N° 4524

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

PAR M. Laurent SAINT-MARTIN,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 06
 

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

 

 

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Jean-Paul DUFRÈGNE

 

Député

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS du rapporteur spécial

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

Bilan de la mission anciens combattants  depuis le début du quinquennat

Analyse du budget 2022

I. Une intÉgration du programme 167 au programme 169 source d’inquiÉtude

A. L’absence de transparence de la réforme des programmes

B. Une inquiétude des principaux intérEssés quant à la garantie du droit à réparation

C. Une intégration attentatoire aux droits et missions du parlement

D. Une maquette alternative est possible

II. Un budget 2022 décevant

A. malgré la hausse du point PMI, Une baisse continue des crédits liés à la réparation

1. Un rattrapage bienvenu mais insuffisant du décrochage de la valeur du point PMI qui n’enraille par la baisse tendancielle de charge de la dette viagère

a. La pénalisation de la valeur du point PMI par l’indexation à l’indice de traitement de la fonction publique

b. Une hausse des prestations obligatoires en faveur des anciens combattants à due proportion du rattrapage de la valeur du point

2. Une baisse tendancielle des crédits relatifs aux droits liés à la gestion de la dette viagère

3. Une action dédiée aux subventions à l’Institution nationale des invalides au service de la réparation des victimes de guerre

B. les actions en faveur de la solidarité, la mémoire et du lien armées-jeunesse

1. Une légère revalorisation des crédits dédiés à la solidarité envers le monde combattant

a. Une revalorisation tendancielle des rentes mutualistes

b. Un maintien global des subventions aux opérateurs

i. La trajectoire conforme au contrat d’objectifs et de performance (COP) des dotations à destination de l’ONAC-VG de nature à maintenir un niveau adéquat de soutien au monde combattant

ii. Le maintien des subventions en souvenir de la libération

c. Une action soutenue en faveur des rapatriés, harkis et supplétifs

2. Deux facteurs de la hausse importante des crédits dédiés au lien armée-jeunesse

a. La participation accrue de la mission aux objectifs de la journée défense et citoyenneté

b. La montée en charge du service militaire volontaire, dispositif ayant prouvé son efficacité

3. Une politique de mémoire sanctuarisée

a. L’évolution relative des crédits dédiés aux commémorations et à la mémoire

b. La poursuite des travaux relatifs au patrimoine mémoriel

C. Des dépenses fiscales RattachÉes dont l’extension a plus de veuves doit être poursuivie

1. Des dépenses fiscales rattachées à la mission évoluant proportionnellement au nombre de ses bénéficiaires

2. Des évolutions nécessaires et attendues pour mettre fin à une rupture d’égalité

III. Des moyens proportionnels à l’activité des commissions de réparation des victimes de la seconde guerre mondiale

Commentaire de l’article 42  rattaché à la mission Anciens combattants

I. L’état actuel du droit

A. Un écart continu entre la valeur du point militaire d’invalidité et l’inflation

B. Un suivi inexistant du décalage entre la valeur du point PMI et l’inflation

II. Le dispositif proposé

A. Une revalorisation compensant partiellement l’écart constaté par le groupe de travail tripartite

B. Un suivi simplifié de l’évolution de la valeur du point

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


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   PRINCIPALES OBSERVATIONS du rapporteur spécial

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation comporte les programmes qui traduisent le lien entre la Nation et les soldats français engagés dans les conflits militaires du XXème siècle ou, depuis 1993, dans des opérations extérieures (OPEX), marquant de ce fait une transformation progressive de la sociologie et des besoins des anciens combattants.

Tandis que les années précédentes la mission comprenait trois programmes, ce nouveau projet de loi de finances n’en comporte plus que deux : les actions de l’ancien programme 167 sont inscrites au sein du programme 169, devenu Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ; le programme 158, Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale en constitue le second. Cette réduction du nombre de programmes est préoccupante à la fois à l’égard des droits du Parlement et pour les associations d’anciens combattants, principaux intéressés, chez qui elle suscite des craintes légitimes dont le rapporteur veut se faire le porte-parole.

En loi de finances initiale 2021, le budget total de la mission en crédits de paiement s’élevait à 2 089 millions d’euros, le projet de loi de finances pour 2022 propose, lui, de doter la mission à hauteur de 2 016,23 millions d’euros. Les autorisations d’engagement suivent la même trajectoire avec 2 085,8 millions d’euros en LFI 2021 et 2 016,58 millions d’euros en PLF 2022. Cette réduction est une fois encore le signe d’une économie budgétaire réalisée au détriment des anciens combattants.

Si le « rattrapage » de la valeur du point PMI par rapport à l’inflation ne peut que réjouir le rapporteur, les économies réalisées en dépit de celui-ci par la baisse tendancielle du nombre de ressortissants de la mission auraient permis une véritable « revalorisation ».

Les autres crédits de la mission sont, cette année, stabilisés ou augmentés et permettront de maintenir un service satisfaisant au public du programme. Ce dernier budget de la mandature stabilisé apparaissait nécessaire après un quinquennat durant lequel, malgré des avancées notables liées, notamment, à l’extension des dépenses fiscales, la baisse des crédits de la mission n’a pas été ralentie.

 

 


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   DONNÉES CLÉS

évolution des crédits de la mission par programme
entre 2021 et 2022

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2021-2022 (en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Ancien programme 167 - Liens entre la nation et son armée

38 479 926

38 358 956

41 452 873

41 437 863

+ 7,73

+ 8,03

Ancien programme 169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

1 954 150 913

1 957 850 913

1 882 365 760

1 882 025 760

– 3,67

– 3,87

158 - Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

93 138 212

93 138 212

92 764 636

92 764 636

– 0,40

– 0,40

Nouveau programme 169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

1 992 630 839

1 996 209 869

1 923 818 633

1 923 463 623

– 3,45

– 3,64

Mission
Anciens combattants

2 085 769 051

2 089 348 081

2 016 583 269

2 016 228 259

– 3,32

– 3,50

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 

 

 

 

 

Évolution des crédits de paiement de la mission depuis la LFI 2017

Sources : LFI 2017, 2018, 2019, 2020, 2021, PLF 2022

Évolution du nombre d’anciens combattants depuis 2010

Source : commission de finances d’après les documents budgétaires.


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   INTRODUCTION

Le monde combattant se transforme mais le lien avec lui doit demeurer. Ce lien, il n’est pas seulement politique, il est également budgétaire. Les finances publiques, support essentiel de toute politique, prennent ainsi en compte cette nécessité à travers la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. Celle-ci finance non seulement les dispositifs de prise en charge des vétérans et des victimes des discriminations de la Seconde guerre mondiale, mais également les relations de l’armée avec la Nation, en soutenant la politique de mémoire et des initiatives destinées à la jeunesse.

Cette année 2022 devrait être celle du retour à la normale de la vie publique, après deux années difficiles durant lesquelles la crise sanitaire a désorganisé momentanément certaines actions, en empêchant le déroulement normal de plusieurs dispositifs de la mission.

La mission ne fait pas exception à la traditionnelle baisse annuelle de son budget avec la suppression de 3,50 % de crédits de paiement et 3,32 % d’autorisations d’engagement pour atteindre respectivement 2 016,58 et 2 016,23 millions d’euros. La baisse structurelle des crédits est, cette année encore, liée à la décroissance du nombre de ses bénéficiaires, à l’origine de la baisse des coûts liés à la dette viagère principale cause de la diminution générale des crédits de la mission. Cette situation demeure, malgré une revalorisation de la valeur du point militaire d’invalidité, demandée à de nombreuses reprises par le rapporteur spécial. Même si le rapporteur s’en réjouit, il constate qu’un effort supplémentaire, au-delà du simple rattrapage était possible.

De plus, ce projet de loi de finances entérine la fusion des programmes 167 et 169. Le rapporteur spécial souhaite se faire le relais des craintes légitimes des anciens combattants à ce sujet. Ils craignent en effet que celle-ci n’entraîne une perte de lisibilité pour le suivi des dépenses de réparation et, à terme, la dégradation de cette politique essentielle par le mécanisme de fongibilité des programmes. En outre, cette reprise de l’ensemble des politiques liées au monde combattant complique l’exercice du droit d’amendement des parlementaires. Le sens des amendements portés par le rapporteur spécial est de répondre à ces inquiétudes et de défendre les droits des parlementaires et des anciens combattants.

 


—  1  —

   Bilan de la mission anciens combattants
depuis le début du quinquennat

La mission anciens combattants a bénéficié durant le quinquennat d’avancées non négligeables. Il en est ainsi de la solidarité envers les conjoints, grandement étendue par l’augmentation de la pension à destination des conjoints de survivants des grands invalides et l’élargissement du bénéfice de la majoration de la pension de ces conjoints.

La politique mémorielle a également bénéficié d’une valorisation, l’entretien des lieux de mémoire a été conforté et les subventions aux opérateurs maintenues, notamment par l’usage de contrats d’objectifs et de performance. Les liens essentiels avec la Nation ont été consolidés par la participation accrue de la mission à la journée défense et citoyenneté et la montée en charge du service militaire volontaire. Enfin, le point PMI est cette année compensé de la différence que l’indexation au point d’indice de la fonction publique, gelé, a créé depuis 2018.

Le rapporteur spécial souhaite rappeler le rôle du Parlement dans ces avancées et tient à saluer ce travail mené de concert entre l’exécutif et les parlementaires.

Toutefois, il veut aussi mettre en avant les efforts consentis par les opérateurs qui, en contrepartie d’une assurance du montant des crédits à leur disposition ont dû prendre des engagements qui se poursuivent d’ailleurs au-delà de 2022. La rationalisation des emplois a été au cœur de ces contrats et certains opérateurs sont arrivés au bout de leurs capacités à laquelle le rapporteur sera vigilant.

évolution du nombre d’ETPT rémunéré par la mission de 2018 à 2022

Sources : PAP 2019, 2020, 2021, 2022.

Par ailleurs, il tient également à rappeler la baisse inexorable des crédits de la mission qui n’a pas été remise en cause durant le quinquennat. Même s’il consent à la réduction des crédits due à la diminution naturelle du nombre d’anciens combattants, il considère que les économies réalisées auraient pu être utilisées afin de renforcer la solidarité et le soutien à l’égard des anciens combattants, de leurs familles et, surtout, afin de créer des actions à destination des anciens combattants d’OPEX. Ces derniers tendent en effet à devenir les principaux ressortissants de la mission et ne sont pas confrontés à des problématiques identiques à celles de leurs aînés.

Niveau des crédits de paiement de la mission depuis la LFI 2017

Sources : LFI 2017, 2018, 2019, 2020, 2021, PLF 2022.

 


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   Analyse du budget 2022

Traditionnellement, le budget de la mission est marqué par la réduction de ses crédits due à l’érosion du nombre d’attributaires des prestations. Toutefois, même si une telle problématique demeure, le budget 2022 souffre d’une nouvelle répartition des crédits en son sein par sa réduction de trois à deux programmes.

Il est ainsi nécessaire de faire part des inquiétudes suscitées par la nouvelle maquette budgétaire de la mission et d’en proposer une alternative puis d’étudier les crédits proposés en PLF 2022, en suivant pour cela la répartition proposée par le rapporteur.

I.   Une intÉgration du programme 167 au programme 169 source d’inquiÉtude

Le budget 2022 marque une évolution notable dans sa maquette. Il voit la disparition du programme 167 Liens entre la Nation et son armée au profit d’un programme 169 élargi, devenu Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation. Ce nouveau programme intègre désormais les deux actions relatives aux liens entre la Nation et son armée, Liens armées-jeunesse et Politique de mémoire. Ce regroupement des actions en un unique programme très étendu n’est pas sans poser difficulté.

A.   L’absence de transparence de la réforme des programmes

Le rapporteur spécial souhaite tout d’abord faire part de sa surprise quant à la découverte de la fusion des programmes. En effet, si l’information est apparue en juillet lors du débat d’orientation des finances publiques, il était déjà trop tard pour intervenir. À aucun moment, le Parlement n’a été consulté ou informé, contrairement à l’usage sur les questions de maquette budgétaire.

Cette surprise a été partagée par les associations qui ont fait part au rapporteur spécial de leur désarroi face à ce qu’elles ont ressenti comme un déclassement et un manque de considération à l’égard de leur engagement passé.

Enfin, le responsable de programme lui-même a fait part de sa surprise. Il apparaît en effet que cette réforme, demandée depuis plusieurs années afin de faciliter la gestion administrative du programme par les services du ministère, se heurtait jusque-là à l’opposition de la direction du budget. Ainsi, l’absence de concertation s’expliquerait par la particulière rapidité d’une fusion inattendue y compris par le ministère, fusion qui a pour seul objectif de simplifier la vie administrative des gestionnaires. Concernant la maquette budgétaire, il y a toujours un équilibre à trouver entre la liberté de gestion du responsable de programme et la précision de l’autorisation parlementaire : en l’espèce, le déséquilibre en faveur de la première est manifeste.

Toutefois, cette volonté pluriannuelle de regroupement des programmes 167 et 169 démontre que le ministère n’a pas envisagé de concertation jusque-là, y compris avec les opérateurs de la mission avec lesquels ils travaillent pourtant. La justification technocratique et sans projet politique de la nécessité d’un regroupement des programmes ne peut par ailleurs satisfaire ni les parlementaires, ni les associations.

B.   Une inquiétude des principaux intérEssés quant à la garantie du droit à réparation

Le rapporteur est particulièrement attentif à l’accès aux droits des anciens combattants. Or, l’absence de concertation dans la réforme de la mission amène les principaux intéressés à craindre pour la pérennité et la lisibilité de leurs droits, obligations légales à l’égard des anciens combattants depuis plus de 100 ans.

Le vote du Parlement portant sur les crédits d’un programme, la fongibilité permise entre les actions d’un même programme à l’initiative de son responsable ne permet pas d’en garantir l’utilisation. Cette caractéristique particulière nécessite le maintien des politiques importantes et concordantes au sein un programme dédié, seul moyen de s’assurer du montant des crédits dédiés. Le suivi et l’identification de ces dépenses apparaît en outre complexifié par leur regroupement dans un programme « fourre-tout ».

C.   Une intégration attentatoire aux droits et missions du parlement

La question est aussi d’importance pour les parlementaires. Le risque est tout d’abord une perte d’informations : les informations figurant dans les projets annuels de performance (justification au premier euro, dispositif de performance, dépenses fiscales…) sont détaillées programme en programme. Le risque est grand qu’à terme, les informations soient moins précises.

Par ailleurs, le sens du vote en est réduit : en effet, le pouvoir budgétaire du Parlement consiste à voter des enveloppes fermées de crédits (les « programmes ») que le Gouvernement doit impérativement respecter en exécution sauf à repasser devant le Parlement. En fusionnant ces programmes, on réduit la précision et la portée de l’autorisation parlementaire.

Enfin l’exercice du droit d’amendement s’en trouvera considérablement compliqué. En effet, le recours fréquent aux amendements de crédit pour éviter les affres de l’article 40 oblige à gager les mouvements d’un programme à l’autre. Il ne demeure à cette fin dans la maquette qu’un programme 158 dédié à l’indemnisation aux victimes d’atrocités commises durant la seconde guerre mondiale, faiblement abondé d’ailleurs, qu’il apparaît délicat de ponctionner et nuit aux possibilités offertes aux parlementaires. L’autre solution, compliquée techniquement, sera de proposer la scission du programme 169.

D.   Une maquette alternative est possible

Sans revenir à la maquette précédente, une répartition alternative des crédits entre deux programmes est tout à fait possible.

Ainsi, pour répondre aux attentes des associations, il convient d’isoler les fonds liés à la dette viagère, prestation légalement obligatoire aux anciens combattants, et les frais liés à celle-ci d’une part et de rassembler, d’autre part, les fonds destinés au financement de prestations facultatives ou optionnelles.

Le programme à destination principale des invalides intitulé Réparation en faveur des victimes de guerre, assurant le versement des prestations légales, se verrait octroyer l’ensemble des actions Administration de la dette viagère et Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité ainsi qu’une nouvelle action dédiée aux subventions à l’Institution nationale des Invalides (INI) active au chevet du même public. L’ensemble de ces crédits atteint un montant de 1 628,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 1 549,42 millions d’euros en crédits de paiement.

Le second programme Reconnaissance de l’engagement des combattants, lié à la solidarité, à la mémoire et aux liens armées-jeunesse, qui favorisent tous la reconnaissance de l’engagement et à destination d’un public qui va au-delà des seuls anciens combattants, intégrerait quant à lui l’ensemble des actions Solidarité, de laquelle on retrancherait les fonds à destination de l’INI, Actions en faveur des rapatriés, Liens armées-jeunesse et mémoire pour un montant de 374,05 millions d’euros en autorisations d’engagement et 374,04 millions d’euros en crédits de paiement.

Nouvelle répartition des crÉdits proposÉe pour la mission

 

Actions et sous actions

Crédits de paiements en PLF 2022

Réparation en faveur des victimes de guerre

1 - Administration de la dette viagère

1 412 644 589

01.10- PMI

808 549 719

01.11- RC

604 094 870

2- Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité

116 334 489

02.21-Soins médicaux gratuits

38 441 496

02.22- Remboursement des réductions de transport accordées aux invalides

1 386 641

02.23- Remboursement des prestations de SS aux invalides

76 506 352

3- Subventions INI

20 445 000

Total

1 549 424 078

Reconnaissance de l’engagement des combattants (Aides sociales, mémoire, liens avec la Nation)

3- Solidarité (hors INI)

305 965 853

03.31- Majoration des rentes mutualistes des AC et VG

222 535 794

03.32- Subventions aux associations et œuvres diverses

310 000

03.33- Indemnités, pécules et frais de voyages sur les tombes

50 000

03.34- Action sociale en faveur du monde combattant : ONAC

25 000 000

03.35- ONAC subventions

56 360 059

03.37- CNCCL subventions

1 710 000

7- Actions en faveur des rapatriés

26 635 829

8- Liens armée-jeunesse

23 587 863

9- Politique de mémoire

17 850 000

Total

374 039 545

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

Cette répartition pragmatique a l’avantage de clairement identifier et protéger l’effort de réparation en faveur des anciens combattants. Elle permet par ailleurs de rééquilibrer les montants des programmes autant que possible. Elle correspond enfin aux budgets opérationnels de programme (BOP) prévus par le ministère et fonctionne donc parfaitement techniquement.

II.   Un budget 2022 décevant

Le budget 2022 souffre encore de sa composition, une nouvelle baisse structurelle des crédits est observée avec 3,5 % de crédits de paiement et 3,32 % d’autorisations d’engagement en moins, pour atteindre respectivement 2 016,58 et 2 016,23 millions d’euros. Pour la première fois, l’action Administration de la dette viagère passe la barre symbolique des 2 milliards d’euros. Le rattrapage consenti dans ce budget d’une partie de l’écart du point PMI avec l’inflation constaté depuis 2005 ne remet pas en cause cette trajectoire.

A.   malgré la hausse du point PMI, Une baisse continue des crédits liés à la réparation

Les crédits liés à la dette viagère subissent une baisse de 5,55 % due à la diminution de la population des anciens combattants et s’établissent en PLF 2022 à 1 412,64 millions d’euros AE et CP. En effet, seuls 10 % des 120 000 anciens combattants qui décèdent sont remplacés par des nouveaux titulaires de la carte du combattant issus principalement des OPEX. Cette situation n’est pas remise en cause par la compensation partielle résultant de la « revalorisation » de la valeur du point PMI.

évolution des crédits de paiement liés
à la réparation des victimes de guerre

Actions et sous actions

CP ouverts en LFI 2021

CP demandés en PLF 2022

Var 2021/2022
(%)

1 - Administration de la dette viagère

1 495 669 868

1 412 644 589

 5,55

01.10- PMI

850 859 868

808 549 719

 4,97

01.11- RC

644 810 000

604 094 870

 6,31

2- Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité

117 200 000

116 334 489

 0,74

02.21-Soins médicaux gratuits

40 500 000

38 441 496

 5,08

02.22- Remboursement des réductions de transport accordées aux invalides

1 300 000

1 386 641

6,66

02.23- Remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides

75 400 000

76 506 352

1,47

3- Subventions INI

16 012 447

20 445 000

27,68

Total

1 628 882 315

1 549 424 078

 4,88

Source : PAP 2021, PAP 2022, LFI 2 021.

1.   Un rattrapage bienvenu mais insuffisant du décrochage de la valeur du point PMI qui n’enraille par la baisse tendancielle de charge de la dette viagère

Ce dernier budget de la mandature intègre une action attendue de longue date par les anciens combattants, à savoir un rattrapage, l’octroi de ce qui est dû ne pouvant être qualifié de « revalorisation », de la valeur du point PMI au regard de son écart vis-à-vis de l’inflation depuis 2018.

a.   La pénalisation de la valeur du point PMI par l’indexation à l’indice de traitement de la fonction publique

Depuis 2005, la valeur du point PMI est indexée sur l’indice de traitement brut de la fonction publique. Les décisions des gouvernements successifs quant à l’évolution du point d’indice de la fonction publique se sont ainsi répercutées sur les prestations fournies aux anciens combattants. La logique présidant au gel du point d’indice de la fonction publique est en effet tout à fait différente de la situation des invalides et retraités combattants.

Si, depuis 2010, le gel dans la fonction publique a été l’occasion de procéder aisément à des économies substantielles pour les finances publiques au détriment du pouvoir d’achat des fonctionnaires, cette situation a eu un impact d’autant plus important pour les anciens combattants. La logique de grades à l’ancienneté présidant aux grilles de salaire de la fonction publique permet a minima de limiter les conséquences de la non-revalorisation. En revanche, il n’est pas question de « gain de grade » pour les bénéficiaires des prestations du Code des pensions militaires et d’invalidité.

L’alerte ayant été donnée par les associations d’anciens combattants, ainsi que de nombreux parlementaires, la ministre déléguée aux anciens combattants a souhaité qu’un groupe de travail tripartite – associations, ministère, parlement – puisse étudier la possibilité d’une évolution de l’indexation ou du mécanisme de revalorisation. Le rapport de ce groupe, rendu en mars 2021, conclut à un écart de 5,9 % entre la valeur du point d’indice de PMI au 1er janvier 2020 et la valeur de ce point si elle avait été indexée à l’inflation depuis 2005, en proposant une mesure de rattrapage de la perte du pouvoir d’achat en découlant. Par ailleurs, ce groupe de travail a estimé nécessaire de réunir une commission biennale pour étudier l’évolution future du point sans remettre en cause le mode d’indexation. Ces deux recommandations sont celles faisant l’objet de l’article 42, rattaché à la mission.

Le choix du Gouvernement a toutefois été de n’assumer que la perte de pouvoir d’achat qu’il considère comme étant de son fait, soit l’écart cumulé sur la période du quinquennat, 2018-2021, entraînant une hausse de 2,38 % de la valeur du point. Ce choix se fait cependant au détriment des anciens combattants dans la mesure où ceux-ci ne sont, eux non plus, pas responsables des décisions des précédents gouvernements et subissent de plein fouet l’impact de la dégradation de leur pouvoir d’achat du fait de leur situation souvent précaire.

La nouvelle baisse des crédits à destination de la dette viagère milite pour une véritable « revalorisation », effort supplémentaire qui n’alourdirait pas les dépenses publiques dont les associations et le rapporteur spécial estiment qu’il serait légitime à défaut de couvrir l’ensemble du préjudice subi lié, en particulier, à l’inflation.

b.   Une hausse des prestations obligatoires en faveur des anciens combattants à due proportion du rattrapage de la valeur du point

Le code des pensions militaires et d’invalidité régit les prestations de la dette viagère versées aux anciens combattants. Il est prévu que la pension militaire d’invalidité est établie en référence à un indice de pension, fonction du taux d’invalidité, multiplié par la valeur du point PMI. La retraite du combattant est quant à elle égale à la valeur du point multipliée par 52. Ainsi, les deux principaux dispositifs à destination des anciens combattants, retraite du combattant et pensions militaires d’invalidité, sont proportionnels à la valeur du point PMI.

Par conséquent, le budget impute sur les économies réalisées par la baisse du nombre de bénéficiaires de ces prestations une hausse de 32,8 millions d’euros répartis entre les PMI et la retraite du combattant, avec respectivement 18,8 et 14,04 millions d’euros pour couvrir la hausse de la valeur du point de 0,35 centime.

Cette hausse de la valeur des pensions et des retraites est bénéfique et représente un gain de 175 € annuels pour la majorité des pensionnés (bénéficiaires d’une PMI de 500 points, la majorité des pensionnés, qui passe de 7 350 euros annuels à 7 525 euros) et 18,20 € par an pour les titulaires de la retraite du combattant.

2.   Une baisse tendancielle des crédits relatifs aux droits liés à la gestion de la dette viagère

L’action 02 « Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité » dispense des actions à destination des invalides accessoires à la pension principale et pour lesquelles le statut d’invalides est nécessaire. Les fonds octroyés permettent ainsi de garantir l’accès aux soins des invalides et des tarifs préférentiels sur le réseau ferroviaire.

Ces droits, indépendants de la valeur du point PMI, ne sont pas affectés par le rattrapage effectué sur la valeur du point et dépendent essentiellement du nombre de bénéficiaires. Ainsi, les crédits reculent de - 0,74 % à 116,33 millions d’euros, la baisse des effectifs étant compensée par la hausse de certaines prestations (appareillage gratuit des mutilés, remboursement de prestations de sécurité sociale aux invalides).

évolution du nombre d’anciens combattants depuis 2010

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

3.   Une action dédiée aux subventions à l’Institution nationale des invalides au service de la réparation des victimes de guerre

Les subventions à destination de l’institution nationale des invalides (INI) sont, jusqu’à aujourd’hui, intégrées au sein de l’action 03 « Solidarité » du programme 169. Cependant, l’action de cette institution étant exclusivement dédiée aux victimes de guerre, le rapporteur propose de le raccrocher en tant qu’action au nouveau programme « Réparation en faveur des victimes de guerre ».

Les dotations de l’INI sont cette année en hausse. L’essentiel des fonds de l’INI proviennent de la subvention pour charges de services publics fixée à 12,985 millions d’euros, en hausse de 0,67 million d’euros afin de prendre en compte le coût du Ségur de la Santé. Cependant, les subventions à fin d’investissement sont presque doublées avec 7,8 millions d’euros en AE et 7,46 millions d’euros en CP. Cette hausse importante doit permettre de poursuivre dans de bonnes conditions les travaux d’infrastructure engagés pour améliorer l’offre de services.

La réforme du service de santé des armées :
un risque pour l’accès aux soins des anciens combattants

Durement éprouvé par la crise sanitaire qui a révélé la faible envergure du service et a nécessité des moyens et des effectifs dans le cadre de l’opération résilience, le SSA s’interroge aujourd’hui sur son futur et des réflexions sont menées. Parmi celles-ci, la logique de rapprochement des hôpitaux civils et militaires déjà mise en œuvre depuis de nombreuses années, apparaît comme pouvant être étendue. L’évolution du public, des blessés « au long cours » nécessitant des soins bien différents de ceux dispensés auparavant entraîne également la baisse de la fréquentation des hôpitaux des armées et soutient ce mouvement.

Toutefois, certains cas apparaissent problématiques. Ainsi, à Lyon, l’avenir de l’hôpital Desgenettes est en cause. La fermeture progressive des services et la baisse du personnel hospitalier ont mis en péril cet établissement situé dans un bassin à la très importante population militaire. En outre, le rapprochement avec les hôpitaux civils a déjà été refusé par ces derniers. Enfin, la nouvelle réduction des effectifs et la transformation de l’hôpital en « antenne hospitalière » rattachée à l’hôpital d’instruction des armées de Toulon, annoncée par Madame la ministre le 21 octobre 2021 lors de son déplacement dans cet hôpital fait craindre légitimement une perte de services pour les anciens combattants. Le rapporteur constate que l’engagement formulé par le ministère de ne pas abandonner ce territoire se traduit a minima. Sans s’opposer dogmatiquement à toute restructuration il considère que ces évolutions doivent se faire en toute transparence pour garantir l’accès aux soins des anciens combattants. Il redoute que cette nouvelle mesure contre l’hôpital n’entraîne sa perte.


B.   les actions en faveur de la solidarité, la mémoire et du lien armées-jeunesse

Les crédits du programme Reconnaissance de l’engagement des combattants, mémoire et liens avec la Nation proposé par le rapporteur apparaissent en légère hausse avec 1,71 % supplémentaires à périmètre constant, les subventions de l’INI n’y étant pas incluses. Ce second programme se verrait doté de 374,04 millions d’euros en crédits de paiement à travers ses programmes Solidarité, Actions en faveur des rapatriés, Liens armées-jeunesse et Politique de mémoire.

évolution des crédits de paiement liés à la reconnaissance, la mémoire
et les liens armées-jeunesse

Actions et sous actions

CP ouverts en LFI 2021

CP demandés en PLF 2022

Var 2021/2022
(%)

3- Solidarité (hors INI)

304 187 630

305 965 853

0,58

03.31- Majoration des rentes mutualistes des AC et VG

221 200 000

222 535 794

0,60

03.32- Subventions aux associations et œuvres diverses

310 000

310 000

0,00

03.33- Indemnités, pécules et frais de voyages sur les tombes

50 000

50 000

0,00

03.34- Action sociale en faveur du monde combattant : ONAC

25 000 000

25 000 000

0,00

03.35- ONAC subventions

55 917 630

56 360 059

0,79

03.37- CNCCL subventions

1 710 000

1 710 000

0,00

7- Actions en faveur des rapatriés

24 780 968

26 635 829

7,49

8- Liens armée-jeunesse

21 246 542

23 587 863

11,02

9- Politique de mémoire

17 550 000

17 850 000

1,71

Total

367 765 140

374 039 545

1,71

Source : PAP 2021, PAP 2022, LFI 2021.

 

L’établissement public des fonds de prévoyance

L’EPFP est un établissement public administratif qui intervient au profit des militaires et de leurs familles en mobilisant les ressources de deux fonds de prévoyance : le fonds de prévoyance de l’aéronautique (FPA) et le fonds de prévoyance militaire (FPM) qui poursuit plusieurs objectifs :

– mission de garantie des risques militaires en accordant une aide financière aux militaires blessés et aux familles endeuillées et soutien substantiel aux familles des militaires hospitalisés à la suite d’une blessure en service, afin qu’elles puissent les visiter et les assister dans l’épreuve.

– il perçoit les produits des cotisations instituées par voie réglementaire pour les deux fonds de prévoyance, militaire et de l’aéronautique.

– il contribue aussi au développement du parc immobilier proposé en location aux ressortissants du ministère des armées en finançant l’acquisition de logements neufs ou en octroyant des prêts à des organismes bailleurs contre réservation de logements.

Au titre de ses missions l’EPFP constitue la « 3ème brique du droit à réparation » après les PMI et les dépenses liées aux invalidités (appareillages gratuits).

La gestion financière de l’EPFP est assurée par la Caisse des dépôts et consignations qui place une majorité des liquidités sur le marché obligataire. Au 31 septembre 2021, ces placements représentent 570 millions d’euros quand les fonds propres s’élevaient à 849 millions d’euros fin 2020.

En 2018, un tournant a été atteint dans sa trésorerie. Pour la première fois de son histoire les versements effectués par l’établissement ont été supérieurs aux cotisations reçues. Depuis, la situation est identique. On comptabilise ainsi au 31 décembre 2020 24,74 millions d’euros de cotisations pour 31,87 millions d’euros d’allocations versées. Cette nouvelle situation déficitaire ne remet toutefois pas en cause la solidité de l’établissement du fait de ses importantes réserves et de sa gestion prudente.

Le rapporteur souhaite mettre en avant le manque d’information disponible à propos de ce fonds et le manque de suivi de sa trésorerie par l’absence d’un rapport d’activité. Pour cette raison il lui apparaît nécessaire de déposer un amendement pour obtenir un tel rapport. De plus, il souhaite obliger le gouvernement à mener une réflexion sur l’opportunité du rattachement de celui-ci à la mission Ancienne combattants, justifié par l’évolution sociologique des anciens combattants qui tendent à être d’anciens cotisants de ces fonds en tant qu’anciens militaires d’actives bénéficiaires de la carte du combattant au titre de participation à des OPEX tandis qu’auparavant les anciens combattants constituaient une population indépendante et particulière.

1.   Une légère revalorisation des crédits dédiés à la solidarité envers le monde combattant

À périmètre constant, sans intégration des subventions à l’INI, les crédits de l’action Solidarité atteignent dans ce PLF 305,97 millions d’euros AE et CP contre 304,19 millions d’euros en LFI 2021, soit une très légère hausse de 0,6 %. L’activité soutenue des dispositifs des lois du 23 février 2005 et du 29 décembre 2015 en faveur des rapatriés a été prise en compte par le PLF qui prévoit une hausse des crédits dédiés à hauteur de 7,5 %.

a.   Une revalorisation tendancielle des rentes mutualistes

Le code des pensions militaires le d’invalidité, outre le versement de dispositifs obligatoires aux titulaires de la carte du combattant et des invalides de guerre, prévoit des services auxquelles les anciens combattants peuvent souscrire. Le code de la mutualité prévoit ainsi en son article L. 222-2 que les anciens combattants et titulaires d’un titre de reconnaissance de la Nation peuvent souscrire à des rentes mutualistes majorées légalement, dont les fonds nécessaires à cette majoration sont portés par l’action 03 Solidarité.

Le plafond maximum de ces rentes est fixé, depuis 2006, à 125 points d’indice de la PMI et sont revalorisées en fonction de l’inflation. Cependant, la hausse du budget dédié à ces rentes, en augmentation de 1,3 million d’euros pour atteindre 222,5 millions d’euros malgré la baisse, là encore, du nombre de bénéficiaires, n’est pas liée cette année au rattrapage consenti sur la valeur du point mais à la prise en compte de l’inflation. En effet, une hausse du budget liée à la valeur du point PMI ne s’observe qu’en année N+1 par le mécanisme de remboursement des organismes mutualistes qui versent ces rentes aux bénéficiaires en année N.

b.   Un maintien global des subventions aux opérateurs

i.   La trajectoire conforme au contrat d’objectifs et de performance (COP) des dotations à destination de l’ONAC-VG de nature à maintenir un niveau adéquat de soutien au monde combattant

L’ONAC-VG a fait l’objet en PLF 2020 d’un prélèvement sur trésorerie à hauteur de 9,9 millions d’euros. Le rapporteur avait alors précisé toute l’attention qu’il porterait à la situation financière de l’opérateur et au maintien de ses services. Toutefois, lors de ses travaux, il est apparu que ce prélèvement n’avait pas eu d’effets néfastes sur les missions de l’ONAC-VG et qu’il avait été compensé depuis.

Cette année, les ressources de l’ONAC-VG sont les subventions qui lui sont habituellement adressées des différents programmes 158, 167 et 169 de la mission à hauteur des prévisions du COP. Ainsi, 56,4 millions d’euros de subventions pour charges de service public et 25 millions d’euros proviennent de l’action 03 Solidarité et sont identiques à la dotation pour 2021, 26,6 millions d’euros le sont en faveur de l’indemnisation envers les rapatriés de l’action 07 et 8,75 millions d’euros le sont depuis l’action « politique de mémoire », nouvelle action 09 du programme 169, incluant les fonds finançant les rénovations du patrimoine mémoriel et les actions mémorielles. Enfin, 90,75 millions d’euros lui sont affectés pour les indemnisations des victimes de la Seconde guerre mondiale du programme 158. L’ONAC-VG peut ainsi compter sur 207,6 millions d’euros de subventions, en hausse de 2,2 millions d’euros, soit 1 %, par rapport à 2021 ([1]).

En revanche, les ressources de l’œuvre nationale du bleuet de France, dont l’ONAC est le gestionnaire, ont pâti du manque de célébrations physiques et on observe un décrochage entre le niveau des ressources propres issues de cette activité et les prévisions initiales du COP, accusant un écart d’un peu plus d’un million d’euros au 30 septembre 2021. Le rapporteur est sensible à cette situation, ces fonds étant mobilisés essentiellement pour la réalisation d’actions de solidarité (à 65 %) et la mémoire.

Le COP, en contrepartie du maintien des crédits de solidarité a exigé des efforts de rationalisation de l’ONAC-VG. Les ETPT de cet organisme doivent ainsi diminuer de 114 sur la période 2020-2025, la majeure partie de cet effort étant réalisée avant 2023 par l’office. Le rapporteur spécial souhaite rappeler la nécessité de conserver un réseau territorial apprécié des anciens combattants et aux prises avec le terrain. Cependant, la directrice générale a attiré son attention sur l’atteinte d’un plancher. Ainsi, les efforts de rationalisation, s’ils étaient poursuivis, remettraient en cause les services départementaux et donc, in fine, l’intérêt de l’office lui-même.

La question de l’évolution du nombre de ressortissants de l’ONAC-VG se pose avec la nécessité de maintenir un certain niveau de financement pour que l’office demeure utile. La proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs‑pompiers et les sapeurs‑pompiers professionnels prévoit ainsi la mise ne place d’un statut de « Pupille de la République » dont les bénéficiaires (évalués à 380) seraient placés en gestion administrative auprès de l’ONAC-VG et pour lesquels des subventions des différents ministères responsables seraient reçues. Cette volonté montre toute la pertinence des prestations de l’office et incite à continuer d’offrir une attention soutenue à sa situation, le rapporteur sera ainsi vigilant aux subventions fournies par les autres ministères.

L’évolution des ressortissants de l’office national
des anciens combattants et victimes de guerre

Un rapport non encore publié du contrôleur général Robert à propos de l’évolution de la population future des ressortissants de l’ONAC-VG fait apparaître 3 phases distinctes dans la prise en charge des ressortissants à l’avenir :

– Les anciens combattants de la guerre d’Algérie demeureront ainsi les principaux fournisseurs des rangs des titulaires de la carte du combattant

– puis, succédera une décennie pendant laquelle les veuves, qui bénéficient d’une espérance de vie supérieure, seront les principales bénéficiaires

– enfin, les anciens combattants des OPEX représenteront 90 à 95 % des rangs de l’office.

En tout état de cause, jamais l’office n’aura moins de 500 000 ressortissants au cours du XXIème siècle.

Cette question s’inscrit pleinement dans les travaux menés au printemps par le rapporteur au sujet de la transformation des ressortissants de l’ONAC-VG. Il est ainsi nécessaire d’appeler à la rénovation des services offerts aux anciens combattants pour lesquels les besoins évoluent : il est ainsi heureux que les anciens d’OPEX soient moins victimes d’invalidités graves mais ils nécessitent un suivi et un soutien renforcé pour leur réinsertion dans la vie civile quand ils quittent, comme souvent désormais, la vie militaire en pleine fleur de l’âge.

ii.   Le maintien des subventions en souvenir de la libération

Le conseil national des communes « Compagnon de la Libération », établissement public administratif national, présidé par l’un des maires des cinq communes titulaires de la Croix de la Libération (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et Île-de-Sein) doit conserver la mémoire et les valeurs de la Résistance et de la Libération.

À ce titre, il bénéficie d’une dotation afin de réaliser des actions de mémoire, en particulier l’organisation de la cérémonie du 8 mai, et d’apporter une aide aux compagnons de la Libération, désormais éteints, aux médaillés de la Résistance et à leurs familles. La subvention pour charges de service public de 1,71 million d’euros est maintenue à cette fin en PLF 2022.

c.   Une action soutenue en faveur des rapatriés, harkis et supplétifs

La reconnaissance envers les forces supplétives, rapatriés et harkis, ayant choisi la France a été étendue depuis les premiers dispositifs. L’ONAC-VG est chargée de l’action en faveur des rapatriés et reçoit trois subventions pour trois dispositifs distincts à cette fin.

Depuis 2005, une allocation de reconnaissance est servie et a été renforcée en 2015 par la mise en place d’une allocation viagère. Enfin, le rapport demandé par le Président de la République en 2018, Aux harkis la France reconnaissante, a donné lieu à la mise en œuvre d’aides financières à vocation sociales à destination des enfants de harkis et rapatriés ayant séjourné en camps ou hameaux de forestage. L’activité de ce dispositif se poursuit et 584 nouveaux dossiers ont été acceptés entre le 1er janvier et le 1er août 2021.

Cette action finance en conséquence les allocations de reconnaissance et les allocations viagères pour 19,14 millions d’euros, le dispositif historique des aides en faveur des rapatriés pour 1 million d’euros, et, afin de tenir compte de l’activité et du coût du dispositif relatif à l’indemnisation des enfants de supplétifs, les crédits de l’action sont rehaussés de 1,85 million d’euros par rapport à la LFI 2021. L’ensemble des aides atteignent ainsi 26,63 millions d’euros en PLF 2022.

Le soutien aux harkis et à leurs familles demeure un enjeu d’importance et le projet de loi de Reconnaissance annoncé par le Président est très attendu. Cette loi de reconnaissance et réparation devrait toucher le même public que celui visé par le décret de 2018, modifié en 2020. Toutefois, la vocation première des crédits afférents à ce projet de loi devrait être la réparation quand, jusqu’ici, les indemnités peuvent être qualifiées de « sociales ».

Les informations indicatives transmises au rapporteur font état d’une somme de 50 millions d’euros la première année qui devrait, selon le ministère des armées, être imputée par amendement du Gouvernement sur cette mission. Le rapporteur sera attentif à ce que cette loi de reconnaissance et de réparation n’entraine pas une baisse des fonds sociaux inscrits actuellement au sein de ce programme, ces deux indemnités ayant des vocations différentes.

2.   Deux facteurs de la hausse importante des crédits dédiés au lien armée-jeunesse

L’action dédiée aux liens armées-jeunesse finance principalement deux dispositifs : la journée défense et citoyenneté (JDC) et le service militaire volontaire (SMV). Les crédits de l’action sont en hausse à 12,77 % supplémentaires avec 2,67 millions d’euros supplémentaires AE et 2,79 millions d’euros AE à 23,6 millions d’euros. Cette hausse bénéficie aux deux politiques de l’action, bien que l’opération stratégique « JDC » soit celle qui en bénéficie le plus.

a.   La participation accrue de la mission aux objectifs de la journée défense et citoyenneté

La journée défense et citoyenneté voit son budget augmenté de près de 2 millions d’euros AE et CP, soit 10,8 % AE et 11,5 % CP supplémentaires. Cette hausse doit permettre le retour de la JDC à un format classique en septembre 2022, date à laquelle sera également déployée la « JDC modernisée ». Cette reprise subit l’influence de deux phénomènes opposés : hausse des frais liés à l’alimentation et baisse des frais liés au transport par rapport à 2021, année de rattrapage ou 161 000 jeunes supplémentaires ont dû être pris en charge, reliquat atteint dès avril 2021, seuls 95 000 jeunes sont concernés par un rattrapage en 2022.

Des difficultés ont d’ailleurs été rencontrées dans le cadre de la mise en œuvre de la JDC en ligne. L’intérêt suscité auprès des jeunes pour les métiers de la défense apparaît avoir été dégradé, les évaluations relatives au taux d’intérêt pour les métiers de la défense démontrent ainsi que la JDC classique et adaptée atteignent des niveaux comparables à 24 % et 22 % quand la JDC en ligne atteint tout juste 10 %. Ce taux d’intérêt fait d’ailleurs l’objet d’un nouvel indicateur en PLF 2022 qui permettra d’être attentif à l’utilité de la JDC. Ces chiffres se traduisent également dans les fiches d’intérêt pour les métiers de la défense, remplies à l’issue des JDC et transmises au DSNJ, dont le nombre a chuté de 70 000 ce qui pourrait se traduire par des difficultés dans les recrutements futurs. Le rôle social de la JDC en a également pâti avec la perte pour la DSNJ de la possibilité de détecter et d’accompagner les jeunes en difficulté.

Le rapporteur souhaite rappeler que rien ne remplace le lien physique et que la tenue des JDC en format adapté physique aurait sans doute pu être envisagée avant juin 2021, il regrette à cet égard le choix de supprimer les JDC présentielles pour les français établis à l’étranger qui se verront proposer une « e-JDC ». Il doit cependant saluer la volonté d’intégration de jeunes en situation de handicap avec le développement d’une JDC numérique adaptée à leur situation, alors qu’ils étaient auparavant exemptés médicalement de ce dispositif et du contact avec les armées.

Enfin, les crédits sont augmentés de 0,75 million d’euros afin de permettre la mise en œuvre du plan « Ambition armées-jeunesse 2022 » et d’un parcours usager innovant « jeunesse ». Ces crédits à destination de la DSNJ doivent permettre en particulier le doublement des classes de défense et sécurité globales.

Les classes de défense et sécurité globales (CDSG)

Les classes de défense et sécurité globales (CDSG) consistent pour des unités militaires ou un bâtiment de l’armée à parrainer une classe. Les élèves volontaires de ces classes participent à des échanges et activités sur le temps extra-scolaire en lien avec l’unité militaire, le bâtiment voire la musique des armées qui les parraine. L’objectif de créer un lien entre armées et établissements rejaillit sur tout l’établissement qui bénéficie d’une CDSG.

Cette politique vise à soutenir les initiatives de professeurs ou proviseurs de collèges qui ont d’abord développé ces parrainages de leur propre initiative. D’abord isolées et non coordonnées, le ministère a souhaité les structurer, les organiser sur tout le territoire et développer la sensibilisation des professeurs.

Le rapporteur considère qu’une réflexion sur le nom de cette initiative pourrait être menée pour être davantage représentatif. Il attire également l’attention sur la nécessité de ne pas éclater les différents dispositifs en faveur des jeunes en lien avec les armées : cadets de la défense, CDSG et JDC et SNU à travers diverses missions du PLF, ce qui pourrait nuire à la lisibilité de l’action en leur faveur.

 

b.   La montée en charge du service militaire volontaire, dispositif ayant prouvé son efficacité

Le service militaire volontaire obtient depuis la mise en place d’un indicateur le retraçant en 2020 d’excellents résultats d’insertion professionnelle pour les jeunes, souvent en situation particulière, en bénéficiant. Ainsi, depuis 2020, 70 % des jeunes ayant bénéficié de cette formation ont un emploi durable ou de transition au plus tard 6 mois après leur passage. Il pourrait cependant être intéressant de se pencher sur les causes de l’absence de progression de ces chiffres depuis 3 ans.

Ce PLF prévoit une légère hausse de 0,24 million d’euros pour atteindre 3,23 millions d’euros AE et CP dédiés à cette politique. Celle-ci doit permettre de répondre à l’augmentation de la cible d’intégration à 1 500 volontaires, soit 25 % de bénéficiaires supplémentaires (+300).

Toutefois, le financement de cette politique relève majoritairement de la mission Défense (pour 89 %). Il s’agit d’une part des crédits du titre 2, pour 35 millions d’euros, inscrits au sein du programme 212, et d’autre part des dépenses d’autres titres. Sur 10 millions d’euros de ces autres dépenses, seuls 3 millions relèvent de la mission Anciens combattants. Enfin, les régions participent activement au fonds de concours du SMV et le fonds social européen (FSE) a octroyé 18,8 millions d’euros sur la période 2019-2020, le renouvellement de la participation du FSE étant en cours de conclusion.

Le rapporteur spécial ne peut que se réjouir de la montée en charge de ce dispositif et de la volonté du gouvernement d’offrir cette expérience aux jeunes présents sur tout le territoire avec l’ouverture d’une nouvelle antenne à Marseille pour la formation professionnelle.

Le service militaire adapté, précurseur éprouvé du SMV en Outre-mer

Le SMV et le SMA partagent une ambition commune : offrir l’accès à l’emploi à des jeunes qui en sont éloignés socialement par la transmission de valeurs issues de la militarité du dispositif que sont la dignité, la discipline, le goût de l’effort, la persévérance, la rigueur et l’esprit d’équipe

Cette situation s’explique aisément : le SMV a été créé à partir de l’expérience acquise après 60 années d’existence du SMA. Aujourd’hui les deux structures œuvrent en étroite collaboration, dans leurs conditions de fonctionnement respectives. L’expérience du SMA continue ainsi de bénéficier au SMV, il a ainsi pu voir son travail d’instruction des dossiers de financement liés au fonds social européen. Les formateurs, cadres militaires, sont également capables d’évoluer entre les deux dispositifs, ce qui garantit une bonne interopérabilité entre eux.

3.   Une politique de mémoire sanctuarisée

L’action Politique de mémoire inclut les fonds à destination de la mémoire et ceux relatifs au patrimoine mémoriel au sein d’une opération « sépultures et lieux de mémoire ». Plusieurs déterminants entraînent une légère hausse de 0,3 million d’euros des crédits de mémoire permettant de sanctuariser cette politique.

a.   L’évolution relative des crédits dédiés aux commémorations et à la mémoire

L’opération relative aux actions de mémoire s’établit à 6,9 millions d’euros. En son sein, des crédits supplémentaires sont affectés à la tenue de la cérémonie du 14 juillet (0,2 million supplémentaire). Les actions pédagogiques « chemins de mémoire », « héritiers de mémoire » voient leur dotation en légère baisse.

Les commémorations de l’année 2022 concerneront essentiellement le 60ème anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie et le 80ème anniversaire des évènements de l’année 1942 (Vel d’Hiv, Bir Hakeim, Raid sur Dieppe, entrée en résistance du maréchal de Lattre de Tassigny) ainsi que le 55ème anniversaire du lancement du premier SNLE.

Le rapporteur regrette cependant que les crédits n’aient pas été davantage abondés pour permettre un rattrapage des commémorations après les deux années difficiles qui se sont écoulées.

La participation du budget de la défense à la politique de mémoire

Le ministère des armées mène également une politique non négligeable en lien avec la mémoire pour des montants bien supérieurs à ceux incluent au sein de la mission : 57,7 millions d’euros AE de 53,5 millions d’euros CP en 2022.

Ces fonds sont destinés à financer l’activité des musées, bibliothèques du ministère, du service historique de la Défense (SHD), l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) ainsi que la recherche en histoire militaire.

b.   La poursuite des travaux relatifs au patrimoine mémoriel

L’État partage l’action relative au patrimoine mémoriel avec d’autres acteurs, principalement l’ONAC-VG. Ainsi, les 10,95 millions d’euros, soit 2,34 % supplémentaires, de l’opération stratégique sont répartis entre 1,75 million d’euros pour les actions de l’État et 9,2 millions d’euros transférés à des acteurs tiers.

Les actions menées par le ministère consistent en la valorisation des sites mémoriels, entretien des sépultures de guerre en outre-mer et à l’étranger. Les transferts à l’ONAC-VG visent à la rénovation des hauts lieux de la mémoire nationale et des sépultures de guerre. La trésorerie de l’ONAC est enfin renforcée de 2,5 millions d’euros au sein de la subvention pour charges de services publics pour l’entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale.

Le rapporteur souhaite relayer l’état des lieux qui lui a été dressé quant à l’entretien du patrimoine mémoriel. Il ne peut que se réjouir de l’aboutissement prévu des travaux de rénovation qui, à terme, ne laisseront aucun des monuments à l’abandon.

C.   Des dépenses fiscales RattachÉes dont l’extension a plus de veuves doit être poursuivie

Les dépenses fiscales assurent classiquement une part du financement des politiques publiques poursuivies par le budget. Sans surprise, les dépenses fiscales rattachées à la mission sont également en baisse progressive du fait de la baisse de leurs bénéficiaires potentiels.

Les deux principales dépenses de la mission consistent en la possibilité de bénéficier d’une demi-part supplémentaire dans le calcul de l’impôt sur le revenu, non cumulable avec la demi-part octroyée aux grands invalides, et l’exonération des pensions servies en vertu du CPMIVG et des dispositifs de soutien aux harkis et rapatriés.

1.   Des dépenses fiscales rattachées à la mission évoluant proportionnellement au nombre de ses bénéficiaires

Toutefois, si la tendance est à la baisse, l’extension de la demi-part aux veuves de plus de 74 ans dont le mari, bénéficiaire de la retraite du combattant, est décédé avant 74 ans se traduit dans les évaluations par une hausse de 12 millions d’euros en 2020. L’exonération des pensions servies suit, elle, une baisse constante de 5 millions d’euros par an.

évolution des principales dépenses fiscales de la mission

(en millions d’euros)

Source : PAP 2020, 2021 et 2022.

Cependant, le dispositif de suivi de la dépense fiscale relative à la demi-part pourrait être amélioré. Celui-ci ne distingue pas, en effet, entre les demi-part servies aux anciens combattants, premiers bénéficiaires, ou à leurs veuves. Le ministère des armées a appelé l’attention du rapporteur au sujet d’une nécessaire modification de la déclaration de revenu par le ministère de l’économie si celui-ci souhaitait en améliorer le suivi afin de rendre compte des dépenses consenties grâce aux amendements adoptés en PLF 2020.

2.   Des évolutions nécessaires et attendues pour mettre fin à une rupture d’égalité

L’ouverture de la demi-part aux veuves dont le mari est décédé avant 74 ans est saluée par tout le monde combattant et est une réussite collective dont le rapporteur se réjouit. Cependant, la mise en œuvre d’une mesure pour l’égalité fait malheureusement apparaître d’autres inégalités.

Ainsi, les associations d’anciens combattants font émerger du terrain une incompréhension des veuves dont le mari est mort en 60 et 65 ans, sans toucher la retraite du combattant, et qui ne peuvent en bénéficier tandis que d’autres veuves dont le mari a pu bénéficier de cette retraite dès 60 ans, sous conditions, en bénéficient. Cette situation est caractéristique d’une rupture d’égalité entre veuves d’anciens combattants décédés au même âge.

Le rapporteur souhaite ainsi proposer une extension du bénéfice aux veuves dont le mari, titulaire de la carte du combattant, est décédé entre 60 et 65 ans. Cette réforme ne suscite aucune problématique technique car les veuves des titulaires de la carte du combattant sont d’ores et déjà connues des services de l’ONAC-VG en tant que ressortissantes. L’office pourrait, dès lors, s’occuper du recensement et de la sensibilisation de ce public à leurs droits.

En outre, l’âge plancher de 74 ans apparaît sans aucun fondement juridique précis, ainsi, d’abord fixé à 75 ans, il a pu être abaissé à 74 ans. Là encore, la population des anciens combattants étant vieillissante et le nombre de bénéficiaires potentiels étant de moins en moins élevé, le rapporteur spécial souhaite mettre en œuvre un abaissement progressif de cet âge plancher. Il souhaite qu’à la fin du prochain quinquennat cette limite soit abaissée à 70 ans. Pour cela il propose une baisse à 73 ans en 2023, 72 en 2024, 71 en 2025 et 70 en 2026. Aujourd’hui, une baisse à 70 ans de cet âge concernerait selon le ministère des armées 5 400 bénéficiaires pour 3,5 millions d’euros, une mesure échelonnée serait ainsi d’un coût encore inférieur. Cette estimation peut d’ailleurs paraître surévaluée du fait du coût moyen par foyer fiscal de la dépense, évalué à 600 € par le ministère et qui, multiplié par 5 400 bénéficiaires, laisse envisager une dépense de 3,24 millions d’euros, inférieure donc de 0,25 million.


III.   Des moyens proportionnels à l’activité des commissions de réparation des victimes de la seconde guerre mondiale

Les fonds relatifs au programme 158 visent à indemniser les souffrances très particulières endurées par certaines populations durant la seconde guerre mondiale. Ainsi, l’action 01 de ce programme permet l’indemnisation des victimes de crimes antisémites, des spoliations sur le fondement du décret du 10 septembre 1999 ([2]) et des orphelins du fait des persécutions antisémites depuis le décret du 13 juillet 2000 ([3]), et l’action 02 celle des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie en vertu du décret du 27 juillet 2004 ([4]). Les indemnisations à destination des orphelins prévoient la possibilité de choisir entre un montant en capital et une rente viagère.

évolution des crédits de paiement du programme 158

Actions

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2021-2022

Évolution 2021-2022
(%)

01 - Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation

41 962 848

41 803 999

– 158 849

 0,38

02 - Indemnisation des victimes d’actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

51 175 364

50 960 637

– 214 727

 0,42

Programme 158 – Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

93 138 212

92 764 636

– 373 576

 0,40

Source : PAP 2022.

La Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) placée auprès du Premier ministre et compétente pour l’indemnisation des spoliations antisémites depuis 1999 accuse un ralentissement de l’activité sans toutefois qu’un arrêt puisse être envisagé, des nouvelles demandes continuant à être formulées. Depuis 1999, et jusqu’au 30 juin 2021, les dossiers acceptés sont au nombre de 22 851 pour un coût moyen de 20 000 euros. Dans sa mission, la commission est par ailleurs assistée du ministère de la Culture pour la recherche d’œuvres spoliées depuis 2018[5]. Les dotations de fonctionnement à destination de la CIVS sont ainsi en hausse, toujours à moins de 0,4 million d’euros toutefois, afin de financer l’externalisation de prestations de recherches d’archives et la poursuite du remboursement de la refonte de sa base de données.

 

L’ONAC-VG est quant à elle chargée de l’instruction des dossiers relatifs aux orphelins relevant des décrets de 2000 et 2004. L’activité de l’office à l’égard du décret de 2000 apparait stable avec un net ralentissement du dépôt de nouvelles demandes, seuls 10 nouveaux dossiers étant prévus, 5 pour le versement de rentes et 5 pour l’allocation viagère. Les orphelins de victimes d’actes de barbarie relevant du décret de 2004 apparaissent toutefois encore vigoureux et l’activité de ce dispositif demeure soutenue. Depuis le début de la mise en œuvre de ces dispositifs, 13 653 dossiers ont été acceptés au titre du décret de 2000, 6 989 ont choisi le versement en capital et 6 664 le versement d’une rente.

Le décret de 2004 a donné lieu à 22 789 autorisations pour 8 869 en capital et 13 920 pour la rente. Au 30 juin 2021, le coût total des mesures atteint 2 093,71 millions d’euros (917 millions pour le décret de 2000 et 1,177 million pour le décret de 2004). Les versements en capital représentent 181,36 millions d’euros pour les orphelins de victimes de crimes antisémites et 381,81 millions d’euros pour ceux d’actes de barbarie pour un total de 563,168 millions d’euros. Les rentes représentent quant à elle 735,7 millions d’euros pour les premiers et 794,848 millions d’euros pour un total de 1 530,54 millions d’euros pour les seconds. En tout état de cause, la trajectoire d’extinction des dépenses élaborée par l’ONAC-VG ne prévoit pas la fin des versements de rentes avant 2041.

Ainsi, malgré la revalorisation des rentes annuelle de 2,5 %, la diminution du nombre de crédirentiers orphelins entraîne une baisse des crédits dédiés à ces indemnités. Les deux actions du programme 158 accusent donc une légère baissent de leurs crédits, avec -0,38 % AE et CP pour la première et -0,42 % AE et CP pour la seconde, proportionnelles à l’essoufflement de l’activité des dispositifs et du nombre de ses bénéficiaires.

 


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   Commentaire de l’article 42
rattaché à la mission Anciens combattants

Article 42
Mesure de revalorisation du point de pension militaire d’invalidité

L’article 42 du projet de loi prévoit la modification de l’article L. 125-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Celle-ci a pour conséquence de modifier la valeur ainsi que les futures modalités d’évolution de l’indice de pension militaire d’invalidité. D’une part, il en prévoit une hausse de + 2,38 % en portant le point à 15,05 ; il modifie d’autre part les conditions de son évolution en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de fixer ses conditions futures d’évolution. Tout en demeurant proportionnelle à l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l’État, l’évolution de la valeur du point devrait se faire à date fixe et ainsi gagner en simplicité.

Si le rapporteur spécial ne peut que saluer la décision de revalorisation des prestations et la recherche de davantage de simplicité et de lisibilité pour les bénéficiaires, il tient à rappeler la baisse continue des crédits de la mission qui pourrait justifier une revalorisation plus élevée.

I.   L’état actuel du droit

Les dispositifs de reconnaissance de la nation envers ses anciens combattants revêtent en particulier une importance budgétaire du fait du coût des dépenses d’intervention à leur égard. Ainsi, la mission anciens combattants, mémoire et liens avec la nation est constituée à plus de 70 % par les dépenses d’intervention liées à l’administration de la dette viagère (retraite du combattant et pensions militaires d’invalidité). Ces prestations sont dépendantes de l’évolution de l’indice de traitement brut de la fonction publique de l’État et ne peuvent se concevoir sans une prise en compte du contexte économique, notamment de l’inflation.

A.   Un écart continu entre la valeur du point militaire d’invalidité et l’inflation

À l’heure actuelle, la valeur du point d’indice de la pension militaire d’invalidité dont bénéficie un invalide ou un titulaire de la retraite du combattant est fixée proportionnellement à l’indice de traitement brut - grille indiciaire de la fonction publique de l’État (ITB-GI). Cette indexation et le montant des prestations à destination des anciens combattants sont définis au sein du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), notamment aux articles L. et R. 125-1.

La valeur du point est ainsi fixée par arrêté ministériel après constatation de l’évolution de l’indice de traitement brut de la fonction publique. Toutefois, la publication en fin de trimestre de l’indice par l’INSEE entraîne une perte de lisibilité de l’évolution de la valeur du point PMI. Les prestations sont en effet revalorisées par arrêté rétroactif, situation inconfortable pour les bénéficiaires.

L’ITB-GI demeurant stable par le gel du point d’indice de la fonction publique décidé par les gouvernements successifs depuis 2010, cette indexation a conduit à un écart important entre l’inflation (indice des prix à la consommation – hors tabac (IPC –HT)) et le point de la pension, situation regrettée depuis de nombreuses années par les anciens combattants.

En conséquence, le rapporteur spécial a, à de nombreuses reprises au cours des années précédentes, déploré la non-revalorisation de la valeur du point militaire d’invalidité. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 16 juin 2021, n° 437685, a d’ailleurs été amené à rappeler l’inexistence d’une indemnité compensatrice de l’érosion monétaire en l’absence de disposition le permettant.

Face aux réclamations des associations d’anciens combattants, en 2020 le niveau du point a bénéficié d’une hausse inattendue de + 0,75 % à compter du 1er janvier 2020 par arrêté rétroactif du 28 août 2020. Cette hausse avait entraîné des dépenses supplémentaires de 38 millions d’euros (8,09 au titre des PMI et 30 au titre de la retraite du combattant). En parallèle, Madame la ministre déléguée aux anciens combattants a installé un groupe de travail tripartite, annoncé depuis 2018, sur le mode de calcul du point d’indice. Le rapport rendu par celui-ci le 17 mars 2021 fait état d’un « écart de 5,9 % entre la valeur du point d’indice de PMI au 1er janvier 2020 et la valeur qu’aurait atteint le point, à la même date, si celle-ci avait progressé au même rythme que l’inflation depuis 2005. »

B.   Un suivi inexistant du décalage entre la valeur du point PMI et l’inflation

Jusqu’à aujourd’hui, la faible revalorisation du point d’indice de la fonction publique a entraîné des hausses a minima de la valeur du point de pension entraînant de ce fait une perte de pouvoir d’achat pour les bénéficiaires, pénalisant l’expression de la reconnaissance nationale envers eux. Aucun système n’était jusqu’alors prévu pour rattraper cette perte des anciens combattants.

Le rapport rendu à Madame Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux anciens combattants, a également pris en compte la nécessité d’un suivi renforcé de cet écart dans le futur. Ainsi, il n’a pas fait le choix de modifier l’indexation de la valeur du point PMI à l’ITB-GI mais a tout de même estimé nécessaire de réunir une commission biennale pour étudier la nécessité d’une évolution du point, militant ainsi pour la mise en place d’une « clause de revoyure ».

II.   Le dispositif proposé

L’article 42 du projet de loi de finances rattaché à la mission anciens combattants prévoit une hausse du point d’indice de la pension militaire d’invalidité ainsi qu’un décret en Conseil d’État pour modifier ses conditions d’évolution. Ainsi, la hausse prévue doit compenser l’écart cumulé entre l’ITB-GI et l’IPC-HT sur la période 2018-2021 et le dispositif ne remettra pas en cause la fixation relative à l’ITB-GI. La position de cet article au sein du PLF s’explique par les modifications apportées aux dispositions législatives qui prévoient l’indexation à l’indice de traitement de la fonction publique, l’augmentation de la valeur du point étant sans commune mesure avec le point d’indice, gelé, de la fonction publique.

A.   Une revalorisation compensant partiellement l’écart constaté par le groupe de travail tripartite

La hausse du point à 15,05 proposée au sein du PLF 2022 représente + 2,38 % et vise à rattraper l’écart constaté sur la période 2018-2021 entre l’inflation (+2,39 %) et la valeur du point PMI (+ 1,61 %), qui n’a pas été compensé par la hausse de 2020 ni par la dynamique exceptionnelle supérieure à l’inflation de 2017, année où l’ITB-GI avait été revalorisée, pour un coût de 32,8 millions d’euros répartis entre les PMI et la retraite du combattant, à hauteur respective de 18,8 et 14,04 millions d’euros.

Cette hausse représente 18,2 euros supplémentaires établissant la retraite du combattant à 782,6 euros annuels, pour 793 226 anciens combattants, de plus de 65 ou 60 ans sous conditions. Elle permet en outre à la majorité des pensionnés, les titulaires d’une pension de 500 points, d’obtenir 175 euros annuels supplémentaires.

Toutefois, les fonds affectés à l’action 01 Administration de la dette viagère sur lesquels s’impute la hausse de la valeur du point, assurant le versement de la retraite du combattant et des PMI a baissé de 5,5 % avec 83 millions d’euros supprimés. La compensation intégrale de cette baisse, qui va même au-delà des demandes du rapporteur, représenterait ainsi une revalorisation 2,5 fois supérieure.

B.   Un suivi simplifié de l’évolution de la valeur du point

Même si l’article prévoit, conformément aux recommandations du groupe de travail la référence à l’indice de la fonction publique, la volonté de celui-ci a été qu’une « clause de revoyure » soit mise en place. Ainsi, la nouvelle rédaction de l’article fait intervenir un décret en Conseil d’État qui devra déterminer de nouvelles modalités de calcul.

 

D’une part, il s’agira d’améliorer la lisibilité du dispositif en prévoyant une évolution annuelle à date fixe. Le décret devra ainsi définir la date d’effet de l’évolution et la période de référence d’évolution de l’ITB-GI prise en compte dans le calcul. Il s’agira, d’autre part, de prévoir les modalités d’examen régulier, de la « clause de revoyure », avec les différentes parties ayant participé au groupe de travail mis en place en décembre 2020.

Le groupe de travail a rejeté l’hypothèse d’une indexation de la valeur du point PMI sur l’inflation au motif que celle-ci serait difficile à justifier, ne sachant quelle serait la date de prise en compte des évolutions, le mécanisme de « rapport constant » institué depuis 1971 ne pouvant s’appliquer ; et qu’elle serait difficile à mettre en œuvre, de par l’évolution parfois négative de l’inflation. Toutefois, les anciens combattants considèrent que ce changement serait un gage supplémentaire. L’exemple de la majoration annuelle des rentes mutualistes au regard de l’inflation milite également en ce sens. Une réforme d’envergure est donc envisageable et l’indexation de la valeur du point sur l’inflation permettrait de rassurer les anciens combattants. Cette option nécessite cependant une volonté accrue de reconnaissance, ce qui ne semble pas être la volonté du gouvernement.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2021, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Anciens combattants.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale. Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.

Malgré l’avis contraire du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits de la mission.

Elle a également adopté l’article 42 sans modification.

 

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Fédération nationale des anciens des missions extérieures (FNAME-OPEX) 

– Laurent Attar-Bayrou, président

Comité d’entente des grands invalides de guerre (CEGIG) / Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBFT) 

– M. le Général Paul Dodane, vice‑président

Ministère des armées : secrétariat général pour l’administration (SGA)  

– Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale 

– Colonel Hubert Serizier, chef de cabinet 

– M. Julien Reuge 

– M. Pierre Beaudin

Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG)

– Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale

Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) :

– M. Guy Darmanin, président

 

Le rapporteur spécial a également reçu des contributions écrites de M. Dominique Lepine, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants et victimes de guerre (UFAFACVG), et de M. le Général Hervé Longuet, président de l’Union nationale des combattants (UNC).


([1])  Le rapporteur attire l’attention des parlementaires s’intéressant au projet annuel de performance de la mission des erreurs qu’il y a relevé. Ainsi, les tableaux de synthèse des subventions à l’ONAC-VG ne comprennent pas 8,4 millions d’euros, transférés depuis l’action 09 « Politique de mémoire ».

([2]) n°99-778.

([3]) n°2000-657.

([4])  n°2004-751.

([5])  Décret n°2018-829