur.

C’est aujourd’hui la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA qui fixe les règles en cette matière. Elle a opéré une refonte des règles contenues auparavant dans la sixième directive du 17 mai 1977 ([131]). Chaque État membre de l’UE a instauré un système propre de TVA, en principe totalement conforme à cette directive.

On peut rappeler que la TVA est une création française, instaurée pour la première fois en 1954 pour les grandes entreprises, puis généralisée en 1966. Deux directives de 1966 l’ont ensuite étendue dans l’ensemble de la Communauté économique européenne, avec une entrée en vigueur effective en 1974.

A.   le champ d’application

1.   Opérations imposables

Le champ d’application de la TVA est très large. Les opérations imposables comprennent les opérations effectuées à titre onéreux par un assujetti et celles spécialement désignées par la loi.

La catégorie des opérations effectuées à titre onéreux recouvre les livraisons de biens et les prestations de services. Pour être imposables à la TVA, ces opérations doivent être réalisées par un assujetti, c’est-à-dire une personne effectuant de manière indépendante l’une des activités économiques suivantes ([132]) :

– activités de nature industrielle ou commerciale ;

– activités libérales ;

– activités agricoles,

– activités civiles ;

– activités extractives.

De plus, même si elles n’entrent pas dans ce groupe, certaines opérations sont soumises à la TVA en vertu d’une disposition spéciale ([133]). C’est le cas des livraisons à soi-même de biens ou de services, des livraisons à soi-même de certains travaux immobiliers réalisés dans le cadre de la politique sociale du logement, ou encore des gains de course perçus par des propriétaires de chevaux.

2.   Exonérations

Cependant, la loi prévoit des exonérations, notamment pour les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de l’UE ([134]), les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales ([135]), ou encore les opérations de livraison portant sur les organes, le sang et le lait humains ([136]).

Parmi ces exonérations, celles qui sont abordées par le présent article sont les suivantes :

a.   Exonération pour les représentations diplomatiques, les organismes européens et internationaux et certaines forces armées

i.   Des exonérations déjà en vigueur…

L’article 143 de la directive 2006/112/CE prévoit que les États membres exonèrent les opérations suivantes :

– Les importations de biens effectuées dans le cadre des relations diplomatiques et consulaires, qui bénéficient d’une franchise douanière ;

– Les importations de biens effectuées par la Communauté européenne, la Communauté européenne de l’énergie atomique, la Banque centrale européenne, la Banque européenne d’investissement ou les organismes créés par les Communautés auxquels s’applique le protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, dans les limites et conditions fixées par ce protocole et les accords relatifs à sa mise en œuvre ou par les accords de siège et en particulier dans la mesure où cela n’engendre pas de distorsions de concurrence ;

– Les importations de biens effectuées par les organismes internationaux reconnus comme tels par les autorités publiques de l’État membre d’accueil ainsi que par les membres de ces organismes, dans les limites et conditions fixées par les conventions internationales instituant ces organismes ou par les accords de siège ;

– Les importations de biens effectuées dans les États membres parties au traité de l’Atlantique Nord par les forces armées des autres États parties à ce traité pour l’usage de ces forces ou de l’élément civil qui les accompagne ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines lorsque ces forces sont affectées à l’effort commun de défense ;

– Les importations de biens effectuées par les forces armées du Royaume-Uni stationnées sur l’île de Chypre conformément au traité établissant la République de Chypre, en date du 16 août 1960, pour l’usage de ces forces ou du personnel civil qui les accompagne ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines.

Inversement, l’article 22 de cette directive assimile à une acquisition intracommunautaire de biens effectuée à titre onéreux l’affectation, par les forces armées d’un État partie au traité de l’Atlantique Nord, à leur usage ou à l’usage de l’élément civil qui les accompagne, de biens qu’elles n’ont pas achetés aux conditions générales d’imposition du marché intérieur d’un État membre, lorsque l’importation de ces biens ne pourrait pas bénéficier de l’exonération prévue à l’article 143.

L’article 151 de la même directive prévoit une exonération pour certaines opérations assimilées à des exportations, à savoir :

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées dans le cadre de relations diplomatiques et consulaires ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services destinées à la Communauté européenne, à la Communauté européenne de l’énergie atomique, à la Banque centrale européenne, à la Banque européenne d’investissement ou aux organismes créés par les Communautés auxquels s’applique le protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, dans les limites et conditions fixées par ce protocole et les accords relatifs à sa mise en œuvre ou par les accords de siège et en particulier dans la mesure où cela n’engendre pas de distorsions de concurrence ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services destinées aux organismes internationaux reconnus comme tels par les autorités publiques de l’État membre d’accueil ainsi qu’aux membres de ces organismes, dans les limites et conditions fixées par les conventions internationales instituant ces organismes ou par les accords de siège ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées dans les États membres parties au traité de l’Atlantique Nord et destinées aux forces armées des autres États parties à ce traité pour l’usage de ces forces ou de l’élément civil qui les accompagne ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines lorsque ces forces sont affectées à l’effort commun de défense ([137]) ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à destination d’un autre État membre et destinées aux forces armées de tout État partie au traité de l’Atlantique Nord, autre que l’État membre de destination lui-même, pour l’usage de ces forces ou de l’élément civil qui les accompagne, ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines lorsque ces forces sont affectées à l’effort commun de défense ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services destinées aux forces armées du Royaume-Uni stationnées sur l’île de Chypre conformément au traité établissant la République de Chypre, en date du 16 août 1960, pour l’usage de ces forces ou du personnel civil qui les accompagne ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines.

Il est précisé que ces exonérations s’appliquent « dans les limites fixées par l’État membre d’accueil ».

Le 2 du même article 151 précise que dans les cas où les biens ne sont pas expédiés ou transportés en dehors de l’État membre où la livraison de ces biens est effectuée, de même que pour les prestations de services, le bénéfice de l’exonération peut être accordé selon une procédure de remboursement de la TVA.

Enfin, le a) du 1 de l’article 3 de cette directive dispose que ne sont pas soumises à la TVA les acquisitions intracommunautaires de biens dont la livraison serait exonérée sur le territoire de l’État membre en application de l’article 151, effectuées par un assujetti ou par une personne morale non assujettie.

Ces exonérations n’ont pas été transposées dans la loi française, si ce n’est par la doctrine fiscale.

ii…dont la liste a été récemment complétée

Constatant que ces exonérations ne pouvaient bénéficier aux forces armées d’un État membre participant à des activités dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), une directive du 16 décembre 2019 ([138]) a complété les articles 143 et 151 de la directive 2006/112 afin de prévoir une exonération de TVA pour les opérations suivantes :

– Les importations de biens effectuées dans les États membres par les forces armées des autres États membres pour l’usage de ces forces ou de l’élément civil qui les accompagne ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines lorsque ces forces sont affectées à un effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’Union dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées dans un État membre et destinées aux forces armées des autres États membres pour l’usage de ces forces ou de l’élément civil qui les accompagne, ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines lorsque ces forces sont affectées à un effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’Union dans le cadre de cette politique ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à destination d’un autre État membre et destinées aux forces armées de tout État membre autre que l’État membre de destination lui-même, pour l’usage de ces forces ou de l’élément civil qui les accompagne, ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines lorsque ces forces sont affectées à un effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’Union dans le cadre de cette même politique.

Cette directive a également complété l’article 22 de la directive 2006/112 par une disposition assimilant à une acquisition intracommunautaire de biens effectuée à titre onéreux l’affectation par les forces armées d’un État membre qui sont affectées à un effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’UE dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, à leur usage ou à l’usage de l’élément civil qui les accompagne, de biens qu’elles n’ont pas achetés aux conditions générales d’imposition du marché intérieur d’un État membre, lorsque l’importation de ces biens ne pourrait pas bénéficier de l’exonération prévue supra.

Ces nouvelles dispositions doivent être transposées au plus tard le 30 juin 2022 et entrent en vigueur le 1er juillet 2022.

b.   Exonération des achats réalisés par des organismes européens chargés de la lutte contre la pandémie de Covid-19

Il découle des dispositions des articles 143 et 151 de la directive 2006/112 que les États membres de l’UE exonèrent de la TVA les importations de biens effectuées par l’UE et ses organismes, ainsi que les livraisons de biens et les prestations de services effectuées en faveur de ceux-ci.

Toutefois, cette exonération est strictement limitée aux achats effectués pour un usage officiel et ne s’étend pas aux situations dans lesquelles des biens et services sont achetés par des organismes de l’UE pour réagir à l’épidémie de Covid19, notamment lorsqu’ils sont destinés à être mis gratuitement à la disposition des États membres.

En conséquence, la directive 2021/1159 ([139]) a complété la directive 2006/112 afin de prévoir :

– À son article 143, une exonération des importations de biens par la Commission ou par une agence ou un organisme créé en vertu du droit de l’UE lorsque la Commission, une telle agence ou un tel organisme importe ces biens dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le droit de l’UE afin de réagir à la pandémie de Covid-19, sauf lorsque les biens importés sont utilisés, immédiatement ou ultérieurement, aux fins de livraisons de biens subséquentes effectuées à titre onéreux par la Commission, une telle agence ou un tel organisme. Il est précisé que lorsque ces conditions d’exonération cessent de s’appliquer, la Commission, l’agence ou l’organisme concerné en informe l’État membre dans lequel l’exonération a été appliquée et que les importations de ces biens sont soumises à la TVA dans les conditions applicables à ce moment ;

– À son article 151, une exonération des livraisons de biens et des prestations de services destinées à la Commission, à une agence ou à un organisme créé en vertu du droit de l’UE lorsque la Commission, une telle agence ou un tel organisme achète ces biens ou services dans le même cadre, sauf lorsque les biens et services achetés sont utilisés, immédiatement ou ultérieurement, aux fins de livraisons de biens ou prestations de services subséquentes effectuées à titre onéreux par la Commission, une telle agence ou un tel organisme.

Il est également précisé que lorsque ces conditions d’exonération cessent de s’appliquer, la Commission, l’agence ou organisme concerné qui a reçu les livraisons de biens ou prestations de services exonérées en informe l’État membre dans lequel l’exonération a été appliquée et que la livraison de ces biens ou la prestation de ces services est soumise à la TVA dans les conditions applicables à ce moment.

Ces nouvelles dispositions doivent être transposées pour le 31 décembre 2021, et sont entrées en vigueur de manière rétroactive dès le 1er janvier 2021.

c.   Autres exonérations

Enfin, l’article 148 de la directive 2006/112 prévoit des exonérations liées aux transports internationaux. Ces exonérations sont transposées en droit français par les 2° à 6° du II de l’article 262 du CGI, qui exonèrent de la TVA :

– Les opérations de livraison, de réparation, de transformation, d’entretien, d’affrètement et de location portant sur les navires de commerce maritime affectés à la navigation en haute mer, les bateaux utilisés pour l’exercice d’une activité industrielle en haute mer et les bateaux affectés à la pêche professionnelle maritime, les bateaux de sauvetage et d’assistance en mer ;

– Les opérations de livraison, de location, de réparation et d’entretien portant sur des objets destinés à être incorporés dans ces bateaux ou utilisés pour leur exploitation en mer, ainsi que sur les engins et filets pour la pêche maritime ;

– Les opérations de livraison, de transformation, de réparation, d’entretien, d’affrètement et de location portant sur les aéronefs utilisés par les compagnies de navigation aérienne dont les services à destination ou en provenance de l’étranger ou des collectivités et départements d’outre-mer, à l’exclusion de la France métropolitaine, représentent au moins 80 % des services qu’elles exploitent ;

– Les opérations de livraison, de location, de réparation et d’entretien portant sur des objets destinés à être incorporés dans ces aéronefs ou utilisés pour leur exploitation en vol ;

– Les livraisons de biens destinés à l’avitaillement de ces bateaux et aéronefs, ainsi que des bateaux de guerre.

De plus, le a) du 1 de l’article 3 de la directive 2006/112 dispose que ne sont pas soumises à la TVA les acquisitions intracommunautaires de biens dont la livraison serait exonérée sur le territoire de l’État membre en application de l’article 148, effectuées par un assujetti ou par une personne morale non assujettie. Cette disposition n’a, pour l’heure, pas été transposée.

3.   Taxation sur option pour certaines opérations exonérées

Les opérations bancaires et financières entrent en principe dans le champ d’application de la TVA mais seules certaines d’entre elles sont taxables de plein droit en raison des nombreux cas d’exonération prévus par la loi. Cependant, pour certaines opérations normalement exonérées, il est prévu une possibilité d’imposition par option, réservée à certains opérateurs.

La loi fixe une liste limitative d’opérations de nature bancaire ou financière qui sont exonérées de TVA ([140]), comprenant :

– Les opérations relatives au crédit (octroi, négociation et gestion de crédits) ;

– Les prêts et pensions de titres ;

– Les opérations relatives à la constitution de garanties ;

– Les opérations relatives aux dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, bons de caisse, chèques bancaires ou postaux et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances ;

– Les opérations portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux, y compris les opérations de change ;

– Les opérations sur titres et valeurs mobilières, autres que celles de garde et de gestion ;

– La gestion des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et des organismes similaires ;

– Les opérations d’entremise dans des opérations bancaires et financières.

Par élimination, sont imposables de plein droit à la TVA toutes les opérations bancaires ou financières qui ne sont pas exonérées, soit parce qu’elles sont expressément exclues de l’exonération, soir parce qu’elles ne sont pas visées par un texte d’exonération. C’est notamment le cas des opérations suivantes :

– Les opérations de recouvrement de créances ;

– Les opérations de garde ou de gestion portant sur des valeurs mobilières ;

– Les opérations de gestion de crédits ou de gestion de garanties de crédits effectuées par des personnes autres que celle qui a octroyé le crédit ;

– Les opérations portant sur les monnaies de collection ;

– Les commissions perçues en rémunération de conseils ou d’études financières.

Sont également imposables les diverses opérations réalisées par les banques mais ne se rattachant pas au commerce des valeurs et de l’argent, comme les locations de matériels, les opérations de fabrication et de vente d’imprimés ou les consultations juridiques ou fiscales.

Enfin, pour certaines opérations normalement exonérées de la TVA, les intéressés peuvent, s’ils le désirent, renoncer à cette exonération en exerçant une option pour l’imposition à la TVA ([141]).

Cette option ne peut être exercée que par des professionnels du commerce des valeurs et de l’argent (établissements de crédit, prestataires de services d’investissement, changeurs, escompteurs et remisiers) et par les personnes réalisant à titre habituel des opérations se rattachant aux activités bancaires ou financières.

Cette option est globale et s’applique en principe à l’ensemble des opérations pour lesquelles elle est possible ([142]). Comme le prévoit le deuxième alinéa de l’article 260 B du CGI, « l’option s’applique à l’ensemble de ces opérations ».

Toutefois, certaines opérations exonérées ne peuvent pas faire l’objet de cette option. Il s’agit des opérations suivantes :

– Intérêts, agios et rémunérations assimilables ;

– Profits sur prêts de titres et pensions de titres ;

– Frais et commissions perçus lors de l’émission et du placement des actions ;

– Commissions sur l’émission et le placement d’emprunts obligataires ;

– Sommes perçues lors des cessions de créances et en rémunération de la gestion des créances cédées ;

– Profits sur le marché à terme international de France (MATIF) ;

– Cessions de valeurs mobilières et de titres de créance négociables ;

– Financement d’exportations, de livraisons intracommunautaires exonérées et d’opérations situées hors de France ;

– Opérations sur les devises et monnaies ;

– Certaines opérations effectuées par les sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA) ;

– Les opérations portant sur les produits de capitalisation relevant du code des assurances ;

– Les opérations soumises à la taxe sur les conventions d’assurance ;

– Les sommes versées par le Trésor à la Banque de France ;

– Les opérations effectuées entre eux par certains organismes : caisses d’épargne et banques populaires, caisses de crédit mutuel, caisses de Crédit Agricole mutuel.

Les opérations bancaires et financières exonérées entrant dans le champ de l’option comprennent donc, en particulier :

– Les opérations de crédit et de garantie, sauf les intérêts et rémunérations assimilées ;

– Les opérations sur effets de commerce, sauf les agios d’escompte et rémunérations assimilées ;

– Les opérations sur comptes et chèques bancaires ;

– Les commissions sur ordres de Bourse ;

– Les opérations de gestion des OPCVM et des organismes similaires ;

– Les opérations d’affacturage ;

– L’émission de titres-restaurants ;

– Les commissions d’enregistrement et de négociation perçues par les intermédiaires intervenant sur le MATIF.

B.   l’assiette

Comme prévu à l’article 266 du CGI, la base d’imposition à la TVA est constituée, pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.

Toutefois, un régime particulier de détermination de l’assiette a été introduit, pour les bons à usages multiples, par la loi de finances pour 2019 ([143]).

Les bons à usages multiples

La directive 2016/1065 du 27 juin 2016, dite « directive bons », a introduit un régime spécifique d’imposition à la TVA pour les bons.

Elle a défini les bons comme des instruments assortis d’une obligation de les accepter comme contrepartie totale ou partielle d’une livraison de biens ou d’une prestation de services et pour lesquels les biens ou les services concernés, ainsi que l’identité des fournisseurs ou prestataires potentiels, sont indiqués, soit sur l’instrument lui-même, soit dans la documentation correspondante.

Les bons font l’objet d’une classification selon leur fonctionnalité et la possibilité de déterminer avec certitude le prélèvement de la TVA, soit au moment de leur émission, soit à celui de la réalisation de l’opération sous-jacente. On distingue ainsi :

– Le bon à usage unique, pour lequel le lieu de la livraison ou de la prestation à laquelle le bon se rapporte et la TVA due sur ces biens et services sont connus au moment de l’émission du bon ;

– Le bon à usages multiples, qui donne droit à recevoir des biens ou services pour lesquels le lieu de la taxation et le taux de la TVA ne sont pas déterminés avec suffisamment de précision pour calculer la TVA à l’émission du bon.

La vente d’un bon à usage unique par son émetteur est considérée comme une livraison du bien ou du service auquel le bon se rapporte, ce qui entraîne une taxation immédiate à la TVA.

En revanche, la vente d’un bon à usages multiples est une opération non taxable. Seule l’opération sous-jacente sera taxée au moment de sa réalisation, au niveau du prestataire qui reçoit le bon. Comme le prévoit le a bis du paragraphe 1 de l’article 266 du CGI, la base d’imposition est déterminée par la contrepartie payée en échange du bon, diminuée du montant de la TVA afférente aux biens livrés ou aux services fournis.

Le 28 juin 2021, la Commission européenne a demandé à la France de mettre en conformité ces dispositions avec l’article 73 bis de la directive TVA, qu’elles transposent. En effet, l’article 73 bis de la directive TVA, tel qu’il résulte de la directive 2016/1065, prévoit que « la base d’imposition de la livraison de biens ou de la prestation de services effectuée en lien avec un bon à usages multiples est égale à la contrepartie payée en échange du bon ou, en l’absence d’information sur cette contrepartie, à la valeur monétaire indiquée sur le bon à usages multiples ou dans la documentation correspondante, diminuée du montant de la TVA afférente aux biens livrés ou aux services prestés ». L’article 266 du CGI, dans sa version en vigueur, ne prévoit pas l’hypothèse dans laquelle aucune information ne serait disponible sur la contrepartie, et ses conséquences sur la base d’imposition retenue.

C.   le fait gÉnÉrateur et l’exigibilitÉ

La directive TVA prévoit, à son article 63, que le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée.

Son article 65 précise qu’en cas de versements d’acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé.

Ces dispositions sont transposées à l’article 269 du CGI. Celui-ci dispose que le fait générateur de la TVA se produit, dans le cas général, au moment où la livraison, l’acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectuée, l’exigibilité coïncidant, dans la plupart des cas, avec la réalisation du fait générateur. Pour les prestations de services, toutefois, l’exigibilité intervient lors de l’encaissement des acomptes ou, sur option du redevable, d’après les débits, c’est-à-dire lors de l’émission de la facture.

Le droit français prévoit donc des règles distinctes en ce qui concerne l’exigibilité des livraisons de biens et celle des prestations de services. Il exclut, en particulier, une exigibilité de la TVA d’après les encaissements pour les livraisons de biens, alors que le droit européen ménage bien cette possibilité.

Cette lacune a été mise en évidence par un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 28 mai 2021, dans l’affaire dite « SAS Technitoit » ([144]). En l’espèce, une société avait commandé des marchandises auprès d’un fournisseur, en avait reçu une facture et avait versé un acompte avant toute livraison effective. Elle avait déduit la TVA facturée au titre de cet acompte, sans attendre la livraison. Cette déduction a été remise en cause par l’administration. Les produits n’ont d’ailleurs jamais été livrés en raison de difficultés du fournisseur. L’administration avait souligné qu’en l’absence de toute livraison du bien, le versement d’un acompte n’ouvrait pas droit à déduction de la TVA puisque l’exigibilité n’était pas intervenue. Elle avait également déduit de l’absence de livraison effective des biens le caractère fictif de l’opération, et du fait que cette société et son fournisseur avaient un actionnariat commun, la mauvaise foi de la société. En conséquence, elle avait contesté la déductibilité de la TVA et appliqué une pénalité de 40 % pour manquement délibéré. Elle appliquait, ce faisant, les dispositions des articles 269 et 271 du CGI ([145]).

La cour administrative d’appel de Nantes a confirmé le jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes avait déchargé cette société des rappels de TVA car elle a jugé la règle d’exigibilité propre aux livraisons de biens non conforme à la directive TVA. En effet, l’article 269 du CGI prévoit que l’exigibilité de la TVA intervient lors de la livraison du bien. Aucun autre mécanisme n’est prévu, contrairement à celui qui existe pour les prestations de services lorsque des acomptes sont versés. L’article 65 de la directive TVA dispose pourtant que dans ce cas, la TVA devient exigible, et peut donc être déduite, au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé. Le caractère inconditionnel et suffisamment précis de ces dispositions permettait, selon la cour, à la société de s’en prévaloir, telles qu’elles avaient été interprétées par la Cour de Justice de l’Union européenne ([146]).

D.   les modalitÉs de dÉclaration et de recouvrement

La déclaration de la TVA se fait, dans le régime réel normal de droit commun, par la souscription, par le redevable, d’une déclaration mensuelle ou, dans certains cas, trimestrielle, des opérations réalisées au cours du mois précédent. Certaines entreprises étrangères sont, toutefois, soumises à un régime particulier.

Les déclarations de TVA sont actuellement utilisées à la fois à des fins fiscales et à des fins statistiques.

Le recouvrement est, en règle générale, assuré par les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP), sauf pour certaines importations, pour lesquelles il est assuré par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

1.   L’imposition des entreprises étrangères à la TVA

De manière générale, les entreprises étrangères qui effectuent des opérations dont le lieu d’imposition se situe en France supportent la même imposition que les entreprises françaises réalisant les mêmes opérations. Les modalités d’imposition varient cependant selon que l’entreprise est établie en France ou non :

– Les entreprises étrangères établies en France sont soumises aux mêmes formalités et doivent acquitter la TVA dans les mêmes conditions que les entreprises françaises exerçant une activité identique imposable en France.

– Concernant les entreprises étrangères non établies en France, elles ne sont en réalité, dans bien des cas, pas redevables de la TVA, bien qu’elles y soient assujetties, en vertu de dispositifs d’autoliquidation de la TVA prévus par des textes spéciaux.

Pour celles qui sont redevables de la TVA, ou qui accomplissent des opérations au titre desquelles elles doivent accomplir en France des obligations déclaratives, le régime diffère selon qu’elles sont établies dans un autre État membre de l’UE ou dans un pays tiers ayant conclu une convention d’assistance au recouvrement des créances fiscales avec la France ([147]) ([148]), ou non :

– Les assujettis établis dans un autre État membre de l’UE ou dans un pays tiers ayant conclu une convention d’assistance au recouvrement des créances fiscales avec la France, qui réalisent en France des opérations pour lesquelles ils sont redevables de la TVA, n’ont ni l’obligation ni même la possibilité de désigner un représentant fiscal. Ils doivent s’identifier à la TVA, déclarer les opérations imposables réalisées en France et, le cas échéant, acquitter la taxe directement auprès de l’administration.

Toutefois, ils ont la possibilité de désigner un mandataire fiscal chargé d’effectuer à leur place tout ou partie des formalités déclaratives qui leur incombent et d’acquitter, le cas échéant, la taxe en leur nom. Ce mandataire agit sous la responsabilité exclusive de l’assujetti mandant, qui reste seul redevable de la taxe.

– Les entreprises étrangères établies dans un pays tiers n’ayant pas conclu de convention d’assistance au recouvrement des créances fiscales et réalisant en France des opérations pour lesquelles ils sont redevables de la TVA, ou auxquels incombent des obligations déclaratives, doivent faire accréditer, auprès du service des impôts, un représentant assujetti établi en France qui s’engage à remplir les formalités incombant à cette personne, et à acquitter la taxe à sa place en cas d’opérations imposables, ainsi que le prévoit l’article 289 A du CGI.

Ce représentant est unique et doit être lui-même établi en France et assujetti à la TVA. La doctrine fiscale prévoit, comme seule autre condition de fond de l’accréditation de ce représentant, qu’il présente une « moralité fiscale indiscutable » ([149]). Le service des impôts qui agrée sa désignation attribue à chaque assujetti représenté un numéro d’identification à la TVA.

Lorsque la TVA est acquittée par ce représentant, c’est à lui qu’il appartient normalement de délivrer les factures, sur lesquelles il doit indiquer expressément qu’il agit en qualité de représentant de l’assujetti étranger. Ce dernier peut cependant procéder à cette formalité lui-même, auquel cas il doit préciser, sur ces factures, le nom, l’adresse et le numéro d’identification à la TVA de son représentant fiscal.

À défaut de désignation d’un représentant accrédité, la TVA est due par le destinataire de l’opération imposable ([150]). De plus, en cas de non-désignation d’un représentant ou d’inexécution par celui-ci de ses obligations, l’intermédiaire ([151]) peut être recherché en paiement de la taxe sur le montant total de la transaction en lieu et place de l’entreprise étrangère.

 

D’autres mécanismes de représentation fiscale

Le code général des impôts prévoit d’autres situations dans lesquelles l’assujetti doit recourir à un représentant :

– C’est ainsi que son article 244 bis A prévoit, dans certains cas, la désignation d’un représentant pour le paiement du prélèvement sur les plus-values immobilières réalisées par les personnes physiques ou sociétés qui ne sont pas domiciliées en France sur le plan fiscal. Le IV de cet article dispose que cet impôt est acquitté lors de l’enregistrement de l’acte ou, à défaut d’enregistrement, dans le mois suivant la cession, sous la responsabilité d’un représentant désigné comme en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.

L’obligation de désigner un représentant fiscal ne s’applique pas lorsque le cédant est domicilié, établi ou constitué dans un État membre de l’UE ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement de l’impôt.

– De plus, le régime des ventes à distance de biens importés de territoires ou de pays tiers prévoit, pour certains assujettis, la possibilité de désigner un intermédiaire pour le paiement de la TVA. Cette possibilité, prévue à l’article 298 sexdecies H, s’applique aux assujettis, établis ou non sur le territoire de l’UE, effectuant des ventes à distance de biens importés de territoires ou de pays tiers.

Cet intermédiaire est une personne établie sur le territoire de l’UE désignée par l’assujetti comme étant le redevable de la TVA et remplissant en son nom et pour son compte les obligations prévues par ce régime. À ce titre, l’intermédiaire doit notamment informer l’administration du moment où l’assujetti commence son activité dans le cadre de ce régime, ainsi que de celui où il la cesse ou la modifie de telle manière qu’il ne remplit plus ses conditions. Il se voit attribuer un numéro individuel d’identification par l’administration et doit transmettre chaque mois une déclaration de TVA, que des ventes à distance de bien importés aient été effectuées ou non. Il tient un registre des opérations relevant de ce régime et acquitte la TVA.

2.   Recouvrement de la TVA à l’importation

La loi de finances pour 2020 a opéré une importante refonte des modalités de recouvrement de la TVA à l’importation auprès des entreprises ([152]). Alors qu’auparavant, l’introduction de biens en provenance d’États tiers à l’UE donnait lieu à la perception de la TVA par les services de la DGDDI au moment du dédouanement de l’opération d’importation, tandis que la déduction de la TVA se faisait, selon le droit commun, auprès de la DGFiP, elle a supprimé la compétence de la DGDDI pour les assujettis à la TVA, et l’a transférée à la DGFiP. Cette modification, inscrite à l’article 1695 du CGI, entre en vigueur le 1er janvier 2022.

En revanche, cette réforme a maintenu la compétence de la DGDDI pour le recouvrement de la TVA sur les importations pour lesquelles le redevable est une personne non assujettie.

Le transfert de compétences à la DGFiP n’a donc pas concerné, en particulier, les personnes morales non assujetties disposant d’un numéro de TVA intracommunautaire.

Le numéro de TVA intracommunautaire

Le numéro de TVA intracommunautaire est un numéro d’identification individuel, délivré par l’administration fiscale du pays de domiciliation de l’entreprise concernée au moment de son immatriculation ou de sa déclaration d’activité.

Les articles 286 ter et 286 ter A du CGI, dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2022, dressent la liste des opérateurs qui doivent être dotés de ce numéro. Il s’agit notamment :

– Des assujettis effectuant des livraisons de biens ou des prestations de services leur ouvrant droit à déduction ;

– Des assujettis ou personnes morales non assujetties effectuant des acquisitions intracommunautaires de biens soumises à la TVA ;

– Des personnes morales non assujetties, des assujettis ne réalisant que des opérations n’ouvrant pas droit à déduction et des exploitants agricoles placés sous le régime du remboursement forfaitaire ne remplissant plus les conditions qui leur permettaient de n’être pas soumis à la TVA, soit ceux dont les acquisitions ont excédé, au cours de l’année civile précédente, ou n’excèdent pas, pendant l’année civile en cours, le seuil de 10 000 euros (article 286 bis du CGI) ;

– Des personnes ayant choisi l’option pour la TVA prévue à l’article 260 CA ;

– Des assujettis redevables de la TVA pour des importations ou des sorties des régimes de suspension de la TVA.

En revanche, ne sont pas tenus de se doter d’un numéro de TVA intracommunautaire :

– Les assujettis qui effectuent, à titre occasionnel, des livraisons de biens ou des prestations de services ;

– Les assujettis effectuant exclusivement des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles la TVA est due par le destinataire, des sorties de biens d’un régime de suspension de TVA donnant lieu à dispense de paiement, ou certaines importations exonérées ;

– Ceux effectuant exclusivement des ventes à distance de biens importés soumises au régime particulier de l’article 298 sexdecies H du CGI et des importations dans le cadre de ce régime ;

– Les assujettis établis hors de France et effectuant exclusivement des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles ils ont recours, dans un autre État membre, au régime applicable aux services fournis par des assujettis non établis sur le territoire de l’UE, à celui applicable aux ventes à distance intracommunautaires de biens effectuées dans un État membre par des interfaces électroniques et aux services fournis par des assujettis établis sur le territoire de l’UE, mais non dans l’État membre de consommation, ou à celui applicable aux ventes à distance de biens importés de territoires ou pays tiers.

 

Les personnes morales non assujetties mais redevables de la TVA

Certaines personnes morales ne sont pas assujetties à la TVA. Toutefois, ces personnes, bien que non assujetties en principe, peuvent se trouver redevables de la TVA sur certaines de leurs opérations, à savoir :

– Leurs acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son État du régime particulier de franchise des petites entreprises (1° du I de l’article 256 bis du CGI) ;

– Leurs acquisitions de biens lorsque le montant de celles-ci a excédé, au cours de l’année civile précédente ou excède, pendant l’année civile en cours au moment de l’acquisition, le seuil de 10 000 euros (2° du I du même article) ;

– Leurs acquisitions intracommunautaires de moyens de transport neufs (I de l’article 298 sexies du même code).

Elles peuvent également opter volontairement pour la TVA à leur demande sur leurs acquisitions intracommunautaires (article 260 CA du CGI).

Ces personnes demeurent donc dans la situation de « double guichet » qui avait justifié, en loi de finances pour 2020, le transfert à la DGFiP du recouvrement de la TVA à l’importation.

De plus, la loi de finances pour 2020 a assoupli, à certaines conditions, les obligations déclaratives des assujettis à la TVA. En effet, les redevables de la TVA soumis au régime réel d’imposition sont tenus de remettre à leur service des impôts une déclaration mensuelle indiquant le montant des opérations qu’ils ont réalisées et le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée chaque mois. Toutefois, lorsque la taxe exigible annuellement est inférieure à 4 000 euros, les redevables sont admis à déposer leurs déclarations par trimestre civil. De plus, sur leur demande, les redevables peuvent être autorisés à disposer d’un délai supplémentaire d’un mois. Ces dispositions figurent aux 1 et 2 de l’article 287 du CGI.

La loi de finances pour 2020 a introduit une souplesse supplémentaire, en prévoyant que les redevables ne bénéficiant pas de cette autorisation peuvent néanmoins bénéficier, sur option, pour une durée minimale de douze mois et après en avoir informé l’administration, d’un report de la déclaration des importations et sorties des régimes prévus au 2° du I de l’article 277 A ([153]). Dans ce cas, l’ensemble de ces opérations est déclaré lors du troisième mois suivant l’exigibilité de la taxe.

Le 3 ter du même article 287 ne prévoit pas une telle souplesse pour les redevables placés sous le régime simplifié d’imposition, qui doivent déposer leur déclaration chaque mois dès lors qu’ils réalisent des acquisitions intracommunautaires, des importations ou des sorties de régimes suspensifs, sans possibilité de report.

3.   Réglementation statistique européenne

a.   Le cadre de la directive n° 638/2004

La collecte d’informations sur les échanges commerciaux au sein de l’UE est encadrée au niveau européen. Depuis le 1er janvier 2005, les règles en sont fixées par le règlement n° 638/2004 relatif aux statistiques des échanges de biens entre pays de l’UE ([154]). Ce règlement vise à garantir que les pays de l’UE collectent des données comparables et fiables pouvant être aisément traitées par Eurostat, l’Office statistique de l’UE, au sein du système dit « Intrastat ». Dans ce cadre, les entreprises européennes enregistrées aux fins de la TVA et dont le montant annuel dépasse un certain seuil, redéfini chaque année, doivent fournir des informations détaillées sur leurs transactions avec d’autres pays de l’UE. Les autorités nationales, quant à elles, gèrent un registre d’opérateurs intra-Union européenne, se composant des expéditeurs et des destinataires de biens.

Ce règlement fixe également le cadre juridique de la déclaration d’échanges de biens.

 

La déclaration des échanges de biens (DEB)

L’article 5 du règlement européen n° 638/2004 prévoit que les expéditions et arrivées de marchandises font l’objet d’un document administratif unique à des fins douanières ou fiscales, et que les informations qui y figurent doivent être fournies directement par les douanes aux autorités nationales au moins une fois par mois. L’article 467 du code des douanes transpose cette disposition en prescrivant que les échanges de biens entre États membres font l’objet d’une déclaration statistique périodique.

De plus, tout assujetti identifié à la TVA doit déposer un état récapitulatif des clients, avec leur numéro d’identification à la TVA, auxquels il a livré des biens ou auxquels des biens sont destinés dans un autre État membre de l’UE, ainsi qu’un état récapitulatif des clients auxquels il a fourni des services pour lesquels le preneur est redevable de la taxe dans un autre État membre de l’UE. Ces dispositions sont prévues par l’article 289 B du CGI.

L’état récapitulatif relatif aux livraisons de biens comprend notamment :

– Le numéro d’identification sous lequel l’assujetti a effectué ces livraisons :

– Le numéro par lequel chaque client est identifié à la TVA dans l’État membre où les biens lui ont été livrés ;

– Pour chaque acquéreur, le montant total des livraisons de biens effectuées par l’assujetti.

Celui relatif aux prestations de services, dit « déclarations européennes de services » (DES) contient des informations comparables.

L’article 467 du code des douanes précise que la déclaration statistique périodique et l’état récapitulatif des clients en matière d’échange de biens font l’objet d’une déclaration unique, appelée « déclaration des échanges de biens » (DEB). Cette disposition est reprise au 2 de l’article 289 C du CGI. Ces deux textes précisent, en des termes identiques, que la DEB peut être transmise par voie électronique, et qu’elle l’est obligatoirement par le redevable ayant réalisé au cours de l’année civile précédente des expéditions ou des introductions d’un montant hors taxes supérieur à 2,3 millions d’euros, ou atteint ce seuil en cours d’année. Les documents nécessaires à l’établissement de cette déclaration doivent être conservés par les assujettis pendant un délai de six ans à compter de la date de l’opération faisant l’objet de cette déclaration. La plupart de ces dispositions figurent également, de surcroît, à l’article 109 de la loi n° 92‑677 du 17 juillet 1992 (1).

La DES complète, le cas échéant, la DEB.

Les amendes applicables en cas de défaut de production de l’état récapitulatif ou de la DEB ou d’omission ou d’inexactitude dans leur contenu sont prévues par l’article 1788 A du CGI.

 

(1) Loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 portant mise en œuvre par la République française de la directive du Conseil des communautés européennes (C. E. E.) n° 91-680 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive (C. E. E.) n° 77-388 et de la directive (C. E. E.) n° 92-12 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise.

 

b.   Des règles modifiées par le règlement n° 2019/2152

L’abrogation de ce règlement a été prévue, avec effet au 1er janvier 2022, par le règlement 2019/2152 du 27 novembre 2019 relatif aux statistiques européennes d’entreprises, abrogeant dix actes juridiques dans le domaine des statistiques d’entreprises ([155]). Ce nouveau règlement réunit au sein d’un texte unique les dix actes européens qui régissent actuellement la production et la diffusion des statistiques d’entreprises. Il vise à renforcer la cohérence entre ces textes et à limiter la charge administrative imposée aux entreprises, notamment aux PME ([156]), en simplifiant autant que possible la collecte de données provenant des entreprises. Il invite les États membres à tenir compte des évolutions numériques les plus récentes lors de la détermination des instruments et des méthodes de collecte de données pour les statistiques ([157]).

Il souligne également qu’« un lien étroit devrait être maintenu entre le système de collecte d’informations statistiques et les formalités fiscales liées à la taxe sur la valeur ajoutée qui existent dans le cadre du commerce de biens entre États membres » ([158]).

Il désigne le règlement 223/2009 du 11 mars 2009 relatif aux statistiques européennes ([159]) comme son « cadre de référence, y compris en ce que concerne la protection des données confidentielles ». Il précise cependant que « le niveau d’information très détaillé dans le domaine des statistiques du commerce international de biens requiert des règles spécifiques en matière de confidentialité » : lorsqu’un importateur ou un exportateur de biens présente une demande pour que les résultats statistiques permettant son identification indirecte ne soient pas divulgués, cette demande « devrait être considérée comme justifiée par l’autorité statistique nationale lorsque les résultats statistiques permettent d’identifier indirectement ledit importateur ou exportateur » ([160]).

Selon l’évaluation préalable annexée au projet de loi, l’abrogation du règlement n° 638/2004 « modifie substantiellement la nature des obligations européennes en matière statistique et prive de fondement juridique l’article 467 du code des douanes en ce qui concerne la statistique des échanges intracommunautaires de marchandises, ainsi que l’article 289 C du CGI ».

En effet, « en se référant au règlement n° 223/2009 du 11 mars 2009, le règlement n° 2152/2019 conduit à renforcer la séparation entre les données collectées à des fins statistiques et les autres données », ce qui rendrait le principe d’une déclaration unique fusionnant l’état récapitulatif et le support de collecte statistique des échanges de biens intracommunautaires non conforme au droit européen à compter du 1er janvier 2022.

E.   le taux

Il existe en France continentale trois taux légaux de TVA : le taux normal de 20 % et les taux réduits de 5,5 % et de 10 %. À ces taux correspondent, dans les départements d’outre-mer où la TVA est applicable ([161]), deux taux particuliers moins élevés, de 8,5 % et 2,1 %.

À ces taux s’ajoutent des taux particuliers applicables à certains produits et opérations et pouvant différer selon le territoire concerné (France continentale, Corse, départements d’outre-mer).

Au total, on dénombre, pour la France continentale, quatre taux différents de TVA, et neuf sur l’ensemble du territoire français.

1.   Taux applicables aux produits alimentaires

Les livraisons portant sur des produits destinés à l’alimentation humaine se voient en principe appliquer le taux réduit de 5,5 %, à l’exception :

– Des boissons alcooliques, des margarines et graisses végétales, des confiseries, de certains chocolats et produits composés contenant du chocolat ([162]) et du caviar, auxquels s’appliquent le taux normal de 20 % ;

– Des produits alimentaires à consommer sur place et de ceux vendus à emporter ou à livrer en vue d’une consommation immédiate, auxquels s’applique le taux intermédiaire de 10 % ([163]).

Ces exceptions mises à part, le taux de 5,5 % s’applique à toutes les opérations portant sur les produits alimentaires, c’est-à-dire ceux qui, par nature, constituent des aliments, simples ou composés, susceptibles d’être utilisés en l’état pour l’alimentation ([164]).

Ces produits peuvent être affectés à un usage autre que l’alimentation humaine, en particulier l’alimentation animale et l’industrie, sans perdre le bénéfice du taux réduit ([165]).

En revanche, le taux intermédiaire de 10 % s’applique :

–  aux produits d’origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l’aviculture n’ayant subi aucune transformation ([166]), y compris les poulains vivants, et qui sont normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou dans la production agricole ([167]) ;

–  et aux matières premières, aliments composés et additifs utilisés pour l’alimentation des animaux nourris, élevés ou détenus pour la production de denrées alimentaires destinées à la consommation humaine ([168]).

De plus, les matières premières, aliments composés et additifs utilisés pour l’alimentation d’autres animaux, ainsi que les aliments médicamenteux destinés à des animaux, relèvent du taux normal.

Il découle de ces règles que la détermination du taux de TVA à appliquer à certains produits alimentaires est une opération complexe. La doctrine fiscale énonce de manière extrêmement détaillée, par type de produits et état de transformation, les conditions dans lesquelles s’appliquent les taux de 5,5 % et de 10 %. L’évaluation préalable de cet article, annexée au projet de loi, souligne que « cette situation est source d’insécurité juridique, notamment s’agissant des approvisionnements de la restauration commerciale et collective ». De fait, le taux applicable à un même produit est susceptible de varier à la hausse ou à la baisse au fil de la chaîne de production et de distribution, alors que tous les intervenants à celle-ci sont des assujettis qui déduisent la TVA.

2.   Taux applicables aux produits de santé (produits du corps humain et appareils médicaux)

Ils sont soumis au taux normal de 20 %.

a.   Un taux de 5,5 % pour certains appareillages

Toutefois, certains appareillages et équipements bénéficient du taux réduit de 5,5 % ([169]). Il s’agit notamment ([170]) :

– De certains appareillages pour handicapés, incluant les orthèses et prothèses externes, les dispositifs médicaux implantables, implants et greffons tissulaires et les véhicules pour handicapés physiques ([171]) ;

– Des équipements spéciaux, dénommés aides techniques et autres appareillages, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et qui sont conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d’incapacités graves. Cela inclut notamment les fauteuils roulants, les sièges orthopédiques, les appareils de lecture et d’écriture pour les aveugles et malvoyants et des vibrateurs et amplificateurs pour les sourds et malentendants ;

– Des ascenseurs et matériels assimilés, spécialement conçus pour les personnes handicapées et répondant à certaines caractéristiques.

En revanche, ce taux réduit ne bénéficie pas :

– aux produits et prestations faisant l’objet d’une prise en charge transitoire par l’assurance maladie pour une indication particulière ([172]) (procédure dite de « prise en charge précoce ») ;

– aux produits de santé et aux actes innovants faisant l’objet d’une prise en charge partielle ou totale par l’assurance maladie, à titre dérogatoire et pour une durée limitée, sous la condition d’une étude clinique ou médico-économique, sur décision des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ([173]) (dispositif dit « forfait innovation »).

b.   Des taux réduits pour les médicaments

Les livraisons de médicaments ([174]) sont soumises au taux de 10 % dès lors que ceux-ci sont destinés à l’usage de la médecine humaine et ont fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché ([175]).

Cependant, les médicaments pris en charge par la sécurité sociale bénéficient d’un taux de 2,1 % ([176]).

Ce taux s’applique également ([177]) :

– aux médicaments bénéficiant de la procédure d’« accès précoce », qui permet d’accorder, à titre exceptionnel, une autorisation temporaire d’utilisation, afin de traiter des maladies graves, rares ou invalidantes, lorsqu’il n’existe pas de traitement approprié, que le traitement ne peut être différé, et que l’efficacité et la sécurité de ces médicaments sont fortement présumés au vu des résultats d’essais thérapeutiques ([178]) ;

– aux médicaments bénéficiant d’une procédure d’ « accès compassionnel », qui permet d’utiliser, à titre exceptionnel, un médicament ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché lorsque celui-ci ne fait pas l’objet d’une recherche impliquant la personne humaine à des fins commerciales, qu’il n’existe pas de traitement approprié et que l’efficacité et la sécurité du médicament sont présumées au regard des données cliniques disponibles ([179]).

c.   Une exonération totale ou un taux réduit pour les produits sanguins

Les livraisons portant sur le sang humain, comme celles portant sur les organes et le lait humains, sont exonérées de TVA, comme le prévoit le 2° du paragraphe 4 de l’article 261 du CGI. Cette exonération totale s’applique au sang total ainsi qu’aux produits dérivés de celui-ci, lorsqu’ils sont destinés à un usage thérapeutique direct, ainsi que l’a indiqué la doctrine fiscale ([180]) à la suite d’une décision de la Cour de Justice de l’Union européenne ([181]).

Cependant, certains produits sanguins d’origine humaine se voient appliquer le taux de 2,1 %. Cette disposition est prévue à l’article 281 octies du CGI. Il s’agit, plus précisément, des produits visés aux 1°, 3°, 4° et 5° de l’article L. 1221‑8 du code de la santé publique, à savoir :

– les produits sanguins labiles (comprenant le sang total, le plasma dans la production duquel n’intervient pas un processus industriel et les cellules sanguines d’origine humaine) ;

– les médicaments issus du fractionnement du plasma ;

– les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ;

– et certains produits cellulaires à finalité thérapeutique.

L’évaluation préalable annexée au projet de loi indique que « les dispositions de l’article 281 octies du CGI sont en partie devenues obsolètes en raison, d’une part, de l’exonération dont bénéficient le sang humain et ses produits dérivés dès lors qu’ils sont destinés à un usage thérapeutique direct et, d’autre part, des modifications intervenues dans le code de la santé publique ».

II.   Le dispositif proposÉ

Le paragraphe I (alinéas 1 à 88) procède à des modifications du code général des impôts.

Le paragraphe II (alinéas 89 à 91) opère les coordinations qui en découlent dans d’autres textes.

Le paragraphe III (alinéas 92 à 96) fixe une date d’entrée en vigueur différée pour certaines de ces dispositions.

A.   des modifications du champ d’application de la TVA, justifiÉes par la mise en conformitÉ au droit europÉen et à des décisions de justice

Le 5° du paragraphe I du présent article (alinéas 15 à 36) insère un nouvel article 262-00 bis dans le CGI, afin de transposer des exonérations prévues par des textes européens. Comme prévu au A du paragraphe III (alinéa 92) du présent article, ces dispositions doivent entrer en vigueur le 1er juillet 2022.

1.   L’exonération pour les représentations diplomatiques, les organismes européens et internationaux et certaines forces armées

Les alinéas 17 à 30 transposent les exonérations concernant les livraisons aux représentations diplomatiques, aux organismes européens et internationaux et à certaines forces armées. Ces dispositions, qui figuraient déjà dans la directive TVA, n’étaient jusqu’à présent appliquées en France que sur une base doctrinale. Ils transposent également les nouvelles exonérations introduites par la directive 2019/2235.

Est ainsi prévue une exonération de TVA sur :

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées dans le cadre de relations diplomatiques et consulaires, dans la limite, le cas échéant, des contingents attribués par l’administration ([182]) (1°, alinéa 17) ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services destinées à l’UE, la Communauté européenne de l’énergie atomique, la Banque centrale européenne, la Banque européenne d’investissement et les organismes créés par l’UE auxquels s’applique le protocole n° 7 annexé au traité sur le fonctionnement de l’UE relatif aux privilèges et immunités de l’UE ([183]), dans les limites et conditions fixées par ce protocole et les accords relatifs à sa mise en œuvre ou par les accords de siège dans la mesure où cela n’engendre pas de distorsions de concurrence (2°, alinéas 18 à 23) ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services destinées à des organismes internationaux autres que ceux mentionnés à l’alinéa précédent, reconnus comme tels par les autorités publiques françaises ou les autorités de l’État d’accueil membre de l’UE, ainsi qu’à des membres de ces organismes, dans les limites et conditions fixées par les conventions internationales instituant des organismes ou par les accords de siège (3°, alinéa 24) ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à destination des forces armées pour leur usage, pour l’usage de l’élément civil qui les accompagne ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines, lorsque ces forces sont affectées, soit à l’effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’UE dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, soit à l’effort de défense prévu par le traité de l’Atlantique Nord, si elles relèvent d’un État partie à ce traité, et si ces forces sont stationnées ou séjournent dans un État membre de l’UE autre que celui dont elles relèvent (4°, alinéas 25 à 29) ;

– Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à destination des forces armées du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord stationnées sur l’île de Chypre en application du traité établissant la République de Chypre en date du 16 août 1960, pour leur usage, pour l’usage de l’élément civil qui les accompagne ou pour l’approvisionnement de leurs mess ou cantines (5°, alinéa 30).

Le 16° du I du présent article (alinéas 80 et 81) transpose quant à lui, à l’article 291 du CGI, certaines dispositions de l’article 143 de la directive, qui exonèrent de TVA les importations de biens dont la livraison serait exonérée. En l’espèce, les biens concernés sont ceux dont la livraison est exonérée en application des paragraphes I et II de l’article 262-00 bis du CGI, soit ceux livrés dans le cadre des relations diplomatiques, aux institutions et organismes européens, aux organismes internationaux et à certaines forces armées. Le A du III du présent article (alinéa 93) prévoit une entrée en vigueur rétroactive, dès le 1er janvier 2021, pour cette disposition en tant qu’elle renvoie au 6° du nouvel article 262-00 bis du CGI, qui entre en vigueur à cette date.

De plus, le 3° du I du présent article (alinéas 4 à 6) procède à la transposition, à l’article 256 bis du CGI, de certaines dispositions figurant au a) du 1 de l’article 3 de la directive 2006/112. Il prévoit ainsi que ne sont pas soumises à la TVA les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées par un assujetti ou une personne morale non assujettie dont la livraison serait exonérée en application des 2° à 6° de l’article 262 ou de l’article 262-00 bis du CGI. Il s’agit des livraisons exonérées en application des articles 148 et 151 de cette même directive, soit celles liées aux transports internationaux et celles destinées aux représentations diplomatiques, aux organismes européens et internationaux et à certaines forces armées. Le A du paragraphe III du présent article (alinéa 92) prévoit une entrée en vigueur de cette disposition au 1er juillet 2022.

Le 2° du même paragraphe I (alinéa 3) opère une coordination liée à cette transposition à l’article 256 du CGI.

Le 8° du paragraphe I du présent article (alinéa 43) insère, à l’article 271 du CGI, une disposition permettant de déduire comme si elles étaient soumises à la TVA les opérations exonérées en application du nouvel article 262-00 bis du CGI. Cette faculté, qui est dérogatoire au principe selon lequel les opérations exonérées n’ouvrent pas droit à déduction, est déjà ouverte pour certaines opérations d’assurance réalisées hors de France, les opérations bancaires et financières réalisées au bénéfice de personnes domiciliées hors de l’UE ou se rapportant à des exportations, ou encore les opérations relevant du commerce extérieur.

Le II du nouvel article 262-00 bis précise que les exonérations prévues aux 1 à 3° s’appliquent aux seuls achats effectués pour un usage officiel (alinéa 34) et que les exonérations prévues aux 1° à 5° s’appliquent aux seuls achats dont le montant hors taxes excède 150 euros ([184]) (alinéa 35).

A contrario, le ii du b) du 3° (alinéas 9 à 12) transpose l’article 22 de la directive 2006/112, tel que complété par la directive 2019/2235. Il prévoit ainsi de compléter le II de l’article 256 bis du CGI afin d’assimiler à une acquisition intracommunautaire à titre onéreux l’affectation de biens par les forces armées stationnées ou séjournant en France, à leur usage ou à l’usage de l’élément civil qui les accompagne, lorsque l’une des conditions suivantes est remplie :

– Ces forces sont les forces armées françaises et ont acquis ces biens en exonération dans un autre État membre de l’UE en raison de leur affectation soit à un effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’UE dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, soit à l’effort commun de défense prévu par le traité de l’Atlantique Nord ;

– Ces forces relèvent d’un autre État partie au traité de l’Atlantique Nord, ne sont pas affectées à l’effort commun de défense prévu par ce traité et ont acquis des biens en exonération en dehors de l’État membre dont elles relèvent en raison de leur affectation à cet effort commun de défense.

Le i) du b) du même 3° (alinéas 7 et 8) transpose une précision figurant à l’article 21 de la directive 2006/112. Celui-ci assimile à une acquisition intracommunautaire de biens effectuée à titre onéreux l’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien expédié ou transporté à partir d’un autre État membre dans lequel le bien a été produit, extrait, transformé, acheté, acquis ou importé par l’assujetti dans le cadre de son entreprise. Le projet de loi apporte, au II de l’article 256 bis du CGI, qui transpose cette disposition, la précision, aujourd’hui manquante, que cette acquisition s’entend « à titre onéreux ».

2.   L’exonération des organismes européens dans le cadre du Covid-19

Les alinéas 31 à 33 introduisent, au nouvel article 262-00 bis du CGI, un 6° prévoyant une exonération de TVA pour les livraisons de biens et les prestations de services destinées à la Commission européenne ou à une agence ou à un organisme créé en vertu du droit de l’UE, aux conditions cumulatives suivantes :

 Ces biens ou services sont achetés dans le cadre de l’exécution des missions qui sont confiées par le droit de l’UE à l’acquéreur afin de réagir à la pandémie de Covid-19. Il est précisé que lorsque cette condition n’est plus remplie, la personne concernée en informe l’administration dans des conditions déterminées par un arrêté du ministre chargé du budget ;

– Les biens et services achetés ne sont pas utilisés, immédiatement ou ultérieurement, aux fins de livraisons de biens ou prestations de services subséquentes effectuées à titre onéreux par l’acquéreur.

Comme prévu au A du paragraphe III du présent article (alinéa 93), ces dispositions s’appliquent aux opérations dont le fait générateur intervient au 1er janvier 2021, conformément à la directive 2021/1159 du 13 juillet 2021.

Enfin, le paragraphe III du nouvel article 262-00 bis du CGI (alinéa 36) précise que, pour les exonérations prévues par cet article, lorsque les biens ne sont pas expédiés hors de France ou que les services sont exécutés en France, l’exonération est mise en œuvre au moyen d’une procédure de remboursement.

3.   Taxation sur option pour les opérations bancaires et financières exonérées

Les opérations bancaires et financières ne sont pas les seules opérations exonérées sur lesquelles les assujettis peuvent opter, s’ils le souhaitent, pour une imposition à la TVA. C’est également le cas des opérations de location de locaux nus pour les besoins de l’activité d’un preneur, assujetti ou non à la TVA, comme le prévoit le 2° de l’article 260 du CGI. Si le texte du CGI est muet sur la portée de cette option, celle-ci est précisée par un décret, codifié à l’article 193 de l’annexe II du CGI, qui prévoit une option distincte par immeuble ou ensemble immobilier ([185]). Selon l’administration fiscale, cette disposition signifiait qu’un bailleur ne pouvait, au sein d’un même immeuble, opter pour l’imposition à la TVA pour certains seulement des locaux qu’il y louait, et non pour les autres.

Or cette interprétation a été remise en cause par un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy ([186]), confirmé par le Conseil d’État ([187]). Selon ces juridictions, il résulte des articles 135 et 137 de la directive 2006/112, qui prévoient l’exonération de ces opérations et la possibilité d’une imposition sur option à la TVA pour celles-ci, que, dans la mesure où la directive ne précise pas à quelles conditions la portée du droit d’opter pour la taxation peut être restreinte, il appartient à chaque État membre de préciser la portée de ce droit, sans toutefois que lui soit conférée la possibilité de subordonner à des conditions ou de restreindre de quelque manière que ce soit ces exonérations ([188]). Il en découle que le droit en vigueur permet une option pour la soumission à la TVA de la location de certains seulement des locaux exploités par un contribuable dans un même bâtiment.

Cette décision impose de supprimer le caractère global de l’option pour l’imposition à la TVA concernant les opérations bancaires et financières exonérées. C’est l’objet du 4° du I du présent article (alinéas 13 et 14), qui prévoit, au deuxième alinéa de l’article 260 B du CGI, que « l’assujetti qui a exercé l’option l’applique aux seules opérations qu’il détermine ».

Comme le souligne l’évaluation préalable annexée au projet de loi, « les assujettis qui exerceront l’option pourront dès lors l’appliquer aux opérations qu’ils souhaitent dans les limites de celles couvertes par le champ de l’option ».

B.   un ajustement de l’assiette pour les bons À usage multiple

Le 6° du I du présent article (alinéa 37) modifie le a bis du 1 de l’article 266 du CGI afin de transposer de manière complète les dispositions de l’article 73 bis de la directive 2006/112 concernant la base d’imposition à la TVA des bons à usages multiples.

Il précise ainsi que la base d’imposition de la livraison de biens ou de la prestation de services effectuée en lien avec un tel bon est égale, en l’absence d’une information sur la contrepartie payée en échange du bon, à la valeur monétaire indiquée sur le bon ou dans la documentation correspondante, déduction faite du montant de la TVA afférente aux biens et services concernés.

Le A du paragraphe III du présent article (alinéa 92) prévoit, pour cette modification, une entrée en vigueur différée au 1er juillet 2022.

C.   Une modification des modalitÉs d’exigibilitÉ de la TVA sur les livraisons de biens en cas d’acompte

Le 7° du I du présent article (alinéas 38 à 42) du projet de loi met en conformité notre droit avec les règles européennes concernant l’exigibilité de la TVA pour les livraisons de biens donnant lieu au versement d’un acompte.

Il complète le 2 de l’article 269 du CGI afin de prévoir qu’en cas de versement préalable d’un acompte en paiement d’une livraison de bien, la TVA devient exigible au moment de son encaissement à concurrence du montant encaissé. En l’absence d’acompte, la taxe demeure exigible à la livraison.

Le B du paragraphe III du présent article (alinéa 94) prévoit que cette disposition entre en vigueur le 1er janvier 2023, et s’applique aux acomptes encaissés à compter de cette date.

D.   déclaration et recouvrement

1.   Accréditation des représentants fiscaux en matière de TVA

La loi ne prévoit aujourd’hui aucune condition tenant aux personnes pouvant être désignées comme représentants fiscaux. Seules certaines conditions sont fixées par la doctrine fiscale. Or l’évaluation préalable indique qu’ « il a été constaté, dans le cadre du commerce électronique, un phénomène qui consiste pour certains représentants fiscaux à représenter des milliers de vendeurs établis dans des pays tiers à l’UE, principalement en Asie, alors que ces représentants ne disposent ni de l’organisation administrative et des ressources matérielles ou humaines suffisantes pour exercer leurs missions, ni des capacités financières appropriées », ce qui « a pour effet de rendre inopérant le mécanisme de solidarité financière du représentant prévu par la loi ».

En conséquence, le projet de loi introduit, au 13° du I du présent article (alinéas 66 à 74), des dispositions plus complètes relatives à ce représentant fiscal au sein de l’article 289 A du CGI.

L’alinéa 67 apporte une précision au II de cet article. L’article 283 du CGI prévoit, à son 2, que, lorsque des prestations de services situées en France ont pour preneur un assujetti et que le prestataire n’est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur. Le II de l’article 289 A du même code prévoit dans ce cas, à défaut de paiement de la taxe par le preneur, la désignation par le prestataire non établi dans l’UE d’un représentant assujetti établi en France qui remplit les formalités afférentes à l’opération en cause et acquitte la taxe. Le présent article précise ici que ce représentant doit être accrédité auprès du service des impôts.

Les alinéas 68 à 73 introduisent à l’article 289 A du CGI un IV qui précise les conditions de délivrance de l’accréditation.

Trois conditions cumulatives sont posées :

– Tout d’abord, le représentant ne doit ni avoir commis, lui ou son ou ses dirigeants s’il s’agit d’une personne morale, d’infractions graves ou répétées aux dispositions fiscales, ni avoir fait l’objet, ni d’une sanction pour une faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif ([189]) ou pour faillite personnelle ([190]), ni d’une interdiction de gérer ([191]) au cours des trois années précédentes, ni faire l’objet d’une mesure d’interdiction de gérer en cours d’exécution (alinéa 70) ;

– Ensuite, il doit disposer d’une organisation administrative et de moyens humains et matériels lui permettant d’assurer sa mission de représentation (alinéa 71) ;

– Enfin, il doit disposer d’une solvabilité financière en relation avec ses obligations de représentant ou d’une garantie financière à hauteur d’un quart des sommes nées de ces obligations, résultant d’un engagement de caution pris par une société de caution mutuelle, un organisme de garantie collective, une compagnie d’assurances, une banque ou un établissement financier habilité à donner caution. Il est précisé que lorsque ces sommes ne peuvent être déterminées pour une personne représentée, le représentant doit disposer, pour les obligations associées à cette personne, d’une garantie financière égale à un niveau fixé par arrêté du ministre chargé du budget (alinéa 72). Le C du III du présent article (alinéa 95) prévoit, pour ce seul alinéa, et pour les accréditations délivrées avant le 1er janvier 2022, une applicabilité à compter du 1er janvier 2024.

En outre, l’alinéa 73 inscrit dans la loi les conditions de retrait de l’accréditation. Celle-ci peut être décidée par le service des impôts lorsque le représentant cesse de remplir l’une ou plusieurs de ces conditions ou lorsqu’il ne respecte pas les obligations déclaratives et de paiement des taxes qui lui incombent pour le compte des personnes qu’il représente ou pour son compte propre.

Les modalités précises de délivrance et de retrait de l’accréditation sont, quant à elles, renvoyées à un décret en Conseil d’État (alinéa 74).

Par cohérence, le projet de loi rend ces critères d’accréditation applicables aux situations de représentation fiscale prévues en matière de plus-values immobilières au IV de l’article 244 bis A du CGI (alinéa 2), et dans le cadre du régime des ventes à distance de biens importés prévu à l’article 298 sexdecies H du même code (alinéas 85 et 86). Il précise, à ce dernier article, que cette procédure d’accréditation ne s’applique pas si l’assujetti est établi sur le territoire de l’UE ou d’un État avec lequel l’UE a conclu un accord en matière d’assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par les textes européens relatifs à l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances fiscales et à la lutte contre la fraude fiscale ([192]).

2.   Recouvrement de la TVA à l’importation

Afin de remédier à la situation de « double guichet » auxquelles sont confrontées les personnes non assujetties dotées d’un numéro de TVA intracommunautaire, le projet de loi prévoit, au 21° du I du présent article (alinéa 87), de préciser, à l’article 1695 du CGI, que le recouvrement de la TVA n’est effectué, concernant les importations, par la DGDDI, que pour celles pour lesquelles le redevable est une personne non assujettie et « non identifiée » par un numéro de TVA intracommunautaire.

De plus, le 12° du paragraphe I du présent article (alinéas 62 à 65) apporte des modifications à l’article 287 du CGI :

– Il supprime la souplesse introduite en loi de finances pour 2020, et dont l’entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2022, consistant, pour les redevables qui ne sont pas autorisés à disposer d’un délai supplémentaire d’un mois pour déposer leur déclaration de TVA, à bénéficier d’un report de la déclaration des importations et sorties de certains régimes suspensifs et d’entrepôt, leur permettant de déclarer ces opérations lors du troisième mois suivant l’exigibilité de la taxe (alinéa 63) ;

– Il introduit une souplesse pour les redevables de la TVA soumis au régime simplifié d’imposition, en prévoyant que lorsque la taxe exigible annuellement est inférieure à 4 000 euros, ils sont admis à déposer leurs déclarations par trimestre civil (alinéas 64 et 65).

3.   Adaptation à la nouvelle réglementation européenne en matière de statistiques

Afin de tenir compte du nouveau cadre fixé par le règlement n° 2152/2019, le projet de loi supprime la déclaration des échanges de biens (DEB). En conséquence, le présent article abroge, au 15° de son I, l’article 289 C du CGI (alinéa 19), ainsi, à son II (alinéas 89 à 91), que le chapitre Ier du titre XVII du code des douanes, qui comprend uniquement l’article 467 de ce code, et l’article 109 de la loi n° 92-677 précitée. Le 22° du I (alinéa 88) supprime, en conséquence, la référence à l’article 289 C du CGI figurant à l’article 1788 A du même code.

De plus, le 14° du même I (alinéas 75 à 78) complète l’article 289 B du CGI afin de reproduire certaines dispositions de l’article 289 C qui sont relatives à l’état récapitulatif et doivent, en conséquence, être conservées.

Il insère ainsi un IV dans cet article, qui prévoit, à son B (alinéa 78), que les documents nécessaires à l’établissement de l’état récapitulatif doivent être conservés par les assujettis pendant un délai de six ans à compte de la date de l’opération faisant l’objet de cet état.

De plus, il rend obligatoire, à son A (alinéa 76), la transmission de l’état récapitulatif par voie électronique pour toutes les entreprises, alors que seules celles dont les expéditions ou introductions excédaient le montant de 2,3 millions d’euros hors taxes par an étaient jusqu’à présent concernées. Toutefois, cette transmission reste possible sous format papier pour les entreprises bénéficiant du régime de franchise en base de TVA prévu à l’article 293 B du CGI ([193]), pour autant qu’elles utilisent un formulaire conforme au modèle fourni par l’administration des douanes (alinéa 77).

Le III précise, à son D (alinéa 96), que ces dispositions s’appliquent aux opérations pour lesquelles la déclaration ou l’état récapitulatif est exigé au titre d’une période engagée postérieurement au 1er janvier 2022.

E.   ajustements et mise en cohérence pour le taux applicable à certains produits

1.   Taux applicables aux produits alimentaires

Le projet de loi propose de rationaliser les taux de TVA applicables aux produits alimentaires, dans un but de simplification. C’est l’objet du a) du 9° du I du présent article (alinéas 44 à 48) et du 10° du même I (alinéas 51 à 60).

Les alinéas 44 à 48 modifient l’article 278-0 bis du CGI afin d’étendre l’application du taux réduit de 5,5 % aux produits normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires et à ceux normalement utilisés pour compléter ou remplacer ces denrées, alors qu’ils se voient appliquer aujourd’hui un taux de 10 %. Les exceptions portant sur les produits de confiserie, chocolats, margarines et graisses végétales, le caviar et les boissons alcooliques demeurent inchangées.

Les alinéas 51 à 60 modifient l’article 278 bis du CGI à des fins de précision et de coordination :

–  Il est prévu, au 3° de cet article, de soumettre au taux de 10 %, sauf lorsqu’elles relèvent du taux de 5,5 % prévu à l’article 278‑0 bis, les denrées alimentaires destinées à la consommation animale, les produits normalement destinés à être utilisés dans la préparation de ces denrées et ceux normalement utilisés pour compléter ou remplacer ces denrées lorsqu’il s’agit de produits d’origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l’aviculture qui n’ont subi aucune transformation, ou qu’il s’agit de matières premières, d’aliments composés ou d’additifs destinés aux animaux producteurs de denrées alimentaires elles-mêmes destinées à la consommation humaine (alinéas 52 à 55) ;

  Le , dont le contenu est repris dans la nouvelle rédaction du 3°, est abrogé (alinéa 56) ;

–  La rédaction du 5°, concernant les produits à usage agricole, est précisée : les produits agricoles concernés se verraient appliquer un taux de 10 % « lorsqu’ils sont d’un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole et qu’ils ne sont pas destinés à l’alimentation animale » (alinéas 57 et 58). En conséquence, les alinéas 59 et 60 rétablissent, dans la liste de ces produits, un a) mentionnant les produits d’origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l’aviculture n’ayant subi aucune transformation, y compris les poulains vivants. Ces produits étaient auparavant mentionnés au 3° de cet article.

2.   Taux applicables aux produits de santé (produits du corps humain et appareils médicaux)

Le projet de loi propose, au b) du 9° du I du présent article (alinéas 49 et 50), de compléter l’article 278-0 bis du CGI afin d’étendre l’application du taux réduit de 5,5 % aux appareillages, matériels et équipements pour handicapés :

– bénéficiant du dispositif dit « forfait innovation », prévu à l’article L. 165‑1‑1 du Code de la sécurité sociale ;

– ou faisant l’objet de la procédure d’« accès précoce », mentionnée à l’article L. 165-1-5 du même code.

3.   Taux applicables aux produits sanguins

Le projet de loi modifie les dispositions relatives aux taux de TVA applicables aux produits sanguins, au 11° du I du présent article (alinéa 61).

Il supprime, à l’article 281 octies du CGI, qui prévoit l’application d’un taux de 2,1 %, la mention des produits sanguins visés aux 1°, 3°, 4° et 5° de l’article L. 1221-8 du code de la santé publique, pour y substituer celle « des produits sanguins labiles destinés à des fins de recherche sur la personne humaine », lorsqu’ils sont préparés à partir du sang ou de ses composants, et « des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ».

L’évaluation préalable annexée au projet de loi indique qu’« il s’agit d’actualiser les dispositions de l’article 281 octies du CGI en supprimant les références aux produits couverts par l’exonération et en conservant la mention des produits sanguins labiles destinés à des fins de recherche sur la personne humaine et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ».

F.   D’autres mesures de simplification

Les 17° et 18° du I (alinéas 82 et 83) suppriment, dans la déclaration d’importation prévue aux articles 293 A et 293 A quater, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2020 ([194]), l’obligation, pour les entreprises, de mentionner leur dénomination sociale. Celle-ci apparaît, en effet inutile puisque les entreprises doivent déjà fournir leur numéro d’identification à la TVA.

De plus, le 19° du I (alinéa 84) simplifie la rédaction de l’article 298 septies du CGI. Cet article applique un taux de 2,1 %, en France métropolitaine et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, aux livraisons et services d’intermédiation portant sur les ventes, commissions et courtages portant sur certaines publications de presse, notamment celles présentant un lien direct avec l’actualité. Le présent article supprime la mention des ventes, commissions et courtages, qui n’apparaît pas utile puisque le texte en vigueur mentionne déjà les « livraisons et services d’intermédiation ».

III.   L’impact budgÉtaire et Économique

L’impact budgétaire est faible et l’impact économique limité.

L’abrogation du caractère global de l’option à la TVA pour les opérations bancaires et financières exonérées offrira plus de souplesse pour les opérateurs concernés. L’évaluation préalable indique qu’ils pourront adapter les règles applicables « selon l’intérêt de leurs clients, notamment selon qu’ils déduisent ou non la TVA ».

La modification des modalités d’exigibilité de la TVA sur les livraisons de biens en cas d’acompte permettra aux entreprises de déduire plus tôt la TVA sur leurs achats et d’éviter d’avoir à supporter une charge de trésorerie, et les conduira, symétriquement, à acquitter la TVA plus tôt sur leurs ventes.

Le renforcement des conditions d’accréditation des représentants fiscaux doit permettre de sécuriser les recettes afférentes.

La poursuite du transfert du recouvrement de la TVA à l’importation à la DGFiP est une mesure de simplification pour les entreprises, qui pourrait également entraîner de légers gains d’efficacité pour l’administration.

L’extension du taux réduit de 5,5 % à de nouveaux produits alimentaires est une mesure de simplification en faveur des acteurs de la restauration collective, sans conséquence pour le budget de l’État.

Les conséquences de l’extension du taux réduit de 5,5 % à certains appareillages pour les handicapés sont très limitées pour le budget de l’État en raison de l’étroitesse de l’assiette concernée mais potentiellement importantes pour chaque personne concernée.

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*     *

La commission adopte l’article 9 non modifié.

Après l’article 9

Amendement I-CF159 de M. Fabrice Brun, amendements identiques I-CF37 de M. Fabrice Brun, I-CF604 de M. François-Michel Lambert et I-CF843 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement vise à mettre la législation fiscale en cohérence avec votre volonté politique d’accélérer la transition écologique grâce aux énergies nouvelles. Il s’agit de relever de 3 à 6 kilowatts-crête le plafond en dessous duquel le taux réduit de TVA de 10 % est appliqué aux installations photovoltaïques en autoconsommation avec revente du surplus. Seules les installations d’une puissance supérieure à 6 kilowatts-crête seraient désormais assujetties au taux classique de TVA de 20 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est toujours intéressant de discuter de la bonne fiscalité à adopter en matière d’installations photovoltaïques. Toutefois, la mesure que vous proposez soulève deux problèmes. D’une part, elle relève du domaine réglementaire, le seuil des 3 kilowatts-crête ayant été fixé initialement par un rescrit, qui figure désormais dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP). D’autre part, la rédaction que vous proposez reviendrait à exonérer totalement de TVA les travaux d’installation de panneaux solaires, ce qui serait contraire à la directive européenne relative à la TVA. Au-delà de ces arguments juridiques, gardons-nous de trop réduire la TVA sur ces installations, voire de les en exonérer. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF159 et les amendements identiques ICF37, I-CF604 et I-CF843.

Amendements I-CF706 du président Éric Woerth, I-CF432 de M. Michel Zumkeller et I-CF207 de M. Alain Bruneel (discussion commune).

M. le président Éric Woerth. L’amendement I-CF706 vise à supprimer un cas d’impôt sur l’impôt. La TVA frappe bien évidemment la consommation d’électricité ou de gaz, mais aussi les taxes perçues sur cette consommation, à savoir la contribution au service public d’électricité (CSPE), les taxes locales sur la consommation finale d’électricité et la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) en ce qui concerne l’électricité, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la CTA en ce qui concerne le gaz.

Les montants en jeu sont importants : si l’on supprimait la TVA sur ces taxes, le gain serait de l’ordre de 2,7 milliards d’euros pour les consommateurs – soit 3 % de leur facture d’énergie – et il y aurait une perte de recettes équivalente pour l’État. Indépendamment de la conjoncture, cesser de prélever une taxe sur les taxes serait une mesure de justice. C’est aussi la surtaxation du secteur de l’énergie qui nous a menés dans l’impasse où nous nous trouvons aujourd’hui.

M. Michel Zumkeller. Dans la même logique, mon amendement I-CF400 – et non I-CF432 – vise à exclure certaines taxes de l’assiette de la TVA. Les Français payent cher leur énergie, on peut le comprendre, mais il est insupportable que l’État prélève une taxe sur les taxes. Nous demandons depuis plusieurs années un travail à ce sujet. Il faut trouver une solution.

M. Alain Bruneel. La flambée des prix de l’électricité et du gaz va amputer fortement le pouvoir d’achat des ménages. Il est essentiel d’agir au plus vite. L’un des moyens immédiats d’éviter une explosion des factures est de baisser les taxes sur l’énergie, au moins temporairement.

Nous proposons deux mesures. La première, qui fait l’objet de l’amendement I-CF207, consisterait à abaisser de 20 % à 5,5 % le taux de TVA appliqué sur les produits énergétiques, l’électricité et le gaz étant des produits de première nécessité pour les ménages. La seconde, qui fait l’objet de l’amendement I-CF206, serait d’exclure les taxes telles que la TICFE de l’assiette de la TVA.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends ce que vous entendez par « impôt sur l’impôt ». Toutefois, la directive TVA prévoit expressément que l’ensemble des impositions et taxes, hormis la TVA elle-même, sont incluses dans l’assiette de la TVA. Autrement dit, il est possible de baisser voire de supprimer des taxes, comme l’a proposé Julien Aubert tout l’heure, mais retirer des taxes de l’assiette de la TVA sans les supprimer serait totalement contraire à la directive TVA. J’émets donc un avis défavorable sur les amendements en ce sens.

M. le président Éric Woerth. C’est un faux problème. Le Gouvernement s’éloigne de la directive TVA quand il en a envie, comme il l’a fait lorsqu’il a abaissé les seuils d’importation de tabac dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Sachant que la directive TVA est en cours de révision, on prend le risque de s’en éloigner lorsque l’on considère nécessaire de le faire. Je vous invite à interroger l’administration à ce sujet. Bref, ce n’est pas un argument, monsieur le rapporteur général.

M. Charles de Courson. Je voudrais défendre le rapporteur général, monsieur le président. De mémoire, outre la directive TVA, il y a une jurisprudence en la matière, qui résulte de recours relatifs à des taxes qui n’étaient pas soumises à la TVA. On peut obtenir la révision de la directive TVA mais il y en a pour un moment !

M. le président Éric Woerth. Elle est en cours.

Mme Véronique Louwagie. Lorsque nos concitoyens regardent leur facture d’électricité, ils constatent que le montant se décompose en un tiers lié à la production, un tiers lié à la distribution et un tiers de taxes. Cela suscite une véritable incompréhension de leur part, d’autant que la TVA est calculée en incluant les autres taxes. Il y a là une difficulté par rapport au consentement à l’impôt. Nous devons mener une réflexion sur la TVA et apporter une réponse sur ce point.

M. Michel Zumkeller. Je suis Européen, et fier de l’être, mais on ne peut pas nous répondre à chaque fois : « C’est le droit européen et on n’y peut rien. » C’est dramatique, car cela alimente chez nos concitoyens le sentiment que l’Europe décide de tout dans leur dos.

Chaque année, nous déposons des amendements en ce sens et, chaque année, on invoque la directive TVA. Je comprends bien que ce n’est pas simple, mais une directive peut être renégociée.

En outre, je rappelle que la France transpose les directives européennes de manière littérale. Si nous nous attachions à en retrouver l’esprit, peut-être pourrions-nous apporter des modifications. Ce serait préférable pour tout le monde.

M. Alain Bruneel. Concernant le prélèvement de la TVA sur les taxes, monsieur le rapporteur général, je ne comprends pas très bien, moi non plus, que vous nous répondiez que cela tient à la directive TVA et qu’il n’y a rien à faire. Nous aimerions vous entendre dire, comme vous l’avez fait sur d’autres sujets importants, que l’on va réfléchir à une solution ou à des adaptations pour la séance publique. En l’espèce, il faudrait trouver un moyen de contourner la directive.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à notre proposition d’abaisser le taux de TVA de 20 % à 5,5 % pour redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Certaines personnes sont totalement démunies face à l’augmentation des prix de l’électricité et du gaz. Rappelons que la précarité énergétique touche plusieurs millions de Français et que 18 % des foyers ont déjà des difficultés à payer ce qu’ils consomment, à plus forte raison quand leur logement est énergivore.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Politiquement, que veut-on ? Si la priorité est de réduire la facture énergétique des Français, il est plus pertinent d’examiner les mesures annoncées par le Gouvernement que de lancer une réflexion sur la directive TVA. Le gel du tarif réglementé du gaz, la revalorisation du chèque énergie et la baisse de la TICFE sont des mesures que l’on peut prendre immédiatement, dans le cadre du droit actuel, pour faire gagner du pouvoir d’achat aux ménages. Voilà la première question qu’il faut se poser.

Je ne me cache pas derrière la directive TVA parce que l’Europe c’est nous, et nous avons fait collectivement le choix de ce que cette directive contient. L’adoption en loi de finances rectificative pour 2020 d’un taux réduit de TVA sur un certain nombre de produits – masques, blouses, vaccins – était certes le cas échéant discutable du point de vue de la directive TVA mais elle répondait à une nécessité, parce que nous étions en situation d’urgence. Il est tout à fait différent de voter une mesure structurellement contraire à la directive TVA, qui inclut dans la base de calcul de cette imposition l’ensemble des impositions et des taxes. C’est vrai que cet aspect technique donne l’impression de perdre en souveraineté lorsqu’il s’agit de prendre des décisions en matière d’impôts et taxes au Parlement. Mais dès lors qu’il est question de TVA, nous sommes liés par des règles communautaires que nous avons nous-mêmes souhaitées.

Si votre objectif est le même que le nôtre, à savoir augmenter le pouvoir d’achat des ménages et leur éviter une inflation trop importante sur les factures d’électricité et de gaz, la mesure proposée dans vos amendements n’est certainement pas la meilleure.

La commission rejette successivement les amendements I-CF706, I-CF432 et I-CF207.

Amendements I-CF400 de M. Michel Zumkeller et I-CF206 de M. Alain Bruneel (discussion commune).

M. Michel Zumkeller. Nous proposons de baisser le taux de TVA de 20 % à 5,5 % sur la contribution au service public de l’électricité et sur la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel qui sont facturées au consommateur. Une telle mesure, structurelle et non conjoncturelle, ne contrevient pas à la directive européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, car le droit européen exclut cette possibilité.

M. Michel Zumkeller. Je ne pense pas que la directive nous interdise de réduire un taux de TVA.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Elle ne permet pas d’intervenir sur la base d’imposition.

M. Michel Zumkeller. Nous n’excluons pas de la base d’imposition, nous changeons le taux.

La commission rejette successivement les amendements I-CF400 et I-CF206.

Amendements identiques I-CF356 de M. Mohamed Laqhila et I-CF806 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a une incohérence à faire payer de la TVA sur des sommes qui ne sont pas encore rentrées. La logique voudrait que l’on paye la TVA après avoir encaissé, et non après avoir facturé. Cela entraîne un décalage de trésorerie mais ne change rien sur un budget annuel. Ce serait plutôt sain dans le contexte de difficultés de trésorerie que connaissent les petites entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ces amendements sont satisfaits par les alinéas 38 à 42 de l’article 9 du projet de loi. Demande de retrait.

Mme Véronique Louwagie. Ils ne sont pas satisfaits. La TVA est exigible lors de la livraison pour les biens et de l’encaissement pour les services. Il faudrait exiger la TVA au moment de l’encaissement, qu’il s’agisse de biens ou de services. Les entreprises doivent faire une avance de trésorerie lorsqu’elles livrent des biens puisqu’elles doivent payer la TVA au moment de la livraison, quand bien même elles n’auraient pas encaissé le prix des biens livrés.

La commission rejette les amendements identiques I-CF356 et I-CF806.

Amendement I-CF260 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Les entreprises ne sont pas autorisées à déduire la TVA ayant grevé des achats en amont lorsque ces derniers ne sont pas utilisés dans le cadre d’activités économiques. Toutefois, la loi prévoit une exception pour les invendus alimentaires et non alimentaires donnés à des associations reconnues d’utilité publique. Je vous propose d’aller au-delà avec cet amendement, qui vise à étendre l’application de ces dispositions aux dons réalisés par les entreprises dans un objectif environnemental. Cela permettrait de tenir compte de l’évolution de la société sur ce sujet.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je préfère maintenir la limitation aux dons effectués auprès d’associations, afin d’éviter des usages moins évidents à qualifier qui pourraient en être faits. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF260.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF39 de M. Julien Dive.

Amendement I-CF164 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Les cafés, hôtels et restaurants ont été bien accompagnés pendant la crise du covid. Nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à avoir voté les mesures proposées dans le cadre des différents projets de loi de finances rectificative (PLFR) – activité partielle, prêt garanti par l’État, fonds de solidarité. Toutefois, ce secteur d’excellence de la France est en danger, car la crise du covid a eu malgré tout des conséquences économiques, aggravées par des difficultés de recrutement importantes et par l’inflation. À titre personnel, je n’ai jamais vu autant de restaurants en vente. Cela doit nous interpeller sur la nécessité de leur apporter une nouvelle bouffée d’oxygène, quitte à conjuguer la baisse de la TVA dans la restauration avec une révision des grilles salariales. Les conséquences de la crise ne sont pas encore derrière nous : ce secteur, pourvoyeur d’emplois dans tout le territoire et image de l’excellence de la France dans le monde entier, reste en danger.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La baisse de la TVA dans le secteur « hôtels-cafés-restauration » (HCR), on en parle régulièrement depuis longtemps – ce débat a d’ailleurs eu lieu l’an dernier lors de la discussion d’une proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains. Je n’ai jamais été convaincu par cette réponse. En l’occurrence, ce n’est pas une question de droit européen mais de choix politique. La baisse de TVA permet certes d’augmenter les marges du secteur, mais quand les établissements sont fermés, la priorité est d’abord de maintenir à flot les trésoreries. Et dans un contexte de reprise, les mesures d’accompagnement et d’aide à la relance sont autrement plus puissantes et nécessaires qu’une baisse de TVA, qui ne me semble pas la plus efficace, surtout au regard de son coût pour la collectivité. Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. La baisse de la TVA permet non seulement d’améliorer les marges mais également d’investir, de mettre les établissements aux normes et de réviser les grilles salariales. Ces sujets sont toujours d’actualité.

La commission rejette l’amendement I-CF164.

Amendements identiques I-CF223 de Mme Lise Magnier et I-CF521 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Lise Magnier. Il s’agit d’appliquer au caviar le même taux de TVA que celui dont bénéficient le foie gras et les truffes, c’est-à-dire un taux de 5,5 %. L’objectif est de soutenir les producteurs français de caviar, dont la filière est en croissance. Une telle mesure permettrait de concurrencer nos amis chinois et italiens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La France est en effet le troisième producteur mondial de caviar. Toutefois, la difficulté, s’agissant d’un marché aussi international, c’est que le taux réduit frapperait indistinctement le caviar produit en France et celui produit à l’étranger et importé en France. Cela ne changerait rien pour les parts de marché et la compétitivité et permettrait seulement d’augmenter les marges ou de baisser les prix à destination des consommateurs de caviar – je ne pense pas que cela soit notre priorité. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF223 et I-CF521.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF929 de M. Marc Le Fur.

Amendements I-CF1000 et I-CF1001 de M. Xavier Paluszkiewicz.

M. Xavier Paluszkiewicz. Je retire le premier de ces amendements. Le deuxième a pour objet d’inscrire les produits électriques et électroniques reconditionnés sur la liste des produits soumis à une taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, car la réduction de TVA n’est pas le moyen le plus efficace pour lutter contre l’obsolescence programmée.

L’amendement I-CF1000 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF1001.

Amendement I-CF166 de M. Fabrice Brun, amendements identiques I-CF35 de M. Fabrice Brun, I-CF110 de Mme Lise Magnier, I-CF586 de M. Charles de Courson et I-CF839 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF166 est l’occasion de rappeler que le bois énergie émet peu de CO2 – vingt fois moins que le fioul – et que les prairies et les forêts sont de formidables capteurs de CO2. Nous proposons donc une TVA de 5,5 % pour le bois énergie de qualité et labellisé. L’amendement I-CF35 est un amendement de repli.

M. Charles de Courson. Le chauffage au bois concerne 7 millions de ménages. L’objectif de la France est de parvenir à 9,3 millions de foyers, sans augmenter la quantité de bois consommée et en continuant à réduire drastiquement les émissions de particules fines. Il s’agit donc d’encourager la consommation de bois de chauffage en baissant la TVA à 5,5 %. J’ajoute qu’il y a beaucoup de marché noir concernant le bois de chauffage et que cela serait un moyen de régulariser la situation.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’ensemble de nos massifs forestiers subit des agressions – scolytes et autres insectes… De grandes quantités de bois ont été coupées, qui pourraient servir de bois de chauffage, à condition de proposer un prix attractif. La baisse du taux de TVA inciterait à réutiliser une partie du bois coupé dans les forêts domaniales ou communales et permettrait de lutter contre le marché parallèle du bois. Cela me semble être une mesure raisonnable dans le contexte économique, sanitaire et environnemental actuel.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Il existe déjà un taux réduit de 10 % : c’est un avantage suffisant.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF166 et les amendements identiques ICF35, I-CF110, I-CF586 et I-CF839.

Amendements identiques I-CF85 de M. Marc Le Fur, I-CF701 de Mme Patricia Lemoine, I-CF767 de Mme Véronique Louwagie, I-CF816 de Mme Lise Magnier, I-CF892 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF983 de M. Vincent Rolland et amendement I-CF163 de M. Fabrice Brun (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. Nous proposons de fixer à 5,5 % le taux de la TVA sur les activités relatives à la réparation de cycles, chaussures et articles en cuir, ainsi qu’à la retouche de textiles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela permettrait de créer des emplois de proximité, notamment dans la filière cuir. Cela fait des années que nous cherchons à soutenir cette filière qui est en cours de restructuration.

M. Vincent Rolland. S’ils étaient adoptés, ces amendements auraient une double vertu : d’une part, ils favoriseraient l’essor d’une activité ou d’une filière économique, d’autre part, ils nous engageraient un peu plus vers le développement durable en incitant à la réutilisation des produits.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage l’objectif de favoriser l’économie circulaire et de soutenir les activités de réparation et de recyclage ; nous avons d’ailleurs adopté deux lois soutenant l’investissement dans ces filières, et le plan de relance s’y emploie aussi. Toutefois, une baisse de la TVA ne me semble pas l’outil le plus efficace, d’autant qu’elle ne garantit ni l’augmentation des marges ni la transmission aux prix. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. On ne peut pas en permanence parler d’économie circulaire et ne rien faire pour traduire cette préoccupation dans la fiscalité. Le propre de celle-ci est de fixer des priorités. Nous avons, avec le recours à un taux réduit de TVA, la possibilité d’établir une différence de fiscalité entre le neuf et la réparation, celle-ci permettant d’éviter des dépenses en matières premières, en transport, etc. À un moment donné, il faut adresser des signaux clairs et ne pas se contenter de propos généraux !

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF85, I-CF701, I-CF767, I-CF816, I-CF892, I-CF983 et l’amendement I-CF163.

M. Marc Le Fur. Et après, ils vont nous parler d’écologie !

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF161 de M. Fabrice Brun.

Amendement I-CF165 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à appliquer à la vente de produits et matériaux issus de matières premières biosourcés gérées durablement un taux de TVA de 5,5 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Si la fiscalité, en particulier la TVA, peut être un levier pour favoriser une filière, je lui préfère un plan de relance qui investit directement dans celle-ci, en concertation avec les acteurs, avec une trajectoire, des projections et des parts de marchés à conquérir à l’international. L’écologie, le recyclage et l’économie circulaire, ce ne sont pas que des artisans de proximité, c’est aussi un marché, avec des emplois à la clé. Il y a toute une stratégie de filière à mettre en place. C’est un choix politique que j’assume, monsieur Le Fur.

La commission rejette l’amendement I-CF165.

Amendement I-CF167 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Nous proposons d’appliquer le même taux réduit de TVA aux produits vendus en vrac autres que les denrées alimentaires destinées à la consommation humaine et animale, qui y sont déjà soumis. Il importe de recourir à une incitation fiscale forte pour réduire les emballages. L’enjeu environnemental est de taille.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF167.

Amendements identiques I-CF23 de Mme Lise Magnier, I-CF36 de M. Fabrice Brun, I-CF579 de M. Charles de Courson et I-CF977 de M. Vincent Rolland.

Mme Lise Magnier. Les réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables bénéficient d’un taux de TVA réduit. Nous proposons, dans un souci d’harmonisation, que les réseaux de froid alimentés par le même type d’énergie soient soumis au même taux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons. En outre, la question est complexe, car les réseaux de froid urbain ne sont pas toujours très vertueux du point de vue écologique. Il convient de faire preuve de prudence.

M. Charles de Courson. Nos amendements ne concernent que les réseaux de froid alimentés par des énergies renouvelables : leurs émissions et leur contenu carbone sont six à seize fois inférieurs aux systèmes électriques, dominants sur le marché. De surcroît, ces amendements ne sont pas ruineux.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas parce qu’un amendement n’est pas ruineux qu’il faut l’adopter !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Et le fait qu’une énergie soit d’origine renouvelable n’empêche en rien les émissions de CO2 !

M. Charles de Courson. Mais elles sont bien moindres !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons déjà longuement débattu du sujet à l’occasion de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, monsieur de Courson.

M. Vincent Rolland. Néanmoins, avec le réchauffement climatique, on ne pourra pas empêcher les gens de vouloir se rafraîchir : autant qu’ils optent pour des énergies renouvelables.

La commission rejette les amendements identiques I-CF23, I-CF36, I-CF579 et I-CF977.

Amendements I-CF208 et I-CF209 de M. Alain Bruneel, I-CF169 de M. Fabrice Brun, I-CF973 de M. Vincent Rolland (discussion commune).

M. Alain Bruneel. L’amendement I-CF208 vise à appliquer aux transports de voyageurs, à l’exception du transport aérien, le taux de TVA dévolu aux produits de première nécessité, en considération du rôle social essentiel qui est le leur.

Le I-CF209 est un amendement de repli, qui concerne uniquement les transports urbains.

M. Fabrice Brun. Réduire la TVA sur les transports publics permettrait de faire d’une pierre trois coups, illustrant le vieil adage selon lequel « tout ce qui double ne perd pas, tout ce qui est triple commence à gagner ». Auraient à y gagner à la fois les voyageurs, à travers leur pouvoir d’achat, les employeurs, qui verraient leurs charges baisser, et les pouvoirs publics, qui pourraient tenir leurs engagements climatiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette série d’amendements vise à favoriser l’utilisation de certains moyens de transport par une baisse de la TVA, dans l’espoir d’une répercussion sur les prix. On utilise donc le même outil que précédemment, mais dans un autre objectif : il s’agit non plus de soutenir une filière, mais de rendre le prix plus attractif. Le problème, c’est qu’il a souvent été observé qu’en cas de baisse de la TVA, la transmission au prix était très incertaine. Rappelez-vous, dans un tout autre domaine, la baisse de la TVA sur les protections périodiques : les études ex post avaient montré qu’elle n’avait eu aucune incidence sur les prix. Autant une baisse de la TVA permet incontestablement d’accroître les marges d’une filière, autant la transmission au prix est plus complexe à démontrer.

Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. Alain Bruneel. J’ai besoin qu’on m’explique. Nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements visant à appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux produits de première nécessité. À chaque fois, on nous répond que c’est impossible, qu’on ne peut pas changer le taux de la TVA, qu’il y a des règles à respecter. Dans ces conditions, que faut-il faire pour déroger à ces règles et changer le taux de la TVA ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je n’ai jamais dit qu’il était impossible de baisser la TVA, j’ai dit que je ne le souhaitais pas parce que je pense que les répercussions que vous espérez obtenir sur les prix des billets sont incertaines. Bref, la mesure que vous proposez m’apparaît inefficiente et coûteuse pour les finances publiques ; je ne veux pas la soutenir.

Quant aux règles, elles sont fixées par la directive européenne sur la TVA.

Cela étant, vos amendements pourraient, si la majorité le souhaitait, être adoptés – mais je n’y suis pas favorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF208, I-CF209, I-CF169, I-CF973.

Amendement I-CF425 de Mme Sabine Rubin et amendements identiques I-CF84 de M. Marc Le Fur et I-CF299 de M. Fabrice Brun (discussion commune).

Mme Sabine Rubin. Mon amendement tend à appliquer un taux de TVA réduit aux activités de réparation visant à allonger la durée de vie des produits. Il s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’obsolescence programmée.

M. Marc Le Fur. Je vais répéter ce que j’ai déjà dit mais cette fois sans m’attacher à une filière particulière : la réparation, dans la mesure où elle s’inscrit dans une double logique de proximité et de recyclage des produits, doit bénéficier, contrairement au neuf, d’un taux de TVA réduit. D’ailleurs, il s’agissait d’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

Par ailleurs, monsieur Le Fur, j’imagine qu’étant un défenseur acharné du Parlement, vous ne souhaitez pas que les propositions de la Convention citoyenne soient adoptées sans délibération parlementaire, n’est-ce pas ?

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas le cas de toutes, mais celle-ci est une bonne proposition.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF425 et les amendements identiques I-CF84 et I-CF299.

Amendements identiques I-CF513 de Mme Sabine Rubin et I-CF566 de Mme Cécile Delpirou.

Mme Sabine Rubin. À travers ces amendements, nous reprenons une proposition de l’association Canopée visant à supprimer le taux réduit de TVA pour le bois-énergie à usage autre que le chauffage domestique ou public.

Mme Cécile Delpirou. Il convient en effet de réorienter une partie des soutiens publics au bois-énergie vers une sylviculture plus écologique et locale. Concrètement, il s’agit de mieux encadrer le taux de TVA réduit applicable à la vente de bois-énergie, mesure qui représente un coût de 130 millions d’euros pour l’État, en en limitant le bénéfice aux seuls usages domestiques et à un périmètre limité. Les économies réalisées pourraient être affectées à des mesures favorisant une gestion forestière plus écologique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit d’amendements fonctionnant en miroir des précédents, puisque vous proposez de rehausser le taux de la TVA dans l’objectif de réorienter le soutien public à une filière. Si l’intention est louable, il faut prendre garde aux éventuels effets de bord, comme une réorientation de la consommation vers des énergies fossiles. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF513 et I-CF566.

Amendements identiques I-CF70 de M. Stéphane Peu, I-CF608 de Mme Sylvia Pinel et I-CF729 de M. François Pupponi.

M. Alain Bruneel. Il est proposé d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux travaux de rénovation énergétique réalisés dans les logements sociaux. Une telle mesure viendrait soutenir l’effort des bailleurs sociaux pour accroître la performance énergétique de leur patrimoine, et susciterait en retour une baisse des charges supportées par les locataires du parc social.

Pour mémoire, les bailleurs sociaux ont déjà bénéficié, entre 2014 et 2018, du taux de 5,5 % sur l’ensemble des travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux, au-delà de ceux visés par l’article 278‑0 bis A du code général des impôts, avant que ce régime ne soit supprimé en 2018.

M. Charles de Courson. Il ne paraît en effet guère logique de solliciter des efforts d’isolation des logements sociaux tout en maintenant le taux de la TVA à un niveau aussi élevé. Nous demandons simplement le retour à la situation que l’on a connue entre 2014 et 2018, afin de booster l’isolation des logements sociaux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : ces amendements sont satisfaits puisque la rénovation thermique des bâtiments bénéficie déjà du taux réduit de TVA à 5,5 %. Ce qui est peut-être demandé, à travers eux, c’est une extension du champ des travaux éligibles, mais c’est une autre question.

J’en profite pour rappeler que, dans le plan de relance, 500 millions d’euros ont été directement affectés à la rénovation thermique des logements sociaux.

M. Charles de Courson. Le taux réduit prévu par l’article 278-0 bis A ne s’applique qu’à une partie des travaux de rénovation énergétique. Il serait logique de l’étendre et de revenir à la situation antérieure à 2018.

M. François Pupponi. En réalité, c’est un problème technique : certains types de travaux ont été oubliés de la liste des travaux de rénovation énergétique bénéficiant du taux de TVA à 5,5 %. Du coup, lorsqu’on rénove un appartement, on se retrouve à payer la TVA à 5,5 % sur certaines interventions, à 20 % sur d’autres. Il faudrait revoir la définition des travaux de rénovation énergétique. Cela fait des années que nous soulevons le problème et demandons qu’on se mette autour d’une table avec les services du ministère et les acteurs concernés pour rectifier le tir – mais je ne doute pas qu’on finisse par y arriver !

La commission rejette les amendements identiques I-CF70, I-CF608 et I-CF729.

Amendement I-CF754 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. De même, quand on transforme des locaux pour faire du logement social, on bénéficie du taux de 5,5 %, sauf s’il s’agit de locaux cédés par une entreprise et que le vendeur opte pour la TVA, auquel cas celle-ci s’applique au taux de 20 %. Là encore, c’est un loupé. Ce que je propose, c’est de nettoyer les textes, de sorte que le taux réduit de TVA s’applique à tous les cas de figure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. En revanche, je donnerai un avis favorable sur l’amendement I-CF1081, que nous examinerons ultérieurement et qui répond en partie à vos préoccupations.

L’amendement I-CF754 est retiré.

Amendements I-CF840 et I-CF842 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je serais étonné que M. le rapporteur général du budget émette un avis défavorable sur ces deux amendements, puisqu’ils visent à augmenter le taux de la TVA.

Tout le monde – le Président de la République, le Premier ministre, la ministre chargée du logement… – affirme vouloir lutter contre la ghettoïsation et favoriser la mixité sociale, mais l’on fixe à 5,5 % le taux de TVA applicable sur les constructions de logements sociaux financées par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) dans des quartiers qui disposent déjà de nombreux logements sociaux. Pourquoi ne pas taxer à 10 %, voire à 20 % la construction de logements sociaux là où il y en a déjà beaucoup et baisser la TVA sur les logements intermédiaires là où il en manque ? À l’inverse, dans les quartiers où il n’y a pas assez de logements sociaux, on baisserait la TVA sur le logement social et on l’augmenterait sur le logement intermédiaire. On inciterait ainsi les bailleurs à faire du logement social ou du logement intermédiaire en fonction des besoins.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Pupponi, étant un fin connaisseur du sujet, vous savez bien que pour favoriser la mixité sociale, il faut mettre en œuvre des politiques publiques d’ensemble et ne pas agir uniquement sur la fiscalité. L’adoption de vos amendements ne suffirait pas à enclencher le processus que vous appelez de vos vœux.

D’autre part, je ne suis pas systématiquement favorable à une hausse de la TVA et défavorable à une baisse. Si tel était le cas, un simple algorithme suffirait pour émettre un avis : celui-ci serait favorable sur toute mesure qui viendrait abonder les finances publiques, défavorable sur toute mesure qui les grèverait. Cela ne marche pas comme ça – sinon le solde public de la France serait excédentaire depuis bien longtemps ! Il faut aussi une certaine cohérence dans les politiques publiques.

M. François Pupponi. Tous les responsables politiques de notre pays, jusqu’au plus haut niveau de l’État, le disent : la ghettoïsation, ça suffit, la mixité sociale, c’est l’avenir ; si l’on ne fait rien, on va droit à la catastrophe. Or des mesures fiscales incitent les bailleurs sociaux à construire des logements en PLAI là où il y a déjà beaucoup de logements sociaux, c’est-à-dire que l’on continue à ghettoïser. La fiscalité, cela doit aussi servir à ne pas inciter les gens à faire quelque chose qui est contre l’intérêt du pays. La logique voudrait que l’on taxe moins ce qu’on veut inciter et davantage ce qu’on veut empêcher !

La commission rejette successivement les amendements I-CF840 et I-CF842.

Amendements identiques I-CF68 de M. Stéphane Peu et I-CF725 de M. François Pupponi, amendement I-CF764 de M. François Pupponi (discussion commune).

M. Alain Bruneel. La cohérence : tel est précisément l’objet de l’amendement I-CF68. Actuellement, le taux réduit de TVA concerne uniquement les opérations financées par un PLAI ou par un prêt locatif à usage social (PLUS) dans le cadre du nouveau programme national pour le renouvellement urbain (NPNRU) ; les autres opérations, c’est-à-dire celles financées par un PLUS hors NPNRU ou par un prêt locatif social (PLS) sont taxées à 10 %. Nous proposons d’appliquer le taux de 5,5 % à l’ensemble des opérations de construction de logements locatifs sociaux.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF725 est identique.

Alors que la TVA est au taux de 5,5 % pour les opérations financées par un PLUS dans le cadre du NPNRU, les conventions de rénovation urbaine, qui sont l’achèvement du premier programme national de rénovation urbaine, ne bénéficient pas du même taux. L’amendement I-CF764 a donc pour objet d’appliquer le taux de 5,5 % à l’ensemble des constructions de logement social réalisées dans le cadre de conventions de rénovation urbaine, au sens large. Cet amendement concerne en fait quelque 200 opérations : les sommes en jeu ne sont pas très élevées.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable sur les amendements I-CF68 et I-CF725, pour les raisons exposées précédemment.

Pour ce qui concerne le I-CF764, je vous suggère, monsieur Pupponi, de le retirer et de le déposer en séance pour pouvoir en discuter directement avec le Gouvernement. Il ne me semblerait pas absurde de procéder à une harmonisation mais je pense que la question est d’ordre réglementaire plutôt que législatif.

L’amendement I-CF764 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques I-CF68 et I-CF725.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF755 et I-CF756 de M. François Pupponi.

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*     *

Article additionnel après l’article 9
Taux de 5,5% pour la TVA applicable aux opérations d’acquisition-amélioration de logements locatifs sociaux financés par un prêt locatif social (PLS)

Amendement I-CF1081 de M. François Pupponi et amendements identiques I-CF71 de M. Stéphane Peu et I-CF730 de M. François Pupponi (discussion commune).

M. François Pupponi. Il s’agit là encore de toiletter les textes pour mettre un peu de cohérence dans les taux de TVA appliqués à la construction de logements sociaux. En l’occurrence, nous proposons d’appliquer le taux réduit de 5,5 % à l’ensemble des opérations d’acquisition‑amélioration de logements locatifs sociaux. Aujourd’hui, toutes n’en bénéficient pas.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme promis, avis favorable à l’amendement I‑CF1081, qui concerne les opérations d’acquisition-amélioration de logements locatifs sociaux financés par un PLS : il facilitera la transformation de bureaux en logements et contribuera à la mixité sociale, répondant ainsi en partie aux problèmes évoqués tout à l’heure. Avis défavorable sur les deux autres.

La commission adopte l’amendement I-CF1081 (amendement I-1391).

En conséquence, les amendements identiques I-CF71 et I-CF730 tombent.

Après l’article 9

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF744 de M. François Pupponi.

Amendements I-CF760 et I-CF761 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’objet de l’amendement I-CF760 est d’inciter, par l’application d’un taux de TVA de 5,5 %, les promoteurs à construire des logements intermédiaires dans les QPV, les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Quant au I-CF761, il a lui aussi pour objet de favoriser la mixité sociale.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF760 et I-CF761.

Amendement I-CF170 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il s’agit d’appliquer le taux réduit de 5,5 % de TVA à tous les travaux de rénovation des bâtiments et des habitations réalisés en 2022. Tout le monde y gagnerait. Les artisans du bâtiment ont créé plus de 50 000 emplois lorsque ce dispositif a été appliqué par le passé. C’est une mesure qui, pour les ménages, aurait le mérite de la simplicité et qui est efficace. Elle répondrait aussi à la question de l’éligibilité des investissements au taux réduit de TVA, soulevée tout à l’heure par le rapporteur général. Enfin, elle donnerait un coup d’accélérateur à la rénovation des bâtiments, ainsi qu’à la filière du bâtiment et des travaux publics (BTP). Or on sait bien que quand le bâtiment va, tout va.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je tiens, monsieur Brun, à maintenir une différence entre la rénovation globale et la rénovation énergétique, afin que le caractère incitatif du taux de TVA à 5,5 % puisse jouer – étant entendu qu’avec un taux de 10 %, les autres travaux de rénovation bénéficient déjà d’un taux réduit.

La commission rejette l’amendement I-CF170.

Amendement I-CF171 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Quand on installe des panneaux photovoltaïques, dès lors que la puissance n’excède pas trois kilowatts-crête, on bénéficie d’un taux réduit de TVA. Or les professionnels du photovoltaïque estiment que, pour une famille de quatre personnes, la puissance nécessaire est plutôt de six à neuf kilowatts-crête. C’est pourquoi je propose de rehausser le plafond afin que le taux réduit de TVA incite les familles françaises à produire de l’électricité grâce au soleil.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : je vous renvoie à la discussion que nous avons eue hier sur les panneaux solaires.

La commission rejette l’amendement I-CF171.

Amendement I-CF803 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de baisser temporairement de 10 % à 5,5 % le taux de la TVA applicable aux travaux d’entretien et d’amélioration des logements. Cela profiterait au secteur du bâtiment.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées.

La commission rejette l’amendement I-CF803.

Amendement I-CF435 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à appliquer, sur un certain nombre de biens et de services de luxe, un taux de TVA de 33 %. L’objectif est d’apporter des ressources pour les politiques publiques – ce qui, pour le coup, ne serait pas du luxe ! – sans pour autant creuser le fameux déficit.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : je ne veux pas pénaliser la filière du luxe, qui est une des filières d’excellence de notre pays et qui souffre déjà dans le contexte international actuel.

La commission rejette l’amendement I-CF435.

Amendement I-CF172 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Il convient d’appliquer le taux de TVA super-réduit de 2,1 % à tous les produits alimentaires issus des circuits courts afin de soutenir les producteurs qui développent ces derniers et de favoriser une alimentation saine, accessible et durable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : nous ne pouvons pas descendre en deçà de 5,5 %, qui est la valeur plancher du taux réduit. Le taux de 2,1 % applicable aux médicaments est tout à fait exceptionnel car il a été fixé avant l’adoption des premières directives européennes en la matière.

La commission rejette l’amendement I-CF172.

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Article additionnel après l’article 9
Prorogation, jusqu’au 31 décembre 2022, de la majoration des plafonds de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable à la Martinique, à la Réunion et en Guadeloupe

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF963 de M. Olivier Serva (amendement I-1392).

Après l’article 9

Amendement I-CF894 de M. Max Mathiasin.

M. Max Mathiasin. Nous proposons de proroger d’une année une expérimentation arrivant à son terme en 2022. Il s’agit d’une dérogation en matière de franchise de TVA bénéficiant aux microentreprises établies en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, permettant de tenir compte des différences structurelles de développement économique dans ces collectivités d’outre-mer et d’y encourager l’activité. Le maintien de cette mesure est d’autant plus important que les territoires concernés, notamment les Antilles, traversent actuellement une crise majeure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement est presque identique à l’amendement I-CF963 que nous venons d’adopter. Je vous invite donc à le retirer.

L’amendement I-CF894 est retiré.

Amendement I-CF821 de M. Brahim Hammouche.

M. Brahim Hammouche. Mon amendement vise à relever, à titre expérimental et pour une durée n’excédant pas trois ans, les seuils de chiffre d’affaires en deçà desquels les microentreprises établies dans les Ardennes, en Meurthe-et-Moselle, dans la Meuse, la Moselle, le Nord et à Paris peuvent bénéficier d’une franchise de TVA. Les cinq premiers départements cités sont des départements transfrontaliers : une telle mesure permettrait d’y relancer l’activité et de renforcer leur attractivité mise à mal par un gradient de développement économique très dysharmonieux. À Paris, elle permettrait d’améliorer le reste à vivre des microentrepreneurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends très bien la philosophie de cet amendement, qui vise à transposer dans quelques départements métropolitains une expérimentation en cours dans les départements d’outre-mer. Cependant, il contrevient au principe d’égalité devant l’impôt et devant les charges publiques.

En outre, je ne suis pas certain que les dispositifs spécifiques aux outre-mer soient applicables en métropole, en dépit des difficultés économiques ou en termes de reste à vivre auxquelles sont confrontés les départements que vous avez cités. D’autres mesures zonées, adaptées à leur situation particulière, me semblent plus adaptées.

Avis défavorable.

L’amendement I-CF821 est retiré.

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Article additionnel après l’article 9
Relèvement du plafond du tarif réduit d’accise sur le rhum produit dans le DOM et importé en métropole

Amendement I-CF758 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. La décision du 16 novembre 2020 du Conseil de l’Union européenne autorise la France à appliquer un taux d’accise réduit au rhum produit dans les départements d’outre-mer lorsqu’il est vendu sur le territoire métropolitain, dans la limite de 153 000 hectolitres d’alcool pur annuels – un plafond en hausse par rapport à la limite actuelle de 144 000 hectolitres. Ce contingent à l’importation, dit fiscal, vise à compenser le surcoût lié aux spécificités de la production de ce rhum. En corollaire, un contingent dit économique permet d’assurer une répartition équitable de ce contingent entre les opérateurs ultramarins : chaque opérateur se voit attribuer une fraction de ce contingent, au-delà de laquelle il doit s’acquitter d’une taxe au moment de l’exportation des produits depuis les collectivités d’outre-mer vers la métropole. Je vous propose de mettre en cohérence le volume du contingent économique avec le volume autorisé au titre du contingent fiscal.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis favorable : il s’agit d’une mise en cohérence fiscale.

La commission adopte l’amendement I-CF758 (amendement I-1393).

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*     *

 

Article 10
Suppression de dépenses fiscales inefficientes

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose la suppression de six dépenses fiscales et trois dispositifs dérogatoires jugés inefficients :

– la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel ;

– l’exonération d’impôt sur le revenu des lots d’obligations et des primes de remboursement attachées à des emprunts négociables émis avant le 1er janvier 1992 ;

– l’exonération d’impôt sur le revenu des intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d'assurance pour la forêt ouverts jusqu'au 31 décembre 2013 ;

– l’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, plafonnée à 61 000 euros de bénéfice, pour les entreprises qui exercent une activité en zones franches urbaines (ZFU) ;

– l’exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les départements d’outre-mer ;

– l’exonération d’imposition sur les bénéfices des sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté et les trois exonérations locales qui lui sont liées.

L’impact de ces suppressions est limité puisque seule la dernière dépense fiscale dont la suppression est proposée a une incidence budgétaire, estimée à 9 millions d’euros en 2021 dont 5 millions d’euros pour l’État et 4 millions d’euros pour les collectivités territoriales.

Dernières modifications législatives intervenues

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et le Parlement se sont engagés dans un travail de rationalisation des dépenses fiscales afin de mieux encadrer ces dispositifs dérogatoires et de supprimer ceux apparaissant inefficients.

L’article 94 de la loi de finances pour 2018 a supprimé trois dépenses fiscales inefficientes.

L’article 30 de la loi de finances pour 2019 a prévu l’abrogation de sept autres dépenses fiscales.

Les articles 29 et 136 de loi de finances pour 2020 ont supprimé sept dépenses fiscales, prévu un bornage dans le temps de l’application de dix dépenses fiscales et prévu la production de rapports d’évaluation pour neuf autres dépenses fiscales.

L’article 66 de la loi de finances pour 2022 a abrogé deux dépenses fiscales.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté deux amendements du Rapporteur général sur cet article :

– le premier supprime la disposition anti-abus rattachée à la taxe sur la transformation de contrats d’assurance-vie en contrats euro-croissance, elle-même supprimée par la loi de finances pour 2021 ;

– le second supprime l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des immeubles situés en ZFU et rattachés, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, à un établissement implanté en ZFU pouvant bénéficier d’une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE).

I.   état du droit

Les dépenses fiscales sont des dispositions dérogeant à la norme fiscale de référence et dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale.

Dans la mesure où elles constituent des exceptions aux principes généraux du droit fiscal français et qu’elles ont un impact budgétaire effectif, les dépenses fiscales doivent se justifier par des objectifs rationnels et atteindre ceux‑ci de manière efficiente, ce qui suppose de les évaluer régulièrement.

Au cours de ce quinquennat, le Gouvernement et le Parlement se sont engagés dans un travail de rationalisation des dépenses fiscales essentiel qui s’est traduit, jusqu’ici, par la suppression de 19 dépenses fiscales inefficientes.

A.   LES MODALITÉS D’ENCADREMENT ET D’ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES PRÉVUES PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Les lois de programmation des finances publiques (LPFP) ont été instituées par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elles ont pour objet de fixer les « orientations pluriannuelles des finances publiques » (article 34 de la Constitution).

Chacune des cinq LPFP ([195]) adoptée depuis 2008 a prévu des instruments de pilotage des dépenses fiscales qui n’ont pas permis d’enrayer la progression du coût de ces dépenses fiscales, même si la période récente conduit à un constat plus nuancé.

COÛT DES DÉPENSES FISCALES DEPUIS 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021 (prévision)

2022

(prévision)

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

78,3

85,1

87,6

93,4

99,0

99,9

92,7

90,3

91,4

Source : annexes aux PLF.

La transformation progressive du CICE en allègements de charges depuis 2019 fait apparaître une baisse en trompe-l’œil du coût des dépenses fiscales ces dernières années. L’étude de l’évolution du coût des dépenses fiscales hors CICE est donc plus pertinente.

Les dépenses fiscales hors CICE sont en hausse de plus de 12 milliards d’euros en dix ans. Malgré la baisse d’activité économique observée en 2020, la croissance du coût des dépenses fiscales est restée forte en 2020, suite à la révision à la hausse du coût de certaines dépenses fiscales ([196]). Si les prévisions présentées au Parlement en septembre 2020 faisaient état d’une diminution significative du coût des dépenses fiscales en 2021 (– 2,6 milliards d’euros), la prévision actualisée présente une trajectoire de baisse moins ambitieuse (– 0,7 milliard d’euros), en raison notamment des mesures nouvelles adoptées en 2020 ([197]). En 2022, une nouvelle augmentation du coût des dépenses fiscales est anticipée (+1,7 milliard d’euros), qui serait alimentée entre autres, comme en 2021, par l’exonération d’impôt des sommes versées au titre du fonds de solidarité.

COÛT DES DÉPENSES FISCALES HORS CICE DEPUIS 2009 ([198])

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022 (prévision)

72,9

72,7

72,0

72,2

72,1

71,9

72,7

74,7

77,1

79,6

80,7

84,0

83,3

85,0

Source : annexes aux PLF.

La LPFP 2018-2022, adoptée en début de législature, a fixé un objectif pluriannuel d’évolution des dépenses fiscales. À la différence des précédentes LPFP, le plafond est fixé en pourcentage d’un agrégat et non plus en valeur. L’agrégat est composé des recettes fiscales nettes du budget général et des dépenses fiscales. L’avantage est que le plafond peut ainsi évoluer proportionnellement à l’évolution des recettes ce qui permet de tenir compte de l’inflation et de la croissance économique.

La LPFP prévoit une trajectoire de baisse du plafond des dépenses fiscales sur la durée de la programmation : 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022.

 

Méthode de calcul du ratio de dépenses fiscales

Le ratio de dépenses fiscales se calcule de la manière suivante.

Au numérateur figure le coût des dépenses fiscales présenté en détail dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens du projet de loi de finances.

Au dénominateur figurent les recettes fiscales nettes du budget général telles qu’elles figurent à l’article d’équilibre du projet de loi de finances ainsi que les dépenses fiscales.

 

RATIO DE DÉPENSES FISCALES AU SENS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2018 À 2022

(en milliards d’euros)

Année

2017

2018

2019

2020

2021 (prévision actualisée)

2022

 

Coût des dépenses fiscales

(numérateur)

93,4

99,0

99,9

92,7

90,3

91,4

Recettes fiscales nettes + coût des dépenses fiscales (dénominateur)

93,4 + 295,6

= 389,0

99 + 295,4

= 394,4

99,9 + 281,3 = 381,2

92,7 + 256,0 = 348,7

90,3 + 278,6 = 368,9

91,4 + 292,0 = 383,4

Ratio numérateur/dénominateur

24 %

25,1 %

26,2 %

26,6 %

24,5 %

23,8 %

Ratio maximum LPFP

28 %

28 %

27 %

26 %

25 %

Source : commission des finances.

Si la Cour des comptes a mis en évidence le caractère inopérant de cet instrument de plafonnement dont le niveau est supérieur au coût estimé des dépenses fiscales en 2018 ([199]), la trajectoire définie par la LPFP 2018-2022 reste une trajectoire de baisse du coût des dépenses fiscales. Cette trajectoire a été respectée par le Gouvernement, même en 2020, dans un contexte de forte baisse des recettes fiscales nettes (impact sur le dénominateur). Les prévisions actuelles font même apparaître une trajectoire de baisse pour 2021 et 2022 significativement plus forte que celle du ratio maximum prévu dans la LPFP.

B.   un effort de rationalisation des dépenses fiscales inefficientes engagé depuis 2018

Un travail de rationalisation des dépenses fiscales a été engagé par le Gouvernement dès le début de la législature. Il a ensuite été accentué sous l’impulsion du Parlement et plus particulièrement de l’Assemblée nationale.

● Ainsi, l’article 94 de la loi de finances pour 2018 a abrogé trois dépenses fiscales qui représentaient un coût total pour les finances publiques de 22,8 millions d’euros.

dépenses fiscales supprimées par la LFI 2018

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2017)

Exonération des suppléments de rétrocession d’honoraires versés aux personnes domiciliées en France qui exercent une activité libérale comme collaborateurs de professionnels libéraux au titre de leur séjour dans un autre État

0,5

Crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale

22,0

Crédit d’impôt pour adhésion à un groupement de prévention agréé

0,3

Total

22,8

Source : commission des finances.

● L’article 30 de la loi de finances pour 2019 a supprimé sept autres dépenses fiscales inefficientes, dont deux dans un objectif de rationalisation des dépenses fiscales en faveur de l’investissement en outre-mer (impact limité du fait du report de la dépense sur un autre dispositif fiscal). Ainsi, le coût total des dispositifs supprimés représentait 8 millions d’euros.

dépenses fiscales supprimées par l’article 30 de la LFI 2019

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2018)

Amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui souscrivent au capital de sociétés financières d’innovation

NC

Provision pour aides à l’installation consenties par les entreprises à leurs salariés sous forme de prêts ou de souscription au capital de l’entreprise créée

0

Exonération des plus-values de cession :

- d’actions ou de parts de sociétés agréées pour la recherche scientifique ou technique ;

- de titres de sociétés financières d’innovation (SFI) conventionnées

NC

Exonération d’impôt sur le revenu de l’avantage correspondant à la remise gratuite par l’employeur aux salariés de matériels informatiques (et logiciels liés) entièrement amortis, dans la limite d’un prix de revient global annuel de 2 000 €

5,0

Déduction forfaitaire minimale pour frais professionnels prévue pour les demandeurs d’emploi depuis plus d’un an (seuil minimal)

NC

Rationalisation des dépenses fiscales en faveur de l’investissement social

-          Réduction d’impôt au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social dans les départements et collectivités d’outre-mer (extinction au profit d’un autre dispositif)

-          Déduction des investissements productifs réalisés dans les départements et collectivités d’outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements (extinction au profit d’un autre dispositif)

NC

 

 

3,0

Total

8,0

Source : commission des finances.

Suite à l’appel de certains députés ([200]), le Gouvernement s’est engagé à réaliser une analyse précise de l’utilité des dépenses fiscales. L’IGF a ainsi été missionnée en ce sens le 11 avril 2019, afin d’élaborer une méthode d’évaluation et d’identifier parmi les dépenses fiscales en vigueur celles devant faire l’objet d’un examen prioritaire ([201]). Un rapport a été rendu en juin 2019, préconisant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel d’évaluation portant sur les mesures dont le coût est d’au moins 100 millions d’euros ([202]).

D’autre part, cette exigence de meilleure information parlementaire a été consacrée par l’Assemblée nationale à travers l’adoption unanime, le 19 juin 2019, d’une proposition de résolution présentée par M. François Jolivet ([203]). Cette résolution manifeste le souhait parlementaire d’une documentation de chaque dépense fiscale destinée à en établir l’utilité, notamment s’agissant de celles qui présentent des lacunes de chiffrage, et la volonté de mieux établir l’atteinte par ces dispositifs de leur objectif de politique publique.

Enfin, l’édition 2019 du rapport sur l’application des mesures fiscales a permis au Rapporteur général Joël Giraud de dresser un panorama complet de l’ensemble des dispositifs dérogatoires ([204]). Ces travaux ont mis en évidence les lacunes des informations contenues dans le tome II des Évaluations des voies et moyens et ont démontré que près d’une dépense fiscale sur dix référencée cumule une triple lacune en matière de données : absence de chiffrage, nombre de bénéficiaires inconnu et aucun bornage temporel.

● Ces travaux ont été poursuivis en loi de finances pour 2020 : ainsi, les articles 29 et 136 ont prévu l’abrogation de sept dépenses fiscales, la limitation dans le temps de dix dépenses fiscales, ainsi que la production de rapports d’évaluation pour neuf autres. Les dépenses fiscales supprimées ont un rendement non chiffrable ou nul.

dépenses fiscales supprimées par la LFI 2020

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2019)

Réduction de l’impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national

NC

Exonération d’impôt sur le revenu (IR) pour les revenus tirés de certaines cultures agréées réalisées sur des terrains auparavant non cultivés situés dans les départements d’outre-mer

NC

Étalement de l’imposition à l’IR de certains revenus liés aux départs en retraite

NC

Étalement de l’indemnité compensatrice de délai-congé (préavis)

NC

Exonération d’IS de certaines opérations d’aménagement d’établissements publics, de sociétés d’économie mixte ou d’organismes d’habitation à loyer modéré

NC

Exonérations de TVA relatives à la mise en valeur agricole de terres dans les DOM

NC

Enregistrement gratis des constitutions et dissolutions :

- de sociétés de bains douches et organismes de jardins familiaux ;

- de sociétés coopératives artisanales ;

- de sociétés mutualistes

0

Total

NC

Source : commission des finances.

dépenses fiscales bornées par la LFI 2020

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2019)

Date du bornage

Déduction sur cinq ans du prix d’acquisition des œuvres originales d’artistes vivants

5

31 décembre 2022

Crédit d’impôt recherche (CIR) – volet « textile, habillement, cuir »

NC

31 décembre 2022

Crédit d’impôt en faveur de l’innovation (CII)

190

31 décembre 2022

Crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour la formation du chef d'entreprise

52

31 décembre 2022

Exonération de droit d’enregistrement pour les acquisitions de droits sociaux effectués par une société créée en vue de racheter une autre société

0,5

31 décembre 2022

Exonération d’IR des produits de la location d’une partie de l’habitation principale

NC

31 décembre 2023

Exonération d’IS des revenus patrimoniaux de certains établissements publics

NC

31 décembre 2023

Exonération d’IS de la valeur nette de l’avantage en nature consenti par les personnes morales ayant pour objet de transférer gratuitement à leurs membres la jouissance d’un bien

NC

31 décembre 2023

Taux de 10 % de TVA applicable aux travaux sylvicoles et d’exploitation forestière réalisés au profit d'exploitants agricoles

NC

31 décembre 2023

Exonération de droits de mutation à titre gratuit des dons et legs faits au profit de certains organismes publics ou d’utilité publique

NC

31 décembre 2023

Source : commission des finances.

dépenses fiscales pour lesquelles un rapport d’évaluation
est prévu par la LFI 2020

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût

Date de remise du rapport

Crédit d’impôt pour dépenses dans la production d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles

270 (2018)

Chaque année, avant le 30 septembre, à compter de l’année 2020

Crédit d’impôt pour dépenses dans la création de jeux vidéo

19 (2018)

Chaque année, avant le 30 septembre, à compter de l’année 2020

Crédit d’impôt pour dépenses de production exécutive en France d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles étrangères

53 (2018)

Chaque année, avant le 30 septembre, à compter de l’année 2020

Exonération du supplément de rémunération lié à l’impatriation

177 (2019)

30 septembre 2022

Exonération temporaire à hauteur de 50 % des revenus de capitaux mobiliers perçus à l’étranger par des personnes physiques impatriées

3 (2019)

30 septembre 2022

Crédit d’impôt famille

115 (2019)

30 septembre 2022

Exonération des produits de droits d'auteurs perçus à l’étranger par les impatriés

NC

30 septembre 2022

Exonération temporaire à hauteur de 50 % des gains nets de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux détenus à l’étranger par des personnes physiques impatriées

3 (2019)

 

30 septembre 2022

Exonération de 30 % de taxe sur les salaires pour les impatriés

NC

30 septembre 2022

Source : commission des finances.

● Enfin, l’article 66 de la loi de finances pour 2021 a supprimé deux dépenses fiscales qui n’étaient plus appliquées.

dépenses fiscales supprimées par la LFI 2021

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût (2020)

Exonération de TICPE pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant agricole ou pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle

0

Exonération d’impôt sur le revenu ainsi que de toutes cotisations et contributions sociales des sommes perçues dans le cadre de l’attribution du prix « French Tech Ticket »

0

Total

0

Source : commission des finances.

● Le Gouvernement recense la suppression de trente dépenses fiscales supplémentaires depuis 2018, dans le cadre de la suppression de certaines impositions (impôt sur la fortune ou taxe d’habitation par exemple) ou dans des articles non dédiés à la suppression de dépenses fiscales inefficientes.

Liste des dépenses fiscales supprimées en dehors des articles spécifiques liés à la suppression des dépenses fiscales inefficientes

Dépense fiscale

Coût
(en millions d’euros)

Référence de la loi
supprimant la dépense

Loi de finances pour 2018

Exonération d’ISF des biens professionnels

nc (2017)

Article 31

Exonération d’ISF des placements financiers des personnes physiques qui n'ont pas en France de domicile fiscal

75 (2017)

Article 31

Exonération partielle d’ISF des bois et forêts, des sommes déposées sur un compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), des parts d'intérêts détenues dans un groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA

52 (2017)

Article 31

Exonération d’ISF des objets d'antiquité, d'art ou de collection, des droits de propriété littéraire et artistique et des droits de propriété industrielle pour leur inventeur

nc (2017)

Article 31

Exonération d’ISF des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital de certaines petites et moyennes entreprises

28 (2017)

Article 31

Exonération partielle d’ISF des parts ou actions de sociétés objets d'un engagement collectif de conservation

243 (2017)

Article 31

Exonération partielle d’ISF des titres détenus par les salariés et mandataires sociaux

70 (2017)

Article 31

Limitation de l'imposition à l'ISF à raison des seuls biens situés en France des personnes qui n'ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont élu domicile en France

10 (2017)

Article 31

Réduction d’ISF au titre des investissements au capital des PME

654 (2017)

Article 31

Réduction d’ISF au titre de certains dons

192 (2017)

Article 31

Crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi

15 718 (2017)

Article 86

Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Crédit d'impôt apprentissage

211 (2017)

Article 27

Loi de finances pour 2019

Déductibilité de la taxe afférente à certains produits exonérés dans les DROM

100 (2018)

Article 17

Exonération de taxe sur la publicité télévisée sur les messages passés pour le compte d’œuvres d'utilité publique à l'occasion de grandes campagnes nationales

nc (2018)

Article 26

Application d’une assiette réduite pour le calcul de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision, pour les éditeurs de services de télévision dont l'audience quotidienne réalisée en dehors de la France métropolitaine est supérieure à 90 % de leur audience totale

< 0,5 (2018)

Article 26

Taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets

387 (2018)

Article 37

Déduction d’IR spécifique à l'investissement

nc (2018)

Article 51

Déduction d’IR pour aléas

nc (2018)

Article 51

Exonération de taxes intérieures de consommation pour 10 ans pour les livraisons de fioul lourd d'une teneur en soufre supérieure à 1 % utilisé dans des installations de cogénération équipées de dispositifs de désulfuration des fumées

< 0,5 (2018)

Article 68

Taxation à un taux réduit de certains revenus de capitaux mobiliers perçus par les caisses de retraite et de prévoyance

3 (2017)

Article 119

Exonération des droits d'enregistrement pour les actes portant changement de régime matrimonial

32 (2018)

Article 122

Imputation sur le revenu global du déficit provenant des frais de prise de brevet et de maintenance

< 0,5 (2018)

Article 134

Exonération des primes et indemnités versées par l’État aux agents publics et aux salariés dans le cadre de la délocalisation

< 0,5 (2018)

Article 137

Exonération des syndicats professionnels et de leurs unions pour leurs activités portant sur l'étude et la défense des droits et des intérêts collectifs matériels ou moraux de leurs membres ou des personnes qu'ils représentent

< 0,5

Article 141

Amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription de parts de sociétés d’épargne forestière

< 0,5

Article 142

Loi de finances pour 2020

Exonération de TH en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste

1 838 (2019)

Article 16

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste relogées dans le cadre d'un projet conventionné au titre du programme ANRU

28 (2019)

Article 16

Dégrèvement de taxe d'habitation en cas de décès du fait d'actes de terrorisme

< 0,5

Article 16

Exonération de la taxe applicable aux voitures particulières les plus polluantes pour les véhicules à carrosserie "Handicap" et pour les véhicules acquis par les personnes titulaires de la carte d'invalidité

< 0,5 (2019)

Article 21

Tarif réduit du gazole non routier autre que celui utilisé pour les usages agricoles

1130 (2019)

Article 60

Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général Dispositif proposé : la suppression de SIX dépenses fiscales inefficientes et de trois dispositifs dérogatoires

II.   le dispositif proposé

Le présent article propose la suppression de six dépenses fiscales jugées inefficientes et trois dispositifs dérogatoires qui sont liés à la suppression d’une de ces dépenses fiscales.

synthèse des dépenses fiscales dont la suppression
est proposée par le présent article

Libellé

Fondement

Vecteur de modification dans l’article

Chiffrage 2021 (en millions d’euros)

110257

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel

Article 199 octovicies du CGI

10° du I

0

140107

Exonération d’impôt sur le revenu des lots d’obligations et primes de remboursement attachées à des emprunts négociables émis avant le 1er janvier 1992

3° de l’article 157 du CGI

8° et 9° du I + coordination au IV

nc

140127

Exonération d’impôt sur le revenu des intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d’assurance pour la forêt (CEAF) ouverts jusqu’au 31 décembre 2013

23° de l’article 157 du CGI

9° du I + coordinations au 22° du I et au II

nc

220101

Exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, plafonnée à 61 000 € de bénéfice, pour les entreprises qui exercent une activité en zones franches urbaines

Article 44 octies du CGI

3° du I + coordinations aux 1°, 4°, 11°, 12°, 13°, 14°, 16°, 17°, 18°, 19°, 20°, 23° du I, III, VI, VIII, IX, X, 1° et 2° du XI

0

300303

Exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d'exploitation minière dans les départements d’outre-mer

Article 1655 bis du CGI

25° du I

0

300111

Exonération d’impôt sur les sociétés des bénéfices réalisés, au cours des 24 mois suivant leur création, par les sociétés créées entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2021 pour reprendre une entreprise ou des établissements industriels en difficulté

Article 44 septies du CGI

2° du I + coordinations aux 1°, 5°, 6°, 7°, 11°, 12°, 13°, 14°, 15°, 17°, 18°, 19°, 20°, 21°, 24° du I, aux III, VII, X, 1° et 2° du XI, XII

5,0

Non numérotée

Exonération temporaire de TFPB pour les entreprises bénéficiant de l’exonération d’IS pour reprise d'une entreprise ou établissement industriel en difficulté

Article 1383 A du CGI

21° du I + coordination au XII

nc

Non numérotée

Exonération temporaire de CFE pour les entreprises bénéficiant de l’exonération d’IS pour reprise d'une entreprise ou établissement industriel en difficulté

Article 1464 B du CGI

24° du I

4,0

Non numérotée

Exonération temporaire de CVAE pour les entreprises bénéficiant de l’exonération d’IS pour reprise d'une entreprise ou établissement industriel en difficulté

Article 1586 nonies

24° du I

nc

Chacune de ces dépenses fiscales fera l’objet, dans les développements suivants, d’une présentation de son dispositif, des éléments justifiant l’opportunité de sa suppression et des modalités prévues par le présent article pour cette suppression.

Il faut souligner que l’impact du présent article est limité puisque seule une dépense fiscale dont la suppression est proposée a une incidence budgétaire, estimée à 5 millions d’euros en 2020. Les autres dépenses fiscales sont obsolètes ou non utilisées.

A.   la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel

L’article 199 octovicies du CGI, créé en 2009 ([205]), prévoit une réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de maintien et de protection du patrimoine naturel, autres que les intérêts d’emprunt, supportées du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. La réduction d’impôt est applicable à la condition que les dépenses concernées n’aient pas été déduites pour la détermination des revenus imposables à l’impôt sur le revenu, notamment des revenus fonciers.

Les espaces naturels doivent avoir reçu le label de la Fondation du patrimoine prévoyant les conditions d’accès au public et les propriétaires d’espaces naturels doivent solliciter un avis favorable des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) sur les dépenses qu’ils souhaitent engager.

Le taux de la réduction d’impôt était de 25 % pour l’imposition des revenus de l’année 2010, 22 % pour ceux de l’année 2011 et 18 % pour ceux des années 2012 et 2013, dans la limite annuelle de 10 000 euros de dépenses.

À compter du 1er janvier 2014, les dépenses effectuées sur des espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel ne sont plus prises en compte que dans le cadre de la détermination des revenus fonciers des contribuables. En revanche, les fractions de réduction d’impôt non imputées au titre des années 2010 à 2013 peuvent être reportées sur l’impôt sur le revenu des six années suivantes, soit jusqu’à la détermination de l’impôt sur le revenu 2019 au plus tard.

Ainsi, cette dépense fiscale, en extinction progressive depuis 2013, n’a plus d’incidence budgétaire depuis la fin de l’année 2020. Elle concernait alors environ 60 ménages pour un coût inférieur à 500 000 euros dans sa dernière année en 2020. Sa suppression, prévue par le 10° du I du présent article, répond donc à un objectif de toilettage de la législation fiscale.

B.   L’Exonération d’impôt sur le revenu des lots d’obligations et des primes de remboursement attachées à des emprunts négociables émis avant le 1er janvier 1992

Le 3° de l’article 157 du CGI prévoit une exonération d’impôt sur le revenu pour certains lots d’obligations et primes de remboursement payés aux porteurs de titres d’emprunt négociables émis tant par l’État que par les collectivités publiques ou privées françaises. Ce dispositif, créé en 1941 ([206]), s’applique à deux types de revenus :

– aux lots d’obligations, qui sont une forme d’obligations très rare, rémunérant l’obligataire par des coupons mais aussi par des primes distribuées lors de tirages au sort. Ces lots, de quelque nature qu’ils soient, sont exonérés d’impôt lorsqu’ils sont attachés aux bons et obligations émis en France avec l’autorisation du ministre de l’économie et des finances ;

– à certaines primes de remboursement, qui correspondent à la différence entre la somme remboursée et le prix d’émission des titres. Il s’agit des primes de remboursement attachées aux emprunts négociables émis en France avec l’autorisation du ministre de l’économie et des finances avant le 1er janvier 1992 et aux emprunts démembrés avant le 1er juin 1991. Toutefois l’exonération n’est pas applicable aux primes attachées aux titres émis depuis le 1er juin 1985 lorsqu’elles sont supérieures à 5 % du nominal et aux primes distribuées ou réparties depuis le 1er janvier 1989 par un organisme de placement collectif en valeurs mobilières lorsqu'elles représentent plus de 10 % du montant de la distribution ou de la répartition.

De plus, l’article 135 du CGI prévoit une exonération d’impôt sur le revenu pour les primes de remboursement provenant des échanges de titres effectués lors du regroupement des titres gérés par la SNCF, initialement créée par décret en 1950 ([207]).

L’incidence budgétaire de l’exonération des lots d’obligations et des primes de remboursement attachées à des emprunts négociables émis avant le 1er janvier 1992 est nulle depuis plusieurs années et le nombre de bénéficiaire n’est pas communiqué. Cette dépense fiscale n’a pas été modifiée depuis 1991 et n’a fait l’objet d’aucune évaluation récente. L’évaluation préalable de l’article indique que cette dépense fiscale est devenue sans objet.

Le rapporteur général salue le travail de sa collègue Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale de la mission Engagements financiers de l’État, à laquelle est rattachée cette dépense fiscale, qui a attiré l’attention sur le caractère obsolète de cette dépense fiscale durant les débats budgétaires de l’automne 2020 ([208]).

Le et le du I du présent article prévoient donc sa suppression, dans un objectif de simplification de la norme fiscale. Par coordination, le IV abroge l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 1991 qui excluait du champ de l’exonération les primes de remboursements attachées aux emprunts émis à compter du 1er janvier 1992 et aux emprunts démembrés à compter du 1er juin 1991.

C.   L’Exonération d’impôt sur le revenu des intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d'assurance pour la forêt ouverts jusqu'au 31 décembre 2013

Le compte épargne d’assurance pour la forêt (CEAF) est un dispositif ouvert aux personnes physiques propriétaires de bois et forêts, ayant souscrit pour tout ou partie de la surface forestière détenue en propre une assurance couvrant notamment le risque de tempête. Il peut être ouvert auprès d’un établissement financier teneur de compte de dépôt ou d’une entreprise d’assurance. Les sommes déposées sur le CEAF sont employées exclusivement pour financer les travaux de reconstitution forestière à la suite de la survenance d’un sinistre naturel d’origine sanitaire, climatologique, météorologique ou lié à l’incendie, ou les travaux de prévention d’un tel sinistre.

Le 23° de l’article 157 du CGI, créé par l’article 68 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, prévoit que les intérêts des sommes inscrites sur les CEAF ouverts jusqu’au 31 décembre 2013 bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu. En effet, à compter de 2013, les CEAF ont été remplacés par un compte d’investissement forestier d’assurance (CIFA) qui ouvre droit à une exonération des droits de mutations à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur montant.

L’évaluation préalable de l’article indique qu’aucun CEAF n’a jamais été ouvert par un propriétaire forestier ou groupement forestier et aucun établissement financier n’a jamais proposé ce produit. La dépense fiscale n’a donc aucun bénéficiaire ni aucune incidence budgétaire pour l’État. Le du I prévoit donc la suppression de cet avantage fiscal, dans un objectif de simplification du droit fiscal. Le 22° du I et le II de l’article procèdent à diverses coordinations rendues nécessaires par cette suppression.

D.   L’Exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, plafonnée à 61 000 euros de bénéfice, pour les entreprises qui exercent une activité en zones franches urbaines

La loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville a créé quarante-quatre zones franches urbaines (ZFU) dites de « première génération » en métropole et dans les départements d’outre-mer, situées dans des quartiers défavorisés. La loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a créé quarante et une autres ZFU de « deuxième génération », ouvertes à compter du 1er janvier 2004. Les entreprises qui s’installent dans ces zones franches bénéficient d’exonérations fiscales et sociales sous certaines conditions.

L’article 44 octies du CGI prévoit ainsi une exonération d’impôt sur les bénéfices pour les entreprises implantées dans les ZFU de première et de deuxième générations qui exercent des activités industrielles, commerciales ou artisanales, à l’exception des activités de crédit-bail immobilier ou de location d’immeubles à usage d’habitation, ou des activités professionnelles non commerciales.

Les contribuables bénéficiaires sont exonérés d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés pendant soixante mois (soit cinq années), à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone, le bénéfice exonéré ne pouvant pas dépasser 61 000 euros par contribuable et par période de douze mois. À l’issue de cette période de cinq ans, l’exonération devient partielle sur une durée de trois à neuf ans en fonction de la taille de l’entreprise.

Cette exonération s’applique aux activités existant dans les zones à leur date de création et à celles qui y sont créées entre cette date et le 2 avril 2006. En effet, l’article 26 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a créé de nouvelles ZFU de « troisième génération » et un nouveau régime d’exonération d’impôt sur les bénéfices, codifié à l’article 44 octies A du CGI.

Ainsi, cette dépense fiscale, en extinction progressive depuis 2006, n’a plus d’incidence budgétaire depuis la fin de l’année 2020. Elle concernait alors environ 772 entreprises pour un coût de 6 millions d’euros dans sa dernière année en 2020. Sa suppression, prévue par le du I du présent article, répond donc à un objectif de toilettage de la législation fiscale. L’article procède également à plusieurs coordinations rendues nécessaires par l’abrogation de l’article 44 octies du CGI (1°, 4°, 11°, 12°, 13°, 14°, 16°, 17°, 18°, 19°, 20°, 23° du I, III, VI, VIII, IX, X, 1° etdu XI du présent article).

E.   L’Exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d'exploitation minière dans les départements d'outre-mer

L’article 1655 bis du CGI dispose que les sociétés anonymes, en commandite par actions ou à responsabilité limitée ayant pour objet la recherche et l’exploitation minière dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion pouvaient bénéficier, dans ces départements, pendant une période maximale de vingt-cinq ans (majorée le cas échéant dans la limite de cinq ans, des délais normaux d’installation) d’un régime fiscal de longue durée.

L’application du régime fiscal de longue durée était subordonnée à l’agrément de la société, qui devait être demandé avant le 31 décembre 2001 et accordé par arrêté du ministre de l’économie et des finances.

Dans un objectif de clarté de la norme fiscale et en raison de l’extinction progressive de la dépense fiscale depuis 2001, le 25° du I du présent article propose d’abroger l’article 1655 bis du CGI. D’après le tome II des Voies et Moyens annexé au PLF 2022, cette dépense fiscale ne concerne en 2020 plus aucun bénéficiaire et son coût est donc nul.

F.   L’EXONÉRATION D'IMPOSITION SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS CRÉÉES POUR REPRENDRE UNE ENTREPRISE INDUSTRIELLE EN DIFFICULTÉ et les exonérations locales afférentes

● L’article 44 septies du CGI prévoit que les sociétés créées entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2021 pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté sont, sous certaines conditions, exonérées d’impôt sur les sociétés durant leurs vingt-quatre premiers mois d’activité.

La situation de difficulté de l’entreprise reprise s’apprécie au regard d’éventuelles procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire dont elle fait l’objet. Une entreprise n’entrant pas dans le champ d’une procédure collective peut également être considérée comme en difficulté lorsque sa situation financière rend imminente une cessation des paiements.

Le caractère industriel des activités exercées est acquis lorsque celles-ci remplissent les deux conditions cumulatives suivantes :

– elles consistent en la transformation de matières premières ou de produits semi-finis en produits fabriqués ;

– le rôle du matériel ou de l’outillage utiles à la réalisation de ces activités est prépondérant.

L’exonération est applicable dans la limite de certains plafonds. Ce dispositif prévoit ainsi des plafonds d’aide spécifiques pour les entreprises implantées dans les zones d’aide à finalité régionale (AFR) ou les petites et moyennes entreprises (PME) au sens du droit de l’Union européenne. Le bénéfice de ces plafonds spécifiques est subordonné à l’obtention d’un agrément du ministre chargé du budget. En dehors de ces cas, le bénéfice de l’exonération d’impôt est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

Ce dispositif concernait en 2020 190 entreprises, pour un coût total de 5 millions d’euros.

● Les sociétés qui bénéficient de l’exonération d’impôt sur les sociétés prévue à l’article 44 septies du CGI peuvent également, sur délibération des collectivités territoriales concernées, bénéficier des exonérations suivantes :

–  de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) (article 1383 A du CGI) ;

–  de cotisation foncière des entreprises (CFE) (article 1464 B du CGI) ;

– de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) (article 1586 nonies du CGI).

D’après l’évaluation préalable de l’article, seule l’exonération de CFE est chiffrable : elle représente un coût d’environ 4 millions d’euros.

● L’article 144 de la loi de finances pour 2021 a prorogé pour un an le dispositif prévu à l’article 44 septies du CGI et, par conséquent, les exonérations d’impôts locaux afférentes. Cet article prévoit également la remise d’un rapport au Parlement, avant le 1er juillet 2021, qui évalue le coût et l’efficacité du dispositif au regard des objectifs qui lui sont fixés et qui identifie des pistes d’évolution envisageables.

Ce rapport ([209]) , remis au Parlement le 27 septembre 2021, est très critique envers l’exonération d’impôt prévue à l’article 44 septies du CGI :

– le dispositif est particulièrement complexe car issu d’une série de modifications législatives visant à le rendre compatible avec les réglementations européennes ;

– il est peu utilisé – depuis quinze ans, le nombre de bénéficiaires et le coût de la dépense se sont réduit d’environ 70 % - et particulièrement concentré sur les microentreprises (70 % des bénéficiaires) avec une surreprésentation des secteurs de la construction et du commerce ;

– le dispositif ne répond pas aux besoins des entreprises en difficulté : il est inconnu du Comité interministériel de restructuration industrielle et l’association pour le retournement des entreprises ne l’utilise presque pas. La mission insiste sur le fait qu’ « aucun professionnel ou familier n’a été en mesure de présenter des éléments factuels ou théoriques en faveur du dispositif ([210])».

– le dispositif est d’effet douteux car la mission n’a pas été en mesure d’en mesurer l’efficacité et l’efficience, et a identifié un risque d’effet d’aubaine. Le dispositif est trop général pour cibler les entreprises qui en ont réellement besoin et on observe une très forte concentration des montants de réduction d’IS associés au dispositif dans certaines régions directement liée à cet effet d’aubaine, à une meilleure connaissance et une meilleure promotion du dispositif dans certains territoires.

Par conséquent, le rapport recommande vivement de supprimer cette dépense fiscale, considérant que « la plus mauvaise des solutions serait de maintenir le régime en l’état ([211]) ». La mission conseille de s’appuyer sur les mesures de sortie de crise (PGE, prolongation des prêts exceptionnels destinés aux entreprises de moins de 50 salariés et de l’octroi d’une avance remboursable ou d’un prêt à taux bonifié pour les PME et les ETI, mise en place d’un fonds de transition de 3 milliards d’euros pour les besoins de financement ou le renforcement du bilan) aux effets de leviers bien supérieurs pour aider les entreprises industrielles en difficulté. Il est également important de rappeler que le taux de l’impôt sur les sociétés est abaissé à 25 % en 2022 et qu’il est de 15 % pour les PME.

Le du I du présent article procède ainsi à l’abrogation de l’article 44 septies du CGI, tandis que le 21° et le 24° du I suppriment respectivement les dispositifs d’exonération temporaire de TFPB, de CFE et de CVAE qui lui sont liés. De plus, le présent article effectue plusieurs coordinations rendues nécessaires par l’abrogation de l’article 44 septies du CGI (1°, 5°, 6°, 7°, 11°, 12°, 13°, 14°, 15°, 17°, 18°, 19°, 20°, 21°, 24° du I, III, VII, X, et XI de l’article).

Le présent article fixe la date d’entrée en vigueur de la suppression de la dépense fiscale prévue à l’article 44 septies du CGI aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022 (A du XIII). Ainsi, les exonérations d’impôt sur le revenu s’éteindront progressivement et aucune nouvelle entreprise ne pourra bénéficier de cet avantage fiscal après le 1er janvier 2022.

Enfin, le présent article prévoit certaines dispositions transitoires :

– en premier lieu, l’exonération d’impôt sur les sociétés reste applicable dans les conditions prévues par les dispositions antérieures au présent article et pour sa durée restant à courir pour les entreprises déjà éligibles à cette exonération (B du XIII) ;

– en deuxième lieu, les entreprises qui bénéficient d’exonérations d’impôts locaux à la date d’entrée en vigueur du présent article, continuent à bénéficier, jusqu’à leur terme, des effets de ces mêmes exonérations (XII du présent article) ;

– en troisième lieu, afin de tenir compte des modalités particulières de mise en œuvre du report en arrière des déficits, le XIV du présent article prévoit de ne supprimer les références aux 44 septies et 44 octies du CGI au sein du premier alinéa du I de l’article 220 quinquies du CGI que pour le report en arrière des déficits qui seront constatés à compter du premier exercice suivant celui au cours duquel les exonérations prévues aux articles précités cessent de s’appliquer ([212]).

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Amendement I-CF895 de M. Max Mathiasin, amendements identiques I-CF616 de M. Charles de Courson, I-CF699 de Mme Patricia Lemoine, I-CF780 de Mme Véronique Louwagie et I-CF886 de Mme Marie-Christine Dalloz, amendements identiques I-CF619 de M. Charles de Courson et I-CF896 de M. Max Mathiasin (discussion commune).

M. Max Mathiasin. Nous souhaitons maintenir l’exonération d’impôt sur les bénéfices actuellement en vigueur, d’une part, pour les sociétés qui reprennent une entreprise industrielle en difficulté, d’autre part, pour celles qui exercent ou créent des activités dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE). De tels avantages fiscaux permettent de sauver ou de créer des entreprises et des emplois, en particulier dans les territoires les plus fragiles comme les territoires ultramarins.

M. Charles de Courson. Les amendements I-CF616 et identiques tendent à supprimer l’abrogation de la dépense fiscale n° 300111 correspondant à l’exonération d’impôt sur les sociétés des bénéfices réalisés, au cours des vingt-quatre mois suivant leur création, par les sociétés créées entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2020 pour reprendre une entreprise ou des établissements industriels en difficulté. En d’autres termes, ils visent à rétablir cette mesure.

L’abrogation suggérée par l’Inspection générale des finances (IGF) ne me semble pas nécessaire au vu du faible impact budgétaire et du petit nombre de bénéficiaires de cette dépense fiscale mentionnés dans l’annexe « Voies et moyens » – en 2021, 4 millions d’euros pour 167 entreprises. Nous proposons donc le maintien des dispositions de l’article 44 septies du code général des impôts. Cet avantage fiscal disparaîtra de lui-même lorsqu’il n’y aura plus d’entreprises concernées – au plus tard le 31 décembre 2022, puisqu’il bénéficie aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2020 durant les deux années suivant leur création.

Mme Véronique Louwagie. En 2020, cette dépense fiscale a coûté 6 millions d’euros et a bénéficié à 772 entreprises s’implantant dans des zones franches urbaines. Le montant moyen de cette aide dépasse donc 7 000 euros. Ce n’est pas grand-chose pour les finances publiques, mais cela permet véritablement de soutenir chacune des entreprises bénéficiaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces amendements identiques ont été proposés par les chambres de métiers et de l’artisanat. Cet avantage fiscal constitue un soutien important à l’implantation d’entreprises artisanales dans les zones franches urbaines ; il convient de maintenir ce dispositif relativement peu coûteux mais très favorable à l’emploi local.

M. Charles de Courson. Les amendements I-CF619 et identique concernent quant à eux une autre dépense fiscale, n° 220101, consistant en une exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, plafonnée à 61 000 euros de bénéfice, pour les entreprises exerçant une activité en ZFU-TE. Cette dépense participe à la cohésion des territoires et est un outil de la politique de la ville. Elle a contribué à aider 2 000 entreprises, pour un coût relativement faible pour les finances publiques – 15 millions d’euros. Il est donc proposé de la maintenir pour l’instant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Depuis quatre ans et demi, la majorité s’attache à supprimer les petites taxes à faible rendement et les dépenses fiscales jugées inefficientes ou inefficaces. C’est l’objet de l’article 10.

Ainsi, cet article supprime l’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, plafonnée à 61 000 euros de bénéfice, pour les entreprises qui exercent une activité en ZFU-TE. Cette dépense fiscale, en extinction progressive depuis 2006, n’a plus d’incidence budgétaire depuis la fin de l’année 2020. Il aurait été pertinent de la maintenir avant cette date – c’est d’ailleurs ce que nous avons fait –, mais elle n’a plus lieu d’exister aujourd’hui. Sa suppression répond donc à un objectif de toilettage.

L’article 10 supprime aussi l’exonération d’imposition sur les bénéfices des sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté ainsi que les exonérations locales afférentes. La question est un peu plus sensible, car cette suppression revêt un caractère symbolique et politique – il ne faudrait pas laisser penser que nous supprimons des outils efficaces d’aide à la reprise d’entreprises en difficulté. Cependant, le rapport de l’IGF que vous avez reçu vendredi dernier recommande de supprimer cette dépense fiscale, considérant que le dispositif est complexe, peu utilisé et, surtout, qu’il ne répond pas aux besoins ni aux demandes des entreprises en difficulté. Il est inconnu du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), et l’Association pour le retournement des entreprises déclare ne jamais l’utiliser.

Il me semble donc de bon ton d’acter la suppression de ces deux petites niches fiscales, l’une étant éteinte et l’autre étant considérée comme inefficiente. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

M. le président Éric Woerth. Vous dites que la dépense fiscale n’a plus d’incidence budgétaire. N’y a-t-il pas pourtant des entreprises qui en bénéficient, comme l’indiquait Mme Louwagie ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour que les choses soient claires, je tiens à préciser que nous parlons de deux dépenses fiscales distinctes. L’exonération relative aux entreprises exerçant une activité en zone franche urbaine s’est éteinte à la fin de l’année 2020. Celle relative à la reprise d’entreprises en difficulté, qui ne fait pas l’objet d’un zonage, est inefficiente, puisqu’elle n’a pas atteint sa cible.

M. le président Éric Woerth. Il reste tout de même une dépense pour cette seconde niche fiscale. Même si les montants ne sont pas énormes, les entreprises qui bénéficient de ces exonérations ne les considèrent peut-être pas comme inutiles ou inefficaces.

M. Charles de Courson. Je suis prêt à suivre M. le rapporteur général sur l’exonération bénéficiant aux entreprises exerçant une activité en ZFU-TE, mais pas sur celle qui concerne la reprise d’entreprises en difficulté. Selon les chiffres du Gouvernement, 167 entreprises en ont bénéficié, pour un montant total de 4 millions d’euros. Le dispositif étant applicable aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2020 durant les deux années suivant leur création, il cessera d’exister le 31 décembre 2022. Laissez-le s’éteindre naturellement !

Mme Véronique Louwagie. L’article 10 ne supprime pas que des dépenses fiscales ; il abroge aussi des dispositifs applicables dans nos territoires.

L’exonération applicable aux sociétés créées pour reprendre des entreprises en difficulté représentait, en 2020, une dépense fiscale de 5 millions d’euros pour 190 bénéficiaires. L’aide moyenne s’élevait donc à 26 000 euros par entreprise. Ce n’est pas parce que la dépense fiscale est faible qu’elle est forcément inefficiente et qu’elle n’apporte pas des solutions sur le terrain ! Que ce soit en ville ou dans les territoires ruraux, nous cherchons tous à sauver nos entreprises en difficulté. L’aide dont nous parlons est un excellent dispositif, lequel convainc généralement les repreneurs car il constitue un soutien important, notamment lors des premières années, qui sont déterminantes.

M. le président Éric Woerth. Peut-être existe-t-il d’autres dispositifs de soutien aux entreprises en difficulté ? Mais si tel n’est pas le cas, l’exonération fiscale a toute son utilité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous parlons d’un dispositif qui n’atteint pas sa cible au milieu d’un océan de dispositifs d’accompagnement des entreprises en difficulté. Demandez au CIRI ce qu’il pense de cette dépense fiscale !

Nous avons le souci de l’efficacité des outils publics. Notre rôle est de supprimer ceux qui ne fonctionnent pas : tel est l’objet de l’article 10.

Des travaux sont menés pour évaluer l’efficacité de l’accompagnement des entreprises en difficulté. Notre collègue Romain Grau, aujourd’hui absent, a présidé une mission d’information commune relative aux entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire : il serait intéressant d’entendre son point de vue – peut-être en séance publique.

Mme Véronique Louwagie. Précisément : il avait lui aussi déposé un amendement visant à maintenir le dispositif !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non, son amendement portait sur l’autre dispositif.

M. Jean-Paul Mattei. Et cela reste accessoire.

M. le président Éric Woerth. Cette exonération n’est peut-être pas accessoire pour les entreprises qui en bénéficient à un moment donné – mais je sais bien que l’IGF ne voit pas les choses ainsi.

M. Alexandre Holroyd. Je partage l’analyse de M. le rapporteur général, mais Mme Louwagie a mis le doigt sur un vrai problème. Le Gouvernement pourrait nous apporter, en séance publique, des éléments d’information qui nous permettraient de porter un jugement plus objectif sur l’efficacité passée de ce dispositif et sur l’opportunité de sa suppression.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, il ne sert à rien d’invoquer le CIRI. J’ai fait partie de ce comité pendant trois ans : nous ne nous occupions que des grosses boîtes, jamais des petites ! Heureusement, tout ne passe pas par le CIRI : certaines reprises sont gérées localement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui, par les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP).

M. Charles de Courson. Ou par les comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI). Mme Louwagie rappelait tout à l’heure que nous parlons de petites aides destinées à des petites boîtes. La dépense fiscale annuelle s’élève à 4 millions d’euros pour 167 entreprises bénéficiaires : le montant moyen de l’exonération fiscale est donc de 26 000 euros.

M. Jean-Noël Barrot. La plupart des évaluations réalisées sur les zonages ont montré que les objectifs étaient loin d’être atteints – c’est un peu moins vrai s’agissant des zones franches urbaines. On constate par ailleurs un enchevêtrement des dispositifs : ainsi, 97 % des communes appartenant à une zone franche urbaine sont aussi des QPV, un classement qui permet aux entreprises de bénéficier d’autres dispositifs d’accompagnement autrement plus puissants.

M. le président Éric Woerth. La discussion porte moins sur les zones franches urbaines que sur l’aide globale apportée aux entreprises.

Mme Véronique Louwagie. J’ajoute que cette exonération d’impôt, qui s’applique simplement sur la liasse fiscale, n’occasionne pas de frais de gestion pour l’État.

La commission rejette l’amendement I-CF895.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Puis-je reprendre la parole, monsieur le président ?

M. le président Éric Woerth. Faites, monsieur le rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Chers collègues, je comprends vos arguments, mais quelqu’un parmi vous a-t-il réellement été sollicité par des entreprises de sa circonscription demandant le maintien du dispositif en faveur des entreprises en difficulté – je parle bien d’entreprises, non d’intermédiaires ou de conseils ?

Mme Véronique Louwagie et M. François Pupponi. Oui !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cela m’intéresse car, pour ma part, je n’ai pas rencontré une seule entreprise en ayant connaissance et si de tels retours de terrain étaient observés, cela signifierait que le rapport de l’IGF passe complètement à côté des réalités de vos territoires. Je vous propose donc que, d’ici à la séance publique, nous organisions une réunion en visioconférence avec tous ceux qui vous ont demandé le maintien de cette dépense fiscale, et qui touchent donc en moyenne 26 000 euros. Dès lors, nous pourrons en mesurer l’efficience.

M. le président Éric Woerth. Dans ces conditions, je considère que les amendements qui n’ont pas été mis aux voix pourraient être retirés.

M. Charles de Courson. J’aurais aimé maintenir l’amendement I-CF616 relatif à la reprise d’entreprises en difficulté…

Les amendements identiques I-CF616, I-CF699, I-CF780 et I-CF886 et les amendements identiques ICF619 et I-CF896 sont retirés.

Amendement I-CF1090 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dans le cadre de la démarche de suppression des taxes à faible rendement, nous avons abrogé la taxe de 0,32 % sur la transformation de contrats d’assurance vie en contrats euro-croissance. Par coordination, je propose donc de supprimer aussi le dispositif anti-abus qui en est le corollaire.

La commission adopte l’amendement I-CF1090 (amendement I-1394).

Amendement I-CF618 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à annuler la suppression de l’exonération des intérêts des sommes inscrites sur les comptes épargne d’assurance pour la forêt ouverts jusqu’au 31 décembre 2013. Sur le plan budgétaire, cette dépense fiscale n’a aucun impact ; sa suppression est donc dépourvue de tout intérêt et ne participe en rien à l’effort de redressement des finances publiques.

J’ai déposé cet amendement pour m’amuser. Puis-je vous demander, monsieur le rapporteur général, combien de personnes ont bénéficié de cette usine à gaz ? Pour tout vous dire, ma commune a utilisé cette possibilité – elle a d’ailleurs été la seule commune de toute la région à le faire. Elle a capitalisé les intérêts et aurait dû obtenir une prime de l’État à la fin du contrat. Or, quand nous avons demandé le versement de cette prime, on nous a répondu qu’il n’y avait pas de crédits pour la payer ! Nous avons dû attendre huit ans avant que l’État finisse par nous verser les quelques milliers d’euros qu’il nous devait. Je suis pour la suppression de ce système idiot, qui ne sert à rien, mais il n’est pas normal que parmi les quelques personnes qui y ont adhéré – on ne sait même pas combien –, seule la commune de Vanault-les-Dames ait obtenu le versement de la prime correspondante.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : votre intervention démontre bien la nécessité de maintenir la suppression de cette dépense fiscale.

L’amendement I-CF618 est retiré.

Compte tenu de l’avis défavorable du rapporteur général, les amendements identiques I-CF971 du président Éric Woerth et I-CF847 de Mme Lise Magnier ainsi que l’amendement I-CF261 de Mme Véronique Louwagie sont retirés.

Amendement I-CF1091 du rapporteur général.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des immeubles situés en zone franche urbaine et rattachés, entre 2006 et 2014, à un établissement implanté en ZFU pouvant bénéficier d’une exonération de cotisation foncière des entreprises. Cette dépense fiscale n’a plus d’incidence budgétaire depuis 2019.

La commission adopte l’amendement I-CF1091 (amendement I-1395).

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Elle adopte l’article 10 modifié.

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Après l’article 10

Amendements I-CF441 de M. Éric Cocquerel et I-CF444 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, que vous ne vouliez pas fragiliser le secteur du luxe, qui, malgré la crise, a enregistré des profits excessifs. Je suppose donc que vous ne voudrez pas fragiliser non plus les plus fragiles, à savoir ceux qui demandent un titre de séjour. Notre amendement I-CF441 vise en effet à supprimer les taxes et droits de timbre sur les titres de séjour, dont le caractère excessif a été largement confirmé par Mme Dupont dans le rapport qu’elle a rédigé au nom de la mission d’information relative à la taxation des titres de séjour présidée par M. Parigi.

L’amendement I-CF444 est de repli : nous proposons que les personnes en situation d’impécuniosité soient dispensées du paiement de toute taxe pour la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous avez tort d’ironiser et de vous moquer de la filière du luxe, qui représente un très grand nombre d’emplois dans notre pays. Le luxe, ce n’est pas forcément le mal !

S’agissant des titres de séjour, vous avez évoqué à juste titre le très bon travail réalisé par la mission d’information présidée par M. Parigi et dont Mme Dupont était la rapporteure. Nos collègues ont recommandé non pas la suppression générale de ces taxes et droits de timbre, mais leur simplification et, dans certains cas, la réduction des tarifs.

Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF441 et I-CF444.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements I-CF253, I-CF251 et ICF252 de M. Bruno Fuchs, ainsi que l’amendement I-CF437 de Mme Sabine Rubin.

Amendement I-CF950 de Mme Marie Lebec.

Mme Marie Lebec. Nous proposons une réforme du calcul de la taxe sur les bureaux (TSB). En effet, l’administration fiscale tend à considérer que certains terrains de sport extérieurs sont assimilables à des locaux commerciaux, ce qui nous paraît particulièrement inapproprié, et cela pour plusieurs raisons : la surface de ces terrains est souvent très étendue, leur usage n’est pas continu dans la journée et le chiffre d’affaires moyen par mètre carré est inférieur à celui des autres locaux commerciaux. En outre, ce secteur d’activité a été particulièrement affecté par la crise. Il convient donc de clarifier les règles d’assujettissement à la TSB et d’exonérer l’ensemble des terrains de sport extérieurs, couverts ou non couverts, du paiement de cette taxe.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Effectivement, une clarification paraît nécessaire. La TSB est une taxe spécifiquement francilienne mais utile, puisqu’elle finance en partie la Société du Grand Paris et la construction du Grand Paris Express. Comme souvent, cependant, la définition de son assiette est source d’injustices. Vous l’avez dit, certains terrains appartenant à des centres de loisirs sont soumis à la TSB de la même manière que des bureaux, ce qui semble assez disproportionné au vu de leur charge d’utilisation et des revenus qu’ils génèrent. Au contraire de la taxe foncière, qui repose sur la valeur locative, la TSB prend en compte la seule surface : aussi les terrains de sport extérieurs sont-ils probablement trop taxés au regard de leur rentabilité. Les golfs et les haras d’Île-de-France subissent la même injustice. Tout cela mérite que nous menions un travail un peu plus approfondi.

Je vous invite à retirer votre amendement et à engager cette discussion avec le Gouvernement en séance. Je ne sais pas si ce sujet doit être traité par voie législative ou réglementaire, mais nous devons incontestablement apporter quelques garanties à un secteur qui a déjà beaucoup souffert pendant la crise.

M. le président Éric Woerth. Parlons-nous bien de terrains privés, et non de terrains publics appartenant, par exemple, à des communes ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit effectivement de terrains privés accueillant du public.

L’amendement I-CF950 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF535 de Mme Bénédicte Taurine.

Amendements I-CF655 de M. Matthieu Orphelin et I-CF960 de M. Dominique Potier, amendements identiques I-CF623 de M. Bertrand Pancher, I-CF735 de M. Jean-Philippe Nilor et I-CF1055 de Mme Émilie Cariou, amendements I-CF180 de M. Fabrice Brun, I-CF568 de M. Christophe Naegelen, ICF211 de M. Alain Bruneel, I-CF181 et I-CF182 de M. Fabrice Brun, amendements identiques I-CF183 de M. Fabrice Brun, I-CF622 de M. Bertrand Pancher, I-CF656 de M. Matthieu Orphelin, I-CF733 de M. Jean-Philippe Nilor, I-CF958 de M. Dominique Potier et I-CF1054 de Mme Émilie Cariou, amendement I-CF184 de M. Fabrice Brun (discussion commune).

M. Matthieu Orphelin. L’amendement I-CF655 vise à rétablir l’extension de l’assiette de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux échanges intrajournaliers. Cette mesure avait déjà été inscrite dans une loi de finances mais a été abrogée, en 2018, par le gouvernement d’Édouard Philippe – on prétendait à l’époque que cela pouvait pénaliser la France dans la phase de transition autour du Brexit, alors que le secteur financier cherchait de nouveaux points d’ancrage au sein du marché unique européen. Une telle précaution ne semble aujourd’hui plus justifiée : la place de Paris est forte et le secteur financier continue de se fragiliser du fait du développement du trading à haute fréquence et des produits dérivés. L’extension de l’assiette de la TTF permettrait de lever des fonds qui pourront être affectés à la transition écologique.

Nous proposons cette mesure dans l’attente d’une décision européenne, puisque la Commission a récemment évoqué une TTF élargie parmi ses pistes de financement. D’ici là, notre pays pourrait montrer l’exemple, à quelques mois de la présidence française de l’Union européenne, en mettant en place un tel dispositif de manière transitoire.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF960 a le même objectif que celui que vient de présenter M. Orphelin. L’élargissement de l’assiette de la TTF aux opérations intrajournalières est un combat que le groupe Socialistes et apparentés mène depuis très longtemps. Le nombre de ces transactions n’est pas insignifiant, puisque l’Autorité européenne des marchés financiers l’évalue à plus de 20 % du volume des opérations réalisées par la Bourse de Paris.

Il convient d’augmenter la contribution du secteur financier, qui s’est toujours très bien porté pendant la crise. Les recettes supplémentaires pourraient être affectées à la solidarité internationale et à la lutte contre le réchauffement climatique.

M. Michel Castellani. L’amendement I-CF623 va dans le même sens, puisqu’il vise également à élargir l’assiette de la TTF aux transactions à haute fréquence. Chacun sait que l’économie strictement financière a pris le dessus sur l’économie réelle, à savoir l’économie de production : il s’agit là d’un vrai danger.

L’amendement I-CF622 tend quant à lui à porter le taux de 0,3 % à 0,5 %.

M. Alain Bruneel. L’amendement I-CF735 tend, d’une part, à dégager des recettes fiscales supplémentaires, notamment en vue d’augmenter les financements en matière de solidarité internationale et de lutte contre le changement climatique, à l’heure où les conséquences de la pandémie risquent de faire basculer des millions de personnes dans l’extrême pauvreté, d’autre part, à combler les brèches de l’actuelle taxe française sur les transactions financières.

Le I-CF211 vise à faire passer le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,6 % et à élargir son assiette.

Mme Émilie Cariou. La taxe sur les transactions financières ne frappe pas les transactions intraday, qui incluent notamment le trading à haute fréquence, alors que ce sont des opérations fructueuses et lucratives pour ceux qui les réalisent. Nous voulons les réintroduire dans l’assiette de la taxe.

M. Fabrice Brun. J’ai déposé plusieurs amendements concernant cette taxe, qui a été créée par le président Sarkozy en 2012 et dont le taux a ensuite été augmenté par le président Hollande. Alors que certains disaient à l’origine qu’un tel dispositif ne fonctionnerait jamais, il rapporte plus d’un milliard d’euros à l’État.

Je plaide depuis cinq ans pour un élargissement de la taxe au niveau européen. Le départ des Britanniques de l’Union européenne, qui y étaient farouchement opposés, est une occasion à saisir. Le 13 novembre 2020, 68 % des députés européens ont soutenu cette proposition. Il a alors été rappelé que l’instauration d’une taxe de 0,1 % sur les transactions financières au niveau européen rapporterait 60 milliards d’euros. On pourrait flécher ces ressources vers l’aide au développement, vers des questions liées à la transition écologique ou vers un renforcement de notre souveraineté sanitaire, qui a été mise à mal par la crise du covid.

L’adoption de l’un de mes amendements donnerait plus de force aux démarches engagées par le Gouvernement sur la scène européenne, à un moment où le débat a mûri et où la France va assurer la présidence de l’Union.

M. Michel Zumkeller. Il nous semble important d’augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières. Il est normal que le secteur de la finance participe aussi au redressement du pays et – nous en reparlerons un peu plus tard – au développement international et au soutien aux pays en difficulté.

M. Matthieu Orphelin. Nous souhaitons nous aussi augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières. On le voit : le renforcement de celle-ci est une volonté partagée par la quasi-totalité des groupes.

On sait que le Gouvernement peut éprouver des difficultés à faire la preuve de son action en faveur de l’écologie et de la solidarité. Un acte fort tel que celui que nous proposons l’aiderait à y parvenir. S’il se contente de nous dire qu’il portera la question au niveau européen, en se refusant à être exemplaire en France, cela montrera qu’il n’a rien envie de faire, en réalité.

M. Jean-Louis Bricout. L’extrême pauvreté progresse et l’atteinte des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 est compromise. Le financement du Fonds de solidarité pour le développement, dont chacun connaît les missions en matière de santé, de climat et d’éducation, doit donc être renforcé.

La taxe sur les transactions financières est le seul levier parlementaire disponible pour abonder ce fonds, sans nuire à l’économie réelle. C’est pourquoi l’amendement I-CF958 tend à porter le taux de la taxe de 0,3 % à 0,5 %. Son produit s’élèverait ainsi à 2,76 milliards d’euros au lieu de 1,6 milliard.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous débattons régulièrement de la TTF. S’il y a une taxe dont l’assiette bouge très rapidement dès qu’on touche au taux, c’est bien celle-ci, du fait de la réactivité des assujettis.

Il faut savoir ce que l’on veut. La première partie de votre raisonnement, M. Brun, est totalement incohérente avec la seconde. La place financière de Paris doit se renforcer après le Brexit, je suis d’accord sur ce point, et d’ailleurs c’est ce qu’on observe. Le volume des transactions augmente année après année. Cela crée des opportunités dans la région Île-de-France et dans le pays dans son ensemble, notamment en matière d’emploi, grâce aux externalités classiques. Or que se passera-t-il si l’on augmente la TTF ? Il y aura évidemment un effet d’éviction et, surtout, cela pèsera sur notre capacité à travailler sur cette question au niveau européen. Nous avons intérêt à placer, ce qui a été fait, la TTF sur la liste des ressources propres dont nous avons besoin, notamment après l’adoption du plan de relance européen. La France enverrait un signal contradictoire si elle agissait seule maintenant.

J’ajoute que nous avons déjà une TTF en France. Son taux, qui est de 0,3 %, a été augmenté durant la législature précédente, et les transactions intraday avaient alors été incluses. On a vu l’inefficacité de cette dernière mesure, et il ne faut pas refaire la même erreur. En revanche, on doit poursuivre les travaux, très pertinents, qui ont été engagés au niveau européen en ce qui concerne les ressources propres.

Le marché des capitaux est européen. La bourse française est donc européenne. Si l’on taxe davantage les transactions en France qu’en Hollande, en Irlande ou au Portugal, il n’y en aura plus à Paris. C’est peut-être ce que certains veulent, mais je pense que ce serait une erreur. Avoir une place financière forte en France est important pour le reste de l’économie. Je reste donc opposé à tout renforcement de la TTF.

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. Fabrice Brun. C’est un débat très politique. Alors que nous cherchons tous à valoriser le travail, à récompenser le mérite et l’effort, comment expliquer à un salarié, à un paysan, à un boulanger que deux ordinateurs au bout du monde génèrent un business spéculatif non taxé, s’agissant des transactions intraday, et sans participation au redressement des finances publiques et à la solidarité nationale ? Voilà la question politique de fond que nous posons.

M. le président Éric Woerth. Le débat devrait être économique. Il n’a pas de raison d’être politique sur ces sujets.

M. Matthieu Orphelin. C’est un choix politique.

Les arguments varient d’une année à l’autre : vous raisonnez tantôt par rapport au Royaume-Uni, tantôt par rapport au reste de l’Europe. Mon deuxième amendement tend à porter le taux de la taxe à 0,5 %, ce qui correspond au taux existant au Royaume-Uni.

Il faudrait assumer le fait que vous ne voulez rien faire sur ce sujet. Cela aurait le mérite de la clarté.

M. Julien Aubert. Si l’on veut taxer, un jour, les transactions intrajournalières, il faudra préciser si cela concerne l’énergie. En effet, beaucoup de transactions réalisées sur les bourses de l’énergie permettent d’équilibrer le réseau ; il ne faudrait pas les assimiler aux autres types de transactions intrajournalières, qui peuvent être spéculatives.

J’ai parfois l’impression de vivre Le Jour de la marmotte : ce débat revient à chaque projet de loi de finances. On bute sur une impossibilité économique : si l’on bouge, on coule la place de Paris. D’autre part, à force de ne rien faire, on envoie un signal. Des gens peuvent éviter d’être taxés parce qu’ils échappent à la souveraineté des États. C’est là que l’Europe pourrait avoir une plus-value, mais on a l’impression d’attendre Godot.

M. Michel Castellani. Il est particulièrement malsain que les produits financiers servent en quelque sorte de matières premières. Normalement, il y a un équilibre avec l’économie réelle et un effet d’entraînement. Or les produits financiers qui se sont développés, souvent offshore, sont de plus en plus complexes, et la monnaie sert à générer de la monnaie sans créer une miette de richesse. Les pouvoirs publics ne peuvent l’ignorer, ils doivent agir.

M. Alexandre Holroyd. Ce que vous proposez, monsieur Brun, ne changerait absolument rien à la situation que vous avez évoquée : les deux ordinateurs, dont un serait désormais implanté à La Haye, continueraient à faire exactement la même chose. Le seul effet concret serait d’anéantir tous les efforts qui ont été faits pour rendre la place de Paris compétitive. Je vous invite à lire Les Échos de la semaine dernière : Paris a gagné cette année quinze places sur le plan de l’attractivité. Parmi les grandes places européennes, c’est celle qui a progressé le plus rapidement.

La France a été, et reste, au cœur du combat pour une TTF européenne. Agir au seul niveau français reviendrait à anéantir la compétitivité de notre place financière, sans produire le moindre effet concret sur la vie de nos concitoyens ou sur l’évolution du monde de la finance. Ce serait une mesure prodigieusement inefficace, un non-sens économique.

M. Christophe Jerretie. En matière de ressources propres, beaucoup a été fait depuis quelques années et des discussions très importantes sont en cours au sein de l’Union européenne. La TTF fait partie de ce qui est envisagé à l’heure actuelle.

On ne peut pas opposer l’État-nation – la France – et l’Union européenne. Le choix n’est pas uniquement politique, il est également géo-économique. On ne peut pas se permettre de travailler sur cette taxe uniquement au niveau national. C’est l’échelon européen qui est idéal, compte tenu de l’union des marchés et des capitaux et de l’union monétaire. On ne peut pas dissocier ces éléments.

Comme le rapporteur général, nous sommes favorables à une évolution de la TTF au niveau européen, et non au niveau français.

M. Marc Le Fur. Les questions qui se posent concernent non simplement le montant de la taxe, mais aussi son affectation, sujet que je suis en tant que rapporteur spécial de l’aide publique au développement. Il ne faut pas mêler les deux débats, car leurs conclusions peuvent être différentes.

La France exercera la présidence de l’Union européenne à partir du mois de janvier prochain. N’est-ce pas le bon moment pour affirmer nos priorités, pour dire très clairement que nous voulons une augmentation du taux ? Mettons cette mesure sur la table en l’adoptant dès le mois de décembre, quelques jours avant que la France négocie quelque chose au niveau européen. Nous serions plus forts grâce à une telle conjonction entre l’exécutif et le législatif. Cela permettrait de faire passer un message.

Je sais bien qu’il y a une part de risque et je comprends parfaitement les arguments du rapporteur général quant à la défense de la place de Paris, mais si on veut obtenir deux ou trois résultats dans une négociation européenne, il faut agir collectivement.

M. Jean-Noël Barrot. Sur le plan économique, je suis entièrement d’accord avec les arguments du rapporteur général.

Nous avons été un certain nombre à hésiter ces dernières années lorsque de tels amendements étaient proposés, car la contrepartie, à laquelle on pouvait être sensible, était le financement de l’aide au développement. Or il se trouve que nous avons adopté, tout récemment, une loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales qui fixe l’objectif d’y consacrer 0,56 % du revenu national brut. Nous avons donc, du côté français, fait une partie du chemin, même s’il faudra sans doute aller plus loin.

L’adoption de ces dispositions fiscales, qui ne serait pas très efficaces au niveau national, paraît moins opportune dans la mesure où nous avons résolu le problème du financement de l’aide au développement.

Mme Émilie Cariou. Une loi sur l’aide au développement a effectivement été adoptée, mais ce que nous proposons est de faire davantage contribuer la finance.

Je conteste votre dogme absolu concernant la place financière de Paris. Le seul but d’une politique économique ne peut pas être de localiser des équipes de traders dans la capitale. Lisez le rapport de la commission d’enquête sur la désindustrialisation : il pointe la financiarisation excessive de la France, qui pousse à réaliser des investissements de court terme sans créer in fine des emplois dans notre pays.

Ce n’est pas parce que nous avons adopté une loi que l’aide au développement est financée. Il faut faire contribuer les profits purement financiers, notamment ce qu’on appelle la spéculation. D’autre part, je ne pense pas que faire de Paris une simple place financière créerait de l’emploi partout en France.

La commission rejette successivement les amendements I-CF655 et I-CF960, les amendements identiques I-CF623, I-CF735 et I-CF1055, les amendements I-CF180, I-CF568, I-CF211, I-CF181 et I-CF182, les amendements identiques I-CF183, I-CF622, I-CF656, I-CF733, I-CF958 et I-CF1054 et l’amendement ICF184.

Amendements I-CF462 de Mme Sabine Rubin et I-CF395 de M. Éric Coquerel (discussion commune).

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF462 tend à instaurer une taxe de 100 % sur les dividendes des entreprises du CAC40, dont le montant s’élève à 51 milliards d’euros alors que la pauvreté explose. Ces 51 milliards n’ont a priori aucune utilité pour la croissance et le développement.

Dans le même esprit, l’amendement I-CF395 reprend une idée retenue par la Convention citoyenne pour le climat tout en traitant des rachats d’actions, qui sont aussi de l’argent perdu. Il s’agit de créer une taxe additionnelle sur les dividendes dont le taux serait fixé à 4 %.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je trouve l’amendement I-CF462 trop modéré : pourquoi se limiter au CAC40 au lieu de viser l’ensemble des profits ? En outre, le taux de 100 % est un peu faible : 110 % ou 120 % serait préférable. (Sourires.)

La commission rejette successivement les amendements I-CF462 et I-CF395.

Amendements I-CF575 du président Éric Woerth, I-CF957 de Mme Zivka Park et I-CF46 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (discussion commune).

M. le président Éric Woerth. Mon amendement concerne des impositions touchant essentiellement le groupe SNCF : la contribution de solidarité territoriale (CST) et la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF).

La CST est une contribution reposant sur l’activité du TGV. C’est un impôt de production – puisque la taxe est assise sur le chiffre d’affaires –, dont le produit est de 16 millions d’euros. La TREF est versée par les entreprises ferroviaires en fonction de leur résultat imposable, ce qui rapporte beaucoup plus – 226 millions d’euros. Le but est normalement de financer les « trains d’équilibre du territoire ». Il existait auparavant un compte d’affectation spéciale, mais il a été supprimé. Le produit va donc au budget général, qui finance des aides à la SNCF.

Tout cela ressemble un peu à l’ancien monde. Outre la suppression du compte d’affectation spéciale, une ouverture à la concurrence a été décidée : d’autres opérateurs exploiteront des trains. On se demande pourquoi l’activité du TGV financerait des trains relevant, éventuellement, d’opérateurs qui ne participent pas à l’effort concernant le TGV. Tout cela est assez injuste et pèse sur les comptes de la SNCF. Ceux du TGV étaient profitables jusqu’à l’année dernière, mais ils le sont actuellement beaucoup moins. Cela évoluera probablement, mais on voit bien que ce n’est pas un système qui fonctionne dans le contexte d’une entreprise très endettée comme la SNCF.

Je propose tout simplement de supprimer ces deux impôts. C’est possible en une année pour la CST, qui rapporte 16 millions d’euros, je l’ai dit. S’agissant de la TREF, on pourrait également s’y prendre sur deux ans.

Mme Marie Lebec. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République, l’amendement I-CF957 tend à fixer une trajectoire pour la suppression de la TREF et de la CST.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je souscris à vos propos, monsieur le président.

L’amendement I-CF46 se contente de supprimer progressivement la TREF, en trois ans – par tiers.

M. le président Éric Woerth. Étaler dans le temps la suppression de la TREF ne me pose pas de problème. Pour la CST, je pense en revanche qu’il n’y a pas de raison de le faire : cela ne représente que 16 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il me semble que nous sommes tous à peu près d’accord sur le fond. La seule question qui se pose concerne la trajectoire pour l’extinction de ces deux dispositifs. Les ressources en cause ne sont pas négligeables : il faut éviter des ruptures trop brutales, et l’on doit en discuter avec la SNCF. Je propose d’en reparler en séance publique dans le prolongement des échanges entre le Gouvernement et l’opérateur principalement concerné. Je rappelle aussi que le Président de la République avait annoncé une suppression en 2023, y compris pour la CST. Je vous demande de retirer les amendements à ce stade.

M. le président Éric Woerth. J’ai une certaine antériorité par rapport au Président de la République : j’avais déjà fait cette proposition lors du premier collectif de l’année.

Il faut évidemment en discuter avec la SNCF – mais je pense que chacun des auteurs des amendements l’a fait –, comme avec le Gouvernement.

M. Charles de Courson. L’idée d’en discuter avec la SNCF m’étonne un peu. Nous sommes le législateur.

Le président Woerth avait préconisé de supprimer ces taxes il y a déjà quelques mois, puis le Président de la République a suivi, et l’on ne peut que s’en féliciter. Je pense que tout le monde est maintenant d’accord.

L’amendement I-CF46, qui est progressif, me paraît le meilleur. Adoptons-le. Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement pourrait être contre. Dans le cas contraire, on en appellera au Président de la République…

M. le président Éric Woerth. Je vais retirer mon amendement. Nous pourrons en discuter avec le Gouvernement. Un accord politique existe, ce n’est plus qu’une question de modalités. Il faut que ce soit gagnant pour tout le monde.

Les amendements I-CF575, I-CF957 et I-CF46 sont retirés.

Amendement I-CF900 de M. Dominique Potier.

Mme Claudia Rouaux. Nous proposons que les donneurs d’ordres paient une redevance en fonction du volume de CO2 lié au transport afin d’appliquer le principe du pollueur-payeur. Cet amendement permettra de réduire l’avantage compétitif des plateformes de vente en ligne au profit de la vente dans les espaces physiques et entraînera une réduction des besoins de nouveaux entrepôts logistiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Une telle taxe sur la livraison de biens pourrait être qualifiée de « taxe Amazon ».

Vous me trouverez toujours à vos côtés s’il s’agit d’essayer de trouver une fiscalité juste en ce qui concerne ces entreprises, qui actuellement ne paient pas assez d’impôts. Toutefois, est-ce en taxant la livraison qu’on rendra plus juste la concurrence avec les libraires et les autres commerçants ? Je ne le pense pas. En outre, c’est toujours le consommateur qui paiera plus cher à la fin et les entreprises concernées ne paieront pas davantage d’impôts.

Le débat est immensément complexe et les leviers possibles sont souvent inefficaces, ce qui est très frustrant. Néanmoins, je reste convaincu que ce que nous faisons à l’échelle internationale en matière de taxation des géants du numérique va dans le bon sens et fonctionne. Si nous taxons la livraison, en revanche, nous mettrons en difficulté à la fois les filières de livraison et les consommateurs, à travers leur pouvoir d’achat. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF900.

Amendement I-CF988 de M. Bertrand Pancher.

M. Michel Castellani. Il s’agit de créer un mécanisme pour l’équité entre les commerces, afin d’assurer un équilibre entre les commerces physiques implantés dans nos territoires et les commerces en ligne.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF988.

Amendement I-CF185 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à mettre fin à une injustice territoriale qui n’a que trop duré. Quand on regarde le déploiement de la fibre optique et des réseaux numériques, on voit que les opérateurs ont recours à leurs fonds propres dans les zones denses et rentables. Dans les territoires ruraux ou périphériques, on s’organise en réseaux publics, par exemple, pour accélérer le déploiement de la fibre. Dans ce cas, l’opération est subventionnée par l’État, la région et le département, mais il reste un coût important à la charge des collectivités locales, c’est-à-dire les communautés de communes. Cela représente 3,6 millions d’euros pour celle des Gorges de l’Ardèche et plus de 2 millions pour celle de la Montagne d’Ardèche. Vous imaginez bien tout ce qu’on pourrait faire avec cet argent dans le cadre d’autres projets.

L’accès au numérique doit être considéré comme un service universel, au même titre que l’eau et l’électricité. Je propose d’alimenter le Fonds d’aménagement numérique des territoires afin qu’on puisse apporter une aide complémentaire aux collectivités des zones rurales et périphériques. Sinon, c’est la double peine : non seulement la fibre arrive plus tard, mais en plus il faut mettre la main à la poche alors que ce n’est pas le cas ailleurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cela nous rappelle la proposition de loi que vous aviez déposée en la matière…

Il faut qu’on se mette d’accord sur le type de fiscalité qu’on veut pour ces opérateurs. Alors qu’un amendement de Marie-Christine Dalloz visait à supprimer la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), vous proposez de créer une nouvelle contribution. Je comprends la logique que vous suivez, mais il faut donner un peu de lisibilité à ces acteurs dont nous avons besoin pour l’aménagement du territoire – vous savez ce que fait notamment Julien Denormandie. Alourdir la fiscalité ne serait probablement pas la meilleure façon de s’y prendre avec eux pour assurer un meilleur maillage territorial.

Avis défavorable.

M. Fabrice Brun. Ce que je propose, ce n’est ni plus ni moins que ce que nos prédécesseurs ont fait, il y a très longtemps, pour financer à 100 % le déploiement des réseaux électriques dans les zones rurales, grâce à une péréquation. Ils avaient créé à cette fin le Fonds d’amortissement des charges d’électrification. Je propose de faire de même pour le numérique.

M. Jean-Louis Bricout. Nous soutiendrons cet amendement, qui traite d’un véritable problème que rencontre la ruralité. Quand les services publics universels ne sont pas là, c’est toujours elle qui trinque. Dans mon territoire aussi, les communautés de communes participent à hauteur de 3 millions d’euros au déploiement de la fibre. C’est tout simplement une injustice territoriale. Dans l’Aisne, quelques villes moyennes ont pu se passer des crédits des communautés de communes, mais c’est marginal. Il faut agir en urgence pour assurer la cohésion et la justice entre les territoires.

La commission rejette l’amendement I-CF185.

Amendement I-CF448 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Sabine Rubin. J’ai pu réfléchir depuis que M. de Courson est intervenu : s’agissant des entreprises du CAC40, je suis d’accord avec lui pour porter à 120 % la taxation des dividendes. (Sourires.)

L’amendement I-CF448 est plus modeste : il vise à créer une taxation de 5 % – vous reconnaîtrez que c’est peu – sur le montant des contrats de publicité et de marketing passés par les entreprises ainsi que sur le chiffre d’affaires des régies publicitaires.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF448.

Amendement I-CF449 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Sabine Rubin. Il s’agit de taxer les panneaux publicitaires numériques, dont on connaît la toxicité en matière énergétique, pour la santé visuelle et pour nos esprits. Chaque année, 15 milliards d’euros sont investis dans la publicité, dont une bonne partie dans ces panneaux publicitaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : ils sont déjà taxés, dans le cadre de la taxe locale sur la publicité extérieure.

La commission rejette l’amendement I-CF449.

Amendement I-CF214 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Alain Bruneel. Nous souhaitons instaurer une modulation de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes afin que le transport routier de marchandises puisse contribuer à abonder l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, comme c’était prévu à l’origine pour l’application de l’écotaxe.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : je vous renvoie aux débats que nous avons eus lors de l’examen des précédents projets de loi de finances et de la loi dite climat et résilience.

La commission rejette l’amendement I-CF214.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF212 de M. Jean-Paul Dufrègne.

Amendement I-CF450 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons d’augmenter la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, afin de contribuer au financement d’une relance réelle et ambitieuse du secteur ferroviaire.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF450.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF451 de Mme Sabine Rubin.

Amendement I-CF47 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer la CST, ce dont nous avons déjà débattu. Nous en reparlerons en séance.

L’amendement I-CF47 est retiré.

Amendement I-CF518 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce « petit » amendement vise à améliorer le dispositif favorisant les échanges d’immeubles pour les agriculteurs, en supprimant la condition selon laquelle les immeubles échangés doivent être situés soit dans le même canton, soit dans un canton et une commune limitrophe. Cela permettrait de remédier aux inconvénients pratiques d’une exploitation géographiquement morcelée. De plus, l’amendement ne coûterait que 100 000 ou 200 000 euros, tout au plus.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les départements jouant un rôle en matière d’aménagement foncier rural, leur action est rendue difficile dans le cas d’une appellation d’origine contrôlée (AOC) qui s’étend sur plusieurs d’entre eux. C’est pourquoi on a préféré limiter les échanges à l’échelle cantonale. Je vous accorde que les limites administratives des cantons ou des départements peuvent être moins pertinentes que celles des bassins de vie ou des AOC, mais c’est parce que les compétences sont ainsi distribuées, du fait de la décentralisation, que l’on doit travailler par canton.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF518.

Amendements I-CF931, I-CF923, I-CF925 et I-CF928 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Louis Bricout. Les achats de foncier sont soumis à des droits de mutation de 5,8 %. Un dispositif dérogatoire a été conçu, avec un droit fixe de 125 euros, pour favoriser la transmission dans le cadre familial, mais il est largement détourné à des fins d’optimisation fiscale, par la constitution de sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA), parfois non exploitantes. Le droit actuel conduit à des situations ubuesques, où des opérations immobilières de plusieurs millions d’euros sont taxées à hauteur de 125 euros.

L’amendement I-CF931 vise à réserver le droit fixe de 125 euros aux seules sociétés constituées depuis au moins trois ans, à condition que l’opération de cession intervienne dans un cadre familial, jusqu’au quatrième degré, ou que le repreneur s’engage à conserver les parts pendant dix ans, pour une cession inférieure à 250 000 euros, ou que la cession soit réalisée par l’intermédiaire d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER).

Les trois autres amendements sont de repli : l’amendement I-CF923 prévoit que l’intermédiaire soit une SAFER et que l’acquéreur s’engage à respecter un cahier des charges durant au moins dix ans. L’amendement I-CF925 vise à faire bénéficier du droit fixe les seules sociétés constituées depuis au moins trois ans avant la cession, sous réserve que le preneur soit une personne physique, qui prend l’engagement de conserver les parts pendant dix ans. L’amendement I-CF928 vise les seules sociétés constituées depuis au moins trois ans au jour de la cession, sous réserve que l’opération de cession intervienne entre personnes physiques, dans un cadre familial jusqu’au quatrième degré.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, nous avions réalisé certaines avancées en la matière : le droit fixe de 125 euros, notamment, avait été réservé aux cessions de gré à gré de parts de sociétés civiles à objet principalement agricole constituées depuis au moins trois ans. Les amendements visent à réintroduire des critères que nous avions rejetés il y a deux ans parce qu’ils posaient certains problèmes. Je ne souhaite pas revenir à la version précédente.

Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur Jean-Louis Bricout, ne faudrait-il pas faire plutôt l’inverse, en réservant un droit fixe aux échanges de parts de sociétés ? On a intérêt à favoriser les transactions et les échanges ! Je ne voterai pas en faveur de ces amendements.

M. Jean-Louis Bricout. Favoriser les échanges était l’objet du dispositif dérogatoire. Il y a toutefois un abus : les SCEA, qui sont souvent non exploitantes, contrarient les transmissions de foncier dans un cadre familial.

La commission rejette successivement les amendements I-CF931, I-CF923, I-CF925 et I-CF928.

Amendement I-CF240 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le droit de partage des biens meubles et immeubles, auparavant fixé à 2,5 %, a été abaissé dans certaines situations à 1,8 % à compter du 1er janvier 2021 et à 1,1 % à compter du 1er janvier 2022. Ce droit de partage demeure néanmoins une difficulté supplémentaire pour des situations complexes, notamment par suite d’une séparation ou d’un divorce. Je propose donc de le supprimer.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le droit de partage était passé de 1,1 % à 2,5 % en loi de finances pour 2012. À l’initiative du rapporteur général Joël Giraud, nous l’avons largement réduit. Les divers droits de partage rapportent aujourd’hui plus de 500 millions d’euros. Les supprimer entièrement serait excessif.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF240.

Amendement I-CF672 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Le présent amendement vise à moduler le tarif de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance en fonction des émissions de dioxyde de carbone : plus on émet de CO2, plus le tarif de la taxe spéciale est élevé. Cela permettrait d’adresser un signal fort en faveur de la préservation du climat, en cohérence avec des dispositifs existants et avec les préconisations de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : nous avons déjà instauré le malus au poids l’an dernier. Il n’est pas souhaitable d’ajouter du malus au malus. C’est pourquoi je propose de nous en tenir à la fiscalité actuelle.

M. Matthieu Orphelin. Il ne s’agit pas nécessairement d’un malus sur le malus, puisque le dispositif peut comprendre des bonus et des montants de taxe inférieurs à ceux qui existent aujourd’hui pour certains niveaux d’émission de CO2.

La commission rejette l’amendement I-CF672.

Amendements I-CF383 et I-CF404 de M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. L’amendement I-CF383 vise à proroger le prêt à taux zéro (PTZ) pour les primo-accédants. L’amendement I-CF404 a pour objet d’étendre l’éco-PTZ aux travaux permettant l’installation d’équipements d’autoconsommation. Dans les deux cas, le prêt à taux zéro est une bonne idée car il crée un effet levier, en fournissant la somme qui manque, soit pour avoir une garantie bancaire, soit pour démarrer des travaux. L’État s’y retrouve puisque les travaux engagés engendrent du travail pour les artisans, donc des recettes supplémentaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’amendement I-CF383 est satisfait : le PLF pour 2021 a acté la prorogation du PTZ au moins jusqu’à la fin de 2022. Je vous suggère de le retirer.

S’agissant de l’élargissement de l’éco-PTZ au photovoltaïque et aux éoliennes, les aides existantes, notamment fiscales, paraissent suffisantes. Avis défavorable.

L’amendement I-CF383 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF404.

Amendement I-CF846 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. La loi de finances pour 2020 prévoyait une expérimentation en Bretagne, portant sur la détermination des zones éligibles à la réduction d’impôt pour l’investissement locatif intermédiaire dans le neuf. Les premiers retours étant positifs, je vous propose de l’étendre à l’ensemble de la France métropolitaine, pendant trois ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous attendions un rapport sur le sujet avant le 30 septembre, mais nous ne l’avons pas reçu. Je vous propose de retirer votre amendement à ce stade et de le déposer en séance, afin d’interroger le Gouvernement sur ce point. J’appuierai cette demande d’explication car il importe que le Gouvernement respecte les délais, dès lors qu’une demande de rapport a été votée. Ce n’est hélas pas la première fois que les rapports concernant le secteur du logement ne parviennent pas à temps au Parlement, voire que nous constatons des difficultés pour les obtenir.

Sur le fond, il semblerait en effet que l’expérimentation en Bretagne soit réussie et qu’il faille l’étendre.

L’amendement I-CF846 est retiré.

Amendement I-CF398 de M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Cet amendement vise à rétablir la taxe exceptionnelle de 10 % assise sur le montant de la réserve de capitalisation des acteurs de l’assurance. Nous avions déposé un amendement similaire l’an dernier, mais en prévoyant d’affecter le produit de cette taxe à la reprise économique et au soutien aux entreprises. Les sinistres ayant été moins nombreux, des possibilités s’ouvraient pour taxer les assureurs, d’autant que la mesure avait été prise lors de la crise financière de 2008 et qu’elle n’avait pas mis en péril leur situation.

Cette année, nous souhaiterions affecter différemment le produit de la taxe car les entreprises ont été soutenues, ce dont nous nous félicitons. Nous voulons créer une formule simple de soutien aux petites associations auxquelles il manque 2 000 à 3 000 euros dans les caisses parce qu’elles n’ont rien pu organiser l’année dernière. Nous avons besoin de ces acteurs, et le lien avec l’assurance est simple : le jour où il n’y aura plus de bénévoles, il y aura davantage d’incivilités, donc davantage de dégâts, et cela finira par coûter plus cher aux assureurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je propose de clore le sujet de la taxation des assureurs, qui s’est posé lors de la crise et revient régulièrement. Une telle mesure ne serait utile ni pour le secteur assurantiel, ni pour les acteurs économiques, ni pour les particuliers.

M. le président Éric Woerth. C’est tout à fait exact !

La commission rejette l’amendement I-CF398.

Amendements I-CF663 et I-CF664 de M. Matthieu Orphelin (discussion commune).

M. Matthieu Orphelin. La suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de contribuables les plus aisés, qui ne figurait pas dans le programme initial du Président de la République, coûtera entre 7 et 8 milliards d’euros, en année pleine. Aucune contribution, même des plus aisés parmi les plus aisés, n’a été adoptée. On se prive là d’une somme qui serait très utile pour mener d’autres politiques. Nous proposons donc de reporter, voire d’annuler la suppression de la taxe d’habitation pour les plus aisés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends que la mesure fasse débat, la promesse de 2017 portant sur une suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des Français. L’extension aux 20 % restant est motivée par la décision du Conseil constitutionnel et par une certaine cohérence politique d’ensemble : si l’on considère que, du fait de la vétusté des valeurs locatives, une taxe est injuste pour 80 % des Français, force est de constater qu’il en va de même pour les 20 % restant. Mais un couple est-il riche dès qu’il entre dans cette catégorie, c’est-à-dire lorsque chacun de ses membres gagne environ 2 300 euros par mois ? Il me semble plutôt qu’il appartient aux classes moyennes, au sens large.

La suppression de la taxe d’habitation offre un surcroît de pouvoir d’achat bienvenu pour tous les Français. Je maintiens qu’elle est nécessaire pour l’ensemble d’entre eux.

M. Matthieu Orphelin. On aurait pu imaginer un dispositif recentré, par exemple sur le dernier décile. Les études officielles mises en avant par le Gouvernement montrent que cette catégorie est celle qui a le plus gagné en pouvoir d’achat. Je suis d’accord qu’avec des revenus de 2 500 euros, la question se pose, mais, pour une large partie de ceux qui bénéficieront des 7 milliards d’euros, la mesure est un cadeau supplémentaire, qu’ils n’attendaient pas. Il y aurait eu matière à procéder différemment.

M. le président Éric Woerth. La décision du Conseil constitutionnel valait aussi pour le dernier décile.

M. Alexandre Holroyd. L’étude à laquelle M. Orphelin fait référence montre qu’en pourcentage, c’est le premier décile, et non le dernier, qui a le plus bénéficié des mesures prises par le Gouvernement pour ce qui est de la hausse du niveau de vie. M. Orphelin a converti l’indicateur en somme absolue, mais aucun économiste ne se penche de cette manière sur le niveau de vie.

M. Jean-Paul Mattei. Nous avions identifié cette anomalie, monsieur Orphelin. En commission, j’avais moi-même souligné le fait que l’on aurait pu maintenir la taxation pour les plus aisés, mais, dans sa décision, le Conseil constitutionnel a tiré la sonnette d’alarme sur la légalité du texte. Nous subissons un contexte, même si, politiquement, nous pouvons être d’accord. Sans faire de la politique sur la politique, en se donnant bonne conscience, il est vrai que la mesure est certainement une anomalie, mais revenir dessus soulèverait un problème juridique.

M. président Éric Woerth. Politiquement, on peut aussi ne pas être d’accord !

M. Gilles Carrez. Au-delà de la décision du Conseil constitutionnel, s’agissant notamment de la métropole parisienne, le plafond de revenus qui déclenche la suppression de la taxe d’habitation est un critère qui n’est pas adapté. Dans certaines communes habitées par des classes moyennes, plus de 50 % des ménages n’ont pas été exonérés dans la première tranche, alors que leurs moyens sont très limités une fois qu’ils ont réglé les coûts liés au logement. À l’avenir, il conviendra de ne pas choisir systématiquement le critère des revenus, qui est parfois injuste. On ne peut pas raisonner en moyenne nationale.

M. président Éric Woerth. Vous avez raison. Cela vaut d’ailleurs pour la plupart des métropoles, où le coût du foncier est très élevé.

M. Matthieu Orphelin. Il est question de 7 milliards d’euros : ce n’est pas une petite erreur !

Par ailleurs, je remercie M. Holroyd pour son cours d’économie un peu méprisant. Les gens voient la réalité des politiques en euros, non en pourcentage. Vous pouvez toujours vous persuader, dans votre monde parallèle, que ce n’est pas grave parce que le pourcentage augmente, mais une personne qui touche un salaire mensuel de 800 ou 900 euros gagnera 20, 30 ou 40 euros par mois alors qu’un ménage plus aisé économisera 100 voire 200 euros par mois. Votre cours d’économie ne reflète pas la vraie vie des gens !

La commission rejette successivement les amendements I-CF663 et I-CF664.

Amendement I-CF823 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le dispositif d’investissement locatif dit Pinel a été recentré sur le seul logement collectif à compter du 1er janvier 2021. Or la demande en logements est toujours très élevée, les objectifs étant loin d’être atteints. Le présent amendement vise à étendre le dispositif au logement individuel pour prendre en compte cette demande, notamment dans les territoires ruraux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne souhaite pas revenir sur une modification que nous avions adoptée il y a deux ans. Elle doit à présent porter ses effets.

La commission rejette l’amendement I-CF823.

 

II – Ressources affectées

A – Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 11
Fixation pour 2022 de la dotation globale de fonctionnement
ainsi que des variables d’ajustement

Résumé du dispositif proposé

Le présent article :

– fixe, comme chaque année en loi de finances, le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 26 786 027 022 euros pour 2022 (au lieu de 26 758 368 435 dans la loi de finances pour 2021), soit à un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (+27,7 millions d’euros) ;

– détermine, comme chaque année en loi de finances, le périmètre des variables d’ajustement pour 2022, ainsi que les montants de minoration appliqués à ces variables, nécessaires pour compenser  – partiellement – le dynamisme de certains concours financiers de l’État aux collectivités.

Dernières modifications intervenues

Les lois de finances pour 2011 et pour 2017 ont progressivement élargi le périmètre des variables d’ajustement aux dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle (à l’exception de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – DCRTP – du bloc communal).

La loi de finances pour 2017 a intégré dans le champ des variables les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et la totalité de la dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale (DTCE ou dot²) des départements et régions.

La loi de finances pour 2017 a fixé le montant de la DGF pour 2017 à 30 860 millions d’euros. Elle a aussi prévu l’affectation aux régions, à compter de 2018, d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en remplacement de leur DGF.

La loi de finances pour 2018 a figé aux taux de 2017 les taux de minoration appliqués aux allocations compensatrices et élargi le périmètre des variables d’ajustement à la DCRTP des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle a enfin fixé le montant de la DGF pour 2018 à 26 960 millions d’euros, soit à un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (recentralisation du RSA en Guyane et à Mayotte).

La loi de finances pour 2019 a régularisé la décision du ministre de l’action et des comptes publics du 26 mars 2018 de ne finalement pas mettre en œuvre la minoration de la DCRTP des EPCI et des communes en 2018. Ces DCRTP ont toutefois été intégrées dans les variables à compter de 2019 et été minorées par répercussion en 2019.

La loi de finances pour 2019 a également introduit une répartition des minorations au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF) pour les collectivités concernées. La DGF est restée stable à 26 948 millions d’euros. Elle incluait toutefois une minoration de 5 millions d’euros pour financer la création de la dotation « Natura 2000 » ([213]).

La loi de finances pour 2020 a plafonné le PSR de compensation des pertes de recettes liées à la réduction de l’assiette du versement transport (VT), en l’intégrant ainsi dans le mécanisme des variables d’ajustement. Si les FDPTP et les DCRTP du bloc communal restent dans les variables, seules les parts régionales et communales de la DCRTP ainsi que les parts régionales et départementales de la Dot² ont fait l’objet d’une minoration en 2020, en plus de celle appliquée au nouveau PSR de compensation du VT, plafonné à 48 millions d’euros.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 a fixé un plafond annuel des concours financiers de l’État, un objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales (+ 1,2 %), ainsi que le cadre juridique des contrats de maîtrise des dépenses locales.

La loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a toutefois procédé à la suspension de cette limitation à 1,2 % de l’augmentation des dépenses de fonctionnement pour l’année 2020 pour les 322 grandes collectivités soumises à la contractualisation.

La loi de finances pour 2021 a réduit la minoration des variables d’ajustement à 51 millions d’euros, concentrée sur les parts départementales et régionales de DCRTP et de DTCE. Le montant de la DGF était stable pour la quatrième année consécutive, hors mesures de périmètre.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   état du droit

A.   la dotation globale de fonctionnement

1.   La DGF est le principal concours financier de l’État aux collectivités locales

La dotation globale de fonctionnement (DGF) constitue le principal concours financier que l’État verse aux collectivités territoriales.

Composition des concours financiers de l’État
aux collectivités territoriales en 2021

(en milliards d’euros)

Source : DGCL, Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2021.

 

La DGF répond historiquement à la volonté de regrouper en un concours unique et libre d’emploi un certain nombre de versements de l’État à destination des collectivités qui étaient auparavant dispersés.

Elle vise aujourd’hui à :

– assurer aux collectivités des ressources relativement stables et prévisibles d’une année sur l’autre ;

– mettre en œuvre une péréquation verticale en apportant un soutien particulier aux collectivités confrontées à des charges importantes sans pour autant disposer des ressources suffisantes pour y faire face.

Elle est versée à la section de fonctionnement. Elle est attribuée aux communes, aux EPCI à fiscalité propre et aux départements ([214]).

répartition de la DGF entre les différents niveaux
de collectivités territoriales en 2021

(en milliards d’euros)

Source : DGCL, Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2021.

La DGF représente environ 17 % des recettes de fonctionnement du secteur communal et 12 % de celles des départements (évaluation préalable du présent article).

Montants moyens de DGF par habitant en 2021

Communes

EPCI à fiscalité propre

Départements

165 euros/habitant

89 euros/habitant

119 euros/habitant

Source : DGCL, Guide pratique de la DGF.

La DGF est un prélèvement sur les recettes de l’État (PSR). L’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dispose qu’un « montant déterminé de recettes de l’État peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales […] en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l’État sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte ». Il ne s’agit pas de crédits du budget de l’État mais de moindres recettes pour ce dernier.

L’article L. 1613‑1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que « le montant de la dotation globale de fonctionnement est fixé chaque année par la loi de finances ».

La DGF est composée de dix dotations : quatre dotations au profit des communes, deux dotations au profit des EPCI et quatre dotations au profit des départements.

Composition de la DGF en 2021

(en milliards d’euros)

G:\RESTREINT-RAPPORTEUR-GE\FINB-2021\Admin\BA\PLF22\DGF simplifiée.bmp

Source : DGCL, Guide pratique de la DGF.

 

Les dotations qui composent la DGF peuvent être dissociées en deux catégories : les dotations forfaitaires et de compensation d’un côté, et les dotations de péréquation de l’autre.

La dotation forfaitaire prend en compte la population locale, mais intègre également d’anciennes composantes historiques figées. La persistance de ces composantes figées peut expliquer que des communes largement similaires en termes de population ou de richesse perçoivent des dotations forfaitaires d’un montant sensiblement différent.

RÉpartition de la DGF des communes en euros par habitant en 2021

DGF par habitant

Source : commission des finances, données DGCL, logiciel Observatoire des territoires.

Les dotations de compensation des EPCI et des départements regroupent également d’anciennes composantes figées.

Les dotations de péréquation visent à garantir à toute collectivité une possibilité de développement local, dans le cadre de son autonomie financière, c’est-à-dire compenser les disparités qui relèvent de l’histoire ou de la géographie sans interférer avec celles qui résultent de l’exercice de la libre administration.

Pour autant, les dotations de la DGF répondent à des principes communs :

– le comité des finances locales (CFL) est associé à la répartition de la DGF ;

– les montants doivent être communiqués aux élus chaque année pour le 31 mars, dans la perspective du vote des budgets locaux (les budgets primitifs doivent être adoptés le 15 avril au plus tard), et sont mis en ligne sur le site internet de la direction générale des collectivités locales (DGCL) ([215])  ;

– la DGF est calculée à partir d’une trentaine de critères de ressources et de charges.

Ces critères sont de nature :

– démographique (population, nombre d’enfants) ;

– sociale (nombre de logements sociaux, quartiers prioritaires de la politique de la ville) ;

– financière (potentiel financier, effort fiscal) ;

– physique ou géographique (superficie, classement en zone de montagne, longueur de voirie) ;

– ou administrative (qualité de chef-lieu de canton ou d’arrondissement, classement en zone de revitalisation rurale).

L’ensemble de ces critères visent à caractériser la diversité de situation des collectivités, tout en étant suffisamment fiables pour faire l’objet d’un recensement et de comparaisons à l’échelle nationale. Les modalités de répartition de la DGF en fonction de ces critères sont définies dans le CGCT : articles L. 1613‑1 à L. 1613‑5‑1 (dispositions générales) ; L. 2334‑1 à L. 2334‑23‑2 (DGF des communes) ; L. 3334‑1 à L. 3334‑7‑1 (DGF des départements) et L. 5211‑28 à L. 5211‑35‑2 (DGF des EPCI). Elles sont précisées par de nombreuses notes d’information annuelles de la DGCL.

À noter que le nouveau panier de ressources qui sera perçu par les collectivités à compter de l’année 2021 implique une refonte des indicateurs financiers utilisés dans le calcul des dotations et des fonds de péréquation. Cette nouvelle définition a fait l’objet d’échanges au sein du CFL dans le cadre de quatre groupes de travail entre janvier et juillet 2020. À la suite de ces travaux et de la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement ([216]), l’article 252 de la loi de finance pour 2021 les ajuste pour intégrer dans leur calcul les nouvelles ressources locales, à savoir le PSR de compensation de la baisse de la CFE et de la TFPB des établissements industriels (communes et EPCI), la TFPB transférée depuis les départements (communes) et la TVA (EPCI et départements). Les indicateurs étant calculés à partir des ressources n‑1, ce nouveau périmètre entre en vigueur le 1er janvier 2022. Afin d’éviter des effets déstabilisateurs sur les dotations et fonds de péréquation, l’article 252 prévoit par ailleurs qu’une fraction de correction sera calculée pour les communes pour égaliser les variations des indicateurs communaux liés aux seuls effets de la réforme. Cette fraction de correction diminuera progressivement à compter de 2023, pour s’éteindre en 2028. Pour les départements, une correction permanente du potentiel fiscal a été prévue pour neutraliser les effets du remplacement de la TFPB par la TVA, ceux‑ci n’étant pas paru acceptables à moyen terme. Pour les EPCI, aucune correction n’est prévue, les simulations du CFL ayant montré des effets mesurés, et la dotation d’intercommunalité étant déjà assortie de mécanismes d’encadrement protecteurs.

Enfin, une réflexion plus approfondie sur l’avenir des indicateurs financiers locaux se poursuit en 2021 dans le cadre du CFL. Ainsi, dans sa délibération de séance plénière du 20 juillet 2021, le CFL a réaffirmé l’importance du potentiel financier des communes comme indicateur transversal de mesure de la richesse mobilisable par le bloc communal, et estimé pertinent d’en étendre le périmètre à certaines recettes libres d’emploi qui en sont aujourd’hui exclues. Il a également jugé possible le remplacement de l’effort fiscal par un autre indicateur, comme le revenu par habitant. S’agissant des départements, il a estimé que la solution de neutralisation de l’article 252 ne peut être que transitoire. Enfin, il a estimé que la réflexion sur les indicateurs de ressources doit également aller de pair avec l’élaboration d’indicateurs permettant de mesures les charges objectives supportées par les collectivités. Les travaux en ce sens doivent se poursuivre.

2.   La DGF devient plus péréquatrice

La part des dotations de péréquation augmente au sein de la DGF depuis 2016. Cette augmentation est prévue en seconde partie de la loi de finances  ([217]) . La dotation forfaitaire évolue quant à elle spontanément, avec la croissance de la population, les mouvements d’intercommunalité ou les créations de communes nouvelles.

Néanmoins, la DGF est à la fois une « dotation vivante » et une enveloppe fermée. La progression de la péréquation et la hausse mécanique de la dotation forfaitaire sont financées par minoration (« écrêtement ») de la dotation forfaitaire selon une clef de répartition fixée par le CFL lors de sa séance annuelle de février. En 2021, pour les communes, cet écrêtement s’est élevé à 142 millions d’euros (+7,7 millions d’euros par rapport à 2020, du fait d’une hausse de population plus importante). L’écrêtement de la dotation forfaitaire est modulé en fonction du potentiel fiscal des communes. Depuis 2017, le montant de l’écrêtement est plafonné à 1 % des recettes réelles de fonctionnement de la commune. Pour les départements, l’écrêtement s’est élevé à 30,37 millions d’euros en 2021, réparti en fonction de leur potentiel financier. Pour les EPCI, c’est la dotation de compensation qui est écrêtée (94,7 millions d’euros en 2021).

Cet effet de ciseaux avec, d’une part, la hausse des dotations de péréquation et, d’autre part, l’écrêtement des dotations forfaitaires renforce progressivement la péréquation au sein de la DGF.

Évolution des dotations forfaitaires
et des dotations de péréquation de 2017 à 2021

(en millions d’euros)

Note : pour 2017, la DGF des régions n’est pas prise en compte.

Source : Commission des finances, données OFGL.

Ce mouvement de fond a été engagé et poursuivi par les dernières lois de finances. Dans la mesure où les dotations forfaitaires et de compensation ont un caractère largement historique et figé, cela permet d’assurer une meilleure adéquation entre la situation actuelle des communes et les sommes qui leur sont versées via la DGF. Globalement, ces mouvements internes à la DGF ont un poids limité dans les recettes de fonctionnement des collectivités. Ainsi, entre 2020 et 2021, pour 92 % des communes, l’évolution de leur DGF a représenté entre - 2 % et + 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement (RRF).

Variation de la DGF communale entre 2020 et 2021

G:\RESTREINT-RAPPORTEUR-GE\FINB-2021\Admin\BA\PLF22\DGF\Carte variation DGF.bmp

Source : site internet de la DGCL.

B.   la minoration des variables d’ajustement

L’article 16 de la LPFP 2018‑2022 a plafonné l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités sur la durée de la période (hors FCTVA et TVA transférée aux régions depuis la suppression de leur DGF). Les « variables d’ajustement » désignent un ensemble de dotations figées de compensation fiscale versées par PSR qui sont minorées chaque année d’un montant cible pour neutraliser en tout ou partie le dynamisme de certains concours par rapport à la trajectoire fixée par la LPFP.

La loi de finances de l’année fixe l’assiette et les taux de minoration des variables d’ajustement.

C’est la loi de finances pour 2008 ([218]) qui avait mis en place ce mécanisme de maîtrise des concours financiers de l’État. Par la suite, le nombre de ces variables a été progressivement étendu ou modifié de manière à répartir équitablement l’effort de stabilisation des concours financiers.

En 2021, le périmètre des variables d’ajustement est uniquement composé de dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle :

– la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) du bloc communal, des départements et des régions, qui vise à compenser les principaux effets de la réforme de la TP ;

– la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE ou dot²), qui comprend certaines allocations compensatrices régionales et départementales historiques ;

– et la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de la taxe professionnelle (FDPTP), qui alimente ces fonds, autrefois financés par la TP, pour un montant égal à la somme des versements effectués en 2009 aux communes, EPCI et agglomérations nouvelles.

En outre, depuis la loi de finances pour 2020, le PSR de compensation aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de la perte de recettes consécutive au relèvement en 2016 du seuil d’assujettissement (de 9 à 11 salariés) des entreprises au versement transport, aujourd’hui versement mobilité (VM), a intégré les variables d’ajustement et est plafonné à 48 millions d’euros (il s’agit cependant du plafonnement d’un PSR dynamique, plutôt que de la minoration d’une dotation figée, mais l’objectif reste la neutralisation partielle du dynamisme d’autres concours).

En 2021, la loi de finances a seulement minoré de 20 millions d’euros la dot² des départements, de 17,5 millions d’euros la dot² des régions, de 5 millions d’euros la DCRTP des départements et de 7,5 millions d’euros la DCRTP des régions (au total, 25 millions d’euros de minoration portés par les départements et autant portés par les régions). Le plafonnement du versement mobilité a été maintenu. Les FDPTP n’ont pas été minorés. L’abondement de 2 millions d’euros du fonds d’aide pour le relogement d’urgence (FARU, voir ci‑dessous) a été partiellement « gagé » par une minoration complémentaire de 750 000 euros de la dot² et de 250 000 euros de la DCRTP. Au total, la minoration en 2021 s’est élevée à 51 millions d’euros, le plus bas niveau de minoration depuis 2017. À noter toutefois que jusqu’en 2018, la hausse de la péréquation verticale était pour moitié financée par minoration des variables d’ajustement.

évolution des Minorations des variables d’ajustement

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Depuis la loi de finances pour 2019, les minorations sont réparties entre collectivités au prorata des recettes réelles de fonctionnement. Cette modalité de répartition permet de tenir compte des ressources de la collectivité.

II.   Dispositif proposé

A.   La fixation du montant de la DGF et du pÉrimÈtre des variables d’ajustement pour 2022

1.   La DGF est stable pour la cinquième année consécutive à près de 27 milliards d’euros

Le I du présent article fixe le montant de la DGF en 2022 à 26 786 027 022 euros.

Il augmente d’environ 27,7 millions d’euros par rapport à 2021. Cette hausse est liée à deux mesures de périmètre.

En premier lieu, une minoration de 2 millions d’euros correspondant à l’abondement du FARU intervenu en loi de finances pour 2021. Il s’agit d’un fonds d’aide ([219]) qui permet à l’État d’octroyer des aides aux communes et établissements publics compétents qui prennent en charge le relogement temporaire d’occupants de logements évacués sur la base d’une mesure de police spéciale, générale ou dans le cadre d’une catastrophe naturelle. Des subventions peuvent aussi être octroyées pour les opérations de murage des logements évacués afin d’éviter leur réintégration pendant que le danger persiste. Les préfets de département instruisent les demandes d’aides et, depuis 2020, décident de l’attribution ([220]) (avant 2020, la décision relevait du ministre de l’Intérieur). Le FARU avait été créé en 2006, et a été prolongé à trois reprises pour cinq ans en loi de finances, la loi de finances pour 2021 l’ayant prolongé de 2021 à 2025. La consommation du FARU n’a cessé d’augmenter, en raison notamment de l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des épisodes de catastrophe naturelle. Depuis 2016, sa consommation annuelle avoisine ainsi le million d’euros, dont près de 50 % accordés dans le cadre de catastrophes naturelles. Il a ainsi été mobilisé dans le cadre de la tempête Alex qui a frappé les Alpes maritimes en octobre 2020. En cohérence avec sa prolongation jusqu’en 2025, le fonds avait été abondé de 2 millions d’euros en loi de finances pour 2021 via la DGF ([221]), ce qui avait conduit à majorer la DGF du même montant pour que cet abondement n’ait pas d’incidence sur les autres bénéficiaires de la DGF. Or, les sommes encore disponibles sont suffisantes pour les prévisions de consommation en 2022 (d’après l’évaluation préalable), d’où une baisse nominale de 2 millions d’euros de la DGF par rapport à 2021.

En second lieu, une majoration de 29,7 millions d’euros de la dotation de compensation du département de La Réunion. La loi de finances pour 2020 a recentralisé le RSA pour La Réunion. Pour neutraliser le coût budgétaire pour l’État, la loi de finances pour 2020 a procédé à une minoration provisionnelle de la DGF de La Réunion de 98,1 millions d’euros. La loi de finances pour 2021 a opéré une minoration supplémentaire de 59 millions, la moitié étant pérenne, l’autre moitié correspondant à l’actualisation du droit à compensation de l’État au titre de 2020. En conséquence, la DGF de La Réunion est majorée de 29 millions d’euros en 2022.

 

Passage de la DGF pour 2021 à la DGF pour 2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir de l’évaluation préalable.

En dehors de ces deux mesures de périmètre, le montant de la DGF est stable en valeur pour la cinquième année consécutive (2018 à 2022).

2.   La minoration des variables d’ajustement est fixée à un niveau historiquement bas de 50 millions d’euros

En second lieu, le présent article procède à une minoration des variables d’ajustement de 50 millions d’euros pour 2022, comme en 2021 (hors minoration supplémentaire de 1 million d’euros qui était liée au prolongement et à l’abondement du FARU).

Le A du II prévoit que le PSR de compensation des pertes de recettes résultant pour les AOM de la réduction de l’assiette du versement transport reste plafonné à 48 millions d’euros en 2022, comme en 2021.

Le a du 1° du B du II prévoit que le montant de la dot² des départements est égal en 2022 à celui versé en 2021.

Le b du même 1° prévoit le taux de minoration applicable en 2022 à la dot² des régions.

Le a du 2° du B du II prévoit le taux de minoration applicable en 2022 à la DCRTP des régions. Le montant de la DCRTP des départements est égal en 2022 à celui versé en 2021.

Le b du 2° du même B précise que le montant de la DCRTP du bloc communal (communes et EPCI à fiscalité propre) est égal en 2022 au montant versé en 2021.

Le C du II prévoit que le montant de la dotation de garantie des reversements des FDPTP en 2022 est égal au montant versé en 2021.

Il ressort donc de ces dispositions que, pour 2022, les seules minorations portent sur :

– la dot² des régions (– 25 millions d’euros) ;

– la DCRTP des régions (– 25 millions d’euros).

On y ajoute le maintien du plafonnement du PSR de compensation du versement mobilité.

La dot² et la DCRTP du bloc communal et des départements ne sont pas minorées en 2022, ni la dotation aux FDPTP. Ces dotations étant figées par rapport aux compensations historiques, leur montant en 2022 sera égal à celui versé l’année dernière.

Le niveau des minorations est donc quasi‑égal à celui de 2021 et atteint le plus bas niveau depuis 2017.

Le pÉrimÈtre des variables d’ajustement
et les taux de minoration en 2022

(en millions d’euros)

Périmètre 2022 des variables d’ajustement

Montant 2021

Montant cible 2022

Montant de minoration PLF 2022

Taux de minoration PLF 2022

Dotations de compensation

Dot 2 départements

372,2

372,2

Dot 2 régions

40,8

15,8

– 25

– 61,3 %

Dotation aux FDPTP

284

284

DCRTP bloc communal

1 144,7

1 144,7

DCRTP départements

1 268

1 268

­

DCRTP régions

492

467

– 25

– 5,1 %

PSR versement transport

48

48

Somme des variables minorées

3650

3 600

 50

 1,4 %

Source : commission des finances.

Contrairement à 2021, la minoration n’est pas répartie à parts égales entre les départements et les régions, mais portée uniquement par les régions.

Le III précise les modalités de minoration des variables d’ajustement en 2022. Depuis 2019, la minoration est réalisée au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF) des bénéficiaires des dotations minorées. Pour 2022, il s’agit des RRF constatées dans les comptes de gestion afférents à l’exercice 2020.

B.   L’impact budgétaire et économique

Le cadre posé par la loi de programmation 2018‑2022 est nécessairement remis en cause depuis 2020. La crise sanitaire a, par une série de concours exceptionnels visant à en atténuer les conséquences pour les collectivités ou à accompagner la relance, conduit à dépasser la norme de dépenses initialement prévue. À titre d’exemple, le « filet de sécurité » pour les recettes du bloc communal (PSR de 192 millions d’euros) ou la création de la DSIL « exceptionnelle » pour 950 millions d’euros en AE. La DGF reste cependant stable pour la cinquième année consécutive, conformément aux engagements pris depuis 2018.

En outre, la minoration des variables d’ajustement atteint un plus bas historique. Les concours de l’État aux collectivités « plafonnés » par la loi de programmation augmentent de 310,5 millions d’euros en 2022. Le présent projet de loi ne prévoit donc qu’une correction partielle de cette trajectoire par la minoration des variables d’ajustement, à hauteur de 50 millions d’euros.

Cette minoration est supportée entièrement par les régions. Selon les informations transmises au Rapporteur général, la répartition s’établit ainsi :

Minorations au titre des variables d’ajustement en 2022

(en euros)

 

DCRTP

Dot²

Total

PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR

2 222 211

1 327 028

3 549 239

BOURGOGNE FRANCHE COMTE

1 383 636

1 769 513

3 153 149

OCCITANIE

2 846 545

3 640 408

6 486 953

NOUVELLE AQUITAINE

2 706 163

3 460 875

6 167 038

BRETAGNE

1 454 324

1 859 915

3 314 239

PAYS-DE-LA-LOIRE

1 554 023

1 987 419

3 541 442

CENTRE-VAL DE LOIRE

1 334 514

1 706 692

3 041 206

HAUTS DE FRANCE

3 152 160

4 031 254

7 183 414

GRAND-EST

2 650 943

2 141 280

4 792 223

AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

3 355 815

0

3 355 815

ILE-DE-FRANCE

0

0

0

NORMANDIE

1 618 585

1 950 375

3 568 960

GUADELOUPE

361 326

0

361 326

RÉUNION

67 560

873 199

940 759

GUYANE

95 114

0

95 114

MARTINIQUE

197 080

252 043

449 123

CORSE

0

0

0

 

En prenant les résultats des budgets primitifs pour 2021 comme base d’estimation des recettes et des dépenses de fonctionnement, on observe que les régions, parmi les strates de collectivités, ont la capacité d’autofinancement (CAF) la plus élevée en 2021. L’autofinancement résulte du solde positif entre recettes réelles de fonctionnement et dépenses réelles de fonctionnement. Il permet d’assurer le remboursement de l’annuité de la dette (obligation réglementaire) et, pour le surplus, de financer les dépenses d’équipement propres et les subventions d’équipement versées. Il permet d’analyser la santé financière de la collectivité.

 

 

Bloc communal

Départements

Régions

Recettes de fonctionnement

115,26

66,5

27,07

Dépenses de fonctionnement

97,95

58,94

22,30

Épargne brute

17,31

7,56

4,77

Autofinancement

15 %

11 %

18 %

Source : données du bulletin d’information statistique n° 158 – septembre 2021, DGCL.

Le cadre posé par la loi de programmation n’étant plus pertinent, il devrait appartenir au prochain législateur financier de redéfinir le cas échéant les relations financières entre l’État et les collectivités.

Dans l’intervalle, il n’est pas nécessairement opportun de renoncer à un outil de maîtrise des finances publiques qui, malgré ses aspects critiquables, s’est avéré efficace pour modérer la hausse annuelle des concours financiers de l’État aux collectivités.

*

*     *

Amendements I-CF361 de M. Sébastien Jumel, I-CF1082 de M. Christophe Jerretie et I-CF831 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

M. Alain Bruneel. L’amendement I-CF361 vise à rehausser la dotation globale de fonctionnement (DGF) jusqu’au niveau de 2013, avant la réduction drastique des moyens financiers des collectivités territoriales.

La crise sanitaire a démontré l’impérieuse nécessité de renforcer les moyens d’agir à l’échelle locale. Avec l’engagement de plus de 2,2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour faire face à la crise, les collectivités territoriales ont participé à l’effort sanitaire et économique.

Le montant de la DGF pour le dernier budget du quinquennat ne tire pas non plus les leçons de celui-ci en matière de réduction du pouvoir financier des collectivités locales, avec notamment la non-compensation à l’euro près de la suppression de la taxe d’habitation et la baisse drastique de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La crise sanitaire ayant provoqué en 2020 une diminution de 10 % de l’épargne des collectivités locales, soit 4 milliards d’euros, l’investissement local risque d’être pénalisé en 2022.

À ce constat s’ajoute une situation d’affaiblissement de longue date des moyens des collectivités. Les concours financiers de l’État sont en baisse continue depuis 2013. La part forfaitaire de la DGF a ainsi été réduite de 11,2 milliards d’euros entre 2013 et 2017. Surtout, le total des concours financiers de l’État est passé de 58,2 milliards d’euros en 2013 à 50,3 milliards en 2021.

Le montant de la dotation globale de fonctionnement doit permettre aux collectivités de retrouver leur autonomie.

M. Christophe Jerretie. L’amendement I-CF1082 vise à augmenter la dotation globale de fonctionnement de manière à augmenter la dotation d’amorçage pour les communes nouvelles, que nous avions instituée il y a deux ans. Nous proposons de la fixer à 10 euros par habitant, au lieu de 6 euros, pour les communes de moins de 3 500 habitants.

Les communes rurales sont de facto dans l’obligation de se regrouper. Une telle mesure permettrait d’enclencher le mouvement. L’objectif n’est pas l’augmentation de la DGF de 10 millions d’euros en soi ; il s’agit plutôt de soutenir la constitution des communes nouvelles en leur attribuant des moyens supplémentaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le concours Lépine des idées à 10 millions d’euros ! (Sourires.) Les communes nouvelles ont reçu une manne financière dans le passé, alors que les autres collectivités voyaient baisser leur DGF. En revanche, dans les communes et communautés de communes, la crise sanitaire a fortement touché les centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS), qui s’occupent notamment de la domiciliation des personnes sans domicile fixe. Il conviendrait d’augmenter la DGF de 10 millions d’euros pour soutenir la mobilisation importante des acteurs du social dans ce domaine.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Tout d’abord, je signale que la DGF est stable pour la cinquième année consécutive, après des années de baisse continue. Quant à l’enveloppe des concours financiers de l’État, elle est en hausse de 310 millions d’euros en 2022. Sans revenir en détail sur l’ensemble des mesures de soutien qui ont été adoptées en faveur des collectivités territoriales, qu’il s’agisse du bloc communal, des départements ou des régions, je rappellerai seulement que des filets de sécurité ont été mis en place pour compenser les pertes de recettes fiscales, domaniales et tarifaires en 2021, tout comme différentes aides attribuées aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), notamment en Île-de-France – nous reviendrons sur ces dernières à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative.

Je ne reviendrai pas non plus sur un débat que nous avons régulièrement – et, encore récemment, avec la Cour des comptes –, celui de l’accompagnement des collectivités territoriales par l’État pendant la crise. Pour moi, il fut bon et suffisant, pour d’autres, non.

Les chiffres sont têtus : la DGF n’a pas baissé pendant la législature. C’est un progrès. Je ne souhaite donc pas que la commission adopte des amendements qui visent à rétablir la DGF à son niveau d’avant la baisse, laquelle n’a pas été décidée pendant cette législature. J’émettrai donc un avis défavorable sur chacun d’entre eux.

Votre amendement, monsieur Jerretie, est un amendement d’appel, qui s’adresse au rapporteur spécial de la mission Relations avec les collectivités territoriales.

Madame Dalloz, je vous invite à consulter le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, établi notamment à partir des données du Comité des finances locales (CFL) et de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Le financement des CCAS est considéré comme satisfaisant. Je vous suggère donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Le groupe Socialistes et apparentés n’a pas déposé d’amendement à ce sujet en commission, et se réserve pour la séance. Je voudrais toutefois vous rappeler à la raison. Lorsque vous dites que la DGF est stable, mettez-vous à la place des 45 % de maires de communes qui voient leur DGF baisser régulièrement, depuis des années !

Parmi d’autres exemples, je citerai le cas de Pessat-Villeneuve, une commune de moins de 1 000 habitants située dans ma circonscription, et dont la DGF a baissé de 3,2 % en 2018, de 4 % en 2019, de 6,31 % en 2020 et de 7,58 % en 2021. La population de la commune augmente : une classe vient d’être ouverte. Pessat-Villeneuve a donc besoin d’argent pour se développer.

Pas plus que le précédent, le présent gouvernement n’a eu le courage de réformer la DGF, comme on devrait le faire si l’on avait le sens des responsabilités. (Exclamations.)

On fait peser les 50 millions de variables d’ajustement sur les seules régions. La Banque postale vient de le confirmer : elles sont la catégorie de collectivités qui a le plus souffert de la crise.

Enfin, s’agissant du financement de la péréquation, cessez de dire qu’il s’agit d’une péréquation verticale ! Encore une fois, c’est l’écrêtement des communes comme celle de Pessat-Villeneuve qui paie la hausse de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), et qui explique que ces communes perdent régulièrement de l’argent.

M. Fabien Di Filippo. Entendre d’anciens socialistes, qu’ils soient à l’Élysée ou rapporteur général du budget, donner des leçons sur l’évolution de la DGF, cela ne manque pas de sel !

La réalité d’une commune n’est pas une ligne du budget de l’État. Même si le montant global reste stable, certaines communes peuvent avoir perdu la moitié de la DGF qu’elles touchaient, si ce n’est plus. On ne peut pas parler de maintien.

Nous dénonçons la recentralisation progressive des moyens des communes, qui n’ont plus d’autonomie financière et fiscale. Pour mener un projet, elles sont tributaires de l’obole que veulent bien leur donner d’autres collectivités, les préfectures ou l’État. Cela n’est pas sain, ni démocratiquement ni pour le maillage territorial de nos communes.

M. Jean-René Cazeneuve. Le récent rapport de la Banque postale énonce pour la énième fois les mêmes vérités, à savoir que l’impact de la crise sur les collectivités territoriales a été limité. Cela n’a rien à voir avec les conséquences qu’elle a pu avoir sur la sécurité sociale ou sur les finances de l’État. Il faut arrêter de convoquer des exemples de collectivités qui ont vu leurs recettes s’effondrer : on ne raisonne pas à partir d’un cas.

Maintenir la DGF est une position forte. Madame Pires Beaune, vous savez pertinemment que la DGF a baissé de 10 milliards sous la législature précédente, et que c’est cela qui a fragilisé les finances des collectivités territoriales. En prenant l’exemple de Pessat-Villeneuve, vous niez le fait que nous souhaitons montrer plus de solidarité envers les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la ville. C’est cela qui fait qu’au sein de la DGF, certaines communes ont une dynamique positive et d’autres, une dynamique négative. Remettriez-vous en question la solidarité entre les territoires ?

Je répondrai ultérieurement sur les régions, lorsque nous examinerons les amendements sur le sujet.

S’agissant de la fiscalité, ce qui a été dit est archifaux. La taxe d’habitation a été compensée à l’euro près. (Exclamations.) Et pour ce qui concerne l’autonomie fiscale et l’autonomie financière des communes, les propos de M. Di Filippo sont très en décalage par rapport à la réalité.

M. Christophe Jerretie. Mme Pires Beaune a raison : reconstruire la DGF sur des bases assainies pour 36 000 communes, personne ne le fera. Si, depuis des années, je promeus les communes nouvelles, c’est qu’il est plus facile de réformer une dotation pour 15 000 communes. Tant que l’on envisagera les communes comme dans les années 1900, nous ne réformerons jamais les dotations.

D’autre part, faut-il opter pour une dotation forfaitaire, comme ce fut le cas en 1979, ou pour une dotation de péréquation ? Aujourd’hui, 40 % du budget de la DGF correspond à une dotation de péréquation. Un choix politique a été fait en ce sens.

L’amendement I-CF1082 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements I-CF361 et I-CF831.

Amendements identiques I-CF335 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF483 de Mme Véronique Louwagie, ICF645 de Mme Sylvia Pinel et I-CF885 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Émilie Bonnivard. En 2021, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et la dotation pour transferts de compensations d’exonération de fiscalité directe locale (DTCE) atteignaient respectivement 492,1 millions et 40,8 millions d’euros. Elles constituent des ressources à part entière des budgets régionaux. Elles ont été créées lors de la réforme de la taxe professionnelle (TP) et de la fiscalité locale en 2010 afin de compenser les effets de la réforme sur les collectivités perdantes, de manière à assurer une neutralité financière. Ces dotations, qui se substituaient à des ressources fiscales dynamiques, avaient vocation à être figées sur le montant initialement fixé. Or, entre 2017 et 2021, la DCRTP et la DTCE ont respectivement enregistré une baisse de 182 millions et de 83 millions d’euros, et cela pour financer les mesures qui ne concernent pas les régions.

En 2022, le Gouvernement souhaite appliquer une nouvelle minoration de ces dotations, qui amputerait les recettes des régions de 50 millions d’euros supplémentaires. Pour la première fois depuis des années, seules les régions sont mises à contribution dans le cadre de la baisse des variables d’ajustement – cela étant, nous sommes aussi opposés aux baisses appliquées aux autres collectivités. Pourtant, dans son rapport de 2021 sur les finances locales, la Cour des comptes souligne que « dans l’ensemble, la section de fonctionnement des régions apparaît ainsi la plus affectée par la crise sanitaire, alors que cette catégorie de collectivités n’a pas fait l’objet de mesures de soutien spécifiques en 2020, contrairement aux communes, aux groupements et aux départements. »

L’amendement I-CF335 vise par conséquent à maintenir le montant de la DCRTP et de la DTCE.

M. Michel Castellani. Il s’agit de préserver les ressources des régions, qui ont été affectées par la crise sanitaire. L’amendement vise à figer le montant de la DCRTP et de la DTCE. Pour la collectivité de Corse, la part régionale a été rabotée. En revanche, la collectivité perçoit les ressources d’origine départementale. Il ne faudrait pas que l’État répartisse comme l’an dernier l’effort à parité entre régions et départements, auquel cas la collectivité de Corse serait largement affectée, puisqu’elle serait mise à contribution sur sa part départementale. J’aimerais que M. le rapporteur général nous apporte des assurances à cet égard.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne comprends pas pourquoi on met les seules régions à contribution, à hauteur de 50 millions d’euros. Quel est l’enjeu ? Pourquoi le ministre a-t-il laissé faire l’administration ? À mon sens, il ne faut pas toucher, aujourd’hui, à la DCRTP et la DTCE.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les minorations au titre de l’enveloppe normée – d’un montant de 50 millions d’euros – ont été divisées par dix par rapport à 2017. Jamais elles n’ont été aussi faibles. Or il apparaît dans les communiqués de presse de certains présidents de région, notamment de la présidente de Régions de France – laquelle, si ma mémoire est bonne, a été secrétaire d’État sous le quinquennat précédent, lorsque les minorations, au titre de l’enveloppe normée, excédaient 500 millions – que c’est une « humiliation », une « injustice » et que cela suscite « l’incompréhension ». Cela ne relève-t-il pas de la mauvaise foi ? C’est en tout cas fort de café !

Madame Bonnivard, vous affirmez que l’État n’a rien fait pour les régions pendant la crise, mais c’est oublier que la réforme des impôts de production a prémuni les régions contre les effets de cette crise sur leurr part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Elles ont en effet bénéficié du transfert d’un impôt – la TVA – à l’évolution plus dynamique, ce qui leur a épargné une baisse de recettes fiscales en 2021. Les ressources des régions ont été préservées. Il est vrai que des dépenses nouvelles sont apparues, comme l’achat de masques, mais la puissance publique n’a pas abandonné les collectivités régionales pendant la crise. Essayons de rester le plus factuel possible au sein de cette commission. Il serait bienvenu que les présidents de région reconnaissent que la minoration au titre de l’enveloppe normée n’a jamais été aussi faible et que les recettes des régions ont été protégées. Le reste relève essentiellement de la politique politicienne et nuit à la bonne compréhension de l’action des régions et de nos finances publiques.

M. Jean-René Cazeneuve. Les concours financiers, après le gage de 50 millions d’euros, augmentent de 310 millions d’euros. Un gage beaucoup plus élevé aurait pu être proposé ; il est limité à 50 millions d’euros. Le bloc communal et les départements ne souhaitent pas se voir imputer cette minoration. Le choix s’est porté sur les régions, car elles ont la capacité d’autofinancement la plus élevée. Par ailleurs, il ne faut pas isoler telle ou telle recette, mais avoir une vision globale. L’État ne peut pas compenser la baisse d’une recette tout en restant passif face à l’augmentation d’une autre recette. Comme le montre le rapport de la Banque postale, les régions connaîtront, cette année, une augmentation de leurs recettes globales de 700 millions d’euros. On doit s’en réjouir, car on a besoin d’elles pour l’investissement et la relance, mais on ne peut pas verser dans le misérabilisme, en soutenant que ce gage de 50 millions est scandaleux, que c’est la fin du monde…

Mme Émilie Bonnivard. Nous nous sommes opposés à toutes les minorations des fonds de compensation que l’administration a appliquées depuis le début du quinquennat. Vous êtes d’ailleurs revenus sur plusieurs d’entre elles, qui affectaient les départements et les intercommunalités : je pense au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et à la DCRTP. Nous avons déjà eu ce débat et nous avons corrigé ces mesures ensemble. Par ailleurs, à titre personnel, c’est le principe même d’une minoration d’un fonds de compensation de pertes de recettes subies par les collectivités qui me choque. Quel que soit le montant de la minoration, c’est une injustice incompréhensible pour les territoires qui ont subi des pertes en accompagnant nos industries, dans le cadre de la réforme de la TP. On doit maintenir la solidarité nationale à l’égard de ces collectivités. Il est inacceptable de revenir sur la parole donnée.

M. Gilles Carrez. Je souhaite que la commission réfléchisse à la création d’un système plus satisfaisant. La réforme constitutionnelle de 2003 a eu pour objet de garantir l’autonomie financière des collectivités. La loi organique de 2004 a introduit la notion de « ressources propres ». On avait déjà noté, à l’époque, que le remplacement de certains éléments des impôts locaux par des dotations, depuis une quinzaine d’années, se traduisait, au fil des ans, par une réduction des dotations. La réforme de la taxe professionnelle, à son tour, a entraîné, malgré l’apport du fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR), une perte de recettes pour les collectivités, ce qui a justifié l’institution de la DCRTP. À l’époque, le rapporteur général que j’étais, le ministre, tout le monde disait que l’on ne toucherait jamais à cette dernière dotation. En réalité, peu de temps après, elle a intégré les variables d’ajustement et a diminué petit à petit. Avec la réforme de la taxe d’habitation, on a un peu progressé, car on a abandonné la notion de dotation pour lui substituer de la matière fiscale, en l’occurrence le foncier bâti. Toutefois, des problèmes demeurent, malgré cette amélioration – je défendrai un amendement qui vise à y remédier. Puisque nous sommes tous d’accord, nous aurions intérêt à faire des propositions de nature à garantir définitivement la compensation, conformément à l’esprit et à la lettre de la réforme constitutionnelle de 2003.

M. Charles de Courson. J’irai un peu plus loin que Gilles Carrez. On se trouve plongé dans ces difficultés parce que l’on a progressivement supprimé, ou peu s’en faut, l’autonomie fiscale des départements et des régions – celle des communes a été à peu près maintenue. Si nous étions un peu modernes, nous mettrions fin à ces débats, qui portent tout de même sur des transferts annuels de 100 milliards entre l’État et les collectivités locales, qui sont sous perfusion, et nous recréerions une autonomie fiscale, sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé au sein du comité des finances locales (CFL), dont Gilles Carrez et moi-même avons été vice-présidents pendant des années. Il faut sortir de ce conservatisme, qui limite la réflexion à l’opposition entre l’État et les collectivités. Si nous étions modernes, nous nous réunirions autour d’une table, toutes tendances confondues, pour réfléchir aux moyens de rétablir un niveau suffisant d’autonomie fiscale, ce qui éviterait ces débats. Depuis vingt-neuf ans, Gilles Carrez et moi-même avons été témoins de chicayas en tous sens, qui n’aboutissent à rien. Mais personne ne veut redonner de l’autonomie fiscale, si ce n’est dans les discours. Il n’y a qu’une piste à suivre : la CSG, au moins pour les départements et les régions, en prévoyant une petite marge de taux. Cela permettrait de responsabiliser les élus. De surcroît, c’est un impôt payé par 80 % des Français.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que la CSG doit logiquement financer les dépenses sociales. Les seules réformes récemment intervenues en matière de fiscalité locale ont été instaurées à la suite de la suppression d’un impôt, que ce soit la taxe professionnelle ou la taxe d’habitation. Dans les deux cas, il s’est agi de réformes de la compensation de la perte de recettes. Certes, cela a donné un paysage assez baroque et incompréhensible. J’ajoute que le juge constitutionnel n’accorde pas tout à fait la même portée que les élus à l’autonomie fiscale…

Mme Claudia Rouaux. Je reviens sur l’engagement des collectivités régionales auprès des transporteurs scolaires pendant la pandémie. Nous avons dû quasiment supporter la totalité des coûts, hors les salaires des conducteurs. Si les régions et les départements n’avaient pas pris en charge le coût du transport, aucune entreprise du secteur n’aurait pu exercer son activité en septembre, pour la rentrée scolaire. La Bretagne a dû assumer d’autres charges, au titre du transport maritime. Nous avons subi une baisse considérable des immatriculations et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui sont les seuls revenus fiscaux des régions. La collectivité de Bretagne a subi une perte de 7 millions d’euros, à laquelle s’ajoute le montant de la revalorisation des rémunérations des agents de catégorie C, à hauteur de 500 000 euros. L’impact global pour notre région, dans le cadre du PLF pour 2022, s’élève donc à 7,5 millions d’euros.

M. le président Éric Woerth. Il est naturel, madame Rouaux, alors que le PIB a baissé de 8 % en 2020, que les collectivités locales aient souffert de la crise. Le contraire eût été étonnant ! Elles ont pris leur part à l’effort, aux côtés des entreprises, de l’État et de la sécurité sociale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous sur ce point, monsieur le président.

La crise et la sortie de crise ont montré que le niveau de décentralisation, dans notre pays, présente un caractère largement insatisfaisant. Nos débats ne font que conforter ce constat. Nous nous livrons à des batailles dont les Français se moquent éperdument et qu’ils ne comprennent absolument pas, parce que ce sont des querelles politiques et non objectives. À cet égard, je partage le point de vue de Charles de Courson. Nous avions débattu de l’autonomie fiscale lors de la révision constitutionnelle car notre loi fondamentale ne mentionne pas cette forme d’autonomie : il est seulement question de l’autonomie financière. Ce que l’on appelle communément autonomie fiscale, c’est le pouvoir de taux, ce qui est très différent de ce que dit le constituant. Je ne suis absolument pas opposé à ce que l’on rétablisse le pouvoir de taux.

Je reconnais volontiers que la suppression de la TH et la baisse des impôts de production ont distendu le lien entre le contribuable et la collectivité. On pourrait envisager de reconstruire ce lien à l’avenir, bien que la qualité des débats entre les élus locaux, les présidents des collectivités, le Gouvernement et la majorité présidentielle ne donne pas envie d’aller plus loin sur le sujet. Nous n’arriverons à rien sans un climat de confiance entre élus locaux et pouvoir central. Je ne comprends pas, à titre personnel – je suis un jeune député – comment on peut, à l’image des communiqués de Régions de France, continuer à verser dans l’outrance et à surfer sur la victimisation alors que, comme le dit le président Woerth, chaque collectivité doit participer à l’effort. Chacun se doit de reconnaître que l’État – les chiffres l’attestent – a procuré des ressources à toutes les collectivités et a compensé les dépenses. Tant que régnera un climat politique délétère entre élus locaux et État central, l’étape suivante de la décentralisation ne sera pas près de voir le jour. Je vous donne rendez-vous dans quelques semaines, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS.

M. Éric Coquerel. Je ne suis pas favorable à l’autonomie fiscale des collectivités, car chacune d’elles établirait ses propres impôts, ce qui conduirait à la dislocation d’un État un et indivisible, auquel je tiens. Toutefois, l’État devrait rembourser aux collectivités, à l’euro près, les dépenses qu’elles ont engagées pour assumer les compétences qui leur ont été déléguées. Or tel n’est pas le cas. Par ailleurs, s’il est normal que les collectivités aient dû consentir un effort pendant la crise, la question de leur dette n’est jamais évoquée. Celle des États fait l’objet de mécanismes européens qui prévoient leur prise en charge par la Banque centrale européenne. En revanche, on ne prend pas en considération la dette des collectivités et, partant, on ne propose aucune solution en la matière.

M. le président Éric Woerth. La dette des collectivités est à l’heure actuelle très soutenable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF335, I-CF483, I-CF645 et I-CF885.

Puis elle adopte l’article 11 non modifié.

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Après l’article 11

Amendements identiques I-CF227 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF334 de Mme Véronique Louwagie, ICF554 de Mme Christine Pires Beaune et I-CF567 de M. Christophe Naegelen.

Mme Émilie Bonnivard. L’automatisation du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), qui est entrée en vigueur cette année, a eu pour effet d’exclure du champ d’application du dispositif les dépenses des collectivités locales relatives à l’acquisition, l’agencement et l’aménagement de terrains. Celles-ci concernent un large spectre d’opérations, telles que l’aménagement de terrains de sport, la protection et la mise en valeur d’espaces naturels, l’aménagement de parcours de randonnées, la création de parcs urbains, le développement de pistes cyclables, etc. Ces opérations représentent généralement des montants élevés ; leur exclusion du FCTVA entraînera mécaniquement une perte de recettes substantielle, qui réduira la capacité des collectivités à financer leurs projets d’investissement. Cela fragilisera la relance économique et l’investissement dans la transition écologique. L’amendement vise donc à réintégrer ces dépenses dans l’assiette du FCTVA.

Mme Véronique Louwagie. Les collectivités vont subir une perte de recettes, puisque les dépenses relatives à l’acquisition, l’agencement et l’aménagement de terrains étaient jusqu’à présent éligibles au FCTVA. Nous vous demandons de les réintégrer.

Mme Christine Pires Beaune. Cette situation est regrettable. Ce n’était pas la volonté du législateur. Nous en sommes réduits à devoir corriger ce que fait l’administration derrière le dos des parlementaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. On est passé en matière de FCTVA d’une logique purement juridique à un raisonnement comptable, ce qui aboutit à un gain global pour les collectivités de plus de 200 millions d’euros ; même si certaines dépenses ne sont plus éligibles, d’autres le sont devenues. Madame Bonnivard, vous évoquez l’achat de terrains, mais ce type de dépenses n’a pas vocation à être éligible au FCTVA, car il n’est habituellement pas grevé de TVA.

La commission rejette les amendements identiques I-CF227, I-CF334, I-CF554 et I-CF567.

Amendements identiques I-CF373 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF727 de M. Vincent Descoeur, I-CF748 de Mme Marie-Noëlle Battistel, I-CF759 de Mme Jeanine Dubié et I-CF863 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Émilie Bonnivard. Il s’agit de renforcer la solidarité envers les territoires de montagne par la prise en compte des dépenses qui leur sont propres. Il en va ainsi du déneigement, qui est évidemment une dépense obligatoire pour les communes de montagne. Mon amendement vise à rendre éligibles au FCTVA les dépenses obligatoires pour des raisons de sécurité, qui représentent des montants substantiels.

Mme Claudia Rouaux. Les communes de montagne ont été fortement affectées par la pandémie, puisque les stations sont restées fermées. Rendre éligibles au FCTVA les dépenses engagées au titre du déneigement leur donnerait un peu d’espoir pour l’avenir.

M. Michel Castellani. Les communes situées en zone de montagne doivent faire face à d’importantes dépenses de déneigement, qui constituent une obligation légale pour les maires.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement est issu de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM). Je salue le travail de ses membres, à commencer par sa présidente, Jeanine Dubié.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On en revient à une question acienne : la gestion doit-elle se faire par des investissements propres et l’utilisation des outils de la collectivité, ou donner lieu au paiement d’un opérateur ou d’un prestataire de services ? Qu’il s’agisse du déneigement ou d’autres dépenses de fonctionnement, liées par exemple à l’assainissement ou à la propreté, c’est la même alternative. Si vous investissez dans les outils, vous bénéficiez du FCTVA. Si vous payez un prestataire, cette dépense de fonctionnement n’est pas éligible au fonds de compensation.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF373, I-CF727, I-CF748, I-CF759 et I-CF863.

Amendements I-CF1023 et I-CF1024 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Sandrine Le Feur. Ces amendements visent à rendre éligibles au fonds de compensation de la TVA les dépenses de fonctionnement des établissements publics et des collectivités relatives à des biens issus d’une activité de réparation, de réemploi, reconditionnés ou d’occasion. Le FCTVA constitue la principale aide de l’État aux collectivités territoriales. Or elle ne s’applique actuellement qu’aux dépenses d’investissement.

À titre d’exemple, une collectivité ayant un usage ponctuel d’un véhicule le loue occasionnellement plutôt qu’elle ne l’achète, ce qui engendre des dépenses de stockage et d’entretien. L’allégement de la TVA à titre dérogatoire rendrait plus attractives les dépenses de fonctionnement issues de l’économie circulaire. Cette dérogation n’est envisagée qu’à titre ponctuel, afin d’accélérer la transition vers des pratiques de consommation sobres et responsables dans le cadre de la commande publique.

L’amendement I-CF1023 vise à établir la dérogation du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025. L’amendement I-CF1024 de repli a pour objet de prévoir cette expérimentation sur une période de trois ans.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je reste défavorable à l’application du FCTVA aux dépenses de fonctionnement, car cela mettrait à mal le principe même de ce mécanisme.

M. le président Éric Woerth. Ces demandes sont réitérées chaque année, ce que l’on peut comprendre.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il peut y avoir des dérogations dans des cas exceptionnels, comme celle que nous avions prévue l’année dernière au profit des data centers, notamment en cas de location de longue durée. Parfois, le fait de refuser l’éligibilité au FCTVA confine à l’absurdité juridique. Toutefois, en règle générale, la dépense de fonctionnement n’entre pas dans son champ d’application.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1023 et I-CF1024.

Amendement I-CF547 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine. J’avais déjà déposé l’année dernière cet amendement, qui vise à prévoir le remboursement du FCTVA au cours de l’année suivant la dépense, et non deux ans après, pour permettre aux collectivités, notamment aux petites communes, de récupérer une capacité d’investissement plus rapidement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF547.

Amendements I-CF845, I-CF844, I-CF775, I-CF776 et I-CF778 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Le récent rapport Rebsamen a montré que, si l’on voulait relancer la construction, il fallait jouer sur les abattements de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Cela ne fait jamais que dix ans que je le dis… Le Premier ministre s’est récemment exprimé en ce sens à Bordeaux. Ces amendements d’appel – nous verrons quelle sera la position du Gouvernement dans l’hémicycle – visent à éviter que les communes construisant des logements soient pénalisées. À l’heure actuelle, elles perdent le produit de la TFPB, ce qui ne les incite pas à construire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le Gouvernement présentera sans nul doute un amendement en séance. Je vous invite donc à retirer vos amendements.

Les amendements I-CF845, I-CF844, I-CF775, I-CF776 et I-CF778 sont retirés.

Amendement I-CF65 de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. C’est un amendement d’appel qui a trait au même sujet que les précédents. Dans les zones tendues, où les besoins en logements sont les plus criants, les maires, quelle que soit leur sensibilité politique, sont de plus en plus réticents à construire. Parmi les raisons qui expliquent ce choix, il y a la volonté de ne pas densifier, bétonner, etc. Mais j’estime, comme François Pupponi que, depuis quelques années, le problème des exonérations de foncier bâti sur le logement locatif social devient insupportable. J’appelle l’attention de Jean-René Cazeneuve sur le coefficient correcteur. À Ormesson, par exemple, dans le Val-de-Marne, ce coefficient atteint 1,8, ce qui signifie qu’une exonération de foncier bâti sur du logement locatif social coûte 180, contre 100 dans le système précédent. C’est insupportable ! Au vu des plans de financement prévisionnels de ces communes, il apparaît clairement qu’elles seront dans l’incapacité de construire l’école et les équipements nécessaires pour accueillir de nouveaux habitants. Je suis complètement en phase avec les conclusions du rapport Rebsamen. Nous devons traiter rapidement cette question.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Même avis que précédemment. Monsieur Carrez, je vous demande de retirer votre amendement dans l’attente du débat en séance.

L’amendement I-CF65 est retiré.

Amendement I-CF972 de M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Cet amendement vise à intégrer les départements dans le mécanisme de compensation des pertes fiscales et domaniales instauré par l’article 21 de la loi du 30 juillet 2020, auquel les communes peuvent prétendre. Du fait de la fermeture des remontées mécaniques, les départements ont perdu les recettes liées à la taxe sur le chiffre d’affaires de ces installations. Ils ont également été privés du bénéfice de la taxe additionnelle de séjour. Nous espérons qu’ils finiront par percevoir les compensations promises. Il serait juste qu’ils bénéficient du mécanisme précité. L’amendement vise aussi à proroger d’un an supplémentaire l’application du dispositif aux communes.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je rappelle qu’au vu de l’ensemble des rapports disponibles sur les finances locales, la situation des départements est encourageante pour 2021, puisque leurs recettes devraient augmenter de 2,5 % et leurs investissements de 7,6 %. Leur autofinancement devrait revenir à un niveau supérieur à celui de 2018, selon la Banque postale. Les recettes qu’ils percevront au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) devraient augmenter, de manière assez inattendue, de 20 % : ce sont les recettes fiscales qui connaîtront la plus forte hausse. Parallèlement, le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a baissé de 2,4 % au 1er trimestre 2021, selon les chiffres de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Pour les départements qui subiraient malgré tout un effet de ciseau trop marqué, l’article 12 propose d’expérimenter la recentralisation du RSA.

L’État a soutenu les départements au cours de la crise de plusieurs façons. Il leur a accordé, dès la troisième loi de finances rectificative pour 2020, des avances remboursables au titre des DMTO. Il a abondé et élargi le fonds de stabilisation pour les départements, que l’on a porté, dans la loi de finances pour 2021, à 200 millions d’euros. Il a enfin accordé une fraction de TVA de 250 millions d’euros aux départements les plus fragiles.

L’ensemble de ces éléments me confortent dans l’idée que les départements ont été bien accompagnés pendant la crise et le sont encore pour 2022. Les filets de sécurité, qui sont, par définition, des garanties apportées en période de baisse de recettes, et non lorsque celles-ci augmentent de nouveau, ne sont pas, aujourd’hui, un outil adapté. Défavorable.

M. Vincent Rolland. J’entends ce que dit M. le rapporteur général, mais il s’agit de dispositions concernant les départements dans leur généralité. L’amendement concerne des départements dans lesquels un secteur d’activité particulier – lié au ski, pour ne pas le nommer – a de fortes incidences sur le dynamisme économique d’ensemble. Or les pertes de recettes liées à ces activités ne sont pas compensées pour les départements, mais le sont pour les communes – l’amendement vise aussi à proroger d’un an le dispositif applicable à ces dernières. Il y a là une forme d’inéquité de traitement. L’hiver dernier, il a beaucoup neigé. Même s’il y avait peu de vacanciers, en raison de la fermeture des remontées mécaniques, il a tout de même fallu déneiger.

La commission rejette l’amendement I-CF972.

Amendement I-CF259 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Je suis d’accord avec M. Rolland.

Selon M. le rapporteur général, le filet de sécurité sert à garantir les recettes. Tel est précisément l’objet de mon amendement.

La LFR de juillet 2020 prévoyait en effet un mécanisme de compensation des pertes fiscales et domaniales. La loi de finances initiale pour 2021 l’a repris dans son article 74 mais celui-ci ne prend plus en considération que les premières. Les communes qui, sur leur territoire, ont des stations de ski ont très largement subi les conséquences de la crise au début de 2021 et ce filet de sécurité ne tient donc pas compte des pertes telles que les produits domaniaux – restauration scolaire, activités sportives et culturelles, locations – et les redevances de délégation de service public – remontées mécaniques, parkings… Cette distorsion entre les mécanismes de 2020 et de 2021 étant injuste, il convient de prolonger le mécanisme originel de compensation jusqu’en 2021.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous oubliez de dire que les recettes tarifaires qui n’avaient pas été compensées en 2020 l’ont été en 2021. C’est notamment le cas de la dotation pour les régies commerciales et du fonds d’urgence pour les services administratifs, ce qui représente un total de 200 millions d’euros.

Si vous le souhaitez, nous pouvons regarder ensemble, avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui sont les perdants sur l’exercice 2021 sur les plans domanial et tarifaire.

Mme Émilie Bonnivard. Cela s’impose, en effet.

La commission rejette l’amendement I-CF259.

Amendements identiques I-CF820 de M. Brahim Hammouche et I-CF915 de M. Julien Aubert.

M. Brahim Hammouche. J’ai été alerté sur un problème particulier par deux communautés de communes, l’une, de l’Arc Mosellan et l’autre, sur ma circonscription, du Pays Haut Val d’Alzette. Peu fortunées, elles contribuent plus au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) qu’elles ne perçoivent de fiscalité des entreprises alors que celle-ci est, avec le foncier, leur seul levier fiscal, ce qui affecte l’attractivité du territoire. De surcroît, leur potentiel fiscal est inférieur à la moyenne des établissements public de coopération intercommunale (EPCI) de même nature.

Cet amendement visant à donner plus de souplesse au FNGIR permettrait de redonner une marge de manœuvre à 43 communautés de communes.

M. Julien Aubert. Mon amendement a été discuté avec un certain nombre d’intercommunalités et fait consensus en réparant une injustice à l’endroit des intercommunalités dont le niveau de richesses est relativement faible par rapport à d’autres, de même catégorie, et qui contribuent plus au FNGIR qu’elles ne le devraient. Nous proposons donc de plafonner cette contribution à 100 % des recettes de fiscalité économique. Dans ma circonscription, une voire deux intercommunalités sont concernées suite à la suppression de certaines taxes locales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est exact : la rigidité du FNGIR est problématique mais c’est une réforme d’ensemble qui s’impose.

Des EPCI se trouvent contributeurs nets au FNGIR alors que leur dynamique économique est défavorable. C’est la double peine ! J’ajoute qu’une compensation est en revanche effective, et dynamique, avec le transfert de la TVA aux EPCI suite à la réforme de la taxe d’habitation.

Avis défavorable.

M. Gilles Carrez. Le FNGIR a été créé voilà dix ans et les montants doivent être réajustés.

Avec les nouvelles recettes qui ont remplacé la taxe professionnelle, certaines collectivités ont reçu beaucoup plus que ce qu’elles avaient perdu et, ainsi, elles ont contribué au FNGIR, mais, dix ans après, l’injustice peut être flagrante lorsque ces recettes diminuent, la contribution au FNGIR étant, elle, maintenue.. D’autres collectivités en profitent alors qu’elles sont beaucoup plus riches !

Inversement, la situation des collectivités bénéficiaires de ce dispositif a pu elle aussi évoluer suite, par exemple, à des départs d’entreprise et les montants perçus sont les mêmes qu’il y a dix ans. J’ajoute que dans l’ancien système, la péréquation du fonds de garantie de taxe professionnelle permettait une compensation en biseau sur cinq ans.

Nous devons donc remettre à plat l’ensemble du fonctionnement du FNGIR et sans doute cela sera-t-il un peu plus facile, madame Pires-Beaune, que la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) !

M. le président Éric Woerth. Le FNGIR est en quelque sorte une « photographie » et, comme tel, il est figé.

M. Jean-René Cazeneuve. Je ne peux qu’être d’accord, ce qui témoigne d’ailleurs de la faiblesse de la réforme telle qu’elle a été pensée à l’origine. Celle de la taxe d’habitation visait précisément à ne pas répéter l’erreur d’une compensation fixe.

M. le président Éric Woerth. C’est l’expérience !

M. Jean-René Cazeneuve. En effet.

Des EPCI sont perdants, d’autres, gagnants compte tenu de la dynamique de leurs impôts de production. Une réforme globale du FNGIR supposerait d’en rester à l’esprit de l’enveloppe « fermée » et de faire en sorte que ce qui est perdu par les uns soit gagné par les autres, ce qui ne va pas dans le sens de ces amendements.

Enfin, il conviendrait de mesurer les conséquences du dispositif de plafonnement du FNGIR voté l’année dernière et des différents critères retenus, avant d’imaginer une réforme plus ambitieuse. Le décret vient d’être publié ; 300 communes seront concernées.

M. Julien Aubert. Tout le monde est d’accord sur le diagnostic.

Il faut bien comprendre que nous parlons d’EPCI composés de petites communes qui deviennent contributeurs nets au profit d’EPCI bien plus riches et puissants. De surcroît, ils sont confrontés aux problèmes que connaissent les territoires enclavés ou ruraux.

Plus nous attendrons, plus les écarts seront importants, alors qu’il en va de l’aménagement du territoire et de la simple justice. Ne disons pas comme Louis de Funès dans La Folie des grandeurs : « Les riches, c’est fait pour être très riches et les pauvres, pour être très pauvres » ! Telle pourrait être pourtant la devise de ce curieux système « shadokien » !

J’entends bien tous ceux qui militent en faveur d’une réforme globale mais, cela ne vous aura pas échappé, il y a une échéance électorale l’année prochaine. Avant que l’on se penche sur cette question, deux belles années peuvent encore s’écouler compte tenu de la complexité du problème. Or mes maires et mes présidents d’intercommunalité ont besoin de solutions maintenant. L’adoption de ces amendements permettrait d’une certaine façon de corriger cette injustice.

M. Charles de Courson. Le même problème se pose pour la taxe d’habitation : le coefficient correcteur est gelé et il faudra le dégeler, ce qui ne sera pas simple.

M. François Pupponi. Avec le FNGIR, la situation est encore plus perverse. On a dit aux pauvres : « Voilà ce que vous auriez pu gagner grâce à la réforme…et nous vous le reprenons pour le donner aux riches ! ».

M. Brahim Hammouche. Une réforme globale est certes envisageable mais il importe de faire d’ores et déjà un petit pas.

La commission rejette les amendements identiques I-CF820 et I-CF915.

Amendement I-CF358 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. La hausse salariale annoncée il y a quelques jours aura des conséquences directes sur les budgets des conseils départementaux compte tenu des personnels qui en dépendent – agents de la fonction publique hospitalière rattachés aux collectivités territoriales, soignants du secteur social et médico-social, aides à domicile. Dans le département des Ardennes, cela représente 6 millions, non compensés par l’État. Une compensation à l’euro près s’impose donc.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La revalorisation du traitement des agents de catégorie C, notamment ceux de la fonction publique territoriale, vise à ce qu’aucun agent public ne soit rémunéré en dessous du SMIC. Le principe du droit à compensation aux collectivités des revalorisations de traitement des agents publics n’existe pas.

Dans le cadre de la décentralisation, les collectivités, qui ont des compétences et des ressources, disposent de leur propre fonction publique territoriale. L’autonomie des collectivités suppose leur libre gestion.

M. Pierre Cordier. Je vous remercie pour cette réponse « techno » mais je vous demande simplement comment le département des Ardennes pourra trouver 6 millions d’euros dans son budget pour 2022.

Mme Christine Pires Beaune. La compensation ne me semble pas en l’occurrence une solution. En revanche, ce problème soulève la question de l’autonomie fiscale minimale des collectivités. Si leurs charges augmentent, elles doivent également pouvoir être libres d’augmenter leurs recettes.

Mme Véronique Louwagie. D’une part, une nouvelle charge pèsera sur les départements – elle s’élèvera, pour l’Orne, à environ 4 millions d’euros – et, d’autre part, la dynamique d’impôt liée à la taxe foncière disparaîtra – pour l’Orne, cela représente 1,1 million d’euros par an. Il n’est pas possible de faire peser de nouvelles dépenses sur les départements tout en les privant d’une partie de leur autonomie fiscale et financière.

M. le président Éric Woerth. La solution serait que les collectivités locales soient les employeurs et fixent elles-mêmes les règles salariales. Je ne suis d’ailleurs pas tout à fait sûr qu’elles seraient d’accord…

M. François Pupponi. Le problème se pose chaque fois que nous décidons, ici, d’une exonération de fiscalité locale et que les collectivités perdent une recette sans l’avoir décidé. Il en est de même lors de l’augmentation du point d’indice. La mairie de Sarcelles, lorsque j’étais maire, comptait 1 200 agents de catégorie C. L’augmentation du point d’indice par le Gouvernement représentait 700 000 ou 800 000 euros pour le budget de la commune sans qu’elle ait été budgétée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est le faible niveau de décentralisation qui pose un problème.

M. François Pupponi. Si la décentralisation s’applique, les collectivités s’assument mais il n’est pas possible de décider d’en-haut, centralement, de dépenses imprévues pour les collectivités.

J’entends la logique d’une augmentation salariale pour l’ensemble de la fonction publique mais, concrètement, ce n’est pas une décentralisation effective.

M. Éric Coquerel. Lorsque l’État décide d’une augmentation, elle doit s’appliquer à l’ensemble des fonctionnaires. Ce n’est pas aux collectivités d’en décider. L’amendement de bon sens de M. Cordier a le mérite de régler un problème concret : il n’est pas possible de demander à ces dernières de trouver des sommes dont elles ne disposent pas. La compensation aux collectivités me semble en l’occurrence normale.

Mme Claudia Rouaux. La technicité a un coût. Une commune, aujourd’hui, ne peut plus recruter des personnels dont la technicité est reconnue en raison de leur indice. Sans doute conviendra-t-il de travailler à d’autres dispositifs de recrutement dans la fonction publique.

La commission rejette l’amendement I-CF358.

Amendement I-CF263 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement d’appel concerne notamment les départements touristiques en saison hivernale. Les pertes de recettes liées au tourisme ne seront pas compensées mais les dépenses liées au RSA explosent et sont en moyenne très supérieures à la moyenne nationale en raison d’une absence d’embauche de saisonniers. Il convient donc de se pencher attentivement sur la situation de ces départements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF263.

Amendement I-CF352 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Les services publics industriels et commerciaux (SPIC) exercent un certain nombre de compétences dans les domaines culturel ou touristique. Nous avons voté un dispositif visant à compenser les pertes de 2020 sur le modèle des entreprises privées à partir du dispositif dit « coûts fixes ». Je vous propose sa prolongation pour les pertes de 2021.

J’ajoute que les collectivités concernées attendent impatiemment le décret pour 2020.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Sans doute est-ce encore un peu tôt pour connaître le niveau des pertes de 2021 et convient-il d’attendre le PLFR de fin d’année. J’ajoute que nous avons ouvert 200 millions d’euros pour compenser les pertes de recettes tarifaires au titre de 2020.

Demande de retrait.

Mme Christine Pires Beaune. Je soutiens cet amendement. J’ai d’ailleurs prévu d’en déposer un de même nature en séance publique.

Le ministre délégué Olivier Dussopt m’a confirmé que le décret devait passer devant le Comité des finances locales (CFL) en octobre et que les paiements seraient effectués avant la fin de l’année. Nous savons d’ores et déjà qu’un problème se posera pour 2021 et que la reconduction du dispositif s’impose – en particulier, pour les régies thermales.

L’amendement I-CF352 est retiré.

Amendements identiques I-CF336 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF452 de Mme Véronique Louwagie, ICF657 de Mme Sylvia Pinel et I-CF833 de M. François Pupponi.

M. Michel Castellani. Il convient de compenser pour 2022 les conséquences de la suppression de la part régionale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la baisse de 50 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties en proposant une dotation complémentaire de 107 millions d’euros visant à assurer la neutralité budgétaire pour les régions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Les régions ont perdu cette fraction des frais de gestion, qui représente près de 120 millions d’euros. J’ai cru comprendre que le Gouvernement pourrait faire preuve d’ouverture. M. le rapporteur général pourrait-il nous en dire plus ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’ai écouté comme vous le discours du Premier ministre devant Régions de France et j’imagine qu’un amendement gouvernemental sera présenté lors de la discussion de la seconde partie du présent texte concernant le remboursement des frais de gestion. Je ne doute pas que Régions de France saluera cette initiative par un communiqué !

La commission rejette les amendements identiques I-CF336, I-CF452, I-CF657 et I-CF833.

Amendement I-CF1062 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Je propose à nouveau l’instauration d’une dotation complémentaire de 107 millions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce qui vaut pour l’ensemble du territoire vaut pour la Corse.

M. Michel Castellani. Hélas !

M. le président Éric Woerth. C’est plutôt la métropole qui pourrait dire « hélas » !

La commission rejette l’amendement I-CF1062.

Amendement I-CF636 de M. Alain Bruneel.

M. Alain Bruneel. Cet amendement a été travaillé avec le maire de Grigny, Philippe Rio, et vise à créer une nouvelle dotation destinée aux communes faisant face à une charge scolaire particulièrement importante alors que leurs ressources sont insuffisantes.

De nombreuses villes populaires ont en effet une population particulièrement jeune et les dépenses éducatives y sont donc relativement plus élevées qu’ailleurs. Néanmoins, leurs ressources sont relativement plus faibles en raison d’une capacité contributive réduite de ces habitants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce mécanisme serait compliqué à appliquer. Il convient en effet d’aider plus encore les communes dont la charge scolaire est élevée et qui disposent de peu de ressources – d’où les dotations liées au dédoublement des classes, notamment en zones REP et REP+.

Pour rappel, 83 millions ont été consommés en 2018, 75 millions d’euros en 2019 à ce titre dans le cadre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), et 800 millions d’euros d’investissement ont été ainsi financés. Près de 15 % des crédits de la DSIL ont été utilisés pour cette priorité. Le fléchage des dotations de soutien à l’investissement, ça marche !

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement I-CF636.

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Article 12
Expérimentation de la recentralisation du RSA

Résumé du dispositif proposé

Le revenu de solidarité active (RSA) s’adresse aux personnes âgées d’au moins vingt‑cinq ans, ou sans condition d’âge pour les personnes assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître. Depuis le 1er septembre 2010, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant travaillé au moins deux années au cours des trois dernières années peuvent également en bénéficier.

Le revenu de solidarité Outre‑mer (RSO) est destiné aux personnes âgées de 55 ans au minimum, bénéficiant du RSA depuis au moins deux ans consécutifs sans avoir exercé d’activité professionnelle et s’engageant à quitter définitivement le marché du travail. Le RSO cesse d’être versé au moment où l’allocataire peut bénéficier d’une retraite à taux plein et au plus tard à 65 ans. Il s’applique dans les départements et régions d’outre-mer (hors Mayotte) et à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

La décentralisation du RSO et du RSA a conduit à transférer la décision d’attribution de ces deux allocations ainsi que leur financement aux départements, qui étaient déjà responsables du volet associé d’insertion professionnelle et sociale. Les caisses d’allocations familiales (CAF) ont conservé la gestion des allocations et se sont vu déléguer, dans une partie des départements, la compétence de décision dans l’attribution des droits au nom du président du conseil départemental.

Au titre du droit à compensation du transfert du financement du RSA, les départements se sont vu affecter :

– deux fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants ;

– le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) ;

– le dispositif de compensation péréquée (DCP).

Toutefois, en raison d’un contexte économique et social particulièrement défavorable nourrissant la dynamique des dépenses du RSA dans ces collectivités, la loi de finances pour 2019 a procédé à la recentralisation de l’exercice de la compétence RSA en Guyane et dans le Département de Mayotte. Le service public de l’emploi (dont Pôle emploi) et les collectivités territoriales concernées ont toutefois conservé leurs compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale.

La loi de finances pour 2020 a procédé à la recentralisation du RSA et du RSO pour le département de La Réunion (financement, attribution des prestations, instruction des demandes et orientation des bénéficiaires), et du RSO pour la collectivité territoriale de Guyane.

Le présent article propose aux départements volontaires d’expérimenter la recentralisation du RSA. Les départements peuvent se porter candidat dès le dépôt du présent projet de loi de finances et jusqu’au 15 janvier 2022.

Un décret en Conseil d’État fixera les critères d’éligibilité à l’expérimentation et un décret simple arrêtera la liste des candidats retenus.

La compensation pour l’État sera établie sur la base de la moyenne annuelle des dépenses de RSA, et le cas échéant de RSO, sur les années 2018 à 2020. Pour ce faire, l’État procèdera à la reprise temporaire, à compter du 1er janvier 2022, des ressources historiques : TICPE transférée, FMDI et DCP.

Le solde éventuellement non couvert par la reprise des ressources historiques est compensé par la reprise complémentaire d’une fraction maximale de 20 % du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ainsi que, le cas échéant, par une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Dernières modifications intervenues

La loi de finances pour 2004 a affecté une fraction de TICPE aux départements métropolitains, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au revenu minimu d’insertion (RMI).

La loi de finances pour 2006 a institué, en la matière, le FMDI sous la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des départements.

La loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion remplace par le RSA le RMI et d’autres mécanisme d’aide sociale.

La loi de finances pour 2009 a affecté une fraction de TICPE aux départements métropolitains, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de finances pour 2011 a affecté une fraction de TICPE aux départements d’outre-mer et à Saint-Pierre et Miquelon afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de finances pour 2012 a affecté une fraction de TICPE au Département de Mayotte, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de finances pour 2014 a créé le DCP permettant d’affecter les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux dépenses restées à la charge des départements en matière d’allocations individuelles de solidarité (AIS).

La loi de finances pour 2019 a recentralisé le RSA en Guyane et à Mayotte, et a créé le fonds de stabilisation à destination des départements, qui a vocation à accompagner les départements connaissant des difficultés en raison de la dynamique de leurs dépenses en matière d’allocations individuelles de solidarité (AIS).

La loi de finances pour 2020 a recentralisé le RSA et le RSO à La Réunion, et le RSO en Guyane.

La loi de finances pour 2020 a prévu, à compter de 2021, le remplacement de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) par une fraction de TVA (la TFPB étant entièrement affectée aux communes, en remplacement de la taxe d’habitation).

La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a augmenté le montant du fonds de stabilisation de 115 à 200 millions d’euros.

La loi de finances pour 2021 a prolongé le fonds de stabilisation en 2021, et en a élargi les critères d’éligibilité.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   état du droit

A.   l’attribution et le financement du RSA

1.   Le revenu de solidarité active (RSA)

Le RSA est une prestation à finalité sociale relevant de la solidarité nationale. L’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) dispose que « toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au RSA » qui « porte les ressources du foyer au niveau du montant forfaitaire » fixé par décret. Le RSA est ainsi une prestation sociale qui correspond à la différence entre, d’une part, un montant forfaitaire déterminé par décret et fixé en fonction de la composition du foyer et du nombre d’enfants à charge et, d’autre part, l’intégralité des ressources du foyer. Le droit à l’allocation est réétudié tous les trois mois selon les ressources perçues par le foyer au trimestre précédent.

Le RSA s’adresse aux personnes âgées d’au moins vingt-cinq ans, ou sans condition d’âge pour les personnes assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître. Le bénéficiaire ne peut pas être élève, étudiant ou stagiaire non rémunéré, ou encore en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité (article L. 262-4 du CASF). Depuis le 1er septembre 2010, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant travaillé au moins deux années au cours des trois dernières années peuvent également en bénéficier (article L. 262-7-1 du CASF).

Le bénéficiaire doit être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés et aux étrangers titulaires d’une carte de résident, ainsi qu’aux étrangers ayant droit au RSA majoré (cf. infra) et respectant des conditions de régularité du séjour (article L. 262-4 du CASF). Elle ne s’applique pas non plus aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État parti à l’accord sur l’Espace économique européen. Ces derniers doivent néanmoins avoir résidé en France durant les trois mois précédant la demande (article L. 262-6 du CASF).

L’allocation peut dans certaines conditions être majorée (RSA majoré). Cette majoration est accordée temporairement, sans condition d’âge, à un parent isolé assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée. La majoration est accordée jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant le plus jeune ou pour douze mois en l’absence d’enfant de moins de trois ans (article L. 262-9 du CASF).

Le montant forfaitaire servant de base de calcul au RSA est fixé par décret et fait l’objet d’une revalorisation au 1er avril de chaque année (article L. 262-3 du CASF).

Montants forfaitaires du RSA au 1er avril 2021

(en euros)

Nombre d’enfants
ou de personnes à charge

Personne
vivant seule

Personne
vivant en couple

Personne seule bénéficiant de la majoration

Sans enfant

565,34

848,01

725,96

Un enfant

848,01

1 017,61

967,95

Deux enfants

1 017,61

1 187,21

1 209,94

Par enfant supplémentaire

226,14

226,14

241,99

Source : caisses d’allocations familiales (CAF).

2.   L’attribution du RSA

Le RSA est attribué par le département dans lequel le demandeur réside ou a élu domicile. Le département peut déléguer l’exercice des compétences d’instruction et d’attribution de l’allocation aux caisses d’allocations familiales (CAF – article L. 262-13 du CASF) ou aux caisses de mutualité agricole (MSA) pour leurs ressortissants, qui sont responsables du service du RSA (article L. 262-16 du CASF).

Le RSA n’est pas seulement un dispositif de solidarité financière, il s’agit également d’un dispositif d’insertion professionnelle ou sociale. Si le bénéficiaire (allocataire ou conjoint) du RSA est sans emploi ou si ses revenus d’activité professionnelle au cours des trois derniers mois sont inférieurs à 500 euros par mois en moyenne, il est soumis aux droits et devoirs définis par la législation, c’est-à-dire à des obligations de démarches d’insertion en échange d’un accompagnement destiné à l’aider dans ces démarches (article L. 262-28 du CASF). Il fait en premier lieu l’objet d’une orientation par le département vers un organisme chargé de l’accompagner en vue d’une meilleure insertion professionnelle ou sociale. Cet accompagnement permet d’établir un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) lorsqu’il est orienté vers Pôle emploi (article L. 262-33 du CASF), ou un contrat d’engagements réciproques (CER) lorsqu’il est orienté vers un autre organisme d’insertion professionnelle ou sociale (article L. 262-34 du CASF). Le non-respect des engagements du bénéficiaire peut alors entraîner l’arrêt du versement du RSA et la radiation de la liste des bénéficiaires (articles L. 262-37 et L. 262-38 du CASF).

Le RSA a été étendu dans les conditions de droit commun à l’ensemble des départements d’outre-mer au 1er janvier 2011 ([222]), à l’exception du Département de Mayotte qui n’avait pas encore à cette date d’existence juridique. S’agissant de ce département, le RSA y a été déployé à compter du 1er janvier 2012 ([223]) avec plusieurs adaptations concernant les conditions d’éligibilité et le montant forfaitaire.

3.   La première dépense sociale des départements

Le RSA est l’allocation sociale qui couvre le plus de bénéficiaires.

foyers Allocataires des principaux minima sociaux en 2018

Source : données Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

En 2019, selon l’évaluation préalable du présent article, ce sont 1,95 millions de foyers qui sont bénéficiaires du RSA, pour une couverture de 3,87 millions de personnes.

Le RSA est aussi la première dépense sociale des départements. L’article L. 262-24 du CASF dispose que « le revenu de solidarité active est financé par les départements » tandis que l’article L. 522-14 du même code dispose que « le financement du revenu de solidarité est assuré par le département ». Par exception, l’État finance l’extension du RSA aux personnes de moins de vingt-cinq ans ayant exercé par le passé une activité professionnelle, dit « RSA jeune ».

Dépenses d’allocations par minimum social en 2018

(en millions d’euros)

Source : données Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

En 2019, les dépenses de RSA s’élèvent à 11,08 milliards d’euros pour les départements selon l’évaluation préalable du présent article. Les dépenses de RSA sont en hausse continue sur les dernières années.

Evolution des dépenses d’allocations de RSA

(en millions d’euros)

Source : données Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

Ce constat général recouvre toutefois une situation contrastée selon les départements.

Part d’allocataires du RSA pour 1 000 habitants en 2019

(Part d’allocataires du RSA pour 1 000 habitants de 15-64 ans)

G:\RESTREINT-RAPPORTEUR-GE\FINB-2021\Admin\BA\PLF22\RSA\Carte RSA allocataires départements.png

Source : Données CNAF et Insee, logiciel Observatoire des territoires.

 

Les allocataires sont concentrés dans certains départements. En 2019, pour la France entière, il y a environ 45,4 allocataires pour 1 000 habitants. En France métropolitaine, la Seine‑Saint‑Denis est le département qui comporte le plus d’allocataires pour 1 000 habitants (80,2).

Cette variation territoriale se retrouve logiquement dans les dépenses de RSA par département.

Dépenses brutes d’allocations du RSA en 2019

(en milliers d’euros)

G:\RESTREINT-RAPPORTEUR-GE\FINB-2021\Admin\BA\PLF22\RSA\Carte RSA dépenses départements.png

Source : commission des finances à partir des données DREES, logiciel Observatoire des territoires.

Note : Les données de la DREES portent sur les dépenses de RSA « brutes ([224]) ». À noter que le montant moyen d’allocation peut varier selon les départements en fonction du revenu moyen d’activité perçu par les foyers bénéficiaires.

4.   Le financement du RSA

Les départements ont bénéficié, lors de la décentralisation du RMI et du RSO en 2004 et de la création du RSA en 2009, de compensations de la part de l’État. En effet, l’article 72-2 de la Constitution pose le principe selon lequel les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent s’accompagner des ressources consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Ainsi, il résulte de cet article et des décisions du Conseil constitutionnel que, « lorsqu’il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l’État, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » et qu’il appartient « à l’État de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui qu’il consacrait à l’exercice de cette compétence avant son transfert » ([225]).

Dans ce contexte, les départements se sont vu affecter plusieurs ressources de compensations et d’accompagnement au financement du RSA.

Les départements, à l’exception depuis le 1er janvier 2019 de la Guyane et de Mayotte, et depuis le 1er janvier 2020 de La Réunion, bénéficient de deux fractions de TICPE sur les carburants au titre du financement du RSO, du RMI et du RSA, pour un montant total de 5,3 milliards d’euros à compter de 2020 :

– une première fraction au titre du financement du RMI (4,5 milliards d’euros) : la fraction est calculée de sorte que le tarif appliqué aux quantités de carburants vendues sur l’ensemble du territoire en 2003 conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l’État en 2003 au titre des allocations de RMI (puis RSA) et de RSO. Le tarif appliqué pour calculer la fraction s’élève en 2019 à 12,891 euros par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et 8,574 euros par hectolitre s’agissant du gazole. Chaque département reçoit ensuite un pourcentage de cette fraction fixé en loi de finances ([226]) ;

– une deuxième fraction au titre du financement du RSA (0,8 milliard d’euros) : la fraction est calculée de sorte que le tarif appliqué aux quantités de carburants vendues sur l’ensemble du territoire en 2008 conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées en 2010 par l’État au titre de l’allocation de RSA en métropole et exécutées en 2011 par l’État au titre de l’allocation de RSA dans les départements d’outre-mer. Le tarif appliqué pour calculer la fraction s’élève en 2019 à 2,275 euros par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et à 1,610 euros par hectolitre s’agissant du gazole. Chaque département reçoit ensuite un pourcentage de cette fraction fixé en loi de finances ([227]).

Les départements bénéficient également du FMDI, créé par la loi de finances pour 2006 en vue de compenser les écarts entre la dépense de RMI puis de RSA, et le montant de TICPE versé en compensation. Le FMDI a été pérennisé en loi de finances pour 2017 (article L. 3331-16-2 du CGCT). Il est institué sous la forme d’un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État, pour un montant de 466 millions d’euros en 2021. Une part de 40 % du fonds est attribuée au titre de la compensation du RSA en fonction des restes à charge des départements. La deuxième et la troisième part du fonds, de 30 % chacune, financent respectivement de la péréquation en fonction d’un indice synthétique de charges, et de l’insertion au titre des contrats de travail aidés cofinancés par les départements. Depuis le 1er janvier 2019, la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte ne sont plus éligibles au fonds et, depuis le 1er janvier 2020, La Réunion n’y est plus éligible non plus.

En outre, depuis la loi de finances pour 2014, les départements bénéficient d’un DCP (article L. 3331-16-3 du CGCT). Le DCP s’inscrit dans le « Pacte de confiance et de responsabilité » du 16 juillet 2013 par lequel le précédent Gouvernement s’est engagé à compenser intégralement les revalorisations exceptionnelles du montant du RSA socle adoptées en 2013 (augmentation de + 10 % sur cinq ans, hors inflation). Il est doté d’un montant de 1 031 millions d’euros en 2021 (programme 833 Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes de la mission Avances aux collectivités territoriales). Il est alimenté par les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) perçus par l’État ([228]). Une première part (70 %) est attribuée au titre de la compensation, qui tient compte du montant des dépenses restées à la charge des départements au titre des trois AIS ([229]). Une seconde part (30 %) est attribuée au titre de la péréquation, répartie sur la base de critères de ressources et de charges, tels que le revenu des habitants et le nombre d’allocataires des trois AIS rapportés au nombre d’habitants.

En complément de l’aide pérenne versée au titre du DCP, l’article 77 de la loi de finances pour 2014 a permis aux conseils départementaux de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 3,8 % à 4,5 %. Selon l’évaluation préalable du présent article, ce rehaussement a permis aux départements de dégager une recette fiscale supplémentaire de plus de 2 milliards d’euros en 2019. En 2021, seuls l’Indre, l’Isère, le Morbihan et Mayotte appliquent un taux de 3,8 %. Tous les autres départements ont institué le taux maximum de 4,5 % ([230]).

Il a également été créé un fonds de solidarité en faveur des départements (FSD) qui vise à réduire les inégalités constatées entre eux en matière de reste à charge par habitant au titre des dépenses d’AIS. Il est alimenté par un prélèvement forfaitaire sur les recettes fiscales des départements et correspond à 0,35 % des bases de DMTO qu’ils ont perçus en 2013. L’éligibilité des départements à ce fonds dépend de leur potentiel fiscal par habitant. Depuis le 1er janvier 2020, le FSD a été fusionné par la loi de finances pour 2020 dans le fonds unique des DMTO (le fonds national de péréquation des DMTO), dont il constitue la troisième enveloppe (article L. 3335‑2 du CGCT), les modalités d’attribution étant restées identiques. Le montant de cette troisième enveloppe s’est élevé à 743 millions d’euros en 2020 ([231]).

Enfin, devant la persistance de la hausse des dépenses en matière d’AIS, et les difficultés budgétaires connues par certains départements, l’article 261 de la loi de finances pour 2019 a créé un nouveau fonds de stabilisation doté de 115 millions d’euros pour une durée initiale de trois ans, pour accompagner les départements connaissant des difficultés en raison de la dynamique de leurs dépenses en matière d’AIS. La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a porté ce montant à 200 millions d’euros ([232]). Les critères d’éligibilité ont été assouplis en loi de finances pour 2021 pour élargir le nombre de départements bénéficiaires ([233]).

Toutefois, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, le transfert de TICPE et le bénéfice du FMDI et du DCP sont des compensations dites historiques et correspondent aux charges constatées à la date du transfert. La dynamique de la charge incombe donc depuis la date du transfert aux départements, qui doivent en assurer le financement par leurs propres ressources. En 2019, le taux de couverture moyen des dépenses de RSA des départements par les ressources exposées ci‑dessus est de 84,04 % (selon l’évaluation préalable du présent article).

Aussi certains départements ont pu observer une forte progression des dépenses liées au RSA ces dernières années, du fait de la concentration de la pauvreté sur leur territoire et le cas échéant d’une amélioration du taux de recours, mais également pour certains territoires ultra-marins, d’un contexte démographique, socio-économique et géographique particulièrement défavorable.

5.   La recentralisation du RSA dans certaines collectivités d’outre‑mer

En 2016, le précédent Gouvernement avait évoqué la recentralisation du RSA, à la condition que les départements s’engagent à renforcer l’accompagnement des bénéficiaires vers l’insertion et l’emploi. Les négociations avec l’Assemblée des départements de France n’avaient cependant pas pu aboutir, le désaccord s’étant notamment cristallisé sur le choix de l’année de référence retenue pour calculer le montant de la compensation pour l’État.

Les lois de finances pour 2019 et 2020 ont procédé à la recentralisation du RSA et du RSO pour certaines collectivités d’outre‑mer en raison d’un contexte économique et social particulièrement propice à la dynamique des dépenses du RSA dans ces territoires.

La loi de finances pour 2019 a procédé, à compter du 1er janvier 2019, à la recentralisation de l’exercice de la compétence RSA par la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte, c’est-à-dire à la recentralisation de l’attribution de la prestation, de l’instruction des demandes par la CAF et la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), du financement des allocations et de l’orientation des bénéficiaires. Le service public de l’emploi (dont Pôle emploi) et les collectivités territoriales concernées ont toutefois conservé leurs compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale.

La loi de finances pour 2020 a procédé, à compter du 1er janvier 2020, à la recentralisation du RSA et du RSO pour le département de La Réunion, c’est-à-dire la recentralisation de la prestation, de l’instruction des demandes et de l’orientation des bénéficiaires. La Réunion a conservé ses compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale. Par cohérence, la même loi a également recentralisé le financement des dépenses relatives au RSO pour la collectivité territoriale de Guyane de manière rétroactive (le RSO n’est pas applicable à Mayotte).

Ces deux lois de finances ont posé le principe d’un droit à compensation pour l’État. Il a été calculé par la moyenne des dépenses exposées les trois années précédant le transfert de la compétence.

L’article 81 de la loi de finances pour 2019 dispose ainsi que « Le transfert à l’État de la compétence en matière d’attribution [du RSA] […] et d’orientation de ses bénéficiaires, ainsi que le transfert de la charge du financement de cette allocation s’accompagnent de l’attribution à l’État de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte. » Le montant du droit à compensation pour l’État est ainsi égal « à la moyenne sur la période de 2016 à 2018 des dépenses relatives à l’allocation [de RSA] […] exposées par les collectivités territoriales incluant la valorisation financière des emplois exprimés en équivalent temps plein travaillé non transférés à l’État affectés à l’attribution de l’allocation ».

L’article 77 de la loi de finances pour 2020 dispose dans la même logique que « Le transfert à l’État de la compétence en matière d’attribution des allocations [de RSA et de RSO] et en matière d’orientation de leurs bénéficiaires ainsi que le transfert de la charge du financement de ces allocations s’accompagnent de l’attribution à l’État de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par le département de La Réunion. » Le montant du droit à compensation pour l’État est ainsi égal « à la moyenne, sur la période de 2017 à 2019, des dépenses actualisées relatives aux allocations [de RSA et de RSO] exposées par le département de La Réunion, incluant la valorisation financière des emplois exprimés en équivalent temps plein travaillé non transférés à l’État affectés à l’attribution des allocations. »

Concernant le RSA, le droit à compensation se matérialise par l’arrêt des versements à ces collectivités des compensations historiques et des ressources d’accompagnement du RSA, c’est-à-dire des fractions du produit de la TICPE, ainsi que des versements réalisés au titre du FMDI et du DCP. Afin d’assurer une compensation intégrale, une réfaction sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) de la collectivité peut être prévue, ajustée l’année suivante une fois le montant des dépenses de RSA réellement exécutées sur l’exercice connu.

Le coût pour l’État de la recentralisation du RSA pour la collectivité de Guyane et le département de Mayotte a été estimé (évaluation préalable du PLF pour 2019) à hauteur respectivement de 142,6 millions d’euros et de 22,8 millions d’euros en 2019. La loi de finances pour 2019 a ainsi prévu la cessation du versement des financements historiques de compensation au titre des dépenses de RSA pour ces deux collectivités, ainsi qu’une reprise sur la DGF de Mayotte et sur le dernier versement de soutien au financement du RSA dans le cadre de l’Accord de Guyane. La réfaction sur la DGF de Mayotte a ensuite été ajustée en loi de finances pour 2020.

Le coût de la recentralisation du RSA et du RSO à La Réunion a été estimé, en loi de finances pour 2020, à 666 millions d’euros en 2020. En conséquence, la loi de finances pour 2020 a également prévu la cessation par l’État du versement des compensations historiques, ainsi qu’une réfaction de DGF, ajustée ultérieurement en loi de finances pour 2021.

Pour la recentralisation du RSA à La Réunion, il a en outre été prévu de procéder à une reprise complémentaire par l’affectation au budget général de l’État d’une fraction du produit de la taxe sur les tabacs, égale à 22,57 % du produit perçu à La Réunion  ([234]). Le montant prévu pour 2020 était de 50 350 000 euros ([235]) . Toutefois, la fraction de 22,57 % affectée à l’État étant fixée à ce taux de manière permanente dans la loi (4 de l’article 268 du code des douanes), la reprise opérée au bénéfice de l’État sur cette taxe suit la dynamique éventuelle du produit perçu sur le territoire de La Réunion. En conséquence, en cas de trajectoire haussière de ce produit, le montant total des reprises par l’État dépassera le montant du droit à compensation tel que défini juridiquement par la loi de finances pour 2020.

6.   L’expérimentation d’une recentralisation du RSA proposée dans le cadre de la loi « 3DS »

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dit « 3DS ») a été adopté en première lecture au Sénat et transmis à l’Assemblée nationale, pour une inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale qui pourrait intervenir en décembre 2021.

Son article 35 prévoit d’expérimenter pendant cinq ans, dans des départements volontaires, la recentralisation des compétences, actuellement dévolues aux conseils départementaux, d’instruction administrative, d’attribution, de contrôle administratif et de financement du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité en outre-mer (RSO).

Il met en place, dans des départements volontaires désignés par décret, une expérimentation d’une durée de cinq ans du transfert à l’État de compétences dévolues au département relatives au RSA et au RSO : instruction administrative, décision d’attribution, examen des éventuelles réclamations et recours contentieux, contrôle administratif des versements et recouvrement des indus, et financement.

Les compétences d’orientation et d’accompagnement social des bénéficiaires resteraient donc de la responsabilité des départements.

Le dispositif prévoit que l’État pourra déléguer tout ou partie des compétences qui lui ont été transférées aux CAF et, pour leurs ressortissants, aux caisses de MSA.

Une convention entre le préfet de département et le président du conseil départemental doit être signée avant la mise en œuvre de l’expérimentation, et doit faire l’objet d’un rapport de suivi annuel du président du conseil départemental soumis à l’approbation préalable de l’assemblée délibérante. Le rapport rend compte des résultats obtenus en matière d’insertion.

Une évaluation de l’expérimentation doit être engagée conjointement par l’État et chaque département six mois avant la fin de l’expérimentation.

Enfin, les modalités d’application de l’expérimentation sont renvoyées à un décret en Conseil d’État, et les modalités financières de l’expérimentation sont renvoyées à une loi de finances.

La commission des affaires sociales du Sénat a rappelé que la recentralisation du RSA « ne fait pas l’unanimité au sein de l’ADF ([236]) », dans la mesure où « de nombreux départements considèrent notamment que l’on peut difficilement découpler la compétence d’accompagnement social de celles liées au RSA([237]). » Constatant le renvoi des modalités financières à une loi de finances, elle a estimé le dispositif « inabouti ». Elle a en outre exprimé l’inquiétude d’un élargissement de la recentralisation à des départements qui ne seraient pas volontaires à l’issue de l’expérimentation. Pour ces raisons, elle a proposé à la commission des lois de supprimer l’article. Le Sénat l’a rétabli en séance publique à l’initiative du Gouvernement. Il figure donc dans le texte transmis à l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021.

II.   Dispositif proposé

A.   L’expérimentation de la recentralisation pour les départements volontaires

1.   Le transfert de l’exercice de la compétence RSA des départements volontaires vers l’État

Le I du présent article prévoit, comme le dispositif adopté au Sénat, l’expérimentation, « pour renforcer les politiques d’insertion », du transfert à l’État :

– de l’instruction administrative et de la décision d’attribution du RSA et du RSO ;

– de l’examen des réclamations et recours contentieux ;

– du contrôle administratif et du recouvrement des indus sur le versement des prestations ;

– du financement des prestations.

La compétence d’orientation des bénéficiaires reste donc départementale.

Une convention doit être signée entre le préfet de département et le président du conseil départemental au plus tard le 1er mars 2022. Le Rapporteur général note que cette date semble tardive pour engager l’expérimentation dès l’année 2022 dans de bonnes conditions de sécurité juridique. L’expérimentation prend fin le 31 décembre 2026 au plus tard.

Le II précise que l’État pourra déléguer l’instruction, la décision d’attribution et l’examen des réclamations et des recours contentieux aux CAF et, pour leurs ressortissants, aux caisses de MSA.

Le III précise que lorsque l’expérimentation porte sur le RSO, la collectivité concernée (Guadeloupe ou Martinique) ne peut plus modifier, en fonction de l’évolution de son marché du travail, les conditions d’accès à l’allocation relatives à l’âge du bénéficiaire et la durée de perception du RSO.

Le IV prévoit que, dans les départements participant à l’expérimentation, les CAF et les caisses de MSA, à la place du président du conseil départemental ou de ses services :

– peuvent déroger par décision individuelle à l’exclusion des élèves, étudiants ou stagiaires du bénéfice du RSA (1° du IV) ;

– assistent le demandeur pour les démarches nécessaires au droit au RSA (le bénéficiaire doit faire valoir ses droits aux autres prestations et créances d’aliments ou pensions alimentaires – 2° du IV). En effet, le RSA est une prestation subsidiaire : le demandeur doit faire valoir ses droits aux autres prestations sociales et créances alimentaires auxquels ils pourraient prétendre avant de faire valoir ses droits au RSA. Les CAF et caisses de MSA servent le RSA à titre d’avance une fois que les démarches sont engagées et sont subrogées pour le compte de l’État dans les droits du foyer vis-à-vis des organismes sociaux ou de ses débiteurs ;

– statuent sur les demandes de dispense des obligations de faire valoir ses droits, éventuellement mettent fin au versement ou le réduisent ( du IV) ;

– attribuent le RSA (4° du IV) ;

– procèdent à l’instruction administrative des demandes (5° du IV) ;

– assurent le service du RSA (6° du IV) ;

– procèdent au versement d’avances sur droits supposés (8° du IV).

Le 7° du IV procède à une coordination sur le réexamen des demandes.

Le 9° du IV prévoit que, pendant l’expérimentation, le RSA est financé par l’État. Les frais de gestion exposés pour la recentralisation du RSA par les CAF et caisses de MSA sont aussi pris en charge par l’État.

Le 10° du IV renvoie à un décret les modalités de la convention entre l’État et les CAF et caisses de MSA. Le décret devra notamment préciser les conditions dans lesquelles le RSA est instruit, attribué, servi et contrôlé par les CAF et caisses de MSA pour le compte de l’État, les objectifs fixés par l’État à ces organismes et le contrôle de leur réalisation, ainsi que les engagements de qualité de service et de contrôle pris par ces organismes.

Le 11° du IV écarte la faculté du conseil départemental de décider de montants plus favorables pour l’allocation de RSA que ceux prévus par les lois et règlements.

Le 12° du IV prévoit que, dans le cadre de l’expérimentation, c’est le directeur de la CAF ou de la caisse de MSA qui peut suspendre tout ou partie du RSA et non plus le président du conseil départemental. Le directeur saisit l’équipe pluridisciplinaire ([238]) pour avis. Au titre de sa compétence en matière d’insertion, le président du conseil départemental conservera toutefois la possibilité de solliciter auprès des CAF ou des caisses de MSA la suspension des droits d’un bénéficiaire qui ne respecterait pas ses engagements. Il est aussi informé par l’organisme payeur des décisions relatives à la suspension ou à la reprise des versements.

Par cohérence, la radiation des listes des bénéficiaires relèvera du directeur de la CAF ou de la caisse de MSA (13° du IV).

La compétence d’orientation des bénéficiaires demeure départementale. Les 14° à 21° du IV et les dispositions du V effectuent les coordinations nécessaires pour adapter les procédures de contrôle et d’échanges d’informations, de recours administratifs, de récupération des indus et de lutte contre la fraude.

2.   La définition juridique des modalités de calcul du montant à compenser à l’État au titre de la recentralisation

Le VI pose le principe et les modalités du droit à compensation de l’État. Le transfert expérimental s’accompagne de l’attribution à l’État des ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par les départements.

Le droit à compensation est égal à la moyenne triennale, sur la période de 2018 à 2020, des dépenses actualisées relatives au RSA et au RSO. Le choix d’une période triennale de référence est classique, et a été utilisée pour les précédentes recentralisations dans des collectivités d’Outre‑mer. Pour ces recentralisations, le triennal couvrait les trois années précédant la recentralisation, ce qui aurait justifié pour la présente expérimentation le choix des années 2019 à 2021. La prise en compte de l’année 2021 aurait cependant été défavorable aux départements dans le calcul du droit à compensation, si la hausse des dépenses de RSA liée à la crise et constatée en 2020 (voir ci‑dessous) devait se maintenir en 2021. Le présent article propose donc de prendre en compte l’année 2018 plutôt que l’année 2021, afin de davantage lisser les effets de la crise et de favoriser les finances des départements concernés.

Le VII prévoit ainsi qu’à compter du 1er janvier 2022, afin d’assurer le financement du droit à compensation, l’État suspend le versement aux départements concernés :

– des fractions de TICPE ;

– des ressources allouées au titre du FMDI ;

– des ressources allouées au titre du DCP.

S’il est constaté, une fois le versement suspendu, l’existence d’un reste à financer à la charge de l’État, il est procédé à une reprise du produit perçu par les départements au titre des DMTO, dans la limite d’une fraction maximale de 20 %.

Si la reprise au titre des DMTO ne suffit pas à couvrir le reste à financer, il est procédé à une reprise au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) transférée au titre de la suppression de la taxe d’habitation (la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties a été remplacée par une fraction de TVA à compter de 2021).

Les reprises au titre du droit à compensation sont déterminées à la date de la recentralisation. La reprise éventuelle d’une fraction de DMTO, de 20 % au maximum, suivra donc la dynamique de cette imposition, ce qui pourrait aboutir à une reprise totale supérieure au droit à compensation.

La compensation pour l’État va donc inclure deux éléments fixes en euros courants (la reprise des ressources historiques et la reprise éventuelle sur la TVA) et un élément variable, la reprise éventuelle sur une fraction de DMTO. Le montant des ressources reprises va donc évoluer de manière disjointe du droit à compensation tel que défini juridiquement par le présent article comme la moyenne triennale des dépenses de RSA 2018‑2020. Concrètement, en cas de dynamique des DMTO et des dépenses de RSA, le coût à venir de la recentralisation du RSA pourrait être partiellement compensé pour l’État.

Par parallélisme, le VIII du présent article précise que certaines dispositions de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI, en particulier celles relatives au principe d’une compensation par l’État des charges transférées aux collectivités territoriales et aux modalités de calcul de cette compensation, ne seront plus applicables aux départements qui participent à l’expérimentation.

3.   Le financement par les départements concernés de l’exercice de la compétence par l’État

Le présent article prévoit des modalités de neutralisation financière de ce transfert de compétence pour les départements concernés.

Le 1° du IX modifie l’article L. 3334-16-2 du CGCT afin que les départements participant à l’expérimentation ne soient plus éligibles au FMDI à compter du 1er janvier 2022 et pendant la durée de l’expérimentation. En conséquence, le montant du fonds sera diminué du montant des crédits attribués l’année précédant le transfert aux départements participant à l’expérimentation.

Le 2° du IX modifie l’article L. 3334-16-3 du CGCT afin que les départements participant à l’expérimentation ne soient plus éligibles au DCP à compter du 1er janvier 2022 et pendant la durée de l’expérimentation. Le X précise que la part revenant à ces départements sera ainsi reversée à l’État.

Le XI renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités d’application du présent article.

B.   L’impact budgétaire et économique

1.   L’impact de la crise sur les finances départementales

La crise sanitaire a eu un impact sur les finances publiques, y compris les finances départementales. En 2020, l’épargne brute, l’encours de dette et le délai de désendettement des départements reviennent à leur niveau de 2018.

Évolution de l’épargne brute et de la dette des départements

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Source : DGCL, données DGFIP.

Malgré le recul de l’activité économique, les recettes de fonctionnement des départements ont augmenté de + 6 % en 2020 (20 départements ont vu leurs recettes diminuer en 2020 : c’est plus qu’en 2019, où 4 départements avaient constaté des baisses de recettes). Les recettes départementales de fonctionnement sont essentiellement fiscales : taxe foncière sur les propriétés bâties (à compter de 2021, elle a été remplacée par une fraction de TVA, dynamique et garantie au niveau de la TFPB perçue en 2020), cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), DMTO, taxe sur les conventions d’assurance (TSCA), et TICPE.

Principales recettes départementales de fonctionnement en 2020

(en milliards d’euros)

Source : Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Les finances locales en 2021.

Note : les départements perçoivent également des recettes d’investissement (en 2020, 1 milliard d’euros au titre du FCTVA et 1,13 milliard d’euros au titre des autres dotations et subventions d’investissement).

En 2020, la TFPB n’a pas été sensible à la conjoncture économique ; malgré des disparités locales, les DMTO n’ont que peu baissé ; la TSCA a progressé, la TICPE a en revanche été affectée par le ralentissement économique ; la CVAE a augmenté (en 2020, elle se fondait sur les résultats des entreprises antérieurs à 2020, mais elle pourrait baisser en 2021). Enfin la DGF a été stable à champ constant.

S’agissant précisément des DMTO, rappelons que dans le cadre de la crise sanitaire, la baisse de cette recette s’est finalement établie à - 1,6 % pour les départements (‑ 189 millions d’euros) en 2020 ([239]). Pour une majorité de départements, le produit des DMTO a même progressé. Alors que 40 départements avaient souscrit une avance remboursable de DMTO au titre de 2020 en application de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, seuls 8 départements en ont finalement bénéficié, pour 119 millions d’euros.

En revanche, les dépenses de fonctionnement des départements ont connu une forte accélération en 2020 (+ 3,1 % à champ constant, après + 1,3 % en 2019). Cette augmentation a été concentrée sur les dépenses d’intervention : pour les départements, elles relèvent en très grande majorité de l’action sociale. Les AIS augmentent ainsi globalement de + 5 %, dont les dépenses de RSA de + 7,2 %, La hausse des dépenses de RSA s’élève ainsi à + 787 millions d’euros en 2020. La crise sanitaire a en effet entraîné une hausse du nombre de bénéficiaires en 2020. Alors que le nombre d’allocataires du RSA était relativement stable entre janvier 2017 et février 2020, oscillant entre 1,87 et 1,93 million, il a atteint 2,1 millions fin octobre 2020, soit une augmentation de + 8,5 % par rapport à octobre 2019 ([240]). La DREES relève que selon la CNAF, sans la crise sanitaire, le nombre d’allocataires du RSA serait resté quasiment stable pendant les trois premiers trimestres de l’année 2020. Le faible nombre de sorties du RSA et l’importance des entrées d’allocataires l’ayant déjà été dans le passé explique la hausse constatée. Sur l’ensemble des départements, l’augmentation des allocations de RSA représente une diminution moyenne de ‑ 7,7 % de leur épargne brute, selon l’OFGL. La hausse des dépenses de RSA est supérieure à + 10 % pour 26 % des départements.

Toutefois, depuis fin 2020, le nombre de bénéficiaires diminue (‑ 2,4 % entre le dernier trimestre 2020 et le 1er trimestre 2021). Le nombre de fins de droit à la prestation progresse, tandis que les ouvertures de droit sont en baisse ([241]). Ce recul est en lien avec la reprise économique intervenue pendant l’automne 2021. Selon la CNAF, l’évolution du marché de l’emploi se traduit avec un décalage de trois à cinq mois sur les droits des allocataires. Selon l’évaluation préalable du présent article, au mois de mai 2021, le nombre d’allocations était ainsi revenu à 1,9 million.

 

Evolution du nombre de foyers bénéficiaires du RSA

(en milliers)

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Source : CNAF, « RSA Conjoncture », juillet 2021.

Les recettes de fonctionnement des départements devraient également augmenter en 2021 (de + 2 % à + 3 % selon Jean‑René Cazeneuve) ([242]). Notamment, le produit des DMTO progresserait de + 20 % en 2021, au terme d’un « alignement astral inattendu » ([243]) qui résulte de plusieurs facteurs :

– le maintien des premiers comportements d’achat résultant de la crise sanitaire : on dénombre près 1,2 millions de transactions fin juillet 2021 ;

– la diffusion géographique des prix immobiliers ;

– la faiblesse des taux d’intérêt ;

– et l’augmentation de l’épargne des ménages.

En autorisant la recentralisation à titre expérimental de l’instruction, de l’attribution et du financement du RSA, le présent article pourrait cependant permettre à plusieurs départements de dégager des marges financières pour les années à venir, au terme d’une période qui a pu les rendre incertaines au moins à moyen terme.

2.   La recentralisation d’ores et déjà annoncée du RSA en Seine‑Saint‑Denis

Le 21 septembre le Premier ministre Jean Castex a signé un accord de recentralisation du RSA avec le département de Seine‑Saint‑Denis.

Les dépenses de RSA en Seine‑Saint‑Denis

(en millions d’euros)

Source : la Gazette des communes.

L’orientation et l’accompagnement des bénéficiaires demeurent de la compétence du département. Les marges de manœuvre financières dégagées à partir de 2022 devraient donc en partie être réemployées dans l’exercice de cette compétence. Le département de Seine‑Saint‑Denis prévoirait ainsi « le doublement des référents de parcours sociaux et socioprofessionnels (de170 à 340 référents), ainsi que la multiplication par deux des places dans les actions d’insertion (6 350 à 12 700 places) d’ici 2026. » ([244])

D’après l’exposé des motifs général du présent PLF, la recentralisation du RSA pour ce département entraînerait en 2022 une dépense nouvelle de 565 millions d’euros pour le budget de l’État ([245]). En application des modalités de calcul exposées ci‑dessus, le montant du droit à compensation s’élève à 525 millions d’euros. Pour 2022, le coût pour l’État de la mesure, et donc l’économie induite pour le département, s’élèverait ainsi à 40 millions d’euros.

L’évaluation préalable du présent article précise que si seul le département de Seine‑Saint‑Denis s’engage dans l’expérimentation, sur le fondement des prévisions de la CNAF, ce département réaliserait une économie de 147 millions d’euros sur 5 ans, soit 29 millions d’euros par an.

*

*     *

Amendement I-CF646 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ayant toujours été favorable à la recentralisation du RSA, je me félicite de l’expérimentation proposée mais un problème de compensation ne s’en pose pas moins puisqu’elle se fonde sur la moyenne des dépenses entre 2018 et 2020. Il me paraîtrait plus sage de retenir la seule année 2018.

En Seine-Saint-Denis, les dépenses de RSA sont passées de 470 millions d’euros en 2017 à 551 millions d’euros en 2020. Il serait particulièrement injuste de ne calculer la moyenne qu’à partir des dépenses de 2018-2020.

Dans mon département de la Marne, elles s’élevaient à 87,4 millions d’euros en 2018 mais, avec la crise, elles ont quasiment atteint 100 millions d’euros en 2020. La moyenne 2018-2020 n’est donc pas pertinente.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le débat sur les années de référence est traditionnel et la référence à une moyenne triennale l’est également. Nous pouvons discuter du triennal à prendre en compte s’agissant de la hausse des dépenses de RSA : 2018 à 2020 ou 2019 à 2021 ? Celui que nous avons retenu – 2018 à 2020 – me semblent pertinent car il inclut l’épicentre de la crise, 2020 ; retenir 2021 aurait en revanche pu être trop défavorable aux départements concernés, si la hausse des dépenses de RSA constatée en 2020 devait se maintenir. Il importe que les collectivités s’y retrouvent et ce sera le cas.

M. Charles de Courson. La sagesse consisterait à exclure l’année 2020, où les dépenses ont été anormalement élevées.

La commission rejette l’amendement I-CF646.

Amendement I-CF514 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Nous n’étions pas favorables à la départementalisation du RSA et nous sommes bien évidemment partisans de sa renationalisation. Toutefois, celle-ci ne saurait être partielle car elle pourrait tendre au marché de dupes.

En effet, il n’est pas possible d’entériner un transfert de recettes autres que celles liées au financement du RSA pour que les départements paient le « reste à charge ». Or, c’est ce que prévoit l’expérimentation. Si la somme fixe ne suffit pas, l’État ira en effet chercher certaines de leurs recettes : 20 % du produit qu’ils perçoivent au titre de la taxe de publicité foncière voire une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

Le président disait que, pour les collectivités, les dettes étaient soutenables mais nous ne devons pas connaître les mêmes. En Seine-Saint-Denis, la dette liée notamment à la non-compensation du RSA s’élevait à 2,7 milliards d’euros.

Nous proposons donc une renationalisation totale et claire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement propose de supprimer la reprise complémentaire sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et la TVA. La Seine-Saint-Denis, puisque c’est d’elle dont il est question, n’en reste pas moins gagnante de plus de 40 millions d’euros. Si tel n’avait pas été le cas, ce département ne se serait pas porté volontaire pour l’expérimentation.

La compensation est évidemment à la charge de l’État. Le « frein » ou le « filet » à cette compensation à travers la reprise complémentaire des DMTO et de la TVA me semble plutôt raisonnable. In fine, ce sont toujours des dépenses publiques.

M. Éric Coquerel. La Seine-Saint-Denis a accepté parce qu’elle ne peut pas ne pas prendre 520 millions d’euros ! Il est faux, de plus, de prétendre qu’elle est gagnante : outre que toutes les dettes ne sont pas apurées par l’État, l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA impliquera que le département compense ce que l’État ne donnera pas. Où le bât blesse, c’est que cette compensation sera désormais inscrite dans la loi alors que la solidarité nationale ne relève pas des départements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le transfert de compétences, voulu par les collectivités, ne peut se comprendre en termes de dette, sinon, la décentralisation est un leurre. Si les collectivités estiment qu’elles ont un arriéré vis-à-vis de l’État en raison d’une dépense supplémentaire liée à une hausse, la décentralisation n’a pas de sens. À chaque recentralisation effectuée pour soulager les collectivités, on entendra que l’État doit dix ans de hausse de dépenses de fonctionnement ! Ce n’est pas possible !

M. Alain Bruneel. Des dettes de l’État vis-à-vis des départements, ça existe monsieur le rapporteur général, notamment au titre des missions confiées dans le cadre de la décentralisation. Si l’on prend le cas particulier du RSA, dans le département du Nord, l’État doit un montant cumulé de 3,5 milliards d’euros.

M. Guy Bricout. Le sujet principal réside en effet dans les transferts de compétences. S’ils ne font pas l’objet d’une compensation financière au bon niveau, les difficultés particulières dont souffrent déjà certains départements en sont aggravées. À défaut de compensation, il faut que le système de péréquation garantisse l’équité entre les différents territoires.

M. Michel Castellani. Ce débat amène au constat suivant : l’application mécanique des décisions de l’État central met en difficulté les diverses collectivités, qui en sont réduites à s’adapter.

Bien entendu, il faut exercer un contrôle de légalité et organiser une solidarité entre les territoires et les citoyens. Mais nous proposons également depuis longtemps de rendre possible l’adaptation à l’échelon territorial des décisions budgétaires qui sont prises ici à Paris, ainsi que plus largement des décisions politiques.

On nous a longtemps considéré avec suspicion pour cela, mais je constate que beaucoup de collègues posent désormais cette question.

Mme Émilie Cariou. On peut faire une différence entre les dépenses de fonctionnement des collectivités locales et les dépenses de guichet, qui ne dépendent pas des efforts de ces collectivités pour rationaliser leurs dépenses.

Les dépenses de guichet peuvent être assimilées à une dette de l’État. Il faut trouver un moyen de compensation, pour éviter que certains départements cumulent toutes les difficultés. Faute de quoi ceux qui ont beaucoup de dépenses sociales sont ceux qui vont de surcroît devoir faire le plus d’économies en matière de fonctionnement, ce qui augmentera encore les écarts entre les territoires.

M. Jean-René Cazeneuve. Il convient de souligner qu’il s’agit d’une expérimentation de recentralisation du RSA. Cela répond à une demande très ancienne de l’Assemblée des départements de France. On ne peut pas s’opposer à cet article, alors que de très nombreux départements souhaitent son adoption.

La compensation est opérée en prenant en compte les trois dernières années. C’est un mécanisme plutôt favorable aux départements, puisqu’en 2020, les dépenses de RSA ont fortement augmenté. Si celles-ci revenaient à un niveau antérieur, cela représenterait donc un gain.

Enfin, il est prévu de soutenir les actions d’insertion menées par les départements.

C’est donc un marché gagnant pour ceux qui le choisiront et il ne faut pas chercher la petite bête.

La commission rejette l’amendement I-CF514.

Amendement I-CF516 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement de repli demande au Gouvernement un rapport étudiant les modalités de mise en œuvre d’une renationalisation intégrale du RSA, de l’allocation aux adultes handicapés et de la prestation de compensation du handicap.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF516.

Amendement I-CF832 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Seuls quelques départements étaient demandeurs de cet article. En réalité, nous ne disposons pas d’une vision globale faute d’étude d’impact. On ne peut donc pas mesurer précisément les conséquences de cette recentralisation du RSA. Cela entraîne de l’inquiétude chez des présidents de conseils départementaux.

La solution finalement retenue sera celle de la simplicité, et donc le dispositif prévu par cet article. Mais nous devons être pleinement éclairés au moins par une étude d’impact, voire par un rapport, pour pouvoir décider en toute connaissance de cause en séance publique – jusqu’à preuve du contraire, c’est bien encore la représentation nationale qui légifère.

Mme Christine Pires Beaune. Cet article va dans le bon sens. Cela fait des années que certains départements demandent une recentralisation du financement du RSA. Lors d’une récente visioconférence, les représentants de l’Assemblée des départements de France avaient évalué à une quinzaine les départements souhaitant un tel dispositif.

L’article répond à cette demande, mais il ne règle pas tous les problèmes. Ainsi, le dispositif proposé ne correspond pas exactement au protocole d’accord signé entre le département de la Seine-Saint-Denis et le Gouvernement. Ce dernier annonce d’ailleurs un amendement destiné à corriger certains points.

Dans l’attente de cet amendement, le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra lors du vote de l’article.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Les caisses d’allocations familiales instruisent les dossiers de RSA dans 99 % des cas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le contrôle du RSA reste effectué par les départements.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le dispositif d’attribution du RSA n’est pas fragilisé par cet article. Il n’y a donc pas de crainte à avoir.

La commission rejette l’amendement I-CF832.

Amendements I-CF898 et I-CF897 de M. Max Mathiasin.

M. Max Mathiasin. Ces amendements proposent la remise d’un rapport au Parlement évaluant les conséquences de la recentralisation du RSA dans les départements qui participent à cette expérimentation.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Le rapporteur général peut-il confirmer qu’un amendement du Gouvernement à cet article est en préparation ? Pourrons-nous en disposer avant la séance afin de pouvoir l’étudier ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous tiendrai informés d’ici à la séance, mais je n’en connais pas encore le contenu.

M. le président Éric Woerth. L’amendement existe donc bien.

La commission rejette successivement les amendements I-CF898 et I-CF897.

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La commission adopte l’article 12 non modifié.

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Article 13
Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État
au profit des collectivités territoriales

Résumé du dispositif proposé

Le présent article évalue, comme chaque année en loi de finances initiale, le montant des prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales. Pour 2022, ces derniers sont évalués à 43,2 milliards d’euros, soit une baisse nominale de 236 millions par rapport à l’année 2021 (en incluant la LFR pour 2021), mais une hausse de 269 millions hors mesures exceptionnelles liées à la crise.

 

Au sein des PSR, il convient de noter pour 2022 :

– la stabilité pour la cinquième année consécutive de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements et du bloc communal, hors effets de périmètre ;

– l’augmentation prévisionnelle de + 352 millions d’euros du PSR de compensation de la réduction de 50 % de la valeur locative des locaux industriels pour l’imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE) et à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Cette augmentation résulte de la dynamique des bases foncières ;

– la minoration des variables d’ajustement, à hauteur de seulement 50 millions d’euros en 2021. Elle n’affecte pas le bloc communal ni les départements ;

– la hausse prévisionnelle du PSR des allocations compensatrices, de + 41 millions d’euros.

– le recul anticipé du FCTVA de – 46 millions d’euros ;

– la baisse du fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (FMDI) avec la perspective de la recentralisation du RSA en Seine‑Saint‑Denis.

Dernières modifications intervenues

Le montant des PSR est fixé chaque année en loi de finances, conformément aux articles 6 et 34 de la LOLF.

En 2018, le montant des PSR avait été fixé à 40,35 milliards d’euros par la loi de finances pour 2018.

En 2019, le montant des PSR avait été fixé à 40,58 milliards d’euros par la loi de finances pour 2019.

En 2020, le montant des PSR avait été fixé à 41,24 milliards d’euros par la loi de finances pour 2020.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a créé un ensemble de PSR exceptionnels pour soutenir le secteur public local dans le cadre de la crise sanitaire :

– un PSR de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales du bloc communal en 2020, le « filet de sécurité ». Il intégrait les autorités organisatrices de la mobilité (AOM, y compris Île‑de‑France Mobilités) pour compenser leur perte de recettes subie sur le versement transport.

– un PSR de compensation des pertes fiscales spécifiques des régions d’outre‑mer ;

– un PSR de compensation des pertes fiscales spécifiques de la collectivité de Corse ;

– un PSR de compensation des pertes fiscales spécifiques des collectivités d’outre‑mer et des communes de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

En 2021, le montant des PSR avait été fixé à 43,4 milliards d’euros par la loi de finances pour 2021. Celle‑ci a :

– prolongé le « filet de sécurité » sur les recettes fiscales du bloc communal ;

– créé un PSR au titre de la compensation de la réduction de 50 % des valeurs locatives de TFPB et de CFE des locaux industriels, dans le cadre de la baisse des impôts dits « de production » ;

– un PSR au titre de la compensation des communes et EPCI contributeurs au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), qui ont subi une forte perte de base de CFE ;

– un PSR exceptionnel de compensation pour le Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux des départements (DMTO), par anticipation de moindres recettes éventuellement importantes sur les DMTO.

La première loi de finances rectificative pour 2021 a inclus expressément Île‑de‑France Mobilités dans le filet de sécurité en 2021. Elle a également prolongé les PSR spécifiques pour les recettes des collectivités de Corse et d’Outre‑mer, ainsi que pour certains établissements publics locaux. Ces mesures ont accru le montant des PSR aux collectivités de 47,8 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   les PSR concourent aux dépenses des collectivités

L’évaluation des prélèvements sur recettes (PSR) de l’État aux collectivités territoriales résulte des dispositions de la LOLF : « Un montant déterminé de recettes de l’État peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l’État sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte. » Le montant de chacun des prélèvements doit être fixé chaque année en loi de finances, comme le précise l’article 34 de la LOLF.

La première partie de la loi de finances fixe le montant des PSR aux collectivités. La seconde partie prévoit les modalités de leur répartition entre les collectivités bénéficiaires.

Les PSR correspondent à la rétrocession d’un montant déterminé des recettes de l’État au profit des collectivités territoriales afin de couvrir les charges qui leur incombent ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts. Ces crédits ne transitent pas en tant que dépenses par le budget de l’État mais s’analysent d’un point de vue comptable comme des moindres recettes. Contrairement aux crédits des missions, ils ne font pas l’objet d’une autorisation budgétaire double : le montant indiqué dans la loi de finances correspond à un montant en AE = CP.

Ils se distinguent des crédits des dotations du budget général, notamment de la mission budgétaire Relations avec les collectivités territoriales, en ce qu’ils doivent se traduire par des versements ayant, une fois calculés, un caractère global et automatique et qu’ils ne sauraient, en revanche, être le support de contributions allouées par l’État dans un but déterminé et dans le cadre d’une politique qu’il conduit.

Leur régime de droit budgétaire est simplifié : contrairement aux crédits, ils ne donnent pas lieu à une présentation sous forme de missions, programmes et actions, dotés d’objectifs et d’indicateurs de performance. Ils ne font pas l’objet de « gels ».

Les deux principaux PSR sont la dotation globale de fonctionnement (DGF) et le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

La première concourt aux dépenses de fonctionnement des collectivités tandis que le second soutient leurs dépenses d’investissement.

Dans la loi de finances pour 2021, la DGF et le FCTVA représentent en montant environ 80 % de l’ensemble des PSR aux collectivités.

Dans la loi de finances pour 2021, le montant des PSR au profit des CT s’élevait à 43,4 milliards d’euros. La principale nouveauté consistait en la création d’un PSR pérenne de 3 290 millions d’euros, pour compenser la division par deux des valeurs locatives des établissements industriels pour l’imposition à la CFE et à la TFPB dans le cadre de la baisse des impôts de production. Ce PSR avait vocation à augmenter les années suivantes, car il intègre la dynamique des bases foncières : si de nouveaux établissements imposables s’installent sur le territoire d’une commune, sa compensation est augmentée en conséquence. En revanche, le PSR n’intègre pas la dynamique des taux (prise en compte des taux 2020 de manière permanente).

L’examen parlementaire avait conduit à la prolongation ou à la création de trois PSR supplémentaires liés à la crise sanitaire :

– la prolongation du filet de sécurité sur les seules recettes fiscales du bloc communal (estimation de 510 millions d’euros) ;

– la création pour 2021 d’un PSR pour le fonds de péréquation des DMTO (estimation de 60 millions d’euros), par anticipation d’une forte baisse des DMTO des départements en 2020, la péréquation étant calculée sur le fondement des DMTO perçus l’année précédente (les DMTO ont finalement baissé de seulement – 1,6 % en 2020) ;

– la création d’un PSR pour les communes et EPCI qui consentent un abandon de loyers (estimation de 10 millions d’euros).

En outre, avait été créé un PSR de 900 000 euros pour les communes et EPCI contributeurs au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et qui subissent une perte importante de base de CFE.

La loi de finances rectificative pour 2021 du 19 juillet 2021 a par ailleurs augmenté de 47,8 millions d’euros les PSR aux collectivités :

– abondement du FCTVA de 22 millions supplémentaires ;

– prolongation du PSR « filet de sécurité » pour certaines recettes spécifiques des régions d’outre‑mer (20 millions) ;

– prolongation du PSR « filet de sécurité » pour certaines recettes spécifiques de la collectivité de Corse (4,4 millions) ;

– prolongation du PSR « filet de sécurité » pour certaines recettes spécifiques d’autres collectivités d’outre‑mer (1,4 million).

PSR liÉs à la crise dans la LFI 2021 et la LFR 2021

(en millions d’euros)

Filet de sécurité bloc communal (LFI)

510

PSR fonds de péréquation DMTO (LFI)

60

PSR abandon de loyers (LFI)

10

PSR filet de sécurité Régions d’outre-mer (LFR)

20

PSR filet de sécurité Corse (LFR)

4,4

PSR filet de sécurité autres collectivités d’outre-mer (LFR)

1,4

Total

605,8

Source : commission des finances.

Synthèse des montants de PSR aux collectivités en 2021

(en euros)

Montant PSR LFI 2021

43 400 026 109

 Dont mesures liées à la crise

580 000 000

Ajouts en LFR 1 2021

47 800 000

 Dont mesures liées à la crise

25 800 000

Total PSR 2021

43 447 826 109

Source : commission des finances.

 

Répartition des PSR au bénéfice des collectivités locales en 2021

(en euros)

Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la dotation globale de fonctionnement

26 758 368 435

Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs

6 693 795

Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

50 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) Dont abondement de 22 millions d’euros en LFR pour 2021

6 568 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

539 632 796

Dotation élu local

101 006 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité de Corse

62 897 000

Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion

465 889 643

Dotation départementale d’équipement des collèges

326 317 000

Dotation régionale d’équipement scolaire

661 186 000

Dotation globale de construction et d’équipement scolaire

2 686 000

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle

2 905 213 735

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale

413 003 970

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle

0

Dotation de compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale percevant la taxe d’habitation sur les logements vacants

4 000 000

Dotation de compensation liée au processus de départementalisation de Mayotte

107 000 000

Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires

6 822 000

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

284 278 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport

48 020 650

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité territoriale de Guyane

27 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit des régions au titre de la neutralisation financière de la réforme de l’apprentissage

122 559 085

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la Polynésie française

90 552 000

Soutien exceptionnel de l'État au profit des collectivités du bloc communal confrontées à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire

510 000 000

Soutien exceptionnel de l'État au profit des régions d'outre-mer confrontées à des pertes de recettes d'octroi de mer et de taxe spéciale de consommation du fait de la crise sanitaire ligne entièrement abondée en LFR 21

20 000 000

Soutien exceptionnel de l'État au profit de la collectivité de Corse confrontée à certaines pertes de recettes fiscales spécifiques du fait de la crise sanitaire ligne entièrement abondée en LFR 21

4 400 000

Soutien exceptionnel de l'État au profit de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna confrontées à certaines pertes de recettes fiscales spécifiques du fait de la crise sanitaire ligne entièrement abondée en LFR 21

1 400 000

Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation de la réduction de 50 % des valeurs locatives de TFPB et de CFE des locaux industriels

3 290 000 000

Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation des communes et EPCI contributeurs au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) subissant une perte de base de cotisation foncière des entreprises

900 000

Prélèvement exceptionnel sur les recettes de l'État de compensation du Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

60 000 000

Prélèvement exceptionnel sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales et des groupements de communes qui procèdent à l'abandon ou à la renonciation définitive de loyers

10 000 000

Total

43 447 826 109

Source : commission des finances à partir des articles 78 de la loi de finances pour 2021 et 31 de la première loi de finances rectificative pour 2021 du 19 juillet 2021.


II.   Le dispositif proposé

A.   un MONTANT DES PSR AU PROFIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ÉVALUÉ À 43,2 milliards D’EUROS POUR 2022

Pour 2022, les PSR sont prévus à 43 211 649 565 euros dans le présent article. Cela représente une baisse nominale de 188 millions d’euros par rapport à la LFI 2021, et de 236 millions d’euros par rapport au montant total des PSR ouverts en 2021 en incluant la première loi de finances rectificative pour 2021.

En revanche, hors mesures liées à la crise, les PSR augmentent de près de 292 millions d’euros entre la LFI 2021 et le PLF 2022 (et de près de 270 millions d’euros entre 2021 et le PLF 2022, si l’on inclut la première LFR pour 2021).

Évolution des PSR entre 2021 et 2022

(en millions d’euros)

 

LFI 2021 (A)

LFI + LFR 2021 (B)

PLF 2022 (C)

(C)-(A)

(C)-(B)

Montant

43 400

43 447

43 211

- 188

- 236

Mesures liées à la crise

580

605

100

-

-

Montant hors crise

42 820

42 842

43 111

+ 291

+ 269

Source : commission des finances.

Cette hausse résulte essentiellement de celle du PSR de compensation de la réduction de 50 % des valeurs locatives des établissements industriels évalués selon la méthode comptable pour l’imposition à la TFPB et à la CFE. En effet, il prend en compte la dynamique des bases locales concernées. La dynamique du PSR est ainsi estimée à + 352 millions d’euros en 2022 (exposé des motifs du présent article).

La DGF reste stable, hors effets de périmètre (hausse de 29,7 millions d’euros), conformément à l’engagement du Gouvernement. Les variables d’ajustement sont minorées à un niveau notablement bas, de seulement 50 millions d’euros en 2022.

On note par ailleurs :

– la hausse prévisionnelle du PSR des allocations compensatrices, de + 41 millions d’euros (d’après l’exposé des motifs du présent article, essentiellement en raison de la progression de la compensation de l’exonération de CFE des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 000 euros) ;

– et le recul anticipé du FCTVA de - 46 millions d’euros ;

– la baisse du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (FMDI) lié à l’expérimentation de la recentralisation du RSA envisagée en Seine‑Saint‑Denis à ce stade (- 26,7 millions) ([246]) ;

– la baisse du PSR au profit de la Corse (- 5 millions).

Passage des PSR de la LFI 2021 au PLF 2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

B.   IMpact budgÉtaire et Économique

Depuis la troisième loi de finances pour 2020, les PSR sont marqués par les mesures liées à la crise sanitaire.

De nombreux PSR ont été institués pour soutenir les collectivités territoriales, en 2020 et 2021.

Cet outil budgétaire a montré sa souplesse et son utilité face à une situation imprévue et potentiellement très déstabilisatrice sur les comptes locaux.

Les PSR peuvent être versés immédiatement sans régulation, gel ou annulation de crédits. Les PSR de compensation des pertes fiscales et domaniales du bloc communal, des AOM et de collectivités de Corse ou d’outre‑mer ont ainsi constitué un véritable « filet de sécurité » pour ces collectivités, en leur garantissant la perception d’un montant minimal de recettes fiscales et domaniales alors que la conjoncture économique, et donc le rendement de leurs ressources, était très incertain. Ce mécanisme simple et sécurisant de garantie de ressources a sans doute prévenu une chute plus brutale de l’investissement public local en 2020. Il a permis de soutenir efficacement certaines communes dont le profil de recettes était particulièrement vulnérable à la crise et au confinement, les communes touristiques notamment ([247]).

À noter que les PSR « filets de sécurité » ne s’inscrivent pas strictement dans le cadre fixé par la LOLF qui autorise les PSR « en vue de couvrir des charges incombant » aux collectivités territoriales, ou pour « compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts » établis à leur profit. C’est pour cette raison que l’article 4 de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, dans sa rédaction issue de son examen en première lecture à l’Assemblée nationale, propose de simplifier la définition des PSR en retirant du texte organique la définition restrictive de leur objet.

*

*     *

Amendement I-CF649 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Il s’agit là aussi d’une affaire de transfert de compétence et de respect de l’autonomie financière des collectivités. Je présente cet amendement depuis cinq ans.

La compétence de pilotage du comité de massif a été transférée à la collectivité de Corse en 2002. Elle assume donc la tâche du commissariat de massif. L’État lui a transféré à ce titre 150 000 euros par an, en s’appuyant sur une évaluation ridicule.

En 2016, la nouvelle majorité a réactivé le comité de massif et l’Assemblée de Corse a adopté le tout premier schéma de développement de la montagne, en prévoyant des investissements dans un territoire dont on doit rappeler qu’il est une île-montagne.

Nous demandons simplement que la dotation de fonctionnement correspondant à ce transfert de compétence et aux actions menées soit portée à 5 millions d’euros. C’est environ la moitié de ce dont bénéficie le Jura, avec un massif d’une surface équivalente à celui de la Corse. C’est une mesure juste et équitable, conforme à l’esprit d’un transfert de compétence déjà effectué.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, comme les fois précédentes.

Je saisis cette occasion pour rappeler que le prélèvement sur recettes au profit de la collectivité de Corse figurant dans le PLF pour 2022 a pour objet de compenser la suppression de la taxe professionnelle et de solder un certain nombre de transferts de compétences. Il n’a pas vocation à financer des choix politiques de la collectivité de Corse.

Comme les autres régions, la collectivité de Corse va bénéficier de la dynamique de TVA, avec une hausse de 9 % en 2021 et de 5 % en 2022. Je rappelle que la Corse perçoit de la TVA en remplacement de la DGF, depuis 2018, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), depuis 2021. S’y ajoute un ensemble de dépenses fiscales à hauteur de 200 millions d’euros, qui sont rattachées au programme 112 de la mission Cohésion des territoires. Le niveau de financement est donc satisfaisant.

M. Jean-Félix Acquaviva. Cette réponse exhaustive ressemble un peu à un inventaire à la Prévert et mériterait de longs débats sur la pertinence de certains dispositifs fiscaux, ou sur l’absence de ceux demandés par la Corse pour servir son développement. Je pense par exemple à la lutte contre une spéculation foncière et immobilière qui ne profite pas à l’île.

Mais tout cela ne répond pas à ce que propose l’amendement, c’est-à-dire la compensation d’un transfert de compétence opéré en 2002. Le manquement de l’État sur ce point a été complet. Or la montagne représente 70 % du territoire de la Corse et héberge les filières bois et agropastorale. Il ne s’agit donc pas d’une demande indue, et 5 millions d’euros par an sont un minimum.

La commission rejette l’amendement I-CF649.

Les amendements I-CF713, I-CF714 et I-CF716 de M. François Pupponi sont retirés.

Amendement I-CF666 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Cet amendement d’appel propose d’instituer un nouveau prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité de Corse. Ce prélèvement permettrait de restituer à la collectivité de Corse les recettes de la taxe sur les activités polluantes (TGAP) dite déchets collectée sur son territoire.

En 2019, l’Assemblée de Corse avait adopté une délibération en ce sens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles avancées lors du précédent amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF666.

Amendement I-CF679 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Cet amendement doit permettre de compenser la perte des frais de gestion qui résulte de la baisse des impôts de production décidée par le Gouvernement.

En Corse, cette perte est évaluée entre un et deux millions d’euros et elle n’a pas été compensée. Il est donc proposé de le faire à hauteur de 1,5 million d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF679.

Amendement I-CF661 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. On va encore parler de la Corse, avec une actualité brûlante.

La dotation de continuité territoriale (DCT) a été instituée en 1976, avec pour objectif de baisser les prix du transport des passagers et des marchandises. Son montant a été figé en 2009, alors qu’elle était auparavant indexée sur le coût de la vie. Elle s’élève à peu plus de 187 millions d’euros.

Cette dotation avait malheureusement servi à acheter la paix sociale à Marseille. Le jugement intervenu dans le cadre du contentieux sur feue la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) alourdit encore la note pour la collectivité de Corse, avec une condamnation à rembourser 88 millions d’euros pour des faits qui ont eu lieu en 2007. L’État n’avait alors pas exercé son contrôle de légalité ni notifié à la Commission européenne les contrats de délégation de service public pour les liaisons maritimes. Un deal qui ne disait pas son nom avait ainsi été passé à l’époque, et il n’était juridiquement pas viable, c’est le moins que l’on puisse dire.

En raison de cette condamnation, mais aussi des effets de la crise du covid-19 et de l’augmentation du coût du transport maritime, qui a des conséquences sur le développement de l’ensemble de l’île, l’amendement propose légitimement d’augmenter la DCT à hauteur de 250 millions d’euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous ai répondu précédemment de manière détaillée pour rappeler tout ce que l’État fait pour la collectivité de Corse. C’est aussi mon rôle.

Mais vous avez raison : le débat global sur les montants consacrés à la collectivité de Corse doit avoir lieu avec le Gouvernement. Pour ma part, je considère que leur niveau est tout à fait satisfaisant. Je vous invite donc à retirer l’amendement et à le déposer en séance.

M. François Pupponi. La question peut concerner d’autres collectivités que celle de Corse.

Que se passe-t-il quand une collectivité territoriale est condamnée pour des faits qui remontent à quinze ans et résultent des décisions d’une majorité précédente ? Et dans le cas présent, il s’agit de payer plus de 80 millions d’euros. Il n’y a actuellement aucun moyen pour la collectivité concernée de s’exonérer de cette responsabilité qui n’est au fond pas la sienne. Elle doit payer.

Il faut imaginer un dispositif de dotation spécifique pour compenser cette somme.

M. le président Éric Woerth. Il existe une continuité institutionnelle.

M. François Pupponi. Deuxième question : nous parlons d’une dotation de continuité territoriale, votée dans le cadre de la loi de finances. Or le préfet de Corse a décidé d’en vérifier désormais l’utilisation. C’est un peu comme si la DGF n’était versée à une commune que sur présentation des factures. Je n’ai jamais vu ça !

M. Jean-Félix Acquaviva. Ce contentieux tire son origine d’une délégation de service public effectuée entre 2007 et 2013 au profit de feue la SNCM. L’État n’avait alors pas exercé le contrôle de légalité et n’avait sciemment pas notifié cette délégation de service public à la Commission européenne. Sa responsabilité morale et politique est écrasante, mais c’est à la collectivité de Corse que l’on réclame 88 millions d’euros. La décision de justice est exécutoire, même si nous contesterons toujours cette interprétation du droit européen. Il est hors de question de faire payer les associations, les entreprises ou les communes pour cette affaire. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement visant à augmenter la DCT, car une réponse rapide s’impose.

Je n’épiloguerai pas sur l’attitude du préfet, qui essaie de tordre le cou au principe de libre administration des collectivités locales. C’est un volet politique révélateur.

Mme Marie-Christine Dalloz remplace M. le président Éric Woerth.

M. Michel Castellani. Le principe de continuité territoriale a été défini par l’État, qui a assuré la gestion de la DCT et son contrôle. Il se trouve que les règles de concurrence n’ont pas été respectées. Du coup, c’est la collectivité de Corse qui doit assumer un versement énorme de plus de 80 millions d’euros, à titre de compensation.

Vous souhaitez une discussion en séance sur le fond, monsieur le rapporteur général. Eh bien nous en aurons une belle ! Car nous ne voyons pas pourquoi la collectivité de Corse devrait payer pour une faute qui incombe à l’État, dont les errements ont été manifestes à tous les niveaux, de la préfecture jusqu’aux ministères des transports et des finances.

La commission rejette l’amendement I-CF661.

*

*     *

La commission adopte l’article 13 non modifié.


B – Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 14
Mesures relatives à l’ajustement des ressources affectées
à des organismes chargés de missions de service public

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe des plafonds à l’affectation d’impositions de toute nature aux opérateurs de l’État et organismes chargés de missions de service public bénéficiaires, afin de garantir une adéquation entre le niveau de ces ressources et ces missions de service public. Les ressources fiscales excédant le plafond sont en règle générale reversées au budget général de l’État, selon un mécanisme dit d’écrêtement.

Le présent article permet :

– d’ajuster à la hausse ou à la baisse les plafonds individuels d’affectation de taxes prévus au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. À périmètre constant, la somme des augmentations de plafonds opérée par le présent article serait supérieure de 61 millions d’euros à la somme des diminutions de plafonds (A du I de l’article) ;

– de réaffecter au budget général (II et III) une partie des ressources de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et du Fonds national d’aide au logement (FNAL) conduisant à une baisse du plafond global des ressources affectées de 106 millions d’euros. Opérées dans une logique de simplification de leurs circuits de financement, ces baisses sont compensées par des crédits budgétaires et n’emportent donc pas de conséquence sur le soutien apporté par l’État à ces acteurs.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission des finances n’a pas adopté d’amendement pour modifier cet article.

I.   L’État du droit

A.   La fiscalité affectée à des tiers, une dÉrogation aux principes d’unitÉ et d’universalitÉ budgÉtaires

La fiscalité affectée à des tiers a fait l’objet de plusieurs travaux récents et suscite un intérêt particulier depuis plusieurs années. Le lecteur pourra trouver des informations utiles sur cette pratique budgétaire dans les rapports du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2013 et de 2018 consacrés à ce sujet ([248]), dans le rapport d’information sur l’application des mesures fiscales (RALF) de juillet 2019 ([249]) et dans le rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de septembre 2019 ([250]).

 La fiscalité affectée à des tiers est une dérogation aux principes d’unité et d’universalité budgétaires, lesquels trouvent leur traduction au niveau organique dans diverses dispositions de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([251]), en particulier son article 6.

Le principe d’unité exige d’une part, que le budget de l’État soit retracé dans un document unique pour assurer que la présentation des recettes et des dépenses de l’État au Parlement soit claire. Il exige, d’autre part, de la loi de finances qu’elle prévoie et autorise l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État.

Le principe d’universalité se décline en deux règles distinctes. En premier lieu, la règle de non-contraction interdit la compensation des dépenses en recettes dans la présentation budgétaire afin que ne soient pas dissimulées certaines charges. En second lieu, la règle de nonaffectation exige que l’ensemble des recettes assure l’exécution de l’ensemble des dépenses. Elle interdit par conséquent qu’une recette déterminée soit affectée à une dépense déterminée. Il s’agit de permettre à l’autorité budgétaire de décider et de gérer les fonds publics dans une logique de solidarité et d’unité nationales.

Les taxes affectées constituent par leur nature même des dérogations à ces deux principes. L’affectation de taxes s’oppose par construction à la règle de nonaffectation et donc à la logique du principe d’universalité et à l’esprit du principe d’unité. Il s’agit en effet d’octroyer des ressources à un organisme tiers, lui permettant de financer des dépenses qui ne sont pas retracées dans le budget de l’État. À l’inverse des dépenses inscrites au budget de l’État, les dépenses permises par l’affectation de recettes à des tiers ne sont pas autorisées par le Parlement ou alors ne le sont qu’indirectement. Ce dernier n’a pas non plus la possibilité de réorienter l’allocation des crédits au sein d’une même politique publique, comme il peut le faire lors de l’examen des missions budgétaires.

● Bien que l’affectation de taxes aille à l’encontre de ces principes, elle est possible dès lors qu’elle respecte plusieurs conditions organiques. Elle est d’ailleurs explicitement prévue par la LOLF, sous certaines réserves qu’elle définit et qui ont été précisées par le Conseil constitutionnel ([252]).

D’abord, les tiers affectataires d’impositions de toute nature doivent être des personnes morales et ne peuvent recevoir de telles impositions qu’à raison des missions de service public qui leur sont confiées ([253]).

Ensuite, lorsque la ressource qu’il est envisagé d’affecter à un tiers est une ressource de l’État, son affectation totale ou partielle ne peut être établie que par une loi de finances ([254]). En revanche, la création ex nihilo d’une taxe affectée à un tiers peut trouver sa place dans une loi ordinaire.

La loi de finances doit également autoriser chaque année la perception des taxes affectées. Il ne s’agit pas d’une obligation applicable à chaque taxe affectée, mais d’une autorisation générale de perception pour l’ensemble des taxes affectées, traditionnellement opérée par l’article 1er de la loi de finances ([255]).

Enfin, la liste et l’évaluation par bénéficiaire de toutes les taxes affectées à des tiers doit figurer en annexe du PLF ([256]). Elle est présentée dans le tome I de l’annexe appelée « Voies et moyens ».

B.   Le niveau ÉlevÉ de la fiscalitÉ affectÉE

1.   La croissance des recettes affectées à des tiers

L’accroissement du nombre de taxes et du montant des recettes affectées à des tiers est un phénomène marquant dans la période récente. En 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) constatait le « développement intense » ([257]) de la fiscalité affectée, remarquant que le montant des recettes affectées, hormis celles affectées aux collectivités territoriales et aux organismes de sécurité sociale, avait crû de 25 % entre 2007 et 2012, un taux deux fois supérieur au taux d’évolution des crédits budgétaires alloués à l’ensemble des opérateurs sur la même période (+ 13 %).

Plusieurs causes peuvent expliquer l’accroissement du nombre des taxes affectées. L’affectation de taxes a permis de faciliter le respect des objectifs relatifs à l’évolution des normes de dépense tout en permettant une évolution dynamique de la dépense de certains opérateurs à une époque où les taxes affectées plafonnées n’étaient pas incluses dans le champ de ces normes ([258]). Elle a également l’avantage, pour les affectataires, de donner le sentiment d’une sanctuarisation en gestion du montant de la recette affectée, l’application de la régulation budgétaire sur cette ressource n’étant, par construction, pas applicable.

La fiscalité affectée a enfin pu apparaître comme un moyen de favoriser l’acceptabilité de l’impôt en permettant au contribuable d’identifier avec précision les politiques publiques financées par les prélèvements dont il s’acquitte.

2.   Le niveau élevé des recettes de la fiscalité affectée et du nombre de taxes affectées

● La fiscalité affectée atteindrait 315 milliards d’euros en 2022 dont 70 % sont affectés aux organismes de sécurité sociale et 17 % aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

Montant des taxes affectées selon les secteurs

(en millions d’euros)

 

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution

2017

Exécution

2018

Exécution

2019

Exécution

2020

Prévision 2021

Prévision 2022

Secteur social

156 794

171 362

173 767

178 515

193 667

213 171

216 580

231 484

221 375

Secteur local

55 649

56 144

58 859

60 853

63 698

54 771

51 225

53 832

53 966

Organismes divers d’administration centrale et autres

38 105

34 667

24 943

28 193

26 797

43 503

43 074

41 394

39 796

Total

250 548

262 173

257 569

267 561

284 162

314 989

324 956

326 710

315 137

Source : données transmises par le Gouvernement.

● Les termes « fiscalité affectée » évoquent bien souvent la seule fiscalité affectée à des tiers autres que les collectivités territoriales, leurs groupements et les organismes de sécurité sociale. Le niveau du produit des taxes affectées à ces « tiers autres » s’élèverait à 39,8 milliards d’euros en 2022. À titre de comparaison, les recettes fiscales nettes de l’État ont représenté 256 milliards d’euros en 2020 ([259]).Le tableau ci-dessous présente le produit de ces taxes ventilé par type d’affectataires.

Produit de la fiscalitÉ affectÉe À des tiers n’appartenant
ni au secteur social ni au secteur local

(en millions d’euros)

Affectataire

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution

2017

Exécution

2018

Exécution

2019

Exécution

2020

Prévision 2021

ODAC

Opérateurs de l’État

5 144

6 609

4 893

5 581

7 053

8 582

17 503*

14 581

Autres

12 945

6 301

8 189

9 217

6 166

6 410

5 791

5 926

Sous-total (1)

18 089

12 910

13 082

14 798

13 219

14 992

23 294

20 506

Divers

Secteur de l’emploi et de la formation professionnelle

10 236

10 862

7 493

9 495

9 661

24 326

16 272*

17 880

Secteur de l’industrie, de la recherche, du commerce et de l’artisanat

6 248

578

554

205

149

150

113

116

Secteur de l’équipement, du logement, des transports et de l’urbanisme

3 270

3 267

3 285

3 357

3 448 

3 733

3 141

2 844

Secteur agricole

20

5

-

-

-

-

-

 

Secteur de l’environnement

197

6 866

209

3

168

242

239

32

Logement et construction

-

133

133

116

-

-

-

 

Autres

45

46

187

219

151

60

15

16

Sous-total (2)

20 016

21 757

11 861

13 395

13 577

28 511

19 779

20 888

Total (1 + 2)

38 105

34 667

24 943

28 193

26 797

45 503

43 074

41 394

* En 2020, la création de France compétences a conduit à une mesure de transfert de 9,5 milliards d’euros depuis le secteur de la formation professionnelle vers ce nouvel opérateur.

Source : Données transmises par le Gouvernement.

La fiscalité affectée fait désormais l’objet d’un encadrement, qui s’est renforcé au cours des années récentes.

C.   L’encadrement progressif de la fiscalité affectée

1.   Le plafonnement de taxes affectées à compter de 2012

Compte tenu de la dynamique de la fiscalité affectée, il est apparu nécessaire d’encadrer son évolution. Ainsi, l’article 46 de la loi de finances pour 2012 a introduit un plafonnement de certaines taxes affectées à des opérateurs de l’État ou à des organismes chargés d’une mission de service public ([260]). Ce dispositif d’encadrement budgétaire vise à :

− renforcer le suivi et le contrôle par le Parlement des ressources fiscales affectées aux opérateurs, conformément aux principes budgétaires d’annualité (autorisation annuelle du Parlement) et d’universalité (interdiction d’affecter une ressource à un tiers), qui sont les garants du contrôle parlementaire sur l’emploi des ressources de l’État ;

− ajuster les ressources des opérateurs aux besoins qui leur sont nécessaires pour assurer leurs missions de service public ;

− maîtriser le niveau de la dépense de certains opérateurs de l’État par la régulation de leurs ressources affectées, de manière à les inciter à dépenser moins et assurer ainsi leur contribution à la maîtrise des comptes publics.

Le fonctionnement de ce plafonnement permanent repose sur les dispositions suivantes :

− les affectations de ressources sont autorisées dans la limite d’un plafond soumis annuellement au Parlement. Au-delà de ce plafond, les ressources sont écrêtées au profit du budget général de l’État ;

− les plafonds et leur niveau en milliers d’euros sont mentionnés par ressource affectée, avec mention de la personne affectataire, l’ensemble dans un tableau unique, prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

2.   L’élargissement progressif du périmètre du plafonnement

En 2012, le législateur a prévu trois types d’exemptions au plafonnement des taxes affectées :

− fondées sur la nature du destinataire de la taxe. Par principe, ont ainsi été exclues du plafonnement toutes les taxes affectées aux administrations de sécurité sociale, aux collectivités territoriales et à leurs établissements et aux organismes paritaires ou assimilés ;

− fondées sur la nature de la taxe. Ont été exclues les affectations correspondant à des redevances pour service rendu ou appliquant une logique de péréquation au sein d’un secteur économique ;

− fondées sur les modalités de financement de l’organisme. Ont été exclus les organismes pour lesquels la taxe affectée s’accompagne déjà d’un mécanisme indirect de plafonnement, via une subvention d’équilibre portée par le budget général.

S’appliquant initialement à 46 taxes, le plafonnement des produits affectés a progressivement été étendu. Il concernera 69 taxes en 2022, pour un produit affecté prévisionnel de 18,7 milliards d’euros et un montant reversé au budget général de l’État d’1,6 milliard d’euros.

Évolution du nombre et du montant des taxes affectÉes plafonnÉes

Années

Nombre de taxes plafonnées*

Produit global des taxes plafonnées**

(en millions d’euros)

Montant de l’écrêtement au profit du budget général de l’État

(en millions d’euros)

2012

46

3 013

136,2

2013

57

5 206

218

2014

59

5 573

296

2015

80

7 914

391

2016

85

9 228

452

2017

89

9 972

621

2018

91

9 080

933

2019

102

9 463

986

2020

78

19 626

2 344

2021

71

18 809

979

2022

69

18 714

1 647

* Par convention, le nombre de taxes plafonnées est égal au nombre de lignes figurant à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

** Par convention, le produit global des taxes plafonnées est égal à la somme des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

Source : données transmises au Rapporteur général par le Gouvernement.

Entre 2019 et 2020, la somme totale des plafonds au sens de l’article 46 de la LFI pour 2012 a augmenté de 10,1 milliards d’euros. Cette évolution s’explique notamment par le plafonnement des ressources affectées à France compétences (+ 9,5 milliards d’euros), et également par la résultante de la hausse ou la baisse du plafond de 15 taxes (+ 0,5 milliard d’euros), l’affectation à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) d’une fraction de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (+ 0,2 milliard d’euros) et le déplafonnement de plusieurs taxes (– 0,1 milliard d’euros).

3.   Un renforcement de l’encadrement des taxes affectées plafonnées en loi de programmation des finances publiques

a.   L’intégration des taxes affectées plafonnées dans les normes de dépenses de l’État

Le développement des taxes affectées résulte en grande partie d’une démarche de contournement des normes budgétaires, mises en place à partir de 2004. Celles-ci visaient à maîtriser l’évolution de la dépense et ont ainsi introduit une différence de traitement entre les opérateurs financés par subventions pour charges de service public – c’est-à-dire par crédits budgétaires (sous norme) – et ceux financés par taxes affectées (hors norme).

Selon le CPO ([261]), ce cadre budgétaire nouveau a introduit un « biais important puisque l’État était incité à financer par taxes affectées des dépenses nouvelles, sans effet visible sur la norme de dépenses ».

La loi de finances pour 2008 a amoindri cette différence de contrainte en incluant les nouvelles affectations de taxes sous la norme de dépenses dite « zéro valeur » ([262]), visant à une stabilisation en valeur de la dépense. Depuis 2012, l’ensemble des taxes affectées plafonnées sont incluses dans le périmètre de la norme de dépenses « zéro valeur », que celles-ci soient nouvelles ou existantes ([263]).

Cela a eu pour effet de supprimer toute différence de traitement entre un financement par crédits budgétaires et un financement par ressources affectées plafonnées du point de vue des normes de dépenses. Ce principe a été confirmé par toutes les lois de programmation des finances publiques ultérieures ([264]).

b.   Les conditions de recours aux taxes affectées et le principe de leur plafonnement font l’objet d’un encadrement croissant

La loi de programmation des finances publiques de 2014 ([265]) a soumis le recours à la fiscalité affectée au respect de l’un des trois critères, qui ont été repris par la loi de programmation des finances publiques de 2018 ([266]) :

– la ressource « résulte d’un service rendu par l’affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s’apprécier sur des bases objectives » (« quasi-redevance ») ;

– elle « finance, au sein d’un secteur d’activité ou d’une profession, des actions d’intérêt commun » (« prélèvement sectoriel ») ;

– elle « finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières » (« contribution assurantielle »).

Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques de 2014 a posé, à compter du 1er janvier 2016, le principe général de plafonnement des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale. Ce principe général de plafonnement a été repris à l’article 18 de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Les affectations de fiscalité dérogeant à ce principe doivent être justifiées au sein du tome I de l’annexe au projet de loi de finances Évaluations des voies et moyens. En 2020, 54 taxes étaient affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunales et les organismes de sécurité sociale et n’étaient pas plafonnées.

c.   La loi de programmation des finances publiques de 2018 a abandonné des mesures d’encadrement qui n’étaient pas appliquées, et a instauré une nouvelle règle

Les lois de programmation des finances publiques de 2012 et de 2014 avaient également fixé des trajectoires de réduction annuelle du produit des affectations de taxes sous plafond ([267]). En outre, la loi de programmation des finances publiques de 2014 avait prévu deux autres mesures d’encadrement des taxes affectées :

– une règle d’affectation ou de réaffectation au budget général de l’État des taxes affectées qui n’auraient pas fait l’objet d’un plafonnement à compter du 1er janvier 2017 ;

– et une règle de substitution, prévoyant que toute nouvelle affectation doit s’accompagner, dans le champ ministériel concerné, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions affectées d’un rendement équivalent

différence entre l’objectif et la réduction annuelle
des plafonds des taxes affectées

(en millions d’euros courants)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Objectif de réduction annuelle

– 191

– 265

– 283

– 135

– 86

Réduction effective annuelle

– 190

– 211

– 280

+ 70

+ 393

Source : Gouvernement.

Compte tenu de la non-application de ces trois règles, la loi de programmation des finances publiques de 2018 les a abandonnées.

Toutefois, elle a instauré un nouveau principe selon lequel le plafond arrêté en loi de finances initiale ne saurait être supérieur de plus de 5 % au rendement attendu de la taxe. Il s’agit de permettre au Parlement d’appréhender réellement, à travers le niveau du plafond, les ressources affectées dont bénéficie l’opérateur. Il s’agit également de lier étroitement les niveaux de plafonds et de ressources affectées, afin de garantir que les diminutions de plafonds correspondent à une baisse effective de dépenses.

Au total, le CPO ([268]) a relevé en 2018 que les mesures d’encadrement ont eu un effet positif sur la dynamique des dépenses. Ainsi, les dépenses des opérateurs de l’État affectataires de taxes sont devenues moins dynamiques que celles des opérateurs non affectataires entre 2012 et 2017, à l’exception des dépenses de fonctionnement.

Évolution des dÉpenses des opÉrateurs de l’État
selon leur source de financement

 

Opérateurs affectataires

Opérateurs

non-affectataires

Dépenses de personnel

+ 2 %

+ 6 %

Dépenses d’intervention

– 27 %

– 6 %

Dépenses d’investissement

– 46 %

+ 186 %

Dépenses de fonctionnement

+ 24 %

+ 19 %

Source : CPO, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

En outre, le CPO souligne que les charges et les produits des opérateurs affectataires de taxes avec un plafond dit « mordant » (engendrant un reversement du produit de la taxe au budget général de l’État) ont diminué sur la période 2012‑2017 (– 23,3 % et – 26,3 %), tandis qu’ils ont progressé pour les opérateurs dont le plafond n’était pas mordant (+ 21,0 % et + 1,5 %) ([269]).

4.   Vers une nouvelle doctrine d’emploi des taxes affectées inscrite dans la loi organique relative aux lois de finances

À la suite des recommandations de la mission d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([270]), la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([271]), adoptée par les deux chambres en première lecture, instaure une doctrine plus restrictive d’affectation des taxes à des tiers au niveau organique.

Son article 3, tel que résultant du vote de l’Assemblée nationale du 19 juillet 2021, prévoit qu’en dehors des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, les tiers ne pourront bénéficier d’une fiscalité affectée qu’à la double condition de disposer de la personnalité morale – ce qui exclut la possibilité d’affecter une taxe à un fonds sans personnalité juridique – et que soit justifié un lien entre la taxe affectée considérée et la mission de service public qu’ils assurent.

De plus, pour ces tiers, l’affectation d’une taxe ne serait plus possible que par l’adoption d’une disposition en loi de finances.

Enfin, cet article prévoit d’enrichir l’information du Parlement relative à l’affectation de ressources à des tiers contenue dans l’annexe « Évaluation des voies et moyens » du projet de loi de finances ([272]) .

II.   Le droit proposÉ

A.   Une hausse globale de plafonnement des taxes affectées de 61 millions d’euros

1.   Des baisses de plafonds à hauteur de 90 millions d’euros

Le A du I du présent article propose d’abaisser les plafonds des produits affectés de treize établissements au titre de 2022, pour une diminution totale de 90 millions d’euros après neutralisation des mesures de périmètre ([273]).

Les Baisses de plafonds

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2021

Plafond proposÉ en 2022

Baisse

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

III de l’article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

1 285 000

1 247 500

– 37 500

Taxe spéciale d’équipement

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Grand-Est

12 156

9 480

– 2 676

Établissement public foncier de Normandie

10 479

9 823

– 656

Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes

20 510

19 104

– 1 406

Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur

38 659

37 859

– 800

Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine

24 322

22 161

– 2 161

Établissement public foncier d’Occitanie

23 878

22 830

– 1 048

Établissement public foncier de Bretagne

10 893

7 751

– 3 142

Établissement public foncier de Vendée

2 944

2 314

– 630

Établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais

27 763

18 233

– 9 530

Taxe spéciale d’équipement

Article 1609 B du code général des impôts

Établissement public foncier et d’aménagement de Guyane

3 471

3 405

– 66

Redevances perçues en matière de propriété industrielle et en matière du registre national du commerce et des sociétés

Premier alinéa de l’article L. 411-2 du code de la propriété intellectuelle

Institut national de la propriété industrielle (INPI)

124 000

94 000

– 30 000

Contribution annuelle due par les exploitants des installations nucléaires de base

Article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

61 300

61 100

– 200

Total

1 645 375

1 555 560

– 89 815

Source : commission des finances.

a.   La baisse du financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

● L’AFITF est un établissement public à caractère administratif chargé du financement de grands projets d’infrastructures de transport ([274]). L’agence perçoit trois taxes affectées (cf. le tableau ci-dessous) ainsi que d’autres ressources à savoir : une redevance domaniale versée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, une partie du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national et une contribution volontaire des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Évolution des Plafonds des ressources affectÉes à l’AFITF depuis 2017

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Plafond 2017

Plafond 2018

Plafond 2019

Plafond 2020

Plafond 2021

Plafond 2022

Écart 2021/22

Évolution 2017/22 (en %)

Taxe sur les billets d’avion
VI de l’article 302 bis K du code général des impôts

 

 

 

230 000

230 000

230 000

 -

-

Taxe d’aménagement du territoire
Article 302 bis ZB du code général des impôts

571 000

476 800

528 300

557 300

566 667

566 667

-

– 1 %

Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques
III de l’article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

735 000

1 028 164

1 205 815

1 210 000

1 285 000

1 247 500

– 37 500

+ 70 %

Total

1 306 000

1 504 964

1 734 115

1 997 300

2 081 667

2 044 167

 37 500

+ 57 %

Source : commission des finances.

Les ressources affectées à l’AFITF financent notamment la mise en œuvre du programme d’investissement dans les transports prévus par la loi LOM ainsi que le projet Canal Seine Nord Europe. En plus des taxes affectées, l’AFITF peut percevoir des dotations budgétaires. Ce fut le cas en 2020 avec une dotation d’équilibre de 250 millions d’euros versée par la mission Écologie, développement et mobilité durables. En 2021, l’AFITF participe à la mise en œuvre du volet mobilité des contrats de plan État-région du plan de relance et perçoit pour cela 549 millions d’euros de subventions budgétaires.

Dépenses totales de l’AFITF selon la Loi d’orientation des mobilitÉs

(en millions d’euros courants)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses totales

2 683

2 982

2 687

2 580

2 780

Évolution des dépenses

 

+ 299

–295

–107

+ 200

Source : article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

● Le présent article procède à l’abaissement de la part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’agence ([275]) de 37,5 millions d’euros, conformément à la trajectoire prévue par la loi LOM.

b.   La baisse du plafond de certains établissements publics fonciers

Les établissements publics fonciers mettent en place des stratégies foncières pour mobiliser le foncier, favoriser le développement durable et la lutte contre l’étalement urbain. Ils perçoivent à cette fin des taxes spéciales d’équipement dans la limite des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 précitée.

D’après l’analyse préalable du présent article, deux facteurs conduisent à ajuster les ressources de ces établissements en 2022 à la baisse pour un montant total de 16,9 millions d’euros :

– chaque année le montant de la taxe spéciale affectée à chaque établissement est recalculé pour tenir compte de sa situation financière et du niveau de ses ressources. Cette année une diminution de 10 millions d’euros en résulte ;

– la réforme de la taxe d’habitation en cours a conduit à opérer des compensations budgétaires au profit des établissements publics fonciers qui excèdent les pertes réelles provoquées par cette réforme pour chaque établissement. Pour assurer la neutralité financière de cette réforme, une baisse nette de 6,9 millions d’euros supplémentaire du plafond est proposée par le Gouvernement.

Plafonds des taxes affectées aux Établissements publics fonciers

(en milliers d’euros)

Taxe

Établissement public foncier / Agence d’aménagement

Plafond

2021

Plafond proposé pour 2022

Évolution

2021/2022

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Grand-Est (Lorraine)

12 156

9 480

– 2 676

Normandie

10 479

9 823

– 656

Ouest Rhône-Alpes

20 510

19 104

– 1 406

Provence-Alpes-Côte d’Azur

38 659

37 859

– 800

Ile-de-France

137 046

141 226

+ 4 180

Nouvelle Aquitaine

24 322

22 161

– 2 161

Occitanie

23 878

22 830

– 1 048

Bretagne

10 893

7 751

– 3 142

Vendée

2 944

2 314

– 630

Nord-Pas-de-Calais

27 763

18 233

– 9 530

Article 1609 B du code général des impôts

Guyane

3 471

3 405

– 66

Mayotte

722

891

+ 169

Article 1609 C du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe

807

1 186

+ 379

Article 1609 D du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique

752

1 198

+ 446

Total

314 402

297 461

– 16 941

Source : présent article.

c.   La baisse du plafond de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI)

L’Institut national de la propriété industrielle (INPI) est un établissement public qui a pour mission d’instruire, de délivrer de gérer et de centraliser les droits de propriété industrielle (brevets, marques, dessin et modèles) s’exerçant sur le territoire français.

L’INPI est financé par les redevances payées par les entreprises pour le dépôt et le maintien de leurs titres de propriété industrielle, par les recettes liées à la tenue du registre national du commerce et des sociétés (RNCS) et par des recettes accessoires. L’INPI ne perçoit pas de subventions directes de l’État.

En 2021, à la suite d’un référé publié en 2019 ([276]) dans lequel la Cour des comptes a critiqué le fonctionnement de cet institut, les recettes qui lui sont affectées ont été intégrées au mécanisme de plafonnement des taxes ([277]). Le plafond des recettes de l’INPI a été fixé à 124 millions d’euros.

Malgré cette mesure d’ajustement, l’institut continue de disposer d’une trésorerie importante représentant 290,6 millions d’euros, soit plus d’une année de dépense d’après l’analyse préalable du présent article. Aussi il est proposé une baisse de 30 millions d’euros du plafond de l’institut afin d’éviter la constitution d’un fonds de roulement trop important et ne concourant pas à la bonne gestion financière de l’organisme.

d.   La baisse du plafond de l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

L’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) auquel sont confiées des missions d’expertise, de recherche, de surveillance et de formation dans le domaine de la sûreté nucléaire ([278]).

À ce titre, il perçoit une contribution due par les exploitants des installations nucléaires de base, plafonnée à 61,3 millions d’euros et prévue par l’article 96 de la loi de finances rectificative pour 2010 ([279]). Cette contribution dépend du nombre d’installations nucléaires. En conséquence, la fermeture de tout ou partie d’une installation nucléaire de base, incluse dans l’assiette de cette contribution, entraîne une révision à la baisse de son rendement.

C’est pour cette raison qu’il est proposé par le présent article que le plafond d’affectation de cette taxe diminue de 0,2 million d’euros pour s’établir à 61,1 millions d’euros.

2.   Les hausses de plafonds s’élèvent à 151 millions d’euros

Le Gouvernement propose d’élever les plafonds d’affectation de treize organismes affectataires pour une augmentation totale de 151 millions d’euros à périmètre constant ([280]).

Les Hausses de plafonD de taxes affectées

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2021

Plafond proposé 2022

Hausse

Recettes provenant de la confiscation des biens et produits

Article 706-163 du code de procédure pénale

Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

1 306

9 900

+ 8 594

Produit de la vente d’actifs carbone et le produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz Article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

420 000

481 000

+ 61 000

Taxes et redevances assises sur les titres délivrés

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (I de l’article 953 du code général des impôts)

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

137 060

172 060

+ 35 000

Taxe spéciale d’équipement

Article 1609 C du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe

807

1 186

+ 379

Taxe spéciale d’équipement

Article 1609 D du code général des impôts

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique

752

1 198

+ 446

Droits et contributions versés par les acteurs soumis à son contrôle

Articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier

Autorité des marchés financiers (AMF)

101 500

106 000

+ 4 500

Droit annuel de francisation et de navigation des navires de plaisance

Article 224 du code des douanes

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

38 500

40 000

+ 1 500

Contribution à la vie étudiante

Article L. 841-5 du code de l’éducation

Contribution à la vie étudiante (CVEC)

150 000

165 000

+ 15 000

Taxe spéciale d’équipement

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier d’Ile-de-France

137 046

141 226

+ 4 180

Taxe spéciale d’équipement

Article 1609 B du code général des impôts

Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte

722

891

+ 169

Taxe locale sur les bureaux en Île-de-France

2° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Société du Grand Paris (SGP)

593 900

601 000

+ 7 100

Taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement

Article 1599 quater A bis du code général des impôts

SGP

75 000

76 000

+ 1 000

Part régionale de la taxe de séjour

Article 1599 quater C du code général des impôts

SGP

16 000

28 000

+ 12 000

Total

1 672 593

1 823 461

+ 150 868

Source : commission des finances.

a.   L’augmentation des ressources de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

● L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) est un établissement public de l’État à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministre de la justice et du ministre chargé du budget dont les missions sont définies par les articles L. 706-160 et suivants du code de procédure pénale.

Les ressources de l’agence sont énumérées à l’article 706-163 du code de procédure pénale et comprennent notamment :

– le produit du placement des sommes saisies ou acquises par la gestion des avoirs saisis, versé sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), conformément au sixième alinéa de l’article précité ;

– une fraction, plafonnée à hauteur de 1,3 million d’euros, des sommes confisquées gérées par l’agence ainsi que du produit de la vente des biens confisqués lorsque l’agence est intervenue pour leur gestion ou leur vente.

Des objectifs d’accélération du traitement des avoirs criminels saisis ont été fixés à l’agence ([281]). Leur réalisation a pour effet mécanique de diminuer l’encours des sommes saisies et déposées à la CDC, et conséquemment le produit des intérêts tirés par l’Agrasc de ces dépôts. Le présent article prévoit de réaffecter à l’État le montant de ces intérêts issus des sommes saisies et déposées à la CDC. Le II du présent article supprime l’alinéa 6 de l’article 706-163 du code de procédure pénale à l’origine de cette affectation.

Pour éviter que l’Agrasc ne soit lésée par l’amélioration de sa performance, il est proposé de relever le plafond de la fraction des sommes confisquées affectées à l’Agrasc de 8,6 millions d’euros, à hauteur du manque à gagner sur les intérêts perçus grâce au placement des sommes saisies et versées sur le compte de la CDC.

b.   Une simplification du circuit de financement de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) dont les ressources sont stabilisées

ANAH est un établissement public administratif chargé de deux missions principales : la lutte contre la précarité énergétique et la lutte contre les fractures territoriales et sociales. L’offre de l’ANAH destinée à financer les travaux de rénovation énergétique est le programme Habiter Mieux, qui concerne les opérations complètes de travaux. L’agence est également chargée de l’attribution de MaPrimeRénov’, qui diminue le reste à charge des ménages engagés dans la rénovation énergétique de leur logement.

L’ANAH est financé par des taxes affectées et par des dotations budgétaires portées par les programmes 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat de la mission Cohésion des territoires et 174 Énergie, climat et après mines de la mission Écologie, développement et mobilités durables.

Charges et ressources DE l’ANAH EN 2020

(en milliers d’euros)

Charges

886 834

Aides aux propriétaires

680 657

Ingénierie

36 495

Humanisation des structures d’hébergement

3 102

RHI – THIRORI*

4 666

MaPrimeRénov’

161 914

Ressources

1 060 395

Programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

89 665

Programme 174 Énergie, climat et après mines

455 000

Taxe sur les logements vacants

61 000

Produit issu de la mise aux enchères des quotas carbone

420 000

Contribution des fournisseurs d’énergie (certificats d’économie d’énergie)

31 500

Autres produits divers

3 230

* Résorption de l’habitat insalubre irrémédiable ou Traitement de l’habitat insalubre remédiable ou dangereux et des opérations de restauration immobilière

Source : rapport annuel de l’ANAH pour l’année 2020, pp. 74 et suivantes.

L’ANAH bénéficie de deux ressources affectées plafonnées :

– le produit de la vente d’actifs carbone et le produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz mentionnés à l’article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 dans la limite d’un plafond de 420 millions d’euros en 2021 ;

– la taxe annuelle sur les logements vacants prévue par l’article 232 du code général des impôts (CGI) est affectée à l’agence conformément au VIII de cet article dans la limite d’un plafond s’élevant à 61 millions d’euros en 2021.

Le du III du présent article supprime le VIII de l’article 232 du CGI, conduisant à la réaffectation de la taxe annuelle sur les logements vacants au budget général. La baisse de recettes est compensée par une hausse à due concurrence du produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre affectés à l’ANAH.

Il augmente donc à due concurrence le plafond du produit de la vente d’actifs carbone et le produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz reversés à l’ANAH. Le plafond de cette ressource passe ainsi de 420 à 481 millions d’euros.

c.   L’augmentation du plafond de l’Agence nationale des titres de séjour (ANTS)

L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est un établissement public administratif qui assume la délivrance des titres sécurisés publics : certificat d’immatriculation des véhicules, passeport, carte national, titre de séjour, visa, titre de voyage, permis de conduire, titre d’identité et de voyage, carte de frontalier.

Depuis 2010, l’ANTS est financée exclusivement par des taxes et des redevances assises sur les titres délivrés. En particulier, l’article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 prévoit que le produit du droit de timbre des passeports délivrés en France est affecté à l’ANTS dans la limite d’un plafond fixé à 137 millions d’euros en 2021.

L’ANTS conduit des projets majeurs de modernisation (carte d’identité électronique, refonte du système d’immatriculation des véhicules, identité numérique, soutien des usagers de l’administration numérique pour les étrangers en France) qui nécessitent un investissement important notamment en ce qui concerne son système informatique.

Un relèvement du plafond du produit du droit de timbre des passeports délivrés versé à l’ANTS est dont proposé par le présent article. Il porterait le plafond de cette ressource de 35 millions d’euros à 172 millions d’euros

d.   La poursuite de l’augmentation du plafond de l’Autorité des marchés financiers (AMF)

L’Autorité des marchés financiers (AMF) assure une mission de régulation des marchés financiers, ainsi que des acteurs et produits financiers. Elle perçoit le produit des droits et contributions versés par les acteurs soumis à son contrôle et prévus aux articles L. 621‑5‑3 et L. 621‑5‑4 du code des marchés financiers, dans la limite du plafond fixé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 soit 101,5 millions d’euros en 2021.

Le présent article propose d’établir à 106 millions d’euros le plafond de ces droits et contributions pour 2022 (+ 4,5 millions d’euros). Il s’agit de permettre à l’AMF de :

– se doter des moyens techniques et humains pour faire face à des exigences accrues en matière de lutte contre le blanchiment et de cybersécurité, et de traiter des sujets émergents liés à la finance durable et digitale ;

– jouer pleinement son rôle dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cela passe par une contribution plus importante à l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), versée par l’AMF, et une supervision et un accompagnement accrus des acteurs qui choisissent de s’implanter ou de renforcer leurs activités en France. Les autorités de régulation des marchés financiers en Allemagne et en Italie ont bénéficié, dans ce contexte, d’une augmentation significative de leurs moyens.

Dans cette perspective, la trajectoire du plafond de l’AMF connaît une augmentation régulière depuis 2018 comme retracé par le tableau suivant.

Évolution du plafond des ressources affectÉes À l’AMF depuis 2017

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Plafond 2017

Plafond 2018

Plafond 2019

Plafond 2020

Plafond 2021

Plafond proposé 2022

Articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier

94 000

94 000

96 500

99 000

101 500

106 000

Source : commission des finances.

e.   La hausse du plafond du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) est un établissement public national à caractère administratif créé par la loi du 10 juillet 1975 pour conduire une politique foncière de sauvegarde des espaces naturels dans les cantons côtiers et les communes riveraines de grands lacs ([282])

L’affectation, conformément à l’article 224 du code des douanes, d’une partie du produit du droit annuel de francisation et de navigation des navires de plaisance (DAFN) à hauteur de 38,5 millions d’euros constitue la principale ressource de l’établissement. Les autres recettes du CELRL proviennent de ressources propres et de subventions pour des projets identifiés.

Le relèvement du plafond du DAFN de 38,5 millions d’euros à 40 millions d’euros doit compenser la montée en charge des dépenses de l’opérateur compte tenu de l’extension de son domaine qui atteint 210 339 hectares fin 2020, soit 3 533 hectares supplémentaires de surfaces protégées par rapport à 2019.

f.   La hausse du plafond de la contribution à la vie étudiante (CVEC)

La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a instauré une contribution dite à la vie étudiante, destinée à favoriser l’accueil et l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et à conforter les actions de prévention et d’éducation à la santé qui leur sont destinées ([283]).

Aux termes de l’article L. 841-5 du code de l’éducation, la contribution est due par les étudiants au moment de leur inscription à une formation dans un établissement d’enseignement supérieur. Acquittée auprès du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), elle bénéficie aux établissements d’enseignement supérieur.

Le montant initial de la contribution a été fixé à 90 euros. Le produit de cette contribution varie selon deux effets :

– un effet volume qui dépend du nombre d’étudiants attendus à la rentrée. Il est plus élevé en 2021, en raison notamment d’un taux particulièrement élevé de réussite au baccalauréat ;

– un effet prix car la CVEC est indexée sur l’inflation. Elle a été revalorisée à 92 euros à la rentrée 2020 puis à 93 euros à la rentrée 2021.

Selon l’évaluation préalable du présent article, le rendement de la contribution augmenterait en 2022 pour s’établir à 165 millions d’euros.

Pour permettre aux établissements concernés d’assurer leurs missions d’accueil et d’accompagnement, le A du I prévoit d’augmenter le plafond de la recette affectée pour le fixer au niveau du rendement attendu, soit une hausse de 15 millions d’euros en 2022.

g.   La hausse des plafonds de la Société du Grand Paris

Établissement public en charge de la réalisation du projet de Grand Paris Express, la Société du Grand Paris, créé par l’article 7 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ([284]), bénéficie de cinq ressources affectées comme le résume le tableau ci-après.

RÉsumÉ des Mouvements de plafonds de la sociÉtÉ du Grand Paris

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Plafond 2021

Plafond proposé 2022

Écart 2021-2022

Taxe spéciale d’équipement

Article 1609 G du code général des impôts

67 100

67 100

 

Taxe locale sur les bureaux en Île-de-France

2° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

593 900

601 000

+ 7 100

Taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement

Article 1599 quater C du code général des impôts

16 000

28 000

+ 12 000

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau-IFER

Article 1599 quater A bis du code général des impôts

75 000

76 000

+ 1 000

Part régionale de la taxe de séjour

Article L. 2531-17 du Code général des collectivités territoriales

30 000

30 000

 

Total

782 000

802 100

+ 20 100

Source : présent article et commission des finances de l’Assemblée nationale.

La hausse des ressources de la SGP vise à prendre en compte la progression attendue du rendement des différentes taxes qui la financent afin de couvrir ses besoins.

B.   Les mesures de périmètre conduisent à une baisse de 106 millions d’euros du plafond global

Il est proposé de supprimer deux plafonds, en conséquence de la budgétisation de taxes affectées à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et au fonds national d’aide au logement (FNAL)

● Comme précisé supra, le du III du présent article supprime le VIII de l’article 232 du CGI, conduisant à la réaffectation de la taxe annuelle sur les logements vacants au budget général jusqu’alors affectée à l’ANAH. La baisse de recettes est compensée par une hausse à due concurrence du produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre affectés à l’ANAH (cf. II.A.2.a).

● Le fonds national d’aide au logement (FNAL) est un fonds sans personnalité juridique qui centralise les dépenses et les recettes des allocations de logement.

Le FNAL est financé par des taxes affectées et par des dotations budgétaires portées par le programme 109 Aide à l’accès au logement de la mission Cohésion des territoires. Les dotations budgétaires assurent 82 % du financement du fonds comme le montre le tableau suivant récapitulant ses charges et ses ressources.

Charges et ressources du FNAl EN 2020

(en millions d’euros)

 

Exécution 2020

Charges

16 950

Aide personnalisée au logement

7 291

Allocation de logement social

5 341

Allocation de logement familial

3 986

Frais de gestion

332

Ressources

17 016

Cotisations employeurs (article L. 834-1 du Code de la sécurité sociale) 

2 477

Taxe additionnelle sur les plus-values immobilières (l’article 1609 nonies G du code général des impôts)

43

Taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux (1° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017)

116

Contribution exceptionnelle d’Action Logement

500

Crédits budgétaires du programme 109 Aide à l’accès au logement de la mission Cohésion des territoires

13 880

Source : rapport annuel de performance de la mission Cohésion des territoires annexé à la loi de règlement pour 2020.

La taxe sur les plus-values immobilières prévue à l’article 1609 nonies G du code général des impôts (CGI) est affectée au FNAL dans la limite d’un plafond de 45 millions d’euros en 2021.

Le du III du présent article supprime l’alinéa de l’article 1609 nonies du CGI, ce qui conduit à la rebudgétisation de la part de cette taxe affectée au FNAL. L’objectif est de simplifier le circuit de financement du fonds. Son produit sera intégralement compensé, selon l’évaluation préalable du présent article, par des crédits budgétaires inscrits sur le programme 109 Aide à l’accès au logement de la mission Cohésion des territoires.

Cette rebudgétisation correspond, en outre, à l’orientation promue par la proposition de loi relative à la loi organique relative aux lois de finances précitée dans la mesure où le FNAL ne dispose pas de la personnalité juridique.

Enfin, le II du présent article prévoit de réaffecter à l’État le montant des intérêts issus des sommes saisies et déposées à la caisse des dépôts et de consignation par l’Agrasc (cf. II.A.2.a du présent commentaire d’article).

 

*

*     *

Amendements I-CF1066 de Mme Christine Pires Beaune et I-CF668 de M. Charles de Courson (discussion commune).

M. Guy Bricout. Cet amendement vise à supprimer les ponctions faites par ce PLF sur divers organismes chargés de missions de service public.

Quand on connaît les besoins en matière de transport ou de logement, il y a de quoi se poser des questions en voyant qu’il est prévu de supprimer 37 millions d’euros à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et 45 millions d’euros sur la dotation du Fonds national d’aide au logement.

M. Charles de Courson. Cet amendement propose de supprimer l’alinéa abaissant de 1,28 milliard à 1,24 milliard d’euros le plafond de la part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’AFITF.

Il s’agit d’obtenir des explications du Gouvernement sur cette proposition de baisser de 40 millions d’euros les moyens de l’Agence, alors que celle-ci aurait besoin de plusieurs centaines de millions d’euros pour faire face à ses engagements. Aucune information ne figure dans l’étude d’impact.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La trajectoire des taxes affectées à l’AFITF est définie en fonction de ses dépenses, fixées par la loi d’orientation des mobilités, dite LOM. Or, en 2022, cette loi prévoit une baisse des dépenses de l’Agence, ce qui justifie la baisse du plafond.

Je ne suis pas d’accord avec M. Bricout. Les plafonds de taxes affectées ont été institués lors des précédentes législatures. Les baisses prévues cette année résultent soit d’un rendement plus faible, soit du fait que les ressources des organismes bénéficiaires sont suffisantes. Les baisses proposées sont peu nombreuses et elles sont toutes justifiées.

M. Charles de Courson. Il est avéré que les restes à payer de l’AFITF demeurent à un niveau élevé. Je ne comprends donc pas cette réduction de 40 millions d’euros des recettes qui lui sont affectées.

La réponse consistant à dire que le niveau de recettes résulte de la LOM ne tient pas. Ce qu’une loi a décidé, une autre peut le modifier.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1066 et I-CF668.

Amendement I-CF812 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF670 de M. Bertrand Pancher, I-CF1034 de M. Christophe Jerretie et I-CF688 de Mme Émilie Bonnivard (discussion commune).

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Cet amendement aborde la question du mécanisme du plafond mordant, qui permet la ponction par l’État des recettes des agences de l’eau au-delà du montant maximum de prélèvement des redevances.

La crise sanitaire a accru les charges de ces agences, avec des surcoûts liés à la gestion des boues d’épuration. L’amendement propose donc de supprimer ce plafond mordant, qui n’est pas adapté à la réalité de l’activité des agences de l’eau.

M. Charles de Courson. J’ai toujours été heurté par la manière dont on traite les agences de l’eau. Chacun sait que les besoins en la matière sont considérables, qu’il s’agisse du renouvellement des canalisations ou de la mise aux normes en matière d’assainissement.

Il est extrêmement choquant d’avoir mis en place un plafond mordant, qui fait qu’une partie des redevances payées par nos concitoyens dans leur facture d’eau va au budget de l’État, sans qu’ils s’en rendent compte. Si l’on estime que les agences de l’eau ont trop de moyens, il faut baisser les redevances.

L’amendement I-CF670 permettrait de porter les ressources annuelles des agences de l’eau de 2,2 milliards d’euros à 2,35 milliards d’euros, soit le niveau dont elles disposaient en moyenne pour la période 2013-2018.

Ce que propose le Gouvernement est de plus en plus mordant.

M. Christophe Jerretie. Après la décision prise collectivement par le groupe majoritaire de limiter le plafond mordant, un groupe de travail mène une réflexion au sein du comité pour l’économie verte sur le financement de la biodiversité. Il est coprésidé par le sénateur Alain Richard. Il s’agit de se pencher sur les recettes fiscales actuelles et futures des agences de l’eau.

Ces dernières doivent faire face à trois nouveaux enjeux : respecter les objectifs de la directive cadre sur l’eau (DCE) en 2027, financer la protection de la biodiversité et, surtout, réformer certaines redevances.

Le groupe de travail est sur le point de rendre ses conclusions, sans doute à la fin de ce mois, et il a permis d’évaluer les besoins à environ 400 millions d’euros au cours des six prochaines années. Pour y répondre, il sera proposé de relever de 150 millions d’euros le plafond annuel du produit de la redevance des agences de l’eau.

Ce montant apparaît raisonnable et résulte d’une large consultation avec l’ensemble des acteurs. Les Assises de l’eau en ont été informées.

Il s’agit bien entendu d’un amendement d’appel, afin que le Gouvernement puisse commencer à travailler sur ce sujet

Mme Émilie Bonnivard. L’instauration d’un plafond mordant sur les recettes des agences de l’eau est l’exemple type de la différence entre le discours de la majorité sur la transition écologique et la réalité.

Ce plafond mordant est absolument scandaleux quand on connaît les besoins des territoires, qu’il s’agisse de la réhabilitation des réseaux, de la lutte contre le gaspillage d’eau due au vieillissement de ces derniers ou des besoins encore très important d’installation de dispositifs d’assainissement. Certaines communes, notamment en montagne, n’ont toujours pas de réseau d’assainissement, car les investissements sont très lourds au regard du faible nombre d’habitants.

Totalement injuste, la mise en place du plafond mordant a de plus contribué à opposer les territoires ruraux aux territoires urbains. Je me battrai pour sa suppression jusqu’à la fin de mon mandat.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je peux comprendre les interrogations, voire les inquiétudes, mais elles sont liées au principe même des plafonds mordants. Ce n’est un secret pour personne, je n’aime pas beaucoup ce type de mécanisme parce que je n’aime pas non plus la fiscalité affectée.

Il n’y a pas de différence entre les discours et les actes, madame Bonnivard. Instituer un plafond mordant consiste à s’adapter au rendement estimé d’une taxe, en écrêtant un rendement éventuellement supérieur. Il est certain que ce n’est pas le mécanisme le plus vertueux, ni le plus respectueux de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Mais cela ne fait pas perdre de ressources aux agences de l’eau.

Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable. Nous pourrons avoir un débat sur le fond lors de la discussion des crédits de la mission concernée, pendant l’examen de la seconde partie du PLF.

Mme Émilie Bonnivard. Comment aider les collectivités qui doivent consentir des investissements très importants, ce qu’elles ne peuvent pas faire seules ? Jusqu’à présent les agences de l’eau pouvaient assumer l’augmentation des dépenses, aux côtés des collectivités. Ce n’est plus le cas.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Les agences de l’eau se désengagent en effet de manière croissante des projets menés par les collectivités territoriales.

L’amendement I-CF1034 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements I-CF812, I-CF670 et I-CF688.

Amendements I-CF257 et I-CF256 de M. Régis Juanico.

Mme Claudia Rouaux. L’amendement I-CF257 vise à augmenter le plafond de la taxe sur les paris sportifs à hauteur de 100 millions d’euros. Les 65,4 millions d’euros de recettes supplémentaires constitueraient un apport important pour les structures associatives qui peinent à reprendre leurs activités à la suite de la pandémie.

L’amendement I-CF256 propose quant à lui d’augmenter également de 100 millions d’euros le plafond de la taxe sur les recettes de La Française de jeux. Il pourrait rapporter 28 millions d’euros supplémentaires.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements I-CF257 et I-CF256.

Amendement I-CF537 de M. Michel Larive.

M. Éric Coquerel. L’amendement, que nous empruntons au groupe GDR, vise à déplafonner les taxes destinées à financer l’Agence nationale du sport (ANS) : taxe sur les paris sportifs, taxe sur les jeux de loterie et taxe sur les droits de retransmission télévisuelle des événements sportifs.

J’en profite pour dénoncer l’absence d’encadrement de la publicité pour les paris sportifs dont le caractère addictif est pourtant avéré.

Le sport souffre aujourd’hui d’un manque de moyens. Il est anormal que les produits dérivés ne contribuent pas dans des proportions plus importantes à son financement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le montant des taxes affectées n’a cessé de croître, passant de 133 millions d’euros en 2018 à 180 millions en 2022.

En revanche, les moyens de l’ANS méritent un débat, qui relève plutôt de la seconde partie : ils doivent être suffisants pour permettre à celle-ci d’assurer ses missions.

La commission rejette l’amendement I-CF537.

Amendement I-CF674 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C’est une histoire de fou qui concerne l’Établissement public foncier de Lorraine. L’État a décidé d’étendre sa compétence à la région Grand-Est dans son ensemble au motif qu’il dispose de quelques réserves. Mais le montant des ressources qui lui sont affectées est abaissé de 12,1 à 9,4 millions d’euros. L’argent abondera le budget de l’État : c’est formidable ! Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous apporter quelques éclaircissements ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le sujet demande un examen plus approfondi. Le ministre chargé des comptes publics pourra certainement vous apporter en séance les précisions que vous demandez.

De ce que j’en sais, en 2021, la réforme de la taxe d’habitation a conduit à opérer des compensations budgétaires au profit des EPF qui excèdent les pertes réelles provoquées par cette réforme. Pour assurer la neutralité financière de cette réforme, une baisse du plafond est prévue en 2022.

La commission rejette l’amendement I-CF674.

Amendements identiques I-CF736 de M. Jean-Philippe Nilor et I-CF967 de M. Dominique Potier, amendements identiques I-CF428 de M. Michel Zumkeller, I-CF690 de M. Bertrand Pancher, I-CF732 de M. Jean-Philippe Nilor et I-CF954 de M. Dominique Potier, amendement I-CF734 de M. JeanPhilippe Nilor, amendements identiques I-CF737 de M. Jean-Philippe Nilor et I-CF970 de M. Dominique Potier (discussion commune).

M. Alain Bruneel. L’amendement I-CF736 vise à affecter 2,5 milliards d’euros de recettes de la taxe sur les transactions financières à l’aide publique au développement. Il s’agit d’augmenter les ressources du Fonds de solidarité pour le développement grâce à la hausse des recettes consécutives à l’instauration d’une taxation intra-journalière.

M. Michel Zumkeller. L’amendement I-CF428 vise à affecter l’intégralité des recettes de la taxe sur les transactions financières à l’aide publique au développement. Face au Covid-19 et à la nécessité de soutenir les actions en faveur de la santé, de l’éducation et du climat à travers le monde, ce serait un geste salutaire.

M. Michel Castellani. Dans le même esprit, l’amendement I-CF690 a pour objet de faire contribuer le secteur financier à la lutte contre l’extrême pauvreté dans le monde.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne développerai pas les arguments justifiant mon avis défavorable puisque ce sont les mêmes que lors du débat sur la taxe sur les transactions financières (TTF). Je suis opposé à toute augmentation, je l’ai dit.

La TTF est un cas d’école pour illustrer la nocivité des taxes affectées. La hausse des ressources du fonds de solidarité part d’une bonne intention, mais son financement par une augmentation de la TTF, sans se soucier des risques pour notre attractivité et des conséquences pour la place financière, confirme la nécessité de revoir en profondeur, comme le président et moi vous le proposons, l’affectation des taxes dans notre pays.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF736 et I-CF967, les amendements identiques I-CF428, I-CF690, I-CF732 et I-CF954, l’amendement I-CF734 et les amendements identiques I-CF737 et I-CF970.

*

*     *

Elle adopte l’article 14 non modifié.

 

 

C – Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 15
Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes
et comptes spéciaux existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Comme chaque année, le présent article confirme pour 2022 les affectations résultant des budgets annexes et des comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent PLF. Cet article s’applique sans préjudice des autres articles du présent projet de loi, qui peuvent proposer la création ou la suppression de certains de ces budgets annexes et comptes spéciaux.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Du principe d’universalité budgétaire découle celui de non-affectation de recettes à des dépenses, qui conduit à présenter distinctement et dans leur globalité les recettes et les dépenses. Toutefois, par exception à ce principe, l’article 16 de la LOLF ([285]) dispose : « Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte spécial. »

Par ailleurs, le 3° du I de l’article 34 de la même loi organique prévoit que « la loi de finances de l’année comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget général de l’État ».

En conséquence, l’objet du présent article est de confirmer, pour 2022, les affectations résultant de budgets annexes et de comptes spéciaux créés par les lois de finances antérieures – la création des budgets annexes et des comptes spéciaux étant un monopole des lois de finances, conformément aux articles 18 et 19 de la LOLF.

Le dispositif est le suivant : « Sous réserve des dispositions de la présente loi, les affectations résultant de budgets annexes créés et de comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi sont confirmées pour l’année 2022 ».

 

Les budgets annexes et les différentes catégories de comptes spéciaux

Les budgets annexes et les comptes spéciaux constituent des exceptions au principe de non-affectation du budget, c’est-à-dire à l’interdiction d’affecter une recette à une dépense, ainsi qu’au principe d’unité du budget général de l’État. Ils retracent ainsi certaines recettes et certaines dépenses budgétaires.

Les règles de création des budgets annexes sont prévues par l’article 18 de la LOLF. Ils peuvent être créés pour retracer les seules opérations des services de l’État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances.

Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 19 à 24 de la LOLF.

Les comptes d’affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux présente un caractère limitatif.

Les comptes d’opérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liés à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Ainsi, seraient reconduits pour 2022 :

– deux budgets annexes avec, au total, des ressources et des charges de 2,5 milliards d’euros ;

– sept comptes d’affectation spéciale (CAS) avec, au total, des ressources de 72,6 milliards d’euros et des charges de 72,4 milliards d’euros ;

– six comptes de concours financiers avec, au total, des ressources et des charges de 131,1 milliards d’euros ;

– dix comptes de commerce avec, au total, des autorisations de découvert de 20,1 milliards d’euros. L’essentiel de ces autorisations (19,2 milliards d’euros) est lié à la seule gestion de la dette et de la trésorerie de l’État ;

– et trois comptes d’opérations monétaires avec, au total, des autorisations de découvert de 250 millions d’euros. Celles-ci ne concernent que le compte Pertes et bénéfices de change.

Cette confirmation de l’affectation des ressources se fait « sous réserve » des dispositions particulières qui pourraient être contenues dans la loi de finances issue du présent PLF – qui, à ce stade, ne contient pas de disposition sur ce sujet.

Le tableau suivant présente le solde des deux budgets annexes de l’État.

Solde des budgets annexes

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Budgets annexes

2021 (LFR 1)

2022 (PLF)

Contrôle et exploitation aériens

Ressources

2 222

2 381

Charges

2 266

2 381

Solde

 44

0

Publications officielles et information administrative

Ressources

159

164

Charges

152

150

Solde

7

14

Solde de l’ensemble des budgets annexes

 37

14

Source : présent PLF.

Les comptes spéciaux se décomposent en 7 comptes d’affectation spéciale, ayant pour objet d’affecter des recettes à des dépenses ; 6 comptes de concours financiers, qui ont pour objet de permettre à l’État de faire des avances financières ; 10 comptes de commerce permettant de réaliser des opérations de nature industrielle ou commerciale et 3 comptes d’opérations monétaires permettant de réaliser des opérations d’ordre strictement monétaire.

Les deux tableaux ci-dessous mentionnent le solde attendu des comptes spéciaux pour 2021 et pour 2022, ainsi que les autorisations de découvert des comptes de commerce et d’opérations monétaires.

Solde des comptes spÉciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2021 (LFR 1)

2022 (PLF)

Comptes d’affectation spéciale

Ressources

72 407

72 577

Charges

72 036

72 448

Solde

370

+ 129

Comptes de concours financiers

Ressources

128 269

131 063

Charges

130 413

131 071

Solde

 2 145

 7

Solde des comptes de commerce

 19

76

Solde des comptes d’opération monétaire

+ 51

87

Solde de l’ensemble des comptes spéciaux

 1 743

286

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le résultat présenté peut ne pas correspondre à la somme des chiffres intermédiaires.

Source : présent PLF.

autorisation des découverts des comptes spÉciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2021 (LFI)

2022 (PLF)

Comptes de commerce

20 518,7

20 080,8

Comptes d’opérations monétaires

250

250

Source : présent PLF.

Les cinq tableaux suivants récapitulent les intitulés des budgets annexes et des comptes spéciaux confirmés par le présent article.

Liste des budgets annexes du plf 2022

Contrôle et exploitation aériens

Publications officielles et informations administratives

Liste des comptes d’affectation spéciale du plf 2022

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Développement agricole et rural

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Participation de la France au désendettement de la Grèce

Participations financières de l’État

Pensions

Liste des comptes de concours financiers du plf 2022

Accords monétaires internationaux

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Avances à l’audiovisuel public

Avances aux collectivités territoriales

Prêts à des États étrangers

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

 


Liste des comptes de commerce du plf 2022

Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

Couverture des risques financiers de l’État

Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés

Opérations commerciales des domaines

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

Renouvellement des concessions hydroélectriques

Soutien financier au commerce extérieur

Liste des comptes d’opÉrations monÉtaires du plf 2022

Émission des monnaies métalliques

Opérations avec le Fonds monétaire international

Pertes et bénéfices de change

*

*     *

La commission adopte l’article 15 non modifié.

*

*     *

 

 

Article 16
Actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources de l’audiovisuel public (compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ») et stabilisation du tarif de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ajuste les ressources et les dotations du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

Pour 2022, il augmente le montant maximal que l’État peut prendre en charge au titre de la compensation des dégrèvements de contribution à l’audiovisuel public (CAP) de 487,9 millions d’euros à 560,8 millions d’euros.

Il reconduit également  le mécanisme de garantie par l’État du niveau de recettes de la CAP, variable d’ajustement permettant d’assurer l’équilibre des ressources du compte, de telle sorte que celles-ci s’élèvent à 3 140,5 millions d’euros en 2022 contre 3 231,1 millions d’euros en 2021.

Il prévoit enfin le gel du montant de la CAP en 2022. En l’absence d’une telle dérogation, ce montant est indexé, par l’article 1605 du code général des impôts, sur l’évolution de l’indice des prix hors tabac.

Au total, les ressources de l’audiovisuel public au titre de la CAP atteindraient 3 701,3 millions d’euros en 2022, en baisse de 17,7 millions d’euros par rapport à 2021.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   Le droit existant

Le compte spécial Avances à l’audiovisuel public relève de la catégorie des comptes de concours financiers (CCF), dont le régime est fixé à l’article 24 de la loi organique relative au loi de finances (LOLF) ([286]).

Les comptes de concours financiers dans la LOLF

L’article 24 de la LOLF dispose que les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d’un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d’échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d’Etat.

Le montant de l’amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

Toute échéance qui n’est pas honorée à la date prévue doit faire l’objet, selon la situation du débiteur : soit d’une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ; soit d’une décision de rééchelonnement faisant l’objet d’une publication au Journal officiel ; soit de la constatation d’une perte probable faisant l’objet d’une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l’exercice dans les conditions prévues à l’article 37 de la LOLF. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général.

Source : article 24 de la LOLF.

A.   Le compte assure un financement de l’audiovisuel public en dehors du budget général

Le CCF Avances à l’audiovisuel public (AAP) a été créé par le VI de l’article 46 de la loi de finances pour 2006 ([287]) pour prendre la suite du compte d’avances n° 903-60 Avances aux organismes de l’audiovisuel public.

1.   Les recettes du compte

Le compte est alimenté en recettes par le produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) ainsi que par les dégrèvements de CAP pris en charge par l’État.

a.   La contribution à l’audiovisuel public

L’essentiel des ressources du compte est constitué du produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Aux termes de l’article 46 de la loi de finances pour 2006, le compte retrace « les remboursements d’avances correspondant au produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances ». Ces frais d’assiette sont calculés conformément au XI de l’article 1647 du code général des impôts. Le taux d’intérêt est celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance que les avances ou, à défaut, d’échéance la plus proche.

i.   Les redevables de la CAP

Le régime juridique de la CAP est déterminé par l’article 1605 du code général des impôts, qui distingue le régime applicable aux particuliers de celui applicable aux personnes physiques exerçant à titre professionnel et aux personnes morales :

– les particuliers doivent acquitter cette taxe dès lors qu’ils sont imposables à la taxe d’habitation au titre d’un local meublé affecté à l’habitation, à la condition de détenir au 1er janvier de l’année concernée un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif du foyer. Cette condition est, par défaut, considérée comme remplie sur la déclaration de revenus du foyer fiscal ; le redevable doit, s’il ne détient pas un tel appareil, déclarer cette situation ;

– les professionnels et les personnes morales sont également redevables de la taxe, à la condition de détenir au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la contribution à l’audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans un local situé en France.

ii.   Le recouvrement et le tarif de la CAP

Bien que le recouvrement de la CAP soit adossé à celui de la taxe d’habitation (TH), les réformes de la TH n’ont, jusqu’à présent, pas eu de conséquences sur le recouvrement de la contribution. En effet, les nouveaux contribuables bénéficiant d’un dégrèvement continuent à recevoir un avis d’imposition, le cas échéant avec une TH nulle. Environ 23 millions de foyers sont redevables de la contribution.

Le montant de la taxe est de 138 euros pour la France métropolitaine et de 88 euros pour les départements d’outre-mer. L’article 1605 du CGI prévoit que ce montant est indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, tel que prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l’année.

iii.   Des ressources en augmentation régulière avant la mise en place d’un plan d’économies

Les ressources issues de la CAP ont régulièrement augmenté jusqu’en 2018. Le tableau ci-dessous présente les montants effectivement versés aux opérateurs : des frais d’assiette et de recouvrement sont en effet prélevés sur la somme des recettes brutes de CAP et du montant des remboursements et dégrèvements de CAP. Ces dotations sont, en outre, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à un taux de 2,1 % ([288]).

Le produit de la CAP

(en millions d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021*

2022*

Montant

3 223

3 377

3 478

3 752

3 791

3 853

3 816

3 780

3 789

3 719

3 701

* Prévisions de recettes.

Source : commission des finances.

Cette augmentation s’explique en particulier par une hausse régulière du montant de la CAP. De 125 euros en France métropolitaine et 80 euros dans les départements d’outre-mer en 2012, il a progressivement augmenté pour atteindre respectivement 139 euros (+ 11,2 %) et 89 euros (+ 11,3 %) en 2018. Si la contribution n’avait été indexée que sur l’inflation, comme le prévoit l’article 46 précité, elle aurait atteint, en 2018, 131 euros.

En 2018, un plan d’économie a néanmoins été mis en place avec comme objectif de réduire les ressources destinées à l’audiovisuel public de 190 millions d’euros entre 2018 et 2022. En 2020, le montant de la CAP a diminué d’un euro pour s’établir à 138 euros en France métropolitaine et à 88 euros en outre-mer.

b.   Les dégrèvements pris en charge par l’État

Au produit de la CAP s’ajoute le montant des dégrèvements et remboursements pris en charge par l’État au titre des exonérations de contribution pour motifs sociaux et des « droits acquis ». Ce montant est versé à partir du programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État de la mission Remboursements et dégrèvements du budget général.

Les personnes exonérées ou dégrevées de la taxe d’habitation – en dehors de celles bénéficiant de la réforme de la taxe d’habitation lancée en LFI 2018 – bénéficient d’un dégrèvement de CAP en application du 2° de l’article 1605 bis du CGI. 4,5 millions de ménages ont été concernés en 2020, pour un coût de 611 millions d’euros.  

Les personnes exonérées au titre du dispositif « de maintien des droits acquis », prévu au 3° du même article, sont les personnes âgées aux revenus modestes qui étaient exonérées du paiement de la redevance audiovisuelle au 31 décembre 2014. 66 000 ménages ont bénéficié de cette exonération pour un coût de 10 millions d’euros en 2020.

Ces deux dépenses fiscales ne font pas l’objet de chiffrage pour l’année 2022 au sein des documents budgétaires mais leur plafond est fixé à 560,8 millions d’euros.

Par ailleurs, depuis la création du compte en 2006, un mécanisme dit de « garantie des ressources » accordées aux organismes de l’audiovisuel public est prévu en loi de finances, afin que ces derniers soient assurés de bénéficier du montant effectif de ressources voté.

Ainsi, en cas d’encaissements de contribution inférieurs à la prévision annuelle votée en loi de finances initiale, l’État prend en charge une part plus importante des dégrèvements, de telle sorte que les dotations destinées aux organismes de l’audiovisuel public leur soient intégralement versées. Ce mécanisme a été mis en œuvre en 2010 à hauteur de 2,3 millions d’euros, en 2016 pour 103,3 millions d’euros, en 2017 pour 28,9 millions d’euros, en 2019 pour 71,3 millions d’euros et en 2020 pour 111,4 millions d’euros.

L’application de ce mécanisme conduit à ce que le montant des dégrèvements compensés par le budget général ne corresponde pas systématiquement au montant des dégrèvements accordés aux contribuables exonérés, le premier montant pouvant même dépasser le second.

Aux termes du présent projet de loi de finances, le mécanisme de « garantie des ressources » serait activé si les encaissements nets de CAP étaient inférieurs au montant de 3 140,5 millions d’euros.

2.   Les dépenses du CCF

● Le compte Avances à l’audiovisuel public retrace en dépenses le montant des avances accordées aux sociétés France Télévisions, ARTE France, Radio France, France Médias Monde et TV5 Monde ainsi qu’à l’établissement public Institut national de l’audiovisuel (INA). Ces avances sont versées chaque mois aux bénéficiaires par douzième du montant prévisionnel des recettes du compte et ajustées sur la base des recettes prévisionnelles attendues en fonction des mises en recouvrement dès que celles-ci sont connues. Le solde est versé lors des opérations de répartition des recettes arrêtées au 31 décembre.

Ce compte est constitué des six programmes suivants : 841 France Télévisions, 842 ARTE France, 843 Radio France, 844 France Médias Monde, 845 Institut national de l’audiovisuel et 847 TV5 Monde.

En juillet 2018, le Gouvernement a lancé une réforme de l’audiovisuel public qui a notamment pour objectif de réaliser 190 millions d’euros d’économies entre 2018 et 2022. En 2021, l’effort a été fixé à 70 millions d’euros. Pour 2022, celui-ci serait de 17,7 millions d’euros.

Évolution des dotations des sociÉtÉs de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Opérateur

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2022-2018

France Télévisions

2 547,7

2 517,3

2 491,3

2 430,8

2 416,4

2 357,3

 160

ARTE France

274,3

279,6

277,5

275,4

273,4

272,9

 6,7

Radio France

577,8

586,4

592,3

577

569

566

 20,4

France Médias Monde

251,6

257,8

256,2

255,2

254,7

254,2

 3,6

INA

83,8

88,6

82,7

84,6

87,9

87,9

 0,7

TV5 Monde

78,4

77,4

76,2

76,2

76,2

76,2

 1,2

Total

3 813,6

3 807,1

3 776,2

3 699,2

3 677,61

3 614,5

 192,6

NB : les montants présentés dans le tableau sont ceux effectivement versés aux sociétés de l’audiovisuel, après prélèvement des frais de gestion liés à la collecte de la CAP et de la TVA. Ils ne correspondent donc pas aux montants des recettes inscrites dans le compte ou présentés plus haut dans leur montant toutes taxes comprises.

Source : commission des finances.

Il convient par ailleurs de souligner que, dans le cadre du plan de relance, l’audiovisuel a fait l’objet d’un effort particulier : 68 millions d’euros ont été mobilisés pour l’ensemble de l’audiovisuel public en 2021 et 5 millions d’euros le seront au bénéfice de Radio France en 2022. Ces crédits budgétaires complémentaires ne remettent cependant pas en cause la trajectoire d’économie évoquée ci-dessus.

● Ce compte ne respecte pas les principes relatifs au fonctionnement des comptes spéciaux qui ont été posés par la LOLF. La Cour des comptes considère en particulier que « les remboursements d’avances ne constituent pas des remboursements réels par les organismes audiovisuels publics, mais un jeu d’écritures conduisant à alimenter le compte par deux flux : le produit de la contribution à l’audiovisuel public et la valeur du montant des dégrèvements » ([289]).

Les dépenses du compte ne constituent pas, non plus, des avances dès lors que les bénéficiaires ne les considèrent pas comptablement comme telles. La Cour relève que « les organismes publics n’inscrivent pas dans leurs comptes une dette financière qui serait la contrepartie de l’avance consentie par l’État ». Ainsi, « l’opération ne se solde, en cours d’année, par aucun versement d’intérêt qui aurait vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ni, en fin d’année, par aucun remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers » ([290]), contrairement aux principes fixés par l’article 24 de la LOLF.

Le caractère artificiel du recours à un compte de concours financiers est d’autant plus marqué que l’Insee considère, depuis 2018, la contribution à l’audiovisuel public comme un prélèvement obligatoire – et non plus comme un achat de services audiovisuels – et que les versements de l’État au compte ont été intégrés dans le champ des organismes divers d’administration centrale et sont, par conséquent, pris en compte dans la norme de dépense annuelle.

II.   Le dispositif proposé

Le I modifie l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 afin de relever le montant maximal de dégrèvement de 487,9 millions d’euros, chiffre prévu par la loi de finances pour 2021, à 560,8 millions d’euros en 2022. Il prévoit également de diminuer le montant garanti aux organismes de l’audiovisuel public de 3 231,1 millions en 2021 à 3 140,5 millions d’euros pour 2022. Au total, ces deux mouvements permettent d’aboutir à une diminution de 17,7 millions d’euros des ressources de CAP finançant l’audiovisuel public, conformément au plan d’économie fixé en 2018.

Le II reconduit en 2022 la dérogation au III de l’article 1605 du code général des impôts, aux termes duquel le montant de la CAP fait l’objet d’une indexation annuelle sur l’indice des prix à la consommation hors tabac tel qu’il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l’année. Ainsi, dans le contexte de la réforme de l’audiovisuel public, il est proposé, comme en 2021, de ne pas indexer le montant de la CAP sur l’inflation. L’indexation automatique des tarifs de la contribution sur l’inflation aurait conduit à une augmentation de son produit de 23 millions d’euros.

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*     *

Amendement I-CF1083 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement vise à supprimer l’article qui, à nos yeux, fragilise les ressources de l’audiovisuel public.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Mon avis est défavorable. La diminution des ressources du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public n’est pas de 190 millions d’euros, contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire de votre amendement, mais de 17,7 millions.

En outre, cette évolution respecte la trajectoire dont nous sommes convenus avec les acteurs de l’audiovisuel public, en particulier France Télévisions dont j’ai rencontré la présidente récemment.

L’amendement I-CF1083 est retiré.

*

*     *

La commission adopte l’article 16 non modifié.

D – Autres dispositions

Article 17
Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet :

– d’augmenter de 0,12 point la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) brute affectée à la sécurité sociale pour la porter de 27,89 % à 28,01 %, ce qui représente une progression de 227,9 millions d’euros, et d’octroyer cette augmentation de fraction de TVA à la branche maladie, maternité, invalidité et décès du régime général pour la porter à 22,83 points. Cette hausse a pour objet principal, d’une part, de couvrir le transfert de l’État vers la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) de la compensation, pour quatre exonérations ciblées, de la part correspondant à la réduction de six points des cotisations d’assurance maladie pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC et, d’autre part, de tenir compte de l’achèvement du financement du plan d’investissement  en faveur de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna ;

– d’affecter à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) une fraction de 398 millions d’euros du produit de TVA revenant actuellement à l’État au titre du financement par l’État de l’exonération spécifique dont bénéficient les employeurs agricoles pour l’emploi de travailleurs occasionnels (dispositif dit « TODE »).

En 2022, ces deux dispositions représentent un montant supplémentaire de TVA à affecter à la sécurité sociale de 626 millions d’euros. Elles ont un impact quasi-nul sur le solde de l’État.

Dernières modifications législatives intervenues

Chaque année, une fraction de TVA est affectée à la sécurité sociale pour compenser les exonérations ou baisses de recettes de celle-ci, en application du principe de compensation intégrale des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État posé par l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

La loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a rénové les modalités de compensation par l’État à la sécurité sociale d’un certain nombre de dispositions à la charge de celle-ci pour permettre notamment de déroger au principe de compensation intégrale pour les baisses de prélèvements obligatoires.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.


I.   Le droit existant

A.   Un principe de compensation intÉgrale qui tolÈre dÉsormais des exceptions

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 ([291]) a marqué un changement de doctrine s’agissant du principe de compensation.

● Jusqu’alors les relations financières étaient régies par un principe introduit par la loi dite « Veil » de 1994 ([292]). En application de l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale, l’État prend à sa charge intégralement, au moyen de recettes fiscales ou de crédits budgétaires :

– toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale instituée à compter du 26 juillet 1994 ([293]) ;

– toute mesure de réduction ou d’exonération de contributions sociales instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ([294]) ;

– toute mesure de réduction ou d’abattement d’assiette de cotisations ou contributions sociales à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 susmentionnée ;

– toute mesure de transferts de charges.

Les exceptions à cette obligation ne peuvent être décidées qu’en loi de financement de la sécurité sociale conformément à l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale.

L’article L. 131‑7 prévoyait déjà certaines exceptions qui, conformément aux prescriptions de l’article LO. 111‑3, ont été introduites par des LFSS. L’ensemble des allégements de cotisations sociales ne fait donc pas l’objet de compensation :

– les allégements généraux sont intégralement compensés par affectation de recettes de l’État à la sécurité sociale pour solde de tout compte ;

– les allégements ciblés, en revanche, ne sont pas systématiquement compensés, en particulier ceux entrés en vigueur avant 1994.

● La LFSS pour 2019 a correspondu à un changement de doctrine dans le principe de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État inspiré par les conclusions d’un rapport transmis au Parlement par le Gouvernement en octobre 2018 ([295]). Une des conclusions de ce rapport était que la participation de la sécurité sociale au financement du coût des allègements de charges est justifiée par l’effet bénéfique de ces mesures pour l’emploi et donc pour la masse salariale sur laquelle sont assises ces cotisations.

La nouvelle architecture des relations financières entre l’État et la sécurité sociale est donc fondée sur les modalités suivantes :

– les exonérations spécifiques de cotisations continuent d’être prises en charge par l’État ;

– les baisses de prélèvements obligatoires sont supportées par l’État ou la sécurité sociale en fonction de leur affectation ;

– les transferts entre l’État et la sécurité sociale sont compensés par l’affectation d’une fraction de TVA supplémentaire.

B.   Les mesures modifiant les recettes de la sÉcurité sociale en 2022

1.   Les transferts financiers

Dans le cadre de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisses de cotisations sociales, la LFI pour 2018 ([296]) a supprimé le CICE tandis que la LFSS pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs parmi lesquelles une réduction forfaitaire de six points de la cotisation patronale maladie sur les salaires en deçà de 2,5 SMIC aussi appelée « bandeau maladie » ([297]). La compensation des pertes de recettes liées à ces exonérations a été réalisée par l’affectation d’une part de la TVA à la sécurité sociale.

S’inscrivant dans cette logique, le présent article modifie les modalités de compensation de quatre exonérations ciblées ([298]). Alors que cette compensation est aujourd’hui intégralement assurée par des crédits inscrits au sein du budget du ministère chargé du travail, elle sera, à compter de 2022 :

– d’une part, prise en charge par l’affectation d’une fraction de la TVA, à hauteur de 192 millions d’euros, pour la part correspondant à la réduction de six points des cotisations des employeurs au titre de l’assurance maladie pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC ;

– et, d’autre part, assurée par des crédits budgétaires, à hauteur de 1 047 millions d’euros, inscrits, dans le PLF 2022, au sein du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi, pour la part « spécifique » des quatre dispositifs d’exonérations ciblées.

Cette mesure traduit la volonté de mettre en œuvre le principe selon lequel le coût des allègements de droit commun est compensé par l’affectation d’une fraction de la TVA et celui des exonérations spécifiques est pris en charge par les crédits des ministères concernés.

Aussi, le présent projet de loi de finances opère-t-il deux mouvements qui agissent en « miroir » et ont, in fine, un impact nul sur le solde budgétaire de l’État :

– l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction de TVA correspondant à un montant de 191,8 millions d’euros ;

– la réduction, au titre d’une mesure de périmètre, de 191,8 millions d’euros des crédits du programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.

L’agence de santé de Wallis-et-Futuna, établissement public national à caractère administratif, regroupe deux hôpitaux et plusieurs dispensaires. Elle prend en charge l’ensemble du système de santé local. Son financement est assuré par le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soin de la mission Santé.

Dans le cadre des accords du Ségur de la santé de juillet 2020, dont le financement est assuré par l’assurance maladie, un plan d’investissement en faveur de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna a été décidé à hauteur de 45 millions d’euros à partir de 2021. Il s’est accompagné d’un transfert de la sécurité sociale vers l’État dont le montant a été inscrit dans le programme précité en 2021.

Comme le plan d’investissement a été financé dans son intégralité en 2021, il convient, en 2022, d’affecter une fraction de la TVA correspondant à un montant de 45 millions d’euros à l’assurance maladie afin de rétablir la neutralité financière entre l’État et la sécurité sociale.

La mesure est neutre sur le solde de l’État.

À la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 octobre 2016 ([299]), qui a jugé que la livraison de sang humain bénéficiait de l’exonération de TVA lorsque cette livraison contribuait directement à des activités d’intérêt général, le régime d’imposition à la TVA en vigueur en France a été modifié à compter du 1er janvier 2019 ([300]).

Afin d’atténuer les conséquences financières sur l’Établissement français du sang de ce changement de régime fiscal, la caisse nationale d’assurance maladie lui a accordé une dotation exceptionnelle de 40 millions d’euros en 2019, qui a été reconduite en 2020 et fait l’objet, depuis 2021, d’une réduction progressive, de l’ordre de 10 millions d’euros chaque année, jusqu’en 2024.

Évolution de la dotation exceptionnelle versÉe À
l’Établissement français du sang

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Montant

40

40

30

20

10

0

Source : direction du budget.

La loi de finances pour 2019 a majoré la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale, à hauteur de 40 millions d’euros, pour compenser le versement de cette dotation exceptionnelle. Compte tenu du caractère dégressif de cette dotation exceptionnelle à compter de 2021, la loi de finances pour 2021 ([301]) a minoré de 10 millions d’euros le montant de TVA affecté à la sécurité sociale.

Le présent article minore à nouveau, pour 2022, la fraction de TVA de 10 millions d’euros.

L’évaluation préalable du présent article fait mention d’« autres transferts » à hauteur de 1,1 million d’euros, dont le détail n’est pas précisé.

2.   Les exonérations de cotisations pour les travailleurs occasionnels

Les exploitants agricoles employant des travailleurs occasionnels bénéficient d’une exonération de cotisations patronales en vertu de l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime, communément appelée « TO-DE ». Le dispositif consiste en une exonération totale jusqu’à 1,2 SMIC et dégressive jusqu’à 1,6 SMIC.

Depuis 2019, la compensation de ce dispositif est assurée à la fois par l’affectation d’un montant de TVA à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), qui correspond au coût estimé de la réduction de six points de cotisations maladie si le dispositif TO-DE ne s’appliquait pas, et par des crédits issus du budget de ministère chargé de l’agriculture, pour le solde.

Alors que ce dispositif devait s’éteindre au 1er janvier 2021, l’article 16 de la LFSS pour 2021 ([302]) en prévoit la prolongation jusqu’au 31 décembre 2022, afin notamment de tenir compte des conséquences de la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19.

En 2021, 389 millions d’euros ont été affectés à la caisse centrale de la mutualité agricole tandis que 127 millions d’euros ont été inscrits sur le budget du ministère chargé de l’agriculture.

II.   Le dispositif proposÉ

● Le I modifie le 9 ° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale pour augmenter le montant de la fraction de TVA affectée à la branche maladie de la sécurité sociale.

Le majore de 0,12 point cette fraction de TVA pour la porter à 28,01 %, ce qui représente un montant supplémentaire de 227,9 millions d’euros en faveur des organismes de sécurité sociale.

Ce montant correspond aux mesures présentées supra et récapitulées infra.

Montant supplémentaire de TVA À affecter À la sÉcurité sociale

(en millions d’euros)

Mesure

Montant

Transfert de la compensation de l’allègement de 6 points de cotisations maladie pour les entreprises bénéficiant de certains dispositifs d’exonération ciblée

191,8

Prise en compte de l’achèvement du plan d’investissement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna

45,0

Prise en compte de la dégressivité de la dotation exceptionnelle versée à l’Établissement français du sang

– 10,0

Autres transferts non précisés

1,1

Montant supplémentaire de TVA à affecter à la sécurité sociale

227,9

Source : évaluation préalable du présent article.

Le attribue cette fraction supplémentaire de TVA à la branche maladie de la sécurité sociale. La fraction qui lui est affectée est augmentée de 0,12 point pour s’établir à 22,83 points de TVA, soit environ 43,5 milliards d’euros ([303]).

● Le II affecte une fraction de TVA à hauteur de 398 millions d’euros à la caisse centrale de la mutualité agricole au titre de la compensation du dispositif TO-DE.

Ce montant de 398 millions d’euros devrait être complété par des crédits issus du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales à hauteur de 130 millions d’euros.

Ainsi, les moyens consacrés à la compensation des moindres recettes perçues au titre de l’exonération de cotisations sociales patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels agricoles devraient s’élever à 528 millions d’euros en 2022 contre 516 millions en 2021.

Au total, en 2022, le I et le II ont pour conséquence d’affecter un montant supplémentaire de TVA à la sécurité sociale de 626 millions d’euros. Ces dispositions ont un impact très limité sur le solde de l’État puisque la dégradation est de l’ordre de 100 000 euros.

● Le III fixe la date d’entrée en vigueur du I de l’article au 1er février 2022. Ce décalage d’un mois s’explique par les différences existant entre la comptabilité de l’État et celle de la sécurité sociale. Cette dernière étant établie en droits constatés, elle a pour conséquence un décalage dans l’encaisssement des recettes.

*

*     *

Amendement I-CF529 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Il vise à supprimer l’article 17 afin de dénoncer l’institutionnalisation des transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale qui bafouent l’autonomie de cette dernière. Il est à noter que d’ores et déjà, une large part de la dette liée au Covid-19 a été transformée en dette sociale, ce qui pose de multiples problèmes sur lesquels je n’ai pas le temps de m’étendre ici.

L’affectation d’une fraction de la TVA à la sécurité sociale est censée compenser la baisse de six points des cotisations versées par les employeurs pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC, mais c’est un cache-misère. En outre, nous considérons que la baisse des cotisations, sur lesquelles repose la solidarité nationale, n’est pas la solution pour améliorer le pouvoir d’achat et créer de l’emploi.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement d’appel que vous déposez chaque année, puisque vous ne souhaitez sans doute pas que la compensation de l’État soit supprimée. Peut-être voudriez-vous qu’elle soit plus importante ou organisée différemment. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF529.

*

*     *

Elle adopte l’article 17 non modifié.


Article 18
Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue le prélèvement sur les recettes de l’État pour 2022 au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne à 26,4 milliards d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (PSR-UE) est prévu par l’article 6 de la LOLF. Il correspond à la majeure partie de la contribution annuelle de la France au budget de l’Union européenne (UE), le reste étant constitué des ressources propres traditionnelles (RPT) collectées par les États membres pour le compte de l’UE ([304]) qui sont réduites, depuis 2017, aux seuls droits de douane ([305]).

Le présent article évalue à 26,4 milliards d’euros le montant prévisionnel du PSR-UE pour 2022, soit un niveau légèrement inférieur à celui prévu pour 2021 par la première loi de finances rectificative de l’année ([306]). Ce montant était lui-même en baisse de 715 millions d’euros par rapport à la prévision de la LFI pour 2021.

exÉcution et PrÉvision Du prÉlÈvement sur recettes
en faveur de l’Union europÉenne

(en milliards d’euros)

2020

Exécution

2021

Prévision initiale

2021

Prévision actualisée

2022

Prévision

23,7

27,2

26,5

26,4

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le PSR-UE est une dépense au sens de la comptabilité nationale bien qu’il soit considéré, du point de vue budgétaire, comme une moindre recette. D’ailleurs, en 2008, les prélèvements sur recettes, dont celui au profit de l’Union européenne, ont été intégrés dans la norme de dépense. De même, le II de l’article 9 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([307]) a intégré les prélèvements sur recettes dans l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE), qui constitue une des normes d’encadrement de la progression des dépenses de l’État. Néanmoins, compte tenu du fait que le PSR-UE est calculé en fonction des besoins du budget européen et d’une clé de répartition entre États membres, il n’est pas comptabilisé au sein de la norme des dépenses pilotables par l’État.

Le PSR-UE représenterait, en 2022, environ 6,9 % des dépenses nettes de l’État. Seules six missions du budget général bénéficieraient de davantage de moyens : Défense, Engagements financiers de l’État, Enseignement scolaire, Recherche et enseignement supérieur, Remboursements et dégrèvements et Solidarité, insertion et égalité des chances.

I.   le budget et les ressources de l’union européenne

A.   Le budget pour 2022

Le nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) pour les années 2021-2027 a été adopté en décembre 2020. Cet outil de programmation budgétaire, juridiquement contraignant pour le budget européen annuel, prévoit un total de 1 074 milliards d’euros de crédits d’engagement et de 1 061 milliards d’euros de crédits de paiement sur la période. Ces moyens seront complétés par les montants empruntés au titre de l’outil Next Generation EU, doté de 750 milliards d’euros.

Dans ce cadre, la Commission européenne a présenté, le 8 juin 2021, sa proposition de budget, qui prévoit 167,8 milliards d’euros en crédits d’engagement et 169,4 milliards en crédits de paiement pour l’année 2022.

Le Conseil de l’Union a trouvé le 14 juillet 2021 un accord sur un projet de budget s’élevant à 167,7 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 170 milliards d’euros en crédits de paiement pour l’année 2022. Ces crédits de paiement représentent 1,14 % du revenu national brut de l’Union.

Ce projet de budget a été transmis au Parlement européen le 6 septembre dernier. Celui-ci devrait adopter sa position lors de sa session plénière prévue du 18 au 21 octobre 2021.

La procédure budgétaire de l’Union européenne

Le calendrier de la procédure budgétaire européenne comprend cinq étapes.

En premier lieu, la Commission européenne soumet au plus tard le 1er septembre de l’année N, au Conseil et au Parlement européen, un projet de budget pour l’année N+1 en se fondant sur le cadre financier pluriannuel (CFP).

Ensuite, le Conseil adopte une position sur le projet de budget le 1er octobre au plus tard.

Puis, le Parlement dispose de quarante-deux jours pour prendre une position.

En cas de divergence entre le Parlement et le Conseil, un comité de conciliation est chargé de dégager un accord sur un projet commun, dans les vingt et un jours qui suivent l’adoption de la position du Parlement européen.

Ce texte commun est ensuite soumis à l’approbation du Conseil et du Parlement dans les quatorze jours suivant l’accord. Si le Conseil et le Parlement ne parviennent pas à un accord, la Commission doit présenter un nouveau projet de budget.

Si, au début de l’exercice auquel il se rapporte, le budget annuel n’est pas encore adopté, le système des douzièmes provisoires s’applique : 1/12ème du budget de l’année précédente est alloué chaque mois.

B.   Les quatre ressources de l’Union européenne

1.   Les ressources propres actuelles

Le système actuel de financement de l’Union européenne repose sur quatre types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles (RPT), pour lesquelles les administrations nationales agissent comme de simples intermédiaires pour leur perception ([308]) mais perçoivent néanmoins des frais à ce titre ;

– la ressource dite « TVA », calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée ;

– la ressource sur le revenu national brut (RNB), dite « ressource d’équilibre », versée par les États membres au prorata de leur revenu national brut dans le RNB total de l’Union européenne pour équilibrer le montant global des dépenses inscrites au budget ;

– les recettes diverses.

Le prélèvement sur recettes couvre uniquement les ressources propres « TVA » et « RNB » dues par la France. Au total, la France contribue à hauteur d’environ 16 % aux recettes de l’Union européenne.

2.   Vers de nouvelles ressources propres pour l’Union

Aux termes de l’accord obtenu au sein du Conseil européen de juillet 2020, une nouvelle contribution assise sur la part d’emballages plastiques non recyclés a été introduite dans la programmation 2021-2027. Cette ressource est composée de recettes provenant d’une contribution nationale calculée en fonction du poids des déchets d’emballage en plastique non recyclé, avec un taux de 0,80 euro par kilogramme, et corrigée par un mécanisme visant à éviter un effet excessivement régressif sur les contributions nationales ([309]).

Le mandat confié à la Commission européenne à la suite de la réunion du Conseil européen de juillet 2020 et traduit dans l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 prévoit également la mise en œuvre progressive de plusieurs nouvelles ressources propres :

– au cours du premier semestre 2021, la Commission doit présenter des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023. La Commission a présenté, le 14 juillet 2021, sa proposition pour un nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. À la date de publication du présent rapport, elle n’a, en revanche, pas présenté de proposition concernant la redevance numérique ;

– la Commission est également invitée à présenter une proposition révisée relative au système d’échange de quotas d’émission portant sur le dioxyde de carbone, le protoxyde d’azote et les perfluocarbones, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime. La Commission a présenté sa proposition le 14 juillet 2021.

Fin août 2021, le Parlement européen a regretté, concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et la révision du système européen de quotas carbone, que les propositions de la Commission n’aient pas été accompagnées d’une proposition de texte destiné à actualiser la décision ressource propre. Il a  également déploré l’absence de proposition concernant la redevance numérique : en effet, la Commission européenne a décidé de présenter ses propositions après la publication en octobre 2021, par l’OCDE, de ses conclusions relatives au projet BEPS ([310]).

Aux termes de l’accord inter-institutionnel, l’Union doit également s’efforcer, au cours du prochain cadre financier pluriannuel, de mettre en place d’autres ressources qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières, qui pourrait être introduite le 1er janvier 2026.

Le Conseil européen de juillet 2020 n’a, en revanche, pas retenu la proposition de la Commission européenne de créer une nouvelle ressource propre à partir d’une assiette consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), soutenue par le Parlement européen ([311]).

II.   l’évaluation du prélèvement sur recettes pour 2022

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est une évaluation ex ante qui intervient avant le vote du budget de l’Union européenne. L’évaluation est réalisée en fonction des prévisions de recettes et de dépenses de ce budget au titre de l’année à venir, complétées par les montants prévus au titre de la réserve d’ajustement au Brexit, après l’accord trouvé à ce sujet entre le Conseil et le Parlement européen le 17 juin 2021. Elle intègre également une hypothèse de solde excédentaire de 2021 reporté sur 2022.

Les différents mécanismes de corrections sont également intégrés à l’estimation.

L’augmentation des rabais consentie par le Conseil européen

Le Conseil européen de juillet 2020 a pris acte d’une augmentation des corrections forfaitaires ou « rabais » consentis à certains États membres sur la contribution annuelle fondée sur le RNB :

– Danemark : 377 millions d’euros ;

– Allemagne : 3 671 millions d’euros ;

– Pays-Bas : 1 921 millions d’euros ;

– Autriche : 565 millions d’euros ;

– Suède :1 069 millions d’euros.

Ces réductions brutes doivent être financées par tous les États membres en fonction de leur RNB.

Les corrections sur la contribution RNB ne sont pas les seuls mécanismes de « rabais » : une réduction du financement du rabais britannique et un taux d’appel réduit de la ressource TVA ont également été mis en place afin de réduire les contributions normalement dues par certains États membres. Sur la période 2014-2020, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède bénéficiaient ainsi d’un taux d’appel réduit de la ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’Allemagne et l’Autriche ne bénéficiaient pas d’une correction au titre de leur contribution RNB.

Les rabais accordés lors de la réunion du Conseil européen de juillet 2020 sont donc en forte hausse par rapport à ceux du précédent CFP :

– Danemark : 141 millions d’euros ;

– Allemagne : 3 358 millions d’euros ;

– Pays-Bas : 1 510 millions d’euros ;

– Autriche : 132 millions d’euros ;

– Suède : 693 millions d’euros.

Source : Commission européenne, document de travail « Financing the EU budget : report on the operation of the own resources system », mai 2018.  

Fixé à 26,4 milliards d’euros pour 2022, le PSR-UE serait ventilé de la manière suivante.

Ventilation du prÉlÈvement sur recettes
au profit de l’Union europÉenne pour 2022

(en millions d’euros)

Ressource

Montant

Ressource TVA

3 585

Ressource plastique

1 258

Ressource RNB

21 558

dont rabais forfaitaires

1 365

Total

26 400

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le PSR-UE diminuerait légèrement, de l’ordre de 100 millions d’euros, par rapport à la prévision révisée pour 2021, issue de la loi de finances rectificative adoptée le 19 juillet 2021.

En revanche, entre 2019 et 2022, le PSR-UE devrait connaître une forte progression, de 5,4 milliards d’euros entre 2019 et 2022. Cette augmentation de 25 % s’explique notamment par le nouveau cadre financier pluriannuel et par les nouvelles modalités de calcul des rabais.

PrÉlÈvement sur recettes au profit de l’Union europÉenne
depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2008

16,6

2009

18,3

2010*

17,5

2011

18,2

2012

19,1

2013

22,5

2014

20,3

2015

20,7

2016

19,0

2017

16,4

2018

20,6

2019

21,0

2020

23,7

2021**

26,5

2022**

26,4

* À compter de 2010, les RPT ne sont plus intégrées dans le périmètre du prélèvement sur recettes.

** Prévision.

Source : commission des finances.

*

*     *

Amendement I-CF680 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement d’appel à 7,4 milliards d’euros. En 2022, nous devrions toucher 7,4 milliards d’euros de l’Union européenne ; le but de mon amendement est de s’assurer que nous toucherons bien cette somme. Pour cela, je propose de réduire le prélèvement sur recettes à due concurrence. Le ministre pourra nous faire le point sur ce sujet.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’examen du PSR-UE en séance le lundi 18 octobre sera l’occasion de poser de telles questions.

L’amendement I-CF680 est retiré.

*

*     *

La commission adopte l’article 18 non modifié.


TITRE II : dispositions relatives à l’équilibre des ressources
et des charges

Article 19
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, pour 2022, le déficit budgétaire de l’État à 143,4 milliards d’euros et évalue son besoin de financement à 292,7 milliards d’euros. Il fixe aussi le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État à 1 949 686 équivalents temps plein travaillé.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article d’équilibre du présent PLF clôt la première partie. Il ne porte que sur le budget de l’État.

Il tend à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte, lors de l’examen des dépenses en seconde partie, aux grandes lignes de l’équilibre préalablement défini. Ainsi, la seconde partie du PLF ne peut être mise en discussion tant que n’a pas été votée et adoptée « la disposition qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de l’équilibre » ([312]).

Le I du présent article fixe les prévisions de ressources, détaillées à l’état A annexé au PLF, les plafonds de charges, ainsi que l’équilibre général du budget de l’État présenté dans un tableau.

Le II présente le tableau de financement de l’État ainsi que diverses autorisations de recours à l’endettement.

Le III définit le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État, dont le détail est prévu par l’article 24 du présent PLF.

Le IV arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l’État. Il prévoit que ces éventuels surplus seraient affectés en totalité à la réduction du déficit budgétaire.

SynthÈse du tableau d’Équilibre

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général

Recettes fiscales

292,0

Recettes non fiscales

18,9

Total

310,9

Dépenses nettes du budget général

Crédits de paiement

385,0

Prélèvements sur recettes

69,6

Total

454,6

Solde du budget général

 143,7

Solde des budgets annexes

– 0,01

+ Solde des comptes spéciaux

0,3

= Solde budgétaire de l’État

 143,4

I.   Les ressources de l’État

Le 5° de l’article 34 de la LOLF dispose que la première partie de la loi de finances comporte une évaluation de chacune des recettes budgétaires.

Tel est l’objet de l’état A, annexé au PLF, qui évalue le montant des recettes brutes du budget général, des budgets annexes, des comptes d’affectation spéciale (CAS) et des comptes de concours financiers.

En application du 4° de l’article 34 de la LOLF précitée, l’état A comporte également une évaluation des prélèvements sur recettes.

Ces éléments sont récapitulés dans le tableau d’équilibre général, mentionné par le 7° de l’article 34 de la LOLF, qui fait apparaître séparément les ressources du budget général, celles des budgets annexes et celles des comptes spéciaux.

Le tableau d’équilibre général comporte également, dans la colonne des ressources, une évaluation des remboursements et dégrèvements, afin de faire ressortir le montant net des recettes.

Contrairement aux dépenses, les éléments relatifs aux ressources constituent de simples évaluations et non pas des plafonds à ne pas dépasser. L’autorisation de percevoir les recettes est délivrée par l’article 1er du présent PLF.

Il ressort du tableau d’équilibre que les recettes totales nettes du budget général s’établiraient en 2022 à 310,9 milliards d’euros et seraient constituées de :

– 292,0 milliards d’euros de recettes fiscales nettes (recettes fiscales brutes de 422,6 milliards d’euros sous déduction des remboursements et dégrèvements estimés à 130,6 milliards d’euros) ;

– et 18,9 milliards de recettes non fiscales.

Le montant net des ressources pour le budget général s’établirait à 241,3 milliards d’euros après déduction des prélèvements sur recettes de 69,6 milliards d’euros, dont 43,2 milliards au profit des collectivités territoriales et 26,4 milliards au profit de l’Union européenne.

Après prise en compte des fonds de concours (6,3 milliards d’euros), le montant net des ressources pour le budget général s’élèverait à 247,6 milliards d’euros.

Les ressources du budget gÉnÉral de l’État

(en millions d’euros)

Recettes fiscales brutes

422 649

À déduire : remboursements et dégrèvements

 130 608

Recettes non fiscales

18 904

Prélèvements sur recettes

 69 612

Fonds de concours

6 281

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

247 614

Source : article d’équilibre du présent PLF.

La présentation de ces éléments serait modifiée par la proposition de loi relative à la modernisation des finances publiques, actuellement en cours de discussion au Parlement. Ainsi, le tableau ne présenterait plus les crédits relatifs aux remboursements, restitutions et dégrèvements des impositions de toutes natures revenant à l’État. Cette mesure apporterait une simplification de la présentation, en répondant à une critique soulevée par la Cour des comptes et au sein de la commission des finances de l’Assemblée selon laquelle les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ne devraient pas être déduits du total des recettes des impôts d’État.

A.   Les recettes fiscales nettes

En 2022, les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 292,0 milliards d’euros, en hausse de 13,4 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2021 et de 36 milliards par rapport à 2020.

Les Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État 2019-2022

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de l’État

Exécution

2019

Exécution

2020

Prévision

2021

Prévision 2022

impôt sur le revenu (IR)

71,7

74,0

77,0

82,4

impôt sur les sociétés (IS)

33,5

36,3

36,4

39,5

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

11,3

6,9

17,5

18,4

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

129,0

113,8

92,4

97,5

autres recettes fiscales nettes

35,8

25,0

55,3

54,4

sous-total recettes fiscales nettes

281,3

256,0

278,6

292,0

recettes non fiscales

14

14,8

22,2

18,9

Total

295,3

270,7

300,8

310,9

En raison d’effets d’arrondis, le total présenté peut différer de la somme des chiffres correspondants.

Source : présent PLF, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

B.   Recettes non fiscales

En 2022, le produit des recettes non fiscales diminuerait de 3,3 milliards d’euros par rapport à 2021 pour s’établir à 18,9 milliards d’euros.

Selon l’état A annexé au projet de loi de finances, ces recettes non fiscales se décomposeraient en :

– 3,0 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 1,1 milliard d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 2,7 milliards d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 0,4 milliard d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 2,3 milliards d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 9,3 milliards d’euros de produits divers.

II.   Les charges et l’Équilibre gÉnÉral de l’État

A.   Le plafond des charges de l’État

Aux termes du 6° du I de l’article 34 de la LOLF, la loi de finances fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux.

Contrairement aux recettes, les montants ainsi fixés ne sont pas des évaluations mais des plafonds.

Le détail des plafonds de charges est prévu aux états B (répartition des crédits par mission), C (répartition des crédits par budget annexe) et D (répartition des crédits par CAS et compte de concours financiers) visés respectivement par les articles 20, 21 et 22 du présent PLF.

Le tableau d’équilibre général du présent article mentionne le plafond des charges du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Les dépenses nettes du budget général en crédits de paiement sont, ainsi, plafonnées à 385,0 milliards d’euros hors fonds de concours (soit 515,6 milliards d’euros de dépenses brutes sans déduction des remboursements et dégrèvements, ce qui correspond à la somme des crédits de paiement du budget général détaillés par l’état B).

Dépenses nettes de l’État

À noter que, dans le tableau d’équilibre général, les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales ne sont pas traités pas comme des charges mais comme des moindres ressources. Si l’on retraite les prélèvements sur recettes comme des dépenses, le total des dépenses nettes du budget général de l’État prévu pour 2022 s’élève à 454,6 milliards d’euros.

Avec les fonds de concours (6,3 milliards d’euros), le montant des charges du budget général de l’État ressort à 391,3 milliards d’euros pour 2022.

B.   Le solde gÉnÉral de l’État

Le solde du budget général ressortirait en 2022 à  143,7 milliards d’euros. Il est calculé à partir :

– d’un montant de charges de 391,3 milliards d’euros (385,0 milliards hors fonds de concours) ;

– et d’un montant de ressources de 247,6 milliards d’euros (310,9 milliards de recettes totales nettes, desquelles il convient de déduire les prélèvements sur recettes pour 69,6 milliards d’euros, et auxquelles il convient d’ajouter les fonds de concours à hauteur de 6,3 milliards d’euros).

Après prise en compte du solde des budgets annexes (+ 14 millions d’euros) et des comptes spéciaux (+ 286 millions d’euros), le déficit budgétaire de l’État s’établit à 143,4 milliards d’euros pour 2022.

III.   Le besoin et les ressources de financement de l’État

Aux termes du 8° du I de l’article 34 de la LOLF précitée, l’article d’équilibre « comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’État » et « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à l’équilibre financier, présentées dans un tableau de financement ».

A.   Le tableau de financement

Le du II du présent article comporte un tableau de financement avec les ressources et les charges de trésorerie de l’État qui concourent à la réalisation de son équilibre financier.

Le besoin de financement pour 2022 est prévu à 292,7 milliards d’euros. Il se décompose ainsi :

– 149,8 milliards au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital dû) ; ce montant comprend l’amortissement de 25 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau ([313]) reprise à compter de 2020 et complété par une reprise de 10 milliards d’euros supplémentaires dans le présent PLF ([314]), dont l’impact en 2022 atteint 3,1 milliards d’euros ;

– 143,4 milliards au titre du déficit budgétaire ;

– et – 3,6 milliards au titre d’autres besoins de trésorerie.

Il est prévu de nouvelles émissions de dette à hauteur de 260 milliards d’euros pour couvrir la majeure partie de ce besoin de financement, montant constant par rapport à 2021. Le compte du Trésor contribuerait, par ailleurs, à hauteur de 22,3 milliards d’euros à ce besoin de financement, et les emprunts de court terme augmenteraient de 5 milliards d’euros.

Évolution du tableau de financement 2020-2022

 

2020

2021

2022

Besoin de financement

309,5

338,3

292,7

Amortissement de la dette à moyen et long terme

136,1

118,3

149,8

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

1,7

1,3

3,1

Amortissement des autres dettes reprises

0,5

0,0

0,0

Déficit budgétaire

178,1

220,1

143,4

Autres besoins de trésorerie

– 6,9

– 1,4

– 3,6

Ressources de financement

309,5

338,3

292,7

Émission de dette à moyen et long termes nettes des rachats

260,0

260,0

260,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

0

0,0

1,9

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

54,7

19,5

5,0

Variation des dépôts des correspondants

27,8

3,9

0,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

– 63,4

48,4

22,3

Autres ressources de trésorerie

30,4

6,5

3,5

Source : loi de règlement pour 2020, PLFR 1 pour 2021, présent PLF pour 2022.

B.   Les autorisations traditionnelles relatives aux emprunts et À la trÉsorerie

Le du II du présent article a pour objet d’accorder au ministre des finances une autorisation globale pour conclure toutes les opérations nécessaires au financement de l’État et à la gestion de sa trésorerie pour l’année 2022.

Par ailleurs, à la suite de la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) et, à l’instar de ce qui est autorisé pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le ministre chargé des finances est également autorisé à effectuer des opérations de trésorerie avec le MES, avec les institutions financières de l’UE (y compris sur le marché interbancaire de la zone euro) et avec les États de la zone euro.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES)
et le Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) est issu du traité signé le 2 février 2012 à Bruxelles, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 2012-324 du 7 mars 2012.

Il a succédé au Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place temporairement lors d’un sommet exceptionnel des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro à Bruxelles le 9 mai 2010 à la suite de la crise des dettes souveraines, pour éviter à la Grèce le défaut de paiement. Le FESF a continué néanmoins d’exister jusqu’à l’extinction des programmes d’ajustement irlandais (2010-2013), portugais (2011-2014) et grec (2010-2013). Les nouveaux programmes d’ajustement pour la Grèce (2012-2014 et celui en cours depuis 2015) sont portés par le MES.

Le MES est une institution monétaire internationale dont sont membres tous les États membres dont la monnaie est l’euro. La France y contribue à hauteur d’environ 20 %.

Il a pour mission de garantir la mobilisation de fonds pour faire face à une éventuelle défaillance d’un de ses membres et éviter la propagation de la crise à toute la zone euro.

Une réforme du MES est actuellement en cours de ratification par les parlements nationaux, après la signature du traité afférent le 27 janvier et le 8 février 2021. Cette révision vise à réduire les risques de cercles vicieux entre crises financières et crises de dettes souveraines, avec quatre avancées principales :

– l’amélioration des instruments de précaution destinés aux États de la zone euro ;

– la création d’un filet de sécurité au Fonds de résolution unique (FRU), qui doit permettre au MES de prêter jusqu’à 68 milliards d’euros afin de compléter les ressources du FRU si elles sont insuffisantes pour la résolution d’une banque en difficulté ;

– le renforcement et l’indépendance du MES ;

– l’inscription d’une nouvelle règle de vote simplifiée et évitant les minorités de blocage dans les cas de restructuration.

Enfin, en application du 9° du I de l’article 34 précité de la LOLF, l’article d’équilibre doit également fixer un plafond de la variation nette de la dette, qui s’établit, au 3° du II du présent article, à 113,7 milliards d’euros en 2022, au lieu de 142,5 milliards d’euros en loi de finances pour 2021. La variation nette de la dette correspond à la différence, sur l’exercice, entre les nouveaux encours de dette (net des rachats de titres) et l’amortissement de la dette.

Ce plafonnement indique la variation nette autorisée, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an, soit de la dette émise sous forme d’obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt annuel (BTAN).

Enfin, le IV prévoit que les éventuels surplus de recettes fiscales sont utilisés dans leur totalité pour la réduction du déficit budgétaire.

IV.   Le plafond d’autorisation des emplois rémunÉrÉs par l’État

En application du 6° du I de l’article 34 précité de la LOLF, la première partie de la loi de finances fixe un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Les emplois sont exprimés en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), notion qui permet de comptabiliser les agents au prorata de leur période de présence et de leur quotité de travail annuelles par rapport à un temps plein.

À la différence des plafonds de dépenses qui sont ventilés entre le budget général, chaque budget annexe et chaque catégorie de comptes spéciaux, ce plafond recouvre l’ensemble des emplois rémunérés par l’État.

Le III du présent article fixe ce plafond à 1 949 686 ETPT pour 2022 au lieu de 1 945 129 ETPT en loi de finances pour 2021, soit une hausse de 4 557 ETPT.

Il convient de rappeler que ce plafond d’emplois n’a pas vocation à être intégralement consommé, ce qui signifie que cet alinéa ne correspond pas nécessairement à la variation effective des ETPT d’un exercice sur l’autre. Ce plafond constitue un stock maximal d’emplois à ne pas dépasser en exécution.

En seconde partie du présent PLF (article 24), les plafonds d’autorisation d’emplois de l’État font l’objet d’une répartition par ministère et par budget annexe, dans la limite du plafond voté en première partie.

Ces plafonds ministériels complètent le dispositif de plafonnement de la masse salariale (crédits du titre 2), conformément au III de l’article 7 de la LOLF aux termes duquel « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Ces plafonds sont spécialisés par ministère ».

*

*     *

Amendement I-CF868 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement a estimé la dette liée au covid-19 à 165 milliards d’euros. Puisque celle-ci ne pourra pas être annulée, il est nécessaire de commencer à penser à son remboursement. Le Gouvernement affirme qu’elle sera remboursée grâce aux fruits de la croissance, autrement dit aux surplus de recettes, ce à quoi personne ne croit. C’est sans doute plutôt l’inflation qui remboursera.

Ce ne sera en tout état de cause pas suffisant eu égard à l’ampleur de la dette et à la hausse du déficit structurel. En 2022, l’État ne consacre que 1,9 milliard d’euros au paiement de la dette. L’amendement vise à doubler cet effort pour atteindre 3,8 milliards en économisant 1,9 milliard sur les dépenses. Ce geste est modeste en comparaison des dépenses totales du budget pour 2022 mais il permettra d’initier une dynamique de remboursement de la dette.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui, nous remboursons une partie de la dette covid dès 2022.

Je suis opposé à un cantonnement figé, sur le modèle de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), de la dette de l’État. En revanche, je suis favorable à ce qu’une part du surplus de croissance soit chaque année consacrée au remboursement de la dette. Le montant de 1,9 milliard me semble satisfaisant compte tenu des prévisions actuelles.

Si les prochains cadrages macroéconomiques laissaient entrevoir une croissance en 2021 supérieure à 6 %, il ne serait pas interdit de réfléchir ensemble à l’affectation du surplus de croissance au désendettement.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, est-il raisonnable de rembourser une dette de 165 milliards d’euros par une échéance annuelle de 1,9 milliard ? Le remboursement risque de durer plus d’un siècle.

La commission rejette l’amendement I-CF868.

*

*     *

Elle adopte l’article 19 non modifié.

 


([1]) Article 7 de la loi organique n° 2012 – 1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([2]) Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([3]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([4]) Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

([5])  Source : loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, annexe n° 2.

([6]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([7])  HCFP, avis n° HCFP-2021-3 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, 31 mai 2021.

([8])  HCFP, avis n° HCFP-2021-4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022, 17 septembre 2021.

([9]) HCFP, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, 21 septembre 2020.

([10])  HCFP, avis n° HCFP-2021-4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022.

([11]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([12]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([13])  Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 16.

([14])  Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 2.

([15])  Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([16])  Idem.

([17])  Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([18])  Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 2.

([19]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

([20]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 2.

([21]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, article 2.

([22]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 2.

([23]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, article 2.

([24])  Article 17 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991.

([25]) Fixé à 25 000 francs lors de la création de la réduction d’impôt, il a été porté à 90 000 francs par la loi de finances pour 1995, réduit à 45 000 francs par la loi de finances pour 1998 et porté de 10 000 euros à 12 000 euros par la loi de finances pour 2005 qui a également introduit des majorations de 1 500 euros par enfant à charge ou membre du foyer fiscal âgé de plus de soixante-cinq ans.

([26])  Article 70 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

([27]) Article 60 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (DALO).

([28]) Ce plafond a été fixé à 15 000 euros dans la généralité des cas et à 18 000 euros en cas de majorations pour enfants à charge ou membres du foyer fiscal âgés de plus de soixante-cinq ans.

([29])  De nombreux retraités modestes étaient notamment exclus du champ des bénéficiaires effectifs éligibles puisqu’ils ne payaient pas ou très peu d’impôts sur le revenu.

([30])  Article 82 de la loi n° 2017-1916 de finances pour 2017.

([31])  BOI-IR-RICI-150-10 (§ 80).

([32])  Article D. 7233-5 du code du travail.

([33])  Les chiffres relatifs au nombre de bénéficiaires présentés dans le graphique sur la période 2007-2017 sont ceux des bénéficiaires effectifs du dispositif. En effet, une distinction existait avant 2017 entre le nombre de bénéficiaires de la réduction d’impôt recensés dans les tomes 2 des Voies et moyens annexés aux projets de loi de finances successifs qui correspondait aux foyers fiscaux déclarant des dépenses ouvrant droit à l’avantage fiscal considéré, sans que cela signifie qu’ils bénéficient effectivement de cet avantage –et les foyers fiscaux éligibles qui étaient bénéficiaires réels car la réduction s’imputait de façon effective, partiellement ou totalement, sur l’impôt dû. Cette distinction n’a plus lieu d’être à compter de l’universalisation du crédit d’impôt puisque tous les foyers éligibles sont bénéficiaires réels du crédit d’impôt.

([34])  Mme Pires-Beaune, annexe 37 « Remboursements et dégrèvements » au rapport n° 4090 sur le règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020, 26 mai 2021.

([35])  BOI-IR-RICI-150-10 (§ 80).

([36]) II-1-3.2 de la circulaire de la direction générale des entreprises ECOI1907576C du 11 avril 2019 relative à la déclaration et à l’agrément des organismes de services à la personne.

([37])  Conseil d’État, 8e et 3e chambres réunies, 30 novembre 2020, 442046.

([38]) Ibid, cons.11

([39]) 2 de l’article 199 sexdecies du CGI.

([40]) Ibid. cons. 10

([41]) Ibid. cons. 9

([42])  BOI-IR-RICI-150-20 (§120

([43]) En application de l’article 24 de la loi n° 2014‑626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (dite « Pinel »).

([44]) Par exception, toutefois, ce régime « micro‑BIC » s’applique aux locations en meublé qui portent sur des résidences de tourisme ou des chambres d’hôtes.

([45]) Loi n° 2014‑626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, article 24.

([46]) Depuis la modification apportée aux articles 50 0 et 102 ter du CGI par l’article 124 de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II »). Jusque-là, la durée de l’option était de deux ans.

([47]) URSSAF, Les auto-entrepreneurs fin décembre 2020, Stat’UR n° 327, juillet 2021.

([48]) Au sens de l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

([49]) Autre que celles réalisées à l’occasion de la cession d’une entreprise ou une branche complète d’activité portant sur des biens immobiliers bâtis ou non bâtis (V de l’article 238 quindecies du CGI).

([50])  Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, article 29.

([51])  Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 28.

([52]) C’est-à-dire qu’il ne détienne pas directement ou indirectement plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette entreprise.

([53]) Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, article 3.

([54]) Le SMIC horaire brut passe de 10,25 euros à 10,48 euros au 1er octobre 2021.

([55]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 29.

([56]) Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, article 35.

([57]) Article 151 septies A du CGI.

([58]) Article 150-0 D ter du CGI.

([59]) Règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture ; règlement (UE) n° 717/2014 de la Commission du 27 juin 2014 concernant l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture ; règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

([60]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 28.

([61]) Article 212-3 du PCG.

([62]) Règlement n° 2015-06 du 23 novembre 2015 modifiant le règlement ANC n° 2014-03 relatif au plan comptable général.

([63]) Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil.

([64])  Arrêté du 4 décembre 2015 portant homologation des règlements n° 2015-6 du 23 novembre 2015 et n° 2015-7 du 23 novembre 2015 de l’Autorité des normes comptables.

([65]) Tel que modifié par l’article 3 du règlement ANC 2015-06 du 23 novembre 2015.

([66])  Article 214-15 du PCG.

([67]) Article 214-19 du PCG.

([68]) Conseil d’État, 17 mai 2000, n°188975.

([69]) Conseil d’État, 15 juin 2016, n°375446.

([70]) Conseil d’État, 15 avril 2016, n°375796.

([71]) Conseil d’État, 14 octobre 2005, n°260486.

([72]) Taux de droit commun lorsque le bénéficiaire de la distribution est une personne morale. S’il s’agit d’une personne physique, le taux est de 12,8 %.

([73]) Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents.

([74]) CJUE, 14 décembre 2006, Denkavit International BV et Denkavit France SARL, C-170/05.

([75]) Loi n° 2015‑1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 29.

([76]) Directive (UE) 2015‑121 du Conseil du 27 janvier 2015 modifiant la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents.

([77])  Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([78]) CJUE, 22 novembre 2018, Sofina SA, Rebelco SA, Sidro SA c. Ministre de l’Action et des comptes publics, C575/17.

([79]) Id., point 28.

([80]) Id., point 34.

([81]) Id., point 31.

([82])  Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 42.

([83]) Et peut donc concerner les retenues ou prélèvements à la source prévus aux articles 119 bis, 182 A bis, 182 B, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du CGI.

([84]) CJUE, 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel, 436/08.

([85]) CJUE, 8 novembre 2012, Commission c/ Finlande, 342/10.

([86]) CJUE, 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia c/ Finanzamt München Abteilung III, 641/17.

([87]) Commission européenne, 18 février 2021, INFR(2020)4054.

([88]) Une assurance en unités de compte est un régime d’assurance-vie dans le cadre duquel les primes versées par le preneur d’assurance sont utilisées pour acheter des parts dans des fonds d’investissement. Les dividendes issus de ces fonds sont ensuite versés par l’assureur au preneur.

([89])  Article 38 du CGI.

([90]) Conseil d’État, 11 mai 2021, Société UBS Asset Management Life Ltd, n°438135.

([91]) CJCE, 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen GmbH, 290/04.

([92]) CJCE, 12 juin 2003, Arnoud Gerritse, 234/01.

([93])  CJCE, 15 février 2007, Centro Equestre de Lesiria Grande, 345/04.

([94]) Conseil constitutionnel, 24 mai 2019, QPC n°2019-784.

([95]) Conseil d’État, 22 novembre 2019, SAEM de Gestion du Port Vauban, n°423698, conclusions
K. Ciavaldini.

([96]) Conseil d’État, 9 septembre 2020, Société Damolin Etrechy, n°434364.

([97]) Formulaire 2780-SD.

([98]) Périmé depuis le 14 juillet 1989.

([99])  Article 56 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([100])  Article 48 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([101])  Amendement n° I-1414 de M. Ahamada et sous-amendement n° I-2639 du Gouvernement.

([102])  Amendement n° I-2920 de M. Giraud et de M. Ahamada.

([103])  Fourth IMO Greenhouse Gas study, International Maritime Organization, 2020 : https://wwwcdn.imo.org/localresources/en/MediaCentre/Documents/Fourth%20IMO%20GHG%20Study%202020%20Executive%20Summary.pdf

([104])  https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2017/11/dossier_de_presse_-_comite_interministeriel_de_la_mer_2017.pdf

([105])  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52014XC0628(01)&from=FR

([106])  https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/12209-PGP.html/identifiant%3DBOI-BIC-BASE-100-40-20200610

([107])  https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/12209-PGP.html/identifiant%3DBOI-BIC-BASE-100-40-20210113

([108])  Ce régime, introduit en 2003, est réservé aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés dont le chiffre d’affaires provient pour au moins 75 % de l’exploitation de navires armés au commerce. Il permet de déterminer forfaitairement le résultat imposable provenant des opérations directement liées à l’exploitation de certains navires. Le résultat est déterminé à partir d’un barème appliqué à chacun des navires éligibles en fonction de sa jauge nette : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/8229-PGP.html/identifiant%3DBOI-IS-BASE-60-40-20150701

([109])  III de l’article 39 decies C du CGI.

([110])  Les navires armés au commerce sont ceux qui sont exploités exclusivement dans un but lucratif et dont l’équipage est composé de professionnels. Il s’agit de navires affectés au transport de marchandises ou de passagers, à la fourniture de services ou à la recherche. Les navires armés à la pêche, à la culture marine ou à la plaisance non professionnelle sont, en revanche, exclus de cette catégorie et donc de l’avantage fiscal.

([111])  IV de l’article 39 decies C du CGI.

([112])  Un navire est un bâtiment destiné à la navigation sur mer ; un bateau est destiné à la navigation fluviale.

([113])  La limite transversale de la mer marque la frontière de la mer à l’embouchure des fleuves et des rivières, séparant ainsi le domaine public maritime du domaine public fluvial ou du domaine privé des riverains. Comme le prévoit l’article L. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques, elle est constatée par arrêté préfectoral, au terme d’une procédure prévue par les articles R. 2111-5 à R. 2111-14 du même code.

([114])  BOI-BIC-BASE-100-40, § 40.

([115])  1° et 2° du I de l’article 39 decies C du CGI.

([116])  BOI-BIC-BASE-100-40, § 80.

([117])  3° du I de l’article 39 decies C du CGI.

([118])  BOI-BIC-BASE-100-40, § 90.

([119])  Directive 2012/33/UE du Parlement et du Conseil du 21 novembre 2012 modifiant la directive 1999/32/CE en ce qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins.

([120])  BOI-BIC-BASE-100-40, §§ 180 et 190.

([121])  BOI-BIC-BASE-100-40, § 200.

([122])  1° du I de l’article 39 decies C du CGI.

([123])  2° du I de l’article 39 decies C du CGI.

([124])  3° du I de l’article 39 decies C du CGI.

([125])  4° du I de l’article 39 decies C du CGI.

([126])  III de l’article 39 decies C du CGI.

([127])  V de l’article 39 decies C du CGI.

([128])  BOI-BIC-BASE-100-40, §§ 310 à 330.

([129])  Ce régime est prévu par l’article 209-0 B du CGI.

([130])  Règlement (UE) 2016/1628 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif aux exigences concernant les limites d’émission pour les gaz polluants et les particules polluantes et la réception par type pour les moteurs à combustion interne destinés aux engins mobiles non routiers, modifiant les règlements (UE) n° 1024/2012 et (UE) n° 167/2013 et abrogeant la directive 97/65/CE.

([131]) Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires.

([132]) Article 256 A du CGI.

([133]) Article 257 du CGI.

([134]) Article 262 du CGI.

([135]) Article 261 du CGI.

([136]) Ibidem.

([137]) Dans un arrêt rendu par sa huitième chambre le 26 avril 2012 sur l’affaire dite « Able UK Ltd », la Cour de Justice de l’Union européenne a indiqué que cette disposition devait être interprétée en ce sens qu’une prestation de services effectuée dans un État membre partie au traité de l’Atlantique Nord et consistant dans le démantèlement de navires obsolètes de la marine d’un autre État partie à ce traité, est exonérée de la TVA uniquement lorsque cette prestation est effectuée pour un élément des forces armées de cet autre État affectées à l’effort commun de défense ou pour l’élément civil qui les accompagne, et que cette même prestation est effectuée pour un élément desdites forces armées stationnées ou séjournant sur le territoire de l’État membre concerné ou pour l’élément civil qui les accompagne.

([138]) Directive (UE) 2019/2235 du Conseil du 16 décembre 2019 modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et la directive 2008/118/CE relative au régime général d’accise en ce qui concerne l’effort de défense dans le cadre de l’Union.

([139]) Directive (UE) 2021/1159 du 13 juillet 2021 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les exonérations temporaires relatives aux importations et à certaines livraisons ou prestations, en réaction à la pandémie de COVID-19.

([140]) Article 261 C du CGI.

([141]) Articles 260 B et 260 C du CGI.

([142]) Cette option revêt la forme d’une déclaration écrite rédigée sur papier à en-tête de l’entreprise et prend effet le premier jour du mois suivant son dépôt au service des impôts du lieu d’exercice de la profession. Elle peut être dénoncée à partir du 1er janvier de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle elle a été exercée. La dénonciation prend effet à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel elle a été formulée auprès du service des impôts.

([143]) Article 73 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([144]) CAA Nantes, 1ère chambre, 28 mai 2021, n°19NT03579 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043574423?COURS_APPEL=NANTES&dateDecision=28%2F05%2F2021+%3E+28%2F05%2F2021&juridiction=COURS_APPEL&page=1&pageSize=10&query=*&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat

([145]) L’article 271 du CGI prévoit que « le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable ».

([146]) Dans ses arrêts Firin OOD du 13 mars 2014 (C-107/13) et Kollross et Wirtl du 31 mai 2018 (C-660/16 et C‑661/16), la Cour a estimé que, pour que la TVA soit exigible sans que la livraison ou la prestation ait encore été effectuée, il faut, d’une part, que tous les éléments pertinents du fait générateur, c’est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l’acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision et, 2) d’autre part, que la réalisation de la livraison ou de la prestation ne soit pas incertaine.

([147]) La liste de ces pays a été fixée par un arrêté du 15 mai 2013 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000027655132. Elle comprend l’Afrique du Sud, Antigua-et-Barbuda, l’Arménie, Aruba, l’Australie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, Curaçao, la Dominique, l’Équateur, la Géorgie, le Ghana, la Grenade, le Groenland, les Îles Cook, les Îles Féroé, l’Inde, l’Islande, la Jamaïque, le Japon, le Kenya, le Koweït, la Macédoine du Nord, Maurice, le Mexique, la Moldavie, Nauru, Niue, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, la Polynésie française, la République de Corée, le Royaume-Uni, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Sint Maarten, la Tunisie, la Turquie, l’Ukraine et le Vanuatu.

([148]) Un assujetti non établi dans l’UE n’est pas établi en France dès lors qu’il n’y a ni le siège de son activité, ni un établissement stable.

([149]) Cette moralité est appréciée au jour de la demande d’accréditation. Elle est fonction de la ponctualité dont le représentant fait preuve dans le respect de ses obligations déclaratives et pour le paiement de l’impôt. Après la délivrance de l’accréditation, elle est appréciée au regard du respect des obligations pour son compte et en qualité de représentant : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/2850-PGP.html/identifiant=BOI-TVA-DECLA-20-30-40-10-20120912, § 170.

([150]) Celui-ci n’a, cependant, que la qualité de débiteur solidaire, et non celle de redevable. Les rehaussements ne peuvent, en conséquence, lui être directement notifiés, en application de l’arrêt du Conseil d’État du 5 avril 2006, Société Éditions Magellan, n° 276 602.

([151]) Le terme d’ « intermédiaire » est défini au V de l’article 256 et au III de l’article 256 bis du CGI. Il désigne les personnes établies en France agissant au nom et pour le compte d’autrui qui s’entremettent dans la livraison de biens ou l’exécution de services par des entreprises étrangères établies dans un pays tiers n’ayant pas conclu de convention d’assistance au recouvrement des créances fiscales avec la France.

([152]) Article 181 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([153]) Il s’agit du régime fiscal suspensif, du régime de l’entrepôt de stockage de biens négociés sur un marché à terme international et de celui de l’entrepôt destiné à la fabrication de biens réalisée en commun par des entreprises en exécution d’un contrat international.

([154]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32004R0638

([155]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX%3A32019R2152

([156]) Considérant 6.

([157]) Considérant 23.

([158]) Considérant 18.

([159]) Règlement (CE) n° 223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 relatif aux statistiques européennes et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1101/2008 relatif à la transmission à l’Office statistique des Communautés européennes d’informations statistiques couvertes par le secret, le règlement (CE) n° 322/97 du Conseil relatif à la statistique communautaire et la décision 89/382/CEE, Euratom du Conseil instituant un comité du programme statistique des Communautés européennes : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02009R0223-20150608&from=EN

([160]) Considérant 25.

([161]) Il s’agit de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion.

([162]) Le b du 1° du A de l’article 278-0 bis du CGI soumet au taux normal les chocolats et tous produits composés contenant du chocolat ou du cacao, à l’exception des produits suivants, auxquels s’applique le taux de 5,5 % : le chocolat lui-même, le chocolat de ménage au lait, les bonbons de chocolat, les fèves de cacao et le beurre de cacao.

([163]) Ces dispositions figurent au 1° du A de l’article 278-0 bis du CGI.

([164]) Les produits « diététiques » ou « de régime » qui ne présentent pas un caractère médicamenteux ne sont pas soumis à un taux spécifique mais suivent le régime des produits alimentaires ordinaires correspondants : BOI-TVA-LIQ-30-10-10, § 20 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/2033-PGP.html/identifiant%3DBOI-TVA-LIQ-30-10-10-20201014.

([165]) BOI-TVA-LIQ-30-10-30, § 120 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/944-PGP.html/identifiant%3DBOI-TVA-LIQ-30-10-30-20200205.

([166]) Parmi les opérations de transformation susceptibles de faire perdre le bénéfice du taux de 10 % à ces produits, lorsque ces produits ne sont pas des produits alimentaires soumis au taux réduit de 5,5 %, on peut citer notamment : l’étuvage et la précuisson ; la cuisson, la torréfaction, la stérilisation, l’ébouillantage ; la mise en conserve par un procédé d’appertisation ; la conservation au sel ; la fabrication de jus, de vin, de cidre : BOI-TVA-LIQ-30-10-20, § 210 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/273-PGP.html/identifiant=BOI-TVA-LIQ-30-10-20-20160302#B._Operations_de_transforma_25.

([167]) 3° de l’article 278 bis du CGI.

([168]) 4° de l’article 278 bis du CGI.

([169]) 2° du 1 de l’article 278-0 bis du CGI.

([170]) BOI-TVA-LIQ-30-10-50 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1724-PGP.html/identifiant=BOI-TVA-LIQ-30-10-50-20210728

([171]) Il s’agit des appareillages mentionnés aux chapitres Ier et III à VII du titre II et au titre IV de la liste des produits et des prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la santé publique, et de ceux mentionnés au titre III de cette liste, ou pris en charge au titre des prestations d’hospitalisation définies à l’article L. 162-22-6 et L. 162-22-7 du même code et dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget.

([172]) Cette procédure est prévue à l’article L. 165-1-5 du Code de la sécurité sociale. Elle est déclenchée sur demande d’un exploitant. La prise en charge est décidée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Dans le cas d’un dispositif médical, elle ne peut bénéficier qu’aux produits disposant d’un marquage « CE » dans l’indication considérée. Le produit ou la prestation ne peut être distribué que par certains établissements de santé en vue de sa prise en charge.

([173]) Il s’agit des produits et actes bénéficiant de la procédure prévue à l’article L. 165-1-1 du Code de la sécurité sociale. Le caractère innovant est notamment apprécié par son degré de nouveauté, son niveau de diffusion et de caractérisation des risques pour le patient et sa capacité potentielle à répondre significativement à un besoin médical pertinent ou à réduire significativement les dépenses de santé. La prise en charge est décidée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale après avis de la Haute Autorité de santé.

([174]) Le terme de médicaments inclut ici les préparations magistrales, qui sont préparées selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé en raison de l’absence de spécialité pharmaceutique disponible, les médicaments officinaux, qui sont des médicaments préparés en pharmacie, inscrits à la pharmacopée ou au formulaire national et destinés à être dispensés directement aux patients, et les médicaments et produits pharmaceutiques proprement dits.

([175]) Article 278 quater du CGI.

([176]) Ce taux s’applique, plus précisément, aux médicaments qui sont, soit remboursables aux assurés sociaux conformément à l’article L. 162-17 du Code de la sécurité sociale, soit agréés à l’usage des collectivités publiques et divers services publics, en particulier les établissements de soin, en application des articles L. 5123-2 et L. 5123-3 du code de la santé publique.

([177]) Article 281 octies du CGI.

([178]) Cette procédure est prévue à l’article L. 5121-12 du code de la santé publique. 

([179]) Cette procédure est prévue à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

([180]) BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-30https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/711-PGP.html/identifiant=BOI-TVA­CHAMP-30-10-20-30-20181226.

([181]) Cour de Justice de l’Union européenne, 3ème chambre, 5 octobre 2016, affaire C-412-15 dite « TMD ». Dans cette décision prise à la suite d’un renvoi préjudiciel, la CJUE a indiqué que l’article 132, paragraphe 1, sous d), de la directive 2006/112 devait être interprété en ce sens que les livraisons de sang humain que les États membres sont tenus d’exonérer ne visent pas les livraisons de plasma obtenu à partir de sang humain, lorsque ce plasma est destiné non pas à un usage thérapeutique direct mais exclusivement à la fabrication de médicaments.

([182]) Cette restriction est autorisée par l’article 151 de la directive 20016/112/CE, qui dispose que cette exonération s’applique « dans les limites fixées par l’État membre d’accueil ».

([183]) Ce texte a pris la suite du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes.

([184]) Ces restrictions sont autorisées par l’article 151 de la directive 20016/112/CE, qui dispose que cette exonération s’applique « dans les limites fixées par l’État membre d’accueil ».

([185]) « Les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d’immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d’immeubles ».

([186]) Cour administrative d’appel de Nancy, 2ème chambre, 21 décembre 2019, n° 18NC02185 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000039772632.

([187]) Conseil d’État, 8ème et 3ème chambres réunies, 9 septembre 2020, « SCI EMO », n° 439143 : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-09-09/439143.

([188]) Cette interprétation s’appuie sur un arrêt rendu par la troisième chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne le 12 janvier 2006, dans l’affaire « Turn- und Sportunion Waldburg c/ Finanzlandesdirektion für Oberösterreich, n° C‑246/04 : https://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf;jsessionid=92C86819BB6F256D7157C6DFCDB15D2D?text=&docid=57304&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=8685375.

([189]) Une telle faute peut être reconnue lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif. Dans ce cas, le tribunal peut décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Cette règle est prévue à l’article L. 651-2 du Code de commerce.

([190]) Comme le prévoit l’article L. 653-2 du Code de commerce, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.

([191]) L’article L. 653-8 du Code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

Cette sanction peut être décidée dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, qui énumèrent les faits pouvant justifier le prononcé d’une faillite personnelle. Il s’agit, en particulier, de :

-          la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements ;

-          le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l’actif, ou l’augmentation frauduleuse du passif ;

-          L’utilisation des biens de la personne morale comme des siens propres ;

-          la réalisation d’actes de commerce dans un intérêt personnel, sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements ;

-          s’il est contraire à l’intérêt de celle-ci, l’usage des biens ou du crédit de la personne morale à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle le dirigeant avait un intérêt direct ou indirect.

([192]) Il s’agit de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures et du règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée.

([193]) Ce régime s’applique aux entreprises n’ayant pas réalisé, pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, un chiffre d’affaires supérieur à 85 800 euros l’année civile précédente, ou 94 300 euros l’année civile précédente lorsque le chiffre d’affaires de la pénultième année n’a pas excédé 85 800 euros, et un chiffre d’affaires afférent à des prestations de services supérieur à 34 400 euros l’année civile précédente, ou 36 500 euros l’année civile précédente lorsque la pénultième année il n’a pas excédé 34 400 euros.

([194]) Article 181 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([195])  Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([196]) Par exemple, + 1 milliard d’euros au titre du crédit impôt recherche.

([197])  Exonération d’impôt sur les bénéfices des aides versées par le fonds de solidarité (2,5 milliards d’euros) et report de la suppression du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier au 1er janvier 2023.

([198]) À noter, la transformation progressive du CICE en allègements de charges depuis 2019 fait apparaître une baisse en trompe-l’œil du coût des dépenses fiscales ces dernières années. L’étude de l’évolution du coût des dépenses fiscales hors CICE est plus pertinente aujourd’hui.

([199]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2018, mai 2019 p. 101 : la Cour estime que le plafond a été fixé à un niveau qui dépasse largement le coût estimé des dépenses fiscales en 2018 et en 2017.

([200])  Amendement n° II-2223 de Mme de Montchalin et de M. Giraud.

([201]) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral, première séance du jeudi 15 novembre 2018.

([202])  IGF, Dépenses fiscales et sociales, juin 2019.

([203])  Résolution pour le renforcement du pilotage et de l’évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques, Assemblée nationale, XVe législature, T.A. n° 292, 19 juin 2019.

([204]) Joël Giraud, Rapport d’information sur l’application des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2169, 17 juillet 2019, pages 47-114.

([205])  Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, article 95.

([206])  Annexe I de la loi n° 41 2532 du 13 juin 1941 relative à la réglementation et à l’organisation de la profession bancaire.

([207])  Décret n° 50 1401 du 9 novembre 1950 relatif au regroupement de titres gérés par la Société nationale des chemins de fer français

([208])  Amendement n°II-3326 sur la première lecture en séance du PLF 2021 à l’Assemblée nationale, retiré après examen le 13 novembre 2020.

([209]) Inspection générale des finances, Évaluation de l’article 44 septies du CGI visant à soutenir la reprise d’entreprisse industrielles en difficulté, octobre 2021.

([210])  Ibid, page 1.

([211]) Ibid, page 2.

([212])  Le bénéfice d’imputation sur lequel le déficit constaté au titre d’un exercice peut être reporté en arrière étant notamment déterminé après exclusion de la fraction de bénéfice exonérée en application des articles 44 septies et 44 octies du CGI, l’obligation de minorer le bénéfice d’imputation est maintenue temporairement, pour les exercices au titre desquels les entreprises ont effectivement bénéficié des exonérations prévues par les articles précités, afin d’éviter l’imputation de déficits sur un bénéfice exonéré.

([213]) Transformée en dotation pour la protection de la biodiversité par la loi de finances pour 2020, et dotée dès lors de 10 millions d’euros, puis de 20 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances.

([214])  Depuis le 1er janvier 2018, les régions bénéficient d’une fraction nationale des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en substitution des montants qu’elles percevaient autrefois au titre de la DGF.

([215]) Lien pour l’ensemble des composantes de la DGF par collectivité. Lien pour la synthèse consolidée.

([216]) Rapport remis en application de l’article 250 de la loi de finances pour 2020.

([217]) Le lecteur pourra se reporter au commentaire de l’article 47 du présent projet de loi de finances, qui prévoit notamment qu’en 2022, la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) augmentent chacune de 95 millions d’euros (contre 90 millions chacune en loi de finances pour 2021).

([218]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([219])  Article L. 2335-15 du code général des collectivités territoriales.

([220]) Article 251 de la loi de finances pour 2020 et décret du 29 août 2020 relatif à l'attribution des subventions relevant du FARU.

([221])  L’article 39 de la loi de finances pour 2006, qui a créé le FARU, prévoit son financement par la DGF.

([222]) Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([223]) Ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au Département de Mayotte.

([224]) Il s’agit des dépenses après déduction des récupérations et recouvrement, mais elles englobent les dépenses prises en charge par l’État par l’intermédiaire de la CNSA, du FMDI et de la TICPE.

([225]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de l’État au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA].

([226]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 59.

([227]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 51.

([228]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 42.

([229]) Le reste à charge correspond à la différence entre le montant des dépenses relatives au RSA, à la PCH de chaque département et le montant des dotations qu’il reçoit en contrepartie.

([230])  DGFiP : DMTO. Taux, abattements et exonérations applicables du 1er septembre 2020 au 31 mai 2021. Lien

([231]) Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Les finances locales en 2021.

([232])  Comme le précise Jean‑René Cazeneuve dans son rapport sur le printemps de l’évaluation 2021 pour la mission Relations avec les collectivités territoriales, le solde non consommé du fonds, soit 85 millions d’euros, fera l’objet d’un report de 2020 sur 2021. La loi de finances pour 2021 n’a pas ouvert de crédits à ce titre. Si le fonds est sollicité en 2021 au-delà du report, il devra faire l’objet d’une ouverture de crédits en loi de finances rectificative.

([233]) Selon les informations transmises par la DGCL le nombre de départements éligibles devrait ainsi passer de 18 en 2020 à une cinquantaine en 2021.

([234]) Cette reprise complémentaire résulte de l’adoption en première lecture à l’Assemblée nationale de l’amendement  I3094 rectifié du Gouvernement. Il répondait au souhait du département de La Réunion d’intégrer le produit de la taxe sur les tabacs dans le panier de ressources reprises.

([235]) Compte rendu de la 1re séance du lundi 21 octobre 2019 : « S’agissant du solde, soit 100 700 000 euros, permettant de couvrir le droit à compensation intégrale de l’État, il sera financé pour moitié par une fraction du produit de la taxe sur les tabacs versée à La Réunion et, le cas échéant, par une reprise sur la dotation de compensation de la DGF. » (Olivier Dussopt, alors secrétaire d’État aux comptes publics).

([236]) Assemblée des départements de France.

([237]) Avis n° 721 par M. Alain Milon présenté au nom de la commission des affaires sociales, 30 juin 2021.

([238]) Les équipes pluridisciplinaires sont composées de professionnels de l’insertion, de représentants du département et des maisons de l’emploi et d’allocataires du RSA. Elles ont un rôle consultatif pour plusieurs décisions du président du conseil départemental relatives au RSA.

([239]) Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Les finances locales en 2021.

([240]) Études et Résultats, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), décembre 2020. Lien

([241]) CNAF « RSA conjoncture », juillet 2021. Lien

([242]) Impact de la crise du covid‑19 sur les finances locales, Baromètre n° 4 au 31 mars 2021. Lien

([243])  Note de conjoncture de la Banque Postale du 1er octobre 2021. Lien

([244]) La Gazette des communes. « Recentralisation du RSA, c’est signé pour la Seine‑Saint‑Denis », 21 septembre 2021. Lien

([245]) Sur le programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

([246])  Voir commentaire de l’article 12 dans le présent rapport général.

([247])  Pour une analyse du filet de sécurité pour le bloc communal en 2020, le lecteur pourra se rapporteur au rapport de Jean‑René Cazeneuve et Christophe Jerretie  4195 pour le printemps de l’évaluation 2021, et au rapport 2021 de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).

([248]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013 et Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018 (lien).

([249]) Rapport d’information (n° 2169, XVème législature) de M. Joël Giraud sur l’application des mesures fiscales, juillet 2019, pp. 442 et suivantes (lien).

([250]) Rapport d’information (n° 2210, XVème législature) de M. Laurent Saint-Martin, sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, pp. 96 et suivantes (lien).

([251]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([252]) Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 (lien).

([253]) Articles 2 et 36 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([254]) Article 36 de la loi organique précitée.

([255]) 1° du I de l’article 34 de la loi organique précitée.

([256]) 1° de l’article 51 de la loi organique précitée.

([257]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013 (lien).

([258]) La partie plafonnée des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale est actuellement incluse dans la norme de dépenses pilotables telle que définie par l’annexe 3 de la LPFP 2018-2022.

([259]) Cour des comptes, Rapport sur le budget de l’État 2020.

([260]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([261]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013.

([262]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([263]) Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, article 6.

([264]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 9.

([265]) Loi de programmation pour les années 2014 à 2019 précitée, article 16.

([266]) Loi de programmation pour les années 2018 à 2022 précitée, article 18.

([267]) Loi de programmation pour les années 2012 à 2017, article 12, puis loi de programmation pour les années 2014 à 2019, article 15.

([268]) CPO, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

([269]) Rapport précité juillet 2018, page 50.

([270]) M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019

([271]) Proposition de loi organique, adoptée, par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, n° 780 , enregistrée à la présidence du Sénat le mardi 20 juillet 2021.

([272]) Le Sénat a voté, le 28 septembre 2021, deux amendements tendant à modifier la doctrine d’affectation des taxes. À l’article 3 de la proposition de loi, il a supprimé l’exigence d’un lien entre la taxe affectée et la mission de service public dont elle permet le financement. Dans la version adoptée par le Sénat, l’existence d’une mission de service public suffit à permettre une affectation. Par ailleurs, le Sénat a voté un amendement à l’article 5 tendant à faire figurer dans la première partie des lois de finances l’ensemble des dispositions relatives à des taxes affectées, y compris lorsqu’elles ne sont pas plafonnées.

([273]) C’est-à-dire en excluant les baisses liées à des suppressions de plafond justifiées par des suppressions de taxes ou des réaffectations au budget général.

([274]) Ses missions sont définies par l’article R. 1512-12 du code des transports.

([275]) III de l'article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([276]) Cour des comptes, référé du 27 mai 2019 relatif à l’Institut national de la propriété industrielle (lien).

([277])  Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, article 82.

([278]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 186.

([279]) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

([280]) C’est-à-dire en excluant les hausses liées à l’intégration de nouvelles taxes au champ du plafonnement.

([281]) Voir rapport d’activité 2020 de l’Agrasc.

([282]) Loi n° 75-602 du 10 juillet 1975 portant création du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

([283]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, article 12.

([284]) Loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

([285]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([286])  Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([287])  Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([288]) Comme le souligne la Cour des comptes, dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public du 13 avril 2020, « le maintien de l’application de la TVA à la CAP est dérogatoire et son objectif est d’exonérer les opérateurs du paiement de la taxe sur les salaires ».

([289]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2019 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, avril 2020.

([290]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, mai 2016.

([291]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([292]) Article 5 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([293]) Date d’entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([294]) Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

([295]) Rapport du Gouvernement au Parlement sur La rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale prévu par l’article 27 de la loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ce document reprend pour partie les conclusions d’un autre rapport, Les relations financières entre l’État et la sécurité sociale rédigé par MM. Christian Charpy et Julien Dubertret.

([296]) Article 86 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([297]) Article 9 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([298]) Ces exonérations sont relatives aux aides à domicile employées par une association ou une entreprise auprès d’une personne fragile, aux zones de revitalisation rurale, aux bassins d’emploi à redynamiser et, enfin, aux zones de restructuration de la défense.

([299]) Cour de justice de l’Union européenne, TMD Gesellschaft für transfusionsmedizinische Dienste mbH c/ Finanzamt Kassel II – Hofgeismar, affaire C‑412/15, 5 octobre 2016.

([300]) Cf. BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-30https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/711-PGP.html/identifiant=BOI-TVA­CHAMP-30-10-20-30-20181226 et commentaire de l’article 9 du présent projet de loi.

([301]) Article 91 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([302]) Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([303]) Demeure inchangée la fraction de 5,18 points de TVA affectée à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au titre de sa mission de compensation de l’extension de la réduction générale des cotisations sur les bas salaires aux cotisations de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO) et d’assurance chômage (Unédic).

([304]) En comptabilité nationale, ces ressources sont enregistrées en compte de tiers.

([305]) Ces droits de douane représentent 2,2 milliards d’euros en 2019. Ils étaient intégrés, avec la cotisation sur le sucre, au PSR-UE jusqu’en 2010. La cotisation sur le sucre a, pour sa part, disparu des ressources propres traditionnelles à partir de 2017.

([306]) Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([307]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([308]) Le reversement des RPT n’est donc pas traité comme un prélèvement sur recettes.

([309]) Ibid.

([310]) Parlement européen, « MEPs deplore delay of proposals for new sources of income for the EU », communiqué de presse, 31 août 2021, lien.

([311])  Résolution du Parlement européen du 23 juillet 2020 sur les conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil européen du 17 au 21 juillet 2020.

([312]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980.

([313]) Article 229 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([314])  Article 40 du présent projet de loi de finances.