N° 4524

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 12
 

 

DÉfense :

 

PRÉPARATION DE L’AVENIR

 

 

 

Rapporteur spécial : M. François CORNUT-GENTILLE

 

Député

____

 

 


 

 


SOMMAIRE

___

Page

Principales analyses du rapporteur spécial

DONNÉES CLÉS

I. OBSERVATIONS gÉnÉrales SUR La mission DÉfense

A. Un projet de Budget globalement conforme À la loi de programmation militaire

B. Toutefois, les interrogations pour l’avenir ne sont pas entiÈrement levÉes

1. Des indicateurs de soutenabilité à surveiller

2. Le risque d’un renforcement de la contrainte budgétaire à moyen terme

II. Programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

A. Recherche et exploitation du renseignement intÉressant la sécuritÉ de la France

1. Le renseignement extérieur

2. Le renseignement de sécurité et de défense

B. Prospective de dÉfense

1. Les moyens de la DGRIS

2. Analyse stratégique

3. Prospective des systèmes de force

4. Les études amont et le soutien à l’innovation

a. Les études amont

b. L’Agence de l’innovation de défense

c. Le soutien aux entreprises

d. Performance

5. Les opérateurs du programme 144

C. Relations internationales et diplomatie de dÉfense

III. Programme 146 Équipement des forces

1. Dissuasion

a. Composante aéroportée

b. Composante océanique

c. Autres dépenses

2. Commandement et maîtrise de l’information

a. Capacités spatiales

b. Capacités aériennes

c. Systèmes d’information et de commandement

d. Géographie numérique

3. Projection, mobilité, soutien

a. Capacités terrestres

b. Aéromobilité

c. Capacités navales

d. Capacités aériennes

4. Engagement de combat

a. Capacités terrestres et aéroterrestres

b. Capacités navales

c. Capacités aériennes

5. Protection et sauvegarde

a. Capacités navales

b. Capacités aériennes

6. Préparation et conduite des opérations d’armement

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes  par le rapporteur spÉcial

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 99 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 

Comme les années précédentes, le rapporteur spécial publie, dans le présent rapport, certaines des réponses – dont le contenu n’est pas classifié ou soumis à une diffusion restreinte – qui lui ont été apportées par le ministère des armées.

 

 


—  1  —

   Principales analyses du rapporteur spécial

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit de porter les crédits de la mission Défense à 56,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 49,6 milliards d’euros en crédits de paiement.

Hors charges de pensions, les crédits de paiement de la mission Défense s’élèveraient à 40,9 milliards d’euros en 2022, en augmentation de 1,7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2021. Le projet de budget est donc conforme à la loi de programmation militaire pour la période 2019-2025.

La dotation destinée à financer les surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures s’élèverait à 1,2 milliard d’euros pour 2022. Elle serait, elle aussi, conforme à la programmation.

La hausse des crédits prévue en 2022 bénéficierait aux grands programmes d’armement (+ 6,5 % pour atteindre 8,1 milliards d’euros). Elle permettrait aussi d’augmenter les dépenses de maintien en condition opérationnelle des matériels de guerre (+ 8,3 % pour atteindre 5,1 milliards d’euros). L’effort au profit de la dissuasion nucléaire augmenterait de 6,6 % (4,36 milliards d’euros). Un effort est également prévu en faveur des dépenses de soutien à l’innovation, qui s’élèveraient à 1 milliard d’euros.

Par ailleurs, 492 emplois supplémentaires seraient créés au sein du ministère des armées : 450 équivalents temps plein, conformément à la trajectoire de la loi de programmation, auxquels s’ajoutent 42 emplois pour le service industriel de l’aéronautique. Les postes seraient créés notamment dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense.

Au total, le plafond des autorisations d’emplois du ministère des armées s’élèverait à 273 572 équivalents temps plein travaillés pour 2022.

Aux yeux du Gouvernement et de la majorité présidentielle, le respect de la loi de programmation militaire semble devoir clore tout débat. Pour le rapporteur spécial, au contraire, le débat est absolument nécessaire, car de nombreuses questions demeurent irrésolues.

La trajectoire fixée pour 2019-2025 prévoit une hausse des crédits de la défense de 3 milliards d’euros par an entre 2023 et 2025. Les années à venir seront donc décisives tant la réalisation de notre modèle d’armée est conditionnée au respect de la trajectoire budgétaire votée par le Parlement. Or, dans le contexte budgétaire extrêmement dégradé qui s’annonce, le respect de la programmation apparaît de moins en moins crédible.

En outre, le budget de la défense aura à financer des dépenses supplémentaires non prévues initialement dans les domaines de la cyberdéfense, du numérique et l’espace.

La rigidité des contrats en cours est extrêmement forte. De fait, les principaux éléments de souplesse dont dispose le ministère des armées résident dans les contrats non encore conclus, notamment dans le domaine spatial. Le risque de déséquilibrer l’effort de défense en sous-investissant dans les nouveaux domaines stratégiques est donc bien réel.

Dans ce contexte, les risques d’un déficit capacitaire et d’un décrochage de nos armées doivent être examinés avec la plus grande attention.

La France doit anticiper ces difficultés et s’y préparer dès à présent. Or, le dialogue entre le ministère et le Parlement devient de plus en plus difficile. Il y a d’abord le refus du Gouvernement de réaliser avec le Parlement une réactualisation de la LPM. Ensuite, l’abus de la « diffusion restreinte » pour les réponses gouvernementales aux questions des députés et sénateurs participe au musellement du travail parlementaire.

En outre, la restriction de l’accès des historiens aux archives du ministère de la défense, qui résulte de l’adoption de la nouvelle instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, témoigne de ce recul démocratique, assumé par le Gouvernement, ce qui renforce le sentiment que ce dernier peine à accepter le débat.

Pourtant, le questionnement est nécessaire. Il est dans l’intérêt des armées d’avoir le débat le plus transparent possible avec le Parlement, pour clarifier nos objectifs stratégiques et expliquer aux citoyens la nécessité et la pertinence de l’effort de défense. Dans les années qui viennent, nos armées seront confrontées à des choix importants, au-delà même des questions budgétaires. Ce n’est pas rendre service aux militaires que d’éviter aujourd’hui toute remise en question.

Quelle que soit la prochaine majorité, elle devra s’attacher à respecter et à faire vivre le contrôle du Parlement, qui répond à l’intérêt de tous.

 


—  1  —

   DONNÉES CLÉS

 

Évolution des restes À payer de la mission DÉfense

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

 

Évolution des crÉdits du programme 146 Équipement des forces

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.


—  1  —

I.   OBSERVATIONS gÉnÉrales SUR La mission DÉfense

Les grandes lignes du projet de budget de la défense pour 2022 sont conformes à la loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2019-2025 ([1]). Nul ne le conteste, et surtout pas le rapporteur spécial. Toutefois, à la différence du Gouvernement et de la majorité présidentielle, il n’estime pas que le respect prévu de la LPM suffise à clore toute discussion politique. Au contraire, le débat est aujourd’hui indispensable. Or, il est plus difficile que jamais.

A.   Un projet de Budget globalement conforme À la loi de programmation militaire

● Le projet de loi de finances prévoit de porter les crédits de la mission Défense pour 2022 à 56,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 49,56 milliards d’euros en crédits de paiement.

Les autorisations d’engagement diminueraient de 13 % par rapport à la loi de finances pour 2021. En effet, un grand nombre de programmes à effet majeur ont été engagés en 2021 (programme de drones aériens MALE, programme d’avions de guet Hawkeye, programme d’hélicoptères interarmées légers HIL, programme d’avion militaire de transport et de ravitaillement MRTT, projet de système de combat aérien du futur), ce qui explique le montant très élevé des autorisations d’engagement cette même année (65 milliards d’euros) et leur diminution en 2022.

Les crédits de paiement augmenteraient de 7,6 %, en raison de l’accélération des livraisons d’armements et d’équipements militaires (frégates multi-missions FREMM et frégates de taille intermédiaire FTI, sous-marins nucléaires d’attaque de classe Barracuda, dissuasion, programme SCORPION).

Évolution des crÉdits de la mission DÉfense

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2021

PLF
2022

Évolution 2021-2022

LFI
2021

PLF
2022

Évolution 2021-2022

P144 – Environnement et prospective de la politique de défense

3 106,2

2 146,4

+ 22 %

1 684,8

1 778,4

+ 15 %

P178 – Préparation et emploi des forces

19 020,3

14 893,2

– 8 %

10 337,3

10 798,9

+ 8 %

P212 – Soutien de la politique de la défense

22 097,2

22 687,2

+ 3 %

22 030,3

22 479,5

+ 2,5 %

P146 – Équipement des forces

21 000,0

17 087,5

– 33 %

13 643,0

14 503,6

+ 15 %

Total

65 223,7

56 814,4

– 13 %

47 695,4

49 560,5

+ 7,6 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

● Le projet de budget de la défense pour 2022 est conforme à la LPM, qui prévoyait de porter les crédits de la mission, hors contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions au titre des pensions civiles et militaires de retraite et à périmètre constant, à 41 milliards d’euros en 2022. Hors charges de pensions, les crédits de paiement de la mission Défense s’élèveront à 40,9 milliards d’euros en 2022, en augmentation de 1,7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2021.

En 2020 comme en 2021, la crise sanitaire liée à l’épidémie de la covid 19 s’est traduite par des surcoûts et des dépenses supplémentaires, mais aussi par de moindres dépenses qui ont permis de financer les mesures de rebond et de soutien à la base industrielle et technologique de défense.

 

Question n° 009 : Présenter, compte tenu du contexte économique lié à la crise sanitaire, les perspectives d’exécution de la LPM d’ici 2025.

Réponse du ministère des armées :

S’il est encore trop tôt pour disposer d’un chiffrage des conséquences de la crise sur l’exécution de la LPM d’ici 2025, le ministère des armées met tout en œuvre pour respecter la trajectoire de la programmation militaire en adoptant une gestion dynamique et agile tout en participant de manière volontariste à la relance de l’économie.

En 2020 : La crise sanitaire s’est traduite par des dépenses supplémentaires, y compris des mesures de rebond, à hauteur de 1 065 millions d’euros sur la mission Défense.

Les dépenses supplémentaires directement liées à la crise s’établissent à 302 millions d’euros et ont été complétées par le ministère à hauteur de 763 millions d’euros de dépenses visant à soutenir l’activité en compensant la sous-exécution liée au décalage de certains projets. Les surcoûts comprennent :

● des dépenses directes engagées pour lutter contre la pandémie (équiper les agents de protections individuelles et adapter les locaux de travail, déployer massivement les solutions de travail à distance) ;

● des dépenses supplémentaires sur les contrats en cours ou prévus pour 2020 induits par la prolongation des arrêts techniques sur l’entretien programmé du matériel, les coûts de l’immobilisation pour les chantiers d’infrastructure et le soutien aux opérateurs dont la trésorerie a été fragilisée.

Les surcoûts dus à la crise sanitaire en 2020 sont détaillés par programme budgétaire :

● 18 millions d’euros de dépenses supplémentaires sur le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, essentiellement pour soutenir l’École Polytechnique et l’ONERA ;

● 3 millions d’euros de surcoûts sur le programme 146 Équipement des forces ;

● 263 millions d’euros de paiements supplémentaires pour le programme 178 Préparation et emploi des forces notamment pour l’activité opérationnelle du service de santé des armées (SSA) ;

● 17 millions d’euros de surcoûts au sein du programme 212 Soutien de la politique de Défense afin de soutenir les opérateurs (musées).

Ces dépenses supplémentaires générées par la crise sanitaire ont été compensées par les crédits rendus disponibles par les moindres dépenses (évaluées à 1 095 millions d’euros) afin de mettre en œuvre le plan dit « rebond » pour soutenir la BITD et les PME/PMI fragilisées.

L’impact de la crise pour la gestion 2021 n’est pas encore connu précisément, néanmoins trois impacts sont identifiés :

● le premier, très direct, est la conséquence des surcoûts liés à l’action du Ministère dans le cadre de l’opération « Résilience », mais aussi dans les mesures de protection déployées vers l’ensemble de nos forces.

Pour mémoire, concernant « Résilience », en 2020 :

● pour le titre 2, le surcoût s’élève à 6,25 millions d’euros, il est calculé selon le même principe que celui de l’opération Sentinelle et prend en compte un effectif moyen annuel réalisé de 342 personnels engagés ;

● pour le hors titre 2, le surcoût s’élève à 20,22 millions d’euros. Il est la conséquence de l’activité réalisée par les forces armées au profit de la population française telles que les évacuations aéromédicales, la projection d’unités du SSA, ainsi que l’affrètement pour le transport d’équipements médicaux.

Le second est un risque de sous-exécution des crédits votés en LFI :

● sur la masse salariale, la rémunération des agents militaires et civils n’a pas été interrompue ;

● s’agissant des crédits d’infrastructure et des programmes d’armement, il est encore trop tôt pour évaluer l’impact budgétaire. Des travaux sont en cours mais les conséquences budgétaires semblent limitées.

● Le troisième impact réside en un risque de dépenses supplémentaires sur la masse salariale ou pour d’autres dépenses (matériels ou prestations) ce qui pourrait entraîner un surcoût non encore chiffré à ce stade. Notamment, une dette d’approvisionnement s’est constituée mais il s’agit davantage de retards dans la satisfaction du besoin que de besoins supplémentaires.


● La hausse des crédits prévue en 2022 bénéficie aux grands programmes d’armement (+ 6,5 % pour atteindre 8,1 milliards d’euros). Elle doit aussi permettre d’augmenter les dépenses de maintien en condition opérationnelle des matériels de guerre (+ 8,3 % pour atteindre 5,1 milliards d’euros). L’effort au profit de la dissuasion nucléaire augmente de 6,6 % (4,36 milliards d’euros). Un effort est également mené en faveur des dépenses de soutien à l’innovation, qui s’élèvent à 1 milliard d’euros en 2022, conformément à la LPM.

Les dépenses de personnel augmentent de 306 millions d’euros pour atteindre 12,6 milliards d’euros hors dotation au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions. Après une prévision de masse salariale fondée sur des hypothèses plus restrictives en 2020 et 2021, les crédits de titre 2 connaissent une remontée relative. Le déploiement de la nouvelle politique de rémunération des militaires doit se poursuivre. La réforme de la protection sociale complémentaire sera appliquée aux agents du ministère.

● L’évolution prévue des effectifs est conforme à la trajectoire de la LPM. En 2022, 492 emplois supplémentaires seront créés au sein du ministère des armées. Conformément à la programmation, le schéma d’emplois comprend une hausse de 450 équivalents temps plein (ETP), à laquelle s’ajoute une augmentation de 42 ETP pour le service industriel de l’aéronautique ([2]). Les postes seront créés, notamment, dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense.

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit également un effort particulier pour les opérateurs du ministère des armées, avec une création de 18 ETP supplémentaires, qui profiteront notamment à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (+ 15 ETP).

Au total, le plafond des autorisations d’emplois du ministère des armées, fixé à l’article 24 du projet de loi de finances pour 2022, s’élève à 273 572 équivalents temps plein travaillés (ETPT) pour 2022 (contre 272 224 en loi de finances pour 2021, soit + 1 348 ETPT).

● Par ailleurs, le ministère des armées bénéficiera encore de recettes exceptionnelles en 2022, qui permettront de dégager des marges de manœuvre.

Ainsi, le montant des fonds de concours et attributions de produits attendus en 2022 s’élève à 818,5 millions d’euros, en hausse de 166,5 millions d’euros (+ 26 %) par rapport à 2021. Cette augmentation résulte principalement de la cession par l’armée de l’air et de l’espace d’avions RAFALE d’occasion à la Grèce (qui doit rapporter 700 millions d’euros sur l’ensemble du contrat).

En outre, le ministère des armées doit également être bénéficiaire de 200 millions d’euros, étalés sur plusieurs années, dans le cadre des enveloppes du plan de relance destinées à la rénovation thermique des bâtiments publics. À terme, une partie du plan d’investissement « France 2030 » pourrait aussi profiter directement ou indirectement aux armées (composants électroniques pour les semi-conducteurs, espace pour les mini-lanceurs réutilisables et les microsatellites, exploration des fonds marins, microréacteurs nucléaires).

Enfin, dans le cadre du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État, les recettes des cessions immobilières sont évaluées à 18 millions d’euros pour 2022 (contre 27 millions d’euros en 2021). Conformément à l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]), aucun reversement direct vers le budget de la défense n’est réalisé. Les recettes sont constatées sur le compte d’affectation spéciale et consommées sur le budget opérationnel de programme « Défense » de ce compte.

● La provision destinée à financer les surcoûts des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISSINT) s’élèverait à 1,2 milliard d’euros pour 2022, dont 1,07 milliard d’euros pour les OPEX et 130 millions d’euros pour les MISSINT. Elle est conforme à la trajectoire fixée à l’article 4 de la LPM.

L’augmentation de la dotation depuis 2020 permet à la mission Défense de prendre en charge l’intégralité des surcoûts dus aux OPEX-MISSINT sans recourir à la solidarité interministérielle. Il demeure cependant un certain dépassement, qui n’est constaté qu’en exécution et qu’il est difficile d’anticiper (ce dépassement était de 244 millions d’euros en 2020).

S’agissant de la prévision de dépense pour 2022, le rapporteur spécial souligne que, de manière contre-intuitive, la fin de l’opération Barkhane annoncée par le Président de la République pour le premier semestre 2022 et la contraction des opérations au Sahel se traduira nécessairement par une augmentation des dépenses liées aux OPEX.

 


B.   Toutefois, les interrogations pour l’avenir ne sont pas entiÈrement levÉes

Il n’est pas question de nier le redressement accompli au cours des cinq dernières années, grâce à la mise en œuvre de la LPM, portée par une trajectoire budgétaire certes ambitieuse. Toutefois, l’autosatisfaction du Gouvernement n’est pas de mise, car la situation de nos armées reste extrêmement tendue. Face à la probable dégradation de la conjoncture budgétaire à moyen terme, le risque de rupture capacitaire et de décrochage vis-à-vis des États voisins ou éloignés est préoccupant.

1.   Des indicateurs de soutenabilité à surveiller

Si la programmation budgétaire fixée pour 2019-2025 est ambitieuse, les indicateurs de soutenabilité de la LPM sont à ce stade maîtrisés.

Afin d’assurer la soutenabilité de la programmation militaire, le ministère des armées s’est engagé sur une trajectoire prévisionnelle de maîtrise puis de réduction des reports de charges, qui doivent atteindre 10 % des crédits ouverts en 2025, avec un point de passage d’environ 12 % à l’horizon 2022. Fin 2021, les reports de charge représenteront 14 % des crédits ouverts. Fin 2022, ils sont attendus à hauteur de 12 %. Ils sont conformes à la trajectoire fixée dans la LPM.

Évolution du report de charges de la mission DÉfense

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Par ailleurs, si les restes à payer de la mission Défense atteignent des niveaux particulièrement élevés, la LPM exclut de les limiter en application de l’article 17 de la LPFP ([4]). Fin 2021, les restes à payer de la mission sont attendus à hauteur de 82 milliards d’euros, soit deux fois le montant des crédits de paiement prévus pour 2022. Leur augmentation est mécanique compte tenu de l’augmentation des engagements prévue sur la période de la LPM. Néanmoins, s’ils demeurent, pour l’heure, maîtrisés, leur volume impose qu’ils fassent l’objet d’un suivi particulier.

Évolution des restes À payer de la mission DÉfense

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

2.   Le risque d’un renforcement de la contrainte budgétaire à moyen terme

Certaines des interrogations soulevées par le rapporteur spécial depuis plusieurs exercices ne sont pas entièrement levées. Ces questions sont d’autant plus importantes que la situation géopolitique se tend dans de nombreuses régions du monde, à commencer par le bassin indopacifique, sans oublier l’Afrique.

La trajectoire fixée dans la LPM prévoit une augmentation des crédits de la mission Défense de 3 milliards d’euros par an entre 2023 et 2025. Les années à venir seront donc décisives. La réalisation de notre modèle d’armée est conditionnée au respect de la trajectoire budgétaire votée par le Parlement.

Or, dans le contexte budgétaire extrêmement dégradé qui s’annonce, cela apparaît de moins en moins crédible. Le cadre très favorable dans lequel évolue actuellement le budget de la défense ne sera pas éternel. L’inflation repart ; à ce stade, on ignore encore si le phénomène est conjoncturel ou s’il sera durable. À moyen terme, la situation va nécessairement se normaliser. Le risque d’une remontée plus ou moins rapide des taux d’intérêt et donc de la charge de la dette de l’État n’est pas négligeable. Ce retournement de la conjoncture s’accompagnera immanquablement d’une forte pression sur le budget des armées.

Compte tenu de la situation, les risques d’un déficit capacitaire et d’un décrochage de nos armées ne doivent pas être écartés d’un revers de main. Pour l’armée de l’air et de l’espace, les commandes à l’export d’avions RAFALE nous éloignent d’ores et déjà de la trajectoire souhaitable pour atteindre le modèle d’armée prévu en 2030. La cible de 129 appareils d’ici 2025 serait loin d’être atteinte : on parle de 117 appareils, voire de sensiblement moins. Le Gouvernement est très évasif sur ce point, ce qui n’est pas de bon augure.

De même, pour la marine nationale, l’objectif de conserver 15 frégates de premier rang à l’horizon 2030, même dans l’éventualité où cet objectif serait tenu, paraît relativement modeste par rapport aux efforts entrepris à l’étranger, dans un contexte de réarmement naval généralisé. Le décrochage risque d’intervenir au moment même où le tonnage de la flotte turque aura progressé de 32 % et celui de la flotte chinoise de 138 %.

En outre, le budget de la défense aura à financer des dépenses supplémentaires et des réorganisations opérationnelles au sein du ministère qui n’étaient pas prévues dans la programmation initiale, afin d’acquérir des capacités de défense résilientes et complètes dans les nouveaux domaines de conflictualité : la cyberdéfense, le numérique, l’espace.

Dans ce contexte, il faut réagir dès maintenant pour ne pas subir un tel décrochage. Demain, il sera trop tard. Au moins faut-il en débattre, afin de tenter de remédier à cette situation. La France doit anticiper ces difficultés et s’y préparer dès à présent. Comment se réorganiser de manière ordonnée en cas de diminution des ressources initialement prévues ? Comment maintenir un effort de défense suffisant pour garantir un système de défense efficace, complet et équilibré ? Quelles doivent être les priorités ? Quelles sont les marges de manœuvre existantes dans la trajectoire prévue aujourd’hui ? Quel est le niveau d’un budget soutenable et que permet-il de réaliser ? Quel est le noyau dur d’armée et de défense dont on veut pouvoir disposer en permanence ? Quelle articulation avec l’Europe de la défense et avec l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).

Sur l’ensemble de ces questions, la réflexion ne semble pas suffisamment avancée. La rigidité des contrats en cours est extrêmement forte. Les marges de manœuvre sont faibles, en dehors de la possibilité, pour certains programmes d’armement pluriannuels, de décaler l’engagement de tranches fonctionnelles ou, le cas échéant, des éventuels retards techniques qui pourraient permettre de différer certaines dépenses. La situation n’est pas anormale, dans la mesure où les contrats permettent de donner de la prévisibilité aux industriels. Elle sera néanmoins problématique en cas de retournement de la conjoncture. En réalité, les principaux éléments de souplesse dont dispose le ministère des armées résident dans les contrats non encore conclus, notamment dans le domaine spatial. Le risque de déséquilibrer l’effort de défense en sous-investissant dans les nouveaux domaines stratégiques est donc bien réel.

Or, le dialogue entre le ministère et le Parlement devient de plus en plus difficile. Il y a d’abord le refus du Gouvernement de réaliser avec le Parlement une réactualisation de la LPM, qui est pourtant expressément prévue à l’article 7 de la loi, ainsi que le refus de répondre à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, qui a proposé une estimation des surcoûts de la LPM. L’important rapport ([5]) qui a été réalisé méritait l’ouverture d’une discussion approfondie entre le ministère et les commissions parlementaires. En outre, l’abus de la « diffusion restreinte » pour les réponses gouvernementales aux questions des députés et sénateurs contribue au musellement du travail parlementaire. Contrairement à ses prédécesseurs, la ministre des armées refuse ainsi que la disponibilité des équipements militaires soit discutée. Cette décision est d’autant plus incompréhensible qu’il s’agit d’un objectif majeur de cette législature. Il est demandé à la nation de croire le ministère sur parole.

À cet égard, la réponse du ministère des armées fournit quelques renseignements concernant le décalage de certaines livraisons mais demeure particulièrement évasive concernant les enjeux budgétaires.

 

Question n° 011 : Présenter les éléments de la LPM ayant fait l’objet d’une actualisation, notamment les nouveaux objectifs stratégiques fixés et les nouveaux équipements commandés. Expliquer comment les capacités non inscrites dans la version initiale de la LPM seront financées à budget constant.

Réponse du ministère des armées :

1) L’ajustement de la LPM 2021

Sans remettre en question le socle indispensable de la remontée en puissance des armées ou de la préparation de l’avenir prévues par la LPM, et à la lumière des conclusions de l’actualisation de la revue stratégique, le Président de la République a souhaité placer les armées en situation de mieux répondre au caractère évolutif de la menace (« ajustements » de la LPM). Sur le fondement de ce travail, le ministère a élaboré différentes options capacitaires dans une logique de modèle d’armée qui s’adapte de manière dynamique à l’évolution de la menace. Les principes généraux de ces ajustements de la LPM s’appuient sur trois axes [1 milliard d’euros sur 2022- 2025] :

– axe 1 « mieux détecter et contrer » en améliorant la capacité à détecter les menaces et à attribuer les agressions, notamment dans les nouveaux espaces de conflictualité (378 millions d’euros) ;

– axe 2 « mieux se protéger » en consolidant les domaines santé - NRBC1 - lutte anti-drones (LAD), notamment dans la perspective des grands rendez-vous de 2023-2024 (210 millions d’euros) ;

– axe 3 « mieux se préparer » : mieux préparer nos armées à prendre l’ascendant sur des adversaires plus agiles dans tous les champs de la conflictualité (450 millions d’euros).

L’ajustement s’inscrit dans le volume de besoins d’un montant de 295 milliards d’euros porté par la LPM, qui n’est pas modifié. Les capacités non inscrites dans la version initiale sont compensées par un ralentissement du calendrier d’investissements dans d’autres domaines. Les mesures physiques examinées pour équilibrer cet ajustement induiront des décalages de commandes/livraisons entre 2023 et 2025, mais qui ne sont pas de nature à remettre en cause profondément le modèle et les ambitions poursuivis par la LPM. A titre d’illustration, sont concernés : le décalage d’un an du lancement en réalisation des programmes de la capacité hydro-océanographique future (CHOF), du système de lutte anti-mine futur (SLAMF) et de l’étape 2 du système de drone tactique (SDT). Le programme de véhicules lourds 4-6 tonnes sera quant à lui décalé de 2 ans.

Associé aux accélérations et efforts complémentaires que portent ces ajustements, l’ensemble constitue le meilleur nouvel équilibre pour répondre à l’accélération de certaines conflictualités.

2) Focus sur le renforcement de la préparation opérationnelle

La perspective d’un affrontement plus exigeant nécessitant une manœuvre interarmées mettant en œuvre un large panel de moyens (chars lourds, aviation de combat et de transport, artillerie, drones, C2, numérisation et systèmes de communication) dans un cadre de conflit hybride (cf. Donbass en Ukraine) ou entre États puissance fait partie de l’horizon stratégique.

L’entraînement des armées doit donc être complété à court terme pour faire face à des menaces plus dures : menaces sous-marines de haut niveau, menaces aériennes dont drones, frappes de précision dans la profondeur, cyberattaques, brouillages. Les armées doivent ainsi opérer plus tôt un « changement d’échelle » dans leurs entraînements, dans une logique d’élargissement et d’équilibrage de compétences opérationnelles aujourd’hui parfois réduites à un noyau d’expertises. Il s’agit d’être pleinement capable de commander et de faire manœuvrer les grands ensembles qui permettront de dominer un adversaire symétrique.

Outre les ajustements portés par les axes 1 et 2, il s’agit, via les efforts portés par l’axe 3, d’améliorer le potentiel et les activités d’entraînement contenant des scénarios d’engagement du « haut du spectre » et en milieux non-permissifs.

 

Le rapporteur spécial ne le répétera jamais assez : le questionnement est nécessaire ! Le ministère des armées, malgré toutes ses compétences, a besoin d’un regard extérieur pour avancer dans sa réflexion. Il est dans l’intérêt des armées d’avoir le débat le plus transparent possible avec le Parlement, pour clarifier nos objectifs stratégiques et expliquer aux citoyens la nécessité et la pertinence de l’effort de défense. Dans les années qui viennent, nos armées seront confrontées à des choix importants, au-delà même des questions budgétaires. Ce n’est pas rendre service aux militaires que d’éviter aujourd’hui toute remise en question. Quelle que soit la prochaine majorité, elle devra s’attacher à respecter et à faire vivre le contrôle du Parlement, qui se fait dans l’intérêt de tous.


 

L’instruction générale interministérielle n° 1300
et ses conséquences sur l’accès aux archives

 

L’adoption de l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale a entraîné une restriction de l’accès des historiens aux archives du ministère de la défense.

 

La réforme de la protection du secret de la défense nationale a été motivée par deux raisons principales : faciliter les échanges d’informations classifiées avec des États étrangers et prendre en compte les nouveaux enjeux liés à la numérisation et à la dématérialisation des documents.

 

Officiellement, l’instruction générale interministérielle n° 1300 a été rédigée selon une vision libérale, en vue de « moins classifier pour mieux classifier ». Elle prévoit, il est vrai, un délai de déclassification automatique des informations classifiées, qui n’existait pas auparavant, et qui a depuis été repris à l’article 25 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

 

En outre, la réforme aurait été réalisée à droit constant, sans modifier ni les dispositions du code pénal datant de 1994, ni la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives.

 

En pratique, afin d’éviter que des archives non triées, contenant potentiellement des informations classifiées, puissent être communiquées à des chercheurs, sans contrôle, l’adoption de la nouvelle instruction générale interministérielle a mis fin aux pratiques antérieures, parfois contraires à la loi, mais jusqu’ici tolérées. Ne sont désormais communiquées que les informations contenues dans les cartons triés et ayant fait l’objet d’une déclassification en bonne et due forme.

 

En conséquence, l’administration explique que la restriction de l’accès des historiens aux archives du ministère de la défense résulte, non pas de l’instruction générale interministérielle elle-même, mais d’un défaut d’organisation du ministère de la défense, qui a pris beaucoup de retard dans son travail de tri et de déclassification des documents, ce qui allonge les délais de communication des pièces aux historiens. Pour combler ce retard et réduire les délais d’attente, le ministère des armées a d’ailleurs recruté trente archivistes supplémentaires.

 

Le rapporteur spécial n’est pas convaincu par ces arguments. Les usages antérieurs à l’instruction générale interministérielle n° 1300 n’avaient jamais causé aucune difficulté, ni aucun scandale. Aucun exemple précis attestant qu’une information classifiée mettant en danger la défense ou la sécurité nationale ou des personnes ait été involontairement communiquée à un historien chercheur n’a d’ailleurs pu lui être donné.

 

En réalité, la machine bureaucratique s’est emballée et le Gouvernement l’accompagne docilement. Ce recul démocratique en matière d’accès aux archives, assumé par le Gouvernement, renforce le sentiment que ce dernier peine à accepter le débat.

 


II.   Programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit de porter les crédits du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense à 2,15 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,78 milliard d’euros en crédits de paiement.

La forte diminution des autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances pour 2021 (– 31 %) résulte de l’avancement du projet de nouveau siège pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), pour lequel étaient prévus 913,4 millions d’euros en 2021. Les crédits de paiement augmentent de 5,6 % par rapport à 2021.

Évolution des crÉdits du programme 144

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

Action 03 – Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

1 555,6

665,3

– 57 %

406,4

409,5

+ 0,7 %

Action 07 – Prospective de défense

1 510,3

1 439,8

– 4,7 %

1 237,7

1 327,7

+ 7,3 %

Action 08 – Relations internationales et diplomatie de défense

40,3

41,3

+ 2,4 %

40,7

41,3

+ 1,4 %

Total

3 106,2

2 146,4

– 31 %

1 684,8

1 778,4

+ 5,6 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

A.   Recherche et exploitation du renseignement intÉressant la sécuritÉ de la France

Dans le monde de demain, marqué par des évolutions de plus en plus rapides, nos moyens de défense, en particulier nos services de renseignement, doivent lutter contre les méthodes de travail en silos inhérentes aux structures françaises et chercher à décloisonner leurs approches. C’est dans cet esprit que s’inscrivent les projets immobiliers portés par la DGSE et par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

1.   Le renseignement extérieur

Les crédits du renseignement extérieur s’élèvent à 641,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 374,1 millions d’euros en crédits de paiement pour 2022. La forte diminution des autorisations d’engagement (– 57 %) est liée à l’avancement des projets immobiliers et notamment du projet de nouveau siège de la DGSE, pour lequel étaient prévus 913,4 millions d’euros en 2021 contre seulement 241,5 millions d’euros en 2022. Le marché principal devrait être lancé en 2022, pour un début des travaux en 2024 et une livraison programmée en 2028.

Évolution des crÉdits du renseignement extérieur

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Le nouveau siège de la DGSE doit notamment permettre une réorganisation des méthodes de travail visant à décloisonner les services de renseignement et à mutualiser les missions. Le rapporteur spécial estime que cet objectif est indispensable pour faire face aux enjeux actuels, mais il doute que des projets immobiliers, aussi modernes soient-ils, puissent suffire.

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation du plafond d’emplois de la DGSE de 5 641 ETPT en 2021 à 5 742 en 2022 (dont les crédits sont inscrits sur le programme 212 Soutien à la politique de défense). Le service prévoit notamment de renforcer ses équipes en matière de cyberdéfense.

Évolution des emplois de la DGSE

(en ETPT)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

2.   Le renseignement de sécurité et de défense

Les moyens affectés au renseignement de sécurité et de défense s’élèvent à 24,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 21 % par rapport à 2021) et 35,4 millions d’euros en crédits de paiement (+ 92 %). La hausse des crédits est liée à un changement de périmètre : le financement de la construction du nouveau bâtiment de la direction centrale est désormais inscrit sur la sous-action 03.32. Ce projet immobilier doit permettre au service d’accueillir de nouveaux agents et d’optimiser ses méthodes de renseignement.

En outre, la DRSD poursuit son programme de modernisation technologique, avec la finalisation et la poursuite de nouveaux outils innovants en matière de traitement de données qui doivent lui permettre d’accélérer et d’approfondir les enquêtes administratives réalisées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’espionnage, le sabotage, la subversion et le crime organisé.

Évolution des crÉdits du renseignement de SÉcurité et de dÉfense

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Le renseignement de sécurité et de défense bénéficiera aussi d’une hausse de ses effectifs, qui atteindront 1 590 emplois en 2022. La DRSD poursuit ses efforts pour renforcer ses moyens en matière de contre-ingérence économique et de cyberdéfense ainsi que pour fidéliser ses agents.

Évolution des emplois de la DRSD

(en ETPT)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Deux indicateurs de performance du programme 144 permettent d’évaluer partiellement les activités de la DRSD, en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre de sa mission de contre-ingérence. Pour les enquêtes administratives, l’objectif du taux d’avis émis dans les délais prescrits (indicateur 1.1) est fixé à 95 % pour 2022, au même niveau qu’en 2021. S’agissant du taux des sites du domaine militaire et des sites industriels et économiques liés à la défense inspectés dans les délais prescrits (indicateur 1.2), la cible est fixée à 95 %, comme en 2021.

Résultats des indIcateurs de performance du programme 144

(en pourcentage)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les résultats récents, la prévision actualisée 2021 et la cible fixée pour 2022 confirment l’amélioration des performances de la DRSD, grâce à l’augmentation des effectifs et à l’optimisation des organisations et des processus.

B.   Prospective de dÉfense

Le poids budgétaire des travaux de prospective menés à l’initiative de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) est faible. Toutefois, ces travaux revêtent des enjeux de souveraineté majeurs, tant pour le renseignement que pour l’autonomie stratégique et technologique. Il convient donc ne pas en négliger l’examen annuel.

1.   Les moyens de la DGRIS

Le projet de loi de finances prévoit une hausse modérée des moyens de la DGRIS en 2022. Le plafond des autorisations d’emplois, administration centrale et réseau diplomatique de défense inclus, est fixé à 568 ETPT en 2022 (contre 562 en 2021). Au total, les dépenses de personnel s’élèvent à 89,6 millions d’euros (+ 1,4 %). Les dépenses de fonctionnement sont en retrait à 13 millions d’euros (– 7 %), les dépenses d’intervention s’établissant à 36,9 millions d’euros (+ 2,6 %).

Les dépenses de communication et de représentation de la DGRIS sont en légère diminution de 445 000 euros en 2021 à 425 000 euros en 2022, en raison de la baisse des crédits de communication de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM) rattaché à la DGRIS. Le rapporteur spécial regrette que les travaux de prospectives menés sous la direction de la DGRIS demeurent confidentiels et réservés à un cercle restreint d’experts. Ils mériteraient d’être partagés plus largement, dans le respect de la préservation du secret-défense. Cela participerait utilement au renforcement de la culture de défense de la Nation.

2.   Analyse stratégique

La sous-action 07.01 Analyse stratégique est dotée de 9,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 8 %) et de 8,7 millions d’euros en crédits de paiement (– 6,5 %). Près de 93 % des crédits sont consacrés à la réalisation d’études prospectives et stratégiques destinées à éclairer le ministère des armées sur l’évolution du contexte stratégique et international.

Évolution des crÉdits de l’analyse stratÉgique

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Le reste des crédits participent de la stratégie d’influence mise en place par la France. Ainsi, 370 millions d’euros sont destinés à la recherche stratégique pour financer des subventions d’aide à la publication permettant à la DGRIS de valoriser des travaux de recherche revêtant un intérêt sur des sujets de défense. En outre, 260 millions seront consacrés aux programmes « personnalité d’avenir » piloté par la DGRIS, qui permet de sensibiliser de futures élites étrangères aux positions de la France en matière de sécurité et de défense.

3.   Prospective des systèmes de force

La prospective des systèmes de forces revêt un rôle capital pour définir le modèle d’armée du futur vers lequel doivent tendre les investissements entrepris. Les crédits pour 2022 sont en légère augmentation par rapport à la loi de finances pour 2021, à hauteur de 22,56 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 1 %) et en crédits de paiement (+ 1,2 %).

Évolution des crédits de prospective

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les études menées dans ce cadre doivent permettre d’identifier les nouvelles menaces et de proposer des pistes pour adapter les moyens des forces, notamment en y intégrant l’emploi de nouvelles technologies.

Les principaux axes de recherche identifiés pour 2022, sont les suivants : le renseignement d’intérêt militaire et la maîtrise du spectre électromagnétique ; les communications ; les capacités d’action dans l’espace ; l’intérêt des constellations satellitaires multi-orbitales pour les opérations militaires ; la cyberdéfense ; les capacités de frappe sol-sol à longue portée ; la menace et les capacités de lutte anti-drones, y compris en opération extérieure ; la défense antiaérienne et les effecteurs antiaériens notamment antimissiles, prenant en compte la menace hypersonique ; les premières études sur le programme TITAN (successeur du programme SCORPION) ; les armements air-air ; l’automatisation et les nouveaux modes de propulsion des véhicules terrestres ; la suppression des défenses aériennes ennemies ; la santé du militaire en opération ; la poursuite des travaux sur la menace prospective.

 

4.   Les études amont et le soutien à l’innovation

L’innovation est une priorité pour le ministère des armées. Conformément à la trajectoire prévue dans la LPM, les crédits dédiés à l’innovation atteignent 1 milliard d’euros en 2022. Ainsi, l’action 07.03 Études amont est dotée de 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1 milliard d’euros en crédits de paiement pour financer les études amont et les subventions de recherche et technologie.

a.   Les études amont

Les études amont sont des études appliquées visant à investir dans des technologies de rupture pour satisfaire des besoins militaires et préparer les futurs systèmes d’armes. La programmation 2022 s’appuie sur le document de référence d’orientation de l’innovation de défense élaboré en 2021 et validé par la ministre des armées lors du comité exécutif du 19 mai 2021 consacré à l’innovation. La majeure partie des études amont fait l’objet d’une contractualisation avec un fournisseur, au moyen d’un marché public. Dans un certain nombre de cas, des essais sont également réalisés dans les centres techniques de la direction générale de l’armement (DGA) afin de vérifier la conformité et de caractériser les performances des démonstrateurs fournis par les industriels.

Évolution des crédits des Études amont

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les principaux engagements de 2022 doivent porter sur la préparation du renouvellement des capacités de renseignement et de télécommunications spatiales, les études du système de char de combat MGCS (main ground combat system) en coopération franco-allemande ainsi qu’aux technologies qui concourent au programme de système de combat aérien du futur (SCAF), aux évolutions du programme RAFALE et aux planeurs hypersoniques. Les nouvelles thématiques d’innovation incluent la lutte anti-drones, l’hyper-vélocité, le quantique et l’énergie.

L’agrégat « espace » connaît une nouvelle hausse significative : les crédits de paiement demandés s’élèvent à 85 milliards d’euros pour 2022 et doublent par rapport à 2021. La surveillance de l’espace et l’action dans l’espace constituent les principaux axes d’études.

Les crédits de l’agrégat « aéronautique et missiles » atteignent 258 millions d’euros, en hausse de 29 millions d’euros (+ 12 %). Ils concernent les études sur le système de combat aérien du futur (SCAF), mais aussi les études contribuant à la préparation des évolutions des avions RAFALE ainsi que les travaux sur la coopération drones / hélicoptères et le démonstrateur de planeur hypersonique.

L’agrégat « naval » fait l’objet d’une hausse de 50 % pour atteindre 42,1 millions d’euros de crédits de paiement en 2022. Il s’agit notamment de financer la fin des études d’architecture du porte-avions de nouvelle génération.

Répartition des crédits des Études amont

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les agrégats « recherche et captation innovation » et « technologies transverses » ont beaucoup augmenté depuis 2019 et constituent désormais l’un des postes de dépense les plus importants avec, respectivement, 135 millions d’euros et 107 millions d’euros prévus pour 2022. Ils concentrent notamment les moyens affectés à l’Agence de l’innovation de défense ainsi qu’aux différents dispositifs de soutien à l’innovation.

 

b.   L’Agence de l’innovation de défense

Depuis sa création en septembre 2018, l’Agence de l’innovation de défense (AID) pilote un ensemble de dispositifs préexistants ou nouveaux visant à soutenir l’innovation en matière de défense. Ces dispositifs sont nombreux et divers. On peut comprendre la nécessité de développer de petites structures, plus souples et plus agiles, et d’aborder les questions d’innovation avec des dispositifs différents pour en appréhender tous les aspects. Néanmoins, le système actuel est complexe et peu lisible. Le changement fréquent du nom des structures ne facilite pas la compréhension.

En outre, le contrôle budgétaire des crédits alloués et consommés est très difficile. En effet, le montant global des crédits votés en loi de finances n’est pas précisément réparti entre les différents dispositifs. Pour le ministère des armées, cette souplesse permet d’orienter les ressources vers les meilleurs projets d’innovation et de les piloter via le dispositif le plus adapté.

Malgré les recommandations du rapporteur spécial, les moyens de fonctionnement de l’AID ne sont toujours pas identifiés dans le projet annuel de performance. L’agence ne dispose pas de plafond d’emplois et ne gère pas de crédits de rémunération. C’est donc dans les réponses au questionnaire budgétaire transmis en application de l’article 49 de la LOLF que le rapporteur spécial peut avoir partiellement connaissance de ces informations.

Les moyens humains affectés par la DGA à l’AID augmentent de 110 ETP en 2021 à 113 ETP en 2022. Environ 63 % des postes sont tenus par des civils, qui sont majoritairement des contractuels. Les dispositifs de soutien à l’innovation mobilisent l’essentiel des moyens de l’AID, en particulier le pôle « stratégie et technologies de défense » (28 personnes), le pôle « innovation ouverte » (38 personnes), le pôle « valorisation de l’innovation » (9 personnes) et le pôle « financement et acquisition de l’innovation » (17 personnes). Un soutien est également apporté par la DGA ainsi qu’une expertise opérationnelle par les armées.

Les dispositifs de soutien à l’innovation portés par l’AID reposent sur des attributions de subventions ou de marchés publics. Des thématiques prioritaires sont établies de manière à fixer les axes d’effort et orienter la sélection des projets. Puis, pour chaque dispositif, les modalités de dépôt, d’instruction et de sélection des projets sont fixées dans les appels à projets à large spectre ou thématiques. Ces soutiens à l’innovation s’appuient en particulier sur :

– des projets d’accélération d’innovation conduits soit par l’AID, soit par la direction des opérations de la DGA (notamment lorsqu’il s’agit d’opérations d’expérimentation réactives ([6])) ;

– un soutien à l’innovation duale des PME et ETI avec le régime d’appui pour l’innovation duale (RAPID) : piloté par l’AID depuis le 1er janvier 2021 ([7]), le RAPID est un dispositif de subvention qui vise à soutenir des projets d’innovation d’intérêt dual portés par des entreprises de moins de 2 000 salariés, seules ou en consortium avec des laboratoires ou d’autres entreprises ;

– des dispositifs de financement de la recherche sur projets portés par des laboratoires académiques et des PME innovantes : il s’agit notamment du programme d’accompagnement spécifique des travaux de recherche et d’innovation défense (ASTRID), opéré par l’AID avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le but d’explorer des technologies d’intérêt pour la défense, et du programme ASTRID Maturation, qui vise à porter à maturation ces mêmes technologies ;

– la cellule « détection et captation » de l’AID (anciennement dénommée cellule « innovation ouverture ») : sa mission est de détecter et suivre des start-up présentant un intérêt potentiel pour la défense sur des thématiques, dans le but de permettre au ministère des armées d’investir dans les bonnes entreprises au bon moment ; elle disposait de 4 ETP en 2020 et 5 ETP en 2021 ;

– la cellule « innovation defense lab » de l’AID : actuellement composée de 13 personnes, elle organise des événements contribuant à l’animation au rayonnement de l’innovation au sein du ministère des armées et elle pilote les projets d’accélération de l’innovation approuvés et labellisés par l’AID ;

– la cellule « innovation participative » (anciennement « Mission de l’innovation participative ») : elle disposait de 2 ETP en 2020 et 3 ETP en 2021. Les crédits programmés pour l’innovation participative sont en augmentation avec l’objectif d’atteindre 2,5 millions d’euros en 2022, afin d’accroître le nombre de projets reçus et labellisés ;

– la « red team » : composée d’auteurs de science-fiction, elle est chargée d’imaginer les menaces du futur en sortant des schémas de pensée traditionnels, et assistée par des militaires et des ingénieurs de l’armement (constitués en « blue team »). Son pilotage est réalisé par un opérateur extérieur dans le cadre d’un marché à hauteur de 0,8 million d’euros en autorisations d’engagement et de 1 million d’euros en crédits de paiement pour 2022 (contre 1,1 et 1,9 million d’euros en 2021).

En outre, les dispositifs mis en œuvre par l’AID sont complétés par des dispositifs d’innovation pilotés par l’État-major des armées ou directement par les armées (projets de transformation numérique, études opérationnelles et technico-opérationnelles, études d’État-major, etc.).

 

L’articulation des différents dispositifs les uns avec les autres gagnerait à être plus explicite. L’empilement des structures n’entraîne-t-il pas des risques de doublon, voire de cloisonnement ? Que la DGRIS, pour ses travaux de prospective, souhaite faire appel à des profils plus variés et plus éloignés des questions de défense, on peut le comprendre, mais pourquoi recourir à un opérateur extérieur pour l’animation de la « red team » ? Par ailleurs, comment comprendre le rôle joué par le comité permanent d’accélération de l’innovation quand les projets d’accélération d’innovation sont pilotés par des personnels de la cellule « innovation defense lab » ou des unités de la DGA (pour les opérations d’expérimentation réactives) ?

c.   Le soutien aux entreprises

Outre les dispositifs de subvention, le soutien à l’innovation repose aussi sur de l’investissement en capital dans des petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI), à travers deux fonds d’investissement : le DEFINVEST et le fonds « innovation défense » (FID).

Le fonds d’investissement DEFINVEST vise à soutenir des PME et des ETI dont les compétences et le savoir-faire sont essentiels à la performance globale des systèmes de défense ou pouvant contribuer à la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense (BITD). L’investissement dans ces entreprises jugées stratégiques permet de renforcer leur bilan, de stabiliser leur capital et de contribuer à consolider la filière de la défense sur le long terme.

Le fonds « innovation défense » (anciennement DEFINNOV), créé avec Bpifrance, vise à prendre des participations dans des start-up, des PME ou des ETI en phase de croissance et porteuses de projets pouvant intéresser la défense afin de favoriser le développement des technologies duales et transverses. Il est donc complémentaire du fonds DEFINVEST et se centre davantage sur le soutien des entreprises de la BITD. Doté de 200 millions d’euros, le fonds a notamment réalisé, en 2021, une prise de participation auprès de la société Pasqual, spécialiste des technologies quantiques, et poursuivra ses investissements en 2022.

Il n’existe pas d’interaction entre, d’une part, les activités du DEFINVEST et du FID et, d’autre part, les actions du Fonds stratégique d’investissement, fonds souverain qui a été intégré à Bpifrance en 2013. Toutefois, des interactions existent entre le FID et le fonds « French tech souveraineté » piloté par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) : les deux fonds sont convenus d’avoir réciproquement un siège dans leur comité d’investissement (nommé comité consultatif pour le FID) ; cette bonne pratique permet de faciliter la communication entre les deux fonds à propos de leur stratégie et des opportunités d’investissement.

 

 

Par ailleurs, comme le rapporteur spécial l’avait déjà souligné, la Cour des comptes a énoncé plusieurs critiques à l’égard du DEFINVEST et du FID, en premier lieu sur le niveau élevé de leurs coûts de gestion et, en second lieu, sur leur manque de transparence ([8]).

Les dotations versées aux fonds ne sont pas retranscrites dans le projet annuel de performance, ce qui n’offre aucune visibilité sur la charge annuelle qu’ils représentent pour le programme 144. Tout au plus est-il indiqué que le montant du DEFINVEST « aura été doublé » ([9]). Le recours à des fonds d’investissement pour soutenir l’innovation technologique en matière de défense peut se justifier. Toutefois, il doit être accompagné d’un minimum de transparence vis-à-vis du Parlement. À cet égard, les réponses au questionnaire budgétaire transmis en application de l’article 49 de la LOLF n’apporte que peu d’éléments supplémentaires.

 

Question n° 046 : Dresser un bilan chiffré des investissements et des activités menés par le fonds Definnov’ en 2021.

Réponse du ministère des armées :

Les mécanismes de soutien aux entreprises en matière d’innovation, mis en œuvre par le ministère des armées, reposent sur deux leviers :

• le financement des projets (marché public ou subvention) ;

• l’investissement en capital par les Fonds Innovation Défense ou DEFINVEST.

L’AID poursuit la recherche de synergies avec des opérateurs civils de référence, comme BPI France, ou l’agence nationale de la recherche (ANR). Les projets actuellement mis en œuvre avec les entreprises sont les suivants :

• projets d’accélération d’innovation (PAI) conduits soit par l’AID, ou par les unités de management de la DGA/DO, lorsqu’il s’agit d’opérations d’expérimentation réactives (OER) ;

• soutien de l’innovation duale des PME et ETI grâce au dispositif RAPID (régime d’appui pour l’innovation duale), créé en 2009 et doté de 50 millions d’euros/an depuis 2015, mis en œuvre historiquement en partenariat avec la direction générale des entreprises (DGE) et depuis 2021 par la seule AID ;

• financement de la recherche sur projets portés par des laboratoires académiques et des PME innovantes par le dispositif ASTRID (accompagnement spécifique des travaux de recherche et d’innovation défense), opéré par l’agence nationale de la recherche (ANR), permettant le soutien d’une trentaine de projets par an.

Quant aux fonds, Definvest et le fonds innovation défense, ils ont des thèses d’investissement complémentaires. Les entreprises ciblées par Definvest sont prioritairement des PME dont les compétences et savoir-faire sont essentiels à la performance globale des systèmes de défense français ou destinés au marché d’exportation de l’industrie française, ou peuvent donner un avantage concurrentiel à la BITD française. Le but de ce fonds est d’intervenir auprès d’entreprises jugées stratégiques afin de renforcer leur structure bilancielle, stabiliser leur capital et contribuer à une consolidation de la filière de la Défense sur le long terme.

Le fonds Innovation Défense, pour sa part, prend des participations dans des entreprises innovantes en phase de croissance, start-ups, PME, ETI développant des technologies duales et transverses intéressant le monde de la défense. Il permet de compléter l’action publique et l’investissement privé de soutien aux entreprises innovantes présentant un intérêt pour la défense. Il est ainsi complémentaire du fonds DEFINVEST, plus centré sur le soutien des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

[…]

 

d.   Performance

Le manque de transparence sur les moyens affectés aux dispositifs de soutien à l’innovation en matière de défense se double d’un manque d’information sur les résultats obtenus grâce aux différents outils mis en place. Rien ni dans les annexes budgétaires, ni dans les réponses au questionnaire budgétaire ne permet de prouver l’efficacité de l’organisation actuellement en place.

Un seul indicateur de performance assure le suivi des études amont : le taux de progression des technologies spécifiques nécessaires à la défense (indicateur 2.1). Il mesure « la performance annuelle dans la maturation des technologies spécifiques nécessaires à la défense, sur la base d’un échantillonnage des différents domaines technologiques investigués. Les jalons des feuilles de route de maturation de ces technologies sont des étapes clés dans la progression technologique et sont exprimés en TRL (technology readiness level) permettant de situer le niveau de maturité de la technologie sur une échelle allant de 1 à 7, le niveau 7 correspondant à une maturité suffisante pour une prise en compte éventuelle dans un programme d’armement ». Il permet donc, en théorie, de mesurer la progression des technologies et donc l’atteinte des objectifs poursuivis au titre des études amont.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le taux de progression des technologies
spÉcifiques nÉcessaires À la DÉfense

(en pourcentage)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

La prévision actualisée pour 2021 est conforme à la prévision initiale, soit un taux de 80 %, en hausse par rapport au niveau de 2020 (54,6 %). Il est difficile pour le rapporteur spécial d’en apprécier la portée réelle.

5.   Les opérateurs du programme 144

L’action 07.04 Gestion des moyens et subventions finance principalement les moyens affectés aux opérateurs rattachés au programme 144.

Financement apportÉ aux opÉrateurs par le programme 144

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

L’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) subit une diminution – faible mais inexpliquée – de sa subvention pour charges de service public, réduite de 110 millions d’euros en 2021 à 108,9 millions d’euros en 2022.

Chacune des écoles sous tutelle de la DGA doit bénéficier d’une hausse de sa subvention pour charges de service public en conséquence des mesures de revalorisation salariale décidées dans la loi de programmation de la recherche ([10]). La hausse la plus significative concerne l’École polytechnique, dont la subvention augmente de 92,6 millions d’euros en 2021 à 95,8 millions d’euros en 2022, et qui recevra en outre une dotation en fonds propres de 4 millions d’euros pour soutenir l’effort de rénovation des bâtiments de l’école.

Les crédits prévus pour l’Institut polytechnique de Paris (IPP) – qui regroupe l’École polytechnique, l’ENSTA Paris, l’ENSAE Paris, Télécom Paris et Télécom Sud Paris depuis 2019 – sont stables à hauteur de 3,2 millions d’euros.

Si la subvention pour charges de service public de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE) doit être quasi stable (38,4 millions d’euros), l’opérateur voit sa dotation en fonds propres diminuer, de 4,3 millions d’euros à 1,6 million d’euros.

Emplois des opÉrateurs rÉmunÉrÉs par le programme 144

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

 

 

Un effort particulier est prévu en ce qui concerne les plafonds d’emplois des opérateurs du programme 144 :

– l’ONERA voit son plafond d’emplois augmenter à 1 775 ETPT (+ 15), auxquels s’ajoutent 139 ETPT hors plafond ;

– le plafond d’emplois de l’École polytechnique progresse de 13 ETPT pour s’établir à 2 680 emplois en 2022, du fait de l’augmentation de la taille des promotions d’élèves ingénieurs ;

– l’ENSTA Paris et l’ENSTA Bretagne bénéficient, respectivement, de 5 et 4 ETPT supplémentaires (183 et 177 ETPT sous plafond au total) ;

– l’Institut polytechnique de Paris voit son plafond d’emplois, saturé en 2021, augmenter de 20 à 22 ETPT pour 2022 ;

– le plafond d’emplois de l’ISAE est maintenu à 412 ETPT, auxquels s’ajoutent 208 emplois hors plafond (+ 63).

C.   Relations internationales et diplomatie de dÉfense

Les crédits de l’action 08 Relations internationales et diplomatie de défense du programme 144 s’élèvent à 41,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ils progressent, respectivement, de 2,4 % et 1,4 %.

Évolution des crédits de l’action 08 du programme 144

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les crédits de l’action financent les dépenses de la DGRIS au titre de la coordination de l’action internationale du ministère des armées et de la définition de sa stratégie d’influence internationale.

Ils doivent couvrir notamment :

– la contribution forfaitaire versée au Gouvernement de la République de Djibouti au titre de l’implantation de forces permanentes françaises sur son territoire (26,4 millions d’euros en 2022) ;

– la contribution au fonds de soutien à la modernisation des forces armées djiboutiennes (0,5 million d’euros) ;

– la contribution française au budget administratif de l’Agence européenne de défense (6,8 millions d’euros) ;

– une participation du ministère en vue de l’organisation du Forum de Dakar pour la paix et la sécurité en Afrique (0,7 million d’euros) ;

– les dépenses liées au réseau diplomatique.

Les dépenses de déplacements du personnel de la DGRIS lors des missions de représentation, d’études et de coordination à l’étranger augmentent de 300 000 euros afin de prendre en compte la hausse de l’activité opérationnelle.

 


III.   Programme 146 Équipement des forces

Le programme 146 Équipement des forces est doté de 17,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 14,5 milliards d’euros en crédits de paiement.

Évolution des crÉdits du programme 146

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

Action 06 – Dissuasion

3 502,3

6 277,5

+ 79,2 %

4 120,3

4 362,8

+ 5,9 %

Action 07 – Commandement et maîtrise de l’information

4 837,6

2 947,7

– 39,1 %

2 417,5

2 611,3

+ 8,0 %

Action 08 – Projection - mobilité - soutien

4 447,7

1 079,4

– 75,7 %

1 793,8

1 654,9

– 7,7 %

Action 09 – Engagement et combat

6 483,6

5 694,9

– 12,2 %

4 594,5

4 957,7

+ 7,9 %

Action 10 – Protection et sauvegarde

1 512,9

841,7

– 44,4 %

521,2

699,6

+ 34,2 %

Action 11 – Préparation et conduite des opérations d’armement

215,9

246,4

+ 14,1 %

195,7

217,2

+ 11,0 %

Action 12 – Parts étrangères et programmes civils

0,0

0,0

Total

21 000,0

17 087,5

– 18,6 %

13 643,0

14 503,6

+ 6,3 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

En 2021, un grand nombre de programmes à effet majeur ont été engagés (programme de drones aériens MALE, programme d’avions de guet Hawkeye, programme d’hélicoptères interarmées légers HIL, programme d’avion militaire de transport et de ravitaillement MRTT, projet de système de combat aérien du futur), ce qui explique le montant très élevé des autorisations d’engagement en 2021 (21 milliards d’euros) et leur diminution en 2022 (– 18,6 %).

Évolution des crÉdits du programme 146

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Le volume élevé des autorisations d’engagement, propre aux annuités d’entrée de LPM, se traduit par un niveau inédit de restes à payer. Au 31 décembre 2021, le montant des engagements non couverts par des paiements s’élèvera à 50,7 milliards d’euros, un niveau trois fois plus élevé que les crédits de paiement prévus pour 2022. Les engagements d’aujourd’hui définissent le modèle d’armée pour la décennie, voire au-delà. La souplesse de ce modèle et la capacité du ministère à s’adapter aux défis géopolitiques et technologiques encore inconnus ou sous-estimés sont un enjeu majeur.

Évolution des Restes à payer du programme 146

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Or, la rigidité des contrats en cours est extrêmement forte. Les marges de manœuvre sont faibles, en dehors de la possibilité de décaler l’engagement des tranches fonctionnelles de certains programmes d’armement pluriannuels ou, le cas échéant, des éventuels retards techniques qui pourraient permettre de différer certaines dépenses. La situation n’est pas anormale, car les contrats permettent de donner de la prévisibilité aux industriels. Elle sera néanmoins problématique en cas de dégradation du contexte budgétaire. En réalité, les principaux éléments de souplesse dont dispose le ministère résident dans les contrats non encore conclus, notamment dans le domaine spatial. Le risque de déséquilibrer l’effort de défense en sous-investissant dans les nouveaux domaines stratégiques est donc bien réel.

S’agissant des programmes de coopération franco-allemande (système de combat aérien du futur, drone MALE, char de combat MGCS, Tigre standard 3, avion de patrouille maritime MAWS), ils continuent naturellement de faire l’objet de rapports de force puissants, notamment entre les industriels. Malgré tout, cette coopération demeure nécessaire. La stratégie allemande est claire : elle porte sur le développement de capacités industrielles et l’exportation d’armements ainsi que, désormais, d’équipements spatiaux (tels que les mini-lanceurs, domaine dans lequel la France est en retard). La stratégie française, elle, manque de clarté. Elle est d’autant plus troublée que l’effort de défense allemand tend désormais à dépasser l’effort français (il est, certes, équivalent en pourcentage du produit intérieur brut, mais il est supérieur en valeur absolue). Dans ce contexte, le rapporteur spécial se demande si l’organisation administrative et politique française est suffisamment adéquate pour maximiser les projets de coopération menés avec l’Allemagne.

Sans doute le suivi politique des programmes doit-il être renforcé, notamment vis-à-vis des Länder allemands dont le poids politique ne doit pas être sous-estimé.

1.   Dissuasion

La prolifération nucléaire demeure un risque majeur. La France doit continuer d’adapter son outil de dissuasion dans un environnement incertain. Toutefois, le volume des investissements nécessaires impose au préalable un débat public, non seulement pour partager avec les Français l’impératif de la dépense, mais aussi pour éviter que les acteurs de la dissuasion ne s’enferment dans un conservatisme capacitaire néfaste.

Les crédits demandés pour l’action 6 Dissuasion s’élèvent à 6,28 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 4,36 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2022. Ces engagements et paiements budgétaires sont indispensables pour la crédibilité de la dissuasion française.

Évolution des crÉdits de la dissuasion

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

06.14 – Assurer la crédibilité technique de la dissuasion M51

293,5

1 605,0

+ 447 %

788,4

795,6

+ 0,9 %

06.15 – Assurer la crédibilité technique de la dissuasion SNLE NG : adaptation M51

0,0

0,0

0,0

3,0

06.17 – Assurer la crédibilité technique de la dissuasion - Air sol moyenne portée amélioré (ASMPA)

22,5

50,8

+ 126 %

112,9

127,1

+ 12,6 %

06.18 – Assurer la crédibilité technique de la dissuasion Simulation

637,6

562,8

– 12 %

651,1

616,8

– 5,3 %

06.19 – Assurer la crédibilité technique de la dissuasion - Autres opérations

1 265,9

2 088,0

+ 65 %

1 085,1

1 281,6

+ 18 %

06.22 – Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion - soutien et mise en œuvre des forces - toutes opérations

808,6

1 146,1

+ 42 %

757,7

830,7

+ 9,6 %

06.23 – Assurer la crédibilité technique de la posture - toutes opérations

474,3

824,8

+ 74 %

359,7

372,1

+ 3,4 %

06.24 – Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – SNLE 3G

0,0

0,0

365,3

335,9

– 8 %

Total

3 502,3

6 277,5

+ 79 %

4 120,3

4 362,8

+ 6 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Il est cependant important de noter que les moyens financiers portant sur la prospective en la matière restent relativement stables et modérés (voir le II du présent rapport relatif au programme 144). Or, des choix importants doivent être opérés et la prospective est normalement là pour les éclairer.

 

Les demandes d’autorisations d’engagement de l’action 06 Dissuasion sont en très forte hausse de 79 % par rapport à la loi de finances pour 2021, sans toutefois revenir au niveau record de la loi de finances pour 2020 (8,67 milliards d’euros), année du lancement du programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération (SNLE NG).

Évolution des Autorisations d’engagement de la dissuasion

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les crédits de paiement augmentent de 6 % par rapport à la loi de finances pour 2021. Ils s’inscrivent dans une trajectoire de croissance ininterrompue depuis la loi de finances pour 2014. Ceci préfigure les efforts budgétaires qu’imposera le renouvellement de la dissuasion lors des prochaines années.

Évolution des crédits de paiement de la dissuasion

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

a.   Composante aéroportée

Si le missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), entré en service en 2009 sur les avions Mirage 2000N K3 et en 2010 sur les avions RAFALE, et qui emporte une charge nucléaire de nouvelle génération (la tête nucléaire aéroportée), est clos depuis 2012, le missile ASMPA est depuis 2016 en cours de rénovation à mi-vie. Les autorisations d’engagement ayant été fortement mobilisées en 2016 et 2017, elles seront en 2022 moins élevées que les crédits de paiement (50,8 millions d’euros contre 127,1 millions d’euros sur la sous-action 06.17).

En parallèle, sur la sous-action 06.22, le soutien des missiles ASMPA en service est financé à hauteur de 117,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 122,3 millions d’euros en crédits de paiement pour 2022.

Le programme ASN 4G vise à renouveler le missile ASMPA au-delà de l’horizon 2030 pour assurer la crédibilité technique de la dissuasion. Les travaux de préparation du missile ASN 4G se poursuivront en 2022 avec une forte progression des autorisations d’engagement (715 millions d’euros) et des crédits de paiement (176,9 millions d’euros) prévue sur la sous‑action 06.19.

b.   Composante océanique

 La troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) devait passer en phase de réalisation en décembre 2020, ce qui expliquait le montant élevé des autorisations d’engagement en loi de finances pour 2021 (5,1 milliards d’euros). La crise sanitaire a conduit à décaler l’engagement des crédits au premier semestre 2021. Pour 2022, aucune autorisation d’engagement n’est mobilisée et les crédits de paiement s’élèvent à 335,9 millions d’euros sur l’action 06.23. Ce programme fera sentir son impact budgétaire au-delà de 2023.

 Le développement du missile MSBS M51 – missile nucléaire stratégique à têtes multiples et à capacité intercontinentale emporté sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins – se poursuit en 2022. Sur la sous-action 06.14, l’augmentation des autorisations d’engagement prévue en 2022 à hauteur de 1,6 milliard d’euros couvre la poursuite des travaux de développement et de production de la version M51.3 démarrés en 2014 ainsi que des travaux de préparation de la version M51.4. Les crédits de paiement sont dotés de 795,6 millions d’euros, un niveau stable par rapport à la loi de finances pour 2021. En parallèle, sur la sous-action 06.22, le soutien des missiles M51 en service, têtes nucléaires comprises, est financé à hauteur de 1,0 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 708,4 millions d’euros en crédits de paiement pour 2022.

Le programme d’adaptation des SNLE au missile M51, qui concernait trois des quatre SNLE en service (Le Triomphant, Le Téméraire et Le Vigilant), s’est achevé en 2020. Pour 2022, aucune autorisation d’engagement n’est prévue et les crédits de paiement sont dotés de 1,7 million d’euros sur la sous-action 06.15.

 Sur la sous-action 06.19, les crédits demandés pour la composante océanique de la dissuasion s’élèvent à 419,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 286,8 millions d’euros en crédits de paiement (en hausse de 13 % et 16 %) afin de financer des évolutions techniques nécessaires à l’adaptation opérationnelle des SNLE en service, les travaux de démantèlement nucléaire et de déconstruction des coques des SNLE de type Le Redoutable, les travaux de démantèlement des missiles M45, les investissements de mises à hauteur et de maintien à niveau des infrastructures et équipements du port de Cherbourg nécessaires aux sous-marins nucléaires en démantèlement et déconstruction ainsi que des travaux d’entretien et de modernisation des moyens d’essai à terre de la propulsion nucléaire navale (incluant le bâtiment d’expérimentation et de mesure Monge).

c.   Autres dépenses

 Les transmissions liées à la dissuasion sont cruciales pour la transmission des ordres du pouvoir politique vers les composantes aéroportées et océaniques. Le renouvellement et le maintien en condition opérationnelle des différents systèmes de transmission stratégique constituent un investissement peu spectaculaire et méconnu mais crucial. En 2022, les autorisations d’engagement augmentent fortement, à hauteur de 824,8 millions d’euros (+ 74 %), tandis que les crédits de paiement s’élèvent à 372,1 millions d’euros (+ 3,4 %). Cela doit permettre de financer à la fois le maintien en conditionnelle opérationnelle du réseau maillé durci RAMSES, le soutien en service du système de dernier recours SYDEREC et la réalisation du programme successeur SYDEREC NG, le soutien en service et la modernisation des centres de transmission de la marine mis en œuvre au profit des forces nucléaires océaniques (TRANSOUM), la modernisation des moyens de communication propres à la composante aéroportée (TRANSAERO) ainsi que la poursuite de la modernisation du réseau résilient SOCRATE.

 Depuis l’arrêt des essais nucléaires, la crédibilité technique de la dissuasion repose sur divers équipements garantissant la fiabilité de fonctionnement et la sûreté des charges nucléaires : un projet de laser mégajoule, le programme TEUTATES de coopération franco-britannique en matière d’installations radiographiques et hydrodynamiques, les supercalculateurs et tous les programmes de recherche menés autour. Si les crédits demandés sont en diminution par rapport à 2021, ils se maintiennent à un niveau élevé à la fois en autorisations d’engagement (562,8 millions d’euros) et en crédits de paiement (616,8 millions d’euros).

Sur la sous-action 06.19, 952,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 815,9 millions d’euros sont mobilisés pour financer les études scientifiques et technologiques dans le domaine de la propulsion nucléaire, l’exploitation et la rénovation des installations du centre du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) situé à Cadarache ainsi que l’exploitation et la modernisation de l’outil industriel du CEA pour répondre notamment aux besoins futurs de production et de recyclage des matières nucléaires.

2.   Commandement et maîtrise de l’information

Les crédits de l’action 07 Commandement et maîtrise de l’information s’élèvent à 2,95 milliards d’euros en autorisations d’engagement. La dotation en autorisations d’engagement est en très forte diminution (– 39 % par rapport à la loi de finances pour 2021) en raison d’engagements conséquents prévus en 2021 et non reconduits en 2022, en particulier sur le programme d’avions de guet Hawkeye.

Évolution des crÉdits de l’action 07

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

07.23 – Commander et conduire – ARTEMIS IA

36,0

19,0

– 47 %

0,9

17,7

+ 1780 %

07.24 – Commander et conduire – Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA)

138,6

918,2

+ 563 %

225,3

230,0

+ 2 %

07.25 – Commander et conduire – Système d’information TERRE

72,4

28,4

– 61 %

67,9

57,9

– 15 %

07.27 – Commander et conduire – Géographie numérique

150,0

5,0

– 97 %

71,8

85,1

+ 18 %

07.28 – Commander et conduire – Autres opérations

20,1

27,8

+ 38 %

52,5

50,9

– 3 %

07.29 – Commander et conduire – Système d’information des armées (SIA)

56,0

70,6

+ 26 %

101,0

96,1

– 5 %

07.30 – Communiquer – Cyber

102,0

259,6

+ 154 %

84,4

98,7

+ 17 %

07.35 – Communiquer – Autres opérations

199,2

117,3

– 41 %

157,3

184,4

+ 17 %

07.36 – Communiquer – CONTACT

1 020,0

0,0

– 100 %

282,9

273,1

– 3 %

07.37 – Communiquer – DESCARTES

93,0

114,3

+ 23 %

74,6

70,7

– 5 %

07.42 – Espace – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – ROEM

20,0

0,0

– 100 %

30,3

28,4

– 6 %

07.43 – Espace – Communiquer – Moyens de communication satellitaire

840,0

238,1

– 72 %

590,4

572,8

– 3 %

07.44 – Espace – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – ROIM

134,8

211,0

+ 57 %

64,7

89,1

+ 38 %

07.45 – Espace – Maîtrise de l’Espace

140,0

110,0

– 21 %

10,6

12,2

+ 15 %

07.46 – Espace – Commander et conduire – OMEGA

0,0

0,0

47,7

44,0

– 8 %

07.50 – Communiquer – Transmission

0,0

432,6

15,7

25,7

+ 63 %

07.60 – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – ALSR

27,0

0,0

– 100 %

37,8

23,7

– 37 %

07.61 – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – CUGE

0,0

0,0

118,2

129,4

+ 10 %

07.62 – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – Drones aériens

665,9

57,0

– 91 %

127,5

265,9

+ 109 %

07.63 – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – Hawkeye

915,0

0,5

– 100 %

52,6

55,9

+ 6 %

07.64 – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – ROEM

82,2

265,4

+ 223 %

82,2

90,0

+ 9 %

07.67 – Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – SDCA

21,6

0,0

– 100 %

61,9

51,5

– 17 %

07.68 – Renseigner, surveiller, acquérir – Autres opérations

103,9

73,0

– 30 %

59,1

58,0

– 2 %

07 – Commandement et maîtrise de l’information

4 837,6

2 947,7

– 39 %

2 417,5

2 611,3

+ 8 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Évolution des Autorisations d’engagement de l’action 07

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les crédits de paiement demandés sur l’action 07 du programme 146 s’élèvent à 2,61 milliards d’euros pour 2022. L’augmentation des crédits (+ 8 %) s’inscrit dans le prolongement d’une trajectoire haussière depuis 2018, qui suit l’avancement des différents projets d’armement. La principale augmentation prévue en 2022 concerne les dépenses relatives aux drones moyenne altitude longue distance MALE.

Évolution des crédits de paiement de l’action 07

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

a.   Capacités spatiales

 Le renseignement optique spatial s’appuie sur le système MUSIS dont le troisième et dernier satellite doit être mis en orbite en 2021. Ce système succède au dispositif HELIOS en apportant une meilleure résolution. En 2022, 7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 49,7 millions d’euros en crédits de paiement y seront consacrés sur la sous-action 07.44. En outre, les travaux du successeur de MUSIS, le programme IRIS (instruments de renseignement et d’imagerie spatiale), engagé depuis 2019 et qui doit entrer en service en 2030, seront dotés de moyens en hausse, avec 204 millions d’euros en autorisations d’engagement et 39,4 millions d’euros en crédits de paiement.

 Le système CERES recueille depuis l’espace le renseignement d’origine électromagnétique (par opposition au renseignement d’origine image). Il fonctionne au moyen d’une constellation de trois satellites. La sous-action 07.42 finance son maintien en condition opérationnelle. Le programme CELESTE, lancé en phase de préparation en 2019, doit quant à lui répondre au même besoin opérationnel à partir de 2028, date de fin de vie théorique du système CERES. En 2022, la sous-action 07.42 bénéficiera de 28,4 millions d’euros en crédits de paiement.

 Les moyens satellitaires de communication s’appuient sur les systèmes SYRACUSE III en service (deux satellites ; 367 stations sols) et SYRACUSE IV (deux satellites dont le premier devait être lancé en octobre ; 62 segments sol) ainsi que sur le système franco-italien COMCEPT (deux satellites ; 424 segments sol). L’aboutissement des livraisons des segments attendus pour ces trois programmes explique le recul des autorisations d’engagement sur la sous-action 07.43 (– 72 %). Les 650 millions d’euros d’autorisations d’engagement votés pour 2021 pour le programme SYRACUSE IV ne figurent plus pour 2022. Les crédits de paiement demandés pour la sous-action 07.43 sont concentrés sur le programme SYRACUSE IV à hauteur de 349,2 millions d’euros.

 La militarisation de l’espace impose de disposer de systèmes de maîtrise de l’espace allant de la protection contre les menaces à l’action en passant par la surveillance de l’espace. Tel est l’objet du nouveau programme ARES pour lequel 110 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12,2 millions d’euros en crédits de paiement sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2022.

b.   Capacités aériennes

 L’aéronavale dispose de trois avions de guet Hawkeye dont la disponibilité est faible en raison notamment de l’importante opération de rénovation et de modernisation en cours. Ces appareils sont appelés à être mis à niveau pour maintenir leur employabilité et conserver l’interopérabilité avec les moyens de l’OTAN. À terme, ils seront remplacés. Dans cette perspective, la loi de finances pour 2021 avait prévu 915 millions d’euros d’autorisations d’engagement, qui tomberont à 0,5 million d’euros en 2022. En revanche, les crédits de paiement progressent légèrement, de 52,6 à 55,9 millions d’euros.

 Pour le recueil d’information, le recours aux drones tactiques MALE (moyenne altitude, longue endurance) est devenu indispensable. Néanmoins, faute d’avoir été convaincues de leur apport dès leur émergence, les armées françaises souffrent d’une dépendance extérieure pour la capacité drone MALE, puisqu’aucun programme français et encore moins européen n’est actuellement disponible.

La concrétisation du programme de drone MALE européen tarde. Ce projet a mobilisé un volume très important d’autorisations d’engagement (650 millions d’euros) en 2021. Pour 2022, 125,5 millions d’euros sont prévus en crédits de paiement. Si le projet a été approuvé par l’Allemagne, il demeure en attente de l’Italie et de l’Espagne, qui n’ont pas encore déterminé les moyens budgétaires pouvant être mobilisés. En cas de validation avant la fin de l’année 2021, le programme pourrait être réalisé pour 2028.

Évolution des crÉdits AffectÉs au projet de drone europÉen

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Dans l’attente, la France a été contrainte de faire des acquisitions de drones américains REAPER, notamment pour soutenir les opérations au Sahel. En 2021, 4 drones ont été livrés à l’armée de terre. Si aucune autorisation d’engagement n’est programmée pour 2022, 81,1 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits dans le projet de loi de finances.

 

Question n° 081 : Faire un point sur le programme de drone européen.

Réponse du ministère des armées :

La France a étudié trois options en phase de préparation du programme visant à se doter d’une capacité pérenne de drones MALE à l’horizon 2025-2030.

• Option 1 : s’appuyer • sur le marché disponible à l’horizon de la prochaine décennie pour disposer de la future capacité de drones MALE ;

• Option 2 : acquérir sur étagère des systèmes de drones MALE et intégrer des chaînes de missions (ISTAR et effecteurs) souveraines ;

• Option 3 : développer l’ensemble du système de drones MALE en coopération afin de maîtriser les chaînes de mission et l’évolutivité du système, assurer une totale liberté d’emploi et maîtriser les conditions d’accès aux zones d’intérêt.

La priorité a été donnée à l’option 3. Un arrangement-cadre de coopération relatif au programme européen de drone MALE associant l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie est ainsi entré en vigueur en juin 2016.

L’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr) a été retenue pour exercer la conduite du programme dès l’étude de définition dont l’arrangement de mise en œuvre est entré en vigueur le 8 août 2016. Les travaux d’étude confiés à Airbus Defence & Space, Dassault Aviation et Leonardo ont été lancés début septembre 2016.

Un des enjeux majeurs de cette phase de définition consistait à proposer une architecture système robuste et évolutive, et à organiser les compromis technico-opérationnels afin de proposer, sous 25 mois, une définition préliminaire pour un système MALE qui soit à la fois raisonnablement plus ambitieux que l’existant, notamment sur le plan des performances et de la navigabilité permettant de voler dans le ciel européen, et compétitif en coût d’acquisition et de soutien. Au terme de ces travaux, une spécification technique de besoin commune a été formellement approuvée par les nations partenaires en novembre 2018.

Les nations ont convenu que pour la suite du programme, Airbus Defence and Space agirait en tant que prime contractor d’une organisation industrielle s’appuyant sur les membres du consortium industriel de la phase de définition.

Les négociations menées par les nations avec Airbus Defence and Space pour le contrat global d’acquisition recouvrant le développement, la production et le soutien initial du MALE européen sont à présent terminés et la notification est prévue au second semestre 2021, dès les processus d’approbation des États finalisés.

Le coût du programme sera défini lors du lancement de sa réalisation.

 

 Les avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) ont pour mission de recueillir du renseignement d’origine électromagnétique et du renseignement d’origine image, en complément des drones MALE. Les deux premiers exemplaires ont été livrés en 2020. La livraison des six autres appareils doit intervenir après 2021, étant entendu qu’une livraison a été anticipée de 2027 à 2023 dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique. Pour 2022, 23,7 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits pour ce programme.

 L’opération CUGE (capacité universelle de guerre électronique), portée par la sous-action 07.61, vise à remplacer les capacités en renseignement d’origine électromagnétique aéroportées, en remplacement des Transall Gabriel qui affichent une disponibilité de 44 %. Trois appareils sont ainsi envisagés pour l’armée de l’air. La commande de deux exemplaires a eu lieu pour une livraison au-delà de 2021. Aucune autorisation d’engagement, mais 129,4 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits au projet de loi de finances.

 La France compte également quatre avions radar AWACS dont le parc a trente ans de moyenne d’âge. Ces appareils devront être remplacés à l’horizon 2035. Pour l’heure, ils font l’objet d’opérations de rénovation. Ce programme SDCA (système de détection et de commandement aéroporté) mobilise 51,5 millions d’euros en crédits de paiement pour 2022.

c.   Systèmes d’information et de commandement

 Financé par la sous-action 07.24, le système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA) regroupe l’ensemble des systèmes participant aux différentes missions de l’armée de l’air : surveillance et de contrôle de l’espace aérien, coordination de la défense sol-air, planification, programmation et conduite des opérations. Les évolutions du SCCOA sont gérées par étapes, chacune constituant un programme d’armement. L’étape 3 est close depuis 2015. L’étape 4 est en cours de réalisation et comprend notamment l’acquisition d’un grand nombre de radars tactiques ainsi que la rénovation du radar de surveillance spatial GRAVES. La cinquième phase sera amorcée en 2022. En 2022, le lancement du programme SCCOA 5 se traduirait par un engagement de 863 millions d’euros en autorisations d’engagement (d’où la forte augmentation des autorisations d’engagement sur la sous-action 07.24) et 10,3 millions d’euros en crédits de paiement. Le programme SCCOA 4 bénéficiera quant à lui de 185,1 millions d’euros de crédits de paiement (contre 190,4 millions d’euros en 2021).

 La numérisation des forces terrestres s’opère via l’opération Système d’information (SI) TERRE, qui comprend à la fois l’évolution des systèmes d’information opérationnels de l’armée de terre et le renouvellement des équipements informatiques de ces systèmes. Les crédits prévus pour 2022, qui s’élèvent à 28,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 57,9 millions d’euros en crédits de paiement, diminuent par rapport à 2021. Les principaux engagements couvrent des évolutions nécessaires pour le système d’information de l’artillerie sol-sol ATLAS, l’acquisition de kits de numérisation pour équiper 380 nouveaux véhicules et la commande de récepteurs GNSS (global navigation satellite system) utilisant les signaux ouverts pour véhicules terrestres.

 Le système d’information des armées (SIA) est un programme incrémental de capteurs et systèmes d’armées, interarmées et compatible avec les outils utilisés par l’OTAN. Pour 2022, sont prévus 70,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 26 %) et 96,1 millions d’euros en crédits de paiement (– 5 %). Les principaux engagements couvrent la commande de modules projetables, des compléments de travaux de conception et de développement des modules socle et métiers, des travaux d’architecture et sur l’interopérabilité des systèmes ainsi que des prestations de maintien en condition opérationnelle et de sécurité du SIA.

 Le programme CONTACT vise à doter les forces d’un réseau de radiocommunications tactiques haut débit, sécurisé et interopérable avec l’OTAN. Ce système fournit une famille de postes radio sécurisés destinés à équiper différentes plates-formes (fantassins, blindés, aéronefs de combats, de renseignement et de transport, navires) en remplacement des systèmes existants (PR4G, SATURN, CARTHAGE, MIDS). En 2021, les premiers systèmes ont été livrés en grand nombre. En 2022, aucune nouvelle autorisation d’engagement n’est prévue. Les autorisations affectées sur des tranches fonctionnelles mais non engagées se situent à 1,1 milliard d’euros fin 2021. Les crédits de paiement sont prévus à 273,1 millions d’euros (– 3 % par rapport à 2021). Les travaux de développement et de réalisation du programme se poursuivront, de même que l’intégration de CONTACT dans les véhicules non SCORPION de l’armée de terre.

 Le programme DESCARTES vise à répondre aux besoins du ministère des armées et des forces en opération en matière de télécommunications fixes. Il finance à la fois les infrastructures réseaux et les locaux techniques hébergeant les équipements de télécommunication. En 2022, 114,4 millions d’euros sont prévus en autorisations d’engagement et 70,7 millions d’euros en crédits de paiement.

 La sous-action 07.30 Cyber finance une opération incrémentale visant à doter le ministère des armées de moyens de cybersécurité et de cyberdéfense. Les crédits demandés pour 2022 s’élèvent à 259,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 154 %) et 98,7 millions d’euros en crédits de paiement (+ 17 %). L’augmentation des engagements couvre notamment la poursuite des travaux sur la téléphonie sécurisée, la commande de composants nécessaires aux chiffreurs IP et la poursuite des travaux sur les moyens de lutte informatique défense.

d.   Géographie numérique

La maîtrise des données géographiques est un enjeu opérationnel à la fois pour l’armée de l’air, pour la marine et pour l’armée de l’air et de l’espace. La collecte, le traitement et la diffusion de ces données constituent un enjeu de souveraineté.

Le programme GEODE 4D, financé par la sous-action 07.27, prévoit le développement d’un système d’information d’environnement géophysique et la production de données géographiques. La réalisation du cœur du système d’environnement géophysique GEODE 4D est confiée à Airbus Defence and Space. Le reste des activités s’appuie sur un tissu de PME françaises, en particulier pour ce qui concerne la production des données cartographiques.

De nombreux acteurs de l’innovation ont investi le domaine. Certains proposent des systèmes qui, selon les informations portées à la connaissance du rapporteur spécial, n’ont pas été suffisamment éprouvés avant leur utilisation en opération, menant à de graves incidents.

Sur le plan budgétaire, la sous-action 07.27 est dotée de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 85 millions d’euros en crédits de paiement (+ 18 % par rapport à 2021).

3.   Projection, mobilité, soutien

La dotation de l’action 8 Projection, mobilité, soutien diminue de manière significative en autorisations d’engagement (– 76 % par rapport à la loi de finances pour 2021), en raison du lancement en réalisation, en 2021, de l’hélicoptère interarmées léger HIL et de l’avion militaire de transport et de ravitaillement MRTT. Les crédits de paiement s’élèvent à 1,65 milliard d’euros, en diminution de 8 %.

Évolution des crÉdits de l’action 8

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

08.42 – Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M)

10,3

11,2

+ 9 %

330,6

232,1

– 30 %

08.43 – Projeter les forces - Autres opérations

113,2

477,8

+ 322 %

151,7

167,3

+ 10 %

08.44 – Assurer la mobilité - VLTP

0,0

56,0

73,0

45,5

– 38 %

08.45 – Assurer la mobilité - HIL

2 185,0

0,5

– 100 %

51,5

145,3

+ 182 %

08.46 – Assurer la mobilité - Rénovation Cougar

0,0

0,0

0,0

1,0

08.47 – Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90

19,1

112,9

+ 491 %

242,0

283,7

+ 17 %

08.48 – Assurer la mobilité - Autres opérations

178,5

130,7

– 27 %

138,4

113,8

– 18 %

08.49 – Assurer la mobilité – Hélicoptères de manœuvre nouvelle génération (HM NG)

0,0

264,0

68,8

52,2

– 24 %

08.51 – Assurer la mobilité - FTLT

0,0

0,0

0,0

0,0

08.53 – Maintenir le potentiel ami et autre – Autres opérations

226,6

26,2

– 88 %

81,1

65,8

– 19 %

08.55 – Maintenir le potentiel ami et autre – MRTT

1 151,3

0,0

– 100 %

528,7

394,0

– 25 %

08.56 – Maintenir le potentiel ami et autre - Flotte logistique

563,6

0,0

– 100 %

127,9

154,2

+ 21 %

08 – Projection – mobilité – soutien

4 447,7

1 079,4

– 76 %

1 793,8

1 654,9

– 8 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Le système de force « projection, mobilité, soutien » est crucial pour l’engagement et la mobilité des forces. Sans capacité de transport naval, aérien ou terrestre des hommes et du matériel, les opérations sont impossibles. Paradoxalement, sur plusieurs sujets (hélicoptères lourds, transports aériens stratégiques), il est difficile d’avoir un débat de fond, le ministère des armées préférant l’esquive.

L’indicateur de performance des opérations d’armement du système de force (indicateur 1.1) a une cible de 80 % et une réalisation relativement proche de cette cible, malgré une évolution en dents de scie. En 2020, la crise sanitaire a entraîné une diminution, de 84,9 % à 80,5 % de la progression, qui demeure toutefois au‑dessus de l’objectif.

Progression dans la rÉalisation des
opÉrations d’armement principales de l’action 08

(en pourcentage)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

a.   Capacités terrestres

Le programme VLTP de véhicules légers tactiques polyvalents est destiné à remplacer les véhicules de liaison et de commandement en fin de vie au profit de véhicules interarmées en soutien à l’armée de l’air, aux commandos de l’armée de l’air et à ceux de la marine. Deux gammes de VLTP sont prévues : une gamme légère de véhicules non protégés et une gamme plus lourde de véhicules destinés à l’engagement sur les théâtres d’opérations extérieures non stabilisés.

Pour 2022, la sous-action 08.44 est dotée de 56 millions d’euros en crédits de paiement pour couvrir le développement et la commande des VLTP non protégés utilisables pour le soutien sanitaire. S’agissant des crédits engagés, les crédits de paiement s’élèvent à 45,5 millions d’euros, en recul de 38 % par rapport à 2021.

b.   Aéromobilité

● Le programme d’hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération HM NG, financé par la sous-action 08.49, vise à remplacer les appareils vieillissant de l’armée de terre ainsi que de l’armée de l’air et de l’espace – notamment les PUMA et SUPER PUMA dont la disponibilité est d’un tiers, mais aussi les COUGAR et les CARACAL – à l’horizon 2030. Tandis qu’aucune autorisation d’engagement n’était prévue en 2021, le projet de loi de finances prévoit 264 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour financer la commande de quatre hélicoptères de manœuvre. Les crédits de paiement demeurent modestes, avec 52,2 millions d’euros (– 24 %). Ils sont loin de couvrir la commande anticipée de 8 CARACAL, réalisée en 2020 dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique, pour un coût total de 304 millions d’euros.

● L’hélicoptère de transport NH90 CAIMAN, réalisé en coopération européenne, est destiné, pour l’armée de terre (version TTH), au renouvellement des flottes de transport tactique, en remplacement des PUMA, et, pour la marine (version NFH), au renouvellement des flottes de lutte sous-marine, en remplacement des LYNX et des SUPER FRELON. En 2021, ont été livrés trois appareils version TTH et un NH90 version marine NFH. D’autres livraisons sont prévues à compter de 2022 pour porter chacune des deux gammes à 74 unités.

Les autorisations d’engagement sont en forte augmentation, à hauteur de 112,9 millions d’euros (+ 491 %), pour financer des prestations de suivi en service des hélicoptères, des améliorations complémentaires du système de soutien et des besoins liés aux hausses économiques. Les crédits de paiement progressent également par rapport à 2021, pour atteindre 273,8 millions d’euros (+ 17 %), auxquels s’ajoutent 9,9 millions d’euros pour les infrastructures.

Le programme NH90 a un impact majeur sur les crédits de la mission Défense, comme en atteste son échéancier de paiement (1,25 milliard d’euros de restes à payer). Il convient toutefois de s’assurer que l’équipement donne pleine satisfaction en matière de disponibilité pour justifier un tel effort. À ce stade, ce n’est pas le cas. Bien que les plus anciens appareils soient en service depuis près d’une décennie, l’âge moyen du parc est de cinq ans pour la version TTH et de sept ans pour la version NFH. Or, le taux de disponibilité des NH90 est particulièrement inquiétant. Il est vrai que les problèmes de disponibilité et de maintenance ne sont pas propres à la France et que tous les États partenaires du programme sont confrontés à des difficultés similaires. La dépense doit néanmoins être justifiée.

● Le programme HIL d’hélicoptères interarmées légers GUEPARD, financé par la sous-action 08.45, est destiné à remplacer progressivement les flottes d’ALOUETTE III, de GAZELLE, de DAUPHIN SP, de PANTHER et de FENNEC. Ces hélicoptères sont destinés à la réalisation d’un large spectre de missions opérationnelles (renseignement, appui feux, lutte anti navire, protection, transport léger, soutien logistique léger, évacuation sanitaire, secours, appui au commandement, formation). Le programme HIL est entré en phase de réalisation en 2021 pour une cible de 169 appareils. Cela explique le montant très élevé des autorisations d’engagement en loi de finances pour 2021 (2,16 milliards d’euros) et leur chute en 2022 (0,5 million d’euros). Les crédits de paiement, progressant à hauteur de 145,3 millions d’euros pour 2022, demeurent relativement modestes au regard de l’effort budgétaire qui reste à fournir. Selon l’échéancier de paiement fourni dans le projet annuel de performance, sur les 1,9 milliard d’euros restant à payer, 74 % le seront après 2024.

● La sous-action 08.46 ne porte aucune autorisation d’engagement et seulement 1 million d’euros de crédits de paiement pour 2022. Le dernier des 26 hélicoptères de manœuvre COUGAR rénové a été livré en 2020, avec cinq ans de retard sur le calendrier initial. Le programme est donc achevé.

c.   Capacités navales

Avec trois bâtiments porte-hélicoptères, la France n’est certes pas absente de la scène mondiale, mais apparaît sous-équipée au regard de l’étendue de ses intérêts maritimes. En outre, la flotte de bâtiments de commandement et de ravitaillement affiche une moyenne d’âge de presque 35 ans. La disponibilité de ces navires s’établit à 73 % mais peine à se maintenir.

Le renouvellement de ces bâtiments est indispensable pour la permanence en mer et les missions lointaines. Il est en cours dans le cadre du programme FLOTLOG (flotte logistique), financé par la sous-action 08.56, qui vise à donner à la marine les moyens de déployer simultanément un groupe aéronaval et un ou deux groupes navals tout en garantissant la posture de dissuasion. Selon la LPM, deux bâtiments devraient être livrés entre 2021 et 2025, avec une ambition opérationnelle de quatre à l’horizon 2030.

La commande des quatre unités, intervenue en 2019, a été financée en loi de finances pour 2021 à hauteur de 563,6 millions d’euros en autorisations d’engagement, qui ne sont pas reconduits en 2022. Les crédits de paiement prévus pour 2022 demeurent faibles (154,2 millions d’euros) mais augmentent de 21 % par rapport à 2021.

d.   Capacités aériennes

● Le programme d’avion de transport du futur A400M, financé par la sous-action 08.42, comprend à la fois le développement et la production des aéronefs commandés par la France et la réalisation sur la base aérienne d’Orléans-Bricy des infrastructures nécessaires à la maintenance des A400M ainsi qu’à la formation des équipages et du personnel mécanicien. Comme en 2021, très peu d’autorisations d’engagement sont demandées dans le projet de loi de finances (11,2 millions d’euros), tandis que les crédits de paiement s’élèvent à 232,1 millions d’euros. L’échéancier de paiement du programme montre que l’effort budgétaire interviendra surtout après 2023. En effet, un seul appareil a été livré en 2021 et plus de la moitié de la flotte ne sera livrée qu’après 2023.

● Sur la sous-action 08.43, les autorisations d’engagement s’élèveront à 477,8 millions d’euros, en forte augmentation par rapport à la loi de finances pour 2021, les crédits de paiement à 167,3 millions d’euros, en hausse de 10 %. La progression des autorisations d’engagement (+ 322 %) est principalement destinée à couvrir la modernisation des capacités d’évacuation sanitaire (52 millions d’euros) et la commande de trois hélicoptères à usage gouvernemental destinés à remplacer les trois Super PUMA actuellement en service (156,6 millions d’euros).

La modernisation des avions C130H, dont la disponibilité est préoccupante, coûtera 44,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 48,4 millions d’euros en crédits de paiement. En outre, 37,2 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour financer les quatre avions C130J acquis pour compléter les capacités disponibles.

● Le programme d’avion militaire de transport et de ravitaillement MRTT, financé par la sous-action 08.55, est destiné à remplacer les appareils de ravitaillement en vol particulièrement vieillissants (C-135FR et KC-135RG) ainsi que les aéronefs de transport stratégique de personnel et de fret – secteur dans lequel la France demeure dépendante de capacités extérieures, étrangères ou privées, pour assurer la projection aérienne de ses hommes et matériels – par un parc de gros porteurs polyvalents.

Le programme MRTT est entré en phase de réalisation en 2021, d’où un montant très important d’autorisations d’engagement (1,15 milliard d’euros) non reconduit en 2022. En comparaison, le montant des crédits de paiement prévus reste modeste, avec 342,4 millions d’euros, en diminution de 25 % par rapport à 2021. En parallèle, 51,6 millions d’euros seront consacrés à la réalisation de l’infrastructure d’accueil des MRTT.

La cible de la LPM est de 12 appareils en 2025, avec une ambition opérationnelle de 15 en 2030. Dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique, décision fut prise d’anticiper cette ambition opérationnelle par l’acquisition anticipée de trois avions Airbus A330 destinés à être transformés « ultérieurement » en avions ravitailleurs. Aucune réponse n’a été apportée aux interrogations du rapporteur spécial concernant la nature des trois avions acquis par anticipation : figurent-ils parmi les 3 MRTT attendus en 2021 ou viennent-ils s’ajouter aux livraisons programmées antérieurement ?

Par ailleurs, le rapporteur spécial note que, comme en 2021, les travaux de rénovation des avions ravitailleurs C135 FR et KC‑135 R, auxquels succédera l’avion MRTT, financés par la sous-action 08.55, sont inscrits sur la sous-action 06.19 de l’action 06 Dissuasion. En 2022, ils coûteront 1,25 million d’euros en autorisations d’engagement et 1,97 million d’euros en crédits de paiement. Dans un souci de lisibilité, ces crédits gagneraient à être regroupés sur la sous-action 08.55.

4.   Engagement de combat

L’action 09 Engagement de combat est dotée de 5,69 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 4,96 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2022. Les autorisations d’engagement sont en recul par rapport à la loi de finances pour 2021 (– 12 %) en raison de l’engagement, en 2021, des crédits relatifs au programme d’avions RAFALE (1,45 milliard d’euros) et au système de combat aérien du futur (3 milliards d’euros). Cette baisse est toutefois partiellement compensée par l’accélération des engagements relatifs au projet de porte-avions de nouvelle génération (1,01 milliard d’euros prévus en 2022). Les crédits de paiement sont en augmentation par rapport à 2021 (+ 8 %), compte tenu de l’évolution de la sous-action 09.77 relative au programme SCORPION et de la sous-action 09.89 relative aux frégates de taille intermédiaire.

Évolution des crÉdits de l’action 09

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

09.56 – Frapper à distance - Missile de croisière naval (MDCN)

0,0

0,0

41,5

44,3

+ 7 %

09.59 – Frapper à distance - RAFALE

1 445,9

74,6

– 95 %

698,8

574,3

– 18 %

09.61 – Frapper à distance - Autres opérations

111,3

127,1

+ 14 %

216,2

183,2

– 15 %

09.62 – Frapper à distance - SCAF

3 000,0

0,0

– 100 %

155,8

157,2

+ 1 %

09.63 – Frapper à distance - Porte-avions

442,4

1 023,6

+ 131 %

137,9

158,2

+ 15 %

09.66 – Opérer en milieu hostile - Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI)

0,0

0,0

12,1

8,0

– 34 %

09.68 – Opérer en milieu hostile - Hélicoptère TIGRE

0,0

0,0

224,4

175,0

– 22 %

09.69 – Opérer en milieu hostile - Future torpille lourde (FTL)

0,0

0,0

36,7

40,3

+ 10 %

09.71 – Opérer en milieu hostile - Évolution Exocet

0,0

0,0

59,4

62,8

+ 6 %

09.73 – Opérer en milieu hostile - Frégates multi-missions (FREMM)

0,2

27,4

300,0

427,9

+ 43 %

09.74 – Opérer en milieu hostile - SNA Barracuda

431,8

497,7

+ 15 %

718,9

772,7

+ 7 %

09.75 – Opérer en milieu hostile - Autres opérations et conduire des opérations spéciales

341,7

392,8

+ 15 %

407,6

405,1

– 1 %

09.77 – Opérer en milieu hostile - SCORPION

15,0

3 020,5

836,8

1 058,2

+ 26 %

09.78 – Frapper à distance - Mirage 2000

59,6

70,1

+ 18 %

118,8

90,0

– 24 %

09.79 – Opérer en milieu hostile - Plateformes

101,6

203,9

+ 101 %

189,6

167,0

– 12 %

09.80 – Opérer en milieu hostile - MGCS Système de combat terrestre principal

200,0

0,0

– 100 %

36,4

0,0

– 100 %

09.84 – Opérer en milieu hostile - MAST-F

318,0

240,0

– 25 %

1,0

39,1

+ 3729 %

09.85 – Opérer en milieu hostile - SLAMF

0,0

4,2

109,7

130,8

+ 19 %

09.86 – Opérer en milieu hostile - ATL2

15,3

13,0

– 15 %

83,6

63,4

– 24 %

09.88 – Opérer en milieu hostile - missile moyenne portée MMP

0,0

0,0

56,9

44,1

– 22 %

09.89 – Opérer en milieu hostile - Frégates de taille intermédiaire

0,7

0,0

– 100 %

152,3

356,0

+ 134 %

09 – Engagement et combat

6 483,6

5 694,9

– 12 %

4 594,5

4 957,7

+ 8 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Malgré les enjeux capacitaires et budgétaires, l’indicateur de performance mesurant la conduite des programmes (indicateur 1.1) continue de se dégrader. Les prévisions pour 2021 et 2022 sont maintenues à 85 %. Elles semblent particulièrement optimistes. Le projet annuel de performance les justifie en relevant qu’ « une moindre performance en N-1 ne préjuge pas de la performance des années suivantes » ([11]). Il n’en demeure pas moins que l’objectif de 85 % n’a plus été atteint depuis 2014.

Progression dans la rÉalisation des
opÉrations d’armement principales de l’action 09

(en pourcentage)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

a.   Capacités terrestres et aéroterrestres

● Le programme SCORPION, programme majeur pour l’armée de terre, vise notamment à renouveler le parc des véhicules de l’avant (VAB et AMX30) par les véhicules blindés multi-rôles (VBMR) GRIFFON, SERVAL (dans la version VBMR léger) et JAGUAR. La majorité de ces équipements est encore en développement. En 2021, 157 véhicules GRIFFON ont été livrés aux forces, qui s’ajoutent aux 182 véhicules livrés auparavant, ainsi que 20 véhicules JAGUAR.

La forte augmentation des autorisations d’engagement prévue en 2022 sur la sous-action 09.77, à hauteur de 3,02 milliards d’euros, couvre la commande de 272 véhicules GRIFFON, de 88 JAGUAR, de 54 MEPAC, de 36 SERVAL ainsi que de 50 chars LECLERC rénovés.

L’augmentation des crédits de paiement à 1,06 milliard d’euros pour 2022 (+ 26 % par rapport à 2021) doit financer les livraisons prévues l’année prochaine, dont 18 JAGUAR, 119 GRIFFON, 108 SERVAL et 4 chars LECLERC rénovés.

En outre, 148 millions d’euros en autorisations d’engagement et 64,6 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour réaliser les infrastructures nécessaires à l’accueil des véhicules GRIFFON et JAGUAR sur les sites de formation de l’armée de terre.

● Le programme de char de combat MGCS (main ground combat system), destiné à réaliser le successeur du char LECLERC, fait l’objet d’une coopération franco-allemande. Tandis que 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 36,4 millions d’euros de crédits de paiement étaient prévus en 2021, aucun crédit n’est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2022. La question de l’organisation industrielle du projet n’a toujours pas été réglée. L’étude en cours sur le sujet va être prolongée jusqu’à l’été 2022. Le nouveau char de combat ne devra pas voir le jour avant un horizon 2032-2035.

● Les capacités aéroterrestres de combat reposent par ailleurs sur deux hélicoptères d’attaque : la GAZELLE, dont le parc est ancien et le nombre d’appareils en service de plus en plus faible (87 fin 2017), et le TIGRE. Le taux de disponibilité des hélicoptères d’attaque TIGRE s’établit, au 31 décembre 2019, à 30 %. Aucune autorisation d’engagement n’est prévue en faveur du programme TIGRE en 2022. Les crédits de paiement s’élèvent à 175 millions d’euros (– 22 % par rapport à 2021). Il s’agit notamment de financer la transformation de TIGRE version HAP en version HAD, capable d’embarquer des missiles de destruction sol-air (35 appareils concernés sur la durée de la LPM).

Les hélicoptères TIGRE version HAD emploient actuellement des missiles air-sol HELLFIRE 2, dont le successeur, le missile air-sol terrestre du futur (MASTF) est en cours de développement. En 2022, 240 millions d’euros seront mobilisés en autorisations d’engagement (après 318 millions d’euros en 2021) et 39,1 millions d’euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, le ministère des armées a décidé, en novembre 2020, le lancement en réalisation du standard 3 pour le TIGRE, qui constitue la rénovation à mi-vie du système d’armés TIGRE. Ce programme doit être réalisé en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, sous réserve de l’officialisation de ces nations à rallier ce programme. Selon les informations transmises au rapporteur, le TIGRE standard 3, indispensable à l’armée de terre, n’est pas la priorité de l’Allemagne. Le projet pourrait être entamé avec la seule Espagne, sans toutefois exclure une participation future de l’Allemagne.

 Le missile moyenne portée MMP, successeur du missile MILAN, est en cours de livraison au sein des forces. En 2021, 14 postes de tir et 85 missiles ont été livrés, loin des objectifs initialement prévus. Au final, 414 postes de tir et 1 750 missiles sont attendus d’ici 2024. En phase de livraison, ce programme ne requiert plus d’autorisations d’engagement et ne mobilise que 44,1 millions d’euros de crédits de paiement.

 Le programme AIF (arme individuelle du futur) vise à produire un fusil d’assaut de nouvelle génération pour remplacer le FAMAS qui équipe les forces depuis 1979. Le fusil et ses munitions sont fabriqués par des sociétés allemandes : Heckler & Koch GmbH pour le fusil, Metallwerk Elisenhütte GmbH pour les munitions d’exercice 5,56 et Rheinmetall Waffe Munition GmbH pour les grenades basse vitesse. La perte d’autonomie industrielle est donc totale. Pour mémoire, FAMAS était l’acronyme de « fusil d’assaut de la manufacture d’armes de SaintÉtienne ».

Le programme AIF est en phase de livraison au rythme de 12 000 unités par an pour un objectif de 117 000 au total. Ceci explique l’absence d’autorisation d’engagement et un volume de crédits de paiement de 27,5 millions d’euros similaire aux exercices passés. Les exercices précédents ayant été marqués par des sur-exécutions, il convient d’être vigilant sur la maîtrise des coûts par l’industriel.

b.   Capacités navales

● Les crédits destinés au porte-avions, inscrits sur la sous-action 09.63, augmentent nettement en 2022, avec 1,02 milliard d’euros en autorisations d’engagement (+ 131 % par rapport à la loi de finances pour 2021) et 158,2 milliards d’euros en crédits de paiement (+ 15 %). Ils financent à la fois le maintien en condition opérationnelle et la modernisation des équipements du porte-avions Charles de Gaulle, mais aussi le projet de porte-avions de nouvelle génération (études de levée de risques, avant-projet sommaire), lancé en 2021 et qui doit mobiliser à lui seul 1,01 milliard d’euros d’autorisations d’engagement.

Si l’utilité opérationnelle mais aussi politique et diplomatique d’un porte-avions a pu être démontrée par moments, un porte-avions demeure nécessairement un outil à éclipse, dont l’usage est non seulement ponctuel, mais aussi hypothétique, car soumis à l’environnement géopolitique et à la volonté du politique de s’en saisir. Pour ces raisons, le rapport coût-efficacité du porte-avions de nouvelle génération est plus que discutable.

À cet égard, les questions posées par le rapporteur au ministère des armées n’ont pas permis de connaître le degré de la réflexion menée autour du groupe aéronaval, de son emploi et de son impact sur l’organisation et les missions de l’armée, ni de justifier la dépense qui, par son ampleur, dégrade les capacités de la marine à accomplir ses autres missions. La brièveté, pour ne pas dire la vacuité de la réponse du ministère sur les coûts du projet atteste d’un réel refus de débattre.

 

Question n° 058 : Faire un point sur les études et décisions prises concernant le futur porte-avions. Préciser les programmes de renouvellement des différents bâtiments de la Marine nationale composant le groupe aéronaval, rendus indispensables par la mise en service du futur porte-avions, et fournir les estimations de coûts budgétaires.

Réponse du ministère des armées :

Au sortir de la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018 qui consacrait la volonté de garantir nos capacités d’intervention dans le haut du spectre et actait le lancement d’études sur la période pour définir les modalités de réalisation d’un nouveau porte-avions afin d’en disposer au plus tard avant la fin de vie du « Charles De Gaulle », la ministre des armées (MINARM) a approuvé le 31 octobre 2018 le lancement de l’opération « porte-avions de nouvelle génération » et le lancement des travaux préparatoires, en particulier ceux permettant de définir le système de propulsion du bâtiment et les contraintes d’intégration des nouvelles technologies.

Dès lors, une phase d’études de 18 mois a été menée par un groupe de travail étatique et interarmées, avec le soutien des industriels, pour réfléchir aux architectures possibles de la capacité qui pourrait remplacer le porte-avions « Charles De Gaulle », sans nécessairement être un porte-avions dans les hypothèses de travail. La conclusion de la première phase de ces travaux a été que la meilleure solution pour remplacer le « Charles De Gaulle » était un porte-avions avec catapultes et brins d’arrêt. S’en est suivie une deuxième phase qui s’est appuyée sur cinq scénarios élaborés par la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) pour identifier les grandes dimensions du bâtiment, définir la taille du groupe aérien embarqué, et travailler sur le type de propulsion. Ces conclusions ont été présentées à la MINARM en comité ministériel d’investissement (CMI) le 19 février 2020.

À la suite de l’annonce du Président de la République, le 8 décembre 2020, d’opter pour un porte-avions à propulsion nucléaire, la MINARM a décidé du lancement du programme d’infrastructure PANG le 21 décembre 2020 et a créé le programme d’ensemble le 11 janvier 2021.

Depuis l’annonce du 8 décembre, l’équipe de programme mène des études de levée de risques et des travaux d’avant-projet sommaire (APS). Ainsi, après les études préliminaires qui ont permis de consolider les caractéristiques principales du navire, ce sont désormais deux ans de travaux, lancés le 30 mars 2021, qui vont permettre d’explorer les options technologiques tirées par l’innovation et établir une architecture de référence d’ici au mois d’avril 2023. La phase d’APS a vu la mise en place d’une organisation étatique/industriels pour couvrir l’ensemble des domaines à travers 17 groupes de travail : architecture navire armé, soutien, industrialisation, hydrodynamique/stabilité/tenue à la mer, vulnérabilité, sécurité générale et réglementaire, sûreté nucléaire, sécurité aviation et pyrotechnie, cyber, interfaces externes, facteurs humains et système vie, structure, aviation, système de combat, conduite, auxiliaires de plateforme et énergie-propulsion. À ces travaux vient s’ajouter un contrat d’échanges avec l’US Navy concernant les catapultes électromagnétiques américaines et les brins d’arrêt afin de préparer leur approvisionnement et leur intégration à bord du navire. Quant aux travaux pour développer la chaufferie nucléaire du porte-avions, ils sont conduits par TechnicAtome et Naval Group sous la maîtrise d’ouvrage du CEA et de la DGA.

Enfin, s’agissant du reste de la flotte, il n’existe pas de navire dont le renouvellement est rendu indispensable en raison de la mise en service du porte-avions de nouvelle génération. Le remplacement des unités de premier rang qui participent au groupe aéronaval est fonction de l’âge et de l’état de ces navires, et en premier lieu du format de la flotte pour remplir les missions décrites dans le livre blanc de la Défense de 2013.

 

Question n° 059 : Transmettre une évaluation sur le coût du futur porte-avions. Indiquer la nature et l’estimation financière des travaux d’infrastructures portuaires à Toulon et à Brest rendus nécessaires par le futur porte-avions.

 

Réponse du ministère des armées :

 

Un dossier de choix a été présenté à la ministre début 2020 et examiné en conseil de défense et de sécurité nationale. Le choix d’une propulsion nucléaire - avec deux chaufferies de type K22 en filiation étroite avec les chaufferies de la famille K15 équipant les sous-marins et le Charles De Gaulle - a été annoncé par le Président de la République le 8 décembre 2020. Compte tenu de ce choix, la poursuite des travaux préparatoires a été engagée par la DGA et le CEA, dont les études de levée de risques et l’avant-projet sommaire pour le navire et les chaufferies.

 

L’enjeu de la phase d’avant-projet qui débute est notamment de mener les travaux d’analyse de la valeur et de maîtrise des coûts requis pour être au rendez-vous d’un lancement en réalisation soutenable et compatible avec le calendrier fixé. Le devis sera déposé au lancement en réalisation.

 

Les études relatives aux infrastructures portuaires du futur porte-avions ont été initiées. Elles ont pour objectif de poursuivre, dans une phase préliminaire courant jusqu’à fin 2022, l’étude comparative des scénarios pour l’accueil et le soutien du porte-avions à Toulon en consolidant l’analyse de la valeur associée. Cette phase sera poursuivie, sur la base du scénario retenu, par des travaux d’avant-projet indispensables pour garantir la cohérence des interfaces entre le navire et son support terrestre et pour permettre un lancement en réalisation cohérent avec la date de mise à disposition des infrastructures pour l’achèvement et les essais du porte-avions, prévus au port-base. Le devis de l’opération d’infrastructure sera aussi déposé au lancement en réalisation.

 

● Les frégates multi-missions (FREMM) constituent l’ossature principale de la force navale. Ces bâtiments de la classe 6 000 tonnes sont des concentrés de haute technologie, capables de mettre en œuvre des capacités anti-navire (missiles mer-mer) et, pour certains modèles, des moyens d’autodéfense contre les sous-marins (torpilles MU 90) ainsi que des capacités de défense anti-aérienne (au moyen de missiles ASTER 15 et 30). Ces frégates peuvent embarquer l’hélicoptère NH90.

La flotte actuelle est composée de 6 FREMM (dont 5 sont disponibles), auxquelles s’ajoutent deux FREMM dotées de capacités de défense anti-aérienne : L’Alsace, livrée en 2021, et La Lorraine, qui sera livrée en 2022. L’achèvement des livraisons se traduit, dans le projet de loi de finances, par une augmentation de 43 % des crédits de paiement, à hauteur de 427,9 millions d’euros.

Le montant des autorisations d’engagement prévues sur la sous-action 09.73 en 2022 est très réduit (27,4 millions d’euros). Il s’agit de financer la réalisation des infrastructures nécessaires au stationnement, à l’entretien et à l’avitaillement en munitions des FREMM dans les bases navales de Brest et de Toulon.

Dans le cadre de la LPM, cinq frégates de taille intermédiaire (FTI) doivent rejoindre la marine entre 2023 et 2029, en complément des 8 FREMM, pour maintenir le nombre de frégates dites de premier rang à 15 à l’horizon 2030. Le projet des FTI est technologiquement moins ambitieux que celui des FREMM. Il est la traduction d’un ajustement opérationnel et financier.

Début 2021, le ministère des armées a décidé l’accélération du programme FTI avec la notification de la commande de deux frégates de défense et d’intervention. En conséquence, les crédits de paiement de la sous-action 09.89 augmentent de 134 % pour atteindre 356 millions d’euros en 2022.

Le rapporteur tient à alerter sur le risque de décrochage de la marine française dans un contexte de réarmement naval généralisé. D’une part, les objectifs fixés dans la LPM – 15 frégates de premier rang en 2030, au lieu des 17 ou 18 initialement demandées par la marine – paraissent relativement modestes en comparaison des efforts entrepris par nos voisins proches et plus encore par les pays asiatiques. Ainsi, le Royaume-Uni projette de passer de 18 frégates actuellement à 24 bâtiments d’ici 2030. Sur la même période, le tonnage de la flotte espagnole augmentera de 21 %, celui de la flotte italienne de 36 %, celui de la flotte turque de 32 %, celui de la flotte algérienne de 120 % et celui de la flotte égyptienne de 170 %. La Chine, quant à elle, disposera de 79 frégates en 2030 (contre 44 actuellement). Le volume de l’armada chinoise n’est d’ailleurs pas sans lien avec l’annulation du contrat de sous-marins franco-australien dans le cadre du nouvel accord de partenariat AUKUS (Australie, Royaume-Uni, États-Unis).

D’autre part, les objectifs fixés dans la LPM sont conditionnés au respect de la trajectoire budgétaire. Or, la perspective d’une augmentation du budget de la mission Défense de 3 milliards d’euros par an à partir de 2023 paraît de moins en moins crédible en raison de la dégradation probable de l’environnement budgétaire à moyen terme.

● Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de la classe Rubis doivent être remplacés par des SNA de la classe Barracuda, plus puissants et mieux armés, d’ici 2029. Premier de cette nouvelle série, le sous-marin Suffren est actuellement en phase de test. En 2022, les crédits de la sous-action 09.74 consacrés à l’adaptation des infrastructures portuaires et industrielles afin d’accueillir et entretenir les SNA de la classe Barracuda ainsi qu’à la refonte de l’installation nucléaire de base secrète Missiessy, s’élèvent à 497,7 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 15 % par rapport à 2021) et à 772,7 millions d’euros en crédits de paiement (+ 7 %). Les opérations prévues incluent des compléments nécessaires tenant compte des retours d’expérience du Suffren, en vue de la mise en service du Duguay-Trouin. Le montant des crédits peut paraître faible, mais il faut rappeler que plus de 3 milliards d’euros ont été engagés en 2018 et 2019.

Le rapporteur spécial tient une nouvelle fois à rappeler la fragilité du format de la sous-marinade française, composée exclusivement de sous-marins nucléaires, dont six SNA et quatre SNLE. La Turquie, pour ne citer qu’elle, prévoit de porter sa flotte de sous-marins de 12 à 14 d’ici 2030. Par ailleurs, l’incendie en 2020 du sous-marin nucléaire d’attaque Perle, alors en cale sèche à Toulon dans le cadre d’une opération de maintenance lourde, a montré qu’un volume aussi faible, pour une marine disposant d’une composante de la dissuasion et d’un groupe aéronaval, ne permet aucun incident. Étant entendu que le sous-marin Le Saphir a été désarmé en 2019 dans l’attente du Suffren, qu’un sous-marin est dédié à la protection de la composante océanique de la dissuasion, qu’un autre opère au profit du groupe aéronaval et qu’un autre est en maintenance lourde, la marine nationale ne dispose en définitive que d’un seul SNA pour mener d’autres missions (renseignement, projection de commando, surveillance maritime).

● Les avions de patrouille maritime ATL2 de la marine nationale subissent actuellement une opération majeure de rénovation qui concerne désormais 22 appareils (le traitement de l’obsolescence de 4 appareils ayant été abandonné en 2020). Le faible taux de disponibilité des ATL2 explique cette opération. En 2021, 3 appareils rénovés ont été livrés. Il en reste 12 en attente. Le projet de loi de finances pour 2022 ne prévoit que 13 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 63,4 millions d’euros de crédits de paiement.

Le projet MAWS de nouvel avion de patrouille maritime, qui devait être mené en coopération avec l’Allemagne, est en voie d’abandon. En juillet 2021, l’Allemagne a annoncé la signature d’un contrat d’achat d’avions Boeing P8 pour un montant de 1,43 milliard d’euros sur trente ans. L’échec de ce projet de coopération résulte d’une divergence de calendrier. Le maintien de l’actuel avion allemand coûte tellement cher qu’il devra être arrêté en 2025. L’ATL2 français tiendra quant à lui jusqu’en 2035. Il est regrettable que la contre-offre française de fournir à l’Allemagne des ATL2 pour la période 2025-2035 n’ait pas été acceptée. Les suites que donnera la France au programme ne sont pas encore arrêtées.

● Destiné à l’armement des SNA et des SNLE type Le Triomphant, le projet de future torpille lourde F21 est un programme mené en coopération qui a rencontré de nombreuses difficultés d’ordre industriel. Tandis que les premières livraisons devaient initialement intervenir en 2015, elles n’ont été réalisées qu’en 2020. Le nombre de torpilles commandées a été réduit de 105 à 93. En outre, la décision du lancement d’améliorations logicielles et matérielles, le 30 avril 2021, a acté le décalage de la commande des 28 dernières torpilles après 2022. Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit d’y consacrer 40,3 millions d’euros en crédits de paiement (+ 10 % par rapport à 2021).

● Pour le missile de croisière naval (MDCN), qui équipe les frégates multi-missions (FREMM) et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de classe Barracuda, les crédits prévus pour 2022 s’élèvent à 44,3 millions d’euros en crédits de paiement. Les FREMM ont déjà été dotées (4 lots livrés avant 2021), il s’agit uniquement de financer la livraison du troisième lot pour les SNA. Au total, près de 150 missiles auront ainsi été livrés d’ici 2025.

● Le missile Exocet est un armement de lutte anti navire et anti sous-marin de premier plan. Depuis son lancement, il a connu de continuels perfectionnements technologiques dans ses différentes versions (MM40, SM39). En 2022, 62,8 millions d’euros de crédits de paiement sont destinés à ses évolutions.

● Le missile anti-navire léger ANL est un programme franco-britannique lancé en 2010. Le développement du programme suit son cours mais il convient d’être particulièrement vigilant quant à son aboutissement. Aucune autorisation d’engagement et 16,1 millions d’euros de crédits de paiement sont demandés dans le projet de loi de finances pour 2022. L’essentiel des paiements interviendra lorsque les cent premiers missiles auront été livrés.

● La marine opère des chasseurs de mines pour garantir l’accès aux bases navales et la protection des bâtiments en opération. Le programme de système de lutte anti-mines du futur SLAMF, mettant en œuvre des bâtiments et des systèmes de drones, est destiné à remplacer par étapes les moyens actuels (chasseurs de mines, bâtiments remorqueurs de sonars, bâtiments base de plongeurs démineurs). Seuls 4,2 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont prévus en 2022. Les crédits de paiement augmentent de 19 % pour s’élever à 130,8 millions d’euros.

c.   Capacités aériennes

● En 2022, le programme RAFALE bénéficiera de 74,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 574,3 millions d’euros de crédits de paiement. Les crédits sont en baisse à la fois en autorisations d’engagement (– 95 %) et en crédits de paiement (– 18 %). Le montant élevé des autorisations d’engagement en 2021 résultait, d’une part, de commandes d’équipements de mission, de moyens de soutien et d’approvisionnement ainsi que de radars pour la mise en œuvre du programme RAFALE (700 millions d’euros) et, d’autre part, de développements pour le standard F4 complémentaires à l’engagement principal de 2018 (500 millions d’euros), mais aussi des travaux d’infrastructures relatifs au cinquième escadron de l’armée de l’air et de l’espace (151,9 millions d’euros).

Les crédits de paiement sont principalement concentrés sur la mise en œuvre du programme RAFALE (203,3 millions d’euros) et sur les travaux liés au standard F4 (267,3 millions d’euros). La réalisation de l’infrastructure RAFALE ne mobilise que 26,6 millions d’euros. L’intégralité des dix avions RAFALE de standard F1 ayant été « rétrofités » au standard F3 et livrés, le reliquat ne s’élève plus qu’à 1,9 million d’euros pour 2022.

Évolution des crédits de paiement du programme RAFALE

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

La disponibilité des 152 avions RAFALE de l’armée de l’air et de la marine avoisine les 50 %. Selon la LPM 2019-2025, 28 appareils supplémentaires doivent être livrés entre 2022 et 2024. Néanmoins, la priorité donnée aux contrats à l’exportation tend à fragiliser les capacités de l’armée de l’air et de l’espace. En mai 2021, la Croatie a confirmé sa volonté de commander douze avions RAFALE d’occasion.

En septembre, la Grèce a ajouté six avions RAFALE supplémentaires à sa commande de 18 appareils annoncée en 2020 – 6 aéronefs neufs et 12 d’occasion de standard F3 prélevés sur les capacités françaises –, sans que l’on sache s’il s’agit d’appareils neufs ou d’occasion. Au total, ce sont donc 24 à 30 avions qui pourraient manquer à l’armée de l’air et de l’espace à compter de 2023-2024. Sans commandes nouvelles, elle risque de se retrouver en déficit capacitaire. Le parc global des avions RAFALE, attendu à 129 fin 2025, pourrait n’être que de 117.

● Le système de combat aérien du futur (SCAF) doit permettre à l’armée de l’air et de l’espace ainsi qu’à la marine de réaliser leurs missions à l’horizon 2040 et au-delà, en particulier sur des théâtres de haute intensité, avec des appareils disposant d’une grande autonomie. Il inclut le développement d’un avion de combat de nouvelle génération, complété par des drones et des « effecteurs déportés » (remote carriers).

Le programme est réalisé dans le cadre d’une coopération européenne. Un accord de coopération a été signé entre la France, l’Allemagne et l’Espagne pour couvrir la phase de démonstration, avec une tranche ferme jusqu’en 2024 et une tranche optionnelle pouvant aller jusqu’au premier vol prévu en 2027. Il reste encore à déterminer le partage industriel entre les différents industriels chargés de la mise en œuvre du projet.

Le programme SCAF est à la fois très ambitieux en termes capacitaires et structurant en termes budgétaires, puisque pas moins de 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement ont été votées en loi de finances pour 2021, après 1,4 milliard d’euros en 2020. Les crédits de paiement prévus pour 2022 s’élèvent quant à eux à 157,2 millions d’euros, un montant similaire à celui de 2021 (+ 1 %).

Le rapporteur spécial peut difficilement en dire davantage. La double page du programme annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2022 n’est pas documentée. La réponse au questionnaire budgétaire transmis en application de l’article 49 de la LOLF ne l’est guère davantage. Il est donc impossible de faire un point sur les négociations en cours, notamment sur :

– la réalité des motivations de chacun des partenaires à ce programme ;

– le partage industriel du programme, malgré les inquiétudes au sujet d’un transfert abusif de compétences françaises vers la partie allemande, sans évaluation précise des conséquences ;

– les modalités d’exportation du futur appareil, compte tenu des expériences passées qui ont révélé des divergences profondes entre Paris et Berlin.

Les parlementaires et, à travers eux, les Français sont donc invités à engager massivement et durablement les finances de la nation sans disposer d’un minimum d’informations.

 

Question n° 082 : Faire un point sur le programme SCAF.

Réponse du ministère des armées :

Le SCAF1 sera le système de combat aérien du 21ème siècle. Il rassemblera autour d’un nouvel avion de combat polyvalent, adapté aux menaces aériennes de 2040 et exploitant le potentiel de l’intelligence artificielle, des moyens de combat travaillant en réseau, dont des drones de différents types. Il devrait être mis en service à l’horizon 2040.

Initiée lors du conseil des ministres franco-allemand en 2017, élargie puis renforcée suite à la signature d’un accord-cadre par la France, l’Allemagne et l’Espagne2 lors du salon du Bourget 2019, la coopération pour la construction du SCAF s’est affirmée. Le projet franco-germano-espagnol, appelé « NGWS3 within a FCAS4 », se concentre autour d’un aéronef de nouvelle génération, complété par des objets aériens inhabités pouvant remplir des missions plus ou moins spécifiques, l’ensemble étant interconnecté au sein d’un cloud de combat, dans une logique de « système de systèmes ». Le NGWS a vocation à remplacer à terme les flottes d’avions de combat RAFALE et Eurofighter.

L’accord-cadre signé en juin 2019 porte sur les activités de R&T5 et de démonstrations qui s’étendent jusqu’en 2030. La France a été désignée leader de ce projet. Concernant le besoin opérationnel, les discussions ouvertes entre la France et l’Allemagne ont conduit à la signature du document High Level Common Operational Requirements Document (HLCORD) le 26 avril 2018, signé également par l’Espagne le 18 mars 2019. Ces besoins opérationnels de haut niveau ont été déclinés en une première version plus détaillée (CORD v1). Comme le HLCORD, ce nouveau document a été approuvé par les trois partenaires (août 2021).

Deux types de travaux doivent être menés à court et moyen termes pour le projet NGWS :

• Des études de R&T et un programme de démonstrations indispensables pour répondre aux évolutions nécessaires à venir dans le domaine de l’aéronautique de combat. Concernant les études R&T, la France a identifié sept piliers couvrant l’ensemble des invariants technologiques nécessaires au SCAF (avion de nouvelle génération (NGF), moteur, Cloud de combat, « Remote Carriers », démonstrations des architectures en laboratoire, capteurs et technologies de furtivité). Une première partie d’études de R&T (dite phase 1A) a été lancée en février 2020 pour les cinq premiers piliers avec la signature du 2ème arrangement d’application par la France et l’Allemagne pour une durée initiale de 18 mois. L’Espagne a complètement rejoint ces travaux au travers d’un amendement au 2ème arrangement d’application entre États. Les travaux sur les deux piliers restants (capteurs et technologies de furtivité) ont été notifiés aux industriels des trois nations fin 2020. L’ensemble de cette première partie d’étude R&T doit s’achever début 2022. Une deuxième partie d’études R&T (dite phase 1B+2) couvrant la période 2021-2027 et formalisée d’une part par le 3ème arrangement d’application entre les trois États, et d’autre part un contrat dédié à notifier à l’industrie, devrait être lancée en octobre 2021. Concernant le 3ème arrangement d’application entre États, il a été approuvé par le parlement allemand le 23 juin 2021 et par le conseil des Ministres espagnol le 29 juin 2021 et signé par les 3 États le 30 août 2021 ;

• Des études d’architectures permettant d’établir les exigences du système de systèmes et des objets qui le composent et permettant de comparer les différents concepts : ces travaux sont en cours avec la JCS (Joint Concept Study) depuis le début de l’année 2019 (co-pilotés initialement par Dassault et Airbus Gmbh, rejoint par INDRA à l’été 2020). Les prochaines orientations d’architecture sont prévues à l’horizon du deuxième semestre 2021. L’intégration dans ces travaux de l’industrie espagnole, dont Indra est le leader désigné, est effective depuis le 21 juillet 2020 suite à la notification de l’avenant au contrat pour l’intégration industrielle. Ces travaux seront poursuivis à travers les travaux de la phase 1B+2 pour tendre progressivement vers une architecture unique NGWS.

La feuille de route SCAF permettra la réalisation de démonstrations technologiques avec en particulier des premières démonstrations en vol en 2027. Les essais se dérouleront jusqu’en 2030, permettant d’augmenter la maturité des technologies intéressant les Remote Carriers, l’avion de combat et l’architecture du Cloud associée. En fonction des choix effectués au début de la décennie 2020, les travaux de définition du système opérationnel pourraient débuter à l’horizon 2026-2027 jusqu’en 2032. Les travaux de développement et de production, quant à eux, débuteraient en 2030 en vue d’une capacité initiale en 2040.

L’enjeu industriel principal reste le maintien sur la durée d’une industrie indépendante des réglementations étrangères (contrôle des exportations, etc.) capable de fournir des matériels répondant au degré d’autonomie dans l’action souhaitée par la France, dans un environnement militaire mondial où le premier concurrent (américain) investit beaucoup plus en R&T que la France. Ainsi, ces travaux doivent associer la base industrielle française, qui dispose des compétences uniques en Europe, sur l’ensemble des domaines nécessaires au SCAF : principalement Dassault, Thalès, MBDA et Safran.

Le projet NGWS a vocation à être ouvert à d’autres partenaires européens afin de constituer une base d’utilisateurs la plus large possible tout en consolidant l’écosystème industriel de défense européen. Les sollicitations pour présentation du projet et les opportunités de rapprochement sont considérées avec soin. Pour cela, l’intégration directe de nouveaux partenaires dans le projet NGWS n’est pas la seule solution. Il existe d’autres pistes également utilisées pour élargir la communauté d’intérêt autour des systèmes d’aviation de combat du futur avec les autres pays européens, via les dispositifs proposés par les instances européennes (notamment la Coopération Structurée Permanente, le Programme Européen de Développement Industriel dans le domaine de Défense et le Fonds Européen de Défense). Ainsi, des coopérations au niveau européen sur des sujets liés au système de combat aérien du futur permettent de travailler ensemble à court terme sans fragiliser l’organisation de la coopération du NGWS en cours de consolidation. Il est à noter que trois sujets proposés par la France et émanant directement des besoins du NGWS ont été retenus dans l’appel à projet 2021 du Fonds Européen de Défense. Ces sujets portent sur le combat aérien collaboratif (porté par Dassault et Thales), l’environnement pilote (porté par Dassault et Thales) et le moteur (porté par Safran AE). Il reste maintenant à préparer les trois projets (consortiums industriels et accords en États) qui seront présentés à la commission européenne (fin 2021) pour la demande d’attribution de subvention (fin 2022).

 

● Autre composante du parc des avions de chasse, les avions Mirage 2000 D ont une disponibilité inférieure à 40 %. Selon la LPM, pas moins de 55 appareils doivent bénéficier d’une opération lourde de rénovation à mi-vie d’ici 2025. En 2022, 70,1 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 90 millions d’euros de crédits de paiement sont programmés.

5.   Protection et sauvegarde

La dotation en crédits de paiement de l’action 10 Protection et sauvegarde est en augmentation de 34 % par rapport à la loi de finances pour 2021. En revanche, sa dotation en autorisations d’engagement est en nette diminution (– 44 %).

Évolution des crÉdits de l’action 10

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

10.74 – Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - SECOIA

0,0

0,0

28,0

19,9

– 29 %

10.75 – Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - Patrouilleur futur

0,0

0,0

39,5

98,5

+ 150 %

10.76 – Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - Missiles

777,2

15,0

– 98 %

112,3

194,6

+ 73 %

10.77 – Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - AVSIMAR

0,0

3,2

50,2

92,0

+ 83 %

10.79 – Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - Autres opérations

79,1

50,2

– 37 %

43,3

52,0

+ 20 %

10.80 – Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Alerte Avancée

0,0

0,0

0,0

0,0

10.82 – Assurer la protection des forces et des sites - Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

546,4

501,2

– 8 %

164,0

140,0

– 15 %

10.86 – Assurer la protection des forces et des sites – Autres opérations et assurer la protection de l’homme

107,0

77,1

– 28 %

82,5

76,4

– 7 %

10.87 – Assurer la protection de l’homme - e-SAN

3,2

8,0

+ 147 %

1,5

2,2

+ 46 %

10.88 – Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - BALLASTIERES

0,0

117,0

0,0

1,0

10.89 – Assurer la protection des forces et des sites - LAD

0,0

70,0

0,0

23,0

10 – Protection et sauvegarde

1 512,9

841,7

– 44 %

521,2

699,6

+ 34 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

a.   Capacités navales

● La marine nationale est le bras armé de l’action de l’État en mer, principalement outre-mer. Une lutte efficace contre la criminalité sous toutes ses formes exploitant les voies maritimes impose un renforcement des capacités de lutte et une adaptation du cadre juridique d’intervention.

En ce qui concerne les capacités, la modernisation des bâtiments et des infrastructures est en cours. D’ici 2025, six nouveaux patrouilleurs outre-mer doivent être livrés à la marine pour un coût total de plus de 300 millions d’euros. Ils sont destinés aux zones Pacifique et Sud-Indien. Pour la zone Antilles-Guyane, trois patrouilleurs ont été livrés, le dernier exemplaire en décembre 2019. Ces six bâtiments sont attendus avec impatience au regard de l’état de la flotte actuelle. Toutefois, le rapporteur s’interroge sur leur nombre au regard des étendues maritimes à surveiller et de la nécessité d’affirmer une permanence en mer.

À Mayotte, le renforcement des capacités navales ne s’impose pas uniquement en raison de la pression migratoire en provenance des Comores. Situé à l’entrée du canal du Mozambique, l’archipel est un point d’appui majeur pour faire respecter la souveraineté maritime dans cette zone sensible car riche en ressources halieutiques et faisant face au Mozambique en proie à des insurrections liées à l’État islamique. Or, actuellement, les détachements navals sont positionnés à Dzaoudzi alors qu’un port en eaux profondes à Longoni permettrait d’accueillir des bâtiments de plus grand tonnage. Une adaptation des infrastructures navale à Mayotte est nécessaire pour renforcer la souveraineté française sur ses eaux territoriales.

La surveillance de la Méditerranée constitue un autre défi majeur pour la marine nationale au regard des flux légaux et clandestins qui y circulent et des rivalités réelles ou potentielles entre puissances maritimes.

● La flotte actuelle de patrouilleurs est une flotte vieillissante. Les P400 ont une moyenne d’âge de 32 ans ; les Avisos de 37 ans et les OPV de 22 ans. Leur renouvellement a été engagé avant même l’actuelle LPM et s’opère avec plusieurs bâtiments : 4 bâtiments de soutien et d’assistance outremer (BSAOM, ex-B2M) ; 3 patrouilleurs Antilles-Guyane (PAG) ; et 6 patrouilleurs outre-mer (POM), d’un tonnage de 1 200 à 1 300 tonnes, attendus entre 2022 et 2025.

L’intégralité de la flotte sera renouvelée en 2025. Pour 2022, aucune autorisation d’engagement n’est envisagée mais les crédits de paiement augmentent de 150 % pour s’élever à 98,5 millions d’euros. D’ores et déjà, les quelques bâtiments en service actif affichent des disponibilités élevées.

Les bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains (BSAM) assurent le soutien des forces dont le groupe aéronaval et les SNA et peuvent également mener des missions de l’action de l’État en mer (remorquage de bâtiments en difficulté, lutte contre les pollutions). Le 4e et dernier BSAM a été livré en juillet 2019. Les trois premiers affichent une disponibilité élevée, conforme à leur jeunesse. Pour 2022, 1,4 million d’euros de crédits de paiement sont mobilisés.

● Le programme d’avion de surveillance et d’interception maritime AVSIMAR vise à renouveler la capacité aérienne de surveillance et d’intervention maritime à long rayon d’action actuellement existante. Il inclut la modernisation des actuels Falcon 50 SURMAR ainsi que la commande de 12 nouveaux appareils neufs. Le montant des autorisations d’engagement demandées est très faible (3,2 millions d’euros) mais le niveau des crédits de paiement est en augmentation de 83 % à hauteur de 92 millions d’euros, notamment pour financer les 4 Falcon 50 rénovés et les 7 premiers AVSIMAR déjà livrés.

b.   Capacités aériennes

● Le programme FASF (famille de systèmes air-sol du futur) est destiné à assurer l’autodéfense des bâtiments de la marine nationale ainsi que la défense anti-aérienne du corps de bataille et la défense des bases aériennes. Il équipe, par exemple, les frégates de défense anti-aérienne FREMM DA. La FASF se compose de missiles ASTER 15, ASTER 30 et ASTER 30 B1. Elle comprend le système sol-air SAMP-T assure la protection antiaérienne de sites sensibles de façon permanente et d’événements majeurs de façon temporaire. Le nombre limité de systèmes à disposition des forces ne permet pas leur projection sur un théâtre extérieur en nombre.

Le programme SAMP-T vise à traiter des cibles conventionnelles et des cibles balistiques rustiques ainsi que le système SAAM, destiné à contrer les attaques saturantes de missiles manœuvrants et les avions de chasse. Le programme SAMP-T NG traite des obsolescences des munitions ASTER et des lanceurs des SAMP-T ainsi que de la modernisation du missile ASTER 30 B1. L’opération SAMPT NG vise quant à elle à intégrer le successeur du radar multifonction ARABEL et de la conduite de tir associée aux sections SAMP-T.

Au total, les crédits demandés sur l’action 10.85 s’élèvent à 501,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 140 millions d’euros en crédits de paiement. Les engagements prévus en 2022 couvrent principalement la production de 118 missiles ASTER 30 B1 NT ainsi que des prestations d’expertise et d’essais.

● Le missile d’interception à domaine élargi MIDE (METEOR) est un missile air-air, intégré sur le standard F3-R de l’avion RAFALE, conçu pour intercepter une cible de type avion de chasse à une distance de plusieurs dizaines de kilomètres. Le programme est en phase de production et de livraison, tandis que la rénovation à mi-vie du missile est également engagée. Sur les 160 missiles commandés, 100 ont été livrés à l’armée de l’air avant 2021, 30 le seront en 2022 et 30 en 2023, soit un retard de trois ans par rapport à la cible initiale. Pour 2022, 15 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 39,7 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus sur la sous-action 10.76 ainsi que 9,3 millions d’euros de crédits de paiement pour la rénovation à mi-vie du missile.

Par ailleurs, le missile d’interception, de combat et d’autodéfense MICA, actuellement en dotation au sein de l’armée de l’air et doté d’une moindre portée, doit être profondément renouvelé pour affronter les nouvelles conditions du combat aérien. Le programme MICA NG vise à doter les forces aériennes de 567 unités, auxquelles s’ajouteront 300 MICA remotorisés à l’horizon 2031. En 2021, le ministère des armées a passé commande de 367 MICA NG et de 150 missiles d’entraînement IRx NG, ce qui explique le montant très élevé des autorisations d’engagement de la sous-action 10.76 en 2021 (777,2 millions d’euros) et leur forte diminution en 2022. Les crédits de paiement demandés pour 2022 s’élèvent à 145,6 millions d’euros, en hausse de 73 %.

6.   Préparation et conduite des opérations d’armement

L’action 11 Préparation et conduite des opérations d’armement porte les crédits relatifs aux activités de fonctionnement de la direction générale de l’armement (DGA) et des services qui lui sont rattachés. S’y ajoutent les dépenses de personnel inscrites au programme 212.

Pour ce qui relève du programme 146, les autorisations d’engagement augmentent de 14 % pour s’établir à 246,4 millions d’euros et les crédits de paiement de 11 % pour atteindre 217,2 millions d’euros. Ces montants doivent être complétés par un volume significatif de fonds de concours et attributions de produits à hauteur de 56,97 millions d’euros. Ce montant relève de différents produits, participations et remboursements.

Évolution des crÉdits de L’action 11

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

11.89 – Fonctionnement et soutien DGA

71,2

74,6

+ 5 %

66,1

69,1

+ 5 %

11.90 – Investissements pour les opérations d’armement

144,7

171,8

+ 19 %

129,7

148,1

+ 14 %

Total

215,9

246,4

+ 14 %

195,7

217,2

+ 11 %

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les crédits de rémunération inscrits sur le programme 212 au bénéfice de la DGA sont en augmentation de 2 % et atteindront 2,11 milliards d’euros en 2022.

PrÉparation et conduite des opÉrations d’armement :
Évolution des crÉdits de titre 2

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les annexes budgétaires.

Les effectifs de la DGA devraient connaître une légère hausse, avec un plafond de 10 310 ETPT en 2022 contre 10 118 ETPT en loi de finances pour 2021. La part des personnels civils augmenterait ainsi d’un point, à hauteur de 82,6 %, contre 81,6 % en 2021. La part des contractuels progresserait de 38 % en 2021 à 39,8 % en 2022.


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

 

Lors de sa réunion de 21 heures, le mardi 19 octobre 2021, la commission des finances a entendu M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial des crédits des programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense et 146 Équipement des forces de la mission Défense.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera prochainement consultable en ligne.

Après avoir rejeté un amendement de crédits, la commission a adopté les crédits de la mission.

 

 

 


—  1  —

Liste des personnes auditionnÉes
par le rapporteur spÉcial

(par ordre chronologique)

 

État-major de l’armée de terre :

– M. Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre

 

État-major des armées :

– M. Éric Autellet, major général des armées

– M. Emmanuel Durville, chargé des relations avec le Parlement

 

Direction des affaires financières :

– M. Christophe Mauriet, directeur

– Mme Sylvie Penot, cheffe du service des synthèses et du pilotage budgétaire

 

Direction du budget :

– M. Pierre Chavy, sous-directeur de la cinquième sous-direction

– M. Cédric Clolus, chef du bureau de la défense et de la mémoire

 

Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) :

– M. Antoine Guérin, directeur de l’administration

– M. Philippe Ullmann, conseiller du directeur général chargé de la communication

 

Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) :

– M. Nicolas de Maistre, directeur de la protection et de la sécurité de l’État

– M. Gwénaël Jézéquel, conseiller du secrétaire général

 

Direction du renseignement et de la sécurité de la défense :

– M. Éric Bucquet, directeur

 

Direction générale de l’armement :

– M. Joël Barre, délégué général pour l’armement

 

Cabinet de la ministre des armées :

– M. Martin Briens, directeur de cabinet

– Mme Sandra-Elise Reviriego, conseillère parlementaire

 

État-major de l’armée de l’air et de l’espace :

– M. Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace

 

État-major de la marine :

– M. Stanislas Gourlez de la Motte, major général de la marine

– M. Riaz Akhoune, chargé des liaisons parlementaires

 


([1]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([2]) Conformément à l’article 6 de la loi de programmation militaire, l’évolution des effectifs du ministère des armées « ne porte que sur les emplois financés par les crédits de personnel du ministère des armées à l’exclusion des apprentis, des volontaires du service militaire volontaire et des effectifs militaires éventuellement nécessaires au service national universel » et à l’exception « des éventuelles augmentations d’effectifs du service industriel de l’aéronautique ».

([3]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([4]) Article 17 LPFP : « Le montant de restes à payer, tel que retracé annuellement dans le compte général de l’état annexé au projet de loi de règlement, hors impact des changements de règles de comptabilisation des engagements, ne peut excéder, pour chacune des années 2018 à 2022, le niveau atteint fin 2017. »

([5]) Rapport d’information n° 697 (2020-2021) de MM. Christian Cambon, Jean-Marc Todeschini, Pascal Allizard, Mme Marie-Arlette Carlotti, M. Olivier Cigolotti, Mmes Hélène Conway-Mouret, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau, Cédric Perrin, Yannick Vaugrenard et Alain Cazabonne, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur l’actualisation de la loi de programmation militaire 2019-2025, enregistré à la présidence du Sénat le 16 juin 2021.

([6]) Les dispositifs d’opérations d’expérimentations réactives sélectionnent des matériels dont le niveau de maturité technologique est avancé pour les expérimenter dans des conditions représentatives d’un emploi opérationnel, en vue d’une acquisition ultérieure pour les forces armées.

([7]) Entre 2009 et 2020, le dispositif RAPID était géré par le ministère des armées en lien avec la direction générale des entreprises (DGE).

([8]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 de la mission Défense, page 56.

([9]) Projet annuel de performance du programme 144 annexé au projet de loi de finances pour 2022, page 21.

([10]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.

([11]) Projet annuel de performance du programme 146 annexé au projet de loi de finances pour 2022, page 284.