N° 4524

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

 

——

 

ANNEXE N° 44
 

 

AFFAIRES EUROPÉENNES

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Xavier PALUSZKIEWICZ

 

Député

____

 

 


 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

 

INTRODUCTION

I. LES CARACTÉRISTIQUES DU BUDGET EUROPÉEN POUR 2022 ET LA MISE EN ŒUVRE À CARACTÈre historique DU PLAN DE RELANCE NEXT GENERATION EU

A. ÉlÉments sur le budget européen pour 2022, deuxième budget du cadre financier pluriannuel 2021-2027

1. Un budget 2021 en cours d’exécution ayant fait l’objet de plusieurs budgets rectificatifs

2. La vigilance à conserver quant aux restes à liquider

3. L’actualité de trois innovations du CFP 2021-2027 : la nouvelle ressource sur les emballages plastiques non recyclés, le mécanisme d’ajustement au Brexit et le règlement « mécanisme de conditionnalité État de droit »

a. La nouvelle ressource sur les emballages plastiques non recyclés

b. La mise en œuvre attendue dans les prochaines semaines d’un mécanisme d’ajustement au Brexit.

c. Le règlement « mécanisme de conditionnalité-État de droit » et l’attente de la décision de la CJUE sur le recours en annulation porté par la Hongrie et la Pologne sur le règlement « conditionnalité-État de droit »

4. Éléments sur le projet de budget pour 2022

B. La mise en œuvre du plan de relance next generation EU

1. Un financement inédit, mis en œuvre dans des délais très courts

2. La mise en œuvre par la France de son plan national de relance et de résilience, troisième bénéficiaire du plan Next Generation EU : un apport structurant au plan France-relance

II. L’APPARENTE STABILITÉ DU PSR-UE POUR 2022 : leS PERSPECTIVES HAUSSIÈRES donnent un caractère URGENT À L’ADOPTION par l’union européenne DE NOUVELLES RESSOURCES PROPRES

A. Après la modeste correction À la baisse apportée au PSR-UE pour 2021, L’apparente stabilité de la contribution française pour 2022

1. En juillet 2021, la prise en compte de l’évolution à la baisse du PSR-UE en loi de finance rectificative

2. Un contexte favorable à une stabilisation du montant PSR-UE en 2022

3. La difficulté d’analyser pour l’instant l’impact de la nouvelle ressource « plastiques »

B. La difficile évaluation du PSR-UE, une problématique toujours actuelle qui pose aussi la question de l’information du parlement

C. L’incontournable et prioritaire question de nouvelles ressources propres

1. L’échéance de 2028 et des premiers remboursements des emprunts levés par la Commission européenne dans le cadre du plan de relance européen

2. L’attente des propositions de la Commission européenne

CONCLUSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

Le budget de l’Union européenne pour 2022 s’insère dans la deuxième année d’application du cadre financier pluriannuel européen (CFP) 2021-2027, dont le budget global a été fixé à 1 074,3 milliards d’euros.

Si le montant du budget pour l’année 2022 ne sera définitivement connu qu’en décembre prochain, dans le cadre de la procédure budgétaire, le projet proposé par la Commission européenne en juin 2021 s’élève à 168 milliards d’euros en crédits d’engagement (CE) et 169 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 2 % par rapport au budget de l’année 2021, hors instruments spéciaux ([1]).

La participation française au budget de l’Union européenne repose principalement sur un prélèvement sur recettes qui figure tous les ans en loi de finances, comme l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances le prévoit. Il figure en première partie du projet de lois de finances, étant traité budgétairement comme une moindre recette.

Le prélèvement sur recettes au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE) comprend la contribution de la France assise sur son revenu national brut, appelé contribution RNB, un prélèvement sur la TVA de 0,30 % et les versements au titre des rabais. S’y ajoutent les ressources propres traditionnelles (RPT) que sont les droits de douane, perçus directement par l’État au profit de l’Union européenne.

Le PSR-UE fait l’objet de l’article 18 du projet de loi de finances pour 2022. Il évalue le PSR-UE pour l’année 2022 à 26,40 milliards d’euros, soit un montant proche du montant attendu pour 2021 ([2]).

Ventilation du prélèvement pour 2022

(en millions d’euros)

Ressource TVA

3 585

Ressource plastique

1 258

Ressource RNB

21 558

Dont rabais forfaitaires

1 365

Prélèvement total

26 400

Source : annexe au PLF pour 2022, « Voies et moyens ».

Cette stabilité du PSR-UE ne doit pas faire oublier l’augmentation tendancielle du PSR-UE enregistrée en LFI 2021 (+ 5,7 milliards d’euros soit + 27 % par rapport à la LFI 2020) qui tenait de plusieurs facteurs. La perspective, en 2028, du début du remboursement du plan de relance, donne un caractère urgent à la définition de nouvelles ressources propres.

I.   LES CARACTÉRISTIQUES DU BUDGET EUROPÉEN POUR 2022 ET LA MISE EN ŒUVRE À CARACTÈre historique DU PLAN DE RELANCE NEXT GENERATION EU

Le budget européen pour 2022 présente un caractère inédit. Au budget proprement dit, déclinaison du CFP 2021-2027, s’ajouteront les financements au titre du plan Next Generation EU. Ceux-ci viendront principalement contribuer aux plans nationaux de relance et de résilience nationaux (PNRR).

A.   ÉlÉments sur le budget européen pour 2022, deuxième budget du cadre financier pluriannuel 2021-2027

1.   Un budget 2021 en cours d’exécution ayant fait l’objet de plusieurs budgets rectificatifs

Le budget européen adopté pour 2021, premier budget porté par le CFP 2021-2027 approuvé par le Conseil européen le 14 décembre 2021, présente un montant global de 164,3 milliards d’euros en CE et 166,1 milliards d’euros en CP.

Début octobre 2021, cinq budgets rectificatifs au budget pour l’année 2021 avaient été présentés par la Commission européenne.

L’annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne », présente ces différents budgets rectificatifs.

« Le budget rectificatif n° 1 (PBR n° 2) mobilise 261 millions d’euros en CE et 253 en CP au titre principalement du renforcement de l’instrument d’aide d’urgence et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (pour la mise en œuvre de certificats verts numériques, d’épreuves RT-CPR spécialisées, de la budgétisation de nouveaux besoins émergents et de l’incubation d’HERA) ;

Le budget rectificatif n° 2 (PBR n° 3) reporte le solde excédentaire de l’exercice 2020 (+ 1 769 millions d’euros) ;

Le budget rectificatif n° 3 (PBR n° 1), adopté suite à l’accord interinstitutionnel sur le règlement sectoriel établissant la Réserve d’ajustement au Brexit, rehausse le niveau de CE et de CP du budget 2021 de + 1 697 millions d’euros au titre du paiement du préfinancement 2021 de ce fonds ;

Le projet de budget rectificatif n° 4 met à jour les recettes diverses par une budgétisation d’amendes nouvelles (+ 396 millions d’euros) et actualise également les prévisions de RPT ( 258 millions d’euros au niveau UE par rapport à la budgétisation initiale issue du CCRP 2020), de ressources propres plastique, TVA et RNB ainsi que le montant de contribution britannique, à la suite du CCRP de mai 2021 ;

Le projet de budget rectificatif n° 5 mobilise + 150 millions d’euros en CE (et est neutre en CP) en soutien aux réfugiés en Turquie. »

Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne ». Les projets de budgets rectificatifs 4 et 5 sont encore en cours de discussion.

Début septembre 2021, le taux d’exécution du budget de l’Union européenne pour 2021 était de 42,43 % pour les CE et 76,55 % pour les CP, tout en présentant de grandes différences entre les rubriques du budget. Si la rubrique n° 3 « ressources naturelles et environnement » présente un taux d’exécution de 89,39 % en CP, celui de la rubrique n° 5 « sécurités et défense » est de 41,58 % et celui de la rubrique « cohésion » 6,47 % ([3]).

2.   La vigilance à conserver quant aux restes à liquider

Le début de la mise en œuvre du CFP se caractérise par un niveau important des restes à liquider (RAL), relatifs dans leur grande majorité à des paiements de la programmation 2014-2020 pris par l’Union européenne et n’étant pas encore intervenus. Cette situation impose, pour le rapporteur spécial, une certaine vigilance en vue de l’exécution du budget pour 2022.

Les RAL devraient atteindre, fin 2021, 301 milliards d’euros. Cette estimation, fournie au rapporteur spécial par la direction du budget, tient compte du budget pour 2021 ainsi que des budgets rectificatifs n° 1 à 5.

« Le « reste à liquider » ou RAL est un phénomène normal, conséquence de la structure et du fonctionnement du budget de l’UE, composé en grande partie de crédits dissociés en crédits d’engagement (CE) et en crédits de paiement (CP). Il correspond aux engagements pris par l’Union européenne qui n’ont pas encore été couverts par des paiements. À une date donnée, le stock de RAL mesure le « besoin » de crédits de paiement pour les années à venir, indépendamment des nouveaux engagements qui pourraient être pris.

Pour les crédits non-dissociés, les paiements annuels sont égaux aux engagements annuels (CE = CP) et, par conséquent, le RAL est nul. Ces crédits concernent l’essentiel des aides directes de la politique agricole commune (ancienne rubrique 2) et la quasi-totalité des dépenses administratives (ancienne rubrique 5).

Pour les crédits dissociés, c’est-à-dire pour lesquels les paiements sont effectués après les engagements (CE ≠ CP), l’évolution du RAL reflète la dynamique d’engagement et de paiement. »

Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne ».

D’après les informations communiquées au Parlement, « en 2021, le RAL devrait diminuer de – 1,7 milliard d’euros par rapport à 2020 (– 0,5 %), soit une diminution pour la première fois depuis 2014 après des forts accroissements constatés entre 2015 et 2017 (…) En 2022, le RAL devrait baisser de – 1,6 milliard d’euros (– 0,5 %), mais de grosses incertitudes entourent ce montant, qui est dépendant de la procédure budgétaire annuelle » ([4]).

Le rapporteur spécial partage l’avis de la direction du budget pour qui les RAL « conduisent à limiter les capacités d’action de l’UE pour le (…) cadre financier pluriannuel. À titre d’illustration, environ 60 % des crédits de paiement du budget 2021 sont consacrés au financement d’actions engagées antérieurement ».

3.   L’actualité de trois innovations du CFP 2021-2027 : la nouvelle ressource sur les emballages plastiques non recyclés, le mécanisme d’ajustement au Brexit et le règlement « mécanisme de conditionnalité État de droit »

Le budget pour 2021 s’inscrit dans le nouveau CFP 2021-2027. Son exécution présente la première mise en œuvre de plusieurs innovations, parmi lesquelles :

a.   La nouvelle ressource sur les emballages plastiques non recyclés

L’année 2021 est la première année de prélèvement de la ressource assise sur les plastiques non recyclés, prévue par le CFP 2021-2027 et la nouvelle décision ressources propres (DRP), adoptée le 14 décembre 2020 par le Conseil, entrée en vigueur le 1er juin 2021 avec effet rétroactif au 1er janvier 2021 après son approbation par l’ensemble des États-membres.

Son calcul fait intervenir « l’application d’un taux d’appel uniforme (0,80 €/kg de plastique non-recyclé) à la mesure harmonisée (en kg) des emballages plastiques non recyclés par État-membre » ([5]).

Le rapporteur spécial rappelle à cette occasion que dans le cadre de la négociation du CFP, des réductions brutes annuelles ont été accordés aux États-membres présentant un RNB/habitant est inférieur à la moyenne de l’Union, une réduction correspondant à 3,8 kg d’emballages plastiques non recyclés par habitant ([6]).

b.   La mise en œuvre attendue dans les prochaines semaines d’un mécanisme d’ajustement au Brexit.

Le CFP 2021-2027 a également la particularité de prévoir un instrument de réponse aux conséquences économiques du Brexit, appelée « réserve d’ajustement au Brexit ». Son principe a été approuvé par le Conseil européen de juillet 2020.

Le règlement portant application de ce fonds devrait entrer en vigueur courant octobre 2021, ce dont le rapporteur spécial se réjouit. L’enveloppe dont pourra bénéficier la France s’élève à 672 millions d’euros.

Modalités de répartition de la réserve d’ajustement au Brexit

« La part de chaque État-membre est déterminée en fonction de trois critères principaux : la valeur des poissons capturés dans la zone économique exclusive du Royaume Uni, l’importance du commerce avec le Royaume Uni et l’importance des relations de voisinage pour les régions frontalières maritimes avec le Royaume-Uni et leurs communautés.

L’accord prévoit un champ d’éligibilité des dépenses particulièrement étendues. En effet, l’ensemble des dépenses supportées par les autorités publiques en vue d’atténuer les conséquences du Brexit pourront faire l’objet d’un soutien financier au titre de la réserve d’ajustement au Brexit, qu’il s’agisse du soutien aux entreprises et secteurs affectés, du remboursement des coûts liés au renforcement des contrôles douaniers (y compris les recrutements dédiés) ou encore des dépenses d’infrastructure. Les États-membres devront par ailleurs flécher 7 % de leur enveloppe totale vers le soutien à la pêche et aux communautés côtières, ce qui correspond pour la France à un montant minimum de 47,5 millions d’euros.

La période d’éligibilité s’étend du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2023. Le versement des fonds se fera en deux étapes : un préfinancement de 80 % de l’enveloppe française décaissé en trois tranches (235 millions d’euros en 2021, 177 millions d’euros en 2022 et 177 millions d’euros en 2023) et un versement du solde de 148 millions d’euros en 2025 sous réserve du montant des dépenses éligibles présentées à la Commission et de l’évaluation, par cette dernière, du rapport de mise en œuvre qui devra être remis en 2024. »

Source : direction du budget, réponse au questionnaire budgétaire.

La relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni s’inscrit désormais dans un cadre juridique composé de trois accords : l’accord de commerce et de coopération, l’accord sur l’utilisation sûre et pacifique de l’énergie nucléaire et l’accord sur la sécurité de l’information.

Le rapporteur spécial constate toutefois que si l’accord de commerce et de coopération créée une zone de libre-échange dans des termes ambitieux, sans droits de douane ni contingents sur les biens échangés, avec des garanties de concurrence équitables, le Royaume-Uni tend aujourd’hui à contourner certaines de ses obligations. Toute divergence avec les règles européennes en vigueur serait inacceptable.

Il déplore et condamne fermement le défaut de coopération loyale du Royaume-Uni dans le domaine de la pêche, notamment dans le cadre de l’attribution des licences dues aux pêcheurs européens. Il soutient la demande du Gouvernement français auprès de la Commission européenne de faire valoir les droits de l’Union : l’accord conclu avec le Royaume-Uni prévoit ainsi des mécanismes de gouvernance auxquels il est urgent de recourir (convocation du conseil de partenariat, recours juridictionnel et mesures correctives).

Le rapporteur spécial rappelle à cette occasion que conformément à l’accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020 et après la période transition achevée le 31 décembre 2020, le Royaume-Uni contribue au budget européen au titre de ses engagements passés.

Modalités financières de l’accord de retrait

Le volet financier de l’accord de retrait comprend principalement :

– les engagements budgétaires du budget UE 2020 issus de la mise en œuvre du règlement CFP de la période 2014-2020 et de la décision des ressources propres du 26 mai 2014 pour lesquels le Royaume-Uni était partie prenante).

– le calcul de corrections en cas de révision de la part de contribution du Royaume-Uni sur les exercices antérieurs à 2021 (en cas de révision d’agrégats, de budgétisation d’amendes, de corrections financières, …) ;

– un traitement des droits de douane collectés en novembre et décembre 2020 mais versés à la Commission en janvier et février 2021 au titre des ressources propres traditionnelles ;

– une liquidation de la participation britannique aux instruments financiers européens ainsi qu’aux capitaux de la BEI et de la BCE et le remboursement de ces participations ;

– des versements (qui interviendront également largement au-delà de la période 2021-2027) au titre des cotisations du Royaume-Uni aux régimes de retraite et d’assurance maladie des fonctionnaires européens.

Source : direction du budget, réponse au questionnaire budgétaire.

La Commission européenne évalue la contribution du Royaume-Uni au titre du budget 2021 et 2022 à respectivement 6,8 milliards d’euros et 10,69 milliards d’euros, hausse imputable à un décalage calendaire de paiement ([7]).

c.   Le règlement « mécanisme de conditionnalité-État de droit » et l’attente de la décision de la CJUE sur le recours en annulation porté par la Hongrie et la Pologne sur le règlement « conditionnalité-État de droit »

Né dans le cadre de la préparation du CFP 2021-2027, le règlement du 16 décembre 2020 relatif à un régime de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union ([8]) s’applique aux fonds prévus par le CFP 2021-2027. Le principe d’un mécanisme de conditionnalité financière liée au respect par les États-membres des principes de l’État de droit, tels qu’ils résultent de l’article 2 du TUE, a fait l’objet, dès 2019, de complexes négociations, au cours desquelles la Hongrie et la Pologne ont plusieurs fois manifesté leur désaccord.

La rédaction actuelle du règlement conditionne le déclenchement de la procédure à des violations de principe de l’État de droit, dans un État-membre, portant atteinte ou risquant fortement de porter atteinte à la bonne gestion financière de l’Union ou à la protection des intérêts financiers de l’Union, d’une manière suffisamment directe. Les mesures qui pourraient être déclenchées pourraient constituer par exemple en des suspensions de paiements ou d’engagements juridiques, en des interdictions de contracter de nouveaux engagements, en des réductions de préfinancement ou encore, en des interruptions de délais de paiements.

Le règlement « mécanisme de conditionnalité-État de droit » a fait l’objet le 11 mars 2021 de la part de la Pologne et de la Hongrie d’un recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La décision de la CJUE devrait intervenir dans les prochaines semaines.

Le mécanisme n’a pas encore été utilisé : les « orientations » ou « lignes directrices » de la Commission européenne ne sont pas encore connues à ce jour, ce qu’a déploré le Parlement européen dans une résolution adoptée le 10 juin 2021, laissant supposer un possible recours en carence contre la Commission européenne. Celle-ci indique pour sa part attendre la décision de la CJUE.

4.   Éléments sur le projet de budget pour 2022

Le projet de budget de l’Union européenne pour 2022 a été présenté par la Commission européenne le 8 juin 2021. Il s’élève à 167,8 milliards d’euros en crédits d’engagement et 169,4 milliards d’euros en crédits de paiement, soit, hors instruments spéciaux, une hausse de 2 % par rapport au budget 2021. Ce projet de budget ne tient pas compte des paiements qui interviendront au titre de la Réserve d’ajustement Brexit.

La montée en puissance des nouveaux programmes d’investissement, de santé et d’action extérieure suit les priorités du CFP 2021-2027 qui porte un objectif transversal de soutien à la relance et aux transitions écologiques et numériques.

À la différence des exercices précédents, certains programmes bénéficieront de financements complémentaires non négligeables, en particulier au titre du plan de relance européen, ce qui représente 143,5 milliards d’euros en crédit d’engagement.

Comme le prévoit la procédure budgétaire européenne, le Conseil, s’étant saisi de cette proposition, a adopté à l’unanimité le 6 septembre 2021 une position commune qui s’inscrit dans un effort de soutenabilité budgétaire. La position du Conseil, qui inclut la Réserve d’ajustement Brexit, s’établit à 167,7 milliards d’euros en crédits d’engagement et 170 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une différence à la baisse de 131 millions d’euros en CE et 575 millions d’euros à la hausse en crédits de paiement.

La position du Parlement européen sera arrêtée en séance plénière entre le 18 et le 21 octobre. La Commission des Budgets a déjà adopté des amendements qui augmentent le budget de certains programmes, tel Horizon Europe, Life, Erasmus+, EU4Health. Suivra l’habituelle période de négociation entre le Conseil et le Parlement européen, un compromis étant attendu pour le mois de novembre.

La ressource RNB devrait représenter la principale source de financement du budget de l’Union européenne (67 %), suivie de la ressource TVA (11 %) et des RPR (11 %). S’y ajouteront la ressource « plastique », la contribution britannique (6 %) et d’autres recettes diverses (1 %) ([9]).

B.   La mise en œuvre du plan de relance next generation EU

1.   Un financement inédit, mis en œuvre dans des délais très courts

Le lancement du plan de relance Next Generation EU, sur lequel les chefs d’État et de gouvernement s’étaient accordés le 21 juillet 2020 et qui a été approuvé par le Parlement européen en décembre 2020 ([10]), présente 750 milliards d’euros, dont 390 milliards d’euros en subvention et 360 milliards d’euros en prêts. Il tend à alimenter, d’une part et à titre principal, la Facilité de relance et de résilience, et d’autre part différents programmes budgétaires européens.

Destination des fonds du plan de relance Next generation EU

Facilité de relance et de résilience

312,5 milliards de subventions et 360 milliards de prêt

REACT’EU

47,5 milliards d’euros

Horizon Europe

5 milliards d’euros

Invest EU

5,6 milliards d’euros

FEADER

7,5 milliards d’euros

Fonds pour la transition juste

10 milliards d’euros

RescEU

1,9 milliard d’euros

L’article 3 du règlement du 12 février 2021 établissant la Facilité pour la reprise et la résilience détermine son champ d’action :

Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la Facilité pour la reprise et la résilience

Article 3 du règlement

Le champ d’application de la facilité vise des domaines d’action d’importance européenne structurés en six piliers :

a) la transition verte ;

b) la transformation numérique ;

c) la croissance intelligente, durable et inclusive, y compris la cohésion économique, l’emploi, la productivité, la compétitivité, la recherche, le développement et l’innovation, ainsi que le bon fonctionnement du marché intérieur, avec des PME solides ;

d) la cohésion sociale et territoriale ;

e) la santé et la résilience économique, sociale et institutionnelle dans le but, entre autres, d’augmenter la préparation aux crises et la capacité de réaction aux crises ;

et f) les politiques pour la prochaine génération, les enfants et les jeunes, tels que l’éducation et les compétences.

Source : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32021R0241&from=EN

Son lancement a été soumis :

– à l’adoption par les 27 États-membres de la nouvelle décision ressources propres DRP.

– à la préparation par les États-membres de plans nationaux de relance et de résilience (PNRR), pour accéder à la facilité de relance et de résilience et aux subventions directes et prêts qui y sont corrélés. Le règlement établissant la facilité pour la reprise et la résilience (RRF) présente onze critères, en rapport avec le champ d’application présenté dans le tableau supra, parmi lesquels la contribution à la transition écologique et à la transition numérique, la conformité avec les règles en vigueur à l’échelle européenne en matière d’aide d’États, et la prise en compte des « recommandations-pays » élaborées par le Conseil pour chaque pays établies pour 2019 et 2020. La procédure prévoit une évaluation de chaque PNRR par la Commission européenne et une adoption par le Conseil à la majorité qualifiée.

La Commission européenne a procédé aux premières levées de fonds sur les marchés dans le prolongement immédiat de l’entrée en vigueur de la décision DRP le 1er juin 2021. Dans un premier temps, quatre opérations ont été réalisées par la Commission européenne, pour un montant total de 54 milliards d’euros. La première émission d’obligations « vertes » a été lancée quant à elle le 12 octobre 2021. La somme à caractère exceptionnel de 12 milliards d’euros, pour le financement exclusif d’investissement durables, a été levée à cette occasion par la Commission européenne.

Les premiers versements aux États-membres dont les PNRR avaient été validés sont intervenus au cours de l’été 2021. 51,4 milliards d’euros de préfinancement ont été versés en appui des PNRR de seize États-membres. Il s’agit de « préfinancements » : pour leurs demandes de financements, les États devront justifier de l’avancée de la mise en œuvre de leur PNRR.

Pays ayant reçu un préfinancement (13 % de l’enveloppe allouée)

Pays dont le PNRR a été validé, en attente de paiement ou préfinancement

Pays ayant déposé leur PNRR, en attente d’approbation par le Conseil

Pays ayant déposé leur PNRR, en attente d’évaluation par la Commission

Pays dont le PNRR est encore en cours d’élaboration

Allemagne

Autriche

Belgique

Chypre

Croatie

Danemark

Espagne

France

Grèce

Italie

Lettonie

Lituanie

Luxembourg

Portugal

République tchèque Slovénie

Irlande

Malte

Roumanie

Estonie

Finlande

Hongrie

Pologne

Suède

Bulgarie

Pays-Bas

 

Source : représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne et direction du budget.

Les critères de répartition entre États-membres reposent notamment sur les conséquences de la crise sanitaire sur les économies nationales et sur le taux de chômage. Les montants perçus varient en fonction d’une clé d’allocation, figurant en annexe du règlement Facilité relance et résilience, dont l’ambition est de mesurer l’impact réel de la crise dans chaque pays.

Une réévaluation interviendra courant 2022 pour l’attribution des fonds prévus pour l’année 2022, soit 30 % des fonds.

À titre d’exemple, les deux premiers bénéficiaires, l’Italie et l’Espagne, ont reçu respectivement, dans le cadre du préfinancement :

– pour l’Italie, 24,9 milliards d’euros, sur un financement total de l’ordre de 68,8 milliards d’euros sous forme de subvention et 122,6 milliards sous forme de prêts ;

– pour l’Espagne, 9 milliards d’euros, sur un financement total de l’ordre de 69,5 milliards d’euros sous forme de subvention.

Le tableau ci-après présente la répartition des préfinancements versés par la Commission européenne.

répartition des préfinancements

État

Préfinancement

Montant global

Autriche

450 millions d’euros

nd

Belgique

770 millions d’euros

5,9 milliards d’euros
sous forme de subventions

Croatie

820 millions d’euros

nd

Chypre

157 millions d’euros

1 milliard d’euros
sous forme de subventions et 200 millions d’euros sous forme de prêts

 Danemark

201 millions d’euros

1,5 milliard d’euros
sous forme de subventions

Espagne

9 milliards d’euros

69,5 milliards d’euros
sous forme de subventions

France

5,1 milliards d’euros

39,4 milliards d’euros
sous forme de subventions

Grèce

4 milliards d’euros

17,8 milliards d’euros
sous forme de subventions et 12,7 milliards sous forme de prêts

Italie

24,9 milliards d’euros

68,9 milliards d’euros
sous forme de subventions et 122,6 milliards sous forme de prêts

Lettonie

237 millions d’euros

1,8 milliard d’euros
sous forme de subventions

Lituanie

289 millions d’euros

2,22 milliards d’euros

Luxembourg

12,1 millions d’euros

93,4 millions d’euros

Portugal

2,2 milliards d’euros

13,9 milliards d’euros
sous forme de subventions et 2,7 milliards sous forme de prêts

République tchèque

920 millions d’euros

nd

Slovénie

231 millions d’euros

2,5 milliards d’euros
constitués de subventions (1,8 milliard d’euros) et de prêts (705 millions d’euros)

Source : direction du budget, réponse au questionnaire budgétaire.

2.   La mise en œuvre par la France de son plan national de relance et de résilience, troisième bénéficiaire du plan Next Generation EU : un apport structurant au plan France-relance

Le PNRR français a été présenté à la Commission européenne le 28 avril dernier et a été adopté par le Conseil le 13 juillet dernier.

La France, troisième pays bénéficiaire en termes financiers, devrait recevoir un financement de l’ordre de 40 milliards d’euros de la Facilité pour la relance et la résilience inscrite sur le plan Next Generation EU ([11]), soit un financement de près de 40 % des mesures du plan France relance.

Comme chaque plan national, le PNRR français articule, pour la période 2021-2026, des programmes d’investissements et de réformes en accord avec les critères posés par l’Union européenne : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion sociale et territoriale et la numérisation de l’économie. Il est étroitement associé aux priorités et mesures du plan France relance, évalué quant à lui à 100 milliards d’euros.

À titre d’exemple, d’après le PNRR français, la composante « rénovation énergétique des bâtiments » s’y élève à 6,7 milliards d’euros, représentant une demande de financement au titre de la Facilité pour la relance et la résilience d’un montant de 5,8 milliards d’euros. » ([12]) 

estimation du coût des mesures « rénovation énergétique des bâtiments »

(en milliards d’euros)

Mesure

Montant total

FRR

Rénovation énergétique des bâtiments publics

4,0

3,8

Rénovation énergétique et réhabilitation lourde des logements sociaux

0,5

0,5

Transition écologique et rénovation énergétique des TPE-PME

0,2

0,12

Rénovation énergétique des logements privés (MaPrimeRénov)

2,0

1,405

Total Composante Rénovation énergétique

6,7

5,825

Source : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/PNRR%20Francais.pdf

Pour le rapporteur spécial, cette contribution de l’Union européenne au financement du plan France relance à hauteur de 40 % de celui-ci est significative du soutien de l’Union européenne à l’économie française dans un contexte économique encore troublé. Cet apport mérite selon lui une communication appuyée en faveur du public car l’Europe est bien présente et visible dans chacun des projets dudit plan. L’article 34 du règlement UE 2021/241 relatif à la facilité pour la reprise et la résilience impose d’ailleurs aux destinataires de financements de l’Union de s’assurer de la visibilité de l’action européenne.

Dans le cadre du plan de relance, la France a reçu le 19 août 2021 un préfinancement de 13 %, soit 5,1 milliards d’euros. Une première demande de financement, à l’appui de laquelle la France devra présenter les premières réalisations de son PNRR, pourrait intervenir d’ici la fin de l’année pour un montant maximum de 7,4 milliards.


II.   L’APPARENTE STABILITÉ DU PSR-UE POUR 2022 : leS PERSPECTIVES HAUSSIÈRES donnent un caractère URGENT À L’ADOPTION par l’union européenne DE NOUVELLES RESSOURCES PROPRES

Après une très nette augmentation enregistrée en LFI pour 2021 par rapport à 2020, revue dans de faibles proportions en juillet 2021 par la loi de finances rectificative, la réunion de plusieurs facteurs tend à une stabilisation du PSR-UE pour 2022, d’après les données actuellement connues.

Ces facteurs n’étant pas durables, et au regard de la progression des dépenses européennes dans le cadre du CFP 2021-2027, du départ du Royaume-Uni et de la perspective du remboursement du plan Next Generation EU, le rapporteur spécial réitère ses appels à une grande vigilance et à la définition par l’Union européenne de nouvelles ressources propres.

A.   Après la modeste correction À la baisse apportée au PSR-UE pour 2021, L’apparente stabilité de la contribution française pour 2022

1.   En juillet 2021, la prise en compte de l’évolution à la baisse du PSR-UE en loi de finance rectificative

Après les différents ressauts de l’évaluation du PSR-UE 2020, conséquences de la crise économique et des mécanismes de soutien mis en place en urgence par l’Union européenne, le PSR-UE a connu en 2021 une évolution à la baisse, inscrite en loi de finance rectificative tenant compte des budgets rectificatifs européens.

Évolution de l’évaluation du PSR-UE pour 2021

(en milliards d’euros)

 

Exécution
2020

LFI pour
2021

LFR pour
2021

Dernières prévisions d’exécution ([13])

PSR-UE

23,7

(estimation de 21,5 en LFI)

27,2

26,4

26,5

Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne » et direction du budget.

Pour la direction du budget, la reprise économique, l’augmentation des prévisions de recettes douanières et la prise en compte de corrections sur les exercices antérieurs ont compensé certaines dépenses actualisées à la hausse comme la mise en œuvre de la réserve d’ajustement Brexit.

Les dernières prévisions d’exécution anticipent toutefois un niveau d’exécution de l’ordre de 26,5 millions d’euros, du fait d’une révision à la baisse de la contribution budgétaire du Royaume-Uni, que prend en compte le budget rectificatif  4 au budget pour 2021.

Les composantes du PSR-UE devraient se répartir en 2021 de la manière suivante :

Ventilation du prélèvement pour 2021

(en millions d’euros)

Ressource TVA

3 400

12,84 %

Ressource plastique

1 247

5,71 %

Ressource RNB (*)

21 838

82,45%

Dont rabais forfaitaires

1 352

5,1 %

Prélèvement total

26 485

100 %

Source : annexe au PLF pour 2022, « voies et moyens ».

2.   Un contexte favorable à une stabilisation du montant PSR-UE en 2022

Les prévisions retenues pour l’évaluation du PSR-UE en PLF 2022 permettent d’inscrire la contribution française dans un contexte de stabilité par rapport à l’année 2021.

En 2021, le PSR-UE devrait en effet se décomposer de la manière suivante :

Ventilation du prélèvement pour 2022

(en millions d’euros)

Ressource TVA

3 585

13,58 %

Ressource plastique

1 258

5,84 %

Ressource RNB (*)

21 558

81,66%

Dont rabais forfaitaires

1 365

5,17 %

Prélèvement total

26 400

100 %

Source : annexe au PLF pour 2022, « voies et moyens ».

La prévision du PSR-UE pour 2021 a été établie en tenant compte :

– pour ce qui est des dépenses, du niveau de CP inscrits sur le projet de budget de l’Union européenne pour 2022 présenté par la Commission européenne le 8 juin 2021, ainsi que des décaissements prévus au titre de la Réserve d’ajustement au Brexit ;

– pour les recettes, de l’application de la décision des ressources propres (DRP) du 14 décembre 2020, des prévisions macroéconomiques et des prévisions d’agrégats présentées par la Commission européenne lors du comité consultatif des ressources propres (CCRP) s’étant tenu en mai 2021, ainsi que sur une hypothèse de solde excédentaire de 2021 reporté sur 2022 identiques aux exercices antérieurs.

 

Ces prévisions font état, malgré une augmentation globale des dépenses (+ 4,6 milliards d’euros) ([14]) d’une stabilisation portée par les facteurs suivants :

– l’augmentation en 2022 de la contribution du Royaume-Uni au titre de ses engagements passés, en raison d’un décalage calendaire de paiement, évoquée en première partie ;

– l’augmentation des droits de douane en conséquence de la reprise économique.

3.   La difficulté d’analyser pour l’instant l’impact de la nouvelle ressource « plastiques »

Interrogée par le rapporteur spécial sur l’évaluation pouvant être faite de la mise en œuvre de nouvelle ressource propre fondée sur les emballages plastiques non recyclés et de son impact sur l’évaluation du PSR-UE, la direction du budget considère que l’estimation de la ressource plastique, due par les États-membres depuis le 1er janvier 2022, reste « indicative et susceptible d’être ajustée au cours des prochains exercices. »

En effet, sont utilisés dans le calcul des « agrégats comptabilisés en exercice n+2. Les agrégats comptabilisant les déchets d’emballages plastiques relatifs aux exercices 2020 et 2021 ne sont donc pas encore connus, les prévisions actuelles pour ces exercices utilisées dans le cadre du budget de l’Union européenne résultant de projections sur la base d’exercices précédents. Il n’est donc pas possible de formuler des observations à ce stade. » ([15])

Pour la direction du budget, « la France apparaît assez stricte dans sa comptabilisation relativement aux autres États-membres, ce qui expliquerait le taux de recyclage faible et, partant, le fort taux de contribution français à la ressource plastique. En fonction des corrections sur exercices antérieurs que pourra opérer la Commission, la part de la France pourrait ainsi se voir minorer. »


B.   La difficile évaluation du PSR-UE, une problématique toujours actuelle qui pose aussi la question de l’information du parlement

Le rapporteur spécial se réjouit des perspectives de stabilisation du PSR-UE français pour 2022.

Pour lui, il convient toutefois, eu égard à sa trajectoire globalement haussière au cours des dix dernières années et des caractéristiques du CFP, de conserver une grande prudence pour les prochains exercices, d’autant que le Brexit s’est traduit par une augmentation structurelle du PSR-UE étant donné que le Royaume-Uni faisait partie des « contributeurs net » au budget de l’Union européenne.

Évolution du PSR-UE (2014-2028)

Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne ».

La contribution totale est définie comme la somme du PSR-UE et des droits de douane collectés en France et reversés (nets des frais de perception) au budget de l’Union (RPT).

Le coût de l’emprunt NGEU à partir de 2028 indiqué en rouge sur le graphique est celui qui serait payé à défaut de l’introduction de ressources propres (pour lesquelles un calendrier de travail et d’introduction est prévu au cours du cadre 2021-2027).

Le graphique ci-dessus présente l’évolution passée et attendue du PSR-UE pour la France ainsi que la contribution totale française.

La direction du budget estime ainsi le montant annuel moyen du PSR-UE à 27,6 milliards d’euros sur le CFP 2021-2027, soit une hausse de 7,5 milliards d’euros par an par rapport au cadre 2014-2020 ([16]), conséquence notamment des dépenses inscrites sur le CFP 2021-2027. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est également facteur d’accroissement des contributions françaises, la France étant devenue deuxième contributeur net.

Le graphique ci-dessous présente par ailleurs de manière très éloquente les écarts constatés entre les montants prévus et exécutés de 1982 à 2020.

Écart entre l’exécution du PSR-UE et sa prévision en LFI

(en millions d’euros)

Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne ». Changement de périmètre à compter de 2010 : le PSR-UE exclut les ressources propres traditionnelles. Sont inclus les budgets rectificatifs exceptionnels en 2013 (1 793 millions d’euros).

L’annexe au projet de loi de finances pour 2022 « relations financières avec l’Union européenne » dont est tiré ce graphique en propose l’analyse suivante. De 1982 à 1988, le montant systématiquement plus élevé de l’exécution par rapport à la prévision établie en LFI refléterait « l’absence de maîtrise de la dépense agricole (interventions de marché) ». De 1989 à 1992, la surestimation de la contribution semblerait due « à des difficultés d’absorption des crédits des fonds structurels dans les États-membres et à l’introduction de la programmation financière pluriannuelle, qui a incité l’autorité budgétaire européenne à sur-budgétiser en saturant les plafonds annuels de dépenses, ce qui s’est souvent traduit par une sous-exécution massive des crédits ». Depuis 2003, « l’écart entre prévision et exécution ne fait pas apparaître de tendance claire mais confirme les difficultés liées à l’exercice de prévision de la contribution. » ([17])

Le caractère exceptionnel de l’année 2020, avec une exécution de 23,7 milliards d’euros contre une évaluation de 21,5 milliards d’euros en LFI, apparaît aussi sur ce graphique, reflet des conséquences sur les dépenses et les recettes de l’Union européenne de la crise sanitaire.

En recettes, la contraction des activités économiques en 2020 provoquée par la crise sanitaire a notamment eu un impact à la baisse sur la diminution de la ressource propre TVA et les RPT (droits de douane), entraînant une augmentation à concurrence de la ressource RNB. Les dispositifs exceptionnels de réponse à la crise, présentés par le rapporteur spécial dans le cadre de son rapport sur la loi de règlement pour 2020 ([18]), ont naturellement impliqué la mobilisation de crédits européens supplémentaires portés successivement par neuf budgets rectificatifs.

Pour la France, l’amélioration de la prévisibilité de la contribution française au budget européen passe notamment par une amélioration de la capacité de la Commission européenne à prévoir les décaissements, à établir le calendrier de corrections sur exercices antérieurs.

À cet égard, dans le cadre de la révision en cours du règlement de mise à disposition des ressources propres (MAR), la France plaide pour une anticipation du processus dit de budgétisation des corrections sur exercices antérieurs, ce qui permettrait une prise en compte budgétaire de l’impact de ces corrections dès le projet de loi de finances initiale, ce qui limiterait le nombre d’actualisations, en cours d’exercice, du montant des ressources TVA, RNB et plastique.

D’après la direction du budget, la proposition de révision publiée en juin 2021 par la Commission européenne propose justement de reporter le paiement des corrections sur exercices antérieurs à l’exercice suivant. Cela permettrait d’en prendre en compte les conséquences budgétaires en loi de finances initiales.

Si les budgets rectificatifs annuels tirent la conséquence de modification de l’environnement macroéconomique, le rapporteur spécial estime que cette procédure, qui tend à se développer, doit être réduite au strict nécessaire, car elle pèse sur la capacité des parlements nationaux à approuver les contributions nationales à l’Union européenne.

C.   L’incontournable et prioritaire question de nouvelles ressources propres

Pour le rapporteur spécial, la question de la définition de nouvelles ressources propres présente une importance particulière, eu égard notamment aux prochains remboursements du plan de relance Next Generation EU.

1.   L’échéance de 2028 et des premiers remboursements des emprunts levés par la Commission européenne dans le cadre du plan de relance européen

Dès l’accord de juillet 2020 sur le plan de relance européen, la France a porté l’ambition de rembourser les emprunts levés dans le cadre du plan de relance européen, non pas par des contributions nationales supplémentaires, mais par de nouvelles ressources propres. Cette ambition est partagée par les autres États-membres.

Extrait des conclusions du Conseil européen du 17-21 juillet 2020 :

« Au cours des prochaines années, l’Union s’efforcera de réformer le système des ressources propres et d’introduire de nouvelles ressources propres. Dans un premier temps, une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés sera établie et appliquée à partir du 1er janvier 2021. Au cours du premier semestre de 2021, à titre de base pour des ressources propres supplémentaires, la commission présentera des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023. Dans le même esprit, la Commission présentera une proposition relative à un système révisé d’échange de quotas d’émission, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime. Enfin, l’Union s’efforcera, au cours du prochain CFP, de mettre en place d’autres ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières. Le produit des nouvelles ressources propres introduites après 2021 sera utilisé pour le remboursement anticipé des emprunts contractés dans le cadre de Next Generation EU. »

Le terme de « ressources propres » renvoie à l’article 311 du TFUE qui dispose que « le budget est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres. (…) Le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, à l’unanimité et après consultation du Parlement européen, adopte une décision fixant les dispositions applicables au système des ressources propres de l’Union. Il est possible, dans ce cadre, d’établir de nouvelles catégories de ressources propres ou d’abroger une catégorie existante. Cette décision n’entre en vigueur qu’après son approbation par les États-membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »

Les nouvelles ressources devront être guidées par « les objectifs généraux de simplicité, de transparence et d’équité, y compris le partage équitable de la charge » ([19]), comme l’a défini le Conseil européen.

À défaut d’un accord sur une ou de nouvelles ressources propres, « le remboursement sera calculé sur la base de la part de chaque État-membre dans le RNB total de l’UE », d’après la direction du budget. « Toute chose étant égale par ailleurs et sous réserve des hypothèses de taux, d’inflation et de clé RNB retenues, ces échéances pourraient ainsi représenter pour la France, à compter de 2028, environ 2,5 milliards d’euros courants par an s’ajoutant aux contributions nationales qui seront appelées par la Commission européenne pour financer le cadre financier pluriannuel. »

2.   L’attente des propositions de la Commission européenne

La feuille de route annexée à l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 établit de premières pistes : mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, révision du marché carbone, taxation des entreprises du numérique, taxe sur les transactions financières, harmonisation de l’impôt sur les sociétés.

Le rapporteur espère une présentation rapide par la Commission européenne de ses propositions : si le graphique ci-dessous mentionne l’échéance de juin 2021, elles sont désormais attendues d’ici la fin de l’année. Aux termes de l’accord interinstitutionnel conclu le 10 novembre 2020, cette proposition devra être suivie d’une délibération du Conseil avant le 1er juillet 2022, en vue de leur mise en œuvre pour le 1er janvier 2023.

Feuille de route pour l’introduction de nouvelles ressources propres au budget de l’UE

* Conformément à la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14/12/2020

Source : service de recherche du Parlement européen.

https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=EPRS_BRI(2018)630265

Des propositions de la Commission européenne relatives aux taxes sur les transactions financières devraient également être connues d’ici mi-2024.

   CONCLUSION

 

Pour le rapporteur spécial, le plan de relance Next Generation EU, initié en 2021 et qui se déploiera pleinement en 2022, est une étape majeure dans l’intégration économique européenne avec pour la première fois un endettement conjoint, même si temporaire. Il manifeste la solidarité des États-membres entre eux, étant donné que l’émission de dettes communes est répartie entre les États-membres selon une clé de répartition au profit des pays les plus touchés par la crise.

Le premier semestre 2022 sera marqué par la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Dans l’attente de connaître les priorités qui seront portées par la France, présentées par le Président de la République dans les prochaines semaines, le rapporteur spécial espère que la France pourra faire avancer la problématique des nouvelles ressources propres, enjeu majeur.

Il attend également avec grand intérêt la remise des conclusions sur l’avenir de l’Europe, qui doivent être connues au printemps 2022 et remises aux institutions européennes.

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

 Mme Claire Cheremetinski, ministre conseiller, cheffe du Service économique, commercial et financier.


([1]) Source : direction du budget.

([2])  En loi de finances rectificative, 800 millions d’euros avaient été déduits des 27,2 milliards d’euros inscrits en loi de finances initiale pour 2021.

([3]) Commission européenne, données transmises par la direction du budget (questionnaire budgétaire).

([4]) Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne ».

([5]) Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne ».

([6]) Il s’agit de la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la Croatie, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie. Source : annexe au PLF pour 2022, « relations financières avec l’Union européenne ».

([7])  « La hausse entre 2021 et 2022 présentée ci-dessus du montant de contribution britannique au titre du RAL est due uniquement à un décalage calendaire de paiement : le Royaume Uni effectue ses paiements au titre d’un exercice n de juin de cet exercice n à juin de l’exercice n+1. En 2021, la part de RAL à payer correspondait seulement à 7/12e de ce qui était dû au titre de l’exercice 2021. En 2022, le montant inscrit dans le projet de budget correspondra à 5/12e de ce qui est dû au titre de l’exercice 2021 et 7/12e de ce qui est dû au titre de l’exercice 2022. » Source : direction du budget, réponse au, questionnaire budgétaire.

([8])  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32020R2092&from=EN

([9]) Source : annexe au PLF 2022, « relations financières avec l’Union européenne ».

([10]) Accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020.

([11]) La France n’a pas demandé à bénéficier du mécanisme de prêt, au regard des conditions auxquelles elle peut déjà prétendre sur les marchés financiers.

([12]) https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/PNRR%20Francais.pdf

([13]) Source : direction du budget.

([14]) La direction du budget évoque « la montée en charge des politiques de recherche et d’actions extérieure de l’UE, concomitamment à une stabilisation des paiements de la politique agricole commune et à une baisse transitoire sous la cohésion ».

([15]) Source : questionnaire budgétaire.

([16]) Source : questionnaire budgétaire.

([17]) Source : annexe au PLF 2022,« relations financières avec l’Union européenne ».

([18]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b4195-a45_rapport-fond.pdf

([19])  décision du Conseil 2020/2053 du 14 décembre 2020 dite « ressources propres », considérant n° 9 :

« Lors de sa réunion tenue du 17 au 21 juillet 2020, le Conseil européen a conclu que les arrangements relatifs aux ressources propres devraient être guidés par les objectifs généraux de simplicité, de transparence et d’équité, y compris le partage équitable de la charge. Il a en outre conclu que le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède, et, dans le contexte du soutien pour la reprise et la résilience, également l’Allemagne, devraient bénéficier de corrections forfaitaires réduisant leur contribution annuelle fondée sur le RNB pour la période 2021-2027. »