N° 4524

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 13
 

 

DÉfense :

 

BUDGET OPÉRATIONNEL DE LA DÉFENSE

 

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Aude BONO-VANDORME.

 

Députée

____


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. UNE DEMANDE BUDGÉTAIRE EN HAUSSE EN CRÉDITS DE PAIEMENT, UNE NOUVELLE FOIS CONFORME AUX TRAJECTOIRES DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

1. Le PLF 2022 prévoit une hausse des crédits de paiement et une baisse des autorisations d’engagement, cohérente avec le positionnement de l’année 2022 au sein de la programmation

2. Des restes à payer qui continuent de croître, en particulier sur le programme 178

3. Une phase de décrue du report de charge qui constitue un enjeu de gestion pour le ministère des Armées, pour le moment couronné de succès

II. LE PROGRAMME 178 PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES

1. Un dispositif de performance qui évolue peu et essentiellement afin de s’adapter au renouvellement des matériels

2. Une dynamique contrastée des crédits, entre baisse des AE et hausse des CP

a. L’action 1 Planification des moyens et conduite des opérations

b. L’action 2 Préparation des forces terrestres

c. L’action 3 Préparation des forces navales

d. L’action 4 Préparation des forces aériennes

e. L’action 5 Logistique et soutien interarmées

3. La provision formée en vue de la couverture des surcoûts relatifs aux opérations extérieures et aux missions intérieures se maintient à un niveau identique à celui de 2021 mais record

III. LE PROGRAMME 212 SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE LA DÉFENSE

1. Un programme qui connaît une hausse modérée de ses crédits et conserve un dispositif de performance stable

2. Dotation du programme hors dépenses de personnel et effectifs : une poursuite des efforts d’amélioration de la condition militaire

a. L’action 4 Politique immobilière

b. L’action 5 Système d’information, d’administration et de gestion

c. L’action 6 Politique des ressources humaines

d. L’action 8 Politique culturelle et éducative

e. L’action 10 Restructurations

f. L’action 11 Pilotage, soutien et communication

3. Les dépenses de personnel et les effectifs : une politique de ressources humaines qui s’efforce de permettre la remontée en puissance des armées françaises

a. Une croissance du volume des crédits et une réforme en cours de la structure indemnitaire

b. Une volonté d’amélioration de la condition militaire et de la condition du personnel

c. Un schéma d’emploi porteur d’une volonté de d’enrôlement d’effectifs très qualifiés dans un contexte de difficultés de recrutement et de fidélisation

IV. Le CEGeLog : un des enjeux majeurs de la condition militaire pour les décennies à venir

A. Situation actuelle

1. La politique du logement du ministère des armées

2. L’offre de logement du ministère des armées : un parc de logements domaniaux vieillissant

3. Une gestion actuelle assurée via un bail civil

B. lE cegelog : un contrat inédit et ambitieux, supportant de multiples enjeux

1. Le choix d’une concession à préfinancements effectué en raison de l’urgence d’un investissement massif de rénovation et de construction et du besoin d’inciter l’attributaire à remplir pleinement ses missions

2. Périmètre et objectifs

a. Périmètre

b. Objectifs

3. Gouvernance du projet

a. Un projet du secrétariat général pour l’administration piloté par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives

4. Durée, calendrier et avancement de la passation

a. Le bail civil

b. Le CEGeLog

5. Un équilibre financier conçu pour permettre un investissement massif en début de contrat

C. Un contrat qui suscite plusieurs MOTIFS DE VIGILANCE

1. La situation géographique des nouveaux logements doit permettre la tranquillité et l’épanouissement des agents et de leur famille

2. Une structure financière complexe qui appelle à un suivi de l’exécution particulièrement resserré

3. L’expertise interne pour suivre le contrat sera un défi majeur

4. La transparence du CEGeLog devra être approfondie afin de chasser tout doute et de permettre le contrôle

5. Des dispositifs de gestion libre et de cession de logements qui amoindrissent le volume des logements dédiés aux ressortissants du ministère

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES par lA rapporteurE spécialE

DÉPLACEMENTS

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure spéciale, bien que certaines réponses soient incomplètes.


—  1  —

   PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

● Pour la quatrième année consécutive, les crédits de la mission Défense sont conformes à la trajectoire de remontée en puissance définie par la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 ;

● Les moyens budgétaires demandés pour le programme 178 sont en forte baisse en AE (– 4,1 milliards d’euros ; – 21,7 %) après un niveau en 2021 calibré pour la notification de plusieurs marchés verticalisés majeurs de maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique. La croissance des CP se confirme quant à elle et se renforce même quelque peu (+ 333 millions d’euros ; + 3,3 %), hausse bénéficiant en grande partie au MCO ;

● Les moyens budgétaires demandés pour le programme 212 connaissent une hausse notable mais modérée en AE (+ 590 millions d’euros ; + 2,7 %) et en CP (+ 449 millions d’euros ; + 2,0 %). Ces hausses viendront principalement soutenir les efforts dans le domaine de la condition militaire et du personnel (infrastructures, rémunération, action sociale) ;

● Le PLF 2022 présente un schéma d’emplois positif à + 450 ETP et + 42 emplois au bénéfice du service industriel de l’aéronautique. Comme en 2021, ces créations d’emplois seront notamment dédiées au renforcement des capacités du ministère dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense et du numérique. Les unités opérationnelles seront également renforcées.

La rapporteure spéciale recommande :

● De tirer le plein parti des dérogations ouvertes pour le matériel de guerre au régime de droit commun de la commande publique (art. L. 2515-1 code de la commande publique) afin de garantir l’attribution de portions des marchés de confection des tenues de combat des armées françaises à des entreprises produisant sur le territoire national ;

● De développer un contrôle spécifique pour détecter la présence de puces électroniques de tous types au sein des textiles, et l’appliquer en prévention à tous les effets destinés à être utilisés sur des théâtres d’opérations ;

● De produire et communiquer au plus tôt une présentation détaillée de l’ensemble des caractéristiques de la nouvelle politique de rémunération des militaires, afin de donner un horizon clair à la communauté militaire ;

 

● D’engager une réflexion sur la prolongation des dispositions de l’article 47 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, visant à permettre la prolongation temporaire de la durée de service ou la réintégration de certains militaires, a minima jusqu’à un éloignement plus certain de la crise sanitaire ;

● Dans le cadre du contrat d’externalisation pour la gestion des logements domaniaux du ministère des Armées (CEGeLog), de soumettre pour avis les fonciers identifiés pour la construction des nouveaux logements domaniaux aux représentants des agents du ministère (Conseil supérieur de la fonction militaire, associations professionnelles nationales de militaire, syndicats) afin de s’assurer qu’ils répondent aux besoins des futurs locataires ;

● De consulter les représentants des personnels du ministère sur les projets d’acquisition ou de construction de logements relevant du CEGeLog.

 

 


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  DONNÉES CLÉS

ÉVOLUTION DEMANDÉE POUR 2022 DES CRÉDITS DE LA MISSION
PAR RAPPORT À LA loi de finances POUR 2021

(en millions d’euros)

 

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution (en %)

 

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 144 : Environnement et prospective de la politique de Défense

3 106

1 684

2 146

1 778

– 30,90 %

+ 5,56 %

P 146 : Équipement des forces

21 000

13 643

17 087

14 503

– 18,63 %

+ 6,31 %

P178 : Préparation et emploi des forces

19 020

10 337

14 893

10 798

+ 21,70 %

+ 4,47 %

P 212 : Soutien de la politique de Défense

Hors titre 2

1 345

1 278

1 464

1 257

+ 8,90 %

– 1,65 %

Titre 2 hors CAS Pensions

12 263

12 263

12 569

12 569

+ 2,5 %

+ 2,5 %

CAS Pensions

8 488

8 488

8 652

8 652

+ 1,93 %

+ 1,93 %

Total

22 097

22 030

22 687

22 479

+ 2,67 %

+ 2,04 %

Total mission Défense

65 223

47 695

56 814

49 560

 12,9 %

+ 3,9 %

Total rapport spécial Budget opérationnel de la Défense

41 117

32 367

37 580

33 278

 8,6 %

+ 2,8 %

Source : Annexe budgétaire au projet de loi de finances pour 2022 mission Défense.

 

Évolution des crédits du programme 178 par action

(en millions d’euros)

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2020-2019

Action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Planification des moyens et conduite

des opérations

731

686

768

741

+ 5,0 %

+ 8,0 %

02 - Préparation des forces terrestres

2 095

1 537

3 138

1 670

+ 49,8 %

+ 8,6 %

03 - Préparation des forces navales

3 776

2 609

4 051

2 843

+ 7,3 %

+ 8,9 %

04 - Préparation des forces aériennes

9 006

2 458

3 882

2 607

 56,9 %

+ 6,1 %

05 - Logistique et soutien interarmées

2 560

2 194

2 203

2 086

 13,9 %

 4,9 %

06 - Surcoûts liés aux opérations extérieures

820

820

820

820

0 %

0 %

07 – Surcoûts liés aux missions intérieures

30

30

30

30

0 %

0 %

Total

19 020

10 337

14 893

10 798

 21,7 %

+ 4,5 %

Source : annexe budgétaire au projet de loi de finances pour 2022 mission Défense.

 

 

 

Évolution des crédits du programme 212 par action

(en millions d’euros)

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolutions (en %)

Action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

04 - Politique immobilière

585

509

681

497

+ 16,5 %

 2,3 %

05 – Systèmes d’information, d’administration et de gestion

187

167

168

160

 10,1 %

 4,6 %

06 - Accompagnement de la politique des ressources humaines

145

146

146

147

+ 0,9 %

+ 1,1 %

08 - Politique culturelle et éducative

33

39

57

53

+ 70,9 %

+ 37,1 %

10 - Restructurations

34

42

44

24

+ 27,7 %

 42,2 %

11 - Pilotage, soutien et communication

358

373

366

373

+ 2,1 %

0,0 %

Total hors dépenses de personnel

1 330

1 278

1 464

1 257

+ 8,90 %

 1,65 %

Dépenses de personnel

20 752

20 752

21 222

21 222

+ 2,27 %

+ 2,27 %

Total

22 097

22 030

22 687

22 479

+ 2,67 %

+ 2,04 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2022 mission Défense.

 

 

Restes à Payer de la mission Défense

(en millions d’euros)

 

Restes à payer (HT2)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021 (estimation)

P 144

1 487

1 522

1 581

1 564

1 658

1 852

2 528

P 146

35 671

35 972

37 338

39 322

41 259

49 455

50 671

P 178

7 846

9 423

9 575

8 934

13 119

16 985

27 145

P 212

3 087

3 481

3 612

3 589

3 625

1 853

1 987

Mission Défense

47 035

48 092

50 400

52 107

53 410

70 146

82 333

Source : annexes au projet de loi de finances 2015-2022 mission Défense.

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2022 (PLF2022) s’inscrit, en matière de crédits de la Défense, dans une trajectoire établie par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (ci-après désignée LPM). Cette programmation budgétaire est adossée au cadre stratégique fixé par la Revue stratégique de Défense et de sécurité nationale, publiée en décembre 2017 et actualisée en 2021. Cette actualisation a permis de confirmer la dynamique du durcissement du contexte stratégique au sein duquel s’insère la France. Ce document fixe comme principaux objectifs à l’horizon 2025 :

– la préservation d’un modèle d’armée équilibré et le renouvellement des deux composantes aériennes et maritimes de la dissuasion nucléaire ;

– une montée en puissance dans le domaine des technologies, de la recherche et de l’innovation, tant en matière d’armement que dans le cyberespace ;

– un renforcement de l’attractivité des carrières et de la fidélisation des personnels.

Le respect de la programmation et, par là même, l’adéquation des crédits aux objectifs de long terme fixés par la LPM ainsi que par l’Ambition 2030 validée en Conseil de Défense le 22 novembre 2017 dépend de l’autorisation budgétaire annuelle.

Le rapport spécial Budget opérationnel de la Défense rassemble deux des quatre programmes de la mission Défense :

– le programme 178 Préparation et emploi des forces, sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA), dont les crédits sous-tendent l’emploi et la préparation opérationnelle des forces ;

 le programme 212 Soutien de la politique de la Défense, sous la responsabilité de la Secrétaire générale pour l’administration (SGA), rassemble les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisé du ministère des Armées. Il comporte en particulier l’ensemble des crédits de personnel de la mission.

Ces deux programmes représentent 66 % des autorisations d’engagement (AE) et 67 % des crédits de paiement (CP) de la mission, contre respectivement 63 % et 68 % en 2020.

Le présent rapport, après avoir exposé les évolutions proposées par le PLF 2022 au niveau de la mission, s’attachera à les analyser pour chacun des deux programmes constitutifs du rapport spécial. Une dernière partie abordera l’enjeu du contrat d’externalisation pour la gestion des logements domaniaux du ministère des Armées.

I.   UNE DEMANDE BUDGÉTAIRE EN HAUSSE EN CRÉDITS DE PAIEMENT, UNE NOUVELLE FOIS CONFORME AUX TRAJECTOIRES DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

Pour la quatrième année consécutive, le PLF est conforme aux dispositions de la LPM.

Cette loi de programmation constitue la première phase d’une trajectoire en deux temps qui vise à doter la France d’un modèle d’armée complet et soutenable, objectif premier de l’ambition 2030.

La LPM se veut être une phase de réparation et de régénération des armées, profondément atteintes dans leurs capacités en raison des sous-investissements chroniques depuis le tournant de la professionnalisation et surtout de la déflation des crédits et des effectifs menée entre 2008 et 2015.

La LPM sincérise et sécurise les ressources des armées. Elle ne prévoit plus ainsi de couvrir des dépenses par des ressources exceptionnelles, résultant de la vente d’emprises immobilières ou de bandes de fréquences hertziennes.

L’année 2022 constituera la première année de mise en œuvre de l’ajustement de la LPM opéré en 2021. Si cet ajustement ne remet pas en cause les grands principes et trajectoires financières de la programmation, il consiste en un mouvement de près d’un milliard d’euros au sein de l’enveloppe LPM sur la période 2022-2025.

L’ajustement est structuré autour de trois axes :

Les ressources supplémentaires consacrées à ces domaines seront libérées grâce à un ralentissement du calendrier d’investissements dans d’autres domaines via des décalages de commandes et de livraisons entre 2023 et 2025. Peuvent être cités à titre d’exemple le décalage d’un an du lancement en réalisation du système de lutte antimines futur (SLAMF) ou celui de deux ans du programme de véhicules lourds 4-6 tonnes.

S’agissant du budget opérationnel de la Défense, cet ajustement ne concerne pas le programme 212 mais l’axe 3 concerne directement le programme 178.

1.   Le PLF 2022 prévoit une hausse des crédits de paiement et une baisse des autorisations d’engagement, cohérente avec le positionnement de l’année 2022 au sein de la programmation

La mission connaît une augmentation de 1,7 milliard d’euros en CP, identique à celle de 2020 et 2021, qui porte le total des crédits demandés à 40,9 milliards d’euros hors compte d’affectation spécial Pensions.

Cette augmentation est en accord avec la trajectoire de programmation des moyens militaires établie par l’article 3 de la LPM 2019-2025.

La hausse des crédits de la mission Défense doit en particulier permettre la poursuite de l’effort de modernisation et d’entretien des équipements (+ 1,1 milliard d’euros) et de l’accent mis sur l’innovation (+ 11 % par rapport à la loi de finances pour 2021).

Les AE reculent significativement (– 12,9 %) après une légère baisse en 2021 (– 0,1 %). Cette baisse apparaît compréhensible au vu du positionnement du PLF2022 comme quatrième année de mise en œuvre de la LPM. Après des années d’entrée en programmation fortement demandeuse d’AE pour passer en particulier les commandes d’équipements et les contrats de maintien en condition opérationnelle (MCO), une décrue s’opère dans ce PLF.

Contrairement à 2021 où la situation était contrastée entre une baisse des AE du programme 146 et des hausses sur les programmes 178 Préparation et emploi des forces et surtout 144 Environnement et prospective de la politique de Défense, des baisses significatives s’opèrent sur ces trois programmes. Elles sont très partiellement compensées par une hausse plus modérée des AE du programme 212 (+ 2,7 %).

Les CP progressent au sein de chaque programme de la mission, avec un taux d’évolution plus faible pour les programmes du budget opérationnel de la Défense (programmes 178 et 212, respectivement + 4,5 % et + 2,0 %) que pour les programmes du rapport spécial Préparation de l’avenir (programme 144 et 146, respectivement + 5,6 % et + 6,3 %).

Comme l’année précédente, cela reflète d’une part l’accent mis sur le renseignement et l’innovation s’agissant du programme 144 et d’autre part l’entrée du programme 146 dans une phase de décaissement après les engagements contractés en début de programmation. Les programmes 178 et surtout 212, notamment au vu du poids des dépenses de personnels, sont eux engagés dans une trajectoire de croissance plus incrémentale.

ÉVOLUTION DEMANDÉE POUR 2022 DES CRÉDITS DE LA MISSION
PAR RAPPORT À LA loi de finances POUR 2021

(en millions d’euros)

 

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution (en %)

 

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 144 : Environnement et prospective de la politique de Défense

3 106

1 684

2 146

1 778

– 30,90 %

+ 5,56 %

P 146 : Équipement des forces

21 000

13 643

17 087

14 503

– 18,63 %

+ 6,31 %

P178 : Préparation et emploi des forces

19 020

10 337

14 893

10 798

+ 21,70 %

+ 4,47 %

P 212 : Soutien de la politique de Défense

Hors titre 2

1 345

1 278

1 464

1 257

+ 8,90 %

– 1,65 %

Titre 2 hors CAS Pensions

12 263

12 263

12 569

12 569

+ 2,5 %

+ 2,5 %

CAS Pensions

8 488

8 488

8 652

8 652

+ 1,93 %

+ 1,93 %

Total

22 097

22 030

22 687

22 479

+ 2,67 %

+ 2,04 %

Total mission Défense

65 223

47 695

56 814

49 560

- 12,9 %

+ 3,9 %

Total rapport spécial Budget opérationnel de la Défense

41 117

32 367

37 580

33 278

- 8,6 %

+ 2,8 %

Source : Annexe budgétaire au projet de loi de finances pour 2022 mission Défense.

Du point de vue de la maquette budgétaire, la mission Défense ne connaîtra en 2021 aucune évolution de sa nomenclature par destination.

2.   Des restes à payer qui continuent de croître, en particulier sur le programme 178

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dispose en son article 17 que : « Le montant de restes à payer, tel que retracé annuellement dans le compte général de l’État annexé au projet de loi de règlement, hors impact des changements de règles de comptabilisation des engagements, ne peut excéder, pour chacune des années 2018 à 2022, le niveau atteint fin 2017. »

Or, la mission Défense est traditionnellement caractérisée par un niveau élevé de restes à payer. Cela s’explique par la nature des dépenses de la mission, qui tant en achat d’équipement qu’en maintien en condition opérationnelle, nécessite des investissements importants et de longue durée.

L’entrée en LPM a accentué cette dynamique, en raison de l’accroissement des investissements d’équipements et d’une nouvelle politique de contractualisation du MCO qui privilégie les contrats de longue durée. Au vu de cette dynamique et afin que les commandes ne se voient pas bloquées, la LPM 2019-2025 prévoit donc en son article 8, introduit par amendement, que : « La mission Défense est exclue du champ d’application de l’article 17 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. »

Restes à Payer de la mission Défense

(en millions d’euros)

 

Restes à payer (Hors T2)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021 (estimation)

P 144

1 487

1 522

1 581

1 564

1 658

1 852

2 528

P 146

35 671

35 972

37 338

39 322

41 259

49 455

50 671

P 178

7 846

9 423

9 575

8 934

13 119

16 985

27 145

P 212

3 087

3 481

3 612

3 589

3 625

1 853

1 987

Mission Défense

47 035

48 092

50 400

52 107

53 410

70 146

82 333

Source : annexes au projet de loi de finances 2015-2022 mission Défense.

En prévisions 2021, les restes à payer au niveau de la mission continuent de croître de 12,1 milliards d’euros (+ 17,4 %). S’agissant des programmes constituant le rapport spécial budget opérationnel de la défense, ils connaissent une hausse de 10,2 milliards de dollars (+ 54,6 %). Cette hausse est à 98,7 % le fait de l’augmentation des restes à payer du programme 178 (10,1 milliards d’euros ; + 59,8 %). Le programme 212 connaît quant à lui une hausse relative assez forte de ses restes à payer (+ 134 millions d’euros ; + 7,2 %).

Cette croissance des restes à payer fait passer le poids du budget opérationnel de la défense de 27 % en 2020 à 35 % en 2021. À lui seul, le programme 178 est à l’origine de 83 % de la hausse des restes à payer de la mission Défense entre 2020 et 2021.

Si cette hausse peut sembler justifiée en cette quatrième année de programmation et au vu de la décrue qui semble s’annoncer à compter de 2022, il conviendra de s’assurer que celle-ci s’opère bien. Si cette forte concentration de restes à payer est la conséquence logique de la politique d’investissement du ministère des Armées nécessitée par la remontée en puissance des armées, elle a déjà pour conséquence pour certains gestionnaires de réduire leur capacité de gestion. Ainsi, tout aléa qui appelle un gestionnaire à devoir chercher des économies ne peut souvent se traduire que par des économies effectuées en particulier au détriment de la préparation opérationnelle des forces. Cela n’est pas acceptable en raison de l’aspect tout aussi crucial de cette préparation aux côtés de l’équipement.


3.   Une phase de décrue du report de charge qui constitue un enjeu de gestion pour le ministère des Armées, pour le moment couronné de succès

La centralisation des crédits de dépenses de personnel sur le programme 212 a entraîné une concentration des enjeux de report de charges sur les trois autres programmes, les dépenses de personnel étant par nature moins sujettes au phénomène.

Le contrôle du report de charges vise à éviter qu’une part importante des CP ne soit captive d’engagements passés qui auraient dû faire l’objet d’un décaissement lors d’une année précédente (contrairement aux restes à payer).

C’est dans ce but que le rapport annexé de la LPM fixe l’objectif en matière de réduction du report de charges selon une trajectoire exprimée en valeur relative : « Afin de s’assurer de la soutenabilité de la programmation, le ministère s’engage sur une trajectoire prévisionnelle de maîtrise puis de réduction du report de charges qui atteindra, d’ici à 2025, son niveau structurel incompressible. Exprimé en pourcentage des crédits hors masse salariale, celui-ci sera ramené à environ 10 % à cet horizon. »

 

cibles annuelles de report de charges
prévues en Loi de programmation militaire

(en % des crédits hors masse salariale)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Report de charges

16

15

14

12

12

11

10

Loi de programmation militaire – rapport annexé.

La cible de 15 % a été atteinte en 2020 et celle de 14 % devrait l’être en 2021 selon les projections actuelles, même si la fin de gestion est une période déterminante pour la solidification du niveau annuel de report de charges. Cela constitue un effort de gestion important pour le ministère des armées, qui sera poussé plus avant encore pour respecter la poursuite de la trajectoire baissière avec un nouveau point de passage à 12 % en 2022.


II.   LE PROGRAMME 178 PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES

Le programme 178, placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées, occupe une place centrale dans le dispositif de Défense car ses quatre objectifs (assurer les fonctions stratégiques de connaissance‑anticipation, de prévention, de protection, d’intervention) correspondent, avec la dissuasion, à la totalité des fonctions stratégiques assignées aux forces armées.

Le programme 178 bénéficie notamment de la volonté de renforcer la préparation opérationnelle. Cela constitue l’un des trois axes d’ajustement de LPM (cf. supra).

Le contexte international, que la rapporteure spéciale a notamment pu développer dans son rapport sur le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2020, appelle à ce que l’entraînement des forces soit complété à court terme par des segments adaptés aux enjeux posés par les nouvelles menaces. Ce nouvel effort sur la préparation opérationnelle doit permettre aux armées d’être crédibles et efficaces dans des opérations interarmées, hybrides, de haute intensité et à des échelles plus larges qu’actuellement.

1.   Un dispositif de performance qui évolue peu et essentiellement afin de s’adapter au renouvellement des matériels

Les sous-indicateurs « armée de Terre VAB » et « armée de Terre AMX-10 RC » sont supprimés au sein de l’indicateur 5.2 « Disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels ». Cela résulte du remplacement de ces matériels par les engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) et les véhicules blindés multirôles (VBMR). Les VAB et les AMX-10 RC sont donc dorénavant intégrés au sein des sous-indicateurs « armée de terre EBRC (Engin blindé de reconnaissance et de combat, dont AMX-10 RC) » et « armée de terre VBMR dont VAB ».

Par ailleurs, le périmètre de l’indicateur d’efficience bureautique s’étend maintenant à l’ensemble du ministère.

2.   Une dynamique contrastée des crédits, entre baisse des AE et hausse des CP

En 2021, les AE connaissaient une hausse importante (+ 2,7 milliards d’euros ; + 17,1 %) par rapport à 2020, tandis que les CP croissaient de manière plus modérée (+ 333 millions d’euros ; + 3,3 %).

En 2022, les AE baissent significativement (– 4,1 milliards d’euros ;
- 21,7 %) mais le taux de croissance des CP se renforce quelque peu (+ 461 millions d’euros ; + 4,5 %).

La ressource en AE baisse significativement après un niveau en 2021 calibré pour la notification de plusieurs marchés verticalisés majeurs. Dans le détail, la baisse est essentiellement le fait de l’action 04 Préparation des forces aériennes (– 5,1 milliards d’euros ; – 56,9 %), en raison d’une dotation exceptionnelle en 2021.

La croissance des crédits traduit une nouvelle fois la poursuite de l’effort particulier en matière de MCO, et en particulier d’entretien programmé des matériels (EPM) avec une hausse de 300 millions d’euros en crédits de paiement dans ce domaine, pour atteindre un total de 4,4 milliards d’euros.

S’agissant des crédits d’infrastructures, si les niveaux sont plus satisfaisants qu’auparavant, les infrastructures nécessitent, elles aussi, un effort de maintien en condition opérationnelle. Les besoins en crédits de cet ordre, dans un contexte vertueux de construction d’infrastructures, apparaissent par endroits et à ce jour sous-évalués.

Évolution des crédits du programme 178 par action

(en millions d’euros)

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2020-2019

Action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Planification des moyens et conduite des opérations

731

686

768

741

+ 5,0 %

+ 8,0 %

02 - Préparation des forces terrestres

2 095

1 537

3 138

1 670

+ 49,8 %

+ 8,6 %

03 - Préparation des forces navales

3 776

2 609

4 051

2 843

+ 7,3 %

+ 8,9 %

04 - Préparation des forces aériennes

9 006

2 458

3 882

2 607

 56,9 %

+ 6,1 %

05 - Logistique et soutien interarmées

2 560

2 194

2 203

2 086

 13,9 %

 4,9 %

06 - Surcoûts liés aux opérations extérieures

820

820

820

820

0 %

0 %

07 – Surcoûts liés aux missions intérieures

30

30

30

30

0 %

0 %

Total

19 020

10 337

14 893

10 798

 21,7 %

+ 4,5 %

Source : annexe budgétaire au projet de loi de finances pour 2022 mission Défense.

a.   L’action 1 Planification des moyens et conduite des opérations

Les crédits de l’action 1 progressent de 36 millions d’euros en AE (+ 5,0 %), pour atteindre 768 millions d’euros, et de 54 millions d’euros en CP (+ 8,0 %), pour atteindre 741 millions d’euros.

Ils financent l’état-major des armées et les organismes et états-majors interarmées, la direction du renseignement militaire (DRM) et les systèmes d’information et de communication.

Ces crédits permettent également de financer les contributions de la France aux organisations internationales dans le domaine militaire, en particulier au profit de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Union européenne (UE).

Ces augmentations sont liées à l’effort de fond mené par le ministère dans le domaine de la cyberdéfense, de la transformation numérique et du renseignement.

b.   L’action 2 Préparation des forces terrestres

Les crédits de l’action 2 progressent de 1,04 milliard d’euros en AE (+ 49,8 %) après une baisse de 19,1 % en 2020, pour atteindre 3,13 milliards d’euros.

Ils progressent de 132 millions d’euros en CP (+ 8,6 %), pour atteindre 1,67 milliard d’euros, après une hausse de 5 % en 2021.

La forte croissance des AE est essentiellement tirée par une nouvelle phase de passation de contrats verticalisés de MCO aéronautiques de la flotte d’hélicoptères. Ainsi, 1,8 milliard d’euros d’AE sont prévus pour 2022 pour la notification des marchés des NH-90, Gazelle et HIL Guépard.

Cette croissance des AE de MCO aéronautique masque une baisse des AE de MCO terrestres de 400 millions d’euros sur un an, soit – 46 %. Cela résulte au premier chef de la contractualisation en 2021 du nouveau marché de soutien du char Leclerc.

S’agissant de ce domaine du MCO, la rapporteure avait pointé dans son rapport sur le PLF2021 les manques budgétaires spécifiques au MCO terrestre de l’armée de Terre. Au sein du PLF2022, l’enveloppe dédiée à l’entretien programmé du matériel (qui est la composante majeure du MCO) terrestre bénéficie de 97 millions d’euros supplémentaires, soit une hausse de 19 %. Cela transcrit la volonté affirmée lors de l’ajustement de la LPM de permettre une remontée de l’activité des forces, qui est largement dépendante de la disponibilité des matériels. Cette hausse devrait spécialement profiter aux parcs des chars Leclerc, des véhicules blindés de combat d’infanterie et des VBMR.

L’allocation supplémentaire totale prévue par l’ajustement LPM au profit de l’activité des forces terrestres, via le MCO et les munitions, s’élève à 139 millions d’euros sur 2022 et 2023.

La préparation opérationnelle restera cependant un fort enjeu pour l’armée de terre. Lors de la construction des trajectoires LPM, l’objectif pour 2022 de taux d’atteinte de la norme d’entraînement par équipage sur matériel terrestre (sous-indicateur de l’indicateur 5.1 du programme 178) était de 74 %. Avec le PLF 2022, l’objectif ne pourra être que de 64 %.

Cela représente toutefois une nette progression par rapport à la cible de 57 % en 2021. Certains parcs en particulier tirent cette moyenne vers le bas, comme le char Leclerc. Si son activité doit progresser grâce aux efforts, notamment budgétaires, les coûts importants de MCO associés à ce véhicule ainsi que des obsolescences techniques qui ne seront pas résolues avant la rénovation de ce parc contraignent durablement le niveau d’activité.

Toutefois, la réduction envisageable du volume d’activité opérationnelle de l’armée de Terre pourrait permettre un redéploiement du potentiel vers les activités de préparation opérationnelle. Il n’en reste pas moins qu’à ce jour, l’armée de Terre met autant, voire plus, l’accent sur la progression qualitative de la préparation opérationnelle vers des savoir faire du « haut de spectre » (complexes et à haute intensité) que sur une augmentation du volume de cette préparation.

Dans le domaine des infrastructures, une baisse importante des AE
(- 52 %) se fait jour en raison d’un niveau 2021 élevé afin de lancer deux opérations d’importance.

En revanche, la hausse en CP (+ 27 %) se justifie par l’accroissement de l’effort sur les infrastructures de préparation opérationnelle.

Enfin, une tension peut être anticipée sur les ressources allouées au carburant opérationnel au sein du PLF 2022. L’enveloppe de 50,8 millions d’euros prévues pour l’armée de Terre a été construite sur une hypothèse de prix du baril qui pourrait se révéler bien inférieure à la réalité de l’année 2022. Malgré les mécanismes mis en place pour lisser ce type de fluctuations, si la hausse des cours était durable et importante, la question de l’utilisation de la disposition de l’article 5 de la LPM pourrait se poser. Cet article dispose que : « En cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission Défense bénéficiera de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces. »

c.   L’action 3 Préparation des forces navales

Les crédits de l’action 3 progressent de 274 millions d’euros en AE (+ 7,3 %) pour atteindre 4,05 milliards d’euros et de 233 millions d’euros en CP (+ 8,9 %) pour parvenir à 2,84 milliards d’euros.

De manière globale, cette dotation donne à la Marine nationale les moyens de satisfaire les axes majeurs d’efforts prévus dans la LPM.


—  1  —

Les 233 millions d’euros de CP supplémentaires sont essentiellement le fait de quatre domaines :

● La dissuasion nucléaire tout d’abord, à hauteur d’environ 60 millions d’euros, pour permettre la tenue d’arrêts techniques majeurs ;

● Le MCO aéronautique ensuite, une nouvelle fois pour environ 60 millions d’euros. Cet effort se portera sur les hélicoptères NH-90 et la flotte intérimaire d’hélicoptères Dauphin, permettant d’éviter la rupture capacitaire dans l’attente de l’arrivée de la flotte d’hélicoptères interarmées légers (HIL) à compter de 2028 ;

● L’infrastructure, qui représente un autre bloc d’environ 60 millions d’euros de CP supplémentaires. Celui-ci doit permettre la réalisation de travaux de rénovation électrique et d’installation de centrales de distribution. Ces travaux sont essentiels ; ils ne seront pas perceptibles à court terme sur l’activité des flottes, mais ils amélioreront leur fiabilité.

● L’activité opérationnelle enfin, qui bénéficiera d’une enveloppe d’environ 40 millions d’euros supplémentaires. Elle se décompose en deux sous-enveloppes d’égale valeur : 20 millions d’euros sur le carburant opérationnel et 20 millions d’euros sur les « équipements d’accompagnement » qui sont des petits équipements. Le surplus de ressources sera ici au service d’un meilleur équipement des commandos et des bateaux.

S’agissant du MCO naval, l’enveloppe reste stable. En 2022 devrait intervenir le renouvellement des principaux marchés pluriannuels d’entretien de la flotte (frégates multimissions, frégates de défense aérienne, frégates de type La Fayette, porte-hélicoptères amphibies).

Dans le domaine du MCO aéronautique, la verticalisation des contrats de soutien continue en 2022, avec le MCO des matériels d’environnement et des matériels de sécurité, ainsi que celui des moteurs d’hélicoptères (Saturne).

Les ressources prévues dans le PLF 2022 ne seront pas à même de faire s’élever significativement le niveau d’activité, et donc surtout de préparation opérationnelle, de la Marine nationale. Cela est particulièrement vrai pour les navires et sous-marins, et c’est également le résultat d’un niveau d’activité opérationnelle élevé et qui ne devrait pas décroître en 2022.

L’activité devrait donc être en deçà de celle initialement prévue dans les trajectoires LPM.

Toutefois, l’activité aéronautique de la Marine nationale devrait pouvoir progresser sur certains segments, comme les hélicoptères (objectif de 15 à 20 heures supplémentaires de vol par équipage) et les avions de patrouille, surveillance et intervention maritime (même objectif).

Faute de pouvoir augmenter le volume de préparation opérationnelle, la Marine mène aujourd’hui un effort de sanctuarisation des périodes de préparation opérationnelle à la haute intensité, d’entraînements avancés et multidomaines ou encore de tirs complexes. Un des objectifs est également d’assurer un meilleur niveau de participation aux exercices d’envergure.

En parallèle de ce niveau d’activité très légèrement supérieur, 2022 sera une année qui permettra de régénérer le potentiel technique pour de nombreux bâtiments des différentes flottes, ce qui constituera la base de la remontée d’activité prévue pour la seconde partie de la LPM.

S’agissant des munitions, la rapporteure spéciale regrette la réduction de 19 millions d’euros du budget associé. Si cela n’entravera pas la réalisation immédiate du contrat opérationnel de la Marine nationale, cela retarde l’atteinte des objectifs de stocks établis en LPM. Cela est dommageable au regard de l’objectif de la France de se crédibiliser en tant que pays à même de mener si besoin un conflit de haute intensité et même un engagement majeur. Ces types de conflits nécessitent que nos stocks soient bien suffisants pour ne pas limiter rapidement la capacité d’action de nos forces.

Dans la même perspective, le montant alloué à l’achat de pièces de rechange ne permet actuellement pas de reconstituer les stocks affectés par les périodes de confinement.

Si les sommes qui seraient nécessaires pour atteindre des volumes de munitions et de pièces de rechange satisfaisants peuvent apparaître importants dans l’absolu, de l’ordre de quelques dizaines de millions d’euros, ils sont relativement faibles à l’échelle de la mission Défense. La rapporteure spéciale appelle donc de ses vœux un effort sur ces segments qui pourraient sinon rapidement venir gripper notre système de défense en cas de crise majeure.

d.   L’action 4 Préparation des forces aériennes

Les crédits de l’action 4 connaissent une forte baisse de 5,12 milliards d’euros en AE (- 56,9 %) pour s’établir à 3,88 milliards d’euros. Les CP croissent de 149 millions d’euros en CP (+ 6,1 %) pour atteindre 2,60 milliards d’euros. Les crédits sont conformes aux trajectoires de la LPM.

La baisse en AE est de loin la plus forte du programme, tant en proportion qu’en valeur absolue. Cela résulte d’un niveau exceptionnel en 2021, calibré pour la passation de contrats majeurs de MCO : le deuxième contrat de verticalisation relatif au Rafale (Ravel 2), le contrat de maintenance des moteurs M-88 des Rafales (Boléro), le contrat Balzac des Mirages 2000.

 

 

Toutefois, des difficultés rencontrées en 2021 ne vont pas permettre de notifier tous ces contrats en 2021 et ils le seront donc en 2022. Le ministère devra donc demander le report des AE correspondantes. Certains reports sont déjà considérés comme acquis : contrat pour l’A330 MRTT, l’A400M (moteur TP400 – contrat OCCAR) et le CASA, dont la passation s’est révélée infructueuse. Le contrat actuel a donc été prolongé pour une durée courte, de dix mois, ce qui implique des coûts relatifs très importants.

Le volume de report d’AE correspondant à ces opérations serait de l’ordre de 1,3 milliard d’euros.

Les marchés Balzac (2,2 milliards d’AE) et Vasco (contrat relatif au système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales – 1,3 milliard d’AE) pourraient encore être passés en 2021.

À la faveur de l’ajustement de la LPM opéré en 2021, 69 millions d’euros supplémentaires ont été programmés sur 2022 et 2023 afin de permettre le rattrapage des normes d’activités prévues par la LPM en ce qui concerne les Rafales.

De manière globale, les crédits alloués à l’activité sont quasiment conformes à la LPM.

Toutefois, à la suite de l’export de 24 Rafales à la Grèce, l’armée de l’Air et de l’Espace a dû puiser dans ses crédits pour remettre en état de vol 14 avions afin de reconstituer sa flotte.

Il a de plus été demandé à l’armée de l’Air et de l’Espace d’effectuer une réduction de 35 millions d’euros en CP par rapport aux trajectoires LPM. Cela peut paraître faible au regard de la masse budgétaire de l’action mais, en raison de la proportion des crédits dédiés au service des AE engagées les années précédentes au bénéfice des contrats verticalisés de MCO, une faible mesure telle que celle-ci peut avoir des conséquences non négligeables.

En l’occurrence, la combinaison des mouvements précédents a précipité le retrait du service de la flotte d’avions C-160 Transall, certes vieillissante et dont le retrait était prévu peu après. Cela a aussi contraint à réduire de 600 heures le volume d’heures de vol des Rafales, ce qui a conduit à une réduction de deux heures par pilote sur l’année. L’objectif est donc dorénavant de 162 heures par pilote.

Le niveau d’engagement opérationnel de l’armée de l’Air et de l’Espace ne devrait pas permettre de libérer de manière significative de la disponibilité humaine qui pourrait être réallouée à la préparation opérationnelle.

La cible d’activité individuelle des pilotes d’hélicoptère devrait être quasiment conforme à la LPM. En revanche, les pilotes de transport, qui accusaient déjà un retard d’activité et surtout de préparation opérationnelle, vont continuer à se trouver bien en dessous de la cible LPM en 2022, notamment en raison du retrait anticipé du C-160 Transall.

Dans ce cadre, l’axe d’effort principal sera la reconquête des compétences dites du « haut du spectre » etl’acquisition compétences nouvelles, dans les domaines de l’élongation, du cyber et du spatial. Cela passera en particulier par la participation à des exercices interalliés.

Le budget prévu pour l’achat de munitions augmente dans le PLF 2022, afin de reconstituer les stocks et d’améliorer la qualité de l’entraînement, bien que la reconstitution des stocks prenne le pas sur le second objectif.

S’agissant du domaine spatial, le commandement de l’espace bénéficie au total de 72 millions d’euros en AE et de 31 millions d’euros en CP. Ces crédits vont notamment permettre le lancement de la construction des locaux du commandement à Toulouse.

Le commandement axera en particulier ses efforts de 2022 sur la mise en place d’une stratégie numérique, notamment de gestion de la donnée pour disposer à terme d’une analyse rapide et fiable de l’espace exo-atmosphérique. Il continuera également de mener à bien le chantier de l’acquisition de compétences spécifiques au domaine spatial, avec la volonté de professionnaliser des personnels dans le milieu spatial, via de vrais marqueurs dans les cursus de formation.

e.   L’action 5 Logistique et soutien interarmées 

Les crédits de l’action 5 diminuent assez fortement de 356 millions d’euros en AE (– 13,9 %), pour arriver à un niveau de 2,20 milliards d’euros, et de 108 millions d’euros en CP (– 4,9 %), pour atteindre 2,08 milliards d’euros.

Cette action regroupe l’ensemble des fonctions support à caractère interarmées relevant des services suivants : service de santé des armées (SSA) ; soutien des forces par les bases de Défense (BDD) ; centre national des sports de la Défense (CNSD) ; service interarmées des munitions (SIMu) ; service du commissariat des armées (SCA).

Au sein de cette action, la rapporteure spéciale souhaiterait se concentrer sur une composante de ce qui est traditionnellement considéré comme le soutien, à savoir l’habillement des forces combattantes.

La fonction habillement des armées s’est grandement améliorée depuis 2018-2019, grâce aux efforts du service du commissariat des armées (SCA), et le taux de satisfaction est maintenant de près de 82 %, en hausse depuis deux ans.

Sur le plan des moyens budgétaires, la LPM a dans ce domaine aussi permis de revenir à un niveau de ressources en adéquation avec les ambitions. Si les crédits prévus pour 2022 connaissent une légère inflexion par rapport à ceux alloués en 2021 (212 millions d’euros contre 226 millions d’euros), une forte remontée est programmée pour 2023 (274 millions d’euros) et 2024 (312 millions d’euros). Cette forte croissance doit permettre la montée en gamme des équipements et en particulier la généralisation du treillis F3.

Par ailleurs, comme depuis 2020, 500 000 euros, gérés par le SCA sont prévus pour financer l’innovation textile en 2022.

La rapporteure spéciale aimerait aborder un point précis de la fonction habillement, à savoir l’innovation, et plus précisément encore les textiles connectés à vocation offensive.

Dans son article Quand l’habit fait le soldat, le général Marc Conruyt, actuellement directeur des ressources humaines de l’armée de Terre, avançait que, s’agissant des tenues de combat, « textiles intelligents et tissus connectés en sont l’avenir. »

Selon la norme ISO/TR 23383, relative aux textiles et produits textiles intelligents, un textile intelligent est un textile qui interagit de manière réversible avec son environnement, ou qui répond ou s’adapte à des changements dans l’environnement.

À la faveur du développement technologique, les vêtements deviennent de plus en plus doués de fonctionnalités. Une d’entre elles actuellement en développement est la connexion, et le second versant de cette même pièce, la connectivité, de textiles. La rapporteure suit avec la plus grande attention ces progrès technologiques, car la connexion d’un textile à un récepteur distant peut être conçue dans un objectif de géolocalisation.

La menace serait que les habits et les textiles des forces soient infectés à l’insu de la France lors d’une des étapes de la chaîne de production et qu’en définitive, les militaires les utilisant en opération voient leur supériorité grandement fragilisée par une confrontation avec un adversaire en mesure de les situer aisément sur le théâtre d’opérations.

Si les armées n’ont pas alerté le service du commissariat des armées quant à cette menace, la rapporteure estime qu’il ne faut en aucun cas la minimiser, sous peine d’accuser rapidement un retard technologique, au mieux uniquement dommageable d’un point de vue économique comme on a pu le connaître dans le domaine des drones.

À l’heure actuelle, il existe déjà des moyens technologiques pour connecter des textiles. On peut en particulier citer les capteurs GPS ([1]), qui ont pour vocation d’assurer une géolocalisation, mais aussi les puces RFID ([2]) ou NFC ([3]).

 


—  1  —

Des obstacles semblent encore subsister à l’utilisation de textiles comme moyen de géolocalisation. Pour les capteurs GPS, une alimentation électrique via une batterie serait nécessaire pour une utilisation sur une longue durée. Cela amoindrit leur furtivité potentielle.

S’agissant des puces RFID ou NFC, elles ne pourraient être utilisées par l’adversaire que via une présence physique à quelques mètres de distance, ce qui réduit l’intérêt opérationnel.

Cependant, l’émergence de technologies comme par exemple les transferts d’énergie sans fil, notamment par induction magnétique, pourraient permettre à des textiles connectés d’exploiter des sources d’énergie utilisées par le militaire au profit d’autres de ses équipements pour émettre et révéler sa position.

Le SCA mène une veille technologique sur les textiles pour essayer de ne pas manquer une évolution qui pourrait être utilisée de manière offensive à l’endroit des armées françaises ou bien qui pourrait au contraire être mise à profit par nos forces pour accroître leur efficacité.

Par ailleurs, la délégation générale de l’armement (DGA) a créé en mars 2021 un groupe de travail sur les textiles, associant le SCA, mais les travaux n’ont pas encore été lancés. Ils doivent l’être au plus tôt pour ne pas prendre de retard sur cet enjeu des textiles intelligents.

Cette perspective se couple à une production des textiles militaires à vocation opérationnelle qui n’est que marginalement située sur le territoire national. Certains textiles très spécifiques sont produits en France, comme la tenue de réponse aux risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques (NRBC) qui est produite à 100 % en France.

Par ailleurs, si le tissu des tenues de combat est produit à 70 % en France et à 30 % en Belgique, la confection du pantalon et de la chemise de la tenue F3 est entièrement réalisée dans l’est de l’Union européenne (Roumanie et Bulgarie).

Les chemises tactiques de combat F1 sont même produites à 84 % hors de l’UE, au Maghreb et à Madagascar.

Si le SCA dépêche des contrôleurs au sein des ateliers afin de s’assurer que ces tenues sont fabriquées dans de bonnes conditions, ils ne peuvent bien entendu pas exercer un contrôle continu.

Il apparaît de plus évident qu’on ne peut espérer les mêmes garanties de sécurité, notamment contre des tentatives adverses de « pervertir » les tenues, à Madagascar ou même en Europe de l’Est que sur le territoire national.

Cette situation de faible production française est le fait de plusieurs écueils.

Un écueil de capacité tout d’abord. En raison de la désindustrialisation qu’a connue la France, le nombre d’ateliers et d’ouvriers qualifiés pour la confection de vêtements s’est fortement réduit. Si la capacité de bureau d’études est toujours présente, les armées seraient bien en peine de faire produire leurs vêtements techniques en France, même en mobilisant d’importante moyens.

Un écueil juridique ensuite. Le régime des « marchés de défense ou de sécurité » (art. L. 1113-1 du code la commande publique), qui peut être mis à profit pour les achats des équipements destinés aux combattants (notamment les tenues de combat), permet à l’acheteur d’imposer que tout ou partie du marché soit exécuté sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne (UE). Toutefois, le corollaire est que la libre concurrence s’exerce au sein des frontières de l’UE, et n’autorise donc pas à favoriser des candidats nationaux, même pour des portions de marché.

Il en va autrement des marchés de défense et de sécurité relevant du livre V de la deuxième partie du code de la commande publique. Lorsqu’un marché entre dans les cas limitativement énoncés à l’article L. 2515-1 du code de la commande publique, un acheteur pourrait réserver le marché à un prestataire français et imposer son exécution en France. Un des cas limitatifs est notamment le 3° : « Portant sur des armes, munitions ou matériel de guerre lorsque, au sens de l’article 346 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la protection des intérêts essentiels de sécurité de l’État l’exige ; ». À droit constant, l’interprétation de ce 3° pourrait notamment permettre de réserver certains marchés de fourniture des tenues de combat à des opérateurs français.

Si la capacité de production des ateliers français de confection ne permet actuellement pas de répondre à des marchés d’importance comme ceux des tenues de combat, il serait envisageable de leur allouer une portion de chacun de ces marchés, sur des segments bien spécifiques (petites parties des tenues, tailles extrêmes, etc.)

Proposition n° 1 : Tirer le plein parti des dérogations ouvertes pour le matériel de guerre au régime de droit commun de la commande publique (art. L. 2515-1 code de la commande publique) afin de garantir l’attribution de portions des marchés de confection des tenues de combat des armées françaises à des entreprises produisant sur le territoire national.

Cela aurait également pour vertu de soutenir le mouvement de réindustrialisation à l’œuvre dans le secteur textile, secteur très intensif en emplois.

En sus de son action de contrôle sur les sites de production, le SCA contrôle après livraison tous les effets au sein de son laboratoire situé à Angers. Cependant, il n’existe pas, à la connaissance de la rapporteure spéciale, de procédure pour vérifier que les textiles ne contiennent pas de puces, dont la taille les rend maintenant indétectables à la vue et au toucher.

Un effort doit être mené à ce sujet afin de s’assurer dans la période transitoire avant le rapatriement de l’essentiel de la confection des tenues de combat en France, et même au-delà, que nous serons en mesure de détecter ces puces quand la technologie sera aboutie.

Proposition n° 2 : Développer un contrôle spécifique pour détecter la présence de puces électroniques de tous types[VB1] au sein des textiles, et l’appliquer en prévention à tous les effets destinés à être utilisés sur des théâtres d’opérations.

3.   La provision formée en vue de la couverture des surcoûts relatifs aux opérations extérieures et aux missions intérieures se maintient à un niveau identique à celui de 2021 mais record

Les deux actions 6 « Surcoûts liés aux opérations extérieures » et 7 « Surcoûts liés aux missions intérieures » constituent des provisions formées afin de couvrir les surcoûts opérationnels.

Pour les opérations extérieures (OPEX), ce surcoût est la somme :

– du différentiel entre le coût du dispositif sur un théâtre d’opérations et le coût de son équivalent en métropole. Le coût additionnel du paiement d’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE) en est un exemple ;

– des dépenses qui n’auraient pas été effectuées hors du cadre d’une opération extérieure. C’est le cas, par exemple, des dépenses de transport stratégique vers les théâtres, qui sont prises en compte intégralement.

Pour les missions intérieures (MISSINT), certaines missions des armées sur le territoire national ne font pas l’objet d’un chiffrage individualisé de leur surcoût, en raison soit de leur caractère intrinsèquement lié aux contrats opérationnels des armées, par exemple la posture permanente de sûreté aérienne (PPSA), soit de leur faible coût.

Les trois critères qui permettent de délimiter le périmètre des missions intérieures (MISSINT) sont la participation alternative à :

● des plans gouvernementaux de protection (ex : Vigipirate, Sentinelle) ;

● des missions interministérielles de sécurité (ex : Harpie, Titan, Héphaïstos) ;

● la sécurisation de grands évènements.

Nous avons assisté sur une longue période à un effort considérable de mise en cohérence de la provision et de la réalité des surcoûts, effort repris et accentué par la LPM 2019-2025.

La provision est passée de 24 millions d’euros inscrits en loi de finances pour 2001 à 1,1 milliard d’euros en 2020.

Jusqu’en 2018, les sous-budgétisations étaient aggravées par le recours en programmation à des ressources extrabudgétaires incertaines dans leur montant et dans leur calendrier de réalisation, augmentant les risques d’insuffisance de ressources.

L’article 4 de la LPM 2019-2025 a rompu avec cette pratique et a prévu ainsi une augmentation progressive de la première dotation.

La programmation pour la prise en charge
des surcoûts oPEX-MISSINT

(en millions d’euros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

850

1 100

1 100

1 100

1 100

Ce calendrier a jusqu’à présent été respecté et l’est encore dans le PLF 2022.

Par ailleurs, le rapport annexé précise que : « La provision annuelle au titre des opérations extérieures et missions intérieures s’entend au-delà des 100 millions d’euros de crédits de masse salariale prévus pour couvrir les missions intérieures ».

Ces 100 millions d’euros s’ajoutent donc à la provision, ce qui porte le total à 1,2 milliard d’euros.

Toutefois, les surcoûts OPEX-MISSINT sont passés de 604 millions d’euros à 1,44 milliard d’euros entre 2001 et 2020. La provision OPEX-MISSINT n’a jamais permis de couvrir les surcoûts constatés depuis 2001.

Malgré un niveau inédit de la provision pour surcoûts OPEX-MISSINT bien supérieur à ceux qui étaient habituels avant 2020, l’intensité de l’engagement de la France porte à croire que la somme des provisions ne puisse pas couvrir l’ensemble des surcoûts en 2021.

L’incertitude consubstantielle à l’activité opérationnelle interdit de se prononcer sur 2022.

 

 


III.   LE PROGRAMME 212 SOUTIEN DE LA POLITIQUE DE LA DÉFENSE

Placé sous la responsabilité de la secrétaire générale pour l’administration, le programme 212 regroupe les fonctions mutualisées de direction et de soutien du ministère des Armées. Il assure les missions de coordination des politiques transversales : ressources humaines, finances, immobilier, logement notamment.

Il comprend en particulier l’ensemble des crédits de personnel de la mission depuis le 1er janvier 2015.

Ce sont ces crédits qui donnent son poids prépondérant à ce programme au sein de la mission (45,4 %). Au sein du programme, les crédits hors titre 2 représentent seulement 5,6 % de ses CP, à un niveau équivalent à celui de 2021.

Ce programme revêt une importance de premier plan dans l’ambition de croissance du volume et des compétences des effectifs des armées. Le corollaire de cet enjeu est celui d’améliorer l’attractivité des carrières, en particulier militaires, offertes par la mission Défense. Cela passe notamment par les conditions de travail et de vie et par la rémunération.

Le programme comporte ainsi les crédits du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires (Plan Famille), qui se poursuivra en 2022. Durant cette année, un autre jalon important sera la mise en œuvre de la « deuxième marche » de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).

Ces deux actions emblématiques symbolisent une LPM qui se veut à « hauteur d’homme ». Le programme 212 porte donc la dimension humaine de la mission Défense, un axe essentiel de la LPM.

Convaincue que l’efficacité de notre défense dépend au premier chef du facteur humain, la rapporteure spéciale consacre une attention toute particulière à la bonne et rapide exécution des budgets mis en place pour l’amélioration des conditions de vie des personnels civils et militaires.

Ces efforts sont une condition sine qua non de l’ambition de remontée en puissance des armées françaises, en permettant de répondre aux difficultés de recrutement et de fidélisation des militaires, mais relève également d’un principe de juste reconnaissance par la Nation de l’engagement des personnels de la Défense.


1.   Un programme qui connaît une hausse modérée de ses crédits et conserve un dispositif de performance stable

Les crédits demandés dans le PLF 2022 sont de 22,68 milliards d’euros en AE et de 22,47 milliards d’euros en CP. Cela équivaudrait à une hausse de 590 millions d’euros (+ 2,7 %) en AE et de 449 millions d’euros (+ 2,0 %) en CP. Cette évolution vient après une croissance modérée en 2021 (+ 0,5 % en AE ; + 0,4 % en CP).

Évolution des crédits du programme 212 par action

(en millions d’euros)

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolutions (en %)

Action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

04 - Politique immobilière

585

509

681

497

+ 16,5 %

 2,3 %

05 - Systèmes d’information, d’administration et de gestion

187

167

168

160

 10,1 %

 4,6 %

06 - Accompagnement de la politique des ressources humaines

145

146

146

147

+ 0,9 %

+ 1,1 %

08 - Politique culturelle et éducative

33

39

57

53

+ 70,9 %

+ 37,1 %

10 - Restructurations

34

42

44

24

+ 27,7 %

 42,2 %

11 - Pilotage, soutien et communication

358

373

366

373

+ 2,1 %

0,0 %

Total hors dépenses de personnel

1 330

1 278

1 464

1 257

+ 8,90 %

 1,65 %

Dépenses de personnel

20 752

20 752

21 222

21 222

+ 2,27 %

+ 2,27 %

Total

22 097

22 030

22 687

22 479

+ 2,67 %

+ 2,04 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2022 mission Défense.

S’agissant du dispositif de performance, le PLF2022 n’en prévoit pas d’évolution importante. Seul un indicateur voit sa méthodologie modifiée : 1.1 « Taux de reclassement du personnel militaire » a été adapté pour mesurer, sur la base des départs effectifs au cours d’une année civile, la population des militaires ayant bénéficié d’une offre de reconversion six mois avant leur départ, alors qu’auparavant cette période s’étendait jusqu’à douze mois après le départ. L’objectif est d’accroître l’efficacité de l’accompagnement à la reconversion et d’ainsi diminuer le coût du chômage des anciens militaires.

2.   Dotation du programme hors dépenses de personnel et effectifs : une poursuite des efforts d’amélioration de la condition militaire

Le volume d’AE hors dépenses de personnel augmente de 120 millions d’euros en raison de la poursuite de la mise en œuvre des plans hébergement et famille. Cette hausse permettra aussi le déploiement de trois contrats de performance énergétique supplémentaires en accord avec la stratégie ministérielle de performance énergétique et des opérations de rénovation des musées de l’Armée, de la Marine et de l’Air et de l’Espace.

La réduction de 2 % de la ressource en CP s’explique principalement par la baisse des besoins des opérations de restructuration (cf. infra) ainsi que à la nouvelle architecture budgétaire des crédits d’infrastructure mise en place en 2020

a.   L’action 4 Politique immobilière

Les crédits de l’action 4 progressent de 96 millions d’euros en AE (+ 16,5 %) pour atteindre 681 millions d’euros et reculent de 11 millions d’euros en CP (- 2,3 %) pour se fixer à 497 millions d’euros.

La hausse en AE s’inscrit notamment dans le cadre de l’effort effectué sur la période de la LPM sur les investissements de construction et de mise à niveau des ensembles d’hébergement en enceintes militaires. En 2022, c’est ainsi une hausse de 29,4 millions d’euros d’AE qui doit venir abonder ce chantier. Ce seraient donc 266 millions d’euros d’AE qui seraient consacrés à cet effort essentiel à l’amélioration de la condition militaire. Ce volume d’AE doit permettre la commande de 5 000 nouvelles places. 4 300 places d’hébergement seront livrées durant cette année.

À la fin de l’année 2022, 70 % des crédits relevant de ce plan auront été engagés.

La rapporteure spéciale salue une nouvelle fois cette politique ministérielle qu’est le plan hébergement, qui s’ingénie à répondre à une situation par endroits catastrophique, créée par des décennies de sous-investissements dans les infrastructures. L’accent mis sur l’hébergement apparaît également pertinent pour la rapporteure spéciale, étant donné le niveau de préoccupation des militaires à ce sujet.

Le PLF 2022 devrait également permettre la poursuite de l’effort consacré au logement familial avec une demande de 171,5 millions d’euros d’AE (en dehors du périmètre CEGeLog conf. infra).

Toutefois, et bien que cela ne puisse malheureusement pas être la priorité du moment, il faudra à terme porter également l’effort sur les bâtiments de travail des personnels, notamment administratifs.

La rénovation des lieux de travail existe bel et bien, mais la vitesse de dégradation du reste du parc ne permet pas d’enregistrer pour le moment une progression suffisamment rapide.

Par ailleurs, la poursuite de la mise en œuvre de la volonté du ministère en matière de transition écologique se traduirait par 68,6 millions d’euros en AE et 26,6 millions d’euros en CP mobilisés pour le financement des investissements de performance énergétique.

b.   L’action 5 Système d’information, d’administration et de gestion

Les crédits de l’action 5 se réduisent de 18 millions d’euros en AE
(– 10,1 %) pour s’établir à 168 millions d’euros et régressent de 7 millions d’euros en CP (– 4,6 %) pour atteindre un niveau de 160 millions d’euros.

La baisse des crédits est principalement le fait de la réalisation lors des années précédentes de phases d’étude, de conception et de déploiement de plusieurs projets de systèmes d’information d’administration et de gestion (l’incrément 1 de Source Solde notamment) et de systèmes d’information logistique.

Ces crédits financeront en particulier :

c.   L’action 6 Politique des ressources humaines

Le niveau de ressources de l’action 6 connaît une légère croissance, tant en AE (+ 0,9 % ; + 1,3 million d’euros) qu’en CP (+ 1,1 % ; + 1,5 million d’euros), pour s’établir à respectivement à 146 et 147 millions d’euros.

Cette action couvre les domaines du recrutement, de la formation, de la condition du personnel, des parcours de carrière comme de la reconversion. Elle porte une grande partie des crédits dédiés à la mise en œuvre du Plan Famille.

La légère hausse des crédits est principalement tirée par la croissance des ressources consacrées à l’action sociale et aux autres politiques de ressources humaines (Sous-action 04), particulièrement afin de poursuivre la mise en œuvre du Plan Famille. Cela se traduit par deux chantiers principaux :

  1. La prise en charge partielle de la protection sociale complémentaire de ses agents à compter de 2022 ;
  2. L’augmentation des frais de gestion liés au développement de l’apprentissage.

—  1  —

Par ailleurs, la poursuite de l’extension des dispositifs de reconversion mais aussi d’accompagnement à l’emploi des conjoints constitue aux yeux de la rapporteure spéciale un levier clef de fidélisation des militaires. Il s’agit dorénavant de l’une des préoccupations de premier rang des militaires, au regard du taux d’activité des conjoints, maintenant comparable au reste de la population. La possibilité de concilier une carrière de militaire avec une carrière professionnelle satisfaisante pour le conjoint devient un des enjeux les plus saillants du point de vue de la fidélisation des militaires.

d.   L’action 8 Politique culturelle et éducative

Les crédits de l’action 8 connaissent une forte hausse en proportion en AE (+ 70,9 % ; + 23 millions d’euros) pour atteindre 57 millions d’euros mais aussi en CP (+ 37,1 % ; + 14 millions d’euros) pour se fixer à 53 millions d’euros.

La politique culturelle a pour objectif de conserver et de valoriser l’important patrimoine culturel détenu par le ministère des Armées, deuxième acteur culturel de l’État. Cette politique culturelle et éducative a aussi pour objectif de renforcer le lien armées-nation.

À ce titre, le ministère a engagé un important chantier de rénovation de ses opérateurs à compter de 2020, qui s’étendra sur toute la durée de la LPM 2019-2025 et qui vise le renouvellement et la diversification de l’offre culturelle afin d’atteindre de nouveaux publics et de développer de nouveaux espaces d’exposition.

La hausse importante des ressources de cette action est avant tout le fait de la volonté d’accroître les subventions aux trois musées rattachés au programme 212 (musées de l’Armée, de la Marine et de l’Air et de l’Espace). Ce surcroît de crédits doit permettre la poursuite de leur programme de rénovation.

e.   L’action 10 Restructurations

Les crédits de l’action 10 connaissent une hausse importante en AE (+ 27,7 % ; + 9 millions d’euros) pour s’établir à 44 millions d’euros et une plus forte baisse en CP (– 42,2 % ; – 17 millions d’euros).

Cette action rassemble :

● Les mesures d’accompagnement social des restructurations : aide à la mobilité, crédits de formation et de reconversion ;

● Les mesures de soutien économique aux territoires affectés par une restructuration de Défense : crédits dédiés du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) pour accompagner la reconversion des emprises libérées ;

● La mise en œuvre d’un nouveau plan de stationnement des forces, qui concentre les crédits de la politique immobilière gérés par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) afin de réaliser l’adéquation du parc immobilier aux besoins du ministère, en cédant les emprises devenues inutiles et en adaptant ou en densifiant celles dont la destination est modifiée.

À compter de 2020, les restructurations ne sont plus accompagnées par des dispositifs spécifiques prévus en LPM 2019-2025 (contrats de redynamisation de site de Défense) mais par des dispositifs de droit commun.

La hausse des crédits demandés est essentiellement liée à des matières d’infrastructure. En 2022, des opérations seront ainsi finalisées mais des opérations structurantes seront également lancées :

  1.  Pour un montant de 7,9 millions d’euros : sur la base aérienne 105 d’Évreux-Fauville en vue de l’accueil de la flotte d’avions de transport C-130 Hercules et CASA et de leurs simulateurs afférents ;
  2.  Pour un montant de 4 millions d’euros : sur la base aérienne de Nancy-Ochey, en vue de l’accueil de la flotte d’avions de chasse de Mirages 2000B d’entraînement, avec leurs simulateurs.

f.   L’action 11 Pilotage, soutien et communication

Les crédits de l’action 11 connaissent une hausse modérée en AE (+ 2,1 % ; + 7 millions d’euros) pour s’établir à 366 millions d’euros et une quasi-stabilité en CP à 373 millions d’euros.

Les crédits de cette action assurent le financement du partenariat public privé (PPP) Balard ainsi que celui des marchés multiservices, le soutien courant des cabinets, des organismes de l’administration centrale et des services rattachés, le versement des subventions à quatre opérateurs ([4]) ou encore l’achat et l’entretien des véhicules.

La hausse en AE s’explique principalement par les renouvellements prévus contractuellement et dix ans après la signature du PPP Balard.

3.   Les dépenses de personnel et les effectifs : une politique de ressources humaines qui s’efforce de permettre la remontée en puissance des armées françaises

Le ministère est actuellement engagé dans un effort de renforcement de son attractivité et de sa capacité de fidélisation de ses personnels. Cet effort est appelé par la volonté de remontée en puissance des armées françaises, volonté qui constitue le cœur de la LPM. Cela implique d’une part un accroissement des effectifs mais aussi d’autre part une hausse de leurs compétences. Cela se traduit par des crédits nécessaires au recrutement, à la création et au maintien des compétences à même d’assurer la supériorité opérationnelle des armées françaises.

Au sein de sa politique de ressources humaines, la fidélisation constitue le défi le plus important rencontré à ce jour par le ministère. Elle en constitue donc un aspect essentiel qui structure sa politique et sa gestion.

Le ministère s’efforce via la fidélisation de conserver l’expérience acquise et les compétences détenues par ses personnels. Cette dimension représente une donnée financière clef. Le ministère est en effet un acteur qui investit de manière importante dans la création de compétences pour ses personnels, au premier rang d’entre eux les militaires. S’agissant de ceux-ci, le ministère crée sa propre ressource via une formation initiale en centres et écoles et une préparation opérationnelle continue. Ces moments de « formation » sont nécessaires et ont la double caractéristique d’être à la fois coûteux et de doter l’agent en compétences importantes et spécifiques qui lui confèrent une employabilité importante sur le marché du travail.

Après une phase de formation, le ministère rencontre bien souvent des difficultés à conserver des employés dont les compétences sont fortement recherchées et donc chassées par d’autres employeurs surtout privés qui s’appuient sur des propositions indemnitaires bien plus attractives et des sujétions liées au travail moins importantes.

Le ministère est donc contraint de trouver des solutions pour conserver au mieux et a minima le temps nécessaire les compétences indispensables à l’exercice de ses missions.

L’attractivité et la fidélisation dépendent de trois dimensions :

  1.  La dimension indemnitaire ;
  2.  La dimension carrière : le ministère doit pouvoir proposer des parcours professionnels attractifs ;
  3.  La dimension de conciliation entre vie professionnelle et vie privée et l’environnement de travail.

Sur le plan des crédits, les dépenses de personnel s’élèvent dans le PLF 2022 à 21,2 milliards d’euros. Cela représente 37,4 % des AE du programme (+ 5,6 points de pourcentage sur un an) et 42,8 % de ses CP (– 0,7 point de pourcentage). Ces évolutions sont plutôt le fait des évolutions du dénominateur (niveau global d’AE et CP) que de celles du numérateur (niveau de dépenses de personnel). Après une hausse modérée en 2021 (+ 0,45 %) des crédits de dépenses de personnel, la hausse prévue dans le PLF 2022 par rapport à la LFI 2021 est plus marquée avec une croissance de + 2,3 %. Cela représente + 470,4 millions d’euros. Si on exclut le CAS Pensions, le surplus de ressources s’établit à + 306 millions d’euros.

 


—  1  —

La contribution au CAS Pensions est prévue à un niveau en légère hausse par rapport à la LFI 2021 (8,7 milliards d’euros pour 2022 contre 8,5 milliards d’euros en 2021)

La hausse des crédits de dépenses de personnel doit permettre en 2022 :

a.   Une croissance du volume des crédits et une réforme en cours de la structure indemnitaire

i.   La mise en œuvre de la deuxième marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires, politique qui doit faire l’objet d’une clarification

L’évolution majeure relative à la rémunération des militaires sera la poursuite de la mise en œuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires, réforme que la rapporteure spéciale a pu aborder dans le détail dans son rapport sur le PLF 2021.

Cette nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) se traduira en 2022 par la mise en place de trois nouvelles indemnités :

  1. L’indemnité de sujétion d’absence opérationnelle (ISAO), qui indemnise les situations d’absence du domicile résultant d’une garde, d’une permanence ou d’activités de préparation et d’engagement opérationnels ;
  2. La prime de commandement et de responsabilité militaire (PRCM), conçue pour indemniser le commandement et récompenser la performance dans les postes à responsabilité ;
  3. La prime de performance (PERF), qui rémunère la technicité, la progression professionnelle et l’autonomie dans certains corps techniques ;

Les mesures nouvelles prévues au titre de la NPRM se traduisent par la demande de 70 millions d’euros au sein du PLF 2022.

Si la NPRM répond à des attentes profondes des militaires et est globalement bien perçue, le manque d’informations complètes autour des caractéristiques détaillées et des montants associés à chaque dispositif vient nourrir des inquiétudes au sein de la communauté militaire, qui souhaiteraient pouvoir appréhender ce nouveau régime indemnitaire de manière éclairée.

La rapporteure invite donc le ministère des armées à produire et à communiquer au plus tôt une présentation détaillée de l’ensemble du dispositif, et notamment de ses dimensions budgétaires. Celle-ci pourra servir de base à une consultation du Conseil supérieur de la fonction militaire et des associations professionnelles nationales de militaires.

Proposition n° 3 : Produire et communiquer au plus tôt une présentation détaillée de l’ensemble des caractéristiques de la nouvelle politique de rémunération des militaires, afin de donner un horizon clair à la communauté militaire.

ii.   Une hausse des rémunérations via les mesures générales et catégorielles et la revalorisation des contractuels

Mesures générales

Le PLF 2022 prévoit en particulier une revalorisation des bas salaires. Cette mesure concerne les personnels dont le traitement ou la solde sont inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), afin de les ramener au son niveau de ce dernier. La rapporteure spéciale sera attentive à ce que ne puissent pas se reproduire des situations où des agents du ministère sont payés en dessous du SMIC. Celles-ci sont intolérables tant sur le plan du niveau de vie de ces personnes, que sur celui de la considération du travail exercé. Elles peuvent également avoir un effet très néfaste quant à l’image du ministère en tant qu’employeur.

Mesures catégorielles

Le PLF 2022 prévoit 14,7 millions d’euros de mesures catégorielles supplémentaires au profit des personnels civils fonctionnaires et militaires.

Ce plan catégoriel se répartit ainsi :

● 7,1 millions d’euros pour le personnel militaire, dont 1,3 million d’euros de mesures nouvelles ;

● 7,6 millions d’euros pour le personnel civil, dont 2,9 millions d’euros de mesures nouvelles ;

● 0,04 million d’euros pour les gendarmes servant au ministère des Armées.

Les syndicats rencontrés par le ministère mettent toutefois en avant la faible compensation représentée par les mesures catégorielles pour les personnels civils si l’on prend en considération les effets du gel du point d’indice et soulignent aussi un tassement des grilles qui n’incite pas à prendre des responsabilités.

Revalorisation des contractuels

Il est également prévu une revalorisation des contractuels à hauteur de 10,7 millions d’euros.

b.   Une volonté d’amélioration de la condition militaire et de la condition du personnel

De l’aveu de tous, si les militaires doivent être bien rémunérés, les armées ne pourront faire jeu égal avec les salaires offerts dans le secteur privé, surtout s’agissant des métiers en tension à forte qualification. Il est donc d’autant plus important de trouver d’autres leviers pour inciter à rejoindre ou à rester au sein des armées, que ce soit le sens de la mission exercée, les perspectives de carrière, les conditions de travail ou la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle.

i.   La dimension carrière

Comme dans son rapport sur le PLF 2021, la rapporteure insiste sur le chantier à mener par les Armées pour offrir aux civils des parcours professionnels ascendants afin d’améliorer leur fidélisation. Si certains services comme la direction de la maintenance aéronautique « civilianisent » (augmentent la proportion de personnels civils) et accueillent des civils à haut niveau de qualification, elle n’offre pas assez de postes à responsabilité aux civils. Le même constat pourrait être établi pour le SCA, qui est un service qui, au vu de sa vocation de soutien, pourrait être un de ceux les plus à même d’offrir des postes hiérarchiques élevés à des civils.

De manière plus immédiate, la rapporteure regrette que les dispositions prévues à l’article 47 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, ne soient pas prolongées au-delà du 1er décembre 2021 et ce malgré la persistance de la crise sanitaire. Ces dispositions ont permis, par dérogation au code de la défense, aux militaires sous contrat, commissionnés ou de carrière, en activité de service dans les forces armées et les formations rattachées, dont la limite d’âge ou de durée de service intervient pendant la période de l'état d’urgence sanitaire ou dans les six mois à compter de son terme, de demander à être maintenus en service pendant une période ne pouvant excéder une année. Elles permettaient également, durant la même période, d’autoriser les anciens militaires de carrière radiés des cadres dans les trois années qui ont précédé la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, à réintégrer les cadres des officiers, des sous-officiers ou des officiers mariniers de carrière, avec le grade et l’échelon qu’ils détenaient lors de leur radiation des cadres.

Ces dispositions favorisaient l’allègement des contraintes en ressources humaines qui pesaient sur les armées dans une période de crise qui rend certains recrutements plus complexes.

L’état d’urgence sanitaire ayant pris fin le 1er juin 2021, cette possibilité ne sera plus ouverte à compter du 2 décembre 2021. Pourtant, la crise persiste et ses effets se font encore sentir. Selon certaines associations professionnelles de militaires, la prolongation de certains militaires sur certains postes pourrait en bien des endroits être judicieuse et permettre de réduire de manière temporaire la contrainte déjà lourde pesant sur le recrutement et la fidélisation. Il apparaît en effet plus aisé de conserver temporairement dans l’institution des personnels volontaires et pleinement opérationnels que de recruter et de former des nouveaux personnels. D’un point de vue budgétaire, cela offre également une souplesse en donnant aux employeurs un temps supplémentaire pour recruter et fidéliser les bonnes personnes sans avoir à recourir à des mesures de gestion coûteuses, comme l’attribution de primes de lien au service.

Il conviendrait donc d’engager une réflexion pour prolonger ces mesures, a minima jusqu’à un éloignement plus certain de la crise sanitaire.

Proposition n° 4 : Engager une réflexion sur la prolongation des dispositions de l’article 47 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 visant à permettre la prolongation temporaire de la durée de service ou la réintégration de certains militaires, a minima jusqu’à un éloignement plus certain de la crise sanitaire.

ii.   La dimension de conciliation entre vie professionnelle et vie privée et l’environnement de travail

La LPM a fait de cet axe un de ses chantiers majeurs. Cela s’incarne tout spécialement dans un plan multidimensionnel, le Plan Famille.

Le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, dit « Plan Famille », représente un effort financier de près de 530 millions d’euros sur la durée de la LPM.

Lancé en octobre 2017, il a pour objectif d’apporter des réponses visibles et concrètes aux contraintes inhérentes au statut militaire. Une partie des actions s’applique également au personnel civil. La rapporteure avait pu aborder dans le détail ce plan au sein de son rapport sur le PLF 2021.

79,5 millions d’euros sont demandés dans le PLF 2022 au bénéfice du Plan Famille.

Les principales perspectives en 2022 et 2023 porteront notamment sur :

Par ailleurs, la montée en puissance de la prestation assistant(e) maternel(le) agréé(e) contribuera au renforcement des capacités d’accueil de jeunes enfants.

Lors de ses travaux en vue de la rédaction de son rapport sur le PLF 2021, la rapporteure spéciale avait pu constater les problèmes de connaissance de ce plan parmi les personnels du ministère des armées. Elle avait, dans ce contexte, proposé l’idée de la création d’une « marque » Plan Famille, soutenue par une identité visuelle qui serait apposée sur les lieux des réalisations du plan.

Cette recommandation de la rapporteure a été, au moins en partie, satisfaite, comme elle a pu le constater par elle-même lors de son déplacement sur la base aérienne 125 d’Istres-Le Tubé afin de participer à l’opération de dissuasion nucléaire Poker. Sur cette base, un projet baptisé « Arès » de création d’un espace multi-services (snack, coiffeur, bibliothèque) et de loisir (beach-volley, city stade, baby-foot etc.) est en cours de réalisation dans les murs d’un ancien mess. Au sein de ce bâtiment déjà partiellement en service, un panonceau « Plan Famille » a été apposé afin que les usagers prennent conscience que ces services qui améliorent leur confort de vie sur la base font partie d’une politique ministérielle.

Par ailleurs, la possibilité maintenant ouverte aux familles d’accéder à la documentation relative au Plan Famille et plus généralement aux prestations sociales et de soutien du ministère via les sites Internet de l’e-social des armées et du portail Eureka, améliore la diffusion de la connaissance et du recours à ces prestations.

En outre, l’enveloppe annuelle dévolue au Plan Famille dans le cadre du budget de Défense mobilité est de 2,5 millions d’euros. Ces crédits doivent servir à l’accompagnement à la reconversion des militaires, et sont désormais mobilisables pour les conjoints des militaires.

c.   Un schéma d’emploi porteur d’une volonté de d’enrôlement d’effectifs très qualifiés dans un contexte de difficultés de recrutement et de fidélisation

La LPM prévoit, à son article 6, une augmentation nette des effectifs du ministère des Armées de 6 000 équivalents temps plein (ETP) au cours de la période 2019-2025.

La trajectoire d’effectifs 2019-2025
(article 5 de la Loi de programmation militaire)

(en équivalents temps plein)

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019-2023

2024

2025

Total 2019-2025

Augmentation nette des effectifs

+ 450

+ 300

+ 300

+ 450

+ 1 500

+ 3 000

+ 1 500

+ 1 500

+ 6 000

Conformément à cette évolution, les effectifs du ministère des Armées s’élèveront à 271 936 équivalents temps plein en 2023 et à 274 936 équivalents temps plein en 2025 hors apprentis, volontaires du service militaire volontaire et effectifs éventuellement nécessaires au service national universel. […] »

Les ambitions de la LPM en matière de volume de recrutement mais aussi d’acquisition de compétences à haute valeur ajoutée concourent aux difficultés de recrutement et de fidélisation, les armées devant renforcer leur attractivité pour remplir ces objectifs.

Ces difficultés se portent essentiellement sur les militaires et en particulier les sous-officiers.

En 2020, année la plus récente pour laquelle l’on dispose de chiffres stabilisés, les recrutements de militaires du rang ont été globalement satisfaisants. Certains métiers sont néanmoins déficitaires, comme ceux liés aux opérations en milieu maritime avec un taux de réalisation de la cible de 86 %.

S’agissant des sous-officiers, certains métiers sont particulièrement en tension, comme ceux de l’informatique (SIC) ou du contrôle aérospatial. Les fonctions supports, en particulier la restauration, sont globalement déficitaires du fait de la priorité accordée aux métiers opérationnels. La tendance est néanmoins à l’amélioration du taux de réalisation de la cible.

Le niveau d’emploi de la catégorie des officiers est globalement satisfaisant. Les métiers en tension sont dans leur majorité les mêmes que les métiers en tension pour les catégories des militaires du rang et des sous-officiers.

En 2022, le ministère devra être en mesure de recruter environ 25 000 personnels, dont 15 000 militaires.

La remontée des effectifs se traduit par une augmentation prévue de 450 ETP, conformément à la trajectoire établie en LPM. Comme en 2021, ces créations d’emplois seront notamment dédiées au renforcement des capacités du ministère dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense et du numérique. Les unités opérationnelles, le soutien aux exportations ou la sécurité protection des sites sensibles seront également renforcés en 2022.

Sont également créés 42 emplois au bénéfice du service industriel de l’aéronautique.

Si la LPM porte un objectif de croissance des effectifs déjà ambitieux, certains syndicats et certaines APNM font tout de même état d’une surcharge grandissante de travail en lien avec les grands chantiers de la LPM, en particulier la politique d’équipement et la politique immobilière. Cela se conjugue au fait que la direction générale de l’armement (DGA) et le service d’infrastructure de la défense (SID), chargés de mettre en œuvre ces politiques, ne font pas partie des structures accueillant la majorité des nouveaux postes prévus par la LPM.

Le ministère s’est également fixé une cible de 2 200 pour 2021. Cette croissance répond à une demande des différents employeurs (armées et services) qui s’approprient ce dispositif.

Cependant, le ministère ne tire pour le moment pas le plein bénéfice de l’accroissement de son recours à l’apprentissage. En effet, le nombre d’apprentis embauchés à la suite de leur apprentissage est faible (144 en 2020). Cela résulte en partie de la structure des emplois qui sont pour beaucoup des emplois de fonctionnaires qui nécessitent la réussite à un concours mais également d’un manque de structuration de parcours permettant pour certains postes une meilleure fluidité entre apprentissage et embauche en tant que contractuel. S’agissant des postes de fonctionnaires, le ministère échange avec le ministère de la fonction publique pour conserver les apprentis via des concours adaptés. Pour les postes de contractuels, des dispositifs plus efficaces de transition entre apprentissage et emploi pourraient certainement être trouvés.

Le plafond des autorisations d’emplois du ministère des Armées s’élève à 273 572 ETPT pour 2022 (contre 272 224 en LFI 2021, soit + 1 348 ETPT).

En marge de ces éléments immédiatement liés aux moyens alloués aux armées pour l’exercice 2022, la rapporteure spéciale aimerait mettre l’accent sur deux enjeux essentiels à ses yeux pour la condition militaire et l’efficacité de nos armées.

En premier lieu, elle aimerait insister sur le besoin de réassurance sur le régime des pensions des militaires. Les incertitudes originelles liées à l’inclusion ou non des militaires au sein du nouveau système de retraite prévu par le projet de loi instituant un système universel de retraite ont ébréché la confiance entre certains militaires et l’institution. Des interlocuteurs de la rapporteure spéciale lui ont même indiqué que cela avait pu susciter des départs, de peur de ne plus pouvoir bénéficier du système actuel. La rapporteure spéciale est d’avis que le dispositif actuel fait partie intégrante du système des métiers des armes. En tout état de cause, avec nos militaires, ce qui est clair doit s’énoncer clairement, sous peine de créer des inquiétudes et des réactions néfastes pour tous.

En second lieu, la rapporteure voudrait réaffirmer son opposition à l’applicabilité de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail dite « directive temps de travail ». Même si un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 15 juillet 2021 pose une difficulté juridique nouvelle, il conviendrait d’éviter au plan national que certaines exigences de cette directive ne trouvent une application aux armées françaises.

IV.   Le CEGeLog : un des enjeux majeurs de la condition militaire pour les décennies à venir

A.   Situation actuelle

1.   La politique du logement du ministère des armées

La direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), appartenant au secrétariat général pour l’administration (SGA) est chargée d'élaborer et de mettre en œuvre la politique d’ensemble du ministère des armées en matière immobilière, domaniale et de logement.

La DPMA dispose d’une sous-direction du logement, laquelle se divise en :

● Un échelon central qui comprend un bureau de « la stratégie et de l’expertise logement » ;

● Un échelon territorial, composé de six établissements territoriaux du logement ;

Le pilotage s’effectue également au travers d’institutions de concertation qui se réunissent annuellement aux différents niveaux territoriaux :

● Les commissions locales du logement présidées par les commandants de bases de défense ;

● Les commissions régionales du logement, co-présidées par le DPMA et l’officier général de zone de défense ;

● le comité du logement au niveau central, présidé par le DPMA.

2.   L’offre de logement du ministère des armées : un parc de logements domaniaux vieillissant

Au 31 décembre 2020, le parc global était constitué de 43 158 logements, dont :

● 11 722 logements domaniaux, soit 27 % du parc ;

● 28 176 logements réservés, soit 65 % du parc ;

● 3 260 logements pris à bail, soit 8 % du parc.

 


—  1  —

Le parc utile, c’est-à-dire le parc global auxquels sont soustraits les logements domaniaux en cours de cession et les logements réservés en situation de restitution, s’élevait, quant à lui, à 34 774 logements, dont 10 698 logements domaniaux (31 %), 20 816 logements réservés (60 %) et 3 260 logements pris à bail (9 %).

Situation du parc de logements du ministère des armées

Source : Réponses du SGA aux questions de la rapporteure spéciale

À la date du 31 décembre 2020, le taux de vacance sur le parc domanial utile était de 17 %. Une partie de cette vacance est en réalité une vacance dite « organisée », qui permet la réalisation de travaux.

La vacance sur le parc disponible à la location, hors parc en travaux, est de 10 %. Cette vacance est constituée pour moitié de vacances frictionnelles entre deux locataires et pour moitié de vacances supérieures à six mois.

Un audit a été réalisé sur environ 9 000 logements domaniaux en métropole, dont un millier en cours de cession, pour apprécier leur état et effectuer une étude énergétique. Il en résulte que 33 % des logements du parc sont dans un état moyen ou médiocre avec un investissement de remise à niveau estimé à 32 millions d’euros par an sur 20 ans. Sur le plan énergétique, 35 % des logements du parc utile se situent dans les deux classes les plus mauvaises, F et G.

En 2019, les dépenses d’investissement relatives aux logements domaniaux se sont élevées à 49,5 millions d’euros en AE et 44,1 millions d’euros en CP. Pour 2020, elles étaient de 58,8 millions d’euros en AE et 60,6 millions d’euros en CP, signe de l’effort fourni dans ce domaine dans le cadre du Plan Famille.

Hors crédits nécessaires à la passation du CEGeLog, les dépenses d’investissements sur le même périmètre sont prévues à 61,9 millions d’euros d’AE et 46,7 millions d’euros de CP en 2022, dotations auxquelles s’ajouteront 16,4 millions d’euros de fonds de concours.

3.   Une gestion actuelle assurée via un bail civil

Un bail civil lie actuellement le ministère des armées et CDC Habitat autour de la gestion des logements domaniaux. Cette gestion comprend les prestations suivantes : gestion locative, entretien et maintenance de premier niveau.

Le bail initial a été signé le 12 février 2009, pour une durée de dix années à effet du 1er janvier 2009.

Un premier avenant signé le 28 décembre 2018 a prorogé le bail initial de deux années. Le contrat était donc censé arriver à son terme le 31 décembre 2020.

Un second avenant signé le 23 novembre 2020 a prorogé une nouvelle fois le bail initial de deux années en raison des retards pris dans la passation du CEGeLog. Le bail arrivera donc à son terme le 31 décembre 2022.

Les conditions financières du contrat initial ont été reconduites durant cette période succédant à l’échéance du contrat.

B.   lE cegelog : un contrat inédit et ambitieux, supportant de multiples enjeux

1.   Le choix d’une concession à préfinancements effectué en raison de l’urgence d’un investissement massif de rénovation et de construction et du besoin d’inciter l’attributaire à remplir pleinement ses missions

En rupture avec le mode de gestion précédent, le ministère a sélectionné la concession comme mode de gestion des logements domaniaux en métropole.

Le choix d’un contrat de concession a été fait à l’issue de travaux conduits en 2017 et 2018. En sus de la concession, le ministère a étudié les solutions suivantes : société foncière, marchés publics, marché de partenariat, accord-cadre de marché de partenariat.

Le ministère a indiqué à la rapporteure spéciale que le contrat de concession a été privilégié pour quatre raisons principales.

La principale raison évoquée est la nécessité d’un investissement massif sur une période courte de quelques années afin de « revitaliser » le parc domanial. Le ministère a donc opté pour un contrat de concession à « préfinancement », qui fait reposer sur le concessionnaire la prise en charge de 50 % des dépenses d’investissement durant la période dite des travaux initiaux. L’idée est de pouvoir investir plus et surtout plus vite que n’aurait pu le faire seul le ministère afin de répondre rapidement à une situation quantitative et qualitative qui n’est pas satisfaisante.

Le ministère justifie également son choix par la possibilité de mutualisation des prestations et des risques dans un contrat intégrant l’ensemble du spectre des activités immobilières. Il s’agit cependant plus d’une caractéristique liée au périmètre du contrat qu’au mode de la concession.

Le ministère fait ensuite état du fait que le concessionnaire percevra les loyers, ce qui facilitera l’atteinte de l’équilibre économique du contrat aux côtés des concours publics versés par le ministère. Une nouvelle fois, cela ne semble pas être un argument discriminant par rapport aux autres modes de gestion.

Enfin, la concession a pour principe que le concessionnaire s’expose à un risque d’exploitation. Ici, le concessionnaire devra s’assurer que les logements qu’il gérera seront au maximum occupés afin de maximiser son volume de revenus via les loyers. Le ministère escompte donc que cette caractéristique incite fortement le concessionnaire à rendre les logements les plus attractifs possible et, dans ce but, mène donc mène de manière satisfaisante dans ce but les prestations qui lui incombent.

2.   Périmètre et objectifs

a.   Périmètre

D’un point de vue territorial, le CEGeLog ne concerne que le parc domanial métropolitain. En plus des actuels logements domaniaux et des logements créés (cf. infra), sur la durée du contrat, « près de 4 000 logements actuellement gérés par d’autres prestataires, dans le cadre de baux emphytéotiques administratifs, seront rénovés et réintégrés au sein du parc domanial. »

i.   Le périmètre du CEGeLOG

Le concessionnaire se verra confier quatre grandes prestations.

La gestion locative des logements

À titre principal, le concessionnaire aura la charge de la gestion locative des logements à destination des ressortissants du ministère des Armées. À titre subsidiaire, il assurera la gestion locative de logements au profit d’utilisateurs autres que les ressortissants du ministère dans le cadre fixé par le contrat (cf. infra).

Les travaux de rénovation des logements

L’objectif est celui d’une rénovation de 8 000 logements. 90 % des logements existants devront avoir été rénovés au 31 décembre 2027 et 100 % au 31 décembre 2029. Dans ce cadre, le concessionnaire présentera au cours des quinze premiers mois de la concession un échéancier de travaux soumis à la validation du ministère.

L’exploitation et l’entretien-maintenance de l’ensemble du parc.

Le concessionnaire sera responsable de l’entretien-maintenance, y compris du « gros entretien renouvellement » (GER).

La création de logements

Volume de création

Le concessionnaire sera également chargé de la construction ou de l’acquisition sur la durée du contrat de 228 000 mètres carrés de surface habitable. Cela représente un nombre de logements variables selon les documents. Si l’avis d’appel public à la concurrence évoque « environ 2 000 logements issus d’opérations de construction et d’acquisition », le communiqué annonçant l’attributaire pressenti avance un « plan de construction de plus de 3 000 logements neufs ».

Ces logements seront considérés comme des biens de retour, et, en tant que tels, seront propriétés de l’État et lui reviendront à l’échéance du contrat.

Calendrier des créations

Ces créations sont prévues selon un calendrier permettant d’atteindre :

● 50 000 m² de surfaces habitables au plus tard au 31 mai 2025 ;

● 100 000 m² de surfaces habitables au plus tard au 31 mai 2026 ;

● 180 000 m² de surfaces habitables au plus tard au 31 mai 2027 ;

● 228 000 m² de surfaces habitables au plus tard au 31 décembre 2029.

Localisation des logements créés et modalités de création

Le ministère a identifié une série de 55 sites fonciers pour la construction des logements. Le concessionnaire aura toutefois la possibilité de proposer des sites qu’il estimera plus pertinents.

Le CEGeLog prévoit des dispositions autorisant le concessionnaire à acquérir des biens, sous diverses conditions et dans une limite fixée à 21 250 m² de surface habitable maximale (soit 10 % de l’objectif total). Ces dispositions du contrat ont été formalisées afin d’inciter le concessionnaire à constituer rapidement un premier stock de logements disponibles, particulièrement en zones tendues, dans l’attente de la réalisation des projets de constructions nouvelles.

OBJECTIFS DE CRÉATIONs MAXIMaux

Source : Réponses du SGA aux questions de la rapporteure spéciale.

Les besoins en logements supplémentaires à construire dans le cadre du CEGeLog ont été exprimés et examinés au niveau local, via les établissements territoriaux du logement, les responsables des principales unités militaires et les commandants de base de défense.

Ils se sont fondés sur :

● l’analyse quantitative et qualitative des demandes de logements exprimées ces dernières années et qui n’ont pu trouver satisfaction faute d’une offre adéquate ;

● l’évolution prévisionnelle des effectifs militaires par zone ;

● la difficulté à se loger en raison de la tension locative ; ainsi les projets ont été ciblés sur les zones de forte tension locative.

Ces besoins ont ensuite été validés au niveau central.

ii.   Un périmètre bien plus étendu que celui de l’actuel bail civil

Le périmètre du CEGeLog sera bien plus étendu que celui de l’actuel « bail civil » qui comprend les prestations de gestion locative, d’entretien et de maintenance de premier niveau. Il constitue un dispositif totalement novateur pour une entité publique.

En définitive, le CEGeLog est conçu autour d’une logique de rassemblement de l’ensemble des prestations nécessaires à couvrir le cycle de vie d’un logement et à une gestion de long terme des logements domaniaux. Il est notamment prévu, en sus des différentes composantes déjà évoquées, l’établissement d’une planification stratégique de gestion de long terme basée sur un audit technique et énergétique du parc en début de contrat.

b.   Objectifs

i.   Développer l’offre de logements afin de mieux répondre quantitativement et qualitativement aux besoins des agents du ministère

Le parc de logements existants ne répondant qu’à une partie du besoin des agents, le ministère souhaite le développer afin d’apporter une compensation à la hauteur des sujétions inhérentes au statut militaire, en particulier celles de mobilité. La volonté est de proposer une offre de logements modernes et adaptés aux besoins actuels et futurs des agents du ministère.

Il s’agira notamment de tirer les conséquences de l’inadaptation géographique d’une partie du parc, qui ne correspond plus assez à la carte militaire et aux besoins des armées.

ii.   Améliorer le parc existant d’un point de vue environnemental et pour le confort des occupants

Qu’il s’agisse de la création ou de la rénovation des logements, le ministère souhaite opérer une montée en gamme de la qualité technique et des performances énergétique et environnementale. Les objectifs sont ceux des meilleurs standards actuels. Dans le même objectif, les services proposés aux usagers seront améliorés. À titre d’exemple, un service de visite virtuelle des appartements sera proposé.

3.   Gouvernance du projet

a.   Un projet du secrétariat général pour l’administration piloté par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives

Dans la perspective de l’élaboration et de la passation du CEGeLog, le ministère a constitué à l’été 2018 une équipe projet, rattachée au directeur des patrimoines, de la mémoire et des archives, qui a progressivement été renforcée par l’apport de compétences, principalement techniques.

Cette équipe d’une vingtaine de personnes est composée d’un directeur de projet, d’un adjoint technique au directeur de projet, d’un responsable technique, d’un juriste contrat, d’un architecte logement, d’un monteur d’opérations immobilières, d’un responsable de programme immobilier et d’agents de toutes les directions du secrétariat général pour l’administration ([5]).

L’équipe est complétée par une assistance à maîtrise d’ouvrage juridique, technique et financière.

Depuis le commencement du projet, l’équipe associe à ses travaux la direction de l’immobilier de l’État, la direction du budget et, au gré des sujets à traiter, l’ensemble des services compétents de l’État : direction de la législation fiscale, direction générale des finances publiques, etc.

Placé sous l’autorité de la Secrétaire générale pour l’administration, un comité directeur statue sur les propositions qui lui sont soumises. Depuis l’été 2018, ce comité directeur s’est réuni à quinze reprises. Les décisions sont prises en lien avec le cabinet de la ministre des Armées, qui suit de manière étroite le projet.

Le projet a également fait l’objet :

● d’un comité ministériel d’investissement le 25 juin 2019, validant la poursuite de la procédure et la publication du dossier de consultation des entreprises (DCE) initial ;

● d’une réunion interministérielle de validation au niveau du cabinet du Premier ministre le 13 octobre 2020 ;

● d’une présentation à la ministre des Armées le 25 novembre 2020, validant la poursuite de la procédure et la publication du DCE mis à jour.

Les armées ont été associées à la phase de l’élaboration du contrat dans l’expression des besoins et en particulier l’identification des sites retenus pour construire les nouveaux logements prévus par le contrat.

À compter de sa notification, le pilotage du contrat sera confié à la sous-direction du logement.

Au niveau central et au sein de cette sous-direction, un service dédié au pilotage du contrat, le département CEGeLog, sera créé le 1er janvier 2022, également chargé d’apporter un soutien au niveau territorial.

Au niveau territorial, le pilotage sera du ressort des échelons territoriaux du logement (ETL), rattachés à la sous-direction du logement. Ces services seront renforcés de + 2 ETP en moyenne, notamment pour suivre l’exécution du contrat au niveau régional.

Par ailleurs, est prévu, selon les éléments fournis à la rapporteure spéciale, « le déploiement d’une comitologie (sic) spécifique dédiée au pilotage et suivi du contrat au niveau régional et au niveau central. »

Au niveau régional, cela s’incarnera dans un comité de suivi territorial rassemblant l’ETL et le concessionnaire.

Au niveau central, sont institués :

● un comité de pilotage opérationnel rassemblant la sous-direction du logement et le concessionnaire, appelé à se réunir mensuellement au cours des premières années d’exécution du contrat, puis trimestriellement au-delà ;

● un comité stratégique, se réunissant au minimum une fois par an ; ce comité stratégique sera présidé par la DPMA et composé de représentants des armées et des directions parties prenantes.

La ressource humaine totale nécessaire pour piloter la concession est évaluée à 59 ETP au maximum de l’activité, répartis comme suit :

● 34 ETP au niveau territorial, soit + 12 par rapport à la situation actuelle ;

● 25 ETP au niveau central : 23 ETP pour le département CEGeLog et 2 spécialistes des systèmes d’information, soit + 16 par rapport à la situation actuelle.

Le recours à des marchés pour les besoins qui ne pourraient pas être satisfaits au sein du ministère sera également nécessaire.

La campagne de recrutement est déjà lancée, ainsi que l’organisation d’un plan de formation, la complexité du contrat CEGeLog impliquant un niveau élevé de qualification des personnels.

Point central du dispositif, des revoyures du contrat sont prévues tous les cinq ans avec le concessionnaire pour s’assurer que le contrat reste efficace et équilibré dans le temps.

4.   Durée, calendrier et avancement de la passation

La durée du contrat est de 420 mois, soit 35 ans. Le CEGeLog s’étendra donc sur une période trois fois plus longue que celle couverte par l’actuel « bail civil ».

a.   Le bail civil

Le bail initial a été signé le 12 février 2009, pour une durée de 10 ans.

Un premier avenant signé le 28 décembre 2018 a prorogé le bail initial de deux années, le contrat était donc censé arriver à son terme le 31 décembre 2020.

Un second avenant signé le 23 novembre 2020 a prorogé une nouvelle fois le bail initial de deux années en raison des retards pris dans la passation du CEGeLog. Le bail arrivera donc à son terme le 31 décembre 2022.

b.   Le CEGeLog

CALENDRIER DU CEGELOG

Étape de la procédure

Calendrier initial

Calendrier effectif

Publication de l’avis de concession (AAPC)

Au plus tard le 1er avril 2019

5 avril 2019

Envoi du dossier de consultation des entreprises

Au plus tard le 1er juillet 2019

26 juillet 2019

Ce DCE prévoyait une remise des offres initiales le 22 novembre et une période de trois mois d’analyse et de négociation des offres initiales.

Les offres initiales ont été remises le 17 janvier 2020, après une demande de report d’un soumissionnaire (un délai de 8 semaines a été accordé). Ce décalage impliquait, avec le maintien de deux tours de négociation, un décalage de la procédure sur l’année 2021, une notification du contrat au deuxième trimestre 2021 et la signature d’un avenant au bail civil.

Conduite du premier tour de procédure négociée

Entre octobre et novembre 2019

17 janvier 2020 à la fin du mois de juillet 2020

En avril 2020, à la demande du cabinet de la ministre des armées, le calendrier a été revu avec un nouvel objectif de notification du contrat en fin d’année 2021. Les nouvelles offres des soumissionnaires ont été reçues le 6 avril 2021, en décalage d’environ 5 semaines par rapport au calendrier recalé, du fait de trois demandes de report des soumissionnaires.

Conduite du second tour de procédure négociée

Mai 2020

Sélection de l’opérateur pressenti

Au plus tard le 1er août 2020

5 octobre 2021

Signature du CEGeLog

Au plus tard le 1er octobre 2020

Début d’année 2022

Transfert de gestion

Du 1er octobre au 31 décembre 2020

De la notification du contrat au 31 décembre 2022

Entrée en gestion

1er janvier 2021

1er janvier 2023

Source : Réponse du SGA aux questions de la rapporteure spéciale.

Dans un communiqué mis en ligne le 5 octobre 2021, le ministère des Armées a annoncé que le groupement conduit par Eiffage SA et Arcade Vyv avait été désigné comme attributaire pressenti du CEGeLog.

Le calendrier a été remanié à plusieurs reprises en raison des facteurs suivants :

– les multiples demandes de report des soumissionnaires, eu égard à la complexité du projet, auxquelles le ministère a fait droit, afin de préserver un haut degré de concurrence tout au long de la procédure ;

– l’impact de la crise sanitaire et du confinement, qui a amené le ministère à allonger les délais de la procédure et des négociations ;

– la nécessité de rechercher l’ensemble des optimisations possibles sur les plans techniques et financiers, dans le cadre de ce projet complexe, en lien avec l’association au projet de la banque européenne d’investissement ; ces optimisations ont amené le ministère à modifier le DCE initial (n° 1) et à publier un DCE optimisé (n° 2) le 4 décembre 2020 ([6]).

5.   Un équilibre financier conçu pour permettre un investissement massif en début de contrat

La valeur totale estimée de la concession correspond au chiffre d’affaires (hors taxes) estimé du concessionnaire pendant la durée du contrat.

Ce chiffre d’affaires estimé est d’environ 6 milliards d’euros hors taxes sur la durée de la concession, ce qui correspond à un chiffre d’affaires annuel moyen de 168 millions d’euros.

Les revenus composant ce chiffre d’affaires seront les suivants :

● Les recettes perçues auprès des occupants des logements ;

 Les paiements effectués par le concédant ou toute autre autorité publique ou tout avantage financier octroyé par l’une de celles-ci au concessionnaire ;

● La valeur des concours publics octroyés par l’État ;

● Les recettes tirées d’activités accessoires.

Le ministère n’a pas détaillé pour la rapporteure spéciale l’équilibre financier précis du contrat ni donné la ventilation entre les quatre éléments cités ci-dessus, arguant du fait que la procédure de passation est toujours en cours. Pour la même raison, le coût prévisionnel des créations des nouveaux logements n’est pas connu de la rapporteure spéciale.

Il est toutefois établi que, pendant la période dite « des travaux initiaux », qui court jusqu’en 2029 et pendant laquelle sera réalisée la majorité des investissements, la création des nouveaux logements et les autres prestations d’investissement seront financées pour moitié par un préfinancement du concessionnaire et pour moitié par une subvention d’investissement du ministère des Armées pour la moitié restante.

Une fois cette période des travaux initiaux révolue, le concessionnaire verra ses préfinancements remboursés par les revenus locatifs issus de son exploitation et par une subvention du ministère lissée et versée sur la durée du contrat.

Au-delà de cette période des travaux initiaux, le gros entretien renouvellement, les travaux ponctuels de rénovation des logements issus des baux emphytéotiques arrivés à échéance ainsi que la remise en état du parc seront financés par une part des revenus locatifs.

À court terme, 43,7 millions d’euros de CP sont prévus dans le PLF 2022 au titre du CEGeLog, à raison de 40 millions d’euros pour le financement de la première annuité du contrat de concession et 3,7 millions d’euros pour couvrir les frais induits par sa gestion.

Les autorisations de programme nécessaires pour couvrir le contrat de concession restent à ouvrir, selon des modalités différentes selon la date de signature du contrat. Cela représenterait 2,7 milliards d’euros d’AE et 154,4 millions d’euros de CP.

Ils seront demandés via un amendement gouvernemental au cours de la discussion budgétaire du PLF 2022, afin de permettre la notification du contrat. Ces ressources se situeront sur l’action 04 du programme 212.

En ce qui concerne le coût effectif des nouveaux logements pour la collectivité, il convient de souligner les coûts de construction des nouveaux logements seront assujettis à la TVA. La société concessionnaire souscrira (ou le cas échéant fera souscrire par ses prestataires) toutes les polices d’assurance relatives aux logements. Il s’agit de facteurs de renchérissement du coût de la construction de ces logements.

C.   Un contrat qui suscite plusieurs MOTIFS DE VIGILANCE

1.   La situation géographique des nouveaux logements doit permettre la tranquillité et l’épanouissement des agents et de leur famille

À l’heure actuelle, certains logements mis à disposition des ressortissants du ministère des Armées se situent dans des zones qui ne permettent pas aux personnels du ministère, et en particulier aux militaires, de bénéficier d’un environnement suffisamment tranquille et sécurisé pour pouvoir s’épanouir, notamment d’un point de vue familial.

Afin d’atteindre ses objectifs d’amélioration de la condition militaire, le ministère ne peut se permettre que les logements créés dans le cadre du CEGeLog viennent s’inscrire dans ce type d’environnement.

De telles implantations auraient des effets néfastes tant sur les finances publiques que sur l’efficacité de l’action publique :

● Finances publiques : si des logements ne correspondaient pas aux attentes des militaires, ils resteraient dans une large proportion inoccupés, ce qui serait inefficient.

● Action publique :

       Ces logements ne permettraient pas d’offrir aux militaires une possibilité de logement sécurisante pour eux-mêmes et surtout pour leur famille, ce qui est l’objectif de ce service du ministère. Cela aurait donc pour effet une dégradation de la condition militaire et in fine de l’attractivité du métier militaires et de certains régiments autour desquels se regroupent ces logements.

       Si des militaires occupaient ces logements, leur préoccupation à l’égard de l’insécurité dont risquerait de souffrir leur famille pourrait les rendre moins concentrés sur l’accomplissement de leurs missions, voire plus réticents à partir, pénalisant l’efficacité opérationnelle de leur engagement en opération.

Dans ses réponses aux questions de madame la rapporteure spéciale, le SGA a indiqué n’avoir jamais procédé au rapprochement de son parc avec les zones ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville).

Proposition n° 5 : Soumettre pour avis les fonciers identifiés pour la construction des nouveaux logements domaniaux aux représentants des agents du ministère (Conseil supérieur de la fonction militaire, associations professionnelles nationales de militaire, syndicats) afin de s’assurer qu’ils répondent aux besoins des futurs locataires.

Si les fonciers identifiés par le ministère doivent bien évidemment être situés dans des zones propices à l’épanouissement des familles des agents du ministère, la rapporteure insiste sur l’attention qui devra être portée aux constructions et aux acquisitions proposées par le concessionnaire. En effet, celui-ci aura tout intérêt à proposer des créations là où le coût du foncier est le moins cher, ce qui ne correspond pas toujours aux zones les plus calmes, en particulier dans les zones tendues que sont les grandes agglomérations.

Le ministère a prévu un mécanisme permettant théoriquement d’éviter que les éventuelles créations de logements, hors fonciers mis à disposition, le soient dans de telles zones. En effet, chaque proposition d’acquisition de biens ou de fonciers par le concessionnaire sera soumise à l’accord du ministère des Armées, au regard d’un rapport d’analyse préalable établi par le concessionnaire, justifiant de la pertinence de la procédure et du montage retenu.

Le SGA assure de plus que les propositions d’acquisition et de création, hors fonciers du ministère, de logements dans le cadre du CEGeLog devront prendre en compte au premier chef les aspirations des ressortissants en matière de localisation des logements.

Si cela n’est pas déjà prévu, la rapporteure recommande que les représentants des personnels militaires et civils (CSFM, APNM, syndicats) puissent être consultés sur ces projets avant que le ministère ne rende sa décision.

Proposition n° 6 : Consulter les représentants des personnels du ministère sur les projets d’acquisition ou de construction de logements.

2.   Une structure financière complexe qui appelle à un suivi de l’exécution particulièrement resserré

La structure financière du CEGeLog apparaît encore pour le moment opaque (cf. supra). Par ailleurs, même si les éléments prévisionnels sont in fine connus, l’ampleur de ce contrat, sa durée, son fonctionnement basé en partie sur des préfinancements apportés par le concessionnaire semblent rendre extrêmement complexe l’exercice d’appréciation du juste équilibre entre prestations du concessionnaire et financements de celles-ci par le budget de la Nation. D’un point de vue des finances publiques, il est donc difficile d’estimer si l’efficacité de la dépense publique sera satisfaisante étant donné la multiplicité et l’intrication des prestations et des circuits de financement.

Cela rend d’autant plus crucial l’enjeu de la capacité du ministère à piloter l’exécution du CEGeLog de manière fine et ferme, afin de garantir que ce contrat au périmètre inédit va permettre d’atteindre pour un coût juste les objectifs poursuivis par le ministère pour son parc domanial.

Le choix d’une modalité de financement des investissements initiaux dans une large proportion par le concessionnaire a certes l’avantage de permettre une mobilisation plus rapides de sommes plus importantes. Il a cependant pour inconvénient presque certain d’accroître le coût de ces investissements, le coût de financement du concessionnaire étant très probablement plus élevé que celui de l’État. L’État devant en définitive rembourser ces investissements, il devra prendre en charge ce surcoût comparatif, ainsi que d’autres surcoûts annexes comme les polices d’assurance souscrites par le concessionnaire ou le paiement de la TVA sur les constructions.

3.   L’expertise interne pour suivre le contrat sera un défi majeur

Le CEGeLog, par sa durée, sa complexité, ses caractéristiques qui en font un contrat que n’aura jamais piloté auparavant le ministère, oblige ce dernier à disposer d’une forte expertise interne pour passer le contrat, mais cette phase est quasiment achevée et semble avoir été menée avec le plus grand sérieux.

L’enjeu réside donc maintenant dans la capacité du ministère à acquérir le niveau d’expertise à même de lui permettre de piloter efficacement le contrat et de s’assurer que les intérêts, en particulier financiers, de l’État seront bien respectés. Au sein de l’écheveau des responsabilités que devra endosser le concessionnaire, le risque serait que celui-ci puisse tirer une rentabilité excessive de son exploitation, ce qui se ferait fatalement au détriment du locataire ou du contribuable.

Si le ministère semble s’être mis en ordre de bataille avec le plan de recrutement et de formation et la comitologie prévue, il faudra que cet effort soit bien mené et soit maintenu sur l’ensemble de la durée du contrat.

4.   La transparence du CEGeLog devra être approfondie afin de chasser tout doute et de permettre le contrôle

Selon le SGA, « Le projet CEGeLog a par ailleurs été présenté au Conseil supérieur de la fonction militaire en novembre 2020, ainsi qu’au Comité des majors généraux des armées au début de l’année 2021. »

Il apparaît que le ministère a souhaité avancer vite et grâce à l’action d’une équipe restreinte. Si l’objectif de vélocité pour arriver à un contrat permettant d’espérer un investissement rapide et massif au cours des prochaines années est louable, il conviendra durant les 35 années du contrat que l’exécution puisse être la plus transparente possible. Cela sera nécessaire pour éviter que tout doute ne se forme au sein de la communauté militaire et pour permettre aux autorités de contrôle, notamment la représentation nationale, de juger du respect des intérêts de l’État et des ressortissants du ministère.

La gouvernance de cette chaîne se fera en partie sous la houlette des commissions locales du logement, des comités régionaux du logement et du comité national du logement. Lors de chacune des réunions de ces organes de coordination, un point sur l’exécution du contrat sera fait, et la présence du concessionnaire sera requise si besoin.

Les commissions locales sont présidées par les commandants de base de défense. Elles intègrent les principaux responsables d’unités et de formations. Cela assure une forme de représentation des usagers, selon le ministère. Le concessionnaire devra régulièrement y présenter son exécution et sa programmation.

5.   Des dispositifs de gestion libre et de cession de logements qui amoindrissent le volume des logements dédiés aux ressortissants du ministère

La gestion libre désigne un mode de gestion de logements dans le champ du contrat, restant propriété de l’État, mais que le concessionnaire peut gérer et louer librement.

Le projet CEGeLog prévoit une affectation en gestion libre d’environ 500 logements du parc existant et une quote-part de 20 % des logements neufs créés, dont la répartition sera à fixer avec le concessionnaire.

Les logements situés en enceinte militaire ne pourront être concernés par la gestion libre pour des raisons de sûreté.

Selon le ministère, ces logements en gestion libre doivent permettre de contribuer à l’équilibre économique de la concession tout en permettant à l’État d’en rester propriétaire. Il n’en reste pas moins que ces 500 logements ne feront pas partie de l’offre de logements à prix préférentiels destinés aux ressortissants du ministère.

En outre, le CEGeLog prévoit la possibilité de cession de biens dès lors que les parties conviendraient de considérer ces biens comme inutiles.

Le ministère a actuellement 904 logements en cours de cession. Certaines de ces cessions vont être interrompues afin que les logements concernés soient intégrés dans le périmètre du futur contrat de concession. Cela concerne 34 logements. 172 autres logements dont la cession sera interrompue seront laissés au concessionnaire en gestion libre. Cet avantage doit être vu comme une composante de l’équilibre financier du contrat.

Le ministère n’a pas d’objectifs de cession pour l’avenir, les logements non concernés par des procédures de cession en cours étant considérés comme répondant aux besoins des ressortissants du ministère.

Le nombre net de logements supplémentaires sera donc potentiellement moindre qu’espéré si cette possibilité est utilisée largement. Toutefois, l’aval du ministère sera nécessaire pour toute nouvelle opération de cession. Cette clause offre donc la faculté au ministère de gérer au mieux son parc.

En conclusion, après de nombreuses questions et travaux et après avoir constaté de réels progrès dans la juste prise en compte de l’enjeu du suivi de l’exécution, la plupart des points d’inquiétude de la rapporteure sont levés.

Toutefois, elle insiste fortement sur le changement d’approche qui doit maintenant s’opérer dans cette longue exécution de 35 années qui s’annonce. Les personnels du ministère et en particulier les militaires doivent être au cœur du dispositif car c’est in fine pour eux que toutes ces ressources et ces très complexes mécanismes sont déployés.


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  EXAMEN EN COMMISSION

 

Au cours de sa seconde réunion du mardi 19 octobre 2021 à 21 heures, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Défense.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera prochainement consultable en ligne.

Conformément à l’avis favorable de la rapporteure, la commission a adopté les crédits de la mission Défense sans modification.

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
par lA rapporteurE spécialE

Programme 178

État-major des armées

Général d’armée aérienne Éric Autellet, major général des Armées ; colonel Emmanuel Durville, chargé des relations avec le Parlement ; colonel Yann Bourion, chef du bureau synthèse et programme budgétaire ; Colonel Emmanuel Edmond, division plan programmes évaluation

État-major de l’armée de Terre :

Général d’armée Pierre Schill, chef d’État-major de l’armée de Terre ; Colonel Ronan Haicault de la Regontais, chef du bureau programmation finances‑budget ; Lieutenant-colonel Bertrand Dias, chargé des relations avec le Parlement ; Éva Catrin, adjointe du lieutenant-colonel Bertrand Dias

État-major de la Marine :

Vice–amiral d’escadre Stanislas Gourlez de la Motte, major général de la Marine ;

État-major de l’armée de l’Air et de l’Espace

Général de corps aérien Frédéric Parisot, major général de l’armée de l’Air et de l’Espace ; colonel Philippe Suhr, chef du bureau finances de l’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace ; lieutenant-colonel Laëtitia Deljarrit, assistant militaire du major général de l’armée de l’Air et de l’Espace

Général de division aérienne Michel Friedling, Commandant du commandement de l’espace ; Colonel Xavier Gallais, chef du bureau stratégie du commandement de l’espace

Service du commissariat des armées

Commissaire général hors classe Philippe Jacob, directeur central du service du commissariat des armées ; commissaire général de 2ème classe Éric Neumann, directeur du centre interarmées du soutien équipements commissariat


Programme 212

Secrétariat général pour l’administration

Mme Isabelle Saurat, conseillère maître à la Cour des comptes, secrétaire générale pour l’administration ; Colonel Hubert Serizier, chef de cabinet de la Secrétaire générale pour l’administration

M. Christophe Mauriet, inspecteur général de l’administration, directeur des affaires financières ; Mme Sylvie Penot, administratrice générale, cheffe du service synthèse et pilotage budgétaire

Haut Comité d’évaluation de la condition militaire

M. Francis Lamy, président ; contrôleur général des armées Frédéric Maigne, secrétaire général

Conseil supérieur de la fonction militaire

Contrôleur général des armées Olivier Schmit, secrétaire général ; infirmier en soins généraux Jean-Philippe Claus ; major Jean-Michel Colombo ; capitaine Christophe Hardoin ; sergent-chef Nicolas Piraux ; commissaire en chef de première classe Sammy Pontoparia ; adjudant Stéphane Sorlin ; caporal-chef de première classe Sandrine Tallas

Associations professionnelles nationales de militaires

Capitaine Lionel Hillaireau, président ; major Philippe Glimmois, président délégué de l’APNAIR

Premier-maître Mickaël Berben, co-président (officier-marinier) de l’APNM Marine

Ingénieur en chef de l’armement Olivier Robert, président de France armement ; ingénieur principal de l’armement Thomas Verchère

Commissaire de première classe Stéphane Nouailhas, président de l’APNM Commissariat

M. Jean–Sébastien Martinez de Castilla, président de l’association des professionnels de la Défense (Aprodef)

Syndicats

M. Gilles Goulm, secrétaire général de FO-Défense

M. Laurent Dutilleul, secrétaire général d’UNSA-Défense ; Mme Martine Hemled, secrétaire fédérale d’UNSA-Défense


   DÉPLACEMENTS

Participation à l’opération aérienne de dissuasion nucléaire Poker, depuis la base aérienne 125 d’Istres-Le Tubé

Visite du site de production de Montierchaume (Indre) de la société Marck&Balsan et rencontre avec M. Laurent Marck, directeur général de la société

 

 


([1]) Global Positioning System.

([2]) Radio Frequency Identification Device

([3]) Near Field Communication.

([4]) Le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM), l’Établissement de communication et de production audiovisuelle (ECPAD), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN).

([5]) Réponse du SGA au questionnaire de madame la rapporteure spéciale.

([6]) Réponses du SGA au questionnaire de madame la rapporteure spéciale.


[VB1]Bof. En PLF, les propositions, ce sont des amendements