N° 4662

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 novembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

 

portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français ( 4631)

PAR Mme Patricia MIRALLÈS

Députée

——

 

 Voir le numéro : 4631


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Synthèse

I. Présentation synthétique du projet de loi

II. Principaux apports de la commission

Examen des articles

Chapitre Ier Mesures de reconnaissance et de réparation

Article 1er Reconnaissance de la Nation et de sa responsabilité

I. L’état du droit

II. Les dispositions du projet de loi

III. La position de la commission

Article 2 Dispositif de réparation des préjudices

Article 3 Création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation

I. Les dispositions du projet de loi

II. La position de la commission

Article 4 (art. L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) Nouvelles missions de l’ONAC-VG en faveur des harkis, des personnes assimilées et de leurs familles

I. L’état du droit

II. Les dispositions du projet de loi

III. La position de la commission

Article 5 (art. 81 du code général des impôts) Exonération fiscale

Article 6 (art. L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale) Exonération sociale

Chapitre II Mesures d’aide sociale

Article 7 (art. 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016) Ajustement du dispositif de l’allocation viagère

I. L’état du droit

II. Les dispositions du projet de loi

III. La position de la commission

Travaux de la commission

I. Liens vers les comptes rendus des auditions préparatoires conduites par la commission

II. Audition de Mme Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, mardi 9 novembre

III. Examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi, mercredi 10 novembre

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

Avant-propos

Synthèse

I. Présentation synthétique du projet de loi

II. Principaux apports de la commission

Examen des articles

Chapitre Ier Mesures de reconnaissance et de réparation

Article 1er Reconnaissance de la Nation et de sa responsabilité

I. L’état du droit

II. Les dispositions du projet de loi

III. La position de la commission

Article 2 Dispositif de réparation des préjudices

Article 3 Création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation

I. Les dispositions du projet de loi

II. La position de la commission

Article 4 (art. L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) Nouvelles missions de l’ONAC-VG en faveur des harkis, des personnes assimilées et de leurs familles

I. L’état du droit

II. Les dispositions du projet de loi

III. La position de la commission

Article 5 (art. 81 du code général des impôts) Exonération fiscale

Article 6 (art. L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale) Exonération sociale

Chapitre II Mesures d’aide sociale

Article 7 (art. 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016) Ajustement du dispositif de l’allocation viagère

I. L’état du droit

II. Les dispositions du projet de loi

III. La position de la commission

Travaux de la commission

I. Liens vers les comptes rendus des auditions préparatoires conduites par la commission

II. Audition de Mme Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, mardi 9 novembre

III. Examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi, mercredi 10 novembre

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure


—  1  —

 

  Avant-propos

 

 

Mesdames, Messieurs,

S’inscrivant dans le sillage de ses prédécesseurs, le Président de la République, Emmanuel Macron, a témoigné le 20 septembre 2021 de la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis et des autres membres des forces supplétives pour leur engagement au service de la Nation durant la Guerre d’Algérie. Il a également souhaité franchir un pas supplémentaire, en leur demandant « pardon », au nom de la France, pour l’abandon dont eux et leurs familles ont été les victimes à la suite de la signature des accords d’Évian. Assumant pleinement l’héritage historique du pays, il a reconnu la responsabilité de l’État dans cet abandon, comme ses prédécesseurs avaient commencé à le faire.

Avant lui, le Président Chirac avait ainsi, le 5 décembre 2002, déclaré que la France leur adressait « un message tout particulier d’estime, de gratitude et d’amitié ». Dix ans plus tard, le 14 avril 2012, le Président Sarkozy avait indiqué que les télégrammes du 12 mai 1962 de Pierre Messmer et Louis Joxe marquaient « sans aucune contestation possible la responsabilité du gouvernement français dans l’abandon d’une partie des harkis » et que « rien ne peut expliquer, ni encore moins excuser l’abandon de ceux qui avaient fait le choix de notre pays. » Enfin, le 25 septembre 2016, le Président Hollande déclarait : « Cette vérité est la nôtre et je l’affirme ici clairement au nom de la République : je reconnais la responsabilité des gouvernements français dans l’abandon des harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France. Telle est la position de la France. »

Le 20 septembre 2021, le chef de l’État a toutefois souhaité traduire la reconnaissance de cette responsabilité dans la loi, annonçant le dépôt d’un projet de loi de reconnaissance et de réparation d’ici la fin de la XVème législature.

Adopté par le Conseil des ministres le 3 novembre 2021 et déposé dans la foulée sur le Bureau de l’Assemblée nationale, le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français a été examiné par la commission de la Défense, qui a adopté son texte le 10 novembre 2021, après y avoir apporté d’utiles précisions.

Pour préparer l’examen de ce projet de loi, la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a organisé, à l’initiative de Mme Françoise Dumas, sa présidente, des auditions d’historiens spécialistes de l’histoire de la Guerre d’Algérie et des harkis, du préfet Dominique Ceaux, chargé de piloter le groupe de travail constitué par le Président de la République et ayant donné lieu à la publication, en juillet 2018, du rapport « Aux harkis, la France reconnaissante », de Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ainsi que de plusieurs représentants de harkis et de leurs familles : M. Serge Carel, M. Mohand Hamoumou, Mme Dalila Kerchouche et Mme Claire Tassadit Houd ([1]).

En outre, votre rapporteure a conduit plusieurs auditions complémentaires, et a notamment réuni autour d’une table-ronde près de trente représentants d’associations de harkis et de leurs familles.

Le texte soumis à l’examen du Parlement n’a pas vocation à écrire l’histoire, mission dévolue aux chercheurs et aux historiens, qui le font et continueront de le faire en toute indépendance, grâce aux archives qui, du côté français, leur sont largement ouvertes. Tel n’est pas non plus l’objet du présent rapport. En revanche, ce texte s’emploie à réparer la faute commise par l’État, il y a près de soixante ans, à l’encontre de celles et ceux qui avaient choisi de se battre pour la Nation. Cette faute résulte de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie sur le territoire national dans les camps et les hameaux de forestages où certains d’entre eux ont séjourné durant des années.

Selon l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG), environ 80 000 à 90 000 anciens supplétifs, épouses et enfants se sont réfugiés ou ont été rapatriés en France à compter du mois de mars 1962 ([2]). Pour la seule année 1962, environ 21 000 anciens supplétifs et familles sont rapatriés, les enfants représentant à eux seuls plus de 60 % de ces personnes – 7 500 hommes, 4 400 femmes et 8 000 enfants. Parmi ces 90 000 personnes, on estime qu’environ 42 000 anciens supplétifs et leurs familles sont passés par des camps de transit et de reclassement – Larzac et Bourg-Lastic dans un premier temps, puis Rivesaltes, Saint-Maurice-l’Ardoise, Bias, la Rye-Le Vigeant, dont 22 000 pour le seul camp de Rivesaltes et près de 10 000 pour celui de Saint-Maurice-l’Ardoise. En parallèle, environ 40 000 d’entre eux sont parvenus à rejoindre la France par le biais de filières clandestines, semi-officielles ou par des voies migratoires plus classiques, et s’installent sur l’ensemble du territoire.

Les harkis séjournant des camps de transit et de reclassement ont progressivement été orientés dans toute la France, en particulier dans le Nord et l’Est de la France, où les industries (notamment minières et sidérurgiques) sont en manque de main d’œuvre, ainsi que vers les chantiers forestiers ouverts par l’Office national des forêts du sud de la France. Près de 10 000 personnes séjournent in fine dans les hameaux de forestage entre 1964 et 1970, soit environ 25 familles en moyenne par site. D’autres familles, considérées comme « incasables » ou « irrécupérables » par l’administration – familles nombreuses, personnes handicapées, veuves – sont, quant à elles, orientées à compter de l’année 1964 au camp de Saint-Maurice-l’Ardoise, transformé en « cité d’accueil ».

Les conditions de vie dans les camps et les hameaux de forestage sont particulièrement difficiles, et les nombreux témoignages mis en lumière par des travaux académiques, par le rapport du préfet Ceaux précité comme par les auditions parlementaires sont édifiants : tutelle sociale exercée par les chefs de camps, restriction de la liberté de circulation, absence des conditions minimales d’hygiène et de sécurité, négation de l’identité même des personnes en imposant des prénoms français, déscolarisation des enfants, internement d’office en hôpital psychiatrique pour cause de « rébellion », détournement des allocations familiales, sans parler des violences et humiliations faites parfois aux femmes et aux enfants. Le dénuement et la précarité des conditions de vie et des harkis et de leurs familles à leur arrivée dans les camps est aussi décrit par la romancière Alice Zeniter dans L’Art de perdre, qui décrit le camp de Rivesaltes où « des distributions d’habits ont lieu régulièrement, chiffons déversés à même le sol sur des bâches et à la tonne pour vêtir des milliers de grelottants que la boue et le froid prennent par surprise. »

Extraits de l’intervention de Mme Dalila Kerchouche devant la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, 4 novembre 2021

« Comme toutes les familles des camps et des hameaux, nous avons été mis sous tutelle administrative forcée dès 1962. Cela s’est décidé en haut lieu. Le 13 juillet 1962, une commission interministérielle, regroupant des représentants du Ministère du Travail, de la Santé et des Rapatriés, attribue la tutelle légale des Harkis hébergés dans les camps et les hameaux au ministre des Rapatriés.

Leur objectif ? Moraliser une population d’emblée stigmatisée, jugée suspecte et prétendument « allergique à l’effort ». Non, l’administration ne délaisse pas les Harkis quand elle nomme un chef de camp ou de hameau pour contrôler leurs allers et venues.

Quand ce chef de camp ouvre et censure le courrier des familles. Quand il impose des prénoms français aux enfants au prétexte de favoriser leur assimilation. Quand il monnaye des papiers administratifs à des familles démunies. Quand il contrôle leurs ressources et leurs comptes épargnes. Quand il a le pouvoir d’entrer dans les maisons et de vérifier l’hygiène intime des femmes, en leur demandant de soulever leur robe. Quand  le directeur du camp de Saint-Maurice-L’Ardoise incarcère les Harkis rebelles dans une cellule de prison, située près de son bureau, pour les punir. Ou quand le directeur du camp de Bias impose aux Harkis de se mettre au garde-à-vous sur la place centrale du camp, pour saluer le drapeau d’un pays qui les humilie ».

 

Dans ce contexte, si les harkis et assimilés ont bénéficié des mêmes aides publiques que l’ensemble des rapatriés, leurs conditions sociales, économiques et la spécificité de leur parcours ont conduit les gouvernements successifs à prendre des mesures particulières en leur faveur, afin de tenter de faciliter leur intégration dans la société française. Comme le rappelle ainsi l’étude d’impact annexée au projet de loi, plusieurs plans d’action ont été mis en œuvre en 1974, 1986 et 1994, 2005 et 2014 et, sous l’actuelle législature, en 2018 ([3]). À titre d’exemple, le plan « Santini » de 1986, la circulaire du 11 octobre 1991 relative à la politique d’intégration en faveur des rapatriés d’origine nord-africaine puis la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, ont permis la mise en œuvre de mesures d’accompagnement qui ont été régulièrement reconduites et adaptées jusqu’à aujourd’hui.

Un effort particulier a été fourni ces dernières années, conformément à la volonté du Président de la République d’accentuer le soutien de la Nation en faveur des harkis et de leurs familles afin d’améliorer leurs conditions de vie. C’est ainsi qu’après la revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance ([4]) et de l’allocation viagère intervenue le 1er janvier 2017, le Gouvernement a proposé au Parlement de procéder, dans le cadre de l’examen du budget de l’État, à de nouvelles revalorisations de ces allocations à hauteur de 100 et 400 euros en 2018 et 2020. Au total, elles auront ainsi été augmentées de 600 euros depuis le 1er janvier 2017.

Par ailleurs, à l’initiative de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, un fonds de solidarité a été institué en 2018 en faveur des enfants de harkis ([5]). Abondé de 37 millions d’euros pour une durée de quatre ans – de 2019 à 2022 – ce fonds a pour objet d’accompagner les enfants de harkis qui subissent encore les conséquences de leur séjour prolongé dans les camps ou les hameaux de forestage, alors que nombre d’entre eux ont, notamment, été privé d’accès à l’école, afin de couvrir les dépenses essentielles concernant le logement (impayés de loyer, désendettement immobilier, aménagement du logement), ainsi que la santé, la formation et l’insertion professionnelle (aide pour un projet de création ou de reprise d’entreprise). Après des débuts difficiles, marqués par la lenteur de l’instruction des dossiers et des décaissements, le fonds de solidarité semble aujourd’hui mieux fonctionner. En 2021, neuf réunions de la commission ministérielle se sont tenues au cours des huit premiers mois de l’année, au cours desquelles 642 dossiers ont été présentés. 57 ont fait l’objet d’un rejet, un d’un report, et 584 ont obtenu une aide d’un montant total de 4,45 millions d’euros, soit un montant moyen de 7 620 euros par bénéficiaire.

Ces décisions sont évidemment à saluer.

Elles n’épuisent toutefois pas l’ensemble des légitimes revendications des harkis et de leurs familles. D’abord, car certains des dispositifs existants sont inopérants, ou du moins largement perfectibles. Tel est par exemple le cas de l’aide au rachat de trimestres de cotisation retraite pour les enfants de harkis, qui n’a à ce jour bénéficié à personne, principalement en raison d’une condition d’âge inadaptée – avoir entre 16 et 21 ans au moment du séjour dans les camps ou hameaux de forestage.

Votre rapporteure estime également que le Gouvernement gagnerait à prolonger le fonds de solidarité en faveur des enfants de harkis au-delà de 2022 – ce que la ministre déléguée a laissé entendre lors de l’examen du projet de loi en commission – et, ce faisant, d’en élargir le nombre potentiel de bénéficiaires. Aux yeux de la rapporteure, deux pistes d’évolution mériteraient d’être explorées :

– d’une part, la suppression de la condition de durée du séjour dans un camp ou un hameau de forestage – actuellement fixée à 90 jours. La suppression de cette condition paraît d’autant plus pertinente qu’elle ne s’applique pas au mécanisme de réparation institué par le présent projet de loi, ouvert à toute personne étant passée par un camp ou un hameau, qu’elle que soit la durée de ce passage ;

– d’autre part, la suppression de la condition de séjour dans un camp ou un hameau de forestage. En effet, s’agissant du fonds de solidarité, votre rapporteure estime qu’il devrait être ouvert à l’ensemble des enfants de harkis. Si la suppression de la condition de durée permettrait déjà d’élargir fortement le nombre de bénéficiaires potentiels, votre rapporteure note que nombre de familles ont parfois été directement orientées vers des cités urbaines ou le marché privé – comme les immeubles Sonacotra par exemple, où plus de 70 000 familles ont finalement vécu. 

De manière complémentaire, votre rapporteure salue la décision du Gouvernement, annoncée par Geneviève Darrieussecq devant la commission de la Défense le 3 novembre 2021, de doubler le montant de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère, qui bénéficiera directement à l’ensemble des harkis et de leurs veuves.

Aujourd’hui, l’examen de ce projet de loi a pour but de parachever la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis et la réparation des préjudices qu’eux et leurs familles ont subi, comme y invitait le rapport « Aux harkis, la France reconnaissante ». Mais il a aussi pour but de rendre visible l’histoire des harkis, qui reste encore trop souvent méconnue, et même ignorée de certains manuels scolaires. Ce faisant, ce projet de loi marque un véritable tournant par rapport aux dispositifs précédents, dans son esprit comme sa philosophie : il ne s’agit plus d’aider, mais de réparer ; il ne s’agit plus de soutenir financièrement, mais de reconnaître une faute de l’État et de l’indemniser ; en somme, il s’agit de rendre justice.

 

 


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   Synthèse

I.   Présentation synthétique du projet de loi

Dans sa version initiale, le projet de loi comporte sept articles.

Le chapitre Ier contient les six articles relatifs aux mesures de reconnaissance et de réparation.

L’article 1er proclame ainsi la reconnaissance de la Nation à l’égard   harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie. Il reconnait également la responsabilité de la Nation à l’égard de ces populations pour l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans les camps et hameaux de forestage entre la signature des accords d’Évian et le 31 décembre 1975, conditions particulièrement précaires et donnant lieu à des privations et atteintes de libertés, sources d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables.

L’article 2 détermine le fait générateur du mécanisme de réparation découlant de l’engagement de la responsabilité de l’État, et en fixe les principales modalités. Ont ainsi droit au mécanisme de réparation les rapatriés d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local, qui ont séjourné dans une ou plusieurs structures dont la liste est fixée par décret, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, ainsi que les conjoints et enfants de ces personnes, dès lors qu’ils ont séjourné dans ces mêmes structures durant la même période. La réparation prend la forme d’une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour.

L’article 3 procède à la création, auprès de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation chargée, à titre principal, de statuer sur les demandes de réparation et de contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement au service de la Nation des harkis et de leurs conditions d’accueil sur le territoire national.

L’article 4 complète les missions assignées à l’ONAC-VG par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, afin de le charger de l’instruction des demandes de réparation avant leur examen par la commission nationale, et de l’accompagnement des descendants de harkis, jusqu’au « second degré », c’est-à-dire les petits-enfants, conformément à l’engagement pris par le Président de la République le 20 septembre dernier.

Les articles 5 et 6 prévoient respectivement l’exonération fiscale et sociale des réparations accordées.

Le chapitre II comporte le seul article 7 qui ajuste, afin d’en étendre le périmètre, le dispositif de l’allocation viagère versée aux conjoints et ex-conjoints survivants d’anciens membres des formations supplétives et assimilés anciennement de statut civil de droit local domiciliés en France, créée par l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de loi de finances pour 2016.

Il supprime ainsi les dispositifs de forclusion, ouvre le bénéfice de l’allocation viagère aux conjoints des personnes de statut civil de droit local « assimilées » aux membres des formations supplétives, autorise l’accès à l’allocation viagère aux conjoints ayant établi leur domicile dans un autre État de l’Union européenne que la France.

II.   Principaux apports de la commission

La commission a adopté 25 amendements, dont 17 de nature rédactionnelle aux fins de clarification ou de mise en cohérence des dispositions du projet de loi. Outre ces amendements rédactionnels, dont l’un porte sur le titre du projet de loi, les modifications suivantes ont donc été apportées par la commission.

À l’article 1er, la commission, sur proposition de votre rapporteure et des membres des groupes La République en Marche et Les Républicains, a remplacé le terme de « délaissés » par le terme « abandonnés », pour décrire le comportement de l’État à l’égard des harkis au lendemain de la guerre d’Algérie.

Un amendement visant à ôter toute ambiguïté sur la réalité du préjudice subi par les harkis et leurs familles au titre de leurs conditions d’accueil et de vie en France a également été adopté à l’article 1er, à l’initiative de votre rapporteure, ainsi que des membres des groupes la République en Marche et Les Républicains.

L’article 3 a été amendé, sur proposition de votre rapporteure, pour permettre à la commission nationale de reconnaissance et de réparation de proposer toute évolution qu’elle jugera utile, au vu des travaux menés dans le cadre de sa mission mémorielle, de la liste, fixée par décret, des structures d’accueil éligibles au dispositif d’indemnisation institué par le projet de loi.

Au même article, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure, qui prévoit la publication par la commission nationale précitée d’un rapport annuel d’activité, rendant notamment compte de l’exercice de sa mission au service de la transmission de la mémoire des harkis.

 


   Examen des articles

Chapitre Ier
Mesures de reconnaissance et de réparation

Article 1er
Reconnaissance de la Nation et de sa responsabilité

L’article 1er du projet de loi témoigne de la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis, des moghaznis et des membres des autres formations supplétives et assimilés anciennement de statut civil de droit local, pour leur engagement au service de la France en Algérie. Il reconnaît également la responsabilité de la Nation du fait de leurs conditions de rapatriement et d’accueil sur le territoire national, pour les préjudices que ceux-ci et leurs familles ont subis à leur arrivée en France à la suite des accords d’Évian.

I.   L’état du droit

● La reconnaissance de la Nation à l’égard des membres des forces supplétives et des personnes assimilées pour leur engagement au service de la France n’est pas inédite. Celle-ci s’est matérialisée au travers de diverses mesures de reconnaissance, qu’il s’agisse de dispositions de nature juridique ou de prises de parole de la part des plus hautes autorités de l’État.

Il convient à ce stade de préciser que si l’article D. 111-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), pris pour l’application de l’article L. 111-3 du même code, liste avec précision les formations supplétives – Harkas, Maghzens, Groupes d’autodéfense, Goums, groupes mobiles de sécurité y compris groupes mobiles de police rurale et compagnies nomades, Auxiliaires de la gendarmerie, Sections administratives spécialisées, Sections administratives urbaines et Formations auxiliaires au Maroc et en Tunisie – tel n’est pas le cas des formations assimilées, qui regroupent les agents contractuels de police auxiliaire, les agents techniques occasionnels de police (ATO), les gardes champêtres en zone rurale, les agents de renseignement et les auxiliaires médico-sociaux des armées.

C’est ainsi que dès 1974, la loi n°74-1044 du 9 décembre 1974 ([6]) a reconnu la qualité de combattant aux anciens membres des formations supplétives. En leur octroyant le bénéfice de la carte du combattant, le législateur leur a ainsi ouvert l’accès aux droits qui lui sont associés, au premier rang desquels les pensions militaires d’invalidité et la retraite du combattant, ainsi que la possibilité de leur attribuer la mention « Mort pour la France », et de voir leurs enfants adoptés par la Nation, en tant que pupilles.

Vingt ans plus tard, l’article 11 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 ([7]) a créé le statut de « victime de la captivité en Algérie », attribué aux personnes ayant été capturées après le 2 juillet 1962 et détenues pendant au moins trois mois en Algérie, en raison des services rendus à la France et notamment de leur appartenance à une formation régulière ou supplétive de l’armée française.

Enfin, la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 ([8]) a consacré la qualification de « guerre d’Algérie » en lieu et place de la référence « aux opérations effectuées en Afrique du Nord ».

En outre, les déclarations de reconnaissance ont également porté sur les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les personnes rapatriées anciennement de statut civil de droit local. L’étude d’impact annexée au projet de loi rappelle ainsi que celle-ci a fait l’objet de trois dispositions de nature législative ou réglementaire :

en premier lieu, l’article 1er de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 précitée énonce que « La République française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu’ils ont consentis » ;

en deuxième lieu, le décret du 31 mars 2003 ([9]) a institué la Journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives, fixée au 25 septembre. Il s’est ainsi agi d’ancrer dans le droit positif une journée d’hommage déjà célébrée avant cette date. Ainsi, dans un message du 25 septembre 2001 ([10]), le Président Jacques Chirac déclarait « Aujourd’hui, 25 septembre 2001, journée nationale des Harkis, la France veut rendre un hommage solennel à ceux de ses enfants qui ont été si cruellement meurtris » ajoutant que « le moment est venu pour nous tous, Français, de porter un regard de vérité sur une histoire méconnue, une histoire déformée, une histoire effacée. Cette histoire est celle de nos frères d’armes, qui attendent de la France, la patrie qu’ils ont choisie, qu’elle défende leur honneur et leur témoigne l’estime et la reconnaissance auxquelles ils ont droit. » ;

en troisième lieu, enfin, l’article 1er de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ([11]) dispose que « La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. Elle reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d’indépendance de ces anciens départements et territoires et leur rend, ainsi qu’à leurs familles, solennellement hommage. »

Ces dispositions de nature juridique ont été confortées par des prises de parole des plus hautes autorités de l’État, plusieurs présidents de la République ayant reconnu les sacrifices consentis par les harkis ([12]). Abordée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans l’abandon des harkis a été pleinement admise par François Hollande, qui déclarait, le 25 septembre 2016 : « Cette vérité est la nôtre et je l’affirme ici clairement au nom de la République : je reconnais la responsabilité des gouvernements français dans l’abandon des harkis, des massacres de ceux restés en Algérie, et des conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France. Telle est la position de la France. »

● En revanche, au-delà de ces prises de parole, la responsabilité de l’État n’a à ce jour pas été reconnue par le législateur. Le rapport « Aux harkis, la France reconnaissante » souligne d’ailleurs que « beaucoup [de représentants de la première génération] espèrent voir la France reconnaître officiellement, par un texte voté au Parlement, sa responsabilité dans le sort qui leur a été fait, ainsi qu’à leurs camarades restés en Algérie. » ([13])

S’agissant des conditions d’accueil en France, le juge administratif a estimé, dans sa décision du 3 octobre 2018 dite de l’affaire Tamazount ([14]), que la responsabilité pour faute de l’État devait être engagée à raison des conditions de vie indignes réservées aux personnes rapatriées anciennement de statut civil de droit local et à leurs familles dans les camps.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 1er du projet de loi renouvelle donc la reconnaissance de la Nation à l’égard des harkis des moghaznis et des personnes des formations supplétives et assimilées de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a « délaissés ». Ce faisant, le premier alinéa de l’article s’inscrit dans la continuité des précédentes lois précitées.

L’alinéa 2 de l’article 1er opère en revanche une véritable rupture, en procédant à la reconnaissance par le législateur de la responsabilité de la France du fait des « conditions indignes de l’accueil sur son territoire (...) des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles ». Il s’agit ainsi de transcrire en droit les déclarations du Président de la République qui, le 20 septembre 2021 ([15]), déclarait ainsi qu’une fois en France, les harkis et leurs familles avaient trouvé « les barreaux et les barbelés, les couvre-feux, le rationnement, le froid, la faim, la promiscuité, la maladie, l’exclusion, l’arbitraire et le racisme, au mépris de toutes les valeurs qui fondent la France, au mépris du droit, au mépris de toute justice. Les portes de l’école de la République fermées à leurs enfants, à vos enfants, à vous, au mépris de l’avenir. »

Le second alinéa constitue donc le socle du projet de loi, en reconnaissant la responsabilité de la Nation à l’égard de ces populations. Il convient de noter que la responsabilité de l’État se limite aux « conditions indignes d’accueil », en fixant une date de départ de la responsabilité (« postérieurement au 19 mars 1962 »), des lieux particuliers (« certaines structures »), des conditions (« particulièrement précaires et donnant lieu à des privations de libertés ») ainsi que des conséquences (« sources d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables »).

III.   La position de la commission

La commission a adopté cet article, modifié par l’adoption de plusieurs amendements. Outre d’utiles précisions rédactionnelles, la commission a ainsi adopté trois amendements identiques déposés par votre rapporteure ainsi que les membres du groupe de La République en marche et du groupe Les Républicains, visant à reconnaître explicitement l’abandon dont ont été victimes les harkis, les moghaznis et les personnes des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local.

L’emploi du terme « délaissés » apparaît en effet comme un euphémisme pour décrire la réalité du préjudice qu’ont subi les harkis à raison du refus de l’État français d’organiser le rapatriement généralisé de ces derniers, tel que mis en exergue notamment dans le rapport du préfet Dominique Ceaux de juillet 2018. Ce terme est en outre ressenti à juste titre par les harkis et leurs familles comme vexatoire et minorant la faute de l’État français à leur égard, ainsi que cela ressort des auditions menées par la commission et votre rapporteure. En revanche, le terme « abandonnés » parait quant à lui davantage conforme à la réalité historique. Il est en outre adapté à l’objet même du projet de loi, qui est de reconnaître une faute et par conséquent une responsabilité de l’État. Il est enfin conforme au discours du Président de la République du 20 septembre, qui a évoqué à plusieurs reprises la notion d’« abandon » de l’État à l’égard des harkis, comme l’illustre l’extrait suivant : « Pour vous et pour vos familles, ce fut un abandon, un abandon de la République française. »

En outre, la commission a également adopté trois amendements identiques de votre rapporteure, des membres du groupe La République en marche et du groupe Les Républicains, clarifiant la rédaction de la fin de l’alinéa 2 afin d’ôter toute ambiguïté sur le fait que les conditions de vie, les privations et atteintes aux libertés subis par les harkis dans les structures d’accueil visées par le projet de loi ont bien été effectivement pour ces derniers une « source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables ». Dans la rédaction initiale du projet de loi, les termes « ont pu » étaient susceptibles d’être interprétés a contrario comme suggérant que les « conditions de vie particulièrement précaires », les « privations » et « atteintes aux libertés individuelles » subies par les harkis auraient également pu ne pas être « source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables », ce qui apparaît dénué de sens. Cette clarification est ainsi de nature à lever toute confusion sur la portée de la reconnaissance de la responsabilité de l’État.

Article 2
Dispositif de réparation des préjudices

L’article 2 du projet de loi définit le fait générateur de l’engagement de la responsabilité de l’État, à savoir l’indignité des conditions d’accueil et de vie des harkis, des autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, matérialisée par leur séjour dans un camp de transit ou un hameau de forestage entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975. Ce faisant, cet article procède à la création d’un mécanisme de réparation du préjudice subi par ces personnes.

I.   L’état du droit

Le chapitre III du rapport du préfet Dominique Ceaux invite à « parfaire la réparation et renforcer la solidarité à l’égard des harkis et de leurs enfants » ([16]), et souligne l’importance de « ne pas laisser à penser que rien n’a été fait sur le chemin qui mène à la réparation ». Ce rapport dresse une liste exhaustive des dispositifs institués au fil des ans, dont une présentation étayée figure dans l’étude d’impact annexée au projet de loi. De manière générale, Mme Véronique Peaucelle-Delelis la directrice générale de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG), a rappelé à la rapporteure que plusieurs plans d’action ont été mis en œuvre au profit des harkis, des personnes assimilées et de leurs familles en 1974, 1986, 1994, 2005, 2014 et 2018.

Ces plans ont conduit à la mise en place de mesures d’indemnisations – telles les allocations forfaitaires ([17]), l’allocation d’une rente viagère ([18]), les allocations de reconnaissance ([19]), l’aide spécifique aux conjoints survivants et l’allocation viagère ([20]) – de mesures spécifiques dans le domaine du logement – parmi lesquelles une aide à l’amélioration de l’habitat et un dispositif de réservation de logements ([21]) et diverses aides au logement ([22]) – ainsi que des aides spécifiques en direction des enfants de harkis et assimilés, comprenant essentiellement une indemnisation en cas de décès des parents, des aides à la formation initiale (au travers de bourses scolaires ou universitaires), des aides à la formation professionnelle et des dispositifs en faveur de l’emploi, au travers d’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise ou encore, par exemple, des emplois réservés des trois fonctions publiques pour les emplois de catégories C, B et, depuis 2020, A. Il ne s’agit donc pas ici de les décrire en détail, le tableau présenté ci-dessous les présentant de manière globale.

 

Base juridique de la mesure

Mesure

Date de début et

de fin de la mesure

Coût de la mesure en

M€ 2020

Nombre de bénéficiaires

Commentaires

Loi du 26 décembre 1961

Prestations retours, installation, subsistances

1962

 

 

Ensemble des rapatriés

Lois de 1970, 1978 et

1982

Indemnisation du patrimoine

1970-1982

211,45

145 885

Ensemble des rapatriés

Français musulmans

 

Indemnisation des biens mobiliers des anciens supplétifs

 

Lois des 16 juillet 1987,

11 juin 1994, 23 février 2005

Allocations orphelins

1987-2007

30

141

Forcloses

 

Allocation orphelins reliquat (2013 à 2015)

 

0,6

 

Lois des 16 juillet 1987 et 11 juin 1994

Allocations forfaitaires

1987-1997

440

33 436

Forcloses

Loi du 11 juin 1994

Cellules de reclassement enfants de harkis

1994-2002

47,8

 

Forclose depuis 2002

Loi du 11 juin 1994

Formation professionnelle

1994-2017

10,5

 

Forclose depuis

2016 arrêt

Conseil d’État

 

Stages auto

1994-2012

2,06

 

Forclos

 

Aides aux formations diverses

1994-2012

9,8

 

Forclos

 

Aide création ou reprise d’entreprise

1994-2003

14,1

2 400

Forclose

 

Aide à la mobilité professionnelle

1994-2003

5,5

2 700

Forclose

 

Convention partenariat État/ANPE

1995-2005

24,56

5 500

Forclose

Loi du 11 juin 1994

Aides spécifiques aux conjoints survivants

1994-2017

1,23

 

Toujours en vigueur

 

(paiements trimestriels)

2018

0,2

58

 

 

2019

0,129

56

 

 

2020

0,137

60

Lois des 11 juin 1994 et

23 février 2005

Aide à l’acquisition de logement

1994-2009

16

1 312

Forclose

 

Aide à l’amélioration de l’habitat

1994-2009

27,7

9 935

Forclose

 

Aide au désendettement immobilier résultant d’une accession à la propriété

2003-2005

9,2

890

Forclose

Lois des 11 juin 1994 et 23 février 2005

Bourses scolaires et universitaires coût

1994-2012

1994-2012

31

113 000

Toujours en vigueur

 

Bourses scolaires et universitaires coût

2013-2017

2013-2017

1,094

 

Toujours en vigueur

 

 

2018

0,09

121

Toujours en vigueur

 

 

2019

0,067

93

Toujours en vigueur

 

(paiement lissé avec 2021)

2020

0,063

115

Toujours en vigueur

LFR 30 décembre 1999

Rente viagère

1999-2002

19

6 800

Forclose

LFR 30 décembre 2002

Allocation de reconnaissance

2003-2005

37,4

12 600

Forclose

Loi du 23 février 2005

Allocation de reconnaissance

2005-2014

480

,

Forclose

 

Allocation de reconnaissance coût 2015-2020

 

88,31

 

Paiement

toujours en vigueur

Loi de finances initiale pour 2016 du 29 décembre 2015 art 133

Allocation viagère aux conjoints survivants

2016

0,7

210

Année de mise en œuvre

 

 

2017

1,5

636

Toujours en vigueur

 

 

2018

2,719

810

 

 

2019

3,862

1 002

 

 

2020

4,84

1 188

Loi du 11 juin 1994

Secours financiers coût de 1995 à 2012

 

5,92

 

Toujours en vigueur

Loi du 11 juin 1994

Victimes de la captivité

 

4,5

1 000

 

décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018, modifié par le décret n° 2020-513 du 4 mai 2020

Fond Social Enfants de Harkis au 30/07/2021

2019-…

13,4

2 266

Toujours en vigueur

Total mesures harkis :

Total

 

1 545,431

 

 

Source : étude d’impact annexée au projet de loi.

En outre, le Gouvernement a institué ([23]) , pour la période 2019-2022, un mécanisme d’aide financière prenant la forme d’un fonds de solidarité intégré au budget de l’aide sociale de l’ONAC-VG, et destiné à apporter une aide financière aux enfants d’anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés ayant servi en Algérie. Le bénéfice de ces aides est ouvert à cette deuxième génération au regard de leur situation socio-économique, à condition qu’ils aient séjourné dans des camps ou des hameaux de forestage pendant une durée minimale de 90 jours à la suite du rapatriement de leur famille sur le territoire national et qu’ils résident en France de manière stable et effective. Depuis 2020 ([24]), l’aide allouée peut couvrir de manière cumulative des besoins dans les trois domaines listés : logement, santé, formation et insertion professionnelle.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 2 du projet de loi franchit une nouvelle étape, avec la création d’un mécanisme de réparation des préjudices résultant de l’indignité des conditions de vie des personnes à leur accueil sur le territoire national. Cet article détermine ainsi le fait générateur du mécanisme de réparation. Il lève par ailleurs la prescription quadriennale défini à l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ([25]), procédant de fait à la « re-création » d’un droit à réparation juridiquement prescrit ([26]).

Le premier alinéa précise ainsi qu’ont ainsi droit à réparation :

les rapatriés d’Algérie, anciennement de statut civil de droit local, qui ont séjourné dans une ou plusieurs structures dont la liste est fixée par décret, entre le 20 mars 1962 (date de publication au Journal officiel des accords d’Évian) et le 31 décembre 1975, date de la fermeture administrative du dernier de ces lieux ;

les conjoints et enfants de ces personnes, dès lors qu’ils ont séjourné dans ces mêmes structures durant la même période.

De manière plus précise, la liste des structures – si elle n’est pas encore connue – pourrait être la même que celle figurant en annexe du décret du 28 décembre 2018 instituant le fonds de solidarité en direction des enfants de harkis et personnes assimilées, modifié par le décret du 4 mai 2020, c’est-à-dire 11 camps et 74 hameaux de forestage.

Le second alinéa de cet article précise que « La réparation prend la forme d’une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures, versée dans les conditions et selon un barème fixé par décret. » Si peuvent être prises en compte les éventuelles indemnisations déjà perçues au titre du même chef de préjudice – c’est-à-dire les conditions indignes d’accueil –, il n’est pas question de déduire de la somme forfaitaire les mécanismes financiers déjà en vigueur, tels l’allocation viagère, l’allocation de reconnaissance ou même l’aide apportée dans le cadre du fonds de solidarité. En outre, le droit proposé entend couvrir l’ensemble du préjudice causé par ce séjour, fermant la porte à une indemnisation complémentaire.

Si la fixation du barème est renvoyée à un décret, l’étude d’impact précise qu’il pourrait être fixé de la manière suivante :

– 2 000 euros pour un séjour inférieur à trois mois,

– 3 000 euros pour un séjour supérieur à trois mois,

– 1 000 euros par année complémentaire.

Ces montants ont été calculés à partir de la décision du Conseil d’État du 3 octobre 2008 précitée, aux termes de laquelle le juge administratif a condamné l’État à verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi par une personne née dans un camp en 1963, et y ayant vécu jusqu’en 1975. Selon l’étude d’impact, 50 000 personnes pourraient bénéficier d’une indemnisation, pour un montant total de 302 millions d’euros.


Estimation du nombre de bénéficiaires du dispositif de réparation et de son coût

Catégorie de personnes concernées

Effectifs estimés au 15 juillet 2021

Nombre moyen d’années passées dans les structures de transit et d’hébergement

Estimation de l’indemnisation (millions d’euros)

Séjour > 90 jours dont :

 

Rapatriés anciennement de statut civil de droit local et conjoints survivants

7 000

5

56

Enfants nés avant le rapatriement

18 000

4

126

Enfants nés dans les structures de transit et d’hébergement

10 000

6

90

Séjour < 90 jours

15 000

 

30

TOTAL

50 000

 

302

Source : étude d’impact annexée au projet de loi (p.53).

D’après les données fournies dans l’étude d’impact, environ 6 000 demandes pourraient être instruites dès 2022, pour un montant correspondant à 44,5 millions d’euros. Un amendement de crédits déposé par le Gouvernement a été adopté en séance lors de la discussion des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » proposés par le projet de loi de finances pour 2022, afin d’abonder la mission d’une dotation de 50 millions d’euros. La durée d’apurement des droits est évaluée à six ans.

III.   La position de la commission

La commission a adopté cet article après avoir simplement procédé à deux modifications proposées par la rapporteure afin d’améliorer la qualité rédactionnelle du texte et la cohérence de ses dispositions. Toutefois, la rapporteure ne méconnaît pas les critiques émises par les associations à l’encontre de ces dispositions. Celles-ci concernent :

– en premier lieu, la période prise en considération, soit du 20 mars 1962 au 31 décembre 1975, certaines associations arguant de la prolongation de l’existence de camps ou hameaux de forestage au-delà du 31 décembre 1975, parfois jusque dans les années 1990. En l’espèce, la rapporteure note que la date du 31 décembre 1975 correspond à la date de fermeture administrative de ces structures, et ce faisant à la date à laquelle leur administration dans des conditions exorbitantes du droit commun a pris fin. S’il est incontestable que nombre de familles ont continué à habiter sur les mêmes sites, dans des conditions souvent précaires, les situations apparaissent néanmoins distinctes ;

– en deuxième lieu, le choix d’une indemnisation forfaitaire plutôt que d’une indemnisation individualisée, tenant compte de la « réalité » des préjudices subis. La rapporteure estime qu’une telle option ne serait pas à l’avantage des demandeurs. En effet, le dispositif proposé par le projet de loi repose sur une présomption de préjudice, et la détermination d’un barème d’indemnisation simple et lisible, fondé sur les principes dégagés par les jurisprudences constitutionnelle ([27]) et administrative ([28]). La faute de l’État ne fait aujourd’hui plus guère l’objet de débats, l’étude d’impact soulignant même qu’elle est « incontestable et désormais bien documentée ». À l’inverse, ainsi que l’indique d’ailleurs l’étude d’impact, « l’option d’une réparation intégrale des préjudices subis par les intéressés suivant le régime probatoire de droit commun faisant peser la charge de la preuve sur le demandeur se heurterait à une difficulté majeure : le risque de rouvrir une procédure largement frustratoire et de créer une situation de face à face entre les demandeurs et l’administration, dans laquelle la diversité des préjudices potentiellement invocable ne pourrait, faute de preuve, donner lieu à indemnisation ». En outre, une telle procédure ne permettrait pas aux demandeurs d’être indemnisés rapidement, au contraire de l’objectif poursuivi par le projet de loi. Pour la rapporteure, il apparaît donc évident que le dispositif proposé par le Gouvernement est à l’avantage des demandeurs ;

– en troisième lieu, la restriction du bénéfice de la réparation au séjour dans certaines structures, et plus précisément dans les camps et les hameaux de forestage. Pour l’ensemble des associations et représentants des harkis et de leurs familles entendues par la commission et votre rapporteure, la distinction entre, d’une part, les camps et hameaux de forestage et, d’autre part, les sites « ouverts », est injustifiée. Mettant en avant une « communauté de destins », les personnes auditionnées refusent que soient exclus du dispositif de réparation celles et ceux qui ont vécu dans d’autres types de structures, dont les conditions de vie ont pu être tout aussi précaires, à l’instar de bidonvilles, des foyers Sonacotra ou des cités urbaines. Qu’elles soient en milieu ouvert ou en milieu fermé, ces personnes ont en partage les souffrances de la relégation, de l’isolement et de l’exclusion. Les témoignages recueillis par la commission et votre rapporteure font état de ces « barbelés psychologiques » qui, même en milieu ouverts, ont maintenu les harkis et leurs familles sur le bas-côté de la République. Il est ainsi indispensable de reconnaître ces souffrances et nombre de dispositifs ont été mis en place pour tenter de les apaiser et de les réparer.

Pour autant, lors de son discours du 20 septembre dernier – à l’époque unanimement salué –, le Président de la République a précisé « de manière très claire : il ne s’agit pas d’établir des réparations pour d’autres qui ont vécu dans d’autres situations parce que les cas sont aussi individuels. Il ne s’agit pas d’établir des réparations pour les générations suivantes ou pour des femmes et des hommes qui n’ont pas eu à vivre les mêmes conditions. Parce que sinon, nous ouvririons des situations qui, là aussi, en quelque sorte, ne seraient pas justes par rapport à ce que la République a eu à connaître. » La singularité de la vie dans les camps et les hameaux de forestage repose sur la combinaison de trois éléments : un lieu d’hébergement clos ou très isolé, au sein duquel s’exerçait une tutelle administrative, et dans lequel des droits aussi fondamentaux que l’accès à l’éducation ou aux soins n’étaient pas assurés. Ce sont ces caractéristiques qui autorisent un traitement différencié et, ce faisant, garantissent le respect du principe d’égalité. En l’état actuel, la liste des lieux de séjour éligibles à un décaissement du fonds de solidarité repose ainsi sur des analyses monographiques et archivistiques menées par l’ONAC-VG. Il n’en demeure pas moins que certaines structures demeurent mal connues, et constituent encore des « zones grises ». En témoigne d’ailleurs l’actualisation, en 2020, de la liste des structures reconnues deux ans auparavant pour le bénéfice d’aides du fonds de solidarité. C’est pourquoi votre rapporteure est convaincue de la nécessité de prévoir que la liste des structures concernées puisse faire l’objet d’actualisations, sur la base de travaux historiques étayés.

Article 3
Création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation

L’article 3 du projet de loi procède à la création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles, chargée de deux missions principales : une mission de réparation, puisqu’il lui reviendra de statuer sur les demandes formulées en ce sens ; une mission mémorielle, au travers du recueil de témoignages et d’actions visant à la transmission de la mémoire de l’engagement des harkis et de leurs conditions de rapatriement et d’accueil sur le territoire national. Cette commission bénéficiera du soutien des services de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre auprès duquel elle est placée.

I.   Les dispositions du projet de loi

L’article 3 du projet de loi procède à la création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles. Ainsi que le précise le premier alinéa, cette commission est instituée, « auprès de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ». Ce rattachement apparaît logique, tant au regard des missions – voire de la raison d’être – de l’ONAC-VG, « maison commune » du monde combattant. Il permet également de tirer bénéfice de l’expertise de l’ONAC-VG depuis qu’il constitue le guichet unique pour l’ensemble des rapatriés et que le Bureau central des rapatriés lui a été rattaché. Dans la rédaction initiale du projet de loi, cette commission se voit chargée de trois missions.

● Premièrement (alinéa 2, 1°), la commission sera chargée de statuer sur les demandes de réparation qui lui seront présentées. En pratique, les demandes seront instruites par les services de l’Office, et plus particulièrement par son service de reconnaissance et de réparation, situé à Caen. Celui-ci est déjà chargé de la délivrance des cartes et titres prévus par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Selon les informations recueillies par votre rapporteure au cours de ses auditions, les demandeurs devront uniquement fournir le formulaire de demande, une pièce d’identité, un relevé d’identité bancaire ainsi que le certificat de séjour dans un camp ou un hameau de forestage mentionné par la liste prévue à l’article 2. Il s’agit donc d’un dispositif relativement simple, d’autant que les services de l’Office procèderont eux-mêmes, si nécessaire, à la recherche du certificat de séjour dans un camp ou hameau de forestage. En effet, ainsi que Mme Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’ONAC-VG, l’a confirmé à votre rapporteure, l’Office dispose d’archives relativement complète et dorénavant accessibles. Auparavant entreposées à Périgueux, dans des conditions très insatisfaisantes – voire inquiétantes – les archives du service central des rapatriés (SCR) ([29]) ont été confiées à un tiers-archiveur, qui doit être en mesure de transmettre un dossier dans les 48 heures suivant la demande de communication.

L’instruction des demandes par l’Office nécessitera d’augmenter ses effectifs, à hauteur de six personnes – quatre agents au sein du service de reconnaissance et de réparation et deux au sein de l’agence comptable. D’après les éléments fournis par l’étude d’impact annexée au projet de loi, l’Office estime qu’environ 6 000 dossiers pourront être traités en 2022, parmi lesquels 2 200 concerneront les harkis, leurs épouses ou leurs veuves, dont l’âge avancé justifie un traitement prioritaire. En effet, une partie des potentiels bénéficiaires du mécanisme de réparation est déjà connue de l’Office, au travers de dispositifs d’aide sociale comme les allocations de reconnaissance et viagère ou le fonds de solidarité en direction des enfants de harkis. Votre rapporteure considère même que les services de l’Office gagneraient à faire preuve de pro-activité, en sollicitant directement les personnes déjà bénéficiaires des dispositifs qu’il met en œuvre.

Une fois instruits, les dossiers seront transmis à la commission nationale de reconnaissance et de réparation, chargée de statuer sur les demandes.

● Deuxièmement (alinéa 3, 2°), la commission se voit confier une mission mémorielle. Elle contribuera ainsi au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement au service de la Nation des harkis et autres personnes assimilées – c’est-à-dire la mémoire combattante –, d’une part, et de leurs conditions de rapatriement et d’accueil sur le territoire national, d’autre part.

Cette mission ne pourrait s’exercer que de manière complémentaire des travaux d’autres acteurs de la mémoire, qu’il s’agisse d’historiens et de chercheurs, d’associations œuvrant dans le champ de la mémoire, mais aussi du ministère des Armées, au travers de la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) ou du service historique de la défense (SHD).

● Troisièmement (alinéa 4, 3°), la commission sera chargée d’appuyer l’ONAC-VG dans la conduite de deux de ses missions en faveur des rapatriés :

d’une part, le suivi, la coordination et la facilitation de l’application des dispositions législatives et réglementaires qui concernent les rapatriés, notamment celles destinées à faciliter leur réinstallation, mission prévue au 3° de l’article L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ;

d’autre part, la facilitation des démarches administratives des enfants et petits-enfants de harkis et assimilés, fixée par le 3° bis du même article nouvellement créé par l’article 4 du projet de loi.

● Par ailleurs, l’alinéa 5 de l’article 3 autorise l’Office à solliciter, à la demande de la commission, tout service de l’État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales afin d’obtenir communication des renseignements utiles à l’exercice de ces missions. À titre d’exemple, pourraient ainsi être sollicités les services d’archives de communes ou de départements, comme le service historique de la défense.

De manière assez classique, le dernier alinéa de l’article renvoie à un décret la fixation de la composition de la commission et de ses modalités de fonctionnement, ainsi que la définition de la procédure de présentation et d’instruction des demandes de réparation comme des conditions dans lesquelles les personnes concernées par les missions de la commission peuvent être entendues par elle.

II.   La position de la commission

La commission a adopté cet article après l’avoir modifié à l’initiative de votre rapporteure. En effet, il lui est apparu indispensable de compléter les missions de la commission nationale de reconnaissance et de réparation instituée par le projet de loi, et de préciser la manière dont ses travaux pourraient être valorisés. Ainsi, outre deux amendements de nature rédactionnelle, la commission a adopté :

un amendement créant un 4° dotant la commission de la faculté de proposer des évolutions, au vu de ses travaux, de la liste des lieux dans lesquels il est nécessaire d’avoir séjourné pour bénéficier du mécanisme de réparation.

En effet, en l’état actuel, cette liste devrait être la même que celle figurant en annexe du décret instituant le fonds de solidarité à l’égard des enfants de harkis. Cette liste compte 11 camps et 74 hameaux de forestage. Celle-ci est évolutive, comme l’illustre d’ailleurs le fait qu’elle ait été modifiée par le décret n° 2020‑153 du 4 mai 2020, qui lui a ajouté aux six camps initialement retenus – La Cavalerie-Larzac (Aveyron), Bourg-Lastic (Puy de Dome), La Rye Le Vigeant (Vienne), Saint-Maurice-l’Ardoise (Gard), Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) et Bias (Lot et Garonne) autrement appelé CARA « centre d’accueil des rapatriés d’Algérie » – cinq camps supplémentaires :

 Largentière (Ardèche), centre d’accueil de Neuilly-Nemours,

 Narbonne (Aude), centre d’hébergement de Saint-Salvayre,

 Mas-Thibert (Bouches-du-Rhône), centre d’hébergement Le Mazet,

 La Courtine (Creuse), centre d’accueil au camp militaire de La Courtine,

 Bitche (Moselle), centre d’accueil au camp militaire de Bitche ([30]) .

En outre, il ressort des auditions de la commission et de votre rapporteure que les critères d’identification des structures d’accueil caractérisées par l’existence d’un contrôle administratif, l’atteinte aux libertés individuelles et des conditions de vie précaires sont sujets à interprétation et qu’il peut donc exister des « zones grises » pour certaines structures. Une partie d’entre elles étaient d’ailleurs désignées sous l’appellation de « camp », y compris sur des documents administratifs officiels, comme par exemple le camp du Pont Juvénal, à Montpellier. À cet égard, les travaux de la commission seront susceptibles d’aboutir à une connaissance plus fine des conditions de vie dans certaines structures, notamment celles non incluses dans la liste du décret précité.

C’est pourquoi la commission a soutenu la proposition de votre rapporteure visant à permettre à la commission de recommander aux pouvoirs publics toute évolution qu’elle juge souhaitable, à la suite de ses travaux, de la liste des structures fixée par décret ;

un amendement insérant un nouvel alinéa et prévoyant que la commission publie un rapport annuel d’activité rendant notamment compte des témoignages recueillis dans le cadre de l’exécution de sa mission mémorielle. La publication du résultat des travaux de la commission paraît par ailleurs à votre rapporteure de nature à rendre justice aux harkis et à leurs familles, en mettant fin à l’invisibilité dont ils ont si longtemps été victimes. Les témoignages recueillis par les membres de la commission doivent être en effet être rendus accessibles, et ce d’autant plus qu’au cours des auditions, votre rapporteure a pu constater qu’aujourd’hui les langues commencent à se délier, et que celles et ceux passées par les camps et hameaux de forestage n’hésitent plus à évoquer la tutelle sociale exercée par les chefs de camps, les restrictions de la liberté de circulation, l’absence des conditions minimales d’hygiène et de sécurité, la négation de l’identité même des personnes en imposant des prénoms français, la déscolarisation des enfants, l’internement d’office en hôpital psychiatrique pour cause de « rébellion », le détournement des allocations familiales, ainsi que les violences et humiliations commises parfois à l’encontre des femmes et des enfants.

De ce point de vue, sans qu’il s’agisse de comparer les souffrances, votre rapporteure note que le rapport final de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), rendu public le 5 octobre 2021, accorde une large part aux témoignages des victimes. Un tome entier de plus de 200 pages est consacré au seul exposé des témoignages adressés à la commission ([31]).

Une telle démarche est indispensable afin de mieux prendre en compte la parole des harkis et de leurs familles, et de témoigner du respect qui leur est dû. Du reste, ce rapport public mettra peut-être aussi en lumière la diversité des conditions de vie selon les camps et hameaux. En outre, il ne devra pas se limiter à la valorisation de sa mission mémorielle. Il permettra également d’assurer le suivi de la mise en œuvre du mécanisme de réparation, en présentant l’activité de la commission au titre de sa première mission.

Article 4
(art. L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre)
Nouvelles missions de l’ONAC-VG en faveur des harkis, des personnes assimilées et de leurs familles

I.   L’état du droit

En l’état actuel du droit, l’article L. 611-5 du CPMIVG confie à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, au titre de sa mission au bénéfice de l’ensemble des rapatriés, la charge de :

– préparer, en concertation avec les associations représentatives, les mesures de solidarité nationale en faveur des rapatriés, des anciens membres des forces supplétives et assimilés et de leurs familles, et des victimes de la captivité en Algérie ;

– veiller à la mise en œuvre des mesures décidées à ce titre par les pouvoirs publics ;

– suivre, coordonner et faciliter l’application des dispositions législatives et réglementaires qui concernent les rapatriés, notamment celles destinées à faciliter leur réinstallation, ainsi que celles fixées par la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

– mettre en œuvre des actions d’information, d’évaluation et de médiation.

Le même article précise que pour l’exercice de ses attributions, l’Office bénéficie, dans des conditions fixées par convention avec l’État, du concours des services compétents de l’État.

Il convient en effet de rappeler que depuis la décision n° 11 du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP), du 17 juillet 2013, l’ONAC-VG prend en charge l’ensemble des dispositifs financés par l’action 7 « Action en faveur des rapatriés » du programme 169 de la mission budgétaire « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Plusieurs évolutions législatives et réglementaires sont venues mettre en œuvre ce transfert à l’Office de toutes les dispositions relatives aux rapatriés dans leur ensemble :

– l’agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer (ANIFOM), établissement public à caractère administratif du ministère de l’Économie et des finances, chargée depuis sa création par la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 de l’instruction des demandes d’indemnisation des biens perdus outre-mer et du contentieux de l’indemnisation des Français rapatriés, a été dissoute par l’article 127 de la loi de finances initiale pour 2014 ;

– la mission interministérielle aux rapatriés (MIR) placée depuis sa création, en 2002, sous la tutelle du Premier ministre, et chargée de préparer et de mettre en œuvre les mesures de solidarité en faveur des rapatriés, a vu ses missions transférées à l’Office par le décret n° 2014-1696 du 29 décembre 2014 ;

– le transfert à l’ONAC-VG des missions assurées par les services des rapatriés des préfectures, qui assuraient la mise en œuvre d’un grand nombre de dispositifs tels que les secours sociaux, les mesures de désendettement, l’attribution de l’allocation de reconnaissance, les bourses scolaires et universitaires, notamment par des services dédiés aux rapatriés, est intervenu par le décret n° 2014-1698 du 29 décembre 2014

– enfin, le service central des rapatriés (SCR) a été intégré à l’Office, sous le nom de bureau central des rapatriés (BCR), par le décret n° 2017-1680 du 12 décembre 2017.

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 4 du projet de loi modifie l’article L. 611-5 du CPMIVG afin de confier à l’ONAC-VG deux nouvelles missions au titre de son soutien aux harkis et assimilées.

En premier lieu, et en cohérence avec les dispositions de l’article 3 du projet de loi, l’alinéa 3 de cet article crée une nouvelle mission 1° bis confiant à l’Office le soin d’instruire les demandes de réparation formulées dans le cadre du mécanisme institué par le texte.

En second lieu, le dernier alinéa de cet article charge l’Office de faciliter les démarches administratives des descendants jusqu’au second degré des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local, notamment l’accès aux dispositifs d’aide auxquels ils peuvent prétendre. Il s’agit par-là de traduire l’un des engagements pris par le Président de la République lors de son discours du 20 septembre dernier. À plusieurs reprises, celui-ci a en effet émis le souhait que la Nation puisse davantage accompagner les petits-enfants de harkis, en particulier « pour leur éducation et leur accès à l’égalité des chances ». En pratique, les services départementaux de l’ONAC-VG pourront ainsi aiguiller les enfants et petits-enfants de harkis vers différents dispositifs, qu’il s’agisse des dispositifs spécifiques auxquels les enfants peuvent prétendre – tels les emplois réservés ou le fonds de solidarité – ou les dispositifs de droit commun dont enfants et petits-enfants pourraient bénéficier – tels des aides au logement, des bourses ou le dispositif « un jeune / une solution ». De ce point de vue, la mission d’accompagnement social de l’Office est confortée, et en particulier le rôle de ses services départementaux sur les territoires, véritables portes d’entrée des ressortissants de l’Office et, parfois, de leurs familles.

L’article 4 apporte également des modifications de cohérence légistique.

III.   La position de la commission

La commission a adopté trois amendements de précision rédactionnelle présentés par votre rapporteure.

Article 5
(art. 81 du code général des impôts)
Exonération fiscale

L’article 5 du projet de loi modifie l’article 81 du code général des impôts afin d’exonérer de l’impôt sur le revenu la somme forfaitaire valant réparation versée au titre du mécanisme de réparation institué par le présent projet de loi. Selon l’étude d’impact, cette exonération représentera un coût maximal de 2,11 millions d’euros en 2022, sur la base d’une proportion de bénéficiaires imposables à l’impôt sur le revenu de 43 % et d’un taux marginal de 1,1 %.

La commission a adopté cet amendement, ne l’ayant modifié que par l’adoption d’un amendement de nature rédactionnelle.

Article 6
(art. L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale)
Exonération sociale

L’article 6 du projet de loi modifie l’article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale afin d’exonérer de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) la somme forfaitaire valant réparation versée au titre du mécanisme de réparation institué par le présent projet de loi. Selon l’étude d’impact, cette exonération représentera un coût maximal de 2,94 millions d’euros en 2022 sur la base du taux médian des retraités, soit 6,6 %.

La commission a adopté cet amendement, ne l’ayant modifié que par l’adoption d’un amendement de nature rédactionnelle.

Chapitre II
Mesures d’aide sociale

Article 7
(art. 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016)
Ajustement du dispositif de l’allocation viagère

I.   L’état du droit

Créé par l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, l’allocation viagère a pour objectif de permettre aux conjoints et ex-conjoints – mariés ou liés par un pacte civil de solidarité (PACS) – survivants de harkis, de moghaznis et des personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local de bénéficier d’un dispositif comparable à celui de l’allocation de reconnaissance, en créant une « allocation viagère » leur étant spécifiquement destinée.

L’allocation de reconnaissance

À la suite des différentes indemnisations forfaitaires mises en place en 1987 et 1994, la loi n° 99-1173 de finances rectificative du 30 décembre 1999 crée une rente viagère à destination des harkis et de leurs familles, étendue en 2000 aux veuves d’anciens supplétifs. Cette mesure s’inscrit pour la première fois dans un mécanisme explicite de reconnaissance des services rendus à la France durant la guerre d’Algérie. Soumise à une condition d’âge et de ressources, elle s’adresse prioritairement aux familles les plus vulnérables. Elle a bénéficié à 5 440 harkis et 1 400 veuves.

La loi n° 2002-1756 de finances rectificatives du 30 décembre 2002 remplace la rente viagère mise en place en 1999 par une allocation « de reconnaissance » non soumise à condition de ressource et exonérée d’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée. En raison de la suppression de la condition de ressources, cette allocation bénéficie à 12 600 personnes.

Enfin, la loi n° 2005-158 du 25 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés crée une « allocation de reconnaissance » qui peut prendre trois formes :

- le maintien de l’ancienne allocation de reconnaissance, revalorisée ;

- le versement d’un capital de 20 000 € et un complément sous forme de rente ;

- le versement d’un capital de 30 000 € sans allocation complémentaire, « pour solde de tout compte ».

Le dispositif est forclos depuis le 20 décembre 2014.

L’article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années de 2014 à 2015 prévoyait une forclusion de la demande de bénéfice de l’allocation de reconnaissance ([32]) un an après son entrée en vigueur, soit au 20 décembre 2014. Or, une partie des conjoints et ex-conjoints n’avaient pas encore pu solliciter le bénéfice de l’allocation, leur conjoint bénéficiaire n’étant pas décédé à la date de la forclusion. Cette situation entraînait une discrimination entre ayant-droits, à laquelle l’allocation viagère cherchait à répondre.

Afin de bénéficier de l’allocation viagère, les demandeurs, au-delà de la qualité de conjoint ou d’ex-conjoint, marié ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivant de harki, moghazni ou personnel des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France, doivent réunir les conditions suivantes :

– ne pas s’être remarié ou avoir conclu un pacte civil de solidarité ;

– ne pas percevoir l’allocation de reconnaissance et ne pas avoir perçu le capital mentionné à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

– présenter sa demande dans un délai d’un an à compter du décès de l’ancien membre des formations supplétives ;

– pour les conjoints et ex-conjoints survivants d’anciens membres des formations supplétives décédés avant la date d’entrée en vigueur de la loi, présenter sa demande avant le 31 décembre 2016.

Indexée sur l’évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac), l’allocation viagère est revalorisée chaque année et s’établit à 4 187 euros pour l’année 2021 ([33]). L’allocation viagère a par ailleurs fait l’objet de revalorisations ponctuelles, en particulier sous l’actuelle législature. En définitive, son montant a crû d’environ 800 euros depuis son instauration, dont plus de 600 euros depuis 2017, puisque son montant avait été fixé à 3 415 euros en loi de finances initiale pour 2016.

Du fait du décès des anciens supplétifs bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance, le nombre de conjoints et ex-conjoints sollicitant l’allocation viagère est en augmentation constante. 1 326 veuves d’anciens supplétifs en bénéficiaient au 31 juillet 2021, tandis que le projet de loi de finances pour 2022 estime le nombre de bénéficiaires à 1 385, pour un coût de 6,1 millions d’euros ([34]).

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 7 du projet de loi proposé étend le bénéfice de l’allocation viagère, en corrigeant plusieurs « irritants » régulièrement décriés par les associations. En effet, en l’état actuel du droit, le dispositif de l’allocation viagère est juridiquement fermé, d’une part, aux personnes « assimilées » aux membres des formations supplétives non explicitement mentionnés par l’article 133 de la LFI pour 2016, et d’autre part aux personnes n’ayant pas établi leur domicile en France.

En outre, il est également frappé d’une double forclusion, l’une fixant le délai de demande d’attribution de l’allocation à une année suivant le décès de l’ancien membre des formations supplétives, et l’autre fixant la date limite de demande au 31 décembre 2016 pour les conjoints de harkis décédés avant l’entrée en vigueur du texte, soit au 1er janvier 2016.

En conséquence, l’article 7 du projet de loi modifie l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 afin de permettre à un nombre accru de conjoints et ex-conjoints de bénéficier de l’allocation viagère. Ce faisant, le Gouvernement entend répondre à une forte demande de la communauté harkie, soulignée par les propositions n° 44 et 46 du rapport Ceaux.

● S’agissant des conjoints et ex-conjoints des personnes « assimilées » aux membres des formations supplétives qui n’étaient pas mentionnés dans la loi de 2015, les alinéas 3 et 7 leur ouvrent l’accès à l’allocation viagère. Cette évolution vise en réalité à mettre la loi en conformité avec l’esprit du législateur, et à renforcer la sécurité juridique d’une pratique déjà existante. Pour rappel, ces personnes assimilées regroupent les agents contractuels de police auxiliaire, les agents techniques occasionnels de police (A.T.O), les gardes champêtres en zone rurale, les agents de renseignement (dont l’activité est justifiée par l’autorité militaire sous les ordres de laquelle ils sont placés) et les auxiliaires médico-sociaux des armées.

● S’agissant des conjoints et ex-conjoints résidant dans un autre État membre de l’Union européenne, l’alinéa 9 leur étend le bénéfice de l’allocation viagère. Cette disposition est cohérente avec l’article 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2015 qui permet aux « anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie […] qui peuvent justifier d’un domicile continu […] dans un autre État membre de la Communauté européenne » de solliciter l’allocation de reconnaissance. Selon l’étude d’impact annexé au projet de loi, 38 personnes sont concernées au total, essentiellement en Allemagne, et le coût global de la mesure est estimé à 170 000 euros dont 10 000 euros pour l’année 2022 puisque deux veuves pourraient en bénéficier dès l’an prochain.

● Enfin, s’agissant des deux délais de forclusion, l’alinéa 4 abroge la disposition impliquant que le conjoint doit « [présenter] sa demande dans le délai d’un an suivant le décès de l’ancien membre des formations supplétives », et l’alinéa 6 précise que les conjoints et ex-conjoints n’ayant pas déposé leur demande dans un délai d’un an suivant la mort de l’ancien membre des formations supplétives ou avant la date limite du 31 décembre 2016 pour les membres des formations supplétives décédés avant l’entrée en vigueur peuvent également solliciter l’allocation viagère, dans le respect des critères du titre I. Il est estimé que cette disposition s’appliquera à 153 individus, pour un coût évalué à 3,14 millions d’euros pour l’année 2022.

Enfin, l’alinéa 10 précise que les conjoints et ex-conjoints n’ayant pu effectuer leurs demandes dans le délai d’un an après le décès de l’ancien membre des formations supplétives pourront bénéficier des arrérages de l’allocation dans la limite des quatre années précédant la demande. Le coût de cette mesure est inclus dans la somme de 3,14 millions d’euros estimée pour la levée de la forclusion.

III.   La position de la commission

La commission a adopté cet article après y avoir apporté une simple modification d’ordre rédactionnel. Il lui semble effet qu’il répond de manière adéquate à l’objectif d’offrir à un maximum de conjoints et d’ex-conjoints de membres des formations supplétives et assimilés la possibilité de bénéficier de l’allocation viagère et de mettre un terme à une situation relativement injuste.

 

 

 


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   Travaux de la commission

I.   Liens vers les comptes rendus des auditions préparatoires conduites par la commission

1.   Réunion du mercredi 3 novembre 2021 à 9 heures : table ronde, ouverte à la presse, d’historiens spécialistes de l’histoire des harkis et des rapatriés, avec Mme Fatima Besnaci-Lancou, Docteur en histoire, spécialiste de la guerre d’Algérie et ses suites, M. Jean-Jacques Jordi, Docteur en histoire, spécialiste de la colonisation et décolonisation, M. Abderahmen Moumen, Docteur en histoire, chercheur associé au Centre de recherches historiques sur les sociétés méditerranéennes.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://assnat.fr/EUuTxq

 

2.   Réunion du jeudi 4 novembre 2021 à 9 heures : Audition, ouverte à la presse, de Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et du préfet Dominique Ceaux, président du groupe de travail ayant conduit à la publication du rapport « Aux harkis, la France reconnaissante », en juillet 2018.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://assnat.fr/8NkJA0

 

3.   Réunion du jeudi 4 novembre 2021 à 11 heures : Audition, ouverte à la presse, de représentants de harkis.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://assnat.fr/8NkJA0

 

 

 

 

 

II.   Audition de Mme Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, mardi 9 novembre

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes réunis pour examiner, sur le rapport de Mme Patricia Mirallès, vice-présidente de la commission, le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français.

L’examen du texte se déroulera en deux temps : l’audition de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, et la discussion générale auront lieu aujourd’hui ; puis nous examinerons demain les articles du projet de loi. Moins de quarante amendements ayant été déposés, la matinée devrait suffire. Le texte a été inscrit à l’ordre du jour de la séance publique du 18 novembre.

Nous avons procédé la semaine dernière à trois auditions : la commission a ainsi entendu des historiens spécialistes de la guerre d’Algérie et de l’histoire de harkis ; le préfet Dominique Ceaux, président du groupe de travail qui a donné lieu au rapport « Aux harkis, la France reconnaissante » avec la directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) ; et enfin des représentants de harkis : M. Serge Carel, M. Mohand Hamoumou, Mme Dalila Kerchouche et Mme Claire Tassadit Houd. Ces auditions ont été des moments de vérité et de très grande émotion, qui ont rappelé à chacun d’entre nous à quel point ce projet de loi de reconnaissance et de réparation était à la fois attendu, nécessaire et même indispensable.

À l’approche du 11 novembre, je rappelle aussi qu’il est important de soutenir l’Œuvre nationale du Bleuet de France, qui complète les actions de solidarité mises en œuvre par l’État en faveur des militaires d’active et des ressortissants de l’ONACVG : je vous recommande d’acheter, de porter et de distribuer son insigne, le bleuet, en l’honneur de tous les morts pour la France d’hier et d’aujourd’hui, des militaires blessés en opérations, des victimes d’actes de terrorisme et des pupilles de la Nation. Il est de notre responsabilité en tant que parlementaires de montrer l’exemple en arborant ce symbole.

Il faut également garder à l’esprit que le présent projet de loi s’adresse d’abord à des anciens combattants. Les Français ne le savent peut-être pas toujours : la connaissance de cette partie de notre histoire est parfois un peu incomplète.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Je vous remercie, Madame la présidente, pour votre mot concernant le Bleuet, belle œuvre de solidarité qui permet effectivement d’apporter un soutien aux blessés, aux anciens combattants et aux pupilles de la Nation : nous devons tous la promouvoir et être généreux.

Je vais vous parler de reconnaissance envers ceux qui ont servi la France, d’exigence de vérité et d’approfondissement de l’œuvre de réparation et de solidarité en faveur des anciens harkis et de leurs enfants.

Nous partageons tous le même constat : la déchirure vécue par les anciens supplétifs et par leurs familles reste une blessure dans notre mémoire nationale. C’est pour cela que le Président de la République a prononcé, le 20 septembre dernier, un discours fort, qui s’inscrivait dans une continuité mais marquait aussi une rupture. En poursuivant le chemin de reconnaissance tracé par ses prédécesseurs, en reconnaissant à nouveau la dette de la Nation à l’égard des harkis mais également la responsabilité de la France dans leurs conditions d’accueil indignes, le chef de l’État a ouvert un temps nouveau : celui du pardon. C’est un engagement de la République que je vous propose d’honorer en travaillant ensemble.

L’histoire des harkis est l’histoire de destins français, l’histoire du choix de la France, l’histoire d’une fidélité déçue et d’une fraternité en quelque sorte brisée. Vous la connaissez : vous avez écouté des témoignages, vous avez consulté des historiens et vous avez échangé avec des harkis dans vos territoires.

De 1954 à 1962, les harkis ont loyalement et fidèlement servi la France durant la guerre d’Algérie. Près de 200 000 d’entre eux ont combattu dans une grande variété de corps, de situations, d’affectations et d’opérations. Des services nombreux et indispensables ont ainsi été rendus aux armes de notre pays. Ce projet de loi rend un hommage mérité, celui de la Nation, à des soldats dévoués.

Après le 19 mars 1962 et l’indépendance, les harkis qui étaient parvenus à échapper aux exactions ont connu le déchirement et l’exil. Tous ont quitté une terre aimée, celle de leurs ancêtres, de leurs foyers et de leurs traditions. Environ 90 000 harkis sont arrivés en France. En posant le pied sur les quais marseillais, c’est un univers inconnu qu’ils ont découvert avec leurs familles, un monde qui ne leur tendait pas les bras : près de la moitié d’entre eux a été reléguée, parfois durant des années, dans des camps et des hameaux de forestage.

Leurs conditions de vie y ont été particulièrement indignes : il ne faut pas l’oublier. Ils ont connu le déracinement, la précarité, les vexations et la marginalisation. Beaucoup ont été au quotidien confrontés aux barbelés, à l’enfermement, à l’arbitraire, au froid, à la faim, au rationnement, aux carences alimentaires, à l’absence d’hygiène, aux maladies, à la promiscuité et à l’absence d’intimité. Il ne faut pas non plus oublier les humiliations, les abus et les détournements de prestations.

 

Nombre d’entre eux ont été détruits par l’ennui et, surtout, par des traumatismes insurmontables. Plusieurs milliers d’enfants ont été déscolarisés, mal accueillis et mal instruits. Cette injustice eut des conséquences durables : des retards dans l’apprentissage du français, une perte manifeste de chance et des difficultés d’intégration sociale et professionnelle.

Une telle mise au ban de la société a été à juste titre vécue comme une trahison. C’est une page noire pour la France qui a manqué à son devoir d’accueil envers ceux qui l’avaient loyalement servie. Telle est la singularité de la tragédie harkie. C’était en France, c’était hier. Toutes ces humiliations et toutes ces meurtrissures sont toujours présentes.

Conscient de ces souffrances et de leurs conséquences, notre pays a été depuis plusieurs décennies aux côtés des harkis sur la voie de la justice et de la réparation. Pour cela, l’État a mis en place des dispositifs spécifiques. Il continue à les actualiser et poursuit le travail de mémoire.

Toutes ces actions de mémoire et toutes ces mesures de réparation ont été intensifiées depuis 2017.

Nous avons avancé de façon très significative pour la première génération, c’est-à-dire les combattants, avec la plus forte augmentation des allocations de reconnaissance et viagères depuis leur création.

Pour la deuxième génération, c’est-à-dire les enfants de harkis, un dispositif d’aide destiné à ceux passés par les camps et les hameaux de forestage a été déployé. Il aide un nombre sans cesse plus grand d’entre eux à faire face à des dépenses d’insertion, de santé ou de logement. Près de 2 000 enfants de harkis ont ainsi été aidés, et ce travail continuera bien sûr en 2022.

Nous avons également développé le réseau des lieux de mémoire harkis en l’enrichissant de plaques, de stèles et de panneaux. La Maison d’histoire et de mémoire d’Ongles, seul lieu de mémoire uniquement dédié à l’histoire des harkis et de leurs proches, a été soutenue par le ministère des armées et pérennisée.

Le Président de la République a souhaité aller plus loin et inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation. Je suis fière de défendre ce projet de loi particulièrement attendu par la communauté harkie, les associations, les enfants de harkis et les ayants droit.

Il permettra pleinement à la représentation nationale d’acter la reconnaissance de l’accueil indigne fait en métropole, de tracer un nouveau chemin en matière de réparation et de déterminer les mécanismes et les conditions y ouvrant droit.

 

Pour la première fois, la nation française reconnaît par ce texte sa responsabilité dans les conditions d’accueil indignes, précaires et dégradantes des anciens membres des formations supplétives sur notre territoire postérieurement aux accords d’Évian du 19 mars 1962.

Le projet de loi précise le périmètre de la réparation des préjudices subis : elle prendra la forme d’une indemnisation forfaitaire et individualisée selon la durée de séjour dans les structures concernées. Les mesures de réparation accordées bénéficieront d’exonérations fiscales.

Le texte instaure une commission nationale de reconnaissance et de réparation auprès de l’ONACVG, qui sera chargée de statuer sur les demandes de réparation après instruction par les services de l’Office.

Parce que le travail de mémoire est essentiel, la commission mènera également une mission mémorielle afin de recueillir, de conserver et de transmettre la parole des harkis, de leurs enfants et de leurs épouses qui ont vécu dans des conditions difficiles au sein des camps et des hameaux de forestage.

Enfin, le projet de loi actualise les dispositifs préexistants et les renforce, pour assurer davantage d’équité. Il rend ainsi plus favorable le régime de l’allocation viagère en supprimant les forclusions, ce qui permettra de rouvrir l’octroi de cette allocation au conjoint survivant qui n’avait pas présenté de demande dans le délai légal.

Parallèlement, l’accès à l’allocation viagère est étendu aux personnes dont les conjoints décédés avaient fixé leur domicile dans un autre État membre de l’Union européenne et aux veuves des personnes assimilées aux membres des formations supplétives.

Vous le constatez, le présent projet de loi parachève la reconnaissance institutionnelle de cette tragédie française et organise la réparation par l’État. Nous souhaitons en outre accomplir un geste fort à l’égard de l’ensemble des harkis combattants et de leurs veuves : nous avons décidé de doubler les montants de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère, qui avaient déjà fait l’objet d’importantes revalorisations. Cette mesure ne figure pas dans le projet de loi, car elle relève d’un texte réglementaire, plus précisément d’un arrêté.

Par l’ensemble de ces mesures, nous traduisons en actes le discours d’honneur et de vérité prononcé par le Président de la République, véritable tournant historique dans la reconnaissance. Si rien ne peut changer le passé, ni ne fera disparaître la douleur et les traumatismes, nous contribuons aujourd’hui à reconnaître les fautes de notre République, à les compenser au mieux et, surtout, à faire œuvre de fraternité.

 

Néanmoins, notre travail ne s’achèvera pas avec cette loi, car le travail de mémoire doit être constamment amplifié, argumenté, approfondi. Comme je l’ai affirmé tout à l’heure lors des questions au Gouvernement, pour qu’il y ait une reconnaissance de la part du peuple français, il faut qu’il y ait une connaissance de l’histoire des harkis. Or celle-ci est mal connue. Nous devons donc nous engager pour mieux la faire connaître, à un maximum de Français. C’est un objectif majeur, d’autant qu’il s’agit de l’histoire de notre société actuelle et de sa composition.

Mme la présidente Françoise Dumas. Vos paroles sont déterminées et touchantes, Madame la ministre déléguée. Merci pour les harkis et pour leurs familles.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. « Au nom de la France, je dis aux harkis et à leurs enfants, à voix haute et solennelle, que la République a alors contracté à leur égard une dette. Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance. Nous n’oublierons pas. Aux combattants abandonnés, à leurs familles qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon, nous n’oublierons pas. […] Le Gouvernement portera, avant la fin de l’année, un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis. »

Tels furent les mots prononcés par le Président de la République le 20 septembre dernier. Très forts, ils ont été appréciés comme tels par les harkis et leurs familles. Le projet de loi que j’ai l’honneur de rapporter est la traduction concrète de cet engagement.

Comme vous le savez, beaucoup a déjà été fait sous la présente législature pour améliorer les conditions de vie des harkis et de leurs familles, et je tiens à vous en remercier, Madame la ministre déléguée. Un fonds social destiné aux enfants de harkis a été créé par un décret du 28 décembre 2018. Depuis 2017, l’allocation de reconnaissance et l’allocation viagère ont également été revalorisées de manière très significative : de 600 euros.

Si ces mesures étaient nécessaires pour améliorer le sort matériel des harkis, elles n’étaient pas suffisantes, car elles ne répondaient pas en tant que telles au sentiment qu’expriment les harkis et leurs familles depuis près de soixante ans : ils estiment que leur souffrance et le préjudice qu’ils ont subi à l’occasion de leur rapatriement et de leur accueil ne sont pas pleinement reconnus par l’État.

Cette soif de reconnaissance et de réparation est parfaitement légitime lorsque l’on sait les conditions de vie indignes et les privations qu’ont connues les harkis et leurs familles dans les structures d’accueil – qui portent si mal leur nom. Les différents témoignages que nous avons pu recueillir dans le cadre de nos travaux les ont mises en exergue : tutelle sociale exercée par des chefs de camp, restriction de la liberté de circulation, absence des conditions minimales d’hygiène et de sécurité, négation de l’identité même des personnes – auxquelles on imposait des prénoms français –, déscolarisation des enfants, internements d’office en hôpital psychiatrique, détournements des allocations familiales. Et je ne parle pas des violences et des humiliations parfois infligées aux femmes et aux enfants.

Face à ce drame subi par tant de familles, la République se devait de reconnaître sa responsabilité et de réparer le préjudice causé. Tel est l’objet de ce projet de loi, qui marque, il faut le souligner, une véritable révolution par rapport aux précédents dispositifs en faveur des harkis. En effet, la logique n’est plus ici de créer de nouvelles mesures sociales au bénéfice des plus nécessiteux ; il s’agit véritablement de rendre justice aux harkis.

En l’espèce, rendre justice consiste, premièrement, à reconnaître la faute de l’État ainsi que le préjudice subi par les harkis du fait de cette faute ; deuxièmement, à créer un mécanisme visant à réparer ce préjudice ; troisièmement, à contribuer à l’édification et à la transmission d’une mémoire des harkis.

La reconnaissance par la Nation de la faute de l’État à l’égard des harkis fait l’objet de l’article 1er du projet de loi. En la matière, les mots revêtent un poids symbolique particulièrement fort, et ils doivent être à la hauteur du drame qu’ont subi les harkis et leurs familles. C’est pourquoi je vous proposerai, à l’instar du Président de la République dans le discours que j’ai cité, d’utiliser le mot « abandonnés » plutôt que le terme « délaissés », qui me semble relever d’un euphémisme malvenu lorsqu’il s’agit de décrire le comportement de l’État à l’égard des harkis au lendemain de la guerre d’Algérie. Plusieurs d’entre vous ont déposé des amendements similaires, et je me félicite que nous nous retrouvions sur ce point, au-delà de nos appartenances politiques.

L’article 2 porte sur la réparation du préjudice subi par les harkis du fait des conditions de vie indignes qu’eux et leurs familles ont connues dans les structures qui les ont accueillis.

Conformément à la mission de rapporteure qui m’a été confiée, il me revient de vous faire part en toute transparence de la manière dont ce texte est perçu par les acteurs concernés. Les anciens combattants harkis s’accordent tous pour reconnaître la valeur du pardon, et en sont fiers. En revanche, ils ne souscrivent pas pleinement aux critères fixés par le projet de loi : seuls ceux qui ont résidé dans un camp ou un hameau de forestage pourraient être indemnisés. Les associations mettent en exergue ces limites aux mesures de réparation, alors que tous les harkis partagent une communauté de destin et, bien souvent, les mêmes souffrances.

En outre, les auditions que j’ai menées avec plusieurs d’entre vous ont révélé qu’il existe des zones grises et que la liste des structures d’accueil donnant droit à indemnisation, qui sera fixée par décret, est susceptible d’évoluer. Tel a d’ailleurs été le cas de la liste des structures retenue en 2018 au titre du fonds de solidarité pour les enfants de harkis : elle a été actualisée par décret le 4 mai 2020. C’est pourquoi je proposerai que la commission nationale de reconnaissance et de réparation créée par l’article 3 puisse, au vu de ses travaux, recommander toute évolution de la liste qu’elle jugerait souhaitable. Par ailleurs, afin de respecter la communauté de destin revendiquée par les harkis, les représentants que j’ai rencontrés m’ont suggéré de supprimer la durée minimale de séjour en vigueur pour l’attribution des aides du fonds de solidarité.

Les modalités concrètes de réparation, prévues à l’article 2, me paraissent particulièrement opportunes.

Tout d’abord, le projet de loi pose une présomption de responsabilité, principe très important qui signifie que les harkis n’auront pas à justifier de leur préjudice : pour être éligibles au mécanisme de réparation, il leur suffira de fournir la preuve d’un passage dans un camp ou un hameau de forestage. En pratique, la preuve sera apportée par un certificat de passage, que les services de l’ONACVG obtiennent assez aisément, d’après ce que nous a indiqué la directrice générale de l’Office lorsque nous l’avons auditionnée. Celle-ci nous a par ailleurs confirmé un point important : le mécanisme forfaitaire prévu permettra un traitement rapide et efficace des demandes d’indemnisation – sachant que le montant sera croissant selon la durée de séjour et qu’aucun seuil minimal n’est fixé. Selon l’étude d’impact, 50 000 personnes pourraient ainsi bénéficier du dispositif. Autre gage de crédibilité : c’est une commission indépendante, à savoir la commission nationale créée par l’article 3, qui sera chargée de statuer sur les demandes d’indemnisation.

Au-delà de la réparation financière, il était essentiel – c’est également ressorti des auditions – de répondre à l’exigence d’un devoir de mémoire envers les harkis et leur histoire. À cette fin, l’article 3 confère aussi à la commission nationale une mission de recueil des témoignages et de transmission de la mémoire des harkis et de leurs familles. Cet aspect est majeur : la reconnaissance, c’est aussi le temps de l’écoute, le recueil de la parole des harkis, pour qu’ils puissent témoigner des drames qu’ils ont vécus.

Les articles 5 et 6 prévoient l’exonération fiscale et sociale des sommes accordées à titre de réparation, ce qui est logique dans la mesure où il s’agit d’une indemnisation.

Quant à l’article 7, il procède à trois modifications de l’allocation viagère, créée en 2015, dont bénéficient spécifiquement les conjoints survivants de harkis.

Il tend d’abord à lever les forclusions en vigueur, ce qui permettra aux conjoints survivants qui ne l’avaient pas fait de déposer une demande d’allocation viagère.

Il vise ensuite à étendre le bénéfice de l’allocation aux conjoints survivants des personnes assimilées aux membres des formations supplétives. Sont visés notamment les agents contractuels de police auxiliaire, les agents de renseignement et les gardes champêtres. En principe, ils bénéficiaient déjà de l’allocation, car tel était l’esprit du législateur, mais le texte permettra d’assurer la sécurité juridique de cette extension.

 

Enfin, l’article 7 ouvrira l’accès à l’allocation viagère aux conjoints ayant établi leur domicile dans un autre État de l’Union européenne que la France. Sont particulièrement visées les familles ayant établi leur domicile en Allemagne.

Madame la ministre déléguée, je tiens également à saluer le doublement des allocations que vous venez d’annoncer, compte tenu du soutien précieux qu’elles représentent.

C’est avec beaucoup d’émotion et une grande fierté que je rapporte ce projet de loi, qui constitue une avancée décisive dans le processus de reconnaissance de la Nation et de réparation à l’égard des harkis. Il est aussi et surtout un témoignage de ce qu’est et doit être notre République, un système politique au sein duquel cohabitent des sensibilités variées, des parcours parfois tragiques, des vies multiples, unies par un principe fondamental de reconnaissance de l’altérité et de respect de ce qui nous distingue. Il nous revient d’ancrer dans la loi et, par ce biais, dans l’Histoire ce que sont les harkis et ce que leur doit la France.

Mme la présidente Françoise Dumas. Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre présentation et votre engagement, tant au sein de la commission de la défense qu’en tant que citoyenne.

M. Olivier Damaisin. La commission de la défense nationale et des forces armées examine un texte en tous points historique. Ce projet de loi de reconnaissance et de réparation est indispensable pour nous permettre d’avancer sur un chemin de réconciliation des mémoires. Il me tient particulièrement à cœur car je travaille depuis de nombreuses années sur ce sujet : je suis député de la troisième circonscription du Lot-et-Garonne, qui comprend la ville de Bias, où se situe l’une des six structures d’accueil – bien que provisoire, elle existe toujours.

Le texte fait suite aux déclarations du Président de la République, du 20 septembre dernier, et répond à son engagement de voir aboutir un texte portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français. Ce projet de loi est l’aboutissement d’un long processus, entamé dès 2001, de reconnaissance de leur abandon par la République française.

Nous sommes là aujourd’hui pour faire avancer l’Histoire, mais aussi pour mettre en lumière cet épisode peu glorieux de la France. Il importe que ce pan de notre passé soit connu de tous. C’est l’histoire de la France, de la République, notre histoire commune. En tant que représentants de la Nation, nous devons participer au devoir de mémoire.

Le projet de loi fait également suite à une proposition du rapport « Aux harkis, la France reconnaissante », remis par le préfet Ceaux en juillet 2018, qui visait à acter la pleine reconnaissance par la représentation nationale du sort fait aux harkis et à leurs familles, tant en Algérie qu’à l’occasion de leur arrivée en France – et quelle arrivée ! Le texte tend, selon les mots du Président de la République, à « inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis ».

Plus précisément, le projet de loi reconnaît sans ambiguïté la responsabilité des autorités françaises dans les conditions indignes d’accueil des harkis sur notre territoire après les accords d’Évian. La France les a abandonnés, leur a tourné le dos, leur a lâché la main. Nous examinerons demain les différents amendements qu’a évoqués Mme la rapporteure et j’espère que, le 18 novembre, nous pourrons tous être fiers du travail accompli.

M. Charles de la Verpillière. Le sort des harkis et de leurs familles est un épisode douloureux de l’histoire de France. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux ont été tués dans des conditions atroces après le 19 mars 1962. Entre 85 000 et 90 000 personnes, en comptant les femmes et les enfants, ont certes pu se réfugier en France, mais elles ont été accueillies – ou plutôt parquées – dans des conditions parfois indignes, ignorées de la plupart de nos compatriotes.

Le président Jacques Chirac et ses successeurs ont mis fin à l’ignorance et au silence, et entamé le processus, qui n’est pas terminé, de reconnaissance et de réparation. Je pense notamment à la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés et à la loi du 7 mars 2012 relative aux formations supplétives des forces armées, dite loi Couderc.

La réparation n’est pas complète : les auditions des représentants des associations de harkis, de descendants de harkis et de leurs familles l’ont montré. Il reste de trop nombreuses zones d’ombre. La reconnaissance des sacrifices accomplis n’a pas été suffisante. Surtout, il faut aller au fond de la réparation.

Les députés du groupe Les Républicains accueillent très favorablement le projet de loi, mais seront attentifs à ce que l’on utilise les bons mots pour décrire les atrocités qui ont été commises à l’égard des harkis et de leurs familles. C’est une condition de la réparation.

Celle-ci doit aussi se traduire par des mesures financières – cela doit être dit –, qui prennent en compte l’intégralité des périodes pendant lesquelles les harkis et leurs familles ont été parqués dans des conditions indignes en France. Le choix des dates est important : nous défendrons des amendements sur ce point. Il faut également que le montant des réparations soit suffisant.

Nous abordons l’examen de ce texte avec une position de principe favorable mais nous serons vigilants lors de la discussion des articles.

Mme Josy Poueyto. Madame la ministre déléguée, le projet de loi que vous présentez ne déroge pas à votre constant engagement durant ces cinq dernières années au sein du ministère des armées.

 

D’indéniables avancées ont déjà été réalisées en faveur des droits du monde combattant au cours du quinquennat d’Emmanuel Macron, notamment l’attribution de la carte du combattant à plus de 37 500 personnes ayant servi en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964, la revalorisation de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère, à hauteur de 600 euros annuels – il s’agit de l’évolution la plus notable depuis leur création –, et la mise en place d’un fonds de soutien de 13,6 millions d’euros destiné aux enfants de harkis, dont 2 000 d’entre eux ont déjà pu profiter depuis 2019.

L’inscription à l’ordre du jour, par le Gouvernement, d’un projet de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français participe de la volonté du Président de la République, Emmanuel Macron, de continuer à œuvrer pour toutes ces personnes dont l’honneur, la bravoure et l’engagement ont contribué, parfois au péril de leur vie et de celle des membres de leur famille, à faire de la France ce qu’elle est.

Jeudi dernier, notre commission a eu l’honneur et l’immense émotion d’auditionner plusieurs membres d’associations de harkis, notamment la Fédération nationale pour la reconnaissance des harkis. Un de ses représentants, Serge Carel, récemment décoré aux Invalides par le Président de la République, à l’âge de 84 ans, a combattu en Algérie aux côtés des troupes armées françaises. Malgré le traumatisme que de tels faits ont pu susciter chez lui, il nous a décrit les tortures qui lui ont été infligées. Ce sont autant de données que notre histoire doit conserver, autant d’éléments qui doivent nous conduire, par le biais des outils législatifs dont nous disposons, à rendre à tous les harkis maltraités, abandonnés, parfois massacrés, l’hommage et la reconnaissance qui leur sont dus, dans le cadre d’une volonté politique consensuelle. Notre émotion lorsque nous entendons et appréhendons leur vécu n’est en rien comparable à la souffrance que continuent de ressentir ces personnes, dans de nombreuses circonscriptions. Nous nous associons à leur peine et nous souhaitons leur apporter un soutien et une réponse.

Madame la ministre déléguée, pouvez-vous préciser le champ d’application du projet de loi et les conditions d’indemnisation qui sont prévues ? Comme l’annonçait le discours prononcé par le Président de la République le 20 septembre dernier, le texte réserve la réparation aux harkis et à leurs familles ayant transité par des camps et des hameaux de forestage : comment est établie la liste de ces structures ? Quels critères permettent de les définir ?

Le groupe démocrate apporte son plein soutien à ce projet de loi, essentiel pour la Nation et pour tous ceux qui, à l’image des harkis, se sont engagés pour elle. En la matière, nous faisons entièrement confiance au Gouvernement.

 

M. David Habib. Dans le département de Josy Poueyto, qui est aussi le mien, les familles Abbas, Ferki ou Rafa ont fait l’histoire de la France en Algérie et ont continué à la faire en France. Il existe d’autres exemples dans chacune de nos circonscriptions. Olivier Damaisin a ainsi rappelé ce qu’a été la souffrance des harkis et de leurs familles dans le Lot-et-Garonne. En Aquitaine – votre région d’origine, Madame la ministre déléguée, et la mienne –, ces camps, jusqu’à leur fermeture, étaient une tache autour de laquelle tous les gouvernements tournaient.

Dans un moment de vérité que je salue, vous avez rappelé que votre initiative s’inscrit dans un processus engagé par le président Jacques Chirac et poursuivi par ses successeurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Au-delà de la démarche très conjoncturelle du président-candidat, notre rôle, ici, doit être d’apporter à nos concitoyens harkis une réponse adaptée à la souffrance qui fut la leur. Nous avons tous été sollicités par des associations, et nous avons déposé des amendements pour essayer d’améliorer le texte, s’agissant de la nature du préjudice, de la méthode pour l’évaluer et du calcul des indemnités, qui ne doivent pas venir en déduction d’autres indemnités déjà versées. Sur toutes ces questions, nous essayons de trouver un chemin de vérité, de justice et de gratitude pour nos concitoyens français harkis.

Nous voterons le texte avec la volonté de poursuivre l’œuvre engagée, qui dépasse ce quinquennat et cette majorité. Nous essayerons par nos amendements de compléter le projet de loi, et en tout cas de faire en sorte que l’unanimité qu’il pourrait susciter ici se manifeste aussi dans la Nation, que le sentiment que tout le monde en sort gagnant dépasse l’hémicycle et s’impose à tous : les élus, le Gouvernement mais aussi les associations – toutes les associations.

Ne nous trompons pas : la communauté harkie est travaillée par un certain nombre de mouvements qui cherchent beaucoup moins à améliorer la situation des Français d’origine harkie qu’à développer leur propre potentiel électoral. Nous devons regarder ces discours avec réalisme et apporter la réponse la plus juste et la plus complète possible.

C’est ce qui nous inspirera. Olivier Faure ne pouvait pas être là en ce jour de réunion du secrétariat national du Parti socialiste, mais nous tenions à ce que l’un d’entre nous puisse exprimer avec force le désir de poursuivre l’action menée par Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et désormais Emmanuel Macron.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci pour cette expression très claire de la position de votre groupe, à laquelle nous sommes tous très sensibles. Je précise simplement que, si le projet de loi a été retardé par la crise sanitaire, le préfet Ceaux avait remis dès juillet 2018 le rapport que le Président de la République avait commandé au début de cette année-là.

 

M. Thomas Gassilloud. Pendant de longues années, l’histoire des harkis n’a pas été pleinement assumée. Dans la foulée du processus engagé par le président Chirac et poursuivi par ses successeurs, il nous faut désormais avancer vers davantage de reconnaissance et de réparation.

Ce texte s’inscrit dans le cadre d’une large action menée au profit des harkis depuis le début du quinquennat. L’allocation de reconnaissance et l’allocation viagère ont ainsi connu leur plus forte augmentation depuis leur création – elles ont été revalorisées de près de 600 euros par an. Par ailleurs, un fonds social de soutien d’un montant de 13,6 millions d’euros a été créé en 2019 pour les enfants de harkis, ce qui a permis d’aider près de 2 000 d’entre eux pour un montant moyen de l’ordre de 7 600 euros.

Dans son discours du 20 septembre dernier, le Président de la République a bien rappelé l’objet de ce projet de loi. Il n’a pas vocation à dire ce qu’est l’histoire, mais il souligne la singularité du drame des harkis, la part d’abandon militaire dans celui-ci et la maltraitance qu’ont connue les familles accueillies en métropole.

Le texte acte également la volonté de recueillir des témoignages et de faire vivre la mémoire de ce drame. C’est tout l’objet de l’article 1er et de la commission instituée à l’article 3.

En retranscrivant dans la loi la responsabilité de la France s’agissant des conditions d’accueil des harkis, nous passons des paroles aux actes et nous envoyons un signal fort, attendu depuis longtemps par les associations.

Avec ce texte, nous engageons aussi une réparation, d’abord pour la première génération, en revalorisant les allocations des anciens combattants harkis et de leurs veuves, qui furent moins bien traités que les autres, puis pour la deuxième génération, qui a connu les camps, les hameaux de forestage ou les foyers et leurs conditions de vie indignes. C’est l’objet de l’article 2, appuyé par les articles 5 et 6 qui affranchissent cette réparation de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales.

Enfin, les membres du groupe Agir ensemble se félicitent que les demandes de Loïc Kervran concernant le délai de forclusion soient satisfaites par l’article 7.

C’est pourquoi nous voterons ce texte.

M. Yannick Favennec-Bécot. Je voudrais d’abord remercier et féliciter notre rapporteure, qui a travaillé dans un laps de temps restreint.

Le groupe UDI et indépendants se réjouit que les mots particulièrement forts prononcés par le Président de la République le 20 septembre dernier lors de la réception consacrée à la mémoire des harkis se concrétisent aujourd’hui avec ce texte.

 

Il est bien sûr impossible en quelques minutes de couvrir l’intégralité de l’histoire des membres des troupes supplétives de l’armée française en Algérie. Néanmoins, en partie parce que nos concitoyens ne les connaissent sans doute pas suffisamment, il faut rappeler quelques faits pour souligner l’importance de ce projet de loi.

Lors de la guerre d’Algérie, alors que la France faisait face à un territoire de plus de 2 millions de kilomètres carrés qu’elle ne pouvait soumettre, le gouvernement de l’époque a décidé de faire appel à des supplétifs parmi la population. Ces derniers constitueront les harkas, les groupes mobiles de sécurité, les sections administratives spécialisées, les groupes d’autodéfense ou encore les unités territoriales. Plus de 200 000 personnes, que nous gardons en mémoire sous le nom de harkis, serviront ainsi sous l’uniforme français et joueront un rôle essentiel dans la guerre psychologique livrée au Front de libération nationale.

À l’issue de la guerre d’Algérie, plutôt que de leur apporter protection et soutien, le pouvoir français a préféré leur lâcher la main et leur tourner le dos, comme l’a très bien dit Olivier Damaisin. Ces femmes et ces hommes qui avaient servi la France, qui s’étaient battus pour elle avec confiance, n’imaginaient pas que le pays des lumières pourrait un jour les abandonner dans l’obscurité. Et pourtant, ceux restés en Algérie ont été désarmés, livrés à eux-mêmes, sacrifiés, abandonnés aux représailles et à la cruauté ; les autres, qui décidèrent de gagner la France malgré les instructions officielles et grâce à la désobéissance de certains officiers français, furent « accueillis » dans des conditions précaires et particulièrement indignes au sein de camps de transit et d’hébergement ou de hameaux de forestage.

Dans ces endroits, ils connurent le froid, la faim, les rationnements d’électricité, de charbon, de chauffage, des conditions d’hygiène épouvantables, la maladie, les infections. S’y ajoutèrent le détournement de leurs aides et allocations, les abus d’autorité, les vexations, les brimades exercées parfois par le personnel des camps, les restrictions de liberté, avec couvre-feu et circulation contrôlée, les coupures quotidiennes d’électricité ou encore la taxation pour l’usage des douches.

Ce contexte particulièrement dur, qui a profondément affecté les harkis, a également eu de sérieuses répercussions sur leurs descendants, dont les difficultés, notamment dans le domaine scolaire, ont obéré les capacités d’insertion professionnelle.

Si des paroles fortes et des mesures sont déjà intervenues par le passé en faveur des harkis et assimilés et de leurs familles, ce texte entend inscrire dans le marbre de la loi la reconnaissance de la Nation à leur égard, affirmer la responsabilité de la France dans leurs conditions d’accueil et de vie et réparer les préjudices occasionnés par leur séjour dans ces structures. De surcroît, le texte étend le périmètre de l’allocation viagère servie aux conjoints et ex-conjoints survivants des membres des formations supplétives.

 

Ce projet de loi, parce qu’il contribue à exprimer la vérité telle qu’elle fut, à reconnaître la lourde responsabilité de la France, à réparer les préjudices subis et à apaiser des plaies encore vives, sera voté par le groupe UDI et indépendants.

M. Alexis Corbière. Évoquer cette page d’histoire, c’est évidemment évoquer ce moment sombre et tragique qu’est la guerre d’Algérie, à presque soixante ans des accords d’Évian.

Le premier message que nous devons tous faire passer, c’est que la guerre est finie. Il est adressé à ceux qui voudraient en permanence raviver les plaies, considérant que les problèmes que rencontre notre pays seraient sans cesse le même conflit réactivé, avec quasiment les mêmes acteurs et le même vocabulaire.

Il faut veiller à utiliser un vocabulaire de paix et de réconciliation. Des choses ont été dites que je partage. Peut-être, en revanche, le Président de la République, en se prononçant sur l’histoire de la nation algérienne, n’a-t-il pas aidé à ce que nous puissions avancer. Malgré les difficultés, malgré la capacité de réaction du gouvernement algérien, et même si cette affaire douloureuse demeure complexe, nous devons continuer à débattre et à échanger.

Oui, la guerre est finie. Or le mot « harki » est un terme militaire. Les harkis étaient des supplétifs de l’armée, membres des harkas, des groupes paramilitaires. Ceux que nous appelons harkis sont souvent des femmes et des hommes qui n’étaient pas membres de ces troupes mais ils restent marqués par le vocabulaire militaire. Bien sûr, les associations et les familles utilisent ce terme, mais ne perdons pas de vue que nous réactivons ainsi un vocabulaire guerrier alors même que nous voulons aussi apporter réparation à des femmes et à des hommes qui n’ont pas participé au conflit.

Nous voulons avoir une attitude positive vis-à-vis de ce texte, même si des choses avaient déjà été dites en 2001, en 2005 et en 2016, par des présidents de la République précédents – le nom de Jacques Chirac a été évoqué, et je rappelle aussi celui de François Hollande.

Des choses courageuses avaient également été faites. Je pense notamment à un texte adressé au Président de la République en 2005, qui avait été rédigé par Henri Alleg et signé par beaucoup de figures importantes – à vos yeux sans doute et aux miens certainement – allant du président de la Ligue des droits de l’homme, Jean-Pierre Dubois, à des intellectuels tels que Jean Lacouture et Bertrand Tavernier. Le texte se concluait par la phrase suivante : « Parmi les signataires de cette lettre, certains ont approuvé la lutte du peuple algérien pour son indépendance, d’autres non, mais quelle qu’ait été notre opinion, nous ne pouvons admettre que la République ne reconnaisse pas, au regard des droits de l’Homme, ses torts vis-à-vis des harkis et de leurs familles. »

 

En effet, apporter réparation aux harkis n’est pas choisir un camp dans ce conflit. Soixante ans plus tard, nous voulons tous, quelles que soient nos positions, qu’il y ait réparation.

Nous n’avons pas pu déposer d’amendements sur le texte ; nous le ferons en séance. Nous sommes critiques sur certains aspects. En faisant les choses maladroitement, on risque de raviver des blessures. David Habib mettait en garde contre certaines des associations qui représentent les harkis – il est vrai que le paysage est assez éclaté –, mais certaines questions sont tout de même à prendre au sérieux.

Ainsi, qui est vraiment concerné par la réparation ? Certaines familles qui ont été accueillies dans des zones dites urbaines, notamment dans les cités de Narbonne et d’Amiens, ne seront pas concernées alors qu’elles ont vécu des situations tout aussi difficiles que les autres. Ceux qui, parmi les harkis, ne se trouvaient pas dans des structures de transit ont également subi des troubles psychiques et psychologiques extrêmement forts, mais ils ne seront pas concernés. Cela crée parmi les familles le sentiment que les choses se font à géométrie variable, et cela rouvre des tensions, des blessures.

Par ailleurs, avouons que les sommes proposées ne sont pas à la hauteur. Nous les voterons, car c’est toujours ça de pris, mais tout de même : entre 12 000 et 13 000 euros pour plus de dix ans dans un camp de transit… Quand on a vécu plus de dix ans avec sa famille dans des préfabriqués, peut-être que la réparation pourrait être un petit peu plus élevée.

Voilà où nous en sommes. Nous essaierons de participer à ce débat qui soulève de nombreux points d’interrogation. Peut-être y aura-t-il des améliorations au cours de la discussion ; nous le souhaitons. Nous ne voulons pas nous opposer à ce texte qui marque une avancée d’un point de vue historique, mais nous mettons en garde contre le risque de trop vouloir jouer sur le symbole en ne prévoyant que des sommes presque vexantes pour les familles. La réparation est bien maigre.

M. André Chassaigne. Il ne s’agit pas aujourd’hui de porter une appréciation sur les choix qui ont amené des Algériens, au cœur d’une guerre coloniale, à s’engager dans l’armée française, à ne pas quitter les rangs des troupes au sein desquelles ils étaient des supplétifs ou encore à servir comme auxiliaires civils. Les raisons qui ont conduit à de tels choix sont diverses et il ne nous appartient pas de les juger ni de les hiérarchiser.

Le constat est largement partagé : après les accords d’Évian, les harkis ont été les grands oubliés de l’histoire. Trop longtemps considérés comme des parias en France et des collaborateurs de l’ennemi en Algérie, ils ont énormément souffert d’un manque de reconnaissance. Quel que soit le regard que nous portons sur une guerre de libération qui imprègne encore nos relations avec l’État algérien, nous leur devons cette reconnaissance.

 

Le gouvernement en place en 1962 a désarmé les harkis et les a laissés se faire massacrer, avec leurs familles, par les partisans du nouveau pouvoir algérien. Les mêmes responsables politiques ont ensuite relégué dans des camps, pour les cacher à la population française, ceux d’entre eux qui avaient souhaité et pu venir en métropole. Puis, quelle que soit leur couleur politique, les gouvernements successifs ont trop longtemps refusé de satisfaire leurs légitimes revendications matérielles, en matière d’indemnités ou d’aides à l’emploi et au logement, et de mettre fin aux discriminations de toutes sortes, notamment sociales et économiques, auxquelles ont été confrontés leurs enfants et petits-enfants.

Il aura fallu attendre bien longtemps pour que soient prises des mesures fortes en leur faveur. Faut-il le rappeler, une allocation de reconnaissance ne leur a été servie qu’à partir de 2005, avant d’être complétée par une allocation viagère en 2015. Le rapport « Aux harkis, la France reconnaissante », commandé par le Président de la République en 2018, a ensuite donné lieu à l’instauration d’aides financières à vocation sociale pour les enfants de harkis et rapatriés ayant séjourné dans des camps ou des hameaux de forestage. Les aides prévues s’élèvent à 26,63 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2022.

Malgré ces mesures, le soutien aux harkis et à leurs familles demeure un enjeu d’importance. Ce projet de loi de reconnaissance et de réparation était très attendu. Il devrait concerner le même public que celui visé par le décret de 2018, modifié en 2020. Toutefois, la vocation première des crédits afférents à ce projet de loi est la réparation alors que les indemnités versées jusqu’ici ont d’abord un objet social. Nous devrons veiller à ce que l’application du texte ne s’accompagne pas d’une diminution des fonds à vocation sociale dans le budget – vous nous le confirmerez sans doute, Madame la ministre déléguée.

Jusqu’à présent, les dispositifs d’aide sont gérés par l’ONACVG avec le concours des associations, qui informent les bénéficiaires potentiels. À mes yeux, la réparation doit d’abord s’appuyer sur le travail de la commission instituée par l’article 3 du texte. Le rôle de l’ONACVG doit être d’apporter un appui administratif pour la préparation des dossiers soumis à la commission et ensuite de mettre en œuvre les décisions.

Les députés communistes et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront en faveur du projet de loi tout en souhaitant que soient satisfaites les demandes d’améliorations formulées par de nombreuses associations représentatives des harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local.

M. Joachim Son-Forget. Environ 200 000 harkis ont réussi à s’en sortir grâce à l’action d’officiers français ayant enfreint les ordres. Les militaires qui ont sauvé ces vies seront-ils honorés ou récompensés, sous une forme ou une autre, à travers le projet de loi ?

 

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Certains sujets doivent être traités autrement qu’en faisant de la politique. Notre unanimité est la preuve que c’est possible. Je vous remercie et je suis fière des propos qui ont été tenus par tous les groupes politiques.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je remercie la rapporteure, qui a été confrontée à des délais un peu contraints, lesquels ne sont pas liés à des circonstances particulières qui feraient que l’on voudrait aller vite. Ce texte est le fruit d’un travail mené d’abord par Jacques Chirac, puis par Nicolas Sarkozy et par François Hollande. Le président Emmanuel Macron, lorsqu’il était candidat, s’était engagé à faire adopter une loi. Le moment est particulièrement opportun puisque nous entrons bientôt dans une année de commémoration au cours de laquelle toutes les mémoires doivent être honorées. Les harkis sont l’objet d’une mémoire très singulière dans notre République. Il n’y a pas de temporalité cachée : le soixantième anniversaire est le bon moment pour saluer cette mémoire.

Je tiens à tous vous remercier pour vos remarques qui témoignent de notre volonté commune d’obtenir des avancées pour ces combattants et leurs familles. Ayons aussi à l’esprit que nombre de harkis attendent moins une indemnisation ou une réparation qu’un apaisement et une reconnaissance. Le chemin sera encore long. Je reste persuadée que la reconnaissance doit venir, au-delà du Parlement et du gouvernement, de la population. Cela nécessite un travail de médiation et de transmission qui est essentiel.

Madame Poueyto, les critères servant à définir les camps et les hameaux de forestage sont assez simples. Bien souvent, ils étaient délimités par des barbelés et surtout les personnes qui y vivaient étaient privées de liberté : ces lieux se caractérisaient par un enfermement, un isolement, une entrave à la liberté d’aller et venir. Les personnes ne pouvaient pas en sortir si ce n’est pour aller travailler dans des endroits précis. Elles étaient mises sous tutelle par l’administration : un chef de camp réglementait tout ; le courrier et les démarches administratives étaient surveillés ; la vie des familles et des individus était soumise à un contrôle intrusif. Par ailleurs, les aides sociales destinées aux harkis étaient utilisées pour le fonctionnement des structures. Outre les conditions de logement indignes ou très rustiques – à Bias, des personnes sont restées des mois sous des tentes, y compris l’hiver –, la tutelle et la privation de liberté constituent vraiment un préjudice très spécifique, de même que l’absence d’accès aux services publics fondamentaux, comme la santé et l’éducation.

La durée du séjour dans ces structures déterminera le niveau d’indemnisation. Je n’ai pas souhaité fixer un plancher : si on y a passé un ou deux mois, cela sera reconnu, mais pas au même niveau que si on y est resté dix ans.

Monsieur Corbière, on ne raisonnera pas par famille mais par personne – le harki et chacun de ses enfants passés par un camp.

 

Le dispositif sera complètement différent du fonds de solidarité institué en 2018 pour ces mêmes personnes, victimes de pertes de chance lourdes. Le fonds était doté de presque 35 millions d’euros sur quatre ans. Il faudra le maintenir au-delà de l’échéance de 2022, car il a eu un peu de mal à démarrer, et peut-être ensuite le pérenniser, d’une autre façon, mais cela relève d’un décret. Le fonds joue son rôle social : il permet de financer des dépenses de santé, de logement, de formation professionnelle ou d’insertion. L’indemnisation prévue dans le cadre de la réparation a une logique totalement différente. Elle ne dépendra pas de critères sociaux : elle sera ouverte à toutes les personnes qui sont passées par des structures d’accueil particulièrement indignes.

Monsieur Son-Forget, de nombreux officiers ont obtenu une reconnaissance, notamment dans les expositions consacrées aux harkis, par exemple à Ongles. Sans aller jusqu’à les comparer aux Justes, je rappelle qu’ils ont pris la responsabilité de désobéir pour secourir leurs hommes. Le général François Meyer a été décoré par le Président de la République le 20 septembre. Nous devons continuer à accorder à ces militaires une reconnaissance et à transmettre la mémoire de leurs actes.

Par ailleurs, je n’oublie pas les maires qui ont fait face dans l’urgence. Lorsqu’il a été décidé de fermer les camps, en 1975, la privation de liberté a été levée mais certaines personnes y sont demeurées, et y ont vécu dès lors dans des conditions différentes. Elles ont souvent été aidées à s’installer plus confortablement par des maires, des élus locaux. Je tiens à saluer ces personnes, qui ont agi la plupart du temps dans la discrétion. Il y a toujours, dans les histoires sombres, une part de lumière.

Monsieur Chassaigne, le rôle de l’ONACVG sera exactement celui que vous avez décrit : il n’apportera qu’un soutien technique pour l’instruction des dossiers, lesquels seront les plus simples possible. Pour effectuer sa demande, il suffira de cocher une case dans un formulaire, de justifier de son statut familial et de produire une pièce d’identité ainsi que son numéro de rapatrié – que l’Office se chargera, le cas échéant, de retrouver. Beaucoup de dossiers sont déjà prêts à être instruits. Je pense notamment aux 3 000 personnes qui ont déposé un dossier dans le cadre du fonds de solidarité : nous les connaissons bien et elles n’auront donc pas besoin, si elles font une demande de réparation, de produire d’autres pièces. Je souhaite que les choses se fassent de la façon la plus simple et la plus fluide possible. Le règlement doit donc être également simple.

Le moment est historique, comme l’a dit Olivier Damaisin, que je sais très actif dans sa circonscription – je la connais bien pour m’y être rendue à plusieurs reprises. Je mesure que, pour certains, l’attente est très forte ; pour d’autres, elle l’est moins ; enfin, beaucoup d’enfants de harkis – qui exercent des métiers tout à fait classiques, sont très bien insérés à tous les niveaux de la société et font la fierté de la République – ont toujours cette histoire douloureuse en eux, mais sont sans colère. Ils considèrent que, certes, la République a commis des manquements mais aussi qu’elle leur a permis de construire une vie équilibrée.

 

Tous les profils sociaux existent, et c’est normal. Par ce projet de loi, nous parlons à tous : toutes les personnes concernées seront reconnues et obtiendront réparation. Certaines associations estiment que nous devrions reconnaître l’ensemble des enfants de harkis venus en France, mais il faut un préjudice spécifique ; sinon, nous entrons dans une sorte de droit commun qu’il aurait été plus difficile de faire valider par le Conseil d’État. Le texte vise un préjudice spécifique important, que la République s’honorera de réparer.

Je crois avoir répondu à toutes vos questions. Nous devons nous efforcer d’adopter une approche qui ne soit pas trop technique, tout en allant au fond des choses et en faisant en sorte que cette loi soit indiscutable et ne pose pas de problème juridique.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, Madame la ministre déléguée.

Mes chers collègues, nous avons déjà franchi ce soir une belle étape républicaine. Je suis très fière de vous et de notre unanimité sur le fond. Il faut reconnaître les harkis et leurs familles – chaque Français doit comprendre qu’ils ont servi notre pays ; ils doivent être très fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils sont devenus. Certains ressentent beaucoup de souffrance ; d’autres, moins ; d’autres encore, pas du tout. Je sais quelles peuvent être la souffrance mais aussi la résilience de beaucoup de harkis – un terme qui vient du mot signifiant « mouvement » en arabe, une harka étant un groupe mobile – et de leurs familles. Il nous revient de contribuer à l’évolution de la République en examinant ce texte de réparation, qui traduit ce qu’elle a de plus beau : la fraternité.

 


 


 


 

 

 

 

 

 

III.   Examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi, mercredi 10 novembre

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous allons examiner les articles et amendements au projet de loi portant reconnaissance de la nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français. Je remercie pour sa présence Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, dont je ne doute pas que les propos éclaireront nos débats.

CHAPITRE IER

Mesures de reconnaissance et de réparation

Article 1er : Reconnaissance de la Nation et de sa responsabilité

Amendement DN19 de la rapporteure.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques DN17 de la rapporteure, DN9 de M. Charles de la Verpillière et DN15 de M. Olivier Damaisin.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. S’agissant des enjeux mémoriels que nous sommes amenés à étudier, le législateur peine parfois à trouver les mots justes pour retranscrire la terrible réalité de l’Histoire. Dans la rédaction initiale du texte, le Gouvernement a tenté d’exprimer l’attitude de l’État français, qui n’a pas su accorder aux harkis et à leurs familles toute l’attention qu’ils méritaient.

Les travaux d’écoute, de compréhension et de recueil de témoignages que nous avons menés ont révélé que le préjudice moral subi par ces anciens combattants et leur entourage allait bien au-delà d’un simple oubli ou même d’un délaissement. Le présent projet de loi vise à le reconnaître, chacun ici en conviendra. À compter de 1962, l’État français a adopté une attitude délibérée de rejet à l’endroit d’une communauté qui avait pourtant consenti à tous les sacrifices en son nom.

 

C’est donc bien un abandon qu’il s’agit de reconnaître, et non un simple délaissement. À cette fin, je propose d’inscrire au cœur du texte ce mot si lourd de sens.

M. Charles de la Verpillière. Les membres du groupe Les Républicains souhaitent substituer au mot « délaissés » le mot « abandonnés », car telle est la vérité : les harkis et leurs familles ont été abandonnés. La loi doit le dire clairement. Il s’agit de l’une des conditions de la prise de conscience, par les harkis, leurs familles et leurs descendants, du fait que la France se souvient et veut, sinon effacer – il est trop tard –, du moins atténuer leurs douleurs.

M. Olivier Damaisin. Dans son discours du 20 septembre 2021, le Président de la République a déclaré : « Aux combattants abandonnés, à leurs familles qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon, nous n’oublierons pas ». Il importe que la loi retranscrive les mots qu’il a employés.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Plusieurs présidents de la République ont officiellement reconnu l’abandon des harkis. Le président Macron, dans son discours du 20 septembre 2021, a prononcé le mot « abandon ». Le projet de loi comporte le mot « délaissés », dans le prolongement des conclusions du rapport intitulé : « Aux harkis, la France reconnaissante » du préfet Ceaux, lequel révèle une réalité protéiforme au cours de la période allant de mars à septembre 1962 et les positions fluctuantes des pouvoirs publics.

Il n’y a pas eu une décision univoque ou un choix délibéré de la France de laisser les harkis au sort funeste qui fut le leur. Il faut donc trouver un juste équilibre. Néanmoins, le mot « abandon » permet de reconnaître avec plus d’intensité les fautes commises. De surcroît, ce mot a été prononcé par plusieurs présidents de la République. J’émets un avis de sagesse bienveillante.

La commission adopte les amendements.

Amendement DN38 de la rapporteure.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Il s’agit de clarifier l’engagement de la responsabilité de l’État envers les harkis et leurs familles, en précisant qu’elle résulte de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie, et non des conditions de leur seul accueil. Peut-on en effet encore parler d’accueil quand certaines familles ont séjourné pendant plusieurs années dans des camps et des hameaux de forestage ? Par ailleurs, la substitution aux mots « des conditions indignes de l’accueil » des mots « de l’indignité des conditions d’accueil et de vie » assure la cohérence rédactionnelle des articles 1er et 2 du projet de loi.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN20 de la rapporteure.

Amendements identiques DN18 de la rapporteure, DN10 de M. Charles de la Verpilllière et DN16 de M. Olivier Damaisin.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Comme nous sommes nombreux à l’avoir observé, l’emploi des mots « ont pu » est susceptible d’être interprété de telle façon que l’alinéa 2 suggérerait que les conditions de vie des harkis, ainsi que les privations et les atteintes aux libertés individuelles qu’ils ont subies, auraient pu ne pas être source d’exclusion ainsi que de souffrances et de traumatismes durables. Je propose donc de clarifier cet alinéa afin de lever toute ambiguïté sur la portée de la reconnaissance de la responsabilité de l’État.

M. Charles de la Verpillière. À l’alinéa 2 de l’article 1er du projet de loi, il est indiqué que les « conditions de vie particulièrement précaires » ainsi que « les privations » et les « atteintes aux libertés individuelles » subis par les harkis et leurs familles « ont pu être source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables ». Les membres du groupe Les Républicains sont soucieux de nommer les choses, pour qu’il soit bien clair que la République reconnaît les préjudices très graves subis par les harkis et leurs familles. Nous proposons donc de substituer aux mots « pu être » le mot « été ».

M. Olivier Damaisin. Il s’agit de mettre le texte en conformité avec le discours du 20 septembre 2021, dans lequel le Président de la République a déclaré : « Et voilà qu’ils trouvaient dans ce pays qu’ils avaient servi, notre pays, leur pays, non pas un asile, mais un carcan, non pas l’hospitalité, mais l’hostilité, les barreaux et les barbelés, les couvre-feux, le rationnement, le froid, la faim, la promiscuité, la maladie, l’exclusion, l’arbitraire et le racisme, au mépris de toutes les valeurs qui fondent la France, au mépris du droit, au mépris de toute justice. »

Les conditions indignes de l’accueil sur le territoire français des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles hébergés dans certaines structures ont clairement été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Tout cela démontre que la langue française est complexe et précise, et que le sens d’une phrase diffère à un mot près. Les mots « ont été » permettent d’affirmer que les conditions de vie des harkis, ainsi que les privations et les atteintes aux libertés individuelles qu’ils ont subies, ont entraîné de façon certaine exclusion, traumatismes et souffrances. Le texte s’en trouve clarifié, et tout doute à ce sujet levé. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 2 : Dispositif de réparation des préjudices

Amendement DN37 de la rapporteure.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement DN38, que nous avons adopté à l’article 1er.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel DN22 de la rapporteure.

M. Charles de La Verpillière. Je tiens signaler, avant la mise aux voix de l’article 2, que le groupe Les Républicains avait déposé un amendement visant à ne pas restreindre le droit à réparation aux personnes ayant séjourné dans les structures d’accueil entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, mais à l’étendre au-delà de cette dernière date. Cette date nous semble fixer un terme trop précis et exclure toute marge d’appréciation. Notre amendement, qui visait à offrir une certaine souplesse, a été déclaré irrecevable en raison de ses conséquences financières. Dont acte. Nous n’en souhaitons pas moins que le Gouvernement prenne l’engagement, d’une façon ou d’une autre, d’examiner favorablement les demandes émanant de personnes dont le séjour dans les structures d’accueil a pris fin après le 31 décembre 1975.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. La date de fermeture du 31 décembre 1975, retenue dans le projet de loi comme borne supérieure, a été fixée en Conseil des ministres le 6 août 1975, dans le contexte de la révolte des enfants de harkis à Bias et à Saint-Maurice-l’Ardoise. En effet, la décision a alors été prise de mettre un terme à la tutelle sociale, de démanteler rapidement les camps encore ouverts de Bias et de Saint-Maurice-l’Ardoise, et d’accorder un statut aux ouvriers forestiers dans les hameaux ainsi que des aides à l’insertion aux enfants de harkis. À compter de cette date, les camps se vident de leur population et les hameaux de forestage convergent vers le droit commun, de sorte que plus rien ne les distingue de l’hébergement en cité urbaine.

Ces évolutions ont été plus ou moins rapides selon les situations. De nombreuses familles sont restées là où elles étaient, faute de pouvoir aller ailleurs. Il a fallu les accompagner pour les installer plus confortablement et améliorer leur environnement.

La commission nationale de reconnaissance et de réparation offrira un cadre d’expression à cette mémoire, dont elle fera en sorte, dans sa grande sagesse, qu’elle soit transmise et reconnue. Le choix du 31 décembre 1975 résulte de décisions politiques claires.

La commission adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 : Création d’une commission nationale de reconnaissance et de réparation

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN30 de la rapporteure.

Amendement DN33 de la rapporteure.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Nos travaux ont confirmé l’exercice de tutelles sociales et morales sur de nombreux harkis détenus dans les camps. Privés de liberté, et souvent de leur capacité individuelle à influer sur leur propre destin, ils ont subi des préjudices durables et profonds, que le présent projet de loi vise à reconnaître et à réparer. Outre les indemnités financières majeures qu’il prévoit, il possède une haute portée morale et symbolique dont nous devons être conscients.

Madame la présidente, vous qui connaissez si bien les harkis, vous rappeliez hier que le mot « harki » fait référence à un principe de mouvement. Ancrer dans le projet de loi une vision figée des harkis, de leur mémoire et du processus de réparation que nous leur consacrons serait une erreur. Les travaux menés depuis 2017 par notre majorité, sous l’impulsion conjointe du Président de la République et de Mme la ministre déléguée, ont démontré combien la connaissance et la documentation des camps dans lesquels ont vécu les harkis et leurs familles évoluent. Au demeurant, la liste arrêtée en 2018 pour la mise en œuvre du fonds de solidarité harkis a été modifiée par le décret n° 2020-153 du 4 mai 2020, qui y ajoute certains camps.

Je propose donc de renforcer le rôle de la commission nationale de reconnaissance et de réparation en lui offrant la possibilité de se fonder sur les travaux de recueil de témoignages pour proposer l’ajout de camps nouvellement identifiés dans la liste fixée par décret. Il s’agit, par ce geste, de rendre aux harkis les clés de leur propre mémoire. Cette commission doit permettre à la compréhension de l’histoire des harkis de trouver son sens dans les réalités contemporaines.

Nous ne pouvons pas nous contenter d’une conception figée de ces enjeux ; cet amendement vise à permettre aux harkis de rester en mouvement.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Cet amendement important valorise utilement le rôle de la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis. Celle-ci comprendra des historiens, à même de mettre en lumière les espaces oubliés de cette histoire – car il y en a. Il faut être modeste : les archives elles-mêmes ne permettent pas forcément de connaître tous les lieux concernés, même si un important travail mémoriel a été réalisé pour identifier les hameaux de forestage, où ont été apposées des plaques commémoratives. La liste des structures d’accueil sera fixée par décret. Mais il est utile que la commission puisse donner un avis sur des lieux dont elle considère qu’ils correspondent aux critères de l’article 2, afin qu’ils puissent être pris en compte. Avis favorable.

M. Loïc Kervran. Je salue cet amendement car, dans une question écrite, j’avais appelé votre attention, Madame la ministre déléguée, sur l’absence de prise en compte de certains sites, notamment du lotissement de Gimard, situé à proximité du camp de Bourg-Lastic. Il est juste de mentionner ces lieux oubliés, car les différences de conditions de vie dans un camp, un lotissement ou un autre lieu étaient très ténues. Il convenait donc de conférer un caractère évolutif à la liste des lieux concernés.

M. Charles de la Verpillière. Le groupe Les Républicains votera pour cet amendement. Même s’il est imparfait, il correspond à notre volonté de ne pas voir la date du 31 décembre 1975 gravée dans le marbre. L’amendement permettra d’appeler l’attention du Gouvernement sur des cas particuliers, et donc de faire évoluer les dates butoirs.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels DN26 et DN27 de la rapporteure.

Amendements DN13 de Mme Monica Michel-Brassart et DN14 de M. Olivier Damaisin (discussion commune).

Mme Monica Michel-Brassart. Il s’agit de mettre à profit le travail de terrain des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, en leur donnant la possibilité de saisir la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles, et d’y siéger avec voix consultative.

En lien étroit avec les communautés harkies du pays, les parlementaires peuvent jouer un rôle important en faisant connaître le rôle et l’action de la commission auprès d’elles, en facilitant les relations entre la commission et les harkis et en participant ainsi au travail de recueil et de transmission de la mémoire.

Il s’agit également, en prévoyant cette implication spécifique du Parlement, de rendre hommage à la mémoire de Saïd Boualam, dit le bachagha Boualam, vice-président de l’Assemblée nationale de 1958 à 1962, héros du 1er régiment de tirailleurs algériens pendant la seconde guerre mondiale, commandant de la harka de la région de l’Ouarsenis pendant la guerre d’Algérie et porte-voix des harkis, figure d’autorité pour nombre d’enfants de harkis tombés au combat en Algérie ou rapatriés en France.

 

M. Olivier Damaisin. Nous proposons que le Parlement soit représenté au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, en prévoyant qu’elle comprend un député et un sénateur.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Madame Michel-Brassart, je ne suis pas opposée à la présence de parlementaires au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation. En revanche, je ne vois pas bien ce que pourrait apporter une voix consultative, ni même une faculté de saisine. De manière plus générale, je crois que nous gagnerions à réfléchir, d’ici à la séance, à la manière dont nous pourrions préciser la composition de la liste des membres de la commission. Je sais que notre présidente travaille à un amendement qui vise à élargir cette composition. C’est pourquoi je sollicite le retrait de votre amendement, et vous invite à vous associer aux initiatives que nous prendrons en vue de la séance.

Monsieur Damaisin, pour les mêmes raisons que celles que je viens d’exposer, je vous invite à retirer votre amendement. Je n’ai aucun doute quant à la pertinence d’associer des parlementaires aux travaux de la commission nationale de reconnaissance et de réparation. Votre présence au sein du groupe de travail piloté par le préfet Ceaux l’a d’ailleurs amplement démontrée.

M. Olivier Damaisin. Je retire l’amendement DN14.

Mme la présidente Françoise Dumas. Monsieur Damaisin, non seulement cela a été un honneur que vous représentiez l’Assemblée nationale au sein de ce groupe de travail, mais nous savons combien votre contribution à sa réflexion a été précieuse, car vous incarnez de manière très précise et personnelle la cause des harkis.

M. Charles de la Verpillière. Le groupe Les Républicains prend acte avec regret du retrait de l’amendement DN14.

Nous souhaitons que le Parlement soit associé à la mise en œuvre de cette loi. Nous avions déposé un amendement visant à créer, en plus de la commission nationale à vocation technique, une commission davantage politique comprenant notamment des parlementaires et pouvant suggérer des adaptations de la loi et des dates dont nous avons déjà parlé. Cet amendement a été déclaré irrecevable au regard de l’article 40, ce que nous regrettons. En guise de repli, nous aurions volontiers voté pour l’amendement DN14. Quoi qu’il en soit, nous souhaitons que, lors de l’examen en séance, le Gouvernement propose des modalités d’association des parlementaires.

Mme la présidente Françoise Dumas. Il est en effet nécessaire de réfléchir à la composition de cette commission. C’est à nous, élus de terrain, de montrer qu’il est important que nous y soyons associés, de même que certaines collectivités territoriales.

 

M. Philippe Michel-Kleisbauer. J’estime que c’est bien à nous qu’il revient de prendre cette décision, et pas au Gouvernement.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes tous d’accord.

Mme Monica Michel-Brassart. Je retire l’amendement DN13

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je considérerai avec attention l’amendement que vous présenterez. En tout état de cause, il est parfaitement légitime que les représentants de la République participent aux travaux de la commission nationale de reconnaissance et de réparation.

Les amendements sont retirés.

Amendement DN32 de la rapporteure.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Afin de permettre à chacun de prendre connaissance des travaux de la commission nationale de reconnaissance et de réparation et de valoriser ses travaux dans le champ mémoriel, je propose qu’elle publie un rapport annuel d’activité rendant compte de son action, notamment des témoignages recueillis. La publication du résultat des travaux de la commission est par ailleurs de nature à rendre justice aux harkis et à leurs familles, en mettant fin à l’invisibilité dont ils ont si longtemps été victimes.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Cet amendement prévoit utilement la publication d’un rapport annuel d’activité de la commission nationale placée auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Bien entendu, une attention particulière devra être accordée à la restitution des auditions menées par la commission. Cette démarche s’inscrit dans la droite ligne du discours prononcé par le Président de la République le 20 septembre dernier, dans lequel la commission nationale est présentée comme une instance de supervision des témoignages des anciens membres des formations supplétives et de leurs familles. Ces témoignages, qui s’ajouteront à ceux, très nombreux, dont nous disposons déjà, seront très utiles pour la transmission de la mémoire. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement DN7 de M. David Habib.

M. David Habib. Il s’agit de rappeler qu’il doit exister une répartition stricte des compétences entre la commission nationale et les services de l’ONACVG. Vous n’êtes pas à la tête de la pire des administrations, Madame la ministre, mais nous connaissons les dérives de l’administration française.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Cet amendement vise à consolider l’indépendance de la commission nationale à l’égard de l’ONACVG, et réciproquement. Ce faisant, il tente, me semble-t-il, d’apaiser les inquiétudes exprimées par certaines associations, qui craignent une forme de confusion des genres. Mais la rédaction actuelle du projet de loi me semble apporter les garanties nécessaires en la matière. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Il est très clairement indiqué, dans le projet qui vous est soumis, que la commission nationale de reconnaissance et de réparation est indépendante. Mais elle a besoin des services de l’ONACVG pour instruire les dossiers, qu’il s’agisse des services départementaux de proximité ou, surtout, du département de la reconnaissance et la réparation, situé à Caen, qui sera chargé d’accélérer l’instruction des dossiers, notamment en aidant ceux qui ne la détiendraient pas à établir la preuve du séjour dans les camps.

Il s’agit bien d’un support technique, et pas du tout d’un mélange des genres. Les décrets d’application préviendront tout doublon : il y a bien une entité indépendante, qui peut s’appuyer sur l’administration pour les questions techniques. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement DN2 de M. David Habib.

M. David Habib. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’évaluation du coût financier et humain, pour l’ONACVG, de la mise en œuvre de ce dispositif d’aide. C’est une demande des plus classiques. Elle relève du bon sens ; c’est la raison pour laquelle je ne retirerai pas cet amendement.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Je comprends votre préoccupation et notre rôle est de veiller à ce que l’office dispose des moyens de mener à bien ses missions. Il nous appartiendra d’ailleurs – à nous députés ou à nos successeurs – de contrôler l’application de cette loi, contrôle qui ne saurait se limiter à une vérification de la parution des textes réglementaires. J’émettrai un avis semblable sur deux autres amendements : ne privons pas le Parlement de ses compétences en matière de contrôle et d’évaluation. Notre commission pourra parfaitement conduire les travaux d’évaluation qu’elle souhaite, à commencer par l’audition de la directrice générale de l’ONAC-VG.

Nous l’avons d’ailleurs entendue la semaine dernière, et je l’ai, pour ma part, auditionnée avant-hier. Je l’ai évidemment interrogée sur l’impact des dispositions du projet de loi sur l’office, d’autant qu’il est fait mention, dans l’étude d’impact, du recrutement de quatre personnes pour traiter jusqu’à 50 000 dossiers. La directrice générale – qui m’a indiqué qu’en fait, six personnes seraient recrutées – ne paraît pas inquiète, le département de la reconnaissance et la réparation et les services de l’action sociale, situés à Paris, lui paraissant capables de remplir ces nouvelles missions. Il nous appartiendra de nous en assurer dans les prochains mois.

Je ne suis pas favorable aux amendements demandant des rapports. Avis défavorable, donc, puisque vous avez annoncé que vous ne retireriez pas l’amendement.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Le Parlement dispose de nombreux outils pour exercer sa mission de contrôle.

Il pourra étudier l’utilisation des crédits à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement, sachant que le Gouvernement a prévu de doter de 50 millions d’euros le programme 169 en 2022, afin de financer le démarrage des indemnisations. Le projet de loi de finances vous conduit par ailleurs à discuter chaque année des moyens de l’ONAC-VG. En outre, l’amendement annoncé pour la séance publique pourrait prévoir la présence de parlementaires au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis. Enfin, votre commission a toute latitude pour créer une mission d’information, le cas échéant.

Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable, non pas que je sois défavorable à l’information des parlementaires – bien au contraire –, mais ils ont déjà de nombreux outils d’évaluation à leur disposition.

Quant à l’ONAC-VG, il devra, comme l’a dit Mme la rapporteure, recruter des personnels supplémentaires pour instruire les dossiers. Tout cela est minutieusement prévu ; du reste, le plafond d’emplois de l’office n’est pas atteint.

M. Charles de la Verpillière. La discussion de cet amendement, comme celle du précédent, met en évidence un problème, Madame la ministre. Notre souhait, dont je pense qu’il rejoint le vôtre – je ne vous fais aucun procès d’intention –, est que cette commission nationale ne soit pas seulement une commission technique placée dans la mouvance de l’ONAC-VG. C’est la raison pour laquelle nous souhaiterions que des parlementaires en soient membres et qu’un rapport soit remis au Parlement. Il faut que celui-ci soit associé d’une manière ou d’une autre à la mise en œuvre de cette loi. Pour l’instant, le texte proposé est imparfait. Nous souhaitons donc que des améliorations y soient apportées d’ici au vote final.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Je tiens à vous rassurer, monsieur de la Verpillière : aux termes de l’amendement DN32 que nous venons d’adopter, la commission nationale de reconnaissance et de réparation publiera un rapport annuel d’activité. Votre demande me semble donc satisfaite.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Si je saisis bien les débats, il y a deux questions distinctes. La première est de savoir si l’ONAC-VG disposera de moyens matériels et humains suffisants pour instruire les dossiers et jouer un rôle de facilitation des démarches administratives. Cette nouvelle mission n’est pas intégrée à ce stade dans son contrat d’objectifs et de performance, mais nous avons l’assurance qu’il pourra l’accomplir. Rappelons que, sans l’Office, nous n’aurions pas la capacité d’instruire les dossiers de façon utile et rapide.

La deuxième question concerne le travail de la commission, qui bénéficiera de l’appui technique de l’ONAC-VG mais sera indépendante de celui-ci. En vertu de l’amendement DN32 que vous venez d’adopter, elle présentera un rapport d’activité qui portera tant sur le volet réparation que sur l’aspect mémoriel. Ce rapport sera public et sera adressé en priorité à votre commission. Selon moi, cela répond tout à fait à la demande que vous formulez.

En outre, les discussions budgétaires seront l’occasion de faire le point sur l’exécution de cette mission et sur les éventuelles décisions à prendre pour que celle-ci soit assurée dans les meilleures conditions.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. En ma qualité de rapporteur pour avis des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, j’ai auditionné, comme chaque année, la directrice générale de l’ONAC-VG. Elle a vivement souhaité que la commission calque son travail sur celui de l’Office, tant celui-ci a une expertise aboutie dans ce domaine. Autrement dit, l’ONAC-VG demande à être intégré dans le processus, de manière à en garantir pleinement l’efficacité et la transparence. Nul doute que mon successeur ou ma successeure évaluera son travail. Si un manque venait à apparaître, nous serions amenés, en tant que décisionnaire budgétaire, à corriger la trajectoire.

M. Olivier Damaisin. Dans le cadre de la préparation de l’examen de ce projet de loi, nous avons-nous aussi auditionné, jeudi dernier, la directrice générale de l’ONAC-VG. Je lui ai demandé si elle disposerait du personnel suffisant pour l’instruction des dossiers et si l’état des archives lui semblait satisfaisant – sachant que je suis depuis un certain temps les activités de l’ONACVG dans le cadre de mes travaux sur les harkis. Elle a donné une réponse positive sur les deux points.

M. Christophe Blanchet. J’ai quant à moi rencontré les agents du centre d’appels de l’ONACVG, qui se trouve à Caen, dans le département où je suis élu. Ils sont déjà débordés d’appels, mais ne sont pas submergés. À ce stade, le projet de loi n’ayant pas encore été adopté, ils n’ont pas de réponses précises à donner aux harkis et à leurs familles. En tout cas, ils gèrent la situation, et je ne doute pas qu’ils seront capables de répondre aux attentes le moment venu.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. J’avais moi aussi interrogé la directrice générale de l’ONACVG pour savoir si quatre agents supplémentaires suffiraient. Elle nous a rassurés : outre ces quatre personnes affectées à Caen, deux seront chargées, à Paris, du paiement des indemnités.

En outre, Mme la ministre déléguée l’a indiqué hier, un certain nombre d’intéressés sont déjà enregistrés auprès de l’ONACVG en tant que bénéficiaires des aides de solidarité. L’Office pourra s’assurer, par une simple lettre, que leurs coordonnées postales et bancaires n’ont pas changé. Sous réserve qu’ils remplissent le formulaire, ils pourront toucher leur indemnité rapidement, après que le texte aura été adopté.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement DN8 de Mme Isabelle Santiago.

 

Article 4 (art. L. 611-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) : Nouvelles missions de l’ONAC-VG en faveur des harkis, des personnes assimilées et de leurs familles

La commission adopte successivement les amendements DN23, rédactionnel, et DN36, de cohérence rédactionnelle, de la rapporteure.

Amendement DN34 de la rapporteure.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. La rédaction actuelle de l’article 4 laisse entendre que les petits-enfants de harkis pourraient avoir accès à des dispositifs d’aide spécifiques. Or tel n’est pas le cas, puisqu’ils sont éligibles uniquement aux aides de droit commun, par exemple les bourses ou le dispositif « 1 jeune, 1 solution ». L’amendement vise à clarifier la rédaction sur ce point.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 4 modifié.

 

Article 5 (art. 81 du code général des impôts) : Exonération fiscale

La commission adopte successivement les amendements DN24, rédactionnel, et DN40, de cohérence rédactionnelle, de la rapporteure.

La commission adopte l’article 5 modifié.

 

Article 6 (art. L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale) : Exonération sociale

La commission adopte successivement les amendements DN25, rédactionnel, et DN39, de cohérence rédactionnelle, de la rapporteure.

La commission adopte l’article 6 modifié.

 

 

CHAPITRE II

MESURES D’AIDE SOCIALE

 

Article 7 (art. 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016) : Ajustement du dispositif de l’allocation viagère

La commission adopte l’amendement rédactionnel DN31 de la rapporteure.

M. Loïc Kervran. Le groupe Agir ensemble votera pour l’article 7, qui tend à résoudre une grande difficulté à laquelle étaient confrontées les veuves de harkis sollicitant le bénéfice de l’allocation viagère instituée par la loi de finances pour 2016. Le délai de forclusion fixé dans cette loi était extrêmement court, ce qui a conduit au refus d’un certain nombre de dossiers. Il fallait que le législateur répare ce qu’il avait fait en 2015. Nous vous avions interrogée à ce sujet en mars 2020, Madame la ministre déléguée. Je remercie le Gouvernement d’avoir inscrit ces dispositions dans le projet de loi, dès sa version initiale. C’est un point très important pour les veuves.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Nous profitons effectivement de ce projet de loi pour supprimer deux sources d’irritation majeures : le délai de forclusion d’un an à compter du décès – si le dossier était déposé au bout d’un an et un jour, il était rejeté – et l’impossibilité de verser l’allocation viagère aux conjoints résidant hors de France, ce qui concerne notamment près de vingt-cinq personnes en Allemagne. J’ai toujours travaillé avec le souci de l’équité, et nous revenons là sur deux mesures assez injustes.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Je vous remercie vivement pour cette initiative, Madame la ministre déléguée. Comme plusieurs d’entre nous, j’ai reçu dans ma permanence des harkis ou représentants de harkis, notamment M. Félix Bouzaboune. Il soutient depuis longtemps quatre-vingt-six veuves qui ont été victimes de cette forclusion, pour une raison toute simple : analphabètes, elles n’ont pas eu accès à l’information. En rouvrant le délai, nous permettrons la résorption de ces dossiers et récompenserons les efforts et la ténacité de ceux qui ont dignement défendu la cause de ces veuves.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. En outre, nous étendons le bénéfice de l’allocation aux veuves des personnels assimilés aux membres des formations supplétives. C’était déjà le cas en pratique, mais nous renforcerons la sécurité juridique du dispositif.

La commission adopte l’article 7 modifié.

 

 

Titre

Amendement DN35 de la rapporteure.

Mme Patricia Mirallès, rapporteure. Afin d’améliorer la rédaction et la visibilité du titre, je propose de le libeller ainsi : « Projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français ».

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je suis toujours favorable à la clarification et j’approuve ce nouveau titre.

La commission adopte l’amendement.

M. André Chassaigne. Au nom de l’ensemble du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je voterai pour le projet de loi, d’autant que nous avons adopté des amendements pertinents à l’initiative de la rapporteure. Il conviendrait néanmoins de clarifier sa rédaction en ce qui concerne les attributions respectives de l’ONAC-VG et de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, notamment le pouvoir de décision et le rôle de pilotage confiés à celle-ci. D’autres collègues ont formulé des observations à ce sujet, et j’aurais volontiers voté pour l’amendement DN7 que David Habib a retiré. Il faudrait améliorer le texte sur ce point d’ici à la séance publique.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous allons nous y employer.

M. Charles de la Verpillière. Le groupe Les Républicains salue ce projet de loi, auquel il est bien entendu favorable dans son principe. Nous avons toutefois deux réserves.

La première concerne la période pour laquelle le droit à réparation est ouvert, fixée du 20 mars 1962 au 31 décembre 1975. Nous aurions souhaité plus de souplesse. Nous attendons à ce sujet les propositions que Mme la ministre déléguée s’est dite prête à nous soumettre.

La deuxième réserve porte sur les pouvoirs de la commission qui sera chargée d’examiner les demandes. Le texte devrait indiquer clairement qu’elle est indépendante de l’ONAC-VG. Nous souhaiterions en outre que lui soit adjointe une commission à caractère plus politique, comprenant des parlementaires. Il faut que le Parlement soit impliqué d’une façon ou d’une autre dans la mise en œuvre de la loi. Nous attendons là aussi les éventuelles ouvertures évoquées par Mme la ministre déléguée et Mme la rapporteure.

 

Notre souhait est de pouvoir voter en faveur du projet de loi à l’issue de sa discussion en séance publique. Au stade de la commission, et dans l’attente des précisions demandées, nous nous abstiendrons.

M. David Habib. Comme Charles de la Verpillière, nous souhaitons que le rôle du Parlement soit réaffirmé et que les relations entre la commission nationale de reconnaissance et de réparation et l’ONACVG soient clarifiées. Néanmoins, j’ai dit hier combien le groupe Socialistes et apparentés – et notamment Olivier Faure – est attaché à ce que ce texte aboutisse. Nous voterons donc pour le projet de loi dès le stade de la commission.

Toutefois, nous aimerions aboutir à une unanimité apaisée, non forcée. Il faut que vous puissiez prendre en compte nos propositions. Ayez confiance dans le Parlement – au bout de cinq ans, cela devrait être possible ! Il peut être un acteur positif, non un empêcheur de tourner en rond.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous contribuerons tous à cette unanimité par les propositions que nous avons faites et par celles que nous formulerons en vue de la séance, Monsieur Habib.

M. Olivier Damaisin. Le groupe La République en marche est pleinement favorable au projet de loi. Depuis 2017, nous avons montré notre détermination à soutenir la cause des harkis, répondant ainsi à un engagement du Président de la République. Mme la ministre déléguée, notamment, a été très présente sur le terrain.

Je me réjouis du vote de mes collègues de tous bords. Mme la rapporteure l’a dit hier : nous vivons un moment historique. Ce sujet ne doit pas donner lieu à un clivage politique. Nous ne sommes pas là pour trahir nos amis harkis : ils l’ont suffisamment été.

Mme la présidente Françoise Dumas. Il faut reconnaître que les prises de position de la commission de la défense sont assez souvent consensuelles…

M. Loïc Kervran. Le groupe Agir ensemble votera en faveur du projet de loi. Au-delà des mesures financières, qu’il ne faut pas négliger, je salue le travail réalisé sur les mots, en particulier par Mme la rapporteure. Lors de son allocution, le Président de la République en avait choisi certains, qui sont très importants pour la communauté harkie. Le législateur les reprend aujourd’hui. Les amendements que nous avons examinés montrent l’attention que nous portons à ce que les choses soient nommées le plus justement possible.

Ce texte nous ferait honneur, s’il ne venait pas réparer un déshonneur aussi grand.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je partage votre point de vue, cher collègue.

 

Mme Josy Poueyto. Le groupe Démocrates votera pour le projet de loi. Je rejoins David Habib dans sa recherche d’une unanimité apaisée. Je ne doute pas de notre volonté commune de l’atteindre ; soyez en tout cas certains que, pour notre part, nous nous y efforcerons.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je me réjouis de la qualité de nos débats et de la compréhension des enjeux liés à l’expression de la reconnaissance de la nation envers les harkis. Ceux-ci sont avant tout des anciens combattants, qui ont tout le temps été aux côtés de la France, dans des conditions épouvantables, et leurs familles en ont subi les conséquences.

En tant que Gardoise, je sais l’importance que revêt cette question pour nos concitoyens qui continuent à subir quotidiennement dans leur chair et dans leur esprit les conséquences des dommages et des humiliations qu’ils ont subis. Nous devons essayer de réparer cela, comme le Président de la République l’a voulu. Mme la ministre déléguée s’emploie depuis plusieurs années à ce que ce travail de reconnaissance mémorielle aboutisse et qu’il s’accompagne de la prise en compte des difficultés que chacun et chacune a pu rencontrer.

Je remercie Mme la rapporteure pour le travail qu’elle a réalisé.

Chers collègues, j’espère que votre présence lors de l’examen en séance, le 18 novembre, donnera une belle image de mobilisation républicaine, au service de nos anciens combattants harkis.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.


—  1  —

   Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

● Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère des Armées ;

● Mme Evelyne Piffeteau, sous-directrice de la mémoire combattante et M. Maurice Bleicher, adjoint au chef de bureau du monde combattant et des commémorations, représentant la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère des Armées ;

Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) ;

● Table ronde des associations de harkis et de rapatriés réunissant :

     M. André Azni, président de l’association « Les harkis et leurs amis » ;

     M. Salah Bellouti, président national de l’Union nationale des enfants d’anciens combattants français musulmans (UNEACFM) ;

     Mme Yamina Chalabi, co-présidente de l’Association des rapatriés anciens combattants d’Afrique du Nord (ARACAN) ;

     M. Karim Derbab, vice-président de l’Association Justice Information Réparation (AJIR) pour les harkis Grand-Est ;

     M. Slimane Djera, président du collectif des associations de la communauté harkie d’Aix et du pays d’Aix ;

     Mme Jeannette Driss, secrétaire générale de la Fédération nationale pour la reconnaissance des harkis (FNRH), membre du conseil national d’AJIR France (déléguée Occitanie) ;

     M. Sharif Gargat, président de l’association « La France de demain » ;

     M. Ahmed Goudjil, président de l’Amicale des anciens de la force de police auxiliaire et du comité restreint harkis en Île-de-France ;

     M. Messaoud Guerfi, président de l’Union nationale des harkis (UNH) ;

     M. Yahiaoui Harkati, vice-président de l’association « Les fils et les filles de Harkis » ;

     Mme Fatma Kefif, présidente déléguée de l’Union nationale des anciens combattants français musulmans et leurs enfants (UNACFME), représentant M. Aziz Meliani ;

     M. Khaled Klech, président de la fondation « Les ami(e)s d’Abdelkrim Klech » ;

     M. Merzak Labandji, président de l’association des anciens supplétifs d’Algérie ;

     Mme Louisa Mameri, présidente de l’association « Défense des intérêts des Français musulmans rapatriés d’Algérie et de leurs enfants (DIFMA) ;

     Mme Zekira Messaoudi, présidente de l’Union nationale des veuves et enfants de harkis anciens combattants (UNVEHAC), accompagnée de M. Michel Lacout ;

     M. Djelloul Mimouni, président de l’association AJIR 66 pour les harkis ;

     Mme Fatima Rubio-Mokrani, présidente de l’Association de coordination jeunesse harkie ariégeoise ;

     M. Mohand Saci, président de l’Association des résidents des cités Astor et Paloumet du Camp de Bias (ARCAP)

     M. Idir Saci, délégué de l’ARCAP et du Comité national de liaison des harkis (CNLH) dans les Pyrénées-Atlantiques ;

     Mme Khadra Safrioune, présidente de l’Association des harkis, des rapatriés d’Algérie et de leurs enfants de l’Aube et de la Bourgogne (AHRAEAB) ;

     M. Djillali Sahlaoui, président de l’association « Francs-Comtois rapatriés toutes générations » (FCRTG), vice-président Nord du Fonds de dotation pour la mémoire harkie (FMH) ;

     M. Nasser Sahour, président de l’association « Harkis, honneur, histoire » (3H) ;

     Mme Nadia Viviani, présidente de l’association « Citoyens français harkis du Cher ».

 

 


([1])  Les comptes rendus vidéo de ces auditions sont accessibles sur le site internet de l’Assemblée nationale, à partir de ce lien.

([2])  Donnée consolidée en 1968, lors du recensement, qui a permis de comptabiliser près de 138 000 rapatriés français « musulmans » : anciens supplétifs, mais aussi notables, fonctionnaires, soldats algériens de l’armée française, civils et leurs familles. Soit plus de 80 000 pour les familles d’anciens supplétifs et 55 000 Français musulmans d’autres catégories.

([3])  Pour une description précise des mesures contenues dans ces différents plans, voir l’étude d’impact annexée au projet de loi, accessible à partir de ce lien.

([4])  L’allocation de reconnaissance peut être versée selon deux modalités : une option 1 correspondant au versement d’une rente annuelle, d’un montant de 4 187 euros au 1er octobre 2020 (montant identique à celui de l’allocation viagère) ; une option 2 correspondant au versement d’une rente annuelle diminuée, d’un montant de 3 044 euros au 1er octobre 2020, après le versement initial d’un capital. 

([5])  Décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d’aide à destination des enfants d’anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés.

([6]) Loi n°74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

([7]) Loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie.

([8]) Loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution à l’expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l’expression « à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc »

([9])  Décret du 31 mars 2003 instituant une Journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives.

([10])  Message de M. Jacques Chirac, Président de la République, à l’occasion de la Journée d’hommage national aux Harkis, à Paris, le 25 septembre 2001, accessible à partir de ce lien.

([11])  Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

([12]) Discours de Jacques Chirac, le 5 décembre 2002, à l’occasion de l’inauguration du Mémorial national des guerres d’Afrique du Nord ; discours de M. Nicolas Sarkozy, le 14 avril 2012, évoquant les télégrammes de Pierre Messmer et Louis Joxe de 1962 par lesquels ils donnaient l’ordre de ne pas procéder au rapatriement des harkis et de leurs familles ; discours de M. François Hollande, le 25 septembre 2016, à l’occasion de la Journée nationale d’hommage.

([13])  « Aux harkis, la France reconnaissante », rapport du groupe de travail piloté par le préfet Dominique Ceaux, juillet 2018 (p.46).

([14]) Conseil d’État, 10ème - 9ème chambres réunies, 3 octobre 2018, 410611.

([15]) Discours du Président de la République à l’occasion de la réception consacrée à la mémoire des harkis, 20 septembre 2021, accessible à partir de ce lien.

([16]) Rapport précité, p.125.

([17]) Loi n°87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l’indemnisation des rapatriés et loi du 11 juin 1994 précitée.

([18]) Loi n°99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999.

([19]) Loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 et loi du 23 février 2005 précitée.

([20]) Loi du 11 juin 1994 précitée et loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([21]) Circulaire du 11 octobre 1991 relative à la politique d’intégration en faveur des rapatries d’origine nord-africaine.

([22]) Loi du 11 juin 1994 précitée.

([23]) Décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d’aide à destination des enfants d’anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés.

([24]) Décret n° 2020-513 du 4 mai 2020 modifiant le décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018.

([25]) Loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics.

([26]) Dans « l’affaire Tamzount », l’État avait manqué d’opposer la prescription.

([27]) Décision n°2010-2 QPC du 11 juin 2010.

([28]) Décision du Conseil d’État du 3 octobre 2018 précitée.

([29]) Devenu le Bureau central des rapatriés (BCR) depuis son rattachement à l’ONAC-VG.

([30]) Décret n° 2020-513 du 4 mai 2020 modifiant le décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018 instituant un dispositif d'aide à destination des enfants d'anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local et assimilés.

([31]) Rapport final de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, sous la direction de M. Jean-Marc Sauvé, rendu public le 5 octobre 2021. Accessible à partir de ce lien.

([32]) Prévue par l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

([33])  Arrêté du 16 novembre 2020 fixant à compter du 1er octobre 2020 le montant de l’allocation viagère définie par l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([34]) Projet annuel de performance de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » annexé au projet de loi de finances pour 2022. La ministre déléguée ayant annoncé le doublement du montant de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère, le coût annuel augmentera de manière proportionnelle.