N° 4524

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 3
 

 

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

 

 

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Jennifer DE TEMMERMAN

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES ANALYSES De la RAPPORTEURe SPÉCIALe

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. le Programme 354 administration territoriale de l’État affiche une relative stabilitÉ pour 2022

A. les crÉdits demandÉs témoignent d’une progression modeste

1. Après avoir connu d’importantes évolutions au cours des deux dernières années, le programme présente un périmètre enfin stabilisé

2. L’année 2022 s’annonce neutre en ce qui concerne l’évolution des emplois

3. L’administration territoriale connaîtra une hausse marquée d’engagement de dépenses immobilières pour les années à venir

B. la question de la dÉlivrance des titres demeure un point d’attention

1. La délivrance des documents d’identité des personnes et des véhicules repose sur des structures qui manquent de moyens

2. Après une amélioration temporaire du fait de la crise sanitaire, des retards importants persistent

3. La question de l’échange de permis de conduire étrangers est particulièrement sensible et dépasse le cadre de la loi de finances

C. l’instruction des demandes de titres de ressortissants Étrangers est en cours de dÉmatérialisation

1. Les problèmes posés par la prise de rendez-vous en ligne mettent en exergue le manque de moyens

2. La mise en place d’une administration numérique des étrangers en France ne doit pas priver d’interlocuteurs les demandeurs de titre

II. Le programme 232 Vie politique est marquÉ par la perspective des Élections prÉsidentielle et lÉgislatives

A. l’annÉe 2022 sera un temps fort pour la vie politique française

1. L’organisation des élections présidentielle et législatives explique la hausse importante des crédits demandés

2. Hors élections, le financement de la vie politique demeure stable

B. la mise sous pli et l’acheminement de la propagande Électorale sera un point de vigilance

1. Les élections départementales et régionales de juin 2021 ont connu des défaillances particulièrement graves concernant la diffusion des professions de foi

2. La mise sous pli sera désormais effectuée en régie par les préfectures tandis que l’acheminement fera l’objet d’un nouveau marché

III. le programme 216 conduite et pilotage des politiques de l’intÉrieur poursuit l’Évolution de son périmÈtre

A. une hausse de la demande de crÉdits tirÉe par des transferts entrants importants

1. La prévention de la délinquance et l’amélioration des fonctions « support » de l’administration centrale constituent les principaux chantiers pour 2022

2. Toutefois, les dépenses seront tirées par les politiques d’action sociale et les dépenses immobilières

B. la conduite et le pilotage des politiques de l’intÉrieur soulÈveNT quelques interrogations

1. Les grands projets informatiques connaissent des retards et des surcoûts importants

2. La rationalisation du périmètre du programme demeure inachevée

3. La pratique des mises à disposition sans contrepartie financière est à revoir

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 72,3 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.

 


—  1  —

   PRINCIPALES ANALYSES De la RAPPORTEURe SPÉCIALe

Une hausse de 227 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 194 millions d’euros en crédits de paiement (CP) est demandée, pour la mission Administration générale et territoriale de l’État, par le projet de loi de finances pour 2022. Au regard de ses 4,4 milliards d’euros de budget, en AE comme en CP, il s’agit d’une hausse modeste des crédits de la mission. Elle est toutefois comparable à celle des autres missions du budget général, hors Plan de relance et investissements d’avenir.

Le programme 354 Administration territoriale de l’État affiche une relative stabilité pour l’année 2022 avec 2,4 milliards d’euros en CP. Celle-ci sera d’ailleurs une année neutre en ce qui concerne l’évolution des emplois, précision importante puisque les dépenses de personnel des préfectures représentent 43 % du total des CP de la mission. Si la rapporteure se réjouit qu’aucune diminution ne soit prévue, elle demeure inquiète du sous-effectif des centres d’expertise et de ressources des titres (CERT) ainsi que des services chargés d’instruire les demandes des ressortissants étrangers (droit au séjour, asile, naturalisation…).

Le programme 232 Vie politique, avec 490 millions d’euros en CP (+ 12 % de crédits), sera marqué par la perspective des élections présidentielle et législatives en avril et juin. La diffusion de la propagande électorale, à la suite des défaillances graves constatées lors du double scrutin local de juin 2021, constituera un point d’attention particulier pour la rapporteure.

Le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, avec 1,5 milliard d’euros, verra l’évolution de son périmètre budgétaire se poursuivre avec, notamment, les effets de transferts importants visant à harmoniser sa politique d’action sociale à destination des agents. La rapporteure s’inquiète des retards et surcoûts que subissent les grands projets informatiques portés par ce programme.

À la suite de ses travaux de contrôle lors du Printemps de l’évaluation et à la lecture du projet de loi de finances, la rapporteure entend défendre un amendement visant à renforcer de manière pérenne les moyens humains de l’administration territoriale.

Soucieuse que la dématérialisation des démarches administratives, bien que constituant une avancée bienvenue, n’éloigne pas l’usager du service public, elle accorde un point d’attention particulière au déploiement des espaces France Services, objet d’un amendement de demande de rapport au Gouvernement.

 

DONNÉES CLÉS

Évolution en crÉdits de paiement des programmes
de la mission de 2020 à 2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des projets de loi de finances et de règlement.

Principales actions en hausse en crÉdits de paiement

(en millions d’euros supplémentaires par rapport à la LFI 2021)

Source : commission des finances à partir du projet annuel de performances.

 

   INTRODUCTION

La mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) regroupe une part essentielle des fonctions qu’occupe le ministère de l’intérieur. Au travers de son programme 354 Administration territoriale de l’État – qui porte plus de la moitié de ses crédits – elle donne aux préfectures les moyens de fonctionner. De même, la mission assure les fonctions « support » d’une grande partie de l’administration centrale du ministère par le biais du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur (un tiers des crédits). Enfin, c’est elle encore qui permet le financement de la vie démocratique en supportant les frais nécessaires à l’organisation des élections grâce au programme 232 Vie politique.

L’importance de ce dernier programme sera particulièrement mise en exergue en 2022 du fait de la tenue des élections présidentielle en avril et législatives en juin. Suite aux graves défaillances qui ont marqué la diffusion de la propagande électorale lors du double scrutin local – régional et départemental – de juin 2021, la question des modalités de mise sous pli et d’acheminement des professions de foi des candidats ainsi que celle de leurs conséquences budgétaires seront particulièrement d’actualité.

Quant à l’administration déconcentrée, elle verra l’essentiel de la réforme de l’organisation territoriale de l’État appliquée en année pleine. Toutefois, c’est au regard de ses relations quotidiennes avec les citoyens que la gestion budgétaire sera analysée. Si le mouvement de dématérialisation qui traverse l’ensemble des services de l’État est une avancée positive, celui-ci ne doit pas pour autant être le vecteur d’un éloignement des usagers du service public. La rapporteure y est particulièrement sensible.

Le projet de loi de finances pour 2022 demande, pour la mission, 4,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Ce montant constitue une hausse d’environ 5 %, soit une augmentation comparable à celles des autres missions du budget général, hors Plan de relance, investissements d’avenir et celles retraçant des dépenses non pilotables. Bien qu’il soit difficile d’effectuer une comparaison de long terme du budget de la mission, en raison des changements de maquette et de l’évolution des périmètres de deux de ses programmes depuis 2020, cette augmentation modérée des crédits garantit une certaine stabilité, y compris au niveau des emplois de l’administration territoriale dont les dépenses de personnel constituent 43 % des crédits de paiement de la totalité de la mission.

Pour les raisons évoquées plus haut, l’organisation des élections explique un peu moins d’un tiers de cette hausse. La hausse des dépenses immobilières – notamment les budgets de fonctionnement des bâtiments de l’administration centrale et déconcentrée – constitue un autre facteur d’augmentation.

crÉdits demandÉs pour les programmes de la mission

(en millions d’euros)

Programme

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2021

PLF 2022

Variation

LFI 2021

PLF 2022

Variation

354 Administration territoriale de l’État

2 364

2 466

+ 4,3 %

2 362

2 414

+ 2,2 %

232 Vie politique

437

493

+ 12,9 %

436

490

+ 12,5 %

216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

1 384

1 453

+ 5 %

1 405

1 489

+ 6 %

Total programme 354

4 185

4 412

+ 5,4 %

4 203

4 394

+ 4,5 %

Source : projet de loi de finances pour 2022.

 


I.   le Programme 354 administration territoriale de l’État affiche une relative stabilitÉ pour 2022

Ce programme concentre un peu plus de la moitié de l’ensemble des crédits demandés pour la mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE). Plus des trois quarts d’entre eux relèvent de dépenses de personnel (dites de « titre 2 » au sens de la LOLF ([1])).

Depuis le 1er janvier 2020, il regroupe l’ensemble des dépenses de fonctionnement et de personnel du réseau des préfectures et des sous-préfectures sur tout le territoire national. Il est issu de la fusion des anciens programmes 307 Administration territoriale de la mission AGTE et 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrées de la mission Direction de l’action du Gouvernement.

crÉdits demandÉs pour les actions du programme 354

(en millions d’euros)

Action

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2021

PLF 2022

Variation

LFI 2021

PLF 2022

Variation

01 Coordination de la sécurité des personnes et des biens

162

164

+ 1,7 %

162

164

+ 1,7 %

02 Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres

558

567

+ 1,7 %

558

567

+ 1,7 %

03 Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

121

123

+ 1,1 %

121

123

+ 1,1 %

04 Pilotage territorial des politiques gouvernementales

584

604

+ 3,5 %

584

604

+ 3,5 %

05 Fonctionnement courant de l’administration territoriale

639

659

+ 3,2 %

637

652

+ 2,4 %

06 Dépenses immobilières de l’administration territoriale

300

348

+ 16 %

301

304

+ 1 %

Total programme 354

2 364

2 466

+ 4,3 %

2 362

2 414

+ 2,2 %

Source : projet annuel de performances

En comparaison des autres programmes ainsi que de l’ensemble de la mission, les crédits demandés augmentent peu et sont principalement tirés par la hausse annoncée des dépenses immobilières. Deux points importants retiennent néanmoins l’attention de la rapporteure : les délais de délivrance des titres ainsi que les difficultés d’accès des ressortissants étrangers aux services des préfectures.

A.   les crÉdits demandÉs témoignent d’une progression modeste

Les crédits de paiement (CP) demandés pour 2022 sont en augmentation de 2,7 % par rapport au budget de l’année 2021, en tenant compte de la première loi de finances rectificative (LFR) ([2]), et de 2,2 %, par rapport à la seule loi de finances initiale (LFI) ([3]). Les autorisations d’engagement (AE) devraient, quant à elles, progresser de 4,3 % par rapport à la LFI et de 4,8 % en comptant la LFR.

Les transferts importants de crédits induits par la refonte de la maquette budgétaire qui caractérisaient les deux derniers exercices budgétaires semblent marquer le pas, ce qui offre une vision relativement stable des dépenses portées par le programme. Quant aux effets de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), ils peuvent désormais être observés en année pleine, notamment en ce qui concerne les schémas d’emploi. Cette stabilité relative des crédits pour 2022 dissimule mal un dynamisme important des projets d’engagement de dépenses en matière immobilière.

1.   Après avoir connu d’importantes évolutions au cours des deux dernières années, le programme présente un périmètre enfin stabilisé

En application de la circulaire du Premier ministre du 12 juin 2019 ([4]), une réforme de l’OTE a été mise en œuvre à compter du 1er janvier 2021. Du fait de ses objectifs (cf. ci-dessous), elle a un impact significatif sur la gestion du programme 354, « cadre budgétaire unique pour l’État territorial » ([5]).

Les objectifs de la réforme de l’OTE :

– désenchevêtrer les compétences de l’État avec les collectivités territoriales, les opérateurs et les acteurs hors de la sphère publique ;

– réorganiser le réseau déconcentré de l’État pour mieux répondre aux priorités du Gouvernement ;

– gagner en efficience en rationalisant les moyens et en favorisant les coopérations interdépartementales ;

– conférer aux responsables déconcentrés, et notamment aux responsables départementaux, des pouvoirs de gestion accrus et garantir la cohérence de l’action de l’État au profit des territoires.

Source : circulaire du 12 juin 2019

 

En 2021, la réforme de l’OTE a notamment permis :

– à compter du 1er janvier, la création des secrétariats généraux communs (SGC) départementaux afin de mutualiser les fonctions « supports » des préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI) ([6]) ;

– à compter du 1er avril, le rattachement aux préfectures des plateformes « main-d’œuvre étrangère » (PFMOE), chargées de recueillir les demandes d’autorisation de travail pour recruter un salarié étranger, qui relevaient jusqu’alors des anciennes DIRECCTE ([7]) et donc du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion.

En 2022, l’ensemble des transferts consécutifs à ces deux nouvelles structures entreront en année pleine, auxquels s’ajouteront, seulement en Île‑de‑France, des transferts d’emplois du fait de l’élargissement du périmètre de compétence du secrétariat général aux moyens mutualisés (SGAMM) ([8]).

Si la mise en place des SGC départementaux reposait sur « une ingénierie budgétaire conséquente » ([9]) aboutissant au transfert de 152 millions d’euros de crédits et de 2 456 emplois issus de sept programmes différents au cours de deux exercices budgétaires, l’année 2022 verra le solde des mouvements de crédits chuter à – 5,4 millions d’euros de CP, soit l’équivalent d’à peine 0,2 % du budget du programme.

transferts de crÉdits de paiement prÉvus en loi de finances depuis 2020

(en millions d’euros)

 

PLF 2020

PLF 2021

PLF 2022

Transferts entrants

126,5

70,7

5,04

Transferts sortants

8,9

16,1

10,4

Solde des transferts

+ 117,6

+ 54,6

– 5,4

Part des transferts dans le programme 354

5 %

2,3 %

0,2 %

Source : projets annuels de performances de 2020 à 2022.

La rapporteure observe que l’effort de mutualisation, porté notamment par la création des SGC, continuera d’impliquer des investissements conséquents en matière de dépenses immobilières ou informatiques, le seul rassemblement des agents et de leurs moyens ne saurait automatiquement apporter des gains d’efficience à court terme.

Cette dynamique trouve son prolongement dans le déploiement progressif des espaces « France Services » dans les sous‑préfectures. Ils sont censés permettre l’accompagnement des usagers qui ne disposent pas ou maîtrisent mal les techniques de communication numérique dans la réalisation de leurs démarches administratives en ligne. Selon la rapporteure, la nécessité de mettre en place ces points de contact témoigne des limites de la dématérialisation des relations entre l’administration et les citoyens.

Les espaces France Services

Annoncés par le Président de la République en avril 2019, les espaces France Services ont commencé à être déployés le 1er janvier 2020. Cette mise en place devrait prendre fin en 2022.

Ces structures ont pour but de renforcer l’offre de services publics au niveau des territoires, l’objectif affiché étant que chaque citoyen dispose d’un espace à moins de trente minutes de déplacement de son domicile.

Les espaces France Services doivent accompagner les usagers dans leurs démarches administratives, notamment numériques, auprès d’administrations publiques, d’organismes de Sécurité sociale ou de Pôle Emploi. Ils reposent généralement sur une labellisation d’espaces d’accueil des usagers préexistants, dont les sous-préfectures.

Environ 2 500 structures sont financées par le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire de la mission Cohésion des territoires à hauteur de 36 millions d’euros.

Les sous-préfectures devraient, quant à elles, accueillir une centaine de ces espaces d’ici 2022. Ce déploiement participe à l’objectif d’amélioration de l’efficience de l’administration territoriale portée par le programme.

Face à l’enjeu que représente cette nouvelle offre de service public, la rapporteure a souhaité demander au Gouvernement un rapport sur l’implication des crédits du programme et, plus particulièrement, sur la mobilisation de ses agents (amendement n° IICF1045).

2.   L’année 2022 s’annonce neutre en ce qui concerne l’évolution des emplois

Le projet de loi de finances propose de porter le plafond d’emplois du programme 354 de 29 120 ETPT ([10]) à 29 781,5 ETPT, soit une augmentation de 2,3 %. En prenant en compte les mesures de transfert et les corrections techniques, l’impact du schéma d’emploi ne serait finalement que de 0,8 % (+ 232 ETPT) par rapport à la LFI pour 2021. Cet écart résulte du recensement de l’accueil de 400 apprentis supplémentaires au titre de l’année scolaire 2021‑2022, accueil s’inscrivant dans le cadre du plan « 10 000 jeunes » du ministère de l’intérieur.

 

Quant aux 232 ETPT supplémentaires prévus pour 2022, il s’agit, en totalité, de l’extension en année pleine du schéma d’emploi décidé pour 2021. Pour 2022, le solde des entrées et des sorties est neutre. La rapporteure constate donc une stabilité des effectifs rémunérés par les crédits du programme 354.

Ce constat semble confirmer l’engagement n° 1, pris par le sixième comité interministériel de la transformation publique (CITP) le 23 juillet 2021, mettant fin « à la baisse systématique des effectifs des services départementaux de l’administration territoriale de l’État ».

RÉpartition du plafond d’emplois par action

(en ETPT)

Action

PLF 2021

PLF 2022

Variation

01 Coordination de la sécurité des personnes et des biens

2 899

2 951

+ 1,79 %

02 Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres

9 276

9 432,5

+ 1,69 %

03 Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

2 024

2 063

+ 1,93 %

04 Pilotage territorial des politiques gouvernementales

7 677

7 885

+ 2,71 %

05 Fonctionnement courant de l’administration territoriale

7 244

7 450

+ 2,84 %

06 Dépenses immobilières de l’administration territoriale

0

0

-

Total programme 354

29 120

29 781,5

+ 2,27 %

Source : projet annuel de performances.

L’action 04 Pilotage territorial des politiques gouvernementales – qui supporte l’ensemble des emplois des hauts fonctionnaires ([11]) – et l’action 05 Fonctionnement courant de l’administration territoriale – principalement les SGC départementaux – sont celles qui bénéficient du renfort le plus important. La rapporteure déplore que l’augmentation du plafond des emplois dédiés aux services en charge de l’accueil des personnes étrangères et ceux instruisant les demandes de titres d’identité ne soient que de 1,7 %.

Si le plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) – véritable matrice des schémas d’emploi du programme 354 depuis 2017 (cf. infra) – a pris fin en décembre 2020, un document-cadre « missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » (MPP22) est en cours d’élaboration afin de « reposer le cadre dans lequel les préfectures et sous-préfectures doivent agir et mettre à jour les priorités d’action » ([12]).

La rapporteure estime que la notion même de « priorité » compromet d’emblée cette nouvelle démarche car elle sous-entend, dès lors, qu’il existerait des missions non prioritaires, susceptibles de faire l’objet d’une réduction de moyens et d’effectifs.

Alors que les missions historiques des préfectures connaissent une activité croissante, notamment en ce qui concerne l’application de la réglementation et de l’instruction des titres pour les citoyens ou les ressortissants étrangers, la sécurité et la gestion de crise ou encore le conseil et le contrôle de légalité ([13]), la rapporteure appelle à sortir d’une appréciation budgétaire des missions dévolues aux administrations déconcentrées.

3.   L’administration territoriale connaîtra une hausse marquée d’engagement de dépenses immobilières pour les années à venir

Pour 2022, il est demandé une hausse de 48 millions d’euros en AE (+ 16 %), par rapport à la LFI pour 2021, des crédits de l’action 06 Dépenses immobilières de l’administration territoriale, ce qui constitue la plus forte augmentation du programme 354.

Ces projets d’engagement de dépenses relèvent, pour l’essentiel, des frais dits « de l’occupant », c’est-à-dire de l’ensemble des charges qui relèvent de l’entretien courant, des loyers, de l’eau, de l’électricité ainsi que du nettoyage et du gardiennage.

Le renouvellement de plusieurs marchés publics pluriannuels explique la hausse d’AE demandée pour 2022, à hauteur de 45 millions d’euros. Ces contrats concernent principalement les fluides et les énergies (73 % de l’augmentation) – dans un contexte marqué par une flambée des prix du gaz et de l’électricité – ainsi que la prestation de services de maintenance pour le parc immobilier des préfectures.

À noter que les dépenses immobilières représentent déjà 88 % des restes à payer estimés d’ici le 31 décembre 2021 ([14]), constitués du paiement des loyers aux deux tiers.

La rapporteure observe que la hausse du budget immobilier du programme 354 ne traduit pas une augmentation de l’investissement visant à améliorer les modalités d’accueil des usagers et les conditions de travail des agents.

La rénovation des bâtiments qui relèvent du périmètre du programme (préfectures, sous-préfectures, DDI) est, en réalité, supportée par d’autres budgets comme le Plan de relance ou encore le programme 348 Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants (mission Transformation et fonction publiques).

La contribution du Plan de relance à la rénovation immobilière

Dans le cadre du Plan de relance, un appel à projets pour la rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État a été lancé en septembre 2020. En trois mois, plus de 4 000 dossiers ont été retenus pour bénéficier d’un financement à hauteur de 2,7 milliards d’euros.

Concernant le périmètre du programme 354, ce sont 529 projets qui ont été sélectionnés pour un montant global de 437 millions d’euros, soit un coût moyen de 826 000 euros par opération de rénovation.

Les marchés consécutifs devront être notifiés avant le 31 décembre 2021 pour une livraison des chantiers prévue pour 2023 au plus tard.

Malgré les réflexions que pourrait entamer le développement du télétravail à la suite de la crise sanitaire sur l’organisation spatiale du travail des agents, la rapporteure note de timides progrès dans l’évolution des indicateurs de performance liés à l’utilisation des bâtiments.

Optimisation de l’occupation de l’immobilier de bureau

Indicateur

2019

2020

2021 (prévision)

2021 (révision)

2022 (prévision)

2023
(cible)

Surface utile nette (SUN) par ETPT

21,51 m²

21,26 m²

21,90 m²

21,81 m²

21,59 m²

20,27 m²

Coût de l’entretien courant par rapport au SUN

15,77 €

15,55 €

18,67 €

18,26 €

18,45 €

18,67 €

Source : projet annuel de performances.

Taux de sites en multi-occupation

(en pourcentage)

2019

2020

2021 (prévision)

2021 (révision)

2022 (prévision)

2023

(cible)

38

38

41

39

41

43

Source : projet annuel de performances.

B.    la question de la dÉlivrance des titres demeure un point d’attention

Lors du Printemps de l’évaluation 2021, la rapporteure avait consacré ses travaux de contrôle aux moyens des centres d’expertise et de ressources des titres (CERT) ([15]). Elle avait estimé que ces structures, chargées d’instruire les demandes de document d’identité et d’immatriculation, ne disposaient pas des moyens pérennes pour assurer leurs missions.

La dégradation des indicateurs de performance liée à la délivrance de ces titres confirme la persistance d’un manque de ressources et ce dans un contexte de rattrapage des demandes post-crise sanitaire.

1.   La délivrance des documents d’identité des personnes et des véhicules repose sur des structures qui manquent de moyens

Les CERT ont été créés au cours de l’année 2017 afin de remplacer les anciens services « titres » des préfectures dans le cadre du PPNG et dans un contexte de dématérialisation des procédures.

Le plan « préfectures nouvelle génération » (2017-2020)

Le PPNG avait été mis en place afin de recentrer le travail des préfectures autour de quatre missions jugées prioritaires :

– la lutte contre la fraude ;

– la sécurité et la gestion de crise ;

– le contrôle de légalité et l’expertise juridique ;

– la coordination territoriale des politiques publiques.

En matière de schéma d’emplois, le PPNG devait se traduire par l’affectation aux CERT de 1 500 des 4 000 ETPT chargés de l’instruction des demandes de titres en 2016 ainsi que par un « repyramidage » de la filière administrative (augmentation des agents des catégories A et B et diminution des agents de catégorie C), objectifs ayant imparfaitement été atteints.

Il a pris fin en décembre 2020 tandis que la démarche « missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » constitue la nouvelle feuille de route – quoiqu’en cours d’élaboration – de l’administration territoriale de l’État (cf. supra).

Une soixantaine de CERT sont chargés d’instruire les demandes de carte nationale d’identité (CNI), de passeport, de permis de conduire et de certificat d’immatriculation des véhicules (CIV). Deux CERT sont respectivement chargés, à Nantes et à Cherbourg, de l’échange de permis de conduire étrangers et de la délivrance de permis internationaux.

Les CERT s’insèrent dans une « chaîne de production » qui diffère selon le titre en question. Pour les CNI et les passeports, ils instruisent les demandes après réception de celles-ci en mairie et avant transmission à l’Imprimerie nationale, supervisée par l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Pour les permis de conduire et les CIV, les CERT compétents interviennent après réception de la demande en ligne par l’ANTS.

L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

L’ANTS est un établissement public administratif et constitue un opérateur pour le programme 354. Elle répond « aux besoins des administrations de l’État de conception, de gestion, de production de titres sécurisés et des transmissions de données qui leur sont associées » ([16]).

Ses ressources sont exclusivement constituées de taxes affectées (206 millions d’euros prévus en 2022) dont 32 millions transitent par une attribution de produits (AdP) au programme 354 et lui sont reversés. Elle peut rémunérer 140 ETPT sous plafond.

Dès leur mise en place, les CERT ont connu un certain nombre de dysfonctionnements dont témoignait un allongement des délais de délivrance des titres. Ces problèmes étaient particulièrement importants pour l’instruction des demandes de CIV que la Cour des comptes avait qualifiée de « défaillante » ([17]) ainsi que pour les échanges de permis de conduire étranger.

La rapporteure estimait que ces dysfonctionnements trouvaient leur origine dans la conception du PPNG, dont l’application s’est avérée insoutenable en matière de ressources humaines pour ces nouvelles structures.

C’est pourquoi il a été fait recours au renfort d’agents non titulaires recrutés sur des contrats courts. Ces contractuels représentaient encore 30 % des effectifs des CERT chargés des CIV en 2020.

2.   Après une amélioration temporaire du fait de la crise sanitaire, des retards importants persistent

En raison de la crise sanitaire consécutive à la pandémie de Covid-19, une baisse du nombre de demande de délivrance de titres avait été observée en 2020 du fait de la restriction des voyages à l’étranger, de la suspension temporaire des examens du permis de conduire et du ralentissement de l’activité des auto-écoles. Cette réduction du nombre de dossiers à traiter par les CERT avait permis à ces derniers de résorber leurs stocks en attente et de rattraper leur retard.

Après cette année d’amélioration relative, force est de constater qu’une nouvelle dégradation du délai moyen d’instruction est attendue pour 2021 et 2022.

DÉlais moyens d’instruction des titres en cert

(en nombre de jours)

Délai moyen

2020

2021 (prévision)

2021

(révision)

2022 (prévision)

2023

(cible)

Passeports

5,7

12

12

12

9

CNI

7,5

15

15

15

10

Permis de conduire

6,5

8

16

8

8

Source : projet annuel de performances.

Par rapport à 2020, l’indicateur de performance témoigne d’un doublement du nombre de jours d’examen des dossiers par les CERT en 2021 et en 2022. Pour cette dernière année, seuls les permis de conduire devraient connaître un délai moyen proche de la cible. À noter que l’indicateur ne mentionne que le temps d’instruction en CERT et non la totalité du processus depuis le dépôt de la demande par l’usager jusqu’à la réception de son document.

La rapporteure rappelle que ce constat ne saurait seulement résulter d’un « effet de rattrapage » postérieur à la crise sanitaire mais témoigne de problèmes structurels liés aux moyens dévolus à ces centres.

L’action 02 Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres est d’ailleurs celle qui bénéficie de la plus petite hausse du plafond d’emplois au sein du programme 354 (+ 1,7 % contre 2,3 % pour l’ensemble). De plus, seulement 29 % des ETPT portés par cette action relèvent des CERT, le reste correspond aux services « étrangers » ([18]).

effectifs des cert en annÉes pleines

(en ETPT)

Catégorie de CERT

2018

2019

2020

CNI et passeports

571

583

579

permis de conduire

743

710

696

CIV

380

383

396

Total

1 694

1 676

1 671

Source : réponses au questionnaire.

Le secrétariat général du ministère de l’intérieur précise que la dégradation de l’indicateur pour les permis de conduire en 2021 est la conséquence d’un « incident informatique majeur au début du deuxième trimestre conjugué à une instabilité particulière des outils informatiques de traitement depuis lors » ([19]). Celui‑ci s’ajoute aux contraintes sur les effectifs observés.

Dans son rapport publié à l’issue du Printemps de l’évaluation, la rapporteure dénonçait déjà l’inadaptation des outils informatiques pour les CERT chargés des CIV et de l’échange de permis.

Ses critiques faisaient écho à celles formulées par la Cour des comptes au sujet des grands projets informatiques, qui avaient accompagné la mise en place des centres CIV, dont elle jugeait les difficultés « extrêmes » en déplorant la « maturité inégale » des acteurs chargés du développement de cet outil.

Dans ce contexte, la rapporteure ne peut appeler qu’à la plus grande vigilance vis-à-vis de la refonte – bienvenue mais sensible – du système d’immatriculation des véhicules (SIV) qui fait partie des principaux projets à mener par l’ANTS au cours des prochaines années ([20]).

Si la mise en œuvre de la nouvelle CNI électronique (CNIe), conforme au renforcement de la réglementation de l’Union européenne (UE) en matière de sécurité ([21]), pouvait être source d’inquiétude au regard des difficultés des CERT, il s’avère que le déploiement s’effectue dans de bonnes conditions depuis son expérimentation dans trois départements en mars 2021 avant sa généralisation le 2 août dernier. Début septembre, plus d’un million de CNIe avaient été délivrées.

En conséquence, la rapporteure a déposé un amendement n° IICF929 visant à transférer 15 millions d’euros de dépenses de titre 2 du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, notamment depuis son action 01 État-major et services centraux, vers l’action 02 du programme 354.

3.   La question de l’échange de permis de conduire étrangers est particulièrement sensible et dépasse le cadre de la loi de finances

En application des articles R. 222-2 et R. 222-3 du Code de la route, le permis de conduire étranger d’un résident peut être échangé, sans repasser d’examen probatoire, contre un permis français :

– automatiquement, pour un permis délivré par un État membre de l’UE ou de l’Espace économique européen (EEE) ;

– sous réserve de la conclusion d’un accord bilatéral, pour les permis délivrés par un autre État.

Le CERT de Nantes est chargé d’instruire plus de 100 000 demandes d’échange de permis étrangers par an. Le délai moyen est inférieur à cinq mois pour un permis européen et supérieur à six mois pour un permis extra-européen. Un quart de ses effectifs est composé de contractuels (17 sur 65 agents) au 1er octobre 2021 ([22]).

 

Ce centre utilise le même outil informatique – « portail guichet agent » (PGA) – que les CERT chargés des permis de conduire nationaux. Cette application a montré de sérieuses limites pour son volet consacré à l’échange nécessitant des versions modificatives manquant de souplesse, voire des astuces de contournement chronophages.

En 2021, la Chine et le Qatar sont devenus deux nouveaux pays éligibles à l’échange de permis ([23]). Si la conversion des permis qataris n’est pas encore entrée en application, celle des permis chinois a entraîné une hausse soudaine de plusieurs centaines de dossiers simultanés dès le premier jour, puis une soixantaine par semaine.

Au cours de ses travaux, la rapporteure a pu constater le manque criant de visibilité du CERT de Nantes quant à la négociation et l’entrée en application de nouvelles conventions internationales relatives aux échanges de permis.

Concernant la politique d’échange de permis de conduire, la rapporteure s’inquiète du manque d’anticipation des répercussions des accords conclus avec des pays tiers. Elle appelle à une remise à plat des modalités d’échange, particulièrement complexes en raison de l’application concomitante des dispositions du Code de la route et du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

C.   l’instruction des demandes de titres de ressortissants Étrangers est en cours de dÉmatérialisation

Les services dits « étrangers » des préfectures constituent l’autre versant de l’action 02 Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres dont ils représentent 71 % des ETPT ([24]). Le ministère de l’intérieur n’est toutefois pas en mesure de répartir avec exactitude les dépenses de personnel entre ces services et les CERT en raison des limites de l’outil de comptabilité analytique.

La dématérialisation en cours des démarches administratives réalisées par les personnes étrangères a attiré l’attention de la rapporteure. Elle a souhaité s’assurer des conséquences de ce processus pour les usagers du service public comme pour les agents des préfectures.

Hors tourisme et déplacements temporaires, les personnes de nationalité étrangère peuvent être conduites à réaliser plusieurs types de démarches administratives en France : demande de titres de séjour, d’asile ou de naturalisation française.

Ces formalités ont fait l’objet de deux processus successifs visant à leur dématérialisation : l’un visant à permettre la prise de rendez-vous en ligne, l’autre permettant le dépôt des demandes en ligne.

1.   Les problèmes posés par la prise de rendez-vous en ligne mettent en exergue le manque de moyens

La prise de rendez-vous en ligne a pour but évident et avoué de supprimer les longues files d’attente devant les services des préfectures. La rapporteure estime qu’elle s’inscrit dans la même logique que la suppression des services « titres », remplacés par les CERT. Toutefois, elle ne constitue pas, au sens strict, une dématérialisation dans la mesure où aucun dossier n’est transmis de manière électronique et que la prise de rendez-vous n’implique pas la création d’un compte par l’usager pour interagir avec l’administration.

La Défenseure des droits a constaté que la majorité des préfectures proposent une plateforme de réservation de créneau pour un passage en guichet mais que son périmètre (titre concerné) varie d’un département à un autre, sans qu’elle soit nécessairement régie par un arrêté préfectoral ([25]).

Si les associations, auditionnées par la rapporteure, qui aident les personnes étrangères dans leurs démarches perçoivent la possibilité de prendre rendez-vous en ligne comme une évolution positive en elle-même, elles dénoncent l’absence d’alternative qu’imposent les préfectures. D’après elles, ce système ne fait que rendre virtuelle la file d’attente des demandeurs de titres de séjour ou d’asile.

D’après le ministère de l’intérieur, des recours concernant une vingtaine de préfectures ont été depuis introduits. En février 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du préfet de Seine‑Maritime qui avait rendu l’utilisation d’une plateforme obligatoire. Quant au Conseil d’État, à l’occasion d’une demande visant à annuler le décret autorisant ces téléservices ([26]), il a rappelé que « les difficultés rencontrées par les ressortissants étrangers pour prendre rendez-vous par voie électronique dans les préfectures trouvent leur origine dans les décisions rendant obligatoires de telles prises de rendez-vous » ([27]) et a, ainsi, rejeté le recours au motif que le décret attaqué ne l’imposait pas.


—  1  —

Le ministère de l’intérieur rappelle que les plateformes mises en place ne consistent qu’en « une simple réservation d’un créneau sur un agenda mis en ligne par chaque préfecture, qui détermine le nombre de créneaux qu’elle peut proposer en fonction de ses ressources humaines » ([28]). Ainsi, la rapporteure considère que l’impossibilité de prendre rendez-vous subie par un grand nombre d’usagers découle in fine d’un manque d’effectifs de l’administration territoriale, ce qui justifie également le transfert de crédits demandé par l’amendement n° IICF929 (cf. supra).

C’est également le constat qu’ont dressé les députés Jean-Noël Barrot et Stella Dupont, rapporteurs spéciaux de la mission Immigration, asile et intégration, à l’issue de leurs travaux de contrôle et d’évaluation au printemps 2021 ([29]). Toutefois, la rapporteure ne partage pas la recommandation de ses deux collègues visant à « engager un plan exceptionnel de recrutement de 250 contractuels » car elle estime que les besoins sont pérennes.

L’insuffisance des plages horaires a des conséquences graves pour la garantie des droits au séjour et à l’asile des personnes étrangères. C’est particulièrement le cas des étrangers en situation irrégulière souhaitant déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour (AES) ([30]).

Cette situation provoque une véritable inflation de contentieux devant les juridictions administratives. En dix ans, leur volume a doublé quand celui de l’ensemble des recours n’augmentait que d’un tiers ([31]) faisant, de manière générale, du contentieux des étrangers la première catégorie d’affaires portée devant les juridictions administratives. La rapporteure note d’ailleurs une nette dégradation de l’indicateur de performance fournissant le coût moyen du litige au contentieux des étrangers pour le contribuable de 394 euros en 2017 à 498 euros en 2020 alors que la cible demeure à 360 euros ([32]).


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2.   La mise en place d’une administration numérique des étrangers en France ne doit pas priver d’interlocuteurs les demandeurs de titre

Le déploiement progressif de l’administration numérique des étrangers en France (ANEF) ([33]) se veut comme une solution face à ces difficultés de prise de rendez-vous, dans la mesure où elle entend permettre le dépôt de la demande elle-même en ligne. L’ANEF doit marquer l’aboutissement de ce processus de dématérialisation mais aussi de simplification.

prÉsentation de la mise en place progressive de l’ANEF

 

Source : réponses au questionnaire.

Le portail de l’ANEF ([34]) est accessible tous les jours de la semaine et à toute heure. Il permet en principe de réduire le nombre de passages nécessaires en guichet. Celui-ci s’établit actuellement à 3,7 pour la délivrance d’un titre ([35]). Le ministère de l’intérieur ambitionne de le ramener à 2 pour une demande initiale et à 1 pour un renouvellement.

Au cours des auditions menées par la rapporteure, plusieurs organisations syndicales se sont inquiétées des répercussions de ce projet informatique sur les effectifs des services « étrangers ». Le syndicat FO Préfectures parle de « véritable PPNG 2 » par allusion au sort fait aux anciens services « titres » transformés en CERT (cf. supra). De plus, le déploiement de l’application serait sujet à des dysfonctionnements. La rapporteure ne peut qu’appeler à la plus grande vigilance concernant le développement des outils informatiques et la prise en compte des besoins des agents. Dans ses commentaires sur le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, elle émet des réserves sur la conduite du système d’information en question (cf. infra).

Néanmoins, la principale interrogation demeure celle relative à l’égal accès des demandeurs de titre à ce type de démarche et à la possibilité d’interagir avec un interlocuteur. Les associations qui aident les ressortissants étrangers déplorent le manque de clarté des saisies en ligne et l’absence de traduction dans plusieurs langues étrangères. Le portail ANEF ne propose en effet qu’une version anglaise et chinoise du site.

La réalisation de demandes en ligne implique également de disposer d’un accès à internet et de maîtriser les outils numériques, problématique commune à l’ensemble des procédures administratives dématérialisées et qui conduisent l’administration à développer des points de contact avec les espaces France Services.

Face à ces difficultés, le ministère de l’intérieur met en œuvre le dispositif « e-MERAUDE » (e-mission d’écoute, de renseignement et d’appui aux démarches des étrangers) qui repose sur deux vecteurs : un centre de contact citoyen auprès de l’ANTS et des points d’accueil numérique (PAN) dans les préfectures et les sous-préfectures.

S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan de cet accompagnement numérique, la rapporteure s’inquiète de la saturation des lignes téléphoniques permettant d’obtenir une aide et de la possibilité d’accéder à un interlocuteur. Ce phénomène aboutit à faire reporter la charge de l’accompagnement des usagers, non pas sur le service public, mais au milieu associatif. En pratique, l’assistance juridique et numérique est ainsi devenue le fait de bénévoles.

De manière générale, la rapporteure considère que les difficultés d’accès aux services dédiés aux ressortissants étrangers ne peuvent que favoriser la précarité, ce qui in fine représente aussi un coût pour les finances publiques.


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II.   Le programme 232 Vie politique est marquÉ par la perspective des Élections prÉsidentielle et lÉgislatives

Ce programme permet le financement des partis politiques et l’organisation des scrutins locaux et nationaux. La tenue des élections présidentielle (10 et 24 avril) et législatives (12 et 19 juin) en 2022 explique la forte progression des crédits demandés : environ + 13 % en autorisations d’engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit 54,5 millions d’euros de plus par rapport à loi de finances initiale (LFI) pour 2021 ([36]).

crÉdits demandÉs pour les actions du programme 232

(en millions d’euros)

Action

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2021

PLF 2022

Variation

LFI 2021

PLF 2022

Variation

01 Financement des partis

68,7

68,7

0 %

68,7

68,7

0 %

02 Organisation des élections

356,2

416,4

+ 16,9 %

354,1

412,7

+ 16,5 %

03 Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

9,2

7,8

- 14,7 %

10,1

8,9

– 11,8 %

04 Cultes

2,8

-

-

2,9

-

-

Total programme 232

436,8

492,9

+ 12,9 %

435,7

 

+ 12,5 %

Source : projet annuel de performances.

Malgré cette hausse, le programme 232 devrait continuer de regrouper environ le dixième des CP de la mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) comme prévu en LFI pour 2021. La stabilité de sa part est due à la faiblesse relative de l’augmentation en question au regard de l’ensemble du budget de la mission (4,4 milliards d’euros en CP).

De plus, deux transferts sortants affectent, à hauteur de 16,1 millions d’euros, le budget proposé pour 2022.

En effet, le programme 232 comprenait, jusqu’en 2021, les crédits liés au financement des cultes dans les départements concordataires (Bas‑Rhin, Haut‑Rhin et Moselle), à hauteur de 2,8 millions d’euros, qui seront rattachés au programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur pour 2022. Ce transfert explique le changement de son intitulé qui était, jusqu’en 2021, Vie politique, culturelle et associative. Il sera donc neutre au niveau de l’ensemble de la mission AGTE.

Plus conséquent, en revanche, est le transfert des frais d’organisation des élections pour les électeurs expatriés, estimés à 13,3 millions d’euros, vers le programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires (mission Action extérieure de l’État) géré par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE).

transferts sortants de crÉdits de paiement en 2022

(en millions d’euros)

Objet

Programme destinataire

Crédits de paiement

Organisation des élections présidentielle et législatives pour les Français de l’étranger

151 Français à l’étranger et affaires consulaires

– 13,3

Cultes

216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

– 2,8

Total

– 16,1

Source : projet annuel de performances.

Suite aux dysfonctionnements ayant perturbé l’acheminement de la propagande électorale lors des élections départementales et régionales de juin 2021, la rapporteure porte une attention particulière aux modalités d’organisation des services de l’État quant aux scrutins nationaux d’avril et juin prochains.

A.   l’annÉe 2022 sera un temps fort pour la vie politique française

L’organisation des élections représentera 84 % des crédits du programme. C’est cette action qui est logiquement la plus dynamique par rapport au budget pour l’année en cours.

Si le montant du financement des partis politiques restera identique en 2022, le budget demandé pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) accuse une certaine baisse par rapport à la LFI pour 2021, marquée par d’importants investissements.

1.   L’organisation des élections présidentielle et législatives explique la hausse importante des crédits demandés

Deux scrutins nationaux majeurs et quatre scrutins locaux auront lieu en 2022 pour élire le Président de la République, les députés ainsi que les conseillers territoriaux de quatre collectivités d’outre-mer :

– l’élection présidentielle des 10 et 24 avril ;

– les élections législatives des 12 et 19 juin ;

– les élections territoriales à Saint-Barthélemy, Saint‑Martin, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et Wallis‑et‑Futuna au mois de mars.

Le coût de ces scrutins sera porté par l’action 02 Organisation des élections du programme à hauteur de 416 millions d’euros en AE et de 413 millions d’euros en CP. Environ 56 % de ce budget sera consacré à l’élection présidentielle et 43 % aux élections législatives ([37]).

coÛt prÉvisionnel de l’organisation des Élections en 2022

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire.

Pour l’ensemble des scrutins, le coût comprend des dépenses de personnel, à hauteur de 72 millions d’euros, pour payer les heures supplémentaires effectuées par les agents des préfectures et des services centraux du ministère de l’intérieur ainsi que pour indemniser les membres des commissions de contrôle des opérations de vote (CCOV) ([38]) et les secrétaires des commissions de propagande ([39]). S’ajoutent également les indemnités de mise sous pli qui concerneront l’ensemble des préfectures en 2022 du fait de l’abandon de l’externalisation (cf. infra).

Cependant, l’essentiel du coût d’une élection ne relève pas de dépenses de personnel. Environ 311 millions d’euros de dépenses de fonctionnement seront en effet engagés pour le remboursement des frais de campagne des candidats ainsi que pour l’acheminement de la propagande électorale. Ce dernier point, auquel la rapporteure est sensible, fera l’objet de développements ultérieurs.

Enfin, des transferts aux communes, à hauteur de 34 millions d’euros, permettront de couvrir l’aménagement et la remise en état des bureaux de vote ainsi que l’achat, l’entretien et la mise en place des panneaux d’affichage officiels.

rÉpartition des crÉdits de l’action 02 organisation des Élections
par poste de dÉpense

(en millions d’euros)

Catégorie de dépense

Objet de la dépense

AE

CP

Dépenses de personnel

Indemnités de travaux supplémentaires, indemnités de mise sous pli, indemnités des membres de commissions de contrôle des opérations et des commissions de propagande

72,1

72,1

Dépenses de fonctionnement

Acheminement de la propagande électorale

310,6

306,9

Remboursement de la propagande électorale

Remboursement des dépenses de campagne (dont campagne audiovisuelle)

Dépenses d’intervention (transfert aux collectivités territoriales)

Aménagement des bureaux de vote et mise en place des panneaux d’affichage dans les communes

33,7

33,7

Total

416,4

412,7

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire et du projet annuel de performances.

D’après l’unique indicateur de performance renseigné dans les documents budgétaires de la mission AGTE, le coût moyen par personne inscrite sur les listes électorales des deux scrutins nationaux sera en augmentation en 2022 par rapport à il y a cinq ans.

CoÛt moyen des scrutins par Électeur inscrit sur les listes Électorales

 

2017 (prévision)

2017 (réalisation)

Écart réalisation/prévision 2017

2022 (prévision)

Écart 2022/2017

Élections présidentielles

2,85 €

4,35 €

+ 53 %

4,72 €

+ 8,5 %

Élections législatives

2,43 €

3,72 €

+ 53 %

3,97 €

+ 6,7 %

Source : commission des finances, à partir du rapport annuel de performances 2017 et du projet annuel de performances 2022.

CoÛt global des Élections prÉsidentielles et lÉgislatives depuis 2002

(en millions d’euros)

Année d’élection

Élections présidentielles

Élections législatives

2002

200,4

134,4

2007

209,8

147,0

2012

185,6

161,1

2017

200,8

167,6

Source : réponses au questionnaire.


Cette estimation repose sur un calcul tenant compte des données des élections de 2017 majorées de l’inflation et de l’augmentation du nombre de citoyens inscrits sur les listes électorales. La rapporteure rappelle que l’ensemble des facteurs (nombre de candidats, dépenses remboursées…) qui concourent à déterminer le coût global d’une élection demeure aléatoire et permet seulement d’obtenir un ordre de grandeur.

Comme indiqué ci-avant, les dépenses supportées par le programme 232 pour la tenue des élections en 2022 seront diminuées de 13,3 millions d’euros du fait du transfert du financement des scrutins pour les électeurs expatriés au programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires (MEAE).

2.   Hors élections, le financement de la vie politique demeure stable

Hormis l’organisation des élections, le programme 232 permet le financement des partis politiques ainsi que de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Les crédits demandés pour l’action 01 Financement des partis, tant en AE qu’en CP, sont exactement égaux à ceux autorisés par la LFI pour 2021, soit 68,7 millions d’euros. Elle est stable pour la neuvième année consécutive.

En application des articles 8 et 9 de la loi n° 88‑227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, ce montant est divisé en deux fractions égales (34,3 millions d’euros chacune) :

– la première versée aux formations ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés, aux dernières élections législatives, dans au moins 50 circonscriptions, proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour ;

– la seconde attribuée à celles disposant de députés ou de sénateurs, proportionnellement à leur nombre.

Quant à la CNCCFP, qui fait l’objet de l’action 03 éponyme, un budget de 7,8 millions d’euros en AE et de 8,9 millions d’euros en CP est demandé pour elle.

La Commission nationale des comptes de campagne
et des financements politiques (CNCCFP)

Cette autorité administrative indépendante (AAI) a été créée par l’article 1er de la loi n° 90‑55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques.

Composée de neuf membres – issus, à parts égales, du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes – elle est chargée d’approuver, de rejeter ou de réformer les comptes de campagne qui lui ont été transmis par les candidats. De cette approbation dépend le remboursement total ou partiel des dépenses qui y sont retracées.

La CNCCFP sera soumise à un plafond d’emplois de 65 ETPT ([40]), soit 2 de plus qu’en LFI pour 2021, du fait de l’organisation de deux élections nationales majeures. Son secrétariat dispose en effet d’un socle permanent de 45 agents auxquels s’ajoute le renfort de personnels temporaires (18 en 2021, 20 en 2022) en raison de « la double nature de l’activité de la CNCCFP, à la fois permanente et cyclique » ([41]).

Toutefois, les crédits demandés pour 2022 sont en baisse d’un peu plus d’un million d’euros en AE comme en CP parce que l’année 2021 a été davantage marquée par le chantier de dématérialisation des comptes dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022 (plateforme « Fin’Pol ») et les dépenses informatiques afférentes (conception, assistance à maîtrise d’ouvrage, hébergement…).

B.   la mise sous pli et l’acheminement de la propagande Électorale sera un point de vigilance

Les élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021 ont été marquées par des dysfonctionnements graves dans l’acheminement de la propagande électorale.

En conséquence, le ministère de l’intérieur a décidé d’internaliser à nouveau, sur l’ensemble du territoire le processus de mise sous pli tandis qu’un nouveau marché sera lancé pour la diffusion postale des professions de foi.

1.   Les élections départementales et régionales de juin 2021 ont connu des défaillances particulièrement graves concernant la diffusion des professions de foi

Afin d’assurer la sincérité du scrutin et l’égalité entre les candidats, le code électoral prévoit l’installation, dans chaque circonscription d’élection, d’une commission chargée du contrôle et de la diffusion des documents de propagande électorale, c’est-à-dire des circulaires (plus connues sous le nom de « professions de foi ») et des bulletins de vote à l’attention des électeurs et des maires, chargés de mettre en place les bureaux de vote. Pour l’élection présidentielle, cette commission de propagande prend la forme d’une « commission nationale de contrôle de la campagne électorale » ([42]).

Il revient aux candidats de produire ces documents en respectant les formats prescrits par le code électoral (dimension, poids, couleurs…) et en ayant recours à l’imprimeur de leur choix.

Matériellement, la diffusion de la propagande électorale implique, en premier lieu, une opération de mise sous pli des bulletins et des professions de foi et, en second lieu, leur distribution au domicile des électeurs par un opérateur postal.

Concernant la mise sous pli, celle-ci peut être réalisée en régie, c’est-à-dire directement par les préfectures, par les communes par le biais de conventions ou bien encore par externalisation auprès de prestataires privés (routeurs). Avant même la « crise » de la propagande électorale lors du double scrutin de juin 2021, la rapporteure avait observé une augmentation du recours à l’externalisation, notamment du fait de la crise sanitaire lors du second tour des élections municipales le 28 juin 2020 ([43]). Elle s’inquiétait des « dysfonctionnements d’acheminement et les éventuels surcoûts que l’externalisation peut engendrer ».

En juin 2021, la part des préfectures ayant choisi d’avoir recours à des prestataires privés était de 65 % pour les élections départementales et de 84 % pour les régionales, comme l’a constaté la mission d’information de la commission des lois sur ces dysfonctionnements ([44]). Parmi elles, 57 ont signalé des dysfonctionnements dans la mise sous pli et une quinzaine a dû mobiliser leurs services.

La rapporteure considère que la baisse continue des effectifs de l’administration territoriale a favorisé ces externalisations, faute pour les préfectures de disposer de suffisamment d’agents mobilisables.

À ces premiers dysfonctionnements initiaux dans la mise sous pli, se sont succédées des défaillances plus importantes encore lors de l’acheminement dans les sept régions où la société Adrexo était titulaire d’un accord-cadre. Il convient de rappeler que depuis l’ouverture complète du service postal à la concurrence le 1er janvier 2011 ([45]), La Poste n’est plus nécessairement le seul opérateur à intervenir pour la distribution des plis.

Dans les zones où Adrexo était l’opérateur, un nombre considérable de documents n’ont pas été distribués aux électeurs. Les services de l’État et les communes font même état de plis abandonnés sur la voie publique ou dans la nature, voire détruits, ce dont la presse locale s’était alors fait l’écho. D’après le sénateur François‑Noël Buffet, il y aurait une corrélation entre la non-réception et la hausse de l’abstention ([46]).

Selon le ministère de l’intérieur ([47]), le fiasco de la diffusion de la propagande électorale résulte de la concomitance – inédite sur l’ensemble du territoire – des deux scrutins couplés à la durée de l’entre-deux-tours (une semaine), de la crise sanitaire et de l’incapacité des routeurs et distributeurs à honorer la demande en raison, notamment, d’un sous-dimensionnement de leurs moyens humains et techniques.

La rapporteure considère que l’origine des défaillances ne saurait être uniquement conjoncturelle mais que le manque de moyens de l’administration territoriale a fini par conduire à cette situation.

2.   La mise sous pli sera désormais effectuée en régie par les préfectures tandis que l’acheminement fera l’objet d’un nouveau marché

À l’issue de cette véritable crise, le ministère de l’intérieur a pris deux décisions pour la mise sous pli, d’une part, et la distribution postale, d’autre part :

– internalisation de la mise sous enveloppe des documents de propagande électorale dans toutes les préfectures ;

– résiliation de l’accord-cadre conclu avec Adrexo aux torts de ce dernier.

La réalisation de la mise sous pli en régie ne constitue pas un retour en arrière pour toutes les préfectures puisqu’une partie d’entre elles continuait d’opérer ainsi. Le savoir-faire de ces dernières devrait être diffusé aux autres par le biais de vade-mecum selon le secrétariat général du ministère de l’intérieur. Ces opérations pourront également être déléguées aux communes, par conventions, sous réserve que celles-ci ne l’externalisent pas à leur tour.

Il ressort des documents budgétaires que cette internalisation entraînera un basculement de 26,4 millions d’euros des dépenses hors titre 2 vers le titre 2 (dépenses de personnel) du programme 232 ainsi qu’un surcoût estimé à 5 millions d’euros. Au total, les indemnités versées pour la mise sous pli ([48]) coûteront 64,5 millions d’euros. Celles-ci sont déterminées par chaque préfet en fonction de la quantité de documents et du nombre d’heures nécessaires dans la limite de 540 euros par tour de scrutin.

Pour le restant de l’année 2021, un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables a été passé avec le groupe La Poste, comme le permet l’article R. 2122‑1 du code de la commande publique « lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstance extérieures [ne permet pas] de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées ». Un nouveau marché pérenne sera notifié selon la procédure de droit commun à compter du mois de janvier 2022.

Si la rapporteure est satisfaite du retour généralisé de l’internalisation, elle estime que les dysfonctionnements constatés en juin 2021 pourraient être l’occasion d’envisager des alternatives à la diffusion d’une propagande électorale au format papier.

La mise en place du répertoire électoral unique (REU) ([49]) offre, en effet, de nouvelles possibilités. Il pourrait être laissé le choix à l’électeur d’indiquer s’il souhaite recevoir ou non la propagande électorale par courrier postal, comme le suggérait un rapport de l’inspection générale de l’administration (IGA), de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE) en juin 2020 ([50]). La rapporteure est favorable à une telle évolution. C’est également une recommandation des rapporteurs de la mission d’information de la commission des lois sur les dysfonctionnements dans l’acheminement de la propagande électorale (octobre 2021).

Outre la réduction de l’empreinte écologique qu’elle favoriserait, elle permettrait également de réduire le coût budgétaire d’une élection. Le ministère de l’intérieur estime ainsi que la réception dématérialisée de ces documents par seulement 30 % des électeurs inscrits réduirait de 39 millions d’euros les dépenses pour les élections présidentielle et législatives par exemple ([51]).

Quant à la possibilité d’autoriser le vote par correspondance, le ministère de l’intérieur estime qu’il occasionnerait un surcoût important. En partant d’une hypothèse de 40 % de votes par voie postale lors du double scrutin de juin 2021 (soit 9,4 millions d’électeurs compte tenu de l’abstention), le surcoût aurait été de 272 millions d’euros.


III.   le programme 216 conduite et pilotage des politiques de l’intÉrieur poursuit l’Évolution de son périmÈtre

Ce programme bénéficie d’environ un tiers des crédits demandés pour la mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE). Il prend en charge les fonctions de pilotage, d’expertise et de soutien exercées par l’administration centrale du ministère de l’intérieur, hors police et gendarmerie ([52]).

Les trois quarts de ses crédits de paiement (CP) relèvent de dépenses de personnel (titre 2). En effet, le programme 216 porte, notamment, les emplois du secrétariat général, de l’inspection générale de l’administration (IGA), de la direction générale des collectivités locales (DGCL), de la direction générale des outre-mer (DGOM) et de la direction générale des étrangers en France (DGEF). Hors titre 2, il regroupe également les dépenses relatives aux affaires juridiques et contentieuses ainsi que ceux du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Le programme 216 subventionne un seul opérateur, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), à hauteur de 17,5 millions d’euros.

À compter du 1er janvier 2022, les crédits relatifs à l’entretien des cultes dans les départements concordataires (Bas‑Rhin, Haut‑Rhin et Moselle) seront transférés du programme 232 Vie politique, et associative (dès lors renommé Vie politique) au programme 216, ce qui représente 2,8 millions d’euros.

crÉdits demandÉs pour les actions du programme 216

(en millions d’euros)

Action

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2021

PLF 2022

Variation

LFI 2021

PLF 2022

Variation

01 État-major et services centraux

637

650

+ 2,2 %

635

649

+ 2,4 %

03 Numérique

289

298

+ 3,2 %

267

275

+ 3 %

04 Action sociale et formation

44

70

+ 61,3 %

11

71

+ 63 %

05 Affaires immobilières

92

106

+ 14,4 %

137

165

+ 20,6 %

06 Affaires juridiques et contentieuses

89

89

0 %

89

89

0 %

07 Cultes et laïcité

-

2

-

-

2

-

08 Immigration, asile et intégration

41

41

+ 0,3 %

41

41

+ 0,3 %

09 Sécurité et éducation routières

128

127

- 0,4 %

128

127

– 0,4 %

10 Fonds interministériel de prévention de la délinquance

66

69

+ 5,7 %

65

69

+ 6,1 %

Total programme 216

1 384

1 453

+ 5 %

1 405

1 489

+ 6 %

Source : projet annuel de performances.

Les crédits demandés connaissent une certaine hausse qui est principalement tirée par des transferts visant, notamment, à harmoniser les dispositifs d’action sociale des agents à la suite de la réforme de l’organisation territoriale de l’État. Ces transferts rappellent que le périmètre de ce programme demeure fluctuant et manque parfois de cohérence.

A.   une hausse de la demande de crÉdits tirÉe par des transferts entrants importants

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de 5 % des autorisations d’engagement (AE) et de 6 % des CP. Ces augmentations trouvent leur origine dans la poursuite de l’évolution du périmètre du programme qui se traduit par un solde positif de transferts de près de 21 millions d’euros mais aussi par la hausse des dépenses immobilières de l’administration centrale.

Cette évolution n’apparaît pas comme une traduction budgétaire des priorités affichées par le secrétariat général du ministère de l’intérieur pour l’année 2022 :

– amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux et de protection fonctionnelle ;

– prévention de la délinquance et de la radicalisation ;

– augmentation de l’efficience de la gestion des moyens et de la maîtrise du coût des fonctions « support ».

1.   La prévention de la délinquance et l’amélioration des fonctions « support » de l’administration centrale constituent les principaux chantiers pour 2022

La stratégie adoptée pour la conduite des actions du programme 216 est structurée autour des mêmes axes que pour 2021, ce qui tend à confirmer la stabilité relative des crédits demandés, exception faite des éléments qui seront évoqués plus loin.

Une des principales politiques publiques mises en œuvre à l’aide de ce support budgétaire – presque la seule puisqu’il sert principalement de financement de fonctions « support » – est la prévention de la délinquance par le biais du fonds interministériel ad hoc.

Le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)

Le FIPD a été créé par l’article 5 de la loi n° 2007‑297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Il est destiné à « financer la réalisation d’actions en faveur de la prévention de la délinquance élaborées en cohérence avec les plans de prévention de la délinquance » ([53]). La loi de finances pour 2016 ([54]) lui a également confié « les actions de prévention de la radicalisation ».

Ses orientations sont fixées par un comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

Suite au rattachement à l’autorité du CIPDR de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ([55]), le fonds finance également des actions de lutte contre celles-ci.

Le programme actuel d’actions du FIPD s’inscrit dans la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020‑2024 adoptée par le Premier ministre le 5 mars 2020.

Pour 2022, il est demandé un budget de 69,4 millions d’euros (en AE comme en CP), pour le FIPD qui fait l’objet de l’action 10 du programme 216. Cela constitue une hausse d’environ 4 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2021. Elle sera principalement destinée aux actions en faveur des jeunes exposés à la délinquance et à la récidive. Toutefois, cette progression ne représente qu’à peine 5 % de l’augmentation des crédits du programme.

rÉpartition des dÉpenses d’intervention du fipd pour 2022

(en millions d’euros)

Objet

AE = CP

Prévention de la délinquance

Jeunes exposés à la délinquance ou à la récidive

15,2

Personnes vulnérables

11,2

Tranquillité publique

3,8

Gouvernance

0,5

Autres

2

Sécurisation

20,5

Prévention de la radicalisation

15,8

Total des dépenses d’intervention

69,1

Source : projet annuel de performances.

Les autres axes de la stratégie portée par le programme en 2022 concernent, quant à eux, les fonctions « support » de l’administration centrale du ministère de l’intérieur. Ils visent à améliorer la prévision et le pilotage des dépenses de contentieux et de protection fonctionnelle des agents ainsi qu’à augmenter la qualité et l’efficience de la politique d’achat, des systèmes d’information, de la gestion des ressources humaines, de l’action sociale et de la stratégie immobilière.

Ces deux dernières fonctions « support » retiennent l’attention de la rapporteure par le dynamisme annoncé de leurs dépenses.

2.   Toutefois, les dépenses seront tirées par les politiques d’action sociale et les dépenses immobilières

L’action 04 Action sociale et formation enregistre la plus forte augmentation de crédits : + 61 % en AE et + 63 % en CP, soit 27 millions d’euros représentant un tiers de la hausse de l’ensemble des CP du programme.

Au sein de la politique d’action sociale du ministère de l’intérieur à l’attention de ses agents, c’est l’élargissement de l’offre de services collectifs qui explique une telle progression. Elle est la conséquence de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE) qui rend nécessaire une convergence des avantages accordés aux agents. Cette évolution profite essentiellement au personnel des directions départementales interministérielles (DDI), dont les dépenses de fonctionnement relèvent du programme 354 Administration territoriale de l’État.

Cette hausse est relativement neutre pour les finances publiques car elle provient de transferts de crédits issus d’autres missions du budget général, voire du programme 354 lui-même pour 8,2 millions d’euros d’entre eux.

L’action 05 Affaires immobilières prend également une part importante dans la hausse demandée pour les CP du programme 216. Les 28 millions d’euros d’augmentation représentent ainsi le tiers de la progression générale des crédits de Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur.

Ce dynamisme s’explique par la hausse des loyers des bâtiments de l’administration centrale ainsi que ceux des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI). Le parc immobilier de ces derniers, fait d’ailleurs l’objet d’une rénovation visant à leur réhabilitation.

La rapporteure regrette ne pas avoir pu obtenir plus de détails concernant ces hausses de loyers auprès de la direction de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et de l’immobilier (DEPAFI).

Les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur

Hors Île-de-France, les sept SGAMI (un par zone de défense et de sécurité) sont des administrations déconcentrées chargées de l’administration des services de police et de gendarmerie dans leur ressort territorial.

Dans le cadre de la réforme de la maquette budgétaire de la mission Administration générale et territoriale de l’État, leurs emplois et leurs crédits de fonctionnement ont été transférés au programme 216 à partir de la mission Sécurités.

La Cour des comptes, dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire pour 2020, et la rapporteure, dans son rapport sur le projet de loi de règlement pour la même année ([56]), soulignaient le manque de cohérence de ces transferts puisqu’il ne s’agit pas d’administrations centrales.

dÉpenses immobiliÈres du programme 216

(en pourcentage des crédits de paiement)

Source : commission des finances à partir du projet annuel de performances.

B.   la conduite et le pilotage des politiques de l’intÉrieur soulÈveNT quelques interrogations

La gestion du programme 216 comporte quelques points d’attention pour la rapporteure. Outre la question de son périmètre, qui demeure à parfaire, se pose également celle des grands projets qu’il porte. Enfin, la rapporteure appelle à revoir les conditions de mise à disposition des fonctionnaires qu’il rémunère.

1.   Les grands projets informatiques connaissent des retards et des surcoûts importants

Au cours de ses travaux de contrôle et d’évaluation, la rapporteure a pu constater l’inadéquation d’un certain nombre d’applications informatiques avec les missions des agents, notamment dans les centres d’expertise et de ressources titres (CERT).

Il ressort des auditions qu’elle a menées que les organisations syndicales dressent le même constat pour l’administration numérique des étrangers en France (ANEF).

C’est pourquoi la rapporteure s’intéresse à la conduite des grands projets informatiques, portés par le programme 216 puisque celui-ci regroupe les emplois et les crédits de la direction du numérique (DNUM) qui a mis en place « la comitologie nécessaire à la gouvernance collégiale du budget ministériel dédié au numérique » ([57]).

La rapporteure constate des retards et surcoûts importants pour plusieurs d’entre eux.

Le système d’information de l’administration des étrangers en France
(SI AEF) – sur lequel repose l’ANEF – a été lancé en 2015 pour une durée de huit ans. Il doit permettre des économies de dépenses de fonctionnement d’environ 15 millions d’euros par an. Si le projet initial ne devait coûter que 53 millions d’euros, il devrait représenter des dépenses pluriannuelles de 103 millions d’euros, soit presque le double, dont 40 millions de restes à payer à compter de 2022.

De même, le projet France Visas – qui vise à la refonte des applications informatiques de traitement des demandes de visas par la dématérialisation de l’intégralité du processus de délivrance – connaît un dérapage de 20 à 94 millions d’euros, dont 48,15 millions d’euros de restes à payer à partir de 2022. Prévu pour une durée initiale de cinq ans à compter de 2014, il devrait s’étendre sur quatorze années en tout. Ces dépassements résultent de l’impact de la pandémie de Covid‑19 ([58]) ainsi que de l’élargissement du périmètre qui doit permettre l’interconnexion avec les systèmes d’information européens et la prise en charge de nouvelles fonctionnalités.

 

2.   La rationalisation du périmètre du programme demeure inachevée

Dans son rapport sur le projet de loi de règlement pour 2020, la rapporteure soulignait l’inachèvement de l’effort de mutualisation des fonctions support de l’administration centrale du ministère de l’intérieur.

Contrairement au programme 354 Administration territoriale de l’État, le programme 216 verra les mouvements de crédits s’amplifier à nouveau avec un solde positif de transferts de 20,5 millions d’euros prévus en 2022 contre 4,8 millions d’euros pour 2021.

transferts de crÉdits de paiement prÉvus en loi de finances depuis 2020

(en millions d’euros)

 

PLF 2020

PLF 2021

PLF 2022

Transferts entrants

458,7

6,7

21,3

Transferts sortants

1,2

1,9

0,8

Solde des transferts

+ 457,5

+ 4,8

+ 20,5

Part des transferts dans le programme 216

32,4 %

0,3 %

1,4 %

Source : projets annuels de performances de 2020 à 2022.

Comme indiqué plus haut, une grande partie d’entre eux concernent des mesures d’harmonisation en matière d’action sociale à destination des agents (15 millions d’euros).

S’ajoutent également les crédits relatifs aux cultes et à la laïcité, transférés depuis l’ancien programme Vie politique, culturelle et associative, à hauteur de 2,8 millions d’euros, à compter de 2022. La majeure partie est retracée dans la nouvelle action 07 Cultes et laïcité (2,1 millions d’euros) tandis qu’une petite partie (800 000 euros) – correspondant aux dépenses immobilières des séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg – est imputée sur l’action 05 Affaires immobilières. Quant à la rémunération des ministres des cultes, elle figurait déjà dans ce programme.

Les dépenses liées aux cultes en Alsace et en Moselle

Dans les départements dits « concordataires » (Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle), l’État participe au financement des cultes catholique, protestant (luthérien et calviniste) et israélite.

Cette dérogation à la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État résulte du maintien des dispositions du Concordat de 1802 après l’annexion allemande (1871-1918). Le droit local d’Alsace-Moselle concerne aussi l’aide et la sécurité sociales, le droit du travail ou encore la liberté d’association. Sa particularité a été reconnue conforme à la Constitution par la décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 du Conseil constitutionnel.

Outre l’entretien des bâtiments cultuels, l’État rémunère les ministres des cultes (plafond de 1 192 emplois inscrits sur l’action 01 État-major et services centraux).

Aux frais de l’entretien des cultes en Alsace‑Moselle s’ajoutent des dépenses relatives au financement de l’islamologie (800 000 euros) et du comité interministériel de la laïcité (77 000 euros). Le programme subventionne en effet les diplômes d’universités (DU) de formation civile et civique, dont la détention est obligatoire pour les aumôniers ([59]), ainsi que les projets de recherche et les thèses sur l’islam.

La rapporteure s’interroge sur la pertinence de l’imputation de ces crédits sur le programme 216 qui est censé porter la « conduite et le pilotage des politiques de l’intérieur ».

Comme indiqué plus haut, ce constat est partagé pour les SGAMI, administrations déconcentrées compétentes pour le soutien logistique de la police et de la gendarmerie, hors Île-de-France.

La rapporteure renouvelle également sa recommandation visant à transférer au programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives de la mission Conseil et contrôle de l’État les crédits finançant le greffe de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP).

3.   La pratique des mises à disposition sans contrepartie financière est à revoir

Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission pour 2020, la Cour des comptes s’était inquiétée du « manque à gagner pour le programme » des nombreuses mises à disposition gratuites de hauts fonctionnaires (de l’ordre d’une cinquantaine).

La rapporteure a pu obtenir une estimation de ce manque qui s’élève, d’après le ministère de l’intérieur, à 8,4 millions d’euros par an ([60]). Ces mises à disposition, sans remboursement de rémunération de la part de l’organisme d’accueil, concernaient 53 fonctionnaires sur 90 au 1er août 2021. Elles vont à l’encontre de l’article 2 du décret n° 85‑986 du 16 septembre 1985 qui dispose que « l’organisme d’accueil rembourse à l’administration d’origine la rémunération du fonctionnaire mis à disposition ainsi que les cotisations et contributions y afférentes ».

Cette situation a permis à la rapporteure de gager, en partie, l’amendement n° II‑CF929 visant à transférer 15 millions d’euros de dépenses de personnel de l’action 01 État-major et services centraux vers le programme 354 Administration territoriale de l’État (cf. supra).

 


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 21 octobre 2021, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera prochainement consultable en ligne.

Conformément à l’avis favorable de la rapporteure spéciale, la commission a adopté les crédits de la mission.

 

 

 

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*    *

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l’intérieur

– M. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale 

– M. Jean-Gabriel Delacroy, sous-directeur de l’administration territoriale 

– M. Aurélien Adam, chef du bureau des moyens de l’administration territoriale

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

– Mme Anne-Gaëlle Baudouin, directrice

Organisations syndicales

 M. Patrice Belvisi, secrétaire général du syndicat national CFTC du ministère de l’intérieur 

– M. Éric Berton, secrétaire général adjoint du syndicat national d’union des personnels (SNUP) du ministère de l’intérieur 

– M. Bertrand Tourillon, secrétaire général adjoint de l’union des personnels administratifs, techniques et spécialisés (UATS) UNSA du ministère de l’intérieur 

– Contribution écrite de FO Préfectures 

– Contribution écrite de la CFDT Interco

Associations

– Mme Lise Faron, responsable des questions « entrée, séjour et droits sociaux » à la CIMADE 

– M. Julien Fromangé, chargé d’accompagnement au CEDRE du Secours catholique 

– Mme Vanina Rochiccioli, présidente du GISTI


([1]) Article 5 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([2]) Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([3]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([4]) Circulaire n° 6092/SG du 12 juin 2019 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.

([5]) Projet annuel de performances de la mission Administration générale et territoriale de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2022 (PAP AGTE 2022).

([6]) Décret n° 2020-99 du 7 février 2020 relatif à l’organisation et aux missions des secrétariats généraux communs départementaux.

([7]) Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, remplacées par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) depuis le 1er avril 2021.

([8]) Le SGAMM constitue l’un des trois pôles fonctionnels de la préfecture d’Île-de-France avec le cabinet et le secrétariat général aux politiques publiques.

([9]) Réponses au questionnaire.

([10]) Équivalent temps plein travaillé.

([11]) Membres du corps préfectoral, directeurs de l’administration territoriale de l’État (DATE), agents des secrétariats généraux pour l’administration régionale (SGAR), experts de haut niveau…

([12]) PAP AGTE 2022.

([13]) Réponses au questionnaire.

([14]) Réponses au questionnaire et PAP AGTE 2022.

([15]) Rapport spécial n° 3 de Mme Jennifer De Temmerman annexé au rapport n° 4195 fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2020 par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général (26 mai 2021).

([16]) Décret n° 2007-240 du 22 février 2007 portant création de l’Agence nationale des titres sécurisés.

([17]) Rapport public annuel 2020, tome II La dématérialisation de la délivrance des titres par les préfectures.

([18]) Réponses au questionnaire.

([19]) PAP AGTE 2022.

([20]) Le marché de réalisation et de maintenance du SIV devrait être notifié d’ici juin 2022.

([21]) Règlement (UE) 2019/1157 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif au renforcement de la sécurité des cartes d’identité des citoyens de l’Union et des documents de séjour délivrés aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation.

([22]) Réponses au questionnaire.

([23]) Les accords portant reconnaissance réciproque et échange de permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et ceux de l’État du Qatar et de la République populaire de Chine ont été ratifiés par la loi n° 2021-477 du 21 avril 2021.

([24]) Réponses au questionnaire.

([25]) Défenseure des droits, avis n° 21-03 du 28 avril 2021 relatif aux moyens consacrés par les préfectures à l’instruction des demandes de titres de séjour.

([26]) Décret n° 2016‑685 du 27 mai 2016 autorisant les téléservices tendant à la mise en œuvre du droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique.

([27]) Conseil d’État, 10e-9e chambres réunies, 27 novembre 2019, 422516.

([28]) Réponses au questionnaire.

([29]) Rapport spécial n° 28 de M. Jean-Noël Barrot et Mme Stella Dupont annexé au rapport n° 4195 fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2020 par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général (26 mai 2021).

([30]) Articles L. 435-1 à L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

([31]) Conseil d’État, étude à la demande du Premier ministre, 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous, 5 mars 2020.

([32]) PAP AGTE 2020 à 2022.

([33]) Décret n° 2021-313 du 24 mars 2021 relatif à la mise en place d’un téléservice pour le dépôt des demandes de titre de séjour.

([34]) https://administration-etrangers-en-france.interieur.gouv.fr

([35]) Rapport spécial de M. Jean‑Noël Barrot et Mme Stella Dupont précité.

([36])  Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([37]) Réponses au questionnaire.

([38]) Les CCOV, obligatoirement présidées par un magistrat judiciaire, sont chargées, dans les communes de plus de 20 000 habitants de vérifier la régularité de la composition des bureaux de vote ainsi que celle des opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de dénombrement des suffrages. Elles garantissent aux électeurs et aux candidats le libre exercice de leurs droits (article L. 85‑1 du code électoral).

([39]) Les commissions de propagande, également présidées par un magistrat judiciaire, sont chargées, dans les communes de plus de 2 500 habitants, d’assurer l’envoi et la distribution des documents de propagande électorale (article L. 241 du code électoral).

([40]) Équivalent temps plein travaillé.

([41]) Projet annuel de performances de la mission Administration générale et territoriale de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2022 (PAP AGTE 2022).

([42]) Article 13 du décret n° 2001‑213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

([43]) Rapport spécial n° 3 de Mme Jennifer De Temmerman annexé au rapport n° 4195 fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2020 par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général (26 mai 2021).

([44]) Rapport d’information n° 4561 déposé par la commission des lois sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021 et présenté par Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger, rapporteurs (13 octobre 2021).

([45]) En application de la loi n° 2010‑123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales qui transpose la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté.

([46]) Rapport d’information n° 785 fait au nom de la commission des lois du Sénat sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021 par François‑Noël Buffet, rapporteur (21 juillet 2021).

([47]) Réponses au questionnaire.

([48]) Décret n° 2012‑498 du 17 avril 2012 fixant les conditions d’attribution de l’indemnité de mise sous pli allouée à certains personnels de l’État à l’occasion des élections politiques.

([49]) Loi n° 2016‑1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

([50]) IGF, IGA, IGAE, Bilan et perspectives du répertoire électoral unique, juin 2020.

([51]) Réponses au questionnaire.

([52]) Il comprend néanmoins les crédits de fonctionnement et les emplois des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI), chargés de la gestion des services de sécurité au niveau interrégional (cf. infra).

([53]) Les plans de prévention de la délinquance sont arrêtés par le représentant de l’État dans le département en application de l’article L. 132‑6 du code de la sécurité intérieure.

([54]) Article 45 de la loi n° 2015‑1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([55]) Décret n° 2020‑867 du 15 juillet 2020 modifiant le décret n° 2002‑1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

([56]) Rapport spécial n° 3 de Mme Jennifer De Temmerman annexé au rapport n° 4195 fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2020 par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général (26 mai 2021).

([57]) PAP AGTE 2022.

([58]) La crise sanitaire a eu un impact non négligeable sur le développement du back-office (gestion du contenu et des fonctionnalités) en perturbant la production de livrables et l’ordonnancement des activités.

([59]) Décret n° 2017-756 du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires et à leur formation civile et civique.

([60]) Réponses au questionnaire.